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© Lara Tanari 2005 Femme et artiste entre littérature et peinture au début du XX siècle Séminaire d’Art et Lettres Lara Tanari Università degli Studi di Bologna

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Femme et artiste entre littérature et peinture au début du XX siècle

Séminaire d’Art et Lettres

Lara Tanari Università degli Studi di Bologna

© Lara Tanari 2005

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Sommaire

Introduction

1. Les influences des avant-gardes

2. La peinture comme projet d’oeuvre

3. Le coeur comme métaphore d’art et de vie

4. Les forces de l’art

Conclusion

Bibliographie

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Femme et artiste entre littérature et peinture au début du XX siècle Introduction

C’est à partir du XIX siècle que la femme commence à avoir une conscience nouvelle de son

intériorité et de son rôle dans la société et c’est toujours au XIX siècle qu’elle comprend la

difficulté de pouvoir s’exprimer à niveau artistique et littéraire.

En effet pendant tout le XIX siècle les femmes étaient formées par des préceptes et des rites

religieux, par une éducation qui se présentait distincte par rapport à l’instruction, une instruction

toujours dans les limites d’un savoir ‘utile’: un savoir faire lié aux travaux et aux devoirs d’une

épouse, d’une mère et d’une femme de maison. Le XIX siècle prend conscience du pouvoir de

l’éducation, du rôle de la famille et des mères et c’est pour cela qu’on développe des discours et des

actions dirigés vers les filles, mais les préjugés persistent: l’éducation doit être différenciée pour les

femmes en considérant leur rôle à l’intérieur de la société et leur biologie1.

On se rendait compte aussi de l’ascendant suggestif des images et pour cela le XIX siècle avait peur

de l’accès incontrôlé des femmes à l’écriture ou à l’art et la réaction était de réprobation pour des

femmes qui avaient abandonné sans scrupules leur place féminine: le fait que les femmes dominées

commençaient à s’approprier des mots et des choses avec une âme différente par rapport à celle

dominatrice de l’homme, explique tous les débats futurs liés au concept de pratique sexuée de

l’écriture avec le problème de la redéfinition d’un langage pour s’exprimer.

La femme, qui avait toujours eu la fonction de miroir pour l’homme et qui s’était toujours vue avec

des yeux masculins, pouvait pour la première fois s’analyser avec son propre regard et tout cela

présupposait le fait d’apprendre à se voir avec ses propres yeux. C’était très difficile parce qu’il n’y

avait pas une essence féminine que les femmes pouvaient découvrir et révéler, mais il y avait

seulement des expériences féminines déterminées par la culture, où l’on pouvait retrouver les causes

de l’invisibilité qui les concernait.

En outre, un des facteurs qui interdisaient aux femmes non seulement de choisir, mais aussi de

désirer un certain type de carrière était lié au concept, exclusivement masculin, de génialité. Les

femmes qui montraient du génie dans leurs oeuvres étaient vues comme anormales ou asexuées.

C’est pour cela que les femmes ont dû réconcilier des valeurs en conflit et retrouver des nouvelles

configurations sémantiques pour se créer une place où avant il n’y avait rien.

Mais à partir du XX siècle le problème de la femme artiste commence à avoir une consistance et

une conscience plus spécifique et analyser cette période en partant de cette perspective signifie

accomplir une révision par rapport à la critique traditionnelle qui avait la tendance à poser toute

1 Les idées scientiques de l’époque considéraient la femme comme inférieure à l’homme du point de vue de la biologie.

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l’attention seulement sur certains auteurs. A l’intérieur des mouvements artistiques et littéraires de

la période on peut retrouver une multitude de voix féminines, plus ou moins fameuses, qui

témoignent la complexité de la condition de femme et artiste. Pour ces écrivains et pour ces artistes

la période avant-gardiste signifie la recherche continuelle de leur propre forme et de leur langage

autonome. Il s’agit d’une position très difficile parce qu’il fallait non seulement mettre en

discussion une tradition littéraire qui semblait désormais dépassée, mais aussi prendre conscience

du fait que cette tradition était en prévalence masculine.

La recherche d’une identité se réalise donc à travers une double comparaison: avec la tradition

littéraire et surtout avec l’artiste ‘masculin’ contemporain qui se posait comme le modèle à suivre et

à imiter et il s’agissait d’une comparaison difficile, quelquefois paralysante, une lutte inégale où la

femme est sortie avec douleur mais victorieuse et avec une voix autonome.

Cette condition de douloureuse tension arrive à être aussi la force des ces femmes artistes parce que

à partir de là elles vont avoir la volonté pour se sentir quelque chose de différent, pour se construire

un monde imaginaire, en se libérant de l’influence de n’importe quel maître.

Cette période voit aussi une expérimentation qui dépasse les genres artistiques et on peut retrouver

beaucoup de femmes qui écrivent et qui s’occupent de peinture en même temps, parce que toutes les

formes artistiques pouvaient répondre à cette double fonction de recherche: d’identité d’un côté et

de forme esthétique de l’autre.

Parmi toutes les artistes européennes de la période (la liste serait très longue) j’en ai choisi trois qui

me semblent avoir des traits communs et qui me semblent emblématiques du discours littéraire-

artistique, européen et féminin de la première partie du XX siècle: Virginia Woolf, Else Lasker-

Schüler et Benedetta Cappa Marinetti.

En effet toutes les trois montrent une sensibilité particulière dans la vie et dans l’art, toutes les trois

entrent en contact et sont influencées par les avant-gardes de leur pays: Virginia entre en contact

avec tous les artistes les plus importants du modernisme anglais et avec la peinture moderne

européenne, Else avec l’expressionnisme allemand et Benedetta avec le futurisme italien et il s’agit

de trois femmes inquiètes qui, de manière différente, cherchent à se construire un monde imaginaire

et idéal où pouvoir se retrouver et s’exprimer. Toutes les trois cherchent à s’exprimer à travers l’art

et la littérature, Else et Benedetta dessinent, font de la peinture et beaucoup de fois leurs oeuvres

artistiques s’inspirent à leurs oeuvres littéraires et vice-versa: les deux genres se complètent l’un

avec l’autre en faisant l’unité de leur travail. Pour Virginia le discours est un peu différent parce

qu’elle ne fait pas de la peinture mais la peinture est strictement liée à sa vie e à ses oeuvres grâce

aussi à une figure capitale de sa vie: sa soeur et artiste Vanessa Bell.

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Un aspect qui me semble fondamental et sur lequel je voudrais réfléchir concerne la vision de la

peinture comme un élément indispensable pour le caractère unitaire et pour la compréhension de

l’oeuvre de ces trois artistes et en même temps comme un élément fondamental pour comprendre le

projet de ces oeuvres.

