Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

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Semiótica

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- 3 LANGUE LINGUISTIQUE COMMUNJCATION ' Collection dirigée par Bemard Quemada

LES ESPACES SUB JECTIFS introduction 5 la sémiotique

de. 1 'obsew ateur (discours - peinture - cinema)

Par Jacques FONTANILLE M& de Conférences d I'Universi&? de Lwioges

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HACHETTE Supérieur

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L. loi du 11 man 1957 n'aiM9sm~ 1ux tama d a &tu 2 a 3 de l'uticle 41. d'unc put, que la copk ou r c p d d m r ririctanmt *m&s k l'ungc prid du +te et nai d&Ca 1 une utiliution collective v. a. d'autrcput.quelcs a n a l y a etlm anuc# ciuk duia wbut d'wr~mpiea d'imtim. t o u t c ~ u t i o n ouhpduction in tépk i ai p d d k fütc auu le ansmtanud & l'autau m de rer ayanta droiu m 1yrms uuse.ht Wte v (&C. 1' de l'utide 40). Catc rqhp ta t im m rrqromictim. pr quclqiie proddc que cs aoit, amaituait dmc une m t d a p n . mctimmk px la uticieo 425 et Mvuar du Code péaü.

O 1989. HAC$ETTE - 79, boulcvud S&-Gemuin - F 75006 PARIS - ISBN 2 01.014452X ,Tau dmsrp" m d u h . de rqmd&th et d'dap~itim róravb pour tow paya

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TABLE DES MATI&JB

PREMI~RE PARTIE : L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOURS VERBAL 11

. . . . . . . . . . . . 1 . L'observateur dans la théorie de l'énonciation 11 . . . . . . . . . . . 1.1. Positions théoriques concernant I'enonciation 11

. . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 La typologie des observateurs 17 . . . . . . . . . . . . 1.3. Les types d'observateurs dans le th&tre na 21

1.4. Observateurs, identification et interprétation de l'enoncé : le point de vue dans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . "aller /venirn 26

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. L'obsenateur en nanatologie 37 . . . . . . . . . . . . . . . . 21 . Le retour du refoule : I'observateur 37

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2. Obsemteurs et narrateurs 44 . . . . . . . . . . . . . . . . 3 . La modalisetion cognitive de I'espace 50

. . . . . . . . . . . . . . . 3.1. Approches génetiques et historiques 50 . . . . . . . . . . . . . . 3.2. Essai d'approche sémiotique deductive 53 . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1. La modalisation cognitive de I'espace 55

3.22. Les catégories figuratives de la modalisation cognitive de I'espace (aspectua- . . . . . . . . . . . . . . . . . . lisation spatiale proprement dite) 56

3.2.3. Les rnanifestations plastiques et verbales de I'aspectualisation spatiale 59

DEUXIEME PARTIE : PERSPECTIVE, OBSERVATEUR ET INFORMATEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . EN PElNTURE 65

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 . La definition de la perspective 65 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. Définitions generales 65

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. DBfini tions geométriques 66 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3. Defini tions sérniotiqu 67

. . . . . . . . . . . . . . . 1.4. Le debat sur le "realisme" perspectif 70 2 . Manifestaüons plastiques de l'espace subjectif . . . . . . . . . . . . 73

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1. La variete des moyens 73

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1. La ligne et la couleur 73 2.1.2. Le devant et le derriere : I'échelonnement lateral . . . . . . . . . 74

. . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3. Lignes, couleurs et lumiere ; 77 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 . Niveaux de l'espace subjectif 82

A Symboiisation et désymbolisation de I'informateur . . . . . . . . . . 87 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1. La procédure de symbolisation 87

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 L2nmciation 88

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3. La Chuced'Icm 91 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Tbématisation de I'obsenaieur 94

5.1. La reduction de la configuration discursive . . . . . . . . . . . . . 94

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LES ESPACES SUBIECnFS

. . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2. Les bourreaux de saint Sébastien 95 6 . Espions, voyeurs et dxenateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 7 . Pour finir : le role métadiscursif de 170aServateur . . . . . . . . . . . 105 TROISIEME PARTIE : LA SUBJECTIVITÉ AU CINÉMA . . . . . . . . . 107

1 . L'énoncisíion cinématographique . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 1.0. Remarques prCalaMes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

. . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1. Le contrat filmique eltmentaire 109 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2. Le contrat cinémtographique 112

1.3. Le contrat narratif: le syntagme, le film . . . . . . . . . . . . . . 114 1.4. Pour finir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 2. La modalisation cognitive de I'espace au cinema . . . . . . . . . . . 120 3 . Points de w e et subjectivité au cinéma . . . . . . . . . . . . . . . 124 3.1. Quelques variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 3.2. La typologie des effets de subjectivitt . . . . . . . . . . . . . . . 126 3.3. La syntaxe des formes subjectives . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 3.4. Les types de segments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 3.4.1. Forme canonique du segment subjectif . . . . . . . . . . . . . 142 3.4.2. Vafiations morphologiques dessegments subjectifs . . . . . . . . 144 4 . La subjectivité dans Morí d Venise (Visconti 71) . . . . . . . . . . . 149 4.1. Les variables de la subjectivité dans Mcwi d Wnise . . . . . . . . . . 149 4.2. La mrpho-syntaxe des segments subjectifs dans Mort Venise . . . . 150 4.21. Les "points de we" complets (canoniques) . . . . . . . . . . . . 150 4.2.2.Lessegmentsclos/ouverts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 4.3. Les actes énonciatifs subjectifs dans Morl d Venise . . . . . . . . . . 155 4.3.1. Le parcours d'ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 4.3.2. Notes sur I1/inflexion / et le Spectateur . . . . . . . . . . . . . . 159 4.3.3. Notes sur les flash-back et les anticipations subjectifs . . . . . . . . M 2 4.4. Composition discursive subjective . . . . . . . . . . . . . . . . 164 4.4.1. Organisation narrative et modale . . . . . . . . . . . . . . . . 164 4.4.2. Organisation textuelle subjective . . . . . . . . . . . . . . . . 165 4.4.3. Les adjuvants de la vision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 4.5. Axiologie, esthétique et parcours éthique . . . . . . . . . . . . . 170 4.5.1. Le regard performatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 4.5.2. L'axiologie du regard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . '181

IUUSTRATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

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Dessiner l'espace de la subjectivité dans le discours requiert des choix et des limites. De quel sujet s'agit-il ? et aussi, de quel espace ? pour le "sujet" , on se iimitera au sujet obsemteur, et A son vis-A-+, I'informateur ; pour des raisons stratégiques et théoriques A la fois, il ne semble pas opportun de vouloir englober d'un seul regard et d'une, seule définition le sujet du discours, ce qui reviendrait en quelque sorte A postuler implicitement son unicité et son homogénéité; il parait préférable de commencer, prudemment, par un type particulier de sujet, quitte A étendre l'enqu&te par la suite.

Pour ce qui concerne I"'espace" , on envisagera 6 ia fois i'espace de la théorie et l'espace du discours-énoncé. Dans l'espace de la thhrie, le sujet r ep i t des déterminations, se modalise, se manifeste ; il traverse des couches de signification en y imprimant sa marque, en provoquant sélections, orientations et distorsions de bon nombre de catégories. Quant A l'espace du discours-énoncé, il est l'une de ces catégories particuiierement visées par l'activité du sujet, peut-etre m&me celle qui est principalement concernée par les distorsions cognitives, ce qui la rend particuiierement attractive pour l'étude des jeux de l'obsemteur et de l'informateur. Notre propos Cvolue par conséquent entre une dCfinition minimale et une définition maximale, entre les jewr de l'observateur et de l'informateur dans l'espace du discours-énoncé, auxquels on ne se iimitera qu'un temps, et les avatars du sujet discursif dans l'espace de la thhrie, qu'on n'envisage pas d'épuiser ici ;

Reprenons les choses au début. Le discours est porteur d'un savoir, lequel suppose au moins un informateur et un obsmateur. Dans cette relation triangulaire, on peut mettre l'accent soit sur le couple informateurlobjet, soit sur le couple observateurlobjet, soit enfin sur le couple informateurlobservateur. Dans le premier cas, la lumiere portera sur la rnanikre dont les figures-objets se constituent en sujets compétents ; dans le d e d e m e cas, on envisagera plut6t la constrÜction réciproque du savoir et de son sujetdestinataire ; dans le troisikme cas, on a affaire A l'interaction cognitive minimale, A une construction réciproque des sujets. Si, par ailleurs, on se prend A penser que le savoir est aussi un objet en circulation entre l'énonciateur et l'énonciataire du discours, on prend toute la mesure du caractere inferactif de la subjectivité : plusieurs actants-sujets agissent les uns sur les autres, par I'intermCdiaire, entre autres, et pour

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LES ESPACES SUWECTIFS

commencer, du savoir qu'ils se partagent ou se disputent. Les termes memes de cette présentation cavaliere: "interaction",

"discours", "subjectivité", "cognitif", placent notre enquete au carrefour de plusieurs problématiques, voire de plusieurs disciplines, A l'égard desquelies nous aurons A prendre position chemin faisant La subjectivité discursive appartient, selon nous, en effet, A la question plus vaste de l'énonciation ; celle-ci peut &re entendue aussi bien comme la réalisation particuliere des structures sémionarratives - elie s'appeliera alors "mise en discours" - que c o m e une interaction entre les sujets d'énonciation - elie s'appeliera alors "communication" -. 11 ne s'agit pas ici, bien entendu, de chercher A concilier, par exemple, une pragmatique ou une microsociologie dont l'objet principal est l'interaction dans ia situation de communication, et une linguistique de l'énonciation, qui vise principalement A décrire les formes superíicielies de la mise en discours, mais plutdt de faue remarquer que ia semiotique discursive s'occupe en fait de l'intersection de ces deux domaines : elie rend compte de ce qui, dans les formes meme de la mise en discours, et dans les opérations qui leur sont sous-jacentes, concerne, entre autres, l'interaction entre les sujets du discours.

En particulier, pour ce qui nous occupe, on verra que les "points de vue", les "perspectives" e t leurs observateurs, tout en permettant la mise en discours du savoir, régissent I'interaction énonciative.

Mais, par ailleurs, on pourrait penser, au vu du vocabuiaire utillsé, que nous donnons des gages A une approche "cognitiviste", e t que nous cherchons, comme ii est courant aujourd'hui en sémantique, A reconstituer les opérations inteliectuelies grace awquelies le lecteur ou le spectateur

q r e n d le texte. De fait, ii faut distinguer ici deux cas trCs daérents ; si on k demande de maniCre générale comment le sujet construit la signification, on peut effectivement se trouver devant le choix entre (i) une approche cognitiviste, qui fera appel aux opérations psychocognitives d'un sujet humain réel, et (ii) une approche sémiotique, qui tentera d'établir, en interrogeant l'immanence du discours, le simuiacre des opérations de l'énonciataire ideal. Mais, si on se demande en revanche comment le sujet du discours est prédéterminé, voire manipulé par l'énoncé lui-meme, pálrr qu'il construise une certaine signiíication et pas une autre, on n'a plys le choix : seule l'analyse de l'énoncé, le repérage des signiíications irnmanentes possibles, l'identiíication de ia signification stlectionnée et la description du mode de sélection sont adéquats dans cette seconde perspective.

En demier ressort, notre propos n'est point tant de montrer comment

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le sujet construit la signiíication, mais cmment il l'assume, de quoi est faite cene assomption, comment elle est dCtermin6e par le discoursénond lui- mBme. Au-dela du traitement du savoir, c'est la semiosis eile-mBme qui est probablement en jeu : on ne peut manifester une structure sans l'orienter, sans adopter un point de vue, ii ne peut y avoir d'appropriation individuelle de la iangue et des structures semionarratives sans une particularisation subjective et sans la projection d'un observateur. Aussi la subjectivite ne pourra-telie pas Btre limitée a sa dimension cognitive : la dimension pr+e (ou "pragmatique") et la dimensionpassionnek (ou "thymique") de l'knonciation participent elles aussi a l'assomption de la signiíication ; si on considbre par exemple l'identiíication, une des formes les plus rbpandues de l'assomption, elle se fondera tant6t sur le partage d'un savoir, tant6t sur l'dmergence d'un affect, tant6t sur un mimktisme pratique, ou, comme on le verra, sur de multiples combinaisons entre ces trois cas.

Au sein de ce dispositif : l'observateur, foyer de toute assomption, de toute identiíication. a e s sowent, ii ne correspond a aucun personnage, A aucun acteur; pur "actant" dmiotique, il ~ ' e s t que l'effet de sens

1 I des diverses focalisations, sélections et distorsions qu'on lui attribue. I Rayonnant autour de ce foyer conceptuel, toute ia problematique

subjective pourra &re dkployee : les variations subjectives de l'espace observe, les varietks plus ou moins abstraites ou figuratives, les divers roles

1 l passionnels e t pratiques de l'observateur, les modalités de sa compétence, l l

et enfin les conditions de la réappropriation de cette compétence par l l'énonciataire. I Le "discours" dont nous parlons est un pro& de signiíication,

un acte d'appropriation des structures sbmionarratives et son résultat, l'énoncé. Cette definition minimale ne comporte pas de condition quant d

l I la substance d'qression, et elle autorise un projet de st!m~hi.pe générale.

Mais notre conception de la sémiotique générale est aux antipodes de la spéculation infalsifiable : l'elaboration deductive des modeles est suivie de

I la vériñcation sur des corpus les plus variés possibles, laquelle se poursuit en description, laquelle a son tour, devant la rksistance des objets, impose des adaptations et de nouveiies éiaborations théonques.

1

Les m o d a d'expression ne sont donc pris en compte qu'en second lieu, et sans souci de spéciíier l'un ou l'autre ; entre le texte verbal, pictural ou cuiématographique, les adaptations apportées aux modbles visent a la

l fois l'adéquation descriptive, d'une part, e t l'absence de contradiction dans les concepts et &sproct?dures, d'autre part. Nous resterons en cela fidble B

1 Hjelmslev, pour qui la substance de l'expression - comme ceile du contenu

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LES ESPACES S ~ E ~ F S

- n'est pas pertinente pour la typologie des discours ; s'il y a une spéciíicite du traitement de la subjectivite dans le M e , le tableau ou le film en tant que tels, ce n'est certainement pas sur la base de matieres ou d e substances d'expression dont les frontieres et les spéciñcités observables ne semblent &re avec le recul que l'effet d'une limitation cultureile et locale, ou historique et passagere.

Le "comparatisme" sémiotique permet de faire la part, dans une certaine mesure, entre les constantes du discours et les particularkmes historiques et culturels. La demarche déductive, pour la construction des modeles, permet en partie de dominer ces variations ; mais leur validation les affronte inévitablement : la diversité des substances dJexpression convoquées a cet effet est, en l'occurrence, un moindre maL

Par aiiieurs, l'interpénétration actueiie des divers modes d'expression, et l'échange permanent des formes de dkcours entre les divers arts, nous imposent de fait un pmours simukané du terte verb4 du terte picaral et du tede filnique. 11 est clair que, aussi longtemps qu'on s'en tient A la langue (selon Saussure) ou au systeme (selon Hjelmslev), on peut tabler sur une pureté idéalisée des modes d'expression ; mais pour peu qu'on se penche, aujourd'hui, sur les discours réalisés, et sur les lois qui les gouvernent en tant que discours, on'rencontre inévitablement l'échange et l'interpenetration des formes discursives, qui doit Ctre traitée comme une intertexhtalité formelle, e t Ctre prke en compte dans la théorie meme. La clarté de l'exposé exige pourtant une répartition de la matiere théorique et des objets d'analyse.

Le discours verbal nous fournira l'occasion de poser les prémisses théoriques, de mettre en place une typologie des observateurs, et d e circonscrire les daérents niveaw de modalisation cognitive de l'espace.

Le discours pictural nous permettra d'aborder plus longuement la manifestation concrete (plastique) de cette modalisation ; sur un corpus considere habituellement comme particulierement résistant a ce genre d'argument, on montrera en particulier que l'espace perspectif est hétérogene, que l'observateur de la perspective est lui-meme anisotrope, et qu'un informateur peut entrer en conflit avec lui.

Le discours filmique bCnCficiera de tous les acquis accumulés, qui aboutiront a un modele synthétique de la subjectivitk, regroupant les divers roles possibles d e l'observateur. Le réseau dynamique obtenu permettra de reconstituer l'aventure du regard dans Moif d Wnise (Visconti).

Cette répartition, qui semble obeir paradoxalement A une spéciiicité des substances d'expression, dont nous venons de mettre en doute la

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pertinente pour notre propos, ne reflbte d'un certain point de vue que i'etat de la question : pour chacun des discours ~voquQ, il existe, venant de disciplines diíferentes, et qui s'ignorent souvent - la linguistique pragmatique, la narratologie, i'iconologie, la semiologie du cinema - , des travaux qui concernent de p r b ou de loin la subjectivite ; pour les wnfronter, les traverser et parfois les depasser, il fallait se situer sur leurs terrains respectifs, c'est-A-dire dans leur domaine origine1 d'application. Mais on voit bien que la rkpartition obtenue doit se devorer elle-meme peu a peu, par le mouvement meme de i'elaboration théorique.

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L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOURS VERBAL

1. L90BSERVATEUR DANS LA THÉORIE DE L~ÉNONCIATION

1.1. POSITIONS THÉORIQUES CONCERNANT L'ÉNONCIATION

On s'accordera, pour commencer, sur une définition minimale de l'énonciation comme acte présupposé par l'énoncé. 11 ne s'agit pas, bien entendu, dans le cadre d'une sémiotique discursive, des opérations psychocognitives réeiies du sujet parlant, mais du fait mtme que l'énoncé existe (cf. Ducrot a), fait qui présuppose de droit un ensemble d'actes, un faire sémiotique (Greimas 79), dont l'énoncé a le pouvoir, dans certaines conditions et au prix de certaines altérations, de donner l'iiiusion de la présence.

Les hypothhes sur l'énonciation ainsi définie ne pourront t t re validées que dans l'énoncé, par l'examen de cette "présence simulée" de l'énonciation, qu'on appelle "énonciation énoncée" (Greimas 79). Mais,-comme on ne saurait quoi chercher si on n'en savait pas plus sur l'énonciation, il convient de construire cet acte - ou cet ensemble d'actes - préalablement. Une telle construction ne peut se faire, conformément i3 la définition, qu'a partir des caractéristiques de l'énoncé, et non i3 partir de ce qu'on sait de i'activité réeiie des sujets en chair et en os. 11 ne s'agit pas d'écarter ou de négliger cette activité réeiie, mais de montrer que la question de l'énonciation peut &re utilement envisagée comme un phénomkne discursif i3 part entiere et autonome.

Un énoncé, comme objet de valeur (objet sémiotique), comporte au moins trois dimensions : une dimensionpratique (ou pragmatique), parce qu'il est un produit concret, transmissible, appropriable ; une dimension

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12 LES ESPACES SUBJECTIFS

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cognitive, parce qu'ii véhicule et manipule du savoir, et une dimension thymique, (ou passionneile) parce qu'il est aussi un objet affectif. C'est, d'une maniere détournCe, recomaitre que la sémiosis joue toujours sur ces trois dimensions. Si on considbre l'énonciation A un niveau de généralifé suffisant, eile apparait donc comme un faire transformateur, un acte, qui, comme tous les faires humains mis en discours, releve d'une analyse en trois dimensions : pragmatique, cognitive, thyrnique.

Cette extension de la topique narrative1 A l'énonciation doit &re justifik. 11 est apparu progressivement, partir des premibres formulations de la théorie sémiotique, exclusivement wnsacrées A la dimension pragrnatique, qu'on devait postuler l'exktence d'une dimension cognitive, puis ceile d'une dimension thymique. Ces distinctions reposent non seulement sur la reconnaissance de grandes classes sémantiques d'objets, de sujets et de faires, mais aussi sur l'autonomie et sur l'originalité du fonctionnement syntaxique de chacune des trois dimensions. Or, l'existence autonome des trois dimensions apparaft intuitivement, A la lectwe, comme le rCsultat de certains "h r t s " , de d h l a g e s formels entre le faire énonciatif e t le faire narratif : cela va de soi pour le faire pragmatique, dont on peut dire qu'ii n'existe en tant que te1 dans l'énond que dans la mesure oii il se distingue du faire verbal, pictural, filmique, de i'dnonciation ; cela est vrai aussi du faire cognitif, qui n'advient dans l'Cnoncé que par l'actualisation de savoirs et de croyances distinctes de ceiles du sujet d'énonciation ; on a pu montrer enfin qu'il en était de meme pour la dimension thymique, puisque les transformations passiomelles ne sont reconnaissables, et attribuables aux actants de l'énoncd, que si e l l e se distinguent des "émotions" et "affects" qu'on peut supposer chez le sujet d'énonciation. Ce qui revient ii dire que les trois dimensions narratives rkultent de débrayages, dCbrayages pragmatiques, cognitifs et thymiques.

" Or, le débrayage instaile, par définition, deux instantes : ceile de l'énond et ceile de l'énonciation ; autrement dit, dans le cas présent, le débrayage de chaque dimension instaile le pragmatique, le cognitif et le thymique b la foh dans 1'Cnoncd et dans l'énonciation, ici comme présupposant, et la wmme présupposé2.

Nous nous occuperons principalement par fa suite de la dimension cognitive de l'énonciation, pow saisir ce qui fait une des spéciíicités de l'acte Cnonciatif : la consmction des poinu de we, 'mais en Ctendant progressivement l'enquéte aux deux autres dimensions de la subjectivite énoncia tive.

Mais ce choix, méme tactique, pourrait préter ii wnfusion. En

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: aia!uew aiia ap uopepuoua , la ;~uoua aiiua suqiqai sal iaiuasa~dai m a:, ua sn~d qemod au u0 1 1 'm1 t; uoddei ied ,wqd augur q t;, qeu 'puoua,l ap ,anne,p la iied ! ap,, sed uou ?uos uop~uou~,p aajns sal anb iuauxai!:,gdux! yeuuomi ! u0 =ole 'aur6)ur-alla ainim,~ anb suo!imgu%!s sa ap uop:,~isum aun

j ua!q !me asa auca un,p suopmy!~8!s sap ainwal q anb uyua iauxpe uo !S 'ina~wuoua,l ied anb ar!nwuoua,l ied qwnsse ua!q !me iuos qso!uxas q la uo!imgu8!s q ap jpeiauaS smmed al anb iawpe uo !S 'malq:,uouaLl a~qesnodsai isa iuop sallw anb 'ai!nepuoua,l mod Lsauxy.u sal iuos ainnal ap suopwyIo sal anb iaga ua 1ampe uo !S .qq:,agai t; iauuop iuqeuap

, ainq q ap sallani:,e suopdmum saqei~m 3uminod .mmrai sn~d q lsa ,uopywsuen,, q ap a$3olwp!,l anb se:, m Suep asa,:, ! ,siour ua

1 TU, uo!imguS!s q inod aux3ux ap sed isa ua,u 11 .aiuesesiyns auapb? I I aun :,%e ,sa3uelsu!,p uo!iwpsqns,, aun ms aapuoj alqmas uoppuou~,p ! ~ajns anua uo!iqai q ',sa%eur! ua aqux,, isa uo!imgu%!s el puma l

-mueisu! xnap aiiua uopeuuojq,l ap uopqwp aun ua iuauxalnas alqsum uo!impnuxurm q anb !:,! quanos inad au u0 .,eiauxm el ap fia,,,~ t; inaiei:,ads np fiao,~ ap uopnipsqns aun ied assed urlg np amml q 'euia. ne 'ai!euxuxos s?ii deue,p nmq un t; ~umm ua Lauxp aa .,uop, un,p anb uopmyp%!s el ap JOA,, un,p sn~d slole 1$3e,s -,,sop uos suep, no 'rna1epuouaLl ap wqd la nag ua nealqm al l!eAo~ ai!nepuoua,l !S auxuxm assd as inoj 'aqenum ne,nb qeur ',uo!sqursueii,, ap sed e &u fi,nb iainsum ap $gqo isa uo '!nl ied qddnsyd no 'aux?ux-!nl nmlqn al suep sipmq iuos q,nb qai uo!iepuoua,p siahs sap aiduxm quai inaA uo !S i ,uo~squxsueii,, q ap uo!idmum alía3 iua!i~eur uo !S 'so ua la qerl:, ua 'qay srnai:,e sap ianbo~uo:, sues la 'aqux-m1 nealqn np qiios sues maieimds uos la anyad al asna ,uopm~unuxuxm, el avap iuauxuxo=)

sqahes np unqp ua aqw q ap suo!ieiado sal qqes t; ayalay:, uo,nb s?p 'iuauxaleiauaS sn~d ?a ainiupd el auxuxm sai?gm~d sanbpo!uxas saqmia suep aiueiadou! isa ana - salel la- sa~duqs m sanb~anb suep lgns uo!iemqid ala !S '10

~uo!suay~iduxmiaiq,p am al la awaiuo:, al 'leum al iuewmum saiqeiium sanb~anb sues uou ! (,ar!meqisap, un) wuidzqi munsu! aun t; (,maieyisap,, un) aqnlauxa aun- aun,p yessed mb uo!ieuxiojv,p nuaium un iuauxalmuauxepuoj i!ma a%sssaux-1ajqoLl : i!wes ap uo~sqwsue~i aun amm uopm!unuxuIm el iua!m!en !nb aiuqos squue sap sa!ioaw sanb~anb t; ap iauuopai - ang i!eiinod m 'uo~i~:,uou~,~ ap ~pyx8m uo!suaux!p q ialos! ?asa

Page 13: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SüBJECTIFS

Énonciateur - finonce - Énonciataire

On devrait plutdt la représenter ainsi :

(Énonciateur) - ÉNONCIATION - (Énonciataire) l t

ÉNONCÉ

On comprend alors pourquoi la mise en discours est, dans son fondement syntaxique, dCployée comme un agencement de points de vue, comme une syntaxe de l'observateur, puisque dans ce jeu de substitutions de places que nous postulons, seules les "places" offertes par le discours- t nond sont constantes ; en ce sens, Penjeu du faire knonciatif apparalt bien comme la conmction et lJoccupatz'on de ces ploces, et la signification dans son ensemble, au moment de la mise en discours, obéit a leur actualisation comgie "points de vueW3.

L'interprétation "narrative" que nous avons faite de la mise en discours est directement responsable d'une telle représentation de la communication. En fait, A partir du moment oil on accepte de décrire I'instance d'dnonciation comme une instance actantielle, certes s w q u e , mais de meme nature que tout autre systkme actantiel, on accepte-que la communication des significations ne soit pas simple transmission du savoir. Comme tout objet de valeur, la signification Cnoncée entre dans deux relations actantielles:

(i) une transmission de la valeur entre Destinateur et Destinaraire ; (ii) une relation de quete entre sujet et objet.

Le "sujet" d'enonciation est bien "clivC" : d'une part il entre en syncrdtisme avec le Destinateur, ce qui engendre le r61e d'Cnoncjateur, et d'autre part avec le Destinataire, ce qui engendre le r61e d'énonciataire. Les choses sont de fait un peu plus complexes, puisque la relation intersubjective ne semble pas symdtrique. En effet,

(i) du point de vue de Pénonciateur, i'énonce est construit de manikre A ce que le faire de I'énonciataire y soit prdddtmmint! ; autrement dit, i'énonciateur se dome le r61e de Destinateur-man@uIateur A i'égard de l'autre ;

(ii) du point de vue de I'énonciataire, I'dnoncé est construit et la signification, reconnue ; autrement dit, I'dnonciataire se donne le r61e de Destinateur-judicatatr a I'dgard de l'autre.

Page 14: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

Pour résumer, on dira que l'enonciateur subsume les roles de sujet, destinateur manip~lateur, et l'dnonciataire, les rbles de sujet, destinateur judicateur et destinataire. Dans une représentation synthdtique, la consuuction de la sCmiosis prendrait la forme d'une "re-Cnonciation", e t suivrait ce parcours:

DESTINATEUR

Manda teur Manipulateur

4 Judicateur

DESTINATAIRE

1 SUJET I

Tout compte fait, meme A ce niveau de géndralitb, la sp6cificitC de l'acte Cnonciatif apparait deja : l'examen des roles actantiels exclut , l'hypothhe de la "transmission" de l'objet de valeur, et met en évidence une configuration complexe ou le savoir fait figure d'objet de vuieur d conmire, pris successivement dans des syntagmes de "munipulation", de 1

"comcrion" (ou Stnonciateur a l'initiative), de "reconsmtcrion" et de "reconnaissance" (oG Stnonciataire a l'initiative). . --

Autre conséquence : on ne peut traiter des deux rdles CnonciatiE; en termes d"'actants", puisque chacun. des deux est A la fois sujet et destinateur ou destinataire, ni meme en termes d"'acteurs", puisque, a ce niveau d'abstraction, ils n'ont pas d'identite, et encore moins de caractCristiques figuratives ; il faut donc leur attribuer un statut intermediaire : ni actants ni acteurs, l'enonciateur et 19Cnonciataire seront des "archi-actunfs", au sens linguistique classique du prCfixe "archi", réservé aux cas de syncrétisme.

On comprend alors que la question de l'identification entre les deux archi-actants sera determinante dans les stratbgies énonciatives ; nous avons repCrC en effet deux syntagmes caractCristiques des Destinateurs (manipulation vs reconnaissance) e t deux syntagmes caractCristiques des Sujets (construction vs reconstruction). Si les deux archi-actants sont distincts, les syntagmes de manipulation et de reconnaissance d'une part, e t ceux de construction et de reconstruction, d'autre part, sont dissymétnques : la signification reconstruite et reconnue ne coincide pas avec celle

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LES ESPACES SüñECl7FS

proposée et construite. Dans ce cas, le processus Cnonciatif lui-meme est l'enjeu d'une structure polemique ; la théorie sémiotique classique n'envisage en general que les confrontations entre sujets d'appropriation, mais il faut ici prkvoir des confrontations entre sujets de construction de la valeur. En revanche, si les deux archi-actants sont identiñés, les doubles syntagmes sont symkniques et, dans cecas, on pourra dire que l'Cnonciateur prefigure et inscrit pour l'enonciataire une "position d'enonciation" (la "place").

Si on restreint la rtflexion a la seule dirnension cognitive d e l'enonciation, l'Clection d'un point de vue est, pour l'enonciateur, un des moyens les plus sQrs d'imposer il l'enonciataire une lecture univcque de I'tnoncC, puisque cela revient pour lui il shulm dans cet Cnoncé sa propre position d'Cnonciation, que l'bnonciataire devra adopter pour reconstniire la signification. Nous ferons donc l'hypothese que le pseudo-échange, dans la communication, se dédouble en deux opérations : pour l'actant sujet d'enonciation, que1 qu'ii soit, ii s'agit de construire la signification ; pour les archi-actants e t les acteurs de la communication, ii s'agit d e maitriser la construction des "places" grgce il l'échange et il la projection de "simulacres4".

Une premiere clarification terminologique est maintenant posible : (1) Le sujet d 'knonciation est le terme gCnCxique, qui désignel'instance

présupposée e n méme temps que l'acte d'Cnonciation, par l'existence meme de l'Cnoncé. Nous n'en parlerons plus ici, puisqu'en fait on ne peut rien en dire de plus qui ne soit dCjil mbtaphysique, ou mCtapsychologique, peu ou prou.

(2) L'énonciateur est un archi-actant, qui syncrbtise plusteurs roles actantiels et peut, le cas échCant, trower place dans son pro e Cnoncé par embrayage, éventueiiement sous forme d'acteur. 11 en est d&de l'énonciataire (cf. supra).

(3) Les sujets énonciatifs sont les simulacres discursifs par lesquels l'Cnonciation donne l'iilusion de sa prCsence dans le discours-énoncé ; ils peuvent etre de type pragmatique, de type cognitif ou de type thymique, voire, le plus sowent, associer deux de ces types. Ainsi le "locuteur" de Ducrot est-il un sujet énonciarifpragmatique. L"'observateur", qui sera le personnage principal de ce livre, est un sujet énonciatif cognibf. Les sujets Cnonciatifs seront donc ces instantes intermbdiaires, entre Cnonciation et Cnoncé, qui prkparent les identifications de l'bnonciataire. Dans le cas du "point de vue", cette instance est l'"observateurm.

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L'OBSER WEUR DANS LE DZSCOURS IERBAL

1.2 LA TYPOLOGIE DES OBSERVATEURS

L'observateur est, au moins, le simulacre par lequel l'énonciation va manipuler, par l'intermédiaire de l'énond lui-meme, la compétence d'ob- servation de l'énonciataire. Pour différencier les stratégies d'identiñcation qui en découlent, on doit différencier préalablement les niveaw d'inscrip- tion de l'observateur dans l'énond.

11 faut disposer pour ce faire : (i) d'une opération générale, le débrayage, qui permet d'appréhender

la manike dont le sujet d'énonciation délegue une partie de ses faires cognitifs A un observateur ;

(ii) d'une typologie des débrayages, qui permet de différencier les n i v e u d'inscription de I'observateur.

Le débrayage est une rupture d'isotopie qui fonde a la fais les catégories de l'énond e t celles de l'énonciation ; c'est la rupture entre l'ici e t l'ailieurs, entre maintenant et alors, entre Je et 11, parexemple, qui fonde l'existence conjointe et séparée a la fois des figures (espace, temps, acteurs) de l'énoncé, et des figures de l'énonciation. Mais si on prend en compte l'ensemble des catégories de l'énonciation et l'ensemble des catégories de l'énoncé, on peut distinguer plusieurs types de débrayages :

(1) Le débrayage actantiel est celui qui projette des instantes narratives indépendantes de l'instance d'énonciation et qui, par conséquent, permet de déléguer sur la dimension cognitive, un sujet cognitif indépendant de l'énonciateur implicite, et disposqnt d'une compétence propre. C'est toute la difiérence entre : l

"La ?erre esaronde",

directement assum-diateur, et

"On pense généralement que la ?erre est ronde",

ou "on pense généralement" designe une compétence cognitive explicite et distincte de celle, implicite et maximale, de l'énonciateur.

(2) Le débrayage spatio-temporel est celui qui projette les catégories spatio-temporelles d e l'énond, a partir de la d e w d'énonciation prbuppode5. C'est le cas dans

"Vue de Sirius, la R r r e est ronde" (3) Le débrayage actoriel est celui qui projette des identités figuratives,

des "figures-lex~mes", les acteurs de l'énonck en somme ; du &té de

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LES ESPACES SmECmFS

l'énonciation, reste le Je implicite, et, du &té de l'énoncé, apparaissent les 11s. C'est ce qui se pase sur la dimension cognitive dans :

"Gaiilée pense que la Rrre est ronden

(4) Le débrayage thémalique (pragmatique 1 thymique) Nous n'avons pris en compte jusqu'i présent que des variables

qui peuvent jouer sur une seule dimension a la fois, en l'occurrence, sur la dimension cognitive. Mais les autres dimensions (thymique et pragmatique) peuvent bien entendu &re débrayées parailelement ; nous avons montré aiileurs6 que les combinaisons entre les trois dimensions produisent des associations protothématiques. Si les différents débrayages qui concement le sujet observateur (a partir de la dimension cognitive de l'énonciation) sont associes ii des débrayages pragmatiques et thymiques, on considérera alors que cet observateur est thématisé dans l'énoncé, et qu'il est susceptible de s'inscrire dans les parcours narratifs et thématiques de l'énoncé. Ainsi, pour revenir A notre exemple, dans I'énoncé :

"En pensant que la Rrre est ronde, Galiiée s'oppose il la puissance de l'InquisitionW,

I'observateur actorialisé "Galiik" est impliqué aussi sur la dimension pragmatique de l'énond, oil il est confronté a un anti-sujet pragmatique, l'Inquisition (qui est d'aiileurs aussi le délégué d'un anti-sujet cogni tif...).

Cette classification n'est pas exhaustive, loin s'en faut. ?but d'abord, le débrayage est compensé par l'embrayage : impossible retour il l'énonciation, qui introduit pourtant sur l'axe des débrayages une tension et une graduation. Les deux opérations de débrayagelembrayage s'associent alors dans une mise en tension de l'énonciation énon&, susceptible de variations d'équilibre, infimes ou brutales, mais gui ne sont plus catCgorielles7. Par aiileurs, chaque couche catégorielle affectée par le point de vue - l'espace, l'acteur, la thématique, l'actant, ... - peut etre examinée séparément ; mais l'effet de sens global, la configuration discursive appelée "point de vuen, du fait de la complexité interne du dispositif, varie dans son ensemble sur le mode graduel et tensif : au- dela d'un certain nombre de variables, c'est l'aspectualisation qui regle l'organisation discursive.

Mais, par ailleurs, si on récapitule les di ensions syntaxiques et les isotopies figuratives qui sont affectées par ces 7 pérations:

(1) pragmatique, cognitive, thyrnique, I

(2) spathle, temporeiie, actorielle, 1 on aboutit a une combinatoire tabulaire coqplexe, oil sont associées

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L 'OBSER VA TEUñ DANS LE DZSCOURS VERBAL

Soit trois types simples et six types combinés. Pour les secondes combinaisons, remarquons seulement qu'elles

comportent elies aussi trois types simples et six types combinés. La résultante globale donne 81 types en tout, dont 18 types simples et 63 types combines. On voit sans peine qu'ii est vain de p o u r s u ~ e la dénomination de tous ces types ; miew vaut traiter les différents débrayageslembrayages comme des variables, et raisomer en termes d ' o p é r h s praductrices des instantes, plutdt que de types d'instances ; ii serait en revanche utile (i) de doter toutes les positions d'une syntaxe, rendant compte des transformations de l'identiílcation (je ferai une brbve incursion dans cette question plus loin) et (ii) de sélectiomer empiriquement un certain nombre de types frequemment reprbentés et qui peuvent servir de point de départ ii la description des discours, quitte ii leur appliquer ensuite i'ensemble des variables déduites plus haut.

, La classiílcation des types d'observateurs ne peut donc pas Btre 1 exhaustive ; pour rester maniable, elie ne doit retenir que les types

statistiquement représentatifs ; celíe que nous alions proposer n'est pourtant pas totalement empirique, puisqu'eiie respecte la hiérarchie des niveaw du parcours génératif, pour définir les &tapes successives du

2' / débrayage lembrayage progressif de I'obsewatatr : (i) une étape actantieiie,

- + Q.t

(1) les combinaisons des trois types de débrayageslernbrayages actantiels possibles,

(2) les combinaisons des trois types de débrayageslembrayages figuratifs possibles,

(3) les combinaisons des premien avec les seconds. On obtient donc une combinatoire ?i plusieurs palien. Pour les

premibres combinaisons, on aura : Tpes spécifits

qpes spécificateurs

PRAGMATIQUE

COGNITIF

THYMIQUE

PRAGMATIQUE

P La machine

Pc Action- tactique

n Action- émotion

COGNITIF

CP IIhéarie- pratique

C L'esprit

c t Croyance-

fiducie

THYMIQUE

TP Pulsion- réaction

R Sentiment- sensibilité

T Le m u r

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LES ESPACES SUBE-S

d%b\

(ii) une ttape themitique, par combinaison avec les autren dimensions, (E) une etape figurative, d'abord spatio-temporeile, puis actonelle. Cette typologie se presente comme suit :

(1) Si le rble d'observateur n'est pris en charge par aucun des acteurs du discours, et si on ne lui attribue pas de de'ixis spatio-temporelle dans l'enoncé, il reste abstrait, pur "filtre" cognitif de la lecture, que certains assimilent au point de vue de la "caméra" (mais la "cambra" comporte une deixis spatio-temporeile minimale). Ce n'est qu'un a c m t de dircursivisation, ddnommt Focalismur (Foc), engendre par un simple debrayage actantiel ; on le reconnaft uniquement a ce qu'il fait, c'est-a- dire a w sélections, aux focalisations/occultations mises en aewre dans S6noncé.

(2) Dans le cas oil les limites de la compétence du Focalisateur repivent une rnanifestation figurative, c'est-Adire quand ces limites sont, entre autres, de lype spatial et tempore1,'I'observateur est directement impliqud dans les categories spatio-temporeiles de l'dnoncé (comme dans l

le cas de la perspective picturale, que caracterise un "ici", refere au "a- bas" du tableau). On l'appeilera "Spectateur" (Spec)

(3) Si le rdle de Focalisateur est pris en charge par un acteur de l'dnoncé, dont l'identitd est reconnue, mais qui ne joue pas de r8le (pragmatique et thymique) dans les évbnements de l'6noncé, ce sera un ''Ass&antn (As). 11 est dote d'une enveloppe actorieile, et résulte par conséquent d'un ddbrayage actoriel.

(4) L'AssiStunt-pm'cipant (As-Part) est, pour finir, un observateur qui resulte d'un debrayage complet (actantiel + spatio-temporel + actonel + thematique) ; au rble cognitif de l'acteur est asocid un autre r61e au moins, sur les dimensions pragmatique ou thymique. Cet observateur thdmatisé est, comme le detective dans le roman policier, susceptible de participer aux évdnements de I'Cnoncé, soit comme figurant, soit comme protagonistee.

De fait, la "tht5matisation" obtenue par combinaison e t spécification entre la dimension cognitive et les d e w autres peut affecter tous les types d'observateurs retenus, puisqu'elle conceme de droit le niveau le plus abstrait, le niveau actantiel et transfonnationnel. Nous en montrerons les effets plus particuli¿?rement dans le chapitre consacre au cinema.

Une teile typologie, fondée sur un syst¿?me de traits cumulatifs, du moins tant qu'on reste sur la dimsnsion oognitive, n'est possible que si on admet prdalablement le caract¿?e graduable de l'opération de debrayage (et de son inverse, l'embrayage). Le systeme cumulatif permet

I

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. - * 9

1 de justifier entre autres la nature plus ou moins spéciíite des positions d'observation : du simple Focalisateur (dtbrayage actantiel minimal) jusqu'A I'Assistant-Participant (dtbrayage complet, maximal), la position proposée A l'identification de l'tnonciataire est de plus en plus dtterminée, et, par suite, restrictive. Le t h a t r e ni3 offre une iliustration systtmatique de ces niveaux d'inscription diffkrenciés et cumulatifs, qui permettent au

I public d'awéder par palien successifs A l'histoire proprement dite, et A une identiíication, en dernibre instante, avec le htros mort qui cherche A atteindre la bouddhkitt.

1.3. LES TYPES D'OBSERVATEURS DANS LE THÉATRE NO

On serait tentt de penser, au & des contraintes architecturales et materielles qui sont ceiies du thtatre, que le spectac$ dramatique échappe, au moins en partie, A la typologie des observateun : il ne pourrait s'y rencontrer qu'un seul type d'observateur, le Spectateur. La seule variable qui puisse jouer dans ce cas serait spatiale, puisque, par convention, le moment oil se dtroulent les tvtnements est le méme que celui ob ils sont suivis et observés par le publicg .

De fait, l'histoire du thtatre pourrait étre considtrte A partir de ces variations de la dttennination spatiale du Spectateur :'un premier

I mouvement vise A cantonner ce dernier ende@ d'une frontiere que reprtsente mattriellement le rideau quand il est baisd, et qui correspond dans tous les cas au plan vertical qui s ' t lbe h partir du bord de la d n e . On se souvient de l'tpoque ob les "f8cheux" de Molibre se tenaient aussi autour de la scbne. Un deuxibme mouvement, A i'tpoque moderne, vise au contraire á noyer le spectacle au milieu du public, et donc A multiplier les points de w e possibles sur ce spectacle. Tout ou presque a CtC tentt pour briser l'identiíication ou pour la rendre plus totale, depuis la "boite" scénographique de type perspectif du th4 t re A i'italienne - le plus illusiomiste et le plus restrictif - jusqu'au "thtatre de l'environnement", ob la distinction entre acteurs et spectateurs disparafi quasiment, ob la représentation integre tous les espaces, tnoncifs et tnonciatifs, dans un dispositif unique.

Pourtant, une forme thtatrale au moins, A notre connaissance, tente de jouer sur d'auíres variables : le thtatre ni3 japonais. Au lieu de modifier la d i sp i t ion de la saiie pour agir sur les p i t i o n s d'observation et sur le

d'identiíication, le thtatre n6 prtvoit, A la fois dans le texte, dans

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*ai!p iuaura~do~d aqoiqy,I ap lnlm iuauraAlsnl3xa ~aJ%aiuy~ inod 'srna~y la srnaieurJojq 'smaieruasqo iuaAnau as 'o apuom al iuawa~gpyap aiqnb 'lueua a~pads np aurJoj q snos '~JOUI

so~ap al anb uopnuas?ida~ q ap iuaurou m q JaJaplsum inad u0 .assed uos ap xnaq sal ms uy sues

Jaua q iua!en%~e~lum a1 la 'ai!ayppnoq q suep iuaura~guyap qiue9ue.s ap iualep:,adura,~ ~nb sluauqiuas suapue sal !sqe aspJoxa la saJniuaAe sas anoCa~ 'assed al ~ed aururm qoj aiim ñpqey 'imm so~aq al : gem np ar(2~ al sMp 'nWp!J np iaAal un la ammsap aun q~de 'qoj auralqoil aun (!E)

! a41 la iiopua,s '~al~d e sroIe iau as ~na8eÁoh al f atqvp ~laan-s uorsra~ aun auuop ua rnb 'qoa%em !ea un 3aAe 'uopeua~um ailne aun suep 'qoj apuoss aun (E)

f a~.u3a.[qns~a a~qmdije~ed inl sl!ej sap uoyaa q im 'agy uos ap au?poue mua~edde.1 aqulap ay3m as mb aupap inaSeÁo~ a1 ! qoa%ep un,p aduoue qqey,~ snos ay313 as !nb 'i~our soqy np a~mds al 3a~e uopmaAum aun,p auoj q snos 'qoj aiguxaid aun (l) : sluaJaglp arin ap slqod qon ap qiuo:,ei 'anoisjy aurp q ap suojsraA

qon iuaqms suolisanb sas ia ',,srnaim~op~ sap aJiumuaJ a 'm -;--aurneÁo~ un suep

qoj aun i!na 11,, np anbpeure~p uo~i~sodsuen aun ia uolsuedva aun isa.3 .sau%!o~a anbona aun la nag un ua 'mumqsse,l SAe 'ninoqe mod 'slua~ sed e anps q iueiua<lre ua inoi '(,,geÁ-ppp,,) ,,a%eh np iuey3,, un ~avuoiua e iam as la 'ma%eÁoh aqour np aIgJ al qm inod assopua a ! medsa,~ suep la sdurai al suep a%eh alqmuaA un suep qqnd al laujeaua eA pp~ TI

-puoua medsa,~ ap yquuaiap lqod un ua anirs as i~ed anne,p la 'uo~ieiuasyda~ e1 ap u;reioduraiucn isa 11 ued aun,p : aIeyyur anaiodual-opeds qqap aun ~ed gap '~naieuads un p~oqe,p isa fi jaqour np al~m 'anapope ai!iuap? aun,p aiop '1uw.w un ana,p iueAv *- (,,aip q,p rnlm,, : iuaura~e~aiig) ,6gm,, al 'urou uos ~o,p - aups q ap aip a1 ins uo!iauasyda~ q iuepuad iuap as !nb 'luanos sn~d al ',,~naSeAo~ aqou,, un isa,:, 'aqiuapl aun e maiwasqo ia~> 'anboda anne aun q iueuatredde suolienip sap la sap#ud sap Lossai Japap ua ín~ iumap iuaApaJ aJjoiqy,l ap saSeuuosrad sal anb auos anal ap sqqnd a1 la sluaurauarra 'sal alma maiqpaur ap uas maiaasqo un : a~d~s isa 1eiauaS adpupd cq

.sanbpopqs aafns sal iua~ge rnb je~ivaq smmqp np saruaiq sno~ii.im sap e iginld qeur 's~aa~ srnai3e sap uoplsod q ap no 'aps~ads np a~edsa,l ap suo!le!~e~ sap ? snp sed iuos au !nb 'uo!ie,uasqo,p sluaragp xneaAlu sap 'uo!iauasydal el suep la aups ua aqu ap pnip al

Page 22: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

L'OBSERVATEUR DANS LE DZSCOURS VERBAL

Enfin, le waki se rkveille et le rideau tombe. Les histoires sont toujours les memes : haine, amour, vengeance, or-

gueil, jalousie, ... 11 s'agit de fait tout autant d'une mire en scene de l'énoncia- tion énoncée que d'une mise en sctne de l'tnoad. 'but le rituel consiste a faire participer le plus intimement possible I 'obse~ateur - et, par suite, le public - a l'exorcisation des mauvais sentiments, et les trois récits successifs different moins par leur contenu que par les modalisations (vkridictoires et thymiques) qui les affectent ; plus qu'a raconter l'histoire pour elle-meme, ils servent en effet a la traiter, au niveau tnonciatif, de manitre spécifique: mystiifier, puis démymjier, et enfin mrciser.

Si on définit la de-kis du Spectateur initial comme l'association d'un temps T I (le "maintenant" de la représentation), d'un lieu L1 (1'"ici" de la reprksentation), ainsi que d'un acteur A l , quand le waki s'anime et rkvkle son identitk et son r81e figuratifs, on peut :

(i)présuppmer un temps To, un lieu Lo et un acteur Ao, qui caractkri- seront le "Focalisateur" abstrait qui surdttermine la représentation ;

(ii) débrayer une kpoque T2 e t un lieu La, ou s'kchangent les trois points de we, les trois versions de l'histoire entre le waki, les viilageois ( A z ) et le spectre ( A 2 ) ;

(iii) débrayer enfin une Cpoque T3, celle de l'histoire proprement dite, ou intervient un acteur A3 (le htros, le protagoniste) ; ce dernier dkbrayage temporei, que produit le reve, est marque par le baisser et le lever de ri- deau.

La succession des dtbrayages qui sous-tendent le voyage spatio-temporel du waki se prtsente comme suit :

To Tl T2 T3 Lo - L1 - L2 - L2 A0 A 1 A 1 A 1

iever Chant Reve de du Baisser et rideau voyage lever de rideau

Tl To - Ll - Lo A 1 A0

Rtveil Baisser du de waki rideau

Page 23: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SUKECTIFS

(i) le récit de l'énonciation énoncée, (ü) le rkcit des kvénements de l'énoncé. Dans le récit des hénements de l'énonciation énoncée, le waki subit la

transformation suivante : i. t

p'l IL? 1 A01 (T2 1 5 1 A l ) Spectateur - Assistant - Assistant - Participant

de I'énonciation Cnoncée (le moine (celui qui fait temoigner

(celui d'a cbte) voyageur les villageois) chantant) (celui qui rbe)

Dans le récit des événements de I'énoncé, le waki subit la transforma- tion suivante : !

(T2 IL: 1 A l ) $7'3 1 5 1 A l ) Focalisateur - Spectateur (celui qui organise le jeu (celui qui se retrowe, des trois points de vue, gr$ce au reve, transporte "subjectif", "satirique", puis "onirique" B I'tpoque des dv6néments)

Les sujets de l'énoncé eux-memes, si l'on peut dire, viennent "au- devant" du sujet énonciatif ; sous l'apparence du premier villageois, en effet, le "spectre" du héros mort, grgce A un embrayage temporel et actoriel a le statut d'un informateur appartenant au récit de l'énonciation &non&, puisqu'il vient lui-meme y donner une version de son histoire. Ce qui peut se représenter ainsi :

p 2 lL2 v 1 A2) - Informateur, protagoniste protagoniste de I'enonce de l'enonciation enoncee

Son anéantissement final est donc uniquement un andantissement du "spectre", c'est-Adire de son r61e énonciatif ; il s'obtient grgce A un débrayage temporel, actoriel et spatial.

Comme, par aiiieurs, le rbeur s'éveille (embrayage temporel et spatial), l'aboutissement du spectacle est une disjonction définitive-entre les instantes d'énonciation et d'observation d'une part, et celles de l'énoncé d'autre part, chacun ayant réintégré définitivement son univers d'origine.

Ces deux demieres opérations correspondent respectivement A :

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L'OBSERVATEUñ DANS LE DISCOURS VERBAL

{T' lL' 1 A') Le htr& mort a reioint

et mistifie - son histoire - la bouddhCitt par les voyageurs une dernikre fois un dtbrayage "non fini"

fT2 1 5 1 Al) p 3 IL? 1 Al) Le waki reve I'histoire Le waki s'heille et se retrowe en tant que spectateur - en sa position initiale de Spectateur des Cvtntments de 1'Cnond des Cventments de I'tnonciation Cnoncée

Le schéma ci-dessous figure l'ensemble de ces transformations comme une serie de franchissements des frontiCres entre les différentes instantes énonciatives et énoncives.

Le rideau se lbve sur le waki, qui est un moine (acteur- observateur). situ6 "i &te" (L,), i ce moment meme (TI) 1

L1 L

Ti-

Le waki remonte le temps (T,) , arrive au vülage (L,) oil des viüageois (A2) lui racontent deux versions subjectives d e I'6v6nemenL 1

Dans le r@ve du waki. le Mros (A3) revit l'événement traumatkant, qui a eu lieu au village (Lo = L2) , i une au t r eepque (T3) 1

I Cene repr&entationexorcisme a pour objet de faire en sone que ... I

C Le spectre-heros, enfin apaid, s'anéantit dans la boudheite.

