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Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE :dialoguEs sans frontièrEs

Ecole Nationale d’Administration - Paris17 novemBre 2004

actes du colloque

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SOMMAIRE

1 IntroductIon 4

La nouveLLe gouvernance de L’etat et L’évoLutIon des dIsposItIfs de contrôLe 5André BARILARI

des InspectIons renouveLées pour un management pubLIc performant et des poLItIques pubLIques effIcaces 11

Le contrôLe interne à La commission européenne 11Anthony WRIGHT

L’expérience de La démarche européenne du common assessment framework 16Patrick STAES

QueL nouveau rôLe pour Les corps de contrôLe avec La mise en œuvre de La LoLf ? 20Daniel LIMODIN

comment atteindre Les objectifs de modernisation du management pubLic vouLus par Le parLement ? 23Gilles CARREZ

Table ronde

La modernisation du management pubLic est-eLLe bien engagée ? 26 Pierre VERKAEREN 26Michael WHITEHOUSE 32Jean-François BENARD 35

u débaT 36

mobILIser une expertIse de quaLIté pour un meILLeur management pubLIc 37

forces et faibLesses du contrôLe des performances pour faire progresser La QuaLité du management pubLic 37Odile SALLARD

QueL partenariat entre L’etat et Les coLLectivités territoriaLes pour capitaLiser L’expertise et Les métiers du cadre de vie ? 42André ROSSINOT

aLLocution 45Gilles de ROBIEN

Table ronde L’etat doit-iL être expert et Le peut-iL ? sur QueLLe forme d’expertise interne et externe Le gouvernement doit-iL pouvoir s’appuyer ? 48

Heinz Jörg BORKENSTEIN 48Alain BOUVIER 54Gérard MASSIN 55Claude GRESSIER 56

u débaT 57

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comment faIre vIvre La compétence d’expertIse et de contrôLe au seIn des servIces de L’etat ? 58

L’inspection espagnoLe spéciaLisée dans Les infrastructures : QueL type de contrôLe des gestionnaires déLégués ? 58Fernando ROJAS URTASUN

comment contrôLer L’efficience des choix et modes opératoires des marchés de travaux pubLics ? 62Alfonso Maria ROSSI BRIGANTE

QueL profiL pour Les experts et Les réguLateurs de demain ? QueL recrutement et QueLLe aLternance des carrières ? 65Jean-Pierre GIBLIN

Table ronde

faut-iL spéciaLiser Les métiers de L’inspection ? comment organiser La fertiLisation croisée des expériences techniQues et opérationneLLes ? comment tenir compte des nouveLLes répartitions de compétences entre etat et coLLectivités territoriaLes ? 68

Giuseppe RICCERI 68Paul VIALLE 70Jean-Pierre DUPORT 71

u débaT 72

queLLes autorItés technIques pour Le servIce des habItants et La protectIon des consommateurs et du cadre de vIe ? 74

QueLLe expertise L’agence française de sécurité sanitaire des aLiments mobiLise-t-eLLe pour exercer son rôLe ? 74Paul VIALLE

sur QueLs indicateurs L’agence pour Le contrôLe et La QuaLité des services pubLics Locaux de La viLLe de rome s’appuie-t-eLLe pour apprécier Le service rendu ? 77Federico COLOSI

QueL apport du conseiL généraL des ponts et chaussées de demain sur Les deux thèmes de L’expertise et du contrôLe ? 85Claude MARTINAND

cLôture du coLLoque 87Jean-Paul DELEVOYE

bIographIes des Intervenants 92

sommaire

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IntroductIon

Pour la mise en œuvre des politiques publiques, l’Etat doit désormais identifier plus clairement ses missions, leurs objectifs et les indicateurs permettant d’en apprécier les résultats. Cette évolution renforce l’intérêt des métiers d’expertise, de contrôle et d’évaluation d’autorités techniques et morales telles que, parmi d’autres, le Conseil Général des Ponts et Chaussées. Elle impose, dans le contexte général de la modernisation du système public, une plus grande ouverture interministérielle et internationale. Méthodes d’inspection et d’audit, mobilisation des expertises au service des projets de l’Etat et des attentes des citoyens, évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques dans un contexte européen et décentralisé ont été au cœur des débats de la journée avec des intervenants de qualité.

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La nouveLLe gouvernance de L’etat et L’évoLutIon des dIsposItIfs

de contrôLe

AndréBARILARI, inspecteur général des Finances, président du comité interministériel d’audit des programmes

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances est un des déterminants majeurs de la réforme de l’Etat. Son impact sur le système de contrôle des finances publiques et des politiques publiques est important et multiple :

• elle rééquilibre les contrôles a priori et a posteriori,• elle crée des types nouveaux de contrôles,• elle ouvre des problématiques nouvelles pour l’évaluation des politiques

publiques.

Tous ces éléments doivent conduire les corps de contrôle interne à s’interroger sur l’évolution de leur positionnement et l’adaptation de leurs compétences aux nouvelles exigences.

La journée sur l’expertise et le contrôle organisée par le conseil général des ponts et chaussées dans le cadre de son bicentenaire vient à point pour échanger les réflexions sur ces thèmes, explorer ces évolutions, en déterminer les logiques et les lignes de force afin de permettre aux différents corps et institutions de contrôle de la sphère publique de s’y préparer, de s’y adapter et de les prendre en charge.Cette réflexion doit se dérouler « sans frontières » car l’expérience de nos collègues des pays comparables (Anglais, Belges, Italiens, Allemands) et des institutions communautaires nous est précieuse, mais aussi « sans œillères » c’est à dire en dépassant les points de vue institutionnels pour toujours se ressourcer par rapport aux besoins de notre véritable client et actionnaire : le citoyen.Je voudrais en effet préciser en préambule deux éléments qu’il ne faut en effet jamais perdre de vue dans nos analyses. Notre finalité et notre spécificité.La finalité, c’est la démocratie. L’action publique doit faire l’objet d’un contrôle

particulier afin, non seulement de prévenir ou sanctionner les détournements à des fins privées ou étrangères à l’intérêt général, mais aussi de garantir qu’elle s’exerce conformément aux décisions prises par les instances légitimes qui expriment la souveraineté des citoyens. La démocratie exige, plus que tout autre régime, contrôle et transparence dans le domaine des finances publiques.Le citoyen1 ne supporte les prélèvements publics que s’il a la garantie que les fonds qui sont soustraits à sa décision (le prélèvement public transfère les choix de dépenses de la sphère privée à la sphère publique) sont utilisés de manière transparente, conforme aux règles de droit et aux décisions des assemblées délibérantes qui adoptent les budgets.

Le contrôle des finances publiques est la mise en œuvre de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, dans son article XIV, indique :« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Et cet article doit se lire avec le suivant : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

La spécificité c’est celle des critères d’évaluation. Pour un particulier ou une entreprise, les critères de bonne gestion financière sont simples, il s’agit de maximiser le profit qui revient à l’investisseur, en développant les recettes et en minimisant les coûts. Le marché se charge d’arbitrer entre les bonnes et les mauvaises stratégies. Dans le domaine des finances publiques, on peut certes stigmatiser certains gaspillages, comparer la productivité et l’efficience de certains services avec des références dans le secteur privé, mais pour véritablement apprécier l’efficacité de la dépense, il faut formuler de manière précise les objectifs des politiques publiques et mesurer les résultats par rapport à eux.

Une fois posé ce cap général, je voudrais, avant d’esquisser ce qui me paraissent être les lignes de force des évolutions, définir une typologie des contrôles qui nous servira de cadre conceptuel.

� «Leconsentementàl’impôt»AndréBarilari,Labibliothèqueducitoyen,pressesdesciencespo2000.

2 2la nouvelle gouvernance de l’etat et l’évolution des disPositifs de contrôle

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I.Lecadreconceptuel,latypologiedescontrôles

L’origine étymologique du mot « contrôle » est claire, il est formé de « contre » et de « rôle ». Le rôle est un registre, le premier contrôle est donc de tenir le registre en double, l’un servant à vérifier l’autre. Vérifier, c’est reconnaître une chose pour vraie (ou fausse), c’est rechercher la vérité. Cela nécessite un point de vue extérieur qui est bien marqué par la vocable « d’inspection », comme « l’action de regarder ».Le contrôle est donc l’action de regarder afin de rechercher la vérité2et il ne peut être mené que de l’extérieur par rapport à son champ. Mais sous l’influence de l’Anglais, « control », le mot a le sens de « maîtrise » qui signifie pouvoir déclencher, moduler, arrêter, régler un processus que l’on a sous sa surveillance. Dans les pays anglo-saxons, c’est le terme « audit » qui a le sens de contrôle. Si l’on attache de l’importance à l’étymologie, l’audit fait appel principalement au sens auditif, il faudrait réserver ce terme aux enquêtes qui sont effectuées en procédant à l’audition, à l’écoute des acteurs. Il s’agirait donc simplement d’une des techniques de diagnostic. L’usage de ce mot s’étant cependant répandu en France, nous l’utiliserons dans le sens de technique de contrôle. Son utilisation est même souvent préférée au terme contrôle qui de ce fait a désormais une connotation plus restreinte qui l’enferme dans les finalités de recherche d’irrégularités (contrôle fiscal) alors que l’audit est désormais compris comme la mise en œuvre de techniques diverses permettant de porter un diagnostic plus global et d’élaborer des propositions visant à améliorer l’efficacité et l’efficience.Le contrôle des finances publiques peut être entendu dans ces deux sens : la vérification et la maîtrise. Mais la meilleure manière de clarifier les concepts dans ce domaine paraît être de les différencier par rapport aux objectifs poursuivis. Quatre finalités principales sont concevables :

• vérifier qu’un produit ou un processus est conforme à des règles, il s’agit des contrôles de régularité ;

• certifier qu’un organisme ou un processus répond à certains critères de qualité, il s’agit des contrôles de qualité ou de sincérité ;

• contrôler qu’une unité ou un ensemble d’unités réalise les objectifs qui lui ont été fixés avec efficacité et efficience : il s’agit de contrôles de la réalisation des résultats que l’on peut nommer « contrôles de gestion » ;

2 Undespremiersemploisduterme«inspection»estdeSaintAugustindontl’«inspectorcordis»,celuiquiregardedanslescœurs,nepeutêtrequeDieu.

• évaluer la pertinence des objectifs, l’ampleur et l’adaptation des moyens employés par rapport à une finalité recherchée : il s’agit d’évaluer la pertinence et l’impact d’une politique publique.

Les quatre modes d’intervention ainsi définis ne sont pas sans liens et interférences les uns avec les autres : des objectifs de qualité ou de régularité peuvent être intégrés dans les résultats à atteindre, l’évaluation d’une politique pourra s’appuyer sur l’analyse des écarts entre les objectifs et les résultats.Malgré ces interférences, il est proposé de garder cette typologie qui paraît plus clarificatrice que celle qui serait fondée sur les acteurs, les outils ou le positionnement de ces contrôles. Les acteurs peuvent en effet être polyvalents et réaliser, consciemment ou inconsciemment, concomitamment ou successivement, plusieurs types de contrôle. De même, une différenciation par les outils est moins pertinente car de nombreux outils peuvent être communs : indicateurs, enquête. Enfin, le contrôle est toujours externe par rapport au contrôlé mais interne par rapport à l’autorité qui le commandite…Nous garderons cependant la distinction a priori et a posteriori comme déterminant second dans cette analyse.

II.Parrapportàcettegrilled’analyse,quellessont donclesévolutionsintroduitesparlaLOLF?

La nouvelle gouvernance financière impacte l’ensemble du système de contrôle et :

• oblige à repositionner les contrôles de régularité ;• crée des dispositifs de certification ;• donne un sens au contrôle de gestion ;• crée les bases d’un meilleur système d’évaluation des politiques

publiques.

le reposiTionnemenT des conTrôles de régulariTé

Les contrôles de régularité interviennent soit a priori soit a posteriori.a)lescontrôlesa priori(qui sont des contrôles effectués uniquement par rapport à un référentiel de règles)Il convient de distinguer les contrôles financiers et les contrôles comptables.

Les contrôles exercés par le contrôleur financier, qui sont en substance des contrôles de conformité par rapport à l’autorisation budgétaire, doivent substantiellement évoluer dans la mesure ou le cadre de l’autorisation budgétaire

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est profondément modifié. Il n’y a plus lieu d’exercer un contrôle sur la nature des dépenses, sauf concernant le plafond des dépenses de personnel par programmes et le plafond des emplois par ministère et ne subsiste que la nécessité d’un contrôle des engagements de façon à ne pas permettre au responsable de programme de dépasser l’enveloppe limitative des crédits du programme. Ainsi, si le principe du contrôle financier subsiste (exigence démocratique), ses modalités seront considérablement allégées, de ce fait, plus besoin d’une institution dédiée pour l’exercer, il devient une procédure mise en œuvre par « l’interlocuteur financier unique ».

Les contrôles comptables, pour lesquels la réflexion a été engagée, notamment par la DGCP qui fait évoluer les contrôles de payeur et de caissier avec les concepts de contrôle hiérarchisé (sélectifs en fonction des enjeux) d’une part et partenariaux d’autre part (c’est à dire portant principalement sur la sécurisation des procédures en amont du comptable), sans que cette évolution soit intrinsèquement liée aux dispositions de la Lolf. Elle est cependant cohérente avec celle-ci.

b)les vérifications de régularité a posterioriLes vérifications à posteriori sont impactés par deux types d’évolutions :

• celles qui résultent directement de la Lolf, c’est à dire l’adoption d’une nouvelle nomenclature budgétaire et la mise en place d’une comptabilité d’exercice,

• et celles qui résultent de l’évolution des contrôles a priori. En effet, la vérification des comptables devra tenir compte de la mise en place des contrôles hiérarchisés et partenariaux (ce qui modifiera sensiblement l’approche et le positionnement de la Cour des Comptes).

la créaTion du domaine des cerTificaTions

a)La certification des comptesEn premier lieu, le chapitre V de la Lolf qui porte sur les comptes de l’État définit les principes de comptabilisation et les critères de qualité des comptes à mettre en place. Il donne mission aux comptables publics (art. 31) d’effectuer un contrôle de conformité à des principes. Et de plus, l’article 58-5° prévoit que la Cour des Comptes doit assurer la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État. Mais il serait illusoire de croire que cela restera l’affaire de la cour des comptes, cette exigence de certification va impacter très sensiblement les travaux des ordonnateurs, des comptables et de tous les niveaux de contrôle interne.

b)Le contrôle de qualité des programmes et le contrôle de fiabilité des résultats présentés dans les projets de rapports de performanceCréé par décision du CIRE du 15 novembre 2001, le comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) a pour mission «la validation des programmes et des informations associées dans le cadre de la procédure budgétaire, en vue de leur intégration en loi de finances». Le CIAP intervient donc dans le cadre d’un processus autonome de contrôle qualité, préalable à la présentation des documents budgétaires au Parlement. Ce contrôle de qualité qui n’est ni de l’évaluation de politique publique, ni du contrôle de performance est destiné à vérifier si les projets de programme répondent à des critères définis (audits initiaux) et si les projets de rapports annuels de performance présentent des résultats chiffrés fiables, n’introduisant pas des biais contraires aux objectifs recherchés et sont correctement documentés et commentés (audits de réalisation).

la prise de sens du conTrôle de gesTion (conTrôle par les résulTaTs)Le contrôle par les résultats nécessite deux éléments qui sont mis en place par la Lolf :

• un cadre de gestion qui donne des responsabilités dans le cadre de la gouvernance des programmes ,

• un référentiel de cibles de résultat mesurables.

a) Le nouveau cadre de gestion, la gouvernance des programmes La Lolf met en place un cadre de gestion à trois niveaux.

Le système de pilotage des programmesCe niveau est celui de l’exécution du budget. Les responsables s’efforcent d’atteindre les cibles qui leur ont été fixées en mobilisant toutes les marges de manœuvre que leur donne la fongibilité asymétrique des crédits au sein du programme. Le responsable de programme ne se limite pas à des arbitrages budgétaires, il gère la performance du programme et pilote donc l’ensemble des opérateurs à cet égard. Pour responsabiliser ces opérateurs sur lesquels il exerce son pouvoir, il leur délègue des budgets opérationnels de programme (BOP).

Le système de gestion des BOPLes responsables de BOP sont soit des responsables d’actions (ou de sous-actions ou d’ensembles d’actions), soit des responsables de services déconcentrés qui mettent

la nouvelle gouvernance de l’etat et l’évolution des disPositifs de contrôle

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en œuvre tout ou partie des actions du programme pour une circonscription ou une clientèle donnée. Ils bénéficient à leur niveau de la fongibilité à l’intérieur de BOP qu’ils ont à gérer et sont responsables de la réalisation des performances qui leur sont demandées par le responsable de programme.

Le management des unités opérationnellesLes processus gérés par les responsables de BOP peuvent être mis en œuvre par des unités opérationnelles. Ces services disposent de moyens mis à leur disposition par les responsables de BOP, avec des objectifs opérationnels et des marges de manœuvre propres.Le dialogue de gestion est le moyen de conserver la cohérence de l’ensemble malgré l’autonomie relative de chacun des trois systèmes. Des outils spécifiques de dialogue de gestion doivent être mis en place, d’une part entre le responsable du programme et les responsables des BOP et d’autre part entre les responsables des BOP et les unités opérationnelles. Le contrôle de gestion est un outil essentiel du dialogue de gestion. Les corps de contrôle interne devront se positionner par rapport à ces différents niveaux de contrôles de résultat correspondant aux différents étages des systèmes de mise en œuvre des programmes. Si les trois systèmes de contrôle de gestion ont la même finalité (s’assurer qu’une unité ou un ensemble d’unités réalise les objectifs qui lui ont été fixés), les besoin d’intervention des corps de contrôle spécialisés n’est pas le même à ces différents niveaux.

b) Le référentiel de performance des programmes Dans la mesure ou les corps de contrôle interne interviendront dans les diagnostics d’appréciation des performances, il ne pourront pas s’affranchir du cadre des objectifs, des indicateurs et des cibles de résultat déterminés dans le cadre des programmes. Leur rôle sera de comparer les résultats effectifs aux cibles fixées, de porter un diagnostic sur les causes des écarts et sur la pertinence des décisions dans la mise en œuvre des moyens par rapport aux objectifs.L’existence de ce cadre de performance que constituent les PAP évitera aux corps de contrôle de « rétroprojeter » au moment de leurs audits leur propre vision des objectifs et des résultats à atteindre, ainsi que cela était pratiqué auparavant.

Un mot sur ce « barbarisme ». Les corps de contrôle effectuent d’ores et déjà des audits appréciant les performances d’une unité administrative. Mais comme les cibles de résultat ne sont généralement pas formalisées, ou si elles le sont, elles ne

sont pas légitimées par rapport aux objectifs stratégiques avalisés par le parlement, l’audit se traduit par le fait de comparer l’action concrète du gestionnaire du service contrôlé à une action idéale, dont une bonne part des caractéristiques est déterminée par le contrôleur lui même, au moment du contrôle. Ce phénomène, que l’on pourrait appeler de « rétro projection du référentiel », est un facteur qui peut, non seulement générer des difficultés entre les contrôleur et le contrôlé, mais aussi rendre plus difficile l’application des propositions du contrôleur qui encourent le soupçon d’irréalisme.En effet, cette réécriture de l’action de référence s’effectue après coup, par rapport à un passé dont on connaît les limites et les contraintes, ce qui la rend par la même difficilement comparable à celle qui s’est décidée dans le cours de l’histoire réelle, lorsque l’écheveau des possibles était ouvert. Dans ce contexte « ante-Lolf », lorsqu’il a eu à décider des actions menées, le gestionnaire ne connaissait pas le référentiel qui lui serait appliqué par le contrôleur. La Lolf change radicalement ce contexte. En votant le budget, le Parlement fixe des programmes disposant d’objectifs mesurables par des indicateurs assortis de cibles de résultat. La gestion par contrats d’objectifs permet ensuite de fixer à chaque opérateur du programme sa part de moyens et d’objectifs. Il est clair que dans ce cadre, le contrôleur devra apprécier l’action du contrôlé par rapport à ce référentiel ainsi déterminé. Celui-ci présente l’avantage d’être connu du gestionnaire au moment de son action et donc de fournir une base objective de référence pour évaluer son action.

le nouveau fondemenT des processus d’évaluaTion des poliTiques publiques

Les programmes fournissent aux politiques publiques (tout au moins pour celles dont l’Etat est acteur) un cadre de formalisation obligeant à expliciter la stratégie, les priorités, les objectifs, les leviers d’action, les moyens mobilisés au service de ses politiques. Les contraintes imposées aux ministères de choisir des objectifs d’impact final, de qualité et d’efficience et de les assortir d’indicateurs de mesure des progrès, pré positionne un cadre favorable à l’évaluation des politiques publiques.

Les évaluations doivent permettre de porter un jugement sur les politiques publiques développées, de s’interroger sur leur adaptation au contexte et aux besoins, sur le niveau des moyens globaux à mettre en œuvre, sur les opérateurs et les leviers d’action les plus efficaces. Elles permettent de redéfinir les objectifs stratégiques et les ressources à mobiliser. Elles trouvent dans le cadre de la Lolf un débouché naturel, le remaniement de la grille des programmes.

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III.Lesconséquencesdecesévolutionspourlescorps investis de missions de contrôle et d’expertise

Les corps et services investis de mission de contrôle doivent s’adapter à ces évolutions même si certaines sont à peine esquissées dans l’état actuel des choses. Ces évolutions me paraissent devoir se centrer autour de quatre lignes de force :

• ne pas abandonner le terrain de la vérification de la régularité, • être des partenaires dans le cadre des nouvelles certifications,• s’approprier l’appréciation des résultats,• se préparer à participer à des dispositifs d’évaluation des programmes.

ne pas abandonner le Terrain de la vérificaTion a posteriori des règles mais mieux les cibler

Devant l’ouverture de nouveaux champs de contrôle, le danger est de perdre de vue la vérification de régularité. Or, dans les administrations qui manient les deniers publics, mais aussi dans toutes celles dont les décisions peuvent se traduire par des enjeux financiers considérables pour les particuliers ou les entreprises, le risque de corruption existe toujours et la vérification approfondie a posteriori des activités reste tout à fait indispensable, à titre préventif, à titre de garantie pour les agents honnêtes et afin de découvrir et faire sanctionner ceux qui succombent aux tentations.Les contrôles de régularité a posteriori restent nécessaires pour compléter les contrôles a priori. Ceux-ci présentent en effet un certain nombre de limites.Le contrôle a priori est essentiellement un contrôle sur dossier, à partir de pièces justificatives définies, tandis que le contrôle administratif à posteriori s’exercera sur place et confrontera les documents produits à la réalité.Le contrôle a priori est limité dans ses objectifs à la régularité externe, le contrôle a posteriori, parce qu’il n’interfère pas dans la décision de l’ordonnateur, pourra porter sur tous les aspects de la régularité, y compris pénale (article 40).Les contrôles a posteriori de régularité nécessitent une analyse des risques et des enjeux, afin de bien cibler les contrôles à entreprendre et de faire en sorte que la sélectivité ne soit pas un handicap. Or, ces processus de détermination de la cartographie des risques sont délicats à mener car ils exigent un effort d’anticipation qui implique une parfaite connaissance des procédures, des organisations et de leur contexte.

devenir des parTenaires dans les nouveaux processus de cerTificaTion

La certification des comptes est sous l’égide de la Cour des Comptes et la certification des résultats sous celle du CIAP mais les corps de contrôle et d’expertise sont pour ces deux processus des partenaires incontournables.La Cour des Compte pèse pour que les dispositifs de contrôle interne des ministères concourent à la préparation de la certification des comptes de l’Etat de façon à ce qu’elle puisse s’orienter vers le contrôle des contrôles autrement dit s’appuyer sur les contrôles amont, internes à l’ordonnateur. Il convient donc de mener un dialogue avec cette institution pour positionner le travail des corps de contrôle interne de manière utile dans la chaîne des contrôles.De plus, d’ores et déjà, les corps de contrôle administratifs sont les opérateurs des audits de certification du CIAP et un élément majeur de la crédibilité et de la pertinence de ces travaux. Le CIAP n’est que l’expression de l’organisation collective des corps de contrôle et de leur mobilisation au service du gouvernement pour la certification de la qualité des programmes et de leurs résultats. Cette tâche devient une ligne de force permanente du programme de travail de tous les corps de contrôle partenaires du CIAP.

s’approprier l’appréciaTion des résulTaTs

Les corps de contrôle administratifs sont seuls légitimes pour intervenir à deux niveaux.Pour le compte de leur ministre afin d’auditer l’action d’un responsable de programme (résultats obtenus, efficacité du pilotage…). Le champ d’action privilégié de ce type d’audit est constitué par les programmes du ministère dont le corps de contrôle couvre le champ, mais ce type de mission pourrait aussi être mené en mission conjointe dans le cadre des missions interministérielles ou des DPT (documents de politique transversale).Pour le compte d’un responsable de programme, notamment ceux qui ne disposent pas de services de contrôle à leurs niveaux, afin de réaliser des audits de mise en œuvre des BOP en laissant aux corps de contrôle internes des directions les audits des unités opérationnelles.Ces interventions au niveau de l’appréciation des résultats pourraient être transposées dans un module spécialisé au niveau des opérateurs de l’Etat (établissements publics, etc.) au sens de la Lolf, il s’agirait d’auditer la mise en œuvre des contrats d’objectifs moyens conclu par la tutelle avec ces opérateurs dans le cadre de la mise en œuvre des programmes.

la nouvelle gouvernance de l’etat et l’évolution des disPositifs de contrôle

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se préparer à la mise en place d’un disposiTif d’évaluaTion des programmes

Il sera nécessaire pour le gouvernement d’organiser périodiquement une « revue des programmes », les corps de contrôle administratifs pourront la mener pour leur domaine à la demande de leur ministre, soit y participer en mission conjointe avec des membres d’autres institutions de contrôle, mais aussi avec des auditeurs privés ou des universitaires, recrutés dans le cadre d’un marché particulier et intégrés dans l’équipe d’audit.

Ces processus d’évaluation des programmes et leur articulation avec l’évaluation des politiques publiques qui mettent en jeu plusieurs acteurs (collectivités territoriales, institutions sociales et diverses, communautés européennes) sont à définir. Un groupe de travail devrait être constitué avec la direction du budget afin de définir un cahier des charges-type d’une évaluation de programme.

IV.Conclusion

Le système français de contrôle de l’action publique est un système mixte, ce qui lui donne une dynamique complexe. Ainsi, au-delà des évolutions de ses différentes composantes dont nous avons posé les contraintes et esquissé les directions, une réflexion d’ensemble, avec un point de vue systémique, prenant en compte la dynamique entre les différentes formes de contrôle est nécessaire de façon à stabiliser un nouveau système qui réponde mieux aux objectifs. D’un point de vue systémique, c’est tout le système de contrôle de l’action publique qui est à repenser dans l’ensemble de ses composantes dans leurs relations, leurs interactions et leurs équilibres.

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des InspectIons renouveLées pour un management

pubLIc performant et des poLItIques pubLIques effIcaces

Le contrôLe interne à La commission européenne

AnthonyWRIGHT, chargé des fonctions de directeur général du service d’audit de la Commission européenne

I.Introduction

La réforme décidée par la Commission Prodi3 a conduit à une modification en profondeur des méthodes de gestion de la Commission et ses services. Elle a entraîné un changement radical des modes de fixation des priorités politiques et d’affectation des ressources, une évolution importante de la politique du personnel et une réforme en profondeur de l’organisation financière. L’ancien système de contrôle financier ex ante qui consistait en une vérification et une approbation centralisées des opérations financières individuelles a cédé la place à un système où la responsabilité des contrôles incombe aux directeurs généraux et est assortie d’une obligation de rendre compte annuellement.

Le contrôle interne est donc maintenant en premier lieu du ressort de chaque directeur général. Ce dernier détermine l’organisation et les ressources qui lui sont nécessaires pour donner l’assurance dont il a besoin pour pouvoir rendre compte à la Commission. En effet, étant donné que la Commission délègue ses pouvoirs d’ordonnancement aux directeurs généraux, ceux-ci doivent rendre compte au collège des commissaires par le biais de leurs rapports annuels d’activité (RAA), assortis de déclarations d’assurance. La déclaration d’assurance de chaque directeur général porte sur sa gestion dans tous ses aspects (légalité, régularité, efficacité, � Livreblanccom(2000)200

efficience) et lui permet, en cas de besoin, d’émettre des réserves qui sont l’occasion d’identifier des obstacles ou risques qui qualifient son assurance.

Pour l’exercice de leurs responsabilités d’ordonnateur délégué, les directeurs généraux bénéficient du soutien du service financier central (SFC), rattaché à la DG BUDG, qui est chargé de définir les règles et procédures financières et les normes minimales communes pour les contrôles internes dans les directions générales, et de donner des conseils relatifs à leur application.

Par ailleurs, le SFC établit annuellement, à l’attention de la Commission, une vue d’ensemble de l’état des contrôles internes dans les directions générales.L’organisation de l’audit interne au sein de la Commission repose sur :

• L'auditeur interne dont la fonction est prévue par le règlement financier et qui a pour mission de conseiller la Commission pour faciliter la maîtrise des risques et le contrôle de la conformité, et d'apporter un avis indépendant sur la qualité des systèmes de gestion et de contrôle, ainsi que des recommandations pour améliorer l’efficience des opérations et promouvoir une utilisation économiquement judicieuse des ressources de la Commission (utilisation des ressources aux fins prévues et bon rapport coût/efficacité).

• Dans chaque direction générale, une structure d’audit interne ("Internal Audit Capability" - IAC) chargée d'apporter au directeur général dont elle dépend l'assurance que les contrôles internes exercés sur les activités de la DG sont efficaces et de fournir des recommandations sur l'amélioration des systèmes. L'IAC rend compte directement au directeur général. Ces structures d'audit participent à un réseau "auditnet", présidé par le service d'audit interne (SAI).

• Le comité de suivi des audits (CSA) a pour principales missions d'assurer l'indépendance de le SAI, de superviser les processus de contrôle de la Commission à la lumière des résultats des audits du service d’audit interne et de la Cour des Comptes, de surveiller la mise en œuvre des recommandations issues des audits, y compris celles formulées par la Cour des Comptes et acceptées par la Commission, et de surveiller la qualité du travail d’audit.

des insPections renouvelées Pour un management PuBlic Performant et des Politiques PuBliques efficaces

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II.Leserviced’auditinterne

La création du service d’audit interneest prévue dans le livre blanc4 et constitue un des piliers de la réforme. Le SAI est opérationnel depuis fin juin 2000. Rattaché dans un premier temps à la direction générale du contrôle financier, le SAI a acquis le statut de «direction générale» le 4 juillet 20015, après la modification nécessaire du règlement financier�. L’IAS compte actuellement environ 90 personnes et est composé de deux directions, l’une en charge des questions horizontales et de son infrastructure administratif, l’autre des missions d’audit.

Les missions du service d’audit interneLa Commission a adopté le 27 octobre 2000 une charte7 qui fixe les conditions d’exercice de la fonction du SAI. D’après cette charte, le SAI a pour mission d’aider, par ses avis, ses conseils et ses recommandations, la Commission à :

• mieux maîtriser les risques ;• mieux assurer la sécurité des actifs ;• mieux contrôler le respect des règles ;• produire des informations comptables et de gestion sincères et fiables ;• améliorer la qualité des systèmes de gestion, de contrôle et d'audit interne ; • améliorer l'efficience et l'efficacité des opérations et assurer une utilisation

économe des ressources de la Commission.

La charte prévoit en outre le rattachement du SAI au vice-président chargé de la réforme de la Commission, un accès direct de l'auditeur interne au Comité de suivi des audits et, le cas échéant, au président et au collège, et l'indépendance du SAI par rapport aux autres directions générales et services de la Commission. Le SAI a accès à toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. En outre, la charte précise que Le SAI conduit ses travaux conformément aux principes et aux normes internationales d'audit interne généralement reconnus (normes IIA).

Le règlement financier8 adopté par le Conseil le 25 juin 2002 consacre et définit, dans son chapitre 8 (articles 85, 8� et 87), la fonction d’audit interne dans les

� Com(2000)200du05/0�/2000

� SEC(2001)1077réorganisationducontrôlefinancieretdel’auditinternedelaCommission

� règlementn°7�2/200�JOL-���du20/0�/200�

7 SEC(2000)�80�

8 règlementn°��05/2002JOL2�8du��/09/2002

institutions européennes. L’auditeur interne est responsable de la vérification du bon fonctionnement des systèmes et des procédures d’exécution du budget. Il ne peut être ni ordonnateur ni comptable (article 85). Il conseille son institution dans la maîtrise des risques, en formulant des avis indépendants portant sur la qualité des systèmes de gestion et de contrôles et en émettant des recommandations pour améliorer les conditions d’exécution des opérations et promouvoir la bonne gestion financière (article 8�.1).

L’article 8�.3 prévoit que l’auditeur interne soumette annuellement à son institution un rapport indiquant le nombre et le type d’audits internes effectués, les recommandations formulées et les suites données à ces recommandations. L’article 87 fait obligation à chaque institution de garantir l’indépendance totale de son auditeur interne.

Enfin, l’auditeur interne de la Commission est également chargé de l’audit interne des agences communautaires (article 185). Un diagramme joint en annexe explicite les relations entre les différents acteurs de l’audit.

Les travaux du service d’audit interne Outre son activité d’audit proprement dite, le SAI exerce également un rôle de conseil auprès des directions générales ou de la Commission. Enfin il développe des outils et méthodologies d’audit pour lui-même et les IAC, comme par exemple l’outil informatique Audit Management System (AMS).

Le premier programme de travail triennal 2001-2003 du SAI s’est concentré sur la réalisation de l’action 87 du livre blanc qui focalisait initialement les travaux d’audit sur les systèmes de gestion financière de chaque DG. Cependant, en 2001, ces systèmes étaient encore en évolution et les premiers rapports se sont limités à faire état des progrès réalisés par les DG pour leur mise en œuvre. D’autre part, le SAI a entamé certains audits horizontaux (comptabilité, recouvrements, marchés des études, processus de décharge). En 2002, le SAI a conduit un audit sur le processus d’établissement des rapports annuels d’activité de chaque DG et a commencé les contrôles approfondis des systèmes de gestion et de contrôle des directions générales. En 2003, le SAI aurait dû achever sa série d’audits sur chacune des Directions générales et sur cette base fournir à la Commission une appréciation d’ensemble des systèmes de contrôle interne de la Commission. L’affaire «Eurostat» et les demandes spécifiques adressées par la Commission au SAI ont eu pour conséquence un report en 2004 de certaines actions prévues pour 2003.

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Le programme de travail 2004-200� prévoit que le SAI achève l’action 87 en 2004 et fournisse sur cette base une appréciation d’ensemble des systèmes de gestion et de contrôle de la Commission. En 2005 et 200�, le SAI poursuivra l’établissement du tableau complet du profil de risque de la Commission dans son ensemble et procédera à de nouveaux audits horizontaux. En 2005, une attention particulière sera portée à la gestion et l’allocation des ressources et par là à l’efficacité et à l’efficience des opérations. En 2006, le SAI cherchera à s’assurer que la couverture de ses audits lui permette de donner une assurance sur l’ensemble des objectifs du contrôle interne, à savoir au regard de :

• la fiabilité et l'intégrité des informations financières et opérationnelles ;• l'efficacité et l'efficience des opérations ; • la protection du patrimoine ;• du respect des lois, règlements et contrats.

III.Lesstructuresd’auditinterneetleréseauauditnet

La réforme de l’organisation financière de la Commission a également été accompagnée de la création au sein de chacune des directions générales d’une structure d’audit interne (IAC) qui joue pour la direction générale dont elle dépend un rôle similaire à celui du SAI pour la Commission.

Le principal objectif des structures d’audit interne, qui sont directement rattachées au directeur général, est d’apporter à leur directeur général une opinion quant à l’efficacité des contrôles internes relatifs aux activités de la DG. Les IAC doivent formuler un avis sur la situation du contrôle à titre de contribution au rapport annuel d’activité (RAA). En coordination avec leur directeur général, les IAC doivent établir un programme de travail fondé sur une évaluation des risques.

Les structures d’audit interne se retrouvent au sein du réseau auditnet dont le secrétariat est assuré par le SAI. Ce réseau vise à mettre en place une méthodologie commune, apporter des orientations, et favoriser une planification cohérente des audits. Dans sa communication du 10 février 20049, la Commission a confié au SAI la présidence du réseau auditnet et a fait obligation aux structures d’audit interne de transmettre systématiquement au SAI tous leurs rapports d’audit avec un résumé analytique mettant en exergue les constatations essentielles du rapport. Sur cette base le SAI doit produire un rapport semestriel dont la première édition est en 9 Com(200�)9�du�0/02/0�

voie de finalisation. Enfin le SAI prend part aux procédures de nomination des responsables des structures d’audit interne.

IV. Le comité de suivi des audits

Le livre blanc a décidé la création d’un comité de suivi des audits (CSA). La charte de ce comité10 définit son rôle, sa composition, son organisation et ses responsabilités. Le CSA est un organe consultatif sans compétences d’exécution. Il est composé de six membres (quatre membres de la Commission et deux personnalités externes). Pendant le mandat de la Commission Prodi il a été présidé par la Commissaire responsable du budget. Le SAI participe aux réunions. Jusqu’ici le CSA a eu pour principales responsabilités 1) d’assurer l’indépendance du SAI, 2) de superviser les processus de contrôle de la Commission, à la lumière des résultats des audits du service d’audit interne et de la Cour des comptes, 3) de surveiller la mise en œuvre, par les services de la Commission, des recommandations issues des audits du SAI et de la Cour des comptes, 4) de surveiller la qualité des travaux d’audit interne. Il a examiné le plan d’audit prévisionnel, le plan d’audit interne et le rapport annuel du SAI. Le comité a fait rapport annuellement au collège sur ses propres activités et sur les systèmes de contrôle interne au sein de la Commission, sur la base des travaux menés par le SAI.

V.LesautrespartenairesduSAI

Le SAI et l’Office de lutte anti-fraude (OLAF) ont formalisé leurs relations au travers d’un «mémorandum of understanding» qui précise l’étendue et les limites de leurs échanges. Si le SAI, dans le cadre d’un de ses audits, suspecte une fraude il en informe l’OLAF. Inversement, si l’OLAF, dans le cadre d’une de ses enquêtes, découvre un dysfonctionnement systémique il en fait part au SAI.L’IAS, conformément aux standards internationaux de l’audit interne, entretient avec la Cour des comptes européenne des échanges continus, notamment en ce qui concerne la programmation des missions d’audits, la méthodologie et les outils ainsi que les résultats des audits.

Par ailleurs, les auditeurs internes des institutions européennes (Parlement, Conseil, Cour des Comptes, et Banque européenne d’Investissement) se rencontrent deux fois par an pour examiner des questions d’intérêt commun. Le SAI est également �0 C(200�)���2du��/0�/0�

le contrôle interne à la commission euroPéenne

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en contact avec ses homologues des Etats membres et les auditeurs internes des autres institutions multilatérales (Nations Unies, etc.).

V. Les enseignements des premières années de fonctionnement

Les réformes de la Commission européenne en matière de contrôle interne -et l’audit en fait partie- ont été provoquées par une crise qui a énormément d’avantages : cela donne de l’impulsion. Cela créé l’environnement pour pouvoir former et obliger des gens à penser à des solutions qu’ils auraient rejetées auparavant. Donc, cette réforme était une réforme de fond en comble et je me concentrerai sur les points que j’ai trouvé les plus essentiels. J’espère que ces points trouveront quelques échos, mais notre recette n’est certainement pas transposable pour tout le monde.Ce qu’il faut tout d’abord, c’est une architecture du contrôle interne, donc d’ensemble, je dirais même une architecture de gouvernance de toute l’organisation, de l’institution. Et la gouvernance est un terme un peu à la mode, mais extrêmement utile parce que c’est la description des autorités, des relations, de qui rend compte à qui et dans quelle situation. C’est cet ensemble d’architecture qui créé les conditions de la réussite de son système qui produit, à la suite de la réforme, par exemple la volonté d’exercer une bonne maîtrise des opérations. Il faut qu’il y ait de la volonté, il ne suffit pas de le dire. Souvent on est trompé par l’idée qu’une règle une fois mise en place serait suivie par tout le monde et que le résultat est acquis : non, il faut créer les conditions pour que les gens souhaitent suivre les règles.

Comment créer ces conditions ? La manière que nous avons choisie à la Commission Européenne doit beaucoup au secteur privé, il faut le dire. Il faut tout d’abord -c’est notre recette du moins- qu’il y ait l’obligation pour la direction de rendre compte, pour le management, le directeur général. Chez nous on a une organisation, bien connue dans le secteur public, de « silos ». Chaque « silo » est une politique dont le directeur général doit rendre compte annuellement. C’est cela la base de sa volonté de respecter les règles que l’on a mises en place, donc s’assurer de la régularité et de la légalité. De plus un auditeur -car il faut qu’il y ait une vérification indépendante que cette déclaration est juste- a besoin d’une référence aussi. Il ne commence généralement son travail que lorsque quelqu’un d’autre a mis sur la table un chiffre, une déclaration. C’est sa référence pour vérifier.

Parfois, dans le passé, au moins dans la Commission et c’est, je crois, le cas ailleurs, on a pensé que des auditeurs ou des inspecteurs sont les seuls à devoir vérifier par rapport à un référentiel qui est la Loi plutôt que d’être les deuxièmes à vérifier, après que le premier - qui est le responsable du résultat du programme ou de l’activité - ait déjà donné sa déclaration d’assurance. Mais il faut aussi créer un environnement qui soit complet, il faut créer un système de contrôle. Nous nous sommes inspirés du COSO (Committee of sponsoring organizations of the Treadway commission): c’est une description de l’environnement du contrôle, pas seulement ses gestes, mais aussi son environnement, l’analyse des risques, la communication, les manières de transmettre l’information pour que tout le monde soit informé des résultats et de ce qui se passe sur le terrain. Ce sont donc bien plus que les gestes de contrôle -la personne qui est derrière le premier pour vérifier ce que le premier a fait- qui ne suffisent pas à eux tout seul.

Je reviens sur l’architecture : il faut une vérification indépendante pour voir si la déclaration est juste, puis il faut des « sanctions ». Celles-ci peuvent avoir beaucoup de formes : on pense souvent prison, amendes, pénalités sur les traitements des pensions des fonctionnaires,… mais très souvent en fait la sanction qui fonctionne de la manière la plus efficace dans une organisation, dans une administration, c’est tout simplement la pression des pairs : un directeur général qui se voit critiqué ouvertement devant ses pairs est excessivement triste et sa tristesse suffit très souvent à modifier son comportement si c’est pratiqué en public.

Je termine en disant que la cascade des contrôles est remplacée par la cascade des responsabilités et d’assurances. Il ne suffit pas de dire « vous contrôlez » et puis un autre contrôle, et un autre encore … Il faut qu’il y ait une volonté qui est créée par la délégation des responsabilités et de l’assurance : il y a la responsabilité qui « descend » mais n’est jamais lâchée par celui qui la donne, et qui est équilibrée par le retour de l’assurance qui « monte » et qui n’est pas toujours la même. Celle qui est donnée au directeur général n’est pas la même qui est donnée au commis de la base qui fait les premiers gestes de contrôle. Cette déclaration d’assurance est pour nous la clef de voûte dans notre système : elle porte sur les résultats et concerne donc la légalité et la régularité, l’efficience, l’efficacité, les autres risques, etc., mais il est permis de l’assortir de réserves. Lorsque le directeur général qui doit livrer son assurance estime qu’il n’arrive pas à maîtriser des risques pour des raisons objectives, il a le droit de présenter ces situations, éventuellement et s’il le peut, la manière de les corriger et un calendrier pour ce faire, sinon il présente

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son problème à son autorité supérieure, par exemple des problèmes de ressources, d’encadrement juridique, etc.

Ci-après la lecture d’une courte déclaration qui est intéressante et très éloquente car, chaque année, chaque directeur général de la Commission doit signer une déclaration qui commence ainsi : « je déclare par la présente que les informations contenues dans le présent rapport (annuel et présenté en même temps) sont sincères et véritables. J’affirme avoir une assurance raisonnable que les ressources allouées aux activités décrites dans le présent rapport ont été utilisées aux termes prévus et conformément aux principes de bonne gestion financière et que les procédures de contrôle mises en place donnent les garanties nécessaires quant à la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes. » . Il y a encore un petit passage sur le moyen d’arriver à cette assurance et, à la fin, il confirme en outre n’avoir connaissance d’aucun fait non signalé pouvant nuire aux intérêts de l’institution. Par la suite, il peut présenter des réserves : ce que l’on constate dans la pratique est que certaines réserves vident presque de sens la déclaration, c’est toujours le risque. Mais l’avantage de cela est que c’est celui qui est responsable qui a mis sur la table les problèmes, ce n’est pas l’auditeur qui a dû les découvrir en premier lieu. C’est là l’avantage de ce système : vous avez besoin de moins d’auditeurs en fin de compte, si vous avez une manière de présenter les difficultés et les faiblesses du système. Evidemment il faudrait par la suite qu’il y ait un système d’échanges et de regards externes – nous avons ceux du Parlement et de la Cour des Comptes– pour dire si l’on vide vraiment de sens la déclaration ou si celle-ci est raisonnable dans les circonstances et nécessite peut-être des effectifs supplémentaires ou une réduction de l’activité, ou une modification des moyens d’intervention.