Pour Virginia Woolf je construirai cette petite analyse à partir du roman qui semble un des plus

significatifs dans ce sens-là, c’est à dire To the Lighthouse (1925), pour Else Lasker-Schüler à partir

de son roman épistolaire Mein Herz (1910-11) qui a une relation particulière avec ses desseins et

avec le concept d’art et pour Benedetta Cappa Marinetti à partir de son roman Le forze umane

(1924) accompagné par des sintesi grafiche.

La compréhension de ces parcours n’est pas facile et cette réflexion ne veut pas être exhaustive,

mais chercher à retrouver des nouvelles perspectives d’analyse est la seule voie pour construire une

critique éloignée de certains préjugés qui ont caché l’oeuvre et l’importance de la contribution de

beaucoup de figures féminines de cette période.

Les influences des avant-gardes

Pendant les dernières années on a beaucoup étudié le rapport entre Virginia Woolf et Vanessa Bell,

leurs influences réciproques et le rapport de Virginia avec la peinture.

Il faut faire une distinction initiale: Virginia savait que être femme et être écrivain était difficile,

mais elle était consciente du fait que être femme et peintre était plus difficile encore, soit à niveau

matériel (un écrivain a besoin seulement d’un stylo), soit à niveau social (une femme qui voulait

être peintre était encore moins acceptée qu’une femme qui voulait être écrivain).

Virginia et Vanessa faisaient partie d’un groupe d’intellectuels qui se sentaient en train de vivre le

changement d’une époque, qui voulaient toucher les nouvelles limites de la pensée et de l’art, qui

sentaient que la modernité allait commencer, comme on peut voir dans ces mots de Leonard Woolf:

This period was an age of revolution, we were in the van of the builders of a new society which would be free,

rational, civilised, pursuing truth and beauty2.

Tout cela rendait nécessaire une rupture avec les régles artistiques du passé et une nouvelle

recherche esthétique allait commencer.

2 DUNN J., A very close conspiracy : Vanessa Bell and Virginia Woolf, London, J. Cape, 1990, p. 137. 4 Ibid, p. 143. 5 WOOLF V., Roger Fry a Biography, London, Penguin Books, 1979, p.149

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Dans ce groupe là Virginia et Vanessa avaient eu la possibilité de se confronter avec des

intellectuels comme Leonard Woolf et Clive Bell (qui seront leurs époux) et comme Edward

Morgan Forster, Duncan Grant, Lytton Strachey et John Maynard Keynes qui avaient étudié à

Cambridge ou avec des femmes artistes comme Carrington: les deux soeurs avaient donné leur

contribution, enrichissant ces débats mais aussi en s’enrichissant avec ces débats.

Les deux soeurs avaient toujours eu une vocation artistique même s’ils arrivèrent à la suivre de

manière différente: Vanessa avait transformé sa maison dans un studio artistique permanent en

conduisant une vie bohémienne, différemment de Virginia, sans considérer que Vanessa était

devenue mère et Virginia avait crée une sorte d’idéalisation sur la figure de mère par rapport à celle

de l’artiste androgyne qui pouvait se dédier seulement à l’art (c’est elle qui représentait cette

figure).

Mais même si Virginia ne faisait pas de la peinture pratique toute son expérimentation littéraire

commençait d’une idée tirée de la peinture moderne:

Her attempt was to enclose the fluid, impressionistic whole, effecting the ‘feel of running water’ within an

architecture diaphanous yet resilent, poised and three dimensional4.

C’étaient les mêmes expérimentations que la peinture de l’époque était en train de réaliser et c’est

pour cela que en 1910, l’exposition Postimpressionniste organisée par Roger Fry avec des oeuvres

de Van Gogh, Gaugin, Cézanne, Matisse, Picasso avait choqué et ouvert des nouvelles perspectives

à tous les artistes et Virginia Woolf en était touchée de façon particulière: elle avait reconnu cette

exposition comme la première explosion publique qui démolissait les conventions sociales et

esthétiques de l’époque passée en arrivant à déclarer que cette année-là l’esprit humain avait changé

et en disant qu’il fallait suivre en littérature aussi la voie ouverte par ces artistes:

Literature was suffering from a plethora of old clothes. Cézanne and Picasso had shown the way5.

C’est avec Cézanne, le premier parmi les Post-Impressionnistes et avec Kandisky, le premier parmi

les peintres abstraits, que la reconquête de la géométrie plaine donne à nouveau à l’imaginaire de

l’artiste la conscience de sa capacité créatrice.

La dialectique toile/espace, réalité/imagination est mise en scène dans les expérimentations des

peintres des avant-gardes: l’art se libre de la réalité et la transforme en un élément purement

constructif.

Fry résume ces notions qui avaient inspiré Virginia avec ce concept:

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Now these artists do not seek to give what, after all, can be but a pale reflex of actual appearance, but to arouse

the convinction of a new definite reality. They do not seek to imitate form but to create form, not to create life,

but to find an equivalent for life6.

Cette nouvelle forme de roman est expliquée par Virginia avec les mots de Lily Briscoe dans To the

Lighthouse:

Beautiful and bright it should be on the surface, feather and evanescent, one colour melting into another like the

colours on a butterfly’s wings; but beneath the fabric must be clamped together with bolts of iron. It was to be a

thing you could ruffle with your breath; and a thing you could not dislodge with a team of horses7.

Le sens de la forme, le plaisir qui vient de l’harmonie de la composition des formes, de la

combinaison des lumières et des ombres: tout cela est à la base des nouveaux principes esthétiques

de l’impressionnisme et du post-impressionnisme et de la manière de peindre de Lily Briscoe.

Virginia aspirait à maîtriser une sorte de communication complète et silencieuse qui pouvait couler

à travers the inner monologue et qui comme la peinture pouvait transmettre pensées, sensations et

impressions à travers l’utilisation de la‘parole peinte’.

Else Lasker-Schüler présente des ressemblances avec Virginia Woolf avant tout parce qu’elle aussi

a vécu sa jeunesse dans une famille bourgeoise, elle aussi a perdu la mère qu’elle adorait quand elle

était jeune et cette perte l’affectera pour toute sa vie et la figure de sa mère se retrouvera dans

beaucoup de ses oeuvres; elle aussi souffrira de crises nerveuses avec des visions et elle aussi

entrera en contact avec les artistes et les intellectuels les plus importants de son époque.

Elle aussi fréquentera un cercle intellectuel très important: le Café des Westens, le berceau du

mouvement expressionniste. Dans ce lieu elle entrera en contact avec des personnalités comme Karl

Kraus, Alfred Döblin, Franz Werfel, Georg Trakl, Alfred Mombert, Theodor Däubler, Arnold

Schoenberg, Anton Webern, Oskar Kokoschka, Franz Marc et Georg Grosz.

Epouse de Herwarth Walden, le fondateur de ‘Der Sturm’, un des magazines les plus importants du

mouvement expressionniste allemand, elle était aussi amie de Franz Marc, le représentant principal

avec Kandinskij du mouvement ‘Der Blaue Reiter’ de Munich.

