Flusser L'Écriture a Telle Un Avenir

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Does writing has a future? (L’écriture a-t-elle un avenir ?) Edit. University of Minnesota Press, 1989. Compte rendu librement inspiré de Vilem Flusser 1 Par Georges Bertin. Problématique. D’emblée, Vilem Flusser rappelle que le fait d’écrire, c’est à dire de placer des lettres les unes après les autres, semble ne pas avoir d’avenir puisque l’information est maintenant transmise par d’autres codes. A l’avenir, les correspondances de l’avenir seront plus facilement poursuivies par ces codes que par ceux de l’alphabet. Il se demande ainsi si nos descendants ne seront pas amenés à réapprendre à lire et à écrire un peu comme nous avons dû le faire pour déchiffrer les hiéroglyphes. Certes, pour lui, beaucoup de gens le refusent, car ils s’estiment trop vieux pour apprendre les nouveaux codes. Ils préfèrent invoquer la noblesse des lettres pour cacher leur paresse, pensant que si nous perdons l’écrit nous perdrons Homère, La Bible, Aristote et Goethe, et leurs modes d’expression. Alors, quelles seraient nos vies si nous abandonnions l’écriture? Quelle transition inventerons-nous sauf à accepter la barbarie ? Car placer et ordonner des signes écrits sur « le bon chemin », c’est aligner des idées, c’est donc d’abord les avoir pensées et les ordonner. 1 1920-1991, philosophe d’origine tchèque, citoyen brésilien, professeur à l’Université de Sao Paulo, a vécu en France. 1

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Lecture cursive de l'ouvrage de Vilem Flusser: "L'Ecriture a telle un avenir?".écrit, digital, mutations

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Does writing has a future?(Lcriture a-t-elle un avenir?)Edit. University of Minnesota Press, 1989.Compte rendu librement inspir de Vilem Flusser[footnoteRef:1] [1: 1920-1991, philosophe dorigine tchque, citoyen brsilien, professeur lUniversit de Sao Paulo, a vcu en France.]

Par Georges Bertin.

Problmatique.Demble, Vilem Flusser rappelle que le fait dcrire, cest dire de placer des lettres les unes aprs les autres, semble ne pas avoir davenir puisque linformation est maintenant transmise par dautres codes. A lavenir, les correspondances de lavenir seront plus facilement poursuivies par ces codes que par ceux de lalphabet. Il se demande ainsi si nos descendants ne seront pas amens rapprendre lire et crire un peu comme nous avons d le faire pour dchiffrer les hiroglyphes. Certes, pour lui, beaucoup de gens le refusent, car ils sestiment trop vieux pour apprendre les nouveaux codes. Ils prfrent invoquer la noblesse des lettres pour cacher leur paresse, pensant que si nous perdons lcrit nous perdrons Homre, La Bible, Aristote et Goethe, et leurs modes dexpression.Alors, quelles seraient nos vies si nous abandonnions lcriture? Quelle transition inventerons-noussauf accepter la barbarie?Car placer et ordonner des signes crits sur le bon chemin, cest aligner des ides, cest donc dabord les avoir penses et les ordonner. Alors, crise contemporaine de lcrit quand les machines le font automatiquement mcaniquement? Abandonnons-nous aux machines grammaticales, aux intelligences artificielles la fonction dordonnancement des signesquand elles excutent non seulement une fonction grammaticale mais aussi une fonction de pense?Parler de lavenir de lcrit cest donc parler de cela.Plusieurs phases dans notre relation cette problmatique: 1) avant le fait de placer des ides en lignes, nous organisions les ides non crites en cercle, quand toute ide pouvait revenir une pense antrieure, ce que nous nommons pense mythique.2) Quand la pense directionnelle appele logique sest organise, les signes crits en furent les moyens. L, la pense uni directionnelle conduit la conscience via lcriture en la faisant merger de la conscience pr-lettre, cest la ntre, cest encore le cas du superscript, pense critique ou progressive, numrique ou narrative, toujours consciente et rfre une conscience historique. De fait, cest celui qui aligne qui peut penser logiquement, calculer, critiquer, philosopher, et donc agir et penser dans lhistoire, car le geste dcrire produit une conscience historique. Ce sont dans les temps historiques que lhomme enregistre les vnements en crivant. Avant, tout semblait se mouvoir dans un cercle sans fin.3) Or, voici que les machines crivent plus vite que la pense humaine, peuvent varier les rgles des signes assembls automatiquement. Et les intelligences artificielles vont devenir plus intelligentes dans le futur, elles possderont une conscience historique suprieure la ntre. Lhistoire va devenir de faon inimaginable plus dynamique car, plus de choses survenant, les vnements vont se