Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte Nyssa Lamont Fouad Laroui, “Le jour où Malika ne s’est pas mariée”: Comparaison des traductions en néerlandais et en italien Masterproef voorgedragen tot het behalen van de graad van Master in het Vertalen 2014 Promotor Prof. Dr. Désirée Schyns Vakgroep Vertalen Tolken Communicatie

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Fouad Laroui's humorous style translationcomparison

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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte

Nyssa Lamont

Fouad Laroui, “Le jour où Malika ne

s’est pas mariée”: Comparaison des

traductions en néerlandais et en italien

Masterproef voorgedragen tot het behalen van de graad van

Master in het Vertalen

2014

Promotor Prof. Dr. Désirée Schyns

Vakgroep Vertalen Tolken Communicatie

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier notre directrice de mémoire, Prof. Dr. Désirée Schyns, pour ses conseils

professionnels lors de la rédaction de notre mémoire. Sa grande passion et son incroyable

enthousiasme pour la traduction nous a vraiment donné envie de rédiger ce mémoire.

Nous sommes aussi très reconnaissante envers le bibliothécaire de la bibliothèque de Mercator de

l’Université de Gand, qui nous a toujours patiemment aidée à trouver les documents nécessaires.

Notre gratitude s’adresse également à nos parents, qui nous ont donné l’occassion de poursuivre

nos études.

Un grand merci, finalement, à nos amis et à notre frère pour leur patience à toute épreuve et à

Dieter Dupont, qui était toujours prêt à nous aider.

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TABLE DES MATIÈRES

1. INTRODUCTION ........................................................................................................................ 5

2. MULTILINGUISME ................................................................................................................... 6

3. LE JOUR OÙ MALIKA NE S’EST PAS MARIÉE .................................................................... 9

3.1. AUTEUR............................................................................................................................... 9

3.1.1. Vie .................................................................................................................................. 9

3.1.2. Carrière littéraire .......................................................................................................... 10

3.1.3. Langue .......................................................................................................................... 10

3.1.4. Style ............................................................................................................................. 11

3.2. LIVRE ................................................................................................................................. 12

3.2.1. Résumé ......................................................................................................................... 12

3.2.2. Thèmes ......................................................................................................................... 12

3.3. TRADUCTEURS ................................................................................................................ 14

3.3.1. Frans van Woerden ...................................................................................................... 14

3.3.2. Cristina Vezzaro ........................................................................................................... 15

4. COMPARAISON DES TRADUCTIONS ................................................................................. 16

4.1. MÉTHODOLOGIE ............................................................................................................. 16

4.2. DIALOGUE ........................................................................................................................ 17

4.2.1. Langue parlée ............................................................................................................... 17

4.2.2. Multilinguisme ............................................................................................................. 20

4.2.2.1. Éléments arabes………………………………………………………………….20

4.2.2.2. Éléments anglais…………………………………………………………………25

4.2.2.3. Éléments latins…………………………………………………………………...29

4.2.2.4. Éléments espagnols………………………………………………………………31

4.3. IRONIE ............................................................................................................................... 31

4.3.1. Cadre théorique ............................................................................................................ 31

4.3.2. Traduction néerlandaise ............................................................................................... 34

4.3.3. Traduction italienne ..................................................................................................... 36

4.4. INTERTEXTUALITÉ ........................................................................................................ 38

4.4.1. Cadre théorique ............................................................................................................ 38

4.4.2. Traduction néerlandaise ............................................................................................... 40

4.4.3. Traduction italienne ..................................................................................................... 44

5. CONCLUSION .......................................................................................................................... 46

6. BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 50

6.1. Ouvrages et revues .............................................................................................................. 50

6.2. Dictionnaires ....................................................................................................................... 51

6.3. Sites web ............................................................................................................................. 51

7. ANNEXES…………………………………………………………………………………….54

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I. Tableaux comparatifs………………………………………………………………………54

II. Glossaire: De dag dat Malika niet trouwde………………………………………………. 66

III. Glossaire: L'esteta radicale………………………………………………………………...67

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1. INTRODUCTION

Ce mémoire vise à faire une comparaison des traductions en néerlandais et en italien de Le jour

où Malika ne s’est pas mariée, un recueil de nouvelles écrit par Fouad Laroui. Si l’auteur est

d’origine marocaine, il écrit en français et en néerlandais. Son écriture se caractérise par une

forme de multilinguisme : le roman français Le jour où Malika ne s’est pas mariée, paru en 2009,

est truffé d’arabe, d’anglais, de latin et d’espagnol.

Tout d’abord, nous offrons un cadre théorique dans lequel s’inscrit cette étude. Après une

présentation de l’auteur, du livre est des deux traducteurs, nous tenterons d’analyser le roman en

se concentrant sur trois aspects : le dialogue, l’ironie et l’intertextualité. Nous analyserons les

caractéristiques du dialogue dans le roman, en particulier la langue parlée et le multilinguisme.

Notre but est de comprendre l’aspect multilingue du roman, en déterminant sa fonction, et de

regarder comment le multilinguisme dans le texte de Laroui est rendu dans la traduction

néerlandaise de Frans van Woerden (De dag dat Malika niet trouwde) et dans celle en italien de

Cristina Vezzaro (L’esteta radicale). Quelles sont les différences dans leurs approches et leurs

stratégies de traduction? Il y aura sans aucun doute des différences de stratégies, étant donné que

les traductions sont destinées à deux publics cibles différents.

À part le dialogue et le multilinguisme, D’autres aspects typiques de l’écriture de Fouad Laroui

seront analysés, à savoir l’ironie et l’intertextualité : comment ces phénomènes fonctionnent-ils

dans le roman et comment sont-ils traduits ? Il est à noter que ces aspects sont extrêmement

complexes à identifier et à traduire, parce qu’ils sont tous les deux en rapport avec l’interprétation

et la compréhension, donc l’herméneutique.

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2. MULTILINGUISME

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde globalisé où différentes cultures se rencontrent. Grâce à

la mondialisation, « les populations se mélangent, les frontières s’effacent et les littératures se

diversifient au rythme des migrations » (Stratford, 2008, p. 459). Si les langues nationales

existent toujours et officiellement les nations sont monolingues, il n’existe plus de nation qui n’a

qu’une culture homogène et qu’une seule langue nationale. La Belgique, par exemple, est un pays

trilingue, mais la Flandre est monolingue. La situation et la politique langagières se sont donc

particulièrement complexifiées. Meylaerts (2006) confirme que le monolinguisme appartient

définitivement au passé, ce qui a évidemment des conséquences dans des domaines différents. Ce

qui nous intéresse, c’est le domaine de la littérature et surtout de sa traduction : comment est-ce

qu’on traduit des textes (romans et nouvelles) multilingues ?

Tout d’abord, il faut savoir ce qu’on entend par « multilinguisme ». Pour expliquer ce concept,

nous partons du terme « hétérolinguisme », qu’a introduit Grutman (1997), ou bien « la présence

dans un texte d’idiomes étrangers, sous quelque forme que ce soit, aussi bien que de variétés

(sociales, régionales ou chronologiques) de la langue principale » (p. 37). Ce concept est en

quelque sorte basé sur le terme de Bakhtin (1981), « heteroglossia », qui renvoie à « the social

diversity of speech styles within one and the same language » (cité dans Meylaerts, 2006, p. 4). Il

en va sans dire que la traduction d’un tel texte multilingue posera un grand défi pour le

traducteur : Qu’est-ce qu’il fait avec ces « idiomes étrangers » et ces « variétés sociales et

régionales de la langue »? Dans ce contexte, il est également important de savoir que la

traductologie a développé de nouvelles idées en ce qui concerne la traduction, qui était longtemps

considérée comme la transposition complète d’une seul langue source vers une seule langue

cible, en partant donc de l’idée que ces deux langues sont monolingues et que le public est

monolingue. Aujourd’hui cette vision est totalement périmée : la traduction est un processus

interculturel qui n’est jamais complètement monolingue (Meylaerts, 2006, p. 5). La traductologue

Hélène Buzelin (2006) de l’université de Montréal parle même de la « traduction intra-

nationale où la distinction entre les cultures est très vague et où les rôles de l’auteur et du

traducteur se recouvrent » (p. 6). Au Canada, par exemple, il existe une traduction intra-nationale

du français, la langue véhiculaire du Québec, en anglais, la langue officielle du reste du pays et

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des États-Unis avoisinants. L’écrivaine québécoise Marie-Claire Blais illustre très bien la notion

de la « traduction intra-nationale » : ses romans français canadiens ont été traduits en anglais pour

le marché canadien et américain, ce qui lui a permis d’acquérir une visibilité internationale

(Meylaerts, 2006, p. 7).

Certains chercheurs ont apporté une contribution importante à l’étude de la traduction de textes

multilingues. Buzelin, par exemple, a traduit The Lonely Londoners de Samuel Selvon, un roman

anglais truffé de créole trinidadien et de cockney. Dans un de ses articles, Buzelin (2006) décrit

comment elle a entamé la traduction de ce livre ; c’était donc une recherche purement pratique.

Le but de cette étude de cas était de mettre en avant des problèmes que d’autres théoriciens n’ont

pas encore abordés afin de revoir les théories de traduction déjà existantes ou bien d’élaborer de

nouveaux modèles. Concrètement, elle veut démontrer que la traduction d’un texte littéraire

multilingue « exige des prises de position allant bien au-delà du choix entre le travail sur la lettre

/ foreignizing ou la traduction ethnocentrique / domesticating ». Avec sa recherche, Buzelin

(2006) invite les traductologues à « concevoir le processus de traduction selon une perspective

moins binaire » (p. 91). Pour traduire The Lonely Londoners, Buzelin a adopté la stratégie de

« réécriture » : En parcourant la littérature de la Caraïbe, elle a pu ressortir certains termes,

expressions, figures de style et constructions syntaxiques ou tournures rhétoriques qui sont

caractéristiques des langues créoles. À l’aide de ces caractéristiques communes, elle a tenté de

« recréer la polyphonie » du texte source. Cette approche exige beaucoup de préparation et de

connaissance de toutes les langues du texte et des différents espaces et traditions culturels des

personnages.

Une autre étude de cas est celle de Jolien Verheyden (2012), qui a analysé deux traductions d’

Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma, un auteur qui écrit en français, mélangé de pidgin

et malinké. Dans son mémoire, Verheyden compare les stratégies de traduction appliquées par

deux traducteurs, Mirjam De Veth en néerlandais et Daniel Alcoba en espagnol. Elle a constaté

que ces deux traducteurs ont une stratégie bien différente : « le traducteur espagnol est resté plus

fidèle au texte source et il a traduit plus littéralement que la traductrice néerlandaise ». De Veth

est « restée moins proche de l’original », elle a donc traduit le texte plus librement (Verheyden,

2012, p. 45). Mais les traducteurs n’ont certainement pas homogénéisé leurs traductions : ils ont

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repris la plupart des mots étrangers, donc le caractère multilingue du livre a été conservé dans les

traductions. Verheyden a analysé l’approche des traducteurs : De Veth ajoute par exemple

quelques termes plurilingues pour compenser des pertes dans sa traduction.

Il est à noter que les études de Buzelin et de Verheyden ne permettent pas d’établir des stratégies

qui valent pour tous les textes multilingues. Elles servent surtout à mieux comprendre comment

fonctionne le phénomène du multilinguisme dans un texte, afin d’être capable de traduire un tel

texte. Voilà pourquoi nous avons choisi d’étudier un nouveau cas : Le jour où Malika ne s’est pas

mariée de Fouad Laroui. Notre objectif est d’analyser les éléments multilingues dans ce roman et

également dans sa traduction en néerlandais et en italien. De cette façon, il sera possible de les

comparer : nous partons de l’hypothèse que ces deux traductions présenteront des différences,

étant donné qu’elles sont destinées à un tout autre public.

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3. LE JOUR OÙ MALIKA NE S’EST PAS MARIÉE

Avant d’analyser Le jour où Malika ne s’est pas mariée et de comparer ses traductions, nous

présenterons d’abord l’auteur du livre. Nous fournissons plus d’informations sur sa vie

personnelle, une vie qu’on pourrait appeler « nomade » qui a sans aucun doute influencé son

œuvre, sa langue et son style. Ensuite, nous présenterons brièvement le livre et ses thèmes, et

pour finir, nous abordons la vie professionnelle des deux traducteurs.

3.1. AUTEUR1

3.1.1. Vie

Fouad Laroui est né en 1958 à Oujda, une ville situé au nord-est du Maroc. À l’âge de dix ans, il

fréquente le prestigieux Lycée Lyautey, un lycée français à Casablanca, et puis, il fait des études

d’ingénieur à l’Ecole nationale des ponts et des chaussées à Paris. Après, il retourne au Maroc et

travaille pour cinq ans dans l’Office chérifien des phosphates à Khouribga. En 1989, il part de

nouveau pour l’Europe et il obtient un doctorat en sciences économiques à l’université de York.

Ensuite, il s’installe à Amsterdam où il enseigne à l’université l’économétrie et les sciences de

l’environnement. Après avoir donné des cours de culture arabe, il enseigne aujourd’hui la

littérature française et francophone dans la capitale des Pays-Bas qu’il aime pour sa grande

tolérance, son atmosphère ouverte et sa richesse culturelle (interview dans Algemeen Dagblad,

2011).

1 Nous nous sommes basées sur les sites web suivants:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fouad_Laroui

http://nrcboeken.vorige.nrc.nl/recensie/alle-macht-aan-de-personages-fouad-laroui-over-de-quel-amour-

bless%C3%A9

http://www.radioboeken.eu/author.php?id=41&lang=NL

http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=6&nid=3589

http://literom.knipselkranten.nl/IndexJs?150273

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3.1.2. Carrière littéraire

Bien qu’il soit devenu ingénieur, Fouad Laroui était toujours plus passionné par les lettres. Dans

une interview avec L’Orient Littéraire, il explique pourquoi il a quitté le Maroc et il s’est

consacré à l’écriture. « J’ai commencé à ressentir à quel point cette vie toute tracée n’était pas la

mienne. (…) Et j’ai commencé à me demander : qu’en est-il de l’autre côté du monde ? De mon

envie d’écrire ? De mon goût pour l’art, la littérature et les sciences humaines ? » Fouad Laroui

s’avère avoir un grand talent d’écrivain. Déjà avec son premier roman Les dents du topographe

(1996), il remporte le Prix Découverte Albert Camus. C’est le début d’une longue série de livres

et d’essais appréciés par le grand public qui présentent chacun une partie de l’identité de Laroui.

Ses écrits sont de la fiction, mais en fait, l’auteur décrit surtout ses expériences personnelles de

jeune marocain vivant entre deux cultures, celle de la France à l’école et celle du Maroc à la

maison. En 2002, Fouad Laroui reçoit le prix E. du Perron pour l’ensemble de son œuvre et huit

années plus tard, deux de ses livres sont nominés pour le Prix Goncourt : Le jour où Malika ne

s’est pas mariée et Une année chez les Français. Être nominé deux fois en une année pour ce prix

prestigieux est un événement unique dans le monde littéraire. Durant sa carrière, Laroui a

remporté beaucoup d’autres prix littéraires, comme le Prix Méditerranée des lycées pour De quel

amour blessé et le Prix Goncourt de la Nouvelle pour son recueil de nouvelles le plus récent

(2013), L’Étrange affaire du pantalon de Dassoukine.

Fouad Laroui n’écrit pas seulement des livres, il est aussi chroniqueur littéraire à La revue

Économia et à Jeune Afrique, un journal sur l’actualité africaine. Ces dernières années, il écrit

régulièrement des articles pour des journaux néerlandais, comme NRC Handelsblad, Vrij

Nederland et le Volkskrant. En plus, il a une chronique à la radio marocaine Medi 1, où il aborde

des thèmes comme la vie marocaine ou les conflits culturels qu’on rencontre à l’étranger.

3.1.3. Langue

Dès qu’il est arrivé aux Pays-Bas, Fouad Laroui a commencé à apprendre le néerlandais en lisant

le Volkskrant et en regardant la télévision néerlandaise. Selon lui, il est très important que les

habitants étrangers d’un pays fassent un effort pour apprendre la langue de ce pays, sinon, ils la

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méprisent. Laroui est d’opinion qu’on ne peut jouer qu’avec la langue maternelle, mais

paradoxalement, il écrit en français tandis que l’arabe est sa langue maternelle. Probablement, il

considère donc le français comme sa deuxième langue maternelle, puisqu’il a grandi avec cette

langue. Pourtant, il a écrit deux recueils de poèmes en néerlandais, dont un a été sélectionné pour

le Prix C. Buddingh, et ses œuvres scientifiques sont rédigés en anglais. (interview dans NRC

Handelsblad, 2010) Fouad Laroui est donc un homme particulièrement multilingue et il n’hésite

pas à manifester ce multilinguisme dans ses livres. Il se décrit comme « un nomade francophone

né au Maroc avec un passeport néerlandais » (interview avec NRC Handelblad – NRC Boeken,

1998).

3.1.4. Style

Le style de Fouad Laroui est sans aucun doute un grand défi pour un traducteur. Dans ses romans,

il mélange le français standard avec la langue parlée, des expressions en argot et des mots arabes.

En plus, il invente parfois des néologismes et il cite régulièrement d’autres auteurs qu’il admire,

comme Voltaire et Diderot. Son style est considéré très naturel, mais aussi parfois provocateur et

même insolent. Dans beaucoup de ses livres, l’humour et l’ironie, souvent assez aigus, sont

fortement présents: il se moque librement de la société marocaine. Selon Laroui, c’est le style qui

fait un livre et pas le contenu. Il veut transmettre et illustrer son message avec la forme de ses

romans, l’histoire est de moindre importance. (interview avec NRC Handelblad – NRC Boeken,

1998)

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3.2. LIVRE2

3.2.1. Résumé

Le jour où Malika ne s’est pas mariée de Fouad Laroui est publié en 2009 aux Éditions Julliard.