Attirée par les artistes de l’expressionnisme, elle voyait dans leurs tableaux non seulement les

qualités picturales mais ce qui se laissait transformer en une vision poétique de leur singularité

expressive. Par exemple de Kokoschka et de Klimt elle observe que dans les tableaux le premier

reconnaît et sème l’animalité des hommes et la recueille en choisissant les couleurs et où Klimt

6 LEE H., Viriginia Woolf, London, Vintage, 1997, p. 324. 7 WOOLF V., To the Lighthouse, édition par S. Kemp, London, Routledge, 1994, p. 164.

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cueille une fleur, Kokoschka en enlève la racine: Klimt fait fleurir l’être humain et les couleurs de

Kokoschka font naître une ferme entière de créatures8.

Dans les desseins d’Else peuvent se retrouver les influences stylistiques du ‘Brücke’, le mouvement

fondé à Dresde en 1905 par Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff et Erich Heckel: dans

cette période-là Else commençait à projeter avec plus d’intensité son activité graphique et ses livres

comme des véritables oeuvres illustrées. En commun avec les peintres du ‘Brücke’ il y a dans ses

desseins un signe sévère et incisif, le goût déformant comme trait caractéristique de tous les

expressionnismes, les formes aiguës et angleuses, l’intérêt pour l’art primitive (on peut le voir

surtout dans l’interprétation que Else donne des visages) l’utilisation des couleurs comme le rouge

feu, le violet, le bleu, le jaune ou le jaune-vert et le jaune-orange.

Mais les influences de l’art expressionniste s’arrêtent ici parce que en ce qui concerne le contenu on

ne retrouve pas l’aspect typiquement dolent du mouvement, le principe selon lequel l’artiste

représente les objets avec les yeux de sa souffrance personnelle et ne met aucun philtre entre l’objet

et soi.

Les desseins et l’écriture d’Else ont comme centre son monde imaginaire et c’est à cause de cela

que son véritable équivalent artistique semble être Chagall, qu’elle avait probablement connu à

Berlin en 1914 à l’occasion de la grande exposition du peintre organisée par ‘Der Sturm’. Les

ressemblances avec Chagall ne concernent pas seulement certains motifs iconographiques, comme

les vols mystiques des amants, les colombes très grandes suspendues en rêve au milieu du ciel, mais

elle a surtout une manière qui n’est pas historique de voir et de concevoir le monde, qui substitue à

la réalité un monde poétique avec la cohérence des contes de fées, exclusif dans ses symboles,

élémentaire dans ses moyens et dans ses intentions: un monde qui trouve ses racines dans le monde

juif et son origine dans la situation du judaïsme allemand et européen dans la période qui précède la

deuxième guerre mondiale.

Comme Virginia Woolf elle pensait que l’écriture avait pour elle une sorte de priorité par rapport

aux autres arts et en effet elle se définissait ‘écrivain’, ‘poète’ ou ‘artiste’ mais jamais ‘dessinatrice’

ou ‘peintre’. Tout cela démontre qu’elle ne voulait pas se conquérir un espace comme peintre (et

l’absence d’expérimentations dans le domaine de la peinture le confirme) mais on ne peut pas se

passer de l’importance que Else donnait à ses desseins par rapport à son écriture: pour elle le

dessein était le prolongement naturel de l’écriture, un développement qu’elle voyait comme une

floraison.

8 Cfr. int. LASKER-SCHÜLER E., Il mio cuore e altri scritti, édition critique d’après M. Gigliotti et E. Pedrotti, Giunti, Firenze, 1990.

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Benedetta Cappa Marinetti présente aussi des similarités avec Virginia Woolf et Else Lasker-

Schüler: avant tout elle aussi naît dans une famille bourgeoise, avec une mère qui aimait l’art et des

frères qui l’avaient introduite dans les cercles intellectuels des avant-gardes futuristes où elle avait

connu des personnalités comme son premier maître Giacomo Balla, mais aussi des femmes artistes

comme Rougena Zatkova et c’est dans le studio de Giacomo Balla qu’elle rencontrera Francesco

Tommaso Marinetti, fondateur du mouvement futuriste, qu’elle épousera en 1923.

Benedetta sera une artiste ‘totale’ (dans le sens qu’en donnaient les futuristes), c’est à dire qu’elle

s’occupera de littérature (en écrivant des romans, des essais, des articles et des conférences), de

scénographie, de dessein, avec le sintesi grafiche et d’expérimentations verbo-visuelles avec le

‘tavole parolibere’.

Toute sa production est très originale: dans le champ des arts visuelles elle avait su créer son style

unique, caractérisé par des couleurs légers, par une lumière cristalline qui définit les volumes et par

une limpidité qui met ordre dans les compénétrations dynamiques (acrobaties technologiques

futuristes, cercles, vorticismes géométriques) et qui donne à ses oeuvres une atmosphère enchantée.

En littérature comme en poésie Benedetta soutient la théorie des mots en liberté, une tentative de

démolir la syntaxe traditionnelle et dans l’Italie littéraire de Pascoli et de D’Annunzio le vers libre

représentait cette volonté désagrégeante.

Avec Marinetti elle signera en 1929 le Manifesto di Aeropittura Futurista, signé aussi par Balla,

Depero, Dottori, Fillia, Prampolini, Somenzi, Tato.

Ce manifeste théorisait une ligne iconographique qui s’était déjà développée à partir de la moitié

des années Vingt. Le vol était un sujet aimé par le futuristes parce qu’il symbolisait la vitesse et la

conquête, il offrait des nouvelles perspectives et démontrait comment les inventions modernes

avaient changé même la manière de percevoir les choses: l’avion devenait ainsi l’instrument pour

une nouvelle dimension visuelle et une approche mentale différente. Ces éléments se retrouvent

dans la peinture de Benedetta, mais le concept dominant concerne l’énergie comme synonyme de

vie parce qu’elle n’avait pas une vision mécaniciste de la vie et le vol la fascinait pour l’idée de

vaincre la force de gravité et pour les paysages vus du ciel.

Benedetta n’était pas la seule femme à l’intérieur du futurisme, il suffit de penser par exemple à

Adriana Bisi Fabbri, Marisa Mori, Leandra Angelucci et Barbara (Olga Biglieri) et ces présences

pourraient sembler étranges si on considère que ce mouvement était misogyne et proclamait le

‘disprezzo della donna’. Mais il faut penser qu’il y avait aussi des éléments qui pouvaient attirer

une femme qui voulait être artiste: l’emphase sur l’énergie, sur le dynamisme, sur un changement

total qui concernait aussi le démantèlement des stéréotypes féminins. Et puis il y avait un potentiel

d’enthousiasme et de vitalité, un sens de défi, une exaltation de l’exubérance et de la gaieté qui

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s’opposaient aux concepts d’abnégation et de sacrifice qui avaient fait partie de l’imaginaire

féminin pendant les siècles.