surcharger les uns et les autres, devenant plus divers et les machines automatises feront une meilleure histoire que nous. Ceci nous permettra de nous concentrer sur autre chose quand lcrit sera dpass pour des codes plus nombreux. Mais nous ne pouvons encore le concevoir. Ecrire cest creuser.Avant de savoir si lcrit sera abandonn, lauteur se demande dabord comment il est arriv.Et den reprendre ltymologie graphein dabord, mot grec ancien, cest creuser, graver do le caractre gramma-atos qui indique ce qui est grav et le scribere latin qui signifie tracer, gratignerCeci renvoie un geste primordial, celui de faire usage dun outil taill en biseau pour creuser (stylet) et donc une techn alors que maintenant, crire cest dposer des pigments sur une surface, ce qui est autre chose. Pourtant le mythe tablit la prminence de la gravure sur le point puisque Dieu crant lhomme fait sa propre image dans la glaise. En linsufflant, il introduit son esprit dans la materia prima (la Grande Desse), et cest ce dont nous sommes issus. Dans le mythe, la glaise de Msopotamie est faonne en tablettes graves avec un stylet en coin et la premire inscription (lhomme) est ainsi cre.Ainsi faire des trous dans un objet, cest crer de lesprit dans la matire (lin former), matire ensuite durcie (brle), travaille, manifestant la rsistance des objets face au Sujet.Ecrire, ce sera donc aussi chapper aux conditionnements du monde objectif. Aussi, linformation est limage miroir de lentropie, lintention de nier la tendance objective vers lentropie. Quand on informe, on produit des situations improbables pour tablir lesprit contre la matire. Mais les objets sont malicieux. Ils peuvent creuser une information et lensevelir dans les objets jusqu disparition quand le monde objectif est plus fort que le sujet qui linforme. Avant linvention de la transmission lectro- magntique, chauffer les tablettes pour durcir leur souvenir est le but suprme de lesprit et toute lhistoire de lOccident peut tre considre comme une srie de variations sur ce thme depuis la copie des manuscrits jusqu limprimerie et les mmoires artificielles intelligentes selon le mme processus: produire de linformation, la passer, la transmettre, la stocker de faon suivie et, si possible, prserve.Linscription pose lesprit libre du sujet qui dsire tre immortel, contre des images dj l, exprimente le libre arbitre, met, en les dchirant, des images en pices, victimes des incisions meurtrires de lcrit.Lge dor tait celui auquel il ny avait aucune inscription, ni mots menaants fixs dans le bronze, quand les hbreux tombaient genoux terrasss devant les Tables de la Loi qui portent les Tables de la Loi ayant recueillie La Parole.Do, crire, cest encore passer de la pense circulaire une pense en lignes, du cercle magique de la prhistoire la pense linaire de lhistoire.Ecrire, rellement, pour Vilem Flusser, cest transcender la pense en passant dune surface deux dimensions une surface une dimension gnre par un code linaire, de limaginaire au conceptuel, des scnes au processus, des contextes au texte. Cest, conjurant langoisse, poser les choses sparment et les faire devenir claires (do limportance du clarus du Clerc). Lcrit avance profondment dans les abysses de limaginaire en les creusant pour tout dcrire et tout recoder en concepts en visitant les abysses de la mmoire. Il nous fait passer une comprhension progressive. Car Dieu, dans le mythe, dchire les morceaux de sa ressemblance et, ce faisant, nous crit. Il nous envoie dans le monde comme ses inscriptions, nous jette hors du paradis dans le monde et nous solidifie. Do le mot arabe maktub qui signifie et crit et destineEt voici quaujourdhui nous ne sommes plus environns de tablettes dargiles brles, de stles graves ou ciseles, mais flottons dans le d-matrielLa notation.Car, pour lauteur, changer de technologie, cest changer de conscience. Quand on grave dans la pierre lge de la pierre ou dans le bronze lge du bronze, quand dautres poques, le stylet inscrit, mais quand le pinceau dpose car peindre est plus confortable, plus rapide et plus doux que ciseler (mais le stylet est structurellement plus complexe que le pinceau). La plume doie offrira au processeur de mots plus de rapidit aussi les crivains occidentaux sont des cratures emplumes.Si les inscriptions sont lentes et monumentales, les notes sont petites et documentaires. Notre littrature nest pas monumentale, mais enseigne et instruit. Elle a besoin de plus de docteurs que de sages. Avec la notation, le progrs sacclre et la conscience historique est lie la notation puisque tout y est abandonn en faveur de ce qui advient.Les appareils, eux, nont pas de freins existentiels, et nous pouvons leur abandonner le