La vérification indépendante, que ce soit l’audit interne ou l’inspection – je parle du point de vue de l’audit interne – doit être systémique et non pas systématique : parfois certains croient que l’on est là pour tout vérifier, ce n’est pas le cas, ce n’est pas efficace, nous devons faire un examen systémique. Une question est de savoir si nous faisons de l’assurance ou de la consultance, et c’est très important car si nous sommes des vérificateurs, c’est de l’assurance que nous donnons à notre autorité supérieure concernant les organisations que nous surveillons. La consultance, par contre, peut être utile pour l’organisation afin d’améliorer son fonctionnement. À 3�0° ce sont les recommandations des auditeurs internes : on essaie de regarder aussi vers le haut et c’est parfois difficile. J’ai vécu des moments inconfortables lorsque l’on a regardé trop « vers le haut ». Il faut donc une indépendance

fonctionnelle et ne jamais oublier que ce n’est pas la peine d’auditer si l’on ne va pas faire le suivi des recommandations : il faut s’assurer que les recommandations sont mises en oeuvre, sinon tout le reste est peine perdue.

L’audit interne s’est focalisé jusqu’ici essentiellement sur les gestions financières donc sur « régularité-légalité » et peu sur « efficience-efficacité » : notre constat est que c’est le management, le directeur général qui doit se justifier en ces domaines comme d’ailleurs pour les autres aspects. Puisque les domaines sont trop variés et trop vastes, les auditeurs ne peuvent jamais tout faire : c’est un travail sans fin s’ils doivent tout vérifier en termes d’efficience-efficacité, très souvent ils n’ont pas le métier et les connaissances nécessaires. Lorsque l’on est auditeur interne, on ne peut pas se permettre d’aller regarder des domaines où l’on a pas l’expertise technique nécessaire, donc on est extrêmement méfiants à cet égard. Par contre, ce que l’on peut regarder en tant qu’auditeur sont les outils d’évaluation, s’assurer que les systèmes sont en place, parce que l’essentiel de l’évaluation est que celui qui est responsable d’un programme ait envie d’en faire l’évaluation pour l’améliorer. Nous cherchons donc l’« incentive » pour que le gestionnaire responsable ait envie d’améliorer son système, donc s’approprie le système d’évaluation afin que l’auditeur ne regarde que le système en place et les possibilités de retours d’information.

le contrôle interne à la commission euroPéenne

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L’expérience de La démarche européenne du common assessment framework

PatrickSTAES, expert de l’institut d’administration publique de Maastricht

Actuellement je travaille comme expert à l’Institut européen d’administration publique de Maastricht, mais auparavant j’étais consultant interne dans l’Administration fédérale belge. Quand on m’a invité à présenter ici le « Common Assessment Framework » (CAF), j’ai un peu hésité, comme lors de ma récente intervention devant la Cour des comptes belge. Le modèle que je vais vous présenter n’est en effet pas un modèle de contrôle, d’inspection, mais un modèle visant à contribuer au développement global des organisations. C’est aussi un modèle d’auto-évaluation qui, comme son nom l’indique, doit amener les organisations à prendre le chemin de la qualité totale. L’origine de ce modèle se situe dans le contexte de la qualité totale.

Ce sont les ministres de la Fonction publique qui ont invité leurs directeurs généraux, à la fin des années 90, à réfléchir aux moyens de favoriser l’échange de bonnes pratiques et l’application de méthodes communes pour encourager les différents pays membres de l’Union européenne à faire, ensemble, des progrès sur la voie de la modernisation des fonctions publiques. C’est à leur initiative que les directeurs généraux, qui se rencontrent sur une base volontaire deux fois par an – vous savez que la gestion des fonctions publiques n’est pas reprise dans le traité de Maastricht et qu’il existe depuis des années une collaboration volontaire - ont demandé à un groupe d’experts d’étudier les possibilités de trouver des actions ou des instruments pour promouvoir cette action de modernisation en commun.

Ce groupe d’experts a alors sélectionné deux instruments qui étaient déjà appliqués dans plusieurs pays en Europe. Tout d’abord, le modèle EFQM de la « European Foundation for Quality Management ». Cette fondation fut créée en Europe à l’initiative de M. Jacques DELORS dans les années 90, au moment où l’Europe était en train de perdre du terrain dans la compétition avec le Japon, qui avait commencé cette démarche de qualité totale, suivi par les Américains. Initialement introduit dans le secteur privé, le modèle EFQM a été diffusé dans certaines administrations publiques. L’autre modèle retenu était le modèle de l’Institut supérieur des sciences

administratives de Speyer en Allemagne. Nous avons regroupé les deux modèles avec l’aide de l’Institut de Maastricht, où j’ai le plaisir de travailler pour l’instant. Cela nous a amenés à ce fameux cadre d’auto-évaluation des fonctions publiques. Sur le site www.eipa.nl, vous trouverez toutes les informations utiles à ce sujet. Notez que ce site est actuellement mis à jour afin de le rendre plus clair et plus complet. Lorsqu’on a conçu cet instrument, quatre objectifs spécifiques ont été formulés :

• tout d’abord, l’instrument devait initier les administrations au management par la qualité totale, tout en tenant compte des besoins particuliers du secteur public ;

• deuxièmement, il devait servir de pont entre différents modèles en application, pas seulement l’EFQM, mais aussi des modèles développés spécifiquement par certains pays (Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas,…) car on cherchait un langage commun ;

• troisièmement, il devait faciliter l’étude comparative des performances et l’échange des bonnes pratiques ;

• quatrièmement, « last but not least », c’est un modèle d’auto-évaluation des organisations publiques qui, justement, devait servir de point de départ à cette démarche de qualité totale dans les administrations, sur la base d’un modèle de structure commun et apprécié par tout le monde de la même façon.

Je propose maintenant de parcourir le modèle pour que vous ayez une idée de ce qu’il représente, et de vous livrer les premières conclusions sur l’utilisation de cet instrument depuis quatre ans.Le modèle est assez simple : en fait, il est constitué de trois grands groupes. Le premier groupe distingue cinq facteurs (leadership, stratégie et planification, gestion des ressources humaines, partenariats et ressources, gestion des processus et du changement). Le deuxième groupe porte sur les résultats (auprès des citoyens/clients, des personnels, de la société et les résultats des performances clés), tandis que le troisième groupe concerne la ligne d’innovation et d’apprentissage.La philosophie du modèle de qualité, puisque c’est un modèle d’excellence, est la suivante : les résultats obtenus auprès des collaborateurs, des bénéficiaires qu’on appelle parfois citoyens ou clients, et de la société dépendent fortement du rôle joué par la direction, de la stratégie et la planification, la gestion des ressources humaines, la gestion des partenariats et des ressources et la gestion des processus et du changement. Et c’est la conjugaison harmonieuse de tous ces éléments qui génère d’excellents résultats dans les performances clés de l’organisation.

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Pour en revenir au modèle, je vais vous illustrer les différents points qui ont été développés afin de procéder à un état des lieux, car l’objet de ce modèle est de permettre à l’organisation, avec son propre personnel -ce n’est pas par un audit externe- de s’exprimer sur l’état de l’organisation.

• Le leadership est le premier critère qui est pris en compte. Si on le retire, tout le système s’écroule. Le leadership forme la base du bon fonctionnement d’une organisation.

• Puis on se penche sur la stratégie et la planification nécessaires pour exécuter une politique publique.

• On a besoin d’une gestion efficace des ressources humaines pour mettre en œuvre les demandes politiques que le leadership a intégrées dans la stratégie et la planification.

• D’autres ressources et d’autres partenaires sont nécessaires parce qu’il n’y a aucune organisation publique qui soit capable de réaliser seule ces objectifs, sans l’aide des partenaires à l’intérieur ou à l’extérieur de la fonction publique.

• Au centre du modèle, on trouve les processus, à savoir les activités qui permettent le fonctionnement de l’organisation, ainsi que la gestion du changement.

Ensuite, on examine de plus près les résultats obtenus auprès des citoyens/clients -dénommés bénéficiaires dans la version française officielle- auprès du personnel, de la société, ainsi que les résultats des performances clés. Mais revenons plus en détail aux cinq premiers critères que l’on appelle les facteurs ou ces éléments qui font marcher une organisation.

Dans le contexte du leadership, on étudie quatre aspects particuliers • la façon dont le leadership donne une direction à l’organisation en

développant et en communiquant une vision, une mission et un système de valeurs ;

• comment le leadership met en œuvre un système pour gérer l’organisation ;

• Disons que le premier aspect fait référence à une approche « douce », tandis que le deuxième, c’est l’aspect plus « dur », le management concret par le développement des structures, du système de gestion, du système des performances, etc.

• comment le leadership motive le personnel pour exécuter ce qu’il a demandé à l’organisation ;

• comment il gère ses relations avec la sphère politique, et donc l’introduction des politiques publiques dans l’organisation.

Ensuite, c’est la stratégie de planification. Le premier rôle du leadership, c’est de développer une bonne planification pour atteindre les objectifs qui lui sont demandés par le monde politique.

• Tout d’abord, on examine la façon dont les informations nécessaires pour arriver à cette stratégie sont collectées et utilisées. Les besoins actuels et futurs des citoyens et des autres parties prenantes sont très importants dans ce contexte.

• Deuxièmement, on voit comment cette stratégie et cette planification sont développées, quelle est l’approche adoptée par l’organisation, comment cette stratégie est révisée, comment l’organisation s’adapte aux nouveaux besoins, par exemple en cas de nouveau gouvernement, de nouveau ministre, de nouveau besoin de la société, et comment cette stratégie est actualisée.

• Et, en troisième lieu, comment elle est mise en œuvre par les actions, les structures, les méthodes nécessaires.

Au niveau de la gestion des ressources humaines, on examine trois aspects :

• la façon dont cette stratégie est développée, • le mode de gestion des compétences, parce que c’est avec la gestion des

compétences qu’on arrive à exécuter la planification et sa stratégie, • l’implication des collaborateurs dans le fonctionnement et la gestion de

l’organisation.

Le quatrième critère étudie de manière plus détaillée, en quatre sous-critères, les autres ressources classiques comme la gestion des finances, de la technologie, des bâtiments et de l’équipement et - une ressource plus récente, à développer dans le futur - la gestion des connaissances.

Mais je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur les deux premiers sous-critères :

• la gestion des relations (partenariats) avec les partenaires clés, tous ceux

l’exPérience de la démarche euroPéenne du common assessment framework

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

qui nous aident à réaliser nos missions, • et surtout la gestion des partenariats avec les bénéficiaires. Ce sous-critère

examine comment l’organisation identifie les besoins des citoyens dans les domaines pour lesquels elle est compétente.

Pour chaque sous-critère, nous avons développé des exemples afin de mieux comprendre ce dont il s’agit et illustrer les différentes méthodes que l’on peut utiliser dans ce contexte.

Au centre du modèle, je vous ai présenté les processus qui consistent en différentes activités consécutives devant mener à ce que l’on appelle les résultats de l’organisation.

• Tout d’abord, on vérifie si ces processus sont documentés. Très souvent, le fait d’examiner les processus en cours mène déjà à des actions d’amélioration, car on constate parfois que certaines choses ne sont pas bien faites, sont inutiles ou répétées deux ou trois fois, etc. On établit de nouveaux processus dans le cas de nouvelles missions, de nouvelles demandes.

• Ensuite on regarde de plus près la qualité des services et produits rendus au bénéficiaire, en l’impliquant, en demandant son avis sur les types de produits et services rendus.

• Et, troisièmement, on s’intéresse à la façon dont la modernisation et l’innovation sont planifiées et gérées dans cette organisation. Comme cela a déjà été dit, nous n’avons pas la pression du marché pour nous inciter à nous moderniser, à chercher des actions d’innovation. Et donc, très souvent, ces actions d’innovation et de modernisation sont imposées par une hiérarchie à distance ou par le niveau politique, et pas toujours adaptées au contexte dans lequel se trouve l’organisation en question. L’administration a dès aujourd’hui l’obligation de penser à la façon dont elle va se renouveler demain.

Pour évaluer ces sous-critères qu’on appelle « facteurs », nous nous sommes basés sur le fameux cycle de la qualité de Deming, le cycle PDCA : plan, do, check et act. Mais le moment est venu de vous présenter les résultats, car c’est le plus important : quels sont les résultats obtenus par l’organisation ?

Nous utilisons deux approches pour analyser les résultats auprès des bénéficiaires. Tout d’abord, on examine les résultats des mesures de leur satisfaction. En fait, c’est une « objectivisation » de l’expression plus subjective

des bénéficiaires. De façon systématique (questionnaires, panels,…), on observe ce qu’ils pensent des services et des produits qui leur sont fournis. Mais cela ne suffit pas, on ne peut pas confronter les organisations aux seules appréciations subjectives de leurs bénéficiaires, il faut que les organisations développent elles-mêmes des indicateurs.

Pour le résultat auprès du personnel, on procède plus ou moins de la même manière: on se penche tout d’abord sur les résultats des mesures de la satisfaction, de la motivation. On a recours aux mêmes techniques, et on examine ce que disent les indicateurs utilisés à cet effet. Il convient de remarquer que, dans la plupart des organisations qui appliquent ce type de modèle, la première constatation est très souvent la même : il n’y a pas de mesure, ni d’indicateur et, en conséquence, la première chose à faire est justement de développer ce type d’outils ou d’instruments.

Pour le critère suivant, nous regardons de plus près les résultats auprès de la société, qui ne sont pas liés aux performances clés, en dehors de la raison d’être de l’organisation, résultats sociétal et environnemental.

En dernier lieu, « last but not least », nous arrivons au résultat des performances clés où nous allons vérifier de quelle façon nous avons réalisé les objectifs bien définis dans la planification, la stratégie et la performance financière.

* * *

A ce stade, j’aimerais dire quelques mots sur les leçons que nous avons tirées jusqu’à présent en général, et sur la mise en œuvre en particulier.

Tout d’abord, il faut dire que le CAF est un instrument générique, déjà appliqué à tous les niveaux des organisations publiques en Europe, aussi bien dans les ministères que dans les administrations locales. Mais cela signifie qu’il doit être adapté à l’organisation en question. Il faut en fait un peu le traduire dans le contexte de l’environnement où il est utilisé. On peut l’appliquer à tout moment. Une organisation qui est engagée dans une grande réforme nationale ou locale peut utiliser le CAF, au même titre qu’une organisation qui veut se lancer délibérément dans une démarche de qualité. L’instrument est un complément à des actions de

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1� Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

modernisation. Ce n’est pas une alternative. Il forme un cadre logique où l’on peut placer les réformes en cours ou celles qui sont déjà annoncées.

Le modèle représente un équilibre entre objectivité et subjectivité. On invite les collaborateurs qui participent aux groupes d’auto-évaluation à s’exprimer sur des bases évidentes, claires, bien définies.

Mais le plus important, c’est qu’il offre une occasion unique aux collaborateurs de s’exprimer sur leur organisation et de créer de cette façon le meilleur soutien au changement. Néanmoins, cela comporte des risques. J’explique toujours aux fonctionnaires dirigeants, avant d’entamer une démarche de cette nature, que si l’on invite les gens à s’exprimer, on fait naître une motivation, un engagement et parfois un engagement qui va très loin. Il faut donc bien gérer cette attente ou cet engagement aussi bien au « sommet » qu’à la « base ».

Le groupe d’auto-évaluateurs doit évidemment être représentatif de l’ensemble de l’organisation car il s’agit de la légitimité de son travail et surtout de l’acceptation des conclusions.

Il ne faut pas travailler sur une période trop étalée dans le temps, cela doit aller vite : quatre à six demi-journées doivent suffire. Il faut s’appuyer sur des preuves pour justifier les scores -parce qu’on demande de donner un score- et surtout, il faut essayer de se mettre d’accord. On demande aux gens de s’exprimer et le fait qu’on arrive dans ces groupes à un consensus constitue la garantie que l’analyse est partagée par l’ensemble de l’organisation.

Dernière leçon sur la mise en œuvre : il faut un soutien fort et visible des dirigeants. Très souvent, l’approche qualité est une approche qui est introduite dans l’organisation par des spécialistes, des gens qui ont suivi une formation, qui ont été motivés par des organisations de formation, publiques ou autres. Trop souvent ils restent isolés dans leur coin avec leur spécialisation. Or cette démarche implique un véritable engagement de la part des dirigeants car il faut se rendre compte que l’organisation est en quelque sorte mise en question. L’objectif de ce diagnostic est de dégager des plans d’action pour tous les niveaux de l’organisation. Je peux vous donner l’exemple de Bruxelles-capitale, où cette action d’auto-évaluation dans 17 des 40 directions a conduit à un grand plan d’action intégré pour l’ensemble du ministère, des directions générales et des directions.

Pour terminer, je tiens à souligner que le CAF reste une des priorités des Etats membres de l’Union européenne, en particulier des nouveaux pays membres. Un plan d’action CAF pour les années 2005 et 200� est aujourd’hui disponible, et vous aurez certainement l’occasion d’en prendre connaissance. Le Centre de ressources CAF de l’IEAP à Maastricht est à votre disposition pour vous aider si vous voulez suivre une formation ou avoir de la documentation. En novembre 2003, quelque 150 utilisateurs du CAF se sont réunis pour la première fois à Rome et une nouvelle réunion est prévue à Luxembourg les 1er et 2 juin 2005.

l’exPérience de la démarche euroPéenne du common assessment framework

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�0Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

QueL nouveau rôLe pour Les corps de contrôLe

avec La mise en œuvre de La LoLf ?

DanielLIMODIN, chef de l’inspection générale de l’Administration, ministère de l’Intérieur

Depuis la publication de la loi organique, mais surtout depuis quelques mois, les différentes inspections interministérielles ou ministérielles ont réfléchi, d’abord isolément puis entre elles, sur la façon dont la mise en œuvre de ce texte serait susceptible d’affecter leur fonctionnement et leurs missions.Cette tentative d’appréciation de l’impact de la Lolf sur le rôle des corps et services d’inspection me paraît pouvoir être appréhendée sous deux aspects différents :

I. Un aspect endogène : les inspections sont partiesprenantesdelaLolf

On n’y pense pas spontanément. Et pourtant, dans leur gestion interne, dans leur fonctionnement quotidien, les inspections sont désormais parties prenantes à la culture de résultat initiée par la Lolf. Leur première nouvelle mission consiste donc à s’adapter à ce nouveau contexte. Or, cela ne va pas sans poser quelques problèmes.

la première difficulTé TienT au posiTionnemenT des inspecTions dans les programmes On aurait pu imaginer une dixième mission interministérielle dite de « contrôle », mais se serait alors posée la question délicate de la définition des programmes correspondants. Actuellement, les diverses solutions retenues, semble-t-il, sont pour le moins hétérogènes. Si l’IGA a été intégrée au sein du MISILL dans le programme « soutien des politiques de l’intérieur » dans l’action 2 « expertise, audit, prévision, études et recherche », d’autres positionnements ont été retenus, ailleurs. Ainsi, certaines inspections ne sont même pas identifiées dans une action spécifique et sont noyées dans une action plus vaste de « moyens en personnel de l’administration centrale ». Un corps de contrôle, à l’inverse, est isolé dans une action de la fonction support, un autre est placé dans une sous-rubrique « Etat-major »…

les objecTifs reTenus sonT difficiles à formuler eT manquenT souvenT d’imaginaTion

Ils se traduisent fréquemment par des formules très générales. On trouve par exemple « la contribution à l’évolution des politiques du ministère », « la contribution à un meilleur pilotage des politiques publiques par la réalisation d’études, d’audits, d’évaluation et de contrôle » (IGA). Il s’agit parfois purement et simplement de la reprise de « l’objet social » défini dans le statut du corps.

l’éTablissemenT d’indicaTeurs de performance associés aux objecTifs préciTés, resTe encore assez sommaire

Les paramètres retenus sont, semble-t-il, le plus souvent d’ordre quantitatif : nombre de rapports par rapport au nombre de programmes concernés au sein du ministère ; nombre de téléchargements de rapports sur un site internet (ex. : la documentation française) ; nombre de consultations du site ; nombre de visites faites dans les services et nombre de recommandations faites l’année N et ayant donné lieu à des suites l’année N+1, 2 ou 3…L’IGA, en ce qui la concerne, s’est dotée de deux indicateurs délicats à mettre en œuvre :

• un indicateur de qualité de ses travaux, se traduisant par un taux d’appréciations positives à partir des évaluations du commanditaire, du chef de corps et d’une auto-évaluation des membres de la mission, reflétant notamment la prise en compte de la réactivité (durée des missions, délais de mise en œuvre) la qualité du dialogue avec le commanditaire et le caractère opérationnel et/ou utile du travail réalisé ;

• un indicateur relatif aux suites données ou non aux travaux réalisés. Il s’agit de mesurer l’impact à moyen terme (six mois) des travaux réalisés, au-delà de l’appréciation immédiate.

l’inclusion des inspecTions dans des programmes de souTien risque de modifier profondémenT leur foncTionnemenT eT pose le problème de leur indépendance

La disparition des postes budgétaires qui, combinés avec les règles statutaires, conditionnaient les promotions aux divers grades, au profit d’une masse indiciaire en équivalent temps plein dans le cadre d’un plafond d’emplois ministériel autorisé, pourra permettre une meilleure Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GEPEEC) en veillant à améliorer l’équilibre quantitatif des différents grades. Mais cela suppose que les chefs de corps obtiennent plus de souplesse et une véritable responsabilité de gestion de la part du directeur de programme dont

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ils dépendent. Se pose alors la question de disposer ou non d’un BOP assorti d’un code de bonne conduite. Un dialogue de gestion au coup par coup avec le directeur de programme pour régler, par exemple, un retour de détachement, apparaît en effet peu conforme au principe d’indépendance d’une inspection.

II. Un aspect exogène : l’impact de la LOLF surl’activitédesinspections

Je vais essayer de définir ce que pourraient être les nouvelles missions et le nouveau rôle des corps d’inspection. Je mesure la vanité, voire l’inanité d’un tel exercice qui n’engage que moi.

les services d’inspecTion vonT de plus en plus conTribuer au renforcemenT de la mission d’évaluaTion eT de conTrôle du parlemenT

n Directement d’abordCela résulte de l’article 57 de la Lolf, entré en vigueur dès le 1er janvier 2002, faisant une obligation quasi-absolue de transmission aux commissions des finances des deux assemblées, des rapports « établis par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure de l’État et du respect de l’instruction et du secret médical ». Désormais, la liste intégrale des rapports est adressée, à leur demande, aux présidents des commissions et les rapports sélectionnés par eux leur sont immédiatement transmis, y compris lorsqu’ils comportent des mentions nominatives. Par ailleurs, les chefs d’inspection sont et seront entendus, le cas échéant, par les commissions des finances (ex. : celle du Sénat) sur leurs méthodes d’évaluation ou sur leur appréciation quant aux résultats obtenus dans le cadre des divers programmes.

n IndirectementLes inspections générales seront sollicitées par les cabinets pour effectuer des audits devant analyser les raisons pour lesquelles les objectifs d’un programme n’ont pas été atteints, afin que le ministre puisse s’expliquer de ce mauvais résultat devant la représentation nationale, sur la base d’un document objectif. De même, la Lolf porte en elle-même l’effacement du rôle traditionnel dévolu aux cabinets ministériels et assure l’émergence des directeurs de programme. Le dialogue politique par nature, qui va nécessairement s’ouvrir entre le Parlement et les directeurs de programmes,

aura des répercussions sur les corps de contrôle. Statutairement en effet, seuls les ministres et leurs directeurs de cabinet peuvent les saisir. Mais comment va s’établir désormais le plan de charge des inspections entre les demandes pouvant émaner du cabinet ou des responsables de programmes ? (dont celui ayant en charge « le support » du corps ou service d’inspection). Il me semble qu’en la matière, les inspections devraient disposer d’un droit d’auto saisine, dans le cadre d’une mission permanente par exemple, d’inspections interministérielles.

les plans de charge des inspecTions vonT êTre considérablemenT alourdis du faiT des exigences naTurelles d’évaluaTion du parlemenT eT de chacun des minisTres concernés

Rappelons que les inspections auront à faire face à 34 missions, dont 9 interministérielles, à 132 programmes et quelque 580 actions, sans compter les opérations déconcentrées. Par exemple pour l’IGA, cela représente, pour le seul MISILL et l’outre-mer, 7 missions et 15 programmes. Pour l’IGAS, 5 missions et 22 programmes, je crois.

les inspecTions devronT privilégier le conTrôle de régulariTé de second degré

Il importe, à mes yeux, que les inspections, à l’instar du contrôle des fonds structurels européens, effectuent principalement un contrôle dit de second degré. Le contrôle du contrôle. Encore faut-il qu’elles s’assurent que ce premier contrôle interne existe en matière de performance et plus spécialement de contrôle de gestion, malheureusement pas toujours institué. Les méthodes de contrôle de services (notamment déconcentrés) des inspections devront être remises à plat afin de les concevoir dans le cadre d’une chaîne de responsabilité nouvelle entre le responsable d’un programme et les responsables de BOP ou les unités opérationnelles. Il est aussi probable que les inspections seront conduites à s’investir dans les domaines d’organisation et de découpages de services d’une part, et de déconcentration de la gestion d’autre part, questions qui vont inévitablement surgir avec la mise en œuvre de la LOLF.

la coordinaTion des Travaux enTre corps de conTrôle devra êTre renforcée

Cela implique que soit entrepris un travail méthodologique important, invitant à une plus grande synergie dans ce domaine entre inspections, et que soit assurée une indispensable coordination des travaux notamment avec le CIAP. Je rappelle

quel nouveau rôle Pour les corPs de contrôle avec la mise en œuvre de la lolf ?

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que les inspections sont déjà fortement impliquées dans les audits nationaux de programmes du CIAP et le seront encore plus dans le cadre des audits de réalisation des programmes et de la validation de leurs résultats.

La question du positionnement des inspections par rapport au CIAP doit être clairement posée, en matière de contrôle de performance. Le CIAP se situe plutôt, à mon sens, dans une démarche d’assurance qualité de l’organisation du contrôle interne de premier niveau et de la fiabilité des indicateurs de performance. En revanche, le contrôle, proprement dit, de la performance (contrôle de la réalisation des objectifs) me paraît relever plutôt des inspections. Quant à l’évaluation, de l’impact socio-économique, cela devrait être le fruit d’un travail inter-inspections auxquels pourraient se joindre des cabinets de consultants privés.

Dans l’activité des inspections, la part respective entre, d’une part, le contrôle traditionnel (vérification de la conformité à la règle) et, d’autre part, l’appréciation sur la réalisation des objectifs et l’évaluation de l’impact socio-économique des politiques publiques va devoir évoluer en faveur de l’évaluation. Cela implique un gros effort de formation initiale et permanente des membres d’inspections.

Enfin, les inspections devront réfléchir ensemble afin de fixer les lignes de partage entre la mission de certification de la Cour des Comptes qui comprendra naturellement une part d’évaluation et le rôle confié au comité d’audit des programmes auquel elles participent.

* * *

La mise en œuvre effective de la Lolf en 200� se traduira par un appel encore plus intensif aux corps d’inspections, déjà très fortement impliqués, et nécessitera une meilleure coordination de tous les organismes concernés. Tous les chefs de corps et de service vont devoir se livrer à un exercice difficile : concilier les missions impliquées par la Lolf avec celles constituant leur corps de métier, pour le compte du ou des ministres auxquels ils sont rattachés. Pour plagier le vocabulaire « lolfien », c’est un objectif ambitieux qui relève de la performance pour obtenir des résultats satisfaisants.

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comment atteindre Les objectifs de modernisation du management pubLic

vouLus par Le parLement ?

GillesCARREZ, député du Val-de-Marne

Je constate que Daniel LIMODIN baigne déjà dans la culture « Lolfienne ». Nous essayons aussi, au Parlement, de nous immerger dans cette culture et je dois dire que nous avons du mal. La loi organique est en train de révéler des aspects absolument majeurs, qui étaient au départ relativement négligés, pour ne pas dire insoupçonnés. Quand Agnès de FLEURIEU m’a demandé de traiter des attentes du Parlement au titre de l’amélioration du management public, ma première réaction a été de dire que le Parlement ne s’occupe pas a priori de l’amélioration du management public. Le bon découpage entre exécutif et législatif de la Ve République conduit le Parlement à discuter beaucoup de lois, mais à ne pas se préoccuper du tout de ce qu’il se passe après -contrôle et évaluation- Je vais moi aussi m’efforcer de baigner ce matin dans la culture « Lolfienne » de l’évaluation et du contrôle.

La Lolf peut se révéler un instrument extrêmement puissant pour le management public. Au départ, alors que c’est un texte d’initiative parlementaire dont les deux pères sont Alain LAMBERT au Sénat et mon prédécesseur, rapporteur général du budget à l’Assemblée, Didier MIGAUD. Nous avons accompagné, favorisé le mouvement, la conjonction politique extraordinaire qui fait qu’il y a eu un consensus, alors que nous avions essayé, en vain, sous la Ve République, de réformer, une quarantaine de fois, l’ordonnance de 59. Bien que dans l’opposition à l’époque, j’ai tout fait pour qu’on arrive à un consensus.

Aujourd’hui je dois participer à la mise en œuvre. Au départ, il s’agissait surtout de faciliter le vote des lois de finances, d’améliorer les comptabilités -d’engagement, patrimoniale, etc.- de nous engager dans la certification des comptes, etc. Finalement, l’aspect majeur aujourd’hui, ce sont les conséquences en terme de management public de la nouvelle organisation budgétaire qui passent désormais par des missions, des programmes, donc par des objectifs, des indicateurs et qui mettent l’accent sur des résultats et sur leur évaluation.

C’est donc de ces points que je voudrais parler en posant un certain nombre de questions parce que les délais sont extrêmement courts : dès 2005 nous adoptons « à blanc » le budget sous forme de missions et de programmes, avec des débuts d’indicateurs, des esquisses de projets annuels de performance, et nous basculons dans un relatif inconnu dès 200�, ce qui pose énormément de questions que je voudrais aborder uniquement du point de vue du management public.

Première question, dans ce nouveau dispositif, les responsables de programmes vont jouer un rôle absolument déterminant : au lieu d’avoir des directeurs d’administration centrale un peu anonymes et dont le contour des responsabilités n’est pas très bien fixé, nous allons avoir des programmes identifiés en termes politiques, qui ont du sens par rapport aux parlementaires mais aussi par rapport au grand public, des objectifs, des indicateurs de résultats, et donc je ne vois pas comment le statut des responsables de programme ne devra pas s’affirmer.

Cela pose la question de l’articulation avec les cabinets ministériels : comme parlementaire, nous ne voyons presque que les cabinets. Or à travers la mise en place des missions et des programmes, depuis un an nous avons travaillé essentiellement avec les administrations, avec leurs directeurs, avec les corps d’inspection. Les interlocuteurs directs seront pour nous les administrations. On voit bien que nos responsables de programmes vont devoir rendre compte à tout un ensemble d’intervenants extérieurs, mais notamment au Parlement. Il va donc falloir se poser la question. Parce qu’il est aujourd’hui terriblement compliqué pour un parlementaire d’aller voir directement un directeur d’administration centrale, a fortiori un sous-directeur ou un chef de bureau. Il faut passer par des autorisations de toutes sortes et je ne vois pas comment ceci continuera de fonctionner.

Plus encore, les responsables de programmes vont devoir aussi rendre compte vis-à-vis du public, vis-à-vis des médias. Regardons le délégué à la sécurité routière : on l’entend régulièrement à la radio, on le voit régulièrement à la télé, et sur un certain nombre de programmes, identifiés avec des objectifs politiques, il faudra bien que ces responsables de programmes soient sur le devant de la scène.

Question également que je me pose : qui dit responsable de programme, dit véritable responsabilité. Il est vrai que les programmes vont comporter une fongibilité en terme de crédit, asymétrique bien sûr mais une réelle globalisation. Cette approche, si on veut jouer le jeu, devra s’inscrire dans la durée et exigera, pour certains

comment atteindre les oBjectifsde modernisation du management PuBlic voulus Par le Parlement ?

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programmes, une démarche pluriannuelle. On voit que là où l’on a tenté la fongibilité, la globalisation, cela marche, à Bercy en particulier qu’il s’agisse de la direction des impôts ou de la DREE, cela s’inscrit dans des programmes pluriannuels.

La déclinaison programme, budget opérationnel de programme, unité opérationnelle - ce qu’on appelle le dialogue de gestion - est loin d’être évidente, car c’est un changement assez radical : le management des ressources humaines, comment cela va-t-il se passer ? J’entendais Jacky RICHARD, je crois, dire sous forme d’interpellation : ne devra-t-on pas imaginer des CTP de programme ? Comment va-t-on coordonner la gestion des ressources humaines au niveau des programmes avec l’approche aujourd’hui confiée à un directeur de l’administration ou du personnel dans chaque ministère ? Comment ceci va-t-il s’harmoniser avec les corps, les statuts et les rémunérations ?

La question des indicateurs me paraît aussi fondamentale. Ce sera l’essentiel de notre travail. Nous avons travaillé, et le Gouvernement a vraiment joué le jeu -je tiens à le souligner peut-être à cause du consensus politique que l’on fait absolument tout pour préserver- dans l’élaboration, la définition des missions et des programmes. On n’a pas eu satisfaction sur tout mais on a pu obtenir un certain nombre de résultats, par exemple cette mission « Politique des territoires » qui est venue vraiment de chez nous, en liaison d’ailleurs avec le CGPC. Nous avons travaillé dans l’esprit suivant : comment organiser missions et programmes et utiliser la Lolf dans une perspective de réforme de l’Etat ? Par exemple : la mission « Politique des territoires », doit faciliter la réforme des services extérieurs, pour donner plus de lisibilité et mieux coordonner les politiques. Quand, par exemple, nous nous sommes battus pour que soient regroupés dans une même mission « Sécurité » le programme « Police » du ministère de l’Intérieur et le programme « Gendarmerie » du ministère de la Défense, c’était pour avoir des objectifs et des indicateurs communs, pour pouvoir comparer et pour coordonner au plus près du terrain les deux administrations.

Lorsque nous avons malheureusement échoué sur la mission « Environnement - Prévention des risques naturels ou industriels », nous nous posions la question suivante : peut-on continuer, avec la décentralisation et la déconcentration, à distinguer les directions régionales de l’Environnement (Diren) et les directions régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (Drire). On a donc travaillé afin d’utiliser la Lolf en tant que levier de la réforme de l’Etat qui facilite

un certain nombre d’évolutions de nos structures administratives trop dispersées. Nous avons eu l’idée de regrouper sous la même mission « Ville » et « Logement » et nous avons été suivis quand l’organisation ministérielle a retenu ce découpage. A ce propos, je n’imagine pas comment on ne va pas être contraints de stabiliser les découpages ministériels. Cela me paraît être une évidence !

La définition des indicateurs est un exercice complexe. Je prenais l’exemple, lors d’une réunion récente, du logement et de l’urbanisme : le logement relève d’indicateurs assez clairs, mais comment évaluer l’efficacité d’une loi comme la loi SRU ? La production réglementaire, tout ce qui relève de procédures, est peu propice aux indicateurs. La production textuelle dont, nous les parlementaires, nous plaignons tout en en rajoutant, cette accumulation, cette frénésie de textes réglementaires, normatifs, dans le domaine de la sécurité et de l’environnement, en mesure-t-on l’efficacité en termes d’indicateurs et de résultats ?

Autre question fondamentale : les contrôles. Comment va-t-on les organiser par rapport à cette nouvelle approche ? Nous allons dorénavant voter par mission et approuver les programmes, dès le premier euro : c’est un changement majeur. Mais comment va-t-on greffer les contrôles par rapport à cela ? Le contrôle financier a priori, tel qu’on le connaît et qu’on le pratique, n’est pas très compatible avec l’idée de responsabilisation des directeurs de programmes, mais en même temps il reste indispensable. Il ne faut surtout pas oublier le contrôle de régularité. Il faudra aussi un contrôle d’engagement par rapport au montant des différents programmes et la régulation budgétaire restera inévitable. Comment concilier ces procédures avec la responsabilité ?

Par ailleurs, la dimension « contrôle - évaluation » a posteriori va devenir fondamentale. On l’appelle plutôt le contrôle de gestion, par rapport aux objectifs fixés, aux résultats à partir d’une batterie d’indicateurs. Ces indicateurs seront étudiés pendant les premiers mois 2005 pour essayer de les affiner d’ici le débat d’orientation budgétaire. Nous souhaitons avoir un rôle très actif au Parlement sur ce point. Quant au contrôle comptable, il paraît plus simple avec l’organisation de départements comptables par ministère qui devrait assez bien fonctionner.

J’en viens aux corps d’inspection. Pour nous, il est essentiel que le Parlement puisse faire appel directement aux corps d’inspection, même si, formellement, cela passe par les ministres. Nous avons dans la loi organique deux dispositions :

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l’article 58 définit clairement la mission de l’assistance de la Cour des Comptes. Nous travaillons de façon beaucoup plus étroite depuis maintenant deux ans avec la Cour des Comptes, en amont et en aval, mais il faudra aussi que les corps d’inspections puissent être saisis par le Parlement sur différents sujets.

On se rend compte que sur beaucoup de sujets, les problèmes sont transversaux. Prenons l’exemple de l’aide médicale d’Etat, centres d’hébergement d’urgence, en fait le problème de l’immigration clandestine. Pourquoi ne peut-on avoir de solution chez nous alors que partout en Europe de vraies politiques ont été mises en place ? C’est parce que cette question est éclatée entre le Ministère des Affaires Etrangères, celui de l’Intérieur, celui de la Solidarité et de la Santé. On ne s’en sort pas.

Pour un certain nombre de problèmes de ce type, il faudra donc avoir des approches transversales à définir avec l’aide des corps d’inspection. Je le répète : même s’il y a des réticences du côté des ministres, il y en a aussi de la part de parlementaires qui ne connaissent pas très bien l’administration et disent « comment peut-on faire appel à un corps d’inspection qui est hiérarchiquement totalement dépendant du ministre, de l’exécutif car les déroulements de carrière en dépendent et dont les membres ne pourront, n’oseront pas prendre position? ». Je crois qu’il faut relativiser cette critique.

Je suis persuadé, et c’est le grand défi des prochains mois, que l’essentiel de la loi organique réside dans sa dimension articulations d’objectifs, indicateurs, ressources humaines, contrôle. En tout cas, il est vrai que nous sommes un certain nombre de parlementaires à vouloir nous impliquer, mais je tiens à vous répéter qu’il s’agit de relever un véritable défi !

comment atteindre les oBjectifsde modernisation du management PuBlic voulus Par le Parlement ?

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Table ronde

La modernisation du management pubLic est-eLLe bien engagée ?

pierre verKaeren, président du comité de direction du service public fédéral belge du budget et du contrôle de gestion

« du rêve d’un minisTre à la réaliTé … »Pour vous présenter l’évolution de l’action administrative en Belgique, mon exposé s’articulera en trois volets. Je retracerai d’abord la genèse de ce changement, je préciserai ensuite le rôle de mes services dans l’accompagnement de ces changements et terminerai en vous présentant un état actuel de la situation.Un terrain à défricher…

Dans le courant des années 90, la mutation de l’environnement sociétal provoquait une certaine modernisation de la fonction administrative. Les transformations les plus significatives de cette époque conduisent à :

• une plus grande démocratie administrative (obligation de motiver les actes administratifs, création d’un collège de médiateurs, etc.),

• la naissance de nouveaux métiers (fonctionnaires d’information, directeurs de formation, etc.),

• la mise en place partielle d’une nouvelle structure (entreprises publiques autonomes, agences, etc.),

• et, pour ces dernières organisations publiques, à une certaine amélioration de leur gestion favorisée par l’utilisation de nouveaux « outils » (contrats de gestion, tableaux de bord, etc.).

Malheureusement, ces mesures qui n’étaient portées ni par un même fil conducteur, ni par des moyens budgétaires suffisants, ont fait l’objet de peu d’accompagnement et leur systématisation à l’ensemble des services publics n’a jamais été intégrée à une stratégie d’ensemble. En 1999, lors de l’installation d’un nouveau gouvernement, l’accord intervenu entre les différentes parties prévoyait bien une amélioration de l’efficacité administrative mais rien ne laissait présager la « révolution » qu’allait connaître la fonction publique fédérale belge, tant dans sa structure, dans son organisation que dans sa culture même.

le rêve d’un minisTre…En effet, sur proposition du Ministre de la fonction publique de l’époque, le Conseil des Ministres décida de confier à des groupes de travail mixtes administration-experts essentiellement issus du secteur privé, la tâche de formuler des propositions de modernisation sur la gestion du personnel et le fonctionnement général de l’administration. Ce sont les rapports de ces groupes qui en avril 2000, serviront d’assises au développement d’un énorme projet de changement qui portera le nom de « Plan Copernic ».

une réforme…Ce vaste programme d’actions s’inscrivait dans ce mouvement qui veut que l’administration publique puisse être organisée comme une entreprise et en conséquence, que la gestion publique requérait d’abord de nouvelles compétences managériales. Pour la mise en œuvre des différentes actions, quatre axes essentiels seront retenus :

• une nouvelle structure (nouvel organigramme fédéral) et de nouveaux organes favorisant la relation entre politique et administration,

• une nouvelle gestion des ressources humaines,• de nouveaux processus de travail,• une nouvelle culture managériale.

Le nouvel organigramme se présente sous forme d’une matrice virtuelle dans laquelle les différents services qui assurent une « mission » essentielle de service public sont repris verticalement, alors que les services de « soutien » (ICT, Personnel et Budget et Contrôle de la gestion) interviennent horizontalement. De nouveaux organes sont mis en place dans chaque département :

• Un « conseil stratégique » servira de relais entre le politique et l’administration et sera notamment chargé de l’élaboration des plans stratégiques.

• Une « cellule stratégique » est prévue pour remplacer les cabinets ministériels et pour soutenir les autres organes dans les activités de préparation et d’évaluation de la stratégie (elles ont été peu activées à ce jour).

• Un « comité de direction » est chargé de la gestion quotidienne du service public fédéral (nouvelle appellation des ministères).

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La nouvelle vision de la Gestion des Relations Humaines (GRH) comprend le remplacement d’une culture de grades et de carrière par un système lié à des « fonctions ». Parfois exercées de façon temporaire, elles permettent une plus grande mobilité au sein des services publics. C’est aussi dans ce contexte qu’il y a lieu de situer la nouvelle procédure de sélection des cadres les plus élevés de la hiérarchie et affectés à des fonctions de management ou d’encadrement. Un nouveau processus d’évaluation du personnel a également été instauré. Il se fonde sur le mode de l’auto-évaluation et sur des principes de développement personnel.

La nouvelle façon de travailler résulte de la mise en œuvre de projets de type Business process reengineering (BPR). Plusieurs centaines de projets ont été développés à ce jour. Ils devraient permettre de recentrer les tâches accomplies sur les objectifs réels du service public (sa Mission) en plaçant le « citoyen – usager - client » au cœur des préoccupations.

La nouvelle culture du management privilégie la flexibilité. Les valeurs de fidélité à une organisation sont aujourd’hui plutôt considérées comme un frein à la créativité et à la bonne utilisation des compétences.

Si les actions menées sur ces quatre axes continuent à interpeller une grande partie des fonctionnaires, il n’en demeure pas moins qu’elles visent également, dans un souci d’efficience et d’efficacité, à renforcer l’autonomie de chacun des départements par une plus grande responsabilisation des managers publics.

le service public fédéral (spf) budgeT eT conTrôle de gesTion eT la nouvelle culTure de managemenT…Comme il vient d’être dit ci-avant, cet objectif de rendre les services publics plus autonomes implique une accentuation de la responsabilité des managers publics et réclame notamment de nouveaux systèmes de contrôle. En effet, la responsabilisation exige que les SPF puissent prendre en charge la totalité de leur gestion avec une autonomie suffisante quant aux décisions opérationnelles. Chaque SPF de l’administration fédérale est maintenant considéré comme une entité séparée avec une autonomie opérationnelle étendue ; en contre partie, il doit répondre à des normes minimales et à des obligations de justification et de rapportage.

Le SPF horizontal B&CG est à cet égard, appelé à jouer un rôle clé dans la consolidation des données, la fixation des lignes directrices et des normes (en

concertation avec les autres SPF) et dans le suivi et le soutien à apporter aux SPF.Comme la fixation des lignes directrices et des normes liées au cycle budgétaire et de gestion doit se faire autant que possible en concertation avec les autres SPF horizontaux et verticaux, le SPF horizontal B&CG doit fixer des normes minimales à respecter de manière à lui permettre d’exercer sa fonction horizontale de consolidation et de gestion financière globalisée de l’État.

De leur côté, tant le suivi que le contrôle des SPF doivent se dérouler en adéquation avec la responsabilisation recherchée. Cela signifie le développement d’une nouvelle approche des contrôles: les nouveaux mécanismes de contrôle doivent être (en apparence) plus « soft » que la supervision hiérarchique classique à laquelle il est reproché d’empêcher la responsabilisation et d’allonger le cycle de décision.