Contrairement à ce que l’on pense Marinetti avait toujours favorisé l’entrée des femmes dans le

mouvement et avait déclaré que le disprezzo n’était pas directement lié à la femme comme personne

et qu’il était contre la tyrannie du sentimentalisme et de l’amour romantique, contre le chiaro di

luna et l’éternel féminin qui faisait fureur en littérature.

Pour Benedetta, épouse de Marinetti, était encore plus difficile se créer son espace avec le nom

important de son mari et c’est pour revendiquer son indépendance qu’elle signait ses œuvres

seulement avec son prénom.

Comme Virginia Woolf elle s’intéressera à la situation de la femme avec des interventions

publiques et elle aussi soutiendra un idéal d’ interaction masculin/féminin (qu’on ne doit pas

confondre avec les termes homme-femme parce que dans chacun de deux sexes il y a des

caractéristiques de l’autre sexe), la rencontre et l’affrontement de forces qui s’opposent et la

tension vers une harmonie supérieure qui puisse exploiter cette complémentarité. Tout cela sera le

leitmotiv de son oeuvre:

Tutto nel suo essere donna, nella sua prassi artistica di scrittrice e di pittrice e, comunque, di intellettuale

multiforme, nasce e vive dell’antitesi, del contrasto di forze dualistiche che affascinano e stupiscono, rivelando

in lei un’artista singolare, diversa sia nel panorama del Futurismo, sia nella realtà italiana di quegli anni9.

La peinture comme projet d’oeuvre

En ce qui concerne Virginia Woolf on peut observer que ses préoccupations et ses explorations sur

la technique de ses oeuvres ressemblaient beaucoup à celles d’un peintre:

Sentences, she realised, were like brush-strokes, they had a rhythm and a shape that were distinctive to the artist

who made them10.

Dans To the Lighthouse la peinture devient la métaphore de la structure de l’oeuvre (voir la citation

7 du premier paragraphe) et l’élément unitaire qui permet de comparer beaucoup de scènes à

l’intérieur du roman à des véritables tableaux et on retrouve aussi l’exploration directe de l’oeil et

de l’instinct d’un peintre: la peinture concerne ainsi soit le niveau structurel, soit le niveau du

contenu.

9 RUTA A. M. , Benedetta, Napoli, Electa Napoli, 1998, p. 16. 10 DUNN J, op. cit. p. 149. 11 WOOLF V., Leave the Letters till We’re Dead. The Letters of Virginia Woolf, vol. VI: 1936-1941, édition par Nigel Nicolson, London, Hogarth Press, 1994, p. 243-44.

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L’acte de saisir les impressions et les sensations d’une vie, pour les imprisonner et les déposer sur la

page blanche en utilisant la complicité entre l’art de l’écriture et celle de la peinture est fatigant et

imparfait, incomplet et peut être inactualisable: comme le désir de Lily Briscoe (peintre et

personnage clé dans le roman). Cet acte devient inconvenant parce qu’il se soustrait avec douleur et

conscience à la normalisation, à l’acceptation des règles: le personnage de Lily cherche à se librer

de l’ordre imposé par la socièté, de limites infranchissables, pour casser la banalité. Exactement

comme Virginia Woolf écrira à Vanessa Bell:

One should be a painter. As a writer, I feel the beauty, which is almost entirely colur, very subtle, very

changeable, running over my pen, as if you poured a large jug of champagne over a hairpin11.

A niveau formel pour relier le passé avec le présent Virginia construit la section centrale du roman

‘Time passes’ de la même manière avec laquelle Lily Briscoe lutte contre la relation entre les objets

dans son tableau. Lily comprend que l’arbre doit être déplacé au centre pour créer un équilibre

général et dans la vision finale elle revendique son rôle comme artiste: Virginia aussi avait compris

que la fluidité de son roman et l’impressionnisme de ses images devaient être synthétisées par un

projet autant rigoureux. En outre, comme Lily, chercher à capturer et à communiquer sa vision la

libérait non seulement de l’image de sa mère et de son passé, mais elle pouvait ainsi revendiquer sa

vocation d’artiste par rapport à la société: ‘Women can’t paint, women can’t write…’

Dans To the Lightouse Virginia Woolf cherche à retrouver une affinité entre la création du roman et

la création du tableau de Lily Briscoe: la narration se croise avec la composition du tableau et se

conclue dans l’instant où Lily donne le dernier coup de pinceau. Donc la fonction de celui-ci n’est

pas seulement symbolique mais le tableau sert aussi à visualiser la forme du roman12.

C’est dans ce roman qu’on peut suivre l’itinéraire d’acquisition de toutes les techniques de la

composition qui font prévaloir les couleurs des impressions et les nuances de la pensée sur les

formes avec les contours nettement distinguables.

La lumière légère et les images voilées qui pénètrent dans les paysages, la transparence et les

couleurs qui se poursuivent sur la toile sont les mêmes ingrédients qui se retrouvent dans les

tableaux impressionnistes et dans le souvenir: ils font partie du procès de la peinture et de la

nouvelle esthétique pratiquée par Lily Briscoe. Pour Lily il s’agit de l’impression du moment, de la

sensation d’une transformation continuelle et de l’inutilité de fixer avec certitude et cohérence

l’instant qui passe.

12 Cfr. WOOLF V., op. cit, 1994.

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Il est impossible de penser à deux concepts comme stabilité et permanence: le flux du temps envahit

l’espace en délayant les contours solides et le flux incessant de la pensée compose des relations qui

se clivent tout de suite entre eux sous le coup des impressions, des rumeurs, des sons, des visions et

des odeurs. C’est le flux de la peinture, c’est le flux de l’écriture, c’est à dire deux tentatives

d’arrêter une image optique, une période de mots, une phrase musicale ou une idée: sur la toile de

l’artiste ou sur la page écrite s’impriment dans un ensemble espace-temporel les fragments et la

totalité de la composition. Tout cela se révèle comme le coup de pinceau qui registre l’expérience

immédiate et évanescente de celui qui saisit l’incontrôlable et l’instantané et qui, en même temps,

devient aussi un geste d’auto-révélation: il suffit de penser à la perspective multidimensionnelle des

Nymphées de Monet, à l’acte de peindre de Lily et à l’acte d’écrire de Virginia.

Virginia Woolf avait le don de voir de manière picturale et poétique la réalité, de réunir deux

capacités, deux attitudes, deux inclinations qui lui permettaient d’écrire la peinture, une peinture

non-figurative:

If I were a painter I should paint these first impressions in pale yellow, silver, and green. There was the pale

yellow blind, the green sea and the silver passion flowers. I should make a picture that was globular; semi-

transparent. I should make a picture of curved petals; of shells; of things that were semi-transparent; I should

make curved shapes, showing the light through, but not giving a clear outline. Everything would be large and

dim; and what was seen would at the same time be heard; sounds would come through this petal or leaf –sounds

indistinguishable from sights13.

