Finance Islamique by Eng Rabie Rachchouq
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Transcript of Finance Islamique by Eng Rabie Rachchouq
Faculté Universitaire Catholique de Mons
La Finance Halal : À quand la Belgique ?
Promoteur : Mémoire présenté par :
Monsieur Alain BULTEZ Rabie RACHCHOUQ
En vue de l’obtention du diplôme
D’Ingénieur de Gestion
Année académique 2008-2009
Résumé
Il suffit de se promener dans la grande place de Bruxelles pour se rendre compte de la
grande diversité culturelle en Belgique. D’ailleurs, près d’un dixième de la population vivant
en Belgique est de nationalité étrangère1. Cette diversité se reflète aussi au niveau de
l’appartenance religieuse des communautés étrangères. Outre la laïcité organisée, six cultes
sont reconnu par l’Etat Belge, dont le culte Musulman. En effet, la communauté Musulmane
est bien présente dans les différentes activités économiques avec des spécificités particulières
dans ses habitudes de consommation. Dans le secteur de l’alimentation, la consommation de
la viande dite « halal » est un bon exemple. Or, la particularité de cette communauté ne se
résume pas au secteur alimentaire, mais s’élargit aussi au secteur bancaire.
En effet, les deux dernières décennies ont vu l’émergence et le développement d’une
nouvelle industrie : L’industrie bancaire Islamique. Il s'agit d'un marché à très fort potentiel
de développement, en croissance de 15 % par an2. D’ailleurs, rien qu’en Europe, l’Angleterre,
la Suisse et la France se sont lancés, avec succès, sur le marché de la banque Islamique. Il y a
donc ici matière à réflexion, car un marché potentiel est peut être à conquérir en Belgique.
Soucieux d'acquérir des biens immobiliers, d'investir dans des projets commerciaux
tout en respectant sa religion, le client Musulman se retrouve devant un problème de
financement. En effet, l’Islam a développé un système financier qui se base sur la Charia3 qui
interdit l'intérêt bancaire. Il y a, pour ce faire, différentes parades comme le mécanisme du
partage des profits et des pertes pour ce qu’est des investissements, ou l’achat-vente avec
étalement du paiement pour ce qu’est financement d’un bien. Or, la seule source de
financement existante pour le moment, en Belgique, est la banque conventionnelle, qui ne
prête qu'avec de l'intérêt.
1 SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en juin 2008),
http://www.statbel.fgov.be/figures/d21_fr.asp#5 2Annexe 2 : Rapport d'information n° 33 (2007-2008) 3 Voir Glossaire
Ceci explique, en partie, l’éloignement du consommateur Musulman, en Belgique, des
produits et services bancaires. Il y a ici une opportunité à saisir pour les banques Belges qui
peuvent acquérir un marché, jusque là, inexploité.
Afin d’évaluer les principaux obstacles, qui entravent la création d'une offre adéquate
à la population Musulman, nous avons élaboré un guide d’entretien semi directif que nous
avons administrés aux enquêtés des agences bancaires préalablement choisies. Nous avons
ensuite établi une échelle des connaissances des interlocuteurs interviewés, concernant la
finance Islamique, ainsi qu’une échelle d’empathie ou de réactivité (responsiveness) de ces
interlocuteurs face à ce type de produits financiers.
Il ressort des résultats obtenus que 68,75% des personnes que nous avons interrogées,
considèrent que la situation actuelle est défavorable pour lancer des produits financiers en
relation avec la « religion » et surtout l’Islam (dans le contexte médiatique actuel). En somme,
c’est un sujet assez tabou, et la banque, qui veut lancer des produits destinés à la communauté
Musulmane, doit faire face à la problématique suivante : comment faire des produits de
finance Islamique tout en n'ayant pas un retour négatif de leur clientèle déjà acquise, pas
constituée que de Musulmans bien entendu, et qui pourrait y voir une marque de
communautarisme ?
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à exprimer ma gratitude à ma famille, et surtout à ma mère Lala
Aicha et à mon père Ali, source de courage, de recueil, d'inspiration et d'amour sans limite.
Je remercie vivement et profondément mon promoteur Mr. Alain BULTEZ pour son
exigence, ses conseils et son sens de perfection qui me rendaient fier de chaque phrase rédigée
durant la réalisation de ce travail.
Je tiens aussi à exprimer mes remerciements aux membres du Cercle des Etudes et
Recherches en Economie Islamique à Bruxelles (C.E.R.E.I), et spécialement Mr. Mohammed
BOULIF (Ancien licencié des FUCaM) et Mr. Bousselham DAMIRI, éminents acteurs et
professionnels dans le domaine de la finance Islamique, pour le temps et le soutien qui m'ont
accordés.
Finalement je remercie tous ceux qui m'ont aidé de près ou de loin.
" […] je vous dit que la vie est ténèbres, si elle n'est pas animée par un élan.
Et tout élan est aveugle, s'il n'est pas guidé par le savoir.
Et tout savoir est vain, s'il n'est pas accompagné de labeur.
Et tout labeur est futile, s'il n'est pas accompli avec amour.
Et quand vous travaillez avec amour, vous resserrez vos liens avec vous-même, avec autrui, et avec
Dieu."
Khalil Gibran (1923)
TABLE DES MATIÉRES
RÉSUMÉ ............................................................................................................................. I
REMERCIEMENTS ..............................................................................................................................III
TABLE DES MATIÉRES ........................................................................................................................ V
LISTE DES TABLEAUX ...................................................................................................................... VIII
LISTE DES ILLUSTRATIONS .................................................................................................................IX
INTRODUCTION ...........................................................................................................................1
CHAPITRE I: DE LA RELIGION À LA BANQUE
A) Fondements De L’économie Islamique ..........................................................................3
1) Une propriété à formes multiples…………………………………………………...3
2) Le principe de la liberté économique dans un cadre limité doublement……………3
3) Le principe de la justice sociale …………………………………………………….4
B) Usures Et Religions Monothéistes…………………………………………………........5
1) Les intérêts chez les juifs……………………………………………………………5
2) Les intérêts chez les chrétiens………………………………………………………5
3) Les intérêts chez les musulmans : Origine et état actuel …………………………..6
C) Finance Et
Islam…………………………………………………………………………7
1) Premières initiatives et potentiel actuel …………………………………………….7
2) Banques islamiques dans la pratique………………………………………………..8
2.1) Placements……………………………………………………………………...9
2.2) Assurances……………………………………………………………………10
2.3) Financements…………………………………………………………………12
3) Banques islamiques dans le monde ……………………………………………….17
3.1) Finance Halal en Angleterre …………………………………………………17
3.2) Ce qui se fait aux États-Unis…………………………………………………18
3.3) Au Luxembourg……………………………………………………………...19
3.4) La France franchit le pas …………………………………………………….19
3.5) Et la Belgique ? ………………………………………………………………19
D) Conclusion………………………………………………………………………………21
CHAPITRE II : SEGMENTATION ET FINANCE HALAL
A) La Recherche Exploratoire ……………………………………………………………23
1. Précision …………………………………………………………………………..23
2. Segmentation sur les sites de banques en Belgique………………………………..24
B) Segmentation……………………………………………………………………………
1. Définition…………………………………………………………………………26
2. La segmentation en marketing bancaire ………………………………………….27
3. Les critères de segmentation ……………………………………………………..27
3.1) Les caractéristiques sociodémographiques…………………………………..28
3.2) Les influences sociales………………………………………………………..29
3.3) Les caractères psychologiques………………………………………………..30
3.4) Les caractéristiques Psychographique ……………………………………….30
C) Marketing Ethnique…………………………………………………………………….32
1. Une première approche……………………………………………………………32
2. Stratégies du marketing ethnique …………………………………………………33
3. Illustrations ………………………………………………………………………..34
4. Quelles ethnies pour la Belgique? ……………………………………………….. 38
D) Identification Du Marché Potentiel……………………………………………………40
1. Définition du marché potentiel visé………………………………………………40
2. Historique de l’arrivée des Musulmans en Belgique……………………………...41
3. Le marché potentiel en chiffres……………………………..…………………….42
CHAPITRE III :
MÉTHODOLOGIE D’ENQUETE ET ANALYSE STATISTIQUE
A) Échantillonnage et Univers Pertinent………………………………………………..46
B) Méthode D’entretien Centré Semi Directif…………………………………………47
1. Objectif du scénario…………………………………………………………………..49
2. Etapes du scénario…………………………………………………………………….50
3. Explication des échelles retenues……………………………………………………..55
C) Analyse Statistique Des Résultats……………………………………………………...59
1. Principales raisons recensées…………………………………………………………59
2. Analyse des distributions cumulées…………………………………………………..60
3. Analyse statistique par le modèle logistique cumulé sous SAS ……………………..64
4. Résumé des résultats………………………………………………………………….66
CONCLUSION……………………………………………………………………………..72
GLOSSAIRE .........................................................................................................................................1
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………1
ANNEXES……………………………………………………………………………………..1
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Dans Quelle banque la communauté musulmane possède un compte coutant…..23
Tableau 2 : Synthèse des segments par banque........................................................................25
Tableau 3 : Taille de marché de la population cible ……........................................................43
Tableau 4 : Principales raisons entravant le lancement de produits financiers islamiques selon
les enquêtés…………………………….…………………………….…………59
Tableau 5 : paramètres estimés du modèle univarié « Banque »…………………………….67
Tableau 6 : paramètres estimés du modèle univarié « Commune»…………………………..67
Tableau 7 : Résultats de la procédure logistique avec deux variables explicatives…………..68
Tableau 8 : Fréquence par Banque……………………………………………………………69
Tableau 9 : Fréquence par Commune………………………………………………………...70
LISTE DES ILLUSTRATION
Figure 1 : Financement immobilier par la Mourabaha ………………………………………13
Figure 2 : Financement immobilier Ijara………………………………………………….....14
Figure 3 : Financement immobilier Musharaka ……………………………………………..16
Figure 4 : évolution totale de La Fortis B Fix 2008 Islamic Index…………………………..21
Figure 5 : Evolution du nombre de naturalisations depuis 1988……......................................38
Figure 6 : Proportion des six nationalités étrangères les plus représentées en Belgique ……39
Figure 7 : Raisons de l’inaccessibilité à la propriété ………………………………….……...44
Figure 8 : Epargne des Musulmans et contrainte de son placement…………………………44
Figure 9 : listes des communes choisies………………………………….…………………..44
Figure 10: Comparaison des quatre banques selon leur niveau des connaissances………......60
Figure 11: Comparaison des quatre banques selon leur d’empathie (Responsiveness)…........62
Figure 12: Comparaison des huit agences selon leur niveau des connaissances………..........63
Figure 13: Comparaison des huit agences selon leur d’empathie (Responsiveness)…............63
Introduction
Nous nous en rendant bien compte que, dans le contexte actuel, parler de religion est un
sujet délicat. Surtout, s’il s’agit de l’Islam, religion associée médiatiquement au conflit du Moyen-
Orient. D’ailleurs, il est devenu habituel, lors d’une conversation portant sur un thème qui touche à
la religion, d’ajouter afin de relativiser un propos : « Moi, de toute façon, je respecte toutes les
religions ». Or, et loin du contexte politique, l’Islam a développé une doctrine économique propre à
ses valeurs, et notamment en matière de finances et de banques.
Les banques Islamiques se sont implantées non seulement dans des pays musulmans,
mais aussi dans d’autres pays tels que, les Etats-Unis, l’Angleterre ou encore la Suisse et récemment
en France. En effet, depuis 2004, le Royaume-Uni est le seul pays occidental dans lequel la finance
Islamique est significativement implantée, le gouvernement ayant modifié sa législation afin de
développer ce secteur et de faire de Londres "le portail occidental et le centre mondial de la finance
islamique4 ".
Cependant, dans cette course pour conquérir ce marché juteux, la Belgique, où cependant
une importante population Musulmane existe, semble peu compétitive.
Là est l’objet de ce mémoire. Pourquoi les banques en Belgique n’offrent pas de produits financiers
adéquats à la population Musulmane?
Le présent travail tente donc de répondre à la question de l’offre.
En effet, il y a eu plusieurs études de demande. Notamment, le mémoire confidentiel sur le
profil du consommateur de produits financiers Islamiques pour ING Belgique5 et l’étude menée par le
Cercle des Etudes et Recherches en Economie Islamique à Bruxelles (C.E.R.E.I), pour en citer que
Deux. Or, il n’y a pas eu une étude qui se penche spécialement sur la question de l’offre. L’actuel
mémoire veut donc approcher cet aspect qui revêt, aussi bien que la demande, une importance
cruciale.
4 Déclaration de M. Gordon Brown, alors Chancelier de l'échiquier, le 13 juin 2006. 5 Ibrahim Jabri, Mémoire au FUCaM sur « la segmentation ethnique : cas pratique chez ING », 2006
Ce travail s’articulera en trois chapitres :
Le premier chapitre est une introduction aux fondements de l’économie Islamique et
à la notion de l’usure au sein des religions monothéistes. Nous expliquerons ensuite les
différents mécanismes de la finance halal, et nous présentons l’expérience de quelques pays
occidentaux dans ce domaine.
Le second chapitre exposera, dans un premier temps, les résultats de l’étude
exploratoire que nous avons menée sur les sites dans les banques choisies. En deuxième lieu,
nous présentons les différents critères de la segmentation dans le domaine bancaire. Ensuite,
nous définissons ce qu’est le marketing ethnique et son intérêt pour les banques Belges. Nous
préciserons aussi le segment visé et tenterons d’identifier le marché potentiel, et étant donné
le cadre de ce travail, nous centrerons notre étude sur un groupe particulier qui sera celui des
Musulmans en Belgique.
Enfin le troisième chapitre, quant à lui, précisera la méthodologie de l’enquête
poursuivie, expliquera le choix des banques et des agences ainsi que les différentes étapes du
guide d’entretien dans sa première partie. La deuxième partie de ce chapitre sera plus d’ordre
analytique. Il s’agira de l’analyse des données issues d’entretiens centrés semi directifs avec
le personnel des agences bancaires préalablement choisies afin d’en tirer des conclusions.
CHAPITRE I :
DE LA RELIGION A LA BANQUE
Afin de mieux comprendre la finance islamique, nous devons cerner quelques notions
du modèle économique islamique. En effet, la pensée économique islamique est foncièrement
différente de la pensée économique occidentale laïque. C’est la Charia6 qui lui fournit son
inspiration, ses principes de base et sa conception du monde des affaires.
A. Fondements de l’économie Islamique :
Un des fondements du modèle économique Islamique, est son opposition à la thésaurisation
des richesses et à la spéculation. Le musulman est sensé investir son argent et encouragé à prendre
des risques qui seront partagés. D’ailleurs, le métier du commerçant est fort valorisé dans l’Islam, le
prophète lui-même était un commerçant.
La structure générale de l’économie islamique se compose de trois piliers qui en déterminent
le contenu doctrinal7 :
1) Une propriété à formes multiples :
La doctrine Islamique ne s’accorde ni avec le capitalisme dans son affirmation que la
propriété privée est le principe, ni avec le socialisme lorsqu’il considère la propriété commune
comme principe général. En effet, l’Islam accepte trois types de propriétés; privée, publique et
celle de l’Etat. Il consacre à chacune de ces trois formes de propriété un champ particulier et
ne considère aucune d’elles comme une anomalie, une exception ou un remède provisoire
exigé par les circonstances.
6 Voir Glossaire 7 BAQER AL-SADR, Notre économie: Recherche objective et critique sur les doctrines économiques marxiste,
capitaliste et Islamique dans leurs fondements idéologique, pp 35-36, Ed Dar Al-Thakalan, Beyrouth-Liban,
1995
2) Le principe de la liberté économique dans un cadre limité doublement :
La liberté est limité, d’une part, par une autolimitation, comme le fait que des millions
de musulmans paient la Zakat8 chaque année sans être soumis à un texte de droit. Et d’autre
part, par une limitation objective de la liberté imposée de l’extérieur par la force de la Loi.
L’origine législative est le Coran, et précisément le verset de la sourate Al-Nisa, 4-59 :
« Obéissez à Allah, obéissez au prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité ».
3) Le principe de la justice sociale :
L’image islamique de la justice sociale comporte deux principes. Le premier est le
principe de la solidarité générale ; le deuxième est celui de l’équilibre social. Chaque activité
lucrative doit respecter ce principe, c’est aussi donc le cas dans le secteur bancaire. D’ailleurs,
Jean-Paul Laramée9 affirme : « La Finance Islamique est beaucoup plus éthique et solidaire,
et plus favorable au développement durable de l’économie. Car les principes de solidarité
sont très clairement affirmée, il y’a partage des profits et des pertes».
De ces trois principes, nous pouvons résumer l’approche de l’économie par l’Islam par
les cinq points suivants10:
a) La valeur de base est la solidarité et le sentiment de groupe, l’interdépendance est
valorisée et préférée à l’indépendance pour résoudre les problèmes de dépendances dans
l’organisation.
b) Les intérêts et le bien de l’ensemble prennent le pas sur les intérêts et les avantages
individuels.
c) L’accomplissement et le respect de soi proviennent de la participation et la contribution à
un processus social plutôt que d’un individualisme compétitif ou d’une lutte personnelle
agressive.
8 Ce point sera abordé dans les pages qui suivent 9 Jean-Paul Laramée, président de la société Secure Finance. Emission télévisée hebdomadaire : Islam, les
finances Islamiques, 10 et 17 février 2008, France 2 10 Lachemi Siagh, L’Islam et le monde des affaires : Argent, éthique et gouvernance, Paris, édition
d’Organisation, 2003
d) Les progrès viennent plutôt de la coopération et de l’harmonie pour le bien de tous et de
chacun que de la compétition. C’est l’idée de consensus qui est la base première de la
société ou de l’organisation.
e) Les notions d’égalité et de justice communautaire prennent le pas sur celles d’égalité des
opportunités.
