Evaluations externes dans l’enseignement primaire en...

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  • www.knowandpol.eu

    Project n 0288848-2 co funded by the European Commission within the Sixth Framework Program

    Evaluations externes dans

    lenseignement primaire en Belgique

    francophone :

    Rceptions et usages doutils de

    rgulation bass sur les connaissances.

    Cattonar Branka, Dumay Xavier,

    Mangez Catherine, Maroy Christian

    Orientation 3

    Sous-projet 6

    Septembre 2010

  • Table des matires

    Table des matires

    1. INTRODUCTION 4

    1.1 La problmatique 4

    1.2 Le contexte institutionnel 5

    1.3 La dmarche empirique 6 1.3.1 Entretiens exploratoires 6 1.3.2 Etude approfondie dtablissements scolaires 6 1.3.3 Analyse documentaire 7

    2. LA DIFFUSION ET LA RECEPTION DES INSTRUMENTS DEVALUATION EXTERNE : VUE DENSEMBLE 8

    2.1 Les diffrents types dpreuves externes 8 2.1.1 Certificat dEtudes de Base (preuves A) 8 2.1.2 Evaluations non-certificatives ou diagnostiques (preuves B) 9 2.1.3 Epreuves zonales dites de fin de cycle (preuves C) 10 2.1.4 Epreuves organises par le rseau de la Communaut franaise (preuves D) 12 2.1.5 Epreuves du groupe E : les preuves organises par le rseau libre catholique (les interdiocsains) 12 2.1.6 Outils dvaluation ou batteries dvaluation (preuves F) 13

    2.2 Le rapport aux valuations externes dans les coles investigues : portrait 13

    2.3 Les perceptions des instruments par les acteurs locaux 20 2.3.1 Le principe de lvaluation externe 21 2.3.2 Le contenu de lpreuve 21 2.3.3 Les rsultats et interprtations 22

    2.4 Les usages des outils 22

    2.5 Les effets des valuations externes sur les relations de travail 23 2.5.1 Enseignants - direction 24 2.5.2 Enseignants - enseignants 24 2.5.3 Enseignants - inspection 25 2.5.4 Enseignants - parents 26 2.5.5 Enseignants - lves 27

    2.6 Les effets des valuations externes sur le contenu du travail 27

    2.7 Les effets des valuations externes sur le vcu des enseignants 29 2.7.1 Epreuves stressantes pour les valuations externes plus grand enjeu symbolique 29 2.7.2 Epreuves dmoralisantes pour les coles plus dfavorises 31 2.7.3 Effet normalisant potentiellement rassurant 32 2.7.4 Epreuves inscrites dans une logique de responsabilisation des enseignants 32 2.7.5 Evaluation et sentiment dautonomie au travail : discours ambivalents autour dune autonomie recadre 36

  • Table des matires

    2.8 Brve synthse 38

    3. PERSPECTIVES DANALYSE 39

    3.1 Les dispositifs dvaluation externe comme processus de traduction 39

    3.2 Une lecture no-institutionaliste 45

    CONCLUSION PROVISOIRE 54

    BIBLIOGRAPHIE 60

    ANNEXES 62

    Annexe1 : Acronymes utiliss dans le rapport 62

    Annexe 2 : Guide dentretien 62

    Annexe 3 : Liste des personnes interviewes 66

    Annexe 4 : Documents analyss 68

    Annexe 5 : Diffrents types dvaluation externe organiss en (CFB) 69

  • Introduction

    4

    1. Introduction

    1.1 La problmatique

    Ce rapport de recherche sinscrit dans la troisime orientation de la recherche

    Know&Pol dont lobjectif est de saisir le rle des connaissances dans

    llaboration, la socio-gense, des politiques publiques et dans le droulement de

    laction publique. Dans ce troisime axe de la recherche, la connaissance est

    approche via les instruments qui la produisent et dans lesquels elle sinscrit, appels

    instruments de rgulation bass sur la connaissance .

