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525 curriculum Forum Med Suisse 2012;12(26):525–529 Interprétation des explorations fonctionnelles respiratoires Antoine Pasche, Jean-William Fitting Service de pneumologie, département de médecine, CHUV, Lausanne Introduction Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) usuelles se composent de trois examens standards: la spi- rométrie, la mesure des volumes pulmonaires et la me- sure de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO). La spirométrie est considérée comme le meil- leur test de caractérisation de la santé respiratoire d’un patient. Simple et rapide de réalisation, elle est prati- cable au cabinet du généraliste [1]. Les mesures des volumes pulmonaires et de la DLCO pourront, dans certaines conditions, compléter la spirométrie. Ces deux examens sont disponibles au cabinet du pneumologue. Cet article est largement inspiré des recommandations ATS/ERS 2005 des sociétés américaine et européenne de pneumologie [2–6]. Son objectif est d’offrir au médecin non-pneumologue une interprétation simple et systéma- tique des EFR. Un résumé pratique (tab. 1 p) et un algo- rithme d’interprétation (fig. 1 x) sont également pro- posés. Indications, contre-indications, préparation du patient, valeurs de référence Les indications à la réalisation des EFR sont nombreuses. A visée diagnostique, elles permettent d’évaluer la fonc- tion respiratoire en présence de symptômes et de signes respiratoires, d’anomalies gazométriques ou radio- logiques. Elles permettent également de mesurer l’effet d’une pathologie sur la fonction respiratoire, de dépister des individus à risque de maladie respiratoire ou encore d’estimer un risque opératoire. Les EFR ont également un intérêt dans la surveillance d’une maladie respira- toire en évaluant l’effet d’une intervention thérapeutique, en décrivant l’évolution d’une maladie ou en détectant des effets secondaires de médicaments. Finalement, elles sont utiles dans l’évaluation d’une invalidité ou encore dans des enquêtes épidémiologiques de santé publique. Une revue récente propose une mise à jour des contre- indications aux EFR [7]. En raison de complications cardio-vasculaires ou respiratoires possibles, on ne de- vrait pas les réaliser en cas de cardiopathie instable (in- farctus du myocarde, angor), d’anévrisme aortique ou d’embolie pulmonaire. On s’abstient de les effectuer dans les trois semaines après une chirurgie thoracique, abdo- minale ou cérébrale par crainte de complication locale. Finalement, certaines conditions comme des douleurs thoraciques, abdominales, faciales ou encore un état confusionnel rendront le résultat sous-optimal et de- vraient être corrigées avant la réalisation des EFR. Si les EFR sont à but diagnostique, le patient doit inter- rompre ses bronchodilatateurs en fonction de la pharma- cocinétique du médicament. En règle générale, les bron- chodilatateurs de courte durée d’action sont interrompus 6 heures avant l’examen et ceux de longue durée, 12 ou 24 heures avant. La théophylline ne doit pas être admi- nistrée pendant les 24 heures précédant le test. S’il s’agit par contre d’un examen de suivi d’une maladie pulmo- naire, les bronchodilatateurs sont poursuivis. Dans les heures précédent le test, le patient ne doit pas fumer, manger ou se livrer à une activité physique. Les EFR commencent par la récolte des données démogra- phiques, qui permettent de calculer les valeurs de ré- férence. En pratique, ces valeurs sont données par un logiciel utilisant des équations de référence issues d’études sur des populations en bonne santé. Elles prennent en considération des paramètres anthropomé- triques, tels que le sexe, l’âge et la taille. Il existe égale- ment des variations interethniques. Une valeur est consi- dérée comme anormale si elle est inférieure au 5 e per- centile de la distribution de la population de référence. Actuellement en Europe, les valeurs publiées par la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) sont celles communément admises et utilisées pour les adultes [8]. Spirométrie La spirométrie est une mesure physiologique de la façon dont un individu inspire ou expire des volumes d’air au Quintessence P La spirométrie, facile d’usage au cabinet du généraliste, renseigne lors de pathologies obstructives telles que la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l’asthme. Elle permet de poser le diagnostic de trouble ventilatoire obstructif, de quantifier sa sévérité et d’évaluer sa réversibilité. P Les mesures des volumes pulmonaires et la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) peuvent dans certaines situations compléter la spirométrie. P La mesure des volumes pulmonaires permet de poser le diagnostic de trouble ventilatoire restrictif, de distension pulmonaire ou de piégeage gazeux. P La mesure de la DLCO reflète l’état de la microcirculation pulmonaire et permet d’évaluer le trouble de l’échange gazeux induit par une patho- logie obstructive, restrictive, ou vasculaire pulmonaire. Antoine Pasche Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.