Le modèle économique islamique définit alors comme objectif, la régulation optimale des
richesses. Or, cette régulation reste utopique si le profit pour l’investissement est garanti (malgré
l’échec du projet économique). Pour l’Islam, la tendance contemporaine à sacraliser la propriété
rend donc irréalisable toute justice sociale. La contribution du monde musulman à un nouvel ordre
économique international est donc fondée sur l'application de la Charia à des opérations financières
et économiques. La conception islamique constitue, en effet, une alternative tant au système
capitaliste qu'au système socialiste.
De nombreux travaux traitent de ce que peut apporter le modèle économique Islamique
dans l’économie globale et c’est un sujet riche et ouvert. Nous avons essayé, de mettre les
caractéristiques essentielles, de manière brève et non exhaustive. Cela nous permet de mieux
comprendre, par la suite, le cadre économique global qui régit la finance Islamique, sujet de notre
mémoire, et notamment la notion d’intérêt bancaire dans les religions monothéistes et son incidence
direct sur les produits financiers islamiques
B. Usures et religions monothéistes
1. Les intérêts chez les juifs11
Dans le 1er livre de Samuel (1 S 22,2): David recrute ses premiers partisans parmi ceux qui
risquent d'être réduits en esclavage à cause de leurs dettes. L'esclavage pour dettes semble donc
être une pratique relativement courante, comme elle l'était d'ailleurs chez les peuples voisins. C'est
afin de réagir contre cette situation que la législation biblique intervient à plusieurs reprises pour
interdire l'imposition d'intérêt dans les prêts entre Israélites. Nous en donnons ici l’un des passages
les plus importants:
11 Dr.Sami Aldeeb, Docteur en droit et expert en droit arabe et musulman, (page consulté en juin 2008), [Page
web] www.sami-aldeeb.com.
Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, qu'il s'agisse d'un prêt d'argent, ou de vivres, ou de quoi que
ce soit dont on exige intérêt. A l'étranger tu pourras prêter à intérêt, mais tu prêteras sans intérêt à
ton frère, afin que Yahvé ton Dieu te bénisse en tous tes travaux, au pays où tu vas entrer pour en
prendre possession. (Deutéronome 23:20-21).
On justifie le prêt fait à des non juifs par le fait que les pays chrétiens interdisaient dans le
passé les intérêts et ne les permettaient que si le prêt était fait par des juifs12.
2. Les intérêts chez les chrétiens :
Le Nouveau Testament comporte un passage concernant le prêt, interprété comme une interdiction
des intérêts, sans distinction entre juifs et non juifs, quel que soit le taux des intérêts:
« Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Même des pécheurs
prêtent à des pécheurs afin de recevoir l'équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et
prêtez sans rien attendre en retour » (Luc 6:34-35).
Calvin (1509-1564) a été le premier théologien de l’ère moderne à légitimer moralement la
pratique du prêt à intérêt, à l’encontre de toute la morale chrétienne antérieure13. Selon la loi
biblique, celui qui peut venir en aide à son prochain dans la difficulté par prêt d’argent doit le faire
sans prélever d’intérêt. Mais Calvin constate que si la Bible condamne l’usure là où devrait se
manifester la charité, elle ne parle pas, en revanche, d’une autre pratique, qu’il appelle le «prêt de
production», c’est-à-dire le type de prêt qu’exige l’élargissement d’un marché, et qui n’entre pas
dans le cadre du devoir de charité.
L'Église catholique a continué à interdire les intérêts. L’encyclique Vix pervenit, adressée le
1er novembre 1745 par Benoît XIV aux évêques d’Italie, est la dernière prise de position doctrinale
du Magistère catholique au sujet du prêt à intérêt. Le pape réaffirme la doctrine traditionnelle de
l’Église où, il n’est pas permis de toucher des intérêts rémunératoires en vertu d’un contrat de prêt14.
3. Les intérêts chez les musulmans : Origine et potentiel actuel
L’interdiction de l’intérêt par l’Islam est forte. Elle est la seule des trois religions
monothéistes à maintenir une interdiction absolue de l’usure, sans aucune distinction du taux.
12 Attali, Jacques: Les juifs, les chrétiens et l'argent, interview dans L'Express du 10/01/2002, p. 56-65. 13 Johner, Michel: Travail, richesse et propriété dans le protestantisme, in: La revue réformée, N° 218 – 2002/3. 14 Ramelet, Denis: La rémunération du capital à la lumière de la doctrine traditionnelle de l’Eglise catholique, in:
Catholica, n° 86, 2004-05.
En Arabe, on parle d’interdiction de la Riba15, terme qui désigne la compensation que
l’emprunteur verse au prêteur en plus de la restitution du capital prêté. En effet, c’est en lisant la
sourate II, versets 275 et suivants, que l’interdiction de Riba est particulièrement claire:
« Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se dresseront au jour du jugement que comme se dresse celui
que le Démon a violement frappé Il en sera ainsi parce qu’ils disent : la vente est semblable à l’usure.
Mais Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure».
En Islam, le consommateur d’intérêt -au sens bancaire- est un péché plus fort que la consommation
du vin par exemple. Le prophète Mohammed (paix et salut soit sur lui) a dit : :« La Riba comporte
quatre-vingt-dix-neuf cas dont le moins répréhensible est assimilable au cas de fornication entre un
homme et sa mère ». Le prophète va plus loin en étendant la condamnation au « mangeur d’usure,
au donateur, celui qui transcrit l’acte et le témoin, tous sont égaux dans le péché ».
Depuis 1965, les institutions islamiques ont condamné unanimement les intérêts. La norme qui en
résulte ne saurait être cassée que si une unanimité similaire s'établit en faveur des intérêts. Cela
engendre donc, chez les musulmans, une aversion à l’intérêt et donc un refus du système bancaire
classique. En Belgique, le taux faible de la propriété immobilière chez la communauté musulmane
peut être expliqué par le refus d’intérêt qu’aurait engendré un prêt hypothécaire16.
C. Finance et Islam :
1. Premières initiatives et potentiel actuel:
Bien que les capitaux pétroliers favorisent les activités économiques et, partant, les
opérations bancaires et financières, la structure du capital des banques islamiques ne dépend pas de
l'initiative publique mais privée.
La première expérience a eu lieu en Egypte, sous la forme des caisses d'épargne rurales du
Mit-Ghamr (delta du Nil) entre 1963 et 1967. L'expérience dût prendre fin pour des raisons
15 Voir Glossaire 16 Annexe 1 : Enquête du Centre des études et Recherches en économie Islamique, Résultats et enseignements,
p13, 2003
politiques. Néanmoins, elle ouvrit la voie à des entreprises ultérieures, telles que la Nasser Social
Bank en 1971, première banque à caractère social pour les groupes sociaux à bas revenus.
Un événement important dans l'histoire de la banque islamique a été la création de la
Banque Islamique de Développement (B.I.D.), institution intergouvernementale, à Jeddah (Arabie
Saoudite) en 1975. Selon ses statuts, la B.I.D. a pour mission de favoriser le développement
économique et le progrès social dans les pays membres et dans les autres communautés
musulmanes, individuellement ou conjointement, suivant les principes de la loi islamique.
Actuellement, les actifs islamiques dans le monde sont estimés entre 500 et 750 milliards de
dollars et sont gérés par environ 300 institutions financières. Le marché s’accroît au rythme de 15 %
par an, soit cinq fois plus que le secteur bancaire classique. Il est donc clair que la Belgique, à l’instar
de d’autres pays voisins comme la Grande Bretagne, doit en profiter17.
2. La banque islamique dans la pratique :
L’Islam a mis en place des principes économiques qui ont pour but d'éliminer l'injustice dans
les relations économiques. Le plus courant est le système de partage de pertes et profit. Ce système
n'est pas propre à la finance islamique et existe dans la finance conventionnelle. Toutefois, le partage
de pertes et profits est largement utilisé dans le système financier islamique, comme nous le verrons
plus loin. Les différences fondamentales entre les systèmes conventionnels et islamiques peuvent se
résumer dans les points suivants :
L'intérêt:
Celui-ci étant formellement proscrit dans le système islamique. Cette interdiction n'est
pas en soi propre au monde musulman, comme nous avons déjà vu.
Le risque :
17 Annexe 2 : Rapport d'information n° 33 (2007-2008), 17 octobre 2007, de MM. Jean ARTHUIS, P.MARINI,
A. De MONTESQUIOU, P.ADNOT, M.MOREIGNE et P.DALLIER, Le nouvel « âge d'or » des fonds
souverains au Moyen-Orient, fait au nom de la Commission des finances.
Il est interdit en Islam d'avoir pour objet dans un contrat un élément dont l'existence
est incertaine. Ainsi, il est par exemple interdit de vendre les produits de chasses et pêches
futures, tant on ne peut pas encore en déterminer la nature et les quantités exactes. En toutes
circonstances, les Cocontractants doivent savoir évaluer de manière précise leurs coûts et
bénéfices de telle sorte qu'aucun ne soit lésé.
L'impôt religieux (ou Zakat en arabe) :
Le rôle social exige que la banque mette à la disposition de ses clients un fonds Zakat.
Il faut savoir que la Zakat, troisième pilier en Islam18, ou aumône est obligatoire pour chaque
musulman et musulmane. Sans rentrer dans les détails, la Zakat consiste en un prélèvement de
2,5 % de la valeur totale des actifs, du capital et des profits d'un musulman qui rentrent dans
les critères fixés par les Ecritures coranique et de la Sunna19. Une fois prélevés, les fonds sont
redistribués aux huit catégories définis dans le Coran20. Il est à noter que la Zakat est perçue
sur les marchandises échangées et sur les revenus professionnels et immobiliers, mais pas sur
les propriétés personnelles (maisons, meubles, bijoux, etc.).
Malgré que ces contraintes peuvent sembler insurmontables, il existe des moyens pour que
les musulmans fassent des placements, contractent des assurances et acquièrent des biens, tout en
ayant l'esprit tranquille quant à leurs croyances religieuses. Nous verrons, dans ce qui suit, comment
la finance islamique répond à ces besoins.
2.1 Placements :
Pour respecter ces contraintes, édictées ci-dessus, il existe une méthode
composée de trois étapes successives au cours desquelles les investisseurs musulmans
pourront exclure toute une série d'entreprises qui sont interdites par les Lois de l'Islam.
Les trois étapes sont les suivantes :
18 Les cinq piliers de l'Islam sont : la profession de foi, l'accomplissement de la prière, l'aumône, le jeûne du
mois de Ramadan et le pèlerinage à La Mecque. 19 Voir Glossaire 20 Les huit catégories sont : Les pauvres, les indigents, les administrateurs de cet impôt, les cœurs à gagner (à
l'Islam), la libération des esclaves, les lourdement endettés, ceux qui sont sur le chemin de Dieu (c’est-à-dire
pour financer les projets charitables) et les voyageurs en détresse
a. Activité
L'entreprise dans laquelle les musulmans investissent doit être licite et ne peut
s'opposer aux principes d’éthique islamique, tant au niveau des sources de revenus qu'au niveau des
produits commercialisés. Ainsi, il sera banni d'investir dans :
Les institutions financières basées sur le Ribâ (intérêt) ou sur le Gharar (risque),
Le domaine de l'armement et de la défense (même leur promotion), la production et la vente de tabac,
Le commerce ou la fabrication d'alcool,
Les jeux de hasard,
L'élevage, et la vente de porc et de ses produits dérivés,
Les activités de divertissement telles que celles qui sont liées à la pornographie, aux images indécentes,...
b. Etats financiers de l'entreprise
La deuxième étape consiste à éliminer les entreprises dont les activités financières ne sont
pas acceptables en Islam. Ainsi, d’une part, seront écartées toutes les entreprises dont les revenus
sont sous forme d'intérêt - ou l'endettement source de paiement d'intérêt - sont trop importants.
D'autre part, la société dans laquelle le musulman peut investir ne doit pas être trop endettée
(l'endettement ne doit pas dépasser 30 % de sa capitalisation boursière).
Aussi, les avoirs de l'entreprise doivent être les moins liquides possible. En effet, acheter ou
vendre des actions d'entreprise dont les actifs sont trop liquides revient à acheter ou vendre ces
actifs liquides, ce qui ne peut se faire qu'à la valeur de ces mêmes actifs, c'est-à-dire la valeur
nominale de l'action. Faire une plus-value sur de telles actions est assimilée à un intérêt et est donc
interdit.
c. Purification des revenus
Malgré l'autorisation que reçoivent les musulmans d'investir dans des sociétés dont
les revenus sont partiellement issus de l'intérêt, ces derniers revenus n'en restent pas moins
inacceptables aux yeux des musulmans. Il est donc logique que les musulmans dont les
revenus ont engendré une part de profit par le biais de l'intérêt, se débarrassent de cette part
de revenu. Ceci a été requis par les juristes musulmans. Prenons un exemple : soit une société dans
laquelle un musulman a investi à hauteur de 5 % du capital de celle-ci. La société distribue 100 000 €
de bénéfice dont 1 000 € ont été engendrés par l'intérêt (Rîbâ). L'investisseur musulman touchera
donc 5 000 € dont 50 € sont issus du Ribâ. Il devra donc reverser ces 50 € à une œuvre charitable et
pourra librement conserver le solde, soit 4 950 €.
Les entreprises qui n'auront pas été écartées lors de ces trois étapes, seront celles dans
lesquelles les investisseurs musulmans pourront investir librement.
2.2 Assurances :
Trois éléments bannis en Islam sont la base du système conventionnel de l'assurance.
Il s'agit du Gharar (risque, incertitude), Maysir (spéculation) et le Riba (intérêt)21.
Pour rappel, le Gharar est interdit car il implique un déséquilibre entre les paiements
qu'effectuent l'assuré et la prime qu'il reçoit lors de l'incident, si celui survient. L'assuré pourrait très
bien recevoir une indemnité importante alors qu'il n'aura payé que quelques primes. Le système
conventionnel implique forcément le gain d'une des parties au détriment de l'autre. En effet, Les
contrats d'assurance fonctionnent de la manière suivante : le preneur d'assurance paye une prime
pour une période déterminée. L'assurance, en contrepartie de la prime, promet de dédommager son
client dans l'hypothèse où celui-ci subirait un dommage prévu dans le contrat d'assurance.
Ainsi, le client a tout intérêt de subir le dégât au plus tôt, de sorte que le nombre de périodes
pour lesquelles il aura dû payer des primes soit minimum. Dans cette hypothèse, le preneur
d'assurance gagne de l'argent au détriment de sa compagnie d'assurance. À l'inverse, l'assureur
préférera que son client ne subisse jamais les dommages couverts par le contrat d'assurance,
hypothèse selon laquelle la compagnie d'assurance n'a pas de dépense et bénéficie entièrement des
21 KARICH I. (2002), « Le Système Financier Islamique », Bruxelles, Larcier, pp. 73 et suivantes
primes d'assurances de ses assurés. Le bénéfice ainsi réalisé par l'assurance est au détriment des
assurés.
Le Maysir, quant à lui, est une conséquence directe du Gharar. L'assureur a tout
intérêt à ce que le sinistre ne se produise pas tandis que l'assuré a plutôt intérêt que ça se
produise. L'un ou l'autre fera donc un bénéfice au détriment du cocontractant. D’autre part,
Les compagnies contemporaines d'assurance investissent une partie importante de leurs fonds
dans des actifs sans risque et perçoivent donc un intérêt (Riba) sur ces fonds, ce qui est
interdit par la religion islamique. Ces trois éléments font de l'assurance une activité qui paraît
irréalisable dans le respect de la religion islamique.
Toutefois, il existe un système d'entraide qui peut se substituer aux assurances conventionnelles : la
Takaful ou assurance islamique.
Dans le système de l'assurance islamique, plusieurs participants s'associent en constituant
ainsi un capital que gérera l'assureur. Ce dernier est rémunéré pour la gestion de ces capitaux et de
leur investissement. Si l'un des participants subit le dommage, il recevra un montant provenant de ce
capital et qui couvrira la perte subie de telle sorte qu'il puisse retrouver sa situation d'avant le
sinistre. Cette somme sera déduite des fonds amassés.
La différence avec le système conditionnel est que si, à la fin de la période couverte par le
contrat d'assurance, aucun dommage n'a été subit, les assurés se verront remboursés de leur
cotisation majorée du bénéfice qu'aura généré l'investissement des capitaux investis. De
cette manière, l'ensemble des assurés supporte les risques que tous encourent et, si le risque
ne se présente pas, tous les protagonistes profiteront ensemble du gain issu de l'investissement.
Par ailleurs, l’assurance Takaful suppose la réalisation de certaines conditions :
Le risque doit être défini et inattendu ;
le but de l'assurance islamique est de rendre à la victime du préjudice la situation qu'il
connaissait avant l'occurrence de celui-ci. Par conséquent, nous ne pouvons pas imaginer
que l'assuré ait un quelconque bénéfice suite au dommage qu'il encoure. Ceci est donc une
contrainte de validité de la Takaful ;
le risque ne peut être inventé délibérément ;
le bien doit être assurable et doit respecter les préceptes de la loi islamique :
- il doit avoir une valeur commerciale. Il faut savoir que la vie a une
valeur commerciale qui équivaut aux revenus que la personne visée
qui, par leur absence, affecteront le ménage du défunt ;
- le bien que l'assuré perdrait, et qui fait donc l'objet du contrat d'assurance, doit avoir
une utilité pour son utilisateur ;
- il doit appartenir à l'assuré et doit être entré en possession de celui-ci
de manière légale ;
- le bien assuré doit aussi avoir un caractère licite à l’égard des lois
islamiques ;
Enfin, l'occurrence du dommage ne peut être prévue de manière certaine.
