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Exactions commises dans le cadre du conflit armé au Baloutchistan Avertissement Ce document a été élaboré par la Division de l’Information, de la Documentation et des Recherches de l’Ofpra en vue de fournir des informations utiles à l’examen des demandes de protection internationale. Il ne prétend pas faire le traitement exhaustif de la problématique, ni apporter de preuves concluantes quant au fondement d’une demande de protection internationale particulière. Il ne doit pas être considéré comme une position officielle de l’Ofpra ou des autorités françaises. Ce document, rédigé conformément aux lignes directrices communes à l’Union européenne pour le traitement de l’information sur le pays d’origine (avril 2008) [cf.https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/lignes_directrices_europeennes.pdf], se veut impartial et se fonde principalement sur des renseignements puisés dans des sources qui sont à la disposition du public. Toutes les sources utilisées sont référencées. Elles ont été sélectionnées avec un souci constant de recouper les informations. Le fait qu’un événement, une personne ou une organisation déterminée ne soit pas mentionné(e) dans la présente production ne préjuge pas de son inexistence. La reproduction ou diffusion du document n’est pas autorisée, à l’exception d’un usage personnel, sauf accord de l’Ofpra en vertu de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle. 1. Exactions étatiques à l’encontre des nationalistes baloutches et des populations locales Ces dernières années, les forces de sécurité et les agences de renseignement pakistanaises ont systématiquement assimilé tous les partis nationalistes baloutches aux organisations les plus radicales. 1 La répression de groupes armées et des mouvements nationalistes baloutches s’est notamment traduite par des opérations militaires dans les zones perçues comme des bastions de l’insurrection baloutche et par d’innombrables enlèvements et assassinats. Certaines victimes d’enlèvements sont toujours portées disparues, mais d’autres sont retrouvées mortes par la suite. L’expression « kill and dump operations » désigne la pratique consistant à enlever une personne pour ensuite la « tuer et jeter » son cadavre dans la nature. 1 GRARE Frédéric, “Balochistan: the state versus the nation”, Carnegie Endowment for International Peace, avril 2013. PAKISTAN 08/09/2015 Fiche thématique

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Exactions commises dans le cadre du conflit armé au Baloutchistan

Avertissement

Ce document a été élaboré par la Division de l’Information, de la Documentation et des Recherches de l’Ofpra en vue de fournir des informations utiles à l’examen des demandes de protection internationale. Il ne prétend pas faire le traitement exhaustif de la problématique, ni apporter de preuves concluantes quant au fondement d’une demande de protection internationale particulière. Il ne doit pas être considéré comme une position officielle de l’Ofpra ou des autorités françaises. Ce document, rédigé conformément aux lignes directrices communes à l’Union européenne pour le traitement de l’information sur le pays d’origine (avril 2008) [cf. https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/lignes_directrices_europeennes.pdf], se veut impartial et se fonde principalement sur des renseignements puisés dans des sources qui sont à la disposition du public. Toutes les sources utilisées sont référencées. Elles ont été sélectionnées avec un souci constant de recouper les informations. Le fait qu’un événement, une personne ou une organisation déterminée ne soit pas mentionné(e) dans la présente production ne préjuge pas de son inexistence. La reproduction ou diffusion du document n’est pas autorisée, à l’exception d’un usage personnel, sauf accord de l’Ofpra en vertu de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.

1. Exactions étatiques à l’encontre des nationalistes baloutches et des populations locales Ces dernières années, les forces de sécurité et les agences de renseignement pakistanaises ont systématiquement assimilé tous les partis nationalistes baloutches aux organisations les plus radicales.1 La répression de groupes armées et des mouvements nationalistes baloutches s’est notamment traduite par des opérations militaires dans les zones perçues comme des bastions de l’insurrection baloutche et par d’innombrables enlèvements et assassinats. Certaines victimes d’enlèvements sont toujours portées disparues, mais d’autres sont retrouvées mortes par la suite. L’expression « kill and dump operations » désigne la pratique consistant à enlever une personne pour ensuite la « tuer et jeter » son cadavre dans la nature.

1 GRARE Frédéric, “Balochistan: the state versus the nation”, Carnegie Endowment for International Peace, avril 2013.

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Fiche thématique

Exactions commises dans le cadre du conflit armé au Baloutchistan

1.1. Disparitions forcées Selon l’ONG Voice of Baloch Missing Persons (VBMP),2 plus de 19 000 Baloutches victimes d’enlèvements sont toujours portées disparues depuis la reprise du conflit en 2002. Cette ONG a transmis un rapport détaillé aux Nations-unies contenant des preuves au sujet de ces personnes disparues. Le 12 janvier 2015, la Cour suprême du Pakistan a demandé au gouvernement fédéral de fournir, dans un délai de dix jours, des données précises concernant le nombre de personnes disparues dans le pays.3

Selon Farzana Majid (secrétaire-général de VBMP), les disparitions forcées au Baloutchistan « ont vraiment commencé en 2000, mais elles se sont intensifiées en 2004. Depuis 2006, ce sont environ 6 000 corps que l’on a retrouvés, dont 500 mutilés pour la seule année 2014 ».4 Ces disparitions sont le résultat d’une stratégie imaginée par les autorités pakistanaises pour écraser la rébellion baloutche et s’inscrivent dans le cadre d’une « répression croissante » menée par le gouvernement à l’encontre « des leaders nationalistes, politiques et étudiants du Baloutchistan ».5 En sus des activistes et des insurgés, les victimes de ces disparitions sont des individus soupçonnés de sympathies envers les insurgés, des nationalistes présumés, des étudiants, des professeurs, des avocats, des journalistes6 et d’autres personnes éduquées.7 Selon un leader de la BSO-A, « Toute personne liée de près ou de loin au mouvement séparatiste est ciblée. S’ils partent se cacher, leurs familles sont punies ».8 L’ONG Human Rights Commission of Pakistan (HRCP) estime que la plupart des disparitions sont commises par « les agences de renseignement ou les Frontier Corps, qui agissent parfois avec le concours de la police locale ». Dans la plupart des cas documentés, les ravisseurs ont agi en pleine lumière, parfois devant une foule importante et sans se soucier de la présence de nombreux témoins.9 Selon Amnesty International (AI), les circonstances des enlèvements (nombre de ces personnes sont enlevées en plein jour, devant des témoins, sans que les ravisseurs ne cherchent à cacher leur identité) démontrent que ces disparitions sont menées avec l’aval de l’Etat pakistanais.10 La Lashkar-e-Jhangvi (LeJ) et d’autres groupes terroristes, dont certains sont perçus comme des forces supplétives à la solde de l’armée pakistanaise, sont également impliqués dans les opérations « kill and dump » .11 En septembre 2014, Dr Abdul Malik Baloch, Premier ministre du Baloutchistan, a ainsi déclaré que 72 groupes sont impliqués dans des enlèvements au Baloutchistan.12

2 Pour de plus amples informations concernant VBMP, voir notamment : OFPRA (DIDR), Les acteurs du conflit armé au Baloutchistan, 08/09/2015. 3 Bolan Times, “Pakistan: persistent crisis in Balochistan – Analysis”, 22/01/2015. 4 Libération, « Au Baloutchistan, chaque jour, des gens disparaissent », 20/05/2015. 5 The New York Times, « Pakistan’s bitter, little-known ethnic rebellion », 23/08/11. 6 Pour de plus amples informations concernant les meurtres de journalistes au Baloutchistan, voir notamment : OFPRA (DIDR), Le conflit armé au Baloutchistan et ses conséquences humanitaires, 08/09/2015. 7 GRARE Frédéric, art.cit. 8 Reuters, “The struggle Pakistan does not want reported”, 23/09/2013. 9 GRARE Frédéric, art.cit. 10 Daily O, “Why does ISI fear an old man and a Baloch girl so much ?”, 12/04/2015. 11 BBC, “Balochistan: the untold story of Pakistan's other war”, 22/02/14. 12 Dawn, “Situation in Balochistan much better now”, 21/09/14. Pour de plus amples informations au sujet de la LeJ et des groupes terroristes opérant au Baloutchistan, voir notamment : OFPRA (DIDR), Les acteurs du conflit armé au Baloutchistan, art.cit.