De ce fait, le rôle et l’intérêt pour le contrôle interne augmentent par rapport ceux relatifs au contrôle externe. Cela implique le développement d’outils de gestion et de suivi de la performance ainsi que le renforcement de l’usage des techniques d’évaluation et d’audit pour, in fine, favoriser l’évolution des contrôles a priori (ex ante) vers les contrôles a posteriori (ex post).

Dans ce sens, il convient aussi de mettre en place des garanties et stimulants suffisants dans le cycle budgétaire et de gestion pour assurer une gestion financière sûre. Cela suppose une combinaison de mesures de natures diverses telles qu’une gestion appropriée des rémunérations, l’offre de formations adéquates mais surtout de nouvelles procédures et systèmes de contrôle interne et externe, de l’audit et le développement de systèmes d’évaluation.

L’institution d’un système de contrôle interne intégré au sein de chaque SPF et d’un service d’audit interne doit permettre à l’avenir une responsabilisation effective de la direction opérationnelle de chaque SPF. L’installation d’une comptabilité budgétaire, générale et analytique moderne (en partie double) et la redéfinition du contrôle budgétaire, administratif et de gestion, exercé actuellement par l’Inspection des Finances viennent compléter le dispositif.

In fine, le cycle budgétaire devra être intégré au cycle de planning et d’évaluation et aligné sur la durée des mandats de telle sorte que les objectifs définis, plannings et rapportage de ces différents cycles soient totalement intégrés.

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la responsabiliTé de chaque service public fédéral

Pour faciliter la mise en œuvre de ces actions, les SPF ont été tenus de mettre en place des entités B&CG dans lesquelles les compétences et les procédures nécessaires sont actuellement disponibles pour le développement des outils de gestion et des systèmes de contrôle interne.

Les SPF doivent également s’organiser de manière à disposer des instruments nécessaires pour réaliser une allocation optimale de leurs moyens et, particulièrement dans ce domaine, mettre en place un système de contrôle interne reprenant notamment des données comptables de qualité et disponibles à temps (comptabilité budgétaire et analytique) ainsi que de systèmes de mesure de la performance.

la mise en œuvre eT le « managemenT supporT »- le cadre juridique

Certaines de ces nouvelles approches sont encore à développer. D’autres sont déjà traduites en arrêtés d’exécution. Elles font actuellement l’objet d’accompagnements spécifiques qui, pour la plupart, sont soutenus par le service « Management Support » attaché au SPF budget et contrôle de la gestion. Aujourd’hui, les actions développées découlent des dispositions de :

• l’arrêté royal du 7.11.2000 portant création et composition des organes communs à chaque service public fédéral (dont les comités d’audit) ;

• l’arrêté royal du 2� mai 2002 (M.B. du 31 mai 2002) relatif au système de contrôle interne au sein des services publics fédéraux,

• l’arrêté royal du 2 octobre 2002 (M.B. du 9 octobre 2002) relatif à l’audit interne au sein des services publics fédéraux,

• la Loi du 16 mai 2003 (M.B. du 25 juin 2003) fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu’à l’organisation du contrôle de la Cour des Comptes,

• la Loi du 22 mai 2003 (M.B. du 3 juillet 2003) portant organisation du budget et de la comptabilité de l’État fédéral (mise en œuvre reportée au 1er janvier 2005),

• la Loi du 22 mai 2003 (M.B. du 3 juillet 2003) modifiant la Loi du 29 octobre 184� relative à l’organisation de la Cour des Comptes (entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2005).

Le 22 mai 2003, lors de l’adoption des lois réorganisant le budget et la comptabilité de l’Etat fédéral ainsi que la Cour des Comptes, des arrêtés royaux organisant le contrôle et l’audit internes (respectivement les 2� mai et 2 octobre 2002) ont été pris. Le législateur avait en effet prévu une redéfinition substantielle des procédures de contrôle budgétaire, comptable et financier pour l’Exécutif fédéral belge.

la méThodologie

Les actions sont menées selon un processus dynamique conçu pour que le changement et le concept de contrôle interne s’intègrent progressivement dans la culture des départements et que les principes du contrôle de gestion deviennent une référence naturelle chez leurs dirigeants. Il ne vise donc pas à forcer les départements mais à les amener au même point, chacun suivant son rythme et la méthode qui lui paraît la plus appropriée en fonction des moyens dont il dispose. Pour l’instant, les actions s’articulent sur deux axes principaux : la communication et l’appui méthodologique.

En termes de communication, la démarche s’appuie sur la mise en place d’un réseau de contact qui, au départ des « directeurs des services d’encadrement budget et contrôle de la gestion » réunis régulièrement en « Forum », s’étoffe progressivement de personnes plus impliquées et plus activement engagées dans des groupes de travail. Les objectifs de ces groupes sont de partager la base commune de normes de contrôle disponible dans la documentation et à la mettre en pratique. Dans le but d’amener chacun à parler le même langage, des sessions de sensibilisation et des workshops sont régulièrement organisés.

En termes d’appui méthodologique, l’approche consiste à mettre sur pied un centre de connaissance susceptible d’apporter les informations requises aux départements. Il sera en mesure de donner une réponse adéquate aux problèmes rencontrés en pratique par les différents SPF dans le développement de leurs systèmes. L’appui peut également prendre la forme d’interventions de « facilitation » destinées à débloquer certaines situations particulières. Concrètement, la tâche du service Management Support dans ces domaines, consiste à :

• mettre en place un réseau de contacts regroupant les représentants des différents SPF, ouvert également à l’inspection des Finances et dans une certaine mesure à des représentants de la Cour des Comptes ;

• organiser le secrétariat de ce réseau et à lui apporter le support technique nécessaire ;

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• apporter tout le support référentiel et méthodologique (formations, aides au recrutement, développement d’outils, méthodes et instruments, recherche d’experts ou de soutien externe etc.) souhaité par les SPF pour favoriser l’élaboration, la mise en œuvre et le développement de leur système de contrôle interne.

Pour faciliter la communication et à côté du management et de tous les fonctionnaires qui sont co-responsables du bon fonctionnement du contrôle interne, des équipes ont été désignées pour accompagner la mise en place effective du contrôle interne. Ces équipes sont constituées des « spécialistes » du SPF B&CG, de « facilitateurs » issus des autres SPF et de « promoteurs » de contrôle interne impliqués dans les équipes chargées de mener à bien les BPR entrepris.

l’éTaT d’avancemenT

Le contrôle interneL’attention portée actuellement au concept de « contrôle interne » résulte principalement de deux facteurs : la réforme de l’ensemble de la fonction publique fédérale et la réforme de la comptabilité de l’État.

La première, toujours en cours, a pour but de rendre l’administration plus efficace. Les modalités pour l’exercice des fonctions dirigeantes prévoient l’établissement de plans stratégiques, plans de management et plans opérationnels qui débouchent sur une meilleure spécification des objectifs à atteindre et conduisent à une responsabilisation accrue du management. Pratiquement dans tous les SPF les plans de management et opérationnels ont été établis et approuvés par les ministres.

La deuxième, qui entrera en vigueur avec la mise en œuvre de la réforme de la comptabilité publique, prévoit de nouveaux principes de contrôles administratif et budgétaire qui privilégient, pour les organes de surveillance externe, une approche orientée sur les contrôles a posteriori (abandon des contrôles a priori tels que le « visa préalable »).

La conjugaison des résultats des deux réformes n’offre aucune garantie de maîtrise des moyens octroyés à la réalisation des objectifs définis, sans création en contrepartie, d’un système de rapportage et de contrôle efficaces. Dans ce sens, il s’avère donc nécessaire de développer au sein de chaque SPF, une véritable culture de gestion fondée sur la mise en place d’un service d’audit interne et sur la mise

en œuvre structurée d’un processus de contrôle interne. A ce jour, les actions suivantes ont été réalisées pour tous les SPF :

• séances de sensibilisation et présentations destinées à clarifier la démarche, à approfondir les concepts, à parler un même langage ;

• visite de tous les SPF, avec identification de leur difficultés et de leurs « bonnes pratiques » susceptibles d’être échangées ;

• mise en place de plusieurs groupes de travail centrés, ou sur des processus ciblés, ou sur des sujets précis tels que : - promotion d’une culture comptable « analytique » et la fixation des

critères de contrôle interne en matière comptable et financière ; - mise en place des comité d’audit et audit interne ; - maîtrise d’unités déconcentrées ou partenaires ; - exécution d’inspections et de contrôles ; - plan de personnel et suivi budgétaire.

• réalisation d’une vaste enquête permettant de dresser un état des lieux de toutes les actions, de tous les projets planifiés, entrepris ou réalisés et qui contribuent à renforcer la maîtrise de la gestion.

FedcomDans la planification du Gouvernement fédéral 1999-2003, l’adoption des textes cités ci-dessus, allait de pair avec le lancement d’un programme pluriannuel ambitieux de définition puis d’installation du nouvel environnement comptable et des procédures y relatives, connu sous le nom de « programme Fedcom ». Ce programme prévoyait entre autres le lancement rapide d’un marché public important couvrant la sélection et l’installation d’un environnement informatique de type ERP (Enterprise Resource Planning) supportant le nouvel environnement pour tous les SPF.

La réforme de la comptabilité publique se poursuit à un rythme lent parce qu’il s’agit d’un projet d’envergure. Aujourd’hui, la possibilité d’implanter un logiciel permettant de tenir les écritures comptables des différents services publics fédéraux selon un système unique décentralisé appliquant le plan comptable issu des travaux de la Commission pour la réforme de la comptabilité publique à l’exception des aspects patrimoniaux tels qu’inventaire, actualisation des valeurs immobilisées et bilan est mise au point. Dans cette solution, les écritures seraient tenues selon le plan comptable, mais seules les classes budgétaires seraient «visibles» et utilisées par les services.

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Par ce projet la Belgique s’inscrit dans une tendance générale des pays de l’OCDE. Une note de travail présentée par les experts de cette organisation après une enquête dans les différents pays membres montre que 1� d’entre eux (sur 30) appliquent un système de comptabilité générale parfois sans la partie «capital et réévaluation des actifs». De plus, ce changement permettra :

• de satisfaire aux exigences de l’U.E (SEC 95), comptabilisation selon les droits constatés et au départ des transactions proprement dites ;

• et de favoriser une meilleure comptabilisation des recettes non fiscales.

Cette démarche est achevée. Elle doit permettre de lancer un appel au marché pour la mise en place, en quatre années, d'un software adapté à nos besoins et d'une plate forme hardware permettant son déploiement. Malheureusement, les nécessités budgétaires actuelles semblent compromettre, une fois de plus, le respect de cet objectif.

En ce qui concerne la comptabilité proprement dite, il sera nécessaire de revoir certaines dispositions de la Loi du 22 mai 2003 portant organisation du budget et de la comptabilité fédérale afin :

• d'ajuster sa mise en vigueur aux contraintes techniques,• de limiter l'ampleur de la saisie des données en ce qui concerne notamment

les opérations de fin de période : amortissements, gestion des provisions, revalorisations des immobilisations,

• et de poursuivre la mise au point des règles applicables en matière d’organisation des opérations comptables et budgétaires et de définition des fonctions de décision, d’exécution, d’enregistrement, de conservation et de surveillance y relatives.

L’audit interneEn ce qui concerne l’organisation de l’audit interne dans les départements, je voudrais d’abord rappeler que la priorité a été donnée à la fois à la mise en place et au fonctionnement des cellules Budget et Contrôle de gestion dans les SPF et partant de là au développement des systèmes de contrôles internes.

Pour ce qui est des « comités d’audit », leur mise en place est peu avancée. Leur composition pose encore quelques questions (qualité des experts, conflits d’intérêt, …) et l’absence des conseils stratégiques n’en facilite pas le développement. Il existe bien une note du ministre de la fonction publique permettant la constitution

de comités d’audit provisoires composés d’un expert externe et d’un membre de l’inspection des finances, mais elle n’a quasi pas été utilisée, et dans ses deux seuls cas d’application, « l’expert » désigné était issu de l’entourage immédiat du ministre concerné.

En ce qui concerne l’audit interne mes services ont préparé une modification de la réglementation existante afin, d’une part, de l’ajuster à la réalité (la mise en place est également plus lente que prévue alors qu’on estimait qu’elle se ferait dans les deux années de l’installation des organes de gestion), et, d’autre part, de simplifier le texte de l’arrêté en tenant compte des modifications intervenues dans l’organisation des SPF (conseils stratégiques) et de mieux cerner ce qui est réellement attendu des services. Dans ce sens, mes services vont prochainement s’atteler :

• à faire préciser clairement la position du Gouvernement au sujet des comités d’audit (issus pour une part de leurs membres des conseils stratégiques, dont le concept a été confirmé par la dernière note stratégique du Ministre de la Fonction publique) ;

• à inviter les SPF à mettre en œuvre le processus d’installation des services d’audit (éventuellement en interne) de telle sorte qu’ils puissent « accompagner » et contribuer, par leurs recommandations, à la mise en place d’un bon système de contrôle interne ;

• à fixer les modalités concrètes de l’intervention et de l’organisation de l’audit interne en matière de budget et de comptabilité (tel que cela était prévu par l’art. 31 de la Loi du 22 mai 2003).

Le contrôle administratif et budgétairePour l’adoption du contrôle administratif et budgétaire, le projet prévoit de procéder en deux temps :

• en premier lieu et dès qu’on a l’assurance que le contrôle interne existe dans un SPF ou dans une direction générale, passer au contrôle administratif et budgétaire ex-post, sur base de la réglementation existante, sur simple décision du ministre du Budget ;

• ensuite, d’en tirer à terme (deux ans) les enseignements qui permettraient de revoir la procédure complète de contrôle administratif, budgétaire et de gestion, complétée des critères de passage au contrôle ex post.

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Pour le moment, les inspecteurs des finances restent accrédités auprès des différents ministres comme conseillers budgétaires et financiers et chargés de l’exercice des contrôles y afférents. L’inspecteur des finances a entre autres la mission de porter attention spécialement aux suivi et évaluation des systèmes de gestion des risques et de contrôle interne. Dans l’avenir, sur base du texte de l’A.R. en projet, les inspecteurs des finances seront appelés à jouer un rôle clé à la fois par la fonction qu’ils exerceront au sein des comités d’audit, dans l’évaluation du bon fonctionnement des systèmes intégrés de contrôle interne ; et aussi dans l’évolution du « moment » du contrôle. Ainsi, pour une majorité de dossiers dont l’impact budgétaire aura été approuvé au préalable (lors de l’établissement du budget annuel du SPF), l’actuel contrôle ex-ante systématique de l’Inspection des Finances sera remplacé par un contrôle ex-nunc sur les états comptables nouvellement définis par la Commission CNOC-CNCP et par un contrôle ex-post sur un échantillon représentatif de dossiers.

les « cenTres de connaissance »Le SPF Budget et Contrôle de gestion est occupé à définir la méthode de travail pour constituer un centre de connaissance sur les données budgétaires des plus importants programmes budgétaires (les «gros postes» du budget fédéral). Des fiches ont déjà été dressées pour une partie significative de ceux-ci. Il reste maintenant à mettre au point les modes de validation des données et surtout de mise à jour permanente. Enfin, un système de diffusion et de partage de l’information sera organisé afin de partager et d’enrichir les données. Pour la confection du Budget 200�, les premiers éléments seront disponibles et opérationnels. Par ailleurs la mise en place du logiciel comptable devrait aussi conduire à la création d’un centre de connaissance axé sur les questions de comptabilité et sur les éléments de technique informatique.

la cour des compTes

La loi du 22 mai 2003 relative à l’organisation de la Cour des Comptes supprime le visa préalable sans conditions. L’entrée en vigueur de cette loi est prévue pour le 1er janvier 2005.

La règle actuellement applicable veut qu’aucune dépense ne puisse être faite en dehors de l’intervention de la Cour et sans son visa préalable, hormis les exceptions fixées par la loi. Lors des travaux de la Commission de normalisation de la comptabilité, les représentants de la Cour étaient cependant d’avis que la

suppression du visa préalable devait s’accompagner d’un nouveau contrôle de la procédure des dépenses garantissant que le Parlement resterait parfaitement informé du fonctionnement et de l’organisation de la gestion publique. D’autre part, pour la Cour, la suppression du visa ne pouvait s’envisager sans l’instauration concomitante d’un contrôle interne systématique et efficace.

L’examen des informations probantes fournies à l’appui des dossiers d’ordonnancement s’opère depuis le début 2003 en deux phases, d’abord par l’envoi à la Cour d’un dossier d’ordonnancement réduit, permettant le contrôle avant visa des éléments essentiels du dossier, ensuite par l’organisation d’un examen plus complet par listes de vérification, après l’octroi du visa, d’un certain nombre de dossiers.

Pour ce deuxième examen, la Cour a retenu le principe du contrôle sur place des pièces, qui ne doivent donc plus désormais être jointes au dossier communiqué à la Cour à l’appui des ordonnances. Cette approche présente l’avantage d’inscrire cette deuxième phase du contrôle davantage en adéquation avec les modalités de contrôle qui devraient être d’application dans le cadre de la réforme comptable, notamment en ce qui concerne l’accès aux pièces justificatives probantes. Elle permet en outre d’enrichir immédiatement le contrôle de certaines informations utiles, notamment en ce qui concerne la perception du niveau des contrôles internes existants. Contrairement à la vision très parcellaire offerte par les dossiers justificatifs présentés jusqu’à présent à l’appui des ordonnances, le contrôle sur place des dossiers offre une vision plus globale et dynamique des opérations. Lorsque la suppression sera effective, la Cour exécutera ses contrôles sur base d’un échantillon représentatif.

Aujourd’hui, nous ne pouvons encore dire si, comme l’a récemment déclaré notre Ministre du budget, « cette suppression du visa préalable et partant le passage à un contrôle a posteriori n’aura pas lieu au 1er janvier prochain et s’il dépendra de la création et du fonctionnement des comités d’audit ».

conclusion

Vouloir conclure ici serait prématuré. La question qui se pose vraiment, en effet, est de savoir si les réformes mises en œuvre vont contribuer à l’amélioration des services publics. Il est encore trop tôt pour y répondre. Pour pouvoir mesurer les résultats de ces changements, il faudra attendre que tous les acteurs

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

concernés (décideurs politiques, managers, fonctionnaires, syndicats et citoyens) se soient véritablement appropriés cette nouvelle culture et qu’ils affichent leurs nouveaux comportements. Le gouvernement actuel, constitué en juillet 2003, a dans sa déclaration de politique générale d’octobre 2003, réitéré son intention de poursuivre la modernisation. Malheureusement, nous percevons trop peu de traces de son enthousiasme à poursuivre ces changements et de sa volonté de voir aboutir les réformes en cours. Mais une chose est sûre, il n’y aura pas de retour à la situation antérieure et la poursuite de la mise en place de nouveaux systèmes de gestion qui visent à renforcer la maîtrise de l’organisation et donc son contrôle, est absolument indispensable si on veut une administration plus apte à servir au mieux l’intérêt général et qui, dans une totale transparence, reste un gage de la préservation de nos valeurs démocratiques. Raison pour laquelle cette amélioration du contrôle de l’action administrative me tient particulièrement à cœur.

michael WhiTehouse, auditeur général, National audit office

Governments have many roles and responsibilities – directly delivering or facilitating the delivery of public services, macro economic management, national defence and foreign policy and promoting the overall well being of their citizens. In carrying out these roles Governments need to exercise good stewardship in the use of public resources. For example, there is a well established public expectation that taxpayers’ money should achieve results and visibly better public services; there is a need to ensure that the level of public expenditure does not adversely effect national economic performance; the highest standards of propriety should be demonstrated by state officials; and citizens’ expectations about the quality of service they should receive should be met or at least managed in terms of what is affordable.

To achieve these objectives models of service delivery and resources management adopted by successive governments have varied considerably over the last 100 years – partly influenced by political ideology, managerial theory or simple expediency. Public administration has on the one hand – been highly centralised with Governments framing national policies in the interests of the whole population (to promote universality) and administering them through a network of public bodies in the belief that this would controls costs. The most notable example of this is the National Health Service. At the other extreme, local bodies financed by a

combination of central and local taxation have had considerable discretion to frame local provision – for example in the delivery of social services. In short, the delivery of public services in the UK has developed out of a hybrid of nineteenth century liberal administrative state structures involving considerable local discretion and the more centralised approach embodied in the post war welfare state. The neo liberal culture of the 1980s introduced new imperatives with the drive for the State to withdraw and place more reliance on the free market and individual responsibility. The return of a Labour Government in 1997 saw a modification of this approach (the third way) rather than a complete reversal. A more managerial approach to government developed characterised by centrally set service delivery targets. While there has been some discretion as to how these can be met locally they have been reinforced centrally by national standards and inspection regimes.

The current prevailing model of “modern” public service delivery is typically characterised by:

• Delegating responsibility and decision making to the lowest appropriate level including more discretion to those involved in front line service delivery.

• Where practicable providing users of public services with some choice for example, parents having a choice of school for their Children; choice in selecting a general practitioner or hospital for elective surgery.

• Clearly defined standards for public services appropriately regulated.• A drive to transfer unproductive resources from administrative overheads

and support functions to services which directly benefit citizens.

Greater delegation and empowerment of public sector workers requires, however, that there is in place a reliable framework to allocate resources to achieve maximum benefit, to generate reliable and comprehensive information to evaluate and develop policies and to identify sufficiently early risks which can be managed to prevent adverse consequences such as breakdowns in public services. Some balance is, however, necessary; governance frameworks need to be sufficiently well developed and structured to promote transparent decision making and clear accountability for how public money is used and with what success. But frameworks should not be so rigid that they result in additional layers of expensive bureaucracy which do not add value and stifle initiative and innovation. It was largely in response to this challenge to strengthen resource allocation and decision making, as a means to improve the effectiveness of public services, within a flexible empowering

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framework that the concept of performance measurement and management developed. As such it is now an essential feature of the way government departments and agencies operate within the UK. Figures 1 and 2 illustrate the guiding principles of Service delivery in the UK.

1. The Prime Minister’s four principles of public service reform

2. Key stages of service delivery – performance measurement is essential to each

Public Service Agreements (PSAs) are the bedrock of the UK Government’s framework for managing and improving the performance of public services. The purpose of PSAs is to set clear national priorities for public services together with

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Designing the service Implementing the service Assessing achievement

q q qEnsuring that:

n Customer needs are clearly identified;

n Reasonable expectations are set

n Services are easy to access, responsive, timely and reliable;

n Social exclusion is avoided;

n Where practicable some choice is provided for users; and,

n Those delivering the service have the right skills.

Ensuring that:

n Service delivery is consistent regardless of where it is delivered from;

n Services are simple to understand and receive; and,

n Services are cost effective.

Ensuring that:

n Quality of service is independently and regulary reviewed;

n Customer have easy right of redress for poor quality services;

n There is a programme of continuous improvement; and,

n Cost are kept under regular review and as necessary, action is taken to improve cost effectiveness.

Source National Audit Office

Services should be designed around the customer and embody :

n National Standards and clear frameworks of accountability;

n Devolution and Delegation to the local level to encourage diversity and creativity;

n Flexibility and incentives to encourage excellent performance at the frontline; and,

n Expanding Choice for the customer including the ability, if provision falls below acceptable standards, to have and alternative provider.

Source: Cabinet Office, Office of Public Services Reform

the outcomes such as improvements in healthcare and standards of education to be achieved. Each government department has a PSA with a series of objectives and associated targets. Figure 3 provides an extract from the 2004 Public Service Agreement for the Department for Transport.

3 Extract from the Department for Transport 2004 PSAAim: Transport that works for everyone: Objective: Support the economy through the provision of efficient and reliable inter-regional transport systems by making better use of the existing road network; reforming rail services and industry structures to deliver significant performance improvements for users. Target 2: Improve punctuality and reliability of rail services to at least 85% by 2004, with further improvements by 2006.

Currently there are 110 PSA targets across government – an average of 6 per department. The compares with 125 targets set in 2002. The PSAs are intended to embody the principles that good targets need to be ambitious and stretching; should involve in their design those responsible for delivering them so that there is a shared agenda for achieving the targets; and they should be based on reliable evidence and good practice.

Since PSA were first introduced in 1998 there has been growing recognition that national targets work best when they are matched by a framework of devolution, accountability and participation – empowering public servants with the freedom and flexibility to make a difference – particularly to reflect local needs and preferences11. This recognition has led to much greater stakeholder consultation but with clear accountability arrangements. For example, departments are required to publish progress in meeting their PSA targets in their annual reports and the systems for measuring achievement are subject to independent validation by the National Audit Office. The principle behind this is transparency so that all stakeholders – Parliament the source of all legislative authority for public expenditure, and citizens – both taxpayers and users of services have confidence in the way resources are used.

There is no doubt that PSAs and the target setting regime has led to better use of resources and has also helped to improve the formulation of policies by focusing officials much more on achieving sustainable outcomes. The UK Governments’ current commitment to “localism” that is devolving decision making and

11 SpeechbytheChancelloroftheExchequertotheSocialMarketFoundation.AmodernAgendaforProsper-ityandSocialReformFebruary2003.

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

responsibility to those much more closely involved in the direct delivery of public services is in theory made more achievable. Firstly, because politicians should be able to have more confidence that local decision making is more likely to be within the minimum national framework defined by the PSAs. Secondly, because there is a broad accountability framework set by the PSAs to evaluate local contributions to the achievement of national priorities; in theory as the PSA targets become more developed they become recognised national standards. The work of the National Audit Office and others has, however, drawn attention to a number of risks with performance targets and their measurement which require careful handling if their full potential to help improve public services is to be realised.

n Performance measures must be output and outcome focused. Defining compre-hensive measures which are clearly focused on delivering better services can be complex. Some aspects of service delivery are relatively easy to measure such as the speed of delivery and accessibility. But others such as ensuring universality – avoiding any form of exclusion from the benefits and achieving longitudinal improvements such as reductions in child poverty may be difficult to discern from a single indicator. It is important that in the face of such difficulties simpler input based measures are not substituted. Some input measurement is important to assess the overall efficiency with which resources are used such as productivity and trends in unit costs but output and outcome measures are essential. A portfolio approach to performance measurement is therefore important.

n Consistency throughout delivery chains is essential. The delivery of public services is rarely simple. It usually involves a wide range of organisations which provide complementary aspects of a service. Such organisations may be public, private or operate in the voluntary sector. A policy to tackle child obesity for example, is likely to involve schools, the health services, public bodies regulating the food industry and advertising, and cultural, media and sports organisations. If these are all pursuing the achievement of targets which are significantly misaligned or inconsistent in some way then the delivery of the overall policy is put at risk. The same applies where a central department has strategic responsibility and local organisations consider that the national target has little relevance to the needs of their local population or does not recognise the major barriers which they face.

n The risk of perverse influence needs to be avoided. If not carefully defined a performance target and its measurement can have a completely unintended impact.

There is now considerable research available into how performance measures can influence human behaviour and this highlights the importance of careful consideration of this aspect in their design. A commonly referred to example is a target to increase the occupancy of schools so space is effectively utilised. But there are two deficiencies with such a target. It is input based and does not focus on the quality of education delivered (outputs) or impact on the proficiency of children (outcomes). It could also have a perverse negative effect in that school occupancy could be maximised by increasing the number of pupils per class or teacher which could reduce the quality of education as children receive less individual attention.

n Stakeholder expectations need to be managed. There can sometimes be a disconnect between performance reported by a reliable indicator and what key stakeholders such as citizens and members of the legislature are prepared to believe (personal belief will usually be significantly influenced by individual experience of a service or organisation). As a consequence a credibility gap can develop which can undermine the complete performance management framework. Such a situation is difficult to resolve and it may take sometime to convince the public that a service is improving. Some form of independent validation can assist in convincing stakeholders of the reliability and appropriateness of performance data.

n Performance information needs to be fully integrated into organisational culture. Targets and reliable supporting information are multi purposed. They are essential for setting priorities and influencing resource allocation. But equally the evidence which they provide on the relative success or failure of initiatives is important for influencing the design of future policies. Performance management is therefore an iterative process – demonstrating accountability, providing a framework for devolved decision making but also contributing to a culture of on-going learning and development.

n In conclusion a reliable framework for measuring performance and acting on the results is a key aspect of the modern state. It can if appropriately designed provide for greater delegation and improvement of public sector workers because in giving greater freedoms it requires organisations to be accountable for their performance. If the public are to have confidence in such frameworks it is essential, however, that achievement reported by performance measures is subject to reliable independent scrutiny and validation.

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jean-françois benard, président de la 7ème chambre à la Cour des Comptes

Je voudrais rebondir sur quelques sujets déjà abordés par mes prédécesseurs, puis tenter de répondre à la question posée en titre de cette table ronde.

n En ce qui concerne les interventions précédentes, il convient d’abord de revenir sur la notion de certification. Le mot a été utilisé plusieurs fois et il ne faudrait pas qu’il y ait d’ambiguïté sur la mission nouvelle qui est confiée à la Cour dans ce domaine.

Ce que la Cour des Comptes doit certifier en vertu de la Lolf, c’est le compte général de l’Etat pour chaque exercice, et rien d’autre. Mais c’est déjà énorme car un tel compte est complexe et recouvre nombre d’opérations. Le mot “certification” ne s’applique strictement qu’à cela, pas aux autres aspects (indicateurs, etc.). Pour délivrer la certification, nous nous appuierons sur les travaux des organismes internes à chaque administration et des corps de contrôle.

Cela n’a rien d’original. Le travail de certification des comptes d’une entreprise que fait le commissaire aux comptes, dans le secteur privé, comprend une analyse des dispositifs de contrôles internes et vise à tester leur efficacité. Nous aurons exactement la même démarche : nous nous intéresserons à ce qui est fait dans chaque administration pour voir s’il y a des risques de lacunes dans les dispositifs internes. S’il n’y en a pas, nous en serons les premiers satisfaits ; car nous pourrons certifier en toute sérénité que les comptes de l’Etat sont sincères et donnent une image fidèle.

A propos des enquêtes “value for money”, qu’on traduit approximativement par “audit de performances”, le concept britannique est assez spécifique : certains ont peut-être eu la curiosité d’aller sur le site du NAO, qui publie ces enquêtes. Il est intéressant de voir comment nos collègues s’y prennent dans leur culture pour effectuer des travaux de ce type. Il y a deux particularités notables : la première est que leurs enquêtes sont très ciblées par rapport aux nôtres - nous aimons les sujets généraux. Ensuite, l’appareil méthodologique mis en oeuvre dans chaque enquête nous paraît lourd et compliqué. Nous devrions pourtant y réfléchir : lorsque l’on examine les résultats, il apparaît que c’est une démarche fructueuse, au moins dans certains domaines.

taBle ronde : la modernisation du management PuBlic est-elle Bien engagée ?

Le troisième point sur lequel je voudrais revenir brièvement a été soulevé par Gilles CARREZ. Nous avons tous perçu une évolution du Parlement, ces deux dernières années : l’intérêt croissant que suscite la Lolf, et notamment ses impacts en terme de management public. Au départ ce n’était pas tellement vrai, la dimension de management public était peu présente. Elle s’est agrégée progressivement, par la prise de conscience que si on ne prenait pas le sujet “management public” en même temps que le sujet “Lolf”, on aurait simplement un nouveau vernis sur un tableau inchangé. Si l’on voulait un changement réel pour les utilisateurs, les contribuables, ... et perceptible par eux, il fallait profiter de l’occasion de la Lolf, des progrès conceptuels qu’elle permet de faire, pour avancer simultanément sur d’autres fronts.

De ce point de vue, on peut retenir le cadre conceptuel qui a été présenté pour une analyse globale du management public : ont été utilisés les termes de “stratégie”, “ressources humaines”, “partenariat”, etc. Ces notions peuvent être illustrées par de nombreux exemples. En ce qui concerne les stratégies, ce sont les “stratégies ministérielles de réforme” : un enjeu important, sur lequel il y a énormément de progrès à faire. Le fait même d’avoir démarré est en soi positif.

En matière de ressources humaines, il y a la dimension de “gestion prévisionnelles des emplois, des effectifs et des compétences”, et tout ce qui concerne le management de la haute fonction publique. De ce point de vue, ce qui se passe en Grande-Bretagne fait un peu rêver. Il y a une marge substantielle de progrès possible de ce côté-ci de la Manche.

S’agissant des aspects de “partenariat”, c’est, dans le vocabulaire “lolfien”, le problème des opérateurs qui est à traiter, notamment au ministère de l’Equipement. On voit bien toute la difficulté qu’il y aura à préciser ce que font ces opérateurs, en quoi ils interviennent comme opérateurs de politiques publiques, ce qui veut dire leur assigner des objectifs, apprécier leurs performances, etc.. Quand nous contrôlons tel établissement public qu’on appellera demain “opérateur”, nous constatons en général qu’on ne sait pas ce qu’on en attend précisément. Par conséquent, il est impossible de dire s’il est efficace. La Lolf va de ce point de vue obliger à progresser, dans un contexte de décentralisation-déconcentration. Il y a toute une série de réformes qui doivent aller en même temps que la Lolf pour que celle-ci ne soit pas un changement de pure forme. C’est cet ensemble qu’il faut prendre en compte si on veut répondre à la question posée : la modernisation du management public est elle bien engagée?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

n Pour répondre à la question, il faut sans doute distinguer les concepts, les outils et la volonté d’évoluer. Du côté des concepts, on dispose de l’armature conceptuelle. Du côté des outils, c’est moins bien : ils peinent à se mettre en place mais on finira par y arriver. C’est le rythme de réalisation qui m’inquiète, car une démarche de modernisation comme celle dans laquelle nous nous sommes engagés exige un certain tempo. En plus, il faut capitaliser sur l’opportunité qu’offrent les départs en retraite massifs des prochaines années. Si on laisse passer cette échéance, les réformes seront beaucoup plus difficiles.

Dernier point, le plus problématique : la volonté effective d’évoluer et de persévérer malgré les difficultés. A cet égard, lors des interventions de la Cour, nous rencontrons toute la gamme des situations. Certains n’ont aucune intention de changer. Ils feront le nécessaire pour ne pas se faire taper sur les doigts mais trouveront bien la méthode pour qu’il n’y ait aucun changement concret. Il y a aussi l’autre extrême, celui des enthousiastes, peut-être exagérément enthousiastes. Et il y a toute la gamme des situations intermédiaires.

n En conclusion, permettez-moi de porter une appréciation. Mon travail m’amène souvent à exprimer des critiques vis-à-vis de la marche du ministère de l’équipement. Je considère néanmoins que ce ministère est dans l’avant-garde en ce qui concerne les changements liés à la Lolf. Je veux le saluer et dire en même temps que, du coup, vous avez une responsabilité particulière : non seulement vous êtes responsables de ce qui va se passer dans le Ministère, mais vous pouvez constituer, à l’égard d’autres administrations, une référence positive pour inciter aux changements auxquels nous aspirons. Nous souhaitons ardemment que vous y parveniez !

u débaT

PierreZEMOR,conseiller d’EtatJe souhaiterais vous faire part des regrets du vice-président du Conseil d’Etat de ne pas être parmi vous. Renaud DENOIX de SAINT-MARC salue l’acuité du regard apporté à la conception de ce thème essentiel du contrôle et de l’expertise, qui atteste du renouvellement constant du CGPC. Par manque de temps, nous ne parlerons pas de l’utilité de l’expertise juridique qu’exerce le Conseil d’Etat pour raccourcir les délais et éviter le recours aux juges. Nous ne parlerons pas non plus de la prolifération -regrettée par le Conseil d’Etat- des textes législatifs, qui s’accompagne d’une trop faible coordination interministérielle. J’ajouterai pour ma part que l’expertise doit s’exercer au nom de l’intérêt général: c’est le cas de l’expertise juridique, administrative; au nom des décideurs: c’est le cas de l’expertise technique et financière, mais aussi au nom des citoyens : c’est l’expertise d’usage. Cette expertise d’usage est particulièrement utile pour l’acceptation sociale de l’offre publique et pour son adaptation aux besoins. L’expertise des citoyens peut également être utile aux responsables politiques, qui peuvent y ressourcer leur légitimité.

AntoineGIVAUDAN,gérant de la société AGIMEJ’ai l’impression que nous avons occulté ce matin une question importante, celle de la décentralisation, qui donnera de plus en plus de place aux opérateurs locaux. De mon point de vue, il faudrait que la loi impose aux collectivités publiques, qui sont les principaux interlocuteurs des usagers, de suivre la même démarche que l’Etat en matière de gestion publique.

Dominique DUJOLS,directrice des relations institutionnelles et du partenariat, Union sociale pour l’HabitatLa Lolf s’imposera aux organismes tels que le nôtre. Comment serons-nous associés à sa mise en œuvre ?

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I. Stratégies globales de contrôle des performances danslespaysdel’OCDE

La volonté d’améliorer les performances des pouvoirs publics est-elle nouvelle ? Assurément pas. La performance –la façon de l’améliorer et de la mesurer– est au cœur des préoccupations des pouvoirs publics depuis au moins un demi-siècle. La nouveauté vient du fait que les gouvernements sont de plus en plus soumis à des contraintes au niveau de leurs dépenses.

Au cours des deux dernières décennies, l’amélioration des performances du secteur public est devenue plus impérieuse dans les pays de l’OCDE, en raison des pressions économiques et budgétaires accrues, mais aussi en raison des exigences plus fortes de la part des citoyens portant sur une meilleure qualité des services publics. La gestion des performances dans l’administration s’est en quelque sorte systématisée. Elle passe par une panoplie de politiques et d’instruments, tels que la contractualisation, la budgétisation axée sur la performance, l’évaluation individuelle des fonctionnaires axée sur leurs résultats, l’utilisation accrue des évaluations et des audits, mais aussi les partenariats public-privé, l’externalisation, etc. Je me concentrerai sur les deux facettes clefs que sont la budgétisation axée sur les performances et la gestion des performances au niveau des ressources humaines.

Ce qui est commun à ces politiques et à l’ensemble des pays de l’OCDE est le fait d’axer la gestion de manière systématique sur des objectifs : c’est ce qui caractérise les politiques de gestion stratégique. Les objectifs sont généralement fixés de haut en bas : le gouvernement définit les priorités par ministère et les objectifs gouvernementaux sont retransmis en cascade à chaque organisation et à chaque échelon dans cette organisation par les hauts fonctionnaires et les cadres opérationnels. Il est clair qu’il existe un lien étroit entre la gestion des performances au niveau du budget, et celle liée aux ressources humaines : on ne peut mettre en œuvre une budgétisation axée sur la performance sans revoir le système de gestion des ressources humaines et sans déléguer une partie du management. Un certain nombre de pays de l’OCDE –essentiellement ce que l’on appelle les systèmes ‘de poste’ comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, les systèmes de carrière commencent à aller dans ce sens également– ont évolué vers une forme de contractualisation basée sur les performances, c’est-à-dire que des contrats de performance sont établis, soit entre un ministère et un organe subsidiaire, soit

moBiliser une exPertise de qualité Pour un meilleur management PuBlic

4 4

mobILIser une expertIse de quaLIté pour un meILLeur management pubLIc

forces et faibLesses du contrôLe des performances

pour faire progresser La QuaLité du management pubLic

OdileSALLARD, directrice de la gouvernance publique et du développement territorial à l’OCDE

Je vous remercie pour cette invitation au colloque des 200 ans du CGPC. Le sujet que je vais aborder ce matin est au cœur de l’agenda de la gestion publique en France, mais aussi dans l’ensemble des pays de l’OCDE : il s’agit de la gestion des performances dans le secteur public, et plus exactement des forces et faiblesses du contrôle des performances12 pour faire progresser la qualité du management public. Vaste sujet, que je vais tenter de traiter dans le temps qui m’est imparti, en couvrant les tendances récentes en la matière dans les pays de l’OCDE.

Le concept de performance est ‘simple mais trompeur’. Simple, par ce qu’il est facile d’en exprimer les idées et les objectifs principaux. En deux mots il s’agit en effet d’une part d’accorder plus d’importance aux résultats plutôt qu’aux règles et aux procédures et d’autre part de responsabiliser les fonctionnaires pour l’obtention de leurs résultats individuels et collectifs. Mais c’est aussi un concept trompeur, parce qu’il est difficile d’appliquer ces idées simples à l’administration, en raison de la difficulté à quantifier la performance dans le secteur public. Le premier objectif de cette présentation est donc de vous donner un aperçu de l’utilisation du contrôle et de la gestion des performances dans les pays membres de l’OCDE, d’en expliquer les bénéfices, mais aussi de montrer les difficultés liées à ces politiques.

�2 Letermede‘contrôle’desperformancesseraprisicidanslesensanglais,quiestpluslargequecequ’impli-questrictementlemot‘contrôle’enfrançais.Enanglais,leterme‘contrôle’seréfèreàtouteautoritéoustratégieactivedegestion,l’expression‘contrôledesperformances’seradoncpriseicicommesynonymede‘gestion’desperformances.

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

services produits par l’administration – ou des résultats – c’est-à-dire sur l’impact des programmes gouvernementaux sur la société. En fait, de nombreux pays de l’OCDE satisfont à la définition large, peu à la définition stricte.

La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont été les premiers pays à mettre en œuvre une vague de budgétisation axée sur la performance à la fin des années 80, suivis, au milieu des années 90, par la Suède, les États-Unis, la Finlande, le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas, et le Canada. Les systèmes de budgétisation axée sur les performances n’ont cessé de s’étendre ces dix dernières années. Aujourd’hui, les trois quarts des pays de l’OCDE font systématiquement figurer les objectifs par ministère dans la documentation budgétaire transmise au ministère des Finances13. La France s’inscrit dans ce mouvement de fond avec l’adoption de la Lolf en 2001. La plupart des pays suivent un rythme lent et progressif pour la mise en œuvre de ces politiques14. Quel bilan peut-on faire de ces politiques de budgétisation axée sur la performance ?

Il est important de souligner que le choix des stratégies doit dépendre du contexte du pays en question. Des pays très individualisés et délégués – comme la Nouvelle-Zélande ou la Suède – n’ont pas du tout les mêmes contraintes que des pays centralisés et peu délégués, qui auront davantage tendance à se centrer sur l’évaluation comme instrument, et sur le contrôle des inputs. L’expérience montre qu’il y a une sorte de compromis à faire dans l’importance que l’on souhaite accorder aux moyens, aux produits et aux résultats, comme le montre le tableau ci-dessous. Chaque approche a ses avantages et ses inconvénients, et il convient de voir quel type de contrôle correspond le mieux au contexte d’une administration.

Des contrôles centrés sur les moyens (inputs) présentent par exemple l’avantage d’être simples et abordable, mais présentent l’inconvénient d’être potentiellement rigides. Ils sont bien adaptés aux contextes caractérisés par une faible confiance dans l’administration et une faible délégation des pouvoirs de gestion. �� Sil’introductiond’informationssurlaperformancedansladocumentationbudgétaireserépand,ellen’estpasencoresystématique:unquartdespaysdel’OCDE–dontl’Italie,l’IrlandeetlaCorée–nefontfigureraucunedonnéenonfinancièresurlaperformancedansleurdocumentationbudgétaire.

�� DanscecontexteonpeutconsidérerquelastratégiechoisieparlaFranceaveclaLolfestsoudaineetglobale.Elleestsoudaineparcequ’elleimposelamiseenœuvredelaréformepourtouslesministèresàunedateprécise(�erjanvier200�).ElleestglobaleparcequesonimpulsionvientduParlementcequiestrareetconstitueunavantage.Toutefoislaglobalitédecetteapprochelimiteraunevisionorganisationnelleaucasparcasetseradifficileàmettreenœuvre.

entre un ministre et un service administratif, ou entre le ministère des Finances et un autre ministère.

Globalement, les systèmes de contrôle dans les pays de l’OCDE ont parallèlement évolué de systèmes ex ante à des systèmes ex post, davantage axés sur les performances. Ils ont également évolué vers un renforcement des procédures de contrôle interne, mais qui demeurent toujours essentiellement axées sur des contrôles financiers. Au niveau du gouvernement dans son ensemble, l’accent a été également mis sur les évaluations et les audits de performances. Certains pays ont été très loin dans ce domaine, comme l’Australie qui a rendu obligatoire l’évaluation interne et régulière de l’ensemble des programmes gouvernementaux et a imposé que ces évaluations soient largement disponibles. L’évaluation est importante, en particulier au niveau sectoriel, mais l’approche consistant à intégrer l’évaluation dans le cycle global de gestion de la performance publique n’a pas duré. Dans un certain nombre de pays, elle était de plus en plus considérée comme une activité coûteuse qui n’apportait pas les améliorations espérées dans la prise de décision en matière de politique et de gestion. Les problèmes principaux tiennent au fait que les évaluations sont souvent gérées par les ministères des Finances et qu’il y a peu de contrôles et de suivis des processus d’évaluation. L’audit externe des performances, que le Canada a été le premier pays à expérimenter au cours des années 70, ne s’est pas non plus révélé être le système de garantie des performances intergouvernemental que l’on attendait.

Cette activité a été et continue d’être un élément important du rôle des cours des comptes mais en raison de la complexité de l’activité du gouvernement, de même que de la difficulté de ce genre de contrôle, les audits n’ont jamais pu fournir une couverture systématique de l’activité du Gouvernement.