2.3 Financements :
L'emprunt d'argent sans paiement d'intérêt est certainement très difficile à concevoir dans
une banque classique. Ceci dit, cela n’est pas impossible, mais nécessite de passer par des modes
alternatifs de financement. En effet, il existe trois méthodes de financements immobiliers possibles
et compatibles avec les lois islamiques22. Il s'agit du Mourabaha, d’Ijara et du Mousharaka. Voici
l'explication de chacun de ces trois modes de financement immobiliers:
La Mourabaha :
Pour les financements à court terme, le principe utilisé est généralement la Mourabaha.
La banque s'engage à fournir des biens selon un contrat de gré à gré prévoyant la revente au
client avec une marge bénéficiaire fixée d'avance. Ce qui évite au client de souscrire un
emprunt avec intérêts, comme dans une banque classique. Ce mode de financement est de loin
le plus pratiqué dans les banques islamiques déjà existantes à travers le monde : c’est ce
principe qui a été mis en œuvre dans la plupart des solutions de placement Charia compatible
proposée actuellement à La Réunion.
22 Karich I. (2004), « Finances et Islam », Bruxelles, Le Savoir, pp. 142 et suivantes
1. Négociation entre l'acheteur et le propriétaire ;
2. Négociation du prix de revente entre l'acheteur et la banque ;
3. Achat du bien par la banque ;
Figure 1 : Financement immobilier par la Mourabaha
Nous voyons donc que le rôle de la banque est ici un rôle de vendeur qui offre une
facilité de paiement à l'acheteur. Ce mode de financement permet ainsi l’habilement de
contourner l'usage de l'intérêt en un étalement de remboursement à la banque. Certes, ce
financement s'apparente fortement au crédit hypothécaire conventionnel mais il fait toute la
différence aux yeux des musulmans qui, ne l'oublions pas, sont ici les clients.
Toutefois, la Mourabaha se heurte à une problématique d'ordre fiscale. En effet, si nous
prenons l’exemple d’un bien immobilier dans le cadre de la Mourabaha, deux contrats de ventes
distincts sont signés: le premier entre le vendeur et la banque (qui a alors le rôle d'acheteur) et le
second entre la banque (qui devient vendeur) et le client de celle-ci. A chacune de ces occasions,
l'acheteur (la banque puis le client) devra s'acquitter des droits d'enregistrement de l'immeuble, ce
qui augmente considérablement le coût pour les clients de la banque qui devront supporter la double
charge fiscale. Une souplesse fiscale est donc nécessaire, pour mettre en place un tel système.
l'Ijara :
1. le client choisit le bien (immeuble dans notre exemple) qu'il souhaite acquérir et négocie le prix d'achat avec le vendeur;
2. Le client négocie avec la banque un loyer pour l’immeuble en question. La banque signe également une promesse de vente du bien au terme du contrat de location
3. La banque acquiert le bien. Elle en est donc propriétaire ;
Figure 2 : Financement immobilier Ijara
Le système de l'Ijara est facilement assimilable à un système de location ou de crédit-bail. Il
convient au financement de véhicules, machines, etc. La banque prend l'engagement d'acheter les
équipements ou les bâtiments dont le client a besoin pour son projet. Elle les met à sa disposition
moyennant un loyer direct durant une période de temps déterminée.
Le système peut être amélioré dans certains cas où le client prend l'option de devenir
propriétaire du matériel au terme de la période de location. On parle alors d’Ijara wa Iktina. Dans ce
cas, le client ouvre un compte d'épargne où il verse régulièrement un certain montant.
Il est à noter que ce mode de financement est légèrement différent d’une location
financement (ou leasing). En effet, la revente du bien devra faire l'objet d'un deuxième contrat au
terme du premier, concernant la location, et indépendant de celui-ci. La pratique du financement par
Ijara implique donc deux contrats distincts. Le premier est le contrat d'Ijara proprement dit ; et le
second est le contrat de vente du bien immobilier qui surviendra au terme du premier contrat. En
aucun cas, le contrat de vente ne peut être signé en même temps que le contrat de location23. Le
rôle de l'établissement bancaire est, dans un premier temps, celui de bailleur et, dans un second
temps, celui d'un vendeur.
L'avantage pour la banque de ce mode de financement est qu'elle possède une garantie
importante. En effet, elle reste propriétaire de l'immeuble qui fait l'objet du contrat pendant toute la
période de location. Cet avantage se traduit par une captivité totale du client dans la banque,
contrairement au système conventionnel de prêt hypothécaire dans lequel le client a tout le loisir de
changer d'organisme de crédit, ce qui constitue un coût important pour l'organisme de crédit ainsi
quitté. Ce risque est fort important et coûte cher aux banques qui en sont victimes.
En 2005, ING a perdu pour le seul crédit hypothécaire pour un montant de 374.5 millions
d'euros de crédits et a enregistré un funding lost24 de 36.7 millions d'euros25. Par Ijara, la banque
s'assure donc des revenus réguliers pour une longue période ainsi qu'un contrat de vente qui suit le
contrat de location de l'immeuble.
II subsiste une question pour la mise en place de ce type de financement. Selon cette
méthode, le client ne devient propriétaire du bien qu'à la fin du contrat de location. Or, quand un
particulier désire financer un immeuble, c'est essentiellement pour en être propriétaire.
Il serait intéressant de voir dans quelle mesure un client accepterait une méthode de
financement telle que présentée ci-dessus pour ne pas avoir à payer d'intérêt pour financer le bien
en question.
Cette question ne sera pas menée dans le cadre de ce mémoire mais serait intéressante à
étudier si, une banque en Belgique, s'intéressera à la finance islamique et plus particulièrement au
financement islamique de biens immobiliers.
23 L’objet de la vente est incertain car on n'est pas, au moment de la signature du contrat de location, en mesure
d'estimer la valeur du bien lors de la vente de celui-ci qui ne survient que plusieurs années après la signature du
contrat de location. 24 Lorsqu'une banque octroie un crédit de ce type, elle emprunte le montant du crédit à un organisme externe sur
la même période que le crédit qu'elle a octroyé au client. Elle paie donc un taux (inférieur à celui que le client lui
paiera) sur l'emprunt qu'elle effectue. Si le client de la banque fait racheter son crédit par une banque
concurrente, la première banque doit malgré tout continuer à payer l'emprunt qu'elle a effectué pour avancer
l'argent à son client. C'est ce coût qu'on appelle le « funding lost » 25 JABRI I, « la segmentation ethnique : cas pratique chez ING », FUCaM, 2006
La Mousharaka :
Figure 3 : Financement immobilier Musharaka
Poursuivant toujours l’exemple de l’acquisition d’un bien immobilier. II existe une troisième
possibilité de financer un immeuble en respectant les principes de la religion musulmane : le contrat
de Mousharaka. Il s'agit d'un contrat de participation. Dans le cadre de l'achat d'un bien immobilier,
les différentes étapes du contrat de Mousharaka sont les suivantes :
En premier lieu, le client (comme dans les autres exemples) choisit l'immeuble et en négocie
le prix. Deuxièmement, la banque s'associe au client pour acheter la maison. Chacun d'entre eux
apporte une part dans l'achat du bien et est donc propriétaire à hauteur de la proportion de leur
apport dans la valeur d'achat de la maison (par exemple 20 % pour le client et 80 % pour la banque)
.La troisième étape consiste à évoquer ce que le client paie comme mensualité comprenant deux
parties : le loyer (à hauteur de la part de l'immeuble que détient la banque, 20 % dans l'exemple) et
le rachat de la part de la banque (dans l'exemple, 80 % de la mensualité) ;
Finalement, et au fur et à mesure du temps qui passe, la banque verra sa part dans
l'immeuble diminuer. La part de la mensualité attribuée au loyer diminue au profit de la part
attribuée au rachat de la part de la banque. Le contrat arrive à son terme lorsque le client rachète
l'entièreté des parts que possède la banque.
1. négociation entre 1'acheteur et le propriétaire
2. achat du bien en partagé entre l'acheteur (ici 20% de la valeur) et la banque (ici, 80%) ;
3. Paiement d'une mensualité qui comprend 80% de loyer et 20% pour l'achat des parts de la banque dans le bien ;
Ce mode de financement n’est, bien sûr, pas exclusif à l’achat d’immeuble et convient au
projet à long et moyen termes.
La banque islamique propose aussi des services financiers spécialement destinés aux
entrepreneurs, donc aux segments professionnels, et qui peut prendre la forme de la Moudaraba ou
«partenariat passif». En effet, La banque finance entièrement l'entrepreneur et partage les bénéfices
(s'il y en a) selon un pourcentage fixé à la signature du contrat. La seule source de revenu possible
pour l'emprunteur est sa part de bénéfice (il ne reçoit aucun salaire) et la banque prend à son entière
charge les pertes éventuelles.
La Moudaraba est un mode de financement comparable à ce qui se fait dans les sociétés
d'investissement. La banque peut fournir la totalité des capitaux requis pour le projet que présente
un client. Ce dernier n'apporte alors que ses compétences et sa capacité de gérer le projet. Les
profits sont partagés par les deux parties selon un taux préfixé. Les pertes sont entièrement
supportées par la banque. Le client perd néanmoins la valeur du travail qu'il a fourni durant l'exercice
de son projet.
Nous voyons donc que, malgré les contraintes relatives au modèle financier islamique, La
banque Halal peut prétendre à acquérir le marché des musulmans dans le monde. En effet, Plusieurs
banques dans le monde ont vu en la banque islamique une opportunité. Nous tracerons dans le point
suivant quelques exemples à travers le monde. Nous allons donc présenter, de manière brève,
l’expérience de quelques pays ou la finance Islamique a vu le jour. Ensuite, nous parlerons de la
première Sicav Islamique lancée en Belgique par Fortis.
3. Banques islamiques dans le monde :
3.1. Finance Halal en Angleterre : La première expérience dans le domaine de la finance islamique a eut lieu en 1993 à l'initiative
de l’AI-Baraka International Bank Limited26. Cependant, ce projet fut de courte durée à cause de
l'incapacité de la banque à répondre aux exigences de la Banque Centrale d'Angleterre.
Plusieurs tentatives furent menées pour combler le vide laissé par l’AI-Baraka International
26 Limited équivalent de la S.P.R.L. en Belgique
Bank Limited. Elles sont à mettre au crédit, entre autres, au compte de la «United Bank of Kuwait » et
de la « Medina Islamic Fund Equity ». La première proposait un plan de financement immobilier,
l’Islamic Investment Banking et la seconde un panel de 500 sociétés dans lesquelles les musulmans
pouvaient investir27.
Ce n'est qu'en septembre 2004 qu'une banque, l’Islamic Bank of Britain (IBB), répondant à
100% aux critères imposés par la religion musulmane, ouvre ses portes. Depuis son inauguration,
l'IBB est en progression constante et compte aujourd'hui plus de 40 000 clients.
La législation anglaise a indirectement facilité l'implantation d'établissements financiers
islamiques ou l'ouverture de fenêtres islamiques au sein des banques conventionnelles. Cela s'est
traduit par la promulgation d'une nouvelle loi28 : elle évite le double paiement des droits
d'enregistrement- stamp duty. En effet, l'achat immobilier par crédit revêt la forme d'une location-
achat. Les clients de ce type de financement devaient payer deux fois les droits d'enregistrement :
une fois à l'achat par la banque et une autre au terme du contrat. Le législateur a ainsi donc permis
d'aligner les frais inhérents à un prêt islamique au même niveau qu'un prêt classique.
D’ailleurs, le secrétaire au Trésor, Ed Balls, a déclaré qu’il s’agit de « s’assurer que le système
fiscal et les régulations encourageront le développement des produits conformes à la Charia », et de
faire du Royaume-Uni « un centre mondial de la finance islamique », fin de citation29. L’Angleterre a
donc su, par une flexibilité fiscale et une approche proactive, à attirer les fonds islamiques.
3.2 Ce qui se fait aux États-Unis :
Aux Etats-Unis, le marché bancaire présente des signes de maturité, ce qui force les
banques à réagir et à approcher au mieux sa clientèle.
En effet, Il y a neuf établissements actifs aux États-Unis dans la finance Halal. LARIBA
Finance House est la plus ancienne institution financière qui propose depuis 1987, des produits de
financement de capitaux mais pas de dépôt30. Guidance Financial, quant à elle, offre des produits
27 KARICH I, Le système financier islamique: de la Religion à la Banque, Editions Larcier, 2002 28 Board of Inland Revenue, Finance Bill 2003, Resolution 20, Clauses 72 et 73 29 Londres, capital de la finance islamique, [page web], article consulté le 30/01/2007, www.lalibre.be 30 Research Reveiew, Islamic Finance: Meeting Financial Needs with Faith Based Products, Profit wise News
and Views, Février 2006
financiers islamiques, principalement Musharaka, depuis avril 2002. University bank, après deux ans
d’offre de produits financiers Halal, a ouvert en décembre 2005, la filiale « University Islamic
Corporation ». Cette entité fut créée pour mieux cerner les besoins et répondre à la demande
croissante du segment des musulmans aux États-Unis.
3.3 Au Luxembourg :
La première banque islamique d'Europe vit le jour en 1978 au Luxembourg sous le
nom d'« Islamic Banking System », rebaptisée plus tard « Islamic Finance House Universal
Holdings ». Cette banque se consacrera à l'acquisition de parts de sociétés en Europe et
ailleurs. Elle tenta de s'élargir jusqu'au Danemark et ferma finalement ses portes en 1997.
3.4 La France franchit le pas :
C’est en organisant « le premier forum français de la finance islamique », le 6 décembre
2007 à Paris, que la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA) a annoncé l’intention d’offrir des
produits financiers islamiques en France. Et c’est Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la
Banque de France, qu’a donné le ton dès l’ouverture du forum : « Rien ne s’oppose en France à la
création de banques islamiques. Les enjeux sont considérables31 ».
C’est dans ce cadre que la SGAM (Société générale Asset Management), a proposé aux
habitants de la Réunion des placements qui respectent les lois coraniques. Et c’est désormais au tour
de la société JCS Courtage, spécialisée dans les produits de placements, mandatée par le groupe BNP
Paribas, de proposer un investissement qui respecte la loi islamique.
Par sa proximité géographique, linguistique et culturelle, la France pourrait jouer un rôle
d’exemple à suivre pour la Belgique, en ce qui concerne la création de Produits financiers islamiques.
3.5 Et la Belgique ? :
31 Edition France Soir du samedi 3 mai 2008 n°19787, page 18
Beaucoup de rumeurs ont circulé récemment que des Banques en Belgique songent à mettre
sur le marché des produits financiers spécifique pour la communauté Musulmane. D’ailleurs, ING a
réalisé l’année précédente une étude de segmentation afin de dégager le profil type des clients qui
seront intéressés par ce type de produits en Belgique32.
D’autres part, la Deutsche Bank propose déjà des produits islamiques en Suisse mais n’as pas
encore exprimé l’intention de se lancer ou non sur ce segment en Belgique. C’est ce que Fortis a osé.
En effet, Fortis est devenu le premier acteur bancaire en Belgique à avoir lancé une Sicav33
intitulée « La Fortis B Fix 2008 Islamic Index 1 » qui prétend répondre à la Sharia, c’est-à-dire la loi
islamique. Cette action - une Société d’investissement à capital variable - est accessible aux petits
comme aux gros investisseurs depuis le 21 décembre 2007. La clôture des souscriptions est fixée au
31 janvier 2008. Or, Fortis possédait l’expertise nécessaire avant de lancer ce produit. En effet, elle
aussi propose ce genre de produits par sa filiale Malaysienne MayBank, qui n’est autre que la
première banque en Malaisie.
Cependant, nous avons souligné le mot « prétend » car le produit proposé ne répond pas
justement aux préceptes islamiques en matière d’investissement. En effet, la structure du fonds
indique clairement au moins deux éléments qui ne sont pas conformes aux règles islamiques34 :
1) Il s’agit d’un investissement avec un capital garanti: cette garantie de capital est réalisée en
plaçant une partie des fonds dans des dépôts à terme générant des intérêts.
2) La performance du produit est basée sur la performance de l'index Dow Jones Islamic Market
(DJIM) : seul le gain éventuel est lié à la performance du DJIM. Autrement dit, le DJIM sert
uniquement de référence et les fonds ne seront pas nécessairement investis dans les actions du
DJIM.
Il ressort clairement que, le fond, n'est donc pas conforme aux principes de la finance
islamique. Sous sa forme actuelle, ce fond ne connaîtra pas probablement une évolution positive.
D’ailleurs, la valeur de ce fond a connu une chute grave depuis le premier Mars comme nous voyons
sur la figure suivante :
32 JABRI I, « la segmentation ethnique : cas pratique chez ING », FUCaM, 2006 33 Annexe 3: FORTIS ISLAMIC INDEX 34 (Page consulté le 20/01/2008), [page web], www.cerei.net
Figure 4 : évolution totale de La Fortis B Fix 2008 Islamic Index135
Néanmoins, Fortis Investment Management a confirmé au Cercle des Etudes et Recherches
en Economie Islamique à Bruxelles (C.E.R.E.I) leur volonté de proposer rapidement un produit
répondant aux règles de la finance islamique. Et c’est dans cet état esprit que des membres du CEREI
vont accompagner Fortis dans l’élaboration de ce produit comme le confirma son président Mr
Mohammed BOULIF. Ancien licencié des FUCaM.
E. Conclusion :
Bien que cela soit peu visible, de nombreux clients musulmans s'adressent au guichet de leur
agence pour résoudre un problème d'éthique. Ceux-ci ne désirent pas percevoir d'intérêts sur leur
compte bancaire. La banque répond positivement à cette requête et demande aux clients une lettre
signée de leur main attestant de leur refus de l'intérêt36. En effet, chez ING par exemple, et sur le seul
35 www.fortisbank.be/app/pciw/fr_nav_details.asp?ID=1560&NatureID=1#top, [consulté le 20/03/2008] 36 Annexe 4 : exemple de demande de refus d'intérêts
centre opérationnel de Bruxelles, nous pouvons recenser 228 comptes dont les intérêts sont
déroutés37.