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L’armée, les Frontier Corps (FC) et le gouvernement pakistanais ont constamment nié être responsables des violences au Baloutchistan, et imputent la responsabilité de ces exactions à une myriade de groupes armés opérant dans la région.13 Raja Irshad, un avocat qui représente l’armée pakistanaise, affirme que les forces de sécurité font face à un dilemme, car le système judiciaire pakistanais est trop faible pour poursuivre les personnes soupçonnées d’être des rebelles séparatistes : « A mon avis, les personnes disparues sont des militants. Quand ils affrontent les forces de sécurité, ils sont tués. Aucun innocent n’a été enlevé par les agences de sécurité, aucun jeune désarmé n’a été tué au Baloutchistan ».14 Dans un article paru en septembre 2013, Matthew Green, correspondant de l’agence Reuters en Afghanistan et au Pakistan, souligne que les dépouilles de 18 personnes enlevées au Baloutchistan ont été retrouvées à Karachi depuis le début de l’année 2013 et remarque que ce fait constitue une « phénomène nouveau ».15 Un éditorialiste du journal The Daily Tawar accuse les agences de sécurité d’utiliser Karachi comme une « décharge » où sont jetées les dépouilles de personnes enlevées au Baloutchistan dans l’espoir que les découvertes de ces corps passeront inaperçues dans une ville marquée par un nombre très élevé d’homicides.16 Les charniers de Khuzdar Selon des données recueillies par South Asia Terrorism Portal (SATP), au moins 153 cadavres criblés de balles ont été retrouvés au Baloutchistan en 2014 (contre 39 en 2013). Au total, 124 de ces corps ont été retrouvés dans les régions séparatistes situées au sud de la province, et 29 dans les zones majoritairement pachtounes, situées au nord de la province. L’augmentation spectaculaire du nombre de corps retrouvés entre 2013 et 2014 est essentiellement imputable à la découverte, en janvier 2014, de trois charniers dans le district de Khuzdar.17 Selon Malik Siraj Akbar, journaliste baloutche exilé aux Etats-Unis, depuis cette découverte, le gouvernement fédéral n’a rien fait pour établir la vérité sur ces fosses et a tenté de faire diversion en accusant l’Inde d’être impliquée dans cet évènement ou en contestant le nombre de cadavres retrouvés.18 D’après les autorités pakistanaises, 13 corps décomposés ont été retrouvés dans ces fosses, alors que des habitants de la région affirment que celles-ci contenaient près de 169 cadavres de Baloutches enlevés puis tués par les forces de sécurité.19 Selon un cadre du Baloch Republican Party (BRP), seuls trois corps ont pu être identifiés comme des personnes ayant été enlevées à leur domicile par des paramilitaires pakistanaises. Décomposés, les autres dépouilles n’ont pas pu être identifiées.20 L’armée a rapidement interdit l’accès aux fosses et pris le contrôle des autres corps, empêchant ainsi tout examen médico-légal complémentaire.21

13 BBC, “Balochistan: the untold story of Pakistan's other war”, 22/02/2014. 14 Reuters, 23/09/13, art.cit. 15 Ibid. 16 Ibid. 17 Bolan Times, 22/01/15, art.cit. 18 The World Post, “The Mass Graves of Balochistan”, 21/08/2014. 19 RFE/RL, “Pakistani Supreme Court probes Balochistan mass grave”, 04/02/14. 20 International Business Times, “Balochistan: hundreds of people abducted and murdered by Pakistan army activists warn”, 12/03/15. 21 Ibid.

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Les habitants de la région ont demandé à l’ONU d’envoyer une équipe pour enquêter sur ces charniers.22 1.2. Des mesures législatives jugées propices à la commission d’exactions Divers observateurs déplorent l’adoption récente de nouvelles mesures jugées propices à l’accroissement de la répression et des exactions au Baloutchistan : Adoptée en juillet 2014, la loi dite Protection of Pakistan Act (PPA) offre à l’armée et aux forces de sécurité une autorisation légale pour commettre des exactions (exécutions extrajudiciaires, arrestations arbitraires, enlèvements, tortures) et imposer des restrictions à la liberté de la presse.23 L’ordonnance dite Maintenance of Public Order (MPO) est une mesure de détention préventive qui permet à l’Etat d’ignorer les procédures légales habituelles lorsque le gouvernement estime qu’une personne représente une menace pour la sécurité et l’ordre public. Cette ordonnance permet au gouvernement d’arrêter et de détenir des suspects jusqu’à six mois.24 Au lendemain du massacre commis en décembre 2014 dans une école militaire de Peshawar25, un amendement constitutionnel est venu renforcer ce dispositif. Voté dans le cadre d’un nouveau plan appelé National Action Plan Against Terrorism, cet amendement autorise les tribunaux militaires (en lieu et place des tribunaux civils) à traiter des affaires de terrorisme, et permet des poursuites secrètes tout en empêchant la tenue d’un procès équitable. D’aucuns redoute que cet amendement soit utilisé contre des civils baloutches.26 Au lendemain de l’attaque de l’école de Peshawar en décembre 2014, le gouvernement a mis fin au moratoire sur la peine de mort. Le 28 mai 2015, les autorités ont pendu sept personnes, dont trois pirates de l’air baloutches condamnés à mort en 1998. Membres de la BSO, tous trois avaient détourné un avion de ligne pakistanaise pour contraindre le gouvernement pakistanais à annuler des essais nucléaires prévus fin mai 1998 au Baloutchistan et avaient ordonné au pilote d’aller en Inde. Les autorités pakistanaises ont fait échouer ce plan et sont parvenus à faire atterrir l’avion à Hyderabad, où des troupes ont lancé un assaut contre l’avion et arrêté les pirates.27 Selon Amnesty International, la pendaison de ces activistes baloutches constitue une réminiscence de l’usage de la peine de mort comme un moyen de « faire taire la dissidence politique ».28 1.3. Mises en scène de faux affrontements armés Selon certains observateurs des droits de l’homme au Baloutchistan, les autorités pakistanaises envisagent de changer de méthodes répressives en délaissant les opérations

22 Pikalbaloch.wordpress.com, “BRP protests in Geneva against enforced disappearances, kill and dump and mass graves in Balochistan”, 13/03/14. 23 Unrepresented Nations and Peoples Organization (UNPO), “Briefing note: the plight of the Baloch”, mars 2015. 24 Human Rights Watch (HRW), We are the walking dead – Killings of shia hazaras in Balochistan, Pakistan, juin 2014. 25 Revendiqué par le TTP, ce massacre a coûté la vie à 134 enfants d’officiers pakistanais. 26 UNPO, art.cit. 27 Bolan Times, “Amnesty International (AI) says it is “absolutely shameful” that Pakistan has responded to terrorist attacks with the rapid executions of convicts”, 30/05/15. 28 Ibid.