C’est à sa contre figure que Virginia confie le devoir de composer un certain type de texte complexe

qui prendra forme à travers une recherche du coloris, c’est à dire à travers la recherche d’une

communication qui accumule, en les composant à niveau spatial, les enchevêtrements des émotions,

des impressions et des pensées des tous les personnages. Ces enchevêtrements se confrontent dans

un dialogue muet avec l’exubérance chromatique d’une artiste qui, comme Virginia Woolf, sent de

manière très profonde la contiguïté avec toutes les

‘arts sœurs’ contemporaines, surtout avec la

peinture impressionniste et postimpressionniste.

Dans le paysage et dans les personnages on peut

retrouver des couleurs, des sensations, des pensées:

l’œil les observe, en cherchant les contours, les

formes, les tonalités et les compositions. Le sujet

qui perçoit tout cela est à la recherche d’une

13 WOOLF V., A Sketch of the Past, dans V. WOOLF, Moments of Being, éd. par J. Schulkind, London, Hogarth Press, 1978, p. 66.

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modalité de représentation qui puisse montrer la complexité de l’équilibre entre les sensations et les

visions individuelles et subjectives du détail et les sensations qui naissent d’une vision synthétique

de la totalité:

The jacmanna was bright; the wall staring white. She would not have considered it honest to tamper with the

bright violet and the staring white, since she saw them like that, fashionable though it was, since Mr

Paunceforte’s visit, to see everything pale, elegant, semi-transparent. Then beneath the colour there was the

shape. She could see it all so clearly, so commandingly, when she looked: it was when she took her brush in

hand the whole thing changed. It was in that moment’s flight between the picture and her canvasthat the demons

set on her who often brought her to the verge of tears and made this passage from conception to work as dreadful

as any down a dark passage for a child14.

Les deux textes narratifs (niveau verbal et niveau visuel) produits par l’auteur et par le personnage-

artiste, établissent toute une série de points qui génèrent un espace rempli en contemporaine et en

parallèle par les deux narrations: la ligne tracée par Lily Briscoe réunit les résultats de ce défi.

Mais on ne doit pas simplifier ce discours en pensant à l’écriture de Virginia comme à l’imitation

d’une autre forme artistique parce que comme montre Miller:

Another argument against against viewing Woolf’s writings as literary adaptations of paintings is that was

precisely the combination of the arts that appealed to her. Her desire was not to imitate the painter, but to share

his advantages while preserving her own. This eclecticism is in keeping with her vision of unity as assimilative

rather than exclusive. She was attracted to the idea of a ‘hybrid’ artist, a term she applied to Walter Sickert, who

prided himself on being ‘a literary painter’. In her critical essays she suggests that certain writers were

challenged by a divided allegiance –De Quincey who tried to write poetry in prose, for example, or Hazlitt, who

alternated between literature and painting15.

Il s’agit d’un jeu de distance et de perspective, de voir à travers la réalité physique des choses les

signifiés secrets qu’elle cache dans la profondeur, mais la difficulté de faire cela bouleverse l’esprit:

‘It was a miserable machine, an efficient machine, she thought, the human apparatus for painting

and for feeling’.

Le voyage vers le phare, la métaphore la plus évidente qui nous est offerte à partir de la première

page, devient plus importante si on la relie aux deux parcours de lecture: voyage dans le texte,

voyage dans le texte vers une nouvelle forme, voyage de tout le monde (personnages, lecteurs,

créateur du texte) vers une nouvelle expérience et voyage vers le tableau. Terminer, compléter,

ressemble à mourir; rechercher et défier les formules de la narration est une valeur en soi et signifie

14 WOOLF V., op. cit. 1994, p. 46. 15 MILLER C. R., Virginia Woolf: The Frames of Art and Life, London, Macmillan, p. 77-8.

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être vivants et créatifs. C’est le mouvement vers une destination qui donne une significaton à la

vie.

Pour les deux femmes artistes, Virginia Woolf et Lily Briscoe, aller vers le phare est seulement la

prémisse d’une tentative de résoudre le problème esthétique de la composition parce que en même

temps on cherche à mettre ensemble les deux lignes différentes de la narration. L’incapacité des

personnages et du narrateur à retrouver une harmonie entre signifiant et signifié est un défi qui

cherche de quelque manière à montrer le dynamisme de plans différents et de niveaux différents de

la réalité.

Le coeur comme métaphore d’art et de vie

Dans ses desseins Else Lasker-Schüler s’occupe principalement des personnages et des situations

décrites dans ses textes en prose et dans ses poèmes. Le sujet principal sont donc les figures

humaines et les paysages ne sont presque jamais en premier plan. Beaucoup de fois ses personnages

sont les habitants d’un monde de fée, composé soit par des éléments hébraïques que arabes. Il s’agit

d’un monde orientale que Else réinterprète en construisant sa mythologie poétique personnelle, un

monde où elle peut vivre librement et sans limites sa créativité et sa fantaisie.

Une autre caractéristique de ces desseins concerne le dynamisme: on peut retrouver un signe

graphique directe et énergique, où la trace noire n’a pas d’incertitudes. Même les poses des figures

sont dynamiques: parfois on retrouve des personnages en mouvement (surtout de gauche à droite) et

ils sont légers comme le signe qui les décrit. Nous retrouvons dans les textes une correspondance

avec la mobilité des ces figures: la danse est un leitmotiv dans ses œuvres et un élément repris par

l’art figuratif du Jugendstil et par la vogue de l’époque (Else était une grande admiratrice de

Charlotte Bara).

Si au contraire on considère le dynamisme comme motif formel, on peut observer une

diversification entre le langage poétique et narratif par rapport au caractère unitaire de la conduction

du signe graphique.

La dessinatrice ne se préoccupe pas des problèmes de forme, c’est à dire des problèmes de

perspective pour les objets et pour les figures dans l’espace, mais elle suit principalement ses

exigences de représentation: le style est synthétique comme se passait typiquement dans les avant-

gardes.

L’effet particulier de cette stylisation est celui de faire concentrer le regard et l’attention du lecteur

sur les personnages de ces ‘histoires figurées’, sur leurs gestes et sur leurs poses. Comme écrivain,

Else a évidemment cherché à ‘narrer’ même quand elle travaillait sur l’image visuelle: cette

intention est témoignée par les inscriptions dans ces desseins, par les titres que parfois sont des

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phrases entières qui semblent souligner que l’image ne représente que le fragment d’une narration

et qui constituent donc un souvenir du texte à l’intérieur du dessein.

Dans le roman Mein Herz il n’y a pas seulement des desseins mélangés à l’écriture, mais il y a aussi

tout un discours sur le dessein ou sur le tableau comme metaphore de l’art: il s’agit d’un roman où

l’art est objet de réflexion à plusieurs niveaux.

Le roman parle du monde artistique et intellectuel qui fréquentait le Café des Westens: Else

n’intervient pas dans la discussion théorique d’un point de vue critique, ou pour faire la chronique

d’un mouvement artistique-littéraire: sa position est celle d’un metteur en scène qui ne suit pas une

linéarité d’évènements, mais qui veut saisir les éléments de ce monde-là pour une mise en scène.