II. La budgétisation axée sur les performances

Une des facettes principales de la gestion des performances – sur laquelle beaucoup d’espoirs ont été fondés – est la budgétisation axée sur les performances. Selon la définition large, un budget centré sur les performances est un budget qui présente des informations sur ce que les ministères ont accompli ou espèrent accomplir avec l’argent qui leur a été fourni. Selon la définition stricte, un budget centré sur les performances est un budget qui lie explicitement chaque augmentation des ressources à une amélioration de la qualité des produits – c’est-à-dire les biens et

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Des contrôles axés sur les produits (outputs) tendent à faciliter le contrôle du total des dépenses et améliorer la transparence, mais posent des problèmes liés à la surcharge d’informations récoltées. Enfin, des contrôles centrés sur les résultats finaux (outcomes) facilitent la réaffectation budgétaire et une vision de long terme, mais posent le problème de la mesure de ces résultats.

forces eT faiblesses des modes de conTrôle

Forces FaiblessesAdapté aux situations

caractérisées par…

Moyens (inputs)

Simple et abordableRenforce la mise enconformité

Ne va pas dans le sens de l’efficiencePeut-être rigideCourt terme

Une faible confiance et une faible délégation des pouvoirs de gestion

Produits(outputs)

Facilite l’efficienceFacilite le contrôle du total des dépensesTransparence

Peut faire dévier de l’objectifProblèmes de mesureCoûtsSurcharge d’informations

De la confiance, une comptabilité saine et du professionnalisme

Résultats finaux(outcomes)

Facilite la réaffectationSoutien l’élaboration et la coordination des politiquesLong terme

Problèmes de mesureProblèmes de transparenceCoûtsSurcharge d’informations

Ce qui précède et des hommes politiques très impliqués

L’expérience montre que les pays qui ont tenté d’accorder plus d’importance aux résultats ont souvent fini par se centrer à la place sur les produits. Cette situation par défaut est certainement plus productive que de passer des années à définir les mesures idéales de résultats. Globalement, il convient de dire que les difficultés d’une véritable budgétisation à la performance sont nombreuses, et que les espoirs des débuts ont été quelque peu déçus.

Tout d’abord, les objectifs et indicateurs de performance ne sont pas faciles à établir dans le secteur public. Il y a eu une tendance dans les premiers temps de budgétisation liée à la performance à se centrer de manière exclusive sur les indicateurs de performance et les systèmes de mesure, au détriment de la question

de leur utilisation concrète dans la définition des politiques et les changements de gestion qu’ils impliquent. Les pays qui ont été pionniers en matière de budgétisation axée sur la performance –comme l’Australie par exemple– sont largement revenus sur le côté technique hautement sophistiqué des indicateurs, pour se concentrer sur leur utilisation souple dans des processus de dialogue.

Ensuite, le processus de collecte des données liées aux performances reste encore fragile dans la plupart des pays, car les données liées aux performances sont peu contrôlées, ce qui tend à remettre en cause leur fiabilité et crédibilité. Gérer en fonction des performances exige des contrôles appropriés, or les systèmes de contrôle n’arrivent pas à évoluer au rythme voulu dans les pays de l’OCDE. Les systèmes de contrôle internes ne couvrent pas vraiment les informations en matière de performance. Les rapports et audits externes de performance sont encore peu développés : la plupart des informations sur les résultats atteints transmises aux parlements n’ont pas été vérifiés de manière indépendante.

Il semble d’ailleurs que la plus grande faiblesse des pratiques de budgétisation axée sur la performance est le fait que l’on en est restés au stade de la collecte des données et que le stade de leur utilisation effective dans la prise de décision est loin d’être atteint dans la plupart des pays. Seuls sept pays, dont les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande, déclarent lier spécifiquement les dépenses à la totalité ou la quasi-totalité de leurs objectifs. Il n’est pas non plus fréquent que les responsables politiques utilisent les données sur la performance pour affecter des ressources entre les programmes. Force est de constater notamment que les données sur la performance sont peu utilisées par les Parlements dans la prise de décision – lors que le contrôle des performances était censé à l’origine renforcer le pouvoir des parlements sur la procédure budgétaire. Dans seulement six pays les parlementaires déclarent utiliser les évaluations de performance dans la prise de décision15. Le passage de la collecte des données à leur utilisation effective ne s’est donc pas opéré dans la plupart des pays de l’OCDE– à part dans un nombre limité de domaines fonctionnels dans quelques pays.

Quelques aspects positifs doivent néanmoins être soulignés. Le principal est que la collecte des informations liées aux performances s’est accrue et que la mise à disposition d’informations auprès du public sur la performance du gouvernement s’est nettement améliorée dans les pays de l’OCDE. Au total, 21 pays de l’OCDE �5 Source:BasededonnéesOCDE/Banquemondialesurlespratiquesetprocéduresbudgétaires,200�

forces et faiBlesse du contrôle des Performances Pour faire Progresser la qualité du management PuBlic

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�0Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

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affirment communiquer leurs résultats de performance au public1�. Il y a clairement davantage d’informations sur la performance et davantage de transparence. En outre, la recherche d’indicateurs de performances, y compris d’indicateurs qualité - prix, facilite le remodelage des stratégies de gestion. En fait, il est important de souligner qu’il ne faut pas faire de fixation sur les indicateurs de performance, ceux-ci ne présentent un intérêt que en tant qu’instrument de changement de mentalités et de culture, et présentent surtout l’avantage de faciliter le dialogue interministériel et entre les différents niveaux hiérarchiques de l’administration.

III. La gestion des performances au niveau des ressources humaines

Tous les pays qui ont mis en œuvre une budgétisation axée sur les performances ont du revoir leur système de gestion des performances au niveau des ressources humaines. La plupart des pays de l’OCDE ont indiqué avoir mis en place des systèmes d’évaluation des performances individuelles dans la fonction publique au cours des dix dernières années17. Certains pays ont développé des relations contractuelles entre les principaux directeurs et les ministères afin d’accroître la responsabilisation des managers et d’établir une interface entre le politique et l’administratif.

Ce phénomène s’est surtout produit dans certains systèmes d’emploi et dans les pays où les agences sont depuis longtemps ancrées dans la tradition, comme l’Australie, le Danemark, la Norvège, la Nouvelle-Zélande ou la Suède. Plus récemment, certains systèmes depuis longtemps basés sur la carrière ont pris cette orientation pour les cadres dirigeants – la Corée et la France par exemple. La plupart des systèmes d’évaluation des performances des fonctionnaires sont individualisés et réalisés à l’aune des objectifs assignés au fonctionnaire. La plupart des pays s’efforcent d’articuler les objectifs individuels et organisationnels. Dans deux tiers des pays, l’évaluation des performances est liée d’une manière ou d’une autre à la rémunération. Cependant, dans la plupart des cas ces systèmes de RLP ne sont pas étendus de manière systématique à l’ensemble de la fonction publique18.

�� Source:BasededonnéesOCDE/Banquemondialesurlespratiquesetprocéduresbudgétaires,200�

�7 Source:EnquêteOCDE/GOVsurlagestionstratégiquedesressourceshumaines,200�

�8 Généralementlespaiementsliésauxperformancessontdetaillemodestedanslespaysdel’OCDE,enmoyenneilssontinférieursà�0%dusalairedebasepourlessalariésettournentautourde20%pourlescadres

Les pièges liés à la gestion des performances individuelles sont nombreux, et avant tout liés au processus de fixation et d’évaluation des objectifs. S’il n’est pas simple au niveau ‘macro’ de fixer des objectifs, cela ne l’est guère plus au niveau ‘micro’. Il y a souvent des tendances à identifier des objectifs trop nombreux, irréalisables, ou au contraire pas suffisamment ambitieux. Les processus d’évaluation sont également difficiles à mettre en place, puisqu’il est extrêmement difficile de faire des différenciations dans l’évaluation des performances du personnel, surtout pour la majorité des agents publics dont les performances sont correctes – ni très bonnes, ni très mauvaises -. Un certain nombre de pays ont dans un premier temps tenté de mettre en place des systèmes d’évaluation et de notation des performances très détaillés ; ces systèmes ont échoué puisque immanquablement l’immense majorité des agents publics finissaient par être notés exactement de la même manière. La plupart des pays évoluent à présent vers des systèmes de contrôle des performances plus décentralisés, moins rigides et moins détaillés, davantage axés sur le dialogue, qui semblent produire des effets bien plus positifs que les systèmes de notation stricts et détaillés préalablement utilisés. Un des pièges principaux a également consisté à penser que la mise en place de systèmes de rémunération liée à la performance suffisait à instaurer une culture du résultat. Or la rémunération liée à la performance (RLP) ne produit qu’un impact limité sur la motivation individuelle des agents publics par rapport à d’autres facteurs tels que les possibilités de promotion, de mobilité, ou de formation19.

Le bénéfice majeur des politiques de gestion des performances individuelles des fonctionnaires repose en fait avant tout sur le processus de fixation des objectifs et d’évaluation des performances au regard de ces objectifs. Peu importe finalement que cette évaluation soit liée avec la rémunération, ce n’est pas cela qui est essentiel. Ce qui est crucial c’est d’établir un processus de fixation d’objectifs et d’évaluation des performances systématique, qui soit fiable, transparent et basé sur un dialogue avec l’encadrement le plus proche. C’est cela qui permet aux employés de se sentir davantage impliqués dans la gestion et dans leur organisation, et c’est cela qui leur permet d’être plus performants sur le long terme.

Le lien avec la rémunération ne sert finalement qu’à être un levier pour l’instauration ou le renforcement de telles politiques de fixation d’objectifs, ou pour l’introduction

�9 Enfait,ilestimportantdenepassefocaliseruniquementsurl’aspect‘rémunérationàlaperformance’danslespolitiquesdegestiondesperformancesdesfonctionnaires,laRLPdoitêtreintégréedansunepolitiquebienpluslargedegestiondesperformances.

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�1 Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

de changements organisationnels ou de management plus ambitieux20. Ce qui est crucial également c’est d’accompagner ces stratégies de fixation et d’évaluation d’objectifs d’une délégation effective des responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. Il faut laisser les managers gérer, sans quoi toute politique de gestion des performances est condamnée à l’échec.

IV.Conclusiongénérale

Finalement, il est clair que certaines attentes initiales sur les performances ont souvent été trop ambitieuses. On a eu tendance à surestimer les possibilités que recèlent les approches axées sur la performance de changer les comportements et la culture ; et de sous-estimer les difficultés qu’il y a à faire en sorte que, dans les processus de gestion publique, les objectifs et les résultats de performance deviennent des automatismes. La gestion axée sur la performance peut –et doit– permettre un allègement des contrôles sur les moyens et les procédures. Mais l’enjeu est que les contrôles formalisés soient partiellement remplacés par une responsabilisation individuelle croissante et par des contrôles informels, intégrés dans le comportement de chacun. Pour aboutir à cela, il est crucial que l’encadrement supérieur accorde à la gestion une attention beaucoup plus importante que ce n’était le cas dans une bureaucratie traditionnelle. On peut tirer quatre grandes leçons pour tenter d’améliorer la gestion et le contrôle des performances et faire progresser la qualité du management public :

• tout d’abord, il faut se souvenir que la mise en œuvre de toute politique de gestion des performances exige du temps et des ressources ;

• ensuite, il est essentiel d’articuler la gestion des performances budgétaires et celle du personnel. Une bonne stratégie de gestion des performances doit être globale ;

• l’accent mis sur les performances doit aller de pair avec une délégation effective des pouvoirs de gestion ;

• l’accent doit également être mis sur l’amélioration du contrôle et de la fiabilité de la collecte des données liées aux performances.

Il est nécessaire d’améliorer la coordination des systèmes de contrôle interne, et de mettre en place des systèmes de contrôle externe plus robustes, afin d’améliorer la qualité des données liées aux performances. Il est également important de

20 commel’améliorationduprocessusdefixationdesobjectifs,uneclarificationdestâches,davantagedetrans-parence,oudesméthodesdetravailplusflexibles

chercher à ne pas multiplier ces données, puisque « trop d’informations tue l’information ». C’est en collectant des indicateurs de performance plus fiables et plus rigoureusement contrôlés que ceux-ci pourront être davantage utilisés dans le processus de décision politique.

La gestion publique axée sur la performance va perdurer, parce qu’elle est dans notre intérêt à tous. Les sociétés sont maintenant trop complexes pour n’être régies que par des règles touchant les procédures. Il faut favoriser la mise en place de politiques de gestion des performances globales, articulant les volets ressources humaines et budget, et allant de pair avec une délégation en matière de gestion et un contrôle renforcé.

Pour faire progresser la qualité du management public, il faut surtout passer d’un stade de collecte pure des informations sur la performance – qui est le stade actuel de la plupart des pays de l’OCDE – à un stade plus poussé où ces données servent concrètement à la prise de décision. En un mot, passer d’un stade passif à un stade beaucoup plus actif d’utilisation des données liées à la performance. Un État performant n’est pas un État qui accumule des données sur les performances en les transmettant au public. Un État performant est un État qui cherche activement à s’améliorer en sondant le monde autour de lui et en modifiant aussi bien ses objectifs que ses programmes sur la base des informations collectées. Finalement, un État performant est un État qui apprend continuellement.

forces et faiBlesse du contrôle des Performances Pour faire Progresser la qualité du management PuBlic

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

QueL partenariat entre L’etat et Les coLLectivités territoriaLes pour capitaLiser L’expertise

et Les métiers du cadre de vie ?

AndréROSSINOT, ancien ministre, maire de Nancy, président du conseil national de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)

Le partenariat est désormais engagé d’une manière irréversible et de plus en plus structurelle. Il devient un mode de collaboration ordinaire entre l’Etat et les collectivités. Le nombre des domaines partagés a été le fruit d’une lente progression au fil des réformes, des étapes de décentralisation. C’est aujourd’hui un défi important mais qui doit être partagé à travers l’expertise. Néanmoins on doit être persuadé qu’il faut aller vite car le temps aujourd’hui, c’est plus que jamais de l’argent et nous dépendons plus que jamais de l’économie de la connaissance. Votre rencontre peut être, par une prise de conscience partagée, un élément d’accélération de ce dispositif.

Nous avons à inventer une nouvelle manière de concevoir, de travailler et de mettre en oeuvre les politiques publiques, et à imaginer un style de travail approprié. Nous sommes d’ailleurs confrontés à quelques réalités économiques, démographiques et sociologiques fondamentales : avec le blues des maires, y a-t-il celui de la haute fonction publique de l’Etat ? A mon avis un petit peu. C’est ce que j’entends ici et là. On parle de la restriction du champ d’intervention de l’Etat : est-elle difficile à assumer ? En tout cas l’Europe et la République décentralisée font bouger les lignes de partage.

Il faut accepter l’idée de la territorialisation de l’action publique. Le volet national s’accompagne toujours d’un volet territorial. Il faut accepter aussi l’intervention du citoyen. Il faut vous mettre à sa place, il vit entre l’Etat, l’Europe, la région, le département, l’intercommunalité. Vous-même comme moi-même ne nous y retrouvons pas toujours. La demande citoyenne est aussi une question partagée entre les élus et l’ensemble des acteurs parce que, si on travaille ensemble, on est responsable ensemble. Nous avons besoin de lisibilité et de démocratie partagée.

Le choc démographique est à nos portes. Ceux de mes collègues élus qui ne se soucient pas de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences auront des lendemains difficiles : c’est valable pour tout le monde. Deuxièmement, il faut intégrer les nouveaux modes de coopération public-privé. Il vaut mieux faire la course en tête que d’être obligé de s’adapter. L’exigence de mobilité est territoriale, mais elle existe aussi entre toutes sortes de métiers. Il n’y a pas de raison d’être fiers que nos enfants ou petits-enfants puissent exercer plusieurs métiers dans leurs vies et de rester soi-même confiné dans une logique de mono-culture, de mono-carrière. Tout ceci nécessite qu’on se passionne et c’est bien souvent par l’expertise et par le partage des cultures : là aussi l’évolution est culturelle.

Donc pas de nostalgie mais l’envie de faire ensemble, d’aller très vite de l’avant. Cette nouvelle expertise ne doit pas être dogmatique, elle doit se construire de façon empirique, voire même partenariale avec des évaluations et des rencontres fréquentes. Nous en avions une avant-hier à Nancy sur la gouvernance des aires métropolitaines dans la perspective des contrats de métropolisation : on a fait venir des partenaires étrangers, on a parlé entre élus, entre techniciens des régions, de l’Etat, c’est passionnant. Il faut ouvrir les fenêtres et il y a de ce point de vue un débat très fort sur la formation initiale et le lien entre cette formation et la formation continue.

Le modèle de formation tout au long de la vie, la transposition pour les fonctions publiques de l’accord de très grande qualité qui a été noué à cette fin dans le secteur privé, doivent être des priorités. Il n’y a pas de raison que nous échappions dans les fonctions publiques à cette transposition. Donc il faut y aller là aussi très vite, rapidement, et avec une dimension aujourd’hui temporelle, tout au long de la carrière, une dimension territoriale et un contenu technique : la transformation du temps de la formation tout au long de la carrière permettra une autre approche de l’expertise. En ouvrant des perspectives de développement à la formation continue qui est devenue qualifiante et pourrait jouer un rôle dans le déroulement de la carrière, il est ainsi nécessaire de dépasser la traditionnelle séparation entre formation initiale d’application et formation permanente.

D’autre part, la formation doit être un véritable apprentissage de l’adaptation et de la mobilité et doit préparer les cadres à la diversité possible des parcours dans les trois fonctions publiques.

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Le contenu des formations doit évoluer pour donner une dimension qualifiante à la formation des hauts-fonctionnaires et les doter à la fois de compétences générales et techniques sur les modèles des écoles d’ingénieurs. En ouvrant plus largement l’accès aux postes de responsabilité, il faut ouvrir et réformer la haute fonction publique dans un contexte de décentralisation, indépendament des problématiques de la fonction publique territoriale qui, sur de nombreux points, est en avance par rapport à la fonction publique de l’Etat parcequ’elle associe un marché de l’emploi ouvert et transparent, des cadres d’emplois qui facilitent la mobilité et la gestion, et une culture de formation continue.

Enfin, la décentralisation qui conduira l’Etat à redéfinir son approche des politiques publiques, non par rapport à des ministères mais par rapport à des territoires – nous sommes bien là dans une logique où c’est le territoire qui prime et non pas la verticalité d’un ministère – pose question : quelle résonnance, quelles compétences des fonctions publiques sur un territoire donné pour un service aux citoyens ? Il y a là un renversement de problématiques. Il faut donc favoriser les liens entre les fonctions publiques, la mobilité, le développement de formations et de cultures communes, à tout le moins perméables.

Nous avançons au CNFPT avec la création d’un conseil scientifique permettant d’ouvrir les choses, nous sommes disposés, et nous avons déjà commencé dans un certain nombre de domaines, à travailler avec les écoles et les services de l’Etat. Une excellente coopération est par exemple à l’oeuvre avec le Certu, l’ENTPE, l’ENPC... On est dans des logiques où il faut décloisonner. Le réseau des écoles publiques de l’Etat doit devenir un “réseau pensant” et pas simplement formel. Il doit y avoir des stratégies partagées.

En ce qui concerne l’ENA et l’INET, nous sommes en train de préparer des modules de formation communs aux deux structures. On nous annonce que 50% des élèves de l’ENA vont faire leur stage dans les grandes collectivités territoriales et que des élèves-administrateurs territoriaux vont pouvoir aller en préfecture ! Cela ne coûte rien et c’est un bonheur intellectuel extraordinaire.

Il y a une institution qui marche très bien : l’IHEDN. On est en train de préparer l’équivalent pour les trois fonctions publiques : cela veut dire que, non seulement il faut se rapprocher au moment de la formation initiale, mais il faut aussi que ceux qui sont en poste aujourd’hui puissent se parler, se rencontrer, passer une

ou deux fois par an une ou deux journées extrêmement productives parce que, le temps nous étant compté, nous devons accélérer le dispositif et ne pas attendre simplement les effets bénéfiques d’une nouvelle formation initiale mais avoir au contraire cette vision transversale des choses.

Il faut donc redonner dans les formations, et notamment dans la filière administrative, toute sa place au tronc commun qui lie entre elles les différentes composantes de la fonction publique et de le faire autour de trois thématiques: la modernisation du service public, la conduite des politiques territoriales et l’intégration européenne.

J’ai eu à installer, sur la base, à l’époque, du rapport du vice-président du Conseil d’Etat, l’école des hautes études européennes qui était accolée à l’ENA à Strasbourg: Ce n’était pas par défaut de prise en compte de la dimension européenne dans la formation de l’ENA, mais en raison de la gestion insuffisante de la haute fonction publique française à Bruxelles. Vous partez à Bruxelles, mais vous n’êtes pas bien vu quand vous y êtes et, quand vous revenez, c’est difficile. Pendant ce temps-là, quelle est la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de la France à Bruxelles ? Croyez-vous qu’elle existe ? Et pourtant, c’est bien à Bruxelles que se jouent aujourd’hui les espaces d’influence de notre culture. C’est entre l’Europe, l’Etat et l’espace territorial, que doit se construire une stratégie partagée.

Je concluerai en disant que la formation des cadres supérieurs des fonctions publiques doit porter sur les fondamentaux communs des sciences juridiques et administratives, l’alternance doit être le modèle de cette formation, sachant que les élèves devraient effectuer des stages pratiques dans les trois fonctions publiques. Quand je vois, s’agissant d’ingénierie technique par exemple, que, dans un grand CHU comme celui de Nancy où vous avez �00 millions d’euros de budget, lorsque vous construisez des plateaux techniques -un nouvel hôpital dans l’hôpital- cela nécessite un savoir partagé, y compris celui des écoles les plus prestigieuses de l’Etat pour mettre en place des espaces extrêmement performants.

Donc, nous avons à réfléchir ensemble, ce qui pose le problème du temps et de la constitution des équipes d’ingénierie. C’est cette capacité de partager des ressources humaines qui est importante, de le faire avec d’autres et d’avoir ces espaces de démocratie, non pas formelle mais fondée simplement sur la mutualisation et le partage des études et des informations.

quel Partenariat entre l’etat et les collectivités territoriales Pour caPitaliser l’exPertise et les métiers du cadre de vie ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

A partir du moment où l’on parle des mêmes chiffres, où l’on parle les mêmes mots, entre le DG de la région, du département, le SGAR, les patrons d’agglomérations, où les collaborateurs se voient et travaillent, le temps gagné est considérable : l’efficacité est au rendez-vous. C’est là aussi l’esprit d’une agence d’urbanisme, c’est un espace de respiration qui a aidé à la construction politique des grandes agglomérations en facilitant l’intercommunalité.

Aujourd’hui donc, sous l’égide du pouvoir régional, du partage entre les services de l’Etat qui se réorganisent au plan régional voire interrégional, nous avons intérêt à avoir une fois par an, à travers une pratique interministérielle associant les principaux responsables territoriaux, un espace d’échanges comme celui d’aujourd’hui qui pourrait nous permettre d’évaluer, de cerner les difficultés rencontrées. C’est ce dont nous avons besoin : une ingénierie partagée. Ce sont des temes un peu “techno” mais je puis vous assurer que, dans la pratique, cela marche, mais il faut être conscient d’une chose : on peut être très forts ensemble comme on peut être comme des Gulliver si on ne fait pas attention.

Faisons attention à ce que nos sciences administrative et technique exceptionnelles durent : elle se vendent dans le monde entier et ici nous serions en situation paradoxale d’empêchement ? C’est donc vraiment une affaire de temps, d’accélération, de culture, d’ambition. L’économie de la connaissance commence par l’économie du savoir faire ensemble.

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aLLocution

GillesdeROBIEN, ministre de l’Equipement, des Transports, de l’Aménagement du Territoire, du Tourisme et de la Mer

La célébration du bicentenaire du CGPC, institution qui incarne la continuité et la valeur d’une tradition de «bien faire» transmise de l’Ancien Régime à l’Empire -qui a créé le conseil tel que nous le connaissons- et de l’Empire à la République, intervient à une période caractérisée par les remises en cause et le mouvement. Tout change, en effet.

premier changemenT l’Etat se réforme, ce n’est certes pas nouveau, mais, aujourd’hui, les attentes de nos concitoyens, les défis d’une vraie modernisation, et les calendriers de mise en œuvre sont plus exigeants que jamais. L’appareil d’Etat se recentre progressivement sur un nombre concentré de domaines. Par ailleurs, pour la réalisation de grandes infrastructures comme pour la fourniture de toute la gamme des services nécessaires à la vie quotidienne de nos concitoyens, les ressources financières et la capacité de gestion du secteur privé doivent être mobilisées et sont de plus en plus souvent mobilisés.

deuxième changemenT après la réforme de l’eTaT La décentralisation devient chaque jour une réalité plus perceptible. Un nombre croissant de grands ouvrages ou d’infrastructures se feront, désormais, sous la maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales et de leurs élus. La plupart des politiques publiques qui restent de la compétence de l’Etat nécessitent, pour être mises en œuvre localement, l’intervention, en coopération, des services des collectivités territoriales et de l’Etat, de différentes entités chargées de missions d’intérêt général et, le cas échéant, de partenaires privés ou associatifs. L’organisation des services de l’Equipement et, en particulier, des services déconcentrés se modifie en conséquence, des partenariats anciens se renforcent et de nouvelles synergies ne cessent d’apparaître. Je me réjouis particulièrement qu’André ROSSINOT, à l’instant, et, tout à l’heure, à la fin de vos travaux, Jean-Paul DELEVOYE aient bien voulu accepter de vous apporter leur expérience et leur témoignage. Ils connaissent bien cette question des complémentarités et des rapprochements à mettre en œuvre pour le service de l’intérêt général. L’un et l’autre ont en effet tout à la

fois une expérience locale et nationale du domaine de la Fonction Publique tant nationale que territoriale.

Troisième changemenT après la réforme de l’eTaT eT la décenTralisaTion

Les règles budgétaires qui ont encadré pendant près d’un demi siècle l’activité des ministres et de leurs services en produisant leur cortège d’habitudes et de comportements, vont être profondément rénovées avec la mise en œuvre de la Loi d’Orientation pour les Lois de Finances.

André BARILARI et Gilles CARREZ vous en ont parlé au début de cette journée. La Lolf poursuit deux objectifs politiques essentiels :

• renforcer la démocratie et donner plus de visibilité aux représentants de la nation sur l’usage des ressources qu’ils votent chaque année ;

• mais aussi, rendre l'Etat plus efficace dans la mise en œuvre des politiques publiques.

Pour répondre à ce double objectif de lisibilité politique et d'efficacité, il a d'abord fallu :

• répartir les grands domaines d'intervention de l’Etat en programmes concrets d’action ;

• définir de manière rigoureuse les objectifs des politiques au service desquelles ces programmes ont été conçus ;

• renforcer la responsabilité des gestionnaires de programme ; • contrôler les performances de toute la chaîne chargée de leur mise

en œuvre et choisir les bons indicateurs pour mesurer résultats et performances..

Tous ces changements sont autant de défis pour le CGPC et les deux métiers qu’il exerce traditionnellement le contrôle et l’expertise.

Le contrôle, tout d’abord, en particulier à travers l’inspection mais aussi, de plus en plus, à travers d’autres modes d’examen et de conseil. Le Conseil, en effet, est appelé à soutenir la mise en place de processus de contrôle de la qualité et à aider à l’établissement des référentiels qui en constituent le fondement.En aval, le Conseil a également vocation à développer sa contribution à l’évaluation des politiques publiques.

allocution de gilles de roBien

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

Dans la mesure, en effet, où la mise en œuvre de la Lolf repose sur une logique sectorielle, il va en effet devenir de plus en plus nécessaire de rétablir, à travers l’évaluation, les moyens d’une appréciation d’ensemble sur la réalité et la qualité de mise en œuvre des grandes politiques nationales.

Après le conseil,l’expertise pour éclairer, certes le ministre, chaque fois qu’il le demande, sur un projet, un événement, une situation ou un dysfonctionnement mais aussi, de plus en plus, dans des formes à préciser, d’autres acteurs majeurs de la vie sociale au premier rang, desquels les élus de la nation et des collectivités territoriales.

En ouvrant cette journée André BARILARI vous a, je crois, dit, à partir de l’étymologie du mot, que le contrôle était l’action de regarder afin de rechercher la vérité. Il a ajouté que la finalité du contrôle c’était la démocratie. Vous me permettrez donc de revenir sur ce qui, pour ces deux métiers d’expertise et de contrôle, me paraît être exigé par la démocratie.

La transparence tout d’abord Tout homme politique, tout élu, sait bien qu’il doit la vérité à ceux qui l’ont choisi, il sait qu’il ne doit pas seulement leur rendre des comptes mais qu’il doit les éclairer sur les vraies motivations de ses choix et sur toutes les dimensions des enjeux qui leurs sont attachés.

Nos concitoyens attendent de plus en plus cette rigueur et cette clarté, me semble-t-il, de tout détenteur d’une parcelle, si minime soit elle, de responsabilité dans la mise en œuvre d’une politique publique, la prévention d’un risque naturel ou technologique ou la maîtrise d’ouvrage d’un grand projet. Cette exigence n’est pas seulement comptable, elle ne se limite pas à la vérification de la régularité, elle est beaucoup plus large et porte aussi sur l’explicitation des enjeux, la qualité des choix techniques et la juste appréciation des conséquences qu’ils auront au regard de la sécurité.

La transparence mais aussi la compétence et la fiabilité Un contrôle négligent, un dire d’expert sans véritable solidité peuvent avoir de graves conséquences pour l’avenir. Or, nos concitoyens n’attendent plus seulement d’un expert, qu’il vienne, a posteriori, dire le vrai mais qu’il soit aussi capable de mobiliser son savoir pour anticiper l’avenir.

L’application du principe de prévention à toutes formes de risques, les exigences redoutables de la mise en œuvre du principe de précaution, tendent de plus en plus à faire des experts des acteurs à part entière du système de décision. Cela impose de telles exigences de fiabilité et peut avoir de telles conséquences en matière de responsabilité que la véritable expertise est nécessairement de plus en plus collégiale.

L’organisation, la transparence, la compétence de médiations de qualité entre experts, décideurs et société civileL’expérience du débat public, les vicissitudes rencontrées pour concilier le calendrier de certains grands projets d’infrastructure et la préservation de leur environnement, montrent que, lorsque l’expert se trouve placé au centre d’enjeux sociaux puissants, il ne peut à lui seul être le médiateur d’intérêts contradictoires.

Aux rôles traditionnels des experts et des décideurs doit, donc, souvent être ajouté celui d’un «facilitateur»ou d’un médiateur qui ait suffisamment de compétence et de pratique, pour être capable d’aider à la prise d’une décision, sûre techniquement et acceptable socialement . Il me semble qu’en ce domaine aussi le CGPC peut apporter une aide.

Les exigences de la démocratie que je viens d’évoquer et qui s’affirment de plus en plus dans nos domaines d’intervention, ont finalement toutes quelque chose à voir avec l’art de «bien faire» que j’évoquais au début de mon propos qui a fondé la solidité du corps des ponts et chaussées et qui est une tradition du CGPC.

Je suis donc heureux que cette journée de réflexion permette de tracer des pistes nouvelles pour un renforcement de la crédibilité collégiale et individuelle de ceux qui, au sein du Conseil, exercent des fonctions de contrôle où sont appelés à faire l’expertise de projets, de risques ou , hélas, d’accidents de toutes origines.

Ensuite, je me réjouis aussi, particulièrement, que vous ayez associé à votre réflexion nos partenaires de l’Union Européenne. J’ai en effet, à plusieurs reprises, insisté sur le grand bénéfice qu’il y a à mieux connaître les pratiques et l’expérience de nos partenaires tous confrontés aux mêmes exigences que nous, pour concilier, le développement durable, l’accès de tous aux services essentiels et la maîtrise des dépenses publiques.

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Merci donc à chacun de ceux qui ont accepté de venir aujourd’hui à Paris partager leur expérience du contrôle et de l’expertise. Merci à nos amis et collègues en Allemagne, en Belgique, en Grande Bretagne, en Espagne et en Italie. Merci aussi à ceux qui nous apportent l’éclairage de l’OCDE, de la Commission européenne, de l’Institut Européen d’Administration Publique, le point de vue de l’Université et d’autres grands corps français d’inspection ou de contrôle ou les réactions d’un bureau d’étude privé ou d’un gestionnaire de grand réseau d’infrastructure.

Je sais dans quel esprit d’ouverture le CGPC, entraîné par le dynamisme de Claude MARTINAND, a, comme je le lui avais demandé, entrepris de se réformer à l’occasion de son bicentenaire.

Les réflexions que vous approfondirez au cours de ce colloque permettront d’aller encore plus loin dans l’établissement de partenariats solides avec d’autres institutions et d’autres cultures et le développement d’une expertise collégiale. J’aurais aimé pouvoir venir clore vos travaux et entendre les grandes lignes qui se dégageront de leurs conclusions. J’ai dû y renoncer mais tenu à venir vous dire, ce matin, l’intérêt que vos réflexions présentent pour le grand travail de modernisation de l’Etat et du management public entrepris sous la conduite du chef de l’Etat et du Premier Ministre et l’attention avec laquelle je prendrai connaissance des actes de ce colloque.

Les métiers de contrôle et d’expertise sont, pour toute démocratie, des métiers indispensables, parce qu’ils permettent à chaque citoyen d’être informé sur les vrais enjeux des choix qui les concernent et sur les conditions réelles de mise en œuvre de ces choix.

allocution de gilles de roBien

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

Table ronde

L’etat doit-iL être expert et Le peut-iL ? sur QueLLe forme d’expertise interne

et externe Le gouvernement doit-iL pouvoir s’appuyer ?

heinz jörg borKensTein, sous-directeur au ministère fédéral allemand de l’Equipement

i. la siTuaTion de déparT au niveau naTional

Les sociétés modernes se voient de plus en plus confrontées à des problèmes dont l’ampleur et la profondeur est telle que ces problèmes ne peuvent être traités ou résolus qu’à l’aide d’expertises stratégiques et scientifiques. En Allemagne cette évolution a trouvé son expression dans la mise en place de comités de consultants politiques et scientifiques mixtes comme par exemple la commission Hartz, qui est chargée par le gouvernement fédéral d’élaborer des solutions pour augmenter le nombre d’emplois et de présenter des propositions relatives à une réforme du marché du travail. L’essentiel de cette évolution consiste dans le fait que la résolution des problèmes implique souvent la présence d’un savoir inter- et intradisciplinaire qui, associé à l’action politique, n’est pas disponible sous cette forme dans la pratique scientifique générale.

En République fédérale d’Allemagne les acteurs politiques –dans la perception de leur mission– s’assurent de plus en plus fréquemment du savoir et de l’appui d’experts scientifiques internes ou externes (p. ex. au moyen de services scientifiques créés spécialement à cet effet), et ce de différentes manières et dans le cadre de structures variables. Dans le contexte du système fédéral la complexité des tâches a ainsi fait apparaître, aux différents niveaux, une multitude de décideurs qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à concevoir et à influencer les processus tant au niveau de la politique générale qu’au niveau de la politique sectorielle. Les interfaces générées par ce système ne sont pas toujours de nature à simplifier la résolution des problèmes, mais elles permettent toutefois de traiter les problèmes là ou ils se manifestent. Dans le contexte de la consultation des hommes politiques par des scientifiques ceci constitue un défi particulier surtout quand il s’agit de trouver des solutions élaborées « par une seule instance ». La

mise à profit d’experts nationaux dans le cadre de la conception de la politique des transports sera démontrée ici à l’exemple du ministère fédéral des Transports, de la Construction et du Logement.

La politique des transports ne se conçoit pas seulement comme une action concrète de l’Etat. Dans le sens de l’action pratique elle se veut également une conception des transports publics dans la mesure où les pouvoirs publics (l’Etat et les entreprises publiques, les organisations supranationales comme l’UE) font valoir leur influence sur les conditions propres au domaine des transports. Une telle influence est également exercée par les institutions organisées non gouvernementales (associations, syndicats, entreprises de transports, universités) ainsi que par les groupes d’intérêts associés en vue de la poursuite d’un intérêt commun (groupes d’action). Le but de la politique des transports de l’Etat consiste à réaliser, dans le domaine des transports, des conditions souhaitées au niveau politique par la mise en œuvre de programmes gouvernementaux, de conceptions générales, de textes de lois, de plans d’infrastructures, et de fonds d’investissements tout en visant à réaliser ces conditions par voie procédurale et réelle.

Au niveau fédéral les organismes publics responsables de la politique des transports sont le gouvernement fédéral, le Bundestag allemand (Parlement fédéral) et le Bundesrat (Conseil fédéral) constitué par les représentants des seize Länder de la République fédérale. La compétence législative en matière de politique de transports est exercée par le Bundestag et le Bundesrat. L’Allemagne en tant qu’Etat fédéral est constituée par l’Etat fédéral central (Bund) et les seize Länder. L’exercice des fonctions et la réalisation des tâches publiques relèvent de la compétence des Länder dans la mesure où la Loi fondamentale n’en dispose pas autrement. Dans le domaine des transports les compétences de l’Etat fédéral diffèrent selon les différents modes de transports : En ce qui concerne la construction de routes, l’Etat fédéral (Bund) assume la responsabilité de l’infrastructure des grandes routes fédérales. Les Länder assurent la construction et l’entretien des grandes routes fédérales par délégation, l’Etat fédéral en exerce le contrôle et dispose du pouvoir d’instruction. Pour les voies ferrées, l’Etat fédéral est responsable du cadre juridique et du financement de l’élargissement du réseau ferroviaire. Les entreprises ferroviaires agissent en leur qualité d’entreprises de droit privé. Pour les voies navigables l’Etat fédéral est à lui seul responsable. Dans le domaine de la navigation aérienne, l’Etat fédéral exerce la compétence législative. L’infrastructure des aéroports relève de la compétence des Länder. Les transports en communs

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par rail et par route relèvent de la compétence des Länder. En matière de politique des transports l’Etat fédéral agit surtout au niveau de la planification intermodale de l’infrastructure des transports ainsi que dans le domaine de la conception du cadre juridique et de la fonction d’organisation. Les intérêts des Länder sont garantis par la mise en place de procédures de concertation et d’association entre l’Etat fédéral et les Länder, comme c’est le cas notamment au niveau législatif entre le Bundestag (Parlement fédéral) et le Bundesrat (Conseil fédéral).

Tout comme le système politique, le système scientifique en Allemagne est marqué lui aussi par l’empreinte fédérale : Les universités relèvent essentiellement de la compétence des Länder. L’Etat fédéral participe directement à certains financements dans le cadre des tâches qu’il exerce conjointement avec les Länder. L’existence de 341 établissements universitaires, de 152 écoles d’enseignement supérieur, de 4 communautés scientifiques, de plusieurs grands établissements de recherche regroupant plus de 200 instituts ainsi que d’environ 50 établissements de recherche subordonnés aux ministères donne une idée de la dimension de la contribution que les milieux scientifiques apportent à la solution des problèmes de la société, du monde politique et scientifique, et reflète en même temps la nécessité qui incombe aux responsables politiques de garantir une utilisation efficace de ce potentiel.

Pour bien comprendre le fond du rapport entre le savoir-faire national et la politique, il convient d’emblée de mettre en évidence la difficulté particulière qui réside dans le fait que le système du savoir existant ne reflète pas nécessairement le système du problème qui intéresse les responsables politiques dans le cas concret. En d’autres mots, il s’avère indispensable d’organiser un processus de transfert entre le système du savoir et le système du problème. En Allemagne, ce transfert est opéré principalement par la voie de la recherche effectuée au niveau des ministères et les organismes mêmes de cette recherche. Dans ce but il faut que le problème soit d’abord reconnu comme tel et concrétisé d’une manière suffisante pour, ensuite, être transcrit dans un problème de savoir maniable par le monde scientifique. Pour ce faire, il faut des hommes politiques et des fonctionnaires disposant d’une formation scientifique ainsi que des scientifiques et des experts habitués aux pratiques du monde politique pour garantir une description du problème qui permette de proposer des solutions concrètes qui peuvent être adoptées et réalisées par le monde politique. Par la suite seront décrits les mécanismes fondamentaux de l’exploitation du savoir-faire au profit de la politique en Allemagne.

ii. le rassemblemenT de la poliTique eT de l’experTise au niveau naTional

Solutions différentesLes décideurs politiques au niveau fédéral ont choisi des solutions différentes pour mettre à profit l’expertise nationale.

En raison de la position que lui confère la Constitution par rapport au pouvoir exécutif, le Bundestag allemand dispose d’un service scientifique complexe doté d’une bibliothèque de haut niveau et d’archives bien assortis qui lui permettent de répondre aux questions qui se posent dans le cadre de l’action parlementaire et de l’ensemble de l’action politique. Le Bundestag met en place des commissions d’enquête qui traitent des questions importantes (p. ex. des questions d’éthique) et organise, au sein des commissions, des auditions avec des scientifiques et des hommes de terrain.

Les ministères fédéraux, eux, n’ont pas d’institutions scientifiques à leur propre service qui seraient spécialisées dans des domaines particuliers de la politique sectorielle respective mais ils ont configuré et structuré leurs apports de travail internes et externes selon les besoins de leurs missions respectives. Toutefois les structures se ressemblent comme le démontrent les pratiques du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement décrites ci-après à titre d’exemple.

Le cumul du savoir-faire au ministère fédéral des transports, de la construction et du logement n La mise à profit de l’expertise du ministèreLe ministère élabore les bases fondamentales des décisions relatives à la politique des transports. Sa tâche consiste à garantir, à développer et à promouvoir les transports en République fédérale d’Allemagne dans tous les domaines qui, selon la Constitution, relèvent de la compétence de l’Etat fédéral. Il dispose du pouvoir autonome de décréter, en accord avec le Bundesrat, des dispositions juridiques et administratives afférentes au domaine des transports. Le ministère fédéral de l‘économie, lui aussi, est responsable de certaines questions relatives aux transports (aviation civile et espace). Le ministère fédéral de la recherche est responsable de la recherche fondamentale dans le cadre de laquelle il lance des projets de recherche en relation avec le domaine des transports. L’ Union européenne, finalement, assume

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elle aussi une série de compétences au niveau des transports et de la recherche en matière de transports.

Au sein du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement avec ses huit directions générales le rassemblement de l’expertise est organisé de la façon suivante : La direction des principes de la politique générale du ministère qui assure la fonction de coordination assume la responsabilité des projets intermodaux (p. ex. plan 2003 des infrastructures fédérales de transport, réseaux trans-européens) et d’autres projets et objectifs politiques importants (tarification de l’utilisation des autoroutes par les poids lourds, projet Galileo). Dans cette fonction elle a également recours à l’expertise des différentes directions techniques. Les directions techniques, elles aussi, associent les autres directions à leurs travaux lorsque celles-ci sont également concernées par le sujet en question. Les quelque 300 projets de recherche, d’études et de consultation qui sont traités chaque année sont coordonnés par le délégué à la recherche dont le poste est affilié à la direction générale des principes de la politique. Pour répondre à des questions fondamentales, le ministère met en place des commissions composées d’experts externes (p. ex. en vue du financement de l’infrastructure des transports). Il organise des auditions, des ateliers et des colloques pour scientifiques et hommes de terrain.

Il peut aussi commanditer des expertises et lancer des enquêtes et des sondages. Le ministère a en outre largement recours au travail des organismes techniques qui lui sont subordonnés et auxquels il a délégué une partie de ses missions ainsi qu’au travail des instances spécialisées des autres ministères.

n Travaux de recherche du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement axés sur les tâches spécifiques qui lui incombentUne pratique essentielle de la consultation politique basée sur l’appui scientifique consiste à associer l’expertise externe sous forme d’un travail dit de recherche ministérielle, c’est-à-dire une recherche orientée vers la résolution de problèmes et l’application pratique contrairement à la recherche fondamentale qui relève de la compétence du ministère fédéral de l’éducation et de la recherche. Le but principal de la recherche ministérielle consiste à mettre à la disposition les connaissances nécessaires pour assumer en bonne et due forme les tâches nationales et internationales du ministère. Ce type de recherche est destiné à fournir les fondements scientifiques nécessaires à certaines décisions politiques. Il se distingue de la recherche fondamentale pure telle qu’elle est effectuée par les

universités du fait qu’il est axé sur la fourniture d’une aide concrète aux décisions du ministère.Au budget du ministère sont inscrits 12 titres de recherche dotés d’un volume financier annuel de près de 40 millions d’euros. Chaque année le ministère établit, en accord avec les organismes qui lui sont subordonnés, un programme de recherche intégré qui est axé essentiellement sur les objectifs politiques du ministère et les exigences liées à la réalisation pratique de ces objectifs. L’utilisation et la destination des crédits affectés à la recherche sont définies d’une manière précise. Les champs de recherche au niveau des secteurs de compétence du ministère sont très différents les uns des autres. Ils englobent, entre autres, des activités de recherche scientifique ainsi que des recherches liées à l’économie générale et spécifique du secteur des transports en général, d’une part, et au niveau des différents modes de transport, d’autre part, de même que des études sur la circulation routière, des questions fondamentales concernant des modèles de financement privés, des thèmes relatifs à la sécurité routière, à la navigation aérienne et aux voies navigables, des projets modèles dans le domaine de l’aménagement du territoire ainsi que des enquêtes ponctuelles. Le rayon des projets s’étend à la fois sur le soutien accordé au ministère au niveau de l’élaboration de règles techniques, le contrôle des conditions socio-économiques souvent difficiles qui accompagnent l’introduction de techniques et de procédures innovantes, les projets expérimentaux dans le domaine du logement et de l’urbanisme ainsi que le développement de nouvelles formes de consultation sur le plan politique. L’appel d’offres de ces projets d’étude, de recherche et de consultation est soumis aux conditions des marchés publics. Aussi, les projets font-ils l’objet d’une mise en concours publique parfois même au niveau de l’Union européenne. En règle générale, les attributaires des contrats de recherche sont des établissements universitaires et extra-universitaires, des entreprises de conseil privées, des groupes d’experts, des bureaux d’études et de construction, des associations techniques, mais aussi des organismes appartenant à l’Etat fédéral ou aux Länder, des sociétés techniques et scientifiques de transport voire même des groupements de chercheurs qui, selon le type de contrat, s’associent dans le but de réaliser en commun des études sur des questions plus complexes.