    Dans ce rapport, les outils dvaluation externe des acquis des lves constituent

    les instruments de rgulation que nous avons choisis dtudier. Par valuation

    externe , nous entendons toutes les valuations des acquis qui ne sont pas

    construites par lenseignant ou lquipe ducative locale mais qui sont produites et

    mises en uvre par des acteurs extrieurs la classe. Ces types dinstruments, dans

    le contexte belge, ne se construisent et ne sorganisent pas uniquement lchelle

    de lEtat (la Communaut franaise) mais galement lchelle des rseaux

    denseignement1 ou des niveaux locaux (zone dinspection). Certaines preuves

    externes sont officielles et encadres par un texte lgal, dautres sont informelles et

    ont suivi un chemin tout diffrent pour tre acceptes par les acteurs.

    Selon nous, lorganisation dun systme dvaluation externe ne sert pas seulement

    doutil de connaissance du niveau des acquis des lves ; il affecte aussi les rles, les

    identits, les relations sociales entre les principaux acteurs quil implique (lves,

    professeurs, directions, inspection, par exemple) et il joue sur les pratiques

    collectives et individuelles des acteurs. Pour investiguer ces dimensions danalyse,

    nous avons choisi de mener une enqute de terrain dans deux sites dinvestigation

    qui sont deux zones dinspection. Elles se distinguent par la prsence dun

    dispositif dvaluation externe local, spcifique la zone et port par diffrents

    entrepreneurs de changement (inspecteurs et directeurs de plusieurs rseaux) dans

    lune delle (zone B) et labsence dun tel dispositif supplmentaire au prescrit lgal

    dans lautre (zone A). Ce dispositif dvaluation appel zonal dans la zone B est

    complmentaire par rapport des dispositifs produits dautres chelles, par

    exemple, les valuations communautaires (valuations certificative ou

    1 Les rseaux denseignement constituent des fdrations de pouvoirs organisateurs construits sur des clivages philosophiques. Quatre rseaux coexistent en Belgique francophone : le rseau tatique de la Communaut Franaise de Belgique, le rseau des pouvoirs publics locaux (villes, communes et provinces), le rseau de lenseignement libre confessionnel (en majorit catholique), le rseau denseignement libre non confessionnel.

  • Introduction

    5

    diagnostique, prsentes dans toutes les zones) ou les valuations ports par un

    rseau denseignement pour ses propres coles.

    Le choix de cette comparaison est fond et guid par une hypothse qui sous-tend

    notre travail : les instruments de rgulation ne sont pas que des dispositifs

    techniques qui produisent leurs effets sociaux et cognitifs de faon mcanique et

    isole. Leurs effets sont lis intrinsquement aux rseaux dacteurs dans lesquels ils

    sinscrivent et quils contribuent faonner. Ainsi, ce sont bien des processus sociaux

    complexes, des liens dinterdpendance entre outils techniques, connaissances et

    acteurs sociaux quil faut investiguer pour penser les usages et la rception des outils

    dvaluation externe en Communaut franaise de Belgique et comprendre la

    signification et les effets des instruments de rgulation bass sur les

    connaissances .

    Dans la suite de ce rapport, aprs une prsentation brve du contexte institutionnel

    dans lequel sorganisent les valuations externes et de notre dmarche empirique,

    nous exposerons nos premiers rsultats de recherche qui synthtisent les principaux

    constats issus de notre tude empirique. Dans une troisime partie, nous

    proposerons des perspectives danalyses via une double lecture des rsultats, dans

    les termes de la sociologie de la traduction dune part, et de lanalyse no-

    institutionnaliste de lautre.

    1.2 Le contexte institutionnel

    Dans le systme ducatif belge, lvaluation des lves a t historiquement une

    prrogative des acteurs locaux : les enseignants et les pouvoirs organisateurs. La

    libert denseignement tant inscrite dans la Constitution belge, le contrle exerc

    par lEtat dans les tablissements scolaires est relativement faible. Les pouvoirs

    organisateurs des coles sont libres de dfinir des curricula, des mthodes

    pdagogiques et a fortiori des pratiques dvaluations. Il en rsulte une grande

    diversit en la matire.

    Des preuves communes en sixime primaire (interdiocsaines ou cantonales) ont

    t inities dans certains rseaux au cours du XXe sicle. Elles ont eu des parcours

    varis, mais sont maintenant abolies et remplaces par une preuve commune

    tous les rseaux, certificative et obligatoire depuis 2009. Par ailleurs, depuis une

    dizaine dannes, des valuations externes des acquis des lves des fins

    diagnostiques sont de plus en plus frquemment organises dautres niveaux de la

    scolarit, principalement dans lenseignement fondamental (Mangez 2010).