Les lettres qui composent le roman sont pour Else une comédie où chaque personnage joue son rôle

dans cette transfiguration joyeuse de la vie du café et dans la critique des institutions de la vie

littéraire: ce jeu oscille volontairement entre réalité et fiction, privé et publique à un tel point qu’on

a du mal à faire une distinction entre l’écrivain et le je du roman. Ici on observe un principe de

compénétration entre art et vie qu’on retrouve dans beaucoup d’oeuvres d’Else.

Les personnages de Mein Herz sont décrits dans leur complexité individuelle, leur force est dans

leur évocation et dans leur capacité de transmettre à la narratrice les images d’un monde poétique.

Le langage d’Else est innovateur: il est riche de mots composées nouvelles, il y a une utilisation

ironique de la langue qui n’est pas inspirée à des modèles conventionnaux et il s’agit d’une langue

qui n’a pas des ‘virgules’ (comme souligne Else même). Dans cette écriture on doit reconnaître une

poétique qui ne voit jamais le signe graphique comme signe simple mais toujours comme

expression et qui voit l’écriture comme un moyen cabalistiquement évocatif de visions fantastiques.

En effet il ne s’agit pas un hasard si la nécessité d’aller au-delà des limites de la réalité, vers

l’imaginaire est exprimée dans Mein Herz à travers la métaphore de la peinture dans une vision

ironique du rapport entre art et vie:

Lebe das Leben ja tableaumäβig, ich bin immer in Bilde. Manchmal werde ich unvorteilhaft hingehängt, oder es

verschiebt sich etwas in meinem Milieu, auch bin ich nicht mit der Einrahmung zufrieden. Einrahmungen sind

Einenungen, Unkunst, Grenzen […] Die runden Rahmen habe noch etwas Kreisendes, aber die viereckingen,

neumodischen, sind so ganz menschlich aus dem Kosmos getreten. Ich sehe also aus dem Bilde das Leben an;

was nehm ich ernster von beiden? Beides. Ich sterbe am Leben und atme im Bilde wieder auf. Hurra16!

16 LASKER-SCHÜLER E., Mein Herz, Munchen, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1986, p. 73. [Je vis la vie comme s’il s’agissait d’une galerie de tableaux, je peux toujours avoir un tableau de la situation et je suis moi-même dans les tableau. Quelquefois on m’accroche d’une manière qui n’est pas juste ou quelque chose autour de moi change et en plus je ne suis pas satisfaite du cadre. Le cadre est limitation, pas art […] Les cadres rondes rappellent en tous cas un mouvement rotatoire, mais ceux angleux, modernes, n’ont plus aucun lien avec les lois du cosmos: condition, celle-là, typique de la nature humaine. Comme si j’étais dans un tableau, j’observe donc la vie; quelle est la chose entre les deux que je considère le plus sérieusement? Toutes les deux. En vie je meurs et avec les images je nais à nouveau. Hourra!]

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Dans cela on peut voir le credo poétique d’Else: renaître comme image, c’est à dire se transfigurer à

travers l’art, permet de dépasser les limites, les ‘cadres’ de la réalité et permet de retrouver

l’harmonie perdue d’un cosmos qui ne connaît pas de ‘lignes’ ou ‘contours’, mais plutôt la liberté

des couleurs et un flux d’émotions continuelles.

Dans ces éléments on peut retrouver les traits des peintres expressionnistes.

A cette conception de la vie comme art et comme monde d’images se réfèrent les ‘figures’ du sous-

titre du roman: ces ‘figures’ trouvent une deuxième expression dans les illustrations à l’intérieur du

texte, surtout les portraits (exceptionnellement des caricatures dans ce cas-là) des personnages

décrits.

Le café représente pour Else le lieu et l’espace idéal où pouvoir vivre un tel projet de vie

transformée en art. Toutefois le rapport avec le monde du café se révèle conflictuel même si le ton

utilisé dans le roman est amusant: d’un côté le café symbolise la réalisation d’une vie hors des

schémas conventionnels, le lieu de rencontre qui permet de créer des amitiés et des liaisons sous-

forme de jeu, de l’autre côté le café constitue le lieu d’une réalité sociale bien définie qui, avec ses

lois, peut menacer l’onnipotence de la fantaisie (les images qui se retrouvent liées à cette expérience

sont de tristesse et de solitude).

Le lieu où la créativité de la fantaisie peut être librement vécue est l’Orient: on retrouve la vision de

l’Orient dans l’univers poétique du roman même s’il ne s’agit pas du milieu de l’histoire. Il s’agit

d’un Orient mythique, qui n’a pas une géographie bien limitée, riche de motifs typiques des contes

de fées, islamiques, égyptiens, avec des traits bibliques et cabalistiques: tous ces éléments se

retrouvent dans l’invention d’une langue qu’Else définit ‘syrienne’.

La synthèse de ce monde oriental se

retrouve dans l’image d’une ancienne

ville égyptienne: Thèbes. Else s’élit

souverain de ce monde mythique sous

l’aspect du prince Jussuf. Les racines de

ce qu’on peut considérér une

identification véritable (il faut rappeler

aussi le déguisement orientale qu’Else

utilisait pendant les lectures publiques

de ses poèmes) peuvent se retrouver

dans son passé mythique et poétique.

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Le prince Jussuf (voir dessein à côté) est une transposition arabe et féerique de la figure biblique de

Joseph, l’interprète prophéthique et visionnaire des rêves, trahi par son peuple et par la suite élu

comme sauveur. Il faut rechercher les raisons qui avaient apporté Else à s’identifier avec une

histoire et un myhte qui l’avait fascinée dès qu’elle était un enfant dans sa conception de la poésie

comme élection divine et comme prophétie et dans son lien profond avec ses origines. Si on

considère l’inscription liée au dessein et auto-portrait du prince Jussuf vers la fin du roman (voir

image au dessous), on peut observer que cette figure capitale est née presque en la dessinant:

Aber ich bin nicht gespannt darauf, mich zu sehen, denn ich habe mich nie

wiederkannt, weder in Plastik, noch in der Malerei, selbst nicht im Abguβ.

Ich suche in meinem Portrait das wechselnde Spiel von Tag und Nacht, den

Schlaf und das Wachen. Stöβt nicht mein Mund auf meinem Selbstbilde

den Schlachtruf aus?! Eine ägyptische Arabeske, ein Königshieroglyph

meine Nase, wie Pfeile schnellen meine Haare und wuchtig trägt mein Hals

seinen Kopf. So schenk ich mich den Leuten meiner Stadt17.

Dans la vie d’Else, à cet acte symbolique d’identification si

immédiate correspond un parcours beaucoup plus complexe et

souffert: la provenance d’une famille de l’haute bourgeoisie qui

n’avait jamais perdu ses origines juives avait crée la base pour toute une série de tentatives de

reformuler son histoire personnelle.