Cette démarche n'est pas généralisée à toute la population musulmane. En effet, certains ne savent
pas qu'il est possible d'adresser une telle demande à son agence. Aussi, il ne faut pas négliger tous
les musulmans qui perçoivent cet intérêt et qui, pour ne pas le garder, le versent à des associations
charitables.
Les entreprises voient en les populations d'origine étrangère un potentiel commercial
intéressant. L’exemple des banques islamiques en Angleterre nous montre les opportunités que la
finance islamique peut exploiter dans un milieu non musulman. Le marketing ethnique pour la
banque y trouvera donc probablement un essor important qui changera sans aucun doute le paysage
bancaire belge et européen dans les prochaines années.
À l'heure actuelle, et sur le marché belge, il n'y a pas encore de produits financiers
spécifiquement prévus pour les clients de confession musulmane. Or, le marché de la finance
islamique est en pleine expansion, car les musulmans des pays occidentaux gagnent de plus en plus
d'argent. Aujourd’hui, les clients sont devenus observateurs sur l'usage qui est fait de leur argent et
ne se laissent plus guider par le seul appât du gain. Les investisseurs sont généralement disposés à
réduire leurs gains à condition que leur argent soit utilisé à des fins conformes à leurs valeurs.
Le système de banque islamique a donc un marché à conquérir en Belgique. Nous verrons
dans ce qui suit l’estimation du marché potentiel des produits financiers islamiques en Belgique.
37 JABRI I, « la segmentation ethnique : cas pratique chez ING », FUCaM, 2006
CHAPITRE II :
SEGMENTATION ET FINANCE HALAL
A) LA RECHERCHE EXPLORATOIRE
La recherche exploratoire constitue la première phase de notre étude. Cette approche
permet d’établir un premier contact avec le monde de la banque, les produits bancaires
existants et les segments visés.
La recherche exploratoire est donc un moyen permettant, d’une part, de connaître les
différents intervenants dans le fonctionnement du marché et les groupes ciblés par les
banquiers. D’autre part, elle nous permettra de formuler des hypothèses qui serviront pour
faire une analyse en profondeur de la suite de notre étude.
1. Précision :
Le nombre de banques en Belgique est de l’ordre de 104. Parmi ces 104 banques,
ressortent, de manière significative, quatre grandes banques. Il s’agit de : Fortis banque, KBC
Banque, Dexia Banque Belgique et ING Belgique. Ces dernières, représentent à elles seules,
plus de 75% du marché entier en matière de dépôt. Pour le crédit accordé à la clientèle, il
s’élève à 336,8 milliards d’Euro pour un total marché de 411,12 milliards d’Euro38. Aussi,
grâce à une étude de demande39, menée par le Centre Des Études et Recherche en Économie
Islamique (C.E.R.I), nous pouvons constater que la plupart des musulmans se répartissent, à
raison de 68.4%, entre ces quatre
banques.
38 Annexe 5 :Vade-mecum statistique du secteur bancaire – 2005, page 30. 39 Annexe 1 : Enquête du Centre des études et Recherches en économie Islamique, Résultats et enseignements, p 17, 2003
Tableau 2 : Dans quelle banque la communauté musulmane possède un compte coutant Nous centrerons, donc, notre étude exploratoire sur ces quatre banques que nous
pouvons qualifier de généralistes.
2. Segmentation sur les sites de banques en Belgique :
Afin de mieux connaître les produits financiers offerts sur le marché, et par la suite,
répondre à la question principale : quelle est la place de la segmentation ethnico-religieux au
sein des banques en Belgique?
Pour y répondre, nous avons donc procédé de manière systématique, à une analyse de
la segmentation dans les sites des quatre banques que nous avons mentionnées plus haut.
Concrètement, et dans un premiers temps, nous avons surfé sur les sites de manière
passive, sans chercher une information particulière, afin de tâtonner le terrain. Ensuite, nous
avons parcouru, banque par banque, les produits offerts afin de ressortir les segments de
clients ciblés et de comprendre les canaux de communication utilisés. Par après, nous avons
constitué des tableaux récapitulatifs des données, de chaque banque, au niveau de sa
segmentation40.
À date de notre dernière visite41 des sites de banques en Belgique. Nous constatons, en
analysant le tableau 2, que les segments que toutes les banques visent sont : Particuliers,
Professionnels, Jeunes, Merchant Banking et Commercial Banking. Par contre, il y a que deux
40 Annexe 6 : segments par banque 41 Dernière visite des sites des banques en Belgique a été effectuée le 20 mai 2008
banques, à savoir FORTIS et DEXIA qui offrent des produits financiers destinés au
développement durable. Et de même pour le service Private banking offert par Fortis et KBC.
Il ressort que c’est FORTIS qui se distingue des trois autres banques en offrant des produits
destinés à différents segments. Néanmoins, il ne couvre pas le dernier segment.
En effet, le segment de l’ethnico-religieux peut être un élément clé de différenciation
car nous ne trouvons pas, dans les sites des 4 banques, des produits spécifiques à ce segment.
Notons par ailleurs, que Fortis a lancé une Sicav Islamique42, dont la clôture des souscriptions
était pour le 31 janvier 200843, et de ce fait ne figure plus dans son site officiel, et ne propose
pas, à ce jour44, d’autres produits ethnique ou Islamique.
En référence aux tableaux que nous avons élaborés45, nous présentons le tableau de
synthèse suivant. Les colonnes représentent les différents segments ciblés, alors que les lignes
représentent les déclinaisons, par banque, du segment visé Par Private Banking, nous
désignons les offres aux personnes fortunées pour la gestion de leur patrimoine. Dans le
segment de Commercial Banking, nous trouvons les entreprises moyennes actives sur les
marchés internationaux et aux besoins financiers complexes. Le Merchant Banking, quant à
lui, concerne les offres de services financiers intégrés au segment des grosses entreprises,
banques et aux institutionnels.
42 Voir Chapitre I, Et la Belgique? 43 Annexe 3: FORTIS ISLAMIC INDEX 44 20 mai 2008 45Annexe 6 : Tableau de synthèse des segments par banque
Investissement durable
Particuliers
Professionnels
Jeunes
Merchant Banking
Commercial Banking
Private Banking
Produits ethnico-religieux
FORTIS
Développement durable
Particuliers
Professionnels
Jeunes
Merchant Banking
Commercial Banking
Private Banking
Pas
d’offres pour ce segment
ING
Pas d’offres pour ce segment
Prive
Business
Jeunes
Grandes entreprises et institutionnels
PME et professions libérales
Pas d’offres pour ce segment
Pas
d’offres pour ce segment
Tableau 2 : Synthèse des segments par banque
La recherche exploratoire nous a permis de constater que, malgré un taux de
bancarisation très élevé en Belgique, la segmentation reste ‘traditionnelle’ et ne s’adresse pas
au segment ethnico-religieux. Marché qui peut générer de nouveaux clients et surtout prendre
celle de la concurrence (jeux à somme nulle).
En effet, il n y as aucune mention de produits financiers islamique et la seule banque
qui a proposé une sicav Islamique, à savoir la banque Fortis, ne semble pas développer
d’autres produits destiné à ce segment. Et c’est justement la segmentation, et en particulier
dans le domaine bancaire que nous allons aborder dans le point suivant. Nous verrons aussi
l’importance du marketing ethnique
B) SEGMENTATION:
1. Définition :
Le concept de segmentation en marketing a évolué dans le temps. On parlait de
marketing de masse au début des années 60, de segmentation du marché dans les années 80 et
de marketing de niche dans les années 90.
Nous pouvons définir la segmentation comme « l'art et la science de diviser les
populations en groupes distincts. L'idéal est que chaque groupe se différencie des autres et
que tous soient représentés. Les groupes doivent être homogènes, les individus sont plus ou
DEXIA
Ethical
Investment
Particuliers
Professionnels
Jeunes
Merchant Banking
PME et
Professions libérale
Pas d’offres pour ce segment
Pas d’offres pour ce segment
KBC
Pas d’offres
pour ce segment
Particuliers
Entreprendre
Jeunes
Merchant Banking
PME
et professions
libérales
Private Banking
Pas
d’offres pour ce segment
moins similaires dans chaque groupe, et à l'inverse ils se démarquent clairement de ceux des
autres sous-ensembles »46.
La segmentation peut être établie à partir du comportement des consommateurs, du
profil d'utilisateurs types, de besoins, de problème à résoudre, etc. Les segments peuvent être
composés d'individus, de foyers, d'entreprises, de villes, de régions...
La difficulté étant de pouvoir segmenter de la manière la plus pertinente, chaque
groupe doit être affiné le plus possible pour créer une adéquation entre l'offre et les attentes,
mais aussi de prévoir les nouvelles offres.
2. La segmentation en marketing bancaire
Dans un secteur très dynamique comme le secteur bancaire, il faut souligner un
développement des nouvelles offres et une segmentation croissante. Le marketing bancaire est
un marketing des services, même s'il présente des spécificités bien établies, emprunte un bon
nombre d'outils et de schémas d'analyse de portée plus générale, donc de théorie du marketing
fondamental, tous ces éléments vont de pair : La saturation du marché exige une
diversification et une segmentation.
3. Les critères de segmentation :
En marketing bancaire, nous pouvons percevoir plusieurs types de segmentations,
mais la segmentation la plus répandue est celle d'un classement par tranches de revenus ou
types d'activité. Cette segmentation nous conduit à différencier entre : Particuliers, PME,
Grandes entreprises, etc.
La segmentation par type de client bancaire nous conduit à déterminer trois dimensions47 :
- Le client-consommateur :
C'est le client qui consomme et développe des besoins de trésorerie, d'épargne, de
retraite, de constitution de patrimoine. Son comportement est analysé selon ses besoins. Pour 46 ZOLLINGER M et LAMARQUE E, Marketing et stratégie de la banque, DUNOD, 4 e édition 2004. 47 ZOLLINGER M et LAMARQUE E, Marketing et stratégie de la banque, DUNOD, 4 e édition 2004..
répondre à ses attentes la banque structure son offre de manière à constituer des familles
différenciées de produits et de services.
- Le client-prospecteur :
C'est le client qui veut savoir où acheter et non ce qu'il faut acheter et donc arbitrera
entre plusieurs points de vente. Son comportement est étudié selon ses processus de choix
d'un point de vente, il apparaît ainsi deux formes de clients-prospecteurs :
le client flux : qui effectue son choix en raison de la proximité du point de vente ou de
sa facilité d'accès.
le client trafic, qui effectue son choix pour des raisons autres que la proximité : bouche
à oreille, image de l'enseigne, habitudes familiales, recherche de compétences
spécifiques.
- Le client-acheteur :
C’est le client qui achète et dont il faut connaître les processus d'achat et les
comportements face aux divers espaces de vente et face aux divers produits. Son
comportement est analysé pour détecter, parmi les différents types de produits, ceux qui font
l'objet d'achats spontanés et ceux qui déclenchent un processus de décision plus complet.
L'existence ou non d'une phase préalable à l'achat plus ou moins développée est un précieux
indicateur pour l'organisation de l'activité du point de vente et permet notamment de définir :
le temps consacré à chaque type d'achat, l'information nécessaire, le degré d'autonomie
souhaité par le client, le degré de confidentialité souhaité, etc.
L'explication des motivations et du comportement du consommateur face aux produits
et services bancaires réside, comme pour tout autre produit, dans deux types de facteurs :
quantitatifs et qualitatifs. Les premiers sont mesurables et clairement identifiables, par
exemple, le revenu, l'âge, etc. Les seconds, qualitatifs, sont détectés par l'analyse
psychologique ou sociologique. Ces variables individuelles sont sources de différenciation des
attitudes et donc de segmentation des attentes du marché.
3.1 Les caractéristiques sociodémographiques :
Elles sont souvent utilisées dans les segmentations de clientèle. En effet elles
présentent tout l'avantage d'être mesurables en étant à la fois objectives et quantifiables. L'âge,
le sexe, la situation familiale, la zone d'habitat, le statut professionnel, le revenu, le niveau
d'éducation sont les variables les plus exploitées.
L'âge est une caractéristique importante aux yeux des responsables de marketing dans la mesure où cette variable présente une relation forte et significative avec le comportement d'achat :
- La clientèle des jeunes, que les banques souhaitent attirer puis fidéliser, a fait l'objet d'actions marketing spécifiques à des âges de plus en plus précoces.
- Le segment des 34-49 ans, est celui qui dispose du revenu le plus élevé et du moindre temps. Ce segment est vraisemblablement intéressé par la gestion de portefeuille.
- Les masters (50-59 ans), à fort revenu disponible, gros consommateurs et disposant de temps libres mais en quantité modérée.
- Les libérés (60-74 ans), à revenu disponible maximal (désendettement total) et disposant du plus de temps libre. - Les retirés (75 ans et plus), à pouvoir d'achat et appétit de consommation plus faibles, tant économiquement que psychologiquement, et disposant de beaucoup de temps libre. 3.2 Les influences sociales :
- Les classes sociales :
De nombreuses études ont montré que la demande de services financiers émanant des
différentes classes sociales diffère davantage par l'intensité d'usage selon les différentes
classes qu'au sein des classes elles-mêmes. Cependant, les classes les plus modestes ont
tendance, par exemple, à emprunter davantage pour satisfaire des besoins personnels tandis
que les classes les plus aisées empruntent surtout pour des motifs autres que la consommation
: pour les besoins de leurs activités professionnelles ou pour des achats et travaux
immobiliers.
Les différentes classes ont également des attitudes différentes face au recours au
crédit. Les classes les plus favorisées, en termes de niveau d'éducation et de statut
économique, ont des attitudes plus favorables au crédit et utilisent davantage les cartes de
crédits. En matière d'épargne, les classes sociales les plus favorisées représentent les plus
fortes proportions à épargner.
Tous ces résultats témoignent de l'importance de la classe sociale dans l'explication
des comportements financiers et de son utilisation comme critère de segmentation et donc de
conception d'offres différenciées.
- Les groupes sociaux :
Au-delà de la classe sociale, les groupes sociaux exercent leur influence sur l'individu
par le biais de relations interpersonnelles. Ces influences se manifestent dans la phase
préalable à la décision d'achat, sont particulièrement importantes dans le domaine financier.
Si l'information fournie au consommateur par la banque est en accord avec celle
donnée par le groupe de référence, son attitude à l'égard du service ou de l'enseigne sera plus
favorable. Dans le cas contraire, s'il y a contradiction, le consommateur développe une
attitude défavorable.
Ces conclusions confirment le poids de l'influence des groupes sociaux dans
l'évaluation de l'information donnée par le fournisseur financier. Il devra donc y faire
référence dans ces campagnes et cibler chaque segment de clientèle.
- La famille :
Dans une dimension plus restreinte, la famille exerce une influence déterminante et la
plus directe sur l'individu. Son action est souvent conjuguée avec celle du groupe social qui
peut être convergente ou au contraire rivale. Les recherches ont montré que, pour l'ouverture
du premier compte en banque, l'influence parentale est d'autant plus forte que le contractant
est jeune. Et la probabilité qu'il choisisse la banque des parents est très grande. En revanche
l'influence parentale n'intervient qu'en deuxième position pour le choix de l'agence.
3.3 Les caractères psychologiques :
Cette segmentation s'intéresse aux facteurs d'influence sociaux, historiques et culturels
sur le comportement. La perception de l'argent à travers des relations morales et
psychologiques est fortement différenciée selon la culture d'appartenance de l'individu.
Ceci implique la prise en compte du caractère religieux et ethnique dans l’équation de
l’adéquation de l’offre à la demande. L'exemple de l’interdiction du taux d'intérêt par l’Islam
en est une illustration intéressante de cet aspect.
3.4 Les caractéristiques Psychographique :
La segmentation Psychographique utilise surtout, dans le domaine bancaire, les
différences de style de vie des consommateurs. Cette segmentation a pour but de permettre
aux banques d'offrir des produits personnalisés pour répondre à la diversité des clientèles. Les
recherches sur les « sociostyles » ont regroupé en six familles les styles de vie suivants:
Les matérialistes :
Ils ont un âge moyen, peu diplômés, peu cultivés, appartiennent aux classes moyennes
ou modestes. Ils ont une vie rendue difficile par l'évolution du monde moderne:
chômage...Leurs besoins sont l'aide et l'assistance financière. Ils attendent de leurs banques
une prise en charge affective. Ils n'apportent donc à leurs banques qu'une faible solvabilité et
rentabilité.
Les rigoristes :
Ils sont issus de la bourgeoisie traditionaliste et conservatrice. Ce groupe est constitué
de patrons de PME, de gros agriculteurs, de professions libérales, de cadres supérieurs qui
adoptent une attitude financière centrée sur le patrimoine pour sa constitution et sa protection.
Ce sont de forts consommateurs d'assurance et attendent d'une banque des conseils, une
relation personnelle et une garantie du secret bancaire.
Les cooners:
Ils sont âgés de 25 à 40ans, jeunes couples ou familles, sont de niveau moyen ou
modeste. Ils ont pour objectif l'accès à la propriété. Leur principale attente est liée au besoin
de crédit, immobilier surtout. Leur budget limité les rend vulnérables et difficiles à fidéliser
pour les banques.