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Forum Med Suisse 2012;12(26):525–529

Interprétation des explorations fonctionnelles respiratoiresAntoine Pasche, Jean-William FittingService de pneumologie, département de médecine, CHUV, Lausanne

Introduction

Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) usuelles se composent de trois examens standards: la spi-rométrie, la mesure des volumes pulmonaires et la me-sure de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO). La spirométrie est considérée comme le meil-leur test de caractérisation de la santé respiratoire d’un patient. Simple et rapide de réalisation, elle est prati-cable au cabinet du généraliste [1]. Les mesures des volumes pulmonaires et de la DLCO pourront, dans certaines conditions, compléter la spirométrie. Ces deux examens sont disponibles au cabinet du pneumologue. Cet article est largement inspiré des recommandations ATS/ERS 2005 des sociétés américaine et européenne de pneumologie [2–6]. Son objectif est d’offrir au médecin non-pneumologue une interprétation simple et systéma-tique des EFR. Un résumé pratique (tab. 1 p) et un algo-rithme d’interprétation (fig. 1 x) sont également pro-posés.

Indications, contre-indications, préparation du patient, valeurs de référence

Les indications à la réalisation des EFR sont nombreuses. A visée diagnostique, elles permettent d’évaluer la fonc-tion respiratoire en présence de symptômes et de signes respiratoires, d’anomalies gazométriques ou radio-logiques. Elles permettent également de mesurer l’effet d’une pathologie sur la fonction respiratoire, de dépister

des individus à risque de maladie respiratoire ou encore d’estimer un risque opératoire. Les EFR ont également un intérêt dans la surveillance d’une maladie respira-toire en évaluant l’effet d’une intervention thérapeutique, en décrivant l’évolution d’une maladie ou en détectant des effets secondaires de médicaments. Finalement, elles sont utiles dans l’évaluation d’une invalidité ou encore dans des enquêtes épidémiologiques de santé publique.Une revue récente propose une mise à jour des contre-indications aux EFR [7]. En raison de complications cardio-vasculaires ou respiratoires possibles, on ne de-vrait pas les réaliser en cas de cardiopathie instable (in-farctus du myocarde, angor), d’anévrisme aortique ou d’embolie pulmonaire. On s’abstient de les effectuer dans les trois semaines après une chirurgie thoracique, abdo-minale ou cérébrale par crainte de complication locale. Finalement, certaines conditions comme des douleurs thoraciques, abdominales, faciales ou encore un état confusionnel rendront le résultat sous-optimal et de-vraient être corrigées avant la réalisation des EFR. Si les EFR sont à but diagnostique, le patient doit inter-rompre ses bronchodilatateurs en fonction de la pharma-cocinétique du médicament. En règle générale, les bron-chodilatateurs de courte durée d’action sont interrompus 6 heures avant l’examen et ceux de longue durée, 12 ou 24 heures avant. La théophylline ne doit pas être admi-nistrée pendant les 24 heures précédant le test. S’il s’agit par contre d’un examen de suivi d’une maladie pulmo-naire, les bronchodilatateurs sont poursuivis.Dans les heures précédent le test, le patient ne doit pas fumer, manger ou se livrer à une activité physique. Les EFR commencent par la récolte des données démogra-phiques, qui permettent de calculer les valeurs de ré-férence. En pratique, ces valeurs sont données par un logiciel utilisant des équations de référence issues d’études sur des populations en bonne santé. Elles prennent en considération des paramètres anthropomé-triques, tels que le sexe, l’âge et la taille. Il existe égale-ment des variations interethniques. Une valeur est consi-dérée comme anormale si elle est inférieure au 5e per- centile de la distribution de la population de référence. Actuellement en Europe, les valeurs publiées par la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) sont celles communément admises et utilisées pour les adultes [8].

Spirométrie

La spirométrie est une mesure physiologique de la façon dont un individu inspire ou expire des volumes d’air au

Quintessence

P La spirométrie, facile d’usage au cabinet du généraliste, renseigne lors de pathologies obstructives telles que la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l’asthme. Elle permet de poser le diagnostic de trouble ventilatoire obstructif, de quantifier sa sévérité et d’évaluer sa réversibilité.