Mais même quand elle sera forcée par les événements historiques à exilier dans la terre qu’elle avait

toujours rêvé (la Palestine) elle aura beaucoup de difficultés à s’intégrer dans cette réalité sociale-là,

la même difficulté qu’elle avait eu en Allemagne.

Dans le roman la ville de Thèbes (evoquée à travers des couleurs lumineuses) est opposée à la

grisaille de Berlin: comme faisaient les expressionnistes Else mystifie la métropole, mais elle ne le

fait pas à travers une vision démoniaque qui veut saisir en contemporaine le charme et la dimension

tragique de modernité. A la ville d’asphalte elle oppose non seulement un monde oriental, mais

aussi un monde primordial avec une nature non contaminée et âpre où les êtres humains célèbrent

des rites primitifs.

Le sous-titre de l’oeuvre, ‘roman d’amour’, fait ironiquement référence à tous les amours dont

l’auteur nous parle dans ses lettres: Else suit surtout la trace d’une image de l’amour où se situe le

retour possible à une patrie. Mais la recherche d’une terre familière, le dèsir de retrouver dans la 17 Ibid., p. 105. [Je n’ai jamais pu me reconnaître ni dans les scupltures, ni dans les desseins, ni dans les calques. Dans mon portrait je cherche le jour qui s’alterne avec la nuit, le sommeil et le réveil. Ma bouche, comme on peut la voir dans mon autoportrait, n’émet pas-t-elle un cri de guerre?! Un arabesque egyptien, un hiéroglyphique royal mon nez, comme

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personne aimée un lieu d’aprodage restent sans réponse. L’amour est vécu comme une recherche

qui fait dépasser les règles du jeu qui voyaient la femme uniquement comme aimée et comme objet

fétichiste d’amour. La seule terre familière où l’auteur aprode après avoir vainement cherché dans

l’amour est celle du coeur. L’image du coeur ne se réfère pas au stéréotype de l’amour romantique

(Else se moque de ce modèle-là), mais il s’agit de quelque chose qui touche les profondeurs de son

univers poétique. Le coeur est une metaphore de l’âme, il représente une introjection du monde et

de tout ce qui ne peut plus avoir lieu à l’extérieur. On peut retrouver l’image du coeur (motif aussi

d’inspiration biblique) dans des réflexions bibliographiques d’Else qui nous permettent de mieux

comprendre ce qu’elle veut signifier quand elle affirme à l’intérieur du roman que les histoires

s’écrivent avec le coeur. Quand elle parle de la mort de sa mère elle affirme que sa main ne

réussissait pas à décrire ce moment tragique et pour cela elle nous dit qu’elle aurait dû arracher son

coeur de sa poitrine et lui apprendre à écrire18.

C’est donc le coeur qui permet de donner une voix à la douleur à travers l’écriture: dans le symbole

du coeur on peut retrouver la douleur indicible et le réconfort le plus doux, deux sentiments qu’Else

perçoit comme l’expression d’un destin et d’une élection divins.

Les forces de l’art

La carrière de Benedetta commence en 1919, année où elle avait officiellement adhéré au futurisme

en publiant sur le magazine ‘Dinamo’une tavola

parolibera: Spicologia di un uomo.

Il s’agit d’un croisement de lignes et de mots, une

étoile avec dix pointes avec un centre-soleil et des

rayons. La tavola est signée ‘Benedetta fra le

donne’, sans doute une prise de position à laquelle

elle restera toujours fidèle.

Ce premier dessein montre déjà la predilection de

l’artiste pour des images concises et efficaces, une

synthèse qu’on retrouvera dans les sintesi grafiche

de Le forze umane. En 1924 il y aura à Milan le

Primo Congresso Futurista, où Benedetta

participera avec deux communications (la

première de caractère social contre le mythe de la

des flèches qui filent les chevaux, et mon cou soutient de manière majesteuse sa tête. C’est comme cela que je me donne aux gens de ma ville.] 18 Cfr. HESSING J., Else Lasker-Schüler. Ein Leben zwischen Bohème und Exil, Heyne Verlag, München, 1987.

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virginité et la deuxième plus théorique) et ce sera dans la même année qu’elle publiera son premier

roman Le Forze umane. C’est elle même qui le définira un roman ‘abstrait’: une abstraction croisée

à l’hyperréalisme si on considère l’acuité du regard qui saisit des fragments du monde environnant

et les transporte sur la page avec des notations naturalistes sur un plan de méta-réalité et même les

événements sont analysés avec une attitude scientifique.

Dans cette oeuvre partiellement autobiographique, Benedetta parle de son parcours intérieur, de la

période de douleur qui suivra le retour de son père de la guerre et de sa conquête graduelle d’une

conscience de soi pour arriver à une harmonie supérieure où les contraires puissent s’intégrer.

Déja des critiques contemporains avaient su comprendre l’originalité de ce roman:

Ancorché trasportate nella luce astrale di concetti universali, le sue esperienze conservano tutta la loro

concretezza, calore di sangue, ritmi enegetici, le pulsazioni e vibrazioni e ansietà scandite dalla vita. L’astrazione

non uccide la poesia, anzi la poesia si alimenta di astrazione e ne fa la sua materia prima19.

En effet Benedetta sent la nécessité de donner une nouvelle forme au roman et de modeler les

phrases selon ses rythmes imaginatifs. Si on analyse la richesse des mouvements poétiques dans le

texte on peut observer les influences de poètes comme Eliot, Montale et Pound20. Tout cela trouve

sa confirmation dans la corréspondance entre Benedetta et Pound, son estimateur et ami.

On voit ainsi que cette artiste se présente comme une exception dans la prose italienne de la

période: soit si on considère celle réaliste (la plus répandue) soit si on considère celle plus

spécifiquement futuriste. Les limites nationales sont étroites pour elle et sa production présente un

épaisseur plus grand, on peut la considérér une artiste avec une ouverture mondiale21.

En tous cas la parole semble insuffisante à Bendetta pour montrer avec assez d’évidence les drammi

psichici, même si elle cherche continuellement à la mettre en relation avec une créativité plus

générale en abolissant les limites entre les arts.

Dans son élan vers l’abstraction, à la recherche de linee-forza immédiates (il ne faut pas oublier que

Balla était son maître) l’artiste crée donc les sintesi grafiche comme expression directe des forces

de l’univers.

Les desseins intercalés au texte ne sont pas des illustrations, parce qu’il n’y a pas une dépendance

par rapport à la page écrite, mais seulement de l’autonomie. Parfois ils sont insérés au début du

chapitre, parfois à la fin: avec un renversement des rapports sémantiques on pourrait dire que c’est

le texte qui illustre les desseins. Ce dernier arrive jusqu’à disparaître à la fin du roman: dans la

19 ORESTANO F., Opera letteraria di Benedetta, Edizioni futuriste di ‘poeisa’, Roma, 1936, p. 12. 20 Cfr ZOCCOLI F., Benedetta Cappa Marinetti : l'incantesimo della luce, Milano, Selene, 2000. 21 Ibid.