C’est un recueil de huit nouvelles qui sont racontées spontanément par un groupe de jeunes

marocains à la terrasse du Café de l’Univers à Casablanca. Au premier abord, ces récits parfois

ironiques semblent très légers, mais ils démontrent tous le désespoir de la jeunesse marocaine :

elle est mal dans sa peau, parce qu’elle est déchirée entre traditions et modernité. Les jeunes sont

souvent confrontés au choix entre deux cultures, par exemple Malika dans la première nouvelle a

son propre désir d’émancipation, mais elle doit toujours tenir compte des traditions de sa famille.

Dans chaque nouvelle, il y a un petit incident culturel qui, en soi, n’a pas beaucoup d’importance

mais qui provoque de graves malentendus. À travers ces incidents, Fouad Laroui dresse donc un

portrait de la société marocaine, en interaction avec l’Europe.

3.2.2. Thèmes

Comme nous avons déjà mentionné, Le jour où Malika ne s’est pas mariée se compose de

différentes histoires qui ne doivent pas être considérées séparément. En effet, elles sont liées

entre elles par un thème commun, c’est-à-dire le grand abîme qui sépare le monde arabe

traditionnel du monde occidentale moderne. À travers les paroles de ses personnages, Fouad

Laroui met l’accent sur cet abîme, par exemple dans la nouvelle Le jour où Saddam fut pendu, le

personnage de Jaafar affirme explicitement qu’ « Alzheimer est une maladie des européens.

Nous, on ne la connaît pas. (p. 57). Laroui réfère cependant aussi implicitement à la grande

différence entre l’Occident, la modernité et le monde arabe conservateur. Souvent, des passages

qui semblent être des détails au premier abord sont bien significatifs, comme la description

suivante :

2 Nous nous sommes basée sur les sites web suivants:

http://clairdeplume.wordpress.com/tag/le-jour-ou-malika-ne-sest-pas-mariee/

http://www.julliard.fr/site/le_jour_ou_malika_ne_s_est_pas_mariee_&100&9782260018131.html

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« Le jour venu, Jaafar l’accompagna à Schiphol, ne sachant trop que dire ni que faire.

Dans le hall gigantesque, le père marchait d’un pas nerveux, la nuque raide. Flottant dans

sa djellaba grise, il semblait être terriblement mal à l’aise dans cet espace éclairé a giorno,

balafré de réclames gigantesques et de panneaux incompréhensibles, où de gigantesques

numéros, des 1 menaçants et des 2 et des 3, sollicitaient le regard sans rien dire

d’intelligible. » (TS, p. 63-64)

On voit ici très bien le contraste entre le père de Jaafar qui porte un djellaba, un vêtement

traditionnel typique des marocains, et l’aéroport « gigantesque » (ce mot est répété trois fois) qui

symbolise en quelque sorte l’Occident.

Un autre thème qui retourne dans chaque nouvelle est la problématique de la colonisation. Le

Maroc fut un protectorat français de 1912 à 1956 et dans ce contexte, Fouad Laroui réfère

plusieurs fois à l’attitude des marocains à l’égard de la langue française, la langue du

colonisateur. D’une part, la France et le français sont critiqués par certains personnages. Dans la

première nouvelle, Le jour où Malika ne s’est pas mariée, la mère de Malika se demande

pourquoi « elle a mis ses enfants à l’école française », et elle ajoute « Ils ne respectent rien. » (p.

12). Quelques pages plus loin, son voisin maudit la langue française, mais admet aussi sur un ton

sarcastique que « bien qu’écrite en français, la lettre pour Malika est très convenable » (p. 15).

D’autre part, le français est également considéré positivement. Dans L’esthète radical, on exalte

justement la langue du colonisateur : Ahmed exprime sa prédilection pour le français. Il note les

expressions françaises qu’il aime le plus dans un carnet, comme « croquer la vie à pleines dents »

(p. 132). Cette exaltation de la langue française n’est pas bizarre dans un roman de Fouad Laroui,

pour qui le français a vraiment ouvert des portes. La langue du colonisateur a exercé une grande

influence sur sa carrière comme écrivain, mais également sur son style.

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3.3. TRADUCTEURS

3.3.1. Frans van Woerden3

Frans van Woerden (1946) est surtout connu pour ses traductions de certains œuvres du célèbre

auteur français Louis-Ferdinand Céline. En 1988, il reçoit le prix Martinus Nijhoff pour la

traduction de plusieurs œuvres de cet auteur, comme D’un château l’autre (Van het ene slot naar

het andere). Trois années plus tard, il remporte le Prix Européen de Traduction pour sa traduction

de Le Pont de Londres : Guignols Band II (De brug van Londen : Guignols Band II).

En 1999, van Woerden a traduit Méfiez-vous des parachutistes de Fouad Laroui (Kijk uit voor de

parachutisten) et bien d’autres traductions du même auteur ont suivi. À part De l’islamisme. Une

réfutation personnelle du totalitarisme religieux, il a traduit tous les romans de Laroui. Frans van

Woerden a donc beaucoup d’expérience avec le style particulier de cet écrivain. On pourrait dire

qu’il est plus ou moins familiarisé avec les romans de Fouad Laroui, ce qui constitue évidemment

un grand atout pour ses traductions.

Aujourd’hui, Frans van Woerden reçoit chaque année une récompense pécuniaire du Nederlands

Letterenfonds pour « ses mérites exceptionnels pour la littérature », comme l’indique le blog de

Dirk Leyman. En effet, le traducteur est sans aucun doute un grand nom dans le monde littéraire.

3 Nous nous sommes basée sur les sites webs suivants:

http://www.letterkundigmuseum.nl/Literaircentrum/Literaireprijzen/tabid/99/WriterID/2812/WriterName/Fransvan

Woerden/Mode/DetailsWriter/Default.aspx

http://www.dbnl.org/tekst/_sep001199201_01/_sep001199201_01_0042.php

http://www.kb.nl (Nationale Bibliotheek van Nederland)

http://www.depapierenman.be/blog/2010/5/28/eregelden-voor-h.h.-ter-balkt,-louis-th.-lehmann,-tiny-mulder-en-

frans-van-woerden

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3.3.2. Cristina Vezzaro4

Cristina Vezzaro (1972) est une traductrice italienne qui travaille en free-lance depuis 1994. Elle

a traduit plusieurs romans allemands et français d’auteurs bien connus, comme Wir schlafen

nicht (Noi non dormiamo) de Kathrin Röggla, Grenzland (Terra di Confine) de Sherko Fatah et

Les sœurs Brelan (Le sorelle Brelan) de Jean Vallejo, etc. En 2013, elle traduit Le jour où Malika

ne s’est pas mariée (L’esteta radicale) de Fouad Laroui. C’est le premier livre de Laroui qui a été

traduit en italien. Sur le blog Authors and Translators (http://authors-translators.blogspot.be/),

l’écrivain affirme qu’il ne peut pas juger de la qualité de la traduction italienne vu qu’il ne

maîtrise pas la langue italienne, mais qu’il a quand-même reconnu « le ton » de son livre, ce qui

est sans aucun doute un point très positif. Par rapport à van Woerden, qui a presque toutes les

traductions de Fouad Laroui à son palmarès, Vezzaro a évidemment moins d’expérience avec le

style complexe de cet auteur. De plus, sa carrière comme traducteur littéraire est encore jeune,

tandis que van Woerden est un traducteur chevronné.

4 Nous nous sommes basée sur les sites web suivants:

http://it.linkedin.com/in/cristinavezzaro

http://www.lanotadeltraduttore.it/terra_confine.htm?n_page=2

http://authors-translators.blogspot.be/2013/04/fouad-laroui-and-his-translators.html

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4. COMPARAISON DES TRADUCTIONS

Dans la partie suivante de ce mémoire nous analyserons d’abord les dialogues dans Le jour où

Malika ne s’est pas mariée : quelles sont leurs caractéristiques et comment sont-ils traduits ?

Nous nous focaliserons surtout sur l’aspect multilingue du dialogue et évidemment sur sa

traduction. À part le dialogue et son caractère multilingue, nous regarderons également l’ironie et

l’intertextualité dans le roman de Laroui. La question est de savoir comment ces phénomènes ont

été traduits.

4.1. MÉTHODOLOGIE

Afin de faire une analyse structurée du roman et de sa traduction, nous avons établi plusieurs

tableaux comparatifs qui contiennent de nombreux mots, constructions et passages qui sont

intéressants à étudier. À l’aide de ces tableaux, nous étions capables de faire des observations et

des constatations en ce qui concerne la traduction du roman. Il faut dire que les tableaux ont été

établis une première fois après la lecture du roman original, Le jour où Malika ne s’est pas

mariée, et ils ont été complétés et modifiés après la lecture de la traduction en néerlandais. En

effet, bien des passages teintés d’ironie ou des références à d’autres écrivains et philosophes

n’ont pas été remarqués après cette première lecture. La version néerlandaise a donc certainement

contribué à une meilleure compréhension du texte source, ce qui confirme le rôle essentiel du

traducteur littéraire qui doit être capable de transmettre un roman complexe à un tout nouveau

public et ce qui démontre aussi qu’une traduction est capable de jeter une nouvelle lumière sur le

texte source.

Les premiers tableaux comparatifs donnent un aperçu structuré du multilinguisme (notamment les

éléments arabes, anglais, latins et espagnols) dans les dialogues dans Le jour où Malika ne s’est

pas mariée et aussi de ses traductions en néerlandais en italien. Les autres présentent quelques

fragments de dialogues, des passages ironiques et des références intertextuelles dans le texte

source et dans ses traductions.

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4.2. DIALOGUE

Le jour où Malika ne s’est pas mariée se compose en grande partie de dialogues entre un groupe

de jeunes marocains assis sur le terras du Café de l’Univers à Casablanca. Dans leurs

conversations, ils essaient de se dépasser, de se montrer plus forts que les autres et ils font cela à

travers leurs histoires captivantes, mais aussi à travers leur langage. On pourrait décrire le style

des dialogues entre les jeunes comme ‘estudiantin’ : ils n’hésitent pas à entamer la discussion et

ils s’interrompent sans cesse en donnant des commentaires absurdes et non pertinents, tout

simplement pour attirer l’attention et montrer qu’ils ne sont pas n’importe qui.

Les conversations entre les jeunes parfois bien ironiques sont truffées de mots étrangers ; le

multilinguisme y est donc clairement présent. Plus loin, nous verrons comment ce multilinguisme

fonctionne dans le roman et les traductions.

4.2.1. Langue parlée

Les dialogues se caractérisent par un grand nombre d’éléments typiques de la langue parlée

française (voire tableau 7). Le langage est sans doute informel : on utilise par exemple bon

nombre d’interjections (« ouais bon » (p. 34), « quoi » (p. 34, 87,…), « allons bon » (p. 74,

119,…), « ça alors » (p. 104),…) et d’onomatopées (« clap-clap-clap » (p. 81), « grgllll grrrrgl »

(p. 185)…) En outre, le roman est bourré de gros mots qui reflètent le style estudiantin : « bande

de nuls » (p. 37), « imbécile » (p. 198), « cul-terreux » (p. 87) sont monnaie courante. Toutefois,

les jeunes utilisent de temps en temps des constructions très formelles pour impressionner les

autres, par exemple « un ultimatum qui fait les femmes d’affliction se labourer des ongles les

joues » (p. 189). Pour la même raison, ils se servent d’expressions latines: c’est un moyen pour se

montrer érudits. Paradoxalement, le langage formel et informel se mélangent donc dans les

dialogues.

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18

Traduction néerlandaise

Frans van Woerden a tenté d’intégrer la langue parlée des dialogues dans sa traduction afin

d’exprimer le mieux possible le style complexe de Fouad Laroui. Il a trouvé des équivalents en

néerlandais pour les interjections, les onomatopées et les expressions informelles en se servant

d’un langage informel. Il utilise par exemple « ie », au lieu de « hij », pour « il », ce qui est une

caractéristique typique de la langue parlée néerlandaise aux Pays-Bas. Le traducteur néerlandais

joue également avec l’orthographe de certains mots, comme « sjuderans » (p. 185) qui est écrit

comment les néerlandais le prononcent, probablement pour rendre les dialogues plus réels. Notez

que van Woerden utilise le néerlandais du nord, des Pays-Bas et pas le néerlandais du sud ou le

flamand, ce qui est évident, étant donné qu’il est d’origine hollandaise. Cela ne pose pas de

problèmes pour les lecteurs flamands, au contraire, le néerlandais du nord a souvent un effet

amusant en Flandre et pour un roman plein d’ironie, c’est justement un avantage.

Ci-dessous nous regarderons quelques cas intéressants en ce qui concerne la langue parlée ;

d’autres exemples se trouvent dans le tableau (7). Le premier cas :

- Bounni, c’est pas la couleur caca d’oie ?

- Tu nous emmielles, avec ton kakadoi. (TS, p. 36)

‘Bounni, is dat niet de kleur van ganzenkak?’

‘Krijg toch de kippenpip met je ganzenkak.’ (TN, p. 34)

C’est un petit fragment de la nouvelle L’étrange affaire du cahier bounni, dans laquelle les

jeunes mettent en discussion la couleur « bounni ». La dernière phrase a été traduite d’une

manière insolite puisque « de kippenpip krijgen » n’est pas une expression courante en

néerlandais. Le but de van Woerden est très clair : il a voulu exprimer le style informel et

estudiantin des dialogues. Cependant, on pourrait se demander si une telle expression reflète bien

ce style. Il ne faut pas oublier que ce sont des jeunes qui parlent ; ils se servent donc d’un langage

des jeunes qui évolue dans le temps. Reste à savoir si l’expression « de kippenpip krijgen » est

toujours actuelle chez les jeunes aujourd’hui. On peut en douter. Il faut signaler que ce n’est pas

un cas isolé, il y a d’autres exemples qui évoquent la même question : « piechems » et « iemand

in de poeier slaan » (p. 89), « koters » (p. 35), « ajuus » (p. 165),…

Page 19: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

19

Un autre cas particulier :

« Président ! Président ! » (TS, p. 81)

‘Meneer de veurzitter ! Meneer de veurzitter !’ (TN, p. 76)

Le mot « président » en français n’a rien de spécial, tandis que van Woerden a décidé d’intégrer

« veurzitter » au lieu de « voorzitter ». Aux Pays-Bas, ce type de langage était utilisé dans le

milieu bourgeois. On pourrait donc conclure que « veurzitter » est plus formel que « voorzitter »,

mais ce mot a également un côté ludique pour le public néerlandais. Peut-être que van Woerden a

voulu introduire un élément ludique ici pour compenser une perte autre part ?

Traduction italienne

Nous voyons une tendance similaire dans la traduction de Cristina Vezzaro. On peut y

reconnaître notamment le style estudiantin de Laroui, parce qu’elle aussi utilise des éléments

typiques de la langue parlée italienne, comme « be’, diciamo » (p. 24), pour exprimer une

certaine nonchalance. La version italienne est vraiment bourrée de l’exclamation « ma daì » (p.

53, p. 143,…) qu’on entend partout dans les rues en Italie. On voit également plusieurs fois le

mot « okay » (p. 51) dans les dialogues, un mot anglais très courant dans la langue italienne. En

lisant Le jour où Malika ne s’est pas mariée, on a vraiment le sentiment d’assister à une

conversation entre italiens. Vezzaro emploie des expressions typiques de la langue parlée

italienne qui sont très actuelles chez les jeunes italiens aujourd’hui. « Che palle », « essere nella

merda » (p. 126) « dire cazzate » et « me ne frego » (p. 79) sont de bons exemples de ces

expressions actuelles. Peut-être parce qu’elle est plus jeune que van Woerden, Vezzaro peut

mieux s’identifier avec les jeunes et leur univers, y compris avec leur langue. De cette façon, elle

a pu rendre les dialogues plus actuels et par conséquent, plus réels.

En général, Vezzaro se sert de langage parlé dans les mêmes phrases de l’original. Elle n’ajoute

pas d’autres mots informels et ne joue avec l’orthographe, comme le fait van Woerden. Elle reste

donc plus fidèle à l’original, mais cela implique aussi qu’elle n’utilise pas de stratégie de

compensation. Il faut dire qu’, en lisant la version italienne, nous n’avons pas remarqué de vraies

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20

pertes, donc il n’y a pas grand-chose à compenser. Mais il en va de même pour la traduction en

néerlandais et van Woerden a quand-même décidé de faire quelques adjonctions.

4.2.2. Multilinguisme

Comme nous avons déjà mentionné, le recueil de nouvelles est plein d’influences d’autres

langues étrangères, comme l’arabe, l’anglais, le latin et l’espagnol. Ci-dessous, nous analyserons

de plus près ces éléments multilingues.

4.2.2.1. Éléments arabes

Le jour où Malika ne s’est pas mariée est truffé de mots, d’expressions ou de phrases arabes. Ces

éléments étrangers n’y sont pas pour rien ; ils jouent un rôle important pour le roman.

La plupart des nouvelles se déroulent dans une petite ville au Maroc, un pays qui a été colonisé

par la France. Beaucoup de marocains jeunes ont fréquenté l’école française et parlent donc

couramment le français, mais leur langue maternelle est l’arabe. En introduisant des éléments

arabes, Laroui tente donc d’accentuer la réalité multilingue (une fonction étudiée par Horn en

1981, cité dans Stratford, p. 461) : les jeunes parlent le français, mais ils utilisent toujours leur

langue maternelle, ce qui est bien évident et tout à fait réaliste. Cette fonction est au fond un peu

paradoxal : l’auteur veut accentuer la réalité dans des histoires qui sont parfois absurdes et peu

réalistes, ce qui démontre la grande importance de la langue dans les romans de Fouad Laroui.

Les histoires en soi passent au second plan, ce qui compte est comment elles sont racontées.

Les mots arabes qui sont utilisés dans le roman servent également à caractériser la culture arabe.