P Les mesures des volumes pulmonaires et la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) peuvent dans certaines situations compléter la spirométrie.

P La mesure des volumes pulmonaires permet de poser le diagnostic de trouble ventilatoire restrictif, de distension pulmonaire ou de piégeage gazeux.

P La mesure de la DLCO reflète l’état de la microcirculation pulmonaire et permet d’évaluer le trouble de l’échange gazeux induit par une patho-logie obstructive, restrictive, ou vasculaire pulmonaire.

Antoine Pasche

Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article.

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Tableau 1Interprétation des explorations fonctionnelles respiratoires.

a. Volumes

Syndrome restrictif CPT <5e percentile (ou <80% valeur prédite)

Piégeage gazeux VR/CPT >95e percentile (ou >130% valeur prédite)

Distension pulmonaire CRF >95e percentile (ou >130% valeur prédite) (sauf en cas de grands volumes harmonieux)

b. Spirométrie

Syndrome obstructif VEMS/CV ou VEMS/CVF <5e percentile

Test de bronchodilatation Réversibilité significative: D VEMS ou CVF >12% et 200 ml par rapport à la valeur de base

Degré du trouble ventilatoire (obstructif et/ou restrictif)

VEMS (% de valeur prédite)

Léger >70

Moyen 60–69

Moyennement sévère 50–59

Sévère 35–49

Très sévère <35

Classification de la BPCO selon GOLD (valeurs post-bronchodilatateur)

Stade I VEMS/CVF <70%, VEMS >80% valeur prédite

Stade II VEMS/CVF <70%, VEMS 50–79% valeur prédite

Stade III VEMS/CVF <70%, VEMS 30–49% valeur prédite

Stade IV VEMS/CVF <70%, VEMS <30% valeur prédite

c. Capacité de diffusion

DLCO normale: 75–125% valeur prédite Trouble de la diffusion DLCO (% valeur prédite)

Léger 61–74

Moyen 40–60

Sévère <40

CPT: capacité pulmonaire totale, VR: volume résiduel, CRF: capacité résiduelle fonctionnelle, VEMS: volume expiré maximal en 1 seconde, CV: capacité vitale, CVF: capacité vitale forcée, BPCO: broncho-pneumopathie chronique obstructive, GOLD: Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease, DLCO: capacité de diffusion du monoxyde de carbone.

Figure 1Algorithme d’interprétation des fonctions pulmonaires, VEMS: volume expiré maximal en 1 seconde, CV(F): capacité vitale (forcée), CPT: capacité pulmonaire totale, KCO: coefficient de diffusion du CO, VP: valeur prédite.

VEMS/CV(F)<5e percentile

non

CV(F) <5e percentile ou <80% VP

CV(F) <5e percentile ou <80% VP

syndrome obstructif

oui

non

non

VR/CPT >95e percentile

non

non

nonnonnon

oui oui

ouiouioui

CPT <5e percentile ou <80% VP

CPT <5e percentile ou <80% VP

spirométrie normale

normal maladies pulmonaires vasculaires

maladies restrictives extra- pulmonaires

Pneumopathies interstitielles

Asthme BPCO

syndrome restrictif

Piégeage gazeux

syndrome mixte

syndrome obstructif pur

KCOKCOKCO

oui oui

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cours du temps. Elle permet d’évaluer la santé respira-toire d’un patient mais ne fournit pas un diagnostic étio-logique à elle seule. Son apport principal est de détecter et de quantifier un trouble ventilatoire obstructif.La spirométrie détermine:Au cours d’une expiration forcée: – le Volume Expiré Maximal en une Seconde (VEMS,

ou en anglais FEV1);– la capacité vitale forcée (CVF, ou FVC);– le débit expiratoire de pointe (DEP, ou PEF);– le débit expiratoire maximal entre 25 et 75% de la

CVF (DEM25–75, ou FEF25–75).

Au cours d’une expiration lente: – la Capacité Vitale (CV, ou VC).