Acteur (villageois), "ailleurs" (le viüage), "alon"

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LES ESPACES SUBJECTIFS

Dans ce souci de médiatiser méticuleusement la relation entre le public et l'événement proprement dit, on reconnaitra sans/ peine une manipulation : l'énonciataire n'a plus le choix d'adhérer ou pas a l'histoire racontée ; il se trouve transporté, palier par pul& au plus intime & l'univers diégétique, avant m@me que le récit des évenements de l'énonce ait commencé. On remarquera qu'en général le spectateur du thégtre, déterminé temporeilement par le "maintenant" de la représentation, a peine déterminé spatialement par sa position dans la salle, doit s'imposer une transformation radicale pour coincider avec l'acteur protagoniste, fortement determine et realisé (en "chair et en osn) ; l'installation de paliers de médiation, dans le cas particulier du thégtre n8, autorise un parcours, fait de degrés successifs, pour ainsi dire "ménagés" a l'énonciataire. Ce résultat est obtenu par l'expansion minutieuse de toutes les proddures de débrayage et d'embrayage, et par l'utilisation de tous les types d'observateurs. Aimi la reprksentation du nd est-eile une véritable épreuve psychologique, au point qu'elle doit etre entrecoupée de séquences burlesques, qui détendent les spectateurs.

1.4 OBSERVATEURS, IDENTIFICATION E T INTERPRÉTATION DE L'ÉNONCÉ : LE POINT DE W E DANS "ALLER/VENIRn

On voudrait enfin, avant d'aborder de plus vastes horizons - le roman, le tableau, le film -, montrer la pertinence et l'efficacité heuristique d'une théorie de l'observateur dans la description linguistique des énonds. L'examen du couple lexical "aller /venirn nous permettra de montrer que les locuteurs/allocutaires, acteurs de la parole, ne suffisent pas a une analyse sémantique coherente : il faut y ajouter l'actant observateur. On constate alors que cet observateur peut jouer d'autres roles actantiels ; la dénomination "actant" n'est pas ,un vain mot : elle implique en effet la structure actantielle tout entii3re.

Variété et richesse de la combinatoire ne suffisent pas : restea montrer concri3tement en quoi eile est utile dans l'analyse du pro& d'identification proprement dit. Nous avons choisi pour commencer le couple de verbes "aller /venir", dont l'analyse requiert la construction d'un actant implicite,

' servant de position d'identification pour le lecteur. C. Kerbrat-Orecchioni a déji montrél1 que ces deux verbes ne peuvent faire l'objet d'une description sémantique correcte sans les catégories subjectives ; eile %

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L'OBSERVA TE üR LMNS LE DZSCOüRS VERBAL

a prouvé de manikre convaincante que l'interprétation de 'tenir", en particulier, requerrait la présence du sujet d'enonciation, locuteur ou interlocuteur, p l a d au lieu de 1"'arrivée" du pro& de déplacement. Nous considérerons ceci comme acquis, nous réservant maintenant d e montrer que la simple localisation du sujet énonciatif est insuffisante pour interpréter ces deux verbes ; en somme, le débrayageJembrayage spatial doit etre complCte par d'autres debrayages lembrayages. Nous partirons de quelques phrases simples :

(1) Paul ira demain chez moi (2) Paul viendra demain chez moi (3) Paul ira demain chez toi (4) Paul viendra demain chez toi (5) Paul ira au congres, nous pourrons l'y rencontrer (6) Paul viendra au congrb, nous pourrons l'y rencontrer (7) Paul ira A Paris, rencontrer Jean, mais nous n'y serons plus (8) Paul viendra a Paris, pour rencontrer Jean, mais nous n'y serons plus.

"Allei' et "Venir'' manifestent le meme pro& de déplacement, orienté dans l'espace en fonction d'une referente spatiale qui, A premihre vue, est le lieu d'arrivée ; nous admettrons A ia suite de C. Kerbrat- Orecchioni qu'un sujet énonciatif i n t e ~ e n t dans la signification du verbe, sans affecter pourtant en quoi que ce soit la signification du dépiacement en lui-meme, tant dans son orientation que dans son interprétation spatiale en general. Deux questions se posent immediatement : quel est le sujet enonciatif en cause, quel est son statut e t par queiles procédures discursives est-il mis en place ? En quoi ce sujet affeCte-t-il ia signification du pro&, si le dépiacement reste constant, orienté vers l'arrivée ?

Dans la liste d'exemples proposés plus haut, on remarquera qu'il est parfois difñcile de situer précisément ia position du locuteur, ou au moins de l'utiliser pour différencier "ailer" et 'tenir". C. Kerbrat-Orecchioni affirme que "le verbe "aller" s'emploie dans toutes les situations, a l'exception du cas oii x se deplace vers l'endroit oii se trouve le locuteur au moment du pro& d'enonciation". L'exemple (7) :

"Paul ira A Paris, rencontrer Jean, mais nous n'y serons plus"

infirme cette analyse, puisque, justement, le locuteur peut se trouver A Paris au moment oii ii prononce cette phrase ; ce qui nous conduira A dissocier la position de référence - encore A définir -, de l'acteur-locuteur proprement dit. L'auteur affirme aussi que "le verbe 'tenir" s'emploie exclusivement dans le cas oii x se depiace vers un endroit oii se trouvent

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LES ESPACES SVBJECTIFS

le locuteur e t / ou l'aiiocutaire, soit A l'instant de l'énonciation, soit au moment oh se réalise le p r ~ " ; on peut tout de suite fake remarquer que si la position de rCfCrence de "venir" peut étre celle d'un locuteur qui ne parle plus (au moment du p rods de dkplacement), il conviendrait tout d e meme de distinguer le locuteur-acteur de se. roles actantiels divers : quand il se trouve au lieu d'arrivde au moment de l'bnonciation, il adopte le r61e actantiel de sujet Cnonciatif verbal ; quand ii se trouve au lieu d'arrivée au moment du proch de dCpiacement, il ne joue plus ce d e , rnais, kventueilement, un r61e tout A fait pratique dans I ' tnond lui-meme. On confond ici, en quelque sorte, un sujet Cnoncif et un sujet tnonciatif, p a r e qu'ils apparaissent sous ia dCfroque du meme acteur ; quelie que soit l'orientation théorique qu'on adopte, ii reste que dtsigner oomme "locuteur" un acteur qui ne parle pas, sous pretexte qu'il a parle, est un abus de langage. Ducrot utilise la distinction "locuteur en tant que telllocuteur en tant qu'etre du monde12, qui pouuait convenir ici, sauf que "en tant que tel" e t "&re du monde" ne sont pas des grandeurs sémiotiques, et n'appartiennent pas A une catkgorie commune qui leur permettrait d'étre opposCs.

Par ailleurs, l'exemple (8) :

"Paulviendra A Paris, pour rencontrer Jean, mais nous n'y serons plus" est interpretable méme si les locuteur/allocutaire ne sont A Paris ni au moment du dCplacement - comme ii est prCcisé dans la phrase - ,-, ni au moment de I'Cnonciation. De fait, il sulñt qu'entre temps les sujets Cnonciatifs - Pun ou l'autre, ou les d e w - aient Ctk A Paris e t ce, bien entendu, en perdant leur r61e de locuteur Iallocutaire. On remarquera ici que, non seulement l'acteur-locuteurtailocutaire est dissociC de son Ises roles Cnonciatif(s), mais que la prksence "physique" de cet acteur n'est pas requise au lieu d'arrivke. Fort de cette constatation, on peut revenir A des CnonA plus simples, comme :

(2) "Paul viendra demain chez moi" e t (4) "Paul viendra demain chez toi"

pour constater qu'ils sont interprktables meme si les acteurs "moi" et "toi" ne sont pas présents en tant que tels; inversement :

(1) "Paul ira demain chez moi" et (3) "Paul ira demain chez toi", comme (7)

ont un sens meme si la phrase est prononde au lieu d'arrivée: on considbre alors que la rkférence de 1'Cnond est décalCe par rapport au lieu d'Cnonciation effectif.

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L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOURS VERBAL 29

Si la description du couple "aller/venir" veut éviter d'imposer une nome, eiie doit prendre en compte toutes ces variations ; pour les prendre en compte, on le voit, elle doit considérer que ia référence d"'aiier/venir" (i) n'est pas actorieiie mais actantieiie, (ii) est partieiiement indépendante des d i e s actantiels de locuteur/aiiocutaire. Ainsi, dans une phrase comme :

(9) Paul viendra A Paris

on ne peut savoir si c'est le locuteur ou I'interlocuteur qui sert de référence, s'ils seront présents au moment de I'énonciation ou au moment du pro&, ou encore A un autre moment proche, s'ils y sont "présents" physiquement, affectivement, ou institutionnellemen t... Ils pourraient mCme n'Ctre concernés ni I'un ni Pautre directement, et, par un jeu de référence globaiisé, le sujet de référence pourrait etre un groupe, une équipe, etc., auxquels ils appartiennent. 11 résulte de cette incertitude qu'il est parfois t r h difficile d'identifier le sujet énonciatif de référence, du moins en termes d'acteur locuteur/aiiocutaire. Le fait de poser le probleme en termes d'actants change totalement ia perspective ; ainsi dans :

(10) Paul viendra demain A ma rencontre A Paris

I'actant locuteur se dissocie nettement de I'actant de dépiacement, et pourtant ils ont ia mCme couverture actorielle "je" ; on ne peut nier ici, qu'entre le moment de I'énonciation et le moment du déplacement, le "jen ait perdu son statut de locuteur.

Le sujet énonciatif de référence est donc, dedroit, dans le couple "aiier/venirn, un sujet énonciatif indépendant des roles d'aiiocution ; il résulte d'un réembrayage partiel qui lui permet de se dissocier, justement, des acteurs de I'énond.

11 reste A préciser que1 est I'impact sémantique de ce débrayagel embrayage actantiel sur I'interprétation de "aiier /venir". 11 faut remarquer tout de suite que ces verbes sont incompatibles avec I'aspectualisation ordinaire des pro& :

* (11) Paul ira Iviendra A Paris pendant 3 heures 30 * (12) Paul va/vient A Paris A 18 h 15

Les aspects /duratif/, Iinchoatifl, herminatifl sont exclus par les deux verbes ; ce n'est pas qu'ils soient intemporels, puisque ia mesure du temps de dépiacement est toujours possible :

(13) Paul ira Iviendra A Paris en 3 heures 30

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30 LES ESPACES SUBJECTlFS

. *:\ et Saspect iteratif, qui concerne I'ensemble du deplacement, est accepté :

(14) Paul va Ivient A Paris toutes les semaines

Ces observations monuent qu'"allerlvenirJ' résistent de la m2me man2re h une segmentan'on aspecdlelle du procks de dbplacement ; nous ferons l'hypothbe qu'ils sont dtjh intrinsbquement l'objet d'une aspectuawtion spécifique, et que toute tentative pour leur adjoindre une aspectualisation seconde et extrinsque détruit la préddente et bloque l'interprétation, ce qui est confirme par le fait qu'ils restent compatibles avec une aspectualisation globale, non analytique, comme la mesure de la durée ou la rCpétition.

Que signiíie dans ce cas "inbvlst?que" ? Nous entendons par lh que le noyau sémique sous-jacent A "alier" et "venir" comporte un sémeme actantiel de referente, et que Tintroduction par les classbmes d'un autre actant de réfdrence lui est incompatible. En d'autres termes, la prbence du sujet enonciatif de rtférence neutralise l'aspectualisation anaiytique (inchoative, durative ou terminative). Une premibre piste s'ouvre ici, pour l'identiíication du sujet enonciatif dCleguC : comme l'aspectualisation analytique présuppose elie aussi une instance de refbrence, un obsmatatr qui determine dans la constcution des Ctapes du pro& un debut, une d u d e et une fin, on peut supposer que le sujet tnonciatif dClCgué, intrinsque A "aller/venir", est un sujet du meme type, leurs opkrations respectives Ctant exclusiva l'une de l'autre.

Autre question : s'agit-il d'une mise m perspective classique du deplacement ? Si on distingue dans le dtplacement une disjonction avec le iieu de depart et une conjonction avec le lieu d'arrivee, la mise en perspective narrative consisterait soit A étabiir le pro& dans la perspective de la disjonction, soit A I'dtablir dans la perspective de la conjonction ; mais cette alternative ne donne tout au plus qu'un couple comme "quitterlatteindre", ou, une fois rabattue sur les aspects inchoatifi et terminatifs, un couple comme "partirlarriver"; eiie ne permet pas en tous cas de distinguer "aller" de "venir" ; au conuaire, comme ils sont tous d e w redondants avec "amver13", ils semblent relever de la meme perspective, celie de la conjonction.

Les choses sont claires maintenant, au moins negativement : la commutation allerlvenir n'affecte pas le proci?s de dtplacement, ni dans son orientation, ni dans sa mise en perspective, ni dans son aspectuaiisation analytique, et n'est pas liee non plus A la présence physique du locuteur et de l'allocutaire au lieu conjoint. Deux observations concordantes permettent une premibre approche de l'instance de rtference en cause. La

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*apuoua uo!iepuoua,l ap no (iuauxaqdap np nag al) puoua.1 ap salepeds saauuopim sap e ?posse aiii) asqnd anaalap iajns al anb Iai '~aioduai-oyeds aSeAeiqua/ aSeAeiqap un,p -

! iuauaxqdap ap iahs ne aposstr i!o~es al 110s 'q~!iie,p nag ne aposstr nmes a1 i!os '~naiq3uoua,l ap l!oAes a1 apied ua aSetred UO!Í.~UOU~,I ied an8alap iajns un : jp!uScn aSeÁeiqma/aSeAeiqap un,p -

aynw !nb gi!uSm 1a.s un t; iuaiajai as ..qua/lane,,,nb einpucn uo 'srncnqp ua asyu q ap suo!ier$o xne suope~asqo m iueuaiu!eu~ ai~oddw uo !S

'al91 a3 iuauxaqoieS!1qo sed iuano! au s[! go iuauxoui. un t; '+irin3one,p la mnnq ap sa~gi sal anb (,,snou,) srnal3e sauaui. sal ied ?no[ isa 'aaqe,p nag ne aposse '3s ap a~gr al anb lanb~eural uo-inad sn~d ne 1nqL -iuaui.aqdap ap spoid np nag la iuawow ni? !u 'uo!iepuou~,~ ap nag la iuauroui. ne !u anys an9,u ymnod 1!,nb ued ai1ne.p la 'upumq yei? auaqjai ap ia[ns np Iapoi3e aSe~$ai al anb (g) ua a~duxaxa led M sume snou ! !UO~~~JO

-1eiqiaX 3 yej a1 anb sa1.11~ ~ssne aejins ap sanb!iqnSuy sal831 sap ialnurroj ap sed iaurrad au 'M suo~e,~ snou 2nb apumas aiu]eiiucn aun isa aqsnmne,[ la inainml al ied ano[ ang asqnd a ap a191 al anb i!ej q

,,lalle,, e uo 'ds t; armsse isa % !S ,nuah, e uo 'x t; aposse isa 3s 1s

: 3s ap uop!uyap q ied luapuaiaglp as la anbpewSeid ialns = ds

j!ip8m 1a.s = 3s (X sra~ a~qdap as ds) anb )!es

: aunuxum anbpueui.9~ ad~eue aun,p 3uop iua~~~ai ~mid xnap sq .iuaui.aeldap np (sed no qeuxny) anbpewSeid

ia[ns ne iuauxaA!i3y aposse ia[ns un,p nohes al aun= ua iau ,~IM, *qNile,I ap sa~aiodwai-opeds sa?uuop~o<M

sa~ ms iuauxaNPy amue 1a.s un,p J!OABS a1 aun= ua iaw ,,nuaA,, -aNieiieu a~i3ad~ad ua

as!u q ap anb !. e 'sj!iequi.iai la sfiieoy31q wadse sap iuauurepuada~u! íeqo13 iuauae~dap aui.ui.cn 'alquxasua uos suep !?es aiuauo ~m~d al lajqo mod e !nb 'lnatousqo un isa ?&ql?p Jvm3uoq iab al anb asqyiodAy,~ 3uop suo~aj snoN yi!uSm ia[ns un,p anp-e-isa,:, 'inaiehIW0 aiine un,p 9ipy3e41 ied aa~ia ipiinod a 6asqeiina~ isa uopesqeni3adse,~ inaieNasqo,l !S 'anb isa apuoms q ! sanb!uiÁyl no ~i!uScn anb 'i!oJP ap 'aria iua~nad au a3uaiajai ap aueisu! aiia iuaniris~q !nb saSeAe1qui.a / saSeAmqap sal 'ai3age sed isa,u anbpeuSeid spid a1 !S 'anb isa aia!~a~d

3.

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32 LES ESPACES SUBJECTIFS

Dans notre terminologie, l'actant cognitifdote de coordonnees spatio- temporelles rk fCrh dans l'Cnond est un Spectateur ; -dans le cas de l'association avec le sujet pragmatique du dkplacement ("aller"), le Spectateur devient un Assistant-Participant.

Poser la différence entre "aller" et "venir" comme une diHCrence de savoir entre un Assistant-Participant au deplacement d'une part e t un Spectateur situC ii l'arrivée d'autre part, c'est aussi dire que l'Cnonciataire ne peut pas interpreter ces deux proch s'il ne reconstitue pas l'observateur spécifique de chacun d'eux, e t s'il n'en adopte pas le faire coknitif ; en ce sens, "aller" e t "venir" proposent deux "places" d'identiíication diñerentes, puisque l'interprktation de l'knond impose pour chacun l'adoption d'une identite et d'une compétence actantielle spécifique.

Ce fonctionnement des verbes "aller" et "venir" est plus qu'un Cchantillon de p r d d u r e d'identiíication ; le lecteur voudra bien y voir l'archdtype de notre conception de l'identiíication discursive : c'est 1'Cnonck lui-meme et l'organisation discursive des pro& qui y sont mis en aeuvre qui dCterminent le faire cognitif attribuC au sujet Cnonciatif, e t offert ii l'enonciataire comme a c d s obligatoire ii l'interpretation du texte. On comprend ici que l'identification telle que nous l'entendons est strictement dmiotique, et rien moins que psychosociologique, puisqu'il s'agit au fond de rechercher queiies sont les competentes requises pour Claborer la signification, et comment elles sont dCterminées et imposCes.

Par ailleurs, la vérification de cette analyse peut se faire dans les textes mémes, puisque les dkveloppements narratifs de la "venue" et de 1"'aller" doivent se faire, respectivement, du point de vue d'un observateur plack

l'amvee, et d'un observateur associe au sujet de deplacement. Je me propose d'en faire l'Cbauche A propos de ce fragment des Évangiles :

"16.1. Quand le sabbat fut pasd, Marie de Magdala, Marie, mbre de Jaques, et SalomC achetbrent des aromates pour aller l'embaumer. Et, de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont ii la tombe, le soleil Ctant levC14 ."

Visiblement, le déplacement des femmes est raconte du point de vue des femmes elles-memes, et non, par exemple, du point de vue du "jeune homme, vetu d'une robe blanche" qui les attend dans le tombeau vide. Cette focalisation se marque ii la fois par le dCtail des programmes d'usage ainsi que des circonstances qui entourent l'accomplissement du deplacement, d'une part, et par l'utilisation rCitCrée du verbe "aller" ; on voit immediatement que la perspective ne serait plus celle des femmes qui se dCplacent, mais celle du "jeune homme", par exemple, si le verbe "venir"

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: io~3na ap salduiaxa ~p un suoua~daa -siua~ay!p salla!iuepe ql!iuap! la saIgJ sina!snld Jpno3aJ inad !nb '(,,apuoui np

,a~ia,, i!p) Jnai3eJnainxq al la (,,la) anb iuei ua,, i!p) iuei3e-~nainml al ~an%u!is!p inq y,nb snou ~nod ay!u%!s !nb a3 .Jnainm[ ap 'sa~do~d 'salla anb qia!~do~d sa~ine,p sayos sainoi J!oAe iu~nod Ja!uJap a3 '(02-61 'dd 'm io~3na) ,,apuoui np a~i~-~na~nwl,, al la ,,la) anb iuei ua ~nainml,, al addo io~3na 's~na~l!e JQ

-uo!1e!3uouaLl apj111!&3 iuei3e,l 1sa,3 : ,salo~ed sJnal 'aui~ai np lapalew suas ne 'sed uou s!eui 'apni!iie Jnal 'uo!i!sod Jnal 'am ap iu!od Jnal iueui!~dxa auiuim aw, isa uo!ie!3uou~,l 's~naiepuoua sal au~a3uo3 !nb a3 ~nod 'anb (22 -12 .dd 'm io~3na) aspa~d ua!q 1sa I! ! ,,puoua,l suep ar.updxa,s am ap iu!od al luop auuos~ad el,, iuauialnas i!e~as ',,~na)epuoua,, i!p 'puo3as al 'aq3ue~a~ ua ! uo!ie!3uoua,l ap anb!ieui%e~d iue~e,~ ap 3uop i!%e,s I! ! ,,puoua,i ap uo!iyedde,l alqmndui!,, isa !nb e !nla3 '(~I-sI 'dd 'm io~3na) ,,uo!ie!auoua,l ap alqesuodsa~,, al Isa 'allauaf) ~ed a!uyap ,,.OA,, el 3aAe ay!iuap! a!ued ua 'Ja!waJd al ! inalepuoua,l la Jnaiml al laya ua anSu!is!p Jnaine la3 .a!uoqdAlod ap la uo!iepuoua,p aJyieui na io~ana ap saqqi sap 'sa3ua~edde sal a~Sleui 'p! au%!ola do11 sed isa'u u0 .Z

y961 'LS 'M 6sruawnjoa-sa.ljo.w?s sa3v ',aqd~modo~qiue aA!ieJJeu anb!doi aun Jnod,, 'all!ueiuoJ sanbef -1

-suo!suaur!p saiine sal SAe suoyie;r3osse sal (!u) ia 'a%deiqura / a%e,íeiqap np ,,qi%ap,, sal (!) 'p! awuror, 'aduror, ua aipuaid i!op inaiwasqo iun3e,l ap iuaurai!eii al anb ainsum uo Siajns np iuaurmqdap al apueururm anb ',,pie%ai np srnmed alqmpy un a assed uo ',,iane, ied anbgdur! 'lapuaiod am ap iu!od 'a11a!ium3e uonrsod a~d-S el ap : giein%y iuaura~!eii un iua~!o5ai inaiwasqo,l ap'ieAeri al la am ap iu!od np iuau~a!o~dap al 'sdurai aurp ua qe~

aururoq auna! un - ,,q!oip 8, J!OA - aquroi q suep ianua (qm) ayno isa aira!d q - xnaÁ sal J~A~I - aquroi q 8 iane

: iuaurme~dap np uo!ssai%oid q ap uo!ouoj ua s9nqui.p iuaurasnauS!os iuos sqo~es sal anbqnd 'aiueiqw ai?!ueur ap aunyuo:, as iuawmqdap ap ialns np pie%a,l e inqe,uasqo,I ap mu~e3p q

,;--aururoq auna! un 'aioip qsse 'tuaqt sana 'neaquroi al suep sqiiua -apuar% saii ]!m9 aria '10 faalnoi isa ana!d q anb tum salla 'dsq tuvnq.ia ,,¿ neaquroi np aaaua,I ap aiiald q eialnoi snou !no,, : sana alma iua!.p as salla,,

:anal np aqns q suiep aai!oldxa iuaura~pgdxa isa ai!~ie;riuaiod aiial) .siuaurauaAa sal ins pie% un no noAes un iaiua!io,p rssne sa~q!idmsns iuos 'iuaura~~oa~a iuiz5qdap as ua 'sawuraj sal : tuauramldqp np anbpuw8u~d t$ns m auat al suup ??Wssv ~namaasqo ta(m un 'iuauralla!iuaiod 'ia~~eisu,p isa iaga'7

.i!deldurai al

<\ *A.

Page 33: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

S! t13!ti% ',~oi~ieu 3!uoiq3ued,, np 'siuaurauaq sap aoedsa,~ la sduíal a1 3a~e aauauuos iuauiamai!p 1sa a~~aiodural-oyeds uop!sod el iuop ',,JOlWJeU 3~uo~q3uÁs e,, (£1 1.d 'm1 -18ue veii .nsoh03& s3!1aod p.) an%u!is!p &suadsn 'S

-aii~wed t] 'sqss~dsq anbuoyps 'a~l!ueiuoa la sewaig J!OA 'uo!i!ugap aun inod -9 ('LV .d 'wo(s L~!031(1)

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: aini!ma,p aiF!i3e uos !su!e iu3ap 'sqd!nr~sal suep 'aw+u-!nl uo8ew -uo!iauasaidai alla1 aun ia~dope t] slnas sal sd iuos au suap!yo!mF sq -£

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-ia!iua inoi sinm!p al iaiap!sum la 'aswqd el ap aipm np i!iios inej I! ' - alnur!s no mdsuaii '!eih 'sajmad ap 'saloied ap gioddw wnms!p - puoua ]m ap in14s np iuauia~!i!sod iap!wp ~nod 's!e~ -,,anbpetrr%eid uou iuea3e,, aruw anb g!iai3eim !p 1sa,u ina~epuoua,~ anbsind 'a~!ie%au iuamaind 'puoj ne 'uo!i!ugap ! au!dd!av id ,ai!a, aJia inod - puouoid 919 i!olse,p strd augur isa,u uo!ieisaj!uem ap aIew!u!ui uoyi!puw es : 'a'! - ~UOUOJ~ 919 i!o~e,p u!osaq sed e,u ~!,nb isa,o 'inainml !eu un

sed a!muai au puou9,p iuaurseg a3 anb loiana t] ai!p i!q !nb a 11!e3 aa -au!qw t] i!q uo!iuaIu!,p -id un,p ~fle,s

I! ua!q no ',papuad ap ipai,, np auo8aim el suep aquioiai uo ua!q no 'saaqmidde sa[oid sa[(ai ap Eted allnu ahnoil aa uo !S f iaypom sal ap 'iauinqi sal ap sed vid as au 'inalriaol aiine un,p sodoid sal iueip ua '!nb 'nua~ ,,Jnaiml,, ia!uiaid a[ anb iuauailne srJd aiioduim as au au!ddp%v 'a~noil ua uo !S ! sed amoii ua,u uo ua!q no 'saaqmidde saloled sap au!qw,p aq:,noq el suep aAnoi3 uo ua!q no 'sed auos al au salla !S ! sd IUOS al au salla ua!q no 'acqd el suep sinal[!e saajuouoid luos sa(0J8d sa3 uaN no 'apes!eJspes uo!~dump ap J!oha3aJ pad au alduiaxa la3 ' - aseqd-puoua,~ ap no - aseiqd el ap 'isa snld !nb 'ia anb!is!nSu!l uo!ieisaj!ueui e[ ap nrran!u ne,nb p! Janbie~ai ai!q i!wpnm u0 .,apuad,, i!oAe,i ap y![g!ssod el isa~'mnui!up ne ijeuumi !nl uo,nb a! iaououad nd i!eJne (aurqw) asnm ua asp auuosiad el anb a~oied aun s!ew 'ama1 np layaieui suas ne 'a91!3 aloied aun 'iuacua~nsse 'md lsa,u 'a!uoi! id !o! almiaiu! ',,i!npuo3 nUaA el anb,, iuaui%as zq

(T '1 'snnu~t.ua 'au!dd@v,p apeqi) ',?!nu e1 ap na!p ne a!uni iahalua i!t+~

'i!npuoa nuaA el anb 'uoia~ amaui xi i~,,

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L'OBSERVAEUR aANS LE DISCOURS WREAL

removed to a broader and more abstract plane". De meme, E. Branigan (ibht of &w in he cinema, 1984, pp. 64-65) distingue-t-il une referente temporelle "indefinie" pour les segments subjectifs dans le film, qui ressemble fort au 61pnchronismen d'uspensky. La suspension du debrayage temporel, ou spatio- temporel, renvoie effectivement I'observateur au seul debrayage actantiel cognitif, cvest4-dire A une "position" beaucoup plus abstraite. Nous aurons I'occasion de montrer I'interet de ces fluctuations du debrayage.

6. Tour une topique narrative anthropomorphe", op. cit. 7. L'ancienne distinction de J. Pouillon, la "vision avec" et la "vision

par derri&ren, correspond parfaitement a ces variations infimes qui affectent le debrayage : nous somrnes dans la vision du personnage, dont on voit le profil, ou la nuque (au cinema) ; un degre supplCmentaire du débrayage fait apparaitre I'observateur de dos, un degre supplementaire d'embrayage peut le faire disparaitre tout a fait et nous laisser seuls avec sa vision.

8. 11 n'est pas necessaire d'avoir affaire a un Assistant stricto sensu, c'est-a- dire a un acteur identifie et figure, pour observer des cas de thematisation de I'observateur. La comparaison rapide de deux tableaw illustrera ce point. Dans le taMeau de Max Ernst intitule La He* comgeant l'enfant Jésur d e w t témoim, trois observateurs (Paul Éluard, hd rC Breton, Max Ernst), dont les visages sont encadrés dans une fenetre, contemplent la &ne, mais sans intervenir : ils sont "assistants", m i s non "protagonistes" ; dans le Saint Skbustien d'htonello da Messine, les fleches qui ont martyrisé le personnage placé au centre sont dans I'axe du "regardn, c'estadire placees sur la direction meme oh est supposé se tenir le Spectateur ; or, ce suppose bourreau n'est en rien actorialisé ; ce n'est pas un "assistant", et il est pourtant "thCmatisén.

9. Pourtant, meme ces variations spatiales du point de vue sont remises en cause par Uspensky : les contraintes memes de la representation thatrale - I'obligation de definir la droite et la gauche de la sdne, la necessite d'organiser les entrees et les sorties en fonction de la definition fictive des lieux, I'exigence du face a face, au moins partiei - font que le puMic ne peut adopter qu'un point de w e de Spectateur, et pas celui, par exemple, d'un Assistant, d'un personnage de la pike.

10. Nous avons proposé (Dicfionnaire RTL, Sémiotique II et Le Savoir Parragk) d'installer, face a I'observateur, un actant informateur : celui-ci peut prendre toutes les formes pssibles, la plus evidente etant celle d'un acteur charge d'informer I'observateur, mais aussi, et surtout, la forme &une figure-objet de savoir, animee d'un faire informatif, et dotee de toutes les caracteristiques d'un sujet compétent (et pas d'un objet au sens syntaxique). 11 va de soi que, dans I'exemple cidessus, c'est le cas le plus simple, celui oh I'informateur est un acteur autonome, qui est realisé.

11. L'énonciation. De la subjectivitk dans le langage, Armand Colin, 1980, pp. 50-54.

12 "Polyphonies", op. cit,. pp. 19-20. 13. On oppsera ainsi :

"11 quitte Marseille et va lvient a Paris", qui est toujours possible, et "11 va Ivient a Paris, et arrive a (rejoint) Paris",

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'd!ld;xljad, auwm iu~a~!ie~n8g aiq!ueu ls !nb Cnb!iernSe~d a8eÁe~quia~~~~~~~~ un ia 'lauoi2e a8eÁeiqwa/a%eÁe~qgp un '~!i!uSm a%eÁelqroa/aae& : sJnm!p ua as!u el ap suo!ie~yio sina!snld iueu!qnicx, ~!simip

99p ufl J!i!scds!P

un'p ma ap iagall anb isalu ..pie8a1,, a1 '1-1 ~>oda~ad ~J!Q un,p 'm,g al no a2erri!,l 'anal al suep 'uo!iquq~da~ el a~13,p u.1 'anb q ualnisod 's!oyainq, .~8 11 ~8 lsor p la IUWW v el= ~nDd SUO~AU~J

alpn ile~as ,,p~eSa~,, ap uo!lou el ap sa8m sap anb!iw m.uexa na .SI .anal np aJnaqs e, 1ua~gqm isa aqJah a3 s!eu ! alle le,, aq~ah np yoq2 al auJauo3 !nb a3 ~nod I

as!a5ueg uo!anpan al ap 1~ ap pud~ zd1eue auxI anb !w ap en 11 *!min -1.91 '2JeW iu!es uolas al$u~ '8'~

.tt -9~e~~ua ani nd i!Bine iuxuaeld9p a1 anb awdw la

'iuepuopaJ 1uarnalla!tid acuuioj y?p!sum aa;l i!op 'a~qeidame iuei9 inoi ,inb <\+

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L'OBSERVATEVR DANS LE DZSCOVRS VERBAL

2. L'OBSERVATEUR EN NARRATOLOGIE

La plupart des thCories narratologiques prdsupposent une thhr i e de l'énonciation, quelques-unes l'affichent meme. Cependant, les propositions qui précedent ne suffisent pas A décrire préciskment le r81e de i'observa- teur en narratologie. Par ailieurs, une fois ce(s) rdle(s) plus spécifique(s) examinb(s), le gain de précision devrait profiter A la thCorie gCnCrale de l'observateur, puisque, comme on l'a montrd récemment dans plusieurs travauxl consacrés au point de vue, les concepts de la narratologie sont exploitables dans la sémiologie de l'image et du cindma.

Le fait est que la question de l'observateur se pose de maniere par- ticulikre dans le champ de la narratologie. Tbut d'abord, pour des raisons de matibre de l'expression, un dnonciataire réel, en chair et en os, consi- dbre que l'existence d'un observateur dans le tableau ou le film va de soi, puisque le regard (réel) de l'un coincide avec le regard (fictif e t simulC) de l'autre ; en revanche; pour ce m&me énonciataire rdel, l'activitd perceptive de lecture n'a plus nen A voir avec l'activité cognitive (fictive et simulée) de l'observateur dans le texte. Au nom de cette dmérence dans la matibre de l'expression, on infbre facilement une difidrence dans la forme du contenu. La deuxibme raison est de nature histonque : les principales thbses nar- ratologiques ont été consues dans les années 60-70, a p r h la grande fievre cindmato-perspectiviste de l'aprh-guerre, et dans le contexte du structu- ralisme antimentaliste, oii les accusations de "psychologisme" fleurissaient comme des anathbmes ; pas question, A cette Cpoque, d'admettre parmi les instances du récit un sujet "cognitif"

De fait, l'examen des dBCrentes thCories narratologiques montre une belle unanimite dans l'exclusion de l'observateur. Pourtant, on voudrait montrer ici sur quelques cas comment dans ces thhries s'opere le retour du refoulé.

2.1. LE RETOUR D U REFOULÉ : L'OBSERVATEUR

Parmi tous les auteurs qui ont traité du genre narratif, on peut faire un sort particulier A Dolezel, qui, en posant les conditions de la gCnCration

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38 LES ESPACES SUBJECTZFS <"

. -c Y?,

des "récits" en tant que discours, d'une mani&re strictement formaliste, ne peut éviter la dimension cognitive. Ainsi les fonctions du narrateur se réécrivent selon lui ainsi :

DN - Représentation + Controle

et celie du personnage :

DP - Action + Interprétation

Les deux instances peuvent, a titre optionnel, échanger leurs fonctions. Pour la fonction "interpretation", il est assez clair qu'eiie appartient a la dirnension cognitive de l'énond, comme faire cognitif d'un actant narratif. Bien que, dans leur formulation meme, "action" et "interpr6tationn soient déjA des notions complexes, on y voit a l'aewre l'opposition "pragmatique vs cognitif". Pour les fonctions du narrateur, dans la mesure ou la "repré- sentation" peut passer pour le faire "pratique" de l'énonciation, e t oii le "contrBle" consiste a dominer et modaliser les savoirs qui circulent dans le récit, a introduire e t A transposer paroles et pensées des personnages, on est en droit d'y reconnaitre encore l'opposition "pragmatique vs cognitif".

G. Genette, quant a lui, est de cew qui ont le plus vigoureusement recusé toute dimension cognitive, allant par exemple jusqu'a proscrire les termes "prospection" et "réuospection", et a leur pr6férer "prolepse" et "analepse". La volonté de refouler l ' o b ~ e ~ a t e ~ r et le faire cognitif est clai- rement a l'aeuvre dans la définition des instances narratives ; le "mode", pourtant, en serait proche parent. Mais les d e w seules instances actan- tielles reconnues sont ceiie du discours (la voix) et celie du récit (les ac- teurs) ; le centre d'orientation n'est pour Genette (et Lintvelt 81, apr& lui) qu'un dispositif discursif qui est attribué, pour des raisons techniques e t rhétoriques, aux instances prCcitées. Pourtant, J. Lintvelt, quoiqueor- thodoxe dans sa synthbe, fait apparaitre un "type neutre2", ni actoriel, ni auctoriel, que Genette sous silence, aussi bien dans Figures 111 que dans Nouveau discours du récit.

Dans tous les cas, il s'agit d'une lirnitation du savoir narratif, r e p e teHe quelie par le lecteur, comme un effet de sens, qui signale l'existence dans 1'Cnond d'une compétence cognitive distincte de celle de l'énoncia- teur, mais qui ne saurait &re attribuée a aucune des instances tradition- nellement reconnues. Ce "type neutre" suppose un centre d'orientation insituable te1 que1 ; on ne peut admettre que le discours s'organise autour d'une compétence sans sujet et sans statut ; on ne peut pas non plus adopter la solution Friedman, qui réserve un dernier cas a i'effet "caméra" : assirni- ler le centre d'orientation du type neutre A une camera est une metaphore

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L'OBSERVATEUR DANS LE DZSCOURS WRBAL

et une tautologie a ia fois, puisque cela revient A laisser a w sémiologues du cintma le soin de definir le type de focalisation que procure la "camCran.

La seule solution qui soit gCn6raiisable consiste bien A traiter le "centre d'orientation" comme une instance autonome et intermédiaire, et A instal- ler dans le discours un actant independant de l'énonciateur et des sujets de l'tnoncé. Si on y reconnait notre "observateur", les trois types de "centre d'orientation" se dtfinissent alors comme suit.

(a) Le type auctoriel : l'observateur et le narrateur ont ia meme com- e tence cognitive ; toutes les focalisations restent impiicites, et paraissent assumées par un narrateur.

(b) Le type actoriel : l'observateur et un (ou plusieurs) sujets de l'énon- d ont la meme cometence cognitive, de telle sorte que les focalisations sont des actes intCgrés au rCcit, eE paraissent assumées par un acteur nar- ratif.

(c) Le type neutre : l'observateur a une compétence cognitive spéci- fique, difftrente de toute autre instance, et les focalisations paraissent "non assumées", sans ancrage subjectif, pour une théorie stmiotique qui ignore l'actant observateur.

Pour ce qui concerne l'"analepse" et ia "pmlepse", on peut, pour se convaincre qu'ii s'agit d'optrations cognitives dont le responsable est un observateur, observer dans Les Choses de Georges Pérec, ce curieux effet temporel et modal, situé entre ia fin de la dewieme partie et l'tpiiogue :

"11 ne restait rien. Ils Ctaient A bout de course, au terme de cette tra- jectoire ambigue qui avait Ctt leur vie pendant six ans, au t e m e de cette quete indtcise qui ne les avait ments nulle part, qui ne leur avait nen appris. I~PILOGUE ?but aurait pu continuer ainsi. 11s auraient pu rester lA toute leur vie. Jtrdme, A son tour, aurait pris un poste. Ils n'auraient pas manqut d'ar- gent. [...] Mais il ne leur sera pas faciie d'échapper A leur histoire. Le temps, encore une fois, travailiera A leur place [...] Alors, un jour - n'avaient-ils pas toujours su que ce jour viendrait ? - ils dtcideront d'en finir, une fois pour toutes, comme les autres3 ."

On pourrait se contenter de voir dans l'enond A l'imparfait et dans l'tnoncé au futur, respectivement, une "analepse" et une "prolepse". Mais on iaisserait ainsi dans l'ombre l'énond au conditionnel, qui devra etre pris en compte par une autre catCgorie descriptive (la "distance", par exemple). Pourtant, l'effet de sens des trois types d'énonds est homogbne, et cette

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40 LES ESPACES SUBJECTnS

impression nous autorise A rechercher une explication homogkne. Par ail- leurs, on ne peut pas assimiler a l'énonciateur ce pseudo-narrateur qui est implique dans les variations temporeiies de l'énoncé : l'énonciateur appar- tient au moment de l'énonciation ("maintenantn) et delegue des observa- teurs en des moments dií3érent.s de i'histoire.

On adoptera la solution suivante : on a affaire a un Spectateur, dont le rapport aux événements varie ; ceux-ci luisont d'abord antérieurs, puis pos- térieurs, ce Spectateur est aussi doté d'une compétence épistémique, qui lui permet d'évaluer ia certitude, ou le "pouvoir etre" de ces evénements. Dew variables, caractéristiques du Spectateur, sont donc combinees :

(a) Spectateur Jantérieur vs Spectateur /postéríeur / @) Spectateur selon le / pouvoir etre / (= possible) vs Spectateur selon

le /ne pas pouvoir ne pas &re/(= certain)

Le premier paragraphe cité correspond a la combinaison :

Spectateurl postérieur / + Spectateur selon le /ne pas pouvoir ne pas &re /

Le deuxi¿?me paragraphe correspond a la combinaison :

Spectateur /antérieur / + Spectateur selon le /pouvoir erre / Le troisii3rne paragraphe correspond la combinaison :

Spectateur/antdrieur / + Spectateur selon le /ne pas pouvoir ne pas &re/

0il on voit que les questions temporelles, au niveau meme de la morpholo- gie verbale, supposent a la fois une reiation entre la deljris du Spectateur et celle des sujets de l'énond, et une évaluation épistémique (entre autres) des év6nements, par ce meme Spectateur.

De meme, ia "durke", qui confronte la "quantité de discours" a la du- rée des evénements racontds, exclut chez Genette tout recours A I'obser- vateur. Pourtant, au lieu de preter des "intentions" de vitesse variable au narrateur, ce qui réduit les effets d'Clasticit6 du discours - condensation w expansion - A des proddCs de rhétorique et A une expressivit6 sans con- tenu pystématique, on pourrait considérer ici qu'ils servent A manifester la compétence modale et thkmatique d'un observateur, et, en particuiier, les formes passionneiles et les modalisations thymiques qui sont associées A cette compétence. En d'autres termes, Sélasticit6 du discours correspond dans la plupart des cas au degre de sensibilisation4 des dkpositifi mudaux projetés sur ce qui est MI, évoqué ou raconté.

Dans La SemaUle sainte3, d'Aragon, par exemple, le fait de rapporter la variation de "vitesse" du r6cit a w variations de compétence concourt A

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L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOURS VERBAL 41

en faciliter et en nourrir l'interprétation. Ainsi, ces énoncés : commandements claqubrent dans l'aube."

"U dehors il y avait des rafales de vent. 9 tombait. La pluie Ctait melee de neige." &'11 salua du sabre, fit tourner sa bete et s'en fut vers la ville. Dtjeuner. La matinbe l'avait creuse. La pluie s'espapit, mais on pataugeait dans la boue."

Quelques pages suffisent raconter toute une matinée d'exercices mili- taires ; de plus, la plus grande partie du discours est consacrée A des Cchanges dialogub entre les militaires de base, et l'exercice lui-meme n'apparait que dans de rares Cnoncks lapidaires comme ceux qui sont cites ici La suite de ces "sommaires" prend tout son sens si on la rapporte A la compCtence cogniíive et thymique de I'Assistant GCricault Plus qu'une technique du romancier, de tels effets de raccourci manifestent en réalit6 la hiérarchie des prtoccupations de I'Assistant lui-meme. Ici, les diíftrentes isotopies thtmatiques et figuratives de 1'Cnoncd - la vie militaire, les intemperies, la faim - sont toutes sur le mode du "subi", du /ne pas powoir ne pas fairel. Elles ne peuvent pas prCsenter pour Gtricault d'objets de valeur selon le /vouloirl, et on assiste dans ce c . a un "désinvestissementn thymique et axiologique de l'énoncé.

En revanche, plus loin dans le roman, au moment o6 Thtodore GC- ricault découvre les conspirateurs rCpublicains de la Nuit des Arbrisseaux, une s&ne qui dure une heure environ6 se dCroule sur une vingtaine de pages. Mais il s'agit alors d'un moment capital, celui de la conversion cogni- tive et idéologique de Géricault ; A l'inverse, on a ici un surinvestissement thyrnique et axiologique, par lequel GCricault se donne un autre univers de valeurs, grace A un nouveau contrat fiduciaire.

Si on adopte une perspective gCnCtique A l'tgard de tels phtnombnes, il est naturel de mettre en avant, dans les intentions de I'auteur, la nCces- sitC "technique* de décrire, de résumer, de dCtaiiier, e t i , te1 ou te1 ClC- ment du contenu narratif. Mais si on adopte une perspective gtnbrative, on se doit au contraire d'installer les dispositifs cognitifs et thymiques qui vont "expliquer" les quantités relatives du texte A partir des qualités thy- miques et axiologiques de ces contenus pour un observateur dttermint. 11 n'en reste pas moins que l'artiíice technique c r h e parfois les yeux ; par exemple, dans Quatre-vingt-treize, quand Hugo nous prombne dans la bas- tide de la Tourgue comme "voyageurn contemporain, amateur d'architec- ture militaire7.

Mais le fait que la rtftrence a un Spectateur ou a un Assistant soit plus

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42 LES ESPACES SUBECUFS l ou mohs "motivW ou "artificieiie" n'em@che pas de prévoir, en imma- nence, un Focalisateur, une compétence d'observation, et des variations de la sensibilisation et de l'axiologie passionnelles. La dimension cognitive ne peut plus &re considérée comme une technique rhétorique, qui permet- trait de satisfaire plus ou moins habilement les r8gles d'un genre ou d'une classe, et eiie apparait maintenant ti l'évidence commeune contrainte liée ti la constitution stmiotique méme des discours. Onvoit ainsi parfois certains écrivains jouer de l'artifice et suggdrer l'existence d'une telle contrainte ; Théophile Gauthier, par exemple, dans Le Capitaine Fracasse, comen te un de ses propres procédés :

"La marquise habitait un appartement separé, oii le marquis n'entrait pas sans se faire annoncer. Nous commettrons cette incongruité dont les auteurs de tous les temps ne se sont pas fait faute, et, sans rien dire au petit laquais qui serait alié prevenir la camériste, nous pénétrons dans la chambre a coucher, sOrs de ne déranger personne. L'écrivain qui fait un roman porte natureliement au doigt l'anneau de Gygh, lequel rend invisibles."

mu t en ironisant sur le procédé, pour se garantir du ridicule et du conformisme qui consiste a y adhérer sans recul Gauthier en souligne le fonctionnement dmiotique. La pause descriptive qui permet d'examiner la chambre de la marquise n'est référée qu'indirectement au sujet d'Cnon- ciation : elle présuppose la présence d'un observateur virtuel ; selon Gau- thier, en somme, meme i'omniscience d'un énonciateur ne peut se passer d'un Spectateur délégué et implique dans les catégories de l'énoncé ; cette omnisciente n'est qu'un cas particulier de la compétence de l'observateur, compCtence maximale (cf. "l'anneau de Gyges"), mais qui ne saurait dis- penser de prévoir en immanence l'actant cognitif. Le procédé romanesque est aussi évalue implicitement par Gauthier sous l'angle de sa vraisem- blance - ou de son invraisembiance - : les différents qpes d'observateur auraient en quelque sorte des powoirs "iconisants" et "fiduciaires" diffé- rents. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pour en finir avec la narratologie selon Genette, on fera remarquer que la catégorie de la "fiéquence" elie-mCme inuoduit un point de vue et une modalisation cognitive. 11 s'agit en fait du traitement aspectueldes M- nements. La aussi, la compétence d'un observateur est requise ; un événe- ment traité comme "ponctuel", et un autre traité comme ''repétitif" ne different pas par le nombre de leurs oanirrences, mais par la prkvi3ibi- 1 lité de leur réapparition. Méme s'il se reproduit a plusieurs reprifes, un I

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L'OBSERVATEüR DANS LE DISCOüRS WRBAL

- '-5 \>. Mnement restera ponctuel pour un observateur incapable de projeter un lpowoir Ctrel sur les occurrences suivantes. Par aiüeurs, la "répétition" ne sera convertie en "itération" que dans la mesure oil un observateur est susceptible d'affirmer Sidentité de tous les événements et la permanente d'un dispositif modal. Ainsi, dans Manon Lescuut, les tromperies succes- sives de Manon, racontées par des Grieux, constituent une itération narra- tive, ou fonctionneiie, mais pas une itération discursive, au sens oil I'entend Genette : seul I'énonciataire p o m a reconstituer l'itération ; le narrateur- témoin, pour sa part - des Grieux - , n'y voit jamais plusieurs exemplaires du meme événement ; s'ii pouvait saisir et manifester cette itération, ii au- rait compris bien des choses, et le roman serait tout autre ; comme le récit est entierement fait de son point de vue, I'itération n'apparaft pas au plan discursif en tan1 que teiie.

Pour que I'itération soit considérée comme "fréquence discursive", il faut donc bien qu'elle soit prise en charge par I'opérateur de focalisationg, queiie que soit sa forme.

11 apparaft enfin chez M. Bal1° un "focalisateur" et un "focalisé" (d'ail- leurs fortement récusés par Genette dans Nouveau discoursdu récit) ; mais, dans la mesure oil la syntaxe de la focalisation n'est pas étabiie et oil les opérations de la mise en discours ne sont pas toujours convoquées, pour installer ces nouveaux actants sur la dimension cognitive de I'énonciation, l'avancée thhrique reste lettre morte et ne débouche pas sur une véritable syntaxe discursive.

Le "sujet intermédiaire" chez I'un, le "focalisateur" chez l'autre, ont bien été reconnus - comment faire autrement ? - mais seulement comme un moyen technique et rhétorique. ?but au long de ce parcours critique de la narratologie, le lecteur aura compris que1 était pour nous I'enjeu de la théorie des points de vue : que ce soit dans le discours litteraire, pictural ou cinématographique, nous voudrions montrer que la question de l'observa- teur et des points de vue n'est pas une affaire de technique, c'est-Adire ne peut pas se réduire A une configuration de la forme de I'expression, A une "poétique" du texte narratif ou du film.

La dmiologie n'a pas su exploiter cette dirnension des discours ; les sémiotiques particulieres n'y ont souvent vu qu'un aspect rhétorique ; re- trouver les traces et les opérations de I'obsemteur, et les moda de cons- tniction des points de vue, c'est Ctablir des parcours signifiants, des formes du contenu, par lesqueiies les discours prhdéterminent la participation de I'enonciataire A I'interprétation, e t préparent en somme ses identifications.

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L'OBSERVATEUR LMNS LE DZSCOURS ERR4L

(1) L'un, rationnel, organisd par des "saillances" et des certitudes, est en particulier celui de la justice humaine ; pour celle-ci, en eñet, les "saiiiancesn explicatives sont des p v e s : l'indifférence a l'tgard de la mtre morte, la complicitt avec un souteneur, la rditdration du geste meurtrier sont ces saiiiances qui, pour le procureur, prouvent la culpabilitt maximale de Meursault. Pour l'aumonier, la saillance explicative et justificatrice est unique : c'est Dieu.

(2) L'autre, arbitraire, absurde, exclut les saillances explicatives, narratives ou justiíicatrices. Pendant la crise de coltre qui l'oppose A I'aumonier, Meursault commente :

"Rien, rien n'avait d'importance, et je savais bien pourquoi Lui aussi savait pourquoi; Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j'avais mente, un souftie obscur remontait vers moi A travers les années qui n'dtaient pas encore venues, et ce soufñe Cgalisait sur son passage tout ce qu'on me proposait alors en les anntks pas plus rtelles que je vivais. Que m'importait la mort des autres, l'amour d'une mtre, que m'importait son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on Ciit, puisqu'un seul destin devait m'klire moi-meme, et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes ffir al2..."

On remarquera que deux "mises en perspectives" temporeiies e t nar- ratives s'opposent ici : une dtmarche rbtrospective, qui reconstruit le "sens" d'une vie, e t dCcowre dans le passé les saillances qui expliquent tout ; et une dCmarche prospective, qui meten lumiere l'absurditt de tout choix, de tout sentiment, de toute valeur, a I'Cgard du seul e t indiscutable avenir qui est réservd a l'homme : la mort. Pour les memes raisons, le récit du meurtre n'est pas rttrospectif, mais prospectif :

"...j'ai compris que j'avais dttruit l'équiiibre du jour [...l. J'ai tire quatre fois [...l. Et c'Ctait comme quatre coups brefs queje frappais sur la porte du mall~eur'~."

On comprend aussi pourquoi la plaidoirie du procureur est prdsentde comme un r k i t rélrospectif, comme une rkapitulation des causes :

"Et voila, messieurs, a dit l'avocat gtntral. J'ai retracé devant vous le fil d'Cv6nements qui a conduit cet homme A tuer en pleine connaissance de cause14.*

et enfin, pourquoi l'accusé a le mouvement de se justiíier un moment par un argument prmpectif :

"J'aurais voulu essayer de Iui expliquer cordialement [...l. J'Ctais toujours pris par ce qui aliait amver, par aujourd'hui et par demain15".