Ce sont souvent des concepts typique de cette culture, par exemple « chéchias » (p. 189), « haïk »

(p. 26) et « taguia » (p. 26), qui sont des vêtements traditionnels arabes. Ces éléments arabes ont

ici, ce qu’appelle Philippe Noble « une fonction mimétique » dans son article De enscenering van

het vreemde (Filter, 2003). L’arabe démontre qu’on se trouve à l’étranger, dans un autre pays

avec une autre culture. Laroui utilise même, intentionnellement ou non, quelques clichés, comme

« Allah » (p. 170) et « houris » (p. 143), parce qu’ils constituent la base de notre image de la

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21

culture arabe. En Occident, ces mots sont immédiatement associés avec la religion musulmane et

on aime se moquer de ces clichés. L’usage de l’arabe a donc parfois aussi une fonction ironique.

Traduction néerlandaise

En regardant le premier tableau comparatif, on peut constater que chaque mot ou expression

arabe a été conservé dans la traduction néerlandaise. Frans van Woerden a donc certainement

essayé de respecter le caractère multilingue du roman, ce qui n’est certainement pas évident.

Les éléments étrangers ne restent pas toujours entièrement inchangés. Parfois, l’orthographe est

adaptée au public cible : « sunna » (p. 119), « qatt’ » (p. 196) et « la la oualou » (TS, p. 163) dans

l’original sont traduits par « soenna » (p. 111), « qat » (p. 181) et « la la oelaloe » (p. 152). En

outre, les mots en pluriel sont adaptés au néerlandais en utilisant une apostrophe : « chéchias » (p.

189), « aroubis » (p. 19) et « houris » (p. 143) par exemple deviennent « chechia’s » (p. 175),

« aroubi’s » (p. 18) et « hoeri’s » (p. 134). Selon le guide de transcription de Wikipédia, il existe

des conventions dans les différentes langues pour transcrire des mots arabes. La règle principale

est de les transcrire phonétiquement le mieux possible pour arriver à une prononciation similaire

de l’arabe en néerlandais. Cela explique par exemple pourquoi le « u » devient « oe » en

néerlandais. Les mots arabes qui se sont intégrés dans la langue néerlandaise, comme « hadith »

(p. 11) doivent être écrits selon Het Groene Boekje ou Van Dale.

Contrairement à Laroui, van Woerden a décidé d’ajouter un petit glossaire à la fin du livre (voire

annexe II) dans lequel quelques mots arabes sont expliqués. Comme on peut voir, ce glossaire ne

contient que sept mots, un nombre très limité quand on sait qu’il y a plus de 30 mots arabes dans

le roman entier. Il est possible que van Woerden soit parti de l’idée que son public cible est plus

familiarisé avec le multilinguisme et que ses lecteurs néerlandais n’ont donc pas besoin de plus

d’explication. Il laisse ses lecteurs libres de découvrir eux-mêmes, à l’aide du contexte, la

signification de certains mots arabes. Cette attitude correspond à l’approche de Fouad Laroui, qui

est encore plus ‘radicale’. Il n’utilise pas de glossaire ; aucun mot n’est expliqué. Il a donc

confiance que les lecteurs francophones sont capables de comprendre le roman en entier, sans

aucune aide. D’autre part, il est possible que pour Laroui, il n’est pas si fondamental que les

lecteurs comprennent en détail chaque mot. Comme nous venons de le dire ci-dessus, le but des

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22

éléments étrangers est surtout de refléter l’authenticité et la réalité multilingue du monde que

décrit l’auteur dans son roman. Pour ressentir cette atmosphère, le lecteur ne doit pas forcément

comprendre chaque mot.

Traduction italienne

Nous voyons une attitude similaire chez Cristina Vezzaro à l’égard du multilinguisme. Elle aussi

a tenté de conserver les éléments arabes, à l’exception de quelques cas. Un exemple d’un tel

cas est le suivant :

- Holà ! Où vas-tu ?

- Je rentre chez moi prendre mon petit déjeuner. Bonne chance à tous. Le raïs va venir

vous chercher.

Abedeljebbar hésite car Riffi a dit tout cela sur le ton de l’évidence, comme si ça allait de

soi. Les hommes se regardent, indécis. Lahcen vainc sa timidité naturelle et se place lui

aussi entre Riffi et la portière du camion, qui est restée ouverte. Ses grosses lèvres

tremblent. Il lance d’une voix mal assurée, que l’angoisse déforme :

- La, la oualou ! Rien du tout ! Tu ne partiras pas avant qu’on ait vu le raïs. (TS, p .163)

Ce fragment vient de la nouvelle Être quelqu’un. Un groupe de jeunes marocains sont en train

d’attendre pour partir en Espagne, mais le chauffeur, Riffi, qui les a conduit à la côte où se trouve

le petit bateau, vient d’annoncer qu’il rentre chez soi. Lahcen n’est pas d’accord parce qu’il a

veut avoir la certitude que le raïs viendra. Vezzaro a traduit l’expression arabe « la, la oualou » et

les deux phrases qui suivent comme suit :

- Ehi, ehi, fermo lì ! Tu non ti muovi ! Non te ne vai di qui finché non si fa vivo il raïs.

(TI, p. 116)

L’expression arabe « la la oualou », qui signifie « rien du tout », est remplacée par une phrase en

italien « Ehi, ehi, fermo lì ! ». L’influence arabe a donc complètement disparu dans la traduction

italienne, autrement dit, il y a une perte du multilinguisme dans ce cas-ci. De plus, « fermo lì » ne

veut pas dire « rien du tout » en italien, mais « arrête, reste où tu es ». Non seulement

l’expression arabe en soi a disparu, mais également sa signification. Pourtant, cette autre

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23

signification marche aussi dans le contexte : « la la oualou » et « fermo lì » expriment en effet la

même chose, mais de façon différente. La signification du fragment reste donc inchangée.

Nous avons noté un autre cas dans lequel l’élément arabe est remplacé par un autre mot arabe :

« chéchias » (p. 189) est traduit par « fez » (p. 135). La perte du multilinguisme est donc

immédiatement compensée par l’introduction d’un autre élément multilingue, qui est

probablement plus clair pour le public cible, étant donné que quasi tout le monde connaît le mot

« fez ». Ce mot se trouve même dans Treccani, le dictionnaire explicatif italien. Cependant, il est

bizarre que Vezzaro explique le mot « fez » dans son glossaire à la fin du livre (voire annexe III).

Pourquoi a-t-elle choisi de remplacer « chéchias » par un mot qu’elle juge également nécessaire

d’expliquer? Van Woerden, par contre, utilise tout simplement « chechia’s » (p. 189). On peut se

demander si le public néerlandais a bien compris la signification de ce mot, qui n’est pas

expliqué, ni dans le texte même, ni dans le glossaire. Même si le lecteur peut déduire en quelque

sorte la signification du contexte, ce n’est peut-être pas assez, parce qu’il ne connaîtra pas la

signification précise. Probablement, la technique qu’a utilisé Vezzaro est plus utile pour les

lecteurs : les significations de « fez » et de « chéchia’s » sont identiques, mais « fez » est un mot

beaucoup plus connu.

Comme dans la traduction en néerlandais, l’orthographe des mots arabes est différente de celle en

français, ce qui est dû aux conventions de transcription différentes : « oustad » (p. 10), « salamou

aleïkoum » (p. 102) et « houris » (p. 143) par exemple sont traduits par « ustad » (p. 7), « salam

aleïkoum » (p. 73) et « uri » (p. 102).

Comme mentionné ci-dessus, Vezzaro a elle aussi choisi d’utiliser un glossaire pour expliquer

des mots ou des expressions arabes. Par rapport à celui de van Woerden, son glossaire contient un

nombre de mots beaucoup plus élevé, ce qui démontre une grande différence d’approche et d’

attitude des deux traducteurs. Vezzaro se montre plus ‘serviable’ à l’égard de ses lecteurs. Elle a

apparemment prévu que le public italien se posera des questions quant à la signification de

certains éléments arabes ; c’est pour cette raison qu’elle a opté pour un glossaire si étendu qui

peut aider chaque lecteur. Pour Vezzaro, il est donc primordial que son public n’est pas dérangé

dans la lecture du livre par des mots qu’on ne comprend pas.

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24

Le glossaire de Vezzaro est plus étendu, mais il est à noter que les mots expliqués dans le

glossaire de la traduction néerlandaise ne figurent pas tous dans celui en italien, comme

« gnaouas » et « chérif ». De plus, Vezzaro l’a estimé nécessaire d’expliquer une expression

latine, « vae victis ». Cela démontre encore une fois que le public italien et néerlandais ont besoin

d’explications différentes. Un autre exemple qui confirme cette constatation est que Vezzaro

ajoute dans une note en bas de page une explication pour quelques éléments du contenu qu’elle

estime pas clairs pour le public italien. Il s’agit du fragment suivant à la fin de la nouvelle

L’étrange affaire du cahier bounni :

Avant de nous séparer, nous jurâmes mâlement de ne plus jamais prendre à la légère les

histoires de notre glorieux passé, qui commencent par un petit coup de babouche et

finissent dans les cataclysmes infernaux ou des apothéoses dignes de Byzance. (TS, p. 52)

Vezzaro a ajouté la note suivante:

L’episodio si riferisce a un piccolo sgarbo avvenuto in Algeria che se conclue con la

colonizzazione dell’Africa del Nord e indica par l’appunto il dilagare di una tragedia di

proporzioni immense a partire da una piccolezza. (TI, p. 37)

traduite en français :

L’épisode se réfère à un petit camouflet en Algérie qui a provoqué la colonisation du

Maghreb et démontre comment une vétille peut déclencher une tragédie aux proportions

immenses.

Cette note clarifie déjà un peu la situation, mais il n’est toujours pas très clair ce qui s’est passé

exactement. Qu’est-ce que c’est cette vétille ? En fait, il s’agit de la célèbre « affaire de

l’éventail »5 pendant la visite du consul français au dey d’Alger en 1827. Durant leur

conversation, les esprits se sont échauffés et le dey a frappé le consul au visage avec un éventail,

et c’est pour cette raison qu’il fut gravement offensé. Trois années plus tard, ce petit incident est

utilisé par les français comme prétexte pour occuper l’Algérie et c’est le début d’une colonisation

extrêmement guerrière avec beaucoup de victimes. Cette histoire n’est pas racontée explicitement

5 Nous avons trouvé ces informations sur:

http://www.histoiredumaghreb.com/L-Affaire-d-Alger-1827-1830

http://lequotidienalgerie.org/2012/11/20/lalgeriede-laffaire-de-leventail-a-celle-du-mali/

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25

dans le roman original de Laroui, mais elle est certainement connue par le public français. La

plupart des lecteurs néerlandais et italiens, par contre, n’ont aucune idée de quoi il s’agit. Vezzaro

a levé un coin du voile, tandis que van Woerden n’ajoute aucune explication, ni dans la

traduction même, ni dans une note en bas de page. Il reste donc très mystérieux, peut-être trop

mystérieux ? Connaître la référence implicite au prétexte pour commencer l’occupation de

l’Algérie ne constituerait pas une plus-value pour les lecteurs néerlandais, selon van Woerden?

4.2.2.2. Éléments anglais

Le jour où Malika ne s’est pas mariée contient également bien des mots anglais. Contrairement

aux éléments arabes, qui figurent dans le roman entier, les éléments anglais ne se trouvent que

dans les dialogues. On peut distinguer plusieurs fonctions de l’anglais dans les dialogues.

Premièrement, le but principal des jeunes sur la terrasse du Café de l’Univers est d’impressionner

leurs copains, de se rendre intéressant et l’anglais est un moyen idéal pour cela. Puis, cette langue

universelle symbolise le monde moderne que les jeunes marocains admirent et dont ils veulent

faire partie. En utilisant l’anglais, ils tentent donc de se joindre à ce monde moderne.

Troisièmement, l’usage de l’anglais est une caractéristique typique de la langue des jeunes

aujourd’hui. Un article du NRC Handelsblad (2012) met en relation le multilinguisme et la

langue de jeunes : dans une société globalisée, les jeunes entrent dès l’enfance en contacte avec

différentes cultures et langues. Ces expériences influencent le développement de leur propre

langage, qui sert à exprimer leur identité. Dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, les jeunes

marocains éprouvent également le besoin de montrer leur personnalité : d’une part, ils sont fiers

de leur origine, mais en même temps, l’usage de l’anglais exprime leur volonté d’appartenir au

monde occidental moderne. On pourrait dire que Fouad Laroui crée une propre langue familière

fictive, une langue construite qui ne veut pas imiter la réalité. Dorleijn et Nortier (2013) utilisent

le term « multi-ethnolecte » pour une telle langue qu’elles définissent comme suite :

« a linguistic style and/or variety that is part of linguistic practices of speakers of more

than two different ethnic and (by consequence) linguistic backgrounds, and contains

features from more than one language, but has one clear base-language, generally the

dominant language of the society where the multi-ethnolect is in use » (Dorleijn et

Nortier, 2013b, p. 1)

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26

Dans cette définition, les multi-ethnolectes sont mis en relation avec le multilinguisme. Les

multi-ethnolectes sont parlés par les adolescent qui habitent dans les cités de l’immigration, ce

qui n’est pas très surprenant selon Dorleijn et Nortier (2013a), puisque ceux qui utilisent un

multi-ethnolecte sont impliqués dans le processus de construire une propre identité sociale (p. 2).

Les adolescents (immigrés et non-immigrés) sont submergés de possibilités linguistiques et

culturelles, mais ils n’ont pas de position sociale fixe. Ils doivent faire appel à leur propre

créativité pour développer leur identité et c’est le multi-ethnolecte qu’ils utilisent pour cela

(Dorleijn et Nortier, 2013a, p. 2). Dans un de ces articles, Leonie Cornips (2004) confirme cette

constatation : le langage des cités symbolise l’identité des jeunes et il l’utilisent pour se distinguer

des autres. En parlant leur propre langue, ils excluent ou incluent d’autres adolescents (p. 185).

En outre, l’usage de mots et d’expressions anglais contribuent au caractère ironique du recueil.

Quelques exemples seront analysés ci-dessous qui ont clairement un effet ironique sur le public

cible.

Traduction néerlandaise

Nous avons constaté que chaque élément anglais a été conservé dans la traduction en néerlandais.

Il y a toutefois quelques cas particuliers qui valent la peine d’être étudiés plus profondément.

Dans Les gueux vaincus par la technique, une histoire absurde sur l’injustice dans le monde, Ali

évoque un souvenir de sa jeunesse. Il habitait dans un village extrêmement pauvre, où les habitants

sont tous les mêmes: des « gueux », que le Grand Robert définit comme « des clochards, des

miséreux, des vagabonds,… », autrement dit, des personnes qui ne sont rien. Bien que les gueux

soient tous en bas de l’échelle sociale, ils ont quand-même inventé un système pour distinguer des

classes : chacun avait « sa propre bruit » pour se distinguer. Pour se montrer plus fort que l’autre, ils

utilisent leur voix parce que c’est tout ce qu’ils ont. Celui qui peut impressionner l’autre avec son

bruit a vaincu. Un jour, le gouverneur décide que les gueux doivent quitter leur village et il annonce

cette nouvelle de façon insolite :

- Il s'empare d'un MÉGAPHONE! Made in Germany – ce sont les meilleurs, testés dans

les camps ! Rutilant, resplendissant, obscène ! Et il te me rugit dedans un ultimatum

makhzénien qui fait s'envoler au vent mauvais les bonnets et les chéchias, et s'enfuir les

enfants comme moineaux épouvantés, et fait les femmes d'affliction se labourer des

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27

ongles les joues. Les villageois essaient d'émuler le tintamarre officiel, mais face aux

milliards de décibels made in l'Allemagne, que peuvent-ils ? (TS, p. 189-190)

‘Hij pakt een MEGAFOON! Made in Germany – dat zijn de allerbeste, getest in de

kampen! Fonkelend, schitterend, obsceen! En daar dondert-ie me toch zo’n

allesverzengend makhzennisch* ultimatum in dat alle mutsen en chechia’s van de mannen

hun hoofden werden geblazen en de kinderen als verschrikte musjes uiteenstoven, en de

vrouwen van wanhoop hun wangen met derzelver nagelen openkrabden. De dorpelingen

probeerden met het officiële kabaal te rivaliseren, maar wat konden ze nou ooit uitrichten

tegen die miljarden decibels made in Deutschland? (TN, p. 174-175)

Dans cet extrait, Fouad Laroui joue avec l’expression anglaise « made in Germany » : il utilise

ironiquement « made in l’Allemagne » comme variante de l’expression courante. Laroui réfère

aussi ironiquement à la deuxième guerre mondiale : « ce sont les meilleurs, testés dans les

camps. », une allusion osée. Ce fragment ne constitue pas un véritable problème de traduction,

mais il est quand-même intéressant de voir comment Frans van Woerden a traduit les

expressions: « Made in Germany » a été conservé dans la traduction néerlandaise et « made in

l’Allemagne » est traduit par « made in Deutschland ». Van Woerden a donc lui-aussi essayé de

varier, en introduisant un élément multilingue allemand. Sa stratégie tient également compte de

l’ironie de ce fragment : cela ne fait aucun doute que le public néerlandophone l’interprétera

ironiquement.

Un autre cas exceptionnel est le suivant : Dans la nouvelle Sur le chemin de la cathédrale, Laroui

introduit le mot « postprandial » (p. 105), selon le Grand Robert un terme médical qui signifie

« qui succède au repas ». Van Woerden traduit cela par « after-lunch » (p. 99) ; il introduit donc

un mot anglais, là où il y a un mot français dans le texte original. Van Woerden crée à nouveau

une nouvelle forme de multilinguisme à l’intérieur du texte néerlandais. Au premier abord, on

pourrait se demander s’il n’y a pas de perte dans ce cas-ci. Le fait que Laroui utilise un terme

médical dans un dialogue entre jeunes, n’est pas une coïncidence. Ci-dessus, nous avons constaté

que les jeunes veulent impressionner leurs camarades en se servant de l’anglais et utiliser un

terme scientifique comme « postprandial » est également un moyen pour faire cela. En traduisant

ce mot par « after-lunch », qui est très courant dans la langue anglaise et qui n’est certainement

pas un terme médical, on dirait donc qu’il y a une certaine perte dans la traduction néerlandaise.