progrs et la conscience historique car ils le feront mieux et nous pourrons leur abandonner lhistoire, devenir de simples observateurs et nous ouvrir quelque chose dautre, une conscience suprieure du prsent, car lcrit na pas de codes adapts pour une telle spectacularisation et les images semblent y tre plus opratoires. Nous sommes en train de quitter la notation (lcrit) pour les appareils et de focaliser notre attention sur faire et regarder les images. Nous migrons vers lunivers de limagerie technique. Mais cest un processus trs complexe car les appareils ncrivent pas lhistoire de la mme faon usant dautres codes. Achoppant sur la pense littraire, lhistoire crite par les appareils est une autre histoire car la transcription tait dabord littraire, lpoque prcdente, ce qui nous oblige rflchir sur les lettres.Les lettres de lalphabet.Depuis des sicles, les codes alphanumriques sont prdfinis en lettres, nombres et autres signes qui ont dtermin nos modes de pense. La dactylographie arrange les signes sur les lignes avec prdominance des lettres. Les nombres tant des signes pour les ides, pouvant dsigner des images abstraites, les lettres identifiant les perceptions acoustiques et les nombres les perceptions visuelles. Dans un texte, les nombres apparaissent comme des ilots de sens qui stoppent lil quand nous suivons les lignes de droite gauche, nous cartelant entre un discours (les lettres) et des contenus (les nombres, ilots au milieu des lettres et subordonns au discours). Ils fonctionnent comme des ciseaux en sculpture, dcoupant la ralit et nous sommes condamns vivre deux ralits qui ne peuvent tre unifies par le visuel. Nous assistons une rvolution qui donne lil la prminence sur loreille (les lettres partaient de perceptions acoustiques) et lordinateur prend inexorablement le dessus sur la fonction intellectuelle par la vertu dune autre pense, celle du calcul de la logiqueLa science dessine dsormais une image du monde faite de calculs au niveau de la matire inanime (les particules atomiques) et de la matire vivante (les gnes). Toute socit devient donc un ensemble de contractions individuelles et calculables. Nous sommes obsds par le comptage et la dissection en particules et courbes projeter. Quel que soit le problme, nous faisons un diagramme. Nous ne pensons plus littrairement, mais numriquement et notre utilisation des noms plutt que des chiffres est dsormais transitoireToutefois ce nest pas vrai que nous sommes dans le royaume des nombres du type de celui que travaillaient les pythagoriciens, car migrant des codes alphanumriques vers les digitaux, les nombres se conduisent maintenant diffremment. Le systme dcimal qui organisait les nombres est devenu primitif. Il a t abandonn au profit du systme binaire infantile, car il est plus artificiel, plus primitif que les intelligences humaines. Le concept est ainsi rduit son niveau le plus primitif, la computation qui peut tre mcanise et cela semble en dessous de la dignit humaine que dtre concerns par des procds et procdures matrielles laisss des machines. Lhomme nouveau se tient au-dessus des machines et nous, littraires, sommes en dessous. Il les commande, il nidoltre plus les nombres mais joue avec eux et les machines lui obissent, ce qui nest pas nouveau, car il y avait dj les abaques et les ds. En manipulant les nombres, nous accdons une nouvelle capacit visionnaire, mais nous sommes encore maladroits. Alors quelles sont nos possibilits? faire varier les couleurs dun cran, appeler un cne exprientiel, sparer les surfaces dun corps en particules et jouer avec.Et voici que nous pouvons demander faire devenir rel ce qui est impossible pour crer et en visualiser des quations opaques.Comme le comput se mcanise, les nombres sont en train de nous librer de la pression des lettres. Toutefois nous avons du mal les ranger dans une catgorie conceptuelle ce qui obscurcit le tableau. En fait il sagit dune nouvelle technique de productions dimages, mais elles ne sont pas artistiques car fabriques en laboratoire, lourdes et inesthtiques, et nous avons hrit de catgories inadquates: si lil devient prpondrant sur loreille, il sera thoriquement possible de manipuler, digitaliser, les perceptions auditives numriques. Les nombres seront bientt transforms en sons visibles et les images deviendront audibles.Nous pouvons nous attendre cette utopie en comptant les processus en particules, et en projetant ces courbes dans le futur.Les lettres sont nes dune civilisation vieille de 15 sicles, elles sont les images dune scne culturelle inventes par les crateurs de lalphabet, partir de pictogrammes, fonds sur des toiles, des maisons, des chevaux Et devrons-nous rendre les sons visibles quand nous