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LES ESPACES SUBJECTIFS

I

y En outre, chacun de ces systkmes de valeurs et ces deux types de faire

cognitifs ont leur propre Destinateur : la SocietC - pour le systhme expli- catif et rktrospectif - , avec sa Justice, sa morale e t sa Religion ; le Soleii - pour le systeme anti-expiicatif et perspectif - , dont on sait qu'il fait tirer Meursault sur i'Arabe, et accompagne les moments clés de son parcours cognitif.

On admettra volontiers maintenant que le "détachementw de Meur- sault gagne & etre expliquk comme un parcours de l'obsemteur, comme une conversion cognitive plut6t que comme l'a ppiicatiori mécanique d'une "distance verbale". A la fin de ce parcours, Meursault observateur passe - sur la dimension cognitive - un conrrar cognirif régi par i'absurde et la pros- pectivitk, et qui le rend compétent pour réaliser - sur la dimension pragma- tique de l'énonciation - une narration verbale "détachée". Si le narrateur peut verbaliser ainsi, sans interprktation N expiication, c'est parce qu'ii bé- néficie de cette nouvelle compktence cognitive aquise par l'observateur.

Les deux analyses contradictoires, I'une affirmant que la narration est homodiég6tique (Meursault est le narrateur), l'autre affirmant que la nar- ration est hétéroditgétique (Meursault-narrateur n'est pas le meme que Meursault-acteur) ont au moins ceci de commun qu'elles excluent la possi- bilité d'un parcours moda1 et compktentiel. On comprend pourquoi : I'idbe meme d'une évolution de Meursault lui permettant d'krire son histoire choque la vraisemblance ; le texte ne dit pas qu'entre le moment de sa con- version et celui de son exkcution ii s'est mis A écrire, et, par conskquent, comment un acteur mort pourrait-il raconter son histoire? On confond ici, bien sur le niveau des acteurs et celui des actants: le parcours compk- tentiel de l'observateur concerne Sactant cognitif, c'est-&dire une identité modale abstraite, et pas l'acteur Meursault, c'est-&dire une identité figu- rative. ~ ' É b a n ~ e r n'est pas le seul rkcit & prksenter ce paradoxe : Sunset B o u l w d , de BiUy Wilder, compone lui aussi une instance narrative, ma- nifestée par la voix off, qui ne peut &re assumée que par le hkros mort, assassiné par sa maitresse16.

On n'a gukre intéret A considérer ici deux instantes paralleles : ii s'agit plutdt d'une instance cognitive déterminante (Meursault-observateur) et d'une instance pragmatique détermi& (Meursault-narrateur). Le faire verbal de I'un n'est que l'accomplissement et le prolongement du faire co- gnitif de Sautre. Ainsi, Marianne agke, Marcelécrivain, Meursault - narra- teur ne peuvent etre considkr& ni comme identiques &, ni comme radi- calement diffkrents de, respectivement, Marianne jeune, le jeune homme mondain, Meursault acteur insouciant ; les premien sont les transformés

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L 'OBSERVATEüR DANS LE DZSCOVñS VER&4L

des seconds sur la dimension cognitive. Le lecteur aura compris qu'il y a un choix méthodologique e t théo-

rique A faire : si on ignore la dimension cognitive de I'énonciation et I'ins- tance de I'observateur, les catégories des typologies narratives classiques restent utiles ; mais si on en tient compte, elles perdent une grande partie de leur valeur heuristique.

Ces quelques observations sur la catégorie du "narrateur" nous con- duisent A adopter la position théorique suivante :

(1) Sur la dimension cognitive de l'enonciation, l'observateur est l'ac- tant principal ; ses parcours et les transformations de sa compétence per- mettent dans nombre de cas de rendre compte des événements énonciatifs.

(2) Sur la dimension pragmatique de I'énonciation, on instaiíera un ac- tant responsable de la réalisation materielle de I'Cnond, dénomme, faute de mieux, "per$omate~r~~." Selon que la matibre de I'expression sera ver- bale, picturale, filmique, etc., ce Performateur installé dans l'énond comme acteur sera, respectivement, narrateur ou locuteur (dans le récit littéraire), peintre (dans le genre des "Ateiiers"), réalisateur ou "filmeur" (chez Go- dard).

Une fois "vidée" de ses roles cognitifs, l'instance du narrateur n'est plus qu'un r61e de verbalisation, c'est-Adire un parcours figuratif particu- iier, liC A la mati&re verbale de I'expression, attribué au Performateur. On trouvera une confirmation intuitive de cette definition dans le fait qu'au ci- néma, on hésitera A parler de "narrateur" pour désigner I'instance respon- sable de la réalisation visuelle multiplanaire, mais pas si ce terme désigne la voix off qui raconte (cf. Sunset Boulevard).

Le narrateur realisant sur la dimension pragmatique les acquis cogni- tifs de I'observateur, on peut établir la terminologie suivante :

(a) Un focalisateur doté d'un r61e verbal sera appelé "Nmateur" saicto s e m : c'est le cas la plupart du temps chez Balzac.

@) Un Spectateur dote d'un r81e verbal sera appelé "Reiuteur" : c'est aussi ce qui se passe chez Balzac, quand le Focalisateur se "transporte" fictivement sur les lieux et A I'époque de I'action.

(c) Un Assistant doté d'un rdle verbal sera appeld "Témoin" : le chceur antique en est un exemple, le plus sowent18.

(d) Un Assistant-Participant doté d'un rdleverbal sera appel6 "Témoin- Parficipant" : le "h6raultW de la tragédie grecque en est le type ; le "héros- conscience" du monologue intérieur en est la réalisation extreme.

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LES ESPACES SUBJECnFS

1 1 Les diliércnts *es d'obsemteurs OBSERVATEURS

I Optraiturs de la mire m dircours

ACEURS DO* D'UN ROLE VERBAL (PERFORMATEURS)

FOCALISATEUR (FOC) NARRATEUR

1 + acteur vmUeL mire m cmimun d a cspofes d'lnoncé et d'lnonciation débrqvoge sputio-tempel

$. SPECTATEUR (S?) + RELATEUR

I + Acteur actuolici ei identifl

.c ASSISTANT (AS) ~ O I N

1

+ Actcur-sujet ar pmtagonirlc de l'actbn

t ASSISTANT-PROTAGONI~ - * TÉMOIN-

(AS-PROT) PROTAGONISTE

1. Les plus rCcents Ctant le livre de F. Jost, L'eil-camém, op. cit et le nimero 2 de la rewe Hom-Cadre (1984), intitule "Cintnarrable", et qui a pour objet un croi- sement des concepts de la narratologie litttraire et de la sémiologie du cinema.

Mais cette solidarid des questions de point de w e daos les differentes sémio- tiques est deja a I'aeuvre dans Mtique de la composition de B. Uspensky.

Voir encore J. Fontanille, "Point de vue : pour une ddfmition discutsive", ik- tée, 1 m .

2. Essai de typdogienmative. kLepoYtt de we, Corti 81, p. 38. Ce type est attes- te par plusieurs auteurs, soit comme ''cam6raW (N. Fnedman 87), comme "narra- tion neutre observationnelle" (M! Ftlger 72), comme "point de vue lixe et externe

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L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOVRS WRBAL

- -Y

9"'. (Uspensky 75/83), ou c o m e simple "restriction de champ", et "enregistrement impersonnel du monde exttrieur" (Lintvelt 81).

3. Les Chares, Julliard, 1965, r#d. 10 118, pp. 132-139. 4. Pour une définition, voir Greimas et Fontanille 90. 5. La Semaine sainte, "Le Livre de Poche" LG.E pp. 28,29,32. 6. Chapitre X ; deux sonnenes de I'église indiquent I'heure. 7. Qwm-tingf-treize, coll. "Folio", Gallimard, p. 299 et sqq. 8. Le Capirahe Fmcasse, Garnier, p. 103. 9. G. Genette a fort bien remarqué ii ce propos qu'il lui manquait un "chainon"

thtorique, c'est-h-dire un niveau intermediaire entre la dimension événementielle et la dimension tnonciative, qui lui permettrait de rendre compte de ce genre de phénomenes. 11 evoque au moins trois reprises, dans Figures 111, un "sujet inter- médiaire" dont il ne semble pas percevoir I'importance théorique : "Les différents segments initiaux sont pour I'essentiel des palien itératib : en- fance ii Combray, amour de Swann, Gilberte, quise présentent A I'esprit du sujet intermtdiaire - et par son truchement, au Narrateur - comme autant de mo- ments presque immobiles oh le passage du temps se masque sous les apparences de la répétition." (p. 179)

ou encore : "L'activitt mémorielle du sujet intermédiaire est doncun facteur (je diraisvolon- tiers un moyen) d'emancipation du recit par rapport A la temporalite." (p. 179)

10. Nmatobgie, 1977, p. 37 11. J. Lintvelt, op. c i ~ , pp. 85-86. 12 Théatre, récif, nouvelles, coll. "Pleiade", Gallimard, pp. 1210-121 1. 13.Op.cit,. p. 1168. 14. Op.cit., p. 11%. 15.0p.cit., p. 1197. 16. 11 faut observer d b maintenant (mais nous y reviendrons en détail plus

tard) le fait suivant ; le nombre des isotopies affectees par le débrayage Iembrayage a deux conséquences : il dtmultiplie les instances possibles, ce que nous avons dé- jii observt et comente, mais aussi, parce que ces opérations sur les difftrentes isotopies concerntes sont indtpendantes les unes des autres, une grande partie des instances posibles deviennent invraisemblables et donc, litttralement, irrepresen- tables, y compns dans des discours qui sacnfient apparemment aux elrigences de la reprhntation : il en est ainsi de ces narrateurs, "assasin&" ou "exécut&" en tant qu'acteurs, mais qui continuent ii jouer leurs roles cognitif et verbal.

17.11 resterait ii trouver un nom pour I'actant-type de la troisieme dimension, la dimension thyrnique, et qui assumerait dans l'énond les attractions lrtpulsions et les affects de I'énonciation.

18. Le fait que les acteurs qui composent le choeur doivent etre concernts par l'action ne change rien A l'affaire : ils ne participent pas directement a w evéne- ments ; ils en sont tout au plus les bénéficiaires ou les victimes.

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. .

LES ESPACES S U B J E C ~ S

f 3. LA MODALISATION COGNITIYE DE L'ESPACE

11 est apparu déjd, mais incidemment, a propos des verbes "aller" et "venir", que Paffectation d'un obsemteur soit a l'ágent du déplacement, soit au lieu d'arrivée, avait des effets non pas sur le déplacement lui-méme, mais sur l'organisation de l'espace ou il se déploie ; c'est, en quelque sorte, dans le cas de "aiier" en particulier, le déplacement de l'obsemteur qui aíTecte l'espace de référence. Mais avant de revenir plus en détail sur ce cas, nous proposons au lecteur un long détour, hors du discoursverbal, a6n de décrire les modifications apportées a l'espace par l'observation, gdce a d'autres moyens qu'empiriques et intuitifs.

La seule formalisation dont nous disposons actueiiement est de type géométrique ; elle ne concerne que le domaine pictural et, en outre, eiie ne convient qu'aux formes picturales constmites de maniere perspective. lbus les spécialistes qui ont abordé cette question -J. Parisl, E. Panofski2, P. Francaste13, k Leroi-Gourhan4, entre autres - ont dQ se contenter en l'occurrence, dans la mesure oii la formalisation géométrique ne suffisait plus, d'approches intuitives. Apres un bref rappel de ces approches génétiques et historiques, nous tenterons de mettre en aeuvre une formalisation pour répondre a ce besoin.

3.1 APPROCHES GÉNÉTIQUES ET HISTORIQUES

On trouve un premier exemple de ce type d'approche dans les travaux de Leroi-Gourhan sur la genese de la culture et de l'esprit humains. 11 distingue essentieiiement deux criteres pour reconnaitre la présence d'un observateur virtuel : la ligIie de sol et le modelé.

Le premier critere suppose une organisation de l'ensemble des figures , dans un espace commun et hornogene. Leroi-Gourhan oppose ainsi l'art paléoiithique, sans iigne de sol, l'art assyrien, qui en comporte une5.

Pour ce qui concerne le second critere, le modelé, il affecte directement la représentation des figures elles-mémes ; cette technique caractériserait les gravures postérieures A celles de Lascaux6.

Par aiiieurs, cet auteur propose une série de remarques concemant la

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L'OBSERVATEUR DANS LE DZSCOURS VER&4L

wmposition et la perspective, oii on reconnaitra d e w classes de critCres : (i) cew qui concernent le traitement des figures (le modelé et les

fuyantes, les parties masquées, ou Mies en transparente) ; (ii) ceux qui concernent le traitement de l'espace englobant et

ragencement des figures entre eiles (la ligne de sol, la scénographie, rkheile décroissante).

Sans entrer dans le détail pour rinstant, relevons seulement une wnfirmation ; l'analyse génético-historique de la représentation graphique fait la distinction entre :

(i) la modalisation cognitive des acteurs (le modele, les fuyantes, dans ce a s ) ;

(ii) la modaiisation cognitive des espaces figuratifs (la ligne de sol, la sdnographie, l'échelle décroissante).

E Panofski, pour sa part, a longuement analysé la construction de l'espace perspectif, mais nous ne retiendrons ici qu'un bref moment de ses Essazk d'iconologie, consacré A Michel-Ange. 11 y examine plusieurs variantes de la sculpture issue de Michel-Ange, et détaille en particulier les modifications apportées par la Renaissance, le maniérisme e t le baroque A sa maniCre sculpturale. A propos de la Renaissance - reprdsentée en particulier par LRonard de Vinci - , il précise :

"Le spectateur n'a pas l'impression d'étre trainé autour d'un objet A trois dimensions7 ." " ... on n'attend pas du spectateur qu'il remedie par son imagination aux "déficiencesd ."

Pour le maniérisme, on sait qu'il se complait dans ce que Hildebrandt a nommé "la violence que fait au regard la forme A trois dimensions". Le principe général est celui de la "jigura serpentina", ensemble de contorsions et de raccourcis qui présupposent "l'imagination qui les contempleg ".

Le maniérisme impose au spectateur un mouvement autour de la figure : fontaines et statues, installées en espace libre, sur des places, contraignent l'observateur A les contourner, en se refusant toujours A lui dans leur totalité.

Le baroque, enfin, revient A une conception plus traditionneile :

"Par contraste avec le principe manieriste de la sculpture A "points de vue multiples", ou plutot, aimerais-je dire, A ' h e tournante", l'art baroque tend A remettre en honneur le principe du point de vue unique1° ."

Ainsi, la Fontaine a u quatre @ves de Bernin semble une pluralite

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LES ESPACES SUBJECTIFS

- -* 9.".

d'aspects livrée A une vue unique, et non, comme le maniérisme, une infinitk d'aspects ndcessitant une "we tournante".

L'ensemble des caractéristiques figuratives qui permettent de recon- naitre l'influence de l'obsetvation sont interprétées par Panofski comme des contraintes plus ou moins fortes imposées au spectateur. Ses formu- lations, qwique intuitives et souvent psychologiques, n'en sont pas moins fort suggestives : le spectateur doit "tourner*, "rester immobile", sera "sa- tisfait" ou "insatisfait* de sa vision, etc. Déja, la consuuction des points de vue et la modalisation de l'espace énoncé par l'obsemtion sont mi- tées comme des manipulations de la compktence de l'énonciataire, c o m e des stratégies intersubjectives. Nous retiendrons plus particuiierement les criteres suivants :

(1) Cmpléd(delIncmpld~de : c'est l'incomplktude qui modalise le spectateur selon un /vouloir savoirl, léquel se traduit par la "vue tounante". Le cas du "modeld" est clair A cet égard : la surface de ia figure actorieiie est mitée de telle mani&re qu'une transition apparaisse entre ce qui est vu et ce qui ne I'est pas ; le "model6" manifesterait donc la transition entre le domaine du Ipouvoir savoir / et celui du /ne pas powoir savoir / : le traitement meme de la figure est ici un signe de son incomplttude, et invite A une quete cognitive.

(2) Rontalisation /Non Frontaüsation : les figures frontalisées (ceiies de la Renaissance, de Michel-Ange) sont celles qui autorisent le point de vue unique. 11 faut donc considérer a la fois les figures qui sont donndes d voh (c'est-a-dire : qui sont compBtes) de celles qui se donnent b voV (c'est-adire : qui sont frontalisées). Cette notion introáuit un rapport typiquement intersubjectif : si l'informateur est disposé pour 8tre saisi d'emblée par l'observateur, on a affaire A une reiation conaactuelle ; inversement, dans la disposition non frontalisde, on aurait une relation discordante (non contractuelle).

J. Paris confirme ces observations dans ses remarques sur ia peinture byzantine :

". .. résoudre enfin le dilemme des Byzantins touchant A la représentation sacrée. Oui, comment peindre Dieu, se demandent-iis avec angoisse ; comment le peindre en Soi, non pour eux ? S'il doit &tre visible pour étre adoré, mais s'il dtchoit en devenant visible, comment le sauver de l'impittb ou de l'outrage ?La solution sera aussisimple que prodigieuse : en inversant la relation de regardant A regardé, en imposant Dieu, non plus comme un objet A contempler, mais bien comme un sujet qui nous contemple, nousll ."

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L'OBSERVATEWl DANS LE DISCOURS yERR4L

Sans adopter 1'"esthétique du regard" propre A cet auteur, on reconnaiha ici un traitement bien particulier de la relation entre fobsemteur et l'informateur. L'énond represente un observateur absolu, et l'énonciataire n'est plus qu'un informateur virtuel. L'absence de toute perspective dans l'icdne byzantine, qui peut aller jusqu'a l'inversion de la perspective, par évasement de l'espace &non&, confirme les hypotheses formulées ci-dessus, et qu'on peut p r M e r ainsi :

(1) La convergente des fuyantes est la manifesttation plustique de la modaliwion de i'énoncé par l'observation ; il faut y ajouter le modelé, le traitement par intersections, emboitements et interruption de traits eidétiques (ies frontiera des plaga) et l'utilisation "Ctag&" des traits chromatiques. Corrélativement, la divergente est la mmifestation de 1 'infmateul:

(2) L'observateur, comme l'informateur, disposent, conformément a leur définition générale12, d'un hyper-savoir, c'est-iidire d'un savoir sur l'organisation de leurs savoirs. Dans ce cas particulier, l'hyper-savoir est indispensable au calcul interprétatif. En effet, le faire cognitif de l'obsemteur ne peut convertir les fuyantes convergentes en fuyantes paralleles ii la direction du regard que si un hyper-savoir lui permet de postuler leur parallklisme indépendamment de la direction du regard; de meme, la diminution de taille n'est convertie en éloignement par rapport 4 l'observateur que si l'hyper-savoir permet de postuler une identité au moins approximative des tailles par ailleurs ; ou encore, les intersections et emboitements de frontiera de plaga ne sont converties en masquage et superposition que si on peut postuler la complétude des figures. Le calcul interprbtatif suppose donc (i) des savoirs qui portent sur l'organisation plastique, (ii) des hypersavoirs qui portent sur l'organisation des figures proprement dites.

L'ensemble de ces manifestations plastiques et de ces agencements de figures dans l'knond presupposent une compétence de I'observateur et une activité de I'infmateur, c'est-adire en fait une intersubject~tk cognitive12. On saisira la premiere g r h A la modalité du 'fpouvoir" :

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,,~cT~~g~gw~duiai ap la uopesgqeds ap 'uop~qppoi3e,p saiuesodurm qoii sar,, rq?i3arm =ore arquras la 'saiqn3q sal id anuumai ,,ana.xodurai uopeqeni~adse alnas e1 ap erap-ne arqaqai?u$isa ainppoid q ',,,,inna~~asqo iume un'p aipgdtq muasyd q ala ha^ as sananbsar ied sananisdsa sa!ioS?im apzi!s -odqp un,p 'uopesp!mqp q ap s~or'mqd ua FUI q,, aururoo 'swn~ la sem!aig anb !Fe 'uogespnwadse,~ puaiua uo !S 'iaga u3 $Y.I&~ a3vdsa,1 ap umqpn73adrr, ua awaids a1 ntraAum inad uo 6?~~arqns~ar?t,p a~vd -sa,] ap sqqppour mp amwm Fssne qeur 'cabs sap suopmgepotu sap auiurm inawa~nas sed uou suo!iay~iepoui sa aipdiaiq uo 'srnalFe red '!S

: inawasqo'r ap auaijxinroj q la maieuriojq,~ ap aqi@m aigwe'r aiiua uo!uaraiur,r 'aiins ied 'la 'uoyr.yuoua,p amdsa,l ap la puou? amdsa,] ap unururo3 ua aquc q luaucanauuoJ

i qnpa arapeui ap '~n301otuoq aiia iua~nad sau~~isk xnap sa~)

I!OABF nmm sed au ai!g sed au ai!q ssd au

~MBF sed au aneJ I!cMes a3yJ

: un ins !ssne anqiiqp as ana 'apumas el inod

lauasqo sed au qmnod lauarqo qmnod

Jahiasqo iauasqo sed au nmnod sed ?u no~nod scd au

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Pour ce qui nous concerne, nous voudrions mettre en place un de l'aspectuaiisation spatiale qui se déduise A partir de catkgories

eslusivement discursives et qui soit fonde sur l'hypothbse de la mise en ammun des espaces cognitifs respectifs des sujets Cnonciatifs et des sujets de l'énond. Nous nous en tiendrons a trois niveawc d'analyse :

1. la modalkation cognitive de l'espace ; 2. la traduction figurative de cette modalisation dans les catégories

spatiales proprement dites; on pourrait envisager aussi, a partir de c é palier, la traduction dans les catCgories temporelies, mais nous sortirions de notre propos ;

3. la manifestationplartique, verbale ou filrnique, de ces catégories.

3.2.1. La modalisation cognitive de I'espace

Les différents aspects de l'espace observé se déduisent directement du systbme moda1 de la "mise en commun" :

EXPOSITION INACCESSIBIU-&

ne pas obsemr) obsemr) - ------------- (faire savoir) (faire ne pas savoir)

ACCESSIBILITÉ / O B S T R U ~ I O N

(wuwir ubserver) @oowir ne pas obsemr) ---------m-- --m---------

(ne par faire (ne pas faire savoir) ne pas savoir)

L'aposifwn caractCrise tout ce qui, dans l'Cnond, se donne a voir A l'observateur, comme, par exemple, un personnage de premier plan vu de face.

L'inaccessibiliré caractkrise dans l'image ce qui se refuse A l'observa- teur, comme par exemple ce qui se uouve hors des limites laterales du champ de vision.

L'obsmtction caractkrise tout ce qui est masque, dificilement saisis- sable, incomplet, ou peu reconnaissable, comme négation de l'exposition : objets partieliement masqués, personnages Cloignés ou vus de dos.

L'accessibilité caracterise tout ce qui se iaisse apercevoir, entrevoir, toute faille dans l'obstacle, qui recule les limites du champ visuel (miroirs. reflets, portes ou tentures ouvertes, etc.).

En outre, comme cette modalisation de l'espace suppose l'interaction des deux sujets cognitifs, il est posible d'interprCter le modele obtenu

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56 LES ESPACES SVBJECiTFS

comme une manifestation des régimes intersubjectifi qui caractérisent la relation observateur Iinformateur :

EXPOSITION INACCESSIBILITS

régime polémique] regime contractuel]

ENCILIATION : (DISCORDE : régime non polbmiquc] régime non mnlractue

3.2.2. Les catkgories figuratives de la modalisation cognitive de I'espace (aspectualisation spatiale proprement dite)

Nous ne disposons pas actueliement d'une topologie sémantique qui fasse l'objet d'un consensus suffisant. Les propositions de René Thom, par ailieurs, telles qu'elies sont appliquées A la sémiotique par J. Petitot16, ne concernent pas l'espace figuratif, puisqu'eiies visent A interpréter dans le cadre d'une topologie mathématique les concepts de ia semiotique profonde ou actancieiie. La tabuiation proposée par Ci. Zilberberg17 est pertinente et stimulante, mais elle n'a pas été suíñsamment validée A ce jour.

Nous adopterons donc comme point de dépan les caracteristiques du faire cognitif spatialisé, c'est-A-dire les seules catégoria spatiales qui soient affectees par l'inscription de l'observateur dans l'énoncé.

1. 'Ibut observateur dkbrayk dans l'espace Cnoncé est, au moins, un Spectateur, et comporte donc unedetLis spatiale, quist?lectionne dansl'énm- cé les duections caracthisfiques du schéma corporel anthropomorphe : l'en- semble des directions verticales et l'ensemble des directions horizontales ; en outre, le regard en sélectionne un troisi&me type, le faisceau des direc- tions "perspectives", qui ont en commun, comme lieu de convergente, la position de l'obsemteur.

Sur chacune de ces directions, l'observateur impose une échelle komogPne d'évahation des distantes, par sa seule présence ; sur les directions perspectiva, plus particuli&rement, cette kvaluation se fait en termes de / supérativité /inferativite/.

2. Les frontihres de l'espace énoncé sont converties, par la présence du Spectateur, en limites de l'espace d'énonciation ; le résultat "figuratif" de la mise en commun des deux espaces est donc un englobement de I'espace énoncé par I'espace d'énonciation, de I'observé par l'observant. Cette reiation d'englobement determine, A l'interieur de l'espace Cnoncé, une série potentielie d'englobements internes, des sous-espaces de savoir

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L 'OBSERVATEUR DANS LE DZSCOURS WRñAL

focalisés, oh se jouent les accessibilités, les obstructions, les superpositions et les masquages ; chacun de ces englobements internes represente localement les limites d e la compétence d'observation.

Suite a w remarques qui prkckdent, nous posons, A titre d'hypothbe, la directionalité et l'englobement comme les catkgories fondamentales de ~'~rganisation cognitive de l'espace.

11 faut leur ajouter d e w opérations caractdristiques du mouvement et qui, en dynamisant l'ensemble, permettent de décrire les modfications positionnelles : ce sont l'expunsion et la condensation.

On distinguera ici :

l . Les mouvements sVnples On appellera "mouvement simple" toute modification ClCmentaire

d'une relation spatiale. Par exemple, sur une relation directionneiie, l'ex- pansion produira un "éloignement", et la condensation un "rapprochement" ; sur une relation d'englobement, l'expansion produira une "ertension" de l'espace, et la condensation produira une "concentration" (dont l'aboutis- sement extreme serait la "nuclCarisation" et la "ponctuaiisation").

Les catkgories ainsi obtenues, la "distunce" - pour l'dloignement et le rapprochement - , et I"'occupation" -pour l'extension et la concentration - peuvent &re dCfinies comme l'application, A une relation d'un type donné (directionnelle, ou d'englobement), d'un mouvement du meme type :

(a) la distance résulte de l'application d'un mouvement directionnel A une relation directiomeiie ;

@) l'occupation résulte de l'application d'un mouvement d'englobe- ment A une relation d'englobement.

2. Les mouvements complexes Si le type figuratif du mouvement diíTbre du type de relation, on

obtient des "mouvements complexes". Ces derniers seront dbfinis comme l'application A une relation d'un type domC, d'un mouvement appartenant a l'autre type.

Ainsi, un mouvement directionnel appiiquC A une relation d'englo- bement produira des "fianchissements" d'espace ; si le franchissement va dans le sens de l'expansion, on aura une "sortie" ; si le mouvement va dans le sens de la condensation, on aura une "entrée".

De meme, un mouvement d'englobement appliquC A une relation directionnelle produira les effets de "di@sion" dans l'espace ; si la diffusion est en expansion, on obtiendra une "dkpersion", et si elle est en condensation, on obtiendra un "rassemblemenf'.

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58 LES ESPACES SU9JECTIFS

La "mise en commun" des espaces d'énoncé et d'énonciation que nous avons proposée comme hypothkse de travail impose une teUe représentation : si on veut rendre compte des parcours relatifs de Pobservateur e t de I'informateur dans cet espace commun, il faut se un modkle qui uaite de la confrontation de deux espaces, te1 que I'un des deux serve de constante, qkcifiée (c'est la "relationn), et I'autre, de vmiable, - spécificatrice (c'est le "mouvement").

Par exemple, quand les figures d'un tableau tendent a s'aligner sur la direction du regard, produisant un dispositif spatial de "rassemblement", on a bien affaire a la combinaison de deux catégories : une condensation de l'englobement procuré par I'espace énoncé, régie par la direction du regard observant. Ce rassemblement est en outre la uaduction figurative d'une "obstruction" au plan modal.

Ou encore, quand des personnages traversent I'espace Cnoncé et sortent du champ visuel, une auve combinaison s'impose : une expansion sur ia direction de leur deplacement, regie par I'englobement Cnonciatif.

Le modele obtenu h partir de la confrontation des deux espaces est une combinatoire de deux variables (le mouvement/ia reiation, d'une part, et la directionalité/i'englobement, d'autre part), qui prend ia forme d'un "groupe de Klein". Chaque terme du groupe de Klein, qui définit les catégories de confrontation, peut etre h son tour traité soit en "expansion", soit en "condensation"; I'ensemble est representé sur le tableau ci-apres.

Diagramme des darlons et des mowements &ans un espace modallsé par I'obsenaüon

(ASPECNALISATION SPATIALE)

MOUVEMENT MOUVEMEI'iT DIRECTIONNEL D I R E ~ O N N E L

RELATION RELARON WPROCHEMEPIT DIRECXIONNELLE

(c)

'lSTmcE n FRANCHISSEh@NT

~LOIGNEMENT (E) some (E)

CONCENTRATION (c) t OCCUPATION

EXTENSION (E) MOUVEMENT D'ENGLOBEMENT D'ENGLOBEMEhT

MOUVEMENT RELATION D'ENGLOBEMENT DlRECTIONNELLE

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L10BSERVATEüR DANS LE DISCOUñS VERBAL

Un te1 groupe de transformations est dote d'une syntaxe complexe, sur dew plans : (i) d'une par6 la syntaxe propre au groupe de Klein, c'est- a-dire l'ensemble des transformations ordonnées portant sur les variables de base, et (ii) d'autre part, l'aiternance entre expansion et condensation, pour chaque categorie, qui est gradueile.

3.2;3. Les manifestations plastiques et verbales de l'aspectualisation spatiale

Une présentation systematique des manifestations plastiques (ou verbales) de l'aspectuaiisation spatiale n'existe pas actueilement ; il n'est pas sQr qu'eile soit mCme envisageable, dans la mesure ou un trait plastique donné - le "flou/ net" par exemple - ne comporte pas une sede interpretation et, en particuiier, n'est pas spécialise dans la manifestation des categories aspectuelles ; quand on aborde la manifestation (plastique, mais aussi verbale), on doit prendre les plus grandes precautions, puisqu'il semblerait que seule la réalisation des traits dans un discours concret permet de les attribuer a des formants figuratifs.

Nous nous contenterons par consequent de suggerer quelques illustrations plastiques d'une seule des categories, le "franchissement", quitte a y revenir le cas écheant, lors de la description de te1 ou te1 discours

' concret. On pourrrait donner du "franchissement" une description plus fine en distinguant (i) dans l'englobé, le milieu ("m&otope") et le pourtour ("peritope"), et (ii) dans l'englobant, les alentours ("paratope") et les lointains ("tC1Ctope"). Un franchissement serait par conséquent constituC d'un parcours minimal du type :

"péritope" - "paratope" Un "franchissement" interessant : celui qui permet a l'observateur

de passer dans l'espace Cnoncé quand il en est separé ; c'est le cas des tableaw qui presentent un "arc diaphragmel"', ou dont les personnages sont encadrés par des tentures, comme chez Fouquetlg ; de telles figures indiquent le iieu du franchissement, et donnent une signification d a r e n t e a l'acte de lecture du tableau : ou bien ils mettent en sdne les personnages pour un spectateur exterieur, ou bien ils devoilent une intimite, ou bien ils la dissimulent en partie. Chez Hitchcock, par exemple, un observateur, enferme dans sa chambre, regarde par les lames du store écartees ce qui se passe en face : il espionne ou il surveiile ; pour Verlaine, dans Les F&s galantes,

"Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent

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LES ESPACES SUBJECTIFS

- -5

%>, Interceptes ! - et nous aimions ce jeu de dupes20"

ce qui confere au "franchissement" un statut intersubjectif bien particu- iier ; nous y reviendrons. 1

Cependant, le mowement directiomel se heurte parfois a une cldture ' hermétique de l'englobement ; cela peut se resoudre de deux fapns : soit, bien sOr, par l'absence de mouvement, soit par un mouvement , non directionnel qui se cantonne A la périphérie du iieu ; si la "sortien est impossible, on aura un mouvement "péritopique" ; si l'"entrée" est impossible, on aura un mouvement "paratopique" ; ou bien on "tourne

_ comme un lion en cage", ou bien on ''&de" aux alentours. Dans le cas de l'espace d'observation, le "franchissement impossible" produit deux effets particuiiers :

(1) Dans l'impossibilitk d'avancer dans respace &non& sans y devenir un acteur comme les auues, et, donc, sans perdre son statut d'observateur unique, le sujet du point de vue adoptera un mouvement "ptritopique" ; de meme, dans l'impossibilité de reculer par rapport , a l'espace énond sans s'en exclure, I 'ac teur-~b~e~ateur adoptera des mouvements "paratopiques".

Les variations de l'"ang1e de vision" appartiennent A cette catégorie de mouvements : de la "íroríialisation" A la "latéraiisationn, de la "plongée" a la contre-plongée", i'observateur se déplace sur la frontiere de l'espace tnond, en quete du /pouvoir savoir /ou de savoirs difídrents. Au cinéma, par exemple, si le point de vue de la camtra se confond avec un "Assistant", 1

les changements d'angle entre deux plans seront "péritopiques" ; en revanche, s'il se confond avec un simple "Spectateur" virtuel, ces memes changements d'angle seront des mouvements "paratopiques" ; ces remarques sont essentielles pour distinguer les mouvements de caméra du "plan.séquence", qui sont integres a l'espace tnond, des changements d'angle dus au montage.

(2) Si on considere maintenant la figure actorielle comme un espace englobé dans l'espace cognitif de l'observateur, la direction du regard sera interpretee comme l'axe d'un franchissement Mrtuel ; mais la figure actorielle peut &ue opaque, et le franchissement devient impossible. Au plan modal, le "modelé" pourrait 6tre interprétk comme une transition entre le Ipouvoir savoir / e t le Ine pas pouvoir savoirl ; au plan figuratif, oil nous nous situons maintenant, il apparait comme l'amorce d'un contournement ; a ce compte, le "modelé" correspondrait a l'aspect hchoatif du mouvement paratopique autour de l'espace infranchissable de la figure2'. 1

I

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L'OBSERVATEVR LMNS LE DZSCOVRS VERBAL

es categories aspectuelles de l'espace subjectif peuvent etre prises en &arge dans une veritable syntme discursive. ?but d'abord, les operations

lpespace peuvent dtre enchatnees, on l'a deja suggere, en un parcours spatial. B. Uspensky note par exemple que les deplacemenfs du point de

peuvent &tre de d e w sortesaz : ou bien par une succession discontinue de visions comportant des rkfkrences SpatialeS diffkrentes, ou bien par

seule vision comportant des deformations internes et un deplacement continu du point de vue ; on a bien compris qu'uspensky emprunte directement cette distinction a la technique cinematographique, oil on use soit du montage entre les plans soit du montage a l'intkrieur du plan- squence. Dans le second cas, l'observateur se deplace kvidemment dans rengloM, et son mouvement dynamise la "dispersion" ; dans le premier cas, pour lequel Uspensky envisage des sortes de "passages de relais", le mouvement est articulk en "franchissements" successifs.

Par aiiieurs, les parcours spatiaw pewent manifester des transforma- tions modales et narratives. A. J. Greimas a dbjA fait remarquerZ3 que le passage d'un espace utopique A un espace paratopique manifestait la quete de l'adjuvant, ou le debut des epreuves qualifiantes ; si la dimension cogni- tive oh est instaile l'observateur se deploie en parcours moda1 et narratif, alors les parcours spatiaw et en particulier les "franchissements" mani- festent des acquisitions ou des pertes modales : la camkra se rapproche pour miew dktailler un objet regarde, sans que le personnage+bservateur s'avance dans l'espace, la description litteraire fouiiie le paysage pour y re- lever des informations pertinentes, pour un observateur qui ne se deplace pas effectivement.

Dans le fragment des Évangiles evoque plus haut, qu'on peut citer maintenant en entier, on note de teiies opérations :

"16.1. Quand le sabbat fut passe, Marie de Magdala, Marie, mere de Jacques, et Salome acheterent des aromates pour aller l'embaumer. Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont A la tombe, le soleii Ctant leve. Elles se disaient entre eiles : "Qui nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau ?" Et levant les yeux, ellesvoient que la pierre est roulee ; or, eiie etait t r h grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis A droite, un jeune homme, vétu d'une robe blanche, et eiies furent saisies d e frayeur. Mais ii leur dit : "Ne vous efiayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifiC : il est ressuscite, il n'est pas ici ; voyez l'endroit oii on l'avait deposé. Mais allez dire A ses disciples et A Pierre : "11 vous precede en Galilee ; c'est la que vous le venez, comme il vous l'a dit." Eiles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car eiles etaient

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LES ESPACES SUBECTIFS

- -0

'YA '. toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien a personne, car elles avaient peur." (Évangile selon saint Marc)

Les transformations spatiales y sont tout d'abord prises en charge par ia dimension pragmatique : le projet d'embaumement se realise par l'acquisition des instruments au lieu paratopique (la ville ?), puis par un dtpiacement au lieu topique proprement dit, ou l'acte doit &re accompli. C'est l'objet meme qui figure la frontiere des deux espaces, la pierre, qui assure le changement d'isotopie : d'abord lite au /pouvoir faire/ pragmatique, elie devient une interrogation concrete sur ia dimension cognitive. A partir de ce moment, le dtplacement est, comme on l'a deja remarque, pris en charge par la dimension cognitive. L . parcours cognitif, qui échouera, a pour objet de transformer les femmes en messageres, c'estddire de les conjoindre A un certain savoir qu'elies doivent restituer. L'espace se subdivise alors ainsi :

lieu péritopique - elies "levent les yeux" et sont confrontees a une enigme ; c'est le lieu du "manque" cognitif ;

lieu pmatopique - elles entrent dans ia tombe, par un "franchisse- ment". C'est le lieu de l'acquisition modale (/pouvoir comprendre/) ;

lieu mksotopique - un jeune homme se trouve dans la tombe. 11 d e l ~ e le savoir qui devra étre transmis ;

lieuparatopique - elies sont toujours dans la tombe, mais eífraykes ; lieupdritopique - elles sont sorties de la tombe, bouleversées ; lieu hétérotopique - elles s'enfuient, et "ne disent rien". On constate que le franchissement dans les d e w sens est soigneuse-

ment manifesté, mais avec un autre changement d'isotopie : on passe alors sur la dimension thyrnique, avec un enchainement de passions comportant lui aussi une acquisition modale (effrayées) et une performance (le boule- versement, ia fuite) pour laquelle se dessine un lieu topique indkfini (ou fuientelies ?).

Les trois dirnensions narratives s'enchahent, le lieu de performance de la prkedente devenant chaque fois le lieu de manque et de qualification pour la suivante ; par consequent la dynamique spatiale change trois fois d'orientation et de signification en quelques lignes. Pour la derniere transformation, elle est d'autant plus claire qu'avec le verbe "s'enfuirent", le "point de vue" est en quelque sorte "abandonné" dans la tombe par les femmes en meme temps qu'elles se rkvelent incapables de transmettre le message.

Autre exemple qui vient a l'esprit : dans Fen2tre sur cour, l'observateur est immobilis6, dans le sdnario lui-méme, par une jambe putrée. Le

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L'OBSERVATEUR DANS LE DISCOURS VERBAL

- -6 \>, franchissement de l'espace é n o n d observé lui ttant interdit, il va adopter plusieurs expédients pour augmenter sa compttence : des jumelles, un téldobjectif et, en demier recours, un observateur-dtltgd mobile e t

dans l'espace t n o n d , son amie. Ce film pourrait d'ailleurs &re ,,tierement lu - il l'a deja t t é -dans cette perspective, comme une remise en cause de ia frontiere entre l'espace tnonciatif de l'observateur ,t respace tnoncif de l'informateur. Hitchcock rtpond en quelque sorte a sa maniere, empreinte d'humour noir, A notre question théorique : td~u'est-ce qui se passe quand les deux espaces sont mis en commun, quand la frontiere est suspendue ou nide par les opérations subjectives de pobservateur ?" Dans ce film, 1 '0bse~a te~f apprend, A ses dépens, que e t t e mise en commun est dangereuse : elle n'est pas forcément souhaitte par l'informateur.

Dans les deux exemples évoquts ici, une donnée nous semble dtter- minante : les régimes intersubjectifs ttablis entre les difftrents partenaires, en particulier entre l'observateur et l'informateur, régissent de fait la si- gnification et l'orientation des optrations sur l'espace d'observation et sur l'espace observt.

La construction de l'espace commun A l'énoncé et A l'énonciation apparaitra maintenant comme un ensemble de restrictiouis apportdes au fonctionnementgénéral de tout espace dynarnique, aux trois niveaux de saisie que nous avons retenus comme pertinents pour ia géntration de l'espace cognitif :

l. Au niveau modal, les différents régimes intersubjectifs apportent des reshictions b la compétence de l'observateur ; leur thtmatisation comme exposition, inaccessibilitt, accessibilitt et obstruction fournit un systeme de la modalisation cognitive de I'espace, sous-jacent A l'espace figuratif proprement dit.

2. Au niveau spatial, ia modalisation cognitive apporte des restrictions dans I'interprétananon de la directionalité et de I'engiobement et des catégories spatiales obtenues du fait de leurs spécifications réciproques ; on obtient ainsi le modele de I'aspectualisation spatiale.

3. Au niveau de l'expression (verbale, piastique, cinématographique), I'aspectualisation spatiale sous-jacente appone des restrictions d I'interpré- tation des naits Wcaux etplasques qui manifestent l'espace et les optra- tions sur l'espace.

1. L'espace et le regurd, 1965, Le Seuil, coll. "Pierres vives". 2. Laperspecrive cornme fm symbolique, trad. fr., 1967, Éditions de Minuit. 3. La figure et le lieu, 1980, DenMl, col1 "M-5diationsw.

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64 LES ESPACES SüBlECnFS

4. Legeste et lapmk, 1%-1%5, Albin Michel, col1 "Sciences d'aujourd'hui". 5. Cf. "11 sulñrait d'ailleurs de l'esquisse de quelques arbres ou d'un village,

d'une simple ligne de sol pour que I'art paléolithique se range d'un coup au niveau de l'art assyrien, mais c'est précisément un trait caractéristique que I'absence de tout éltment etranger au theme mythographique" (op. cit., p. 241).

6. Cf. "Au style 4, les encornures et les oreilles sont rendues suivant une perspective tres proche de celles des grandes civilisations et le modelé corporel est devenu absolument conventionneln (op. cit. p. 245).

7. E m d d 'iconologie, p. 256 8. Up. cit., p. 258 9. Cf Benvenuto Cellini : "Par conséquent, une statue maniériste, loin de

permettre aux yeux de se fixer sur un point de vue privilégié qui les satisfasse, donne l'impression de tourner peu A peu, de facon A o m r non pas une vue, mais cent ou davantage." (I trettah. dell'onjkeria e d e h sculiwo, cite p. 259.)

10. Loccit., p. 259. 1 1. Jean Paris, op. cit., p. 154. 12 Le savoirpartagk, op. cit., premiere partie. 13. A. J. Greimas et J. Courtes, "Semiotique", Dic tha i re mismk de la

théorie du langage, Hachette, 1979, p. 21. 14 De fait, en toute rigueur, les aspects jusqu'h présent retenus ("inchoativi-

te", "durativit&"' "itérativité", "terminativité") ne concernent que l'mpeclu&arion du faire, c'estddire la conversion d'une transformation éltmentaire enpm2s ap- partenant au niveau discursif ; I'aspectualisation temporelle actorielle et spatiale en découlent en partie.

15. Greimas et Courth, op. cit., p. 21. 16. J. Petitot, Mopphogedse du sens, 1986, RU.E 17. Cl. Zilberberg, Figwes du temps et Vijltmbm de I'espace, these d'État,

dactylographiée, Paris 111, 1986. 18. Ainsi que le remarque L. Brion-Guerry, Jean Pelerin Viator, p. 261, a

propos de DUrer et de son S& J k r h e : le spectateur se trouve exclu, éloigne par un espace fictif, mort".

19. Fouquet, Diane de huim. U). Feres galanres, L.G.E, p. 143 ("Les Ingénus"). 21. Leroi-Gourhan a bien remarqué que l'opacitk des figures, c'est-a-dire

la représentation &un franchissement impossible, n'apparaissait qu'A une etape ulterieure dans les gravures rupestres : les attaches des membres, les encornures qui dewaient etre dissimulCes apparaissent "en transparence" -expression qui n'a d'ailleurs aucun sens en l'occurrence, sinon pour un spectateur d'aujourd'hui, qui en evalue I'efiet par rapport a w représentations de type "opaque".

22 Op. cit., pp. 61-63 23. Maupsant. La sémiotique du t a e , Le Seuil, 1976, pp. 99-104.

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DEUX&ME PARTIE

PERSPECTIVE, OBSERVATEUR ET INFORMATEUR

EN PEINTURE

1. LA D$FINI'IION DE LA PERSPECTIVE

Pour P. Reina, la perspective est "la science qui apprend A reprbenter les objets tridimensio~eis sur une surface bidimensionneiie, de fapn que I'image perspective coincide avec ceiie que fournit la vision directel ".

Pour E. Panofsky, on parle plus précisément de "vision perspective quand, dans une oeuvre d'art, la surface est niée dans sa matiérialité et qu'elle se voit réduite A n'etre plus qu'un simple "plan du tableau" sur lequel se projette un ensemble spatial perqu au travers de ce plan et

> Y intégrant tous les objets singuiiers2.. . . Ces définitions présentent toutes deux, bien que tres différentes, la

perspective comme un procédé technique permettant de simuler sur une .

surface un espace A trois dimensions. Eiies adoptent pourtant des niveaux d'analyse distincts ; si on considere l'espace a trois dimensions comme une grandeur du contenu, et la surface comme une substance d'expression planaire, la perspective peut etre considérée comme une forme d'ez-pression qui nie les conuaintes du support plan (Panofsky) et signifle l'espace tridimensionnel (P. Reina). En cela, les d8érent.s types de perspective fonctionnent comme des unités de l'expression rbultant, pour remplir le r81e défini plus haut, d'usages historiquement déterminés.

Par ailleurs, le rapport entre la forme d'expression ainsi obtenue et la forme du contenu visée est défini comme une analogie (coincidence, simu-

Page 65: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

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Page 66: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

'sau!euop suteum suep anb aiua8in snld iumne'p isa uo!suaixa aialuiap aum f a~yeiim uo!i!uyap q la alemiqd uo!i!uyap q anua a8qwp al ai!npai inod ?id aiine,p 'la s~umiodnr! sn~d qiuaiedde qej ap aiqwou un *no3 no~nod inod 'iied aun'p : suopxmp xnap suep cn la 'suoppyap m qoj q e iaqewaids ap la i!8iela,p anessmau ~jeied snou 11

-x"aP sap un'l e aiueupop uo!i!sod aun - p~nsrnod al la iue~msrnod al :xa - s)uain3um saunuei8oid xnap auodwm i.ai al anbsrol 'iauuop e aiqsum !nbgsmqp jplsodqp a e ',qtmo;> ia seqaig ap a~uuq~!~ al suep awwm 'a9yur -y qojied au~w isa ,a~!i3adsiad ua as!w,, tq '(~961 'uaii~ la qooia) ,,uopeiieu ap ialCoJ,, un,p qoy3 al id ip91 ne ayiodde suo!imypow sal iaspai3eim inod no '(EL aiiauag) ageiieu uopewiojy'l iuaypou~ !nb la ,,anoiqqL1 ap alurnaid qued anal no anal,, ap uo!i!sod el ied saanbgdq sa~!ieum suo!ieue~ sal iau8!sap inod ',,aioydm~w id,, auuai m aqfiin uo ! ipai a1 suep a~!lmdsiad ap iaga'l anb iuauimuo3 au ino! ar, (seqaig 'a~iauw) a~padsiad q p qi~esum sanb!io!w~s xnmen auaiagp scq

'lnaleuuojyL~ ap )a inaieruasqo,~ ap UOp3elal. aun auwm iuawama!iaip suoiai~idiaiy snou anb -a~gsqo isa !nb a3 ap uo!le?ue8io au!mim aun 1a aalnuqs uogwasqo'p uo!i!sod aun a11ua uo!i3eiaiy aun isa a~p~adsiad q anb mied anb suo!i!uyap una1 iua8ueq3a'u ,,ai!y ap iyod,, la ,,am ap iqod,, : a+ie3yu8!s isa auam -alla ua !nb uo!iei!qq aun ailnsy ua 11 .,ina~wasqo,~ipal as asum isa no iulod al anb ,~ed!3rrpd aig ap iyod,, al ua!q Issne !+e au8tsap no ',,am ap iulod,, uo!ssaidxa,1 ap ai!oiqy,l suep ia!ln3!iied ua la L~nmmm asesn,~ suq 'syouIuea~ .uopmbid ap anua3 al ied assed !nb nilalqei np uqd ne anqn3!puadiad q ap pa!d al 'a~ ap iyod lnas un,nb e I! f saiua8ia~um saiueÁy sal anua sa~q!ssoci suoprasiaiy,p anb aimj 3P ~u~od ap iumne e A fi : iuan8yiqp as ,,ai!nj ap iqod,, la ,,am ap iu~od,, 'iuqled iuawanbuiproa8 'ailnsug -,mumqp,, el ap a~ieinKg .0891a el ap anbpsqd 1ueyp8!s a1 isa ,mua8iaqp/mua8ia~um,, auo8jnm el 'sauai saiine,p ug -ar,ua8ia~!p q suep ',,iuawaqmiddei,, al la 'uo!ssa~dxa uos aAnoii ,iuawau%!01~,,~~ anb su8g sap muaSiahua el suep lSd9

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- v. comme le cinéma, qui déploie a la fois des structures visuelles et des structures narratives, les deux définitions ont cours.

J'ai propost ailleurs de dCcrire la question du "point de vue", et les relations entre les sujets cognitifs de l'énonciation et de l'énoncé, sous la forme d'une dimensbn dpktdmologique de I'knonciation7. La perspective peut trower dans ce cadre une dtfinition qui, sans satisfaire tout le monde, aura au moins le mérite de réduire les décalages terminologiques.

Intuitivement, on comprend que la perspective, pour créer l'iilusion, doit faire oublier a la fois le support et le sujet qui voit, tout en offrant pourtant une vision subjective des choses. Que ce soit dans un tableau ou dans un récit verbal, la mise en perspective suppose un sujet qu'elle efface, e t dont eile donne A lire indirectement le faire cognitif A un Cnonciataire. Cet "effacement" a été remarqué par Greimas et Courtes, qui notent :

"A la différence du point de vue, qui nécessite la médiation d'un obser- vateur, la perspective joue sur le rapport tnonciateur/tnonciataireg.."

Si on se reporte au syst8me de l'épisttmologie du discoursg, qui croise les embrayages et les dtbrayages de l'obsexvateur et de l'informateur, on constate que la perspective tend h nier la mult@ücité des sujets observateurs, A íker le regard en un point unique, et aussi (i nier la diversitk des asp'ects du monde obsewk, c'est-A-dire, aussi, des sujets informateurs. L'observateur et l'informateur Ctant pos& wmme contraires, l'unicité du point de vue e t l'homogtnéitC de l'espace représenté sont aussi des contraires e t se présupposent réciproquement ; le choix Cpistémologique qui combine ces deux positions sera dit "rtaliste" ; il correspond A un "point de vue, intégra teur".

Pourtant, puisqu'un te1 choix caractérise en particulier i'"omniscience" ou le "point de vue de Dieu", ces Cléments ne suffisent pas A la définition de la perspective. Jean Pblerin Viator remarquait déja que la représenta- tion perspective avouait le choix qui la présuppose ; de meme, en syntaxe narrative, la mise en perspective suppose le choix d'un foyer narratif qui sélectionne un programrne ou un parcours aux dépens d'un autre. La pers- pective homogénkise donc lbbservateur au déhiment de la complérude de I'infovmateur, tout en gardant la mémoire de cette sélection. Un te1 constat appelle deux commentaires :

1. L'embrayage de l'informateur reste partiel, puisque ce qui est homogbne n'est qu'un aspect des choses ; on dira que la perspective construit seulement un hypo-infonnateur, qni n'autorise de fait qu'un rtafisme local.