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28

Mais cette perte est immédiatement compensé, étant donné que van Woerden utilise un mot

anglais qui a en effet la même fonction que le mot scientifique. Existe-t-il en néerlandais un

terme médical pour indiquer « ce qui succède au repas » ? Probablement pas, van Woerden a

donc cherché une alternative pour exprimer le mieux possible la fonction du mot

« postprandial ». Mais Fouad Laroui a également choisi le mot « post-prandial » pour contribuer

au caractère ironique de Le jour où Malika ne s’est pas mariée. La stratégie de van Woerden sert

donc aussi à transmettre l’effet ironique.

Traduction italienne

Cristina Vezzaro a elle aussi tendance à conserver les éléments anglais. Dans un seul cas,

l’élément anglais du texte source est remplacé par un autre mot anglais dans le fragment suivant

au début de la nouvelle L’esthète radical :

Une voix mélodieuse annonça une catastrophe naturelle (en Grèce), un mariage (des

people en Provence) et quatre enlèvements (dans le lointain Irak). (TS, p. 127)

Voici la traduction italienne :

Una voce melodiosa annunciò una catastrofe naturale (in Grecia), un matrimonio (dei vip

in Provenza) e quattro sequestri (nel lontano Iraq). (TI, p. 91)

Le mot « people » dans le roman original est traduit par « vip » en italien. Le multilinguisme est

donc conservé, mais Vezzaro a opté pour la technique qu’elle a aussi utilisée en ce qui concerne

les « fez » : le mot étranger est remplacé par un autre élément étranger qui est plus courant et

connu en italien.

Il est bien remarquable que Frans van Woerden a également opté pour « vips » (p. 119) au lieu

de « people », un mot qui est aussi complètement intégré dans la langue française.

En ce qui concerne le cas précédent à propos des locutions anglaises « made in Germany » et

« made in l’Allemagne », il est à noter que Vezzaro utilise une différente stratégie par rapport à

van Woerden. Elle traduit ces expressions toutes les deux par « made in Germany ». De cette

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29

façon, il est possible qu’une certaine nuance est perdue, puisqu’ elle ne varie pas comme le font

Laroui et van Woerden. En utilisant deux fois « made in Germany », l’ironie risque d’être perdue,

mais ce n’est pas le cas : la stratégie de Vezzaro n’a pas de grandes conséquences sur l’effet

ironique de ce fragment.

4.2.2.3. Éléments latins

Comme l’anglais, le latin est surtout présent dans les dialogues, à l’exception de quelques cas. La

fonction des éléments anglais et ceux en latin coïncide en grande partie. Le latin est utilisé pour

faire le malin et pour, comme nous avons déjà noté, se montrer érudits. En outre, les expressions

latines sont très courantes dans la langue française ; la plupart figure dans le Grand Robert.

Quelques exemples sont « vae victis » (p. 41), ce qui veut dire « malheur au vaincus », « illico »

(p. 104) ou « tout de suite » et « a giorno » (p. 64) ou « par la lumière du jour ». En utilisant ces

expressions usuelles, les jeunes marocains expriment leur volonté de parler le français de

l’Hexagone et donc, implicitement, de faire partie du monde occidental.

En outre, le latin a également une fonction ironique. Par exemple, si les « gueux », dont nous

avons déjà parlé plus haut, utilisent une expression latine, cela ne peut pas être pris au sérieux.

C’est complètement absurde que les marocains en bas de l’échelle sociale connaissent du latin.

Traduction néerlandaise

Par rapport à l’arabe et l’anglais, nous voyons une tendance opposée quant aux éléments latins.

La plupart est effacé et remplacé par un équivalent en néerlandais, par exemple « urbi et orbi »

(p. 128) qui est traduit par « wijd en zijd » (p. 120), « a priori » (p. 48 ) par « in wezen » (p. 44) et

« status quo ante » (p. 47) par « terug bij af » (p. 44). En considérant la fonction des expressions

latines dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, ce serait toutefois plutôt logique que van

Woerden les conserve. Les jeunes marocains utilisent le latin pour se montrer érudits et parce

qu’ils veulent parler le français de l’Hexagone. Si le latin est effacé, les dialogues perdent en

quelque sort leur fonction, mais aussi l’ironie risque de disparaître. De plus, les expressions

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30

latines dans le roman sont des clichés : elles sont si courantes que le public néerlandais les

connaît sans aucun doute.

Toutefois, il y a aussi plusieurs cas dans lesquels les expression latines sont quand même

conservées, par exemple « Vae victis ! » (p. 38), « tutti quanti » (p. 186), « modus operandi » (p.

79) et « libido sciendi » (p. 99). Il semble que van Woerden ait essayé de trouver un équilibre : il

n’a pas banni le latin, mais il l’a utilisé là où il convient en néerlandais. De cette façon, une partie

du multilinguisme du livre est respecté sans nuire au lisibilité, car un roman néerlandais qui est

bourré d’expressions latines ne se lirait pas facilement. Mais il en va de même pour un roman

français qui est truffé de latin : un tel livre se lit pas facilement non plus, mais l’usage du latin fait

partie du style de Fouad Laroui et le traducteur doit aussi dans une certaine mesure respecter ce

style. En outre, le latin est plus connu que l’arabe, donc il n’est pas logique que les expressions

arabes sont conservées et celles en latin pas. Comme mentionné plus haut, il s’agit d’expressions

latines très courantes, donc la raison pour laquelle van Woerden a choisi de les faire disparaître

n’est pas claire.

Traduction italienne

Dans la traduction italienne, les expressions latines sont abordées d’une façon différente. Cristina

Vezzaro conserve systématiquement les éléments latins, à l’exception de « illico » (p. 104) qui est

traduit par « subito » (p. 74) et « tutti quanti » (p. 202) qui devient « tutto il resto » (p. 144).

« Exit la mère indifférente » (p. 61) est une dernière exception qui ne se trouve pas dans les

dialogues, mais fonctionne comme une sorte de commentaire ironique de Laroui. Vezzaro l’a

traduit par « Uscita di scena la madre indifferente » (p. 44). Le mot étranger a complètement

disparu en italien. Selon le Grand Robert, « exit … » est une expression ironique utilisée pour

quelqu’un qui a fait mauvaise figure. L’équivalent en italien se trouve dans Van Dale, « uscita di

scena ». Il est donc logique que Vezzaro a opté pour cette traduction. En plus, le latin n’a pas

pour but d’impressionner les interlocuteurs ici, puisque c’est la voix du narrateur qu’on entend et

pas des jeunes. L’usage de du latin est donc purement ironique dans ce cas-ci.

Toutes les autres expressions restent inchangés, ce qui était bien prévisible, puisque la relation

entre le latin et l’italien est complètement différente par rapport au néerlandais. Le latin est en

quelque sort le prédécesseur de la langue italienne, qui est donc beaucoup plus lié au latin. Voilà

Page 31: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

31

pourquoi l’emploi du latin est considéré plus normal en italien qu’en néerlandais, mais rappelons

qu’il s’agit de clichés, d’expressions connues par le public italien, mais aussi par le lectorat

néerlandophone. Le différent rapport du latin avec l’italien et le néerlandais n’est donc pas un

facteur décisif pour la traduction des expressions latines.

4.2.2.4. Éléments espagnols

À part l’insertion de mots arabes, anglaises et latines, Le jour où Malika ne s’est pas mariée

contient également des éléments espagnols. Il faut dire qu’il s’agit d’un nombre très limité : il n’y

a que deux mots espagnols, « desperados » (p. 160) et « pateras » (p. 161), qui se trouvent dans la

nouvelle touchante, Etre quelqu’un. Dans l’espoir de trouver le bonheur en Europe, le

protagoniste Lahcen décide de traverser le détroit de Gibraltar dans un petit bateau, accompagné

d’autres jeunes marocains. Malheureusement, il n’atteint jamais le paradis européen parce qu’il

saute par-dessus bord, complètement fou de froid, de douleur et de faim. Au premier abord, on

dirait que l’espagnol ne joue pas un rôle important, mais ces deux mots ont sans aucun doute une

fonction essentielle. Fouad Laroui décrit le destin tragique de beaucoup d’Africains qui essaient

d’atteindre l’eldorado européen et l’usage de l’espagnol contribue à exprimer cette réalité

poignante. Apparemment, Frans van Woerden et Cristina Vezzaro ont bien compris la portée de

ces mots espagnols, puisque ils les ont conservés dans leurs traductions.

4.3. IRONIE

4.3.1. Cadre théorique

Fouad Laroui est connu pour son style ironique : il décrit d’une façon très légère la réalité parfois

dure de la société marocaine. L’ironie est un phénomène très complexe qui est souvent considéré

comme « un obstacle langagier et culturel insurmontable » pour le traducteur (Liévois, 2008, p.

113). Certains chercheurs se montrent sceptiques envers la possibilité même de la traduction de

l’ironie, une attitude bien logique au premier abord, car selon Laurian (2001), « l’ironie est

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32

éminemment liée aux stéréotypes culturels ainsi qu’aux habitudes discursives et sociales partagés

par un groupe donné » (cité dans Liévois, 2008, p. 114). Toutefois, de nombreuses traductions de

textes ironiques qui ont été accueillies de façon élogieuse prouvent que l’idée d’intraduisibilité ne

tient pas debout.

Liévois et Schoentjes (2010, p. 16) distinguent trois phases dans la traduction de l’ironie, partant

d’un scénario idéal : tout d’abord, le traducteur identifie et comprend l’ironie dans le texte source,

ensuite, il cherche des techniques pour rendre cette ironie dans le texte cible et enfin, le lecteur

est capable de détecter et de comprendre l’ironie dans le texte cible. Quant au premier stade, il est

possible et normal que le traducteur n’arrive pas toujours à percevoir l’ironie et qu’elle disparaît

en conséquence dans la traduction (Liévois, 2008). Barbe (1995) affirme même que

« l’identification de l’ironie par le traducteur peut lui poser autant de problèmes qu’à n’importe

quel lecteur moyen (cité dans Liévois et Schoentjes, 2010, p. 20), une constatation saillante parce

que le traducteur n’est justement pas un lecteur moyen : il est censé être un expert de la langue

qui est extrêmement sensible à toute forme d’ironie. Mais Liévois et Schoentjes (2010) signalent

dans ce contexte que le traducteur fait souvent plus partie de la culture cible que de la culture

source (p. 20), ce qui pourrait être un obstacle à l’identification de l’ironie. Il est donc bien

possible qu’une traduction contienne des passages où il y a perte d’ironie, ce qui est considéré

comme « un appauvrissement » du texte. D’autre part, on a détecté bon nombre de cas dans

lesquels le traducteur ajoute des allusions ou des commentaires ironiques qui ne sont pas présents

dans le texte source pour compenser des pertes éventuelles, ce qui témoigne d’une grande

créativité du traducteur. (Liévois et Schoentjes, 2010, p. 17)

Mais comment faut-il traduire l’ironie ? C’est la grande question qui nous intéresse dans cette

partie de notre mémoire. Katrien Liévois remarque la chose suivante quant à la traduction de

l’ironie :

« Des études abstraites sur la traduction de l’ironie avancent parfois que la seule solution

envisageable serait d’ajuster le mieux possible le texte source à la culture cible. Pour que

l’ironie puisse se déployer dans une traduction, il faut remplacer les expressions, les

figures de style, les situations ainsi que les références culturelles ironiques par des

équivalents dans la langue cible » (Liévois, 2008, p. 115).

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33

C’est la stratégie de « domesticating » ou de « naturalisation », qui est actuellement peu populaire

selon Liévois. Elle affirme que « ce genre d’adaptation foncière » n’est pas pratiqué de façon

systématique dans la traduction d’un roman : « cette stratégie sert parfois de stratégie d’appoint »,

mais ce n’est plus la stratégie principale qu’on utilise pour les romans (p. 115). En outre, l’ironie

est un phénomène très complexe et se déploie à travers différentes formes lexicales, syntaxiques,

stylistiques et textuelles qui ne posent pas toujours les mêmes difficultés, donc il est peu réaliste

qu’une seule stratégie peut résoudre chaque problème de traduction. Venuti (1995), en revanche,

prétend justement le contraire : c’est la stratégie de « domesticating » qui est le plus utilisée dans

les traductions. Il faut bien signaler que sa vision s’applique à plusieurs aspects textuels, tandis

que celle de Liévois ne se rapporte qu’à l’ironie.

Le jour où Malika ne s’est pas mariée est une succession d’histoires et d’incidents insensés,

plein de commentaires ironiques du narrateur ou des personnages. L’ironie dans le recueil de

Laroui se présente sous différentes formes. Comme démontrent les exemples analysés plus haut,

les éléments arabes, anglais et latins provoquent souvent un effet comique. Le multilinguisme

contribue donc fortement au caractère ironique des nouvelles. Une autre forme d’ironie sont les

jeux langagiers et le choix des mots de Laroui. Il est intéressant de savoir que certains

spécialistes, comme Mateo (1995) et Newmark (1993) affirment que « l’ironie qui repose

essentiellement sur des jeux avec la langue serait plus difficile à traduire que des formes d’ironie

plus diffuses (cité dans Liévois et Schoentjes, 2010, p. 13). Les jeux de mots constitueraient donc

un grand défi pour les traducteurs ; plus loin, quelques exemples de tels jeux dans le roman

original et dans les traductions seront analysés pour voir si cette constatation sera confirmée.

Ensuite, c’est aussi la grande absurdité de certaines histoires qui a un effet comique sur le lecteur.

L’étrange affaire du cahier bounni, par exemple, fait preuve de l’humour de Fouad Laroui et

illustre très bien comment fonctionne son style ironique. Il s’agit de la couleur « bounni » non-

existente qui suscite de vifs débats à El Jadida. Personne ne la connaît, mais les élèves sont

demandés d’apporter un cahier bounni à l’école. Après de longues discussions, un combat

économique surgit entre deux commerçants qui prétendent de vendre des cahiers bounni. L’un

affirme que le bounni est la couleur « saumon en putréfaction », tandis que l’autre essaie de

convaincre les gens que la couleur «purée des puces » est le bounni. Laroui profite de cette

situation complètement absurde en elle-même pour poser des questions ironiques comme « Vaut-

il mieux avoir un saumon ou une puce au pouvoir ? Question redoutable ! » (p. 51). La deuxième

Page 34: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

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phrase augmente encore l’effet ironique que provoque la question, une tendance qui se répète

régulièrement dans le roman. Un autre exemple: « S’il le faut, il ira à Rabat ! Il présentera une

pétition au Palais ! (La menace suprême.) » (p. 89). Le commentaire du narrateur entre

parenthèses renforce également l’ironie des phrases précédentes.

Dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, le narrateur se moque aussi ouvertement de l’islam

et de l’extrémisme. Certaines formulations sont très audacieuses: «Donc, qu’est-ce que je fais,

extrémiste prévoyant que je suis ? Je me protège les parties, Bon Dieu ! » (p. 145). Le narrateur

réfère ironiquement au mythe selon lequel, après sa mort, l’homme musulman aura à sa

disposition 72 vierges, appelées « hoeris », dans le paradis.

Pour finir, le roman est plein de références intertextuelles qui sont utilisées ironiquement. Plus

loin, quelques cas seront analysés dans lesquels l’ironie et l’intertextualité vont de pair (voire 4.4.

Intertextualité).

On pourrait analyser bon nombre d’extraits de Le jour où Malika ne s’est pas mariée dans

lesquels l’ironie est présente, mais nous nous limiterons à quelques cas particuliers qui pourraient

constituer des difficultés pour les traducteurs. Il est intéressant de voir comment les traducteurs

ont entamé la traduction de ces cas d’ironie.

4.3.2. Traduction néerlandaise

Commençons par analyser un exemple d’un jeux langagier qui se trouve dans Les gueux vaincus

par la technique :

« Imbécile, c’est une image. Comme le dieu Pan, avec ses cornes… »

- Mais attends, Pan, il faisait forcément du bruit : ce n’est pas lui qui a inventé la flûte de

Pan ?

- Et ne dit-on pas ‘pan !’ pour imiter une déflagration ?

- Et ‘pan-pan cul-cul’ ?

Devant ce barrage d’interruptions, Ali tapa sur le table – pan ! – (…)

- La soudaine apparition du gouverneur déclenche une peur panique… » (p. 198)

Laroui joue avec le son du mot « pan », qui évoque en français le bruit d’un fusil, mais également

le bruit d’une fessée, « pan-pan cul-cul ». En italien, on utilise les mêmes sons pour ces bruits,

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35

Vezzaro peut donc tout simplement reprendre le « pan ». Mais ces onomatopées françaises ne

correspondent pas avec celles en néerlandais : les néerlandophones utilisent d’autres sons pour

exprimer ces bruits. Van Woerden a donc dû chercher un équivalent qui fonctionne en

néerlandais. Voici sa traduction :

« Imbeciel, dat is beeldspraak. Als de god Pan, met zijn horens…

‘Wacht nou eens eventjes, die Pan moet toch geluid hebben gemaakt : heeft die niet de

panfluit bedacht ?’

‘En je zegt toch ‘pang !’ om een ontploffing na te doen ?’

‘En ‘pang-pang’ voor een pak voor je billen ?’

Bij dit kruisvuur van interrupties sloeg Ali met zijn vuist op tafel – pang ! – (…)

De plotselinge verschijning van de provinciegouverneur veroorzaakte een panische

schrik… » (TN, p. 182)

Frans van Woerden a opté pour « pang », qui fonctionne très bien comme onomatopée pour un

fusil, mais on pourrait se demander si ça marche aussi pour le bruit d’une fessée. Il est de fait que

le choix est limité ; on ne peut pas utiliser deux onomatopées différentes parce qu’autrement, la

référence au dieu Pan sera perdue et l’effet comique disparaîtra. La solution de van Woerden est

acceptable, parce que le lecteur interprétera ce fragment sans aucun doute ironiquement, mais le

traducteur est peut-être quand-même resté trop fidèle au texte source. Laroui continue à jouer

avec « pan » dans la dernière phrase de cet extrait, en utilisant le mot « panique ». La langue

néerlandaise a un équivalent semblable pour ce mot qui commence par ce même « pan ».