Les nouveaux notables :
Ils constituent une cible particulièrement intéressante par leurs avoirs financiers
importants. Ces patrons, cadres supérieurs, très diplômés et qualifiés, sont d’âge jeune ou
moyen et hyperactif. Ce sont des leaders d'opinion. Ils veulent une banque puissante et
moderne et savent être d'abord des clients exigeants puis, lorsque leur confiance est acquise,
très fidèles. Les talents qu'ils recherchent ne se trouvent que dans une banque d'affaire, mais
une grande enseigne peut les attirer à condition de leur offrir un interlocuteur à leur niveau.
Ce segment est très rentable et mérite la conception d'offre de services de qualité, qu'il est prêt
à payer.
Les switchers :
Ils sont âgés de moins de 35 ans, ils sont étudiants, enseignants, cadres, travailleurs
sociaux. Ce sont des intellectuels cultivés, ils représentent une cible intéressante pour les
banques dans la mesure où ils ont des revenus importants. Leur mentalité de « renard » les
rend très exigeants dans leur comportement financier. Ils sont en relation avec de multiples
opérateurs financiers, et sont très peu attachés à la proximité et peu fidèles. Cette clientèle de
joueurs et d'aventuriers reste toujours difficile à capter.
Les performeurs :
Ce sont des jeunes plutôt modestes, vivant dans les grandes villes. Quel que soit leur
niveau socioculturel, leur ambition est de gagner de l'argent, signe de statut social, et de le
dépenser. Ils sont peu attirés par l'épargne et davantage consommateurs de crédit revolving48.
Avec l'âge ils se rapprochent des rigoristes, soucieux de leur patrimoine.
Les cibles de clientèle sont désormais définies de manière toujours plus fine, afin de
guider toutes les adaptations de l'offre nécessaires pour attirer et conserver une clientèle
soumise aux tentations de multi bancarisation. Le marketing ethnique est l’une de dernières
tendances dans ce sens.
C) Marketing ethnique :
5. Une première approche
Avant d’aborder la suite, il convient de définir ce que nous entendons par ethnie et par
suite, de marketing ethnique. En effet, une ethnie est un groupe humain possédant un héritage
socioculturel commun, comme une langue, une religion ou des traditions communes. C’est
ainsi que nous définissions le marketing ethnique comme une forme de segmentation qui
utilise pour critère l’origine ethnique, culturelle ou encore le choix philosophique ou religieux
des clients. Cette segmentation amène donc à proposer des produits, services qui prennent en
compte les besoins spécifiques à une communauté particulière, selon ses caractéristiques et
ses attentes propres.
Le marketing ethnique est né aux Etats-Unis en 1900 par une certaine Madame C. J.
Walker49, esthéticienne de métier et noire. Elle avait constaté que les femmes noires de
l'époque, voulant mieux « s'intégrer » dans la société américaine à dominance blanche, 48 Crédit revolving : Stratégie du crédit tournant pour les crédits à court terme, c'est à dire qu'à chaque fois que le
client arrive à l'échéance de sa dette, la banque doit s'activer pour que le client s'endette à nouveau. 49 Tréguier J.P et al. (2003), Les Nouveaux Marketings, Paris, DUNOD, pp.188-189
avaient recours à toutes sortes de méthodes plus ou moins barbares pour défriser leurs
cheveux. Elle eut l'idée de lancer un peigne chauffant capable de défriser les cheveux crépus
des femmes de couleur en toute sécurité. Bien qu’elle n’ait aucun recours à une étude
marketing quelconque, C.J. Walker a élaboré un marketing-mix adapté à cette cible.
Premièrement, au niveau du prix, il était suffisamment bas pour que ses clientes
puissent se l’offrir mais aussi suffisamment élevé pour donner une impression de la qualité.
Deuxièmement, pour ce qui est de la force de vente, son produit s’est vendu chez les
esthéticiennes mais aussi par le porte-à-porte afin de ratisser la clientèle la plus large
possible. Troisièmement, en ce qui concerne la promotion, C.J. Walker a particulièrement
utilisé les journaux lus par la population noire américaine. Quatrièmement, le produit fut
conçu pour être simple d’utilisation et ne comporte aucun danger. Les quatre « P » du
marketing-mix étaient donc exploités tel qu’il le fallait. Il s’agit de la stratégie
multiculturelle, ou « globale », c’est l’une des trois stratégies du marketing ethnique que
nous allons voir dans le deuxième point de ce chapitre.
6. Stratégies du marketing ethnique :
Avant de présenter des exemples concrets du marketing ethnique, il est important de
s’interroger sur les différentes stratégies de mise en place de ce type de segmentation. Ces
stratégies50 sont au nombre de trois et se déclinent en :
- Stratégie d'intégration
La première consiste à ne pas modifier radicalement sa stratégie marketing et
communication et ne pas chercher à spécifier un produit ou un message pour toucher les
cibles ethniques, mais se contenter d'inclure systématiquement des mannequins ou comédiens
noirs, asiatiques et latinos aux côtés des blancs dans tous les actes de communication. C’est
un peu l'imagerie célèbre des premières campagnes internationales d’United Colors of
Benetton affichant des personnes de races différentes.
Le message sous-tendu est que ce produit ou service s'adresse à tout le monde quelle
que soit la couleur de sa peau. On peut sourire face au simplisme de cet « artifice »,
néanmoins la marque émet un message fort de respect et d'intégration à l'égard des cibles
ethniques : « je vous considère comme un client important pour moi, au même titre que ma
cible traditionnelle blanche ». Cette stratégie a aussi le mérite d'être encore relativement
50 Tréguier J.P et al. (2003), Les Nouveaux Marketings, Paris, DUNOD, pp.198-199
récente (une quinzaine d'années aux États-Unis) et de permettre une meilleure représentation
des minorités.
- Stratégie « micro-marketing »
Cette stratégie a été ainsi baptisée par Procter & Gamble. Elle consiste à modifier de
façon tactique un certain nombre d'éléments du marketing-mix pour une gamme de produits
ou services donnés que l'entreprise décide de présenter de façon plus attractive auprès de telle
cible ethnique : différents types de promotions des ventes, choix spécifiques de réseaux de
distribution, adaptation de publicités dans les différentes langues des minorités que l'on
cherche à atteindre, utilisation de médias ethniques ciblés en complément des médias
généralistes utilisés. Cette stratégie va donc un peu plus loin que la première et tente de
présenter une certaine plus-value pour le client ethnique.
Outre Procter & Gamble, nombreuses sont les marques à avoir recours à cette stratégie
d'approche. C'est notamment le cas de nombreux groupes de cosmétiques tels que Avonou
Marv Kay qui sont tous deux dirigés jusqu'à créer des forces de ventes ethniques pour les
différents segments.
- Stratégie multiculturelle
Dans la mise en œuvre de cette stratégie, le produit – ou service – est étudié pour répondre
spécifiquement aux besoins particuliers des clients ciblés. Cette stratégie implique donc une
réflexion et une étude approfondie. Par conséquent, l’aspect « produit » des 4P du marketing
est fondamental pour la mise en place de cette stratégie.
Une stratégie marketing multiculturelle, qualifiée aussi de globale, sur toutes lignes de
produits ou services confondus, est devenue la solution ultime adoptée par les plus grands
groupes industriels américains. C’est ainsi que chez le géant de la bière Anheuser-Busch toute
la stratégie de ciblage est placée sous la responsabilité d'un Vice-président for Emerging
Markets alors que chez Levi's ou Procter & Gamble ce sont des Vice-présidents for Ethnie
Markets qui élaborent en relation étroite, avec le top management, la stratégie marketing
multiculturelle de l'entreprise.
7. Illustrations :
La pratique du marketing ethnique commence à se répandre dans les entreprises
Belges et Européennes. Les premières tentatives furent des stratégies d’intégration et se
basent essentiellement sur la communication.
Sur le plan Européen, Peugeot, par exemple, a mis en scène de jeunes indiens qui
draguent dans la publicité de la 206. Sony Europe a, quant à lui, parrainé une exposition d’art
arabe lors de la sortie de la PlayStation portable. Western Union, entreprise de transferts
d’argent internationaux, a également, cet automne, utilisé cette stratégie d’intégration. Dans
ses affiches publicitaires à Bruxelles, Western Union souhaitait un bon ramadan, en français,
néerlandais et en Arabe, à ses clients et offre le mouton pour la fête musulman Eid el Kebir
comme tombola pour ses clients lorsqu’ils effectuaient un transfert international vers le
Maroc, l’Algérie ou la Tunisie.
La stratégie de micro-marketing a aussi ses exemples. Prenons l’opérateur
téléphonique mobile Base qu’a lancé un produit destiné à la communauté turque, Ay Yilidz51.
La particularité de ce produit est qu’il permet de téléphoner en Turquie et vers les pays
représentant d’importantes communautés turques, comme l’Allemagne ou la France, a un prix
plus intéressant qu’avec un abonnement ou une carte prépayée classique. Ici, il ne s’agit plus
d’une adaptation de la communication de l’entreprise pour atteindre une communauté, mais il
s’agit bien d’une modification d’une partie du marketing-mix (prix et promotion) d’un produit
existant, de telle sorte que cela soit adapté à l’utilisation faite à la communauté visée. En deux
ans, Ay Yilidz a séduit prés de 45 000 turques de Belgique, soit 35% de la population estimée
d’origine turque vivant en Belgique.
D’autres exemples, enfin, montrent la mise en œuvre d’une stratégie globale. Prenons
l’exemple de Nokia qui a lancé l’IIkon i80052 pour des utilisateurs musulmans. Ce GSM est en
effet capable de rappeler l’heure de la prière et indique la direction de la Mecque.
Aussi, le constructeur a présenté, depuis 2006, pas moins de sept appareils capables d’intégrer
les principaux aspects de la vie religieuse du musulman. « Le lancement d’appareils
supportant les applications islamiques confirme l’enthousiasme de Nokia à fournir aux
consommateurs des solutions impressionnantes et efficaces sur lesquelles ils peuvent compter.
Nos utilisateurs pourront utiliser ces applications quotidiennement durant le mois de Ramadan 51 VAN OVERSTRAETEN M. (22 juin 2004), « Base teste le marketing ethnique », La Libre Belgique 52 Tendances, le 18 août 2005, « Religion : la nouvelle frontière du marketing »
de cette année et au cours des années à venir », a affirmé Talal Eid, directeur de la
communication, Nokia Moyen-Orient et Proche-Orient53.
Heineken s’est aussi orienté vers cette communauté et a commercialisé en Grande-
Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France54, une boisson maltée non alcoolisée
qu’ils ont nommée Fayrouz comme le nom d’une grande chanteuse contemporaine Libanaise.
Dans le même registre, une autre illustration d’une offre marketing de plus en plus «
ethnisée » est le lancement, en France, lors du ramadan de fin 2002 du Mecca-Cola.
L’initiateur de ce produit, Taufik Mathlouthi, a voulu commercialiser une boisson qui se veut
différente des boissons américaines du même type. La différence sur laquelle il met l’accent
se retrouve dans le slogan: « Ne buvez plus idiot, buvez engagé » écrit en arabe et en français.
Il revendique en effet qu’une partie des bénéfices réalisés par la vente des boissons de cette
société soit affectée à l’aide des enfants victimes des conditions de vie actuelles en Palestine.
Ce lancement n'est pas passé inaperçu, les bouteilles de Mecca-Cola se vendent avec succès
dans les cités et deviennent la boisson incontournable de la communauté musulmane. « Cela
se vend comme des petits pains. Les week-ends, les clients, toujours des Maghrébins, achètent
la boisson par lot de six » témoigne un commerçant55. Début mars 2003, une autre marque
concurrente a annoncé son arrivée sur le marché : le Muslim Up.
Grâce au phénomène du marketing ethnique qui grandit de plus en plus, sont apparues
des entreprises de conseil spécialisées dans cette matière. Ainsi, les Etats-Unis ont vu naître
un bon nombre d'agences de publicité dédiées aux communautés ethniques comme à la
communauté hispanique, asiatique ou à la communauté afro-américaine.
En Europe, ce phénomène n'est pas encore présent de manière similaire aux Etats-
Unis. Mais, nous pouvons toutefois citer quelques exemples d’entreprises innovantes dans ce
secteur comme l’entreprise Sopi56, agence marketing française dédiée au marketing ethnique.
Elle se positionne aujourd'hui sur l'ensemble des segments qui peuvent aider une entreprise ou 53 Applications islamiques sur Nokia, (page consulté le 6 juillet 2008), [page web],
http://algerie.actudz.com/article1150.html,
54 BBCNews, (page web consulté en Avril 2008), [page web], htte://news.bbc.co.uk/2/hi/business/30464556.stm 55Tréguier J.P et al. (2003), Les Nouveaux Marketings, Paris, DUNOD, p 187 56 Sopi Communicaton, l'agence de la diversité, (page consultée en juin 2008), [page web], www.sopi.fr
une institution publique à introduire le multiculturalisme dans ses actions et, pour cela, réalise
des recherches quantitatives sur les liens entre des origines ethnico-raciales et les
comportements de consommation.
En Belgique, nous pouvons citer la société Al Maalya57, qui fait la promotion et qui
soutient la finance islamique, dont le PDG est Mr. Mohammed BOULIF, ancien licencié des
FUCaM. Al Maliya réalise également des études quant à l'opportunité de développer un tel
modèle de finance en Belgique. Une autre société belge qui a saisi l'opportunité du marketing
ethnique est Royal CRM58. Cette société offre des solutions en matière de CRM (Customer
Relationship Management), notamment dans le cadre de marketing ethnique.
Le secteur bancaire n’échappe pas à la règle et subit les mêmes pressions de la part des
clients et du marché que les autres secteurs. C’est pourquoi les banques segmentent
également selon différents critères classiques comme l’âge, la profession, les revenus,… mais,
depuis quelques années, certaines (grandes) banques aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne59 et
dans certains pays d’Asie, comme la Malaisie, pratiquent l’ « Ethnic Banking ».
En effet, l’ « Ethnic Banking » consiste ainsi à la mise en place d’un marketing
ethnique dans le secteur bancaire. Autrement dit, les banques peuvent pratiquer le marketing
ethnique sous la forme d’une des trois stratégies décrites plus haut. Dans la pratique, il s’avère
que plusieurs banques dont la majorité sont américaines, choisissent la première stratégie –
basée sur la communication – afin d’attirer les clients issus des minorités ethniques. Les
banques qui optent pour la troisième stratégie – la stratégie dite globale – sont entre autres les
banques islamiques, ou les banques qui développent un pôle de la finance islamique.
En guise de conclusion de ce point, nous pouvons voir qu’un élément essentiel ressort
des exemples qui précèdent : l’approche du marketing ethnique doit apporter une valeur
ajoutée au client ciblé. Une simple compagne de publicité qui expose des visuels avec des
personnes d’origines diverses ne répond pas forcément aux besoins réels des clients. Il s’agira
plus d’une ouverture sur les autres mais vraisemblablement pas de marketing ethnique.
En effet, pour parler de marketing ethnique, le groupe visé doit être touché sur un
élément qui lui rend la vie plus facile ou plus agréable. Présenter le produit ou service
57 Al Maalya, Islamic Finance Services, (page consultée en juin 2008), [page web], www.almaalva.com 58 RoyalCRM, CRM Strategy Performance, (page consultée en juillet 2005), www.royalcrm.com 59 Voir Chapitre I, Banques islamiques dans le monde
différemment à sa cible ethnique apporte déjà un plus, par exemple, en traduisant la publicité
dans la langue des clients visés ou via la publicité dans une presse spécialement lue par ces
clients. L’idéal est, bien entendu la stratégie multiculturelle, expliquée plus haut. Dans ce cas,
le produit est tout étudié pour le client selon ses attentes propres. C’est bien là qu’on se base
sur le besoin véritable des clients et donc qu’on est le plus à même à satisfaire la clientèle.
8. Quelles ethnies pour la Belgique?
La Belgique est multiculturelle. Elle compte, selon l'Institut National des
Statistiques, 860 287 étrangers60, sans compter toute la partie de la population étrangère ayant
acquis la citoyenneté belge. Ils étaient 31 860 à l'obtenir en 200661. Qui plus est, la
Belgique présente un solde migratoire62 positif (+50 772 63 en 2002), chiffre en
augmentation continue depuis plusieurs années.
60 SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en
juillet 2008), http://www.statbel.fgov.be/figures/d21_fr.asp#5 61 SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en
juillet 2008), http://ecodata.mineco.fgov.be/mdf/Mouvement_population.jsp 62 Nombre d'immigrants - nombre d'émigrants 63SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en
juillet 2008), http://www.statbel.fgov.be/figures/d22_fr.asp#2bis
Figure 5 : Evolution du nombre de naturalisations (étrangers devenant belges) depuis 1988
Les six nationalités étrangères les plus représentées64 en Belgique sont, dans l'ordre
d'importance en nombre, les nationalités italienne (183021), française (114943),
néerlandaise (100700), marocaine (81763), espagnole (43802), et turque (41336).
Compte tenu du nombre annuel de naturalisations et en admettant que la seule
naturalisation n'interfère pas sur le comportement du consommateur, ces chiffres sous-
estiment le nombre de personnes issues de ces pays.
Figure 6 : Proportion des six nationalités étrangères les plus représentées en Belgique
Comme signalé plus haut, le marketing ethnique ne se limite pas uniquement à des
critères de nationalité. D'autres critères, notamment la religion, peuvent servir à une
segmentation ethnique.
Le paysage interculturel de Belgique semble être prometteur de succès. En effet, une
segmentation marketing qui se base sur l'origine ethnique des communautés d’appartenance
des clients sera loin d'être absurde. Ces communautés représentent en effet une part non
négligeable de la population belge : près de 9% de la population totale est de nationalité
étrangère65. Et c'est sans compter le nombre important de personnes qui prennent la nationalité
belge mais dont l'origine est étrangère et dont les coutumes et comportements sont fort
64 SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en
juillet 2008), http://ecodata.mineco.fgov.be/mdf/Population_etrangere.jsp
65 SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique, (page consultée en
juillet 2008), http://www.statbel.fgov.be/figures/d21_fr.asp#5
probablement plus proches de ceux des membres de la communauté dont ils sont issus.