Au niveau de la réalisation de la recherche ministérielle, les différents ministères pratiquent un échange interministériel étroit dans le but de coordonner, en amont, la mise en concours des projets, ce qui permet à d’autres ministères de faire valoir leur influence sur l’appel d’offres avant l’attribution définitive des contrats et d’éviter ainsi toute duplication de travaux.

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Afin de faire profiter d’autres décideurs politiques également des résultats de la recherche ministérielle et dans le but de leur faciliter l’accès aux informations pertinentes, le ministère fédéral des transports, de la construction et du logement a chargé plusieurs instituts scientifiques d’élaborer un système d’information qui a pour but de répertorier et de documenter les questions importantes qui intéressent le ministère, de donner un aperçu sur l’état actuel de la recherche en cette matière au niveau national et international et de permettre ainsi une vue d’ensemble rapide sur les projets respectifs actuellement en cours et les problèmes qui y sont liées.

n Travaux de recherche de l’Etat fédéralLes établissements de recherche de l’Etat fédéral fournissent un apport indispensable à la réalisation des tâches spécifiques des ministères. Ces établissements constituent pour ainsi dire le maillon manquant entre les problèmes à résoudre au niveau politique et l’échelon scientifique. En général, ces établissements de recherche sont des institutions qui ont été créées en partie au cours des dernières décennies du 19ème siècle dans le but de garantir la réalisation ce certaines tâches spécifiques de l’Etat comme par exemple l’entretien de services techniques. Afin de pouvoir assurer une recherche scientifique liée à la résolution de problèmes spécifiques la plupart des ministères, dont le ministère fédéral des transports, de la construction et du logement, couvrent leur besoin permanent en expertises scientifiques par le recours à des établissements de recherche ministérielle. Il s’agit là d’établissements qu’ils ont mis en place eux-mêmes, c’est-à-dire des établissements qui assurent une recherche orientée vers la consultation politique, ou encore d’autorités fédérales supérieures qui, elles aussi, effectuent une partie de la recherche ministérielle. Les établissements de la recherche ministérielle constituent un des échelons scientifiques de la politique ministérielle qui fournissent des prestations spéciales et des informations consultatives au service de la politique sectorielle. Les formes typiques de la recherche ministérielle sont les suivantes :

• recherche et observation au service de la planification, • consultation politique, • normalisation technique, • contrats de recherche et de consultation à court terme, • recherche préventive axée sur des perspectives à long terme dans le cas

de problèmes latents.

Le ministère fédéral dispose de six établissements de recherche ministérielle qui lui sont subordonnés et qui assument des tâches sectorielles autonomes. Ces

établissements effectuent des recherches sur des questions qu’ils définissent eux-mêmes et sur des questions définies par le ministère. Dans ce contexte, ils ont le droit de passer des contrats de recherche complémentaires avec des établissements tiers si cela s’avère nécessaire. Le ministère exerce la surveillance tutélaire et administrative et dispose du droit d’instruction vis-à-vis de ces établissements qui lui sont subordonnés. Les établissements de la recherche ministérielle se distinguent en particulier par une transition délibérément courante des actes administratifs officiels et souverains vers une recherche et un développement inter- et transdisciplinaire orientés vers l’application pratique et complétée par une recherche axée sur des applications dans un avenir plus lointain.

Les tâches des différents établissements de recherche couvrent les champs politiques majeurs du ministère fédéral des transports, de la construction et du logement qui sont les suivants : recherches routières, transports ferroviaires, navigation aérienne, navigation maritime, transports par voies navigables, constructions hydrauliques, hydrographie, service de la météorologie, construction, aménagement du territoire, urbanisme et logement. C’est ainsi que l’Institut fédéral des recherches routières, par exemple, assume certaines tâches qui lui sont attribuées par la loi sur la statistique des accidents et la loi sur la circulation routière.

Cet institut qui est également chargé du développement de la recherche routière fournit au ministère des aides à la décision fondées sur des expériences scientifiques en matière de recherche routière. Il est chargé d’augmenter la rentabilité de la construction et de l’entretien des grandes routes fédérales, de contribuer à la réduction des nuisances écologiques dues aux conditions des routes et de promouvoir la mise en place d’un système général de transports efficace. La tâche principale de cet institut consiste à assurer la recherche ministérielle ce qui le distingue des autres établissements subordonnés dont les travaux de recherche se réduisent à une mesure nettement moins grande.

n Etablissements universitaires et extra-universitairesDans le cadre de la consultation sur le plan de la programmation et de la mise en oeuvre de leurs décisions, les responsables de la politique des transports ont largement recours au paysage de la recherche universitaire et extra-universitaire. Les fonds budgétaires de l’ordre de 40 millions d’euros par an mentionnés plus haut sont prévus à cette fin. La multitude des projets d’études mis au concours publique intéressent notamment les instituts universitaires et d’autres établissements

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scientifiques renommés. Les projets d’études sont financés également par d’autres crédits budgétaires comme par exemple les fonds prévus pour le projet spécifique du train à sustentation magnétique, le projet Galileo ou le projet de promotion de nouvelles énergies. Les institutions de la recherche ministérielle passent elles-mêmes de nombreux contrats de recherche avec les universités et les établissements extra-universitaires. Il existe même un réseau spécifique très étroit entre les différentes instances de la recherche ministérielle et les établissements de recherche libéraux et indépendants.

n Consultation privéeLa consultation axée sur les besoins de la pratique fait l’objet d’un intérêt croissant. Ce genre de consultation proposé par des entreprises de conseil libérales, des experts privés ou des bureaux d’études et de construction est surtout demandée en vue de l’introduction de nouveaux systèmes dans le domaine de la télématique, des technologies innovantes, de l’organisation et de la gestion de la circulation ou encore quand il s’agit de résoudre des problèmes liés à la jurisprudence nationale ou européenne. L’évaluation de questions écologiques, la transposition des règlements communautaires dans les textes allemands qui régissent les transports ou la construction, la collecte de données, la réalisation d’études prospectives ou l’organisation de sondages sont autant de domaines qui peuvent concerner la consultation privée.

n Associations spécialisées dans les sciences des transportsCertaines associations spécialisées dans les sciences des transports proposent, elles aussi, des services de consultation et d’appui, à savoir l’Association allemande pour les sciences des transports (Deutsche Verkehrswissenschaftliche Gesellschaft) qui organise entre autres des congrès, des colloques et des ateliers ainsi que l’Association pour la recherche routière et des transports (Forschungsgesellschaft für Strassen- und Verkehrswesen) qui publie des notices explicatives sur des aspects pratiques du secteur des transports.

n Commissions scientifiques consultativesLa commission scientifique consultative instituée auprès du ministre fédéral des transports est composée de 18 professeurs renommés (experts dans le domaine de la technique, de la gestion d’entreprise, des sciences des transports et du droit) qui conseillent le ministre pour les questions relevant du domaine des transports

en élaborant des expertises techniques ou en exprimant leur avis sur des questions fondamentales ou spécifiques.Le conseil consultatif pour l’aménagement du territoire conseille le ministre pour des questions fondamentales du développement de l’espace. Les organismes de la recherche ministérielle ont eux aussi parfois recours aux services de commissions scientifiques consultatives qui expriment leur avis sur le travail des différents organismes et soumettent des propositions.

n AssociationsLes milieux de l’industrie et du commerce, les associations de transport, les clubs automobiles et autres organisations spécialisées en matière de transports font part de leur expertise aux différents niveaux, et ce dans le cadre de colloques, de cercles de travail, de congrès techniques, d’avis et d’entretiens. Les auditions prescrites par la loi dans le cadre de la procédure législative sont une autre occasion pour ces associations d’introduire leur expertise.

n Commissions mixtes Etat fédéral / LänderLe rassemblement de l’expertise stratégique nationale au service de la politique est réalisé également par le fait que dans les relations entre l’Etat fédéral et les Länder les experts des deux échelons se rencontrent régulièrement au sein de commissions mixtes pour évoquer des questions d’intérêt commun (construction routière, code de la route, transport de matières dangereuses). Les délibérations sur les projets de lois au sein du Bundesrat présentent une autre occasion pour les experts des Länder et de l’Etat fédéral de rassembler leur expertise dans le cadre des procédures parlementaires. Avant l’adoption finale des projets de lois importants par le gouvernement fédéral, les représentants des Länder ont en outre l’occasion d’exprimer leur avis et de présenter leur apport en expertise au stade préparatoire de la procédure législative.

n Autres instrumentsLa recherche fondamentale telle qu’elle est pratiquée par le ministère de la recherche dans le cadre de ses propres programmes de recherche en matière de transports constitue elle aussi un élément important de l’apport en expertise externe au service de la politique. Dans ce contexte il convient de mentionner finalement les conseils apportés par la Cour fédérale des comptes dont le savoir transversal proche de la politique est très apprécié.

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iii. approches pour un rassemblemenT de l’experTise inTernaTionale au service de la poliTique

Au fil de l’avancement de l’intégration européenne et de la progression de l’internationalisation les niveaux communautaire et international se voient attribuer une importance sans cesse croissante ce qui implique que les responsables politiques doivent avoir un intérêt de plus en plus grand à associer l’expertise communautaire et internationale à leurs décisions. La coopération au sein de nombreux organismes internationaux y contribue pour une part importante. Les multiples relations nouées au fil des années facilitent l’échange de connaissances et d’idées. L’appui de l’expertise scientifique internationale ainsi que l’expérience des bonnes pratiques acquises donnent aux différents pays le moyen de choisir leur position en se basant sur des décisions politiques fondées.

Outre les programmes de recherche nationaux, les programmes de recherche et de coopération internationaux sont très importants pour la poursuite du développement des systèmes de transport français et allemand ainsi que pour le renforcement de la durabilité de la politique des transports. A titre d’exemple, il convient d’indiquer ici le programme cadre de recherche de l’Union européenne, le service de recherche commun de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMT) avec leur nouveau programme de travail à l’horizon 200�, ainsi que la coopération franco-allemande en matière de recherche qui a récemment fêté son 25e anniversaire et qui sert de modèle à de nombreuses formes de coopération bilatérale. Une importance non moins grande doit être attribuée à de nombreux autres modèles de coopération sur le plan de la recherche telles que la coopération de l’Institut fédéral des recherches routières (Bundesanstalt für Strassenwesen) avec la Pologne et la République tchèque ou bien encore le projet de coopération ERA-NET Transport financé au titre du 6e programme cadre de recherche et de développement (PCRD) qui –par l’organisation de différents ateliers et la mise au point d’une méthodologie spécifique– vise à renforcer le transfert de savoir-faire par le biais de la coopération transfrontalière en matière de recherche.

iv. conclusion

Le présent aperçu qui ne se veut en aucun cas exhaustif a permis de montrer à titre d’exemple, comment, en Allemagne, l’expertise nationale est mise en valeur pour être rassemblée au service de la politique. Le besoin en conseils d’experts

est extraordinairement hétérogène et l’éventail des activités de consultation et d’appui qui rassemblent l’expertise interne et externe est assez large : la consolidation des textes juridiques et des dispositions techniques ou non techniques réglementaires, l’établissement et le suivi de programmes politiques, la mise au point d’aides à la décision et les recherches sur la mobilité destinées à rendre plus précises la prévision en matière de planification ne constituent que quelques exemples pour illustrer ces activités. Contrairement aux méthodes appliquées par les établissements de recherche libéraux et indépendants les approches inter- et transdisciplinaires telles qu’elles sont pratiquées par la recherche ministérielle, sans lesquelles la résolution de problèmes s’avère impossible, permettent de fournir aux responsables politiques des réponses valables et réalisables non seulement à des problèmes majeurs qui affectent la société, mais également à des questions qui réclament des réponses à brève échéance. Cette méthode présente le grand avantage qu’il n’est pas nécessaire, au préalable, de constituer longuement une nouvelle expertise appropriée en fonction du problème qui se pose. Lors de l’appel d’offres de projets de recherche, les établissements de recherche indépendants et les conseillers libéraux sont pareillement associés à la consultation politique.

Avec la compression des fonds budgétaires et la réduction continuelle des emplois au sein de l’administration fédérale pour toile de fond, une discussion s’est engagée, en République fédérale d’Allemagne, sur le montant des crédits attribués à la recherche ministérielle et aux établissements de recherche qui la soutiennent, de même que sur l’efficacité de la consultation externe des ministères, la pratique de passation des contrats et l’optimisation de l’appui accordé à la politique par l’expertise existante. En mai 2004, le Bundestag allemand a chargé le Conseil scientifique allemand (Deutscher Wissenschaftsrat) ainsi que les hauts représentants des universités et des écoles techniques supérieures d’évaluer le travail des établissements de recherche des autorités fédérales en fonction de leur mission.

L’évaluation des institutions de recherche d’un ministère particulier déjà effectuée auparavant par le Conseil scientifique allemand avait donné lieu à un certain nombre de critiques. L’évaluation réclamée par le Parlement devra contribuer à moderniser les institutions de recherche des autorités fédérales, à renforcer la concurrence entre la recherche interne et la recherche externe, à améliorer la qualité et à soutenir la promotion des jeunes fonctionnaires pour assurer que les ministères puissent remplir leurs fonctions dans des conditions plus efficaces. Le Conseil scientifique allemand avait, au préalable, effectué un examen rigoureux de

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l’interaction entre les activités de recherche universitaires et extra-universitaires d’une part, et la politique, d’autre part. Ayant constaté que cette interaction ne fonctionnait pas dans les meilleures conditions, le Conseil scientifique avait, à l’issue de son examen, défini comme tâches principales des établissements scientifiques indépendants une plus forte orientation interdisciplinaire vers l’applicabilité concrète de la recherche, une concentration renforcée sur les besoins de la pratique et une plus forte internationalisation du système scientifique allemand. Les organismes de recherche institutionnels, quant à eux, devraient, selon le Conseil scientifique, limiter leurs activités à des fonctions absolument indispensables à l’accomplissement d’actes officiels souverains et réglementaires. Les fonds ainsi libérés devraient être utilisés dans le cadre des concours pour l’élargissement de la promotion de programmes axés sur l’application pratique.

Dans le contexte de ces initiatives et dans le cadre du débat sur l’innovation et la construction d’un espace de recherche européen la mise à profit renforcée de l’expertise nationale –et internationale– au service de la politique fait l’objet d’un défi continuel.

alain bouvier, ancien recteur, chercheur au LAREQUOI, chargé de mission à l’institut national de Recherche Pédagogique

Je vous prie de m’excuser par avance si mon intervention semble un peu décalée : je suis dans un Ministère qui a ses particularités comme vous le savez. J’ai été très intéressé par ce que j’ai entendu tout au long de la matinée. J’en ferai certainement mon miel dans les actions que nous conduisons en direction de la formation des cadres de l’Éducation nationale, et plus particulièrement des corps d’inspection.Je vais me permettre d’évoquer le thème général de « contrôle, évaluation et régulation », à travers quatre tensions ou paradoxes ou risques actuels. Je terminerai par une perspective sur le contrôle d’un nouveau type en prenant aujourd’hui le risque de m’adresser devant beaucoup plus spécialiste que moi !

D’abord sur les tensions, paradoxes et risques actuels, vous connaissez aussi bien que moi celui de céder à la pression du grand nombre d’indicateurs de réalisation, de résultats et de performances. C’est peut-être une facilité de privilégier leur nombre par rapport, bien entendu, à la question beaucoup plus délicate de leur pertinence. Elle risque d’esquiver les choix stratégiques et politiques. Face à ces

bouquets touffus d’indicateurs, de quoi leur atteinte est-elle le reflet ? Quelle est leur signification globale ? Quel reflet de quelle politique révèlent-ils? Le problème est donc en amont sur la définition -nous l’avons vu à travers la Lolf- et le choix des objectifs.

Deuxième remarque sur la force du contrôle et de son impact. Il réside sans doute -cela a été dit sous différentes formes- dans la communication sur les indicateurs et sur les résultats accompagnés de l’analyse critique de ceux-ci. Il y a alors tension entre le pilotage et la communication. Le pilotage voudrait travailler sur un nombre important d’indicateurs, mais sur un registre relativement micro. Alors que la communication, qui est sur un registre plus macro, stratégique, global et politique, aimerait davantage intervenir sur un nombre réduit d’indicateurs qui puissent parler à nos interlocuteurs. Comment dépasser cette tension ? Sans doute, comme cela a été dit plusieurs fois, par une mise en système de ces deux visions.

Tension ensuite entre contrôle interne et expertise externe : le contrôle interne pousse à des corps spécialisés, à des régulateurs, faisant appel à davantage de bureaux d’études, de laboratoires publics ou privés, et des audits internes. Alors que l’expertise externe est plus nationale et internationale, dans une logique -comme cela a été dit plusieurs fois- de benchmarking. Une telle approche va certainement faciliter la critique des choix stratégiques déjà faits. Comment articuler ces deux registres ? Là encore sans doute par une mise en système.

Quatrième remarque : les risques d’effets pervers déjà évoqués. Ce sont ces nouvelles formes de contrôle qui sont consécutifs à la complexité croissante des systèmes, puisqu’il y a des risques de confusion entre ce qui relève du maître d’ouvrage, des maîtres d’œuvre, des chefs d’opération et des partenaires, mais aussi des risques d’incohérence entre ces niveaux. Enfin - risque majeur que l’on devine bien et qui a été évoqué d’ailleurs très clairement - celui que le poids du système de contrôle devienne supérieur à celui du système contrôlé, ce que certains pourraient qualifier de risque de dérive technocratique ou bureaucratique.

Alors, quelle perspective de contrôle de nouveau type ? Sans doute à travers, comme cela a été dit, ces expériences et expertises croisées. Mais, dans ce cas, comment les mobiliser de façon cohérente puisqu’il s’agit de multi-expertises ? Faut-il se laisser entraîner vers un contrôle vertical qui pourrait être renforcé par la Lolf ? Même si nous sommes tous vigilants par rapport à cela, comment s’adapter

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à la déconcentration et à la réforme de l’Etat qui a été rappelée plusieurs fois ce matin, à la décentralisation et à la complexité croissante des systèmes ?

Je vois deux pistes, mais il en a certainement beaucoup d’autres.La première c’est de mieux poser le rapport entre contrôle externe et contrôle interne par une priorité à l’expertise, au benchmarking, à l’évaluation des objectifs et aux choix stratégiques et politiques. Mais aussi, deuxième piste, c’est de penser une double complexité : la complexité du système d’action qui est fort divers, à travers ses partenariats, les multi-décideurs, des actions croisées, mais aussi la complexité du système de régulation lui-même qui nous invite à distinguer les niveaux de régulation. Je crois que cela a été clairement évoqué plusieurs fois, avec un premier niveau qui est celui du contrôle très ponctuel des réalisations, des résultats et des performances, et un second niveau qui est celui de la pertinence et de l’équité - en particulier quand il s’agit des services publics.Nous avons donc clairement à penser en système face à cette complexité, à penser le système de régulation, et aussi à assurer la « régulation de la régulation ».

gérard massin, président du Groupe SETEC

Je voudrais tenter de donner mon point de vue sur la question qui nous est posée: l’Etat doit-il être expert et le peut-il ?

Si l’on se souvient du ministère de l’Equipement des origines, celui d’Edgar PISANI, on pourrait dire qu’il y avait alors un modèle français très clair où l’expertise technique était, au plus haut niveau, détenue et incarnée par l’Etat.

Le ministère de l’Equipement de l’époque avait l’ambition d’être expert en toutes choses relevant de sa compétence. Pour Nancy, par exemple, puisque nous venons d’entendre son maire, avant la création de l’agence d’urbanisme au milieu des années 70, c’était la DDE qui établissait le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme. L’Etat se présentait donc non seulement comme le garant de l’intérêt général mais aussi comme l’expert légitime des questions relatives à l’aménagement et à l’urbanisme de l’agglomération nancéenne.

A cette même époque, l’Etat engageait des villes nouvelles, au besoin contre l’avis des élus, et les faisait réaliser par ses fonctionnaires en tant que patrons

des établissements publics. L’Etat avait un monopole pour à peu près toutes les infrastructures de transports, qu’il s’agisse de la maîtrise d’ouvrage ou de la maîtrise d’oeuvre. Ce schéma s’appuyait sur une organisation tout à fait cohérente, avec des filières de recrutement dans les corps de l’Etat, des écoles d’ingénieurs de grande qualité, des centres techniques rassemblant des compétences du plus haut niveau.

Mais depuis une vingtaine d’années ce système a connu des bouleversements extrêmement profonds. Ils sont liés d’une part, à la décentralisation et d’autre part, aux règles de concurrence européennes. Par exemple, jusqu’au TGV-Méditerrranée, la SNCF avait le monopole des maîtrises d’ouvrage et d’oeuvre des lignes à grande vitesse. Pour le dernier groupe de contrats qui ont été attribués, je parle du TGV Rhin-Rhône, la SNCF non seulement n’exerce plus la maîtrise d’ouvrage désormais assurée par RFF, mais a vu sa participation à la maîtrise d’oeuvre très fortement réduite au profit de l’ingénierie privée. On pourrait dire la même chose des autoroutes. Dans un autre registre, les collectivités territoriales sont désormais responsables de l’établissement de leurs documents d’urbanisme. Au total, on est face à des changements extrêmement profonds : l’Etat et ses établissements publics ont perdu peu à peu une grande partie de leurs missions de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’oeuvre au profit des collectivités territoriales et du secteur privé.Ces changements soulèvent deux types de questions : les unes sur le secteur public et les autres sur le secteur privé.

Pour le secteur public, j’avoue que ce qui me fait peur actuellement, c’est de voir fondre comme neige au soleil l’expertise technique de l’Etat. Cela ne se voit pas encore beaucoup parce que les responsables qui sont maintenant dans des fonctions de direction, de contrôle et d’expertise, ont encore commencé leur carrière comme maître d’ouvrage ou maître d’oeuvre dans des arrondissements opérationnels de DDE, dans des villes nouvelles : ils y ont acquis leur expertise. Leurs successeurs ne sont pas dans cette situation et il y a un risque réel que sur une durée de 20 à 40 ans, cette grande expertise, dont le CGPC est le symbole et peut-être le gardien, fonde avec la disparition des grandes missions antérieures de l’Etat et des organismes publics qui en dépendent.

Il y a un choix à faire : un modèle possible est de laisser cette expertise fondre. Pour dire les choses de façon un peu simplificatrice, c’est le modèle anglais : nos amis anglais ne se frappent pas du tout d’avoir comme experts, y compris pour les

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plus grands ouvrages, des bureaux d’ingénierie privée avec, de temps en temps, des professeurs d’université. C’est un système qui fonctionne, mais est-il compatible avec la culture française? Alors que l’on célèbre avec faste le 200e anniversaire du CGPC, est-ce vraiment le projet formulé pour ce ministère?

J’aurais alors tendance à faire la suggestion suivante : si ce n’est pas cela que l’on veut, il faut s’en donner les moyens. Il faut arrêter de laisser partir si vite les jeunes ingénieurs des Ponts ou des TPE hors de l’administration; il faut organiser leurs carrières. Avec ce qu’il reste comme missions au ministère de l’Equipement, avec les missions des collectivités locales et avec celles du secteur public au sens large (RFF, sociétés d’autoroute à majorité d’Etat, Aéroport de Paris,...), il y a tout à fait de quoi organiser de grandes carrières techniques dans le secteur public. Celui-ci a probablement besoin de nettement moins de monde dans les corps de l’Etat, mais il a de quoi rester un lieu d’expertise du plus haut niveau. Mais faites attention, vu de l’extérieur, l’expertise de l’Etat est en train de fondre rapidement. C’est toute une culture qui est en jeu et je suis content que la question soit posée à l’occasiond’un colloque du CGPC.

S’agissant du secteur privé : il faut que l’on ait en tête qu’en France, le secteur privé est lilliputien. Il n’y a à cela rien d’étonnant, puisque c’est la contrepartie de la place ultra dominante occupée longtemps par les services techniques de l’Etat et des grands organismes publics. Nous sommes à peu près 1000 à la SETEC, qui est la société française qui se compare sans doute le plus aisément avec la grande ingénierie d’Europe du Nord, notamment anglaise. Notre homologue anglais du tunnel sous la Manche compte 15000 collaborateurs et il y a plusieurs sociétés en Angleterre entre 3000 et �000 personnes.

Le point de vue que je voudrais défendre est le suivant : je pense que quand l’Etat tourne la page du colbertisme, il doit faire attention à la transition. On ne peut pas du jour au lendemain passer d’un système où l’Etat faisait tout et étouffait d’une certaine manière les sociétés privées à un système où l’Etat dit : “je ne suis plus responsable d’un certain nombre de missions, que le privé se débrouille !”L’Etat a été, me semble-t-il, assez habile dans beaucoup d’autres domaines. Dans le cas de France-Télécom, on est passé successivement d’une direction d’administration centrale à un établissement public, puis à une société détenue par l’Etat, puis à une société cotée en bourse. Sur 10 à 15 ans, l’Etat a su soigneusement organiser la transition. Il a fait de même pour Air France, pour Airbus, pour l’Aérospatiale,

devenue EADS. Dans chacun de ces cas on était dans des systèmes 100 % Etat, souvent plus administratifs qu’industriels et commerciaux, et on se retrouve avec des champions privés européens voire mondiaux.

Notre secteur d’activité, celui de l’expertise en génie civil et en infrastructures de transport, est l’héritier d’une longue et brillante tradition. Il mérite mieux que l’abandon. C’est la raison pour laquelle quand, il y a quelques mois, il a été question de vendre le principal bureau d’études public français d’infrastructures à une société américaine, je me suis peut-être frotté les mains comme patron de la SETEC mais, comme citoyen et ingénieur des ponts, je me suis demandé dans quel monde étrange on était tombé. Les enjeux sont sans doute moins forts que pour France Télécom, Airbus ou Air France. Mais là comme ailleurs, l’Etat et les organismes qui lui sont liés doivent veiller à se retirer en bon ordre s’ils décident de le faire, en favorisant l’émergence d’acteurs privés français capables de reprendre le flambeau.

En résumé, il me semble que notre pays a devant lui une double nécessité : d’un côté, reconfigurer et réorganiser l’expertise publique, et en premier lieu celle de l’Etat ; et de l’autre, être attentif à la nécessaire émergence d’une ingénierie privée française à même d’assurer les missions qui ne sont plus effectuées directement par le secteur public et de se situer au plus haut niveau dans la compétition internationale.

claude gressier, président de section du CGPC

On peut regretter effectivement le temps de « Monsieur l’ingénieur en chef » qui, appuyé sur le Setra21 et le SAEI, était un expert reconnu et pas tellement mis en cause, même si, de temps en temps, on le traitait de technocrate sans cœur, dans le domaine de l’infrastructure et des politiques de transports. Mais les temps ont changé, la société demande de la transparence, réclame des contre-expertises, et les problèmes sont plus complexes.Il y a bien sûr toujours des problèmes de génie civil, de transport et de prévision de trafic, d’économie, mais aussi de montages financiers plus compliqués, plus innovants aujourd’hui qu’hier - partenariats public-privé par exemple -, les problèmes de droit et de contentieux (on ne fait plus une concession, un partenariat public-privé (PPP), sans être accompagné de son avocat) et les problèmes d’urbanisme et de logement 2� Setra:serviced’étudestechniquesdesroutesetautoroutes

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taBle ronde : l’etat doit-il être exPert et le Peut-il ? sur quelle forme d’exPertise interne et externe le gouvernement doit-il Pouvoir s’aPPuyer ?

et, comme cela a été dit et qui est un nouveau besoin d’expertise, la réconciliation des politiques sectorielles et des politiques des territoires.

On peut prendre comme exemple la poste : ce n’est pas à elle seule de faire cette réconciliation, mais l’Etat à travers ses décideurs politiques et son administration doit travailler afin de réconcilier ses politiques sectorielles avec les politiques des territoires.

Une deuxième réconciliation : celle des temps. J’ai l’impression qu’on est comme la Lolf qui nécessite de produire chaque année des indicateurs. Or des indicateurs susceptibles de varier significativement d’année en année s’adaptent assez mal à des politiques d’investissements, voire de régulation : comment donc avoir des indicateurs parlant pour le Parlement et pour le public qui rendent compte à la fois de politiques de long terme (d’où la nécessité d’avoir un certain nombre de politiques pluriannuelles), mais aussi qui apportent des réponses concrètes aux citoyens sur des améliorations plus immédiates de la qualité des transports, de celle des services ? Il s’agit en fait d’une nouvelle façon de penser (c’était déjà le but des schémas de service) : moins d’investissements et plus d’exploitation, de service, dans l’immédiat. C’est une évolution des types de compétences.

Troisième point : dans notre pays, compte tenu de son histoire et de la demande sociale, on ne peut pas se passer d’une expertise d’Etat. Quand quelque chose ne va pas, on se retourne vers l’Etat, on crée des commissions d’enquêtes, il y a des bureaux d’enquête-accident : l’aérien existe depuis longtemps, on vient de créer le maritime et le terrestre, et en amont de cela, dans le système de la prévention, il y a une demande à l’Etat.

Cette demande à l’Etat n’implique pas que tous les experts soient des experts d’Etat. Encore faut-il que le pilotage, l’accompagnement, la traduction de l’expertise vis-à-vis des décideurs politiques soient faits par des gens habitués à l’appareil d’Etat car ils sont, du point de vue de la préparation des décisions publiques, plus efficaces. Il s’agit de piloter, d’accompagner un groupe d’experts venant d’horizons très divers - c’est indispensable - de l’université, des bureaux d’études, de l’étranger bien entendu. Encore faut-il ensuite traduire leurs avis dans un langage accessible aux décideurs du pays en question, à ses administrations, et là, l’Etat et ses fonctionnaires ont un rôle irremplaçable à jouer.

Ce qui est à construire c’est de disposer, sur l’ensemble des sachants, d’experts de l’Etat qui continuent à être véritablement experts dans un certain nombre de domaines, mais qui soient aussi d’une expertise un peu nouvelle, c’est-à-dire qu’ils soient capables de comprendre suffisamment le droit, les montages financiers, les problèmes de matériaux de construction, sans être pour autant les spécialistes pointus de chaque discipline, mais pour pouvoir être capables de faire travailler ces spécialistes et d’en tirer des conséquences.

Par exemple, aujourd’hui des partenariats public-privé sont en train de se monter (prisons, autoroutes...) : on voit bien qu’on a besoin d’un conseil financier, d’un conseil juridique ; encore faut-il être capable de comprendre ce qu’ils disent et le traduire dans les propositions de décision que l’on fait au Ministre.

Il y a donc nécessité d’une expertise d’Etat, indispensable, mais dont les fondements nouveaux sont à créer : elle n’est pas de même nature qu’auparavant parce qu’elle va s’appuyer sur un corps d’experts beaucoup plus diversifié : il y a des transitions à opérer, il y a un corpus de doctrines à reconstruire car il y a eu une perte de compétence ces dernières années. Cette reconstruction est donc la tâche que nous devons maintenant réaliser.

u débaT

Olivier JAY,chroniqueur au quotidien La Croix et éditorialiste à LCIMadame SALLARD, quelle est votre réaction à l’issue de cette matinée ?

Odile SALLARD, directeur de la gouvernance publique et du développement territorial à l’OCDEL’ensemble des interventions de ce matin a bien montré le recentrage de l’Etat, son encadrement par les niveaux supra et infra-national et le fait qu’il soit de plus en plus souvent considéré par les citoyens comme comptable de sa politique. Tout cela modifie profondément la nature de l’expertise. L’Etat sera vraisemblablement amené à réaliser moins d’expertises lui-même et à en faire réaliser davantage. Il devra donc penser son action de façon plus systémique. Cela modifiera aussi les besoins de formation et conduira inévitablement au développement des réseaux. Je suggèrerais donc que cette mise en réseau ne se fasse pas seulement au niveau national mais aussi au niveau européen.

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

comment faIre vIvre La compétence d’expertIse et de contrôLe au seIn

des servIces de L’etat ?

L’inspection espagnoLe spéciaLisée dans Les infrastructures :

QueL type de contrôLe des gestionnaires déLégués ?

Fernando ROJAS URTASUN, directeur général de la programmation économique, ministère espagnol de l’Equipement

I. Antécédentshistoriquesdel’Inspection

L’écroulement d’un pont, le Pont du Roi, vers la fin du XVIIIème Siècle est l’évènement déterminant pour la création de l’Inspection des Chaussées et des Canaux, qui a été proposée et dirigée par José NAURIN, à l’époque sus-délégué des Chaussées en Catalogne.

Le 12 juin 1799 a été adopté à Aranjuez le Mandat Royal de création de l’Inspection. Il a constitué l’origine de l’actuelle inspection générale du ministère de L’Équipement, une division administrative qui a donc plus de 200 ans d’histoire et qui, sous diverses formules organisationnelles, en fonction des usages administratifs en vigueur à chaque époque, est demeurée depuis dans le domaine de l’Administration des infrastructures des transports.

II.Teneuractuelledesactionsdecontrôleassurées parl’Inspection

Dans l’actualité, les fonctions de l’inspection générale du ministère de L’Équipement sont définies par l’article 11.2.f) du décret royal 1.476/2004, du 19 juin, date du dernier réaménagement administratif du Département. Ce texte signale que le

vice-secrétariat, par le biais de l’inspection générale du Département, sera chargé de : “... l’analyse et le contrôle des marchés de travaux publics relevant de la responsabilité du Département, dans leurs aspects techniques, fonctionnels et administratifs, dans le but d’obtenir la meilleure performance des investissements, sans préjudice des organes sectoriels sur la matière ”.

Ainsi, le domaine d’action de l’Inspection est l’analyse et le contrôle des travaux publics, exécutés par le biais des procédures administratives de passation des marchés publics correspondants, dans une triple optique : technique, fonctionnelle et administrative. De ce fait, l’analyse et le contrôle de l’activité d’investissement sont aussi vastes que les moyens matériels et humains peuvent le permettre ; or, comme nous verrons plus loin, toutes les actions d’investissement ne sont pas à priori soumises au contrôle de l’Inspection. Pour une meilleure efficacité, seules les plus importantes, du point de vue quantitatif, sont impérativement soumises au pilotage de l’Inspection. Les autorités du ministère peuvent néanmoins demander à tout moment au Vice Secrétariat la réalisation de missions spécifiques dans le domaine de l’inspection, dans le but d’informer et de proposer les mesures de correction pertinentes concernant certaines actions d’investissement.

Les particularités concrètes et les détails du mandat d’inspection sont réglementés par l’arrêté du ministère de L’Équipement du 30 avril 1998, partiellement modifié par les Arrêtés du 30 novembre 1998 et du 21 mars 2000.

D’après cette réglementation, on différencie deux types d’actions : les actions ordinaires et les actions extraordinaires. Les actions ordinaires assurées sont les suivantes :

• pilotages spécifiques des travaux publics qui revêtent une importance particulière en raison de leurs caractéristiques ;

• réception des travaux, dans les cas où le montant du marché conseille de le faire.

Les actions extraordinaires concernent l’établissement de rapports dans les situations suivantes :

• Proposition de rédaction de projets de modifications de travaux ayant déjà fait l’objet de la passation d’un marché.

• Propositions de rédaction de projets de travaux complémentaires aux travaux engagés.

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III.Donnéesprincipalesdesactionsdecontrôle

acTions ordinaires

Pilotage spécifique de certains contrats de travauxCette ligne d’action couvre la supervision de l’exécution matérielle de certains contrats, en fonction de leur montant ou de leur importance pour le Département.L’analyse et le pilotage visent les critères de base de leur adjudication ; notamment les trois volets du prix, du délai d’exécution et de la qualité des travaux. Il s’agit en définitive d’un véritable contrôle opérationnel du déroulement de l’exécution des travaux, dont les paramètres sont les conditions de l’appel d’offres : projet, programme de travail, délais et prix, ainsi que les améliorations de ces chapitres apportées par l’offre de l’adjudicataire. L’approche de travail consiste en un pilotage continu de chacun des chantiers compris dans le programme de travail. Cela permet de constituer une base de données qui reprend les éléments les plus significatifs de chaque action, et qui aura un caractère d’archive historique des actions. L’Inspecteur affecté effectue des visites régulières sur le chantier. Chacune de ces visites fait l’objet d’un rapport qui recueille les informations et les incidents les plus significatifs. Ces rapports sont adressés à l’organe responsable du marché public, et peuvent contenir des recommandations d’action, dans le but de corriger les écarts éventuellement décelés. Pendant l’exercice 2003, des pilotages spécifiques ont été effectués sur 38 contrats de travaux. Pendant l’exercice 2004, 42 contrats de travaux sont concernés par le pilotage spécifique en cours. Il s’agit de couvrir de la sorte un volume important d’investissements du Département.

Réception des travauxCette action comporte une présence physique et la révision sur le terrain de l’état des travaux reçus de l’adjudicataire, dans le but de les mettre à la disposition du service public. La législation espagnole exige un acte formel préalable à la remise des infrastructures auquel, outre la société adjudicataire et le maître d’ouvrage, assistent le contrôleur et l’Inspection des marchés publics. Le but de la présence de ces experts indépendants de l’exécution des chantiers est de garantir l’existence et la conformité des travaux avec les projets originaux, dans le but de garantir que les biens et les services objet de la réception remplissent bien les conditions requises au départ. L’Inspection générale assiste obligatoirement à la réception de tout chantier dont le budget soit supérieur à trois millions d’euros et, à titre exceptionnel, à la réception de chantiers d’un montant inférieur lorsque les circonstances conseillent

de le faire. De même, l’Inspection générale reçoit, à titre également obligatoire, les travaux de nature complémentaire d’autres chantiers dont le budget final dépasse le seuil indiqué de trois millions d’euros. Pendant l’année 2003, on a formalisé 188 réceptions de chantiers, pour une somme totale de 3,598 milliards d’euros. De janvier à août 2004, 87 chantiers ont été reçus de la sorte, pour un montant de presque 1,5 milliards de euros.

acTions exTraordinaires

Rapports sur les “Propositions de rédaction de projets de modifications de travaux”Dans le cas où l’organe de gestion propose à l’organe de passation des marchés publics la modification du contrat de travaux, un rapport de l’Inspection Générale est exigé lorsque le budget du contrat concerné par la modification dépasse trois millions d’euros, quel que soit le montant de la modification proposée. Ce rapport est obligatoire, de sorte que le dossier de modification ne pourra pas avancer sans l’avis de l’Inspection Générale. Ce rapport est complémentaire des précautions prévues par la réglementation dans les cas de modification contractuelle. Pendant l’année 2003, on a instruit 131 propositions de modification de travaux. De janvier à août 2004, 110 propositions ont été instruites.

Rapports sur les “Propositions de rédaction de projets de travaux complémentaires”.Avec une teneur parallèle à celle des rapports décrits dans l’alinéa précédent, l’Inspection générale doit informer sur les “Propositions de rédaction de projets de travaux complémentaires” visées par l’article 141.d) de la Loi des Marchés des Administrations Publiques, dont le texte modifié a été approuvé par le Décret Royal Législatif 2/2000 du 1� juin, dès que le montant des travaux complémentaires dépasse le seuil de six cent mille euros, et ce quel que soit le montant du chantier principal. Pendant l’année 2003, on a instruit sur 11 propositions de travaux complémentaires. De janvier à août 2004, 15 propositions de travaux complémentaires ont été instruites.

Procès-verbaux de reconnaissance et de vérificationLa législation espagnole prévoit une procédure spéciale dans les cas des travaux découlant de situations d’urgence (écroulements, dommages causés par des catastrophes naturelles telles que des inondations, des sécheresses, des séismes, etc.). Dans ces cas là, le principe du fait déterminant de l’action déclenche la mise

comment faire vivre la comPétence d’exPertise et de contrôle au sein des services de l’état?

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�0Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

en route d’actions immédiates face à la situation de danger imminent. La procédure exceptionnelle représente donc une mitigation des formalités requises en matière de compétence pour la prise de décisions et d’actions par les organes de contrôle. Face à ces situations de réduction impérative des paramètres de contrôle exigée par les circonstances, l’action de l’Inspection générale consiste à vérifier les hypothèses de fait qui ont donné lieu aux travaux d’urgence, et à mener un examen pour constater si les actions entamées correspondent bien à l’urgence et aux besoins découlant de la situation d’urgence. Cette ligne d’activité est documentée par des procès-verbaux de reconnaissance et de vérification, établis une fois les travaux correspondants achevés. Pendant l’année 2003, 8 procès-verbaux de ce type ont été dressés. De janvier à août de l’année en cours, on a formalisé 5 procès-verbaux de ce type.

IV. Domaine d’action

Les actions décrites sont développées dans le domaine des services du ministère de L’Équipement, et s’étendent également aux organismes qui en dépendent. Cependant, en raison de leurs particularités organisationnelles et fonctionnelles, les institutions publiques d’ordre entrepreneurial AENA, RENFE et FEVE restent en dehors de leur compétence. Ainsi, quasiment l’ensemble des travaux publics en matière d’infrastructures sont inclus dans le domaine d’action : les routes, les infrastructures ferroviaires et les ports. Il est important de signaler que l’Inspection générale intervient dans le cadre du ministère de l’Équipement, et qu’elle élargit son activité suivant le schéma des compétences du ministère, c’est-à-dire sur les actions dont la compétence revient à l’état. Dans ce sens, il faut préciser qu’outre l’état, les gouvernements régionaux (« communautés autonomes ») et les entités locales ont certaines attributions en matière de construction et de conservation des infrastructures du transport, qui découlent de leurs chapitres de compétences. Ainsi, la compétence de l’Inspection générale du ministère de L’Équipement se limite aux infrastructures de transport du domaine national gérées à travers le propre ministère ou des organismes ou institutions publiques entrepreneuriales qui en dépendent, à quelques exceptions près, comme par exemple les aéroports d’intérêt général gérés par AENA.

Pour développer ces compétences, les effectifs actuels comprennent huit inspecteurs généraux, qui constituent le noyau d’une équipe de travail qui affiche une qualification professionnelle élevée. Leur formation, leur spécialisation et

leur statut adapté garantissent la qualité et la pertinence de leurs avis ainsi que la rentabilité fonctionnelle et opérationnelle de leurs interventions.

V.Caractéristiquesprincipalesdutypedecontrôle assuréparl’Inspection

Suite à la description des principales fonctions assignées à l’Inspection générale du ministère de l’Équipement, il convient de s’arrêter, même brièvement, sur certaines des caractéristiques de son organisation et son fonctionnement, dans le but de saisir la nature de son travail.

En premier lieu, l’Inspection générale s’intègre dans la structure organisationnelle et fonctionnelle du ministère de l’Équipement, et elle est servie par des fonctionnaires qui proviennent notamment des corps qui prêtent leurs services au sein du ministère. Il est clair qu’il s’agit d’un organe de contrôle “interne” du ministère lui-même, dont les effectifs sont des fonctionnaires du ministère. L’indépendance et l’impartialité nécessaires de leur critère sont garanties par des formules organisationnelles adaptées.

Ainsi, l’Inspection générale relève directement du vice-secrétariat du ministère, et c’est à cet organe que les inspecteurs soumettent leurs rapports. Il faut préciser que le vice-secrétariat n’est directement engagé ni dans les procédures de sélection compétitive des maîtres d’ouvrage, ni dans l’exécution des travaux, ni dans leur direction ou leur pilotage technique. Le vice-secrétariat a cependant les compétences de contrôle économique et de pilotage de l’efficacité et de l’efficience dans les tâches d’exécution du Département. Par conséquent, le rattachement de l’Inspection générale au vice-secrétariat garantit, d’une part, l’indépendance des inspecteurs par rapport aux organes de gestion, et, d’autre part, la soumission des rapports aux organes chargés du contrôle de gestion du Département. Dans ce sens, l’Inspection générale est un organe spécialisé de contrôle et de pilotage des travaux publics, avec une vocation d’indépendance à l’égard des organes de gestion directement engagés dans leur exécution.