crirons? Devrons-nous passer par le dtour du langage parl au lieu dutiliser des signes, par des idogrammes ou certains codes des computers?Quest-ce qui a motiv les peuples crire alphabtiquement et passer par le langage parl? Cette question est historique et contemporaine et dtermine nos dcisions quand nous dcidons dabandonner lalphabet au profit dun code non parl?Quand on crit alphabtiquement, cest pour maintenir et tendre un niveau de conscience suprieur aux images plutt que de tomber dans la pense pictoriale comme ctait le cas avant lcriture. Lalphabet a permis une notable volution, en dtachant les discours conceptuels de limagination, en les faisant devenir plus abstraits.Toutefois les idogrammes sont des signes, pas des images. Ils peuvent crer de nouveaux niveaux dabstraction, mais dans laire des mathmatiques ou de la logique symbolique. Le dpassement de lalphabet offre-t-il ds lors de nouvelles avances par le dveloppement des images synthtiques?Certes linvention de lalphabet nous donna des armes en le faisant lennemi des images et fabricants dimages magiques et mythiques; il a dtermin notre accs une nouvelle conscience historique et nous a tirs vers le progrs, mais la pense historique a t meurtrire et folle. Cest pour cela que nous nous apprtons abandonner les vieux codes.Les textes.Un texte rencontre son destin dans ses rcepteurs, et le sens des textes napparat quaprs lecture car ils sont des media. Il en existe deux types: de transmission de linformation et de cration ( plusieurs sens).Toutefois, des textes communicationnels peuvent tre connotatifs, telle la Bible qui parle chacun Pour le communicant, le problme est que plus il transmet des ides, plus il a des difficults communiquer car les textes sont demi finis. Dans les socits domines par les textes, lattitude politique consiste crire et publier et les engagements politiques se font sur des textes, lesquels perdent toutefois de la force par inflation de lcrit. Do leur remplacement, bientt, par des fonctions mcaniques strotypes, automatiques. Ils tombent alors sous le coup du rasoir dOccam[footnoteRef:2], savoir: les choses ne pouvant tre multiplies sans ncessit. Les textes non publis vont la guillotine et les autres la bataille. Le rasoir dOccam facilite ainsi un critre de publication: plus le texte est succinct meilleur il est et tout ce qui est superflu est invalide et, en mme temps, plus cest court plus cest difficile dcoder jusqu ce que cela devienne inintelligible. [2: Encore nomm principe de simplicit,principe d'conomieouprincipe de parcimonie(enlatinlex parsimoniae, Pluralitas non est ponenda sine necessitate Guillaume dOccam ou dOckam, philosophe,logicienetthologienanglais 1285-1347.]

Un autre critre peut tre recherch du ct de lharmonie et du rythme, un texte syncop se contredit lui-mme sans cesse.Imprimer.La typographie est moins une mthode technique de production et de distribution de linformation alphanumrique quune nouvelle faon de penser. Le problme cest que la Rvolution actuelle, celle de linformation lectromagntique, nous fait passer une phase de dveloppement suprieur de cette distribution, celle que nous vivons depuis linvention de limprimerie.En inventant le caractre mobile, Gutenberg le typifie et tranche la querelle des universaux. Quand nous imprimons, nous manipulons des types; alors, ne rsiste la typification que lide de sacr lie aux langues. Limprimerie a montr que les types ne sont pas des formes ternelles ni invariables mais peuvent tre adapts, improviss, rinvents.Le concept de thorie change alors radicalement, il ne sagit plus dune attitude passive face des formes ternelles, un rservoir de formes vides, processionnelles, il signifie un modelage progressif de types qui samliorent de plus en plus. Ce qui est imprim est typique. Do le papier imprim est un spcimen, un parmi de nombreux exemples, dune chose unique.Et voici que la rvolution informatique, qui produit des signes et les positionne dans la champ lectromagntique, rompt avec la conscience de lcrit. Les nouveaux signes qui apparaissent sur nos crans ne sont plus des traces graves, ne sont plus typographiques, ils ne typifient plus la pense, laquelle semble redevenue archaque. Et nous voici perdus dans la transition de cette culture lectromagntique car nous ne voyons pas ce que nous avons y gagner quand la rvolution rend superflue limprimerie et son mode de pense, quand nous regardons le futurInstruire.Les nouveaux crivant nutilisent plus lalphabet mais des codes binaires plus simples, dans un systme structurellement simple mais fonctionnellement complexe.Ces nouveaux systmes nous font devenir illettrs. Nous craignons de ne pas savoir utiliser la pense typographique pour