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« kill and dump » au profit de « faux affrontements armés » permettent de « maquiller » les enlèvements et les meurtres d’activistes baloutches.29 Le 11 avril 2015, 20 ouvriers travaillant sur un site en construction près de Turbat ont été assassinés. Attribuant ces meurtres à des groupes armés baloutches, le ministre de l’Intérieur du Baloutchistan a demandé au gouvernement fédéral « d’étendre l’offensive militaire en cours [au Waziristân du Nord] contre les militants religieux [les talibans du Tehrik-e-Taliban Pakistan, TTP] aux militants ethniques [les insurgés baloutches] ».30 Le 13 avril 2015, les FC ont déclaré avoir tué 13 combattants baloutches qui auraient pris part aux meurtres des 20 ouvriers.31 Organisations baloutches et proches de civils disparus ont rejeté les affirmations des FC et affirmé que les 13 victimes ont été enlevées, puis tuées lors de faux affrontements armés. Ainsi, selon Mama Qadeer (fondateur de VBMP), « Les treize personnes tuées par les FC à Turbat ne sont pas des combattants mais des nationalistes, qui ont été enlevés par des agences [de renseignement pakistanaises] il y a déjà un certain temps. Les FC affirment avoir tué des insurgés [lors d’un affrontement armé] alors qu’il s’agit d’exécutions extrajudiciaires ».32 Mama Qadeer a en outre déclaré que la Baloch Liberation Army (BLA) n’était pas impliquée dans le massacre des 20 ouvriers et affirmé que : « Les agences [de renseignements pakistanaises] ont tué ces ouvriers pour semer la discorde entre Sindhis et Baloutches [plusieurs des ouvriers tués étant des Sindhis] ».33 1.4. Opérations militaires Dans un article paru en avril 2013, Frédéric Grare34 souligne que les méthodes répressives du gouvernement pakistanais au Baloutchistan ont changé au fil du temps : les opérations militaires ont cessé, tandis que les disparitions et assassinats se sont multipliés à travers toute la province.35 D’autres sources affirment néanmoins que des opérations militaires ont été conduites en 2014 et en 2015 au Baloutchistan dans des zones considérées comme des bastions de l’insurrection, notamment le district de Dera Bugti. En mars 2014 Selon Brahamdagh Khan Bugti (président du BRP), des centaines de Baloutches (dont des femmes et des enfants) ont été tués ou blessés en mars 2014 lors d’opérations militaires à Dera Bugti, Mashkai, Turbat, Kohistan Marri et Panjgur.36

29 The Express Tribune, “Raising his voice: 21,000 missing in Balochistan, says Mama Qadeer”, 17/04/15; Balochwarna News, “Balochistan: Pakistan military kills previously abducted Baloch in a staged encounter”, 15/04/15. 30 AFP, « Pakistan : 20 ouvriers tués par des rebelles séparatistes au Baloutchistan », 11/04/15. 31 RFE/RL, “Pakistani force says kills militants behind deadly dam attack”, 13/04/15. 32 The Express Tribune, art.cit. 33 Ibid. 34 Chercheur associé à la Fondation Carnegie Endowment for International Peace, Frédéric Grare a écrit de nombreux articles sur les mouvements islamistes et les conflits sectaires en Afghanistan et au Pakistan. Un temps en poste à l’ambassade de France au Pakistan, Frédéric Grare a aussi été le directeur du Centre for Social Sciences and Humanities de New Delhi, de 1999 à 2003. 35 GRARE Frédéric, art.cit. 36 Pikalbaloch.wordpress.com, art.cit.

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Ces opérations (menées avec des hélicoptères équipés de mitrailleuses et des armes lourdes de fabrication américaine) ont aussi entraîné la destruction de plusieurs centaines de maisons.37 En janvier 2015 Plusieurs offensives auraient été menées en janvier 2015. Dans ce cadre, des bombardements au moyen d’hélicoptères et d’avions de combat auraient été menés contre plusieurs localités, et des troupes déployées au sol auraient pris d’assaut et incendié des maisons.38 Dans un article paru mi-janvier 2015, le site web Balochwarna News souligne que les forces de sécurité ont « accéléré leurs attaques contre les Baloutches » depuis le début de l’année 2015 en menant des opérations militaires brutales à Mashkay, Panjgur, Turbat, Pasni, Barkhan, Kohlu, Dera Bugti, Awaran, Dasht, et Khuzdar.39 Selon la source précitée, ces opérations militaires ont tué des dizaines de civils : le 2 janvier, des avions de combat ont bombardé le village de Senedi (tehsil de Maskhay, district d’Awaran) tuant sept personnes d’une même famille; le 5 janvier, des avions de combat ont bombardé Jhau (district d’Awaran) tuant un enfant de 7 ans et faisant plusieurs blessés ;40 dans la soirée du 5 janvier, au moins huit civils ont perdu la vie dans les bombardements continuels menés contre les villages du tehsil de Maskhay. 41 Selon le site web Bolan Times, les FC et le Home and Tribal Affairs Department ont confirmé la tenue de ces opérations mais passé sous silence la mort de civils, en affirmant que ces opérations ont été menées contre des insurgés baloutches.42 Le 4 janvier 2015, le Baloch National Front (BNF) a appelé à la grève générale et à l’organisation de manifestations dans la province pour protester contre ces opérations militaires. Cet appel à la grève a paralysé la vie quotidienne de nombreux habitants.43 En mars 2015 Selon le site web Bolan Times, l’armée et les FC ont mené simultanément plusieurs opérations conjointes dans le tehsil de Mashkay. Munis de haut-parleurs, ils ont d’abord ordonné aux résidents de Nojko de sortir de leurs maisons. Selon le témoignage d’un résident, les hommes ont ensuite été regroupés séparément pour procéder à leur identification. Pendant ce temps, les forces de sécurité ont mis feu à des maisons. Ce fait a suscité la colère des habitants. Les forces de sécurité ont alors tiré sur des civils désarmés et abattu un homme qui demandait le motif de cette opération. Elles ont ensuite menotté et bandé les yeux à une dizaine de résidents, avant de les conduire dans des lieux tenus secrets.44 Lors d’une opération similaire menée à Kapor (à l’est du tehsil Mashkay), un homme a été tué et sept maisons ont été incendiées. Durant plus de huit heures, des hélicoptères ont effectué des vols de surveillance dans les environs de Maskhay. Les bombardements ont ensuite commencé, faisant un nombre de victimes inconnus. Selon un enseignant vivant

37 Ibid. 38 Balotchistan2day, “At least 8 innocent civilians, including three minors killed and scores injured as PAF fighter jets continued bombing Mashkay villages until Monday evening”, 06/01/15. 39 Balochwarna.com, “Pakistani forces demolishes Baloch houses in Hub Chowki Balochistan”, 17/01/15. 40 Balotchistan2day, art.cit. 41 Ibid. 42 Bolan Times, “Military operations: new year presents for Balochistan”, 05/01/15. 43 Ibid. 44 Bolan Times, “Mashkay surroundings are under fire. Pakistani forces burning houses and firing mortar bombs”, 24/03/15.