Cette impartialité, nécessaire à l’évaluation indépendante des résultats des actions examinées, est complétée par un deuxième trait qui identifie l’Inspection générale. Il s’agit du professionnalisme des équipes de travail qui la composent. Les inspecteurs généraux jouissent d’un statut élevé dans l’organisation, et leur

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�1 Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

sélection est effectuée notamment en fonction de leurs mérites professionnels, en général démontrés tout au long d’une carrière prolongée au service du ministère. L’expérience accumulée au long de nombreuses années d’exercice de la profession est particulièrement prise en ligne de compte lorsqu’il s’agit de couvrir un des postes d’inspecteur général.

Les inspecteurs généraux disposent d’équipes réduites d’experts professionnels qui assurent le rôle d’équipes d’audit opérationnel spécialisées dans la gestion des contrats et de l’investissement public. Le professionnalisme, le savoir-faire et la spécialisation professionnelle des inspecteurs généraux contribuent donc à l’indépendance de critère recherchée.

Finalement, il faut également signaler une caractéristique remarquable de l’Inspection générale : son intégration absolue dans le processus de direction du Département. Les rapports de l’Inspection générale sont particulièrement pris en ligne de compte tant dans le processus de révision des résultats d’intervention, au moment de l’examen du degré d’avancement dans l’exécution des objectifs visés, comme dans la critique des actions incorrectement planifiées ou exécutées. Ce rôle de critique constructive permanente sur l’action planifiée du Département contribue à l’établissement de critères retenus pour la formulation des objectifs des nouvelles actions, et contribue donc à repérer et corriger les actions erronées.

VI.Objetetutilitédel’Inspection

En résumé, on peut donc affirmer que l’Inspection générale du ministère de L’Équipement est un organe de contrôle de l’exécution des travaux publics relevant de la responsabilité de l’État, et qu’il exerce ses compétences de manière spécialisée et permanente.

L’impartialité des décisions de l’Inspection générale par rapport aux gestionnaires publics, ainsi que le professionnalisme et la spécialisation de ses titulaires garantissent dans une forte mesure l’indépendance des avis et l’utilité de leurs rapports et études. Tout ceci contribue à garantir le contrôle des écarts dans l’exécution des chantiers publics, et à prolonger prospectivement leurs avis dans le processus de planification de nouvelles actions.

En conclusion, l’Inspection générale du ministère de l’Équipement a la mission importante d’informer, corriger et améliorer le processus complexe d’exécution des travaux publics relevant de la responsabilité de l’État.

l’insPection esPagnole sPécialisée dans les infrastructures : quel tyPe de contrôle des gestionnaires délégués ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

comment contrôLer L’efficience des choix et modes opératoires des marchés

de travaux pubLics ?

AlfonsoMariaROSSIBRIGANTE, président de l’Autorité indépendanteitalienne de contrôle des marchés de travaux publics

La récente directive communautaire 18/2004 du 31 mars 2004, relative à la «coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de four-nitures et de services » (qui devra être transposée dans les États membres avant le 31 janvier 200�), a reconnu, dans le cadre européen, l’exigence d’un contrôle sur les procédures de passation de marchés et la nécessité d’une harmonisation des systèmes juridiques des États membres en la matière, en prévoyant la faculté de désigner ou d’établir un organe indépendant qui puisse exercer ces fonctions de vigilance. [Nous parlons en Italie de vigilance et je crois que vous parlez plutôt en France de contrôle.]

En Italie, dès 1990 on avait déjà saisi la nécessité de créer un tel organisme indépendant, lorsque l’Autorité garante de la concurrence et du marché, qui avait reçu mandat de prendre les mesures nécessaires pour rendre la réglementation des marchés publics de travaux conforme aux principes de la concurrence, avait signalé, à l’occasion d’un rapport au Président du Conseil des ministres, l’opportunité de créer une institution nouvelle et indépendante avec des fonctions de contrôle des marchés de travaux publics.

Vu désormais l’urgence d’intervenir à un moment où (les années 1992-1995) la chronique dénonçait chaque jour des phénomènes de corruption graves et endémiques dans le domaine des marchés publics, le Législateur promulgua la loi-cadre 11 février 1994, n.109, qui a prévu l’institution de l’Autorité pour la vigilance sur les travaux publics.

Cette loi configure l’Autorité comme un sujet «tiers» par rapport aux opérateurs publics et privés qui entretiennent des relations dans le domaine des travaux publics, un sujet qui agit pour défendre les intérêts publics primaires, tels que la libre concurrence dans les marchés publics de travaux, la qualité de l’ouvrage, l’efficience, l’efficacité, la ponctualité, la transparence et la régularité de l’action administrative.

Bien qu’elle soit indépendante de l’organisation ministérielle et qu’elle soit, donc, en position paritaire par rapport au Gouvernement et au Parlement, l’Autorité n’agit pas dans une condition d’isolement et de séparation par rapport aux sujets institutionnels qui sont acteurs des choix politiques, mais, au contraire, elle entretient et engage des rapports de collaboration et des échanges d’informations, indispensables pour déployer à plein régime sa propre fonction de régulation dans le marché des travaux publics.

L’Autorité est reliée au Parlement, tout d’abord parce que ses membres sont désignés par les Présidents de la Chambre et du Sénat d’un commun accord. En second lieu, elle engage un dialogue institutionnel avec les Chambres, par rapport auxquelles elle se trouve dans une position auxiliaire, en présentant les analyses des phénomènes du marché des travaux publics au Parlement pour l’exercice du contrôle politique et en déférant, même indépendamment du rapport annuel, les faits relevés et dignes de considération de la part de l’organe législatif national.

Sous cet aspect, l’Autorité est un instrument important d’observation permanente (un oeil attentif) sur un marché qui a une portée stratégique évidente, un instrument toujours prêt à enregistrer tout changement et toute évolution, y compris, donc, les anomalies et les déformations possibles, ainsi qu’à fournir une représentation complète et une mise à jour de la situation réelle du marché en question.

Enfin, l’Autorité fournit une aide indispensable à l’appui des choix normatifs, en offrant au Parlement les instruments de connaissance et d’analyse (y compris l’analyse d’impact) indispensables en vue d’ éclairer les interventions législatives en la matière. L’interaction avec les Organes politiques ne se produit pas seulement à travers l’exercice du pouvoir de faire rapport au Parlement, auquel on a fait allusion jusqu’à présent, mais surtout au moyen de l’exercice du pouvoir principal de l’Autorité : le pouvoir d’édicter des actes de régulation.

À cet égard, il faut déterminer les typologies d’actes que l’Autorité peut adopter dans l’exercice des fonctions de vigilance que la loi lui a assignées, tout en les classant à l’intérieur des sources normatives qui encadrent le marché des travaux publics.Comme chacun sans doute le sait, le pouvoir de régulation habilite à la production de règlements au sens propre, d’actes généraux d’administration et de tout genre d’acte de nature à diriger et à mettre en conformité les comportements des sujets réglementés (en l’espèce, les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises).

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Bien qu’elles ne soient pas expressément prévues par la loi-cadre de 1994, ces formes d’intervention se concrétisent dans l’adoption soit d’actes de régulation proprement dits, qui décident les éléments de solution par rapport à des problèmes d’ordre général ou à des questions de principe, soit de décisions qui établissent des règles communes dans certains domaines ou par rapport à des moments particuliers de l’activité en la matière, soit encore de délibérations adoptées pour la solution de cas d’espèce concrets.

Grâce à ces trois typologies d’actes, l’Autorité intervient donc dans le domaine propre aux pratiques administratives comme dans celui de l’initiative privée, afin de pouvoir orienter les opérateurs du marché par rapport auquel elle exerce la vigilance vers des choix conformes non seulement aux normes primaires et aux règlements d’exécution mais aussi aux critères d’efficience, d’efficacité, de rationalité économique de l’action administrative et au principe de la libre concurrence. Pour simplifier, on peut donc dire que les actes de l’Autorité représentent un quatrième niveau d’intervention dans la discipline en question, là où les deux premiers niveaux sont réservés à l’activité normative primaire et secondaire, et le troisième niveau est réservé aux choix interprétatifs que l’Autorité politique accomplit, par rapport au contenu des deux précédents niveaux, au moyen d’actes officiels (circulaires, directives et d’autres actes ayant une valeur générale).

À ce sujet, l’Autorité n’oublie pas d’apporter une aide qualifiée au Gouvernement, en proposant la modification des règlements édictés par l’administration aussi bien que celle des interventions de compétence administrative. En outre, d’autres rapports fonctionnels avec les administrations qui agissent dans le domaine en question ont contribué à renforcer ce rapprochement : en particulier, l’exercice d’une fonction consultative, à caractère facultatif, préalable à l’adoption des dispositions réglementaires qui sont dans la compétence des mêmes administrations, ainsi que l’institution de groupes de travail en commun destinés à la proposition de solutions opératoires aux problèmes qui surgissent.

Dans l’intention de poursuivre les mêmes objectifs qui ont été illustrés jusqu’ici, l’Autorité a engagé un rattachement stable au système des autorités locales, en faisant recours à la souscription de protocoles.

Il est juste de rappeler ici les modifications qui ont été apportées au titre V de la Constitution italienne : la nouvelle répartition des compétences législatives et

administratives impose à l’Autorité de faire un examen attentif de la réglementation édictée par chaque Région en matière de travaux publics, de sorte que les différences ne fassent pas obstacle à l’observance des deux principes fondamentaux de notre système juridique et du système juridique européen : le principe de la concurrence, qui risque d’être mis à mal par des dispositions normatives discriminantes, et l’obligation de ne créer aucun obstacle à la libre circulation dans le territoire de la République des entreprises qui appartiennent aux autres États communautaires et, évidemment, des entreprises italiennes.

L’Autorité doit, donc, garantir au moyen de ses propres fonctions une forme particulière de « protection de la concurrence » dans les marchés de travaux publics.

La matière de la protection de la concurrence, d’ailleurs, est dans la liste du nouvel article 117 de la Constitution, parmi les matières qui sont remises au pouvoir de législation exclusif de l’État, puisqu’elle tend à protéger des intérêts non divisibles sur le territoire et qu’elle présente, donc, des aspects d’autonomies qui touchent de façon transversale plusieurs matières.

Les principes constitutionnels et communautaires, dont l’Autorité doit garantir le respect, constituent, du reste, les limites principales au pouvoir de législation exclusif des régions dans la matière des marchés de travaux publics, aux termes de l’article 117, alinéa 1, de la Constitution. La vigilance de l’Autorité sur le respect de ces principes acquiert, donc, une importance nouvelle et fondamentale en fonction de telles limites.

Pour la protection du principe de la libre concurrence, sans doute l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne, l’Autorité agit en accord et en collaboration avec la Commission européenne, en signalant les phénomènes nationaux d’altération par rapport au droit communautaire et en assurant l’accomplissement réel et uniforme des règles de l’Union européenne dans le système juridique italien.

Un autre aspect particulier de l’expérience italienne de l’Autorité indépendante de vigilance sur les marchés de travaux publics, qui peut ici intéresser, concerne les actions destinées à poursuivre le critère du meilleur choix économique ou de l’offre économiquement la plus avantageuse. De telles actions n’interviennent pas exclusivement au moment où les pouvoirs adjudicateurs choisissent au préalable

comment contrôler l’efficience des choix et modes oPératoires des marchés de travaux PuBlics ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

les procédures de passation, mais elles s’appliquent de même aux phases suivantes, afin de pouvoir vérifier les délais, les coûts et la qualité des ouvrages.

Dans la phase initiale de la procédure pour l’attribution des marchés publics de travaux, phase qui est disciplinée par des règles à caractère public, la fonction de vigilance s’adresse, donc, surtout aux pouvoirs adjudicateurs et produit, à l’égard du destinataire, des effets stimulants avec des possibles procédures de reconsidération administrative et d’auto protection.

A la suite de l’intervention de l’Autorité dans les procédures de passations en particulier, une procédure du second degré est engagée qui aboutit à une mesure motivée de confirmation, de réformation, d’auto annulation ou de révocation de l’adjudication.

Le même pouvoir de vigilance s’exerce dans les phases relatives à l’exécution du marché et peut donner lieu à des interventions de l’Autorité non seulement pour établir les causes et les comportements qui entraînent des déséquilibres économiques et qui peuvent amener à la formulation de règles générales, mais aussi pour convenir des correctifs correspondants, dans certains cas d’espèce concrets, ou encore pour effectuer des inspections afin de constater un éventuel dommage domanial. En particulier, le pouvoir de vigilance sur l’observance de la discipline législative et réglementaire en la matière consiste en une constatation de conformité du comportement des sujets qui agissent dans le secteur en question aux dispositions de loi, tout en dirigeant l’activité correspondante vers des objectifs d’intérêt public. On sait, d’ailleurs, qu’il s’agit d’un acte de constatation chaque fois que l’on est en présence d’une déclaration d’expert destinée à supprimer une situation d’incertitude objective relative à un cas d’espèce juridique.

Il est, pourtant, clair que le pouvoir de vigilance de l’Autorité donne lieu à une multiplicité d’actes parmi lesquels figurent sans doute, outre les actes de régulation interprétative, les auditions dans les différents cas d’espèce, auditions qui ont donc une valeur d’actes de référence et qui sont destinés à rappeler aux sujets responsables l’interprétation correcte des dispositions de loi qui encadrent le marché en question. Il s’ensuit que les mesures adoptées par l’Autorité dans l’exercice du pouvoir de vigilance se présentent à l’extérieur non pas comme déclaration d’illégitimité des dispositions adoptées, mais plutôt comme invitation à reconsidérer l’opportunité de leur adoption.

Malgré toutes les significatives et importantes fonctions qui lui sont attribuées par la loi, l’Autorité ne possède pas un pouvoir d’ingérence sur chaque procédure de passation en particulier, elle ne peut intenter un contrôle juridictionnel à travers la contestation autonome des actes d’attribution des marchés retenus illégitimes, elle n’a pas non plus le pouvoir de régler une contestation par voie extrajudiciaire, en indiquant la règle qu’il faut suivre dans le cas d’espèce.

De plus, en corrélation fonctionnelle avec ses propres activités institutionnelles, l’Autorité a des pouvoirs d’instruction assez incisifs, qui peuvent être activés d’office ou sur la signalisation de quiconque avec un intérêt. De tels pouvoirs d’instruction sont soutenus par des pouvoirs de sanction qui répriment la violation d’un devoir serré d’information vers l’Autorité à la charge de tous les opérateurs du secteur. Toutefois, ces pouvoirs d’instruction si intenses, qui sont d’ailleurs soutenus par des sanctions significatives du point de vue de leur efficience et efficacité, ne répondent point à des pouvoirs capables d’avoir une incidence sur les procédures de passation des travaux publics ou sur les phases d’exécution des contrats correspondants. En effet, le pouvoir de sanction de l’Autorité est destiné uniquement à sanctionner des comportements défaillants par rapport au devoir d’information évoqué ci-dessus.

Afin de dépasser ces limites et de fournir à l’Autorité pour la vigilance sur les travaux publics des instruments proportionnés et efficaces pour la poursuite de ses fonctions propres, l’intervention d’initiatives législatives qui puissent lui reconnaître des pouvoirs coercitifs à l’égard des opérateurs du secteur et qui puissent la rendre en mesure d’influencer directement le marché est souhaitable.

À ce propos, il est intéressant de souligner que la Commission européenne, lors de la Communication du 7 mai 2003, a appuyé l’intention de proposer aux États membres, dans le cadre de révision de la directive sur les procédures de contestation dans le domaine des marchés publics, l’attribution à une autorité de vigilance nationale du pouvoir de recourir de façon autonome aux voies juridictionnelles ; une telle autorité non seulement doit pouvoir être indépendante par rapport aux pouvoirs adjudicateurs, mais encore elle doit pouvoir sanctionner de façon efficace les phénomènes de non exécution graves.

D’un autre côté, conformément à la directive n.18/2004, il est enfin naturel que les fonctions de l’Autorité augmentent jusqu’à comprendre la vigilance et le contrôle sur les marchés publics de services et de fournitures.

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QueL profiL pour Les experts et Les réguLateurs de demain ?

QueL recrutement et QueLLe aLternance des carrières ?

Jean-Pierre GIBLIN, président de section du CGPC

Cet exposé s’appuie principalement sur l’expérience du CGPC dans les activités d’expertise et de contrôle dans les domaines techniques et principalement infrastructures et bâtiments.

I. Evolution du contexte des activités d’expertise etdecontrôle

séparaTion des foncTions, fin des sTrucTures inTégrées eT cenTralisées

La séparation régulateur/opérateur, infrastructure/services, maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre accompagne la disparition progressive des structures intégrées en situation de monopole et l’ouverture de la concurrence. La compétence technique se segmente et tend à sortir de la sphère de l’administration.

disTincTion corrélaTive des méTiers, professionnalisaTion, exTernalisaTion

Cette séparation des fonctions et la crainte des conflits d’intérêts, l’évolution et la sophistication des techniques, le souci de professionnalisation, la tendance générale de l’économie à externaliser ce que l’on ne sait pas bien faire ou ce qui n’est pas le cœur du métier, conduisent à une spécialisation professionnelle. La prolifération des réglementations (notamment dans le champ environnement et santé) a donné naissance à de nouvelles activités (contrôleurs techniques, diagnostiqueurs).

complexificaTion des processus de l’acTion publique

(décenTralisaTion, débaT public)La décentralisation entraîne un transfert de missions vers les collectivités locales et modifie aussi les fonctions exercées par l’Etat au niveau territorial ou central (expertise, contrôle). Elle pose plus précisément la question du contrôle et de l’évaluation des politiques décentralisées. Concertation et débat public développent

le besoin d’expertise et ouvre le champ du contrôle du respect des engagements pris par les maîtres d’ouvrage dans ces procédures.

monTée des risques (naTurels, Technologiques) eT parallèlemenT des risques juridiques

La crainte (et le refus) des risques (naturels ou technologiques) par la société au moment même où certains paraissent se développer conduit à un besoin croissant d’expertise (pluraliste et contradictoire) et accroît en même temps le risque juridique pour les réalisateurs et ceux en charge de contrôler leur activité.

responsabilisaTion des acTeurs

Les pratiques modernes du management conduisent à développer la culture de responsabilité à tous les niveaux (Lolf notamment) et à identifier clairement celles-ci en général par contrat.

rôle croissanT de la norme, démarches qualiTé

Tout ce qui précède pousse au développement de démarches qualité et au recours à des référentiels qui constituent la base même des processus de contrôle (de qualité ou de respect de règles). Normes, réglementation et même référentiels résultent de plus en plus d’une élaboration partagée entre professionnels ou acteurs et sont donc de moins en moins imposées « d’en haut ».

II. Un nouveau positionnement de l’Etat

une posTure plus en amonT

La transformation de son rôle économique et la disparition de situation de monopoles dans les services en réseaux et leur ouverture à la concurrence amène la multiplication d’entités juridiques distinctes de l’Etat pour assurer des fonctions de régulateur, de maître d’ouvrage, d’opérateur. L’indépendance de certaines structures et le développement de relations contractuelles (avec des concessionnaires ou de délégataires) au lieu et place d’une tutelle impacte directement le rôle de l’Etat et de ses structures d’expertise et de contrôle.

l’union européenne créaTrice de droiT eT de normes La construction européenne modifie profondément, sans nécessairement le réduire, le rôle de l’administration nationale (activité consacrée à la préparation et à la

quel Profil Pour les exPerts et les régulateurs de demain ? quel recrutement et quelle alternance des carrières ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

discussion de textes européens, transposition en droit français). Mais dans tous les cas les Etats membres restent responsables devant l’Union de l’application sur leur territoires des directives européennes.

de nouvelles aTTenTes de la sociéTé vis à vis de l’eTaT

Simultanément le champ de l’action publique se déplace. La société attend notamment de l’Etat qu’il assure :

• une solidarité (équité) sociale et territoriale ;• une protection contre les risques naturels technologiques ou sociaux en

anticipant si possible les problèmes ; • un contrôle plus strict de l’application des lois et règlements ainsi que de

la mise en œuvre des politiques publiques.

une volonTé renforcée de rigueur de gesTion

Elle se caractérise notamment par la Lolf déjà largement évoquée, mais on peut trouver d’autres exemples ou indice de cette volonté (sécurité routière et respect de la règle, développement de pratiques d’évaluation).

un cerTain flou concernanT le « conTrôle » de l’acTion publique décenTralisée

La décentralisation ne s’est pas accompagnée de dispositions lisibles de contrôle et d’évaluation des politiques publiques nationales mises en œuvre par les collectivités territoriales et des réglementations nationales ou européennes sans doute par crainte d’un restriction au principe de leur libre administration. Inversement celles-ci apparaissent plutôt demanderesses d’un potentiel d’expertise mutualisé au niveau national.

III. Impacts sur les activités d’expertise et de contrôle dans l’administration

Sous le vocable expertise on entend ici une compétence (technique) reconnue appliquée à des missions d’avis ou de conseils (au maîtres d’ouvrage notamment). Sous celui de contrôle on entendra les missions (identifiées par André BARILARI) consistant à vérifier, certifier, contrôler (les résultats), évaluer.

séparer clairemenT l’exercice de ces deux foncTions

Elles ne peuvent en effet s’exercer simultanément sur le même objet car l’implication

dans le projet (ou le problème) que donne l’expertise entre en conflit avec la distance à conserver avec les acteurs dans l’exercice du contrôle. Elles réclament néanmoins des compétences communes car on ne peut exercer un métier de contrôle sans une certaine « expertise » du sujet. Bien plus il y a un enrichissement mutuel à exercer l’une et l’autre. Mais on se situe à l’antithèse de la tragédie classique: il faut proscrire l’unité de lieu, d’action et de temps.

l’experTise devienT plurielle (indépendance, diversiTé)Pour faire à la complexité des problèmes et aux exigences démocratiques du débat public, le dire d’un seul expert apparaît insuffisant surtout s’il relève d’une institution considérée, à tort ou à raison, comme partisane.

le besoin croissanT d’experTise ne peuT êTre ToTalemenT exTernalisé La présence dans l’administration (ou ses établissements publics) d’experts formés en général par un parcours scientifique ou technique est capitale : pour jouer eux-mêmes le rôle d’expert, pour organiser une expertise pluraliste grâce à leur connaissance de leurs pairs, pour capitaliser les acquis (retour d’expérience). Mais ce profil professionnel est encore plus précieux pour assurer l’interface entre connaissance scientifique, expertise et décision ou pour élaborer sur des bases incontestables des normes (françaises ou européennes).

inTérêT d’une muTualisaTion

La décentralisation, et d’une certaine manière le développement de la délégation de services publics, ne change pas les besoins pour la nation de mobiliser des compétences scientifiques et techniques au service des politiques publiques. Elle en déplace « le lieu » d’exercice. Les modalités d’intervention des institutions relevant de l’Etat restent encore à préciser. Cela vaut surtout pour l’expertise.

le conTrôle au sens des démarches qualiTé prend une place croissanTe

Contrôle intérieur de production à l’initiative des différents acteurs (maîtres d’œuvre, entreprises), contrôle extérieur mis en place par les maîtres d’ouvrage, font partie des bonnes pratiques. Ils visent la qualité de l’ouvrage, fonctionnelle et technique. Le respect des règles de l’art en est un des aspects. Cette évolution qui va dans le sens de la responsabilisation des acteurs déplace le champ du contrôle « administratif ».

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le conTrôle du conTrôle va conTinuer à se développer selon deux modaliTés Très disTincTes

Conséquence de ce qui précède, il conduit les corps de contrôle à s’assurer que les dispositions de contrôle de la production (intérieur et extérieur) ont été mises en place et fonctionnent correctement, soit sur un projet précis , soit d’une manière plus générale lors de l’inspection des services relevant de leur autorité. Parallèlement on assiste à une externalisation du contrôle de certaines réglementations (surtout dans le domaine du bâtiment) que l’administration n’est plus en mesure d’assurer directement. Elle reporte ses efforts sur l’élaboration de référentiels et sur les processus d’agrément et de certification des professionnels chargés de ces missions. Les corps de contrôle se trouvent mobilisés sur ces tâches nouvelles.

IV. Profils professionnels et carrières

la formaTion scienTifique eT Technique eT les méTiers d’experTise eT de conTrôle

Les nouveaux métiers de régulation au sein de l’Etat ou d’instances ad hoc exigent une capacité d’expertise technique et économique d’un nouveau type face à des opérateurs (concessionnaires, délégataires) disposant de puissants moyens. La formation scientifique et technique (et de plus en plus économique) donne une aptitude à prendre en compte dans les décisions publiques des exigences multiples, de synthétiser des points de vue d’experts, des évaluations technico-économiques, avec si besoin la vision critique de ces points de vue. Organiser l’expertise, exercer le contrôle du contrôle ne sont pas des métiers de « généraliste ».

nécessiTé de carrières diversifiées donnanT les compéTences nécessaires Mais se pose alors la question de l’acquisition des compétences qui n’est pas l’affaire seulement de formation initiale ou continue. Il y aura une nécessité croissante de diversifier le recrutement dans les corps de contrôle. Des profils variés sont nécessaires, par exemple des chercheurs ayant consacré une partie de leur parcours professionnel à l’expertise, des personnes ayant exercés des fonctions de maîtrise d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre (dans des entités publiques mais aussi privées) ou de conception et conduite de projet dans des entreprises.

V.Conclusion

Les métiers de l’expertise et du contrôle dans le champ technique sont en pleine évolution. Il faut de toute évidence sortir de schémas anciens mais avec quatre précautions essentielles :

• Eviter une parcellisation des compétences. Il nous faut des « sachants » à champ suffisamment large face à la complexité des problèmes et des décisions publiques.

• Professionnaliser la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre est la condition d’un allègement relatif des contrôles à caractère technique. Cela suppose qu’elles puissent et sachent mobiliser l’expertise nécessaire sur des projets difficiles.

• Faire en sorte que le « contrôle du contrôle » permette une garantie des résultats et pas seulement de procédure, notamment dans sa variante

« délégation », et surtout lorsqu’il existe des enjeux de sécurité.• Réexaminer la manière dont nous alimentons le vivier de nos institutions,

en n’hésitant pas à faire preuve d’audace.

quel Profil Pour les exPerts et les régulateurs de demain ? quel recrutement et quelle alternance des carrières ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

Table ronde

faut-iL spéciaLiser Les métiers de L’inspection ? comment organiser

La fertiLisation croisée des expériences techniQues et opérationneLLes ?

comment tenir compte des nouveLLes répartitions de compétences entre etat

et coLLectivités territoriaLes ?

GiuseppeRICCERI, président du Conseil supérieur italien des Travaux publics

C’est bien à partir de cette prestigieuse institution, dont nous célébrons aujourd’hui le bicentenaire, que le « Consiglio Superiore dei Lavori Pubblici » (Conseil supérieur des Travaux Publics), créé par décret royal du 20 novembre 1859, sous la présidence du ministre des Travaux Publics, prend ses origines en Italie.

La loi qui régit la composition du Conseil supérieur des Travaux Publics est actuellement celle du 18 octobre 1948, n°14�0 ; cette loi a été soumise, dans les années suivantes à quelques modifications d’importance mineure ; en particulier il faut rappeler, en particulier, la loi du 20 avril 1952, qui prévoit l’institution de six sections et établit à deux ans la durée de la composition du Conseil supérieur.

Le Conseil supérieur, depuis sa constitution jusqu’à aujourd’hui, a émis plusieurs centaines de milliers d’avis concernant tous les domaines des ouvrages publics, et, en même temps, il a contribué à la solution de problèmes de grande envergure technique à travers une action concrète d’études et de conseil, ainsi qu’une action normative.Dans la première période qui s’étend de sa naissance jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle, l’activité du Conseil est surtout concentrée sur la construction des bâtiments qui serviront de sièges pour la nouvelle administration de l’Etat, à l’aménagement des rivières, à la réalisation d’un réseau de chemin de fer, et, dans le sud du Pays, à la construction d’un réseau routier et ferroviaire, d’aqueducs et d’égouts. De la fin du dix-neuvième siècle jusqu’aux premières années du vingtième siècle, le Conseil supérieur va donner son avis sur les plans directeurs urbains les plus importants de l’époque, en contribuant ainsi à la définition des premières stratégies d’aménagement urbain. Après le tremblement de terre de Messine du 28 décembre 1908, le Conseil

déploie une activité particulière, dédiée à la définition de la discipline des travaux de reconstruction, et, en même temps, il conduit, en pionnier, l’expérimentation du béton armé et, successivement, de la technique du béton armé précontraint. La conjonction de la structure en béton armé et de la maçonnerie, comme critère de base des structures antisismiques, prend son origine dans cet évènement tragique et produit, immédiatement après le séisme, la première norme antisismique de l’Etat national unitaire.

Le Conseil supérieur affirme successivement et jusqu’aux années soixante, son rôle d’organisme majeur de contrôle technique, initialement dans la réalisation des grands ouvrages d’infrastructure de l’époque et, ensuite, dans les programmes et les projets de reconstruction après les évènements de guerre. Les besoins de la situation d’après guerre conduisent à restaurer plus de 30.000 Km de routes, à aménager ou réaliser environ 15.000 Km de nouvelles infrastructures et à restaurer une grande partie des ouvrages maritimes et fluviaux.

Pour ce qui a trait à la sauvegarde du patrimoine artistique, le Conseil supérieur agit en coordination étroite avec l’administration des Beaux Arts, pour la restauration des monuments endommagés ou à moitié détruits par la guerre.

S’agissant de l’aménagement territorial et urbain, le Conseil supérieur exerce une activité d’examen et de conseil sur les plans directeurs généraux des communes, sur les plans intercommunaux et les plans territoriaux de coordination, qui constituent les premiers instruments de planification urbaine concernant le domaine des nouvelles extensions urbaines et de la protection de l’environnement. C’est à cette occasion que, d’accord avec la direction générale des Beaux Arts, le Conseil élabore des principes directeurs de grand intérêt pour la sauvegarde et le réaménagement urbain d’agglomérations ayant une importance particulière du point de vue historique, artistique et environnemental.

La décennie 1950-19�0 est aussi caractérisée par l’engagement de programmes de grande envergure pour la réalisation d’ouvrages totalement ou partiellement subventionnés par l’Etat et concernant la construction de milliers de logements et la création des quartiers dénommés « quartiers coordonnés » dans 28 villes italiennes sur la base de critères et d’orientations émanant aussi du Conseil Supérieur.Dans les années «60» l’action de contrôle et d’orientation du Conseil supérieur s’affirme principalement dans les secteurs des ouvrages hydrauliques,

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d’assainissement et d’aménagement des bassins fluviaux ainsi que pour d’importants ouvrages d’extension et de modernisation des structures portuaires.

Les années «70» se caractérisent par une perte progressive de compétences dans les secteurs de l’aménagement urbain et de la construction de certaines types d’ouvrages, comme les bâtiments d’habitation et les bâtiments scolaires.Par contre l’activité du Conseil supérieur reste constante ou prend une importance majeure dans les secteurs des ouvrages publics, des infrastructures, des ouvrages maritimes et hydrauliques et de la sécurité des constructions. Des normes fondamentales concernant ce dernier domaine, comme la loi 108� de 1971 et la loi �4 de 1974, sont promulguées. C’est également dans ces années qu’on assiste à la diffusion d’un intérêt renouvelé pour le patrimoine historique et artistique et pour des aspects même mineurs de constructions historiques. Dans cette même période le Conseil supérieur s’est aussi intéressé en particulier aux problèmes statiques et à la restauration de la Tour de Pise. Faisant suite à un avis du Conseil, on décide de la fermeture de la Tour et de la mise en oeuvre des travaux de consolidation ; travaux qui s’achèvent à la fin des années «90» et qui représentent un modèle exemplaire à niveau international.

La fin du siècle dernier est aussi caractérisée, pour le Conseil supérieur, par l’activité d’examen d’un certain nombre de projets ayant une importance toute particulière du point de vue technique aussi bien que symbolique et peuvent être considérés comme l’emblème du passage de l’ancien au nouveau millénaire. Il s’agit du Pont sur le détroit de Messine, du MOSE de Venise pour protéger la ville des marées de la lagune, de la variante du col des Apennins, de l’autoroute du Soleil, et aussi, en matière urbaine, de l’auditorium de Rome, de l’institut Italien de culture de Tokyo, du Palahockey pour les jeux olympiques d’hiver de Turin en 200�.

J’ai voulu jusqu’ici vous donner un aperçu sommaire de l’activité, fondamentale et intense, que le Conseil Supérieur a exercé depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui, pour faire comprendre l’importance et le rôle du Conseil en qualité d’organe technique – consultatif dans l’organisation de l’Etat, après son unification.Dans ces dernières années l’activité du Conseil supérieur a été influencée par une série de mesures législatives qui ont subi une accélération remarquable suite à la reforme constitutionnelle dont à la loi du 18 octobre 2001 n°3, concernant la transformation fédéraliste de l’ordre républicain.Cette loi, en modifiant le Titre V de la Constitution et, en particulier l’article 117,

a repéré, dans les matières de “législation concourante” (entre l’état et les régions), celles relatives à l’ « aménagement du territoire » et a également établi que dans ces mêmes matières « le pouvoir législatif appartient aux régions, sauf pour la détermination des principes fondamentaux , qui reste réservée à la législation de l’Etat ».

Pour ce qui a trait aux compétences de l’Etat en matière de législation courante, la loi successive du 5 juin 2003 N° 131, « dispositions pour l’adaptation du règlement de la République à la loi constitutionnelle 18 octobre 2001, N°3 », précise que « dans les matières faisant partie de la Législation courante, les régions exercent le pouvoir législatif dans les limites des principes fondamentaux expressément déterminés par l’Etat ou, en défaut, ceux que l’on peut déduire des lois de l’Etat en vigueur ».En ce moment même le Parlement discute une loi qui accentue ce processus de transformation. Les conséquences qui en dérivent consistent dans la persistance d’une vaste zone de compétences législatives courantes qui sont à l’origine d’incertitudes d’interprétation et, par conséquent, de conflits déférés à la Cour Constitutionnelle. Il s’agit d’un problème que, à mon avis personnel, est voué à atteindre un degré élevé de criticité au cas où on devait approuver le projet fédéral actuellement à l’examen du Parlement sans des corrections visant à une réorganisation claire et définitive en matière de compétences Etat-régions.

Un autre aspect important concernant la vie du Conseil supérieur est celui qui dérive de la loi cadre des travaux publics (loi 11 février 1994). Cette loi définit en premier lieu les compétences du Conseil Supérieur qui « exprime son avis obligatoire sur les projets définitifs de compétence de l’Etat, ou en tout cas financés pour 50% au moins par l’Etat, ayant une valeur supérieur à 25 millions d’ECU, et un avis sur les projets d’autres administrations publiques, d’une valeur supérieur au même montant, au cas où ces dernières le demandent ».

La loi sus mentionnée prévoit aussi la « modification de l’organisation et des compétences du Conseil Supérieur des Travaux Publics ». Le ministre des Infrastructures et des Transports a nommé en 2003 une Commission, que j’ai eu l’honneur de présider, qui a récemment soumis la proposition de réforme demandée. Cette proposition réaffirme et confirme le rôle du Conseil supérieur des Travaux Publics auquel on garantit l’indépendance d’avis et d’évaluation, l’autonomie fonctionnelle, d’organisation, technique et scientifique dans sa qualité d’« organe technique – consultatif majeur de l’Etat en matière d’ouvrages publics, d’infrastructures de transport, de sécurité publique, de sécurité des bâtiments, des infrastructures et des transports ».

taBle ronde : faut-il sPécialiser les métiers de l’insPection ? comment organiser la fertilisation croisée des exPériences techniques et oPérationnelles ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

La nouvelle organisation proposée pour le Conseil supérieur apparaît, en conclusion, en mesure d’atteindre les objectifs qu’elle se propose et qui consistent à restituer au Conseil supérieur des Travaux Publics sa nature d’organisme de synthèse institutionnelle et disciplinaire, tel qu’il avait été conçu à l’heure de son institution, tout en protégeant son essence traditionnelle d’organe spécifiquement technique au service de la collectivité.Dans cette optique le Conseil supérieur a adapté, avec le projet de réorganisation en examen, sa propre organisation à l’évolution de la réalité institutionnelle, tout en continuant à jouer son rôle de point de référence technique non seulement pour les structures centrales de l’Etat, mais éventuellement, si requis, des diverses administrations qui opèrent sur le territoire, dans le respect des principes de subsidiarité et de disponibilité.

Le Conseil supérieur enfin, avec le projet de réorganisation en examen, se donne l’objectif d’adapter son organisation aux nouvelles conditions et aux nouveaux contextes sociaux dans lesquels il est tenu d’opérer. Seulement ainsi le Conseil supérieur, appelé à participer à l’activité administrative de l’Etat, pourra intervenir dans la manière la plus efficace non seulement dans les questions relevant de la compétence de l’Etat, mais aussi, si requis, dans les thèmes de compétence des régions et des autres administrations locales.

paul vialle, vice-président du conseil général du Génie rural, des Eaux et des Forêts

Sur l’expertise et le contrôle au sein des services de l’Etat je voudrais évoquer très rapidement les missions que nous pouvons avoir et qui sont en nombre croissant : sur quatre ou cinq ans, cette augmentation est de l’ordre de 50%. Ces missions sont classiques : de contrôle, d’analyse des politiques publiques, d’appui et de conseil qui portent aussi bien sur la réorganisation de services, de directions, d’organisations de toutes sortes, ou sur un appui technique puisque nous avons une mission d’appui technique relative à l’ingénierie publique. Cela porte aussi sur l’appui à l’orientation et au suivi des personnels qui est un point très important puisqu’en notre sein nous avons un certain nombre de collègues qui suivent chacun 150 ingénieurs des corps du ministère de l’Agriculture, soit 5000 ingénieurs suivis au total, sur le plan des conseils, orientations de carrière, jusqu’à la fourniture d’un nombre d’éléments pour la préparation du tableau d’avancement. C’est quelque chose de très précis,

qui demande un suivi très personalisé de chacun des collègues. Donc des missions très diverses, analogues à ce qui peut se faire au sein du CGPC.

Deuxième caractéristique : nous avons des missions qui peuvent faire appel à des compétences que nous avons ou que nous n’avons pas, ni totalement en interne, ni totalement en externe. J’ai l’exemple d’une mission qui est en train de démarrer : le chlordécone. C’est un phytosanitaire utilisé sur les bananes, dans les zones antillaises notamment, qui a comme propriété d’être une molécule encore plus résistante à toute dégradation que la molécule de benzène. Elle perdure des dizaines d’années, elle pollue les sols. Les mesures d’interdiction ont été prises, mais le mal était déjà fait, et la question actuelle est de savoir ce qu’il faut faire contre cette pollution des sols, de la faune, de la flore, des ignames ou des patates douces que l’on fait pousser dans les sols. La bonne réponse est de faire appel à des experts extérieurs au CGGREF mais aussi à des managers du CGGREF pour voir comment organiser les mesures de politique publique.

Troisième type d’inspections : celles qui sont communes à plusieurs conseils généraux ou inspections générales. Par exemple les retours d’expérience, qu’il s’agisse des crues ou d’incendies de forêt. Nous les avons faites ensemble, CGPC-CGGREF, avec l’appui de l’inspection générale de l’administration ou de l’inspection générale de l’environnement, qui se sont poursuivies par des avis délibérés : 2002 pour les crues, 2004 pour les incendies de forêt.

L’intérêt est d’avoir des regards différents, des vécus différents, des compétences techniques, des attributions juridiques différentes, et d’avoir un regard très complet. C’est un plaidoyer pour un cadre large : mixité des cultures, des expériences, mélange des générations, diversification des activités. Nous ne pouvons être cloisonnés : je suis en accord très large avec Jean-Pierre GIBLIN : faut-il spécialiser les métiers de l’inspec-tion, les professionnaliser à tout coup ? C’est sûr pour la rigueur de l’instruction, les procédures contradictoires, à cause de la judiciarisation de la société, il faut être très professionnel, donc de facto avec une certaine spécialisation. Faut-il un enfermement ? Nous y perdrions tous et il faut savoir faire dans le temps et dans l’espace, et éviter les conflits d’intérêt : on doit pouvoir y arriver. Je crois également que l’intérêt de mêler les expériences techniques et professionnelles est tout à fait grand.Au service de qui effectuer ce type de travail ? Au service de l’Etat, de l’exécutif, certainement il me semble évident que nous devons le faire également au service des collectivités territoriales : je souscris tout à fait à la formule qui consiste en

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une demande locale relayée par le Préfet et approuvée par le Ministre, ce qui évite de se trouver en position de porte-à-faux. Il faut bien l’institutionnaliser. Se pose une autre question : nous avons énormément de compétences, mais l’exécutif et le législatif sont constitutionnellement séparés, comment mettre cette compétence également au service du législatif ?Tout ceci veut dire évidemment qu’à l’avenir, les modes de recrutement seront certainement modifiés par rapport à l’histoire que nous avons connue jusqu’à présent et qui ne sera plus la même.

Olivier JAYFaut-il aller jusqu’à rapprocher certains corps d’inspection ?

PaulVIALLE, vice-président du CGPCNous travaillons déjà ensemble sur de nombreuses missions. Faut-il aller plus loin ? Cela mérite une réflexion dans laquelle je ne souhaite pas m’engager aujourd’hui.

jean-pierre duporT, président de Réseau Ferré de France

Je ne suis pas contrôleur, je ne suis pas expert ; par contre je suis contrôlé. Première chose importante : avant d’engager une action sur l’expertise et le contrôle, il faut mettre en œuvre, dans les administrations publiques et les établissements publics qui en dépendent, des démarches de qualité. Cela me paraît être une condition essentielle pour mettre en perspective la démarche d’expertise et de contrôle. Je crois que nous en sommes encore aux balbutiements. Je me demande aujourd’hui, alors que nous développons à RFF des activités d’audit interne et de contrôle de gestion : pourquoi tardons-nous tant à mettre en place, dans les administrations de gestion, des dispositifs de contrôle interne et d’audit interne ? Ce serait un fondement et un bon préalable à des activités d’expertise et de contrôle qui soient bien maîtrisées. Le travail reste à faire.

Nous mettons beaucoup d’espoir dans la Lolf. Son application peut être une bonne occasion, à partir du moment où l’on définira bien les programmes et les missions, de mettre en place des démarches de qualité avec tout ce que ceci implique. Ceci étant, on ne pourra le faire que si l’on change drastiquement un certain nombre de méthodes. Par exemple : le mécanisme de régulation. Comment voulez-vous

bien gérer, par exemple une direction ou un établissement public, lorsque vous ne savez pas au mois de mars combien vous aurez, à quelques dizaines voire centaines de millions d’euros près, la masse de crédits que vous aurez à gérer ?

Il n’est pas possible d’avoir une démarche qualité dans ce type de situation : dès lors on ne peut demander à un gestionnaire des comptes sur sa gestion. Si l’on veut mettre en place la logique nouvelle de la Lolf, il faudra casser ce type de mécanisme. Il faudra aussi demeurer ferme dans la mise en œuvre d’une logique qui n’est pas assez développée et qui fasse que l’on définisse des objectifs -ce qui fait partie du dispositif prévu- et qu’on vérifie le respect de ces objectifs. Tout au long de ma carrière professionnelle, je n’ai jamais reçu une seule lettre d’objectifs !

J’ai été directeur au ministère de l’Equipement pendant sept ans et durant cette période, je n’ai jamais participé à une seule réunion avec le ministre et l’ensemble de ses directeurs. Imagine-t-on une entreprise dans laquelle le comité exécutif ne se réunit jamais collectivement ? Evidemment, j’ai rencontré le ministre autant de fois que nécessaire, mais sur les affaires qui me concernaient directement.

Dernier point général : je crois qu’il faudra repenser la politique de l’évaluation. Sa mise en place me paraît être une bonne chose. Les rapports de l’instance d’évaluation des universités et des grandes écoles sont passionnants. J’ai toujours trouvé que cette instance faisait un travail très intéressant : les rapports, qui n’étaient pas historiques, qui n’étaient pas pour les archives, avaient une véritable vie, permettaient d’avoir un regard extérieur et portaient un vrai regard d’évaluateur sur le respect d’unucertain nombre d’objectifs.

En complément, je voudrais faire quelques remarques rapides sur ce que, en fonction de mon expérience administrative, j’ai retenu comme leçon : je pense que c’est bien d’avoir une alternance des carrières et des métiers, entre des activités d’audit et de contrôle et des activités de gestion, comme il est bien d’avoir une alternance entre des activités d’inspection et des responsabilités opérationnelles, qu’elles soient dans ou en dehors de l’administration. Ce n’est pas à moi de trancher entre le modèle IGA-IGF ou CGGREF-CGPC, mais quelle que soit la forme, l’alternance est une bonne chose. Je pense que ce que fait le ministère des Affaires étrangères en matière d’évaluation des hommes est une leçon intéressante. Ils n’ont pas l’IGA mais ont un mécanisme que l’on a ensuite retenu au ministère de l’Intérieur en créant un poste de préfet évaluateur aujourd’hui tenu par Michel BESSE : avoir des systèmes

taBle ronde : faut-il sPécialiser les métiers de l’insPection ? comment organiser la fertilisation croisée des exPériences techniques et oPérationnelles ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

d’évaluation des hommes et des équipes – au quai d’Orsay, à partir du vivier des diplomates ont été constituées des équipes d’évaluateurs. Il est important de noter que pour ces évaluateurs, cette mission n’est pas la dernière. Loin de là !