2. L'embrayage de l'obsexvateur reste lui aussi partiel, puisque la

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les competente d'obsemtion ne s'identifie pas avec le "savoir maximal" de l'enonciateur qui a choisi le point de vue ; sans étre un acteur de pknonce, l'obsewateur est ici dote de coordonnees spatio-temporelles (hauteur, distante, latkralité, présent) qui se réferent aux c o o r d o ~ 6 e s spatio-temporelles de l'énond lui-meme. Selon la termhologie que nous avons adoptée, il s'agit d'un Spectateur, qui est doté d'un corps vimiel, et qui, par rapport A l'enonct pictural, peut faire figure d'acteur virfueL

La perspective sera donc définie comme une position internédiaire, sur les d e n axes graduable des embrayages dans le systeme de l'épis- témologie du discours, position quiarrete les opérations d'embrayage avant leur aboutissement ultime :

Réalisme intdgral (point de vue

intdpateur)

Rhlisme subjectif (point de vue réclusif)

' Embrayage Embrayage d e I'observateur de I'informateur

Perspective 1 d e mbrayaxyage I'informateur d e I'observateur 1 Réaüsme objectif (point de vue inclusif)

Irréaüsme (poinrs de vue exclusifs)

Cette definition graduelle permet de rendre compte des vmiatiovts techniques et significatives de la reprksentation perspective : l'espace est plus ou moins homogene, et plusieurs points de vue peuvent etre associCs. En somme, dans le cadre d'une théorie de l'épistCmologie du discours, la perspective est un p r d s réaliste en cours, 06 l'équilibre entre l'unification de I'obsewateur et ceile de l'informateur n'est jamais définitivement acquis.

Eile permet de comprendre, notamment, pourquoi E. Panofsky, a p r h avoir tenté de montrer la signification Cpistémologique de la perspective centrale, en la situant dans l'histoire des idées, de 1'AntiquitC ii la Renaissancelo, y renonce partieiiement, et constate qu'eile peut jouer sur

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LES ESPACES SüBIECTlFS

des équilibres dBCrents entre le sujet et I'objet de savoir, et qu'elle ne constitue pas en elle-m2me une posinon épistémo1qique univoque :

"... on est tout aussi justifik A concevoir l'histoire de la perspective comme un triomphe du sens du réei, constitutif de distance et d'objectivite, que comme un triomphe de ce désir de puissance qui habite I'homme et qui nie toute distance, comme une systématisation et une stabilisation du monde extkrieur autant que comme un Clargissement de la sphkre du Moil' ."

Chacune de ces deux interpretations se fonde en effet, selon nous, sur un degrC diffkrent de l'embrayage soit de I'observateur, soit de Pinformateur, et qui apparente la perspective soit h un réallnne subjecti5 soit h un rea lhe objectifi

Dans l'histoire des thdories de la perspective, on revouve sans surprise les deux versants de la question des points de vue : en précisant la technique la plus adequate pour favoriser (guider, manipuler ?) I'apprChension du message pictural par le spectateur - c'est le versant "identification" -, chacune de &es thbries met en aeuvre une certaine conception du rapport entre le sujet connaissant et le monde connu - c'est le versant " CpistCmologique" -. Par exemple, la perspective dite "centrale", proposée et iiiustrke par les peintres du quattrocento, suppose que le spectateur lise le tableau comrne une sdnographie linéaire ; mais en mCme temps, par sa codification gkomktrique, eiie exprime une nouveile épisthmb, essentiellement naturaliste et anthropocenuique, dont la mathematisation du représentk est a la fois le crithre et le moyen.

Tbutefois, I'interprCtation "naturaliste" et réaliste n'est pas inhkrente A la perspective eile-meme, et elle a e t t battue en brhche sur plusieurs fronts. Pour que la perspective centrale puisse, comme le soutient Vasari, n'eve "pas autre chose que la contrefapn12"du monde naturel, il faudriit (i) que le mode de construction adopt6 soit conforme a la perception de i'espace, et (ii) qu'eile soit la seule A pouvoir simuler la perception naturelle de l'espace. Les arguments des "antinaturalistes" s'attaquent de fait a ces deux présupposés. 11 ne parait pas opportun d'entrer ici dans ce debat. Les uns (Borissavlikvitch et G. Hank) tiennent pour la spécificitC physiologique de la vision humaine, les autres (Panofsly) soulignent la difference entre l'hCtkrogCnCit6 de l'espace perceptif et l'homogeneite

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ia sanarnilm!ms suo!iqrm sap rp~ed e sanbpiauroa8 sanbpnpai sap aiEielar el iuaturyle sarine sal la 'uo!ssardxa,l ap sanbruqmi sardy sap anb!naurqS apnip3exa,I ap *red e alenua:, aqimdsiad q ap L,aiua~, el iuauuyle sun sal ! nuaium np anao ia uo!ssardxa,l ap auuoj el ariua uopelar q suep 'xnap sap uo!i3asraiu!,l e 'anb!ísqd anb!io!urp q rnod 'iuauraisnj anirs as uoilsanb q ainq, .aedsa,l ap uopsucxgdar q e Vlmsse s&iouuo~ sa808mq sal rns la 'sanb!iseld sa~n%y sal mAe suo!iqar sas suep nuaiuo~ np auuoj el ins qoj q e alrod allainlpmpos alpgelar el ap iuaurdre,l anb siole 'anhuy~ai a~n8zJaun rns iuamaiqgmpred snld ia 'uqssa~dm,,t ap auuojrq rns i!ej ua aiiod anb!ieur?weu apnip3exaLl ap iuaurn%ie,l! wadse sap un nwq3a ua e surotu ne iapp asqnd anbyopas el '~ired aipuard sues 'anb iueirnod ua!q alquras 11 'sol:, sed IS,U allamlrn jx~p~yvla~ q ap xnm la anI&yuaps ?F?A el ap siueuai sal anua ieqap

,,'pr91!IW el ap aipjied uo!snn!,l iuatuaueiuods quinoj snou auua!pg:,na uo!i3aloid aqaim aun,nb iuappa i!eied snou n,nb sallan. ~iln3ej sou ia sanbpeur?qíeur sailmej son iuaw?ueqnqs raddola~ap ap aM ua uopmnpa,I suep sasyrin sgssardxa sau%p suleiim iaidme e sanqqeq iuo snou uopua~uo:, ap sapqs sap anb a3id íuauranb!un isa,=),,

: ~3ald 11 .qv;rur~aap anboda aun e ?iapos aun,p ab el iuaqraix~m !nb a~ad ap sauo%aim sap ia seqq3s sap uo!ieísagueur aun amuro:, jpem%g medsa.1 ap anb!naurq% ainunns el aiqrdraiu! la ,lepos medsa,,,p idmum al 'sauuan[sjoued saquraid sap qued 'alodenxa Iaismuerd ariaid

6L.,,~!i3a[qns np uopm!imlqo,l 'sauual saiine,p ua 'anbpeuraqieur medsa ua anb?o1o!sÁqdoq3Asd medsa,~ ap uo!i!sodsueii q raiado e rssnar irme uo 'i!ej .aurqqidms np anm la anb!iquanaq a~!ídsrad el ap uop -3uoj q alqneied ua aniaw ireunod no Laurspp!i:, np anm e iaredurm as ireunod mueqeuax e1 ap aqimdsrad q ap uop:,uoj q anb sio~,

: aiumr8y a!qdosol~d q mAe uopauasaida~ ap apour un,p qoq:, al alqneied ua iaur '!nl e iumb '&goued '3

sapuoj as alla janba~ ins ar!ev;r%mul,l la 'a~psdsiad q aunmai anb aqsensrad a!%aieiís el snld dno~neaq Isa,:, 'ieqap m suep uap!io!tuas al assara1v;r !nb a3 'iuatualmr!d .,,aisgelnlF% uop!sod el ainop sues isa 'saqqi snld sal siuauraddola~?p sal awolni! rnb ia 'alqauar snld q alquras snou !nb uo!i!sod q .iuauranbpe~?WeU' aapuoj 1sa ana,nb med ai3exa snld isa anb=iawoq% aqimdsrad eI mb quainos q iuaiqsrad (ylaso!~) -a) uyua sanne,a ypdsiad a3edsLi ap

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LES ESPACES SüBJECl7FS

épistémologiques de la forme du.contenu.

1. La pspettiw, P. Reina, Milan, 1940 2. La perspectiu comme fome symbdique, 1978, p. 38. 3. J.-M. Floch, "Le contrat d'iconicitt", Ac tes skmio~s , bulletin 4, tpuise 4. On trouvera dans les ouvranes sdcialisés des ~r6cisions sur les difftrents 1

nodes de construction gtomttriqugde 1; perspective. kitons pour mtmoire, parmi cew qui concement plus sptcialenient la perspective picturale,lem Pbkrin Vior, 1 de L. ~ r i a n - ~ u e r r ~ , et l'iniroduction de M. D: ~miliani !A I'édition fransaise de La perspective comme fmne symbdique (Panohki).

5. Cf. "Point de vue : essai de dtfinition discursive", J. Fontanille, M e , Chicoutimi (QuC bec), 1988.

6. Stmiotique, D.R.TL., op. cif., 1, article Perspective. 7. Le savoir partagt, op. cit., et "L'tpisttmologie du discours" in Erigences et

pempectives de la sé&.tique, Parret et Ruprecht td., 1585, vol. 1, pp. 179-202. 8. Dictionnaire, op. cir , p. 274 9. Cf "L'tpisttmologie de diseours", op. cit. 10. Cf. "Ce n'est pas un hasard

si jusqu'ici la vision perspective de I'espace s'est imposée a dew repnses dans le cours de I'évolution artistique : la premiere fois comme le signe d'un achhement lorsque s'effondra la "théocratie" des Ancíens, la dewieme fois comme le signe d'un avenement lorsque se dressa I"'anthropocratie" des rnodernes ..." (op. cit, p. 182)".

11. E. Panofsky, op. cif., p. 182. I I

12 Vasari, Introduction h t'cut de hpeinhcre, p. 129. 13. E. Panofsky, op. cit., p. 159 14. P. Francastel, fkinture et sonCtL, pp. 39-40. i

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2, -FESTATIONS PWTIQUES DE L9ESPACE SUBJECTIF' e

2.1.1. La ligne et la couleur

On distingue couramment la perspective "iinéaire", dont l'expression ,,t géomCtrique, et la perspective "atmosphérique", dont l'expression est chromatique et lumineuse. Si on dome A la perspective une dCfinition géométrique, fondee sur I'exactitude de la forme de l'expression, on ne peut plus utiliser l'expression "perspective atmosphCriquem autrement que par métaphore ; le dtnominateur commun, au plan du contenu, risquerait alors de n'apparaitre que comme un vague effet d'espace, un effet de profondeur. Mais nous avons donnC plus haut de la perspective une définition en termes de forme du contenu (la position "~pist~mologique"), totalement indépendante de l'expression ; par conséquent, il n'y a ni contradiction, N métaphore, A mettre en parailble les perspectives linéaire et atmosphCrique.

La perspective atmosphérique est parfois tout aussi codifiée que la perspective iinéaire ; en témoigne l'utilisation de la couleur dans le paysage flamand du X V I I ~ siecle : l e brun est réservé aux premiers plans, le vert aux seconds plans et le bleu ou gris-bleu ii l'amkre-plan. Que l'on considere cette distribution comme une Ccheile chromatique discontinue (Y. Thierryl) ou comme une gamme chromatique continue (E Thurleman2), il s'agit toujours d'un mode de représentation de la profondeur parfaitement arbitraire par rapport aux couleurs naturelles des figures reprksentées. Comme le fait remarquer Y. Thier~y :

"Dans la peinture figurCe, nous ne constatons guere qu'au XVII~ sikle une insouciance aussi désinvolte vis-A-vis de la couleur naturelle des objets3 ."

11 faudrait nuancer ce constat d'arbitraíre en observant que la représentation des formes et des proportions des objets est aussi peu natureile d&s lors qu'elie dCpend de la position d'un observateur. Cene "insouciance" a toutefois l'avantage de coniirmer la dissociation entre la question du mode d'expression de l'espace perspectif et cele de la ressemblance avec le monde naturei, puisque l'écheiie chromatique des paysagistes flamands fonctionne en dehors de toute rCférence ii quelque r&iitC perceptive que ce soit. Si 1'Cchelle chromatique "rend" la

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74 LES ESPACES SUBIECIIFS

profondeur, c'est en k r t u d'un code semi-symbolique4 qui ne doit rien a la ressemblance, et qui associe par pure Anvention deux couples de contraires :

tons bruns espace proche tons bleus espace lointain

la transition étant assurée par un t e m e neutre :

tons verts : n i proche, ni lointain

11 semble bien que la "mimésis" picturale, du moins en ce qui concerne l'espace cognitif r t f t r t A un observateur, n'est que t r k secondairement fondee sur la ressemblance des signes et figures représentés avec les figures telles qu'elies sont peques dans le monde naturel ; tout se p a s e au contraire cornme si la "ressemblance" Ctait un jugement a posteriori, une sanction qui porterait sur le respect des conventions d'expression de l'espace cognitifs. Nous travaillerons désormais sur I'hypothPse suivante : les catégories plastiques de la reprksentation perspective entrent en relation avec les categories semantiques propres a l'espace Cnond sur le principe des systemes semi-syrnboliques.

2.1.2. Le devant et le derrihre, I'échelonnement latéral

Un des moyens les plus fréquents d'exprimer la profondeur dans la peinture antique est 1'Cchelonnement lateral symetrique ; etant donne un objet comportant plusieurs parties verticales (jamba, pattes, barres, colonnes), les parties arriere seront regroupées au centre, et les parties avant, a la périphtrie droite ou gauche, dans une gradation telle que la position entre le centre et la périphérie signiñe leur position relative en profondeur. Cette disposition est le plus souvent exploitée sur les vases grecs, pour les humains et les animaux, mais seulement dans le cas ou ils sont présentés dans une scene, e t contenus dans les limites d'un médaiiion ; en revanche, des que le motif fait le tour du vase, cette disposition disparaft au profit d'un echelonnement simple. On comprend aisément que l'échelonnement symétrique, en assignant un centre au dispositif, situe la profondeur par rapport a un observateur unique, alors que dans le second cas il y a une infinitC d'observateurs possibles autour du vase.

En conséquence, I'écheiomement latéral en lui-meme restitue une profondeur, mais qui n'est pas rapportee A un observateur - qui reste donc propre au corps represente - s'il n'est pas centré sur un are de ~yrnétrie. Un

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P E R S P E C m OBSERVA E U R ET IiWORMAEiJR 75

- '+

\?, tel dispositif Suppose un d a g e semi-syrnbolique a deux niveaux qui aurait la forme suivante :

a c6tC de derribre espace a c6tC de devant pro pre

central lointain - } espace

pCriphénque ' proche cognitif

Cchelonnement symttriq ue

La combinaison des deux systbmes est une Cbauche de mise en commun de l'espace Cnond et de l'espace du sujet enonciatif dClCgut, puisqu'une relation spatiale propre aux figures reprCsentCes est modiñCe et surdCterminCe par la référence a un observateur unique.

Cependant, si I'échelonnement latCral ne s'appiique plus des humains ou des animaux exclusivement, ou s'il s'appiique ii plusieurs figures associées, l'interprbtation en est parfois diñicile. Si on examine par exemple Le Parad& tmesfre6, on s'aperpit que l'6chelonnement latCral sert A tout autre chose qu'a l'expression de la profondeur. (photo p. 193)

Ici, l'espace d'Cnonciation est la surface plane de la feuille enluminée ; l'espace Cnond est designe par le titre meme comme un iieu mythique. Un observateur est pourtant supposé, puisqu'on distingue la panie avant de ce lieu, oil on voit le dessus du mur, de la panie arriere, oil on ne le voit plus ; en outre, la superposition des dMCrents acteurs (humains, végCtaux, monumentaw), qui occupent le iieu, donne aussi une profondeur. Mais hors ces quelques ClCments, l'espace Cnond n'est que peu affectC par la vision, et reste en grande panie indtpendant de l'espace d'énonciation.

Par ailleurs, on constate que l'espace entour6 est orienté vers une owerture et que, de la partie gauche de la cldture jusqu'ii la porte situCe a droite, les personnages sont distributs de manibre a représenter une sCrie de stquences narratives : la proposition de I'anti-contrat (le serpent)

Pextréme gauche, la performance de l'anti-sujet @ve et Adam) au centre gauche, la sanction ntgative au centre droit (Dieu), et la rktribution nCgative ii I'extdme droite, audelii de la porte. L'ensemble de ces corrdlations constitue un systeme semi-symbolique, oil l'tchelonnement latCrai, exclusivement orientb dans et par rapport a I'Cnoncé, est associé ii un parcours actantiel :

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uopmgdnp q isad 'pumas a1 Jnod ! ai~odua,~ mb sa~nsy ap sadnod arienb sap aInuozyoq uo!lnqulqp el isa,3 'Jnale~asqo ia!wa.xd al Jnod -sanbui~urÁs ouauauuolaqq xnap sal ~ed al!npwi 'axmuk-oovzu q $!.es uo qo,p uoymasqo,p suo!i!sod xnap ~ed 'aqnsua (y) 'jge~~eu eu?q3s np mnpsa33ns sa&aa sap iuawaiIaj~e,l ied ai!oJp e ayme% ap aimpwi muh-o~~zu q )!.es !nb Jnaiehiasqo un ~d 'p~oqe,p inoi (!) : saiuaiagp sai?!ueu xnap ap anl aria inad 'a%ew! ua a- p! isa a~~a'nb aIIai 'la@po 9qqx-I np aqotsy.1 anb 'sauuai sanne,p ua 'aylu%!s !nb *aqnmjuoup,l ap&s~mqp srnomdal a~n8tJq~d'awp-!n1 'mb ~nnwasqo,I ap srnmled un iuanipsum 'qjssmns /meuaiqeu~ xnap saposse 'sanbyads siuauauuoIay39 xnap sal 'Jnain3ads np saauuop~m sap ana~odwai aiumodum q iuaqoldxa q,nb med 'aimsua .aA!ieueu amnÁs q .xawdxa,p uo!vuoj rnod no~e !ssne iua~nad salla ! anbpouprei iuaua~ppxa aIgJ un sed iuo,u sanbgoquiñs-pas suopq?~.xm sal anb aiou uo 'proqe'p tnq, -sanb~ewai xnap a~@%ns asÁ1eue alta=)

*- ansuai qpe~ed al - jglsod iafqo,~ 3a~e uopmofyp q ap iuawou a1 aqp-e-isa,:, de,, (n) '- awuod q - qp~aiq iafqo'~ 3aAe uogsuo[um q ap iuauow a1 aqp-e-1-3 ',,iue~e,, (1) IalIua3e srnmd np siuauxou xnap 3aAe iuawatyssa33ns appulcx, .xnaiehiasqo,l ap j iueuaiu!eu / a1 '~0!lEl?JdJai~! aiim suea -apuoua anoisy,I 3ahe uo~iela~ ua iuanlo~q sana~odurai squuoprm q iuop ~naie~ds un p! i!irras !nb 'mmusqo,l ap s~no3d un,p muaiqxa,~ ~asoddns e auawe 3uop isa uo ! aedsa.1 sed la 'zieueu iuanialnoJap a1 aisa~peur anb%o~odoi mlsodqp 33 e,l U0 aiüüI<xl'10 ~U24$rlp Sl?WlVAOS@ niap 3UOp 'w?Uh 2p S2ZV

map iuagqo uo 'sanbgue sam sal ms nuumar apo3 al p! anbgdde uo !S *(an.aqdu$ aJ?we aqwe!) airap ap sdno~% xnap sal ~nod anbpaurñs iuamauuolaq3~ un 1a '(aleiiua aqwe aqwe!) ayme% ap saldnm xnap sal rnod anbulads iuauauuolaqq un ! qu?ulCc alqnop aun uolas *ue%~o isa 'sa~d snld ap ap.xe8a.x K uo !S '1irrqiq iuauauuoIaqv,I yem

-aurau-ana ai~od q e ai~od q ap asoddo,l ap 'puoua isa ~.nb lai ansauai qpe~ed np anoiwai al suep 'aluasa~da~ medsa,~ suep smm~d un ~ed aisaj!ueu as la!iuel3e sinmed

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: iueqns aur?ids ne iuass!aqo sauryixa xnap sq uqd-ai3.e un 'ue!paur uqd un 'uqd ia!mard un : medsa im suep su~fdstoq iagpuap!,p i!oip ua isa uo '- anupum a%qd aun id umeq3 qiuasaidai iuos aiqie'l la aururoq,l qnas - suo!qso&adns sap anb !sme 'ued anne,p a%qp al la I!alos al 'iied aun,p aiqie,l la auuroq,l anua 'suopiodoid sap nuai alduro=)

asanbgqo sal : (leiuozpoq p 'ppia~ p) annau ama1 np iuaura!oldap iioj un me 'lauozpoq/lm!iia~ anauuo!i!pw auo%aim el uolas iuaque%~o,s 'saq3s no sau%g sal 'ven sq

(MI *d oioqd) 'suo!suaur!p qon svour sed auodurm ua,u 'gimdsrad iunne inod aiia sues '!nb medsa un iaisaguerq ap inq al suep 'sau%g ap ia myins ap na! un ia xnatqwnl na! un 'anbpeuronp na! un qoj q q iaposse,p aiuqnqued aiim aiuasyd 9%- uw ap .maW iq

anua auaqd!iad -a-

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Page 77: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

78 LES-ESPACES Sl,LWECTZFS

plages de grande dimension et continues premies plan

plages de petite dimension ' amere - plan et discontinues

Pour ce qui concerne le plan médian, il ressortit plut6t d'un

l processus de transition. En effet, entre l'organisation globalement verticale du personnage humain, e t l'orientation horizontale des tra&s sur la surface du ciel, les obliques établissent une gradation ; en partant de la corrélation précédente, on raffinerait la description e n introduisant cette transformation :

premier plan plan médian arri&re-plan

-------1 1 1 1 verticales - quasi -0biiques -quasi -horizontales

verticales horimn tales (homrne) (arbre coudt) (siiions)

~ a & assurer une véritable contmuite, les obliques introduisent pourtant une progressivité dans le passage entre le premier e t l'amere- plan. En outre, elles sont convergentes et, en cela, définissent un point de fuite. Si on considere que les distances qui dparent les fuyantes sur les bords inferieur et droit du tableau constituent une manifestation du Ipouvoir observerl, la convergence de ces memes fuyantes obiiques, vers une zone oii s'évanouissent les distances, represente la négation du Ipouvoir observerl, le point de fuite est précisément le iieu oii le faire cognitif de l'observateur échoue diñérencier les distantes ; ce qui se traduit formeiiement par une autre corrélation, complémentaire des précédentes :

divergence / powoir observer / des obliques / ~ r o c h e / (distantes tvaluables) convergente /lointain / / ne pas pouvoir observer / des obliques (distantes indistinctes)

L'homogénéité globale de ce dispositif apparaitra d'autant miew si o n ajoute qu'au plan de i'expression - géométrique ici -, la convergence des fuyantes est aussi la condition qui leur permet de jouer le r61e de transition en tant qu'obiiques dans la profondeur. Les fuyantes convergentes dessinent un faisceau d'obiiques,pui assure la tranformation progressive des verticales en horizontales ; ce qui signifie, en d'autres termes, que le processus de transition obsewé au plan de l'expression manifeste, outre la profondeur d'un espace, un pr&s cognitif :

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premier plan plan median arritre-dan

verticales - quasi -obligues - quasi - horizontales verticales horizontales

ne pas p 0 ~ ~ 0 i r pouvoir pouvoir ne pas pouvoir ne pas observer . observer ne pas observer observer

Au premier regard, une gamme chromatique s'impose comme ~mpKment des corrélations etablies ci-dessus :

premier plan , plan médian arriere - plan b ~ n s bleus . verts et jaunes pun

Mais cette rkpartition est "forcée", puisqu'on trouve du vert aussi bien au premier plan, sur l'arbre, qu'au plan median, dans les siilons, et du bleu encore au premier plan, sur l'homme. Mieux, ou pire : si on se livre A une analyse chromatique des tons, selon laquelle le brun est un compose de jaune, de bleu, de rouge, et le vert, un composk de jaune et de bleu, on obtient une gradation continue, oii le composk "jaune + bleu" fait fonction de dknominateur commun :

premier plan plan median amtre-plan

separes Vert Vert Jaune

jaune + rouge + bleu bleu + jaune sdparCs

bleu + jaune bleu + jaune jaune

On s'apersoit alors que le pro& chromatique est double : d'une part, du clair au foncé, et, d'autre part, du m216 au séparé. 11 aboutit pour Pessentiel A degager progressivement, A partir des tons mé1é.s et sombra du premier plan, un ton pur et clair A l'arriere-plan. A l'inverse du jeu des lignes, le jeu chromatiqueprocure uneplus grande distinchn des f m e s en arriere-plm qu 'en premierplan. Cette inversion apparaitrait en résumé sur une double correlation :

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l E S ESPACES SLBIECTIFS

(divergente (convergente d a fuyantes) des fuyantes) lpowoir observer / m/ ne pas powoir observer 1

premier plan arrikre-plan 1

ine pas powoir observerl - lpowoir observerl (tons melangbs (.tons purs wleurs sombrer) valeurs clahes)

Le "creusement" de l'espace, fondC sur les compositions iindaire et chromatique, n'a de sens que par rapport a un espace présuppod de I'observation, ou les fuyantes continueraient A diverger et les valeurs, A s'assombnr. De fait, le tableau se dome une "origine" spatiale dans I'Cnoncb, iieu de convergence, de IuminositC et de pureté des tons mcutimales ; un processus se déclenche a partir de I'origine, de divergence des lignes, d'assombrissement des valeurs, de mClange des tons, qui projette pour finir, dans I'espace d'observation, I'obscuritC, la divergence et le mblange "absolus", virtuellement. L'aboutissement de ce processus, qui relbgue l'espace d'dnonciation dans un indicibleplastique, permet d'évaluer plus finement le r61e de la "boucle" modale que nous o b s e ~ o n s plus haut.

Au contraire de I'espace perspectif de la Renaissance, ou le regard de I'observateur creuse I'espace, y disperse les figures en profondeur et rejette un "audela" hors du champ visuel, I'espace de Van Gogh rejette, ii partir de 1'"origine" reconnue dans I'CnoncC, I'observateur et son espace dans un "en-de@'' indicible. A cet Cgard, I'espace représentb et les objets qui I'occupent - homme, arbre, sillon -, font figure de cornproml, d'arret momentanC dans le processus ; le caractkre uansitoire et instable de la reprbsentation est par aiiíeurs confirme par le fait que les figures du premier plan sont plades en amorce, pr&tes ii franchir la frontibre et ii se perdre dans I'espace de I'obkrvateur. Ce n'est plus ici un regard qui s'6puise dans les profondeurs du champ visuel, mais une hbrnorragie des figures qui viement s'kvanouir dans I'indicible du regard, hors cadre, et vers le spectateur.

Cette analyse obiige ii préciser le statut de I'espace représentC ; le Semeur présente deux formes d'espace : un espace des acteprs, ou espace "figuratif", et un espace des relations spatiales et des operations absuaites, ou espace "figural".

L'espace figuratif est un espace discontinu oii se situent les acteurs et que caractdrisent des rapports de proportion et de juxtaposition ; c'est

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PERSPECm, OBSERVA E U R ET INFOWTEUR 8 1

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le dispositif figuratif des lieux et des positions relatives, qui est en somme' reffet de sens des relations de position et de proportion entre les acteurs, les u~ccupants" présupposant un "occupé". Dans le Sematr, cet espace figuratif se decrirait comme la superposition de d e w ensembles : les figures du premier plan d'une part, et ceiles de l'arrikre-plan d'autre part, que &ent l'espace intermédiaire des terres labourees.

L'espace figurd est un espace continu et dynamique, independant des figures-acteurs, et que caractérisent les transformations des lignes et des couleurs (valeurs et tons) ; les variations linéaires et chromatiques tnduisent en effet plastiquement les opérations sur l'espace abstrait, o@rations d'expansion et de condensation qui jouent aussi bien sur les directions que sur les englobements. A ce tiue, les categories aspectuelles que nous avons proposées pour l'espace cognitif (franchissement, distante, occupation, diffusion) peuvent recevoir aussi bien une interprétation figurative, si les mouvements ou opérations sont materialisés par des figures iconiques, c'est-Mire des acteurs, qu'une interprétation figurale, si leur manifestation est exclusivement plastique.

Dans le double espace du Semeur, les effets de sens de "profondeur visuelle" et de "contre-jour", qui convoquent tous deux un Spectateur, se définissent conñictuellement ; le soleil, par exemple, qui serait considére comme inaccessible selon l'espace figuratif de la profoi:deur, au méme titre que le village et la vegdtation environnante, est violemment exhibé, tant par sa taille que par la purete et la luminosité de la couleur, selon l'espace figura1 du "contre-jour". Ce qui explique la modalisation contradictoire du "soleil" qui, comme figure représentant l'asue, est caracterise par un /ne pas pouvoir / étre observe, dans la disposition en profondeur des plans d'objets, et, comme plage coloree, est caracterid comme /ne pas pouvoir / ne pas &ue observé, dans la dynamique chromatique de l'espace figural.

Cette double ddtermination spatiale, figurative et figurale, de la perspective, mérite un examen plus attentif.

1. Y. lñierry, Lepaysagej7amand au xme siecle. "Les gammés chromatiques dans le paysage fiamand au X V I I ~ si&cle."Actes sémiotiques, bulletin no 415, pp. 21- 28.

3. Op. cit., p. 7. 4. Cf. J.-M. Floch, Petites mythologks de I'aeil et & i'esprit, 1985. 5. Ce jugement a pastenwi se trouve en outre surdetermine par le statut

particulier des mathtmatiques dans nos reprtsentations de la vente scientifique. 6. Les Tds Riches Heum a'u due de Berry, musée Conde, Chantilly (École

franpise du xve sikle).

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82 LES ESPACES S ü ñ J E m S '

3. NIVEAUX DE L'ESPACE SUBJECTIF

Le premier enjeu d'une reprhentation picturale est de faire oublier le support matériel. E. Panofsky fait remarquer que "la notion de suppon matériel du tableau se trouve complktement chassée par la notion de plan transparentnd ; il va de soi qu'a~l'inverse, tout projet esthbtique qui vise A réduire la part de la reprbentation aboutit A son stade ultime & exhiber ce support matbriel. Ce serait alors l'équivalent des isotopies dites "scripturales" ou "métascripturales" dans le texte littéraire moderne.

Mais cette premiere distinction, qui opposerait l'espace topologique du tableau e t l'espace figuratif de la représentation, ne suffit pas A fonder l'espace de la perspective. Ainsi, Panofsky, toujours, considCre que la technique du raccourci permet de situer des objets ou des parties d'objets les uns par rapport a w autres, mais ne suffit pas a créer un espace homog6ne1. C'est seulement avec la création d'un espace indépendant des relations de positions et de proportions - que nous appelons "espace figural" -, grAce A l'adoption d'une procedure géometnque, que la perspective peut se développer2. 11 faut par conséquent se donner une t h h n e de l'espace qui le rende capable de "dominer et résoudre l'opposition entre ce qui est corps e t ce qui n'est pas corps3". C'est la géométrie qui, a la Renaissance, va foumir une thhr ie de l'espace figural suffisamment puissante pour dépasser l'évidence des positions et proportions relatives des objets. A un espace agrégatif ou dominent les enfilades e t les superpositions, se substitue un espace systematique et homogCne, qui obéit a ses lois propres et qui soumet les figures et les lieux a ses conditions. La dépendance de l'espace figuratif a l'égard de l'espace figural est commentée - avant la lettre - par Panofsky en ces termes : "Les corps e t les intervalies qui les séparent seraient seulement les di86renciations ou les modifications d'un continuum d'ordre suprieur4."

Mais une telle évolution n'est ni aussi brutale, ni aussi stnctement attribuable a la Renaissance que Panofsky le soutient. Si on isole telle figure propre a l'espace figural, comme I'amorce, on s'apersoit par exemple que les fonds d e coupe attiques du ve siCcle en font deja un usage frequent. On trouve dans ce corpus aussi bien des objets qui se plient a la forme du cadre que des objets interrompus par le meme cadre. Ainsi, te1 arbre, témoin de la lutte entre Thésée et le bandit Sinis5, plie ses branches et suit fidClement le cercle qui entoure le fond de coupe ; mais telle amphore, ou

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- -0

\A --. teile colonne6, sont coupées par le cercle du fond de coupe ; entre ces deux exemples, on saisit bien le passage d'une surface delimitée par des bords e t 03 s'inscxivent les figures, A un espace homogene, ou tendant A le devenir, découpé arbitrairement par le cadre.

Un autre exemple vient ici A l'esprit, deja sollicite plus haut, e t qui illustre parfaitement l'independance, dans l'histoire de la peinture, entre la mise en place d'un espace figural perspectif d'une part, et la construction g60mCtrique de la Renaissance. 11 s'agit des gammes chromatiques de profondeur, observkes en particulier dans le paysage flamand du xv11~ siecle. Mais deja, sans jouer exagerément du paradoxe, on pourrait dire que l'art byzantin de l'epoque classique, tout en ignorant l'espav figuratif, crke un espace figural par un etagement des couleurs : le fond dore, comme arriere-plan luminewr, supporte plusieurs autres plans d o t b chacun d'une couleur type ; cette disposition en profondeur ne permet pas, bien entendu, de situer les figures les unes par rapport aux autres ; eile releve pourtant de l'espace figura4 justement parce qu'elle etablit des relations spatiales independantes des lieux.

Pour ce qui concerne les gammes chromatiques du paysage flamand, il est clair que la gamme des trois tons se deploie non seulement independamment de la couleur naturelle des objets, mais aussi de la position relative de ces objets, puisqu'elle rkduit arbitrairement la multiplicite des plans juxtaposh A trois ensembles ; elle suscite donc des relations spatiales qui dominent les positions respectives et les formes et couleurs des objets, au lieu d'étre conditionnées par elles, et ce, sans le secours d'une perspective geometrique stricte.

A ce propos, E Thürleman fait remarquer que la réalisation concrete des gammes, meme concues comme une gradation de tons constituants et de valeurs, n'est jamais, et ne peut pas étre reguliere :

"La gamme realisée sera articulée par des avancements et des retar- dements par rapport au passage continu entre les p6les de la gamme canonique7 ."

En effet, une fois poske la convention des trois tons et des trois groupes de plans en profondeur, la recomaissance des figures, la saisie des formes individuelles ne peut se faire que sur la base d'une modulation de la gamme chromatique ; toute irregularite dans la manifestation de i'espace figural serait donc interpretée comme une simulation de contours et de volumes, c'est-Adire comme une manifestation de l'espace figuratif oii se disposent les objets. Par conséquent, si les figures du monde naturel, ayant perdu en l'occurrence leurs couleurs et leur identite, ne peuvent étre

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LES ESPACES SUBJECllFS

reconnues que sous la forme d'accidents et de variations dans la gamme chromatique, on dira que (i) la gamme chromatique est une constante et les figures representées, des variables plastiques de cette constante, et (u) 1 'espacefigura1 est une constantepmrapport ¿2 I'espacejiguratiiqui est une variable.

La coexistente des deux types d'espace suppose donc une hiérarchie : I'espace figuratif est sous la dtpendance de I'espace.figural e t dans la thborie sbmiotique, ils seront situés A des niveaux de profondeur diftérents. Si on revient maintenant A la dimension cognitive, qui gere également ces deux types d'espace, il faut distinguer : (i) une modalisation cognitive absaaite, qui affecte d'abord les relations spatiales elles-memes, et (u) une modalisation cognitive figurdve, qui affecterait ensuite les positions et proportions relatives des figures. Cette distribution sur deux niveaux du parcours gtnbratif n'est pas sans wnséquence sur la dkfinition du Spectateur du tableau. En tant qu'acteur virtuel, dont les proportions et les mrdonnées spatiales se calculent par rapport aux figures représentées, il appartient A I'espace figuratif, et relkve de la modalisation cogpitive figurative ; en tant que sujet cognitif du regard,ordonnateur des principales relations spatiales - profondeur, diffusion, occupation, etc. -, il appariient A Pespace figural, et releve de la modalisation cognitive abstraite. On fera ici l'hypothbe que les actants cognitifi observateur et informateur, parce qu'ils participent Cgalement aux deux types d'espace, smt les opérateurs de leurréunification dans la perspective.

Une teiie hypothbe procure une explication homogene et unique a un ensemble de faits apparemment hétérogbnes. Ainsi, lorsqu'un espace architectural est interrompu avant le bord du tableau, ou separé de ce bord par un arc diaphragme, I'observateur n'est plus qu'un regard, n'ayant pas ac&, en tant que corps virtuel, a I'espace figuratif ; a I'inverse, quand I'espace architectural est coupé par le plan du tableau, le Spectateur retrouve un corps virtuel, dotC d'une p i t i o n relative dans l'espace figuratif.

Dans le meme ordre d'idées, E. Panofslry fait observer que, compart au SaUtt Jhome d'Antoneiio de Messine, le Saint Jérome de Dürer procure une impression d'intimitC subjective plus forte. Le Suint Jérome d'Anto- i nello de Messine est wnstruit selon une perspective frontale, et donne "l'impression de se trouver devant une représentation détenninée par les lois de 1'architecturea "; celui de Dürer, en revanche, gdce a une perspec- tive obiique, d o m e "l'impression de se trower devant une représentation déterminée par le point de vue subjectif du spectateur entrant B l'instantg" .

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PEWECTIVE, OBSER VAEUR ET INFORMAEUR 85

dernier présuppose en effet une rotation de l'observateur par rapport A l'espace representé, c'est-A-dire, conformément au modele des relations Spatiales, un mouvement paratopique de l'acteur virtuel ; la perspective oblique manifeste indirectement l'inscription du c o r p virtuel de l'obser- vateur dans l'espace figuratif en lui pretant un parcours anténeur.

Mais cette alternative - obsemateur avec ou sans corps virtuel - peut recevoir une autre interprétation, complémentaire de la premiere. L'espace architectural non interrompu, comme ia perspective frontale, qui doment l'impression que ia représentation obCit aux lois memes de l'architecture, supposent un espace organisé entierement A l'initiative de l'informateur ; inversement, l'espace architectural interrompu, ou en perspective oblique, suppose un espace organisé A l'initiative de l'observa teur.

11 ne faut donc pas s'imaginer que la coexistente de l'espace figural et de l'espace figuratif, ni meme la mise en commun des espaces d'énonciation et d'énoncé, est toujours contractuelle et harmonieuse. Le fait de poser deux opérateurs, l'observateur et I'informateur, iaisse place A une intersubject~té complexe, A des relations polémiques, A des confrontations et des dominations. L'informateur et l'observateur peuvent en effet se disputer ia mahise de l'espace figural et de l'espace figuratif.

Dans les exemples évoqués plus haut, I'enjeu est la maitrise de l'espace figuratif ; mais nous avons rencontré chez Van Gogh un autre cas : ia disposition relative des figures dépend de ia position de l'acteur o b ~ e ~ a t e u r , alors que ia dynamique de l'espace figural dépend de l ' a c t ~ t é lumineuse de I'informateur, ici representé concretement par le soleii. L'obsemateur contrdle donc et modalise l'espace figuratif par ia position d'obsemation, et l'informateur contrdle et modalise l'espace figural par la lumiere. La mise en commun des deux espaces se fait sous ia forme conflictuelle et rétroactive qu'on a décrite plus haut.

Dans ia mesure 06 ces phénomenes peuvent etre fondés sur l'interaction de 1 '0b~e~ateur et de l'informateur, ils relevent de la dimension épistémologique du discours picturaPO.

Pour ce qui concerne la perception de l'espace, G. Deleuze a introduit les notions d'espaces tactile, manuel, optique et haptique. Ces distinctions, apparemment fort éloignées aussi bien des obsemations de Panofsky que des propositions que nous venons de faire, relhent pourtant de la meme problématique. ?but d'abord, comme Braque, dans sa définition de l'espace tactilel l , Deleuze traite en fait des reiations entre les acteurs- sujets énonciatifs et les acteurs de l'énond. Dans une étude consacrée A

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86 LES ESPACES SUBJECTTFS

Francis Bacon, il précise :

"Le rapport de la main et de l'oeil est infiniment plus riche et passe par des tensions dynamiques, des renversements logiques, des echanges et des vicariances organique.. [...] Plus la main est subordonnée, plus la vue développe un espace optique "ideal", et tend h saisir ses formes suivant un d e optique. Mais cet espace optique [...] présente encore des référents manueis avec lesquels ii se connecte : on appellera "tactiles" de tels référents virtuels, teis la profondeur, le contour, le modelé, etc. [...] on parlera d"'haptiquem chaque fois qu'ii n'y aura plus subordination étroite dans un sens ou dans l'autre [...], mais quand la vue elle- meme découvrira en soi une fonction de toucher, qui lui est propre, et n'appartient qu'h elle, distincte de sa fonction optique12."

On retiendra ici que (a) i'espace optique est un espace abstrait de type figural, ou prkvalent les relations spatiales, @) I'espace tactile, celui des "référents manuels" de la vision, est proprement un espace figurutix celui des positions, contours et modelés des figures, (c) I'espace manuel, en subordomant la vision h la tache et au tracé, fait ressurgir la surface du tableau, et correspond en cela a l'espace topologique du plan de l'expression, et enfin (d) l'espace dit haptique, oil s'équilibrent le tactiie et l'optique, est cet espace interactif qui, selon nous, awc i e le figura1 et le figuratif dans la perspective.

1. Cf. "Quelques diverses qu'aient pu &re dans I'Antiquité les thCories de I'espace, aucune d'entre elles n'est parvenue A definir I'espace cornme un systeme de pures relations. Platon, par exemple, oppose les objets geomktriques et I'espace informe1 qui les entoure" (op. cit., p. 92).

2. Cf. "La perspective exacte nie par conséquent la dieerence entre devant et derriere, gauche et droite, corps et étendue interm6diairel afin de fonder I'ensemble des parties de I'espace dans un seul et unique quanturn continuum" (P. 43)-

3. Loc cit., p. 43. 4. Loc. cit., p. 43. 5. La beautk nue, A et H. Metzger et J.-P. Sicre, p. 1ó8, Phoebus, 1984. 6. Zbidem, pp. 150 et 47. 7. Op. cit., pp. 24-26. 8. Op. cit., p. 172. 9. Loc. c i ~ , p. 172. 10. Voir A ce sujet Le Sawirparfagé, op. cit., premiere partie. 11. Cf. "L'espace visuel separe les objets les uns des autres. L'espace tactile

nous sépare des objets. Le touriste regarde le site. L'artilleur touche le but (la trajectoire est le prolongement du bras)." (Le jouret la nuit, p. 26.)

12 Logique et Sensation, 1, chap. Xviil, "L'eil et la main".

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PERSPECTM?, OBSERVA E U R ET INFORUA E U R

4. SYMBOLISATION ET DESYMBOUSATION DE L'INFORMATEUR

La prockdure de symboiisation peut etre définie globalement comme le résultat de l'embrayagel. En effet, toute figure qui, au iieu d'etre dkbrayée e t intégrée A l'énoncé, se trouve associée ou prise en charge par un embrayage, est en quelque sorte "versée au compte" des sujets d'knonciation ; ainsi, dans les premien vers de ce poeme de Veriaine :

"Votre ame est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques",

le paysage, au lieu d'Ctre débrayk comme décor attendu des F2tes galantes annoncées par le titre, est embrayé, comme paysage intérieur d'un(e) supposé(e) interlocuteur(trice), et fait figure de symbole ; en effet, la suspension de la frontiere entre les figures de l'énoncé et celies de l'knonciation produit un effet analogique second ; A la diffkrence de la mktaphore qui présuppose une équivalence skmique, le symbole implique une équiwlence A la suite d'une opération d'embrayage.

Ces deux vers de Verlaine mériteraient bien d'autres commentaires, mais il suffira ici de remarquer que la figure énonde, passant de i'univers de ia non-personne (il, "un paysage") A l'univers de ia personne (non- je, '%ousW), perd son statut strictement reprhentatif pour acckder au statut symboiique, comme une sorte d"'abso1u discursif", qui n'appartient plus ni A l'énoncé proprement dit, ni tout A fait A l'énonciation, puisque l'embrayage reste obiigatoirement inachevé, et qui, par conséquent apparait comme une médiation entre les acteurs énonciatifs et les acteurs de l'énond.

Sionadmet que la mise en commun des espaces énonciatif Jénoncif, et la construction des points devue s'appuient sur les opérations d'embrayage et de dkbrayage, on peut s'attendre A leur voir jouer un r6le dans les proddures de symbolisation. La symbolisation de l'informateur, en particulier, puisqu'il appartient aux acteurs de l'énoncé, dépendra des embrayages cognitifs. Dans une définition opératoire, la symbolisation de l'informateur consisterait par conséquent (i) en un embrayage des figures-

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0

LES ESPACES SUBJECTIFS

objets qui constituent l'information, (ü) lequel se traduit dans les faits par une organisation de l'espace cognitif d'obsewation redondante par rapport a l'organisation de l'énond.

Mais l'instance de la mise en discours, ainsi que le sujet d'énonciation, est toujours double : un sujet collectif met en oeuvre des organisations sociolectales, et un sujet individuel, des organisations idiolectales2.

L'énonciation obdit de ce fait a deux types de macro-sémiotiques, et rdalise de deux manieres différentes les universaux sémio-narratifs : une socioculturelle et une idiocultureiie. Cette duplication est source de conflits, de compromis et d'accords ; en particuiier, dans le domaine pictural, oÍ¡ les peintres traitent le plus souvent de "sujets" déja mis en discours sur un mode sociolectal, par une tradition culturelle, on peut s'attendre a ce que les opdrations d'embrayagefdébrayage, qui assurent la syrnboiisation de Pinformateur, connaissent des aldas significatifs. De fait, l'application stricte du redoublement entre l'organisation sociolectale de l'information et ceiie de l'observation ne produit que des discours conformes, redondants, des effets de stéréotypie et de convention, pour peu que les contenus de l'dnoncé soient eux-memes déja bien instaiids dans la culture. C'est pourquoi nous nous intdresserons plut6t aux proddures de d&symbolisation, aux discours oÍ¡ le dispositif cognitif d'obsemtion n'est pas une réplique du dispositif narratif sociolectal de l'énoncé. Deux exemples, empruntés l'un a Lorenzo Lotto, lIAnnonciation3, et l'autre A Bruegel, la Chute d 'Icare4, permettront d'approcher de tels dispositifs.

4.2. L'ANNONCIATION (photo p. 194)

Dans le tableau de Lorenzo Lotto, le point de fuite est placé exactement sur la main levée de l'ange, ce qui ddsigne sans ambiguité le principe organisateur : on nous parle ici du "fairen de l 'hge , qui consiste A "annoncer", a transmettre l'appel divin ; le regard de l'obsewateur est supposé se situer A cet endroit, sur la moitié droite du tableau, et a hauteur humaine. Jusqu'A présent, le dispositif spatial de l'observation redouble le dispositif narratif de l'énoncé et nous prépare a une lecture symboiique.

Mais le fait que la Vierge tourne le dos a l ' hge , ce qui a été unanimement remarqué par les commentateurs, pourrait passer pour un refus de communication ; bien plus, eiie se tient a la limite de l'espace énond, prete a rejoindre l'espace d'obsewation englobant ; faisant face A l'obsewateur, et penchée vers iui, les mains tendues, elle tourne son

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: !su!e sapgmsp aii? iua~nad suo!ieIai sal ! aqdeiS un ins smuiiisq aiienb sal asodsrp u0 iued!:,!f~ed-iuwq~,~ - aqisap i!eia fi !nb e ancn ied asnjai ia '- ~naia:,adg a1 - aqisap sed isa,u I! lanbne !nlm id nki isa ub!p asesmur al IJO 'a1exopeied uopmqg

:/noAes iopo~ sed au/ np srnmied un (2)

: /i!o~es-ai!q/ np srnmied un (1)

: s~~i!uSm srnmied xnap ~qieds fii~sodqp al suep aiijeuumi ap iawad iuappaid !nb sanbieurai sap alqurasua,T -,,up!p,, al ia ,,upuInq,,,I iasoddo,p iuailaunad ,,seq,, al la ,ineq,, al anb el= suoinolv

.aSia!~ el (,m,,) ,,$apua,,,l ap said 'ueld iayraid ne ani!s anne,l ia (y) '(,,mq-m,,) aSuv,~ ',,nap-ne,,,~ ap s?id 'inapuojoid ua ani!s un,r (!)

: s~nai:,e xnap ied ?dmo isa ,,dureq3,, al (2)

f (,?q,,) laniip maimmdg al ied adnmo ',@ap-ua,, un,p la (y) id admo

la (,,map-m,,) puoj np anbpd a1 ied aipinua ',,mapne,, un,p (!) asodurm isa ,,durq=~oq,, al (11

: sanbymds srnai:,e sap id ~dnmo IUOS xnepour sa3edsa siuaimp sal anb aiasuo:, u0 -anb!ur?xoid fii!sodqp np arprnap uaurexa un id saapuoj aii? iua~nad saqi!niu! sanbieurai sa=)

.uope;r:,uou~,p zoedsa,~ aipu!ob B aiydde,~ ia 'upop al ied Iqmua a3uoua zoedsaj i!nj aSiaw q anb i!ei!p u0 'anb!ureuAp anb!uraxoid ap sauriai ug .inaieruasqo,I 3ahe ianb!unururm ap i!vp un aururm iuaurananiuaq aaiaidialq aiia inad uo!i!sodqp alim 'vvour ueld nv .iaAnoii as asua:, isa I! no 'nealqa np $ap-ua,~ siaA pieSaJ

<\ *a.

Page 89: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SVBJECTZFS

Dieu (informateur)

Mane - !2nonciataire ( Assistant - Participant) (Speciateur)

lbut au conuaire, l'iconographie religieuse cherche A donner en spectacle, dans une perspective d'édiíication morale, la communication a I'intCrieur de l'enond, ce qui peut é u e visualisé ainsi :

Spectateur

L'irrevérence de Lorenzo Lottoconsiste, non pas A renoncer A la symbo- lisation iconographique traditionneiie, mais A lui donner une autre signi- fication. En effet, comme il a deja CtC observe, ia position d'observation redouble l'organisation de l'bnond, c'est-a-dire la configuration de 1'Annon- ciation, e t cette position d n c i d e avec celle oii aboutit, de fait, le message divin. Mais en meme temps, elle co'incide aussi avec ceiie oii on cherche 3 fiLw le divin : l'espace d'observation est en effet le demier refuge disponible pour l'acteur humain Marie.

En inscrivant l'observateur a la fois sur le iarcours cognitif de I'Annonciation, et sur le parcours pragmatique de fuite, on suppose ici deux embrayages contraires, qui confrontent l'Cnonciataire deux axiologies contraires : ceiie du divin d'une part, ceiie de l'humain de l'autre. 11 s'agit par consequent d'une ~ymboliran'on crlcique ; cellexi est rendue possible par la focalisation adoptbe, qui prbente 1'Annonciation - rCcit gdnéralement dominC par le divin - du point de vue d'un sujet humain. Aussi le "symbole" sera-t-il en fin de compte celui d'un espace (entendons : d'une vie) humain envahi par les programmes et les valeurs proprement divins.

Page 90: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

I 4.3. LA CHUTE D'ICARE (photo p. 194)

i Dans le tableau de Bruegel, on cherche, et on trouve difficilement, S lpévénement indiqué par le titre : en bas, A droite, une jambe hors

de l'eau, Icare est en train de se noyer. La vue plongeante suppose un observateur humain, perché sur la colline ou un paysan laboure a mi-pente. Le personnage d'Icare, ainsi que l'événement dont il est victime, sont marginaux dans l'organisation spatiale de l'"informateur" : ni exposé, ni disposé sur les directions principales du regard ; le peintre a meme été obligé de d o ~ e r h la jambe, qui emerge encore, une taiiie disproportionnée par rapport au navire voisin, sinon eiie serait passée totalement inaperpe.

Pourtant, la position de l'observateur étant íixée en bas du plan du tableau et A droite, elle coincide avec la plage oh Icare se noie, ce qui, dans un espace "mis en commun", constituerait une relation proxémique favorable. Mais l'espace énond est de fait composé de d e n espaces discontinus. Dans le premier, Les lignes (les sillons) et les mouvements des personnages et des animaux sont globalement orientés de droite A gauche, a l'opposé de l'événement mythologique, en quelque sorte ; c'est un espace terrestre, et dominé par les tons chauds (beiges, bruns, deux taches rouges). Le second espace est maritime, globalement orienté obliquement, de la droite vers le haut - les bateaux, le vent, les d t e s rocheuses - et dominé par des tons froids (bleus, verts et blancs). Pour ce qui concerne l'observateur, on constate :

(i) d'une part, qu'il est le seul A se situer - excepté un homme en contre-bas - dans le secteur du tableau ou Icare se noie ; mais l'ensemble du tableau impose une lecture divergente A partir de ce secteur : vers la gauche pour l'espace terrestre, et vers le haut pour l'espace maritime. La découverte du tableau et l'organisation de l'information emptkhent par conséquent l'observateur de s'arreter sur l'"év6nement" et l'obligent A l'oublier ;

(ii) d'autre part, Icare appartient h l'espace maritime, alors que l'es- pace le plus proche de l'observateur est terrestre ; les lignes descendantes, sur la coiiine, orientées vers la gauche, la proximité du laboureur, sa taiiie comparable A celle de l'observateur, tout ancourt A intégrer ce dernier a l'autre espace, celui ou on ne se préoccupe pas de la chute d'Icare, et oii on s'en &arte sensiblement.