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dans la région, « Des dizaines de véhicules militaires sont arrivés de Khuzdar. Nous vivons constamment sous la menace depuis la découverte de vastes réserves de pétrole et de gaz dans les montagnes situées entre Jahoo et Kapor et dans les zones environnantes. Ces opérations visent à faire partir les populations vivant dans les environs de Kapor ».45 Selon le site web Bolan Times, les résidents du tehsil de Maskhay ont reçu un ultimatum des FC basés à Maskhay leur donnant un délai de 500 heures pour quitter leurs maisons et leur région.46

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Ces opérations militaires donnent souvent lieu à des actions de représailles menées par des groupes armés baloutches. Ainsi, un attentat commis le 8 avril 2014 à Sibi a provoqué la mort de 17 passagers à bord d’un train. Revendiqué par l’United Baloch Army (UBA), cet acte aurait été commis en réponse à une opération militaire menée la veille à Kalat, bastion de la rébellion armée.47 2. Exactions commises par des groupes armés baloutches Selon Luc Bellon,48 les actions violentes commises par des groupes armés baloutches sont devenues véritablement meurtrières à partir de 2006. Depuis lors, militaires et membres des forces de sécurité sont les cibles principales de leurs attaques, mais les membres et les représentants du gouvernement sont également visés.49 Les Baloutches soupçonnés de collaborer avec les autorités et/ou l’armée sont aussi menacés et pris pour cible par des groupes armés baloutches, comme cela fut notamment le cas à Mekhter (district de Loralai), en janvier 2015. Certains attentats attribués à des groupes armés baloutches ont entraîné la mort de dizaines de civils, victimes de frappes aléatoires et indiscriminées, comme cela fut par exemple le cas en avril 2014 à Islamabad. En outre, les assassinats de Punjabis installés au Baloutchistan se sont multipliés depuis 2007, provoquant un exode massif de ces populations. Bâtiments et infrastructures étatiques sont également visés ou sabotés par des insurgés baloutches. Selon le journaliste baloutche Malik Siraj Akbar, ces derniers ont attaqué presque toutes les principales installations du gouvernement fédéral à Quetta, dont le cantonnement militaire de l’armée.50 De plus, de nombreux équipements publics (égouts, voies de chemin de fer, conduites de gaz, poteaux électriques) ont été visés par des attentats, tout comme certaines installations médicales ou éducatives.51 Les infrastructures stratégiques nationales comme les gazoducs et les chemins de fer sont particulièrement ciblés.52 Depuis 2005-2006, les nationalistes baloutches ont ainsi fait exploser de nombreux gazoducs, au motif que le gaz baloutche est, selon eux, pris de force

45 Ibid. 46 Ibid. 47 Pour de plus amples informations concernant les groupes armés baloutches, dont l’UBA, voir notamment : OFPRA (DIDR), Les acteurs du conflit armé au Baloutchistan, art.cit. 48 Luc Bellon est diplômé en anthropologie de l’EHESS. 49 BELLON Luc, « La ville de Quetta et la guérilla baloutche - Enjeux d’une violence politique urbaine », dans DORRONSORO Gilles et al., Identités et politique, Presses de Sciences Po (FNSP), 2014. 50 The World Post, “The end of Pakistan's baloch insurgency ?”, 03/11/14. 51 BELLON Luc, art.cit. 52 Ibid.

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et acheminé vers d’autres provinces du pays, sans que les Baloutches ne bénéficient de la moindre retombée.53 D’autre part, selon Luc Bellon, alors qu’auparavant la plupart des explosions restaient d’origine inconnue, les attentats sont désormais revendiqués et clairement porteurs de messages politiques.54 2.1. Attentats imputés à des groupes armés baloutches En 2014 et 2015, plusieurs attentats attribués à des groupes armés baloutches ont été très meurtriers. Certaines attaques ont visé des militaires ou des membres des forces de sécurité, tandis que d’autres ont fait des victimes civiles. - en mars 2014, un attentat a fait au moins 10 morts et 31 blessés à Quetta. Activée à distance, une bombe de dix kilos a explosé dans le centre-ville au passage d'un convoi de paramilitaires.55 - le 8 avril 2014, dans la ville de Sibi (située à 160 kilomètres au sud de Quetta), une explosion dans un train a tué 17 personnes et en blessé une cinquantaine. Revendiquée par l’UBA, cette attaque a été conduite en représailles à une opération militaire menée la veille par des paramilitaires dans le district de Kalat, un bastion de la rébellion armée.56 - en avril 2014, l’UBA a revendiqué une attaque menée à Islamabad ayant fait au moins 24 morts et plus de 115 blessés. Le porte-parole de l’UBA a déclaré que son groupe a mené cette attaque en représailles aux opérations militaires en cours dans le district de Kalat, au cours desquelles plus de 40 insurgés auraient été tués.57 Il s’agit de la première attaque revendiquée par des groupes armés baloutches dans la capitale pakistanaise. Cependant, différents groupes armés baloutches ont par le passé revendiqué des attentats à Lahore et à Karachi.58 - en janvier 2015, la BLA a mené une attaque contre un poste de contrôle des FC près de Mekhter (district de Loralai) et tué au moins 10 personnes. Un porte-parole de l’armée a confirmé que près de 40 assaillants ont attaqué les FC.59 Selon un porte-parole de la BLA, ce groupe armé baloutche a mené cette action pour répondre à des attaques aériennes de l’armée pakistanaise ayant causé la mort de nombreux civils dans la région.60 Ce porte-parole de la BLA a aussi mis en garde les collaborateurs des forces étatiques en leur demandant de cesser cette coopération: « Certains notables locaux collaborent avec les forces d’occupation et prévoient de commencer de nouvelles excavations pour exploiter de nouvelles mines de charbon dans la région. Notre organisation a déjà demandé à ces individus de cesser d’être les complices du pillage des ressources nationales baloutches, faute de quoi ils ne seront pas épargnés ». Il a ajouté que les membres de la BLA recueillaient les noms des collaborateurs impliqués dans l’exploitation de la mine de charbon de Chamalang (district de Loralai).61

53 The World Post, “Why Pakistan is embarrassed to talk about Balochistan”, 05/12/14. Pour de plus amples informations concernant les enjeux, notamment économiques, du conflit au Baloutchistan, voir également : OFPRA (DIDR), Enjeux et facteurs du conflit armé au Baloutchistan, 08/09/2015. 54 BELLON Luc, art.cit. 55 PERELMAN Rémi, « Le Baloutchistan, une entité ethnique transfrontalière sur un territoire d’importance stratégique », Asie21, avril 2014 56 Ibid. 57 Dawn, “Baloch separatists claim Islamabad terror attack; 24 killed”, 09/04/14. 58 Dawn, “Islamabad blast brings Balochistan issue to limelight”, 09/04/14. 59 Balochwarna.com, “Baloch Liberation Army accepts responsibility for killing 10 Pakistani soldiers”, 14/01/15. 60 Ibid. 61 Ibid.