Logiquement, Van Woerden a donc traduit « panique » par « panisch » qui fera sans doute

sourire les lecteurs néerlandophones : l’ironie de ce jeu de mots ne leur échappera pas.

Le choix des mots produit souvent un effet ironique dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée.

Fouad Laroui opte parfois pour des mots qui ne correspondent pas avec le contexte ou avec la

situation dans laquelle on se trouve. Un exemple pour illustrer cette forme d’ironie plus subtile

est le suivant : « dans la petite pièce où Bouqual anéantissait un couscous. » (p. 85). La

collocation « anéantir un couscous » est très bizarre et insolite, puisque « anéantir » signifie selon

le Grand Robert « détruire au point qu’il ne reste rien ». Combiner ce verbe avec « un couscous »

produit donc un effet ironique en français. Le traducteur doit lui-aussi trouver une collocation qui

a ce même effet ; le choix des mots est essentiel ici. Voici la traduction en néerlandais : « in het

vertrek waar Bouqual korte metten aan het maken was met een couscous. » (p. 80). Van Woerden

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utilise une expression idiomatique, « korte metten maken met », qui fonctionne très bien ici parce

qu’elle évoque immédiatement une image comique en néerlandais. C’est une formulation qui fait

rire le lecteur néerlandais, ce qui était également le but de Laroui. Il convient de signaler que

traduire du français vers l’italien un tel forme d’ironie est plus évident, parce que ces deux

langues se ressemblent, surtout en ce qui concerne le vocabulaire. Par conséquent, le choix des

mots va souvent de soi en italien : Vezzaro dit tout simplement « annientare un couscous » (p.

61), une collocation qui provoquera plus ou moins le même effet en italien par rapport au

français.

4.3.3. Traduction italienne

Fouad Laroui a introduit un autre jeu de mots dans Les gueux vaincus par la technique. À travers

toute la nouvelle, il joue avec le mot « chat ». Dans le tableau 5 se trouvent plusieurs petits

fragments qui illustrent ce jeu langagier, mais nous nous focaliserons sur le fragment suivant :

- Les gueux et leurs guetteurs ne détectent donc rien – sans même parler des chat…

- Encore les chats !

- Au diable les matous ! (p. 196)

- Mais ici, c’est en parlant des guetteurs que je me suis souvenu que le mot ‘chat’ - qatt’

en arabe, guetta au village New H. El-M., provient du latin cattare qui signifie

guetter. (p. 196)

« Personne donc n’a rien entendu, ni les guetteurs ni les guettas. » (p. 197)

Fouad Laroui ajoute au jeu avec les chats encore un autre jeu langagier, en jouant avec les mots «

guetteur », « guetta » et « guetter », qui commencent tous par le même syllabe, comme « les

gueux », le peuple dont il s’agit dans la nouvelle. Quant à la traduction de Vezzaro, nous avons noté

une particularité :

- Gli accattoni e gli spioni non rilevano quindi niente, per non parlare poi dei gatti…

- Ancora i gatti !

- Al diavolo i micioni ! (p. 140)

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37

« Ma adesso, è parlando degli spioni che mi sono ricordato che la parola ‘gatto’, qatt’ in

arabo, guetta nel paese New H. El M., proveniene dal latino cattare, che significa

spiare. » (p. 140)

« Quindi nessuno ha sentito niente, né gli accattoni, né gli spioni. » (TI, p. 140)

Les deux premières fois, Vezzaro traduit « guetteurs » par « spioni », un mot péjoratif qu’on

utilise pour quelqu’un qui espionne. Cette traduction ressemble à celle de van Woerden,

« verspieders ». Mais dans la dernière phrase de ce fragment, « les guetteurs » sont devenus « gli

accattoni », le terme qu’elle utilise normalement pour « les gueux », tandis que «les guettas » sont

traduits par « gli spioni ». Les « guettas » dans le roman original ont disparu et en conséquence,

le jeu de mots de Laroui s’est aussi perdu. D’autre part, il est possible que Cristina Vezzaro a

décidé elle-même d’introduire un nouveau jeu de langue. « Gli accattoni » est peut-être une

référence à Accattone , un célèbre film italien réalisé par Pier Paolo Pasolini. De cette façon, elle

compense la perte dans sa traduction en créant sa propre intertextualité. Même si elle n’avait pas

eu l’intention d’ajouter cette référence intertextuelle, il est bien possible que « accattoni » fait

penser le public italien au film de Pasolini. Cela pourrait donc être une stratégie de Vezzaro, mais

aussi bien une coïncidence. « Accattoni » est une bonne traduction de « gueux », que le TLFi

définit comme « ceux qui sont réduits par la plus extrême pauvreté à mendier pour subsister »,

puisque Treccani donne une définition semblable : « chi vive accattando, chiedendo

l’elemosina », autrement dit, des mendiants. Frans van Woerden traduit « gueux » par

« klootjesvolk » et « klootjes », ce qui évoque également l’image de clochards, de mendiants.

Cet extrait contient un troisième jeu de mots, qui se trouve dans le nom du village « New H. El-

M. ». C’est une allusion au mot français H.L.M, l’abréviation de « Habitation à Loyer Modéré »

que le Petit Robert définit comme « Immeuble construit par une collectivité et affecté aux foyers

qui ont de faibles revenus ». Utiliser un tel nom pour un village extrêmement pauvre plein de

clochards est évidemment très ironique, surtout avec ce « New » devant H. El-M. C’est un grand

défi pour les traducteurs de rendre cet ironie dans leurs traductions, parce que H.L.M. est un

terme typiquement français. Curieusement, Frans van Woerden et Cristina Vezzaro ont tous les

deux conservé « New H. El-M. », ce qui n’est peut-être pas la meilleure solution. Le mot H.L.M.

n’existe pas en néerlandais et en italien, donc l’effet ironique sera perdu dans les traductions.

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L’ironie se manifeste aussi dans la façon dont Fouad Laroui réfère à certaines personnes. Il

mentionne par exemple « le ministre de Tout et de Partout » (p. 42), qui renvoie au ministre de

l’Intérieur du Maroc. Frans van Woerden traduit littéralement cette formulation ironique par « de

minister van alles en overal » (p. 39), tandis que Cristina Vezzaro adopte une autre stratégie. Sa

traduction, « il ministro del Tutto e del Niente » (p. 30) ou bien « le ministre de Tout et de Rien »

ne correspond pas tout à fait avec ce que dit Laroui, mais l’effet qu’elle atteint reste le même.

Elle a opté pour un beau paradoxe qui exprime clairement le message de Laroui et qui fonctionne

très bien dans le contexte.

4.4. INTERTEXTUALITÉ

4.4.1. Cadre théorique

Fouad Laroui est connu pour le grand nombre de clin d’œils intertextuels dans ses romans.

comme la citation, l’allusion et la parodie, mais il existe également des formes subtiles plus

implicites (Venuti, 2006, p. 17). Dans le Dictionnaire des termes littéraires, Van Gorp et al.

(2005) définissent l’intertextualité comme suite :

Concept critique introduit par J. Kristeva, selon laquelle tout texte ou énoncé littéraire

doivent être situés entre d’autres textes, contemporains ou antérieurs. (…)

L’intertexte s’inspire des travaux du chercheur russe M. Bakhtine, pour qui tout énoncé

littéraire entre en dialogue avec d’autres (constitutifs d’une tradition générique, ou

parodiques, allusifs, cités, etc.) ; c’est grâce à cette interaction que le texte individuel

reçoit sens et valeur. Bakhtine nie donc le caractère autonome, spécifique ou unique de

l’énoncé littéraire, qu’il situe au contraire au croisement d’autres textes, dont il est la

réplique, la relecture, le glissement, la condensation, la résolution, etc.

(Van Gorp et al., 2005, p. 256)

Selon cette définition, chaque texte littéraire est situé entre d’autres textes, souvent sans que

l’auteur n’ait l’intention de renvoyer ou faire penser à un autre texte. Mais il est à noter que le cas

de Le jour où Malika ne s’est pas mariée est différent : l’intertextualité fait partie du style de

Fouad Laroui ; il réfère très consciemment à d’autres écrivains ou philosophes pour rendre son

texte plus intéressant et amusant.

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39

Venuti signale que l’intertextualité pose un grand défi pour la traduction. En fait, la traduction en

soi constitue un cas unique d’intertextualité :

Elle met en jeu trois ensembles de relations intertextuelles : (1) les relations entre le texte

étranger et les autres textes, que ce soit dans la langue étrangère ou dans une autre

langue ; (2) les relations entre le texte étranger et la traduction, traditionnellement

envisagées jusqu’à présent en termes d’équivalences ; et (3) les relations entre la

traduction et d’autres textes, que ce soit dans la langue de traduction ou dans une autre

langue. (Venuti, 2006, p. 18, Palimpsestes, traduction de Maryvonne Boisseau)

Nous nous occuperons surtout de la première et la troisième relation : chercher dans le texte

étranger des références à d’autres textes et regarder comment ces références sont rendues dans la

traduction.

Le traducteur doit trouver un moyen de recréer une relation intertextuelle au sein de la traduction,

au risque d’« accroître l’écart » entre le texte source et sa traduction (p. 18). Venuti fait en outre

remarquer que la réception de la traduction est un facteur important en ce qui concerne

l’intertextualité. Tout d’abord, le lecteur doit être capable de reconnaître les références

intertextuelles, ce qui n’est pas toujours évident : un texte ou un auteur peuvent être bel et bien

présent dans un autre texte, mais cela n’implique pas que leur présence sera toujours détectée.

Comme le dirait Riffaterre (1983): « Il n’y a pas d’intertextualité sans un lecteur qui reconnaît la

trace de l’intertexte et qui établit les rapports entre les textes. » (cité dans Wilhelm, 2006, p. 61).

Évidemment, les compétences personnelles du lectorat jouent un rôle significatif, mais selon

Venuti, le lecteur doit se focaliser davantage sur la forme et le style du roman et non seulement

sur la signification et le contenu pour reconnaître les références intertextuelles (p. 37).

Le jour où Malika ne s’est pas mariée se caractérise par « la co-présence d’autres textes

(hypotextes), sous forme de citations, d’allusions et de références » (Génin, 2006, p. 200). Laroui

réfère par exemple quelques fois aux célèbres philosophes grecs, comme Aristote : « Car le

Pouvoir dit en substance ceci : il a prise sur l’être en tant qu’être. » (p. 199) et Socrate : « Vu que

la somme de ce qu’on ne sait pas est infiniment plus grande que la somme de ce qu’on sait, un

homme se définit davantage par ce qu’il ne sait pas que par ce qu’il sait. » (p. 36).

Naturellement, ces citations littérales sont les plus faciles à reconnaître, parce que elles sont

isolées à l’aide d’italiques ou de guillemets.

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40

En lisant le roman, on a plusieurs fois « an impression of déjà-lu » (Génin, 2006). « Le ciel bas

et lourd pesait comme un couvercle. » (p. 81) fait immédiatement penser au célèbre poème

Spleen de Baudelaire du recueil Les fleurs du mal. Plus loin dans le roman, on peut lire la même

phrase, mais légèrement adaptée: « Il faisait chaud, le ciel bas et lourd, etc. » (p. 182). Ici, elle a

un effet ludique ; Laroui décrit le temps d’abord très poétiquement, mais le « etc. » rompt

brusquement l’enchantement. L’intertextualité et l’ironie vont donc parfois de pair. C’est aussi le

cas pour la citation suivante : « Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui

meurent. Je cite un grand philophe français. » (p. 50). Cette citation du célèbre philosophe Jean-

Paul Sartre est suivie d’une phrase colorée d’ironie.

Dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, Fouad Laroui n’a pas seulement tendance à

introduire d’autres textes, mais aussi des traductions d’autres textes. On découvre parfois des

citations du philosophe allemand Hegel qui sont traduites, puisque Hegel écrivait en allemand.

De telles références sont plus difficiles à détecter, mais Laroui signale manifestement qu’il est en

train de citer, à l’aide d’italiques et de guillemets : « celui qui est meilleur ne fait qu'exprimer

mieux que d'autres ce monde même. » (p. 183) et « la chance de « ‘sortir de l’aliénation’» (p. 99).

Il est à noter que le terme « aliénation » est également utilisé par Feuerbach et Marx, mais c’était

Hegel qui a introduit ce concept (Fischbach, 2008).

L’intertextualité en soi est donc un phénomène très complexe ; s’y ajoute le problème de la

traduction de références intertextuelles. Comment traduire « an impression of déjà-lu » (Génin,

2006) ? Ci-dessous les références plus complexes seront analysées dans les traductions.

4.4.2. Traduction néerlandaise

En lisant la traduction en néerlandais, nous avons découvert des références intertextuelles que

nous n’avons pas observées dans le roman original français. « The impression of déjà-lu » était

ressenti dans une mesure moindre dans le roman original par rapport à la traduction néerlandaise.

La traduction de van Woerden a donc vraiment contribuée à une meilleure compréhension de Le

jour où Malika ne s’est pas mariée. Un exemple d’une telle référence cachée est le passage

suivant qui se trouve dans la nouvelle Être quelqu’un :

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41

Une voix grave murmure :

- Sois patient. Reviens à Dieu. (…)

Lahcen, mêlant le rire et les larmes, répond :

- Dieu ? Quoi, Dieu ? Il est où, Dieu ? (…) Là, là-haut ? Alors, Il nous regarde ? Il nous

regarde nous noyer et ne fait rien ? C’est ça, Son plan ? C’est pour ça qu’Il nous a créés ?

(…)

- Pourquoi nous tue-t-Il tous, l’un après l’autre, ton Dieu ? Qu’est-ce qu’on Lui a fait ? Il

nous a créés pour mieux se moquer de nous ? (TS, p. 176-177)

Iemand prevelt met plechtige stem : ‘Heb geduld. Kom terug tot God.’ (…)

Lahcen antwoordt, lachend en huilend tegelijk : ‘God ? Hoezo, God ? Waar is-ie dan,

God ? (…) Daarboven soms ? Dus hij ziet ons ? Hij zit te kijken hoe we hier verdrinken

zonder een vinger naar ons uit te steken ? Is dat zijn opzet ? Heeft-ie ons daarvoor

geschapen ?’ (p. 163)

(…)

‘Waarom laat-ie ons allemaal creperen, stuk voor stuk, die God van je ? Wat hebben we

hem misdaan ? Heeft-ie ons geschapen om ons een beetje voor de gek te houden ?’ (TN,

p. 164-165)

Un groupe de jeunes marocains se trouve dans un petit bateau en pleine mer, en route vers

l’Europe, mais le moteur est en panne. Lahcen est au bord de l’espoir et commence à mettre en

question la bonté de Dieu. Ses paroles font penser à celles de Voltaire, un grand philosophe des

Lumières, qui se demandait dans son Dictionnaire philosophique (1764) pourquoi Dieu fait

souffrir l’homme, s’il est infiniment bon. Voltaire critique ainsi la théorie de Leibniz exposée

dans Essais de Théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal (1710).

Leibniz est connu pour la célèbre citation « Nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ».

Le monde peut bel et bien être le « meilleur des mondes possibles », mais certainement pas pour

le pauvre Lahcen : toute sa vie, il n’a connu que du malheur. En fait, toute la nouvelle est une

sorte de réflexion sur le destin et la foi, deux questions philosophiques qui sont très populaires

aux Lumières. Mais le roman cache encore des références à d’autres philosophes de cette époque-

là :

« Et qui sait si ce qu’un individu A et un individu B nomment tous les deux ‘rouge’ est en

fait la même couleur ? » (TS, p. 40)

« En wie weet of datgene wat individu A en individu B allebei ‘rood’ noemen in

werkelijkheid een en dezelfde kleur is ? » (TN, p. 37)

Page 42: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

42

Ce petit fragment vient de la nouvelle L’étrange affaire du cahier bounni, dans laquelle on

discute de couleurs. Laroui renvoie clairement à John Locke, un empiriste qui affirme que

l’homme acquiert ses idées et développe ses pensées à partir des sens, des expériences de

l’extérieur. Ces sensations sont différentes pour chacun de nous et c’est exactement ce que dit

Laroui dans cet extrait en ce qui concerne la couleur rouge : deux individus peuvent percevoir

une certaine couleur d’une façon complètement différente. Fouad Laroui est un fervent partisan

des Lumières, le siècle qui est à la base de notre époque actuelle. La raison l’emporte sur la foi et

les sciences se sont développées. Ce n’est pas un hasard que Laroui mentionne « l’Encyclopedia

Universalis » (p. 40) d’Isaac Newton, une œuvre qui constitue une étape marquante dans la

science.

C’est un grand défi pour un traducteur de faire fonctionner ces références intertextuelles dans la

traduction. Curieusement, nous n’avons pas reconnu ces références dans le roman original, mais

c’était en lisant la traduction néerlandaise que nous les avons découvertes, ce qui prouve que van

Woerden a bien traduit ces fragments. Le traducteur a vraiment aidé le lecteur dans sa lecture, pas

en ajoutant des explications, mais en choisissant les mots appropriés : le façon dont il a traduit

ces extraits suffit pour comprendre l’intertextualité. Dans ce cas-ci, la traduction jette une

nouvelle lumière sur le texte source.