Encore une fois, ces chiffres sont loin d'être négligeables.
D. IDENTIFICATION DU Marché POTENTIEL:
4. Définition du marché potentiel visé :
Nous mettons en évidence, dans ce qui suit, les grandes lignes historique de l’arrivée
des Musulmans en Belgique. Ensuite nous allons tenter d’approximer le dénombrement de la
population visée par une offre de produits financiers islamiques et ainsi approcher son marché
potentiel en Belgique.
Par marché potentiel d’un produit ou service, nous définissons l'ensemble des
personnes qui sont susceptible de réaliser un acte d'achat concernant ce produit ou service. Le
marché potentiel est en général associé à une zone géographique. Le nombre d'habitant de la
zone doit donc être pris en compte pour réaliser les calculs d'affinité du produit.
Dans le cadre de ce travail nous étudions le marché potentiel de la finance halal en
Belgique. Il est à noter, que les produits financiers islamiques ne s’adressent pas
exclusivement aux musulmans. En effet, le caractère éthique de la finance halal attire aussi
des non-musulmans : « Je déteste penser que des fonds puissent financer des armes dans
certains pays Africains, même indirectement, de mon compte » affirme Madame Emma
Dellaway, cliente dans une banque islamique à Londres66. Ainsi, nous pouvons donc supposer
que le marché que les banques en Belgique peuvent pénétrer, en s’adressant à la communauté
musulmane, peut dépasser la taille même de cette communauté.
66 KNIGHT J, Non-Muslims snap up Islamic accounts, BBB News, 17 Décembre 2006, (page consulté en
septembre 2007) ,[page web], http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/6168800.stm , Traduction de: “I hate to think
of arms going to some African country funded, however indirectly, from my account”
Ceci-dit, nous limitons notre étude aux musulmans résidents en Belgique. La raison
de ce choix est fondée sur le caractère religieux de ce type de finance qui, et cela coule de
source, intéressera des clients musulmans en premier lieu. Et ce n’est qu’après sa réussite
auprès de son marché cible, que la finance islamique peut attirer des clients non musulmans.
Il est donc intéressant de connaître, brièvement, l’histoire de l’arrivée des musulmans en
Belgique afin de mieux approcher cette population.
5. L’Arrivée des Musulmans en Belgique
La présence des musulmans en Belgique n’est pas récente. Déjà en 1828, dans un
rapport statistique, Ismaël Hakki Bey Tevfik,67 consul de Turquie à Anvers, signalait que sur
une population belge de 7.874.601 habitants, 5.751 étaient musulmans, dont près de la moitié,
originaires d’Algérie. L’autre moitié comptait des musulmans non arabes comme des Malais,
des Tatars et des Kurdes.
Contrairement aux idées exprimées dans certaines recherches, «la visibilité» de l’Islam
en Belgique remonte aux années ‘20. Dans un rapport de la Fédération des syndicats du bassin
de Charleroi publié au mois de mai 1928, l’auteur du rapport notait que les musulmans «ont
tout conservé de leur pays d’origine». En vrais musulmans, ils pratiquent la religion
musulmane. Le journal Le Peuple du 21 mars 1923 évoquait les obsèques publiques des
victimes de l’accident minier survenu à Courcelles-Nord le 7 mars 1923 selon le rite
musulman. Dés lors, la présence des musulmans en Belgique fût alors de plus en plus
ressentie dans la vie quotidienne.
En effet, le "temporel du culte musulman" a été reconnu en Belgique par la loi du 19
juillet 1974, qui s'insérait dans le cadre plus global de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel
des cultes. L’Islam est donc reconnu, de manière officielle, au même titre que les autres
temporels du culte comme le catholicisme, le protestantisme, l'anglicanisme, le judaïsme, et
plus récemment le christianisme orthodoxe. La "laïcité organisée" est également reconnue au
même titre.
67 (Page web consultée l e 20 juillet 2008), [Page web], http://www.euromuslim.net/index.php/islam-in-
europe/country-profile/profile-of-belgium/
L'Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB), quant à lui, est l'interlocuteur
officiellement reconnu par le gouvernement belge comme représentant du temporel du culte
de mosquées. Il a été créé par un arrêté royal du 3 juillet 199668 :"Il émet des avis concernant
les problèmes liés à la représentation de la communauté islamique. Il s'agit surtout de
l'enseignement de la religion islamique et de la représentation dans les prisons et le
hôpitaux.". La présence des musulmans en Belgique n’est pas donc récente. Cela nous laisse à
penser que le nombre de musulmans sera, forcément, significatif.
6. Le marché potentiel en chiffres :
Afin de pouvoir estimer la taille du marché pour les services financiers islamiques, il
est primordial d’avoir une estimation chiffrée du nombre d’individus ou de ménages
musulmans vivant en Belgique.
Il n’existe, malheureusement, aucune statistique officielle qui renseigne exactement et
directement sur le nombre d’individus ou de ménages musulmans établis en Belgique, toutes
nationalités confondues. Le critère de confession n’est, en effet, jamais utilisé dans les
enquêtes officielles.
C’est pourquoi, plusieurs études tentant d’approximer le marché potentiel des produits
financiers islamiques, ont été menées à travers le monde et plus particulièrement aux Etats-
Unis, en Angleterre et en Belgique. C’est ce dernier cas qui nous intéresse le plus.
En effet, en 2003, le C.E.R.E.I, Cercle d’Etudes et de Recherche en Economie
Islamique, basé à Bruxelles, a lancé une étude de marché dans l’objectif principale est la
quantification de la demande en financement islamique de l’achat de logement. Cette étude
est première de son genre. L’enquête s’est réalisée par la diffusion, de questionnaires dans les
mosquées et via Internet. Sur base de 6 hypothèses très conservatrices69, les résultats étaient
surprenants. On remarque aussi une forte participation à ces questionnaires (697 enquêtés
répondants) qui explique une grande motivation de la population musulmane de Belgique par
rapport au sujet de la finance islamique.
68 Communiqué de presse du Conseil des ministres du 12 juin 1998 69 Annexe 1 : Enquête du Centre des études et Recherches en économie Islamique à Bruxelles, Résultats et
enseignements, 2003
En raison de son lien direct avec notre mémoire, nous présentons les principaux
résultats et conclusion de cette étude :
Tableau 5 : Taille de marché de la population cible
Il ressort de ce tableau que le nombre des musulmans de Belgique est estimé à près de
440 000 et le nombre de ménages à près de 140 000. La population musulmane représenterait
donc sur base de ces chiffres 4.23% de la population belge en termes d’individus et 3.26% de
la population belge en termes de ménages. Ces chiffres, ne l’oublions pas, sont sous-estimés.
En effet, en plus des hypothèses conservatives70, on ne prend pas en compte le nombre de
70 Annexe 7 : Hypothèses de calcul
Nombre d'individus Nombre de ménages
Musulmans étrangers 147 835 46,861
Musulmans belges 288472 92809
Musulmans d'origine étrangère 273472 86585
convertis à l’Islam 15 000 6224
Total 436307 139670
Population belge 10309725 4277894
% population musulmane 4,23% 3,26%
convertis à l’Islam mais qui non pas désirés s’inscrire dans la mosquée lors de leurs
conversions. Cela dit, ces chiffres nous donnent un ordre de grandeur, tirée à la baisse, de la
taille du marché potentiel. Cela dit, est ce que le fait d’être un client musulman influencerait-il
le comportement de consommation au sein de la banque ?
En effet, et selon l’enquête du le C.E.R.E.I, 84% des enquêtés affirment que leur
croyance à la religion musulmane influence explicitement leur comportement de manière
générale, et en matière pratique de l’intérêt (Riba) en particulier.
Figure 6 : Impact de la croyance religieuse sur le comportement financier
Il ressort aussi de cette étude, que le taux de propriété de la communauté musulmane
de Belgique est de 35%, c’est quasiment la moitié du taux moyen national71. Et c’est
spécialement le taux d’intérêt qui est la cause principale de la non propriétés des enquêtés :
Figure 7 : Raisons de l’inaccessibilité à la propriété
71 Annexe 1 : Enquête du Centre des études et Recherches en économie Islamique à Bruxelles, Résultats et
enseignements, 2003
Aussi, 53% des enquêtés ne placent pas leur épargne à cause de l’inexistence des
produits financiers « licites » qui conviennent à leurs convictions religieuses.
Figure 8 : Epargne des Musulmans et contrainte de son placement72
Comme il a été spécifié plus haut, on estime que 440 000 musulmans vivent en
Belgique, et qu'ils représentent 140 000 ménages, ce qui constitue le marché potentiel pour
la finance islamique en Belgique.
Le faible taux de propriétaire semble ainsi présager un potentiel de marché
important sur le financement d'immeubles. D'autre part, il ressort de discussions
informelles avec des personnes de la communauté musulmane qu'un nombre non 72 Annexe 1 : Enquête du Centre des études et Recherches en économie Islamique à Bruxelles, Résultats et
enseignements, 2003
négligeable d'entre eux, n’ayant pas une autre alternative, s’oblige à retirer manuellement
les intérêts de leurs compte-à vue et/ou livret afin d'en faire don.
CHAPITRE III : METHODOLOGIE D’ENQUETE ET ANALYSE STATISTIQUE
A. Échantillonnage et Univers pertinent :
Comme nous a appris l’étude exploratoire, il y a en Belgique 104 banques, parmi
lesquelles, les dominantes73 sont: Fortis, Dexia, ING, KBC. C’est sur ces quatre banques
donc, que nous avons focalisé notre étude descriptive de leurs approches de la segmentation et
de la manière dont elles se différencient.
Dans le même ordre d’idée, nous avons alors élaboré un échantillon qui se constitue
de huit agences de chaque banque mentionnée ci-dessus. Ce qui fait un total de 32 agences.
73 Chapitre II, La recherche exploratoire: Segmentation sur les sites de banques en Belgique
Le choix de ces agences doit être fait de manière équilibré, afin de neutraliser l’effet
géographique dans notre analyse statistique. En effet, nous devons prendre des agences, de
taille plus ou moins similaire et faire en sorte que ces agences soient bien réparties dans les
différentes communes de Bruxelles. Autrement dit, si nous prenons une agence à la commune
d’Ixelles pour la banque Fortis, nous devons faire de même pour les trois autres banques.
Aussi, nous avons veillé à choisir les communes de telle façon que ça soit le plus fidèle
possible à l’ensemble des communes de Bruxelles. En raison d’une agence par banque (donc
quatre agences par commune), nous avons donc opté pour les huit communes suivantes 74:
Schaerbeek
Anderlecht
Evere
Ville de Bruxelles
Etterbeek
Ixelles
Auderghem
Uccle
B. Méthode d’entretien centré semi directif :
L’objectif de ce mémoire est d’abord d’explorer la question qui nous préoccupe, à
savoir, l’état de l’offre des acteurs banquiers au niveau du segment des clients Musulmans en
Belgique. Autrement dit, il s’agit d’explorer et de comprendre les freins qui entravent le
développement d’une offre ethnico-religieuse dans le secteur bancaire destinée à la
communauté Musulmane en Belgique.
Pour atteindre ce but, la méthode d’entretien la plus adaptée est celle d’entretien centré
semi directif. En effet, l’enquêteur propose un thème à une personne (dans notre cas, c’est la
personne qui travaille à l’agence et qui répond) et n’intervient que pour relancer la
74 Annexes 8 : Agences par communes de Bruxelles
conversation et encourager l’interlocuteur à développer sa pensée. Il formule une consigne de
départ et doit adopter une attitude de compréhension, d’écoute attentive d’empathie, de
neutralité bienveillante, de non critique. Il s’interdit d’interrompre l’enquêté, de lui poser des
questions, d’être directif, de lui imposer son cadre de référence, de porter un jugement.
Nous avons choisi d’effectuer les entretiens semi directifs par voix téléphonique, car
cette procédure présente plusieurs avantages. En effet, Le téléphone permet une qualité
d’interrogation exceptionnelle. L’anonymat, le centrage sur l’écoute, les qualités projectives
du dialogue téléphonique ont des vertus encore sous-utilisées.
Les interviewés se confient volontiers dès lors qu’ils bénéficient d’une écoute attentive. Par
ailleurs, le fait que nos interlocuteurs soient dans leur propre environnement, comme le lieu
de travail (dans notre cas, les agences) peut être un facteur utile pour centrer les interviewés
sur leur ressenti et aboutir à davantage de fiabilité dans la façon de relater leurs pratiques.
Il y a aussi, l’avantage économique et logistique, qui est indéniable. Avec le
téléphone, on peut joindre un échantillon national voire international sans avoir besoin de se
déplacer. En plus, le téléphone donne également une grande souplesse dans la gestion du
temps, aussi bien pour l’interviewer que pour l’interviewé.
Lors de ces conversations, nous avons veillé à suivre une liste organisée de questions
par thème à aborder. Nous avons constaté que ces conversations ont été bien riches en
information sur le secteur bancaire en général et en particulier sur la possibilité de voir,
demain, émerger une gamme de produits financiers pour le segment des clients Musulmans en
Belgique.
Afin de bien mener notre entretien semi directif, nous avons élaboré un guide
d’entretien, en passant pour un plausible client curieux des services que la banque peut lui
offrir et désireux de mieux s’informer afin de choisir sa futur banque. Ce guide est composé
d’une consigne de départ et de plusieurs thèmes non ordonnés, de stimulus qui peuvent
prendre la forme de questions ouvertes.
Il s’agit bien ici de l’application de la technique du Mystery shopping aux trente-deux
agences des quatre banques préalablement choisies. Nous présentons, dans ce qui suit, le
développement de ce guide que nous avons scindé en trois parties: la première partie précise
l’objectif du scénario du Mystery shopping. La deuxième partie, quant à elle, relate les
différentes étapes de son élaboration. Finalement, en troisième lieu, nous aborderons la partie
consacrée à l’explication des échelles retenues. Ces échelles seront essentielles pour l’analyse
statistique75 des données issues de ce scénario.
Date et heure de l’appel : Type d’établissement Banque concernée : Siège Agence Interlocuteur :
1. Objectif du scénario:
Établir une échelle des connaissances des interlocuteurs interviewés, concernant la
finance Islamique, ainsi qu’une échelle d’empathie (responsiveness), et évaluer les principaux
obstacles, qui entravent la création d'une offre adéquate à la population Musulmane.
Le scénario « mystery shopping » doit respecter les différentes étapes que nous
détaillions dans ce qui suit. En effet, nous nous présentons comme des futurs clients, désireux 75 L’analyse statistique sera abordée plus loin dans ce chapitre
d’ouvrir un nouveau compte, et surtout de savoir s’il est possible de contracter un crédit pour
l’achat d’une maison. Ceci, tout en respectant mes croyances religieuses. Je me présente donc
comme un futur diplômé, qui envisage d’entamer sa vie professionnelle à Bruxelles-Capitale.
La ville de Bruxelles76 ainsi que les agences sont choisies en raison de la répartition
géographique de la population Musulmane à Bruxelles, et par cohérence par rapport au reste
du scénario. En effet, je dois spécifier une zone d’activité lors de ma conversation
téléphonique et j’ai choisis Bruxelles-Capitale, un choix qui me paraît judicieux vu l’attrait
économique de cette ville pour un futur diplômé.
Le scénario « mystery shopping » doit être appliqué de manière à anticiper les
différentes réactions possibles, pour mieux communiquer avec l’interlocuteur, et de lui laisser
la totale liberté de s’exprimer. Pour améliorer la qualité du scénario, ce dernier fut testé avec
différentes personnes qui jouaient le rôle de la personne interviewée.
Ainsi, après avoir pré- tester ce scénario auprès du personnel d’agences bancaires à Bruxelles,
nous avons apporté des modifications et changé l’ordre des étapes de questionnement dans
notre mystery shopping initial, pour qu’il soit le plus crédible possible77.
La vérification concrète de ce que nous avons constaté, va être effectuée sur les
banques retenues précédemment78, à savoir : Fortis, Dexia, ING et KBC conformément au
choix que nous avons effectué et justifié lors de l’étude exploratoire.
Pour être représentatifs de chacune de ces banques, nous allons nous entretenir, par
téléphone, avec le personnel de huit de leurs agences. L’appel téléphonique va durer, en
moyenne, entre 15 et 20 minutes pour que l’interlocuteur soit le plus attentif et coopératif
possible.
76 Voir Chapitre II, point D : Identification du marché potentiel 77 Annexe 9 : Mystery shopping version initial 78 Voir Chapitre III, A. La recherche exploratoire.
2. Etapes du scénario 1. Se présenter :
Bonjour Madame/Monsieur, je m’appelle Rabie et j’ai 26 ans, je suis Belge d’origine
marocaine. Je vais bientôt terminer ma dernière année d’études d’ingénieur commercial, ici
à Mons, et je compte travailler à Bruxelles.
2. Poser le sujet qui va intéresser mon interlocuteur :
Ma fiancée et moi hésitons à choisir une banque, c’est vrai que sur Bruxelles, nous
avons beaucoup de possibilités. Permettez-moi de vous demander, pourquoi selon vous je
devrais préférer la banque qui vous emploie à une autre (Fortis, ING, Dexia, KBC)?
Dites-moi, svp, très franchement.
3. Inviter l’interlocuteur à réagir :
Pourriez-vous me donner quelques conseils, Madame/Monsieur?
4. Question d’introduction ouverte :
Merci. En fait, ma fiancée et moi, nous voulons ouvrir un compte courant et un compte
d’épargne. Et comme nous allons nous marier bientôt, nous aurons besoin d’un crédit de
logement. Donc, avant de faire le saut dans le monde bancaire, j’essaie de m’informer sur les
services qu’on peut nous offrir et c’est pour ça que je vous appelle.