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- en février 2015, des combattants de la BLA ont revendiqué une attaque contre des militaires pakistanais dans le district de Sibi. Ils ont affirmé avoir tué plus de 20 soldats et avoir récupéré les armes et les munitions laissées derrière eux par les soldats en fuite.62 2.2. Des attaques d’origine incertaine La responsabilité de certaines attaques s’avère difficile à établir, en raison de l’existence de sources divergentes. Certaines exactions attribuées par les autorités à des groupes armés baloutches sont ainsi imputées par les nationalistes baloutches à des acteurs étatiques. Cela fut notamment le cas en avril 2015, lors du massacre de 20 ouvriers près de Turbat, et en mai 2015 à Mastung, lors du massacre d’une vingtaine de passagers qui voyageaient en bus. - s’agissant du massacre commis près de Turbat, l’AFP cite un responsable local de la police, selon qui les 20 ouvriers ont été abattus à bout portant après que les assaillants eurent vérifié qu’ils n’étaient pas originaires du Baloutchistan (16 des victimes seraient originaires du Pendjab et 4 autres du Sind). L’AFP souligne que l’attaque a été revendiquée par le BLF et cite un porte-parole de ce groupe armé, qui aurait déclaré : « Nous continuerons notre combat contre l’occupation pakistanaise jusqu’à la libération du Baloutchistan ».63 Cependant, d’autres sources affirment que les groupes armés baloutches ne sont pas impliqués dans ce carnage, à l’instar de Mama Qadeer (fondateur de VBMP). Selon ce dernier, « Les agences [de renseignement] ont tué ces ouvriers pour semer la discorde entre Sindhis et Baloutches ».64 - le 29 mai 2015, 19 passagers ont été tués dans une embuscade contre un bus dans le district de Mastung. Selon certaines sources, les victimes ont été tuées après avoir été identifiées en tant que Pachtounes.65 D’autre part, des sources officielles affirment que les forces de sécurité ont secouru cinq passagers après un échange de tirs avec les assaillants.66 Le journaliste Ahmar Mustikhan remarque que cette tuerie est survenue au lendemain d’un échange verbal entre deux leaders de la coalition gouvernementale en place au Baloutchistan lors d’une conférence relative au China Pakistan Economic Corridor (CPEC).67 A cette occasion, le sénateur Hasil Bizenjo, président du National Party (NP), a exprimé sa crainte concernant la présence massive de réfugiés afghans (pour la plupart Pachtounes) au Baloutchistan et exigé que ces derniers retournent en Afghanistan. Son partenaire de la coalition gouvernementale, Mahmud Khan Achakzai, président du Pashtunkhwa Milli Awami Party, lui a répondu avec véhémence et a pris fait et cause pour les réfugiés afghans.68 Selon Ahmar Mustikhan, ce vif échange verbal a fourni à l’ISI69 une excellente opportunité pour concevoir la tuerie de Mastung, dont le but principal serait d’étendre l’opération Zarb-e-Azb70 au Baloutchistan.71

62 Bolan Times, “Ambushed attack on Pakistani army convoy”, 20/02/15. 63 AFP, art.cit. 64 The Express Tribune, art.cit. 65 IHS Jane's Intelligence Weekly, “Increase in militant attacks in Pakistan's Balochistan in one-year outlook, but Chinese investments unlikely to be affected”, 08/06/2015. 66 Dawn, “Militants kill 20 abducted passengers in Balochistan's Mastung”, 30/05/15. 67 Pour de plus amples informations concernant le CPEC, voir notamment : OFPRA (DIDR), Enjeux et facteurs du conflit armé au Baloutchistan, art.cit. 68 Newsvine, “Pashtun killings in Mastung: separating facts from fiction”, 01/06/2015. 69 L’Inter-Services Intelligence (ISI) est la plus importante des trois branches des services de renseignements du Pakistan. Elle dépend officiellement des forces armées pakistanaises. Pour de plus amples informations concernant

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Ahmar Mustikhan cite aussi les propos de Mohammed Ali Baloch, un activiste baloutche exilé aux Etats-Unis. Selon lui, « ce massacre est clairement l’œuvre de l’ISI. Un Baloutche ne pourra jamais faire violence à des Pachtounes de cette façon, étant donné que de nombreux leaders baloutches ont du sang pachtoune dans les veines ». A cet égard, Ahmar Mustikhan précise que de nombreux leaders tribaux baloutches ont des origines pachtoune de par leur mère.72 D’autre part, Ahmar Mustikhan indique que Brahamdagh Khan Bugti (président du BRP) a estimé qu’il s’agissait d’un plan élaboré par le gouvernement fédéral pour semer la discorde entre Pachtounes et Baloutches. Cependant, la possibilité que des groupes armés baloutches soient responsables de cette tuerie n’est pas totalement écartée par Brahamdagh Khan Bugti : « Je n’ai jamais soutenu l’UBA ni aucune autre organisation militante baloutche par le passé. Bien sûr, nous [le BRP] condamnons toute personne qui serait impliquée dans ce massacre, y compris l’UBA ». Ahmar Mustikhan cite en outre des médias pakistanais, qui affirment qu’un porte-parole de l’UBA a revendiqué ce massacre, commis en représailles à des opérations militaires menées à Mastung et à Kalat.73 2.3. Meurtres de « colons » punjabi Depuis 2007, les migrants punjabis sont devenus la cible d’un nombre grandissant d’attentats.74 Selon HRCP, ces dernières années, certains groupes armés baloutches ont tué des centaines de « colons » originaires du Pendjab.75 Les nationalistes baloutches perçoivent comme des « colons » les individus qui se sont installés dans la province et qui n’appartiennent pas à l’ethnie baloutche, y compris les habitants dont les ancêtres sont arrivés dans la région avant la création de l’État pakistanais, en 1947.76 Les Punjabis sont perçus par les groupes armés baloutches comme complices du gouvernement fédéral. Ainsi, un porte-parole de la Baloch Republican Army (BRA), a déclaré en 2012 : « Nous croyons que le Baloutchistan devrait être principalement réservé aux Baloutches et qu’il ne devrait pas être contrôlé par des gens de l’extérieur qui se sont installés ici. Avec la complicité du gouvernement central, le Pendjab s’est emparé des ressources du Baloutchistan ».77 De nombreux barbiers punjabis établis à Quetta ont notamment été victimes de ces exactions. A cet égard, Luc Bellon souligne que « le meurtre de ces personnes, généralement considérées comme « d’innocents barbiers punjabi », a contrario d’hommes politiques reconnus, notables ou hauts fonctionnaires, c’est-à-dire quiconque pouvant être l’objet d’une rancune politique légitime, est traduit médiatiquement comme l’acharnement contre un groupe d’habitants méprisé du fait de son activité économique (barbiers) et de son

l’implication de l’ISI dans le conflit au Baloutchistan, voir notamment : OFPRA (DIDR), Les acteurs du conflit armé au Baloutchistan, art.cit. 70 Le 15 juin 2014, après deux attaques contre l’aéroport de Karachi revendiquées par le TTP, l’armée pakistanaise a lancé l’opération militaire Zarb-e-Azb au Nord-Waziristân, arguant du fait que les talibans ont fait de cette agence tribale une base arrière depuis laquelle des attaques sont lancées à travers tout le pays. 71 Ibid. 72 Ibid. 73 Ibid. 74 BELLON Luc, art.cit. 75 Reuters, art.cit. 76 IRIN, « Pakistan : des violences sectaires incontrôlables au Baloutchistan », 17/09/2012. 77 Ibid.