Ajoutons ii cela que l'espace oii se trouve Icare est bien celui du voyage, de l'aventure et du mythe, dont les mouvements sont orientés vers

Page 91: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

vad aiina'p a~puou? uo!imyliuap!,l / iajmmu&~odqp al D 'ried aun'p aqiapuou? uo!ieJgiuap!.l la ~3.1~203

JpsOdnp al wua eoy3 ap a%!~qo isa aneiqauoua,~ la 'iap!au!oa iua~nad au 1 suo!imgiuap! map sal 'EIdoio1pi~q 1ua17 ?M ap iulod 91 la iuauiau9qrS.~

ja%anra zaq3 wulojslp iuwa j!ie.ueu gi!sodqp al la jp!u%m m!sodqp cq -inaiwds al ia aqei.uoua,l ama 'aqmwou? uo!imylluap! aun ia 4puoua,~ ap srnai3e sal ia ai!aq3uou?,l anua a+uout, uopmy!iuap! aun : ai!aepuoua,~ S sasodoid iuos uopeJypuap!,p xnewu xnap 'qej aa

saqepumas no wueylu%!su! iuauiuiaiedde 'a8tísqp saurw&ld sap suawqaawvd iahqura inod 'aioiyq,l iau!urop 9sua3 isa !nb suawau?q,l ah~qpp w : auraur el isa uo~iies~~oqwÁs el 'anbu~qdsourie no assaq i!os a~riaadsrad q anb 'iuw!urop no gsnpxa i!os aM ap iu!od a1 ano 'aups q ap a!tied auuoq aun iuaqam la a1ni!1inou el iuaiiod !nb 'srnai.uas sap led adnmo isa uqd ra!ward a1 ! alqaAnoiiu! 'qyeur a1 ia 'alq. aupd 'alles q ap puoj ne isa aa!~eur q 'mmu ap mdax q su~p ! iapua inoi qo~3 ap .uaq3 al aiuasydai !nb aedsa un,p nagur na snpiad ia 'asuauIuq apoj aun suap s?Áou iuos neapiej uos la iqq3 al 'qw ap suawauod q SUBP : uapuv,l lasanla zaq3 iuanbaij srname,p isa seo aq

~auuo!i!peii aurqqi un,p sodoid v anbg. uogeqoqds aun amua : ia!uiaid np sainiuaAe sal lnod spumas sap a~ua~a~gpy,l auos anb~anb ua a~v~sy~oqurXF mb Q -?Áaiqwa iuawana!ried aAnoii as ,ua!p!ionb np sawuroq,, sap !nla 'aq~ue~ai ua ! a~gepuou? uogahla~qo~~ e rioddw ied aÁeiqap iuauraleioi isa anb@o~otpÁur soiaq np sraApn,q -a!301oqlkur q ap soi?q sap ana3 ild, anne,p ia 'ua!pponb my map saururoq sap aria uad aun'p : safdqqa xnap anua uop!soddo aun aieisum uo '!ssna VI ! aiiii al id puouue isa ~!,nb la1 'puoua'l ap jpeueu nuaium al iuawalwpel i~parlum uo!ieuasqo,p uop!sod q

-.-+olo~xe 'qpein%y srno~ied 'sanbpeuatp salgi 'srnaInm : uo!ieuasqo,p aadsa,~ gn3puo3 auoz el FJ asoddo inoi anb auoz aun q iua!uedde ale31 '=misa un suep ipsq ~naya,nb iuei ua (2)

!...uon!s np inoq al srah 'ai?!urnl q srah ?!alos q siah : uo!i~sodu~m q ap saiua%ia~!p suowanp sq sainoi iuasqen qo 'nealqn np aiiau! auoz el suep a3qd puaid I! 'O M

ana no~ap sed au/ no /M ana sed au nomod/) iuaura~geÁ3?u pjgepour 'again3y ,,auqfies,, sues 'a~qt?a%@??u iafqo aldurs ! inaieurloj.,l ap npxa isa aieq 'a~!i!uSm uo!suauqp el 1ns aniy iunaa'nb iuei ua (1)

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Page 92: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

/ Cela revient en fait jouer I'lhumain 1, avec ses programmes d'usage

et son axiologie du quotidien, contre I'/h6roiquel, avec ses programmes de base, ses dvdnements ma~qU¿3nts, sa dramatisation. 11 faudrait ici introduire une distinction entre I'organisation Vnmaneníe et I'organisation fianscendaníe de I'espace pictural. L'organisation "transcendante" est procurde par le sociolecte et le theme hdroique ; elle suppase ici un informateur sous-jacent de type "mythique", et une axiologie herolque que devrait assumer un dvmtuel narrateur ; I'organisation "immanente" e.t ceiie de I'idiolecte propose par le tableau ; elle suppose ici un c'informateur" sous-jacent de type "humain", et une axiologie "anti- hdroique" que doit assumer le Spectateur effectivement construit par le tableau.

De fait, I'investissement semantique prealable des structures sémio- narratives - qui elabore un mythe, un theme héroique, ou un stdréotype - est contredit et defait par la mise en discours. Ce n'est pas par hasard que I'organisation immanente, contradictoire et critique d e la premiere, est devolue aux sujets énonciatifs, résultant des debrayages Iembrayages. 11 en ressort que le choix entre les deux tendance. de la perspective picturale n'est pas seulement une affaire d'epist4mologie. Entre les d e n tendances, représentkes respectivement par I'organisation transcendante, qui objec- tivise, et l'organisation immanente, qui subjectivise, se joue un systhe de valeurs. C'est pourquoi I'dnonciation Cnoncée apparait ici wmme le lieu méme des d&négations critiques du mythe, de I'histoire et de la iradition humaniste.

1. Cf. Greimas et Courtb, S&rn¿ofique. Dicrionnaire ... , article "Embrayage". 2. Cf. Greimas et Fontanille 90, chap. "A propos de I'avarice", "La mise en

discours". 3. L'AntumcÚatiOn, Museo Civico, Recanati (Scala). 4. La Ch#e d Ycare, Musées royaux des bcaux-arts de Belgique, Bruxelles.

Page 93: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES S7ZüECTFS .

3

. -* %?

5. THÉMATISATION DE L'OBSERVATEUR

5.1. LA RÉDUCTION DE LA CONFIGURATION DISCURSIVE

La mise en commun des espaces est une source inkpuisable de manipulations thematiques e t narratives de I'observateur. Elle suppose en effet qu'en tant qu'acteurvirtuel il appartient au meme univers actoriel que les sujets de l'énoncé. Ce qui va se passer est prMible si, comme i'aíñrme Greirnas,

"un acteur est ainsi le lieu de rencontre et de conjonction des structures narratives et des structures discursíves, de la composante grammaticale et de ia composante semantique, parce qu'il est chargé a la fois d'au moins un r6le actantiel et d'au moins un r61e thematique qui précisent sa compétence e t les limites de son faire ou de son &trel*,

l'acteur-observateur virtuel pourra se voir attribuer des rbles thematiques cohtrents avec ceux de l'Cnonu5 ; d'autant mieux s'il ne comporte que t r h peu de caractéristiques figuratives. Par ailleurs, s'il est peu déterminé, il est, virtueilement, I'acteur d'un grand nombre de roles, et le choix d'un r61e particulier sera une réduction :

1 "... La réáuction d'une configuration discursive a un seul parcours i figiratifréalist ou réalisable dans le discours2."

Si la reduction au r6le thCmatique passe par I'inscription de I'acteur sur un parcours figuratif, la reiation praxtmiqueentre I'observateur et I'infor- mateur sera determinante. En effet, pour peu que le parwurs figuratif en question comporte un deplacement, des positions relatives d'acteurs dans I'espace, entre autres, la proxemique observateur/informateur peut seMr de connecteur entre la dimension cognitive et la dimension pragmatique ou thymique : combien de Spectateurs de tableaux sont ce& coincider, par rapport a I'espace dnoncé, A un badaud, A un figurant, A un des membres d'une assemblée ou d'un groupe ! Dans le Repm de noces, de Bmegel, le Spectateur est un des serviteurs qui s'aíbirent, A I'kcart de la tablée ; dans le Banquier et su femrne, de Quentin Metsys, le Spectateur est un client, A distance normale du comptoir ; dans la Lkgende de sainte Ursule, de Car- paccio, le Spectateur est un badaud sur le quai, face au grand canal, et un personnage secondaire place dans la barque la plus proche le regarde

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PERSPECTIVE, OBSERYA E U R ET Z N F O R M A E m 95

' CP

\\ -\. directement.

En somme, la conversion des positions relatives des acteurs et des lieux dnoncks en organisation cognitive de l'espace, par rappon A un obse~vateur, est reversible ; la position relative de l'observateur, par rappon aux acteurs et aux lieux de l'bnoncd, est A son tour interprdtable comme p i t i o n d'un acteur vinuel dans un espace commun occupé par les acteurs de l'dnoncb : celui-la béndficie de la méme rdduction thdmatique que ceux-ci

5.2 L.ES BOURREAUX DE SAINT SÉBASTIEN (photo p. 195)

La série des Saint Sébmtien oflre, comme l'a excellemment montrd J. paris3, une variatiqn autour de la meme question : que1 est le degrd de responsabilitd de l'acteur-observateur dans le meurtre ? Nous retiendrons plus particulibrement le Suint Skbmtien de Mantegna4 pour examiner comment l'organisation cognitive de l'espace, en manipulant les relations pmdmiques entre l'obse~vateur et les acteurs de l'dnoncd, thdmatise le premier et l'identifie aux seconds.

Dans ce tableau, la ligne d'horizon est située A hauteur des jambes du martyre ; les ruines, le personnage central, la colonne A laquelle il est adossé, la ville en arribre-plan sont tous saisis en contre-plongde, dans un angle de vision qui situe l'observateur en contre-bas ; les lignes du batiment du fond et l'dclairage semblent indiquer que le "centre d'intdret" (l'informateur) est situd A droite ou au centre droit ; en outre, la taille du personnage central, et le rdtrdcissement latdral du champ de vision autour de son corps et de la colonne, supposent une vision rapprochde.

Rbultat : i'acteur-observateur Wtuel est supposd se placer dans la méme zone que les deux archers, en bas A droite, et t r b p r b d'eux. Si on ajoute que les regards des deux archers suggbrent une conversation A trois, intdgrant l'acteur-observateur, ce demier se trouve inscrit de fait sur leparrcmrsfiguratif des bourreuux, et la configuration discursive du "point de vuen se trouve réduite au r81e thdmatique du "meurtre".

En outre, le programme est achevd, les archers s'approchent de leur victime et passent dans le champ de l'observateur ; ce serait en quelque sorte la sanction du programme, ce qui explique que la direction des flbches ne coincide pas avec la position des acteurs ; en schdmatisant, on pourrait dire que :

(i) la victime (le sujet d'dtat disjoint) est située "en haut" et "prbs" du

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LES ESPACES S VBlECUFS

spectateur ; (u) les bourreaux (les sujets opérateurs) sont situés "en bas", "A

droite" et "pres" du Spectateur ; (iii) les acteurs kuangers a l'action sont situés "en bas" A droite et

"loinw du Specta teur. La "proximitk" associe dans une meme zone de l'espace énoncé la

victime, les bourreaux et le Spectateur, et correspond A l'espace 03 se dkveloppe le parcours figuratif de 1"'exécution". La position "bassen est

partage donc d e w caracteristiques spatiales avec les bouneaux (proximité I partagke par les bouneaux (sujet opérateur) et le Spectateur. Ce dernier

et position base) ; on peut considerer de ce fait qu'il est inscrit sur le parcours figuratif de i'"exécution" en qualité de sujet opérateur potentiel.

Tbutefois, aucun indice supplkmentaire ne pennet de décider dkñni- tivement que le Spectateur est bien un des archers ; on peut dire tout au plus qu'il appartient A un actant couectif dont certains membres sont les meurtriers effectifs5. 1

La répartition des acteurs en trois catkgories, en fonction de leur position dans l'espace Cnonck, est renforcée par l'organisation m&me de cet espace. On aurait ainsi (i) un espace rdservé aux acteurs "humainsw, espace urbain, construit et social, espace de la communication entre les hommes, situk "en basn (toutes les lignes - les fleches par exemple - vont vers le bas) e t (u) un espace comprenant les ruines monumentales, une partie du corps martyrisé, la colline et les nuages de Tarri&re-plan, d'oii sont exclus les acteurs humains. Le partage entre les deux conespondrait, grosso modo, la ligne d'horizon, c'est-a-dire h la hauteur ou se place le regard du Spectateur.

Celui-ci dispose certes de ces deux espaces dans son champ cognitif ; rnais la bipartition spatiale est aussi une bipartition module, et suppose deux faire cognitifs différents : (i) un regard "rasant* et plongeant, qui conjoint le Spectateur A l'lhumainl et au /vouloir/ faire souffrir, c'est- adire, ici, A l'espace de l'antisujet ; et (u) un regard ascendant, orienté vers l'espace de la transcendance, vers le lieu que le martyr contemple íui- meme, et qui conjoint le Spectateur au / uanshurnainl et au Idevoir 1 ne t pas faire souffrir ; ce second espace serait, ii titre d'hypothese, celui du destinateur et, A l'évidence, celui du sujet d'btat disjoint.

Si on considere maintenant l'bnonciataire, acteur et sujet unique, confmntk A cettedoubk modaüsation de I'observateur, ii n'a pas le choix : ce ne sont pas d e w lectures, ou d e w focalisations sur le m&me espace, mais un seul point de vue, la seule entrke posible dans le tableau, qui subsume

I

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dew rnodalisations opposées mais cornplérnentaires. On n'hhitera pas A reconnaitre ici la théorie du double transfert de R. Girard6 : au rneurtre de la victirne ernissaire sont associés A la fois le ddsir de cruautk et de destruction, e t le désir de réconciliation e t de rédemption ; le sacrifice est A la fois l'exutoire de la violence collective et individueííe et un moyen d ' a d s au sacré et A la réconciiiation. L'énonciataire doit donc S'identifier ici A un actant observateurduel, autant au plan moda1 qu'au plan dologique ; I'histoire d e saint Sébastien, y compris chez les hagiographes, dit-elle autre chose : aurait-il &té sanctifié, s'il n'avait été sacriíié ?

Dans ce cas encore, le dispositif cognitif redouble le dispositif narratif : Mantegna ne recule pas, on le voit, devant la symbolisation. Mais le plus intdressant ici reste le type de manipulation que subit I'enonciataire par I'interméáiaire du point de we ; le dispositif proxémique et cognitif lui impose le choix entre (i) s'identifier aux bourreaw, ou (ii) s'identifier a la victime, tout l'empkhant d e faire ce choix. Comme par aiileurs il

/ reste Spectateur dlun kvdnement acmrnpii, il est, que1 que soit son choix ou son absence d e choix, en position de judicateur-kvaluateu ; l'auto- evaluation, dans le cas de l'identification a w bourreaux, engendre la culpabilité ; l'hdtero-evaluation, dans le cas d e l'identification il la victime, engendre la compassion. 0il on voit que la thérnatisation de l'observateur entraine, par ses implications a w niveaw plus profonds de la signification, des investissements rnodaux, actantiels et passionnels cornplexes, voire contraires.

1. Du Sens ZI, op. cit., p. 66. 2. Zbidem, p. 64, souligne dans le texte. 3. L'espace et le regard, Jean Paris, 1965. 4. MusCe du Louvre, Paris. 5. Dans le S& Skbastien d'Antonello de Messine, le martyr est moins proche

de l'observateur, et toujours vu en contre-plongke, mais cette fois les fleches sont sitdes dans la direction du regard, attribuant directement il I'acteur-observateur le r61e thCmatique du "meurtrier". J. Paris y mil un "regard qui tue" ; notre formulation sera sans doute moins rkussie, nous contentant d'y reconnaitre "le regard d'un de cew qui viennent de tuer". Dans le parcours narratif, on est a la charnikre entre la performance (sujet réalid) et la sanction (sujet "reconnu").

6. La violeme et & sacd, p. 476. Des choses cachées depuir la fondation du m&, pp. 57,60, 126 ...

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LES ESPACES SUBIECTIFS

6. ESPIONS, VOYEURS ET OBSERVATEURS

DRs lors qu'on admet que la mise en commun des espaces d'énond et d'énonciation engendre une intersubjectivité, on peut prévoir des relations contractuelles et polémiques entre observateurs et informateurs - ce sont les seules que nous ayons dkcrites jusqu'a présent -, mais aussi entre différents types d'observateurs, entre différentes positions d'identiíication propodes a l'énonciataire. Et on a vu que la'typologie de l'observateur se nourrit d'un grand nombre de variables : it peut apparaitre comme Focalisateur, cornme Spectateur, comme e i s t a n t , cornme Assistant-

i Participant, e t aussi s'associer, en chacun de ces avatars, avec un sujet , thymique et/ou un sujet pragmatique i sous ces diverses formes, il peut 1 entrer en interaction avec les différents sujets de l'énoncé.

On voit que, tout en restant dans le cadre polyphonique qui fait actuel- i lement la quasi-unanimitk des théories skmiotiques de PCnonciation, on est loin d'une simple "communaute d'enonciation" ou d'une coénonciation coopérative ; de fait, 1'Cnonciation Cnoncke teiie que nous la concevons, et y compris dans la peinture, foisonne de sujets, de positions d'identifica- tion possibles pour i'énonciataire ; les quatre rkgirnes intersubjectifs prin- cipaux (la collusion, la discorde, l'antagonisme, la conciliation) pewent ap- I

paraitre aussi bien entre les sujets observateurs et les sujets informateurs, qu'entre les différents types d'observateurs eux-memes. La combinatoire est vaste et productive.

Une des configurations possibles, celle de l'erpimnage ou du voyeu- risme, spécialement riche en impiications passiomelies, nous retiendra ici plus particulierement. Ce type de configuration suppose tout d'abord une transformation du Spectateur en Assistant ; on pensera par exemple, au ci- nema, a certains travelling latéraux. Si le ou les personnages qu'ils suivent avancent dans un espace libre, on obtient seulement un parcours de Spec- tateur, qui reste acteur virtuel ; en revanche, si l'espace du déplacement ,

est encombré, si, par exemple, deux personnages suivent un chemin borde d'une rangée d'arbres ou d'un taillis, le traveliing se fait derrikre cet obs- tacle discontinu : les personnages sont donc vus de manikre discontinue ; on a alors un travelling "a éclipse".

De maniere assez surprenante de prime abord, le travelfing "a Cclipse" n'est pas seulement interpreté comme une limitation de la

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PERSPEClWE, OBSER K4TEUR ET INFORU4TEUZ 99

@mpt(tence cognitive, comme une alternance entre le / pouvoir observer / ,t le /ne pas pouvoir observerl, mais aussi comme une maniere de

sans Ctre vu". De fait, chaque limitation supplémentaire apportée a compétence modale du Spectateur se manifeste au plan figuratif par une détermination plus prédse de sa position, c'estadire par une spécification supplémentaire de ses caractéistiques actorielies et spatiales. En conséquence, le travelling "A éclipse" constitue un débrayage supplémentaire pour l'acteur-observateur qui - un peu moins virtuel, et un peu plus actualisé - appartient de ce fait a w acteurs de l'énoncé. Comme cet Assistant se retrouve au. meme niveau de circulation du savoir que les personnages observés, la question se pose de ia bienveiiiance ou de la malveiliance de son observation, de sa discrétion ou de son sans-g h e , ... cpest4dire des régimes d'intmbjectivird informatij%.

C'est pourquoi l'obsemteur du "travelling libre" reste un Spectateur, et l'obsemteur du "travelling A eclipse" pase pour un espion ou un vayeur, qui accepte que son "pouvoir observer" soit limité et discontinu pour ne pas t t re vu lui-mCme. A partir du moment oh l'obsemteur appartient au mCme niveau que les acteurs de l'énond, l'obstacle visuel vaut en effet, pour toutes les parties, et manifeste A la fois un /ne pas pouvoir voir / et un Ivouloir ne pas Ctre vu 1.

Une toile célebre du Tintoret, sur un sujet non moins célebre, Suzanne uu bah, mele Spectateur, voyeurs et contemplateurs sous la catégorie générale de l'observateur. Ce tableau presente 3 premiere vue un espace unique, oii les valeurs chromatiques et les fuyantes inscrivent une profondeur ; ce creusement unique de l'espace représenté ne peut btre attnbué, dans une conception classique, inspirée de la thhr ie de la perspective, qu'A un Spectateur unique. On peut montrer ici que ce Spectateur n'est qu'un acteur superficie1 recouvrant trois modalisations différentes, et trois positions subjectives différentes. L'espace hornogene et unique dont il Ctait question plus haut est en effet, pour le Spectateur, A la fois un espace du voyeurisme, de la contemplation et du narcissirme, si on renonce un instant A le voir exclusivement comme un espace représentatif, continu et isotope ; on constate que ces trois thématiques correspondent soit A des parties différentes de cet espace, soit A des dispositifs (ou des traits spatiaux) distincts ; ii ne s'agirait donc pas d'une triple lecture isotopique du mCme espace, qui resterait unique et homogene au niveau figuratif, mais bien d'une hétérogéndité fonciere de la spdz'alité elie-meme, sous l'effet de l'hétérogénéité modale et subjective. (photo p. 195)

Le Spectateur participe de l'espace du voyeurisme dans la mesure oh

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1

le dkcoupage du champ l'associe hévitablement aux vieillards-esPio& On en vena pour prewe le calcul référentiel qui s'applique au vieillard de gauche, pench6 au ras du sol.

En effet, ce vieiilard est pour partie obstnie et pour partie accessible. Si on confronte cette observation au fonctionnement canonique du carré moda1 de la mise en commun des espaces d'énonciation et d'énoncé, on observe que la figure du vieüiard est I'objet du parcours suivant :

1. Pour que ce vieüiard ne soit pas vu comme un tronpn de vieiiiard habillé d'un lambeau de manteau, il faut lui attribuer une partie cachée et supposer la continuité entre cette partie et celle qui est visible. Donc, ce qui powait passer pour obsmé est réinterprété comme Yiaccessible, et renvoyé au horschamp ; mais du meme coup, un horsxhamp rkférentiel est postule.

2. La partie visible est alors interpretée comme ce qui est accesible d'une figure appartenant pour panie au horschamp, et les parties directement situées sous le regard (Ie crgne, le visage, la main) sont considerees comme erposkes. !bit le parcours complet :

INACCESSIBILITÉ /(me pT du vétement) (crane, visage, main)

ACCESSIBILI~ OBSIRUCTION (ie vétement visible) @as du wrp et du vetemeni)

Dans ce parcours, I'espace obstrué / accessible, celui qui caractdrise les deux vieillards en tant qu'acteurs de I'énond, est interprétt comme le prolongement sans hiatus de I'espace ou se situe I'observateur, caract6risé comme inaccessible/expo&. Une telle homologation, qui résulte du "calcul" référentiel, a pour effet d'homologuer les deux espaces, et surtout de réduire le Spectateur au rBle thématique du vayeukme, parce qu'il s'inscrit sur le meme parcours figuratif, dans un espace devenu homoghe, que les vieillards voyeurs : de fait, la suture entre I'espace énoncé et I'espace d'enonciation, assurke ici par le vieillard, s'ammpagne d'une contamination thkmatique et modale.

Ledit "voyeurisme" sera en outre décrit comme un r&gime d'antago- nbme, puisqu'il resulte de la confronta tion entre un /vouloir / ne pas infor- mer, qu'atteste le mur de feuillage, choisi comme protection contre les in- tnis par Suzanne, et un /vouloir/ observer, dont tkmoigne en particulier

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la quete insistante du vieillard de gauche. Nous avons défini et dénom- ailleurs' cette confrontation particulitre "hdiscretion de I'observateur".

Cela ne conceme, prCcisons-le, que le Spectateur absuait, pour qui l'es- pace Cnoncé n'est qu'un espace cognitif (visuel).

En revanche, en tant qu'Assistant, acteur doté d'un corps virtuel, rénonciataire se dmrencie des vieillards, puisqu'ii n'est pas sépare de Suzanne par le mur de fedlage ; comme tout A l'heure pour le travelling "a éclipses", la présence ou l'absence de l'obstaclevisuel détermine le régime intersubjectif des sujets débrayés dans l'énoncé ; on dira que les vieiliards

I "espionnent", alors que l'énonciataire-Assistánt "contemplen ; pour ce 1 dernier, le régime est de conciliarion ; en effet, le fait que Suzanne n'ait pris 1 aucune précaution A régard des acteurs situés du cBtC de l'observateur peut : s'interpréter comme / ne pas vouloir / ne pas informer ; cette modalisation

est compatible avec le Ivodoir / observer de l'énonciataire-Assistant. D'oii S le régime dit de "conciliationn ; cette confrontation particuiitre, entre /ne

pas vouloir / ne pas informer e t /vouloir Iobserver peut Ctre dCnomm6e1 "acceptation de la cunosité".

Enfin, sur un troisieme registre, le Spectateur peut etre envisagé, mieux qu'une position spatiale et un acteur virtuel, comme un acteur pris dans les r8les thématiques e t les parcours figuratifs propres a l'énond ; a cet égard, la présence d'une piece d'eau immobile, a la frontiere de l'espace d'observation, est déterminante : cet auue miroir anaphorise le miroir de Suzanne, e t ouvre, pour l'Assistant-participant, la posibilité dese regarder aussi ; l'anaphore est meme complete puisque, comme l'image virtueiie de 1'acteurSpectateur manque dans le miroir d'eau - et pour cause -, l'image virtuelle de Suzanne manque dans la glace ; enfin, le traitement chromatique des deux surfaces est stnctement identique, au point qu'on peut se dernander si - mais point trop n'en faut - l'image Wtuelle contenue dans la glace n'est pas celle de la p i k d'eau, c'est-adire, pour qui aura bien suivi, ... l'image virtuelle du miroir oh pourrait s'inscrire ceiie du Spectateur.

Une fois inscrit sur le parcours figuratif du narcissisme, le regard de l'Assistant-Participant ne peut que conforter le regard narcissique de Suzanne, en posant l'image de soi -le "Moi grandiose", comme disent les psychanalystes -, comme objet de quCte potentiellement universel ; il y aura en effet autant de regards narcissiques pour conforter celui de Suzanne qu'ii y aura de Spectateurs de ce tableau, et le sujet Cnoncif narcissique contamine encore le sujet énonciatif : une coliection d'acteurs narcisiques (les acteurs-énonciataires) est en train de se constituer.

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LES ESPACES SüB.ECllFS

- '+ 9,

Le lecteur aura remarqué que la séquence : W

Spectateur - Assistant --. Assistant - Participant

qui résume la succession des dsérentes compétences d'identification proposées a i'énonciataire, est fondée sur la progressivité du débrayage. Ce qui est caractéristique, c'est que la pénétration progressivede l'espace énond par l'énonciataire s'accompagne d'un parcours modai, doublé d'un parcours thématique, voire passionnel. L'ensemble de la séquence a la forme suivante :

Ce parcours établi en partie empiriquement se revele conforme au parcours canonique que procure le can6 des régim& intersubjectifs :

conforté,, I ANTAGONISME pa"ag' redoublk cOuuslON

I

Admirarion l

accepide \.. ! CONCILIATION ': DISCORDE

SPECTATEUR

Aniagonisme (indiscrdtion de l'observateur)

[Voyeurisme]

11 peut enfin etre interpreté comme un parcours entre trois positions d'identification pour l'bnonciataire, trois positions définies sur la base des trois régimes dégag& :

-

Suzanne, IDENTIFICATION IDENTIFICATION Suzanne 1 POLÉMIQUE et les voyeuts, ses son admirateurs miroir, (Collusion) f ' , I (Aniagonisme) les voyeuts entre eux

' . ' \ Suzanna etson IDENTIFICATION '\-J IDENTIFICATION wntempiateur CONCILIANTE DISCORDANTE virtuel (Concilia tion)

ASSISTANT- P.4KTICIPANT

Collusion

[Complaisance]

- ASSISTANT

Conciliation (acceptation deiacuriosité de L'observateur) [Contemplation]

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Cette étude, quoique breve et incomplete, de Suzanne au bain, est &he en implications. ?but d'abord, eiie permet de montrer qu'un point de vue, mCme solidement Ctabli sur une construction plastique ne procure pas pour autant une lecture isotope du discours-énoncé ; il est en lui-meme un facteur de réduction des lectures possibles, certes, mais sans que le résultat soit obligatoirement univoque. En revanche, l'hétérogénéité textuelle n'est pas aléatoire : les changements internes A la configuration appelée "point de vue" font systeme et, en un sens, restent coréférents.

Corrélativement, i'identification proposée A i'énonciataire apparaít plut8t comme unprocesmsdynamique et scandé par des étapes, que comme un simple syncrétisme entre deux rdles, l'un interne, l'autre externe. L'es- pace subjectif qui lui est offert est organisk en sous-main par des transfor- mations modales, qui régissent son avancée progressive dans l'énond. Car, pour lui aussi, la diversité des instances d'identification ne se présente pas comme une dispersion aléatoire; meme si l'observateur apparaít avec plu- sieurs identités, Spectateur, Assistant, Assistant-participant, ces identités sont ordonnées et régies par le systeme et la syntaxe des régirnes intersub- jectifs.

Les apnces subjectifs d'identificntion dnns Suuuiiie au Qainpintoret)

I 1 Bpace du voycurisme

Bpace de la wntemplation

Énonciataire - SPECTATEUR

Énonciataire ASSISTANT -

CONCILIATION - Énonciataire ASSISTm- PARTICIPANT

[ - m e ]

l

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104 LES ESPACES SVñJECl7FS

- -0

9. Par ailleurs, les figures passionneiies retenues (voyeurisme, contem.

plation, complaisance narcissique) sont des effets de sens de la sensibili- sation des dispositiifs modaux sous-jacents, c'est-adire des confrontations entre les deux types de /vouloir /, essentieiiement. p m m e ces dispositifs modaux sont organisés en systkme, et sont dotés d'une syntaxe par le mo- dele des rkgimes intersubjectih, on peut en conclure que les diverses pas- sions mises A jour dans ce tableau appartiennent au meme microsyst&me passionnel, et procurent A Sknonciataire un parcours pathkmique ordonn6. En effet, les passions ne signiíient que dans la mesure oii elies appartien- nent A de tels microsyst&mes, et non en tant que configurati0.n~ isolkes ; Sintersubjectivitk informative, fondCe sur les modalisations cognitives, se prete paniculikrement A la sensibilisation, et A la mnstruction d'un te1 mi- crosystkme d'bchanges passionnels.

1. Ces tégimes intersubjectifs de I'échange de savoir ont Cté mis en place, dkfinis et denommés dans Le Savoirpartagé, op. cit., deuxieme partie, chapitre 4.

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iuaq!qxa 'uo!~es!ieur~qi q ~ed ~a!gn3p~ed ua 'i!o5ai p,nb sanbpueuras suo!ieu!urrai?p sal anb ~auuoi?,s sed inej au fl 's?npe~% ~%deJq?p ap ayas aun ~d 'uo!iepuou?,p mueisu!,~ ap uop!uy?p es i!dar rnaiehiasqo.1 anbqnd ! iueua~dms ap uau !os ua e,u anb!~qw iuauraqinoqe lai un

'?3UOU?,,l ap awj VI la apo3 al qoj VI Q pa sodord al luop @ap puom ap srnomp un ani!isumj!srns!pei?ur .- sanne anua 'a~!s~n3qp axeids q - scpo~d al ia - a~duraxa ~ed 'sanb!isqd no sanb!iueur~ saur%!pe,xed sal - aur?isÁs al qoj VI e aqqe j!srrwqpei?ur al 9aga ua ! uosqoyei ap ,,anb!i?od,, ia ,,anb -~?n%u!lk?J?~,, suo!~uo~ sal J!uny i!eunod a!~o%?im alla1 aun ! a~!srnmp -v~?ur ap suoyyenb snou anb puou?,~ ~ed ~naiwasqo,~ ap sanbpueuras qagua~od sap uop3npy aiim 'apo:, np aJ?!urnl ua aqur aiim lisa,=)

.arlne anal anb ~glnld uopmyp%!s anal aq e ,~naimads al a~edyd,, 'qiqg,p sodo~d p isno~d Janb~eurar i!ej al aururm 'aqp-e-isaI3 'ainnal aun la ,,p~e%a~,, un i!nnsum puou?,l anb aJ!p iuiline inoi ~nad no 'puoua,~ que%~o ia aq~epour aM ap ~qod )no1 anb !eu ua!q lsa a,s 'leq~a~ alxai al suep am ap síu!od sap sodo~d ?Mas -90 919 eC?p e p aururo=) .puou?,l ap ainixq ap apo3 un ~!ej ap ani!isuoo 'ane~epuou?,[ ~nod uo!ie3~luap!,p unm~ed np aqoiqnd!ueur uopmyp -m aun aururm p~oqe ia!uraid ne ajuafq~d as !nb 'uo!i3npa~ aila

.(s)anbpeur?w srnm~ed (srna!snld no) un e ~naiehiasqo ~nai3e,1 ap ia 1um3e,l ap fqinqluaiod wyw sap 'puou?,~ 3a~e sa~pem%y suopqa~ sap naf al ~ed 'uog3npar q 'auagnos e,[ uo aururm '1sa,3 : uogw?~draíu! aInas aun,nb qmmaJ inad au ana - maieuuojq,~ ap uopeqoqurÁs q srnan!e,p auurm - uogeyeur?V q auraum !nb m ~nod 'qw *puou?,l ap saoumsq SI 3a~e suoyeIar ap s~i!aq!ssod sap aururo:, nay pumas ua iuauralnas la '~J!~I~~uou?,I mod uogmypuap!,p ,,aqd, 1a muai#urm aururm auuowug !nb 'anrouane ahg~ao3 muasu! aun,p sanbgpds suo!)eu!uri.a)?p sal aunu<x, sq~?~dra~q a~ia nan Ja!ura~d ua luaA!op '~uiliq~,~ la ~nai4~ al 'Jnaiesgw al anua uopmpqp q iuagisnf !nb 'suo!yeupuJal?p sasragP sas 'iaga u3 .am ap siqod sq suep 1um3e ap ~srnmpiíl~ux a19J a1 aia!urnI au!ald ua iaur - uoprqieu?ql q - Jnalwasqo'l rnod anbguaaip luau~asqsahu!,p aipnm anahnou aun,p uopuadde,~

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LES ESPACES S i Z i l E m S

quelque chose de i'activite enonciative. On peut maintenant déñnir i'identification enonciative comme la

réappropriation, par l'énonciataire, de la compétence d'observation "i mise en place par le discours-énoncé, qu'il soit verbal, pictural 7

cinématographique ; on doit du meme coup renoncer A la décrire comme une simple "assimiiation", comme un syncrttisme',entre cet énonciataire d'une part et les divers types d'observateurs d'autre part. L'identification *

engage i'enonciataire sur une dimension métadiscursive dont le p r o p n'est pas obligatoirement de susciter une adhésion aveugle a un point de vue ou a un personnage. Puisque les positions qui sont propos& pour l'identifieation sont modalistes, thématish, voire s y m b o b o,, désymbolis&s, et aussi ordonnées et mises en séquence, la signiflcation de I'énoncé, c'est-adire, en l'occurrence, cene des suuctures sémionarratives, peut etre aussi bien remise en question, critiquée, relativisée que redoublée, surcodee, aussi bien détoumee, perturbée, que confirmde, exhiibée.

L'identification, en son sens courant, n'est qu'un aspect particulier de l'identification teiie que nous l'abordons ici. Le processus de réappropna- tion de la compétence d'observation peut effectivement étre programmé dans I'énoncé sur un mode fusionnel mais parmi bien d'autres possibilitc3 '

que nous explorons ici pas A pas. Cette conception élargie et processueile de l'identilication trouve,semble-t-il, un echo dans les thhries anthropolo- giques (R. Girard) et psychanalytiques (Freud, Lacan, M. Klein), puisque ceílesci y reconnaissent i3 leur maniere, et dans l e m propres champs de pertinence, d'une pan un parcours réglé d'opérations, et non point seu- lement une seule opération de syncrétisme, et, d'autre part, un principe polémicoantractuel fondamendal, dont l'ambivalence est i3 l'origine des divers avatars syntaxiques.

1. Cf. k J. Greimas et J. Courtés. Dictionnaire ..., op. cit., p.118. article "Identi fication".

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1.0. REMARQUES PRÉALABLES

Pour le cinéma comme pour les autr& formes de discours, I'énoncia- tion ne se limite ni A la question de la "voix" ni A celle des "marques" de I'instance de discours. La "voix",.qui serait en I'occurrence, ici, un "regard", ne rend compte que de la dimension pragmatique de I'énonciation, A la- queiie il faut ajouter une dimension cognitive et une dimension thymique. Par ailleurs, le propre d'une théorie sémiotique de I'énonciation est de fournir des p r d d u r e s de reconstniction qui permettent de saisir I'acte d'énonciation bien au-deli des marques morphologiques ou, si l'on veut, d'étendre la notion de marques Cnonciatives A I'ensemble des opérations de la mise en discoursl.

En outre, quand il s'agit du cinéma, l'illusion "techniciste" est d'autant plus évidente qu'elle a ici I'aiiure d'une évidence : la succession des photogrammes, la composition des plans, le monlage se donnent comme des caractéristiques irréductibles, et on en vient A définir le cinéma par la "matihre d'expression" (R. Odin 82). Malheureusement, cette voie se révele vite etre une impasse, parce qu'on trouvera toujours un créateur qui, tout en se disant cinéaste, projette des images ñxes, superpose les photogrammes, raconte I'histoire en voix off sur des images non narratives (Duras), etc. Et le cinema ne peut plus &ue alors que "ce qui se dit &tre du cinéma" (Odin 82).

Le paradoxe est superficie1 ; en effet, fonder la définition d'une sémiotique particulihre sur I'hypothh préalable de sa sphíicitt5, sans la construire théoriquement, c'est supposer que les pratiques sociales et culturelles élaborent dans les faits des sémiotiques autonomes e t cohérentes, ce qui est rien moins que prouvé ; nen d'étonnant ensuite si, dans I'examen des criteres de définition, empruntés teis quels a w usages

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LES ESPACES SUñ.iECnFS

sociaux, la spéciñcitt s'évanouit h mesure qu'on la poursuit. En outre, animés par le souci de wnstituer une discipline, les

sCmiologues du cinCma ont souvent tendance A s m f i e r tactiquement ieur champ en crCant des concepts qui compliquent la thdorie sans ajouter A sa 1 valeur opératoire. Ainsi, la "monstration" et l'"ocularisation".

Le concept de "monsuation", caractkristique, pour nombre d'auteurs, de l'énonciation cinCmatographique (A hauteur du plan), et dont on fait grand cas aujourd'hui, ne concerne en réaiité que le mode d'expression. 11 est vrai que le signifiant cinématographique, en tant que forme de Sexpression, spatiaiise - on devrait dire "topologisen -, aussi bien la durCe que l'espace, comme formes du contenu. Cette observation, fon banale au demeurant, explique de fait le dtficit morphologique en matiere d'expression du temps, et k, difficulté pour l'image de sortir du prCsent. Mais si on distingue l'knonciation et le mode d'expression, ce qui est la moindre des choses, on peut sans difficulté admettre que l

le mode d'expression installe a priori des dominances figuratives, et favorise ici, par exemple, la composante spatiale, et que, par ailieurs, SCnonciation cintmatographique ne manque pas demoyens pour traduire les débrayages temporels : changements de couleur (stpia, noir et blanc, etc.), traitements en isohtlie, indications temporelies concretes dans l'image, etc. La seule différence avec l'énonciation verbale tient alors A ce que le dtbrayage temporel (la "distance Cnonciative", diraient les partisans de la monsuation) se manifeste sous forme de systemes semi- symboliques localises, alors que les morphologies temporeiies du discours verbal appartiennent A des systemes sémiotiques coextensifs A la langue. Mais cette caracttristique est propre au mode d'expression planaire en gbntral, et ne conceme pas spécifiquement l'expression du dtbrayage temporel partir de l'énonciation.

'Quant A la distinction entre "focalisation" et "wul&&" (E Jost 84 et 87)' eiie se ramene ii la distinction entre le Focalisateur, r81e actantiel abstrait de la mise en discours, et le Spectateur, dont on h e les coordonnées spatio-temporelles par rapport A l'énoncé, et dont, Cventueiiement, les perceptions visuelles (et auditives, et ta ctiies...) sont rCfCrées ii ces coordonnées. Mais on voit bien dans ce cas que la composante perceptive n'est rien d'autre qu'une spécification pragmatique (somatique ici) du parcours figuratif du Performateur, et que le "regard2" ou "l'ouien ne sont que des manifestations parmi d'autres, Cventueliement priviiCgih par le mode d'expression, des restrictions ou augmentations de comp4tence pour l'observateur. On sait fort bien que les espaces pris en charge par le

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regard, l'ouie, le toucher ou l'odorat sont fort différents, et qu'il faut ou bien proposer une théorie dülérencielle des espaces perceptifs (comme le fait G. Deleuze), ou bien adopter une stratégie qui en neutralise provisoirement les différences. Le moyen teme, consistant par exemple a priviiégier le faire visuel, est une cote mal taillée.

l 1.1. LE CONTRAT FINIQUE ÉLÉMENTAIRE

De telles discussions, si elles ne suffisent pas A caractériser une tnonciation cinématographique spéciíique, encouragent pourtant a y distinguer des niveaux ; le contrat Cnonciatif nous semble analysable en effet en trois contrats qui impliquent et construisent chacun un type de sujet cognitif dflérent :

a) le contrat filmique Clémentaire, a hauteur de I'image ; b) le contrat cinématographique, A hauteur du plan ; c) le contrat narratif, A hauteur du syntagme e t du film. Examinons le premier. Un des traits spécifiques du cinéma serait la

"multiplicité des images" (Odin 82). A premiere vue, il s'agirait de la pluraiité du plan de l'expresion ; au iieu d'enchafner, par exemple, des phonemes qui constituent des lexemes et des morphemes, lesquels font défiler dans la chaine verbale des figures successives dflérentes, le film enchaine des figures répétées A un rythme déteminé et avec de tres légeres modifications d'un photogramme l'autre. La oii la chahe verbale o@re la concaténation d'unitb discretes pour produire les figures, la chaine filmique reproduit dans chaque photogramme l'ensemble de la figure en modifiant progressivement les seuls Cléments affectds par le mouvement et les fluctuations d'espace. On le voit, quand on a affecté la "multiplicité des imagesn au plan de l'expresion. on n'en a pas pour autant terminé avec la définition de I'image fiimique.

On peut considérer tout d'abord qu'il s'agit d'un certain traitement des figures du monde naturel, d'une certaine manikre de les mettre en discours, düiérente de celle adoptée dans le discours verbal ; cela revient a se comme hypothese de travail que l'enchainement des photogrammes n'est pas seulement réglé comme mode d'expression, mais implique aussi une stratégie spéciíique de la mise en discours, oii I'identité de la figure n'est plus la constante prbupposée par la succession des traits figuratifs, mais la constante présupposée par le mouvement m&me.

Le fait que la perception du mouvement dans I'image cinématogra-

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eaiine aun 1s ua suo!suaur!p qoa puoua adsa,~ suep sain3y sap uopewiojap aun,p no iuawmqdap un,p - ,,ainiml,, q - maurassgqel?,l la 'asoil:, aun isa uma,~ ap mejlns el g sasnaupunl suopeyeA xne gp iuauaAnow al : suopeuuojap ia s~uauraqdap sap iuaurasqlqei?,l la iuauraAnow np uopdmiad q ianilqiqp pioqe,~ qp inq fi 'uo!isanb apuoss q inod

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,j nw~uo~ np uqd na aiino ua a-iualuedde (2) i uo!ssa~dxa,l ap awJe1 a-mapiedde (1) : qe iuasod as suo!isanb xnaa .uo!ssaidxa,l ap ueld np i!oip ap aA?jai fi

ua ! jpda~ad ialns un,p Iansv dureya a1 suep sasnatqurnl suo!ieper\ Bp paudoid aun isa uogdaiad el suep !?es ,,iuauramour,,

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-anb!uqy ieiium np ainidni aun e szinqsum suas ap siaga sal no~aid ap iauiiad asnel:, aiia anb a:,ied 'ai!oieiado ina[m .aSeun,l ap ,inaiehi.asqo,, ua sawwaiSoioqd ap ,,inaidaqi,, np uopewiojsuen e[ yiueie% i!o~es~adAq,p asnel:, aun iuwioduim jpepuoua ieiium un 'anblwly a%eun,l ap ia!lnqiied sin al suep : awp-!nl inaiiehiasqo'l i!uyap 'aSeSuqei~w al suep 'rnb ai~epour aun isa qo~es.~adLq,l anb a:,ied 'muaiaq~ -auqyi el e ai!oieido inalm la muaiaqo:, s!oj q aiiodde uop!sodoid anal aun .aiueAnow uo!ssaidxa inal ap niied p 'siumeksnos ypeiieu sawwei%oid sap la spoid sap ,ai?jq 'iied aiine'p 'la 'nLad iuauiaAnow al asoduq inal anb suoyeuuojap sal la síuawmqdap sal ai%leui saidy sap ,ay!iuap! 'Iied aun,p '!nb noms~adXy un,p muaiqxa,~ 'anb!wly a'de. ua sau~wei'doioqd sap uo!iewojsue.~i el auimum !nb m inod 'ainpum ap iawiad uo!ssns!p a1133

-au?Soiaiaq iuawa~yap un,p stn a1 suep aiueu@ a~!ida:,iad assaied iuavap aua%owoq iuawalyap np sm al suep anbyau;tq muwqsiad irna !nb m la ! iapuoj as lonb ins 'iuqied iuauianb!io!wp 'uau e,u ana'nbqnd '!. sed iuawwappa ano[ au auualqiai muauewai q .,,sanb!wly sa%ew!, ua iani!isum sal ap alq!ssodtq isa 11 'saiine xne saun sal salqegiuap! sed iuos au sainsy sa:, go ainsaw q suea .iuawg. qyes sal aqnd inaimds al anb sues 'uei:,a,l ins iualyap snupumqp sawweiSoioqd sap 'uew%i~ ap 'vuuosq ap anb!iaua% al au%eduicme la apaqid !nb iuadas al suep 'aldwaxa ied f suas ap siaga saiine'p iyoid ne 'suy saiine inoi ap e qi!oldxa aiia inad sauiuiei8oioqd sap aipgdplnw el 'i!p qa~)

-muiewojsuw ai!leuopuaiq aun 1: la zieiieu auxwei%oid un 'j!iei~ua% smmd al suep 'aiioddei aila mqnd a,nb uop!pum a sain%y sap suo!imuiojap sap ia cuawa:,qdap sap uo!ssaidxa,p apow al isa anb~dw80iewaup a%ew,i suep iuawamow al : aiueqns uop!sodoid el e ialglre,s i!eiinod u0

'i!nnsu<MaJ la a~nWs suo!suauqp qoii e medsa un suep anb ~uai?idiaiq,s au suo!iewiojap la

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interagissent. Le cadrage, I'angle de prise de vue, la distance e t les proportions des figures par rapport a l'obsemteur sont des manipulations de l'espace - des "fluctuations d'espace" selon Branigan 84 - qui affectent le /pounioir-savoirl de I'observateur. Et ces manipulations prdsupposent toutes la mire en commun de I'espace d'énonciariovt et de I'espace énoncé, c9est4dire, comme ii a étd montrd auparavant, la modalisalion cognitive de I'espace enonce.

Sous-jacente au "fait technique", apparait ici la forme du contenu ; contrairement a la multiplicité des photogrammes, qui supposait un ddbrayage sur la composante temporelle, la multiplicitd des plans - qui peut aller jusqu'a I'infinitisation de I'image dans le cas du traveiíing dans I'axe - suppose un débrayage sur la composante spaliale.

Pourtant, si on peut considdrer que la multiplicitb des plans produit une succession de points de vue exclusifs, cette multiplicité est "avouée". Au lieu que, comme dans I'image isolée ou le plan k e , on impiicite l'occulté, le plan inséré dans le syntagrne, par le seul fait qu'il soit insdré dans un syntagme, avoue la focalisation et l'occultation qui le produisent. Aussi, puisque le plan apparait comme une unitd dans une pluralitd qui l'englobe, l'observateur est invite, A ce niveau meme, A reconstituer I'occulté.

La ddfinition du plan comporte une derniere clause, selon laqueile la distance de la caméra est évaluée g d c e au rapport de proportion entre les acteurs e t un personnage humain ; effectivement, dans 'a mesure ou ii n'y a que rarement convergente des lignes vers un point de hiite, la distance entre I'observateur et les figures serait la plupart du temps sans re@res. Mais, comme tout acteur appartenant a l'dnond est susceptible de varier en taille en fonction de la profondeur, il n'y a qu'un seul acteur qui puisse servir de référence et, comme en peinture, c'est celui qui ne peut pas etre reprdsentd, a savoir I'acteur-observateur Wtuel. Dans le cas du cinéma, a travers la dbfinition des d a r e n t e s tailles de plans, il est d'emblde posé que la distance perspective n'a de sens qu'anthropomorphe, et de plus rapportke au corps virtuel de I'observateur4.

En d'autres termes, cette clause spécifie le contrat cinématographique, et dkfinit le sujet-observateur en tant qu'il est un corps vVnteL Aussi, toute disproportion des acteurs et figures filmds produit une rupture de contrat. C'est le cas, tres généralement, du gros plan ; on en distingue de deux sortes : le "close up", qui focaiise le visage d'un personnage ou meme les yeux du personnage, e t Y'insen", qui focalise un objet ou toute partie d'un corps ou d'un objet. La transgression du contrat n'est pas de meme nature

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S--aedsa,p no 'sinai3qp no 'uo!~e,p 9iiun alnas q ap aseq el ins 'qnmuod uou saur%wuÁs sap aqeuuomi inad uo,nbs!nd 'aiuesylnsq isa uo!i~yap a1133 anb !nq,pino[ne i!es u0 .suogeni3uod xnap ap amoiua - ruaux%as un - sueld ap ai!ns aun auru103 z)a~ y3 ied !uyap isa aux%eluÁs q

-saaiuaqidai sain%y sap suo!uodoid sal sa9nle.451 iuos lanbnp nired e 'inaieuasqo,l e lani. &m un anquiie !nb daqdiourodoiqiue a~uai9~9i ap mq3 q e aaposse p! isa ana 'sawseiueqd ap auxioj el snos '9qlepour uou ~pdmiad ialns ne v!msse iuauxananiua~a i!ei9 anbpÁyi uo!suaw!p q qo 'anb!~qy ieiium ne iuawai!enucn (FE)

! ,sanbgdi?~i?oieur9p saugq,, sap i!npoid wd al 'ayqma Isye ,,mqiBds miedsa,,~ uo!iqai q e wgi% (!!!)

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: saiueyns sasnq~ sal iutiuodurm anbydu180muqu;l~ mrluo3 un ied 9puoj 1s maieMasqo,l 'uqd np inaineq q 'aururos u3

.uqd np maieluasqo -1ajns al muaimmo,~ ua 'anmengsap-iajns al lssne iuaqqeivp 'auraaxa m ?a (m 'amueiucy) 'mad 'as(sro%ue 'apnia!nbq : ai!weqisap np suo!ssed'sal iuanbyduq 'cvpnpy ienum np ainidru ainoi auwm 'mnidru sá;) -anb!qdedoima~q:, ienua, np ame3 aun suep iuaurasq3~ns un annucx, 'ppxm!-?p uoIe isa p!np ! uqd sol% ua ai~! qeuxnq a%mp un ai!dsg,nb inauai q ap iuauuranby3 asn aw3ur-!nl u!aisuaqs ia 'a%iel sn~d uqd ua ypm a%wuosrad un q ?posse pioqi?,p 919 sed e,u uqd soB ua Uwedde !nb a%e. al 1s anb!iuap! a113 inad iaga,?

(-211 'd 'sa1tov Sap wpnd) ;--alqurasua,p uqd un suep qid siuqdal9,p atqaua aun,nb alqelnopai snld ?o3 iua~ ueiq,~ ins yeid uqd solfd ua auqy plqm un,nb sqai mos anbgdei%oleuraup aip~ads~ad q ap qol m,,

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81 a

SdDrnS SZ3VdSZ S27 PII

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- -3

y>, (M. Colin)'. La définition du syntagme ne peut pourtant pas se limiter a des criteres morphologiques objectifs. Si les expériences de Koulechov sont probantes, ce n'est point seulement en ce qu'elles montrent le bien fondé du montage cinématographique, mais en ce qu'elles révklent que, quels que soient le . plans montés &te a &te, si le spectateur peut faire rhypothbe d'un trajet signifiant, il saura y retrouver des uaits communs.