Nous avons noté un autre cas très intéressant. Dans la nouvelle L’esthète radical, un commissaire

français se met dans la tête d’un extrémiste musulman et explique à son collègue pourquoi, selon

lui, les terroristes se suicident. À un certain moment, il utilise les paroles suivantes :

Die elfde september toen in Amerika, die had toch juist het verkeerde effect, of niet

soms ? Goed, dus ik ga me klaarmaken voor de grote sprong, ha, dat kan je in dit geval

wel zeggen hè, ha-ha-ha ! (TN, p. 134)

Il est bizarre que van Woerden utilise l’expression « de grote sprong », tandis que « le grand

saut » ne figure pas dans le roman original:

Le 11 Septembre, en Amérique, c’est plutôt l’inverse que ça a produit, non ? Donc, je suis

prêt à me foutre en l’air, c’est le cas de le dire, ah, ah, ah ! (TS, p. 143)

Page 43: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

43

Laroui utilise ironiquement l’expression « se foutre en l’air » pour un extrémiste qui va se faire

exploser, mais il n’est pas question d’intertextualité ici. Néanmoins, Frans van Woerden introduit

« de grote sprong » dans sa traduction, qui fait penser à « de Grote Sprong Voorwaarts », la

politique économique lancée par Mao Zedong. La raison pour laquelle il utilise ce grand saut

n’est pas claire : sa stratégie dans ce cas-ci ne correspond pas à la stratégie utilisée dans la

traduction entière de Le jour où Malika ne s’est pas mariée.

Un dernier cas particulier est la citation de George Bernard Shaw, un dramaturge irlandais : « Le

silence est la forme la plus parfaite du dédain » (p. 191). Au premier abord, il n’y a rien de

spécial, mais en faite, cette citation n’est pas tout à fait correcte. Originellement, dans la pièce de

théâtre Back to Methuselah (1921) de George Bernard Shaw, un de ces personnages dit: « Silence

is the most perfect expression of scorn » 6

. L’équivalent français courant de cette citation est « Le

silence est l’expression la plus parfaite du mépris »7. Laroui a donc intentionnellement introduit

une citation incorrecte qui figure dans la nouvelle Les gueux vaincus par la technique. La raison

est claire : Ali qui raconte son histoire et introduit une citation pour faire le malin, mais il se

montre sous son vrai jour en citant incorrectement. Cette référence intertextuelle est donc

également une forme d’ironie. Frans van Woerden a compris cette fonction subtile, puisqu’il a

traduit la citation par « Zwijgen is de meest volmaakte vorm van verachting. » (p. 176), qui est

également incorrecte en néerlandais. Pour être exacte, « vorm » et « verachting » devraient être

« uitdrukking » et « minachting ». Van Woeren a donc bien transmis cette nuance raffinée, ce qui

n’est certainement pas évident parce que le traducteur doit en premier lieu saisir la nuance lui-

même avant d’être capable de la rendre dans sa traduction.

6 Nous avons trouvé ces informations sur:

http://www.gutenberg.org/files/13084/13084-8.txt 7 http://www.dicocitations.com/citations/citation-11082.php

http://www.citaten.net/zoeken/citaten_van-george_bernard_shaw.html?page=7

Page 44: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

44

4.4.3. Traduction italienne

Il est intéressant de comparer la traduction néerlandaise de la citation de Shaw avec celle en

italien. Vezzaro l’a traduite comme suite : « Il silenzio è la forma più perfetta del disprezzo. »8 (p.

136), ce qui est pratiquement correcte en italien. Ce n’est que « la forma » qui devraient être

« l’espressione » pour être complètement exacte. Elle n’a donc rien fait avec le « mépris » que

Laroui a transformé par « dédain », puisque « disprezzo » est l’équivant italien pour « mépris ». Il

existe cependant un équivalent italien pour « dédain », à savoir « disdegno ». En utilisant la

citation correcte en italien, Vezzaro ne produit pas le même effet dans sa traduction par rapport

au texte orignal, parce que l’ironie de la citation de Shaw est en majeure partie perdue.

Dans deux cas particuliers, l’intertextualité dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée se

présente sous la forme « d’auto-citations » (Génin, 2006). Fouad Laroui renvoie à deux de ces

romans précédents : « Sonnez, trompettes ! Roulez, tambours ! » (p. 43) est une exclamation qui

figure aussi dans La fin tragique de Philomène Tralala, paru en 2003, et puis, le personnage

d’Ahmed El-Boumbi (p. 43) qui est évoqué quelques fois est également présent dans Une année

chez les français de 2010. Laroui crée donc en quelque sorte de l’intertextualité avec son propre

œuvre. La première citation de La fin tragique de Philomène Tralala n’est pas une expression qui

figure dans n’importe quel livre ; on sent intuitivement que c’est une citation, même si on n’a pas

lu ce roman. Mais de toute façon, il n’est certainement pas évident pour les lecteurs de

reconnaître les auto-citations, surtout quand on n’a pas lu un de ces romans précédents. Il est

intéressant de regarder comment Vezzaro a traduit ces références, vu que Le jour où Malika ne

s’est pas mariée est le seul roman de Fouad Laroui traduit en italien. Il n’existent donc pas de

traductions en italien de La fin tragique de Philomène Tralala et d’Une année chez les français,

ce qui rend la traduction des auto-citations encore plus complexe. Les lecteurs italiens ne peuvent

pas reconnaître une citation qui n’existe pas encore en italien. La traduction de Vezzaro est la

suivante: « Suonate, trombe ! Rullate, tamburi ! (p. 31), une traduction littérale, et « Vi ricordate

di Ahmed El-Boumbi ? » (p. 31), aussi une traduction littérale de « Vous vous souvenez d’Ahmed

El-Boumbi ? » (p. 43). Vezzaro a décidé de laisser dans l’ombre les auto-citations : elle n’ajoute

rien et ne donne aucune explication, donc il est très probable que le public italien n’a pas reconnu

8 http://www.pensieriparole.it/aforismi/stati-d-animo/frase-134352

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45

ces références intertextuelles et qu’elles sont perdues. Cela confirme l’affirmation de Génin

(2006): les effets intertextuels sont perturbés par la différence entre le paysage mental du public

cible et celui du public source. Le lecteur francophone a un différent environnement culturel par

rapport au lecteur italien et c’est un phénomène sur lequel le traducteur a peu de prise (p. 210).

Page 46: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

46

5. CONCLUSION

Nous avons analysé et comparé les traductions néerlandaises et italiennes de Le jour où Malika

ne s’est pas mariée à trois niveaux : le dialogue, l’ironie et l’intertextualité. Pour chacun de ces

aspects, nous regarderons maintenant quelles stratégies Frans van Woerden et Cristina Vezzaro

ont adoptées et quelles sont les différences dans leurs approches.

Au niveau du dialogue, nous avons distingué deux catégories : la langue parlée et le

multilinguisme. En ce qui concerne ce premier aspect, nous avons constaté que les deux

traducteurs restent fidèles au style estudiantin des jeunes, mais une certaine différence est quand-

même visible dans les traductions. Vezzaro a mieux réussi à utiliser une langue parlée

contemporaine, tandis que van Woerden se sert souvent d’expressions informelles qui ne sont

plus actuelles aujourd’hui. Cependant, il est allé plus loin que Vezzaro en introduisant des

éléments de la langue parlée là où ce n’est pas le cas dans le roman original, peut-être comme

stratégie de compensation ?

Nous voyons une tendance similaire quant au multilinguisme du roman, qui est également bien

respecté par les deux traducteurs. En général, ils ont vraiment fait des efforts pour trouver des

solutions qui permettent de conserver le caractère multilingue du roman, bien que cela ne soit pas

tout à fait évident. Les éléments arabes ont été conservés dans les deux traductions, à part

quelques cas rares dans la traduction italienne. Les traducteurs ont tous les deux ajouté un

glossaire afin d’aider les lecteurs à comprendre les mots arabes. La différente taille de ce

glossaire reflète l’attitude des traducteurs envers leur public : Vezzaro se montre plus ‘serviable’

que van Woerden puisque son glossaire est beaucoup plus étendu. Elle estime très important que

les lecteurs italiens comprennent ce qu’ils lisent et parfois ils doivent être aidés, par un glossaire,

mais par exemple aussi par une note en bas de page qui explique le fragment qui réfère à l’affaire

de l’éventail. Van Woerden se tient au second plan et laisse les lecteurs plus libres de découvrir

eux-mêmes de nouveaux mots.

Les deux traducteurs maintiennent leur stratégie pour la traduction des éléments anglais et

espagnols, qui sont également conservés. Nous avons noté même un cas dans lequel van

Woerden ajoute un mot anglais là où il y a un mot français dans le roman original. Il crée donc en

quelque sorte une nouvelle forme de multilinguisme à l’intérieur du texte néerlandais.

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47

Quant aux expressions latines, nous avons remarqué une particularité dans la traduction

néerlandaise. La plupart de ces expressions n’ont pas été conservées et elles sont remplacées par

des équivalents en néerlandais. Cette stratégie bizarre de van Woerden ne correspond pas à son

attitude à l’égard des autres éléments multilingues dans les nouvelles. Il n’y a pas de vraie raison

pour laquelle van Woerden a décidé de changer de stratégie et de faire disparaître le latin dans sa

traduction. Vezzaro, en revanche, reste fidèle à sa stratégie et conserve les éléments latins. C’est

la première fois que nous constatons une approche complètement opposée chez les traducteurs.

Comme nous avons déjà mentionné, Venuti (1995) prétend que c’est la stratégie de

« domesticating » qui est le plus utilisée par les traducteurs aujourd’hui et Meylaerts (2004)

affirme que c’est surtout la tendance dans la traduction de textes multilingues, mais cette étude

contredit ces visions. Nous constatons que les deux traducteurs ont en général traduit de façon

exotisante et qu’ils n’ont recours à la stratégie de naturalisation que dans un nombre de cas limité.

La tendance de la traduction naturalisée est-elle en train de s’inverser ou notre étude n’est-elle

qu’une exception ? On pourrait aussi se demander si la stratégie de « domesticating », qui fait

disparaître les éléments étrangers dans les traductions, a un effet homogénéisant et si elle efface

les contrastes stylistiques. July De Wilde (2004), chercheur et professeur à l’université de Gand, a

démontré que ce n’est pas toujours le cas dans son étude sur les traductions françaises et

anglaises du roman multilingue Tres tristes tigres de Guillermo Cabrera Infante. Toutefois, la

constatation de De Wilde ne s’applique pas à notre étude : si on efface les éléments étrangers

dans les traductions de Le jour où Malika ne s’est pas mariée, on efface un partie essentielle du

style particulier de Laroui. Nous considérons par exemple la disparation des éléments latins dans

la traduction néerlandaise comme une perte pour le roman néerlandais.

Comme Buzelin (2006) et De Wilde (2004) ont également démontré, la traduction d’un roman

multilingue est beaucoup plus que le choix entre « domesticating » et « foreignizing » et cette

étude ne peut que confirmer cela.

Passons ensuite à la traduction de l’ironie dans Le jour où Malika ne s’est pas mariée, ce qui

constitue un grand défi pour les traducteurs. Le roman de Laroui est plein de jeux langagiers et de

situations amusantes qui doivent fonctionner dans les textes cibles. En général, van Woerden et

Vezzaro y ont réussi : le caractère ironique de la plupart des extraits et des jeux de mots sera

certainement noté par le public néerlandophone et italien. Cependant, nous avons remarqué dans

Page 48: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

48

les deux traductions un nombre de cas limité dans lesquels Vezzaro et van Woerden sont restés

trop fidèles au texte source, ce qui a pour résultat que l’effet ironique risque de disparaître dans

les traductions. Il faut dire que ces cas sont vraiment des exceptions ; les deux traducteurs ont

généralement trouvé de très bonnes solutions pour rendre le style ironique de Laroui, sans trop

ajuster le texte source à la culture cible. Les jeux de mots, les expressions et les références

ironiques ne sont pas trop adaptés à la culture cible, mais ils gardent le caractère de la culture

source. Ce mémoire confirme donc l’affirmation de Liévois que la stratégie de « foreignizing »

est plus populaire que celle de « domesticating. De plus, l’ironie et le multilinguisme vont parfois

de pair dans le roman : les éléments multilingues provoquent très souvent un effet ironique, donc

l’exotisation de ces éléments étrangers est aussi favorable au caractère ironique du roman. En

fait, si le traducteur décide de respecter le multilinguisme du roman et donc d’utiliser la stratégie

de l’exotisation, il est pratiquement obligé d’utiliser la même stratégie pour la traduction de

l’ironie, puisque le multilinguisme et l’ironie vont de pair.

Enfin au niveau de l’intertextualité, nous avons découvert des références intertextuelles grâce à la

traduction néerlandaise que nous n’avions pas noté dans le roman original français. Cela prouve

déjà que van Woerden a très bien rendu ces références dans sa traduction et que la traduction jette

une nouvelle lumière sur le texte source. Vezzaro a elle aussi noté et bien traduit la plupart des

cas d’intertextualité, mais dans un seul cas, elle a n’a pas remarqué une certaine nuance, ce qui a

provoqué une perte dans la traduction italienne. Il y en outre les « auto-citations » ou les

références à d’autres romans de Fouad Laroui, qui ne seront pas reconnues par le public italien,

puisque ces livres ne sont pas traduits en italien. En ce qui concerne la traduction de

l’intertextualité, nous voyons donc une différence chez les deux traducteurs. Frans van Woerden

a conservé toutes les références et les nuances dans sa traduction, tandis que Cristina Vezzaro,

inconsciente ou non, en a perdu quelques-unes. Nous avons constaté que l’intertextualité et

l’ironie vont aussi de pair et cela a des conséquences : si on néglige une référence intertextuelle

qui a également un effet ironique, on perd immédiatement deux aspects importants dans la

traduction.

En conclusion, la traduction du roman multilingue Le jour où Malika ne s’est pas mariée est

beaucoup plus que le choix entre « la naturalisation » ou « l’exotisation ». Le multilinguisme,

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l’ironie et l’intertextualité sont liés entre eux : en respectant le caractère multilingue et en

conservant les références intertextuelles du roman, on conserve également l’aspect ironique du

roman.

Page 50: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

50

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Authors and Translators. (01.04.2013). Fouad Laroui and his translators. [En ligne] http://

authors-translators.blogspot.be/2013/04/fouad-laroui-and-his-translators.html

[28.11.2013]

Histoire du Maghreb. (16.06.2012). L’Affaire d’Alger (1827-1830). [En ligne] http://www.

histoiredumaghreb.com/L-Affaire-d-Alger-1827-1830 [05.04.2014]

Le Quotidien d’Algerie. (20.11.2012). L’Algérie, de l’affaire de l’éventail à celle du Mali. [En

ligne] http://lequotidienalgerie.org/2012/11/20/lalgeriede-laffaire-de-leventail-a-celle-

du-mali/ [05.04.2014]

Page 53: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

53

Project Gutenberg. (02.08.2004). Back to Methuselah: A Metabiological Pentateuch by

Bernard Shaw. [En ligne] http://www.gutenberg.org/cache/epub/13084/pg13084.html

[06.05.2014]

Dicocitations: le dictionnaire des citations. (s.d.). Le silence est l’expression la plus parfaite

du mépris. [En ligne] http://www.dicocitations.com/citations/citation-11082.php

[06.05.2014]

Citaten.net. (s.d.). Citaten van George Bernard Shaw. [En ligne] http://www.citaten net/

zoeken/citaten_van-george_bernard_shaw.html?page=7 [06.05.2014]

Pensieri Parole. (s.d.) Il silenzio è la più perfetta espressione del disdegno. [En ligne] http://

www.pensieriparole.it/aforismi/stati-d-animo/frase-134352 [06.05.2014]

Page 54: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

54

ANNEXE I - TABLEAUX COMPARATIFS

1. ÉLÉMENTS ARABES

Texte source (TS): Le jour où Malika

ne s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag dat

Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

une petite ville un peu assoupie, serrée

autour de son mellah (p. 7)

dicht rond zijn mellah gegroepeerd (…)

stadje (p. 7)

stretta attorno alla sua mellah (p. 5)

avec sa barbe blanche et son allure de

fqih (p. 8)

met zijn grijze baard en zijn uiterlijk van een

fqih* (p. 8)

con la sua barba bianca e il suo aspetto

da fiqh (p. 5)

Si Mahmoud a mis sa plus belle djellaba.

(p. 8)

Si Mahmoud draagt zijn mooiste djellaba. (p. 8) Si Mahmoud indossa la sua djellaba

migliore. (p. 5)

« Oui, oui, il s’agit bien de l’oustad

Abbas. » (p. 10)

« Ja, inderdaad, het gaat over de oustad

Abbas » (p. 9)

« Sì, sì, si tratta proprio dell’ustad

Abbas. » (p. 7)

« Vous connaissez le hadith» (p. 11) « U kent toch de Hadith» (p. 10-11) « Lei conosce l’hadith » (p. 8)

« votre honorable voisin, le hadj

Mahmoud » (p. 18)

« uw gerespecteerde buurman, hadj

Mahmoud » (p. 17)

« al suo onorevole vicino, l’hadj

Mahmoud » (p. 13)

Sa fille trouvait que tous les hommes d’El

Jadida étaient(…) des aroubis. (p. 19)

Haar dochter vond de mannen van El Jadida

een stelletje (…) aroubi’s. (p. 18)

Per la sua figlia tutti gli uomini di El

Jadida erano (…) degli aroubis. (p. 14)

ce serait la honte, la hchouma assurée. (p.

22)

dan kreeg je vast en zeker een schandaal, het

zou een hchouma zijn. (p. 20)

sarebbe stata l’onta, la hchouma

assicurata. (p. 15)

« Noudi, noudi, lui ordonna-t-elle. Lève-

toi! » (p. 24)

« Noudi, noudi, beval ze haar. Opstaan ! » (p.

22)

« Noudi , noudi, - le ordinò – Àlzati ! »

(p. 17)

« Safi? C’est tout l’effet que ça te fait? »

(p. 25)

« Safi ? Doet het je niet meer dan dat ? » (p. 23) « Safi ? Tutto qui l’effetto che ti fa ? »

(p. 18)

En fin d’après-midi, Zaynab s’enveloppa

dans un haïk blanc immaculé… (p. 26)

Tegen het eind van de middag hulde Zaynab

zich in een smetteloos witte haik… (p. 24)

« Verso la fine del pomeriggio, Zaynab

si avvolse in un haïk bianco

immacolato… (p. 19)

Une taguia grise recouvrait son crâne. (p.