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appartenance au groupe ethnique dominant du pays. Aux yeux de nombreux Baloutches, ces meurtres revêtent pourtant une signification différente ».78 En 2007, « les Baloutches favorables à la lutte armée avaient un jugement réservé concernant les premiers meurtres de barbiers punjabi. Alors que la majorité des médias et de l’opinion publique (non baloutche) condamne toujours ces assassinats, les mêmes sympathisants de la lutte armée sont désormais persuadés que les victimes civiles punjabi sont en réalité des informateurs des agences de renseignement. Ce qui était inacceptable quelques mois plus tôt devient ainsi justifié. L’un d’entre eux affirme que « la BLA n’a jamais tué d’innocent. Elle a sa propre cellule de renseignement afin d’identifier ceux qui occupent notre territoire, ou les traitres qui donnent des informations aux agences gouvernementales. Cela regarde les combattants. Ils sont mieux placés que nous pour en juger ».79 D’autre part, « Ayant tendance à incarner l’Etat, les Punjabi doivent, s’ils veulent rester dans la ville de Quetta et être acceptés par la population baloutche, faire preuve de compassion et de solidarité envers la lutte nationaliste. Le parti politique Punjabi Itehad Balochistan (PIB), créé fin 2006, a pour principal objectif d’obtenir une protection pour la population punjabi de Quetta, en affirmant sa neutralité politique à l’égard des affrontements entre les Baloutches et le gouvernement ». 80 Les nombreux meurtres de Punjabis ont déclenché « une émigration massive des Punjabis, quittant les quartiers à majorité baloutche (comme Kili) et vendant leurs logements pour rejoindre le centre-ville, d’autres zones pachtounes de la province ou parfois d’autres contrées du pays ». 81 Selon le gouvernement fédéral, 100 000 personnes ont fui le Baloutchistan à la suite de l’escalade de la violence survenue en 2010. Selon un rapport publié en 2012 par HRCP, des milliers d’autres ont fui le Baloutchistan depuis 2011, et au moins 2 000 enfants de « colons » ont été retirés de l’école par leurs parents depuis lors.82 3. Exactions commises par des groupes terroristes pakistanais Au cours des années 2000, les exactions imputées à des groupes terroristes et à des organisations sectaires se sont multipliées au Baloutchistan. A cet égard, Frédéric Grare met en exergue l’essor de l’islamisme radical au Baloutchistan, survenu à la faveur du chaos prévalant dans la province et grâce aux efforts menés par un vaste réseau de madrasas déobandis. Cette tendance a eu pour corollaire une très forte hausse des meurtres sectaires au Baloutchistan, où le sécularisme est pourtant réputé solidement ancré.83 Diverses sources expliquent pour partie l’accroissement des violences sectaires par le soutien apporté par certains acteurs étatiques à des organisations telles que la Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP) et la Lashkar-e-Janghvi (LeJ). Bien que théoriquement interdites, ces organisations continuent d’organiser des rassemblements dans les grandes villes et possèdent ouvertement des armes. De nombreuses attaques ont lieu dans des zones où les FC sont pourtant très présents. Selon

78 BELLON Luc, art.cit. 79 Ibid. 80 Ibid. 81 Ibid. 82 IRIN, 17/09/12, art.cit. 83 GRARE Frédéric, art.cit.

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Frédéric Grare, « la violence sectaire a cru en raison de l’élargissement des espaces opérationnels pour les groupes qui s’y adonnent sans craindre d’être puni ».84 La « facilité » avec laquelle ces groupes opèrent au Baloutchistan s’explique aussi par le fait que la police et la justice n’ont pas les moyens d’enquêter ou de condamner les assassins, et sont probablement empêchées d’agir par les agences de renseignement.85 Les violences sectaires ont conduit de nombreux membres de minorités religieuses à quitter le Baloutchistan. En octobre 2014, HRCP a ainsi estimé que lors de ces dix dernières années, plus de 200 000 personnes (issues de communautés chiites, hindoues, parsies et zikries) ont fui la province.86 3.1. Violences sectaires à l’encontre des chiites et des Hazaras Ces dernières années, les meurtres d’Hazaras sont devenus de plus en plus courants. Selon Human Rights Watch (HRW), plus de 500 Hazaras ont été tués dans des attaques depuis 2008. En 2013, près de la moitié des chiites tués au Pakistan étaient des Hazaras du Baloutchistan.87 Les meurtres à l’encontre des FC et des policiers chargés d’assurer la protection des processions et de pèlerinages chiites, ainsi que des quartiers hazaras, ont eux aussi augmenté ces dernières années.88 Leaders chiites et hazaras dénoncent l’impunité dont jouissent les auteurs des exactions menées contre leurs communautés au Baloutchistan, grâce au soutien des agences de renseignement et de membres influents du gouvernement provincial.89 Ainsi, selon Sardar Saadat Ali, chef de la communauté hazara au Baloutchistan : « Nos protestations sont ignorées. Les extrémistes qui nous prennent pour cible sur une base sectaire s’en tirent sans être inquiétés ».90 Selon HRW, l’impunité des meurtriers et l’attitude de certains acteurs étatiques (des membres des forces de sécurité ou des élus locaux qui discriminent ou se montrent hostiles envers la communauté hazara) incite de nombreux Hazaras à penser que l’armée, les FC et d’autres agences étatiques présentes au Baloutchistan sont indifférents à leur sort, voire complices des attaques. Ces impressions sont alimentées par le fait que de nombreuses attaques continuent impunément en dépit de la présence massive de l’armée et de forces de sécurité au Baloutchistan.91 La LeJ a revendiqué la plupart des attaques et des meurtres survenus ces dernières années contre la communauté hazara au Baloutchistan. Les autorités fédérales et provinciales disent avoir arrêté depuis 2008 des dizaines d’individus soupçonnés d’attaques contre des chiites, mais seuls quelques suspects ont été poursuivis en justice. Virtuellement, tous les leaders de la LeJ agissent impunément et continuent d’assumer leur leadership quand ils sont placés en détention provisoire en attente de leur procès. Plusieurs membres de la LeJ se sont échappés de prison, y compris Saifullah Kurd. En 2008, cet ancien chef opérationnel de la LeJ au Baloutchistan est parvenu à s’évader dans des circonstances que les autorités se sont avérées incapables d’expliquer.92

84 Ibid. 85 Ibid. 86 Dawn, “HRCP reports exodus of minorities from Balochistan ”, 15/10/2014. 87 HRW, juin 2014, art.cit. 88 Ibid. 89 GRARE Frédéric, art.cit. 90 IRIN, 17/09/12, art.cit. 91 HRW, juin 2014, art.cit. 92 Ibid.

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Les circonstances des exactions à l’encontre des Hazaras varient selon les cas. Certains sont victimes d’assassinats ciblés, d’autres sont tués dans l’explosion d’une bombe lors d’une procession chiite ou à la mosquée. Certains sont pris pour cible dans leur quartier alors qu’ils se rendent au travail ou qu’ils vaquent à leurs occupations quotidiennes, tandis que d’autres sont assassinés sur la route, alors qu’ils rentrent d’un pèlerinage religieux en Iran. 93 - le 2 janvier 2014, près de 30 Hazaras ont été assassinés dans une explosion survenue à Mastung dans un bus transportant des pèlerins de retour d’Iran. L’attaque a été revendiquée par la LeJ.94 - le 10 janvier 2013, une attaque-suicide perpétrée par la LeJ contre un club de billard situé à Alamdar Road a tué 96 Hazaras et blessé au moins 150 autres personnes. De nombreuses victimes ont été tuées par une voiture piégée qui a explosé dix minutes après la première explosion, frappant ceux qui venaient en aide aux premiers blessés.95 - le 17 février 2013, une bombe a explosé dans un marché aux légumes situé à Hazara Town (Quetta), tuant au moins 84 Hazaras et blessant plus de 160 autres personnes. La LeJ a revendiqué cette attaque.96 - le 9 juin 2014, 30 pèlerins chiites originaires de la province de Khyber Pakhtunkhwa ont été tués (à la mitrailleuse ou dans l’explosion d’un kamikaze) alors qu’ils séjournaient dans un hôtel à Taftan, (petite ville frontalière de l’Iran située au Baloutchistan pakistanais). Près de 300 pèlerins étaient présents dans l’hôtel au moment des faits, la plupart d’entre eux étaient des Hazaras. Jaysh ul Islam, un groupe affilié à la LeJ, a revendiqué cette attaque. Incapable de proposer des mesures concrètes pour protéger les pèlerins chiites, le ministre de l’Intérieur pakistanais a répondu à ce carnage en suggérant que ces pèlerins trouvent une alternative au transport routier, en optant pour l’avion ou le ferry-boat, étant donné qu’il était impossible de sécuriser 700 kilomètres de route.97 - le 7 juin 2015, 5 Hazaras ont été abattus en plein jour à Quetta. En réaction, les partis politiques hazaras ont annoncé une grève générale pour le lendemain, afin de protester contre l’inertie du gouvernement, incapable d’appréhender les auteurs de la tuerie.98 Selon HRW, l’impact de ces violences sur la situation socio-économique de la communauté hazara est désastreux. Depuis 2012, les Hazaras de Quetta sont contraints de limiter leurs activités aux quartiers de Quetta majoritairement peuplés par leur communauté, Marriabad et Hazara Town. En conséquence, ils font face à des difficultés économiques croissantes, ont de moins en moins accès à l’éducation, et voient leur liberté de mouvement considérablement restreinte.99 Ces difficultés sont aggravées par le comportement de certains membres des forces de sécurité qui considèrent avec beaucoup de défiance cette communauté. Parlant sous couvert d’anonymat, un ancien membre des FC décrit les Hazaras comme « des agents de l’Iran peu dignes de confiance ». Un autre fonctionnaire retraité suggère que les Hazaras tendent à « exagérer leur détresse » en vue de demander l’asile à l’étranger et de « gagner le soutien politique et financier de l’Iran ».100