Physiologiquement, la CV et la CVF sont équivalentes. La spirométrie peut donc se limiter à la manœuvre de l’expiration forcée. Cependant, en présence d’un trouble ventilatoire obstructif, la CVF peut être abaissée par rapport à la CV, d’où l’utilité de réaliser en plus une manœuvre lente. La spirométrie permet de poser le diagnostic de trouble ventilatoire obstructif si le rapport VEMS/CV (rapport de Tiffeneau) ou VEMS/CVF est diminué. Elle permet d’éva-luer la sévérité d’un trouble respiratoire selon la valeur du VEMS. Finalement, elle peut aussi, en cas de dimi-nution harmonieuse du VEMS et de la CV(F), faire sus-pecter un trouble ventilatoire restrictif ou un piégeage gazeux.Graphiquement, la spirométrie est représentée par la courbe débit-volume. La morphologie de cette courbe est utile à la bonne interprétation de la spirométrie puisqu’elle renseigne sur la qualité du test et peut éga-lement montrer des images typiques de troubles fonc-tionnels particuliers (fig. 2 x).Le test de bronchodilatation est utile en cas de trouble ventilatoire obstructif afin d’évaluer son degré de réver-sibilité. Il se pratique de la manière suivante: spirométrie

avec expiration forcée, inhalation d’un bronchodilata-teur (par ex. salbutamol, Ventolin® 400 µg par aérosol- doseur avec chambre d’inhalation), pause de 15 minutes, spirométrie avec expiration forcée. Le test de réversibi-lité est considéré comme positif si le VEMS et/ou la CVF augmente de >12% et >200 ml après bronchodila-tateur.

Interprétation de la spirométrie (tab. 1b)

Trouble ventilatoire obstructif (syndrome obstructif)Le trouble ventilatoire obstructif est une réduction dis-proportionnée du débit expiratoire maximal par rapport au volume maximal (CV) qui peut être mobilisé [6]. Le calibre des voies aériennes est diminué lors de l’expira-tion forcée, résultant en une diminution du rapport VEMS/CV. Le critère diagnostique pour le trouble venti-latoire obstructif proposé par l’ATS/ERS est un rapport VEMS/CV <5e percentile de la valeur prédite. Selon cette recommandation, il convient donc de réaliser une expiration forcée pour obtenir le VEMS et une expiration lente pour la CV. Dans le cas où le spiromètre ne four-nit pas la limite du 5e percentile, on peut recourir au critère suivant si les équations de Quanjer sont utilisées [8]: VEMS/CV <(VEMS/CV prédit – 11%) pour la femme ou VEMS/CV <(VEMS/CV prédit – 12%) pour l’homme.Le trouble ventilatoire obstructif peut aussi être diagnos-tiqué sur la base d’un abaissement du rapport VEMS/CVF, en n’utilisant que la manœuvre d’expiration for-cée.

Sévérité du trouble ventilatoireLe degré de sévérité d’un trouble ventilatoire s’apprécie principalement par la valeur du VEMS, exprimé en pour-centage de sa valeur de référence. Le consensus ATS/ERS propose les critères généraux du tableau 1b comme degré de sévérité de toutes les anomalies, qu’elles soient obstructive, restrictive ou mixte [6] .

b)

EXPIRATION

INSPIRATION

volume

débit

a) c)

Figure 2Exemples de courbes débit-volume pathologique: en noir: courbe normale, en rouge: a) asthme, b) emphysème, c) syndrome restrictif.

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Broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO)L’initiative GOLD (Global Initiative for Chronic Obstruc-tive Lung Disease) [9] propose un critère unique pour diagnostiquer le trouble ventilatoire obstructif dans le cadre de la BPCO: un rapport VEMS/CVF <0,7, mesuré après bronchodilatateur afin d’écarter les cas d’asthme. Cette définition a l’avantage de la simplicité, ne néces-sitant que la manœuvre d’expiration forcée et étant in-dépendante des équations de prédiction. Toutefois, elle surestime la prévalence du trouble ventilatoire obstruc-tif chez la personne de plus de 50 ans. Sur le plan pra-tique, il paraît raisonnable de ne retenir le diagnostic de BPCO qu’en présence de symptômes associés à un rap-port VEMS/CVF abaissé.L’initiative GOLD propose de classer la sévérité de la BPCO selon le VEMS post-bronchodilatateur (tab. 1b).