De fait, le spectateur ne s'appuie pas sur des acteurs, des lieux ou des objets communs, mais sur I'appartenance postulée des éléments de chaque plan ii des figures ou des liew communs ; ce qui revient ii dire que la lecture d'une suite de plans cumme syntagme consiste h projeter sur cette suite I'hypothhe d'une activité associative, inhérente h l'énonciation cinbmatographique. Ce n'est que dans la segmentation que le sémiologue est amenC, pour isoler chaque syntagme, h repérer des ruptures, faute de ponctuations, et on ne peut pas infCrer de la rupture elle-meme une continuitC interne du syntagme. Cellexi, en effet, ne peut apparaitre que rCtrospectivement. Or, le spectateur est capable de supposer la continuitC des isotopies discursives au cours du défilement.

Dthir de continuité, intentionalite supposée, "cicatrisation imaginai- re" (Bonitzer 83)' on ne saurait dkider. Mais on est obligé de supposer un autre type de contrat fiduciaire qui fonde l'énonciation h hauteur du syntagme e t au-delh. Le spectateur ne peut en effet se constituer en Cnon- ciataire du film que s'il lui suppose le statut de discours ; pour ce faire, ii doit postuler des instantes intermédiaires, qui permettent de dCpasser la discontinuité des plans, puis ceiie des syntagmes, etc. Un hypersavou narratif s'exerce ici, qui réduit la discontinuité et instaure un mjd nmanr- discursif.

Bchniquement, l'enchainement des plans peut se faire de deux manieres :

(i) ou bien la caméra prend séparément des plans différents, le montage les jwtapase ;

(ii) ou bien la caméra prend en continuité des plans différents et son seul déplacement suffit h changer de point de vue ; on a alors un plan- séquence.

Une plus grande mobiiité des appareiis permet depuis plusieurs décennies au réalisateur de choisir entre i'une ou l'autre solution, que1 que soit le type de sdne.

Dans La Splendeur des Amberson, par exemple, Orson Welles balaie en de longs plans-séquences les sdnes de famille chez les Amberson, ainsi que leurs déplacements dans leur demeure. En fait, les plans-

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LES ESPACES SURIEmFS

- \> séquencs ont pour fonction daos ce cas d'inskler dans iespace meme de la famille un hypersavoir au travail, qui ne soit ni celui d'un observateur totalement extérieur - le Focaikateur du montage - ni celui d'un Assistant appartenant a la diég&se ; le choix technique aboutit a créer, dominant constamment le récit, un observateur disponible pour jouer les roles d'évaluateur et de juge ; évaluateur de la richesse et du bienetre, dans les plans de prkntation ; juge des comportements odieux et insupportables, par la suite. En outre, il interdit toute identification particuliBre au point d e vue de te1 ou te1 acteur, et favorise une identification englobante ; aussi l'énonciataire adoptera-t-ii la position du "juge" plutdt que celle de te1 ou te1 personnage de l'énond.

Quelie que soit la forme adoptée, on a toujours (i) un ensemble de points de vue et d'observateurs associés au plan, au cadrage et A la prise de vue, (ii) une homogéneisation du savoir, ou "embrayagen, qui installe un "hyperobservateur", interméúiaire entre Pobservateur du plan et l'énonciateur. La diíiérence entre les deux formes tient a ce que, dans le cas du montage, l'hyperobservateur est un FocalisaCeYr, dont le parcours ne peut avoir lieu que dans un espace d'énonciation abstrait, distinct de l'espace énond, alors que, dans le cas du plan-séquence, l'hyperobservateur est un Spectatatr, dont le parcours a lieu dans un espace d'enonciation qui est aux marges de l'espace Cnoncé, et ou il se deplace en continu6.

1.4. POUR FINIR

11 parait clair maintenant que les différentes caractéristiques du cinema sont sous-tendues par des formes du contend qui n'ont rien, prises séparement, de spécifique au septieme art. Cependant, la rencontre de plusieurs formes du contenu qui participent A une meme pratique signifiante confere a celie-ci une relative spécificité ; il a étC déja montrk que la spécificite du texte artistique (1. Lotman 75) tenait a l'entrecroisement de structures qui, en elies-memes, étaient tres générales ; il en est de meme du cinéma : la spécificité de ce mode d'expression découle entre autres de la présence de trois contrats énonciatifs hiérarchisés, de tFois types de sujets, de trois niveaw de mise en discours, de ces trois la justement :

(i) le contrat filmique qui définit l'image et le sujet filmiques a partir du défilement temporel des photogrammes ;

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aiouos np uo!uodoidqp aun - uos al mod aqdiouxodoiviue me13 el ap ainidnr aun uqq no : sa;MueAe ang iuqerrnod saqq~odÁq xnap ! muasrp q ied anage sed isqu qoainal ap auxnloA al '10 inaieids np iuaiedp sal su!p& sap aigaoi q la 'a~8uold-anuo:, ua la alquxasua'p ue~d ua 'aups el ap aux* nay np 'seq ua,p yqes sal ei9uxm q ! anbiiue aiivaql np inq ua inol 'savdlaa iuan8olqp sa8euuosrad qon : pie89 im e iuessaiaiq qii iuaux8as un nioduxo:, (9~61 'arra~aa-ia!uei~ arra!d) a42wj vs Q aurulaj au-,p inqap al ! inaiwasqo,l e iioddei id uo!squxa,p muaqp el iumb!pq giqai aumloA np la minos aun 1: alqmqinie aidoid auxnloA np ued q anej irop inaiwasqo,l : uo~iesuadurcn ap ~nqm un,p iassed as sed inad au ue~d np inap~~j~id q e uos np uo!inqrriucn q qeiy

-aqmdsrad uo!i:,niisucn el la anbpsqd uo!i!soduxcn q anb anp auxaux ne 'inapuojoid ua minos-sain8y sal ids!p e iuanqyucn saiouos suqd sal 'iaga ua 'anbydei8oieuraup ienucn al inod -ailmyl!p sues ai8aiu!,s uos al QO >!srnqpgieiieu la anb!vdei8oieuxau!:, sieiiucn sq '2

-quuo!im>alas !sule sauxnloA la saiquxp sap uo!i:,uoj ua sa~pdsai sminos sal asqeuucnai ~,nb (!n) ! algieds uo!i!sodsrp q e sanp suo!ieni:,n,nll sal aqleiinau ua p,nb (E)

! snbad sauxnloA sap la saiqqi sap uoqeieduxo:, aun aqqaa inaieMasqo,l anb (!)

: asoddns 'xnex~ uou no xnmA 'suos sal la silnrq sal 'sqirpne sain8g sap uo!imgiuap!,l 'iap u2 *- aiouos auxnloA al iuesquy9p - sapnirlduxe sap la - saiquxp sal iumyyap 'sanbyouuq smuanbyj sal iuauxalla!iuassa - wuanbij sap nued e saqrpne sa'deq sap asoduxcnai inaiwasqo,l iuauxuxcn ireianuour 'anb!isncne-o!uxas ai!oA 'anb!isncne apnia aun 'asheue,p nmNu m e ! qprpne sgidmiad sr!o~es sal :,%e qoA e uau iuo,u ieiiucn m e a:,gi8 sa8euxi ua s~oduxomi sai!auauxgla sgidmiad sr!o~w sal anb auuop iuaa ?id aunme e,u uos al $0 anbiuqy ieiiucn q -1 :anua iadqiqp =ole eipnej I! 'uos-m lid e iios un ai!g e iuap uo !S

:nmA!u auxgxnap ne ',,9qqieds medsa, auuoj q ap aun 'neayu auxaiqoii ne la iquxaid ne ',,pgeioduxai sduxai,, auuoj e1 ap xnap 'sauequcn! sasnq:, qoii auoduxo:, gie~uoua ieiiuo:, q anb suoino[v

-sa&aulZs sap la suqd sap allaioduxai uorssmns q ap qiied t: 'uo!ierreu-uopwasqo,p muasu! aun la 'anbydefioieu~au!:, -8a!~ el la anbpeux8auÁs el qoj q t: i!uyap !nb >!ierreu ienucn al (!n)

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anb!qdei8oieuxaup uqd al i!uy?p !nb 'anb!qdei8oieuxau!:, ienucn a1 (n)

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LES ESPACES sUBJEC~FS

et de l'audible - ou bien la présence d'un informateur doté d'un /pouvoir faire entendrej particulier ; c'est, eu égard Tacoustique du th&tre grec, bien entendu la seconde solution qui s'impose ; allusion culturelle tout de meme résewée a w "happy few" dans un film qui appartient au circuit commercial classique. L'informateur qui abolit les distantes sonores est donc ici le théatre antique ; du meme coup, il confirme la distance visueiie.

Pour le contrat narratifaiscursif, les sons participent au montage, assurent des transitions entre syntagmes, soulignent des rvptures, qu'ils soient diég6tiques ou pas.

11 en est de ces trois types de contrats comme des instantes choisies empiriquement dans la multiplicitd des combinaisons possibles : il s'agit en somme d'un modele culturellement marqué, en particulier par les exigences de la représentation. On a pu montrer que la prdsentation en niveaux des instandes 6nonciatives et donc, en particulier, des contrats énonciatifs, derive directement d'une conception reprbsentative et référentieiie du discours7. Le chéma ne manque pas en effet d'instanoes subjectives, comme nous le verrons par la suite dans Mopl h Nnise, qui transgressent e t perturbent la hiérarchie, qui violent les fronti6res épist~mologiques, et qui, quoique irreprésentables et invraisernblables, sont pourtant tout A fait lisibles, et parfaitement intégrées des films de facture classique. 11 faut donc convenir que, pour la clart6 de Te+, on a ici privilégié une présentation théorique en niveaux, alors qu'une présentation en réseau serait plus adéquate : nous y viendrons en temps utile.

1.. C'est pourquoi nous ne pouvons souscrire a la dehition proposée par M. Lagny, M.-a. Ropars, P. Sorlin, pour qui une "maque fonnelle d'enonciatim" se reconnaft aw "déplacements particuliersde la camera ai (aw) effets spécifiques de cadrage et de montage mobilisant une intervention autonome du discours filmique." ("Le rkit saisi par le film", in Hon C h , no 5 p. 117). Cette dkfinition revient B réduire les marques d'énonciation B tout ce qui n'est pas fonctionnel dans la dieg-, une "cenaine manikre de raconter".

2. Les hypersavoirs d'identification et d'inference sont dkfinis dansLR pattagé, op. cit., premibre partie.

3. Lorsque J. Marey, dans ses expériences photographiques, déamposait le mouvement d'un mureur ou d'un cheval et le dispasait sur une seule surface de tirage, il distribuait la pluralite debrayée uniquement iur la composante spatiale de I'expression; inversement, lorsque le discroun verbal disperse les traits figuratifs discontinusd'une &me figure en mouxment, il ditribue la pluralite dtbrayée sur la composante temporelle de I'expression. Le propre du cinema, c'est, au contraire, d'exploiter le complexe espace-temps du plan de I'expression pour y distflbuer la pluralite des aspects d'une figure en mouvernent.

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4. En un sens, cette clause concerne aussi le son, et sans doute plus fortement encore. Que toltrons-nous comme son "off", au sens de "non ditgttiquen ? Desvoix humaines, de la musique :des sonsculturels, conventionnels, anthropomorphes. Imaginons simplement ce qui se passerait si on entendait, totalement hors diégese, des grognements d'ours ou un concert de sirenes de bateaux, voire une intensité sonore hors de proportion avec I'tchelle de fréquence propre B I'oreille humaine : un scandale ou, au moins une rupture d e contrat, c'est- a-dire la transgression de la clause anthropomorphe ; en revanche, pour un son "in" ou ditgttique, cette clause ne joue plus, et la tolérance est beaucoup plus importante.

5. "La grande syntagrnatique revisitte",Actes ~ k m i ~ q u e s , B paraitre. 6. La distinction entre les deux formes du montaee -interne/externe -

confirme le fait qu'entre I'observateur du plan et le nkateur l ta i re pewent s'instrer plusieurs instances plus ou moins englobantes ; on rencontre un dispositif comparable chez Proust (Le Smirpartagk, op. ck), puisque le narrateurltaire finalement construit dans Lo Recherche n'est que I'aboutissement de conquetes successives de I'observateur, qui parvient a dominer progressivement ses propres savoirs partiels, et A aboutir en fin de compte A un savoir narratif englobant. Ce qui confirme aussi, plus gtnéralement, que le narrateur n'est rien d'autre qu'un observateur sanctionnt positivement A la fin de son programrne e t que, par conséquent, la cattgorie de I'observateur englobe celle de narrateur.

7. "L'tconomie du savoir dans le film", Hors C&, no 5, 1987. J. Fontanille.

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LES ESPACES SUBJEmFS

2. LA MODALISATION COGNITlVE DE L'ESPACE AU CINÉMA

Les différents contrats enonciatifs, instailant chacun des observateurs, peuvent etre considkres comme les fondements de la manipulation du lpouvoir savoir/ de ces observateurs, manipulation des limites et des

, transformations de e. Ipouvoir savoirl. En ce sens, ils participent B la construction de la compétence du sujet énonciatif, et, dans la mesure oh ils comportent des composantes spatiales (et/ou temporelles), ils reglent la modalisation cognitive de l'espace, telle qu'elle a été définie prtkédemment :

(ne paa ne pas (ne Pa pouvoir savoir) pouvoir savoir)

EXPOSITION INACCESSIBIL~I?

ne pas fpolivoir savoir) (pouvoir savoir)

ACCESSIBILITI~ OBSTRUCTION

La plupan des faits techniques - découpage du champ et cadrage, profondeur de champ, mowements de caméra et montage - trouvent une interprétation modale dans ce cadre. Ainsi, le cadrage établit le partage entre 1'"exposé" et I'"inacoessiblen, tout en exploitant la syntaxe du modkle, grilce aux changements de cadre : l'"inaocessiblen devient "accessible", puis "exposé", tandis que l'"exposén est "obstruéw, et finit par devenir "inaccessible". Le jeu entre le champ et le hors-champ peut &re par ailleurs compliqué par le fait que la modalisation cognitive est parfois assurée aussi par un observateur debrayé ; ainsi, te1 personnage, qui reste "inaccessible" pour le Spectateur, sera "accessible" pour un Assistant, dont

ji le regard dirigé vers le horschamp signalera la présence de l'autre. Puisque la profondeur de champ prend en compte les positions

relatives des lieux et figures par rapport A l'obselvateur, elle est, au plan

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modal, en tous points semblable a la disposition "en profondeur" dans un tableau perspectif. Les acteurs et liew du premier plan, qu'aucune " o b ~ t ~ ~ t i o n " ne menace, et dont la seule limitation est le cadrage, restent en "exposition". Les acteurs et liew des second et dernier pians, non directement offerts au regard, se partagent alors entre "obstruction" et "accessibiiité", selon divers parametres dont on ne peut faire la liste exhaustive, mais dont on peut citer quelques exemples :

- la disposition par rapport a ia direction du regard peut soit faciiiter - c'est le cas dit de "rassemblement" -, soit limiter - c'est le cas dit de "dispersion" - les jew d'obstruction ;

- les acteurs qui apparaissent en arriere-plan, dans une faiUe des frontikres du champ - une porte, un rideau -, et permettent l'intrusion du hors champ dans le champ, relbent de l'"accessibilitf3" en ce sens ob eUe est strictement une négation de I'inaccessibilitC ;

- le traitement en "flou" ou en "net", qui est techniquement la 1 premiere definition de ia profondeur de champ, determine lui aussi l'"accessibiiitC" des figures pour l'observateur. 11 a CtC montré, a propos de WeUes et Godardl, que la profondeur de champ pouvait prendre deux formes contraires : la stratification et le creusement, qui powaient &re

I mises en crise, et dialectiquement depassées, chez Godard en particuiier, par des formes "iabyrinthiques", qui preparent l'emergence d'autres formes e s t h C W s de la profondeur. Ces distinctions concernent notre propos dans ia mesure ob eUes ont un fondement modal : le Ipouvoir fairel, aussi bien pour le dtpiacement des acteurs dans le champ que pour le dCpiacement de I'observateur-carnCra, r ep i t des dCterminations et une distribution dans l'espace dBCrentes selon que ia profondeur est "creusée" ou "stratifiée". Dans le premier cas, c'est l'axe du regard qui est porteur des /ne pas pouvoir ne pas fairel et des Ipouvoir fairel ; dans le second cas, ce sont les strates perpendicuiaires a l'axe du regard, y compris pour l'observateur situC sur sa propre strate, qui portent les Ipouvoir fairel et Ine pas pouvoir ne pas fairel. Le fait que l'observateur, comme les acteurs dans le champ, soient modaiisés de ia meme maniere et en fonction du meme dispositif spatial, confirme encore le processus de "mise en communw des espaces Cnonciatif et Cnoncif, ainsi que le fondement modal de cette mise en commun.

Enfin, les mouvements de camCra et le montage introduisent, a hauteur du syntagrne et surtout du film tout entier, de vastes partages entre ce qui est, a un moment ou a un autre, "accessible" ou "exposCw, d'une part, et ce qui reste "obstruC" ou "inaccessiblen pour le Spectateur,

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a%i?sp ni! iaurrad !nb 'suoyieuuo~sueii xnap sao ap uoqmrjqnroa .,apodxa, inairoq,l 'a3ej ap 'srole i!o~

uo ! alneda,~ ins qeu el iuesod Inl ua a%mruosrad al iaim!d i!ej ','1epow maieijdo,, alqeiuaA 'inawadsq,l ! asodxa iuawp amisqo,l (E)

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de la mere d'accéder h i'"espace proposé", trouve place sur le diagramme moda1 précédent :

EXPOSITION INACCESSIBILI~~

ESPACE pRopos~ { ] ESPACE REFUSÉ

ACCESSIBILIT% OBSTRUCTION

1. "L'esthétique dans la profoodeur de champ". Actes du colloque "Sémio- tique de I'espace et esthétique", Urbino, juillet 87, A paraitre.

Page 123: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SUIIPJECTTFS

3. POINTS DE W E ET SUBJECXMTÉ AU CINÉMA

3.1. QUELQUES VARIABLES

A un niveau plus superficie1 que la stricte modalisation cognitiw, ou meme que les catégories spatiales grace auxquelles elle est inscrite dans l'énond (distante, franchissement, englobemenf ...) on rencontre d a manifesta tions figuratives de la s u b j e c t ~ t t , des configurations discursiva auxquelles on peut reconnaitre alors un contenu e t une expression. Autant due que l'étude de ces formes discursives de la subjectivitd e t des points de vue dbbouche sur une description morphologique, c'est-Adire sur une description d'une forme & l 'exp~sion, associée A une forme du contenu.

Sur la base des trois contrats analysés cidessus et du systkme moda1 définissant la compétence de i'observateur, émergent en effet un ensemble d'effets d e sens et de sirnulacres subjectifs, dont J. Mitry, par exemple, a propod un inventaire empirique ; il distingue, dans Esthétique et psychologie du cinéma :

- la prise de vue de type "point de vue" ; - les images mémorisées ; - les images mentales ou oniriques ; - l'imprbgnation ou la coloration subjective de la Msion ; - - le récit imaginaire ou fantasmatique.

On observe que ces diffdrents types comportent: (i) tous, une composante cognitive ; la "subjectivité" en dmiologíe du

cinéma recouvre des formes particulikres du traitement du savoir attribué au Spectateur .

(ii) quelques-uns, une cmposante ternporeüe (mémoue) ou spatiale (point d e vue) ;

(iii) quelques-uns enfin, une composante gective, ou plus générale- ment thymique (reve, coloration subjective, fantasme).

Toutes ces formes supposent que le spectateur n'ait pas un ac& direct ii la représentation proposée par le film, mais doive passer par l'intermédiaire d'un auue sujet, un observateur plus ou moins impliqué dans la didgkse.

Éd. Branigan (84) a proposé une typologie plus complexe, mais pas toujours totalement convaincante, i partir d'un ensemble de variables qui définissent selon lui la représentation cinématographique. Ce sont :

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1 a) l'origine ; il designe par ce t e m e le point de l'espace P partir duquel s'organise la reprbsentation ;

b) la vision ; c'est l'activitb qui, P partir de l'origine, fait Btre la rep&entation ;

c) le temps ; on en re@re la manifestation griice P la discontinuite entre les plans ;

d) le cadre, qui définit l'inclusion ou l'exclusion de ce qui doit ou ne doit pas appartenir au reprbsente ;

e) l'objet ; c'est le contenu du represente ; f) la condition mentale ; Branigan entend par 1a un principe

d'intelligibilité du represente qui, pour un observateur don&, confere sens et cohbrence a w images ; par exemple: la mbmoire, le regard, papprbhension, etc.

Si on interprete la "reprCsentationn comme la manifestation figurative du narrb, on concluera que les variables retenues par Branigan sont de d e w sorte.. On a en effet

(i) d'une part les composantes figuratives classiques : actorielle (l'origine), temporeUe (le temps), spatiale (le cadre) ;

(ii) d'autre part les trois dimensions de l'bnonciation cinbmatogra- phique : la dimension pragmatique visueiie et planaire (la vision), e t les dimensions cognitive et thymique, indistinctes dans l'appeiiation "condi- tion mentale" (parfois aussi "mind" dans le texte anglais). L'objet est le narre lui-meme, c'est-A-dire l'ensemble des structures dmio-narratives qui doivent &re prisa en charge et manifestées par l'instance de discours fil- mique.

Selon Branigan toujours, la subjectivitb au cinema suppme : 1. que l'origine soit diégetique, c'est-Adire que le centre de réference

de la vision, la position de l'observateur, soit directement référée A, sinon confondue avec ceiie d'un personnage ;

2. que la vision soit caractérisbe par la présence de cet observateur. Les variables A l'ceuvre dans les effets de subjectivitb seront donc

pour l'essentiel : le temps, le cadre spatial, la condition "mentalen ou, plus prkisément, pour nous, les dimensions du faire dmiotique affectées.

Page 125: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SüLUECTiFS

3.2. LA TYPOLOGIE DES EFFETS DE SUBJECTIVITÉ

La variation spatiale et temporelle, en matihre de subjectivité, oñre en tant que telie peu d'intéret ; les "flash-back" subjectifs, par exemple, ne méritent attention que s'ils supportent une variation modale. 11-en est de meme pour les variations de l'ancrage spatial de la subjectivité. Rappelons pour mémoire l'organisation de l'espace qu'on peut projeter partir de 1

l'"icin de I'observateur :

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locsPd non localid englobant /\ englobe (nom de Lieu) 'quelque pan" "b-bas" ". .P. la

Branigan (84) ne retient pas ces distinctions, et prend en compte en revanche le fait que le cadre spatial est ou n'est pas associé a l'"origine" de la vision ; il peut etre (i) associé concdtement a l'origine, (u) associé "par métaphore" A l'origine, (iii) non associé A l'ongine. Sil n'y avait cette "association par mttaphore", qui correspond effectivement des formes de subjectivité attestées (la "réflexion" et la "projection"), la question de l'association du cadre spatial a l'origine de la vision se résoudrait par l'opposition "espace dtbrayélespace embrayé". Lorsque l'espace énoncé est associé "par métaphore" A 1"'ici" de l'obsemateur, on comprend que les figures représentées ne pewent pas etre vraisemblablement vues par le personnage avec les proportions, l'angle, etc., proposks dans l'imáge ; par exemple, elles sont cadrées en gros plan, alors que le personnage observateur ne s'est pas déplacé.

11 faut donc se donner deux instantes cognitives pour expliquer un te1 phénomene : un Assistant, présent dans l'énoncé, et qui sert de réfkrence spatiale, et un Spectateur, dont la position par rapport A l'objet observé n'est pas contrainte par la localisation de l'hsistant. Mais, dans une autre

Page 126: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

hterprétation, de tels décalages du cadre de vision apparaissent analogues a w différences, dans le discours verbal, entre les verbes "voir/observer/ scruter / anaiyserl chercher ..." ; le texte verbal exploite ainsi tres souvent des faires cognitifs complexes, attribués B un Assistant, mais dont il ne donne que les résultats, sous forme de description, sans préciser comment, a partir de sa position d'origine, 1'Assistant qui sert de référence a pu acceder B un te1 savoir.

Un te1 débrayage, sans déplacement de I'observateur, ne peut recernir d'autre interprétation que modale. En effet, ce débrayage partiel permet d'exprimer B moindre frais la maniere dont 1'Assistant acquiert une compétence cognitive supplémentaire, pour aboutir B la connaissance ou a la compréhension de son objet On aura reconnu l'usage classique de I'espace dit "paratopique", oii le sujet de quete part B la recherche d'une compétence supplémentaire nécessaire B la performance (Greimas et Cour th 79).

11 apparait donc de ce fait que toutes les variations de la subjectivité, du moins celles qui concernent la problématique cognitive du point de vue e t de l'observateur, dépendent de la syntmre m d a l e sous-jacente a w parcours du sujet discursif. Plus gknéralement, nous parlerons de "condition modalel".

En effet, il peut Btre utile de tenir compte de la dimension qui surdétermine le faire cognitif de l'observateur. Par exemple, la condition modale peut Btre pragmatique, et l'image adopte alors le tremblé de I'ivrogne e t du vieillard, les osciiiations de l'aventurier blessé, ou le parcours heurté d'un piéton dans la foule. La condition modale peut 6tre encore thyrnique, et l'image est alors affectée par l'attrait ou la répulsion de I'observateur B l'égard de I'objet ; ainsi, un traveliing optique ou un gros plan en insert maniksteront-ils la curiosité - le lvouloir savoirl, ou l'effroi - le /vouloir ne pas savoir 1 -, sans qu'on puisse d'aiileurs prévoir la signification de ces figures indépendamment de leur contexte. lbut ce qu'on peut dire B leur sujet, c'est qu'elles manifestent une modalisation du fabe cognirif, qui peut se formuler comme un codage semi-symbolique ; par exemple : flou : net :: trouble visuel : absence de trouble :: ébriété : sobriété

cadrage large : cadrage serré :: apercevoir : scruter

11 est entendu que ces codages semi-symboliques, par définition, n'ont qu'une validité locale : un syntagme, un groupe de syntagmes, un film, un

Page 127: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

.(aiium-13 qo~) q!iy3uoua qoq3 sap aqdei8 un awuxm iyiedde 'p! aa!ueuxai iuawalqeiap!sum 'ue8!ueia id anuaiqo a!8olodh q ap alquxama,l 'a11aioduiai alqeyeh el qm e alnole uo !S lu!aiisai suas ne am ap iu~od un eias (n)

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'nag i!oAe A iuauxalqelquxaqeiA sed iua~nad au !nb iuauxauaty un no au33s aun 'a!msse isa p lanbne medsa.1 suep 'iaiuasaidai as pum isa iueiqssv un ananbe~ ied ',,uou3afo~6,, aun aqqe e uo 'aaq39id isa aleiuaur uo!i!pum el !S (!!)

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130 LES ESPACES S U m C m F S

Meme revisitée par une sémiotique plus exigeante sur l'interdefinition des termes, la typologie proposée par Branigan reste in~atisfaisant~ a plusieurs tgards. ?bu1 d'abord, elle associe des contenus sémantiques de niveau et de statut différents sans préciser comment ces dHérences hiérarchiques jouent (ou ne jouent pas) dans la combinatoire : les variable figuratives (espace et temps) en particulier, sont a distinguer des variables modales ; en outre, la plus grande part des variables figuratives surchargent inutilement la typologie : on connait maintenant assez bien les mriCt& spatio-temporelles de la subjectivité pour se dispenser d'en encombrer le modele.

En outre, une typologie presentCe en tableau cartesien (cf. Branigan 84) ou en arbre (cf. ici-meme, notre version sirnplifiée), quia l'avantage de manier ensemble plusieurs variables, manque cruellement de possibilités syntaxiques : comment passe-t-on d'une forme subjective a l'autre ? Branigan tente de résoudre cette diíñcultk, mais d'une manikre qui ne fait que deplacer la difficulte, puisque sa syntaxe consiste A passer d'une case A l'autre dans le tableau.

Nous faisons donc ici l'hypothese que l'examen e t le déploiement de la "condition modale" permettra (1) d'intégrer la quasi-totalité des variétés subjectives, y compris celles qui paraissaient jusqu'alors ne powoir Ctre définies que par la composante spatiale ou temporelle, et (2) d'élaborer un modele taxinomique et syntaxique A la fois, fonctiomant avec plusieurs variables ; le carré sémiotique, consu pour une catégorie sémantique unique el homogene, ne convient pas ici, et il faut théo?iser et fomaker un rkseau de variables homotmiques.

Pour cela, nous nous demanderons donc quelle est I'activité du ou des sujets énonciatifs dans le film, pour en déduire des criteres de repérage dans la surface du film. D e w ensemble. conceptuels doivent @tre convoques pour cela : une théorie de l'dnonciation comme faVesémwtique, et une théurie des dkbrayage/embrayage comme opérations de la mbe en discoslrs. Les d e w ont été longuement dkfinies et iüustr&s tout au long de cet ouvrage, et nous serviront A centrer i'étude de la s u b j e c t ~ t é au cinéma sur la seule couche catégorielle et transformationneiie des acta énonciatifs. Éclairee sous cet angle, la question de la subjectivit6 se pose inddpendamment de sa realisation figurative : il importe peu ici, en effet, que l'acte énonciatif soit assumé par un personnage ou pas, pourvu qu'il soit repérable comme acte énonciatif4 ; la question de son assomption par un acteur ou un actant ne se pose que si on veut etablu, par la suite, des instantes subjectives.

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11 existe, pour commencer, deux grands types d'actes énonciatifs, que nous avons deja repéres : l'association du pragmatique et du cognitif, et l'association du thymique avec le cognitif. La suite montrera, en outre, l'existence d'un troisieme grana type, établi par association du thymique et du pragrnatique.

Pensons par exemple au voyage intersidéral de 2001, Crdyssde de l'espace5 : au moment oii la nef franchit, entre autres, les anneaux de Satume, la vision est censée etre celie des voyageurs ; les effets lumineux et chromatiques se donnent comme conséquences de la vitesse et de la péndtration de la nef dans un espace totalement différent. Cette sCquence est pourtant parfaitement abstraite, puisque aucune reprdsentation d'objets n'y apparait ; la seule chose que le Spectateur- voyageur voit, c'est l'effet de la vitesse de péndtration : des lignes qui s'écartent, des taches lumineuses qui s'affolent et fuient vers le cadre. On pourrait imaginer a la limite que, sans déplacement, il n'y aurait rien a voir dans cet espace. VoU donc un faire cognitif totalement surdCtermin6 par un faire pragmatique ; toutefois, nous sommes a la limite, et, contrairement aux exemples évoqués plus haut, oii le contenu de la vision existait dans la diégese indépendamment du parcours pragmatique, il dépend ici 6troitement de ce dernier.

Nous appellerons inflaion ce type d'actes énonciatifs oii le prpgma- tique intervient. Pour rester dans les voyages aériens, on pourra signaler l'absence de segments subjectifs 'tus d'avion" dans Le ciel est h vous6 ; les seules plongées qu'on peut relever dans ce film, en particulier au debut, restent immotivées ; inversement, les déplacements aériens sont toujours vus d'en bas : il y a 1a un partage intkressant entre, d'une part, une wn- quete pragmatique et idéologique, et, d'autre part, un parcours visuel, qui résistent a s'associer ene"inñexionsn subjectives. Le spectateur n'a pas ac- d s , comme regard, A la place qui reste pour lui, aprh le film, a conquérir ou a wnstruire : peutatre est-ce une des significations du titre ?

Dans un tout autre ordre d'idees, rappelons-nous l'entree en matiere d'Apma&pseNow7 : en surimpression sur les images d'attaques au napalm, le visage du héros se dessine ; comme par ailleurs sa physionomie est saisie dans tous les sens par une rotation de la camkra, on a suffisamment d'indications sur l'existence d'une dimension thymique ; la rotatian du visage sur l'écran, qui, littéralement, le désoriente par rapport A l'espace énoncé, emp&he qu'on interprbe la position subjective du personnage comme celle d'un Spectateur, determiné par des coordonnées spatio- temporelles. En installant le debrayage spatio-temporel entre le sujet et le

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LES ESPACES S W C 7 7 F S

segment subjectif, on lui procure un mode d'existence hte l , dans un espace utopiquc, caracteristique, en particuiier, de l'espace de la "valeur" (ou de l'"antiva1eur"). Le faire cognitif, qui n'est evidemment pas ici une vision, est modalist par le faire thymique - le trouble, la crise morale, l'honeur, on ne sait trop -. Nous parlerons de prq'ectim chaque fois que la dimension thyrnique interviendra.

11 est A noter que, dans le film de Coppola, si on suit les avatam de la relation entre le sujet et les segments d'attaques au napalm, on en rencontrera encore deux autres : au dCbut de son voyage vers le Cambodge, il ussiste A une de ce. attaques (sur fond de chevauchde des Mlkyries) : non seulement ses coordonnks spatio-temporelles sont rbtablies, mais il devienthsht-~arlici~uht, et sa vision est alors ddterminde par son mode de ddplacement : dans cette "inflexion", le pragmatique refait surface. Enfin, apres le meurtre de Brando, le h6ros appelle les bombardiers, et une demiare attaque, dont il est le commanditaire (i.e. le destinateur dClkgué), mais plus le spectateur (il s'est Cloignd du site A dbtruire), c16t le film ; d'un rapport purement fantasmatique A la s d n e d'horreur, sur le mode de la "projection", le sujet est passC A un rapport purementpragmuíique, et l'espace utopique de ia reverie s'est transforme en espace hCtCrotopique de la performance, de I'épreuve. Par la substitution d'un acte Cnoncif pragmatique (1'6preuve) A un acte Cnonciatif (la "projection"), l'horreur est passCe dans les faits8.

Les syntagmes subjectifs, interprdtés A la lumiere des ddbrayages Iem- brayages d'actes Cnonciatifs, résultent pour une part d'ussociatiom hiérm- chistes enb-e les áois íypes de faire stmiohque. Les iiens de ddtermination ou d'association qui ont 6tC empiriquement relevés dans le dispositif hiCrar- chis6 de ces trois dimensions peuvent recevoir une formulation plus sys- tematique, en termes de "spt!cification", notion empruntbe A Hjelmslev, dont 1'Cquivalent dans l'ordre de la syntaxe est la sélection. Nous avons dC- fini ailleursg la spCciílcation comme une relation réversible - et, par const- quent, la sClection comme une opCration reversible -entre deux sémemes ; le sémeme spécifid (ou d l e c t i 0 ~ 6 ) est celui dotC de la plus grande den- sité sCmique, reconnaissable par le fait qu'au plan de la syntaxe narrative, il est investi dans des programmes de base ; le sCmCme spécificateur (ou sdlectionnant) est, A l'inverse, celui qui est dotC de ia plus faible densitC sémique, reconnaissable par le fait qu'au plan de ia syntaxe narrative, il est investi dans des programmes d'usage. Cette prCcision est conforme par exemplea cette loi gCnCralement admise par les linguistes selon iaquelle les morphemes dkterminants sont de densitC sCmique plusfaible que les mor-

Page 132: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

phemes déterminés. On comprend aisément que, gr6ce a un processus de densification du spécificateur et de dédensification du spécifié, la relation puisse s'inverser. Plus concrktement, quand il s'agit, comme ici méme, de sémemes investis dans des parcours narratifs, on constate que l'objet modal du programme d'usage devient, gdce a la densification sémique, l'objet de valeur A part entiere d'un programme de base. Ainsi, on voit tres souvent te1 programme d'usage qui n'était destiné q u l procurer du 1 pouvoir faire l (acquérir des capitaux, par exemple), dans le but de noumr un programme de base, par exemple investir, se transforme lui-meme en programme de base (spéculer, capitaliser) ; dans notre exemple, l'investissement n'est plus destiné la production d'objets de valeur pratiques, mais a la production de l'objet modal de la spéculation e t de la capitalisation.

Dans le cas du cintma, on voit bien que cette possibilité formelle d'inversion permet d'appréhender les transformations d'une s u b j e c t ~ t é qui, par exemple, décroche de la "représentation" e t du cognitif en commenpnt par les reléguer dans les programmes d'usage.

Pour chaque association de deux dimeqions, on peut prévoir cinq cas de figure différents : d e n spécifications d r o , deux spéciíications unilatérales, une spécification réciproque, sur le principe suivant : (A) Are Cognitf-Raptatique

Densitt stmique du cognitif 1- O

SpéciL O - Spécit uniiattrale 1 Spécif. réciproque Spécit uniiattrale 2 Sptcif. O I

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(B) Rre Cog>lici/-Tíyntique Densitt dmique du cognitif

1- o ci

SpCcif. O SpécX uniiattrale 1 Spécif. rkciproque S@. udatérale 2 Sptcif. O

I C I lCt 1 /C.TI 1-1 / T I

O -1 Demitt s61dque du thymique

(C) Rre Ragmatique-l91yniiquc Densitt stmique du pragmatique

1 4 O

Spécit O Spécit umiattrale 1 Spécif. réciproque Spécif. unilatdrale 2 Sptcit O 1

I P I 1Ptl IPTI ITp l I T l

O t l Densitt stmique du thymique

N.B. Les initiales C, P, T représentent chacune des trois dimensions ; les majuscuks désignent le speeifib el les rninuscules, le sp6cihteur.

Page 133: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

LES ESPACES SURlECnFS

Pour des raisons de maniabilité e t de rendement opératoire, on se con- tentera d'examiner les associations des dimensions deux a deux, puisque les associations a trois dimensions peuvent s'analyser sans difficultC mmme d& associations A d e w dimensions, elles-memes hibrarchisées. Les troh axes Ctablis cidessus constituent un réseau forme1 dont on peut donner la représentation suivante :

Les trois axes, respectivement

(A) C Cp C.P. Pc T (B) C Ct C.T. T (C) P Pt P.T. Tp T

sont représentés sur ce réseau par les traits pleins exterieurs. Les traits discontinus représentent, a I'interieur du réseau, des inversions de spécification ou des substitutions de spécificateur et de spécifié, et dessinent, de ce fait, d e w groupes de transformations, c'est-adire deux pupes de M& accolés par une relation commune (Pc-R). Les pointiiíés, enfin, representent des ruptures radicales, voire des contradictions

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possibles, puisqu'ils correspondent A une inversion et une substituion combindes. 4

Ce modble a l'avantage de reunir trois types de relations qui se déduisent les unes des autres : des relations de spdcifications graduelles sur le pourtour du schkma, des relations a'inversion et de substitution obtenues par des "raccourcis" catégorieh dans le schdma, et des relations de contradiction radicale, obtenues par un "court-circuit" diagonal entre deux relations catégorieiles. Les oppositions et les parcours pourront donc Ctre saisis, plus ou moins finement, A trois niveaux diffdrents : celui d'une dvolution gradueile et continue, celui des sauts catdgoriels et celui des ruptura radicah.

En rapprochant les deux premiers niveaux, les axes graduels et les raccourcis catdgoriels, on constate que les "spdciñcations &o", /C/, /P/ et /TI, apparaisent comme des seuils de neutraliFation du syst&me, dont la substitution directe de sptkification fait &conomie ; par ailleurs, les "spdcifications réciproques", /C.P. 1, /C.TI et /P.TI, apparaissent comme des seuils d'équilibre, dont les inversions directes de spécification font l'dconomie, et oii la hidrarchie entre les dimepsions serait indécidable.

Notre description n'dpuise pas les relations posibles. Un t ro i rhe groupe de Mein pourrait &re envisagé, entre / Cp/, /Ct/, /Pt/ et /Tp/. Les nécessités d'une représentation A d e w dimensions entrainent pour ce troisieme groupe une dispnition peu pratique. On retiendra cependant que, comme sur les diagonales des d e w groupes de Klein ddjA dvoquds, on a ici rupture radicale sur les verticales ; en ouue, les diagonales du grand rectangle correspondent A deux autres raccourcis possibles, deux inversions de spécification.

En /C/, seul le faire cognitif est engagd, les autres sont latents ; nous appeilerons "point de vue" cette position, qui correspond A la forme Cldmentaire de l'ocularisation.

Les positions situées A gauche du schdma, oii intervient le pragma- tique, seront considkrées comme des "inflexions" subjectives ; les positions situées A droite, o¡l intervient le thymique, seront considdrks comme des "projections" subjectives. Commen~ons par la gauche.

La forme /Cp/, iníieleon A dominante cognitive, qui correspond A une "action cognitive ou perceptive", se rencontre chaque fois qu'un faire cognitif a pour programme d'usage un faire pragmatique ; le raccord dans I'axe sur un objet focalisé, le ddplacement de caméra qui le scrute ou le ddtaiile en sont les exemples les plus courants. Ces mouvements de camdra fonctionnent comme des dpreuves qualifiantes pour le Sujet,

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LES ESPACES SUBECTlFS

puisqu'elie concourent a la manifestation de sa comp\étence d'observation. Nous parlerons dans ce cas d'"infIaion pratique". A hauteur du film, et non plus du syntagme, on se rappeilera que dans Le Paltoquet (M. Deville, 1986), le montage entre l'image - les entrées de personnages par exemple - et le son - les soli du quatuor A cordes - est littéralement délégué au personnage du barman ; il s'agit bien d'un débrayage 1 embrayage par lequel le faire cognitif de l'énonciateur - ici : l'annonce d'un personnage, ayant pour programme d'usage un faire pragmatique - ici : le montage et le mixage musical - est tout au long du film inscrit dans la diégbe elie-meme.

En /Pc/, l'infiexion a dominante pragmatique que nous avons déja rencontrée, et qui recouvre par exemple ce que E. Branigan appelie "perception dynamiquelO", pourrait etre dénommée "inflerion cognin'ven, pour signaler que le savoir n'est ici qu'un objet moda1 au s e ~ c e du programme pragmatique.

Lorsque la hiérarchie est indécidable, on se rabattra sur la position /C.P. 1, 1'"inflexion" générique.

En /Ct/, position que nous avons aussi rencontrée dans la séquence fantasmée d'attaque au napalm, on a affaire a une projection d'affect, ou le faire thymique modalise et suscite un faire cognitif ; il est entendu que cette forme subjective a pour principe l'adhbion fiduciaire, car, dans la combinaison/ Ct 1, le thymique étant de l'ordre de la fiducie, le cognitifqu'il détermine est une croyancel l . Nous retiendrons ici le terme de "projection passionnelle".

En I R / , le parcours passionnel domine, et le cognitif n'en est que le passage obligé, comme sensibilité qui détermine un affect. Cela nous semble particulibrement illustrq par les insistan= ou les dérobades du "regard-caméra", par les plans fixes ou les eliipses qui, en manifestant l'attraction ou la répulsion d'un Sujet, mettent le parcours cognitif de l'énonciation au s e ~ c e d'une passion. Un meme dispositif peut par ailleurs avoir deux fonctions, l'une par rapport au récit énoncé, l'autre par-rapport a la subjectivité énonciative ; le montage alterné, dans Les O i s e w , de plans qui montrent les enfants dans l'écolc et de plans qui montrent le rassemblement des oiseaux au dehors, n'est pas seulement narratif ; dans la mesure oh les deux ensembles de plans sont saisis depuis l'intérieur de l'ecole, et du point de vue de l'institutrice, le faire cognitif "sensible" procede par confrontation et évaluation des roles respectifs des deux groupes, e t détermine le faire thymique subjectif. Puisque dans ce cas le parcours cognitif est un parcours de la sensibilité, on peut caractériser cette position comme "projection sensible".

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I La aussi, en cas de hiérarchie indécidable, la psition /C.T. 1, comme "projection" gtntrique, sera+adopt&.

La forme /Pt 1, ou ''inflaion passionnelle", s'illustre, par exemple, par les tremblb de l'image, les t c a ~ t s ou les mouvements de camtra, les intonations de la voix, affectb par le thymique. On tient la, comme en /Pc/, un mode d 'aphage du faire pragrnatique de l'énonciation qui, pour etre manifesté dans l'énoncé filmique, emprunte la voie d'une modalisation, passionnelle dans le cas présent, cognitive ou perceptive dans le précedent. En d'autres termes, en traitant l'affichage énonciatif comme l'inscription de parcours narratifs p u r des Sujets modalisés, on sort de la problbatique sttrile des affichages rhttoriques ou esthttisants, et on les reintegre dans les processus de signification, comportant actants, transformations, valeurs et modalisations. a

En /Tp/, inversement, le passionnel domine et a p u r programme d'usage la dimension pragmatique de l'énonciation. Le cadrage, les mouvements, le montage ne délivrent plus alors aucun savoir, l'occultent meme par ellipse, ou l'épuisent par redondance, p u r ne manifester que le parcours passionnel. Dans Alien (R. Scott, 1978), les prises de vues de la "béte" et leur montage "cut", en emp&chant toute saisie visuelle de l'adversaire, én brisant les parcours ou la reconstruction du regard, prive le Sujet de toute activitt cognitive, ou plutBt la met en latence ; les prises de vye et le montage ne sont plus alors que les programmes d'usage pragmatiques de 1rr montte de l'apprthension et de l'horreur ; la "chose", pour le spectateur, ne plus étre ni reconnue ni m h n n u e ; elle est horrifiante et angoissante, uniquement. Un autre exemple vient A l'esprit, qui fait aussi appel au montage ; dans une métaphore quasi eisensteinienne, E E Coppola met en parallele, A la fin d'Apocalyipse Now, le meurtrede Marlon Brando et le sacrifice d'un animal ; par redondance et non plus par ellipse, la dimension pragmatique de l'tnonciation manifeste et modalise la violence sacrificielle, et ate du meme coup aux deux séquences paralleles leur valeur d'information narrative.

Pour le distinguer de la "projection sensible", qui emprunte un parcours cognitif, npus dénommerons "projection pratique" ce cas de figure ; le plus souvent, il dénote littéralement une émotion, c'est-8dire un affect qui présuppose une modification pragmatique, voire somatique.

Reste, faute de pouvoir assigner une hiérarchie a w deux dimensions, la position /P.TI, qui se caractérise essentiellement comme une a c t ~ t é énonciative dont le cognitif est suspendu. Par exemple, l'interminable plan fixe d'Andy Wharol sur un homme qui dort (Sleepl2) affiche jusqu'A

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138 LES ESPACES SURECl7FS

- ** %>,

I'insoutenable le pragmatique et le thymique, dks que le savoir s'epujse par redondance. Comment denommer ce GIS ? Faute de mieax et provisoirement, nous nous adterons, p a r e que cette position est a Tintersection des "projections" et des "inflexions", l'exact opposk du "point de vue", au terme d"'infIep0n prqecnve".

N.B. Dans une analyse filmique qui se refuse A isoler te1 ou tel Clement, et qui travailie au niveau du discours, les hibrarchies entre les dimensions sont la plupart du temps decidables ; le repérage de Tisotopie dominante dans le contexte du segment subjectif doit pennettre d'Ctablir une spécification unilatkrale ; rappelons-le, les positions indécidable (1 C P. 1, / CT 1, / P.T. /) ne sont que des seuiis d'equilibre dans les processus d'inversion de la spécification.

ies deux speFiRcations d r o , I P l et /TI, font,'elles, oíñce de seu& de neutralisation dans un processus de substitution du spécificateur ; par exemple, la présence A l ' h a n de la cambra qui filme, sans qu'on sache ce qu'eile filme, ct sans qu'on puisse l'associer encore A un parcours passionnel, correspond B un dCbrayagelembrayage de la dimension pragma tique de l'enonciation. Dans Pa~sion~~, ce sont les sdnes de filmage qui jouent ce rdle ; dans Mort h ~ n i s e l * , comme nous le verrons, ce sont les reflets m6talliquesdes verres de lunettes et un appareil photographique sur pieds - reconstitution historique oblige -. Le voyage intersideral de 2001, on l'a remarque, est a la limite du pur pragmatique : au bout de quelques secondes, aucun savoir n'est plus dClivrt par Timage, qui n'est alors que la stricte simulation du deplacement de la "fus6eam6ra".

Interprbter les spécifications Aro comme des seuils de neutra l isa t i~n~~ est d'autant plus inévitable pour la position /TI qu'eiie correspond le plus souvent B un irreprésentable. Ainsi, dans Tmi Dn'vd6, la quete sensible -la dbcouverte repulsive de New York la nuit -, se substitue une quete pra- tique - le projet de "nettoyage", qui determine alors le parcours passion- nel de l'indignation -. Le seuii de cette transfonnation me semble marqué, entre autres, par la decomposition plastique des images de la viUe : les lu- m i h a et les couleurs des objets deviement de p u r a lumikres et de pures couleurs, e t ce passage par l'irrepresentable correspond A une phase de thymique pur.

Plus saisissant encore, un long panoramique A ras du sol, dans Mklo (Resnais, 1986), qui accompagne la reciaation d'une lettre á'adieu ; pendant que Pierre (Pierre Arditti) recite A son ami (AndrC Dussolier) la lettre de sa femme, ce qui aurait pu etre un contre-champ sur le visage de l'ami derive en un panoramique sur le sol et sur les objets qui

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l'encombrent ; au miiieu du mouvepnt, la mise au point devient floue et le plan, tres sombre. Au depart, le mouvement de camera est un parcours de la sensibiiite, partant d'une position od la camera delivre encore du savoir ; cette sensibiiitt! est le programme d'usage de l'émotion dominante qui s'échange en cet instant ; a la fin, ce n'est plus qu'un parcours pratique, qui somatise en quelque sorte l'kmotion en question ; entre les dew, le passage au flou et A l'obscuritk, qui, iitteralement, cace toute actmte cognitive, ne conserve que la dimension thyrnique et laisse place A un pur Sujet passionnel. La notion de "seuii" n'a é v i d e y e n t de sens que dans la transformation de substitution qui s'o@re en cours de mouvement, soit :

1x1 * - /TI - (Parcours d'un (Sujet

/TP/ (Parmurs d'un

Sujet sensible) passionnel "pur" Sujet emotionnel)

Rétroactivement, il faut bien admettre que le "point de vue", correspondant a la position / C / n'est pas moins un seuii de neutralisation que les deux autres. 11 est pourtant considere le plus souvent - est-ce le poids des ideologies de la reprksentation, des thkries de la perception appiiquées au cinema, ou de la narratologie ? - comme une forme stable, la forme subjectiw par excellence. Je propose de considkrer (1) que la position /C / est, du point de vue de la ddduction et d'une thkorie generale de la subjectivitk au cinema, un seuilc de neutralisation entre /Cp/ et /Ct/, mais (2) qu'ellc est, du point de vue de l'usage, A la fois dans la pratique cinkmatographique et dans la pratique skmiologique, beaucoup plus souvent stabilisée que les d e w autres. Une démarche déductive a au moins l'avantage, entre autres, de faire apparaitre certaines kvidences comme le résultat d'opkrations de sklection par l'usage, voire de reifications ideologiques.

Les formes subjectives examinées ci-dessus se distribuent sur le I modele en réseau, comme le montre le schema suivant.

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LES ESPACES SUBJECTIFS

Point de vue l Ci

Innexion pratique /Cp / - -- - -- - \ -- l c t l Projection passionnelle

/p.. '. I

, ' I Iníiexion 1 c.p. 1

', .' N.'-~ I l \ ,xy..,

/CT1 Projection

\ ,,/, ,' '\ ', \. / / ' 1

Inflexion cognitivc /Pc/ - ------- I X l Projection sensible / '\, ,' ..#' 1 (?)/PI

\ ,e' I

\ 1 ,,*y ,S' -\

\ i ,

,,* '\ 1, I

Inflcxion passionnelle - /Pt/ -y------ \ . lTpl Projection pratique

IRTI Intlexion projective

N.B. Les avantages incontestables d'une mkthode déductive ne vont pas sans difficultk ; en se dissociant des figures les plus fréquentes, qu'on peut observer empiriquement, on evite de prendrepour formes construites (aprh coup en l'occurrence) des effets de sens dominants ; mais on ne dispose plus alors des dknominations que procure i'usage commun. D'ou un certain arbitraire des termes retenus, et aussi l'impossibiiitk (provisoire ?) de dknommer telle ou telle position par aiileurs tout a fait repkrable dans les films concrets.

3.3. LA SYNTAXE DES FORMES SUBJECTIVES

Dkja, dans l'ktude taxinomique, des séquences sont apparues e t le raisonnement a fait appel A des transformations. La typologie des formes subjectives, qu'en vertu de la tradition structuraliste nous avons prksentke d'abord, se rkvhle inextricablement like a la syntaxe discursive ; voire, la syntaxe semble p r u d e r la taxinomie.

Pour effectuer le calcul des parcours possibles, il suffit de convertir les relations de spkcification en opkrations de sklection ; cette rkinterprktation de la fonction qui unit les dimensions deux A deux suppose (1) que chaque dimension soit considkrke comme une isotopie ou une classe d'isotopies narratives, et (2) que la fonction de sélection soit considkrk comme une connection orientke entre les deux isotopies, ce quise reprhenterait ainsi :

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I lsotopie A

Sélection O unüaFrale 2 Sélection O

lsotopie B

On obtient un parcours Bomogene, continu et reversible, en suivant les traits pleins et extkneurs du modele ; les réalisations concretes peuvent, bien entendu, n'emprunter qu'un fragment de ce parcours, dans un sens ou dans l'autre, et ignorer les seuiis d'kquilibre, en empruntant les "raccourcis", comme elies peuvent aussi contoumer les seuils de neutralisation.