26)

Op zijn schedel prijkte een grijze taguia. (p. 25) Una taguia grigia gli copriva la

testa. (p. 19)

« A’oudou billah! » (p. 27) « A’oudou billah ! » (p. 25) « A’oudou billah ! » (p. 20)

Page 55: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

55

« Les quatre couleurs étaient le vert, le

bleu, le noir et le bounni. » (p. 33)

« Die vier kleuren waren groen, blauw, zwart

en bounni. » (p. 31)

« I quattro colori erano il verde, il blu,

il nero e il bouni » (p. 24)

« l’orange se disait fanidi chez l’épicier et

limouni chez le marchand de tissu » (p.

35)

« oranje heette fanidi bij de kruidenier en

limouni bij de textielhandelaar » (p. 32) « l’arancione si diceva fanidi dal

droghiere e limouni dal merante di

tessuti » (p. 25)

« le vrai bounni, l’authentique bounni, le

bounnissime » (p. 38

« de echte bounni, de authentieke bounni, de

bounnissime » (p. 35) « il vero bounni, l’autentico bounni, il

bounni assoluto» (p. 27)

« Les adouls auraient pu nous

renseigner » (p. 40)

« We hadden misschien iets wijzer kunnen

worden van de adouls » (p. 37)

« Gli adoul avrebbero potuto aiutarci »

(p. 28)

« Le fils du commissaire s’appuie bien sûr

sur (…) et les mokkadems » (p. 41)

« De zoon van de commissaris steunt natuurlijk

op (…) en de mokkadems » (p. 38)

« Il figlio del commissario fa conto

sulla (…) e sui mokkadem » (p. 29)

« les gnaouas noirs » (p. 48) « de zwarte gnaoua’s* » (p. 45) « gli Gnaouas neri » (p. 34)

« la vaine tentative de réciter la shahada »

(p. 54)

« de vergeefse poging de shahada op te

zeggen » (p. 51)

« il vano tentativo di recitare la

shahada » (p. 38)

« Ashhadoe an’ la… » (p. 54) « Ashhadoe an’la… » (p. 51) « Ash-hadou an’la…» (p. 38)

« ça veut dire Difac

Hassani Jadidi, soit

Défense hassanienne d’El Jadida. » (p. 80)

« Dat betekent Difa Hassani Jadidi, oftewel de

hassanse verdediging van El Jadida. » (p. 75)

« Vuol dire : Difa Hassani Jadidi,

ovvero : difesa hassaniana di El Jadidi

[sic] » (p. 57)

il nous commanda de lui indiquer le

chemin de la cathédrale. (...) ses mots

furent ceux-ci: « Fine jatt hadik al-

kanissa?» (p. 101)

hij bevál ons hem de weg naar de kathedraal te

wijzen. (…) Letterlijk waren zijn woorden als

volgt : « Fine jatt hadik al-kanissa ? » (p. 95)

ci ordinò di indicargli la strada per la

cattedrale. (…) le sue parole furono le

seguenti : « Fine jatt hadik al-

kanissa ? » (p. 72)

« À tout le moins, un petit salamou

aleïkoum. » (p. 102)

« Het minste was toch wel een klein salamou

aleïkoum.» (p. 96)

« Perlomeno un piccolo salam

aleikum » (p. 73)

« S’ils présentent leurs excuses, ces jeunes

hommes, il nous faut les accepter. C’est la

sunna du Prophète ! » (p. 119)

« Als deze jongeheren hun excuses aanbieden,

dan moeten wij die aanvaarden. Zo luidt de

soenna van de Profeet. » (p. 111)

« Se presentano le loro scuse, questi

giovanotti, dobbiamo accettarle. È la

Sunna del Profeta ! (p. 85)

« On appelle ça des houris, chef. Houris,

putes, c’est kif-kif bourricot. » (p. 143)

« Die heten ‘hoeri’s’, baas. Hoeri’s of hoeren,

wat maakt ‘t uit, Larcher, allemaal één pot

nat ! » (p. 134)

« Si chiamano uri, capo. Uri, zoccole, è

lo stesso. » (p. 102)

« Ta crevette halal, ah, ah, ah ! » (p. 150) « Een halalgarnaaltje, ha-ha-ha ! » (p. 140) « Il tuo gamberetto halal, ah, ah, ah ! »

(p. 107)

A cette occasion, il apprend qu’on désigne Zo komt hij erachter dat men het altijd over de In questa occasione impara che gli

Page 56: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

56

les passeurs sous le nom de raïs, un mot

qui signifie d’habitude « patron » ou

« président ». (p. 161)

passeurs heeft als raïs, een woord dat

doorgaans « baas » betekent of « president ».

(p. 150)

scafisti vengono chiamati raïs, un nome

che significa solitamente « padrone » o

« presidente ». (p. 114)

« La la, oualou ! Rien du tout! » (p. 163) « La, la, oealoe ! Niks ervan ! » (p. 152) « Ehi, ehi fermo lì ! Tu non ti muovi ! »

(p. 116)

« Juste de la caillasse et des cheikhates,

non? » (p. 165)

« Da’s niks dan kale steen en cheikhates*, waar

of niet ? » (p. 154)

« Solo pietrisco e cheikhates, o no ? »

(p. 118)

Les deux hommes s’engagent dans une

discussion fiévreuse en tarifit, dialecte que

ni Lahcen ni ses compagnons ne

comprennent. (p. 166)

Er volgt een koortsachtige discussie tussen de

twee in het Tarifit, een dialect dat noch Lahcen,

noch zijn metgezellen begrijpen. (p. 155)

I due uomini si lanciano in una

discussione febbrile in Tarifit, dialetto

che né Lahcen né i suoi compagni

capiscono. (p. 118)

« Allah ! Il a été emporté par la vague! »

(p. 170)

« Allah ! Hij is overboord gespoeld ! » (p. 159) « Allah ! È stato trascinato via

dall’onda ! » (p. 121)

« Et il te me rugit dedans un ultimatum

makhzénien qui fait s’envoler au vent

mauvais les bonnets et les chéchias » (p.

189)

« En daar dondert-ie me toch zo’n

allesverzengende makhzennisch* ultimatum in

dat alle mutsen en chechia’s van de mannen

hun hoofden werden geblazen » (p. 175

« E si mette a sbraitare dentro un

ultimatum makhzeniano che fa volare

al vento i berretti e i fez »

(p. 135)

« aucune fatiha n’est récitée » (p. 191) « er wordt geen enkele fatiha* ten gehore

gebracht » (p. 176)

« non viene recitata nessuna Fatiha »

(p. 136)

2. ÉLÉMENTS ANGLAIS

Texte source (TS): Le jour où Malika ne

s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag dat

Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

les Khatib allaient organiser une surprise-

partie (p. 26)

de Khatibs gingen een surpriseparty houden

(p. 24)

i Kathib avrebbero organizzato un

surprise-party (p. 18)

« en arabe classique, of course. » (p. 33) « in het klassiek Arabisch, of course. » (p. 31) « (in arabo classico, of course » (p. 24)

« White is white! » (p. 43) « White is white ! » (p. 40) « White is white ! » (p. 31)

Exit la mère indifférente (p. 61) Exit de onverschillige moeder (p. 58) Uscita di scena la madre indifferente

Page 57: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

57

(p. 44)

« Try me » (p. 69) « Try me » (p. 66) « Try me » (p. 50)

« Tu es le premier à dire no way, OK,

please, etc. » (p. 70)

« Jij bent altijd de eerste om no way, OK,

please, en dat soort dingen te zeggen. » (p. 66)

« Sei il primo a dire no way, okay,

please, eccetera. » (p. 50)

« Tu es d’ailleurs tout à fait welcome. » (p.

70)

« waar je trouwens honderd procent welcome

bent. » (p. 66)

« dove peraltro sei tutto welcome » (p.

50)

« Ok, no problem ». (p. 70) « OK, no problem. » (p. 66) « Okay, no problem. » (p. 50)

« Des sand niggers: des nègres de sables! »

(p. 72)

« Sand niggers : zandnikkers ! » (p. 68) « Sand niggers : negri delle sabbie ! »

(p. 52)

« pour attirer l’attention du referee » (p. 94) « om de aandacht van de referee te trekken »

(p. 87)

« per attirare l’attenzione del referee »

(p. 67)

Une voix mélodieuse annonça une

catastrophe naturelle (en Grèce), un mariage

(des people en Provence) (p. 127)

Een melodieuze stem maakte melding van een

natuurramp (in Griekenland), een huwelijk

(van vips in de Provence) (p. 119)

Una voce melodiosa annunciò una

catastrofe naturale (in Grecia), un

matrimonio (dei vip in Provenza) (p.

91)

« Il s’empare d’un MEGAPHONE ! Made

in Germany »

(p. 189)

« Hij pakt een MEGAFOON ! Made in

Germany » (p. 174)

« Si impossessa di un megafono !

Made in Germany » (p. 135)

« mais face aux milliards de décibels made

in l’Allemagne, que peuvent-ils ? » (p. 190)

« maar wat konden ze nou ooit uitrichten

tegen die miljarden decibels made in

Deutschland ? » (p. 175)

« ma di fronte ai miliardi di decibel

made in Germany, che cosa possono

farci ?

(p. 135)

3. ÉLÉMENTS LATINS

Texte source (TS): Le jour où Malika

ne s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag dat

Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

« Vae victis! » (p. 41) « Vae victis ! » (p. 38) « Vae victis! » (p. 29)

« on revint au statu quo ante » (p. 47) « En toen was iedereen weer terug bij ‘af’ » (p. « e si tornò allo status quo ante » (p. 33)

Page 58: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

58

44)

« a priori » (p. 48) « in wezen » (p. 44) « a priori » (p. 34)

« cet espace éclairé a giorno » (p. 64) « die helverlichte ruimte » (p. 60) « quello spazio illuminato a giorno » (p.

45)

« Et puisque tu veux connaître le modus

operandi » (p. 84)

« En omdat je per se de modus operandi wil

kennen. » (p. 79)

« E visto che vuoi sapere il modus

operandi » (p. 60)

Il changea illico son fusil d’épaule. (p.

104)

Hij gooide het ter plekke over een andere

boeg. (p. 98)

Cambiò subito la versione. (p. 74)

La chaleur ambiante n’avait pas dissous

notre libido sciendi. (p. 106)

De hitte had onze libido sciendi nog niet doen

verdampen. (p. 99)

L’ambiente caldo non aeva dissolto la

nostra libido sciendi. (p. 76)

« Maintenant, c’était une superbe paire de

fesses qui proclamait urbi et orbi les

mérites d’une marque de lingerie bien

connue »

(p. 128)

« Nu hingen er een paar schitterende billen die

wijd en zijd de kwaliteiten van een welbekend

lingeriemerk rondbazuinden » (p. 120)

« Ora c’era uno splendido paio di glutei

a proclamare urbi et orbi i meriti di un

marchio di biancheria » (p. 92)

« L’autre, (…), se contentait d’esquisser

quelque rugissement in petto – seule

l’oreille exercée pouvait percevoir les

vibrations in potentia » (p. 186)

« De ander, (…), beperkte zich wat ingehouden

gegrom – slechts een geoefend oor kon de

potentiële vibraties (…) waarnemen. » (p. 172)

« L’altro (…) si accontentava di

accennare qualche ruggito in pectore,

solo un orecchio esercitato poteva

percepire le vibrazioni in potentia. »

(p. 133)

« J’irais bien y faire un tour, pour

constater de visu. Ou plutôt… comment

dit-on quand on entend plus qu’on ne voit,

de auditu ? » (p. 188)

« Ik zou er best eens naartoe willen, voor een

constatering de visu. Of liever… hoe zeg je

dat, wanneer je iets meer hoort dan dat je het

ziet, de auditu ? » (p. 174)

« Mi piacerebbe andare a fare un giro

per constatare de visu. O meglio…

come si dice quando si sente, più che

vedere, de auditu ? » (p. 134)

« Et voilà que notre Makhzen se met à

utiliser des mégaphones, des guérites

quantiques, et tutti quanti. » (p. 202)

« En daar begint onze Makhzen opeens te

werken met megafoons, quantische

wachthuisjes en tutti quanti. » (p. 186)

« Ed ecco che il nostro Makhzen si

mette a utilizzare dei megafoni, delle

garitte quantiche, e tutto il resto. » (p.

144)

Page 59: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

59

4. ÉLÉMENTS ESPAGNOLS

Texte source (TS): Le jour où Malika ne

s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag

dat Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

« Ce sont les desperados de Boujaad, » (p.

160)

« Het zijn desperado’s uit Boujaad, » (p.

149)

« Sono i desperados di Boujaad, » (p. 114)

ce raïs-là possède une barque à fond plat, du

type de celles que les Espagnols nomment

pateras. (p. 161)

die raïs bezit een platbodem, en boot van

het type dat de Spanjaarden een pateras

noemen. (p. 150)

questo raïs possiede una barca dal fondo

piatto, del tipo che gli spagnoli

definiscono pateras. (p. 115)

5. IRONIE

Texte source (TS): Le jour où Malika

ne s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag dat

Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

« Eh bien, très respectée mademoiselle,

cette caravane, c’est vous ! » En voila un

qui sait parler aux femmes, pensa

Zaynab. (p. 20)

« Welnu, zeer vereerde juffrouw, die

karavaan bent u ! » Kijk eens aan, die weet

wat hij tegen een vrouw moet zeggen, dacht

Zaynab. (p. 19)

« Ebbene, rispettabilissima signorina,

questa carovana è lei ! » Ecco uno che sa

parlare alle donne, pensò Zaynab. (p. 14)

« mais hélas leur connaissance de l’arabe

classique s’arrêtait aux termes qui

décrivent le mariage, la répudiation, la

mort et d’autres joyeusetés. » (p. 40)

« (…) maar hun kennis van het klassiek

arabisch reikte helaas niet verder dan de

woorden die het huwelijk beschrijven, de

verstoting, het overlijden en nog zo’n paar

opwekkkende zaken. » (p. 37)

« ma purtroppo la loro conoscenza

dell’arabo classico si fermava ai termini

che descrivono il matrimonio, il ripudio,

la morte e altre facezie. » (p. 28)

« le ministre de Tout et de Partout » (p.

42)

« de minister van alles en overal » (p. 39) « il ministro del Tutto e del Niente » (p.

30)

« Dans le chaos quotidien, dans la grande

incertitude des choses, il y avait cette

certitude : Io fut changée en génisse, Ra

« In de chaos van alledag, in de ongewisheid

der dingen, was tenminste één gewisheid : Io

werd in een vaars veranderd, Ra was een

« Nel caos quotidiano, nella grande

incertezza delle cose, c’era quella

certezza : Io fu trasformata in giovenca,

Page 60: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

60

était un ‘dieu égyptien’… » (p. 46)

Nous nous penchâmes sur la page qu’il

nous désignait, page qui faisait face à

celle qui contenait les mots croisés. (p.

121)

« À part ça, Hassan II avait reçu Bongo

et l’équipe nationale de football avait

battu celle du Malawi par deux buts à

zéro. » (p. 125)

‘Egyptische god’… » (p. 42)

We bogen ons over de door hem aangewezen

pagina, die naast die van het

kruiswoordraadsel. (p. 113)

« Afgezien daarvan had Hassan II Bongo

ontvangen en had het nationale elftal met

twee-nul van Malawi gewonnen. » (p. 116)

Ra era un ‘dio egizio’… » (p. 33)

Ci sporgemmo sulla pagina che ci

indicava, pagina che era di fronte a quella

con le parole crociate. (p. 87)

« A parte quello, Hassan II aveva ricevuto

Bongo e la nazionale di calcio aveva

battuto la nazionale del Malawi due a

zero. » (p. 89)

« Vaut-il mieux avoir un saumon ou une

puce au pouvoir ? Question

redoutable ! » (p. 51)

« Kun je beter een zalm of een wandluis aan

de macht hebben ? Prangende vraag ! (p. 48)

« Meglio un salmone o una pulce al

potere ? Domanda terribile ! » (p. 37)

dans la petite pièce où Bouqual

anéantissait un couscous. (p. 85)

het vertrek waar Bouqual (…) korte metten

aan het maken was met een couscous. (p. 80)

nella stanzetta in cui Bouqal annientava

un couscous. (p. 61)

« S’il le faut, il ira à Rabat ! Il présentera

une pétition au Palais ! (La menace

suprême.) » (p. 89)

« Als het moest ging-ie naar Rabat ! Zou-ie

een petitie tot het Paleis richten ! (Het ultieme

dreigement) (p. 84)

« Se occorre andrà fino a Rabat !

Presenterà una petizione a Palazzo ! (La

minaccia suprema.) » (p. 64)

«Donc, qu’est-ce que je fais, extrémiste

prévoyant que je suis ? Je me protège les

parties, Bon Dieu ! » (p. 145)

« Dus wat doe ik als vooruitziende extremist ?

Ik zorg ervoor dat ik mijn edele delen

bescherm, goeiegodnogaantoe ! » (p. 135)

« Quindi, cosa faccio, da estremista

previdente quale sono ? Mi proteggo le

parti, per Dio ! » (p. 103)

« La nabab, là, naguère, le bonhomme

avec son ventre.. On voit rarement

passer des gens sans leur ventre. » (p.

182)

« Die geldzak van daarnet, die kerel met z’n

buik… Je ziet haast nooit iemand zonder z’n

buik. »

(p. 167)

« Il nababbo, lì, poc’anzi, il tipo con la

pancia… È raro che si vedano passare

persone senza pancia » (p. 129)

« ministre de l’Intérieur, des

Mégaphones et des Barrages » (p. 190)

« minister van Binnenlandse, Megafonische

en Stuwmeerzaken » (p. 175)

« Ministro degli Interni, dei Megafoni e

delle Dighe » (p. 135)

- Cette fois-ci, il n’y avait pas un chat

dans la salle des fêtes – sauf, peut-être, le

cat du grand-père de Hamid -… » (p.

194)

‘Ditmaal was er in de hele feestzaal nog geen

kat te bekennen – behalve, misschien, de kat

van Hamids grootvader -… (p. 179)

« Questa volta, non c’era anima viva nel

salone delle feste, salvo, forse il gatto del

nonno di Hamid… » (p. 138)

Page 61: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

61

- C’était effrayant. Comme le cat de

Schrödinger.