saisir lcriture post-typographique. Depuis Hammourabi (3500 av JC), lcriture tait linaire ce qui nest plus le cas des programmes informatiques, quand les calculs propositionnels permettent de tout traduire en fonctions et quand toute littrature devient programmable, quand les modles binaires, digitaux de connaissance illuminent nos crans, des simples statistiques aux modles complexes des thories totales, quand ils envoient dans lombre en les codant tous les textes scientifiques alphanumriques. Les codes digitaux sont idographiques, ils rendent les concepts et les ides moins visibles, ils ne sont plus alphabtiques, car ils se sont dtachs du langage. Et cest terrifiantLangues parles.Quand programmer nous affranchit de lcriture, penser nappartient plus un langage parl devenu visible et le dtour par le langage vers le signe devient superflu. Penser et parler ne seraient donc plus lis comme ctait le cas quand lalphabet prdominait (Au commencement tait le Verbe, Gense 1).Quand lalphabet est surpass, la pense est libre de la parole et cest lintelligence artificielle qui apprend parler. Les langues nous apportent certes de grands trsors, mais elles ont devenues inflationnistes, systmes ouverts tant leur varit est crative, chacune ayant son rythme, ses mtaphores. Elles sont la fois dnotatives et connotatives.Lors de la Prhistoire et de lHistoire ctait une lite clricale qui entretient le langage. Laiss lui-mme, il devient sauvage car il ny a plus dlite pour en prendre soin.Ainsi le nouveau pote appareill calcule et dissque les atomes de son exprience dans un programme digital. Il nest plus auteur mais remixer. Son niveau dintention est du la chance que lui procure lintelligence artificielle avec ses propositions dans un jeu de permutation.Recoder.Nous devons rapprendre bien des choses difficiles car ce qui a dj t appris est dur combler. Les intelligences artificielles nont aucun difficult avec loubli et nous apprenons delles son importance mais, aussi, nous devons repenser les fonctions de la mmoire.Or, dans notre tradition, la mmoire est, de tout temps, sige de limmortalit dans un processus de mmoire linaire et voici que nous devons sortir lalphabet inscrit dans notre mmoire pour stocker de nouveaux codes Or est-il possible dapprendre de nouveaux codes en liminant ce qui tait stock dans la mmoire? Le cerveau a-t-il la place suffsante? Quid des immenses intelligences artificielles?Dans le futur, les nouveaux codes serontils souchs sur lalphabet lassimileront-ils de nouvelles hauteurs? cest aujourdhui de lordre de limpensable.Or nous ne pouvons stocker les nouveaux codes sur lalphabet car ils ne peuvent le tolrer Il sagit bien dune nouvelle exprience de lespace et du temps que notre ancienne exprience ne peut concevoir car le concept et le paradigme luvre est celui du saut difficile imaginer dun niveau lautre plutt que celui dune synthse des oppositions. Avec les codes digitaux, une nouvelle exprience de lespace et du temps merge qui va occulter tout ce qui tait l avant, toutes ces vieilles expriences quelle ne peut aligner sur les concepts domniprsence et de simultanit. Les images produites avec les codes digitaux sont prsentes partout en mme temps, mme dans des parties extrmes de la Terre. Elles peuvent tre appeles au prsent et mme dans un futur distant impensable Donc, les concepts de Prsent, Futur, Pass, distance et proximit prennent de nouveaux sens. Tout devient relatif. Futur et possibilit deviennent synonymes de devenir et Prsent de ralisation de possibilits.Le Futur simpose en compartiments multidimensionnels de possibilits qui dvoilent limpossible extrieur et intrieur dune image ralise dans la prsent. Lespace est juste la topologie de ces compartiments et les codes digitaux la mthode qui consiste faire advenir des possibilits subdivises en images.Pour une telle critique, lalphabet est incomptent et doit tre limin car la pense linaire -avec son concept de progrs- ne peut tre rconcilie avec la pense multidimensionnelle et quantifie, celle des multiples dimensions de lespace, avec une exprience du temps dsormais relative, phnomnologique, cyberntiquePenser le neuf est trs difficile. Rappelons que les Lumires ont fait un saut prilleux dans le neuf quand lalphabet tait le code des Lumires. Lalphabet a critiqu certes les images en les cassant en pictogrammes, pixels, et en les mettant en ligne. Mais il y a des images qui ne peuvent permettre cette critique, car synthtiques et assembles depuis des pixellisations pralablement isoles. Les codes digitaux synthtisent des choses qui ont dj t pleinement critiques et calculables. La critique, dans ce sens nouveau, ne peut rien dcouvrir de ces images qui naie dj t calcul partir