Dernier point : en matière d’expertise, j’ai toujours été amené à faire appel à des corps d’inspection générale et à des regards extérieurs. On doit avoir la capacité de toujours faire appel à des expertises soit extérieures, soit internes selon les circonstances, d’autant plus que nous sommes très en retard dans l’administration en matière de politiques de gestion de la qualité. Par ailleurs, je plaide fortement pour qu’au moment où la décentralisation reçoit un coup d’accélérateur supplémentaire, l’ensemble des corps d’inspection, dans des conditions à déterminer, soit mobilisé avec plus de souplesse qu’actuellement: il peut y avoir des instances intermédiaires qui veillent à la discipline interne aux systèmes de contrôle. Il serait extrêmement regrettable de ne pas utiliser la compétence de l’ensemble des corps d’inspection qui existent et de réinventer des corps d’inspection multiples au sein des collectivités territoriales. Cela ne pourra se faire que si, du côté du ministère, on accepte un peu plus de souplesse. Je ne crois pas personnellement -je n’ai pas d’expérience d’élu- que les élus puissent accepter que seule la décision du ministre leur permette de faire appel aux corps d’inspection. Il faudra trouver une instance “paritaire” qui permette de gérer l’ensemble du dispositif. Cela ne me paraît pas impensable. Il faudra dépasser les clivages politiques du moment.

u débaT

SergeVALLEMONT,Ingénieur général des ponts et chaussées honoraireJean-Pierre Duport vient d’évoquer la configuration des inspections générales et des Conseils généraux. Pour faire vivre la compétence d’expertise et de contrôle de l’Etat, est-il envisagé, à l’instar de l’Inspection générale des finances, d’alimenter le CGPC en jeunes ingénieurs qui pourraient alterner fonctions de contrôle et fonctions opérationnelles ?

MarcPREVOT,CGPCJe suis un peu surpris que l’on n’ait pas évoqué l’assurance qualité. Celle-ci présente en effet l’intérêt d’associer volonté interne et regard externe. Ce thème me semble donc intéressant. Ne devrait-il pas être ajouté à ceux dont nous venons de débattre ?

Jean-Loup JOLIVET,directeur des services du Comité national d’évaluation des universités et des écoles d’ingénieursIl n’a pas été possible, dans le cadre de la Lolf, d’imaginer une mission interministérielle regroupant toutes les missions d’expertise et d’évaluation. Cela vous semble-t-il envisageable à terme ?

RenéURIEN,délégué à l’évaluation et à la qualité du Centre national du machinisme agricole, du génie rural des Eaux et des ForêtsIl existe une norme française homologuée sur la qualité en expertise. Les normes homologuées sont obligatoires pour l’Etat. Si l’Etat ou ses fonctionnaires interviennent dans une expertise, à la demande d’une collectivité locale par exemple, et qu’ils n’appliquent pas cette norme, la collectivité peut donc le leur reprocher.

Jean-Pierre GIBLIN, président de section du CGPCConcernant l’organisation des inspections et des conseils généraux, aucune modification institutionnelle n’est en cours mais nous commençons à faire évoluer nos pratiques. Deux jeunes ingénieurs sont par exemple affectés au CGPC et sont utilisés comme des « juniors » dans nos missions. Nous allons poursuivre et développer cette expérience, mais je ne pense pas que cela justifie une modification de nos statuts.Pour ce qui concerne la question de Marc PREVOT, je crois avoir longuement parlé d’assurance qualité dans mon intervention, en rappelant qu’elle s’appliquait prioritairement aux maîtres d’ouvrage et aux maîtres d’œuvre. Si cette question impliquait que nous devrions nous l’appliquer à nous-mêmes, nous sommes en mesure de le faire. Pour prendre l’exemple du service technique chargé du contrôle des remontées mécaniques et des transports guidés, il est aujourd’hui labellisé par les normes ISO 9000 et vient d’être habilité à inspecter des sites industriels. De nombreux services se sont engagés dans cette direction, notamment les organismes scientifiques ainsi que certaines directions départementales.

Olivier JAYComment-nous situons-nous par rapport aux autres pays européens ?

Jean-Pierre GIBLIN,président de section du CGPCJe crois que nous ne sommes pas en avance. Si la qualité a rapidement pénétré les entreprises privées, cela s’avère plus difficile dans les administrations et les établissements publics.

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PaulVIALLE,vice-président du CGGREFPour ce qui concerne la question de l’habilitation, je vous indique que le conseil général du Génie rural, des Eaux et des Forêts (CGGREF) dispose d’un service d’audit compétent pour les audits communautaires. La Commission a ses propres systèmes d’examen mais nous sommes habilités. Concernant par ailleurs la norme de qualité en expertise, nous sommes encore loin de sa généralisation mais je pense que nous pouvons y parvenir. Quant à une éventuelle mission interministérielle d’expertise, je rappelle que l’expertise a besoin d’experts provenant de tous les horizons. Quelle que soit sa composition, il faudra donc organiser sa porosité. Même en regroupant toutes les compétences dont dispose l’Etat, cela ne serait en effet encore pas suffisant.

BernardPERRET,chargé de mission pour l’évaluation au CGPCDans son intervention, André BARILARI a dit que « les programmes fournissent aux politiques publiques un cadre de formalisation obligeant à expliciter la stratégie, les priorités, les objectifs et les leviers d’action », sous-entendu dans le cadre de la Lolf. Je pense que la situation est très différente et que la logique de prise de décision publique restera durablement autonome du cadre défini par la Lolf. J’en tire donc la conclusion que les corps d’inspection et d’expertise devront conserver une mission d’analyse et d’évaluation des politiques publiques distincte de la mission d’audit et d’évaluation des programmes de la Lolf.

Marie-Caroline BONNET-GALZY,chef du service de l’Inspection générale des Affaires socialesGilles CARREZ a parlé ce matin du contrôle des politiques décentralisées. Quelle est la position du Conseil général des ponts et chaussées sur cette question, sachant que certaines politiques relevant actuellement de ses compétences seront décentralisées ? Nous avons par ailleurs évoqué l’éventuelle création d’une mission interministérielle d’expertise. Sur ce point, je crois que nous avons déjà beaucoup progressé dans nos missions conjointes. Il existe des modes de coordination permettant d’exploiter des compétences très diversifiées et je privilégie nettement cette orientation.Enfin, je suis d’accord pour dire que si la Lolf est un élément majeur, elle ne pourra pas définir l’ensemble du cadre d’évaluation des politiques publiques. Je rappellerai surtout que nous devons aussi faire une LOLF pour le financement de la Sécurité Sociale et des collectivités locales si nous voulons évaluer l’efficacité, voire la pertinence, des politiques publiques.

Olivier JAYMa question s’adresse à Jean-Pierre DUPORT : en décentralisant certaines missions, cela ne reviendra-t-il pas à les soumettre au seul contrôle du suffrage universel ?

Jean-Pierre DUPORT,président de RFFMon idée n’était pas de dire qu’il faut décentraliser les missions. Il existe aujourd’hui un système d’expertise et de contrôle basé sur des compétences techniques reconnues et suffisantes. Il ne faudrait donc pas que la décentralisation se traduise par un émiettement de ce système. Il serait tout aussi regrettable que ces compétences ne soient pas mises à disposition des conseils régionaux. Je pense d’ailleurs qu’il est possible de faire intervenir conjointement certains corps pour examiner des problèmes communs. Nous l’avons déjà fait avec l’IGA et l’Inspection des services du Conseil régional d’Ile-de-France et je pense que nous pourrions aller plus loin dans ce sens.

SylvieTROSA,chargée de mission, ministère de la Santé et des Affaires socialesJe souhaiterais revenir sur les propos de Bernard PERRET concernant la Lolf. Si les programmes sont basés sur des objectifs qui ne mobilisent personne, des indicateurs technocratiques et des systèmes d’information qui ne fonctionnent pas, je crains nous ne fassions pire que la rationalisation des choix budgétaires. A l’origine, la Lolf devait permettre une spirale vertueuse, avec plus de retours sur ce qui se passe sur le terrain, pour que nous puissions présenter des conseils de politique publique au Ministre. C’est cette spirale vertueuse qui est au cœur de la Lolf, plus qu’une simple réforme budgétaire. Il faut donc faire très attention à ce que nous disons, sous peine de mettre en place une machine extraordinairement lourde dont personne ne voudra. Pour éviter d’en arriver là, il faudra résoudre deux questions. Pour que cette démarche soit efficace, elle ne pourra se résumer au seul budget de l’Etat mais devra être appliquée à l’ensemble des politiques publiques (FSS et collectivités locales comprises). Il faudra ensuite instaurer un dialogue serein entre les Ministres et les services.

ClaudeGRESSIER,président de section du CGPCNotre pays a une longue tradition de centralisation et je pense que les élus locaux verraient d’un mauvais œil l’Etat chercher à rétablir sa tutelle sous prétexte d’une inspection des compétences décentralisées. Il faudra donc trouver des systèmes de contrôle qui n’apparaîtront pas comme une volonté de l’Etat de rétablir sa tutelle sur les collectivités publiques.

taBle ronde : faut-il sPécialiser les métiers de l’insPection ? comment organiser la fertilisation croisée des exPériences techniques et oPérationnelles ?

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

queLLes autorItés technIques pour Le servIce des habItants

et La protectIon des consommateurs et du cadre de vIe ?

QueLLe expertise L’agence française de sécurité sanitaire des aLiments mobiLise-t-eLLe

pour exercer son rôLe ?

PaulVIALLE, président de l’AFSSA

Je voudrais parler du risque au coeur des politiques publiques avec un exemple, celui de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Avant de brosser la manière de procéder, je vais partir de deux cas concrets : • En automne 2002 se pose le problème de la réouverture des frontières françaises aux importations de viandes bovines anglaises. Problème extraordinairement sensible : que fait le Gouvernement, comment doit-il le faire ? Il demande son avis à l’AFSSA, laquelle, face à ce problème, travaille pendant plusieurs mois et rend un avis, grosso modo sur la base suivante : “comparer les risques sur la viande, nous ne savons pas faire, en revanche sur les animaux – car pour passer de l’animal à la viande, il faut procéder à un certain nombre d’opérations précises – on sait faire et le risque en France n’est pas nul (un par million d’animaux abattus risque d’être contaminé et de passer dans la chaîne alimentaire). En Grande Bretagne, c’est de l’ordre de sept mais c’est le haut de la fourchette statistique qui est en train de descendre. Le risque ne paraît pas significativement différent”. L’avis a été établi un jeudi soir, et les médias ont tous relaté au journal de 20h00 “l’AFSSA a dit..., il n’y a donc pas de problèmes”. Le Gouvernement a pris ses mesures, personne n’en a entendu parler.• Eté 2004 : rapport sur les glucides. Est en discussion au Parlement la loi sur la santé : les problèmes d’obésité croissent, lobbies contre lobbies se déchaînent, et l’AFSSA avait un rapport en cours qui n’avait pas été publié. La question se pose, quelques jours avant le vote du Parlement : qu’en fait-on ? La réaction a été “vous

publiez” : on n’a pas le droit de garder une information au moment où le Parlement va décider et de la cacher. Je ne précise pas les réactions d’un certain nombre de lobbies que vous identifierez facilement. J’ai eu un courrier assez abondant à ce moment-là.Pourquoi l’AFSSA maintenant ? Nous avons des crises à répétition, je n’insisterai pas. Risques chimiques : vous allez en voir quelques-uns dans l’alimentation. Pourquoi “nitrates” est-il suivi dans le diaporama par un point d’interrogation ? : c’est parce que l’on n’a jamais vu dans toute la littérature scientifique un bébé mourir d’un excès de nitrate dans son biberon, contrairement à une rumeur persistante. En revanche, les nitrates peuvent être un indice de pollution organique dans les nappes par les lisiers d’animaux, etc. d’où mon point d’interrogation.

Il peut y avoir des carences, par exemple calcium et ostéoporose, les hormones – chacun se rappelle le poulet aux hormones – et la BST (béta somato tropine) nous a posé des problèmes sur les importations de viandes bovines avec les Etats-Unis qui traitent leurs animaux avec cette hormone viande que nous refusons pour des raisons sanitaires.

Il y a toujours des crises : en micro-biologie, n’oublions pas que dans les banlieues du XIXe siècle, on trayait un animal tuberculeux jusqu’à ce qu’il tombe par terre, et l’on donnait le lait à boire pour redonner des forces aux populations, est maintenant un terme connu, salmonelles aussi. Lors de la récente crise de la dioxine, la commercialisation des poulets a été interdite en Belgique pendant quelques temps, et pendant cette même durée, les taux d’infection par salmonellose ont été divisés par deux. Sous le terme barbare “d’Escherichia coli O157H7”, c’est un mutant qui s’est révélé un jour et a fait de nombreuses victimes : n’importe quel micro-organisme “calme” peut, à un moment donné et pour une petite modification, changer de forme et devenir extraordinairement aggressif. Allergies, toxines biologiques, coquillages paralysants, etc. sont en train d’apparaître. Grande crise de l’ESB en 1989 : en 199� c’est le transfert à l’homme, 2000, c’est la nouvelle crise de l’ESB, et en 2004, on vient d’avoir une suspicion, il y a très peu de temps, d’une chèvre atteinte par l’ESB bovine. On se pose donc des questions : un test “souris” demande plusieurs mois. Subsistent donc encore de nombreux problèmes.

Tout ceci engendre des peurs et des mesures publiques : au Moyen Âge, l’organisation du contrôle des viandes, pour les historiens, est une petite merveille. Les bouchers et vendeurs de viandes étaient encadrés de tous les côtés pour des

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raisons sanitaires, et souvent avec des interdits et contrôles religieux. Au XVIIIe siècle, un exemple amusant : Turgot, à Limoges, a interdit en 1750 la culture de la pomme de terre car elle “donnait la lèpre”. La pomme de terre est une solanacée qui est assez proche botaniquement de la morelle noire, laquelle entrait dans les “bouillons de onze heures” et donc – principe de précaution, déjà – il fallait être prudent. Au XIXe siècle, les grands réseaux d’eau potable et d’assainissement ont généré des progrès énormes. Au début du XXe, les crises - tuberculose notamment – sont transmises par les espèces bovines alors que l’on croyait à la barrière des espèces totale en cette époque post-pasteurienne : on s’aperçoit que ce n’est pas vrai. A ce moment-là, dans le monde entier, on met en place des services de contrôle alimentaire : services vétérinaires en France, food and drug administration (FDA) aux Etats-Unis. Une crise déclenche une mesure et la fermeture des frontières à chaque fois car “le mal vient d’ailleurs”, jamais de chez soi, c’est bien connu. Fin du XXe siècle, crises de santé, crises alimentaires, d’où la création des agences sanitaires en France, en Europe, et donc celle de l’AFSSA.

Comment cela se passait-il avant la loi de 1998 ? En France, c’est un système éclaté qui repose sur plusieurs ministères, un début de responsabilité professionnelle (les dates limites sont affichées sous la responsabilité des opérateurs), une expertise scientifique complètement émiettée et l’évaluation du risque confondue avec la gestion du risque. A ce moment-là, on a bien un ministère pilote (agriculture) et deux autres impliqués : finances (consommation et répression des fraudes) et santé (problèmes de l’eau). Arrive alors la loi du 1er juillet 1998, dans un contexte d’hyper-sensibilisation liée aux crises sanitaires avec recherche des responsabilités des politiques, puisqu’il faut en France qu’il y ait toujours des responsables ; sont renforcés la veille et la sécurité sanitaire et le principe de séparation entre évaluation et gestion du risque qui n’est pas universel mais français est adopté. La FDA aux USA par exemple ne connaît pas cette séparation. L’AFSSA a été mise en place en 1999 sous la direction de Martin HIRSCH, sous la forme d’un établissement public administratif avec une séparation entre l’évaluation qui est le fait de l’AFSSA et la gestion du risque qui revient aux trois ministères de tutelle.

Les compétences des ministères sont le pouvoir réglementaire, les négociations communautaires et le contrôle. Les compétences de l’AFSSA sont l’organisation de l’expertise “scientifique” en matière d’évaluation des risques, certains travaux de recherche et un appui technique aux ministères. L’AFSSA rend des avis uniquement consultatifs – elle n’a pas de pouvoir de police – et doit avoir accès à toutes les

informations et résultats des contrôles, ce qui n’est jamais simple puisqu’il faut aller exiger ces informations de sa tutelle et donner un avis sur ce que fait cette tutelle, ce qui est quelquefois délicat ! Les ministères de tutelle sont en relation avec les organisations professionnelles, l’AFSSA l’est avec les associations de consommateurs, les autres agences sanitaires en France, les organismes publics de recherche, l’autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments,...L’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels – il s’agit de voir les équilibres globaux – concerne les produits animaux, végétaux et l’eau, de la production jusqu’à la consommation. La déontologie pour ce faire est le point le plus important et repose sur un tryptique “compétence”, “indépendance”, “transparence” :

Compétence parce qu’actuellement la science reste entre les nations et à l’intérieur de chaque nation l’arbitre des conflits (chaque fois qu’un conflit est porté à l’OMC, ce sont des panels de scientifiques sur les entraves à la libre circulation qui tranchent, la science est le dernier recours devant lequel chacun s’incline, c’est un consensus entre les nations, d’autant plus entre les nations développées qu’elles ont un avantage sur celles qui n’ont pas d’experts scientifiques),

Indépendance : chaque expert doit faire une déclaration d’intérêts, cette déclaration est publique, tous les membres de l’AFSSA font une déclaration d’intérêts qui peut être consultée, car il y a une forte demande d’absence de liens avec les pouvoirs, quels qu’ils soient. Pour le citoyen, les pouvoirs économiques ou politiques “cachent la vérité”. L’évidence elle-même n’arrive pas à percer : rappelons-nous les inondations de la Somme et les rumeurs qui ont pu courir sur les transferts d’eau d’un bassin versant à l’autre : c’était une évidence et pourtant personne n’avait confiance. L’indépendance est individuelle mais aussi celle de l’organisation : à l’AFSSA nous avons évité tous les financements privés, tous ceux qui pouvaient amener un conflit d’intérêts, de manière à n’être dépendants que du financement public, à rebours de tout ce qui peut se faire ailleurs, sinon nous aurions été suspectés d’être entre les mains de telle ou telle firme.

Transparence : tous les avis sont intégralement publiés, immédiatement sur internet, et je dois dire que les ministères de tutelle les ont deux heures avant pour les lire mais sans possibilité d’interférer. On s’est aperçu que, lorsqu’ils les avaient trois jours avant, il y avait souvent risques d’instrumentalisation et des fuites partielles. Les experts étaient interrogés et avaient, eux, un devoir de réserve puisque l’avis n’était pas public, d’où une information complètement

quelles autorités techniques Pour le service des haBitants et la Protection des consommateurs et du cadre de vie

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

déséquilibrée. D’où une transparence maintenant totale et des avis immédiatement et intégralement publiés.

J’insiste sur ce tryptique qui me paraît extrêmement important. Les particularités de l’AFSSA : flux d’inter-relations, évaluations, recherches et un volet “nutrition”. L’évaluation des risques se fait avec dix comités d’experts spécialisés qui ont été mis en place en 2000 et renouvelés en 2003 : nutrition humaine, micro-biologie, biotechnologies (OGM par exemple), ESST, résidus et contaminants (exemple des produits cancérigènes dans les petits pots pour bébé ce printemps et générant une crise en Grande-Bretagne alors qu’il n’y a rien eu en France : le couvercle et la matière plastique polymérisaient et migraient un peu dans le contenu du pot). Ces experts sont des scientifiques (appel public à candidatures) de très haut niveau qui doivent conserver leurs missions de recherche par ailleurs (ils ne sont pas “sortis” de la science, ils sont “dedans”), ce n’est pas du tout la même notion que “l’expert judiciaire”, beaucoup d’entre eux sont habilités à diriger des recherches.

La sélection a permis de retenir 22� experts sur 48� candidats (probablement parce que quelques milliers d’autres n’ont pas osé se présenter) et une déclaration publique d’intérêts. Qui saisit l’Agence ? Les associations de consommateurs, ainsi que des auto-saisines, sans pour l’instant de possibilité ouverte aux opérateurs économiques. Je serais favorable à ce que cela le soit en “bordant” de manière à ne pas instrumentaliser l’Agence dans des procédures juridiques épouvantables que l’on peut imaginer sans trop de difficulté.

Il y a environ 350 à 400 saisines de l’Agence par an avec autant d’avis donnés, soit sur des demandes d’autorisation de tel produit ou ingrédient (��%), des textes réglementaires (20%), et diverses saisines : les associations de consommateurs, curieusement, ne nous saisissent presque pas. L’AFSSA effectue de la recherche et de l’appui scientifique et technique et regroupe un certain nombre de laboratoires implantés en France (anciens laboratoires vétérinaires). Les sources de financement sont les suivantes : 85% de l’Etat, 2% des collectivités locales et subventions communautaires, et 8% de ressources privées en faisant extrêmement attention aux conflits d’intérêts.

Pour conclure, les perspectives européennes : il existe une autorité européenne l’AESA. Elle s’est constituée comme 1�ème agence, en subsidiarité nulle, on refait

tout à côté avec le risque de conflits des expertises et donc de dégradation de l’image de l’expertise scientifique, ce qui serait un problème très grave. Perspectives françaises : une réévaluation de la loi de 1998 est en cours - c’est une très bonne chose que la loi ait prévu d’être elle-même réévaluée au bout de cinq ans, la séparation “évaluation / gestion des risques” me semble totalement acquise dans tous les esprits, la géométrie et les interfaces entre AFSSA, santé au travail, veille sanitaire sont en discussion, c’est normal et probablement faut-il qu’il n’y ait pas trop de frontières afin de limiter les risques de non-cohérence du système, soit de duplication, soit -plus grave- de “trous”, et une réflexion me semble devoir être menée pour d’autres types de risques comme les risques naturels où les notions d’évaluation et de gestion du risque ne sont pas séparées, ou les mêmes -qu’il s’agisse de l’Etat ou des élus locaux- risquent d’être juges et parties, dans un climat de sensibilité montante aux risques naturels.

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sur QueLs indicateurs L’agence pour Le contrôLe et La QuaLité des services pubLics

Locaux de La viLLe de rome s’appuie-t-eLLe pour apprécier Le service rendu ?

FedericoCOLOSI, vice-président de l’Agence

I. Aspects généraux de la fonction de contrôle

La commune de Rome est propriétaire de façon directe ou indirecte, de plus de quatre vingt cinq sociétés qui constituent un univers très ample et à multiples facettes. Les dites sociétés œuvrent dans la plupart des domaines pris en considération par les services publics (Acea S.p.a pour la fourniture de l’eau et de l’électricité; Ama S.p.a pour l’hygiène urbaine et les services relatifs aux cimetières ; Farmacap: l’agence spéciale qui s’occupe de la gestion des 3� pharmacies de la commune). Elles peuvent également exercer des fonctions d’études et de planification qui sont le propre de l’Administration et qui, auparavant, étaient directement gérées par elle ( Atac S.p.a e Sta S.p.A.dans le secteur des déplacements). Elles peuvent encore remplir des fonctions d’agence (Risorse per Roma S.p.A, pour le marketing du territoire et les aliénations immobilières; Le Assicurazioni di Roma) ; ou, enfin , des fonctions faisant partie de la catégorie générale des loisirs et de la culture et qui sont représentées par la Fondation Musique pour Rome qui s’occupe de la gestion du nouvel Auditorium, par la Fondation Bioparc qui gère le jardin zoologique, par l’agence spéciale Palaexpò - Ecuries du Quirinal en ce qui concerne les activités d’exposition. En plus de ces filières principales d’intervention, au travers de parts d’actionnariat, la Commune de Rome participe totalement ou partiellement au contrôle de nombreuses autres sociétés oeuvrant dans les secteurs les plus divers.A leur tour, parmi ces sociétés qui sont toutes des personnes de droit privé, nombreuses sont celles qui sont partenaires à divers degrés d’autres sociétés jouant un rôle secondaire. Ces sociétés dans leur ensemble sont au nombre de quatre vingt cinq (85).

Compte tenu de l’envergure du «Groupe Commune de Rome», le problème du contrôle en termes de réglementation, de gestion, de production et de fourniture du service se présente sous une forme des plus complexes.

Je voudrais limiter, ici, ces observations de caractère général à certains aspects essentiels du contrôle qui offrent des caractéristiques (et donc des solutions) diverses en fonction de l’action que le contrôle en soi est appelé à exercer et qui échappent à une répartition claire et nette de compétences. Je me réfère tout spécialement aux typologies de contrôle suivantes :

• le contrôle relatif à la prestation de service public qui doit s’exercer indépendamment du statut juridique ou du propriétaire de la société qui est appelée à fournir le service ;

• le contrôle qui peut être exercé par le sujet propriétaire de la société.

C’est à la première typologie qu’il est le plus simple de faire face car elle prévoit de façon concrète la séparation la plus absolue entre les fonctions de gestion et les fonctions d’orientation et de contrôle. Dans ce cas d’espèce, l’instrument qui est mis à la disposition de la collectivité locale pour exercer ses fonctions de contrôle est, en tout premier lieu, un instrument de nature contractuelle, accompagné, dans les secteurs pour lesquels cela est du domaine du possible (comme par exemple l’hygiène urbaine) d’un deuxième instrument inhérent au pouvoir de réglementation générale de la collectivité territoriale.

Dans ce cadre, le contrat de service est placé au centre même du système de réglementation locale et, en conséquence, il est indispensable de prêter une attention toute particulière à sa forme, au contenu et aux procédures régissant son approbation ainsi que les éventuelles modifications et adjonctions pouvant s’avérer nécessaires au cours de la période durant laquelle il est en vigueur.

En règle générale, lors de la stipulation du contrat, l’institution d’une commission mixte est explicitement prévue. La dite commission est composée de représentants de la collectivité territoriale d’une part, de représentants de la société de l’autre et les fonctions de présidence sont la plupart du temps confiées à une personne ne relevant ni de l’une ni de l’autre. Le Président exerce une fonction de monitorage et de contrôle relativement aux paramètres et aux objectifs quantitatifs et qualitatifs du service mentionnés par le contrat. Dans certains cas, une hypothèse a été émise selon laquelle cette commission pourrait exercer également un pouvoir de sanction, mais une telle solution engendre des problèmes quasiment insolubles de conflits d’intérêt pour le représentant de la société et, de ce fait, elle apparaît peu efficace.

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Un autre instrument très important quant à la fonction de monitorage et de contrôle sur la teneur en qualité du service résulte de l’institution d’Agences et d’Autorités indépendantes qui, dans les villes où cette expérience a été menée, représentent le principal véhicule de connaissances et de production de données et analyses pour le Conseil Municipal auquel est ainsi garantie une activité administrative mieux informée et orientée du point de vue technique. Dans quelques instants, j’insisterai de façon plus détaillée sur l’expérience de la ville de Rome à cet égard.

Toutefois, il est indispensable de tenir compte du fait que lorsque la collectivité territoriale est également propriétaire de la société qui fournit le service, un élément ultérieur de complexité dans le fonctionnement du service entre en jeu. Cet élément comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Un avantage incontestable concerne précisément la fonction du contrôle. En effet, le contrôle pouvant être exercé par le sujet propriétaire sur une société est, tant en termes d’efficacité que de rapidité d’accès, de qualité infiniment supérieure à celui qui peut être effectué par un sujet externe, par un sujet tiers.

Les activités de monitorage et de contrôle qui sont habituellement exercées par les autorités de réglementation, par les sociétés locales ou par les comités et commissions nommés présentent, pour le moins, deux traits communs qui en constituent la caractéristique principale et unificatrice: à savoir, le fait qu’elles interviennent «de l’extérieur» et «en retard». J’estime qu’il est opportun d’insister sur ces deux concepts qui sont inhérents aux notions essentielles d’espace et de temps : «de l’extérieur» et «en retard». Il s’agit en effet de caractéristiques intrinsèques.

En outre, lorsque le sujet tiers est également doté de pouvoirs propres de réglementation, son activité est -à juste titre- soumise au contentieux administratif et donc aux délais nécessaires que la mise en fonction d’une telle procédure comporte. Tous ces aspects dans leur ensemble tendent à disparaître dès lors que le contrôle est exercé directement par la société.

L’inconvénient est représenté par le conflit d’intérêt touchant le sujet propriétaire qui, d’une part est directement intéressé au bénéfice de la société en tant qu’actionnaire, d’autre part constitue le sujet directement responsable de la fourniture aux usagers de services publics de qualité. Il n’est pas sûr que ce deuxième aspect l’emporte de façon systématique sur le premier.

Il s’agit donc, de placer parallèlement aux instruments du contrôle externe précédemment décrit dans le cadre de l’hypothèse d’une société ne relevant pas de la collectivité territoriale (contrat de service, agences indépendantes, commissions de gestion du contrat) qui devront de toute façon continuer à œuvrer tout en prêtant davantage attention aux exigences des usagers (la tutelle des exigences de la propriété s’exerçant de diverses façons) d’autres instruments caractéristiques cette fois du contrôle interne.Dans cette catégorie entrent "in primis» les pouvoirs et les fonctions d’orientation et de contrôle attribués au Conseil Municipal en tant qu’assemblée des élus au sein de laquelle est représenté tout le corps social et électoral et, de ce fait, la propriété.

Un autre instrument important est constitué par les statuts des sociétés contrôlées par la collectivité territoriale ainsi que par l’introduction de comités spécifiques pouvant, entre autres fonctions, jouer également le rôle d’information et de contrôle au nom et pour le compte du conseil municipal.

Il existe ensuite un autre modèle, moins bien défini, tenant à la possibilité d’indiquer les critères de nomination des administrateurs. Il s’agit d’une attribution d’ordre général mais qui peut se révéler extrêmement utile pour délimiter le périmètre à l’intérieur duquel peuvent être choisis les administrateurs élus par le syndicat et notamment pour définir de la façon la plus précise qui soit les notions de conflits d’intérêt éventuels ou potentiels.

Il existe une ample littérature concernant les formes et les modalités pouvant être adoptées par les activités de contrôle en fonction du rapport de dotation de service que la collectivité territoriale concède à la société, ainsi que de la complexité de fourniture du service à laquelle toute collectivité territoriale doit spécifiquement faire face. En dépit de cela, un trait caractéristique et uniforme sur le fond de l’expérience du gouvernement local en Italie demeure. Il s’agit de la difficulté à laquelle se heurte une fonction effective de contrôle (fonction qui se distingue donc du contrôle traditionnel de légitimité exercé par l’Administration).

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II. L’expérience de la Mairie de Rome

Dans le cadre de cet état de choses, depuis quelques années, la Mairie de Rome a lancé une opération complexe de institutional building prévoyant l’utilisation intensive d’instruments de contrôle interne et externe. En particulier, en ce qui concerne les instruments de contrôle externe, au cours du mois d’avril 2002, la Mairie de Rome a créé l’Agence pour le contrôle et la qualité des services publics locaux modifiant la dénomination de la précédente Autorità et lui assignant de multiples devoirs et de nouvelles fonctions parmi lesquelles les activités de Monitorage des niveaux de qualité des services publics locaux sont de la plus haute importance.

L’activité de monitorage qui s’est développée au cours des dix-huit derniers mois, a donné lieu à la production et à la transmission au conseil municipal de vingt-trois rapports de monitorage à des rythmes préalablement fixés (mensuels ou trimestriels selon les cas), dont neuf concernent l’illumination de la voie publique, six l’hygiène urbaine, cinq les parkings payants et trois le service du métro. Par la suite, au moyen d’actes spécifiques et complémentaires, le conseil municipal a chargé l’Agence de mettre au point et de réaliser un système de monitorage de la qualité des services d’assistance à domicile basé sur des indicateurs de performance spécifiques, dont les résultats constitueront un élément d’évaluation de la part de l’Administration relativement à la permanence ou non des sujets procédant à la fourniture des services dans les listes d’accréditation et feront l’objet d’un rapport annuel spécifique au conseil municipal. Des initiatives analogues sont en cours de définition pour l’évaluation et le monitorage concernant les service reliés aux cimetières. Dans la suite de cet exposé, deux exemples d’activités de monitorage ainsi que des méthodes respectivement adoptées pour l’obtention des données seront présentés.

En outre, au cours de son activité, l’Agence a émis cinq avis relativement à des contrats spécifiques de service et a réalisé sept autres études de secteur parmi lesquelles il faut signaler celle qui concerne les contenus minimum des contrat de service, la proposition de réforme du service taxi, les modèles d’organisation et d’évaluation de l’assistance à domicile.

Toujours dans le domaine des contrôles externe, les comités de gestion prévus par les principaux Contrats de Service (transports et hygiène de la ville) ont été mis en fonction. En outre, le travail de définition d’une délibération-cadre sur les

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contenus minimum et les procédures d’approbation et de modification des Contrats de Service qui définira de façon organique et univoque l’ensemble du système de réglementation se basant sur cet instrument est en cours d’achèvement.

De même, en ce qui concerne le contrôle interne, l’expérience de la commune de Rome se caractérise par une effervescence innovatrice toute particulière: au début de l’année, le conseil municipal a approuvé à l’unanimité une délibération par laquelle deux principes tendent à être affirmés:

• d’une part celui de la garantie d’un flux d’informations adéquat arrivant au conseil municipal relativement aux principales décisions à caractère stratégique prises par le système des sociétés qui, de façon directe ou indirecte, sont du ressort de la Mairie de Rome.

• d’autre part, celui de préciser les droits décisionnels du sujet propriétaire relativement dans des domaines importants tels que la prise de parts d’actionnariat ou, au contraire, comme la loi le prévoit, le renoncement à de telles participations.

Relativement au thème de la "corporate governance» des sociétés et de la tutelle de l’épargne, le professeur Guido Rossi a récemment affirmé qu’un bon ordonnancement juridique et réglementaire ne suffit pas en soi pour que cette tutelle puisse avoir plein effet et que la loi doit donc être accompagnée de l’épée qui la défend. En d’autres termes, il a posé le problème de la crédibilité et de l’efficacité de la sanction en tant qu’élément indispensable à toute forme de tutelle.

En l’absence de sanction, aucun contrôle ne peut résulter réellement efficace et il rappelle qu’un tel passage est garanti «également et surtout par la combinaison de la loi et de l’activité de l’Agence indépendante de contrôle et grâce à l’intervention d’une magistrature dotée de pouvoirs efficaces».

Le contrôle et la sanction peuvent prendre diverses formes et atteindre des niveaux d’intensité et de sévérité pouvant être progressivement accentués. Dans le domaine spécifique des services publics locaux, il est donc indispensable de réfléchir et d’envisager des formes appropriées de contrôle ; il faut également se demander quelles peuvent être les sanctions adéquates pouvant inciter à atteindre des standard plus élevés de qualité sans que pour autant elles ne comportent un caractère inutilement punitif, voire un vice d’élaboration les rendant inefficaces.

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Il faut mettre sur pied une sorte de «marketing du contrôle et de la sanction», une «personnalisation» qui soit en mesure de faire la différence entre les divers sujets. Ainsi par exemple, l’introduction de sanctions exclusivement quantitatives, telles que des prestations supplémentaires devant être fournies aux usagers en cas de non respect ou de respect uniquement partiel des engagements pris dans le contrat de service -comme cela se passe parfois dans le cadre du contrat pour les services d’hygiène de la ville de Rome- peut ne pas aboutir à un résultat adéquat si la société est entièrement contrôlée (de façon directe ou indirecte) par la Mairie de Rome, tandis qu’elle peut être extrêmement efficace en présence de sujets gérants constituant des personnes de droit privé.

La sanction pécuniaire constitue l’instrument le plus classique se trouvant à la disposition de l’Administration lorsqu’elle doit tenter de corriger des comportements ne correspondant pas pleinement aux objectifs prévus. Toutefois, y compris dans ce cas, il faut tenir compte du fait que tant le management que l’actionnaire s’il s’agit d’une société publique, pourraient ne pas être excessivement sensibles à des mesures de caractère monétaire. Cependant, en ligne générale, plus grande est la sensibilité de l’actionnaire pour une gestion économiquement correcte, plus le management ressentira cette pression et plus grande sera l’efficacité de ladite sanction pécuniaire.

III. Les opérations de monitorage, instrument d’exercice pratique du contrôle

Les services publics locaux ont une très forte incidence sur le sentiment de bien-être des citoyens et jouent un rôle décisif quant à leur évaluation des activités exercées par l’Administration.Si au cours de ces dernières années le Contrat de service est devenu l’instrument principal de réglementation des services publics locaux, les fonctions de contrôle et de vérification ou, en d’autres termes, de monitorage sur la qualité du service fourni revêtent, parmi les instruments dont l’Administration dispose, une importance toute particulière pour vérifier s’il y a correspondance entre les services fournis d’une part et les objectifs et standards précédemment fixés d’autre part.

Dans le respect de la délibération portant à la création de l’Agence et lui attribuant les activités de vérification des modalités de fourniture des services sur la personne des sujets gérants décrits par les divers contrats de service, le

service de monitorage - qualité des services a été institué au sein de l’Agence. Il est directement responsable de :

• exercer des activités de vérification quant aux modalités de fourniture des services y compris au travers de l’organisation de relevés sur le terrain;

• se procurer la documentation et des informations utiles auprès des sujets gérant le service public ;

• effectuer le monitorage rendant compte de la situation des Contrats de service ;

• prévoir des rapports périodiques sur l’état de fourniture des services publics.

Les activités de monitorage relatifs à la qualité des services se sont développées au travers de trois lignes de comportement principales:

• la vérification de l’efficacité des contrats de service (et des éventuelles cartes d’engagement pour service qui en découlent) au travers de la définition des paramètres qualitatifs/quantitatifs caractéristiques du service ainsi que des systèmes de monitorage qui y sont prévus (qualité précédemment déterminée);

• la vérification des systèmes de gestion de "reporting" pratique des sociétés tels qu’ils sont prévus dans les Contrats de service afin de contrôler la solidité des procédures au travers desquelles les informations sur les niveaux du service sont fournies et exposées en termes répondant à la vérité, à l’intégrité et inspirant pleinement confiance;

• l’évaluation sur la base d’un échantillon statistiquement défini ou sur la base d’un recensement des niveaux de qualité relatifs aux indicateurs ainsi que les objectifs les plus représentatifs des services fournis (qualité de la fourniture).

Ce dernier point en particulier a donné naissance, dès 2003, à une activité spécifique de monitorage concernant les services de parkings payants, de transport métropolitain, d’éclairage de la voie publique et d’hygiène de la ville.

A titre d’exemple, voir ci-dessous l’expérience relative à la présentation des monitorage relatifs au service d’éclairage de la voie publique (vérification du respect des délais prévus par le contrat pour la réparation des points d’éclairage en dysfonctionnement à partir du moment où la panne a été signalée) et du service de transport métropolitain (évaluation de cinq macro facteurs de qualité au travers de l’évaluation précise directe de plus de 120 indicateurs de relevés.

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IV.Serviced’éclairagedelavoiepublique

Le contrat de service stipulé entre la ville de Rome et le sujet gérant prévoit, entre autre, que le délai standard maximum pour la remise en état des divers points d’illumination est de quinze jours à partir du signalement par les bureaux de la mairie et prévoit une amende pécuniaire (tableau 1) en cas de non réparation dans les trente jours à partir de la date du signalement.

Tableau n° 1Amende

2003Amende

2002Dysfonctionnement temps

nécessairedélai

maximum jours retard

délai maximum

rues obscuritéinterrupteur

rues obscuritépanne réseau

2-4 ampoules éteintesconsécutivement

24 heures

5 jours

10 jours

24 heures

5 jours

15 jours

€ 50,00

€ 50,00

€ 100,00

48 heures

7 jours

30 jours

une seule ampoule éteinte

15 jours 30 jours € 100,00 45 jours

Afin de vérifier de façon indépendante et efficace le service, l’Agence a mis sur pied et réalisé un projet spécifique de monitorage concernant les délais nécessaires pour la remise en état des divers points d’illumination.La méthodologie adoptée prévoit la définition quantitative d’un échantillon statistiquement représentatif de certains points d’illumination éteints relevés sur le territoire de la commune, le signalement anonyme de la panne au centre d’appel du gérant ainsi que le résultat de l’appel et des temps d’attente avant que l’opérateur ne réponde, la constatation de l’éventuelle remise en fonction du point d’illumination dans le délai de quinze jours à partir du signalement et, en cas de non réparation, dans le délai de trente jours. Les résultats obtenus ont mis en évidence le fait que le service garanti consécutivement à un signalement de panne de la part d’un usager est largement inférieur par rapport à ce qui se passe lorsque ce sont les bureaux de la mairie qui procèdent au signalement.La publication des résultats de ce monitorage a donné lieu à une rapide amélioration de la qualité de comportement de la part de la société.

V. Service de transport métropolitain

Les services de transport métropolitain de la ville de Rome, constitués par les lignes A et B du métro, par les chemins de fer régionaux et par les chemins de fer métropolitain, garantissent chaque jour le déplacement sur le territoire de la commune ou à l’extérieur d’environ un million de passagers. Les lignes A et B en particulier constituent un des «assets» principaux du système de transport romain. dans la mesure où il effectue 31 millions de km-wagons chaque année et où il contribue au transport de 750.000 passagers par jour.

Le contrat de service stipulé avec la société qui contribue à la fourniture dudit service prévoit la formulation d’un indice synthétique de qualité fournie relatif aux stations et aux convois mais qui ne tient compte que de certains aspects du service.

Dans le cadre de l’exercice de son activité de relevé, l’Agence a voulu au contraire fournir à l’Administration une vue panoramique plus ample et plus complète du service, ceci en référence à la norme EN 13816 – avril 2002 relative aux définitions, aux objectifs et à l’évaluation de la qualité fournie pour le service public du transport des passagers.Les activités ont démarré au mois de décembre 2003 et les données relevées (environ 120 indicateurs pour chaque accès, tableau 2) au cours des enquêtes effectuées mensuellement, tant auprès des 49 stations qu’auprès des convois ont été successivement regroupées de façon à fournir une évaluation numérique synthétique sur la base de cinq macro indicateurs de premier plan :

• accès à la station ou à la gare,• informations et attention prêtées au client,• confort de l’attente,• qualité du voyage.

Un tel regroupement sous le chapeau de macro indicateurs a permis à la complexité du système de l’expertise de trouver une forme de représentation externe compréhensible et efficace en ce qu’elle fournit ainsi au pouvoir politique décisionnel des indications parfaitement orientées du point de vue technique.

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Tableau 2 Premier niveau Deuxième niveau Troisième niveau

ACCESÀLAGARE Voies d’accès externe Présence d’arrêts/terminus lignes TP(bus)Nombre lignes TP (bus)Distance entre arrêts/terminus TP et métro Facilité d’accès de TP à métroPrésence de parkings non payantsDistance entre parkings et métro

Voies d’accès interne Distance entrée /quaisDistance quais / sortiePrésence changements ligne MétroDistance de Métro à MétroPoints changement ligne avec FSDistance entre Métro et FSPrésence d’ascenseursFonctionnement ascenseursEntretien ascenseursPrésence escaliers roulantsFonctionnement escaliers roulantsEntretien escaliers roulantsPrésence d’escaliersVoies d’accès aux escaliersEntretien escaliers (caoutchouc rampes couloirs)

Présence guichets billets Guichet avec présence personnelEfficience guichet présence personnelDistributeurs automatiques billetsFonctionnement correct distributeurs automatiquesBillets disponibles dans distributeurs automatiquesPrésence points de vente interneHoraires ouverture points venteBillets disponibles points vente internesVidimateurs automatiquesFonctionnement vidimateurs automatiquesFonctionnement correct vidimateursautomatiques

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Premier niveau Deuxième niveau Troisième niveau

INFORMATIONETATTENTIONPRÊTÉEÀL’USAGER

Informations d’ordre général Sur la sécuritéSur l’attention prêtée au client

Informations relatives au voyage enconditions normales

Sur indications routièresSur identification points départ/arrivéeSur signaux de direction des véhiculesSur trajetsSur horairesSur tarifsSur typologie billets

Informations voyageurs en conditions anormales Sur remboursements / réclamations / suggestions / objets perdus

Contact clients Présence de personnel

Personnel AspectAttention prêtée à l’usagerCompétences

Accueil Aptitude usage langues étrangères

Option guichet billets Types guichets billets

CONFORTDEL’ATTENTE

Facilité utilisation structures passagersPlaces assises/espace disponibleAtmosphère de l’environnement

Présence espace quais, escaliers roulantsSur les quaisAspect agréable des espacesPropretéLuminositéQualité de l’airBruitPrésence situations indésirables

Services supplémentaires Présence services hygiéniquesFacilité utilisation Services hygiéniquesPrésence espaces commerciauxPrésence téléphones publicsAutres services

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Premier niveau Deuxième niveau Troisième niveau

QUALITÉDUVOYAGE

Places assises et espace disponibleConfort de la course

A bordCommoditéFacilités d’accès entrée – sortie

Conditions espace voyage Atmosphère agréablePropretéLuminositéQualité de l’airBruitPrésence situations indésirables

SÉCURITÉDUSERVICE

Lutte préventivecriminalité

IlluminationPrésence de caméras visiblesPrésence personnel sécurité

Prévention accidents Signalisation adéquateSur la sécurité

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QueL apport du conseiL généraL des ponts et chaussées

de demain sur Les deux thèmes de L’expertise et du contrôLe ?