93 Ibid. 94 Ibid. 95 Ibid. 96 Ibid. 97 Ibid. 98 The Balochistan Point, “National Party epitomizes everything wrong in Balochistan”, 16/06/15. 99 HRW, juin 2014, art.cit. 100 Ibid.

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Cette situation a poussé nombre d’entre eux à quitter le Pakistan pour l’étranger.101 3.2. Violences sectaires à l’encontre la communauté zikri La communauté zikri a été récemment la cible de violences sectaires. Le 28 août 2014, sept membres de cette communauté ont été tués à Teertej (district d’Awaran). Des hommes armés ont attaqué leur mosquée, où les victimes étaient en train de prier.102 Dr Allah Nazar, leader du BLF, souligne que les meurtriers appartiennent à des groupes faisant partie de l’Etat Islamique (EI) comme Tahafuz-e-Hudood-ullah, Al-Jihad, Lashkar-e-Islam, Al-Furqan, ou Ansar-ul-Islam. Après avoir tué leurs victimes, les assassins ont laissé derrière eux des tracts dans les rues pour prêcher leur version de l’islam.103 Selon Zohra Yusuf, présidente de HRCP, ces exactions sont le fait de « sympathisants de l’EI », qui « semblent prendre pied » au Baloutchistan. Cette source souligne en outre que peu de temps avant ces meurtres, des inscriptions sur les murs appelant ouvertement aux meurtres des hindous et des zikris étaient apparus à Dasht (localité proche de Turbat). Ces appels aux meurtres étaient signés Lashkar-e Khurasan.104 Certains nationalistes baloutches accusent les forces de sécurité d’être responsables de cette attaque contre la communauté zikri. Ainsi, un leader du Balochistan National Party (BNP) a déclaré que cette attaque fait partie d’un plan des autorités fédérales pour jeter le discrédit sur séparatistes baloutches et les faire passer « pour des fanatiques religieux engagés dans guerre inter sectaire ». Selon un autre activiste baloutche, « les habitants ont dit que les assaillants sont repartis en moto en direction d’un camp des FC après l’attaque, ce qui nous conduit à penser que les services de renseignement et les forces de sécurité pakistanaise sont derrière cette attaque ».105 D’après un correspondant de RFERL à Quetta, l’attaque a été revendiquée par Lashkar-e Khurasan qui avait, peu de temps avant ces meurtres, menacé les zikris pour les pousser à abandonner leurs croyances au profit de l’islam sunnite. Selon certains observateurs, l’apparition subite de ce groupe auparavant inconnu au Baloutchistan est un « écran de fumée » mis en place par les forces de sécurité. Répondant à ces allégations, le ministre de l’Intérieur du Baloutchistan a nié toute implication des forces de sécurité et des agences de renseignements dans cette attaque : « Accuser les forces de sécurité et le gouvernement à chaque incident survenu au Baloutchistan est devenu une pratique courante. Je répète que l’Etat ne peut être irresponsable au point de soutenir une faction qui se livre à de telles atrocités. Pour l’Etat, les zikris, les hindous et les musulmans sont des citoyens égaux ».106 Depuis cette attaque, près de 400 zikris ont quitté la région pour aller dans des zones jugées plus sûres, mais certains résidents n’ayant pas les moyens de partir ont dû rester sur place.107 Ce regain de violence à l’encontre des zikris est d’autant plus surprenant que cette communauté entretient traditionnellement de bonnes relations avec les communautés voisines. A cet égard, la journaliste Saher Baloch cite les propos d’un habitant de Teertej, qui affirme n’avoir jamais entendu parler de problèmes entre les communautés zikri et

101 HRW, juin 2014, art.cit. 102 Dawn, “Six Zikris killed”, 29/08/14. 103 Crisis Balochistan, art.cit. 104 Dawn, 08/09/14, art.cit. 105 RFERL, “Pakistani security forces accused of attack on minority group”, 02/09/14. 106 Ibid. 107 Dawn, “Zikris under attack in Balochistan”, 02/01/15.

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namazi (terme employé par les zikris pour désigner les Baloutches de confession sunnite).108 Cette journaliste cite également Dr Shah Mohammad Marri, un historien basé à Quetta : « Certains craignent que le combat [des zikris] pour bénéficier des ressources de leur région les pousse à rejoindre le mouvement séparatiste au Baloutchistan. Aussi, certains cherchent à créer un conflit sectaire pour diviser les deux communautés ».109 3.3. Attaques et menaces contre des établissements scolaires Les attaques contre les écoles constituent un phénomène récent au Baloutchistan.110 Les écoles pour filles et les établissements anglophones sont particulièrement visés par cette vague de violences, qui s’exerce à l’encontre des élèves, des enseignants et des responsables pédagogiques. Les sources consultées mettent en exergue l’implication de plusieurs acteurs dans ces violences. En 2014, les écoles du district de Panjgur ont été particulièrement touchées par ces violences. Selon Tushar Ranjan Mohanty, chercheur associé au site SATP, ceci atteste de la pénétration de l’idéologie talibane dans le sud du Baloutchistan, région qui échappait jusque-là à l’influence du TTP et de ses partisans.111 Interrogés en novembre 2014, des activistes baloutches liés à VBMP imputent la responsabilité de cette tendance nouvelle aux autorités pakistanaises. Selon eux, celles-ci « redoutent que les élèves baloutches reçoivent une éducation, spécialement en anglais, et prennent ainsi conscience de leurs droits et des crimes commis contre leur peuple. C’est pourquoi elles s’efforcent d’empêcher les enfants baloutches d’accéder au savoir et à l’éducation ».112 Le journaliste baloutche Hanif Dilmurad explique cette vague de violences par la prolifération de nouvelles madrasas et les activités croissantes d’organisation djihadistes, qui bouleversent l’équilibre et le climat progressiste de la région.113 Le Centre d’Information Inter-Peuples (CIIP)114 évoque de nombreux attentats à la bombe et sabotages d’écoles ayant entraîné des décès parmi les élèves. Selon cette source, nul n’a revendiqué ces attaques, mais des groupes armés baloutches ont été accusés d’avoir menacé certaines écoles de représailles si les enseignants ne cessaient pas d’enseigner l’histoire du Pakistan, de faire flotter le drapeau pakistanais, et de faire chanter aux élèves l’hymne national.115 Cette source souligne d’autre part que certaines attaques sont le fait de groupes fondamentalistes, qui s’opposent à l’existence d’écoles mixtes et exigent qu’enseignants et élèves s’habillent de façon « traditionnelle ». Le CIIP indique par ailleurs qu’en raison de ces violences croissantes, beaucoup d’enseignants en poste dans des zones isolées demandent