5. Dire pourquoi j’ai choisi d’appeler l’agence ou le siège en question:
Je connais un peu votre agence. En fait, c’est prés de là ou j’ai passé mon entretien
d’embauche qui s’est d’ailleurs très bien passé. Je préfèrerai donc, faire mes opérations
financières à Bruxelles, ville que j’aime bien et où je vais travailler.
(D’autres raisons du choix en fonction de l’agence/ siège: proximité du métro à mon futur
lieu de travail, proximité à un lieu culturel connu ou autres…).
6. Si la personne me demande si j’ai un compte dans une banque ou en fait allusion :
Mes parents ont un compte ouvert à La Poste, et comme je dépendais financièrement
d'eux, je ne devais pas me soucier du choix de la banque. D’ailleurs, je n’ai jamais mis les
pieds dans une agence bancaire. Maintenant, les choses ont un peu changé, je veux gérer
mes affaires en toute indépendance financière et faire le bon choix.
7. Stimuler l’interlocuteur à me parler de produits éthiques ou du souci que sa banque
manifeste pour le développement durable :
Dans les Comptes tenus des perspectives d'avenir peu réjouissantes qui s’ouvrent aux
jeunes actuellement, je me préoccupe, je ne vous le cache pas, de l'usage que va faire ma
banque de mon argent. J’aimerais donc savoir, quelle garantie votre banque donne à ce
niveau là ?
8. Relancer la discussion pour que l’interlocuteur me parle de produits éthiques et l’inviter
subtilement à me proposer des produits financiers Islamiques:
Je tiens à dire, et c’est peut être dû à mon éducation religieuse (mot placé exprès pour
que mon interlocuteur devine le type de produits recherchés), que j’essaie de respecter des
valeurs éthiques dans ce que j’entreprends dans ma vie.
C’est pourquoi je ne fais pas n’importe quoi de mon argent et me soucie des fins auxquelles
une banque pourrait l’utiliser. Pouvez-vous me rassurer ?
En fait, j’aimerais bien savoir, où on va investir les revenus que je dépose à la banque.
Voyez-vous ce que je veux dire ?
Si l’interlocuteur réagit et me parle de produits éthiques ou d’investissement durable, je le
laisse s’exprimer. Sinon je peux ajouter :
Par exemple, y a-t-il des domaines, secteurs, pays dans lesquels la banque
s’interdit d’investi ? Vous référez-vous à des critères bien établis pour investir ou pas
dans une entreprise ou un projet donné ? Proposez-vous des produits éthiques ou de
développement durable ?
9. Question qui incite l’interlocuteur de parler de produits financiers Halal:
En fait, je m’intéresse à des produits qui sont en adéquation avec mes valeurs
religieuses. Je ne sais pas comment on les appelle dans le langage bancaire...
Excusez-moi, je ne connais pas grand chose au monde bancaire – je me suis
spécialisé en marketing… Existe-t-il des produits qui respectent une éthique ou une ethnie
particulière? Des produits éthico-religieux ou ethnico-religieux?
10. Question pour savoir si l’interlocuteur connait l’existence d’offre de produits financiers
Halal dans sa banque :
En fait, il y’a une toute petite complication. Comme je vous l’ai dit, je suis d’origine
Marocaine et Musulmane. Je me demande, dans quelle mesure, dans votre banque, vous
pouvez m’offrir des produits en adéquation avec mes croyances religieuses ?
Si mon interlocuteur ne connait pas la finance Islamique, j’ajoute :
Ce sont en fait, des produits financiers qui se conforment aux préceptes islamiques et
c’est vrai que ce n’est pas très connu du grand public. Moi-même, ça ne fait que 4 ou 5
ans que j'en ai entendu parler pour la première fois, et j'ai bien des difficultés, à l'heure
actuelle, de comprendre ce que les banques ont à offrir en Belgique dans ce domaine.
Est ce qu’au sein de votre banque, on aurait déjà réfléchi à la question ? A-t-elle des
services ou produits à proposer dans ce domaine ?
S’il sait de quoi je parle, je laisse mon interlocuteur s’exprimer librement. Même s’il ne
connait pas très bien ou croit connaître, je l’écoute attentivement afin de cerner sa
perception de la finance Halal. Par contre, s’il avoue sa totale ignorance et s’abstient de
s’exprimer, je lui donne une définition, très simple à comprendre:
En fait, l'Islam condamne la prise d'intérêt. Il nous impose de veiller à ce que les
investissements qui sont faits par les organismes où nous plaçons notre argent soient
respectueux d'une responsabilité sociale. Par exemple, la banque doit verser une partie de son
bénéfice au profit d'organismes de bienfaisance (je peux détailler en disant que ce mécanisme
s'appelle la Zakat ou impôt religieux si j’estime que c’est nécessaire).
11. Question sur l’existence d’offre par rapport à la concurrence :
Si la personne dit qu’il y’ a des produits financiers islamiques que sa banque propose, je
réplique en disant :
Ah, je suis heureux d’apprendre que vous avez une proposition correspondant à mes
attentes. Car, jusqu'à présent, je ne connais pas d'autres banques qui ont réfléchi à cette
question. Peut être, avez-vous plus d'informations sur ce sujet? Connaissez-vous
d’autres banques qui proposent ce type de produits ?
S’il répond par l’affirmative, je demande : quelles sont les banques qui offrent des
produits financiers Islamiques que vous connaissez ?
S’il ne connait pas ce que fait la concurrence pour les produits que je cherche, je peux
dire :
Je me souviens d'avoir lu un article sur le lancement d'un produit financier Islamique
en Belgique, fin de l’année 2007. Avez-vous entendu parler de cette initiative?
J’aurai dû garder l'article. Ah, ça me revient, c'était Fortis, ça ne vous dit rien? Je ne
me rappelle pas exactement du nom du produit, mais il y avait « index » et « islamique »
dedans. Ça vous dit quelque chose?
Je marque ici une pause, d’autant plus que la dernière information peut relancer la
conversation et motiver l’interlocuteur à poursuivre la conversation.
Si la personne dit, que la banque n’a pas de produits financiers Islamiques à offrir. Je peux
répondre en disant :
En fait, cela ne m'étonne pas beaucoup, ne soyez pas donc embarrassé car en Belgique
le problème n’est, apparemment, pas très connu. Je suis un peu déçu car un ami, un
condisciple à moi, a fait son stage, voici deux ans, à Londres dans une banque qui s’est
spécialisée dans les produits financiers Islamiques (Islamic Bank of British IBB). Mes cousins
qui résident en France et que je visite de temps en temps, m’ont dit que les banques en France
(comme la Banque française commerciale Océan Indien) commencent à commercialiser des
produits destinés à la communauté Musulmane. Dommage qu’en Belgique, cela ne semble
pas être le cas.
12. Interrogation sur le pourquoi, suite à la question précédente:
Comment expliquez-vous cela ? Quelles pourraient-être les raisons de ce retard si
j’ose dire ? (pour inciter l’interlocuteur à répondre)
Si l’interlocuteur ne donne pas d’avis là-dessus, je peux, en dernier recours, proposer les
alternatives suivantes:
- Pas de demande exprimée par la population Musulmane.
- Pas de marché potentiel
- Relation flou entre finance et religion
- Rigidité législative
- Problèmes fiscaux
- Autres (comme la peur du communautarisme, sujet tabou, etc.)
3. Explication des échelles retenues :
13. Analyse de la question 12 :
À partir de la question précédente, et selon l’avis des interlocuteurs. Nous pouvons
mettre en évidence, les raisons principales qui entravent la création d’offres de produits
financiers Islamiques en Belgique.
Raisons
a)
b)
c)
…
14. Note globale portant sur les connaissances de l’interlocuteur:
Nous attribuons une note de 7 comme note maximale que l’interlocuteur peut avoir et
0 comme note minimale selon ses connaissances de la finance islamique, de ce que sa banque
puisse offrir dans ce domaine et de l’état de la concurrence pour ce type de produits. Le
tableau suivant, montre l’explication de l’échelle retenue :
Interlocuteur connait
ce que sa banque
offre dans ce
domaine (produits
financiers
Islamiques)
Interlocuteur sait ce
qu’est la finance
Islamique
Interlocuteur connait
ce que fait la
concurrence pour ce
type de produits
(financiers
Islamiques)
Equivalence dans
l’échelle retenue
Oui Oui Oui 7
Oui Oui Non 6
Oui Non Oui 5
Non Oui Oui 4
Oui Non Non 3
Non Non Oui 2
Non Oui Non 1
Non Non Non 0
Dans le tableau ci-dessus, la première colonne revêt une importance particulière. En
effet, et cela coule de source, l’interlocuteur est censé savoir, en premier lieu, si sa banque
offre des produits financiers islamiques ou pas. En deuxième lieu ses connaissances au niveau
de la finance Halal, et finalement l’état de la concurrence pour ce type de produits. Voici
donc, de manière plus détaillée, l’échelle que nous avons choisie:
7. Interlocuteur sait ce qu’est la finance Islamique, connait ce que sa banque peut offrir dans
ce domaine, et sait ce que fait la concurrence pour ce type de produits.
6. Interlocuteur sait ce qu’est la finance Islamique, connait ce que sa banque peut offrir
dans ce domaine, mais ne sait pas ce que fait la concurrence pour ce type de produits.
5. Interlocuteur sait si sa banque offre des produits financiers Islamiques ou pas, il connait
aussi ce que fait la concurrence pour ce type de produits. Par contre, il ne sait pas ce
qu’est la finance Islamique.
4. Interlocuteur sait ce qu’est la finance Islamique, connait ce que fait la concurrence pour
ce type de produits. Par contre, il ne sait pas si sa banque offre des produits financiers
Islamiques ou pas.
3. Interlocuteur sait si sa banque offre des produits financiers Islamiques ou pas.
Par contre, il ne connait ni ce qu’est la finance Islamique, ni ce que fait la concurrence
pour ce type de produits.
2. Interlocuteur ne sait pas si sa banque offre des produits financiers Islamiques ou pas, ni
ce que fait la concurrence pour ce type de produits. Par contre, il sait ce qu’est la finance
Islamique.
1. Interlocuteur ne sait ni ce qu’est la finance Islamique, ni ce qu’offre sa banque là-dessus.
Par contre, il connait ce que fait la concurrence pour ce type de produits.
0. Interlocuteur ne sait ni ce qu’est la finance Islamique, ni ce qu’offre sa banque dans ce
domaine. Il ne connait pas, non plus, ce que fait la concurrence pour ce type de produits.
15. Note globale des réponses de l’interlocuteur par banque, au niveau de son empathie
(responsiveness):
Ici, nous nous interrogeons sur le moment (à partir de quelle question), le sujet
interviewé nous parle de ce qui nous intéresse réellement, à savoir, les produits de la finance
Islamique. Nous établissons donc, une échelle différentielle qui attribue une note allant de 0 à
7. Le score le plus élevé étant 7, et comme minimal 0, de la manière suivante :
7. L’interlocuteur anticipe les questions et devine le type de produits financiers que je
cherche.
(Étape 4)
6. J’ai dû relancer la conversation, en faisant allusion aux valeurs éthiques, pour que
l’interlocuteur me parle de produits financiers Islamiques.
(Question 7)
5. J’ai dû évoquer les produits éthiques pour que mon interlocuteur devine le type de produits
financiers que je cherche.
(Question 8)
4. Après avoir parlé de produits éthiques, j’ai incité l’interlocuteur, en l’interrogeant sur
l’existence de produits ethnico-religieux, pour qu’il me parle de produits financiers
Islamiques.
(Question 9)
3. Après avoir parlé de produits éthiques, j’ai dû en outre, insister sur les valeurs religieuses
qui me guident, rappeler que j’étais Musulman pour que l’interlocuteur comprenne où je veux
en venir. (Question 10, paragraphe 1)
2. Après avoir parlé de produits éthiques, il a fallu afficher mon identité religieuse et
demander clairement, à mon interlocuteur, s’il sait ce qu’est la finance Islamique, pour qu’il
devine le type de produits financiers que je cherche.
(Question 10, paragraphe 2)
1. Après avoir parlé de produits éthiques, j’ai dû dire que je suis Musulman, parlé de la finance
Islamique et de ce que fait la concurrence en Belgique, pour que l’interlocuteur parle de ce
type de produits.
(Question 11)
0. Après avoir parlé de produits éthiques, j’ai dû dire que je suis Musulman, parler de la finance
Islamique et de ce que fait la concurrence en Belgique et en dehors de la Belgique
(l’Angleterre et la France) pour que l’interlocuteur parle de ce type de produits.
(Question 12, premier paragraphe)
C. Analyse Statistique Des Résultats
1. Principales raisons recensées :
Les conversations téléphoniques ont été très riches en information, et notamment
l’analyse de la question1379. En effet, et selon nos interlocuteurs, nous pouvons classer les
raisons majeures de l’inexistence actuelle d’offre de produits financiers Islamiques .Bien
que ces raisons ne puissent refléter, de manière exacte, l’opinion de tous les acteurs
banquiers en Belgique, cependant, nous pouvons en tirer une information frappante :
Raisons Fréquence
- Contexte actuel délicat : il est « tabou » d’offrir des produits financiers
selon l’affiliation religieuse des clients. Cela peut aussi être perçu comme
une sorte de discrimination.
- Manque de communication entre le siège et les différentes agences pour
refléter les nouveaux besoins des clients (ici Musulmans).
- ce type de finance (ici Islamique) est plus facile pour de petites banques
qui peuvent se spécialiser dans ce segment de clients.
- Segmenter sur un critère « religieux » peut être vu comme une sorte de
discrimination et violation de la vie privée du client.
68,75%
(22/32)
12,5%
(4/32)
12,5%
(4/32)
3,125%
(1/32)
79 Point B du présent chapitre
- Pas de demande exprimée par la population Musulmane.
3,125%
(1/32)
Tableau 4 : Principales raisons entravant le lancement de produits financiers islamiques selon les enquêtés
En effet, il ressort de ce tableau récapitulatif que, plus que la moitié des personnes que
nous avons interrogées (68,75%), considèrent que la situation actuelle est défavorable pour
lancer des produits financiers en relation avec la « religion » et surtout l’Islam dans le
contexte médiatique de nos jours. En somme, c’est un sujet tabou et la banque, qui veut lancer
des produits destinés à la communauté musulmane, doit faire face à la problématique
suivante : comment faire des produits de finance islamique tout en n'ayant pas un retour
négatif de leur clientèle déjà acquise, pas constituée que de musulmans bien entendu, et qui
pourrait y voir une marque de communautarisme ?
2. Analyse des distributions cumulées :
Suite à la question 14 du guide d’interview « Mystery shopping », nous pouvons
dessiner les courbes des fréquences relatives des valeurs de la variable « Connaissance » des
quatre banques comme le montre ce graphique :
En effet, il s’agit des courbes reprenant, en abscisse, les différentes bornes
catégoriques (de 0 à 7) de la variable ordinale « Connaissances ». La fréquence relative
cumulée, quant à elle, est obtenue après tri croissant des données relatives à cette variable lors
des entretiens avec les enquêtés des agences bancaires80.
Le graphique nous donne donc le classement des banques concernées au niveau de la
variable « Connaissances ». Les courbes qui sont le plus à droite seront les meilleures.
En effet, la comparaison des fonctions de répartition81 (F) des valeurs prises par une
même variable (v), dans diverses conditions (situations ou circonstances : A versus B, par
exemple), permet de contraster ces différents cas. La distribution conditionnelle cumulée se
localisant la plus à droite (R=A) domine naturellement () celles se trouvant à sa gauche
(L=B). En effet, elle indique qu’aux valeurs plus grandes (h), sont associées des fréquences
plus élevées:
F (h|R) < F (h|L) P (v<h |R) < P (v<h |L) [1-P (v>h |R)] < [1- P (v>h |L)]
[1-P (v>h |R)] < [1- P (v>h |L)] -P (v>h|R)] < - P (v>h |L) P (v>h|R)] > P (v>h |L)
P (v>h|R)] > P (v>h |L) (v|R)(v|L).
Bien évidemment si nous souhaitons que la dominance se marque en sens inverse,
c’est-à-dire que la courbe supérieure (à gauche, S=G) domine l’inférieure (à droite, I=D),
alors il convient de cumuler par ordre décroissant des valeurs de v, plutôt que de façon
ascendante, de sorte que:
[F(b|S) = P(v>b|S)] > [F (b|I) = P (v>b|I)] (v|S)(v|I).
Ainsi plutôt que d’évaluer la compétence, rien ne nous empêche de jauger l’ignorance.
En l’occurrence, notre objectif est d’étudier dans quelle mesure les personnels des
agences des quatre institutions bancaires, que nous avons visitées dans les communes de la
région bruxelloise sélectionnées, se distinguent par leurs compétences ou leur empathie.
80 Annexe 10 : Données brutes et calculs 81 BULTEZ A, GUERRA F, Contrastes : plaidoyer pour un bon vieux test de différences entre propositions+,
vol.20, n° 2/2005, Recherche et Application en Marketing
Les distributions cumulées des scores, regroupées en figure 10, montrent que les
agents de Fortis ont fait preuve d’une meilleure connaissance. Pour rappel, cela veut dire que
Fortis connait mieux ce qu’elle offre dans ce domaine (produits financiers Islamiques), de ce
qu’est la finance Islamique et de ce que fait la concurrence pour ce type de produits. La
banque KBC vient en deuxième lieu. Ensuite ING et, finalement, Dexia occupe la quatrième
place.