  • Introduction

    6

    Les dispositifs dvaluation externe des acquis des lves dont nous allons parler

    dans ce rapport sarticulent divers rfrentiels qui constituent des instruments

    centraux du systme ducatif belge francophone : les socles de comptences, les

    comptences terminales et les profils de formation et de qualifications. Ces

    rfrentiels sont les premiers standards dapprentissage, les premiers objectifs

    pdagogiques que les acteurs du systme ducatif fixent communment et

    dcrtalement en 19972.

    1.3 La dmarche empirique

    1.3.1 Entretiens exploratoires

    Dans la phase exploratoire de la recherche, nous avons rencontr des instituteurs,

    des inspecteurs et des responsables de la construction et de la diffusion doutils

    dvaluations externes. Ces premiers entretiens ont amlior notre connaissance du

    contexte et des expriences varies dvaluations externes menes en Communaut

    franaise et ont permis de tester notre guide dentretien.

    Ces entretiens exploratoires ont notamment permis didentifier dans une zone

    dinspection (que nous appelons zone B ), lexistence dun dispositif dvaluation

    externe particulier qui parat structurer une grande partie des relations et des

    pratiques sociales au sein de la zone. Une majorit des acteurs locaux (inspecteurs,

    directeurs, enseignants) est apparue comme enrle dans ce dispositif auquel

    pourtant ils adhrent sur base volontaire (du moins en ce qui concerne les

    inspecteurs et les directeurs). Lexistence de ce dispositif zonal nous est apparue

    particulirement spcifique pour constituer une variable structurante de la suite de

    notre dispositif mthodologique.

    1.3.2 Etude approfondie dtablissements scolaires

    Suite aux entretiens exploratoires, nous avons dcid de poursuivre notre recherche

    dans deux zones distinctes : (1) la zone A , o aucune valuation externe

    supplmentaire au prescrit lgal nest organise localement, (2) la zone B o

    sont organises des valuations externes zonales. Dans chacune des deux zones, 4

    tablissements denseignement fondamental (3-12 ans) ont t observs. Les deux

    zones prsentent des similarits, elles comprennent chacune des rgions rurales et

    2 Dcret de la Communaut franaise du 24 juillet 1997 dfinissant les missions prioritaires de lenseignement fondamental et de lenseignement secondaire et organisant les structures propres les atteindre. Il existait avant 1997 des socles provisoires qui servaient de rfrentiel une srie dacteurs mais pas tous et qui ntaient pas encadrs par un dcret. Ces socles provisoires ont servis de base pour rdiger les socles de comptences et les comptences terminales mais aussi pour construire les premires preuves externes communes en 1994.

  • Introduction

    7

    des petites urbanisations. Cependant, la zone B est une rgion o lactivit ouvrire a

    t trs importante et qui constitue, plusieurs niveaux, une zone en pleine

    reconversion et probablement en plus grande difficult sociale. La zone A est une

    rgion plus rurale, qui prsente une activit conomique relativement stable axe sur

    le secteur tertiaire et lagriculture.

    Les coles visites se diffrencient sur le plan de leur rseau dappartenance, du

    public scolaire quelles accueillent (favoris, mixte ou dfavoris), du contexte

    gographique (milieu rural et urbain) et de leur taille (de 1 4 classes par niveau).

    Dans chaque cole des entretiens semi-directifs3 ont t raliss avec la direction et

    une partie de lquipe ducative (3 6 enseignants par cole). Les titulaires de

    deuxime et de sixime primaire, davantage concerns par lvaluation externe, ont

    systmatiquement t rencontrs. Certains entretiens ont t collectifs (par cycle).

    Au total, 36 acteurs de terrain (directeurs et/ou enseignants) ont ainsi t

    interviews4.

    Entretiens raliss dans les deux zones

    Acteurs Zone A Zone B

    Directeur 4 4

    Enseignant cycle 1-2 6 4

    Enseignant cycle 3-4 2 4

    Enseignant cycle 5-6 8 4

    1.3.3 Analyse documentaire

    Outre les entretiens auprs denseignants et de directeurs dcole, nous avons

    galement ralis une analyse documentaire afin de comprendre au mieux la

    diversit des outils prsents en Communaut franaise et leurs usages5.