des lectrons La vieille critique qui sappliquait aux solides se perd dans les intervalles de la nantisation et ne propose rien. Et dans le neuf il ny a rien de solide critiquer, et une autre critique, radicalement diffrente, est requise.Nous devons apprendre penser et crire digitalement, si crire a encore un sens ici. Si nous regardons les codes digitaux comme des codes crits et voyons la continuit entre limage pr alphabtique et le texte alphabtique, nous avons la ncessit de recoder tout ce qui est dj crit et ce qui est encore crire, soit lensemble de la littrature, la bibliothque factuelle et imaginaire de notre culture dsigner en mmoire artificielle via les codes digitaux et aussi ce qui est encore crire? Dans cet esprit, le code digital larticulation de cette nouvelle voie radicale de la pense ne peut tre appel critBasiquement, nous devons apprendre repenser notre histoire, avant et aprs, cest un espace vertigineux. Le futur lecteur, assis devant un cran pour voquer linformation stocke, lance une connexion active pour accder aux interconnexions parmi des lments dinformation pertinents, il produit une information intentionnelle depuis les informations stockes qui lui sont suggres par lintelligence artificielle (menus), mais il peut aussi appliquer ses propositions.La future science totale aura des critres et des liens en direction des ensembles dinformations. Ainsi Aristote et Newton ne sont plus consults en processus historique, linaire car tous deux sont encods digitalement. Convoqus en accs simultan, ils peuvent se questionner mutuellement.Le lecteur franchit dun bond les deux systmes en les manipulant de lun lautre. Renversant lhistoire, il est libr de laccs linaire car se trouve plac la croise des liens entre les lments des diffrents systmes. Il a la capacit daccder son propre flux du temps non pas en ligne mais en faisant tourner son propre rseau.Recoder la littrature en nouveaux codes est un enjeu vertigineux, cela demande que nous transfrions notre propre mode de pense dans un monde tranger, dans celui des images idographiques, du monde des lignes dans celui des particules. Et nous ne pouvons le faire sans avoir dvelopp une thorie de la translation, or nous en sommes loin. Cest la nouvelle voie scientifique[footnoteRef:3]. [3: On se rfrera sur ce point aux travaux de Pierre Levy et son IEML Information Economy MetaLanguag, langue artificielle la smantique calculable qui nimpose aucune limite aux possibilits dexpression de nouveaux sens.]

Si cela ne se fait pas une descente vers la barbarie illettre est craindre, car nous sommes sur la lame du rasoir mais le pire nest pas le plus probable. Cest juste une question de libert.Subscript.Entre les trois niveaux de conscience que nous constatons: prhistorique (code pictural), historique (code alphabtique) et post historique (code digital), souvrent des abysses.La pense alphabtique tente de faire un pas en direction du digital, mais elle ny parvient pas car elle apporte sa propre structure linaire buts orients. Alors, le modle alphabtique de conscience sera effac et les pleurs ny feront rien. Linflation actuelle de textes en est un signe prmonitoire.Pourquoi les gens crivent-ils? rponse: pour faire sens.Ds lors, deux voies soffrent eux hors de lcrit: retour aux images par limagination, transfert vers les nombres par le calcul.Digital.Aprs que les sciences de la Nature aient fait rfrence au 19e sicle, le 20e a vu arriver des choses nouvelles: la relativit et les quantas.Relativit: lespace vu comme absolu et le temps comme coulement ne sont pas moins que des relations entre observateurs, donc entre sujets. Dans une telle configuration, lintervalle devient la clef dun problme pistmologique et, dans un futur proche, de perceptions, de dsirs, de sentiment et de comportement.Le Temps: alors que le monde tait peru comme solide, il apparat quil nest que grouillement de particules tourbillonnant laveuglette. Aussi probabilits et statistiques sont devenues les mathmatiques les plus sollicites puisque causes et effets ne sont plus que probabilits.Nous ne pouvons donc continuer vivre comme autrefois. Les nouvelles assertions sont juste des propositions thoriques soumises discussion et ceci contribue refaonner nos vies, car nous devons nous saisir existentiellement de ces nouvelles formules, chaque heure et chaque jour ce qui ouvre des horizons de libert et de potentiel cratif jamais imagin. Dun autre ct, ceci met nos capacits de rsistance en danger.Les nouvelles infrences thoriques de la thorie de quantas trouvent des applications technologiques plus vite que celles de la thorie de la relativit. Et nous devons y tre attentifs. Ce que nous appelions matire a de multiples