Le fragment de parcours mis A jour cidessus, dans Mklo :

Projection sensible - / T / - Projection pratique

est un exemple de parcours continu. En revanche, tout parcours qui emprunte un des &tés des groupes de Kiein est discontinu, puisqu'il p rocue par "saut" categoriel. De meme, si un parcours concret emprunte les diagonales des groupes de Kiein, il presente la discontinuite maximale.

lbutefois, l'intkret de ce modele A plusieurs niveaux taxinomiques et syntaxiques apparait di3 qu;on rencontre des transformations discontinues : on sait qu'un parcours "diagonal" se décompose en deux parcours sur les &tés du groupe de Kiein ; si on rencontre la transformation:

Inflexion cognitive - Projection passionnelie

on est en droit de rechercher dans l'entre deux une manifestation, jusque- 1a passke inaperpe, d'une "inflexion pratique" ou d'une "projection sensible". i

Les parcours syntaxiques les moins discontinus ont donc, par rapport aux'parcours syntaxiques plus discontinus, kventueliement directement ob- servables, une vertu heukrique. Le calcul syntaxique peut etre représentk sur le schkma d'ensemble aux conditions suivantes : (1) les flixhes simples representent le parcours continu exténeur, (2) les fleches doubles avec trait discontinu représentent les "raccourcis" par elision des seuiis d'équiliire, et (3) les flixhes doubles en trait continu représentent les "traversées", par substitution d'une dimension A une autre. Pour simpliíier, on ne r e p r h n - tera pas les parcours présentant la discontinuité maximale.

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LES ESPACES SURIECCTIFS

Point de vue IC1

Inflexior! /C.P. 1

Inilexion cognitive lpcl

! P.T 1 Inileuon projeaive

N.B. Les deux grandes diagonales /Cp/ - /Tp/ et /Ct/ - /Pt / fonctionnent elles aussi sur une substitution du spkifik, et sont donc des "traversh" au sens ou nous les avons dtfinies.

3.4. LES TYPES DE SEGMENTS

3.4.1. Forme canonique du segment subjectif

La définition des types d'actes enonciatifs peut maintenant &re compldtee par une definition des types de segments subjectifs, qui prendrait en compte la forme du plan de I'expression. L'ardre d'exposition peut surprendre : on s'est d'abord inquiete de la maniere dont on interprete les segments subjectifs avant de dkider comment les reperer dans la chahe filmique. Cet ordre est pourtant delibere, car la forme du contenu mise en place precédemment ne depend pas des films effectivement réaWs, mais d'une organisation sCmiotique immanente de la subjectivite, alors

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- -* \>. que la forme de i'expression que$nous allons examiner maintenant peut, A partir d'un petit nombre de possibiiités, adopter un codage spécifique pour chaque film.

11 faut préciser tout de suite que, di3 lors qu'on cherche a caractkriser des segments subjectifi, et non plus seulement des actes subjectifs énonciatifs, la référence a un acteur-sujet est indispensable : le propre d'un segment subjectif, c'est justement de référer un acte énonciatifa un acteur- sujet, pour un certain nombre de p9ns dénombrables et isolables.

La définition des segments subjectifs17 doit etre généraüsable. Il n'y a en efiet aucune raison pour n'examiner que la morphologie du "point de vue" et ignorer @e des autres segments subjectifs ; la description du plan de i'expression doit valoir aussi pour les Iinflexionsl e t les 1 projections 1.

Cette dkfinition doit &re canonique. On rencontre en efiet des dispositifs en trois plans : Plan A L'objet a connaitre est inséré dans un contexte ou la pensée, le

regard ou l'ouie de i'observateur sont alertés. PLn B. Le sujet-observateur est identifié et he, par un plan rapproché

ou un gros plan. i

Plan C Le contenu de la vision est traité en fonction de la condition modale retenue.

Une condition supplémentaire est requise pour le "point de vue" proprement dit : i'observateur doit etre rtfért exclusivement en tant qu'acteur a i'espace du plan A, soit par sa présence dans celui~i , soit par tout aurre moyen. 11 est vrai que ces trois plans ne sont pas toujours présents, mais le propre d'une morphologie est bien de prévoir d'abord les réalisations canoniques, et ensuite les réabations particulieres.

Cette définition doit &tre déductible. En partant des opérations de débrayage figuratif, les plus proches de la manifestation, nous pourrons prévoir : l i l e débrayage ,spatial, qui instaure la mise en commun des espaces

d'énonciation et d'énoncé (plan A) ; 21 le débrayage actoviel, qui installe un Assistant (plan B) ; 3lle debrayage temporel fayultatif, qui ne se marque pas dans la

morphologie du segment en kénérai ; 41 l'embrayage cognitif, qui confond, pour l'effet de subjectivité, la vision

de 1'Assistant et la vision de i'énonciataire (plan C). jc'est aussi le plan C qui portera les traces des débrayagespragmatiques

et thymiques, dans le traitement plastique ou dynamique de l'image, voire

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- -5

P. Le contenu de la vision, étant dissocik du segment subjectif directement attribu6 au personnage, le statut subjectif de cette vision reste indecidable pour l'enonciataire ; toutefois, ce dispositif peut faire office de révélation

/ si, B la suite d'une "suspension" du meme contenu répétée plusieurs fois, le contenu en question apparait explicitement comme celui qui est resté secret auparavant : c'est le cas dans%ychme encore pour le visage de la mere. (e) L'ellipse SS - A,( B ), C - Le visage de l'observateur n'est jamais montré, on ne peut que supposer l'ongine A partir des plans de situation et de vision. Par exemple, dans un spot publicitaire Dim, se s u c a e n t : Plan A : un homme s'enfuit par un escalier vers le toit d'un immeuble ; Plan x : la jeune femme Dim, qui l'a vu, va chercher du lait dans le refngérateur ; Phny : elle monte vers le toit par le meme escalier ; Plan C : on ia voit en plongee, sortant la téte par le vasistas qui donne sur le toit, et ofiant du hit B un chat. Ce plan suppose - B cause de la plongee - un observateur situé sur le toit, et arrivé avant la jeune femme : ce pourrait &ue l'homme du plan A, dont on ne voit jamais le visage, mais qu'on entend 1

s'adresser directement A la jeune femme a ce moment-)a justement. ,! Ce dispositif peut &ue utilisé pour maintenir secrete l'identite de I'Assistant, ou pour embrayer en continu la position de 1'Assistant sur ceile de l'énonciateur ; c'est le cas dans La Dame du Lac, bien connu pour son parti pris de "caméra subjective" ob on ne voit que dans des glaces - quand il se voit lui-meme - le visage de l'observateur : ce demier n'apparait, de fait, que comme contenu de la vision (plan C) et pas comme observateur (plan B).

1 I I

(f) La découverte ou dCvoilement SS - A, C,(x, y), B l

- L'observateur est découvert a p r b coup, parfois avec retard.

B' C' ( g ) La réciprocité SS - Dans un champlcontre-champ décrivant le faced-face de deux person- nages, deux roles d'observateurs et deux visions se croisent : chaque visage est A ia fois plan qobservateur et plan de vision. (h) La surimpression SS - (A),[B + C] Le visage de l'observateur ou du reveur apparait en sunmpression tout au long ou seulement au début, ou seulement A la fin, du segment subjectif : le plan B et le plan C sont alors confondus, au détriment de la vraisembiance de l'espace subjectif.

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LES ESPACES SWECTIFS I - -c

%, (i) Le décadrage SS - A - B - C Comme tout montage, le montage subjectif peut 8tre realise a l'interieui &un seul plan, par un mouvement de caméra qui procure un décadrage : le traveiiing optique, par exemple, permet, par un simple changement de focale dans l'axe, en continu, de reunir dans le meme planles types A, B C ; c'est un "plan-séquence" subjectif.

Les transformations affectant la forme de Sexpression des segmenu subjectifs ont ia forme suivante :

Élision : (A),B,C Cldture : A,B,C,B - Suspension : A , B l . . . l ~ l ~ l ( s

Retard : AIBl . . . lx l~ l ...> C - Ellipse : A,( B 1, C DCcouverte : A, G X , Y).

Réciprocité B' C'

: A~F~B;; Surimpression : (A),[B + C]

Ces transformations morphol~giques~~ se combinent entre elles, avec les restrictions suivantes : - les transformations qui affectent l'ordre des plans sont incompatibles entre elles ; - les transformations qui affectent la présence ou ia proxirnité des pians sont incompatibles entre eiies.

En revanche, les transformations qui affectent l'ordre des plans sont compatibles avec celles qui affectent la présence ou la proxhité des plans20.

1. Branigan (84) utilise l'expression "condition mentalen, par laquelle il tente de rendre compte du type "impregnation et cdoration subjective" proposé par Mitry. 11 apparait le plus souvent que cette "mndition mentalen ne peut remoir d'interprttation hornogene que modale.

2 Cf. Branigan 84, "la mnscience mnnaissante éveil16em. 3. Pour eviter toute ambigurte, vu la polysémie du teme en franpis, nous

parlerons dans ce cas d'"inflexionn. 4. Une telle position requiert impémriwmenf que la subjectiiitt enonciative

ait été établie comme une dimension autonome dans la théorie ; c'est ce qui a €te fait grace aux notions de "debrayageembrayagen et de "sujet t5nonciatif".

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'sailmg!p sa3 ap (iuauialnas) a!ud aun inow aqua/i Q uojq ap apnla,? -ane iuoa -,ia[ns-uo~nll!,,,[ ap !nla 'asXleue,p aipm neaAnou un i!uyap la 'apuoua uoyepuoua'l e iuaddeqw J!OAB npsuo!ielnd!ueui sap u& apue~g aun'nb i!q al ins ais!su! 'pdoid alapoui np- sanb!io!wp iuauiaq~ls-sai!ui!l sal aiywn[ ua iaui u!pg anaM sina[[!e id f ,iarns, np auimyun a!s!es aun q ais!sai 'alla uo~as '!nb 'anb!ruly ai.!narqns el ap ,-pmnoui 'axa[duim 'a[d!i[nui, aJ3peim al ins sidw ai!e~-aueM id sp ium-e'l ai!ouipt in0d suoladde~ 'm1 sieui '19 'X !,maup ne ai~~aCqns q, uyallna 'sanbyopqs sauv suep anb!iu3 uauiexa un,p iaho,~ i!ej e 'anb!iaqinXs snld arruoj aun snos aaiuasyd 'apnia aiim -0~

-as$?a!p e[ ap aqqid a3edsa'l suep JaNasqo e asow anb~anb e X ~!,nb iualeuS!s ipiq un '~OA aun : y ueld ua ;xniojsueri isa 'i!ej a ap '!nb s!ew 'gnarqns iuatuSas ne sed iua!uedde,u !nb ueld un e ,uo!ieni!s ap aioiouos ueld, un'p uo!i!sodiadns el id pelduiai iuauiuianbq sinall!e id isa v ue~d a? 'sa~asqo muaium sap notia s~naiwasqo sap uoiimildiilnui .. . el 'saiine aiiua 'iuelinod elal!:, u0 -ai!eiuaAu!,[ aqej ua,p la iarcruiouap sal ap al!in luelne inod l!os ~!,nb suas 'nar ua iaiiua iua~nad suo!ie!im saiine'a -61

-uo!ssaidxa,l ap oeld np suo!ieuiiojsueii ap arruoj snos uo!ieiuasyd el ia 'uo!i3npap ap adpu!id al ied 'sarruoj saiine sap auwid e[ ied aiay!p aJigu 'y!m~d!wi el 'auammap e[ 'asd![[a,[ 'pieiai al 'uo!suadsns el 'ainigp el :aiigu a1 me unuiuim ua e 11 'w u&!ueig soep pume ua!q ala ?Cap e qg3akns siuatnsas ap sarruoj sap ai!eiuaAu!,q '81

-uo!inryapiaiu! ied alq!nnpap uou la 'sj!nafqns quatusas sap alquiasua'l alqes!leiau98 uou 'aia~duimu! isa inaine ia ied anuaiai ud!ido,q 'saIepoui suo!i!pum sasiaA!p sas ia uo!spr el ap nuaium al axy ue~d pumas un ! le!ieds aJpm al ia iafqo,~ '(uo!s!~ el ap au!8po,p iu!od al) iahs al soj el i!uyap ueld ~a!waid un :sueld xnap ua ,,am ap iu!od,, np uo!i!uyap aun ues!ueig suep aAnoii u0 'LI

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LPI

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Le personnage-observateur est quasi exclusivement Gustav Aschen- bach, parti se reposer a Venise, a p r h une crise cardiaque grave ; les para- mBtres de la variationsont presque tous présents.

a) La varia tion actantielle et spatiale Le. segments subjectifs sont la plupart du temps attribués a l'acteur, mais parfois aussi s'en dissocient, au profit d'un Spectateur qui fonctionne alors, dans le contexte A dominante subjective, comme une "place" subjective en ellipse.

b) La variation temporelle L . subjectivité parcourt aussi bien le passé que le prbent et le futur proche.

c) La variation modale volitive ou thymique On observe dans le film aussi biend'acceptation que le refus de la vision subjective ; ainsi, le regard de G.A. peut aussi bien attendre I'arrivée du ga rpn nommé Ttdzio, dans la sckne du petit déjeuner, que fuir la vision ou s'en détourner, dans la s d n e de l'ascenseur, ou celle du baiser entre les deux garpns. Plus généralement, les plans de cloture sont chargés de manifester, dans chaque segment subjectif, l'affect de l'observateur.

d) La variation modale cognitive Le faire visuel peut etre ou n'etre pas surdéterminé par I'"hppersavoir" : de la simple vision en un seul plan, on passe ainsi A de vintables plans-séquences, ou a des suites de gros plans qui analysent ou suivent une famille, un visage, un jeu, manifestant ainsi une recherche ou une compréhension, un travag de l'hypersavoir.

e) La variation modalepragmatique ou potestive La qualité visuelle de l'image peut etre affectée par un déplacement sur un bateau qui tangue, par l'agonie finale de G.A. ; ces variations potestives prennent la forme soit d'obstructions : un vase au miiieu du salon de l'hdtel, les sinuosités des venelles de Venise, soit d'accessibiiités : une fenetre qui s'ouvre, une mise au point qui pnviiégie un second plan, soit d'expositions : le visage de lhdzio, offert dans la proximité (promiscuité ?) imposée par l'ascenseur.

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LES ESPACES SU6UECTIFS

4.2. LA MORPHO-SYNTAXE DES SEGMENTS SUBJECTIFS DANS MORT A VENISE

4.2.1. Les ''points de nien complets (canoniques) 1 Ce sont ceux qui comprennent le plan de situation A et qui respectent

l'ordre canonique proposé. On examinera ici uniquement les propriCtb dU plan de simation, pour commencer.

11 peut &re situd avant ou apr¿?s le segment subjectif ; avant, il permet par exemple de situer le bateau de G.A. sur le Grand Canal, oh le regard va ensuite isoler un monument ; apres, il revele par exemple les positions respectives de l'adulte et de l'adolescent, et introduit ainsi une amposante proxCmique dans la relation intersubjective Ctablie par le regard.

Dans la sdne initiale du salon de l'hdtel, oii G.A. d h u ~ e le garpn, deux Clargissements de cadre vont donner successivement d e n évaluations diiikrentes de la distance interpersonnelle. Le premier, procurant une extension latdrale du cadre, et adoptant une direction perpendiculaire A celle du regard de G.A., mesure iittdralement la dLFtunce sociale entre les deux sujets, et encombre Sintervalle qui les dpare, du fait de l'angle choisi, d'objets et de personnages divers. Comme ce plan de situation comporte un traveiiing, on comprend pourquoi il se donne comme "évaluation" de la distance : il la purcourt, dans un espace occupé, obstrut. Le second, procurant une extension perspective, adopte la direction du regard de G.A., tout en plafant l'observateur-Spectateur dans son dos : les obstacles sont tous dliminés, et une disrance pmsonnelk possible est ainsi évoquéq relation interpersonnelle rCvClCe in @e, et qui se condense dans un Cchange de regards, dans un espace dds-occupé, oii seule compte alors la direction.

La fonction pmxkmique et intersubjective des plans de situation est par ailleurs confirmke par ceux qui, lors des poursuites dans Venise, montrent G.A. cherchant B "voir sans etre vu", et se cachant demere les piliers. Les relations "proxdmiques" prennent ici en charge expiicitement des relations modales, mais aussi l'axiologie sociale et individuelle qui regle l'éthique du regard, Cthique longuement développée par ailleurs, et qui lui interdit le "contact direct" avec les choses et les gens.

~ o u r en revenir au point de vue complet, on notera que Mort h Vmise p r k n t e dew réalisations dfidrentes du "segment" subjectif en un seul plan : en plan-séquence, ou en plan "A miroirs". Sur les ponts de Venise, par exemple, on note les mouvements de camCra suivants, assemblés sans

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- -0

\"B. coupure :

a) un retrécissement du cadre met en tvidence l'observateur G . k vu de dos, et son objet, la famille de ndzio, passant sur un autre pont, plus loin dans le canal (= plan A) ; ,

b) un travelling optique a%nt isole la gouvernante sur l'autre pont, appelant 'hdzio qui la rejoint (= plan C) ;

c)un travelling optique arriere montre, en elargissant le cadre ii nouveau, le bord du chapeau blanc de G .k dans le coin droit de l'image, rappelant ainsi qu'il s'agissait bien de la vision du personnage (= plan B). Ailleurs, dans la chambre d'hotel par exemple, un miroir rassenible en une seule prise de vue, et sans variation d'angle ni de focale, (i) la situation d'ensemble, qui est une vue de la chambre dédoublée (= plan A), (ii) l'observateur, vu directement (= plan B) et (iii) le contenu de sa vision, le martre d'hdtel qui lui rapporte sa cle (= plan C).

4.2.2. Les segrnents clos / ouverts

Dans le film de Visconti, la cldkire des segments subjectifs est porteuse des semes thymiques ; on ne saurait en effet "reconnaftrew sans risque les sentiments exprimés par Je visage de l'acteur-observateur, mais on peut toujours decider si l'expression en est dysphorique, euphorique ou neutre. Le plan de cldture permet d'évaluer aussi l'intensite de l'affect - il suffit de comparer les premien plans d'observateur avec les derniers, ii partir de la deuxibme poursuite dans Venise, pour s'en convaincre - mais parfois aussi, dans une conception typiquement romantique, l'adéquation entre le seme thymique repérable sur le visage de G . k et celui propre au contenu de la vision,et ce, que1 que soit le statut du segment subjectif, point de vue, inflexion, ou projection. Ainsi, au tout debut, la lagune comme le visage d'Aschenbach portent les signes de la /noneuphone/; ou, plus loin, l'homme malade qui s'afhisse dans le hall de la gare, comme le visage agite de G.k, portent les signes de la Idysphonel. Et le dernier point de vue, donr l'objet est la silhouette de lhdzio s'eloignant en contrejour, est clos sur l'affect ultime, sur le visage de l'obsetvateur, achevé par l'tmotion-que la vision de la s d n e précédente a suscitée.

Au plan de l'expression, la cldturCest parfois la seule indication sDre de la présence d'un segment subjectif. Pendant les révélations du banquier sur l'tpidtmie de choltra, par exemple, on observe la succession suivante :

(a) Pendant que le banquier parle, une série de champslcontre- champs fait alterner les visages des deux observateurs réciproques.

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LES ESPACES SURTECTIFS

(b) A la suite d'un demier contre-champ sur G.k, une coune séquence le montre, habillk d86remment et A l'hdtel, en train d'avenh la mere de Ztdzio du danger qui menace, la rnain sur la tete de Ztdzio.

(c) Le visage de Gustav Aschenbach réapparait, remerciant le banquier pour ses informations.

Jusqu'en @), la séquence de l'"avertissement" pourrait passer pour une séquence narrative ordinaire, juxtaposee A celle de la r6vélation avec une eliipse temporelie et spatiale plausible. Mais la cldture, en (c), subjectivise cette séquence et la transforme en /projection/ anticipatrice. C'est bien le plan de cldture qui permet de lire rbtrospectivement le segment comme subjectif.

Autre cas de figure, beaucoup plus fréquent, dans les series de segments subjectifs : le plan de cldture de l'un est aussi le plan d'ouverture du suivant ; un te1 double r6le morpho-syntaxique est meme parfois marque a l'interieur du plan B : l'obsemateur baisse les yew (cloture), puis les rouvre (owerture), ou bien fixe un point de l'espace, dktoume les yeux (cloture), puis fixe un autre poh t de l'espace (ouverture). De tels dispositifs superficiels encouragent a considerer le segment subjectif comme une "syllabe" du plan de I'qression jümique, dans cette ceuvre en particulier ; une "syliabe" comportant une phase de montée en tension et d'ouverture (plan B initial), suivie d'un palier de tension et d'ouverture (plan C median), achevée par une phase de detente e t de fermeture (plan B final). Cette analogie merite examen, puisqu'elle recouvre en fait une procédure de textualisation qui, dans le film, enchahe debrayages e t embrayages pour constituer des unités de manifestation dont la forme serait la suivante :

embrayage embrayage

dtbrayage / cl)\,,tbrayage/(plan a)\ dtbrayage (plan B1) (Plan B2) (plan B3) I owenure 1 cldture ouvenure 1 cldture

unit6 de manifestation 1 unitt de manifeslation 2 (SS 1) (SS 2)

Cette observation confirmerait une hypothese propos& ailleursl selon laqueiie les segments subjectifs, dans les discours verbaux, comme

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audiovisuels, seraient des unitds de manifestation éldmentaires, ce qui signifierait que les points de vue, modes d'dnonciation indvitables au plan du contenu, participeraient aussi au rythme du plan de I'expression.

Quant a l'analogie avec 5 tension et l'ouverture syiiabiques, eiie est loin d'etre mdtaphorique ; le lecteur se rappelle sans doute le concept, maintenant passé c@ mode, de "tension" qui, dans les anndes 70, caractérisait les rapports entre les sujets d'énonciation : les shifters, ou embrayeurs, étaient source de "tension", et les ddbrayages (i.e. l'"énonciation historiquen), source de "détente". Et nous avons montré r&emment2 que l'embrayage pouvait etre considdrd comme une "mise en tension" des unitds ddbrayées, qui reconstituait des identités, des homogénditds discursives ; aujourd'hui comme hier, l'embrayage est une opération tensive, et le ddbrayage, une opération ddtensive. L'analogie ne s'arrete pas la, puisqu'on a, dans le film comme dans la chaine parlée, des segments ouverts, fermés ou inversés.

Seule indication du caractere subjectif du segment, ou transition dans une chaine subjective, le plan de cl6ture est manifestement un indice mdtadiscursif ; non seulement il contient les semes thymiques significatifs des passions du personnage-observateur - au plan de l'dnoncé -, mais il marque en outre - au plan de I'expression 5 le r61e dominant du dispositif subjectif dans Mort i2 l+n&e.

Inversement, dans ce contexte, l'absence de cloture du segment subjectif n'apparaitra pas comme une forme non marquée, plus simple, mais comme une élision significative. Par exemple, entre les sdnes du salon et du dher, oh les cl6tures sont systématiques, et la s d n e du petit déjeuner, oh eiies ont disparu, on voit bien qu'une transformation est a l'euvre : chaque segment subjectif de la troisieme s d n e s'acheve sur l'embrayage cognitif, sur la tension énonciative. Au plan de l'énond, cette transformation fait écho A la perte d'initiative de G.A. dans l'khange visuel : les segments clos des s&nes du salon et du diner correspondent (i) A l'étape de la contemplation unilatérale, qui suscite la curiosité de ?ádzio (ii) A la réponse de Bdzio qui regarde a son tour ; les segments ouverts de la s&ne du petit ddjeuner correspondent a l'étape du regard réciproque, dans lesquels on découvre rétrospectivement que Gustav est A la fois regardé et regardant, conformément A la formule :

i

B' C' S réciproque = A, Bii

Sion ajoute'que, dans la séquence ultérieure de l'ascenseur, Gustavse dérobe A l'échange de regards, ne peut assumer ce contact direct en public,

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LES ESPACES SUBIECTIFS

- -P

9. puisqu'il est lui-méme observb par les autres garpns, on voit se dessher le parcours suivant, ou les morphologies subjectives manifestent un sys~rne axiologique plus profond :

Contempialion uniiatCrale (A)

\ (S.S. clos)

volante de voir (S.S. inverst?) Contact intersubjectif (C) avec promcaUon visuelle

Rehis du contact direct, @) m le regard se detourne (S.S. suspendu) (S.S. ouven = &hange et rkipriprocit6

S.S. rt?ciproques) des regards

(A) : Aschenbach recherche la beauté, il scrute les visages, sans que les persones observées s'en apeqoivent. (photos 1 A 3 p. 1%)

(B) : Au fur et A mesure qu'il perd Sinitiative (le plan de cldture disparait), la personne observée rend le regard.

(C) : Mieux qu'un regard échangd, la personne qui était observee sollicite le regard de l'autre, et propose un contact direct et non aléatoire.

(D) : Aprb la s&ne de l'ascenseur,. oil le regard de l'autre l'a provoqué, Aschenbach reme le connat intersubjectif qui lui est proposé, et decide de partir de Venise.

(E) : Dans son interprétation syntaxique, le carré sémiotique est dialectique, c'est-A-dire que le parcours en "papillon" ne se fait pas sans gain semantique : on garde en mBmoire les Btapes antdrieures, de telle sorte que, tout en revenant formeiiement A la position d'origine, on ne la retrouve syntaxiquement jamais. Id-meme, concr&tement, le segment subjectif clos qui caractérise la contemplation unilatkrale change de statut : la contemplarion nepeutplus 2tre innocente, le 'toir sans @tre vu", apparemment aléatoire et insigniíiant .au debut, rémlte maintenant d 'un refus du contact e t de la réciprocité ; il s'est donc transformé en "lvouloB1 voir sans &re vu", et le caractere unilateral est maintenant arsumé par le sujet.

11 n'empikhe pounant que ce parcours dialectique se fonde sur une raxinomie Clémentaire de "l'unilatéral" et du "rCciproqueH, que voici :

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Contact (quetc) Pr-tion

Initiativc de lnitiative de I'observateur l'informaiei~r

Cnntact provoque réciproque

La portee de ces awtars morphologiques n'échappera pas si on rappelle que, dans la nowelle de Thomas Mann, il est explicitement soulignt que G. Aschenbach fuit la maladie, le sirocco, la chaleur maisaine de Venise dont il a fait naguere l'expérience debilitante ; il n'est jamais question d'une fuite liée A 'Iadzio. On comprend, par qntraste, que, c k Vicond., I'enjeu est enderement dkphcd sur le mgani, et sur l'acceptation ,

ou le refus de l'échange intersubjectif, conformexnent A ce qu'autorise la forme de l'enonciation tnoncée du film. En somme, la morphologie des segments subjectifs est l'expression des contenus "unilatéral/rCciproquen, et l'enchainement des differentes formes de segments manifeste le parcours moda1 d'Aschenbach, la pt'oposition et le refus du contact intersubjectif.

4.3.1. Le parcours d'ensemble

On se reférera d'emblee au modtle mis en place précédemment. L'enjeu est le siLiwnt : Aschenbach, le personnage 'Wistant-participantn, est en quelque sorte "mis en vmnces" de pragmatique et de thymique ; il doit eviter toute fatigue, toute émotion, tout travail A la suite de son malaise. De fait, Aschenbach, en tant que personnage de l'histoire, est un artiste qui croit A l'autonomie 4u cognitif, de la création par l'esprit ; et il s'avtre en fait que l'échec de son copeert a aussi - malgre tout - des effets affectifs et somatiques.

Dans cette tpreuve qui lui est imposée, et qu'on pourrait appeler "restauration de la compétence", le moyen de neutraliser les effets pragmatiques et thymiques consiste ici A postuler leur interdependance

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156 LES ESPACES SUBJECTIFS

- -I 9

avec le travail de l'esprit, avec le cognitif, et donc 3 ;uspendre la qu& cognitive. Aussi le personnage se trouve-t-il sur les seuilr de neuIralisah l P ler /TI, oh le faire, ne pouvant plus se structurer en programmes, de par la coupwe avec le cognitif, n'entrainera plus d'effets indésirables. Aussi le premier plan du film est-il un put adnement somatique du regard : la lagune et la fumée du navire se dessinent peu A peu comme dew avatars plastiques possibles de la brume et de l'indifférencié. D& les planssuivants, Aschenbach pose les yeux sur un iivre sans pouvoir lire, et tourne son regard vers Venise sans pouvoir tenir les yeux ouverts. Lors de ParrivQ A Venise, en effet, un segment tout aussi significatif qu'humoristique enchaime les trois plans suivants :

P1 : G . k a les yeux levés ; il les abaisse et s'assoupit. P2 : On voit Venise sur la iagune, et l'entrée du Grand CanaL P3 : G . k sort de son demi-sommeil et leve les yeux.

Conformément A la construction des segments subjectif3 dans le íiim, on retrouve ici les plans de types B et C, dans ia version "close" IB, C, B 1; mais l'effet en est bouleversé, puisque, au lieu de voir, i'observateur dort ; et meme, plus précisément, comme l'endormissementet le réveil ont lieu dans le plan, on peut reconstituer une négativitd du subjectif :

P1 : Non-ouverture (fermeture). P2 : Non vision subjective. P3 : Ouverture (non cloture).

En somme, pour un Assistant qui n'a plus de programme cognitif, qui n'a plus de projet narratif, les segments subjectifs sont entikrement l ~ é s aux aléas du pragmatique, et non assumés. Le sujet délCgué du regard n'est ici qu'une " . e szqefl" sans /vouloir/, et un sujet d'état, un pur récepteur A qui manque en particulier l'hypersavoir qui définit et constitue l'obsemteufl.

Ce statut de sujet d'état est confirmé dans l'anecdote elle-meme, puisque Aschenbach doit renoncer A choisir son moyen de transport, un gondolier clandestin et peu ambne l'ayant littkralement détourné.

Mais, vacant, libre de toute prhupation, dispensé de tout programme, Aschenbach est disponible pour tous les investissements thyrniqb et prag- matiques, et il suffit de peu de choses pour que se cristallise un objet deva- leur, pour qu'advienne un projet, pour que s'enclenche une nouvelle quete. Sans abuser &un vocabulaire philosophico-biologique, on pourrait faire appel ici aux notions deprégnance et desailiance : en vacances de la valeur, débarrassé du Destinateur, le sujet délégué est délivr6 des prégnances ;

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- *b

\\ mais ii n'échappe pourtant pas a w saillances de la valeur, car celles-ci se logent dans les figures elle-memes, dans leur forme plastique, dans leur esthétique ; dans les multiples dvdnements pragmatiques et thymiques de ces "vacances", ~schenbach;reste ii la merci des saillances figuratives. Et par conséquent, dans l'usage pragrnatique qu'il fait des dsbrents lieux, le regard se "réveiile" comme moyen, comme programme d'usage, et va ac- crocher lesdites saillances. C'est le regard du voyageur qui est dominé par le mouvement du bateau - plan de monument oscillant, lors de l'arrivée A Venise5 - - ; c'est aussi le regard vacant de l'h6te et du dineur désaeuvrb, qui parcourt le salon, puis la saiie A manger, et y déwwre Bdzio.

En somme, d h l'arrivée en bateau, d h l'instaiiation a I'hbtel, les trois dimensions du faire sémiotique commencent A tirser le rdseau des a c t a knonciatifs : les dimensions pragmatique e t thymique, non orientées, non programmées, mettant le regard A leur sexvice, sont déjA modalisées par le wgnitif. Mais ici le wgnitif, de dominant qu'il dtait dans "l'autre vie", est devenu une activité subalterne, un programme d'usage. Pour résumer, on dira qu'en prenant des vacances, l'acteur-observateur se trouve sur les positions suivantes :

G

L'inj7lerion cognitive est parfaitement iliustrée par le plan de monu- ment oscillant (d. $4.3.2.)-

Laprojection sensible est iilustrée par les segments subjectifs "pertur- bants", comme celui du baiser des d e n amis ou celui de l'ascenseur, oh le regard est le canal nécessaire du tmuble ressenti, et manifesté dans les plans d'obsemteurs en cl6ture.

Au cours du film, on observe deux transformations : (a) La spéciñcation entre pragmatique et cognitif s'inverse, puisque

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LES ESPACES S U . C m m

c'est maintenant le désir de voir qui anime le personnage, c'est la passion cognitive qui lui fait p o u r s u ~ e la famille de Bdzio dans les nies de Ven&, C'est, il ce moment-la, le faire pragmatique (dépiacement, par exemple) qui est investi dans les programmes d'usage de la quete visuelle.

@) La spécification entre thymique e t cognitif s'inverse aussi ; auparavant, la recherche visuelle était au seMce d'une attirance sponta& pour le ga rpn ; apres transformation, c'est encore le cognitif qui do*, et le thymique n'en est que le programme d'usage. Cela se traduit, &t0 sensu, par une /projection/ de type "perception d'affect", puisque anime par la peur de perdre l'hdzio - soit par maladie, soit par son départ - il se met A imaginer la s d n e de I"'avertissementn : le faire thymique est bien la condition nécessaire du faire cognitif "irnaginatif".

D e w nouvelles transformations parallkles ont eu lieq qui mettent la quete cognitive en position dominante ; la fonction rectrice de P"espritn est restaurée, car un objet de valeur, la beaut6, a éte proposé au sujet sous les traits de ndzio. Le parcours en est maintenant au stade suivant :

---- " 1-1 sensible

On comprend maintenant comment le personnage-observateur peut "mourir par le regard" ; tant que le faire cognitif Ctait sous la dépendance du thymique et du pragmatique, cew-ci étant "en vacantes", non programm6s, non axiologisb, le sujet ne risquait pas d'outrepasser sa compétence. Mais, d& l'instant ou ia quCte cognitive reprend le dessus, et asservit les faires pragmatiques et thymiques, ia réguiation initiale disparait ; I'exigence cognitive et esthétique provoque un "embaiiement" sur le plan prahque e t affectif, jusqu9& i'6puisement.

La fin du film est particulikrement significative de cette évolution. Un prods d'épurement cognitif et esthétique s'achkve ici : 'Bdzio, de plus en plus angélique, d r a g de blanc ou silhouette découpée sur le ciel, apparait in @e comme le médiateur d'une valeur qui le dépasse ; par

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ailleurs, le film s'achkre sur un pur "point de me", sans determination pragmatique ou thymique : quand 1'Assistant-participant meurt, le regard retourne A la vacuitk originelle,de l'enregistrement mtcanique ; ces deux transformations se marquent aans deux plans successib :

P1: (a) la composante pragmatique est affectée définitivement : a p r h une derniere tension, bras tendu, corps A demi soulevt, l'acteur s'affaisse

I danS un brusque relachement 1 @) la composante thymique aussi puisque, au contraire de la plupart , des plans de cl6ture des segments subjectifs qui nous montrent l'affect

suscite chez l'observateur, ce demier nous le présente Msage baissé vers le sol, et rien ne peut plus se lire sur son visage.

P2 (c) on reste sur un long plan d'ensemble, presque vide, qui manifeste la vacuit6 du faire cognitif.

On pourrait considtrer par conséquent que la demikre transforma- tion nous amene au pur "point de vue" et A la spécification d r o . Tbutefois, le dernier plan nous raméne a un point de vue de Spectateur, et non pas d'Assistant, et pour cause: c'est un point de vue désaffectt par le person- nage, un point de vue 09 plus rien ne bouge, ou plus nen ne s'tmeut.

Le parcours accompli se résume ainsi :

Point de vue lCI

4.3.2. Notes sur 1'1 inflexion 1 et le Spectateur \

Étant donnt que le film est t o d entier organisC autonr d'un Assistant, les quelques cas de retour au Spectateur apparaitront comme des ruptures dans l'homogén6itd subjective du film ; nous les traiterons comme des contrastes significatifs. A partir de la position subjective de i'Assistant, i'attribution de segments visuels a un Spectateur resulte en effet

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LES ESPACES SUE&CTIFS

d'un embrayage cognitif et spatial, gdce auquel i'enonciataire ase a l'Cnoncé sans l'intermédiaire d'un personnage particulier ; pour autant, le personnage-observateur reste la rCfCrence subjective d e base.

On mettra A part A cet kgard les píans d'ouverture et de cldture du film, le premier parce que la refkrence subjective actorieile n'est pas enare instauée, et le second parce qu'elie est abolie par la mort de i'acteur. Pour le premier, qui montre le bateau sur la lagune, vu de la mer, d'un endroit indCtermin6, il ouvre littkralement f univers dikgktique visuel par un dkbrayage du type :

Focalisateur - Spectateur neutre

en mCme temps que les brumes se lbvent sur la lagune, et avant méme le debrayage caracteristique du film lui-méme :

Spectateur - Assistant.

Pour le denier, comme on vient de l'Cvoquer, il fait retour au Spectateur, par un rkembrayage.

La plupart des autres cas de retour du Spectateur, dans la mesure oii ils s'inserent dans ou entre les segments subjectifs attribuCs il G.A, peuvent apparaitre comme des /inñexions/ du faire cognitif de 1'Assistant. En effet, on reconnait le Spectateur au fait que le contenu de la vision ne peut pas etre saisi par 1'Assistant dans la position oii il se trouve. Lors de I'arrivCe en bateau A Venise, par exemple, on peut isoler le segment suivant :

Plan A : G.A est quelque part sur le pont supkrieur du bateau. Plan C : Un monument (une Cglise) est film6 de maniere instable :

l'image tangue, et la vision doit &ue attribuée au passager d'un bateau. Plan B : Un wnue-champ nous montre le bateau de face, apparem-

ment immobile, il la place oil, dans le segment subjectif, on trouverait le visage de l'observateur de face.

11 s'agit d'un point de vue "inversCW, oil l'observateur d h u v e r t est, littkralement, "n'importe que1 passager du bateau" ; cet observateur est donc un Spectateur thbmatisk comme "passager du bateau", représentant une classe d'acteurs il laquelle appartient Aschenbach. Mais cette cons- truction n'a d'autre effet que de préciser les conditions pratiques de la perception et d'en montrer les effets dans l'image ; en d'autres termes, le rewurs au Spectateur thématisé permet de manifester la compétence cognitive d'Aschenbach, et constitue en cela une /inflexion/ ; la transfor- mation peut se rbumer ainsi :

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-1 , ' IPI l pcl

Deplacement - "Inflexion cognitive" du bateau ; (n'importe que1 acteur investi et de la caméra" du rBle thematique "passager du bateau"

. (conditions pratiques de la perception et caracteristiques de la compétence)

Le plus souvent, les interventions du Spectateur autorisent des analyses detaillées d'un visage, le denombrement des membres d'une famille, et ne traduisenten fin d e compte qu'un regard sélectif qui cherche A mieux voir, qui s m t e , e t relevent généralement de l'/inflexion/.

On examinera pour finir deux cas iitigieux et, comme teis, révblateurs. Le premier est le long plan-séquence d'introduction A la s d n e du salon, dans lequel la camera attend G.A., puis le suit dans le salon pendant qu'il recherche une place. La position d'obsemtion est caractéristk comme suit : (i) hauteurmédiane par rapport aux personnages debu t , (ii) p l a d e A l'opposé de la porte dans le salon, p r h de l'orchestre. Une telle position détermine des "obstructions" visuelles : des colonnes, un vase, divers objets et des personnages foneobstacle dans le champ visuel, en particulier lors du deplacement de G.A. dans le salon ; les "obstructions" auditives ne manquent pas non plus, puisqu'on n'entend que la musique jouée par l'orchestre : ainsi, lorsque Gustave Aschenbach parle A quelqu'un, on voit ses levres bouger, mais on n'entend pas ce qu'il dit. Inversement, pour le meme Spectateur, des "accessibilités" sont mCnag&s : on entend les conversations ambiantes quand la musique cesse au premier plan ; ou bien, la mise au point sur G.A. se deplacant au second plan, et le flou qui, A l'inverse, affecte les obstacles du premier plan, rendent le parcours du personnage "accessible".

On a affaire dans ce cas A un Spectateur thbmatisé comme "h&te assis au salon", sans identite actorielle ; plusieurs autres plans ou segments sont organisds ainsi, autour d'un Spectateur thdmatisé (dineur assis, par exemple, ou baigneur sur la pla'ge,\plus tard dans le film) grilce auxqueis la caméra attend le personnage pfincipal dans le iieu meme oii il doit s'installer, avant qu'ii n'y soit arrive. Et on constate que, somme toute, les restrictions ou augmentations du lpouvoir observerl attribuées A ce Spectateur rdcurrent sont prises en charge par des r6les thematiques (voyageur, hdte, baigneur ou promeneur, reflet) qui sont ceux mémes que le personnage a adoptés ou va adopter. Ou on peut dire que le regard du Spectateur, tout en conservant la meme charge dmantique, thématique e t figurative, que celui de l 'kistant , quitte le corps de l'acteur. Dans la mesure oii les contenus de vision font ici office de plans de

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1

LES ESPACES SUMECTIFS

- -I 9,

situation (type A) pour les segments subjectifs assumes par G.A., c'at- A-dire correspndent aux parties débrayk du segment subjectif, on est en droit d'y voir un monnayage du debrayage, qu'on reprbenterait ainsi :

Spectateur thtma tist?

/' thernatbe

Speclateur \ Speciateur (debrayage spatial)

Ce dispositif 'permet une identiíication progressive de l'enonciataire A l'univers subjectif du personnage, et appartient a w p rddures plus generales de la gradation des proch.

4.33. Notes sur les flash-back et les anticipations subjedfs

Comme il a etk observe plus haut, le film contient un seul cas d'anticipation subjective, une projection passiomeiie "prospective" ; c'est la séquence de l'"avertissement". 'Ibus les autres cas de projection passionnelle sont des projections "rétrospectives". Les débrayages spatio- temprels qui enclenchent ces demieres sont t r h variés ; la transition se fait, selon les cas :

(a) sur la "voix", entendue par le personnage Iicil et Imaintenantl, puis integree quelques plans plus loin A une sdne quise deroule Iailleurs 1 et Ialorsl;

@) sur le "mouvement" ; un meme mouvement du corps, une rotation, ou une flexion pour s'asseoir, commencé /ici/ et Imaintenant 1, se poursuit IaiUeurs 1 et Ialors 1 ; /'

(c) sur la musique ; la meme Leme h É~ise, jouée dans le salon par Bdzio, est reprise par la prostituée dans la maison close.

En revanche, les retours la narration objective sont beaucoup plus surprenants. 'Ibut se passe en effet comme si le personnage, nous ayant entraid dans sa retraite et ses souvenirs, nous y abandomait en cours de segment, et continuait sa vie d'acteur un autre rythme parailelement. Le seul segment Iprojectif Iqui nous ramene a la p i t i o n initiale du sujet dans

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aipy:,e,l ap apouolne,l 'jpajqns aururm iuauraip!ldxa auuop as anb!urlg aval al no amp iuaurom ne 9a a!oip sinal iuahnonai maiesgw al la a%muour al 'mld wap no un assedap (3 uqd np iualqnkq) ms!qns nuaiua, q anb qp ! sainidni sap la sasdma sap :,=e 'sainauyxa sainiuam sal ammm sqi!mi iuos inaiehiasqo iabs np sainauaiy saJniuaAe sal anb a~noid !nb -iuepuodsana, anbpqy ipai al anb - i!nu q ap ayd aun la aaqosaun- anaiodurai uo!suaixa aurpx q sed e,u y-9 ap aqap al 'satura1 sanne,p ua .a!p iuauraidoid Wieneu mi?dsa,l ap ia qinp q ap pie%a,l a:,uepuadapq inal iuaisafiueur spidqns medsa,~ la aainp el 'ainigl:, q ap syai ap sp sal la iuariIaq:,ualqp np sanbuaisAy wol%ues sal anua puqmp.~d aiim iaqwid ap iaurrad m:,ajqns q:,eq-ysey iqwap q

-,hai:,e,l ied ~aiodural iuamalnoiap ne la auauraqdap xne aiyaiise sn~d isa,u saqdsoiia~ suo!i:,a.d sal amnsse !nb ai&i:,ajqns q 'muanbpum u3 .inane,l ~u.ianeim !nb sua!pponb la qa~odrm seale sap la 'anb!ieur8ard muaidum es ap a!aoss!p as q:,equaqw,p anb!urÁqi la a~p!uSm muaiadurm el 'mmjqns iuam%as np srnm ne : saueisq xnap ua dnaqi, np a%e~n:, un aurwm anb viaidraiy aiia snld lua~nad au q~asqo dqqp sál 'smmfqns auaurSas sap uopmyFÍuap!,l suep aueyuriaiap iuos ainigl:, ap suqd sq iyod ~anb gqma e uo,nb TOJ aun 13 -q:,equaqw,p anm srnohoi isa iuadas al suep afina,I aipyi:,ajqns el anb iuaunyum la 9uaispra ainigl:, ap suqd sal 'sdurai al suep la medsa'l suep vlmap auraur 'qe~ .inaim:,ads np qaiodurai-oiieds saauuopiom sq npiad e -maiesgw un,p anm ammm eiyeuumi uo'nb agensqe sn~d aipysjqns aun,p iyoid ne auuopueqe snou ,a%euuosrad np mua!mm, q 'iuaur%as ap smm ua ! aqmjqns uo!impour q iuauallapnd Wleiinau sa~dadsoiiy suopabd sap uo~niisua, q anb iues!p ua ampuo:, i!ennod u0 .sauqqur sa%qm?p sap anb luaiuaspd au 'iuepa uos ap rrour q la y.9

ap aldna, ap ab auua!:,ue,l iuanbo~a !nb 'S 8-d la k-d suaur%as sxq -op!q ne laigq,p aiqureq:, q suep luew ua alcaq

as amam aquaA suep au!muoj aun aiiuo:, aipuoga y.9 : g 8-d (p) zrdap uos puouue pfap iueÁe la auauraiaA xneahnou ap mAe 'pim snld

ua!q a~noiiai isa aiqmeq:, es suep ay%e la alqnoli 37.9 : a 8-6 (3)

-iaunajap qiad ne uyem ymuapual al yaredde91 iaqp al salde ~ueq:,imu y.9 : 8-6 (q)

-laigq,l ap neir al suep qqq ua aAnoIíai isa 'annsq an9,p aurp iume 'aiig)uaj es ~umy y.9 : 9~ 8-6 (e)

: sa%qqp sap iualuas~~d q!i:,adsoiia~ suam%as sal sna .anboq ejap jydpliue iuaur%as a1 ~sa ainigl:, ap uqd 91

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164 LES ESPACES S U ' C T I F S

- -* %.

narrative de 1'Cnonciation s'exprime, en diégétisant cette subjectivité.

4.4. COMPOSITION DISCURSIVE SLJBJECTIVE

4.4.1. Organisation narrative et modale

Rappelons ici bribement la distinction clasique entre l'organisation narrative et l'organisation discursive. Une segmentation narrative de M& d Wnke est posible : eiie dkgagera un schéma nmrut~x qu'on pourrait résumer en cinq Ctapes successives :

a) la proposirion de contra intersubjectif, réunissant les séquences du salon, du diner, du petit déjeuner ;

b) le re@ du contra, réunissant les séquences du premier moment passé sur la plage, de l'ascenseur, et du faux départ (décision, rhlisation, empkhement) ;

c) l'acceptation du conaur intersubjectif, reunissant les séquences de résignation, de retour A l'hdteh et le salut A Thdzio a d r d depuis la fenetre de la chambre ;

d) lesperfonnances, qui reunissent toutes les sCquences de contempla- tion et de poursuite, c'est-Adire la quete de la beauté par les sens ;

e) la sanction : 1'Cpuisement progressifet la mort.

On notera que les séquences regroupées en a), b), c) forment un tout, articulé en fonction des moments du contrat cinonique : proposition, dClibCration-dCbat, acceptation. En outre, ces moments repivent un investissement sCmantique de type moda1 sur deux plans : selon le/vouloir / et selon le Ipouvoir 1. Pour ce qui concerne le /vouloir voirl, on obtient le parcours suivant :

VOULOIR VOIX VOULOIR (guet souriant (mntemplation I NE PAS VOIR A ia fenetre) innoccnte) /Al I B l (rcfus violent e1 depart) "'\xI ID1 IC l

NE PAS VOULOIR NE PAS VOULOIR NE PAS VOIR VOIR (rhignation dans (regard detoume le hall de gare) dans I'ascenseur)

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En ce qui concerne le /pouvoir faire/ (pouvoir rester, pouvoir aimer ...), Qn constate parallelement :

POUVOIR FAiRE POUVOIR (djsponibilite (disponibilité l NE PAS FAIRE de Seraste) /E/\ de l'estivant) /A/ x l B i (iibene qui peut de repartir) ceiui

/DI /C/ N6 PAS POUVOIR ' NE PAS POUVOIR i> PAS FAiRE FAiRE (empbchement, la malle doir (inhibition progressive btre attendue L Venise) , face aux 'prwocations" de Tidzio)

Ces deux parcours sont parfaitement homologables, e t sous-tendent de fait celui que nous avons proposé plus haut pour la morpho-syniaxe des segments clos, ouverts, réciproques et inversés. Iis expliquent la dynamique de l'acceptation du contrat, de la délibération morale chez Aschenbach, et en particulier le pivot narratif qui se déroule A la gare, oii la transformation volitive (apparltion du /ne pas vouloir ne pas faire / et du /vouloir fairei) est étroitement associée a la transformation potestive (apparition du /ne pas pouvoir ne pas faire/ et retour au /pduvoir fairei).

4.4.2. Organisation textuelle subjettive

Pour ce qui est de l'organisation discursive, elle pourra &re lue A deux niveaw dsérents. Bien entendu, la segmeniation narrative se retrouve dans une segmeniation figurative ; un ensemble de ruptures spatiales :

- chambre / saiies, salles/ plage, Lido / Venise ... et temporelles :

- jour / nuit, soirée / matinée, alors / jadis / nagubre ... sous-tendent la dynamique narrative et lui procwant un cadre figuratif.

Mais une autre organisation apparaft, qui n'est pas spécifiquement figurative ; eiie est réglée par les insiances de l'énonciation énoncée, et plus précisément par la dimibudon des segments subjectifi. On a deja suggéré et on va montrer maintenant que cette organisation est une forme de textualisation du film. Examinons plus particulikrement le mam-segment

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166 LES ESPACES SUBJECTIFS

narratif de ia proposition de contrat, qui regroupe les trOis s&nes du salon, du diner et du petit dejeuner.

La s d n e du salon comporte dew groupes de trois segmen~ subjectifs : un premier groupe focaíisant sur Bdzio avant l'amvée de la mere, un second groupe aprh i'arrivée de ia mere. Quatre pians de situation, animés par des travellings ou des panoramiques, encadrent et segmentent i'ensemble.

La d n e du duier comporte trois points de vue dont l'objet est toujours lhdzio, qui rend a Aschenbach ses regards. En contrepoint de chacun de ces segments, des projections retrmpectives auditives s'intercalent. ,'

La s d n e du petit déjeuner contient eiie aussi trois points de vue assumts par G.A., le premier constatant le regard de Bdzio a table, le d e d e m e l'attendant et le saisissant a son arrivée &ns la saiie, le troisieme aboutissant a un nouvel échange de regards. Comrne les segments ne sont pas clos, la jointure entre dew points de vue est assur& par un éiargissement du cadre et un panoramique qui fait passer du plan (C) d'un segment au plan (A) du suivant. L'ensemble est presente dans le tableau ci-apr&s.

Constructlon de la macms6qwnee du "contrat"

- Panoramique d'instaüation - PdVI (la famüle) - PdV2 (le garpn) Epreuve 11 de la proposirion de conmt - Plan-sequence de situation - PdV3 (le garpn)

- Ttansition : la Lamille se leve - PdVI (arrivk de la m6re) -PdV2 (mere) f Épreuve 12 de ia proposition de conuat

- PdV3 (mere et garpn) - Panoramiaue de situation. dkvart de la familie et échanee de reeards en cl6ture L - .

(PROPOSITION DE COÑTRAT ACCOMPLIE

(-- P ~ V I (garson regardant) 1 - EB. auditif en contrepoint

Épreuve II de la proposition de conUat (reiteration) - Suite du contrepoint auditif - PdV3 (visage d u garcon)

-PdVI (absence du garcon) -Panoramique de situation

(111; dkjeuner Au p e t { - p d v 2 - Panoramique perceptif . rpn f-*- de ia q p i t i o n de m t r a t (tripiication)

-PdV3 (echange de regards)

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La rCgularité remarquable de cette construction induit A penser qu'eiie sert l'or~anisation narrative ; de fait, la tn'plicatwn & chaque séquence de regar& - trois points de vue enchafnés A chaque fois -, et la niplication des sc&nes elle-memes - salon, diner, petit déjeuner - ne fait que confirmer le statut narratif du regard. Comme dans le conte ou le mythe, le Béros doit s'y reprendre A trois fois pour réussir sa performance, voire accomplir trois performances pour rCussir sa quete ; c'est bien ce qui se pase pour Aschenbach : trois points de vue pour aboutir A chaque fois a I'échange intersubjectif avec 'Bdzio, trois sdnes avec échange de regard pour aboutir A un éveil de la curiosité et de l'intéret chez 'Bdzio. La triplication sigdifie littéralement l'abouzksement de la quete visueiie. A ce compte, les segments subjectifs, rhultant d'un débrayage Cnonciatif partiel deviennent des micro-skquences narratives agencées A I'intCrieur de la vaste séquence du "contrat".