Débit expiratoire de pointe

Le débit expiratoire de pointe (DEP), ou peak expiratory flow (PEF) en anglais, représente le débit maximal expiré lors d’une expiration forcée. Lorsqu’il est mesuré dans le cadre d’une spirométrie, le DEP est exprimé en litres par seconde (l/s). Le DEP peut aussi être mesuré isolé-ment au moyen d’un débitmètre de pointe, instrument portable et peu coûteux. Dans ce cas, le DEP est exprimé en litres par minute (l/min).La mesure du DEP est utile dans la prise en charge de l’asthme, où il apporte un renseignement objectif sur le contrôle de la maladie. Pratiquement, on l’utilise chez les patients ayant des difficultés à percevoir leurs symp-tômes, ceux présentant un asthme modéré à sévère ou ceux ayant déclaré des exacerbations sévères dans le passé. Dans ces situations, le patient pourra adapter son traitement en fonction de la variation du DEP par rap-port à sa meilleure valeur de base [10].Dans la BPCO, lors de l’expiration forcée, on assiste à un collapsus des voies respiratoires et à un effondrement des débits qui suivent le DEP. Ce phénomène sous-éva-lue la gravité de l’obstruction mesurée parle DEP par rapport au VEMS. Si un DEP normal exclut une BPCO significative, la spirométrie reste le seul test acceptable tant pour le diagnostic que le suivi [11].

Volumes pulmonaires

Alors que la spirométrie mesure le volume d’air mobi-lisable entre inspiration complète et expiration complète, la mesure des volumes pulmonaires totaux requiert d’autres techniques. Les volumes pulmonaires peuvent être mesurés par la pléthysmographie corporelle ou par la méthode de dilution des gaz. Cette dernière méthode entraîne une sous-estimation des volumes en présence de troubles de distribution de la ventilation liés à un trouble ventilatoire obstructif. Pour cette raison, la plé-thysmographie corporelle représente actuellement la méthode de référence. La mesure des volumes pulmonaires est en particulier indiquée en présence d’un abaissement de la capacité

vitale à la spirométrie. Une capacité vitale basse peut relever d’un trouble ventilatoire restrictif ou d’un pié-geage gazeux.

Interprétation des volumes pulmonaires (tab. 1a)

Trouble ventilatoire restrictif (syndrome restrictif)Le trouble ventilatoire restrictif est défini par une diminu-tion de la capacité pulmonaire totale. La capacité vitale n’apporte pas à elle seule la preuve d’une restriction. Le critère diagnostique pour le trouble ventilatoire restrictif proposé par l’ATS/ERS est le suivant: CPT <5e per-centile de la valeur prédite. En l’absence de valeurs de percen tiles, une valeur <80% de la CPT prédite peut être considérée comme témoignant d’un trouble ventilatoire restrictif.Un trouble ventilatoire restrictif peut relever d’une pa-thologie pulmonaire (par ex. pneumopathie interstitielle, séquelles post-infectieuses, résection pulmonaire) ou ex-tra-pulmonaire (par ex. pleurale, squelettique, muscu-laire, obésité).

Trouble ventilatoire mixteLe trouble ventilatoire mixte est défini par l’existence concomitante d’un trouble ventilatoire obstructif et res-trictif: VEMS/CV <5e percentile de la valeur prédite et CPT <5e percentile de la valeur prédite.

Piégeage gazeuxLe piégeage gazeux (air trapping) est défini par une augmentation du volume résiduel par rapport à la ca-pacité pulmonaire totale: VR/CPT >95e percentile (ou >130% de la valeur prédite). Le piégeage gazeux est le plus souvent observé dans le cadre d’un trouble venti-latoire obstructif, mais peut aussi refléter une faiblesse musculaire expiratoire dans le cadre d’une affection neuromusculaire.

DistensionLa distension pulmonaire (lung hyperinflation) est définie par une augmentation de la capacité résiduelle fonction-nelle: CRF >95e percentile ou (>130% de la valeur pré-dite). A noter qu’en présence de grands volumes har-monieux, la CRF est augmentée autant que la CV: on ne parlera alors pas de distension. La distension pulmo-naire est associée au trouble ventilatoire obstructif, en particulier à l’emphysème pulmonaire.