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troisième et dernière partie, avec une audace digne de Lawrence

Sterne22, le titre Armonia n’est pas suivi d’aucun texte, mais

seulement d’une tavola graphique.

Il y avait chez les futuristes des antécédentes comme les stati

d’animo disegnati de Giuseppe Steiner et les psicografie de Piero

Illari: ‘parole in libertà senza parole’ qui devaient permettre la

transmission instantanée de sensations. Les analogies formelles avec

les oeuvres de Benedetta concernent l’économie du lexique,

l’utilisation de lignes hachurées, l’alternance de signes marqués et

légers. Mais contrairement aux premiers qui représentent des états d’âme individuels, les sintesi de

Benedetta montrent surtout des situations conflictuelles: leur pauvreté et instantanéité les

distinguent de ces modèles-là,en les soustrayant au domaine strictement graphique-pictural. Ils sont

donc proches aux expérimentations que le surréalisme appelle écriture automatique23.

Dans une de dernières pages du roman elle écrit:

Tentativi simili furono chiamati precipitati lirici da Giuseppe Steiner, o stati d’animo o pitture medianiche dai

paroliberi come Buzzi, Rognoni, Soggetti; o dai pittori come Rougena Zatkova, e sono state considerate come

sviluppi del paroliberismo e straripamenti della pittura. Non furono considerati nettamente nella loro formidabile

portata di creazione immediata. Giungeremo, al di là delle sintesi grafiche, ai puri miracoli e alle pure magie e

poiché esistono dei fachiri che hanno ridotto a poche ore il tempo necessario al fiorir di una rosa, noi,

sorpassando la lentissima natura, identificheremo miracolosamente il seme con la rosa24.

Peu avant elle avait déjà affirmé:

Spacco Tempo e Spazio. Voglio una creazione-miracolo25.

L’artiste laisse prévaloir l’imagination intuitive sur la pensée rationnelle et crée des desseins fluides

pour pouvoir diriger ce que le langage verbal ne réussit pas à transmettre.

Forze maschili et Forze femminili sont les desseins les plus fameux du roman: le premier avait été

choisi pour la couverture du livre et il s’agit de courbes larges qui compriment un croisement de

lignes. La force de gravité fait rester l’homme ancré au sol et cela est confirmé par les pieds grands,

le seul élément figuratif de tout le dessein et presque de toute la série. Dans le deuxième il y a une

spirale délicate qui s’enveloppe vers le ciel, comme une fumée frétillante et incessante.

22 Ibid. 23 Ibid. 24 Ibid. p. 55. 25 Ibid. p. 55. 26 RUTA A. M., op. cit., p. 16.

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Lourdeur terrestre et légèreté spirituelle, dynamisme horizontal (l’homme qui marche dans le

monde) et vertical (la femme vers l’élevation): des antithèses qui pour Benedetta doivent se

réconcilier et retrouver une harmonie supérieure.

En ce qui concerne son écriture Anna Maria Ruta souligne que:

Scrittura rapida ed essenziale, in cui angolature realistiche si intersecano con cascate metaforiche e con

simbolismi visionari, inclinando a volte anche verso predilezioni ermetiche, una scrittura regolata da una volontà

di rigore che talvolta improvvisamente slitta nel lirico, nell’approfondimento intimo esaltato da una sottile,

delicata ricerca cromatica26.

Benedetta défie continuellement les catégories des codes et elle arrive à peindre même quand elle

est en train d’écrire, en arrivant jusqu’à anticiper dans ses écrits ses oeuvres futures de peinture.

Le mot ‘luce’ retourne à plusieurs niveaux, en devenant la substance de sa poétique et en donnant

vie et âme à ses tableaux. Dans les pages de ses oeuvres de littérature est un véritable leitmotiv,

avec son contraire ‘buio’ et tous leurs synonymes et dérivés.

Puis il y a les couleurs: l’azur, avant tout, qui représente le ciel, l’esprit, la légèreté, le rose, le

rouge, le jaune et le noir avec son poids insoutenable:

Le mie forze salgono in zone azzurre e trovano forze che riconosco: tensioni rose violacee, raggi violenti di

passione che saettano e s’aggrovigliano, zone gialle oro, lucenti…

Su tutto è un riflesso di rosso e bianco. Ho la certezza che il rosso e il bianco costituiscono la mia sintesi27.

Dans les romans suivants Benedetta ne répétera plus l’expérience des sintesi grafiche parce que

d’un côté certains critiques n’avaient pas apprécié cette nouveauté et de l’autre sa créativité la

poussait à chercher d’autres voies d’expérimentation avec cette énergie intérieure qui caractérisera

toujours son parcours artistique.

Conclusion

Dans cette petite réflexion sur ces trois artistes et sur ces trois oeuvres on peut retrouver des

éléments communs qui nous montrent des aspects très intéressants: avant tout que pendant cette

période-là le mélange des arts et les influences entre la peinture et la littérature étaient véritablement

l’expression d’une nouvelle recherche esthétique et d’une volonté de changer à niveau européen les

perspectives artistiques passées et ces mouvements d’avant-garde en sont l’expression.

27 ZOCCOLI F. op. cit., p. 59.

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De l’autre côté on peut voir comment les femmes artistes étaient à plein titre dans ce processus et

comment leur contribution avait été fondamentale et enrichissante à l’intérieur de tous ces

contextes.

Entre outre on peut observer comment l’art était pour ces femmes aussi un moyen pour se libérer de

certaines expériences traumatisantes de leur vie et pour rechercher une voix autonome d’artiste.

On voit aussi comment cette condition de tension douleureuse marquait ces artistes de la modernité

avec le sentiment de l’extranéité: pour Virginia il y aura toujours la lutte contre certains fantômes

qui se traduira avec des crises et une insatisfaction très forte, pour Else il y aura toujours la

recherche d’une patrie du coeur à laquelle appartenir, mais elle comprendra que cette patrie n’existe

pas et pour Benedetta une continuelle recherche à se rapporter avec une société où elle est en

èquilibre entre une acceptation passive et une lutte active contre certaines règles.

Le fait que les femmes qui ont commencé à pouvoir s’exprimer à travers l’art ont toujours parlé

d’elles-mêmes et de leur intériorité est confirmé dans ce cas par le fait que même si elles sont à la

recherche d’une nouvelle forme, l’objet de leur narrations est surtout le fait de se raconter et de

raconter leur vie et leur passé.

Et jamais comment dans cette période l’art a cherché de répondre, avec la voix forte, directe et

originelle de ces artistes à la question éternelle qui se trouve de manière plus ou moins directe à

l’intérieur de toutes ces oeuvres:

What is the meaning of life? That was all –a simple question; one that tended to close in on one with years.The

great revelation perhaps never did come. Instead there were little daily miracles, illuminations, matches struck

unexpectedly in the dark; here was one28.

28 V. WOOLF, op. cit., 1994, p. 156.

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