Mais on ne peut pourtant pas en conclure que les segments subjectifs sont exclusivement narratifs ; ils ne perdent pas pour autant leur statut semi-énonciatif, dont on retrouve jusqu9A la fin des signes exp1icites.- Dans la dernikre scene, oh G . k assiste A la bagarre entre l'bdzio et son compagnon, les points de vue successifs segmentent, A l'inverse, un micro-récit en séquences identifiables, comme le ferait la parole d'un narrateur conventionnel. Chaque unité narrative : provocation, confrontation, domination, privation, sanctioi; est prise en charge par un point de vue d'Aschenbach ; si &est le plan d'obsewateur (en ouverture et en cldture), et C, le plan d'objet (ou plan d'informateur), l'organisation textuelle est la suivante : (photos 4 A 13 p. 1% A 199)

Contenus m e s d'tprewes Schtma figurati& narratives narratif

Bil 1- C 1 1 P. de Y 1 ICU de sable IPROVOCATIONI 1 Sdquena de “ma~~ulat iot?

1 -1

1 : 4 l? de Y B a g a r r e :- 1 CONFRONTATION 1 2

cB % P. de Y 3 . Abandon dendzio ..... IDOMINATIONI Séquence Vaetion" 3 Schtma type de i"'dpreuvew

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168 LES ESPACES S U l 3 l E m . S

De teiles compasitions apparemment contradictoires, l'une attribuant un rBle dikgétique, évdnementiel, au faire cognitif de G.A., l'autre lui at. tribuant un r81e discursif, Cnonciatif, suggkrent en fait une reprCsentation des instantes du ñim en trok nivermr :

a) une narration objective, assumée par un Cnonciateur-monteur, prend en charge les niveaw infdrieurs, et en particulier I'organisatim narrative des regards d9Aschenbach, qu'eile agence en un umacro-récit" ;

b) une narration subjective, partieilement ddbrayée, prend en charge des micro-rCcits qui constituent ia série d'anecdotes et de situations diCgCtiques du film ;

c) une "histoire", ou s'agitent et interagissent les pemnnages. Cette hiérarchie, et en particulier le statict intermédiaVe du deu~ieme

niveau, macro-rCcit é n o n d par rapport au premier niveau, et Cnonciation Cnoncée par rapport au niveau infkrieur, dCcrit le r6ie mCdiateur qui est dévolu au faire cognitif - visuel et auditif - de l'Assistant : médiation entre les CvCnements et l'axiologie de l'énond d'une part, et les actes et l'dventueile axiologie d e l'Cnonciation, que SCnonciataire doit assumer pour lire le film, d'autre part.

11 faut rappeler en outre (cf. supra) que I'organisation interne des segments subjectifs, en ce qu'eile attribue en particulier aux pians d'observateur la fois une fonction de cldture A l'Cgard du segment pr&dent et une fonction d'ouverture A l'Cgard du segment suivant, procure une "respiration" micro-textueile au film, que nous avons deja comparde au r81e de la syilabe.

4.4.3. Les adjuvants de la vision

Le r81e médiateur de la subjectivitd Cnonciative fait l'objet d'un com- mentaire mktadiscursif, tout au long du film, grtice aux lunettes, binocles, appareils photographiques, que nous regroupons sous I'appeilation "adju- vants de la vision".

Un inventaire des plans oii ces objets acquikrent une présence matC- rielle, une opacid, un traitement anecdotique ou plastique tdmoignant de leur r81e d'adjuvant, serait fastidieux. On en reBvera seulement quelques exemples. Dans les situations les plus variées, les verres plats des lunettes de G.A. refletent la lumiere et deviennent opaques, parfois d'aspect mC- tallique ; inversement, dans les flash-back Cvoquant la période heureuse de sa vie, il porte des verres bombés, dont les refiets ne masquent jamais les yew.

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*an!m ap sed isa,u aqderSoioqd-anS?l?p 1a.s al 'uos apueq el ap asn !nb J~I~~UOU? apow un aiiuo3 'ras ua!a -q3equaq3w,p allan. aianb e1 amwsq ,>!oa e asoq3 anb~anb,, ai, la 'i!oa e asoq:, anb~anb e K g,nb a[eu8!s qoa q : noaesradKq,~ ap ~IQJ q iJeuu03ar uo ! o!zpa anadraiu! ar?w e1 ap TOA q go iuawow np rpied .e pieSar np iarns iuapapai q3equaq3~ im 'uos apueq e1 ins qpua~q?p isa aap%[qns .ieppr!,p aspdar q f amwq es la oppa iuaauow rnaiehiasqo q3equaq3sv4p 9%~ np suqd sal red s?rpmua am ap slu~od s~na~sn~d : anbptqw pre8ai 91 ms aa!íqi!q,I puaidar qewnq pesar a1 'iue~ns iuau~Sas a1 suep 'iuauraie!pawur! qepq '%S ne anbreq aun ms sise qnd 'inoqap 'awau~-m~ q3equaqq puardwm arpm a1 iuop 'ram e1 la smauS!eq sa~ ms aSiq uqd un :aM ap aspd el ap nuaiuo3 a1 auuop (3 ad4 ap) iuetyns uqd a1 ! q~equaq3w,p aueiuawow inipsqns ap iniels uos auuyum '~!aredde,[ ap sqou sa~~oa sap iros g go iuawow ne 'aqd sauaa e saiiaunl sas rns anb!~lwaw qelq? un : (a adh ap uqd) srnauS!eq xne mg 'aSe1d q rns anasu! isa aqdeisoioqd a1 'muaiinm ai?!uraid e1 suea

(002-667 'd 87 e 97 soloqd) "o!inipsqns ap uo!ieIaJ ua ia ai,ua~m3um ua itiaaua anb!qderSoioqQaieddq ia iue~qssv,~ ap presa1 a1 : qmnwwo~ ap suopw$o saIqeipaa ap e nag iuamrop gaiedde im ap suo!iuedde xnap sal anb rahiasqo eiaj uo 'uo~ewryucn rnod larodwaí aSeÁerqap np iuwS!ow~i anbod9,p anb!qdeaoioqd garedde ua (prepog 'uqmdno !qna 'vun>us~) a~ani3e irraurm el ap uo!ieuuojsuiiri e1 'auryu-!n~ aSeuqy ap swd np 'puoua,~ suep 'uopmoa~,~ isa,~ : uogq~uou~,p Iaurroj ~!aredde,l ap iualea!nLq,1 - saapreS suoprodo~d sainoi - iuawa~qwp~a isa 'ragmpnd ua 'anb!qdeJaoioqd garedde,~ -

(667 'd SI-97 ~oloqd) '9~UW?P aquawmm ap mglo iuoj aipedo,~ 'uog3nrisqo,1 'snsdq a1 'aseqdwa,l go '9Áerqap íniws un ia ! pre8ai np aqSuo,l ap saq~uared anua aquI q 'uopw!3gdu1!,1 'iuawanbpo~q 'la maredmeri q iuawai~r3um aSp !nb aÁirrqma inias un : qg a1 suep tan. g~!n%cM aqej np iualmuqure inias a1 snoi iuaisa~mem 'iuaddeqq rnb suouS~o~ sq "ao!wnnsqo i!ej !nb anb~deaoioyd ~aiedde,~ 'sauaa sal suep aagar q

'WS 31 suep iuapsq [a un'p ai,uaun.mo aInas q 'iuau~a~gmg.S?s '19'3 : asseurer sq n qeq-as 'suouSio1 sas iaqwoi i!g g 'inasnzm,~ mep o!zpu ap pesar ne arpuody e muouar m~wsng go awam iuawour ne 'uyua

guop.uou~'p aedsa,~ la puoua aedsa,~ aaua ai?puoq q auos anb~anb ua iumgepgeur 'uqd ia!ward a1 Jarqmmua iuau~a~e~aiig iu. anbydedloioyd garedde un 'ai?!urap el suep inoirns la 'aSeld ap sauanbp xnap suea

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170 LES ESPACES SUBIECTIFS

Aussi, au moment meme oii Aschenbach redevient sujet énonciatif, le photographe abandonne les lieux, et pase au premier ~ i a n , en limite de l'en-de@ du champ, du cdtt de l'observateur, son appareil sous le bras : il devient lui-meme objet de la vision, pour un autre sujet énonciatif, mais son passage a la frontiere de l'espace Cnonciatif marque aussi l'échec de la commutation énmciative.

Dans la seconde occurrence, l'appareil est en position d'observateur secondaire, dans le coin droit de l'image, en amorce de l'espace d'enoncia- tion. Ensuite ii se retrouve dans la direction meme du regard de G.A., puis est encore relegue A gauche, apres avoir partieiiement masque _une partie de la bagarre finale entre Thdzio et son compagnon. Enñn, au moment oh le personnage-Assistant meurt, oh ia subjectivité dominante s'éteint, l'appa- reil reste seul observateur Cnonck, dans le plan d'ensemble oh ?tidzio n'est plus qu'une silhouette sur l'horizon : commutation enonciative rCussie.

Ce n'est pas par analogie que nous appelons "mmmutation" ces tentativa de substitution entre deux modes de prise en charge du faire visuel, mais bien parce qu'elles constituent dans l'tnonck du film lui- meme d e u épreuves méta-discursives oh l'énonciation se commente elle- meme et livre la clé de son fonctionnement. 11 n'est pas indifíérent que ces opérations affectent des prises de vue dirigées vers la mer, en plan large, tres rares dans le film, et sur lesqueiies nous reviendrons.

4.5. AXIOLOGIE, ESTHÉTIQUE ET PARCOURS ÉTHIQUE

4.5.1. Le regard performatif

L'ambivalence mise a jour ici pourrait etre utilement rapportk a la distinction, en pragmatique du iangage, entre "énoncés informatifs" et "Cnoncés performatifs" ; la phrase "Je vous pronets de venir" est considérée depuis Austin comme (i) descnptive, puisque le verbe "promettre" informe du contenu de l'action engagée, (ii) performative, puisque le verbe "promettre" realise effectivement - son tnonciation suffit a réaiiser - l'action qu'ii décrit.

Le regard a aussi le double statut, informatifet performatif, dans Mort d Wnise ; desc?iptif, il est i'intermédiaire subjectif par lequel le spectateur accede au savoir sur les actions et lesattitudes des personnages, c'est-a-dire qu'ii recueiiie et redistribue de l'information narrative ; pmfmat i5 il est regard qui cherche le regard de l'autre, qui exprime le dtsir, qui provoque

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l'intéret, la curiosité et appeile l'échange des regards. On pourrait encore distinguer, dans le meme ordre d'idées, entre ia force iilocutionnaire du regard, reco~inaissable a l'intensité des affects dans les plans de cloture, e t ia force perlocutio~aire qui lui permet d'éveiller la curiosité et d'attirer Thdzio. La valeur "performative" du regard coincide donc exactement avec ce que nousavons decrit plus haut comme surdétermination du cognitif par le thymique et le pragmatique.

Comme par aiileurs un des modes d'existence sémiotique du regard - le mode descriptif-informatif - est a ia fois énmcif - le personnage s'informe - et énonciatif - le regard nous informe -, on est en droit de se demander si l'autre mode d'existence - le mode performatif - n'est pas aussi a la fois énoncif et énonciatif. Pour le premier, c'est ciair : Aschegbach agit par le regard a l'intérieur de l'énond. Pour le second, cela reste ii prouver ; mais l'existence d'une composante performative, et pas seulement informative, ii l'intérieur &me de l'instance d'énonciation est suggérée par l'omniprésence de I'évaluation et du débat esthétique : I'esthétique plastique et filmique de l'oeuvre de Visconti fait écho a la quete esthétique d'Ashenbach. Or, comme la quete esthétique énoncive (celle d9Aschenbach) et k q u e te esthé tique énonciative (celle de Visconti- réalisateur) passe par le meme médium, le regard, on est fondé a penser que I'axiologie du regard qui est a l'oeuvre dans l'énoncé vaut du moins partieiiement, voire par antiphrase, pour la recherche esthétique du film lui-meme.

4.5.2. L'axiologie d u regard

Du point de vue de la méthode, ia description du regard "performatif" fait difficulté ; ce mode est en effet caractérisé par le type d'actes visuels qu'ii accomplit. Or, le langage cinématographique - et visuel en général - ne dispose pas d'un code suffisamment assuré, stable e t conventiomel qui nous permette de reconnaitre, comme dans le iangage verbal, des "lexkmes verbaux performatifs". La seule manikre d'accéder a la valeur performative du regard est, nous semble-t-il, de la déduire de ia syntaxe narrative des segments subjectifs, et, en immanence, d'identiíier les fonctions narratives successives qu'ils r v i v e n t , au vu des formes qu'ils adoptent et des positions qui leur sont attribuées dans ia maao-dquence des parcours actanciels et modaux. C'est ce qui a 6tC tenté plus haut, a partir du déploiement de la syntaxe narrative et discursive, e t de l'identification des diverses étapes du contrat.

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172 LES ESPACES SUBJECTIFS

Mais on peut, plus profondement encore, en repérer les significations successives, en rdfdrence au pamours anofogique qui se dessine dans la discussion sur l'esthktique et les valeurs de l'artiste.

Un rapide parallele avec le th6Atre eclairera ce point. Le genre dramatique offre cette particularite de deléguer quasi entierement le pouvoir de la "voix" aux acteurs de l'énoncé ; le seul travail d'enonciation qui ne soit pas délégué aux acteurs est le montage entre les actes, puisqu'ils contrdlent meme le montage entre les sdnes, par leurs entrées et leurs sorties. C. sera donc par l'intermédiaire de h pro le des personnages comme ici par l'intermédiaire du regard d'Aschenbach - qye i'auditoire accédera au contenu narratif de la p i k . Mais, en meme temps, la parole dramatique est action : elle ment, révkle, dissimule, menace, supplie, provoque, etc. Et a fom'ori, elle est réglée par une axiologie, par un syst&me de valeurs du dire, qui, parallelement et parfois au deuiment des valeurs du faire pratique, dynamise et oriente les comportements des acteurs : PhUre ne doit pas avouer son amour pour Hippoiyte,,Poiyeucte doit désavouer son sacrilbge pour tchapper A la mort, C%lim&ne ne devrait pas se compromettre dans des jeux verbaux malveiliants et dégradants, etc. 11 en est de méme chez Visconti, oil le fait de wir, de contempler, de saisir la beaute du monde par le regard est soumis A un systeme de valeurs explicite.

En effet, en contrepoint des principales etapes de la quete amoureuse d'hchenbach, les Iprojections / retrospectives nous livrent un commen- taire axiologique, sous h forme d'un débat permanent entre le heros et un ami musicien, qui permet de rkinterpréter la quete amoureuse en quete esthétique. En voici les prhcipales d o n n k , le point de vue de G . k étant développé il gauche, et celui de son ami ii droite.

Nos sens ne peuvent nous hisser jusqu'a l'esprit. On n'atteint pas A l'esprit par les sens ; c'est seule- ment par la compl¿?te domination des sens que l'artiste a quelques chances d'accéder A la vérité, il la dignité humaine.

Ridicule, inacceptable, oontraire A l'art meme. L'artiste est condamnk au mal, la

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beautk naft du limon de ia médio- critk. L'an est essentiellement am- bigu, ta musique te dkment

La honte est une dktresse mo- rale que tu ne peux pas ressentir parce que tu refuses tout sentiment (... dkrobade, pudeur, répugnance). ni redoutes tout contact direct avec les choses e t les gens.

(Je me sens souillk, je voudrais &tre purd '

J i-

Pouvoir &re le débiteur de ses sens, leur devoir un ktat morbide, maiadif, corrompu, quelie joie 1

pour l'artiste ! 1'1

Rien n'est plus stkrile que ia 1'

b 0 ~ e santé, y compris celle de l'ame.

(kceurement et froideur tourmen- tée dans ia s d n e de ia maison close. Souillure non assumke e t remkmo- rée par ia "lettre A Élise", arch& type de ia musique idiote e t asso- ciée A ia iaideur.)

(Apr¿?s l'échec cuisant du dernier concert, l'ami ironise sur l'an abstrait, non sensuel) La sagesse, iavkritk, ia dignitk hu- maine, fini tout cela. Plus rien ne

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LES ESPACES SUBIECTTFS

te rztient maintenant dedzscendre . dans la tombe avec la musique. Tu as atteint cet équilibre parfait ou I'homme et l'artiste ne font plus qu'un; lis ont touchk le fond en- semble. [ ..] ni n'as jamais Cté chaste, tu es vieux, etaucune impureté au monde n'est aussi impure que la vieillesse.

N.B. Certains développemenb sont rksumés entre parenthkses ; nous avons élimink les propos redondants.

Un systkme axiologique et u n parcours rCglk semblent organiser A premiere vue ce débat esthétique et kthique. Deux conceptions de la beauté s'opposent : celle d'hchenbach, la beauté sclon I'esprit. la beautC abstraite a laquclle on ne peut accéder que par I'asc&x, la dignité, I'abstinence, et celle de son ami, la beaute selon le corps, beauté malkfique et morbide a laquelle on n ' a d d e que par I'exaltation des sem, le contact direct avcc la bie et son cortkge de souillures. Pour I 'un , la création artistique est u n proczssus de purification, et pour l'autre u n parcours de corruption. Le diagramme suivant synthktise Ics deux conceptions de la beauté :

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De fdit, le parcous SUM par Aschenbach est beaucoup plus complexe, et. témoigne formellement de ses échecs, de ses refus, de ses atermoie- ments. Une lecture rapide du film pourrait laisser croire qu'une fois la "voie de l'esprit et de I'asc&eW abandonnée, suite a l'échec du demier concert, le musiyien accepte le parcours proposé par son ami, et se plonge dans la "voie des sens" qui, logiquement, aboutit a la maladie et a la mort Mais cette lecture laisse inexpliquée la fin du film, ob le personnage de 'Itidzio est de plus en plus épuré sous le regard d9Aschenbach, jusqu'a la s d n e finale, ob ii n'est plus qu'une silhouette découpée sur l'audela (visuel et thématique a la fois) de i'étendue marine et dleste ; cette épuration du corps aimé s'accompagne en outre du geste de médiation ultime : ndzio, aprks s'bre retourné une derniere fois vers G.A resté sur la plage, montre les lointains de son bras gauche ékvé. Ate moment-M, il se trouve englobé dans'i'espace maritime, sur une bande de sable dparée de la plage par une étendue d'eau : ii est "inaccessible", désignant l'audela du champ visuel, auquel ii appartient déjh en partie.

Bien auparavant, par ailleurs, une autre sdne de plage préfigure la fin du film : apres une lutte dans le sable mouillé (comme dans la séquence finale), Zidzio est enveloppé dans un drap de bain blanc, passe devant Aschenbach qui est en train d'écrire a sa table, et un brusque changement d'angle, dans un nouveau plan, nous montre ce dernier en plan rapproché, alors que, dans la profondeur de champ, 'Itidzio sedirige veF la mer, de dos, silhouette blanche totalement isolée sur le fond du cieL A ce meme moment, sur la bande-son, se fait entendre le seul lied de tout le fiim, ob une voix seule se détache du fond orchestral. Aschenbach est alors visiblement en train d'écrire sur du papier a musique ; c'est donc une s d n e d'"inspirationW, d'enthousiasme créateur au sens romantique.

Car, en fait, Aschenbach n'aurait pas renond a la beauté "selon l'esprit", dont les signes lui sont offerts et désignés in @e par 'Itidzio. Le statut de f'objet de valeur et son made d'acquisition seuh auraknt changt!. Pour comprendre cette transformation, il faut revenir a la deuxieme "projection" rétrospective, qui commence par un souvenir auditif :

L'ami : "La beauté ! tu v e u dire ta conception spirituelle de la beauté ! G.A: - Quoi ! prétendrais-tu que le génie d'un artiste serait incapable de la créer ? - Oui, c'est trhs précisément ce queje prétends ! (silence) - Alors, selon toi, notre travail d'artiste ... - Pavail ! Le mot est 15ché ! Crois-tu sindrement que la beauté puisse etre le fryit d'un travaii ?

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176 LES ESPACES SUBJEC77F.I'

- Oui, ... oui, jc ie crois. - La beauté nait d'un éclair, spontanérnent, elle ne doit rien A ton rravail, ni au rnien, elle ne doit rien A notre presomption d'artiste."

Dialogue essentiel ou s'opposent deux conceptions esthétiques, et, plus généralernenl deux conceptions de la caleur: I'une, ceiie d'Aschen- bach avant son parcours e t dans son "autre vie", la dé f ni1 cornme un objet <i ccmstruire, e t I'autre, celle de I'arni, qui devient celle d'Aschenbach au terme de son parcours, cornme un ohjet donné d receitoic i) sark au mo- rnent opportun (aspectualisé sur le mcde incidenr, inchonrif: I'éclair). Pour le premier, la quete de l'artiste (le travail) ne doit rien au Destinateur, et tout aux qualitks personnelles de I'aniste, d son "courage", A sa "digni- 16" ; pour le second, en revanche, la quete esthétique doit [out au Destina- teur, qui fait advenir la valeur, et seul cornptc le rnornent de la conjonction (I'éclair, la spontanéitC, la naissance). Le terrne de "présomption" carac- térice le wnfli t ent re une définition "orgueilleuse" d e I'esthétique, qui se fonde sur une éthyue de l ilurononlie, sur une autodestination, e t une dSA- nition "hurnilic5e" d e I'esthétique, qui se fonde sur une éthque hérérononie, sur une hétérodestination.

Plus remarquable encore : le changement de statut d e I'objet d e va- leur et du sujet, la réapparition du Destinateur, s'accompagnent d'une V I O -

dificotion du pczrcours canonlqile sur le modele axiologique pr&&dcmment établi. Nous proposom de reconstituer Ic parcours d ' k h e n b a c h cornrne suit :

(1) B - D Le sujct qui "se sent souillé" aspire A I'ascSse et A I'abstraction : c'est la "dérobade, 1s pudeur, la répugnance" dírnoncées par son ami. C'est le rcfus du contact sensuel avec les choses et les gens.

(2) D - A Le sujet crée. écrit sa rnusique et la lait jouer : une rnusique abstraite, "pure" mais vouée a l'échec.

(3) A - C Lri nouvelle disponibilité qui est la sienne, puisqu'il a renoncé aux travaux de I'esprit (voir la diHícult6 qu'il a a lire lors d e I'arrivée e n bateau), le confronte aux réalit6s sensuelles, au contact direct avec Tadzio qui r é p n d 3 ses regards.

(4) C - B L'irnplication de son nouveau mode de vie lui apparait imrnédiatement, cornme souillure inacceptable, comrne soumission au corps. Lors de I'acceptation du contrat, dans le hall dc la gare, la nouvelle voic es[ espliciternent associée d la maladie (le choléra) et A la rnort (de l'homrne qui k t o u f i et s'atfaisse). Le parcounest ensuite accornpli dans les laits, puisque I'amour pour Tadzio est associé (i) a la visite aux prostituées, (ii) A la représeniation grotcsque des rnusiciens de Venise, (iii) A I'affeterie

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ridicule qui devient un véritable masque mortuaire. (5) B - C Un parcours inverse se dessine, qui, une fois la perspective

de la mort et de la corruption assumée, permet de redécouvrir la beauté sensuelle ( d n e de plage heureuse).

(6) C - A L'envie de créer revient ; le seul moment oh on entend un lied sur la bande-son wrrespond au seul moment oh, Bdzio se promenant drapé de blanc devant lui, G.A se met a M r e de la musique. 11 faut noter ici que Thdzio se dirige vers la rner,Wlé sur le fond d'eau e t de ciei, et que le drap de bain blanc est deja un début d'épuration (cf. y a ) . Enfin, au moment de la mort, le garpn médiateur dQigne ven l'audela le lieu meme de la valeur.

Ce dernier parcours (5+6), inverse des préddents, est caractéristique des dpreuves d'inidation : au lieu de nier l'univers des valeurs négatives pour affirmer ensuite seulement les valeurs positives, le sujet dont la quéte est initiatique commence par nier les valeurs pit ives, A partir des valeurs néga tives, pour les affirmer en un second temps ; dans ce parcours, la position intermédiaire (C) est une plongée &ns I'envers des valeurs rechmchées, c'est le risque ii courir pour accéder au monde du Destinateur, pour réussir la quete de la beauté.

11 n'y a donc pas seulement opposition entre de- conceptions de la beauté ; on sait bien que G.A n'adhhre jamar3 a la beauté selon la mort et la souillure : les s&n& de la maison close et des musiciens de Venise en témoignent. En revanche, un auue choix est offert a l' artiste : ou bien accéder a w valeurs esthétiques par la négation du corps, ou bien par la négation de l'esprit ; en somme, entre les deux p8les (B) et (A), d e u voies sont essayks : celle de l'efors rationnel, qui échoue, et celle du rirque initiutique, qui réussit (?) dans la mort.

Ce choix, qui ne manque pas d'etre paradoxal, s'éclaire si on se rappelle que le systhme de valeurs qui est ici développé n'est rien d'autre que le systeme dzéologique issu de la doctrine augustinienne. On l'évoquera pour mémoire, sous les espbcesXid'un "modble thhlogique" mis au point par J. Courti?s%

BIENS DU CIEL AU-DELA BIENS DE CE MONDE ICI-BAS

'i'x'i / D I ICI

CONTEMPTUS MUNDI ASCESE

FUREUR DE VIVRE JOUISSANCE

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un red x~~y np anb!i?qisa arninal ariou au1ureiuo3 'ai!ns red 'la 'sa%eur! sap uo!suaqpdde aJiOU asg?poui ia auiJoju! 'p~~8a1 a! suoa8tri~ed snou iuop '~naie~asqo a3euuowad np j!ielJvu ia anb!;7olo!xr! vn(ls~d al 'ired aJine,a .anb!8olo!xe s~no3~ed uos suep ame3 ua im !nb ia 'a%euuos~ad al a~dmaiuos anb awgui allm isa dew! mp anb!iaqisa aiia:, : i!.qr np Jna!J?iu!,l yan~ieileu uo:i3uoj aun annuli sa%cur! sap 'anb!uili~ ia anb!iseld banb!i?qisa'~ 'i~ed aun,a .aui?iu-nlla anb~qde~Zninuiau~n uoric!nuoua,l Jns anhriaqisa ia anb!qi? uo!xa~?r aun anb!ldui! a?u?h p IJO~~ ap j!i3a(qns j!i!sods~p al Ionb~nod a~pua~duim inad uo 'apnia aiia3 ap auirai nv

.aura1 uos y aauau anb!i?qisa aianb ainoi ap anbriueuo~ la auuariaqn . , aai~od al Jns 'aivile,l ap a~!oie!dxa ia aqmuolo~i nuqq3?p el rns uorxagy aun ua anb!ieuialqo~d aiim :,!i~a+\um e ~iuox~~ .iudsa,l y 3pp3e uo,nb dro3 nmq un ~ed 1~3.3 : auua!n!uoie~d iuauiaiixldxa isa uuelq seuiou ap ana'4nou el suep qr>equaqxy,p anb!i?qisa a18olo!xe~l anb j!ieng!uS!s snld 1uane.p isa p~e%ai np a18o1o1n aiix ap anb!Zo[o?qi iuaurapuq zq

.a.'r!ie~~eu la an b12olo1x~ ?i!leuo!ieJ q e !J?P alqei!J?A un isa anb!ic!i!u! uo!ie!dxa.l : (sm~~ojuon iuos (q) ia (e) slnas) anb!io!ui?s yrm np snnb!xxiu'<s sal%?^ sal ala. s~nmred aur?!yoJi al anb 'iuanb9suos ~ed 'sed vrauuoi9,s au u0

[?i![!uinqj (v - 3 - 3) anhyt~ulu~ uo!~t~lJwa.l ap uno~~~d 21 (a) (0 e 3 +- v) apqmtu ucydnuo~ BI 3p s~nm~vd al (q)

[~!ana~o] (v - a -- 8) ankil?xr? 1~<?[/2,1 ap uno3ied al (v)

: san b!i?qiua slnon~ed qo~i ap iueu~iu!~ui suosods!p snou 'iu~td a3 Jns r!ug rnod

.surg,l ap ia scEro3 np anne?qn?p el ap la a!ui?p!d?,l ap1~nap!e1 e1 ap '?i!no!palrr el ap ladde~ al red iuauralqe.4oi!dur! a?u%eduon3e i!os Jnaieurisaa np CInp-ne,l 33\12 (i?![ ;)!i~ed e !nb 391nd.3 aineaq 2un.p a.\!ssa18ord ai~.i.~nooap el anb .q~equ.qnsy,p ;iSr?uuosrad np ,,suo!ixperium,,sal Jns sanb!Soloqs.ísci suc?!i w?p!siIon salcueq ap 1r:d uoys 'iuaurn1:ne ~anb!\dxa iiernes >u u0 ~~.~ii!oiuv-iu!~ 3p uo!ieiuai., VI ap auisur riui?qi al isa.3 : xpld xis np ranb-r np aidan7e iafns a[ 'anb!iscuoui a%njal np ia asVqe.1 sp ,,~l!nq., in arnql!~nS~c-) a1o.i ril red lassed ap na!l nv ¿ ,,suas xne uopueqe,,'l ap '..>J.II,\ 3p ~na~nj,, el ap uo!i!sod el 'i!euuo3 !nl uo,nb anucqqnap ap itr>tu!iu,is 11 ic, igo3?p al naAe 'Jaic]opc<p anb '(q3ei\uaq3sy,p aui?ut aqnrioq el suep isn !io!i!codo~d aiia3) na!a y ',,il~dsa,( ap sualq,, xnt! rapsnx'p anb r~odso aJine,p e.u !nb !nla3 rncd a~na~d? 31!d el 'uo!ir!dxa ~i!(i 111 ccd a3is9.u : :~nbiie!i!u! ,,anbs?r.. al aicisuon !onb un unqrij ;)? aurqisic 131 irn Jns :J>I~ Ilii\ UC)

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-,,sa~!i3adso~iai sallauuo!ssed suo!i3afo~d, sap a~!peisa,:, 'q!iz~afqns ,,q3eq-qseyn sap smolnoi !3! iuos a3 ! l173eq-qsey,, Jn0d s!ur isa ;gs~,, -9

*s?aya saiine inoi ap DaAe s!eu 'sassm xrm uour ap u!eJi np auas el suep 'a8noq !nb ueld aJine un anbo~a lanbq 'S

'1!3 .do '#D&W~~WS a7 'j3 'p 'LS-69 .dd '73a!q3u!~~ '5~1 '1 'ti+ uos la smo3.y 'ianbo;> 3-y 33 'E

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-SS~H~ -aylqnd uou 'aph aru?!s!oJi ap asau -,ua%or:p a~ups mpuras 07 suep ah!i!u803 uo!suaru!p e? -sanbsaueruo~ salo~ed ia ssuajsuoc),, -1

.sanb!ieuos ia sanb!uIÁyi S~WW~J%OJ~ sap aSesn,p sauue~So~d auum aiumdua !nb inap el ap ia inaieupsaa np a3uesqeuucMaJ ap auos aun isa uo!ieqsq el : inq snld q~qeia sgpafqns srnmid sal auuyuo3 rnb m 'an@v&v~dalia an&wXq ~ed jypx8m np uo!iequiai~pins aun (e)

! inaieupsaa np su!eu sap ai!nsua qoAmai el no~nod rnod rnap el ap uopesau el iaiuoJBe i!op ialns al ! uopa!q,l ap anbyoum uou s~no~ied a1 i!npe~i anb 'iafns al ~nod lqualqxa anbsp un 'aiumel-snos a*uqod ana~nys aun (S)

B ap -uoua uopq3uoua,l suep 'aiino ua 'y! ia - a3uoua'l suep aanmsu? isa aouep -uaosueii aun ananbq ~ed '~naivqs~ np aipgdxa uo!iqpq aun (2)

! ved aumne iuo,u iains np lani!nds voBa,l 'jppx8m ~yaeii a1 'o 'uopnguua,l ap apou al Jns '~nap~ q p a~mp?wu+ w.yqa1 aun (1)

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-o!zpa ap iueupsaj a8ew np ia ,,saSeuq sallaq,, sap !nlm ~ed !ssne qeu 'Irou q ap la a3u~y3ap q ap 'ainn!nos el ap 'qpqeux q ap apm3ads al ~ed a~nmid anb!iayisa qqqd np anb!~? apiod q Jns Jnoi uos ? ia8orraiu1,s e aipu! isa ?~!eiepuoua,l 'saleini3nris suo!i!pum sal i!rqp suo~e snou iuop 'aqarrauxala uo!imgiyp!,p naf

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CONCLUSION

Le discours de la recherche ressemble parfois - est-ce par mimétisme ? est-ce la rhétorique du genre ? estxe I'effet d'une contrainte sbmiotique gbnérale ? - au conte populaire ; des concepts s'añrontent, engagent le fer avec d'autres concepts, occupent le terrain, le défendent contre d'autres qui cherchent a m i un espace oii pren'dre position. La ressemblance est d'autant plus saisissante que les concepts sont ici des actants, des sujets et que le terrain qu'ils occupent ou défendent est I'espace de la subject~té et de l'énonciation dans le discours. On a vu ici I'observateur détrdner le narrateur : I'acte de narration lui-meme est dissocié en un ensemble de calculs cognitifs, appiiqués aux divers savoirs focalisés, d'une part, et en un parcours figuratif, verbal ou filmique, qui en manifeste le résultat, d'autre part. On a constaté aussi que I'informateur s'affirmait, face il I'observateur : doté d'une compétence propre, d'un /muloir/ et d'un / pouvoir /, qui ne sont pas toujours en harmonie avec c e u de l'observateur, il peut meme contr6ler toute une strate d'espace qui échappe ainsi A ce dernier.

On a rcmarqut aussi I'tnonciataire, amvant aprh &up, qui, pour accéder A la signiíication, devait préalablement explorer le territoire des observateurs et des informateurs, pénétrer les rapports de force qui s'y jouent, et se réapproprier les compétences et les positions prédéterminées qui y sont implantées. On I'a vu, par ce biais, s'engager plus ou moins radicalement dans I'tnoncé lui-meme, adopter parfois la défroque d'un personnage, mais aussi, plus souvent, se reconnaitre en des roles abstraits, des thCmes ou des isotopies qui étaient des passages obligés dans son - propre parcours sémiotique.

De meme, I'observateur entre en concurrente, pour certaines fonctions sémantiques, avec le locuteur et I'énonciateur, et permet de situer, entre le sujet d'tnonciation et I'acteur "verbalisant", un sujet énonciatif qui supporte I'essentiel des strattgies d'identification. On n'a pas oubiib non plus les guerres de frontieres entre le verbe et le regard, tous d e u dbpossédés, pour finir, de leurs velléités d'hégtmonie respectiva, au profit &une saisie plus abstraite de la subjectivité. ,

C'est aussi sans doute le moment de tenter une bvaluation, moins

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anbg!3gds auiJc)j aun isa IanyA anA ap iuyd al anb '~ay3esuo3 iuos !ni !nb sanbr8oloie~~eu ia sanb!2olo!ui?s sapni;? qap i~ednld e1 3111 E 13

'!nq,p~no[ne,p euiau13 al anb laJapisuos au F 'icsnr! ~asuad iie~~nod u0

.?1!3!~!3?ds alua~cdde aiia3 iuasnnal '~u a~iy?qi a1 suep allauuo!ssed uoried13ri~ed e1 auiuio3 'iq3a~g z3q3 anb!inep!p UO~I~!~U~ISI~

el 'saui?~ixa xnap xne : ',a+,, uo!ieiuayda~ el la anb!u?.ic ascdsa,l ap saiu!enum xni: ay1 uo!iexj!iuap!,p ax!j auiloj aun y,nb i~cipd S au a~i!?qi al anb ?uilwe sduiai8uol e uo 'aui3ui aa .a~!e~iuo3 al iua.mold 'auiapow FUI?UJ~ al suep axg ueld np lnoial al ia 'a~!e~?ii!l ainsi np sallas ~aqxxdde,p iuaiiaui~ad !nl !nb ai!sonilL\ aun ia assa~dnos ;>un alnxud anA ap ayd ap anh!uv3ai el 3p UOII~~O.~,~ lanbnl: 'snuanhp-ue~d 21 anb ~aldde~ ap !nq,p~no[ne ?i!leueq aun isa,s : sjlssannns ia siua~?~!p an,z ap s-iu~od ap pielleu aaeiuoui un e iu~s~ise i!cia ~w?u13 al 'anb~!3 ap spr?imds np i!~iu?q 11,nb ,,uo!ie~isuotu,, e1 F ia 's1nq.p sas 3p ,,auiig alitjaqi,, ni: ~ddeq3a ~nod 'anb ~a~uad nd i!elne uo 'auiaui ;7a .sa~q!swd iuos a~n8y ap sm sa~ine,p 'uilg a[ 13 ;)eq~3.4 ainai 31 ~ntd ~[?p i!c.zcs 31 uo auiuicn 'anb muapF7,l y a~iuoui 'auiqqn3 a1 3a.tr: no 'as!ou!qs 'ale't;)!pqui a~niu!ad e1 3a~e uos!e~eduio3 el : aiueufI!e~luo3 la a?i!ui![ a..\!i~acis~ad aun ~aidope p azqqo ia 's?ueilnui!s 3nz ap siu~od s~na!rnld uo!iciuss?~da~ ainoi i~p~aiu! ;)e~ni.yd uno3s1p np ai13i~!s?ds el anb ~su18cui! i!ellnoJ uo 'alnq!s ~IX ne .IX np auuagolna a~niu!ad e1 anb a1duiax.a ~ed ~s~qp!suoo au v .la!iuJssa is:, s~noial-gane sm np i:, siuauias~o~n sa3 ap iajla,-1

.ai!ns ap !sule 13 ;..alq!su>s uori3a[o~d 'a~!i!uSon uo!xalju!.l iua!wpua~d i sauiloj w11~nb : [eqla,\ sJntMyp ne lnoial un iueuaiu!eiu ~!o.z?~d inxi uo 'sj!i3arqns caine sal suep anb!io!ui?s al!I?j np sTc3!suaui!p r;!o~i s31 aliria ru011e!~o~s1: UI[!J .7[ suvp ia nF;.alqci al niep alyurnl u:, iumsii3ur ua 'sj!ie!nuoua ~in~,p UOIIOU el ai!nsu:, luesgel?uyJ .iuaueuiui! no IUC~U;)~~TF;JI 'lnnlt?uJ~yt1! Un nlhnx),1

!ssne aliuoui h uo 'aSeui!,l e iueuahal ! lnaieNasqo.1 :me uo~i~e~aiu! uos la 'lnaieuilcqu?,l ap ?ip!i.ie,l anu;7pp? u3 iu3uia1!3~j iaru uo 'a~!r!l?ll![ aixai al suep *s!nd 'JnaieJJcu 3p UOIIOU el nuaiuo2 uos ap a!i~r?d apue~5 wn.p apy!nb a3 .leqJad\ unomp a1 suep iucu!uiJai?p a191 al anuoui u:, uo 'Jnoial u3 ! ~nai~hlasqo,~ 1ij33u03 31 s2~q uo ';>nb!qd~~8oir?~uqu!3 ~u!cuiop al cutip ariled us ia '~c~ni.)!d au!europ al suep nrnh?pru! lu3uialcioi iualy?l 3 Jnainx)] al no Jn;lieuilu a1 IS .?i!ul?Jixa >un II:~ neataqn3.1 -iroua~d .a?i~!ldiu!~ia a?Suel uniq ~~FUII :,un,nb puoj nr: r>uuop au sirri1nc.l ~2p ;)sodaa,l luop 'su!ssap as !nb anb!8olopoili7ui ?c!oln-p<eqi qqr:i!~?.z un SJOIF: 133'3 : 3pnia nila2 np 8uo[ nr: 11101 Dnpunj?p ir> .>?id(>pc cuo~r: mc?u snh mh!iotu~?synld 13 ?AIICJ!:~UIO> n~npr>?o~d 171 sp ':!n bi~oqJei?ul

Page 180: Fontanille, jacques, les espaces subjectifs

.qururosuo3 isa ainidn~ q 'sa~!i3a[qns sa~!ie!3uoua suo!ieiado sap al%ue,[ snos aapioqe isa uo!isanb e1 no iuaurour ne ! aaq3neqa 1sa a~nidni q 'ia![n3!i~ed se3 un'nb isa'u ;~uoua,l ap inai3e un 3a~e uo!iqmsse,~ QO 'inaimasqo iua3e'l ap a!%olodh aun Wlqura'p iuesodo~d ua : ~OA el ap no pie%ai np 'aqois!q,[ ap a%euuosrad un e 'uo!ie%a~ap ap sm :,e aJ!npai as ileines au aip!i3aiqns q -s~!iepuoua sgi3arqns sai3e'p neasy un'p aoqd ua wur el ignoqe uo 'sa~g3arqns saoueisu! sap anb!swp s!eurJos?p aipb aun'p iuaied .ialdurcn iuawauinoia~ un uqns aIIa 'uopiayai el ap ly ne'nb anbieurai eine inaiDa1 al 'saoueisy sas ap ia a3edsa uos ap 'ai!~g3a[qns q ap allas 'sau%g sai?!ura~d sal s?p p! aasod uolisanb el auimuo3 !nb a3 inod

.iua!pnia salla'nb sawioj sap ai!oiqq aun ins iay3noqap anb '~ainpiad inod 'iua~nad au 'aqeqdpqpouour a~qdura aun e aoualaja~d e1 iuauuop sa~la'nb mied ia 'sau%!s sap uos!eu!qur<M q ia uo!ssa~dxa,p aJ?!ieur el 'sanbypyis sapcn sal iuaflalpud sana'nb m~ed 'anb!qdei%oiewaup anb piniqd aqmuop a[ suep iua 'sanb!%olo!uras sanblieid saulaiao !onbinod aq3ue~a~ ua pua~durcn u0 -suop!sodqp saiine sa3 ap ia si3adse saiine sao ap aIqesgeaJ a~?neik np 'srna1l;re id 'iua~nos sn~d a1 iuaisaiie srnms!p ap sadh saiine sal ! saiine'p raqeai ua'p alqpdaosns srnoboi aisaJ s!ew 'uog!sodsrp aqwao aun no i~adse un as11ea~ ua '~eraua% anb!go!uras alqpour al suep a3inos es puaid ~a!ln3!ued sino3yp ap adh anbeq3 : uo!ssaidxa,p apour la1 no la1 ap s~ueiuauronr sieie~e sal a~iuo:, qunuraid as ap uadour un lsa p! qidope aq'~ieurap e[ ap gie~edurcn ia jp3npap ai?neim q

.aurnsw,l !nb p~etlai ap ai3elnur!s np la uo!ieiuaqrdai q ap jyein%y coedsa,~ ap pieOa,l I: couepuadapv apued snld e[ aiuasyd !nb aurqureuXp un iuaiqnbe d lein8y coedsa,~ la anbysqd aoepns q 'iaga ua ! sanb~onmla sa%euq sap la oapp sa%euq sap mauraddola~~p al : qigqi ua "qainvnns salqwqi,, sao Jauuojsuen - a puaururcn e - ip~.~nod anb!ioisy i!ej un 'enr91q3 a[ luauralani3e avurop rnb ,,p~e%ai, ap aJ3qnuqs al inapuojo~d ua aqejap am;)w-ala inad 'aido~d lwdy aurqureudp uos ap aseq q Jns 'mb aiuasyda~ aoedsa,[ ap aap uo!sroliqp aun ms a~0dal lan. aM ap ivod al 'ued anne'p ! sanb!uq3ai sap no/ia qi!leiuaur sap uo!inpq aun'p JnaAej q aipuaia's ~,nb iuapueurap au ~nb 6sa+is[qn~ sauuoj saime srna!snld yued iagn3yied m un'nb isa'u @i!pne la) lansp aM ap ivod al 'ued aun'p : sluauraddo~a~ap saane'p i~oq~d iumnod iuasyq qainnnris silej xnaa .anbgdei%oieuraup aip!im[qns q ap aiueu!urop

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.sn.i!isajqns~aiu! suo!ics!lepcliu sap la ~3~11831 sap 'suo!ie~?do sap a5e~yin~ un ~vd 'snou uols 'p1oqe.p assed ?i!,i!13a[qns el ap age~da~ a1 an bsyd 'i;o!ic3! pul 3ii3s 3a~e I uap.1ox1o3 suo~snlsuo:, cou 13 sasaqiodñq SON 'la!sy~adns sanbscur ap nriF un r! a?,io.zua~ i~e~as a8~8q3 ua asyd 81 ap uo!isanb 81 la 'J.~U~!~L~JU! 12 a]np<?ru pJ0qe.p 'sJnmsIp al suvp ':!elas y~.z!isa[qns e1 'UO!I~!~UI aiias I!CA!~S uo !S no nuuo3 (al]? sed au ap no) a~i?,p ~!s?p al ia JIOAFS ap JIS?~ al ~nod sanbsew sap anb iuos au (...an~ ap slu~od 'sp~e8a~ 'sail~uuos~ad) wly np no anbsaueiuo~ aixai np sa[[a!r,y~adns sa~nSy ssl 'iaga ua 'sila ~ncd : aiuessaJaiu! uo!im!pu~ aun isa 'auua!umr:~ ra![ns!i~ed ua 'anb!i?oloq:,Ásdei?ur uo!i!sod ~1 ,anb!ií,!u?s alnieu ap iuawn8ie un a~ig sues 'slnall!e led

.3sscduij.1 e ai?nbus*[ au?w 'r~3euuos~.d s3p ~ed ~~11331

-qns siuaui8as cap a;i~eqs ua asyd el iuasu?i:,elss !nb <saJine sap saun sal saiuepuad?put saIqe!leA ap aJquiou al 'cui?u!n ne 'aruaui aa .sxf?li 18ut~ aJ!oii '~p J~SSF~ i!ellnod uo salq!q~?~d siuaiuau!~e~ qanb ~ed ua!q syi IIOA uo )a 'idas y s!nd 'bu13 y SIOJJ ap 'sue aiuaJi ua 's~scd iuaui.~.~!sra~8o~d IUOS 'sa?suad sap la salored ssp a8~eqs ua as!~d e1 ap ia uo!ic8?pp e1 ap s?i!lepo~1 cap aivq el Jns qu![?p iuos q!,nb med ',,sa?sud ap si~s?~,, ap ia ,,salo~ed ap sirsa~,, ap sad.41 s31 anb 'a!8oloi~~~eu ua 'r>[duraxa ~ed 'yei -su03 i$?p e u0 .saixai sap a1?~3uos uoj;d!~xap CI al!n~~!p iuawal~!gnn!i~ed pua~ !nb a~nisruis el ap ci%a~l?p un 'suo!lFni!s sap uo!imgd!ilnur?p aun

'~~IJI~~!~I~~UI!S IuauiaA!snqe sed isa,u alla pur:nb 'nn e'/ uo 'i!inoqe ~AII

-:,arqris uo!ieSal?p c1 ap a~n8g ap <es sap i;1 sasueiw! sap a13o1odÁi q

'Jluzme,l lnod aq~laqnal 3p sais!d ap anb apni? aiia:, 3p sa~!oq.zo~d qnb3e,p iut?int? inoi a~n8y iuoj !nb nuauin5~e,p alquiou u!suas un Jsnue.ze 'w<io.~d a3 e 'i!er~nod u0 .allauuo!ssed uo!suaur!p el aurasuos !nb a3 lnod ~a!~nr,!]l€d ua 'aJ!rj F dnosneaq a~o.íua sisar .FUI '131 3q3neqa suo~e snou anb a3 isa,3 : sa.~!ina[qns suoyeldo sap anbyxiíiuds ia anb~urou!wi a~uiouoine.l iu9uialqele?~d ralnse inej 11 'elas Jnod -sj!ie!~uou~ sj!imlqns sane sal s:)uou?,l sucp iuauai3al!p la~adal ap 'anb!2olopoqi?ur ia anh!lo?qi '?i!se(Jm e( Jauuop 3s inej fi : sa~!i3ajclns suo!ie~?do sap alla3 ,';a alc~ium uotisanb q

's2puo3as suo!isanb sap iuos 'aync?ssi: )va !ni !nb anb!is!?p a3ua~ajy er ap aIIa anb !su!e '(a%cuuosld un JE~ *mueisu~ aun ~ed) a~113aCqns aaieq:, ua ayld q ap uo11sanb e1 anb !31 suotulyye snou ! sauraqdlou m!eilm ap an b!i31?p muaJ?j?J ap ?,!sede3 el ~ed a!uyap 1s3 a8e8uel al suvp 91~11nalqns q ap i~ed aun alno] 'aiyua~uaa zaqr, '&p : p!iua~;)l?i auiorm un Jns apuoj rrc a%wuowd un uorlc%?[?p ap saln~mld m1 ia smueisu! 531 ins auod !nb a.itan3yp ai!.zr]ndqns el lns uo11v9o~iaiu1 ainol

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En outre, le retournement auquel now aboutissons n'est pas sans avantages expiicatifs et heuristiques. En premier lieu, abordée comme un agencement d'actes Cnonciatifs, la subjectivitb acquiert les propridtb d'uae dirnension narrative : eiie comporte des enjeux, des parcours e t une axiologie du dire et du voir, par exemple ; le "regardn ou la "wix" ne sont plus de simples fonctions mises au seMce de la reprdsentation ; ils manifestent A l'occasion la quete d'un sujet Cnonciatif, des systi?mes de valeur qui regissent une ethique etlou une esthktique ; les parcours subJectifs dans Mort b Nnke sont, A cet Cgard, exemplaires.

En deuxibme lieu, puisqu'elies sont dominCes par les modalisations et les rdgimes intersubjectifs, les variCtCs de la prise en charge par les instances et les pemnnages apparaissent comme les diverses formes strategiques de la manipulation de l'enonciataire, et non pkis seulement wmme des dispositifs techniques-En dernier lieq et pour k s memes raisons, ce qui apparaissait wmme une rkfdrence a Sdnonciation rqoi t dans cette perspective un r61e mCtadiscursif ; la subjectivitk rkvble les c o d a de lecture de S6noncé. wmmente et rBgle les procédures d'acds A la signification pour l'enonciataire. 11 est clair .que les grandes lignes de ce retournement théorique et mCthodologique ne sont ici qu'esquissees, et que les consCquences qu'on peut entrevoir sont encore A venir.

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INDEX

Inaccessibilit6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53. 100. 120. 123. 175 Inflexion . . . . . . . . . . . . . . . 131.132,135. 136.137. 157. 159-162 Inforrnateur . . . . . . . . . . . . . . 22.52.53.54.84.85.87.88.92, 118

Locuteur. allocutaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26.27.28.29. 31

Mise en commun (des espaces d'enond et d'enonciation)54.55.56.58.63.85.87. 94. 98

. . . . . . . . . . . . Modalisation cognitive 51.52.55.56.63. 113. 120-123 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Monstration 84. 108

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Narrateur 43-47

OWrvateur 16. 17.19.30~33.37.44~49.53~54.76.84-85.91.94~97.111. 114. 117. 119. 143

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Obstruction 55.100. 1B.123. 161 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Occupation 57

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ocularisation 109

.PassionneI. thymique 18.19.40.41.62, 101.104.127. 131. 136.139. 179.180. 108. 109-110 Perception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36.85. 86 Performateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47.10 8.109 Performatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170-171 Perspective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30.65.72.73.82. 83 Plastique (manifestation) . . . . . . . . . . . . . . . . 53.55.58.73. 138 Point de fuite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67.78. 88 Point de vue . . . . . . . . . 14.18.32.67.68.128.129.135.139.150. 166 Projection . . . . . . . . . . 128. 129.132.135~136.137.151~152.157. 158

. . . . . . . . . . . . . . . . . Regimes intersubjectifs 55.56.63.9 8.103 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Relateur 47

. . . . . . . . . Réseau dmiotique 129.130.134.135. 140.142,157.15 8.159

. . . . . . . . . . . Segment subjectif 142, 146. 150.155. 162.165. 166-167 . . . . . . . . . . . . . Spécification. dlection 132.133. 135. 138.140. 158

Spectateur . . 20.24.31.32.40.41160.69.76.84.89194. %. B.99. 108. 116. 126. 159-162

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Sujet enonciatif 16.2 7.31

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Symbolisation 87.88.90. 92

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Témoin 47 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Temoin-Participant 47

. . . . . . . . . . . . . . . . . . Thtmatisation 20.94.97.105.160 .161

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'(10) x u?lallng - sanb!lo!iu?s ss~ny ',,an,\ ap iu~od np anb!2o[txioi uo1ida3uo3 aun Inod., '~861 .q>a!q>u!m 's!red 'unonnp 'rul!i artYut),7 '~$61 'NI~IO~ 'I/V

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