    3 Le guide dentretien que nous avons utilis se trouve en annexe. 4 La liste des personnes interviewes se trouve en annexe. 5 La liste des documents analyss se trouve en annexe.

  • Vue densemble

    8

    2. La diffusion et la rception des instruments dvaluation externe : Vue densemble

    Cette deuxime partie du rapport expose les principaux constats issus de notre tude

    empirique. Il sagit de prsenter les diffrents types dpreuves externes organiss

    sur le territoire de la Communaut franaise de Belgique, de dresser un portrait

    gnral de lusage qui en fait dans les diffrentes coles investigues et de dcrire la

    manire dont les valuations externes sont perues et utilises par les enseignants

    et directeurs dcole, et modifient les relations sociales entre les acteurs impliqus6.

    Cette partie du rapport offre une lecture globale et transversale du matriau recueilli,

    en mettant davantage en avant les perceptions, les pratiques et les vcus qui sont

    communs aux diffrentes coles des deux zones. Dans la troisime partie du rapport,

    les perspectives danalyse proposes mettront alors davantage en avant les

    diffrences entre les deux zones investigues.

    2.1 Les diffrents types dpreuves externes7

    Il existe une diversit doutils destins apprcier les acquis des lves construits en

    Communaut franaise. Un schma en annexe reprend les diffrentes preuves que

    nous avons rpertories ce jour. Ainsi, ct des preuves cres lchelle de

    toute la Communaut franaise sous la responsabilit de ladministration (A, B, F) ou

    dinstances internationales (PISA), dautres outils sont produits lchelle des

    rseaux denseignement (D, E) ou localement par un inspecteur ou un groupe

    dinspecteurs (C). Parmi toutes ces preuves, certaines ont une valeur certificative

    lgale (A) ou une vise daide la certification (C, D, E), dautres non. Les rsultats

    peuvent tre collects et traits un niveau central (A, B, C, D) et donner lieu un

    feed-back vers les enseignants (individuels et/ou collectif) (B, C, D), voir de

    propositions de soutien pdagogique, ou bien rester aux mains des enseignants sans

    suivi, ni feed-back (E, F).

    2.1.1 Le Certificat dEtudes de Base (preuves A)

    Ces preuves certificatives sont construites depuis 2007 lintention des lves de

    sixime primaire et la participation de toutes les coles est obligatoire depuis 20098.

    Ces preuves sont donc relativement nouvelles mais le dispositif repose en partie sur

    6 Prcisons que dans cette partie du rapport, tous les propos entre guillemets sont ceux des acteurs interviews. Les extraits dentretiens cits ont parfois t nettoys pour en simplifier lexpression tout en restant fidle aux propos tenus. 7 Pour une description dtaille de ces preuves, voir Mangez 2010. 8 Dcret du 2 juin 2006 relatif aux valuations externes non certificatives et au certificat dtude de base.

  • Vue densemble

    9

    les anciennes preuves organises lchelle des rseaux ou de zones dinspection

    (les examens interdiocsains et cantonaux), qui ont t supprimes depuis lors. Une

    preuve est construite chaque anne et octroie le Certificat dEtude de Base (CEB)

    qui la russit.

    Les rsultats des preuves ne peuvent tre diffuss. Aucun classement des lves ou

    des tablissements ne peut tre tabli sur leur base. Vu les objectifs poursuivis

    (recherche dquit et dquivalence des exigences), les questions du CEB sont

    principalement des questions choix multiples ou des questions ouvertes rponses

    courtes. Les critres de correction sont trs prcis et permettent aux enseignants de

    corriger les preuves la chaine sans devoir mettre un jugement personnel sur

    les rponses des lves. Les concepteurs de lpreuve entendent valuer des

    comptences, cest--dire des aptitudes, des savoir-faire et des non des

    connaissances ou des savoirs bruts .