ClaudeMARTINAND, vice-président du CGPC

Les organisateurs des colloques du bicentenaire m’ont confié la redoutable mission d’intervenir pour rassembler à chaque fois les principales idées énoncées et de tirer, à chaud, après avoir écouté attentivement tous les intervenants, les quelques idées directrices que le Conseil pourra en tirer dans les mois qui viennent.

Permettez-moi de dire que la qualité des intervenants du colloque organisé par Agnès de fleurieu, avec l’appui de Jacques CARTIGNY, ici à l’ENA, grâce à l’hospitalité de son directeur Antoine durreleman et animé par Olivier jAY, m’a vivement impressionné et c’est à tête reposée qu’il faudra analyser toutes ces riches contributions et les débats qui ont eu lieu tout au long de la journée. Je félicite et je remercie donc tous ces intervenants, français et européens.

Je dois, à la vérité, de dire que le bicentenaire nous a, en partie, servi de point de départ, de prétexte même, pour éclairer les évolutions de notre institution, rendues particulièrement nécessaires du fait des profondes transformations en cours de notre ministère : deuxième étape de la décentralisation et, en réalité, pleine application de la 1ère étape pour le domaine des routes, réforme de l’Etat avec la réforme budgétaire et la stratégie ministérielle de réforme, emprise croissante sur nos activités de la construction européenne, de l’élargissement de l’Union européenne et de la mondialisation, notamment dans les transports, possibilités nouvelles ouvertes par les technologies de l’information, irruption de la société civile et de ses attentes dans notre champ dans une perspective claire de développement durable et de débat démocratique sur des questions « techniques, territoires et société ».

Tout ceci va conduire à des réorganisations profondes, à une véritable «refondation» du ministère, à une réorganisation de notre administration centrale, Gilles de ROBIEN y a fait allusion, et de nos services déconcentrés autour de la mise en œuvre de la lolf et de son exigence de transparence et de compte-rendu et de la

logique de résultats et de responsabilisation, que cela implique. André Barilari a fait un exposé introductif magistral à cet égard et nous éclaire sur l’évolution de nos missions d’audit ou d’inspection. Les thèmes ont été illustrés par Antony wright, directeur général de l’audit à la Commission européenne, Patrick staes, expert de l’Institut d’administration publique de Maastricht, Daniel limodin, mon collègue, chef de l’inspection générale de l’Administration, Gilles carreZ, le rapporteur général du budget de l’Assemblée Nationale, un ancien collègue du ministère, avec qui nous avons une grande proximité et une fructueuse complicité.Naturellement, la question du management public ou de la modernisation de l’action administrative a été revisitée par Michael whitehouse, auditeur général, au National Audit Office, Pierre verkaren, le président du Comité de direction du Service Public Fédéral Belge et Jean-François Benard, président de la 7ème Chambre de la Cour des Comptes.La question de la qualité de l’expertise pour garantir la fiabilité des analyses et des choix ou la pertinence des outils, notamment des indicateurs de performance ou l’explicitation des finalités des politiques publiques, a été illustrée par Odile sallard, directeur de la gouvernance publique et du développement territorial à l’OCDE et notre collègue Heinz Jörg Borkentein du ministère fédéral allemand des Transports et de la Construction.André rossinot a tracé des pistes pour renforcer le partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales, afin d’échanger et de capitaliser les expériences dans nos métiers, communs avant l’allocution de notre ministre Gilles de roBien qui préside le cgPc, je le rappelle, même si c’est devenu rare.La question de l’expertise interne ou externe dont l’Etat paraît devoir disposer a été débattue avec Claude gressier, président de la 4ème section du cgPc, Gérard massin, président du groupe d’ingénierie SETEC et l’ancien Recteur Alain Bouvier, qui a beaucoup publié sur le pilotage par les résultats en évitant de chercher à « rentrer dans les boites noires ».

Après cette matinée fort dense, ont été illustrées et débattues cet après-midi, différentes manières de faire vivre les compétences, complémentaires à mon sens, d’expertises et de contrôle au sein des services de l’Etat, que ce soit dans l’inspection générale espagnole spécialisée dans les infrastructures avec Fernando rojas urtasun, le directeur général de la Programmation économique au ministère du FOMENTO, ou dans l’autorité indépendante du contrôle des marchés de travaux publics italiens avec son Président Alfonso rossi Brigante, puis avec un exposé de Jean-Pierre giBlin, président de la 3ème section et membre du groupe

quel aPPort du conseil général des Ponts et chaussées de demain sur les deux thèmes de l’exPertise et du contrôle ?

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de travail de silguy qui a réfléchi sur l’avenir des corps de hauts-fonctionnaires, les profils, les recrutements, les formations et les déroulements de carrière avec deux profils principaux pour les ingénieurs : expert et chef de projet.Le débat entre mon collègue Paul vialle, vice-président du CGGREF, mon équivalent italien Giuseppe ricceri, président du conseil supérieur italien des Travaux Publics et Jean-Pierre duPort, président de RFF et ancien préfet de la région Ile-de-France, a permis de s’interroger sur le croisement des cultures techniques, opérationnelles, économiques, juridiques et sensibles, utiles aux métiers de l’inspection et aux évolutions rendues nécessaires par les processus de décentralisation ou de délégation de l’Etat aux pouvoirs locaux.

La dernière séquence, avant les conclusions que tirera Jean-Paul delevoye, médiateur de la République, mais aussi ancien ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat et ancien président de l’Association des Maires de France, a ouvert la réflexion sur les finalités du service public, tant pour l’habitant, l’usager, le citoyen que sur la protection du consommateur et du cadre de vie. D’une part, Frederico colosi aurait du décrire le rôle de l’Agence pour le contrôle de la qualité des services publics locaux de la ville de Rome et les indicateurs sur laquelle elle s’appuie et, d’autre part, le président de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (afssa), Paul vialle, a précisé l’expertise qu’elle mobilise pour exercer son rôle d’autorité indépendante.

Il est frappant de repérer de larges similitudes dans les problématiques mais des réponses différenciées qui sont apportées aujourd’hui dans différents pays d’Europe à ces importantes questions. Toute approche comparative est donc très enrichissante. L’ancienneté de notre institution nous oblige sans cesse à rechercher des améliorations dans l’exercice de nos missions qui sont d’ailleurs relativement semblables formellement à celles fixées en 1804. Par contre, la méthodologie, les référentiels, les priorités de contrôle ou d’expertise ont sensiblement évolué et vont encore évoluer dans le cadre de la réforme du cgPc, à laquelle nous a invité le ministre et qui est déjà bien avancée. Le champ de nos activités s’est également élargi au fil du temps, puisque centrées à l’origine sur les infrastructures principalement de transports, le cgPc, depuis la création de notre nouveau ministère en 19��, s’intéresse aux territoires, à l’habitat, à l’aménagement, à la dialectique des réseaux et des territoires et aux services autant qu’aux infrastructures. Ces réseaux sont devenus transeuropéens d’une part et locaux ou régionaux d’autre part, le niveau national en assurant l’articulation.

Pour caractériser cette réforme, je dirai que nous devons être encore plus professionnels et plus rigoureux, en étant plus sélectifs dans le choix de nos nouveaux membres et en leur apportant une formation lourde à la prise de poste.Nous devons travailler de manière plus collective y compris au niveau interministériel, valoriser les cultures complémentaires que nous pouvons assembler pour mieux répondre à nos commanditaires, et délibérer plus souvent et de manière collégiale et traçable. Notre organisation doit donc devenir plus flexible, plus lisible et mettre l’accent sur des champs de préoccupations émergents dans une démarche d’anticipation prospective et de vision stratégique.

La question des conflits d’intérêt, un des aspects d’une véritable charte déontologique à venir doit être mieux prise en compte. Nos textes vont être réécrits, après examen attentif des textes institutifs des autres formations voisines ou semblables (inspections générales ou conseils généraux). Nous allons jouer un rôle accru dans la détection et l’orientation du vivier des cadres à haut potentiel.Nous souhaitons examiner dans quelle mesure nous pourrions contribuer à l’évaluation des politiques publiques partagées entre l’Etat et les collectivités locales. Nous étudions comment nous mettre au service du Parlement sans méconnaître la séparation des pouvoirs ou plutôt comment faire profiter le Parlement de nos travaux .Nous souhaitons enfin informer et communiquer sur l’ensemble de nos productions, car cela est le plus souvent nécessaire pour nourrir le débat et accentuer notre utilité sociale.

En définitive, sans être des magistrats, nous souhaitons exercer notre « magistère technique, économique et moral », au service des attentes de la société et des pouvoirs publics, avec efficacité et discernement. Quelle ambition, me direz-vous, mais quand on a déjà 200 ans et qu’on veut manifester son dynamisme pour encore de nombreuses décennies, il en faut à l’évidence ! Le triangle constitué par le corps des Ponts et Chaussées, enrichi des autres corps, le ministère et le Conseil général, auquel il faut ajouter l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, reste la base solide de nos fondamentaux. Naturellement, « il faut que tout change, non pas, pour que rien ne change » comme aurait dit Giuseppe de lamPedusa, mais au contraire, pour évoluer avec son temps et s’adapter aux défis de l’avenir. Merci à tous de nous avoir aidé à nourrir cette ambition, à enrichir notre culture et notre sentiment d’apporter à la communauté des organisations similaires à la notre en Europe des sujets de coopération et de réflexion.

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cLôture du coLLoque

Jean-Paul DELEVOYE, médiateur de la République

J’ai en tout cas été très interpellé par l’exposé de Paul VIALLE sur la santé. C’est peut-être là où j’essaierai de croiser un peu ce que sont mes réflexions tirées de mon passage à l’association des maires de France, au Gouvernement et actuellement à la Médiature et mes relations avec quelques collègues internationaux.

En fin de compte, l’expertise pour l’expertise ne signifie rien : quelles sont ces expertises, au service de quoi sont-elles, et quels sont les défis que nous devons relever ? Je suis en même temps extrêmement préoccupé et extrêmement optimiste.

Nous sommes en train de changer complètement de société, je parle sur le plan mondial. Avant nous n’avions pas besoin d’expertises car il y avait des vérités toutes faites qui nous tombaient d’en haut, qu’elles soient de caractère religieux ou philosophique, et chaque individu devait accepter cette réalité sans même imaginer un seul instant de la contester.

Je vois bien qu’aujourd’hui nous avons une réflexion à mener par rapport à la vérité et par rapport au pouvoir : nous venons de basculer assez rapidement dans un monde de désenchantement par rapport aux idéologies politiques ou religieuses, avec l’acceptation d’une banalisation de la violence mais qui est en même temps un monde en train de faire exploser tous les doutes et incertitudes avec une facilité qui fait que quelquefois un mensonge bien médiatisé est plus puissant qu’une vérité bien analysée.

Cela pose d’ailleurs un premier problème à l’expertise : comment concilier le temps extrêmement fugace d’une émotion fabriquée par des médias avec le recul nécessaire d’un temps scientifique qui doit conforter une analyse ou une expertise? Nous avons un énorme défi devant nous : comment, dans un monde

qui vit en même temps un inconfort du quotidien et une incertitude de l’avenir, faire en sorte que ces angoisses, qui d’ailleurs semblent donner plus de puissance au pouvoir politique qu’il n’en a jamais eu, ne fassent pas de l’expertise un facteur d’alimentation de ces doutes et incertitudes, mais bien au contraire, un facteur de sécurisation et de réduction de ces derniers.

Le deuxième élément -je le dis souvent- est que je suis extrêmement frappé de voir que les miracles de la technologie ont aussi fait de nous des habitués d’une banalisation des technologies. Je suis très frappé par cette acceptation, que nous avons tous les uns et les autres, des prouesses qui ne suscitent plus la curiosité, l’enchantement et le rêve chez nos jeunes qui trouvent normal que l’on roule à 330 km par heure sur les TGV, que l’on puisse téléphoner à l’autre bout du monde, etc. Mais qui, paradoxalement, plus il y a une maîtrise technologique, scientifique, une maîtrise des risques mêmes, cohabitent avec une explosion de peurs et d’inquiétudes.

Dans le domaine des ordures ménagères : jamais il n’y a eu autant de capacités à maîtriser les risques. Jamais il n’y a eu un tel refus profond d’une population d’accepter de vivre à côté d’une décharge d’ordures ménagères. Moi qui ne suis pas expert, je voulais avoir une vision sur la politique nucléaire. Je n’ai jamais vu une telle maîtrise des risques des déchets nucléaires par leur vitrification dans le centre de Cadarache, puisque j’avais demandé d’y passer quelques jours. En même temps, on voit bien aujourd’hui la capacité d’enflammer une population sur cette inquiétude.

Nous avons en même temps cette banalisation des techniques et cette explosion des peurs, et cette banalisation de la violence, ce désenchantement et cette explosion des doutes et des incertitudes. Et là, je pense que vous avez là un défi extrêmement important pour vous, que vous allez relever. Ce que vous avez évoqué, c’est comment éviter que vous ne soyez les instruments d’une manipulation collective. Nous sommes aujourd’hui dans un recul de plus en plus rapide des convictions et, au moment où nous avons une explosion des choix, la capacité de chaque individu à gérer ses propres choix n’a jamais été aussi faible.

Nous avons donc des émotions, des opinions à fond plat, où les démocraties d’émotion créent quelquefois des pulsions bien plus redoutables que les démocraties de conviction qui étaient beaucoup plus stables parce que c’était plus difficile de

clôture du colloque

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ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

basculer un camp de droite, de gauche, religieux ou pas. Aujourd’hui on voit bien que, en Espagne, une heure de mauvais discours et un attentat bouleversent les hommes politiques et on voit bien aujourd’hui ce qui s’est passé aux Etats-Unis.Derrière chaque affirmation politique, il y a l’utilisation acceptée ou non acceptée d’une expertise. La valeur de l’expertise aujourd’hui doit être analysée au critère de sa valeur éthique et déontologique. Je crois que nous devrons être attentifs à ce que la banalisation des experts ne tue pas l’expertise. Nous avons des experts partout : chaque journaliste invite sur son plateau un expert tous les jours même si, aux yeux des vrais experts, cette personne n’y connaît pas grand-chose, elle affiche des opinions qui canalisent l’opinion (publique) et la fossilisent ou la mettent dans un courant de pensée qu’il est extrêmement difficile de combattre. Ce que vous évoquiez sur les inondations en baie de Somme était tout à fait évident, même si j’y rajouterais le bémol que l’opinion adhérait à certaines thèses, en fonction de considérations liées aux conséquences positives ou négatives sur sa capacité à faire jouer les assurances ou pas.

On voit bien qu’aujourd’hui nous sommes à un moment extrêmement important sur le plan politique. On estime qu’une institution comme la justice est bonne ou non, en fonction de la capacité qu’elle a de vous donner raison ou pas et on analyse une expertise en fonction du soutien qu’elle apporte à votre thèse ou pas. Par exemple lorsque vous contestez une infrastructure, on appelle un expert qui conteste l’analyse acoustique d’un passage de TGV.

L’’homme politique est alors obligé de reconnaître brutalement qu’il n’est pas le plus compétent, ce qui le conduit à rechercher un transfert de ses incompétences sur les compétences des autres. Or cela nécessite un partage du savoir, qui, pour beaucoup de responsables politiques, est considéré comme une fragilisation de leur pouvoir. Il y a donc un problème, que vous évoquiez tout à l’heure, du rapport entre l’expertise et le pouvoir politique.

Autre élément : on voit bien que le politique est aujourd’hui extrêmement perturbé car il avait l’impression d’être un peu le chef sur un territoire et qu’aujourd’hui ce territoire lui échappe et que les problématiques sont internationales, européennes ou territorialisées à une échelle différente. A l’évidence, cette capacité de limiter territorialement son pouvoir lui pose un vrai problème. Nous voyons bien que la relation binaire est aujourd’hui plus facteur d’alimentation d’une confrontation que d’une adhésion. L’acteur tiers - l’expert - devient alors un élément très important.

La bonne respiration démocratique est une respiration à quatre temps : pédagogie des enjeux, organisation des débats, choix politiques, adhésion aux choix politiques. L’exigence de la réactivité, celle du temps, fait que souvent le pouvoir politique gomme ces deux premières étapes pour aller au choix politique qui est immédiatement contesté, pour donner lieu à un débat qui lui-même est contesté s’il n’est pas assis sur une pédagogie des enjeux.

La préparation à la décision politique qui, me semble-t-il, doit être le rôle majeur d’un expert, conduit probablement à une inversion des primautés et des priorités ; et au lieu d’avoir une capacité rapide d’exécution, il vaut mieux aujourd’hui s’interroger sur cette capacité de préparer la décision, de préparer l’opinion et de faire en sorte de maîtriser ces vagues émotionnelles qui peuvent remettre en cause quelquefois les plus belles théories scientifiques, les plus grands progrès. Regardez aujourd’hui le débat sur les OGM : est-ce un moyen de réduire la famine dans le monde entier au moment où on dit que le défi de la démographie va créer des besoins énergétiques et des besoins alimentaires deux ou trois fois plus importants qu’actuellement? Eh bien ! ce débat ne peut pas aujourd’hui être abordé d’une façon saine et stable car, probablement, nous avons laissé échappé la pédagogie des enjeux comme celui de la capacité d’alimentation d’une population croissante, etc.

J’ai entendu quelqu’un parler tout à l’heure d’une problématique de division d’expertise. Je crois effectivement que nous devons réfléchir à cette relation entre l’expertise et le pouvoir, éviter l’instrumentalisation, éviter la complaisance, et surtout éviter le procès souvent fait que, par peur de la vérité, vous soyez plutôt à la recherche d’une justification de ce qui existe et que, quelquefois, vous soyez vous-même prisonnier de la complaisance de vos propres corps. Défendre injustement vos amis lorsqu’ils ont tort est certes un facteur de camaraderie, mais est suicidaire pour l’histoire de l’institution elle-même. Aujourd’hui un politique qui a peur de la vérité, qui a peur de la transparence, est un politique qui va fragiliser son action politique.

Si nous devons faire une recherche dans laquelle la valeur éthique de l’expertise sera peut-être quelquefois plus importante que la valeur des analyses, la question suivante se pose : sommes-nous capables lorsque nous revendiquons notre indépendance, d’aller jusqu’au bout de l’indépendance la plus difficile à avoir ? Est-ce l’indépendance par rapport à nous-mêmes, par rapport à nos propres convictions, par rapport à notre propre corporatisme ? Sommes-nous capables

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d’avoir une impertinence qui ne soit pas sanctionnée par un bris de carrière ou par une complaisance hiérarchique ?.

Il y a là une vraie difficulté dans la gestion de l’administration française qui gère plus des carrières que des compétences et dans laquelle la promotion est quelquefois plus la sanction d’une ancienneté ou d’une complaisance que la sanction d’une compétence. Nous ne sommes souvent pas capables de mettre la compétence au bon endroit, au bon moment, car la mobilité qui serait importante et utile, par rapport au défi que nous devons relever, est généralement coupable par rapport à une gestion de carrière. Et là nous devons être extrêmement attentifs au fait que l’expertise publique, non pas parce qu’elle a le statut public, mais parce qu’elle est détachée des intérêts particuliers mêmes légitimes, doit avoir toute son importance.

J’attire votre attention sur le fait que, revenant d’un congrès des ombudsmans internationaux où j’y allais «petit garçon» car je viens d’être nommé médiateur, j’étais extrêmement frappé de voir que, sur l’ensemble des continents, le débat politique juridique était le débat entre les droits collectifs et les droits individuels.

A l’évidence nous sommes aujourd’hui non plus dans une politique de droite ou de gauche, mais par rapport aux forces politiques, financières, sociales, démographiques qui sont en train de se mettre en place, nous sommes dans l’obligation de mettre en place des outils de régulation, outils qui doivent redonner la perception de la puissance du pouvoir politique, appuyée sur des expertises indépendantes et non instrumentalisées au profit d’intérêts financiers et boursiers .

Je me souviens toujours du détournement des valeurs du PDG de Mercedes qui me disait : «dans les entreprises il y a les collaborateurs qui partagent les valeurs de l’entreprise et qui sont performants. Puis il y a ceux qui ne les partagent pas et qui sont performants. Il faut les virer». Pourquoi ? Je reviens sur la notion d’expertise et de primauté. La sortie de la classe A était programmée pour les actionnaires. Un des responsables les plus importants, expert, a estimé que le respect du calendrier boursier était plus important que le respect de l’expertise technique. On a anticipé la sortie du véhicule classe A, ce qui a entraîné ce que vous connaissez comme conséquences.

Ce qui veut donc dire qu’aujourd’hui la déontologie de l’expertise doit être un outil permettant de prendre des décisions par rapport à des valeurs. Je suis convaincu

qu’aujourd’hui, nos opinions vont se rendre compte qu’elles peuvent être manipulées par des grandes puissances industrielles : je connais de grands scientifiques qui appuient des thèses dont dépendent d’énormes enjeux industriels. Je ne vous parle pas des firmes agroalimentaires ou des médicaments... mais il y a tellement de milliards de dollars en jeu qu’à l’évidence on peut comprendre quelquefois qu’un certain nombre d’experts soutiennent certaines thèses consuméristes qui sont quelquefois une interprétation un peu limitée de la vérité scientifique.

C’est un sujet lourd parce que le poids de l’émotion médiatique s’appuie quelquefois sur des thèses peu crédibles scientifiquement, mais très acceptées émotionnellement par l’opinion. L’expertise publique doit échapper à ces forces émotionnelles comme aux intérêts privés légitimes. Elle doit être capable de prendre ses distances par rapport à l’événement, par rapport au lobby politique, et cela pose d’une façon très claire - et je suis tout à fait d’accord avec vous -l’indépendance de l’expertise par rapport à un pouvoir politique.

Pour éviter un monde sens dessus-dessous, avec une incapacité de réguler des politiques publiques, il faut se garder de vouloir que l’expert soit un instrument de pouvoir, car sinon nous tuons l’expertise et nous tuons le pouvoir.

Nous avons là un grand débat devant nous, avec aussi peut-être, effectivement, une différenciation entre les experts. Je crois que nous sommes devant un certain nombre d’interrogations : vous, experts, devez interpeller le pouvoir qui doit accepter le partage du savoir, mais cela pose un problème, comme celui sur lequel nous avons travaillé avec Claude MARTINAND : lorsqu’un homme politique doit décider ce qui est de son ressort, comment faire en sorte qu’il ne se sente pas trop dépendant, dans ces équilibres d’influence, d’une puissance d’expertise qui créerait une influence ou une dépendance intellectuelle, scientifique, trop lourde par rapport à ce que l’on peut considérer comme ses faiblesses d’analyse ? Comment parvenir à ce que le déséquilibre, non pas de l’expertise, mais de la capacité d’analyse des thèses et antithèses soit un élément de stabilisation de la prise de décision politique par rapport à l’influence que doit avoir légitimement un expert ?Il faut que le pouvoir accepte d’être remis en cause par l’expert. En tant que politique, je n’ai cessé de cultiver le devoir d’impertinence de la part de mes collaborateurs ou de mes fonctionnaires. Rien n’est pire que de vivre dans un océan de complaisances : nous sommes dans un monde où l’on saura de plus en plus de choses et où l’on se posera en réalité de plus en plus de questions.

clôture du colloque

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Il faut être extrêmement prudent vis-à-vis de celles et ceux qui détiennent la vérité, ce qui pose d’ailleurs le problème de la non-stabilisation de vos parcours car au bout de quinze ans d’expertise, vous risquez quelquefois d’être enfermé dans vos propres certitudes avec des conflits scientifiques bien plus redoutables quelquefois pour les luttes de pouvoirs que les conflits politiques.

Il faut accepter de se remettre en cause car vous mettez parfois plus d’intelligence à défendre vos structures qu’à défendre les analyses que vous devriez accepter pour modifier vos structures. Donc, nous ne devons pas nous imputer des défauts en justifiant des vertus que nous n’avons pas. C’est là aussi un débat difficile parce que, si l’expertise montre que l’on est inutile, est-ce que l’on accepte de se remettre en cause en tant que pouvoir politique ? Est-ce que l’on accepte de se remettre en cause en terme de pouvoir d’administration ? C’est ce que vous évoquiez tout à l’heure sur la présence des agences qui ont du mal à imaginer de fusionner, de disparaître, parce que tout simplement elles existent et que, derrière, il y a une carrière, etc.

Deuxième élément : c’est aussi le droit à l’erreur et à la prise de risques. Comment faire en sorte que, dans une société, la gestion des risques, l’analyse des risques, ne neutralisent pas la prise de décision, mais au contraire la sécurisent ? Nous allons avoir ainsi un pouvoir d’influence de plus en plus fort - je crois à la montée rapide du pouvoir consumériste - qu’il ne faut pas craindre, car il a poussé à la qualité des produits. Je voudrais simplement vous dire que nous sommes en train de changer de perception collective de la société par rapport à l’époque où notre société, par l’extraordinaire progrès technologique des XIXe et XXe siècles, a pu croire que la puissance de l’homme se manifestait par sa capacité de domination, de la nature.Aujourd’hui, brutalement, nous sommes en train de découvrir un sentiment de finitude et de fragilisation par rapport à cette nature que l’on exploitait. Il faut revenir à la vertu de la nature matrice, nous ne devons pas mettre notre intelligence au service de la domination mais à celui de la protection, de la gestion, etc. Ce qui renforce totalement le besoin d’expertise et va engendrer de formidables batailles d’experts. Nous allons assister à des conflits armés : ceux qui s’annoncent au XXIe siècle seront des conflits d’expertise avec ce que vous évoquiez pour la régulation de l’OMC. Regardez les batailles des experts du FMI, des scientifiques de la santé, la problématique de l’environnement. A partir du moment où les questions juridiques et la régulation par le droit vont s’imposer au XXIe siècle, ce droit sera nourri par des capacités d’expertise.

Comment faire en sorte de développer le pouvoir d’analyse dans cette bataille d’experts ? Nous sommes là autour de l’homme politique en train d’imaginer un nouveau métier de synthèse de toutes les expertises permettant d’établir une synthèse responsable par rapport aux thèses et aux antithèses.Souvent l’homme politique est très frileux lorsqu’il se sent dépendant d’une mono-thèse, d’une mono-expertise et cette angoisse de la mauvaise décision, soit lui interdit de prendre la décision, soit le pousse à fuir ses responsabilités ou à se défausser sur l’expert, ce qui est la pire des choses. Nous devons donc être attentifs, au moment où la déresponsabilisation individuelle cohabite avec une prise de conscience d’une responsabilité collective en matière de destruction de l’environnement et de fragilisation des liens sociaux, avec une prise de conscience de l’utopie du collectivisme et d’une absence générale de sens et d’humanité. Un champ nouveau semble s’offrir à vous, experts : vous allez raviver notre intérêt pour la philosophie politique. En effet, de votre constat d’expertises scientifiques déshumanisées, naîtront des questions relatives au sens de la vie et des débats politiques majeurs. La prolongation de la vie va poser une question à un moment donné -on pourra très naturellement prolonger la vie jusqu’à cent-dix, cent-vingt ans- , mais pourra-t-on prolonger de la même façon le plaisir de vouloir continuer à vivre si c’est dans des conditions dégradées ?

On voit bien que nous sommes là, non pas sur une expertise unique, mais sur tout un champ d’expertise nouvelle, sur lequel il faudra mettre en place des formations nouvelles. L’expert doit avoir une vocation pour les uns de pédagogie des enjeux, pour d’autres de validation des différentes thèses qui organisent le débat, pour d’autres encore de contrôle de l’exécution de la prise de décision politique, et pour d’autres enfin de mise en place des contre-expertises. Un certain nombre de débats politiques lourds qui émaneront de l’expertise scientifique mais plutôt en matière de sciences humaines et morales seront à ouvrir. Je crois que le champ de l’expertise publique n’a jamais été aussi ouvert à condition effectivement qu’il réponde, anticipe, accompagne une interrogation lourde que peuvent ressentir, aujourd’hui, les décideurs politiques par rapport à un champ d’incertitude, d’inquiétude où les condamnations de justice ont tendance à freiner les ardeurs les plus grandes.

Comment arriver à transformer l’expertise non pas comme une contrainte, mais de façon positive ? Je suis convaincu que, en matière d’indicateurs de performances, il va y avoir de nouveaux indicateurs à côté des indicateurs classiques des politiques

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�1 Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

publiques : imaginons des indicateurs territoriaux, quelle est leur signification ? Je suis persuadé que, demain, les forces financières seront attentives à la sécurisation des investissements en matière de santé et voudront savoir si la Drire a pu, en participant à l’élaboration de l’usine et à l’examen des plans de construction, sécuriser l’investissement par rapport aux contentieux de demain. Nous sommes dans un monde de contentieux : quand les grands experts que vous êtes arrivez à la retraite, certains d’entre vous prennent un malin plaisir à créer des procès contre leurs anciens collègues. Il y a une espèce de frustration rentrée.Grâce à cela - ne prenons pas ça comme un mal - les associations d’environnement du Var ont permis de corriger un certain nombre d’erreurs manifestes en matière d’urbanisme. Pourquoi ne pas essayer de positiver ce que l’on considère comme une contrainte ? La puissance du pouvoir associatif appuyé sur des experts ne peut que nous amener à la qualité de la décision politique. L’exigence de la Drire peut être considérée comme un facteur de prévention des contentieux futurs pour permettre la stabilisation financière et le retour d’investissements financiers pour un certain nombre d’établissements de caractère industriel.

Nous pouvons avoir la même démarche en matière de risques naturels comme le montre un débat très intéressant en matière d’urbanisme dans une région proche d’Avignon : faut-il considérer que la maîtrise des digues permet de réduire l’étalement des crues et donc de redonner de l’espace à la construction ou au contraire doit-on estimer que la maîtrise des digues est imparfaite et qu’on connaîtra forcément un jour ou l’autre une rupture des digues et donc qu’il faut interdire toute construction sur l’espace convoité ? Vrai débat qui pose le problème de la confiance faite aux experts. On voit bien là que, à un moment donné, le choix politique devra permettre la confrontation entre expertise et contre-expertise.

Je crois donc que, plus que jamais, vous ne devez pas craindre l’expertise privée qui s’exprimera de plus en plus fort, par rapport à des intérêts de plus en plus lourds. Il y aura besoin d’un espace de recueillement, de distanciation par rapport à tous les intérêts en présence, pour que la capacité de maîtrise du temps et de maîtrise de la décision aide à la prise de décision commune.

C’est pour cela que je crois que l’expertise doit être reconsidérée, doit être sectorisée par domaines de prises de décision pour permettre de pouvoir servir l’intérêt général. Ce que vous indiquiez, c’est que quand on doit réfléchir à ce que doit être l’expertise publique, on doit réfléchir aussi à ce qu’elle ne doit pas être.

clôture du colloque

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��Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

bIographIes des Intervenants

AndréBARILARIAncien élève de l’Ecole nationale d’administration (ENA)Inspecteur général des financesPrésident du comité interministériel d’audit des programmesMembre du conseil des impôtsPrésident du conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement de la défenseAncien directeur général des impôts

Auteur des ouvrages suivants :« Le consentement à l’impôt» Presses de sciences po 2000«Animer une organisation déconcentrée» Editions d’organisation ; 2002«Les contrôles financiers, comptables, administratifs et juridictionnels des finances publiques» LGDJ 2003

Jean-François BENARDAncien élève de l’école polytechnique et de l’Ecole nationale d’administration (ENA)Président de la septième chambre de la Cour des comptes (ministères chargés de l’équipement, des transports, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, du tourisme, de la mer, de l’environnement et de l’agriculture).Ancien Directeur général de la SNCF Ancien Directeur général de Réseau ferré de France

Activités associatives : Ancien président de l’association des magistrats de la Cour des comptes.Ancien président de JCLT (association d’aide sociale à l’enfance)Ancien président de la Colline aux enfants (association d’aide sociale à l’enfance) Membre du bureau de l’ACAT (ONG de défense des droits de l’homme)

Dr. Heinz-Jörg BORKENSTEINDocteur en DroitMinisterialdirigentSous-directeur des données structurelles, de la protection de l’environnement et

de la recherche au Ministère fédéral des Transports, de la Construction et du LogementAncien fonctionnaire au Ministère de l’Economie, des classes moyennes et des transports du Land de Rhénanie-du-Nord/WestphalieAncien sous-directeur des services centraux et sous-directeur de la construction au Ministère fédéral de l’aménagement du territoire, de la construction et de l’urbanisme Ancien sous-directeur de la circulation et des transports routiers

AlainBOUVIERProfesseur des universités, Docteur d’Etat Es-Sciences MathématiquesChercheur au LAREQUOIChargé de mission à l’Institut National de Recherche Pédagogique (INRP)Ancien Recteur de l’académie de Clermont-Ferrand Ancien directeur de l’Institut Universitaire de Formation de Maîtres (I.U.F.M.) de l’académie de LYON,

Charges électives :Membre de différents conseils universitaires de plusieurs universités et du Conseil National des Universités Ancien président de la conférence des directeurs d’IUFM, de la Conférence des Chefs de MAFPEN et de l’ADMEE-Europe

Auteur de nombreuses publications:17 livres (traités de mathématiques, ouvrages de vulgarisation scientifique, dictionnaire des mathématiques, ouvrage de didactique, traité sur le management des établissements scolaires, ouvrages sur la vie scolaire, etc.), dont certains traduits en Japonais, Allemand, Espagnol, Portugais, Arabe, Serbe,…Plusieurs polycopiés et monographies en France et à l’étranger, en Français et en Anglais.31 articles de Recherche en Mathématiques dans des revues internationales avec «referees»80 articles sur la Formation, la Recherche en Didactique et sur le management

GillesCARREZAncien élève de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC) et de l’Ecole Nationale d’administration (ENA)Député-maire du Perreux-sur-Marne Rapporteur Général de la commission des finances de l’Assemblée Nationale Ancien secrétaire général de l’Etablissement Public d’Aménagement de Marne la ValléeAncien secrétaire Général du Groupe Central des Villes Nouvelles (GCVN)Ancien adjoint au Délégué interministériel à Euro DisneylandAncien conseiller général du Val-de-Marne

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Jean-Pierre GIBLINAncien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées Ancien élève de l’Université de Yale (U.S.A) Ingénieur Général des Ponts et ChausséesPrésident de la section des Affaires scientifiques et techniques du CGPC Ancien directeur de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques au Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement.Ancien directeur régional de l’Equipement du Languedoc-RoussillonAncien directeur de l’Institut de Recherche des Transports (aujourd’hui INRETS)

ClaudeGRESSIERAncien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et ChausséesPrésident de la section des Affaires Economiques du CGPCAncien directeur du Transport Maritime, des Ports et du LittoralAncien président-fondateur de GEODIS (groupe SNCF)Ancien directeur des Transports Terrestres au Ministère de l’Equipement et des TransportsAncien directeur des Transports et de la Circulation au Conseil Régional d’Ile de France

Olivier JAY Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et du Centre de Formation des Journalistes de ParisMembre de l’équipe de direction de Bayard, chroniqueur au quotidien La Croix et éditorialiste à LCI (chronique de week-end centrée sur l’économie et les faits de société)Ancien rédacteur en chef du mensuel économique Enjeux-Les Echos

Auteur des ouvrages suivants :«Nos chers privilèges» (Grasset, 1998), une réflexion sur les acquis sociaux et, avec le sociologue Dominique Wolton, «Internet, petit manuel de survie» (Flammarion, 2000).

DanielLIMODINAncien élève de l’E.N.A., Inspecteur général de l’administration Chef de corps de l’inspection générale de l’administrationMembre titulaire du comité d’enquête sur le coût et rendement des services publicsVice-président du comité interministériel de coordination et de contrôle des fonds structurels européens (FEDER).Président du conseil d’administration de l’IRA de LilleMembre du conseil d’administration de l’Institut de démographie de l’université de ParisAncien Préfet, secrétaire général de la préfecture de ParisAncien Préfet, représentant du Gouvernement à Mayotte

BiograPhies des intervenants

FedericoCOLOSITitulaire d’une maîtrise d’histoireVice-président de l’Agence de contrôle et de qualité des services publics locaux de la commune de RomeDirecteur de Praxis – scuola di politica e territorio en collaboration avec l’Université Pontifica GregorianaProfesseur d’Université et collaborateur de divers instituts romainsAncien directeur des programmes communaux de Rome pour la création de nouvelles entreprises dans les zones défavorisées.Ancien fonctionnaire

Jean-Paul DELEVOYEAncien MinistreMédiateur de la République Maire de Bapaume, Président de la Communauté de Communes de BapaumeAncien Ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de l’aménagement du territoireAncien Député du Pas de CalaisAncien Sénateur du Pas de Calais Ancien Conseiller Général du Pas de CalaisAncien Président de l’Association des Maires de FranceAncien directeur de sociétés agroalimentaires

Jean-Pierre DUPORTAncien élève de l’Ecole nationale d’administration (ENA)Président du conseil d’administration de Réseau Ferré de FranceMembre du Conseil Economique et Social, en qualité de représentant des entreprises publiquesAncien Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de ParisAncien directeur du cabinet du Ministre de l’IntérieurAncien Préfet de la Seine-Saint-DenisAncien Délégué à l’Aménagement du Territoire et à l’Action RégionaleAncien directeur de l’architecture au ministère de l’Urbanisme et du LogementAncien président du conseil d’administration de l’agence foncière et technique de la région parisienneAncien directeur de l’architecture et de l’urbanisme au ministère de l’Equipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports

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��Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

GiuseppeRICCERIIngénieur en travaux publicsDiplômé de l’Université de Padoue spécialiste en constructions souterrainesPrésident du Conseil supérieur des travaux publics du Ministère italien des infrastructures et des transportsMembre de l’International Society for Soil Mechanics and Foundation EngineeringMembre du groupe de travail “Tunnels” de la Commission intergouvernementale franco-italienne pour la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-TurinExpert pour un grand nombre de projets routiers et ferroviaires en ItalieProfesseur de géotechnique à l’Université de Padoue et à l’Université de Florence

Fernando ROJAS URTASUNLicencié en droit et en sciences économiques et de l’entrepriseMembre du corps des inspecteurs des finances de l’Etat des Contrôleurs et Auditeurs de l’Etat et des Techniciens des FinancesDirecteur général de la Programmation Economique au Ministère du FOMENTOAncien sous-directeur général d’information et d’assistance fiscale de l’agence d’Etat de l’administration fiscaleAncien sous-directeur général des achats Ancien collaborateur de la Banco de Madrid (15 ans)

AlfonsoROSSIBRIGANTEDiplômé en droitPrésident de l’Autorité de surveillance des travaux publicsMagistrat de la Cour des Comptes italienne (gestion du Ministère des travaux publicset de l’ANAS, l’agence des routes nationales)Ancien directeur de cabinet de plusieurs ministres (Environnement, Marine marchande, Travaux publics, transports et navigation et enfin, Santé)Ancien secrétaire général de la Cour des comptes et ancien président de sectionAncien fonctionnaire du Ministère des travaux publics

AndréROSSINOT Ancien MinistreDocteur en médecine, spécialiste ORLMaire de Nancy – Président de la Communauté Urbaine du Grand Nancy Président du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT)Président de la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme (FNAU)Secrétaire Général de l’Association des Maires de Grandes Villes de FranceAncien Ministre de la Fonction PubliqueAncien député de Meurthe-et-Moselle

Ancien directeur des personnels, de la formation et de l’action sociale au ministère de l’IntérieurAncien conseiller technique au cabinet du ministre de l’intérieurAncien rapporteur général de la mission de réforme des administrations centrales

ClaudeMARTINANDAncien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et ChausséesVice-Président du CGPCPrésident d’honneur, fondateur de RFFPrésident de l’Institut de la Gestion DéléguéeAdministrateur d’Aéroports de Paris Ancien Conseiller Economique et Social (1999-2004)Ancien Directeur des Affaires Economiques et Internationales du ministère de l’Equipement, des Transports et du LogementAncien Directeur Général de l’IGN Ancien Directeur de Cabinet du Ministre des Transports

Auteur de nombreux ouvrages :Le génie urbain – La Documentation française (1986)Divers articles sur le service public, les réseaux et les territoiresL’avenir du transport ferroviaire – Rapport introductif au débat national (1996) Le financement privé des équipements publics - Economica (1993)La maîtrise des services publics urbain organisés en réseaux – Avis présenté au CES – Edition des journaux officiels (2001)Environnement et Développement Durable. L’indispensable mobilisation des acteurs économiques et sociaux – Avis présenté au CES – Editions des journaux officiels (2003)

GérardMASSINAncien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et ChausséesPrésident du groupe SETEC Ancien conseiller technique au cabinet du Premier Ministre (secteur équipement, logement, transports, mer, aménagement du territoire, environnement) Ancien président-directeur général de la Société Auxiliaire de Chauffage (SAC)Ancien directeur technique de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville Nouvelle de Cergy-PontoiseAncien directeur de l’Agence d’Urbanisme pour l’Agglomération Strasbourgeoise

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Ancien Président de l’Association des Villes Européennes TGV et Président d’honneur de l’association «Les Villes Européennes de la Grande Vitesse»

OdileSALLARDDiplômée d’économie, de gestion et de comptabilité de l’Université de Paris et de l’Institut d’Etudes Politiques de ParisDirecteur de la direction de la gouvernance publique et du développement territorial à l’OCDEAncien chef d’une Division des études nationales au Département des affaires économiques (OCDE)Ancien directeur du Service du développement territorial (OCDE)Ancien chef du Cabinet du Secrétaire général (OCDE)Ancien directeur adjoint de la direction de l’éducation, de l’emploi, du travail et des affaires sociales (OCDE)Ancien Directeur du Service de la gestion publique (OCDE)Ancienne collaboratrice de la Direction de la prévision du Ministère français des Finances

PatrickSTAESMA History, Catholic University of LouvainMA Public Management and Public Administration, Catholic University of LouvainGeneral Advisor - National Expert Seconded to European Institute for Public Administration (Maastricht)Member of the Board of the Belgian Institute of Public AdministrationMember of the European Group of Public Administration (EGPA)Representative for Belgian in the Innovative Public Service Group (IPSG), a group of European experts under the authority of the group of Director Generals of the member states of the EU, in charge of Public Services.Member of the EFQM Community of Practice: Public Sector.Trainer in many national and international seminars on public managementPast Secretary-general of the Flemish Association for Public Management

Pierre VERKAERENLicence en droit UCLInspecteur des financesPrésident du Comité de direction du Service public fédéral Budget et Contrôle de la Gestion Commissaire du gouvernement et délégué du Ministre du budget dans différents organismes publicsChargé de cours dans plusieurs établissements

Ancien administrateur délégué membre du Comité de direction de la Banque de LA POSTE Ancien Chef de cabinet du Ministre du Budget et des Finances (Région wallonne) Ancien Directeur de cabinet du Ministre bruxellois de la Communauté française Ancien Conseiller au cabinet du Ministre du Budget (Etat fédéral) Ancien administrateur et président de différentes cliniques du secteur libre bruxellois et d’une fédération hospitalière

Auteur de diverses publications sur les finances publiques

PaulVIALLEAncien élève de l’Ecole polytechniqueIngénieur général du génie rural, des eaux et des forêtsVice-président du conseil général du Génie rural, des eaux et des forêts Président du conseil d’administration de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) Président du Comité permanent de coordination des inspections (COPERCI)Président du Comité technique permanent de la sélection végétale Président-fondateur de GénoplanteAncien président de l’Observatoire des missions et des métiersAncien directeur général de l’INRAAncien directeur adjoint du cabinet du, ministre de l’Agriculture et de la ForêtAncien directeur de l’Institut National Agronomique de Paris Grignon

MichaelWHITEHOUSEAssistant Auditor General in National Audit Office(in charge of the audit of the Department of Work and Pensions, the Department for Education and Skill, the Office of the Deputy Prime Minister and Regional Development Agencies) .Responsible for the overall quality and technical development of the NAO’s value for money reports. Leader at board level on the NAO’s finances and corporate governanceReporter to Parliament on the impact of the Government’s initiatives to modernise and improve public services Past appointment in New Zealand with the Office of the Auditor General.Past UK Audit Commissioner for the European Space Agency

Published reports:Modernising Procurement, Better Policy Making, Joining up to improve public services, Modern Electronic Government including the management of IT projects, Modernising Construction,

BiograPhies des intervenants

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Bicentenaire du CGPC n 17 novembre 2004 - ecole nationale d’administration - Paris

ExpErtisE Et contrôlE : dialoguEs sans frontièrEs

Supporting Innovation – risk management by departments, Purchasing Professional services, the Invest to Save programme, Call Centres and Better Public Service through e-government.

AntonyWRIGHTAgricultural economist and statistician, Acting Director General and Internal Auditor in the European Commission’s Internal Audit ServiceResponsible for setting up the Commission’s newly created Internal Audit Service,Past career in the European Commission in the area of budgeting, audit management and

resource management

ContactConseil général des Ponts et Chaussées : [email protected]

Site internet http://rp.equipement.gouv.fr/bicentenaire-cgpc/home.htm

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