niveaux de saisie, chacun ayant sa structure approprie:- comme corps matriels, nous habitons le niveau de molcules, mais comme tres pensants celui des hadrons, niveau Newtonien. Ce monde nous le voyons depuis le bas et la pense est un processus incluant les lectrons, protons et autres - en-dessous les atomes, noyaux, hadrons, quarks qui contiennent eux-mmes des univers jamais imagins, niveau Einsteinien, o baignent matire et nergie, mais avec les quarks il ny a plus de distinction entre ralit et symbole,- et au-dessus les galaxies et trous noirs: lunivers astronomique nest-il quune part dun super univers non reconnu?Comment ces niveaux sont-ils lis? Cest peine perdue que dessayer den faire une image. Ces implications incroyables ont des applications pratiques. Les frontires entre les niveaux sestompent. Il a t dmontr que de telles particules sautent au travers des intervalles dans les nombres astronomiques comme dans les synapses nerveux qui constituent le cerveau. Ainsi un sentiment, un vcu, une dcision sont en passe de devenir une somme de sauts quantiques dans une reprsentation. Do la complexit du fonctionnement du cerveau.Le niveau de la pense vcue est inopportun dans deux sens: il na jamais t observ sans que cela perturbe ce qui est observ, cest le royaume de la chance pure qui peut tre statistiquement ordonne mais il ny a pas de sens tenter den prdire les comportements futurs, car tout est possible mme ce qui est improbable. Cest insaisissable, imprdictible, car tout ne devient possible que quand cest ncessaire.La rvolution informatique procde non de choses solides mais de particules, ce qui est le niveau de base de la pense et qui peut changer des solides plus radicalement que nimporte quelle rvolution.Cest un autre point de vue pour analyser et synthtiser les processus de pense depuis une nouvelle position celle des informatiques et nous devons apprendre penser diffremment.La rvolution informatique sappuie non sur des choses solides (molcules) mais sur des particules (lectrons), ce qui est le niveau de base de la pense. Elle peut changer des choses solides (mme les corps) plus radicalement que nimporte quelle autre rvolution. Elle amne les hommes se conduire en tres pensants. Quelques traits des capacits nouvelles quelle permet: Reconnatre des objets solides comme pure apparence, Calculer des particules en images, Produire des machines qui pensent et travaillent automatiquement, comptant sur des sauts articuls de particules et demandant un rordonnancement des toutes les valeurs limits par le travail de la pense, Analyser et synthtiser des processus de pense.Ce rapprentissage de la pense nous fait dcouvrir a) Que nous pensons en images et par les images pour tout ce que nous nommons perception internes ou externes, des images calcules et composes dans le cerveau,b) Que la pense nest pas un processus continu discursif, ce qui sinscrit en opposition au mode de pense culturel occidental.Les nouveaux codes digitaux surgissent depuis de nouvelles manires de penser et le feed-back nous fait penser en quantas et images, cest--dire que nous utilisons les nouveaux codes digitaux, binaires, de type O 1, que les machines incorporent en simulant la structure de notre systme nerveux, soit une mthode qui donne sens aux sauts quantiques dns le cerveau depuis lextrieur. Le cerveau est une machinerie qui tend signifier le saut quantique, cest l sa fonction donneuse de sens. Les nouveaux codes sont basiquement digitaux car ils simulent cette fonction donneuse de sens du cerveau au moyen de machines grce une extraordinaire et rapide addition /soustraction dimpulsions linaires, lesquelles peuvent tre ajoutes ou soustraites dans les surfaces, cest ce que nous nommons computation. Et les particules peuvent y tre si troitement compresses que leur structure en mosaque disparait la vue. En effet, ce que nous voyons sur les crans sont des reprsentations simules soit dobjets dans le monde soit de processus internes au cerveau (quations, projections, fantaisies, intentions dsirs).Depuis les images elles-mmes, il est impossible de dterminer si elles reprsentent des choses externes (ralits potentielles) ou internes (fonctions potentielles). Alors, quelle est la distinction entre ralit et fiction?La simulation est une sorte de caricature. Penser ce que nous exprimons, et en faire des images en codes digitaux, seraient une caricature de pense mais aussi une nouvelle faon de penser ne pas sous-estimer.Nous sommes juste au dbut de lapprentissage dans le sens o nous devrons projeter nos processus crbraux lextrieur et nous librer des idologies psychologiques, philosophiques, thologiques pour leur donner toutes leurs capacits. Et la pense historique devient ici un obstacle tout effort visant penser librement. Comme lalphabet sest construit au-del et contre les pictogrammes, les codes digitaux avancent aujourdhui contre les lettres pour les surpasser.Soit pensetechniquesmodes