108 Ibid. 109 Ibid. 110 The Diplomat, “Balochistan: Interview with balochi human and political rights activists”, 06/11/14. 111 Bolan Times, 22/01/15, art.cit. 112 The Diplomat, 06/11/14, art.cit. 113 The Friday Times, “Fears grow in Balochistan”, 04/01/2015. 114 Le CIIP est une association membre de RITIMO, qui se définit comme un centre de documentation consacré à la solidarité internationale et comme un carrefour des organisations agissant pour le respect des droits humains, des droits des peuples et des minorités. Le CIIP publie notamment le journal mensuel Inter-Peuples. 115 Centre d’Information Inter-Peuples (CIIP), « Baloutchistan : région pakistanaise insoumise », 17/11/2014.

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leur mutation (vers Quetta ou dans d’autres provinces) ou n’osent plus enseigner, « privant ainsi les enfants d’un système éducatif déjà lourd de lacunes ».116

- en juin 2013, un bus transportant des étudiantes de la Sardar Bahadur Khan Women University a subi un attentat-suicide à Quetta. Quatorze étudiantes ont perdu la vie dans cette attaque.117 - en avril 2014, Tabish Hussain, un enseignant du district de Panjgur, a été abattu. Ce professeur était le président de l’association Government Teacher’s Association du district de Panjgur.118 - le 13 mai 2014, quatre membres de Tanzeem-ul-Islam-al-Furqan (TIF), « un groupe religieux clandestin », ont attaqué le véhicule du responsable de l’école Oasis Scholl (située dans le district de Panjgur) alors qu’il conduisait des écolières à l’école. Les assaillants ont demandé au conducteur et aux filles de sortir du véhicule avant d’y mettre le feu.119 - le 21 mai 2014, un enseignant a été abattu (avec cinq de ses proches) dans la région de Dasht (district de Kech) par des hommes armés ayant fait irruption à son domicile. Cette attaque est survenue peu après l’envoi de lettres de menaces (envoyées par Tanzeem-ul-Islam-al-Furqan) aux écoles privées du district de Panjgur, pour leur demander de ne plus enseigner aux jeunes filles, sous peine de représailles.120 - en juillet 2014, plusieurs cas d’attaques à l’acide ont été signalés contre des jeunes filles à Quetta « afin de les effrayer, de les contraindre à rester à la maison, et de les empêcher de jouer un rôle actif dans la société ».121 - en mai 2014, plusieurs écoles anglophones du district de Panjgur ont été menacées et/ou attaquées par des individus qui exigent que ces établissements cessent d’enseigner aux jeunes filles et que les parents cessent d’envoyer leurs filles dans des écoles anglophones.122 Ces évènements ont entrainé la fermeture, pendant trois mois, de plusieurs dizaines écoles anglophones du district et contraint de nombreuses familles à rallier Quetta ou Karachi. Ces écoles ont finalement rouvert le 7 août 2014, après que le Premier ministre du Baloutchistan ait apporté, lors d’une visite à Panjgur, des garanties sécuritaires aux responsables de ces écoles.123 Cependant, en août 2014, plus de 25 écoles du district de Panjgur ont reçu de nouvelles menaces. Selon un responsable pédagogique local, celles-ci émanent de l’organisation Tanzeem-ul-Islam-al-Furqan (TIF), qui veut que « toutes les écoles anglophones ferment leurs portes ».124 Fin août 2014, une école privée de Panjgur a été incendiée par des inconnus.125 - le 4 décembre 2014, deux hommes armés à moto ont tué Zahid Askhani, un enseignant en poste à Gwadar.126 - en janvier 2015, le journaliste baloutche Hanif Dilmurad déplore un nombre croissant de cas de violence et d’extrémisme religieux signalé dans la région côtière de Markan, où des

116 Ibid. 117 The Balochistan Point, “The missing commotion for minority killings”, 23/05/15. 118 The Balochistan Point, “Teacher gunned down in Panjgur”, 10/04/15. 119 Bolan Times, 22/01/15, art.cit. 120 Ibid. 121 UNPO, art.cit. 122 The Friday Times, art.cit. 123 The Balochistan Point, Miscreants set a private school on fire in Panjgur, 27/08/14. 124 The Friday Times, art.cit. 125 The Balochistan Point, 27/08/14, art.cit. 126 The Friday Times, art.cit.

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tracts intimant aux parents de ne pas envoyer leurs filles à l’école ont été distribués dans différentes localités.127 - en mars 2015, des hommes armés, membres de l’organisation Al Jihad, ont incendié une école anglophone à Turbat (district de Kech). Les assaillants ont laissé derrière eux des tracts pour sommer les habitants de ne plus envoyer leurs enfants dans des écoles anglophones, sous peine de représailles.128

127 Ibid. 128 Bolan Times, “Al Jihad organisation set a private English medium school on fire in Turbat”, 03/03/15.

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Bibliographie (Les sites web mentionnés ci-dessous ont été consultés en juillet et août 12015) Documents DIDR OFPRA (DIDR), Le Parti Républicain Baloutche (Baloch Republican Party) et la traque de ses militants, 12/06/2015. OFPRA (DIDR), Le conflit armé au Baloutchistan et ses conséquences humanitaires, 08/09/2015.

OFPRA (DIDR), Enjeux et facteurs du conflit armé au Baloutchistan, 08/09/2015. OFPRA (DIDR), Les acteurs du conflit armé au Baloutchistan, 08/09/2015. Rapports Human Rights Watch (HRW), We are the walking dead – Killings of shia hazaras in Balochistan, Pakistan, juin 2014. https://www.hrw.org/report/2014/06/29/we-are-walking-dead/killings-shia-hazara-balochistan-pakistan Articles scientifiques GRARE Frédéric, “Balochistan: the state versus the nation”, Carnegie Endowment for International Peace, avril 2013. http://carnegieendowment.org/2013/04/11/balochistan-state-versus-nation BELLON Luc, « La ville de Quetta et la guérilla baloutche - Enjeux d’une violence politique urbaine », dans DORRONSORO Gilles et al., Identités et politique, Presses de Sciences Po (FNSP), 2014. http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=SCPO_DORRO_2014_01_0223 PERELMAN Rémi, « Le Baloutchistan, une entité ethnique transfrontalière sur un territoire d’importance stratégique », Asie21, avril 2014. http://www.asie21.com/asie/index.php/asie-du-sud/757-le-baloutchistan-une-entite-ethnique-transfrontaliere-sur-un-territoire-d-importance-strategique-remi-perelman-asie21-avril-2014 Centre d’Information Inter-Peuples (CIIP), « Baloutchistan : région pakistanaise insoumise », 17/11/2014. http://www.ritimo.org/Baloutchistan-Region-pakistanaise-insoumise Communiqués de presse Unrepresented Nations and Peoples Organization (UNPO), “Briefing note: the plight of the Baloch”, mars 2015. http://unpo.org/downloads/1288.pdf

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