- Encore des chats ! Y en a marre ! (p.

195)

- Les gueux et leurs guetteurs ne

détectent donc rien – sans même parler

des chat…

- Encore les chats !

- Au diable les matous ! (p. 196)

- Mais ici, c’est en parlant des guetteurs

que je me suis souvenu que le mot ‘chat’

- qatt’ en arabe, guetta au village New H.

El-M., provient du latin cattare qui

signifie guetter. (p. 196)

« Personne donc n’a rien entendu, ni les

guetteurs ni les guettas. » (p. 197)

- Elle finit comment, ton histoire ?

- Elle ne finit pas. Le jeu de cache-

cache…

- … le chat et les souris…

- Maudits greffiers ! (p. 199)

‘Het was om bang van te worden. Het was net

zoiets als de kat van Schrödinger.’

‘Krijg nou wat, alweer een kat !’ » (p. 180)

‘De klootjes en hun verspieders ontdekken

dus niets – om het maar niet eens over katten

te hebben…’ ‘Alweer die katten !’

‘Naar de duivel met al die katten !’ (p. 181)

‘Maar toen ik het daarnet over die verspieders

had, herinnerde ik me opeens dat het woord

‘kat’ – qat in het Arabisch, guetta in het dorp

New H. El-M. – dat dat van het Latijnse

cattare komt, dat ‘verspieden’ betekent.’ (p.

181)

‘Niemand had dus iets gehoord, noch de

verspieders, noch de verspiedsters, de

guetta’s.’ (p. 181)

‘Hoe loopt dat verhaal van je af ?’

‘Het loopt niet af. Dat spel van…’

‘van kat en muis !’

‘ Die vervloekte katten toch !’ (p. 184)

- Era spaventoso. Come il gatto di

Schrödinger.

- Ancora gatti ! Non se ne può più ! (p.

139)

- Gli accattoni e gli spioni non rilevano

quindi niente, per non parlare poi dei

gatti…

- Ancora i gatti !

- Al diavolo i micioni ! (p. 140)

« Ma adesso, è parlando degli spioni che

mi sono ricordato che la parola ‘gatto’,

qatt’ in arabo, guetta nel paese New H. El

M., proveniene dal latino cattare, che

significa spiare. » (p. 140)

« Quindi nessuno ha sentito niente, né gli

accattoni, né gli spioni. » (p. 140)

- Come finisce la tua storia ?

- Non finisce. Il gioco del nascondino…

- … il gatto e i topi…

- Maledetti gatti ! (p. 142)

« Imbécile, c’est une image. Comme le

dieu Pan, avec ses cornes… »

- Mais attends, Pan, il faisait forcément

du bruit : ce n’est pas lui qui a inventé la

flûte de Pan ?

- Et ne dit-on pas ‘pan !’ pour imiter une

déflagration ?

- Et ‘pan-pan cul-cul’ ?

« Imbeciel, dat is beeldspraak. Als de god

Pan, met zijn horens…

‘Wacht nou eens eventjes, die Pan moet toch

geluid hebben gemaakt : heeft die niet de

panfluit bedacht ?’

‘En je zegt toch ‘pang !’ om een ontploffing

na te doen ?’

‘En ‘pang-pang’ voor een pak voor je

« Imbecille, è un’immagine. Come il dio

Pan con le sue corna…

- No aspetta, Pan, per forza faceva

rumore : non è lui che ha inventato il

flauto di Pan ?

- E non si dice ‘pan!’ per imitare una

deflagrazione ?

- E ‘pan-pan sul culetto’ ?

Page 62: Fouad Laroui Le Jour Ou Malika Ne s'Est Pas Mariée

62

Devant ce barrage d’interruptions, Ali

tapa sur le table – pan ! – (…)

- La soudaine apparition du gouverneur

déclenche une peur panique… » (p. 198)

billen ?’

Bij dit kruisvuur van interrupties sloeg Ali

met zijn vuist op tafel – pang ! – (…)

De plotselinge verschijning van de

provinciegouverneur veroorzaakte een

panische schrik… » (p. 182)

Dinnanzi a questo sbarramento di

interruzioni, Ali batté sul tavolo (pan !)

(…)

L’improvvisa apparizione del governatore

scatena una paura panica… (p. 141)

6. INTERTEXTUALITÉ

Texte source (TS): Le jour où Malika ne

s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag dat

Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

« l’Encyclopedia Universalis de Mme

Corcos » (p. 40)

« de Encyclopedia Universalis van Madame

Corcos » (p. 37)

« l’Encyclopoedia Universalis di

Madame Corcos » (p. 28)

« le cinéma de Mme Dufour » (p. 18) « de bioscoop van Madame Dufour » (p. 17) « al cinema di Madame Dufour » (p. 13)

« Vu que la somme de ce qu’on ne sait pas

est infiniment plus grande que la somme

de ce qu’on sait, un homme se définit

davantage par ce qu’il ne sait pas que par

ce qu’il sait. » (p. 36)

« Gezien het feit dat de som van wat je niet

weet oneindig veel groter is dan die van wat je

wel weet, wordt een mens meer gekenmerkt

door wat hij niet weet dan door wat hij wel

weet. » (p. 33)

« Poiché la somma di ciò che non si sa è

infinitamente più grande della somma di

ciò che si sa, un uomo si definisce

maggiormente per quello che non sa che

non per quello che sa. » (p. 26)

« Et qui sait si ce qu’un individu A et un

individu B nomment tous les deux ‘rouge’

est en fait la même couleur ? » (p. 40)

« En wie weet of datgene wat individu A en

individu B allebei ‘rood’ noemen in

werkelijkheid een en dezelfde kleur is ? » (p.

37)

« E chi lo sa se quello che un individuo

A e un individuo B chiamano entrambi

‘rosso’ è di fatto lo stesso colore ? » (p.

29)

« Sonnez, trompettes ! Roulez,

tambours ! » (p. 43)

« Retteketet met de trompet ! En rombombom,

sla de trom ! » (p. 40)

« Suonate, trombe ! Rullate, tamburi !

(p. 31)

« Vous vous souvenez d’Ahmed El-

Boumbi ? » (p. 43)

« Herinneren jullie je die nog, Ahmed El-

Boumbi ? » (p. 40)

« Vi ricordate di Ahmed El-Boumbi ? »

(p. 31)

« Quand les riches se font la guerre, ce « ‘Wanneer de rijken oorlog met elkaar « ‘Quando i ricchi si fanno la guerra,

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63

sont les pauvres qui meurent. Je cite un

grand philophe français. » (p. 50)

voeren, zijn het de armen die sneuvelen.’ Ik

citeer een grote Franse filosoof. » (p. 46)

sono i poveri a morire.’ Cito un grande

filosofo francese. » (p. 35)

« Une ruse de l’Histoire! Hegel à El

Jadida! »

(p. 52)

« Een list der Geschiedenis ! Hegel in El

Jadida ! » (p. 48)

« Uno stratagemma della Storia ! Hegel

a El Jadida ! » (p. 37)

« Le ciel bas et lourd pesait comme un

couvercle. » (p. 81)

« Il faisait chaud, le ciel bas et lourd, etc. »

(p. 182)

« Het lage, zware zwerk was als een

drukkende deksel. » (p. 76)

« Het was warm, het lage zware zwerk, et

cetera. » (p. 168)

« Il cielo basso e grevo pesava come un

coperchio. » (p. 58)

« Faceva caldo, il cielo era basso e

greve, eccetera. » (p. 130)

« la chance de “sortir de l’aliénation” »

(p. 99)

« de kans om te ontsnappen aan de

vervreemding » (p. 93)

« la possibilità di uscire

dall’alienazione » (p. 71)

Sont-ils des frères d’infortune, « tous pour

un, un pour tous » qui seront toujours là

pour l’aider en cas de coup dur ? (p. 160)

Zouden ze als broeders in de nood zijn, « allen

voor een en een voor allen », altijd klaar om

hem te helpen in geval van nood ? (p. 149)

Sono fratelli di sventura, « uno per tutti,

tutti per uno », che saranno sempre lì per

aitutarlo in caso di un duro colpo ?

(p. 114)

Une voix grave murmure :

- Sois patient. Reviens à Dieu. (…)

Lahcen, mêlant le rire et les larmes,

répond :

- Dieu ? Quoi, Dieu ? Il est où, Dieu ? (…)

Là, là-haut ? Alors, Il nous regarde ? Il

nous regarde nous noyer et ne fait rien ?

C’est ça, Son plan ? C’est pour ça qu’Il

nous a créés ? (p. 176)

(…)

- Pourquoi nous tue-t-Il tous, l’un après

l’autre, ton Dieu ? Qu’est-ce qu’on Lui a

fait ? Il nous a créés pour mieux se moquer

de nous ? (p. 177)

Iemand prevelt met plechtige stem : ‘Heb

geduld. Kom terug tot God.’ (…)

Lahcen antwoordt, lachend en huilend

tegelijk : ‘God ? Hoezo, God ? Waar is-ie dan,

God ? (…) Daarboven soms ? Dus hij ziet

ons ? Hij zit te kijken hoe we hier verdrinken

zonder een vinger naar ons uit te steken ? Is

dat zijn opzet ? Heeft-ie ons daarvoor

geschapen ?’ (p. 163)

(…)

‘Waarom laat-ie ons allemaal creperen, stuk

voor stuk, die God van je ? Wat hebben we

hem misdaan ? Heeft-ie ons geschapen om

ons een beetje voor de gek te houden ?’ (p.

164-165)

Una voce grave mormora :

- Sii paziente. Ritorna a Dio. (…)

Lahcen, mescolando il riso alle lacrime,

risponde :

- Dio ? Cosa, Dio ? Dov’è, Dio ? (…)

Là, làssu ? Allora, ci guarda ? Ci guarda

mentre anneghiamo e non fa niente ? È

questo il suo piano ? È per questo che ci

ha creati ?

(p. 125)

(…)

- Perché ci uccide tutti, uno dopo l’altro,

il tuo Dio ? Che cosa Gli abbiamo

fatto ? Ci ha creati per meglio prendersi

gioco di noi ? (p. 126)

« celui qui est meilleur ne fait qu'exprimer « de superieure geest drukt alleen beter dan « ‘Chiunque sia migliore non fa che

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64

mieux que d'autres ce monde même. » (p.

183)

anderen deze zelfde wereld uit. » (p. 169) esprimere meglio di altri quello stesso

mondo’. » (p. 130)

« Le silence est la forme la plus parfaite du

dédain » (p. 191)

« Zwijgen is de meest volmaakte vorm van

verachting. » (p. 176)

« Il silenzio è la forma più perfetta del

disprezzo. » (p. 136)

« Car le Pouvoir dit en substance ceci : il a

prise sur l’être en tant qu’être. » (p. 199)

« Want wat het Gezag in wezen zegt is dat het

het zijn in zijn hoedanigheid van zijn in zijn

greep heeft. » (p. 183)

« Poiché il Potere dice in sostanza

questo : ha presa sull’essere in quanto

essere. » (p. 142)

7. DIALOGUE : LANGUE PARLÉE

Texte source (TS): Le jour où Malika ne

s’est pas mariée

(Fouad Laroui)

Traduction néerlandaise (TN) : De dag

dat Malika niet trouwde

(Frans van Woerden)

Traduction italienne (TI): L’esteta

radicale

(Cristina Vezzaro)

« Tu te f… de nous. » (p. 33) « Je besode…de boel. » (p. 31) « Ci prendi per il c… » (p. 23)

« Ouais, bon, en théorie, quoi. » (p. 34) « Nou ja, oké, in theorie dan. » (p. 32) « Sì, be’, in teoria, diciamo. » (p. 24)

« Bounni, c’est pas la couleur caca

d’oie ? » « Tu nous emmielles, avec ton

kakadoi. » (p. 36)

« Bounni, is dat niet de kleur van

ganzenkak ? »

« Krijg toch de kippenpip met je

ganzenkak. » (p. 34)

« Bounni non è il colore cacca d’oca ? »

« Ci stai rompendo l’anima con la tua

cacadoca. » (p. 26)

« Président ! Président ! (p. 81) « Meneer de veurzitter ! Meneer de

veurzitter ! » (p. 76)

« Presidente ! Presidente ! (p. 58)

« en nous traitant, à leur tour, de

« paysans », « bouseux », « cul-terreux »,

etc. La routine, quoi » (p. 87)

« ons op hun beurt uit te schelden voor

‘boerenhufters’, ‘koeienstront’,

‘heikneuters’, et cetera. Jullie kennen dat

wel. » (p. 82)

« trattandoci a loro volta da ‘contadini’,

‘bifolchi’, ‘villani’ ecc. » (p. 62)

« On n’en avait jamais vu, de ces pékins,

(…) ; donc, dans le doute, on tabassait

tous ceux qu’on n’avait jamais croisés à El

Jadida. (p. 96)

« Ze hadden die piechems nog nooit gezien

(…) en omdat dat zo was sloegen ze voor de

zekerheid iedereen in de poeier die ze nooit

eerder in El Jadida hadden gezien. » (p. 89)

« Non ne avevano mai visti, borghesi del

genere (…) ; nel dubbio, quindi,

menavano chiunque non avessero mai

incrociato a El Jadida. » (p. 69)

« De quoi ? Faut être chrétien pour se « Wa’s dat ? Mot-je dan christen zijn as je « Bisogna essere cristiani per andare alla

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rendre à la cathédrale ? » (p. 103) naar een kathedraal gaat ?» (p. 97) cattedrale ? » (p. 74)

« Mais rien, je me f… des églises. » (p.

105)

« Helemaal niks, ‘k hep sch… aan kerken »

(p. 98)

« Ma niente, me ne f… delle chiese. » (p.

75)

« On se demandait comment il faisait pour

s’habiller, pour manger, pour se gratter,

pour… ah ! ah ! ah ! Vous m’comprenez ?

Les gogues… » (p. 131)

« We vroegen ons af hoe-ie ‘t klaarspeelde

om zijn kleren aan te trekken, en om te eten,

en zich te krabben, en… ha-ha-ha ! Snap je

‘m ? Als-ie naar de plee moest… » (p. 123)

« Ci chiedevamo come facesse a vestirsi, a

mangiare, a grattarsi, a… ah ! ah ! ah !

Capisci ? Andare al cesso ? (p. 94)

« Je me fous des papeteries. »

(…)

« Arrêtez vos conneries, les gars… » (p.

110)

« Kunnen me de rug op,

kantoorboekhandels. » (…)

« Lig nou niet te lullen, joenges… » (p. 103)

« Me ne frego delle cartolerie. » (…)

« Ma smettetela di dire cazzate,

ragazzi… » (p. 79)

« Tu m’emmerdes avec ton Dieu ! »

« cette foutue barque »

« Nous, on est dans la merde et eux dans le

luxe ! » (p. 177)

« Sodemieter toch op met je God ! »

« die kolereschuit »

« Wij de stront, zij de luxe ! »

(p. 164)

« Che palle, tu e il tuo Dio ! »

« questa barca di merda »

« Noi siamo nella merda e loro nel lusso !

(p. 126)

« Hamid (…) commanda un jus

d’orange. » (p. 201)

« Hamid (…) bestelde een sjuderans. » (p.

185)

« Hamid (…) ordinò un succo d’arancia. »

(p. 143)

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ANNEXE II - GLOSSAIRE: DE DAG DAT MALIKA NIET TROUWDE

cheikhates – Marokkaanse zangeressen

fatiha – openingssoera van de Koran

fqih – soort tovenaar

gnaoua’s – afstammelingen van zwarte Afrikaanse slaven

makhzennisch – Makhzen: de staat, het staatsgezag

shahada – geloofsbelijdenis (er is geen andere God dan etc.)

sjerif – van Mohammed afstammende moslim

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ANNEXE III – GLOSSAIRE: L’ESTETA RADICALE

A’oudou billah! – Che cosa orribile!

Adoul – Nome dei notai nei Paesi musulmani.

Aroubis – Paesani.

Ash-hadou an’la… – Inizio della shahada: “Testimonio che non c’è altra divinità al di fuori di

Allah…”.

Bounni – Termine derivante dall’arabo classico e utilizzato per descrivere il marroncino

chiaro, ma non in uso nell’arabo corrente.

Cheikhates – Cantanti e danzatrici.

Djellaba – Tradizionale tunica, generalmente di colore blu (ampia, comoda e in grado di

difendere dal caldo), indossata da molte tribù del deserto.

Fatiha – La prima sura del Corano.

Fez – Copricapo nazionale dei Paesi arabi del Mediterraneo a forma di calotta appiattita.

Fine jatt hadik al-kanissa? – Dov’è la cattedrale?

Fiqh – Giureconsulto versato nel fiqh o diritto canonico musulmano.

Hadith – Nella tradizione canonica musulmana, breve narrazione relativa a detti o fatti del

Profeta.

Hadj o Hajj – Pellegrinaggio alla Mecca.

Haïk – La veste bianca di lana o di cotone, lunga e ampia, tipica delle popolazioni berbere.

Hchouma – Onta, vergogna.

Makhzen – Sistema di potere assoluto.

Mellah – Quartiere ebraico recintato da mura nelle città del Marocco.

Mokkadem – Nella scala gerarchica la più bassa funzione pubblica di quartiere.

Noudi! – Svègliati!

Safi? – Tutto qui?

Shahada – Confessione di fede del musulmano.

Si – Appellativo equivalente al “don” spagnolo.

Sunna – Consuetudine, modo abituale di comportarsi. In particolare la consuetudine di

Maometto nelle varie circostanze della vita.

Taguia – Tachia, il termine indicò nel passato un tipo di fez, o una specia di papalina bianca

portata sotto il turbante.

Ustad – Insegnante islamico.

Vae victis – Locuzione latina: “Guai ai vinti”.

Vigipirate – il piano Vigipirate è un dispositivo di sicurezza creato nel 1978 atto a prevenire

minacce alla popolazione francese o a rispondere alle azioni terroristiche.