Nous effectuons le même exercice en se basant sur les valeurs issues de la question 15
concernant la variable ordinale Empathie (ou responsiveness) dont le graphique se présente
comme suit :
Si sur le front de l’empathie, la figure 11 montre très clairement que Dexia et Fortis
surclassent leurs deux concurrentes, elle ne permet cependant pas de départager nettement
l’une de l’autre, ni ces deux premières, ni les deux autres. Comme les distributions cumulées
des scores atteints par les agents de Dexia et Fortis, d’une part et ceux d’ING et KBC, d’autre
part, s’intersectent, les inégalités développées ci-dessus se vérifient tantôt en faveur de l’une,
tantôt à son détriment. Arbitrer complètement la « dominance » de l’une (Dexia ou ING) sur
l’autre (respectivement, Fortis ou KBC) sur base graphique s’avère donc risqué.
En définitif, nous pouvons dire que parmi les banques concernés, Fortis se distinguent
au niveau des deux variables « Connaissances » et « Empathie » (ou responsiveness). Nous
nous attendons à ce résultat. En effet, comme nous avons vu au chapitre I, Fortis avait lancé
une SICAV Islamique82 et donc bénéficie d’une expérience pour ce type de produit. C’est
ainsi, que nous avons senti un niveau de connaissances élevé et une meilleure empathie
(responsiveness), que les trois autres banques, lors de nos conversations avec les agents de la
banque Fortis.
Nous procédons de la même manière pour savoir dans quelle zone géographie, à
Bruxelles, nous trouvons les agences qui se distinguent au niveau des deux variables
« Connaissances » et « Empathie » (ou responsiveness).
82 Annexe 3: Fortis Islamic Index
La figure 12 montre que la commune ville de Bruxelles (nommé Bruxelles dans le
graphe) est la meilleure au niveau de la variable connaissances. Vient ensuite la commune de
Schaarbeek. Etterbeek et Ixelles partagent la troisième place avec une préférence pour
Schaarbeek. Les autres communes restent difficiles à départager comme celles de la courbes
du graphe 13, au même des raisons que nous avons évoqué (cf. commentaires de la figure 11).
L’approche graphique utilisée au paragraphe précédent a le mérite d’être simple mais
elle reste purement descriptive, car elle ne mesure pas la significativité des dominances que
l’on peut constater…Et encore faut-il qu’on le puisse, ce dont nous sommes incapables
lorsque les histogrammes cumulés s’entrecroisent (cf. commentaires des figures 11 et 13).
Ces insuffisances nous ont conduites à tenter de compléter nos premières conclusions
et à les étayer davantage à l’aide de la régression logistique.
3. Analyse statistique par le modèle logistique cumulé sous SAS:
Grâce au logiciel statistique SAS, nous avons élaboré un programme83, conçu pour
tester les relations entre d’une part, les variables catégorielles ordinales « Connaissance»
83 Annexe 11 : Programme SAS
(nommé Connaiss dans notre programme) et « Empathie » (nommé Empath dans notre
programme) - considérées tour à tour comme dépendantes - et d’autre part, les deux
variables catégorielles nominales, à savoir l’enseigne de la banque et les communes où leurs
agences sont installées.
En effet, lorsque la variable dépendante n’est pas quantitative mais qualitative :
catégorielle, nominale ou ordinale, le modèle de régression linéaire n’est pas approprié,
puisque ce modèle considère que l’on traite une variable continue, qui plus est distribuée
selon la loi normale.
Selon les échelles de connaissance (ou inversement, d’ignorance) et d’empathie (ou
inversement, d’insensibilité) que nous avons établies, nous « assignons » tout agent « testé »
à l’une des 7 classes pré-spécifiées. Cette classification suppose qu’un agent se classe dans
une catégorie, si nous estimons que sa réaction à notre scénario, le situe entre les deux
« seuils » qui la délimitent implicitement: c’est-à-dire entre ses bornes inférieure et
supérieure, latentes et à, paramétrer en conformité avec les distributions de nos jugements.
Bien que nous nous soyons efforcés d’objectiver nos appréciations en énumérant les
divers modes d’expression de leurs réactions à nos questions, toute subjectivité ne peut être
écartée et de plus, la fiabilité de nos appréciations n’est pas assurée. C’est pourquoi le modèle
retenu est de nature probabiliste: il spécifie la probabilité qu’un agent soit jugé d’un niveau
(de compétence, d’ouverture, etc.) supérieur (ou égal) à chacune des bornes en fonction :
des valeurs de ces bornes, d’un intérêt secondaire;
des caractéristiques propres à l’univers professionnel dans lequel opère cet agent, qui se
limitent ici à l’enseigne bancaire et à la localisation.
Dans un premier temps, nous devons savoir si nous pouvons expliquer la variable
dépendante ordinale (Connaiss ou Empath) par une seule variable explicative (Banque ou
Commune), ou fallait-il mieux l’expliquer par ces deux variables conjointement. À cet effet,
nous avons ajouté dans notre programme des instructions nous permettant de comparer la
qualité de l’ajustement du modèle avec une seule des deux variables explicatives, et en
deuxième lieu, avec deux variables explicatives.
Pour la variable dépendante « Connaiss », le modèle qui vient d’être décris ci-dessus,
en ayant les deux variables explicatives (banque et commune), nous donne une bonne
estimation, indiqué par le Gamma de Kruskal84 qui vaut ici 72.8%. Cet indice vaut 57.9% si
nous considérons, comme seule variable explicative, la variable « Banque » et de 49.4% dans
le cas où la variable explicative retenue sera la variable « Commune ». Nous pouvons donc
affirmer que, pour cette variable dépendante, il est plus intéressent de l’expliquer par les deux
variables explicatives « Banque » et « Commune ».
Pour la variable dépendante « Empath », le modèle nous donne aussi une assez bonne
estimation, indiqué par le Gamma de Kruskal qui vaut 57.8%. Il est de 35.1% si nous
considérons, comme seule variable explicative, la variable « Banque » et de 48.7% dans le cas
où la variable explicative est « Commune ». Nous devons donc expliquer la variable
dépendante « Empathie » par les deux variables explicatives « Banque » et « Commune ».
Il est clair que notre modèle essaie d’expliquer la variable ordinale Connaissances par
l’enseigne de la banque et la zone géographique, par le biais de la variable Commune, où se
situe l’agence de la banque concerné. Cependant, et dans souci pédagogique, nous présentons
d’abord les résultats du modèle univarié, ayant comme variable explicative l’enseigne de la
banque (nommé banque dans le programme) et ensuite avec la variable Commune. Dans un
deuxième temps, nous présentons le modèle avec les deux variables explicatives
conjointement.
Nous présentons dans ce qui suit les résultats obtenus et nous verrons s’ils confirment
ou infirment les résultats attendus. En effet, d’après nos enquêtes, nous avons remarqué que la
commune « Ville de Bruxelles » (nommé dans le programme Bruxelles) est celle qui
enregistre la meilleure note au niveau des deux variables à expliquer (Connaissances et
Empathie). Aussi, au niveau des banques, Fortis se distingue des trois autres banques comme
on l’a vu plus haut85. C’est les résultats dont nous attendons pour les deux variables
dépendantes. 84 Cet indicateur varie entre -1 et 1. Tout comme un coefficient de corrélation. Il se monte à +1, lorsque le
modèle ajusté concorde parfaitement avec les jugements émis ; en revanche, il tombe à -1, quand il est en totale
discordance. Il ya concordance quand le modèle assigne, à une agence effectivement meilleure qu’une autre, une
espérance de score plus élevée qu’à cette autre.
Voir Annexe 12. 85 Voir figure 10 et 11, du point B. Analyse des distributions cumulées
Nous avons donc, grâce au programme SAS, analysé les différences entre proportions
de la banque Fortis par rapport aux trois autres banques. Nous avons fais le même exercice
avec la commune « Ville de Bruxelles » (nommé dans notre programme Bruxelles) par
rapport aux autres sept communes préalablement choisies.
4. Résumé des Résultats:
Dans ce qui suit, des éléments les plus pertinents du listing SAS des résultats que nous
avons eu. Nous présentons, dans un premier temps, les résultats concernant la régression sur
la variable dépendante « Connaissance » et dans un deuxième temps, celle de la variable à
expliquer « Empathie ».
- Pour « Connaiss » :
Variable Wild
explicative
Référence Modalité de la variable
Estimation du paramètre
Écart-type
Chi-square
Risque d’erreur α
Banque Fortis Dexia -3.704 1.331 7.740 0.54%
ING -3.229 1.312 6.058 1.38%
KBC -2.879 1.298 4.918 2.66%
Tableau 5 : paramètres estimés du modèle univarié « Banque »
Étant donné le paramètre de référence qui a été choisi, nous nous attendons des
paramètres estimés négatifs. C’est bien ce que nous retrouvons. Fortis est donc meilleure que
Dexia. Le signe négatif vient du fait que, dans notre programme SAS, nous avons fais un tric
décroissant des différentes valeurs de la variable dépendante ordinale « Connaissances » par
l’instruction suivante : PROC SORT DATA=MEMOIRE; BY DESCENDING Connaiss; RUN;
Ainsi plutôt que d’évaluer la compétence, nous avons jaugé l’ignorance (cf. commentaires sur
la comparaison des fonctions de répartition, page soixante deux).
Pour le Wild Chi-square, quant à lui, il est en effet le carré de l’estimation du
paramètre sur l’écart-type élevé au carré (par exemple: 7.7402= [-3.7036/ 1.3312]2). Il traduit donc
une mesure de la qualité de l’ajustement. Les risques d’erreur associés à ces estimations de
paramètres étant très faible (proche de 0), les paramètres estimés peuvent donc être acceptés
comme valables.
Variable
explicative
Référence Modalité de la variable
Estimation du paramètre
Écart-type Wild Chi-square
Risque d’erreur α
Commune Bruxelles Anderlecht -2.645 1.447 3.340 6.76%
Auderghem -1.788 1.425 1.575 20.95%
Etterbeek -2.575 1.444 3.180 7.46%
Evere -2.324 1.436 2.620 10.56%
Ixelles -1.255 1.424 0.776 37.84%
Schaarbeek 0.767 1.439 0.284 59.41%
Uccle -1.454 1.423 1.044 30.69%
Tableau 6 : paramètres estimés du modèle univarié « Commune »
Dans ce tableau, la seule chose qui peut susciter notre attention c’est, effectivement,
l’estimation du paramètre pour la commune de Schaarbeek. On s’attendait à qu’il soit négatif
comme nous avons expliqué auparavant. Or, il est positif. Cette commune est donc meilleure
que la commune « ville de Bruxelles ».
Cela dit, nous voyons que le risque d’erreur associé à cette estimation de paramètre
est très grand (59,41%). Il en résulte que la différence entre ces deux communes n’est pas
significative. Les deux communes, dont la différence peut être considéré comme significative
avec la commune « ville de Bruxelles », sont celles d’Anderlecht et Etterbeek qu’ont des
risques d’erreurs qui s’approchent de 5%.
Wild Variable Référence Modalité de la variable
Estimation du paramètre
Écart-type Chi-square
Risque d’erreur α
Intercepte 7 0.786 1.332 0.348 55.51% Intercepte 6 5.453 1.750 9.707 0.18% Intercepte 5 5.708 1.776 10.329 0.13% Intercepte 3 8.044 1.993 16.286 0.01% Intercepte 1 8.406 2.021 17.307 0.00% Banque Dexia -4.922 1.528 10.379 0.13% ING -4.316 1.477 8.544 0.35% KBC -3.799 1.436 7.005 0.81% Commune Anderlecht -3.892 1.610 5.843 1.56% Auderghem -2.540 1.526 2.772 9.60% Etterbeek -3.452 1.584 4.749 2.93%
Evere -2.494 1.523 2.683 10.15% Ixelles -1.470 1.472 0.996 31.82% Schaarbeek 1.421 1.803 0.621 43.06% Uccle -1.972 1.491 1.749 18.59%
Tableau 7 : Résultats de la procédure logistique avec deux variables explicatives
Il est à noter que 7 représente la borne supérieure de la première catégorie, 6 est la
frontière supérieure de la deuxième catégorie, et ainsi de suite. Nous remarquons que les
différences entre les distances séparant les frontières délimitant les catégories sont inégales.
Ainsi, les différences entre les frontières de catégorie entre, par exemple, la borne de catégorie
7 et 6 n’est pas unitaire mais égale à -4.5599 (0.7522-5.3121) et il est égale à -0,2541 entre
les catégories 6 et 5 (5.3121-5.5662). Ceci est dû au fait que le modèle que nous utilisons dans
notre régression est un modèle logistique ordinal de différence entre catégories86.
Aussi, nous relevons que la différence entre, par exemple, Dexia et Fortis est égale à
- 4,79. Cela veut dire que Fortis est meilleure que Dexia. Il en est de même pour les
différences entre KBC, ING et FORTIS. En ce qui concerne les communes, les différences
sont toutes négatives (c’est ce que nous attendons), à part pour la commune de Schaarbeek.
Cette différence n’est pas significative car le risque d’erreur associé à cette estimation de
paramètre est strictement supérieur à 5% (égale à 59,41%).
Aussi afin de confronter nos résultats antérieurs87, nous avons construit deux tableaux de
fréquence pour classer les banques et les communes.
86 BULTEZ A, GUERRA F, Contrastes : plaidoyer pour un bon vieux test de différences entre propositions+,
vol.20, n° 2/2005, Recherche et Application en Marketing, p 32. 87 Figure 10, point B. Analyse des distributions cumulées
Tableau 8 : Fréquence par Banque
La lecture de ce tableau se fait de la manière suivante. Pour la borne de catégorie 6, il
est apparu 3 fois pour la banque Dexia, 4 fois pour Fortis, 3 fois pour ING et 4 fois pour KBC.
Ainsi, le pourcentage par colonne est de 37.50% pour Dexia et ING et de 50 % pour Fortis et
KBC pour cette même borne de catégorie. Il en sort de ce tableau que, pour la variable
dépendante ordinale Connaiss, Fortis vient en premier lieu, ensuite KBC, ING et Dexia.
Tableau 9 : Fréquence par Commune
Suivant la même lecture du tableau précédent, nous pouvons voir que la commune
Bruxelles (équivaut à « ville de Bruxelles ») est la meilleure par rapport aux autres
communes.
Les résultats de notre modèle logistique ordinal confirment donc celles que nous avons
obtenues lors de nos entretiens avec les interlocuteurs des agences bancaires choisies. Aussi,
ce modèle d’un point de vue globale, est robuste et nous fournit une bonne estimation de la
variable dépendante indique par le Gamma de Kruskal qui vaut 72.8% comme nous avons vu
auparavant.
- Pour « Empath » :
Le listing complet des résultats étant annexé88, nous avons préféré énoncer les
résultats de façon plus synthétique que ceux de la variable dépendante Connaissances. Ceci
est afin de ne pas répéter la même procédure ci-dessus. Voici, donc, les principales
conclusions : 88 Annexe 13, pp 13-15
Le résultat du test de différence entre Fortis et les autres trois banques montre que
Fortis est la meilleure.
Le tableau de fréquence par banque classe la banque Fortis en premier rang, ensuite
Dexia, puis KBC et ING en quatrième place.
Le tableau de fréquence par commune ressort que la commune « ville de Bruxelles »
(nommé Bruxelles dans le programme SAS) est la meilleure commune au niveau de
notre variable dépendante ordinale Empath.
Le Gamma de Kruskal vaut 57.8%, la qualité globale du modèle est donc assez
bonne.
En synthèse, et comme conclusion générale, nous pouvons considérer notre modèle
logistique ordinal comme un modèle qui est reflète bien la réalité. Nous pouvons donc
expliquer les deux variables ordinales catégoriques dépendantes, Connaissances et Empathie
par les deux variables explicatives Commune et Banque.
Conclusion La présente étude avait pour but de découvrir ce qu'est la finance Islamique, d’explorer
l’étendue de la segmentation bancaire sur le marché Belge, et de mettre en évidence
l’importance du marketing ethnique afin d’acquérir un marché particulier; celui de la
communauté Musulmane en Belgique.
Les Musulmans de Belgique sont relativement nombreux et les banques classiques
occidentales ne semblent pas satisfaire leurs besoins spécifiques dans la banque de détail, en
tout cas, pas de manière optimale selon leurs convictions religieuses.
Il est clair que, le modèle de finance Islamique peut sembler difficile à mettre en
place, voire irréaliste. Toutefois, ce modèle semble faire ses preuves à l'étranger, et pas
seulement dans les pays musulmans. Aussi, les acteurs de ce marché semblent être très
optimistes quant à la croissance de ce marché, estimé à 15% annuellement89. Fortis en
Belgique, a déjà lancé une sicav Islamique. Il est donc, probable, que d’autres banques
présentent une offre globale pour ce type de produits.
Cependant, la banque qui désire se lancer dans le marché de la banque Islamique, doit
répondre à une problématique: comment faire des produits de la finance Islamique tout en
n'ayant pas un retour négatif de leur clientèle déjà acquise, pas constituée que de Musulmans
bien entendu, et qui pourrait y voir une marque de communautarisme? De cette manière, la
banque pourra, non seulement chiffrer le marché potentiel en termes de nombre de clients, et
en termes de rentabilité, mais aussi en termes d'image.
Notre analyse reste limitée vu le nombre restreint de données, et l'aspect sensible du
sujet qui amène à prendre des gants dès qu'il est question de confessions religieuses.
Toutefois, il est possible de se servir des éléments de ce travail pour répondre aux besoins,
dans le secteur bancaire, des Musulmans en Belgique. Cela pourra, nous l'espérons, servir de
base à une étude plus approfondie, peut-être, amènera les banques à changer le paysage
bancaire en Belgique.
89 Rapport d'information n° 33 (2007-2008) de MM. Jean ARTHUIS, P.MARINI, A. De MONTESQUIOU,
P.ADNOT, M.MOREIGNE et P.DALLIER, fait au nom de la Commission des finances.