Capacité de diffusion

La capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO), appelée aussi facteur de transfert du CO (TLCO), repré-sente la capacité des poumons à transférer les gaz de l’air alvéolaire aux globules rouges dans les capillaires pul-monaires. La DLCO représente ainsi une fenêtre sur la microcirculation pulmonaire et reflète la surface de pou-mon disponible pour les échanges gazeux. La méthode habituelle de mesure est celle de la DLCO en apnée. Après une expiration complète, le sujet effectue

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une inspiration rapide et complète d’un mélange d’air contenant une faible fraction de CO et d’un gaz inerte (hélium ou méthane). Après une apnée de 10 secondes, il expire lentement et la fraction de CO et de gaz inerte est mesurée dans l’air exhalé. De là sont calculés: le coefficient de diffusion du CO (KCO), qui exprime le taux de transfert du CO dans le sang capillaire et le volume alvéolaire (VA), qui exprime le volume de distribution du CO au cours de la manœuvre. La capacité de diffusion est calculée comme le produit de ces deux mesures: DLCO = KCO x VA. Plusieurs facteurs influencent la valeur de la DLCO. Le taux d’hémoglobine: le CO se fixe sur l’hémoglobine, ainsi la DLCO augmente en cas de polyglobulie et diminue en cas d’anémie. Il convient donc toujours de corriger la DLCO en fonction du taux d’hémoglobine: c’est la DLCO corrigée. Le taux de carboxyhémoglobine: toute augmen-tation de [HbCO] (tabagisme, intoxication au CO) dimi-nue la DLCO. Le sujet doit s’abstenir de fumer dans les 24 heures précédents le test. L’altitude: l’oxygène et le CO sont en compétition pour se fixer sur l’hémoglobine. En altitude, la baisse de la fraction inspirée d’oxygène entraîne une augmentation de la DLCO. L’exercice phy-sique: toute augmentation du débit cardiaque entraîne une augmentation du volume capillaire pulmonaire, donc de l’hémoglobine disponible, et par conséquent de la DLCO. Le sujet ne doit pas avoir fourni un effort physique avant la mesure de la DLCO.

Interprétation de la DLCO (tab. 1c)

La mesure de la DLCO est indiquée pour préciser le type et la gravité d’une atteinte restrictive ou obstructive, ainsi qu’en cas de suspicion de maladie vasculaire pul-monaire. Elle est particulièrement utile dans le suivi des

pneumopathies interstitielles ainsi que dans l’évalua-tion fonctionnelle précédant une résection pulmonaire. Dans l’interprétation de la DLCO, il est utile d’examiner également ses composantes: le coefficient de diffusion (KCO) et le volume alvéolaire (VA). Le tableau 2 p ré-sume les principaux profils pathologiques de la DLCO.

Conclusion

Les EFR constituent un outil indispensable à l’évalua-tion pulmonaire des patients présentant une sympto-matologie respiratoire et dans le suivi d’une maladie pulmonaire. Grâce à la spirométrie, le médecin généra-liste peut mettre en évidence un trouble ventilatoire obs-tructif et assurer le suivi d’une BPCO ou d’un asthme. Il référera le patient au pneumologue pour poursuivre les investigations par des mesures des volumes pulmonaires afin de poser un diagnostic de syndrome restrictif ou pour réaliser une mesure de la capacité de diffusion afin d’évaluer la microcirculation pulmonaire.

Correspondance:Dr Antoine PascheService de pneumologieDépartement de médecineCHUVCH-1011 Lausanneantoine.pasche[at]chuv.ch

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10 Expert Panel Report 3_ Guidelines for the Diagnosis and Manage-ment of Asthma--Summary Report 2007. National Asthma Educa-tion Prevention Program Expert Panel Report 3. 2008;1–74.

11 Quanjer PH, Lebowitz MD, Gregg I, Miller MR, Pedersen OF. Peak expiratory flow: conclusions and recommendations of a Working Party of the European Respiratory Society. Eur Respir J 1997;24(Suppl.): 2S–8S.

Tableau 2 Principaux profils pathologiques de la capacité de diffusion.

Condition VA KCO DLCO Exemples

Expansion incomplète ØØØ ≠≠ Ø Affections pleurale, squelettique, neuro-musculaire, obésité

Perte localisée d’unité ØØØ ≠ ØØ Résection, atéléctasie

Perte diffuse d’unité ØØ Ø ØØØ Fibrose

Emphysème Ø ØØ ØØØ BPCO

Maladie vasculaire pulmonaire

Normal ØØ ØØ HTAP, maladie thrombo-embolique chronique, vasculite, drépanocytose, syndrome hépato-pulmonaire

Haut débit sanguin Normal ≠ ≠ Haut débit cardiaque, shunt gauche-droite

Hémorragie alvéolaire

Ø ≠≠≠ ≠≠ Maladie anti-GBM, vasculite pulmonaire, LED

VA: volume alvéolaire, KCO: coefficient de diffusion du CO, DLCO: capacité de diffusion du monoxyde de carbone.