picturalemagiquesmythiques

historiquealphabtiquescritiques

digitalecyberntiquessystmiques

Mais lalphabet met en uvre des dfenses pour ne pas tre trangl par les nouveaux codes; de mme, ce nest quau 18e sicle aprs 3000 ans de combat que les textes ont pris le pas sur les images mythiques et magiques.Le combat actuel ne sera pas aussi long. Le 20e sicle a connu la rvolte ractionnelle des images. Connatrons-nous une rvolte ractionnelle de textes?Recoder.Dans le futur les nouveaux codes pourront tre enracins dans lalphabet quils assimileront et porteront de nouvelles hauteurs[footnoteRef:4]. Alors, deviendrons-nous illettrs ou super lettrs? Or nous ne pouvons stocker les nouveaux codes sur lalphabet, ils ne peuvent le tolrer car ils sont imprialistes. [4: Ceci est dj en cours:Etant donn un texte en IEML, des algorithmes reconstituent le rseau grammatical et smantique interne au texte, traduisent ce rseau en langues naturelles et calculent les relations smantiques entre ce texte et les autres textes en IEML. Le mtalangage gnre un immense groupe de transformations symtriques entre rseaux smantiques qui peut tre mesur et parcouru volont par des algorithmes. Utilis comme systme de mtadonnes, le mtalangage IEML ouvre la voie de nouvelles mthodes danalyse de grandes masses de donnes. Dans les mdias sociaux, il supporte des formes indites de communication hypertextuelle translinguistique et permet des rseaux de conversations dobserver et de perfectionner leur propre intelligence collective. Pour les chercheurs en sciences humaines, IEML structure une bibliothque encyclopdique ouverte et universelle qui se rorganise automatiquement selon les intrts de ses utilisateurs. In Pierre Levys blog. http://pierrelevyblog.com/2013/11/13/la-grammaire-dieml/]

Par ailleurs, il nexiste pas de contradiction dialectique entre codes critiquant les images et codes les produisant. Quid dune synthse? est- elle possible? Ou allons-nous vivre la formation dune nouvelle exprience de lespace et du temps dans laquelle les anciens concepts ne pourront plus oprer? Il semble se dessiner de ce fait un nouveau paradigme, une nouvelle exprience impensable de saut dun niveau lautre plutt quune synthse qui oblitrera tout ce qui tait dj l, toutes les expriences et qui seront poses dsormais avec les concepts domni prsence et de simultanit. Elles nabsorberont pas lalphabet mais le dtruiront car les images digitales sont prsentes partout en mme temps: Pass, Prsent, Futur. Dans le nouvelle critique, il ny a rien de solide critiquer, et une nouvelles mthode diffrente est ncessaire, lanalyse systmique pour laquelle la pense alphabtique est hors dusage sur deux points: analyser et re-synthtiser.Apprendre crire digitalement.Recoder toute la littrature, lensemble des bibliographies factuelles et imaginaires, en codes digitaux, pour tre capables de les in former dans les mmoires artificielles et de les voquer partir delles.Les code digitaux se trouvent larticulation dune nouvelle faon de penser qui ne peut tre appele criture. Devront-ils effacer la bibliothque factuelle et imaginaire de la mmoire pour ouvrir de nouveaux espaces? Aussi, nous devrons apprendre repenser notre histoire. Si la littrature mondiale a dj t recode, il se trouve que le futur lecteur nest plus passif car cest lui qui produit linformation partir dlments dinformation structurs soit avec les mthodes sui lui sont suggres soit en appliquant ses propres critres. Car le futur lecteur accde son propre flux temporel, il ne lit plus en ligne mais en explorant son propre rseau.Recoder la littrature! Lobjet est vertigineux car il nous fait translater nos propres penses sur le monde dans une pense trangre, passer des langages parls celui dimages idographiques modlises, du monde des rgles logiques celui des mathmatiques, de celui des lignes aux rseaux et particules. Si le mode de pense que nous vivons doit effac aprs nous, nous ne pourrons accder au nouveau mode que dcrit Vilem Flusser sans avoir labor une thorie de la translation laquelle se profile lhorizon, soit en transcendant nos statuts actuels.Et lauteur de terminer sur lnonciation dune incertitude, dun paradoxe. Ce livre que jai crit, dit-il, demeure un livre, ce nest pas un algorithme destin au son et limage. Et, parce que cest un livre et que nous sommes encore lecteurs, il porte une attention particulire ce courant de pense. Je puis donc dire maintenant en anglais I wrote it nevertheless. (Je lai, nanmoins, crit).15