    2.1.2 Les valuations non-certificatives ou diagnostiques (preuves B)

    Des valuations externes non-certificatives sont organises lchelle de toute la

    Communaut franaise depuis 1994. En 2006, leur organisation est consolide par

    un dcret9. A cette poque, elles se gnralisent et leur participation est rendue

    obligatoire. Ainsi, chaque anne scolaire, tous les lves de 2e et de 5e anne de

    lenseignement primaire (7 et 11 ans), ainsi que les lves de 2e anne de

    lenseignement secondaire (14 ans), participent une valuation externe non-

    certificative portant successivement sur la lecture/production dcrit, les

    mathmatiques et en sciences/veil (tournante tri-annuelle). Les preuves se

    droulent pendant lanne scolaire. Les tests sont passs dans les classes et corrigs

    la chaine . Ces valuations externes ninfluencent pas le parcours des lves.

    Les rsultats ne peuvent tre diffuss ou utiliss des fins de classements des

    tablissements. Elles ont des finalits diagnostiques tant pour les enseignants

    individuellement dans leurs classes (recevant des comparaisons portant sur leurs

    classes avec les rsultats du systme et des pistes didactiques10 drives des

    problmes identifis au niveau du systme) qu des fins de pilotage du systme

    ducatif dans son ensemble.

    9 Dcret du 2 juin 2006 relatif aux valuations externes non certificatives et au certificat dtude de base. 10 Les pistes didactiques est un document qui suit la passation des preuves et qui propose des conseils pdagogiques sur base des rsultats des preuves et des points qui ont poss le plus de problmes aux lves.

  • Vue densemble

    10

    La formulation des questions est comparable celles du CEB : des questions choix

    multiples ou ouvertes avec des rponses brves laissant peu de place lambigit

    en termes dinterprtation.

    2.1.3 Les preuves zonales dites de fin de cycle (preuves C)

    Des valuations externes se dveloppent galement localement. Il sagit de

    dispositifs organiss par des acteurs locaux, gnralement un inspecteur ou un

    groupe dinspecteurs dune mme zone. A la lecture de plusieurs forums11 de

    discussion denseignants, des dispositifs de ce genre semblent exister dans quelques

    rgions, principalement pour les coles officielles, communales, linitiative des

    inspecteurs en collaboration avec les directions. Ces preuves sectorielles ou

    zonales visent gnralement la deuxime ou la quatrime anne primaire. Nous

    ne connaissons pas en dtail ces formes dvaluation, except dans les zones o

    nous avons men notre enqute de terrain.

    Dans une des zones investigues, la zone B choisie dailleurs pour cette particularit,

    un important dispositif dvaluation externe est mis sur pied. Ces preuves sont

    appeles les fins de cycles par les acteurs de terrain12. Lobjectif premier avanc

    par les inspecteurs lorigine de cette initiative est clairement pdagogique. Il sagit

    de contribuer lappropriation des socles de comptences par les enseignants.

    Les preuves sont construites collectivement par des groupes de travail composs de

    directeurs volontaires. Dix groupes de travail13 de 5 10 directeurs sont constitus

    chaque anne et travaillent chacun sur la construction des questions lies un ou

    plusieurs blocs de comptences pour les deux preuves (2e et 4e). Les preuves se

    droulent au mois de juin pendant 8 demi-journes. Le respect des consignes, le

    moment et le lieu de passation sont sous la responsabilit de la direction et de

    lquipe ducative. Les preuves se prsentent sous la forme de trois livrets (langue

    franaise, mathmatiques, veil), chacun subdivis en domaines. Les questions sont

    courtes et appellent des rponses brves ou des choix multiples et sont lies une

    seule comptence. On se trouve face des preuves similaires aux preuves du CEB

    11 http://www.enseignons.be/forum/classe-f148/topic14592.html?hilit=valuation%20externe ; http://www.enseignons.be/forum/autres-f41/topic14872.html ; http://www.enseignons.be/forum/autres-f41/topic6926-10.html?hilit=preuve%20externe (aout 2010). 12 Nous, chercheurs, les qualifions de zonales . 13 Les diffrents groupes sont : solides et figures, nombres, grandeurs et traitements de donnes, savoir lire, savoir crire, savoir couter, veil scientifique, veil historique et gographique et le groupe informatique. Ce dernier ne construit pas de question dvaluation mais se charge des outils informatiques ncessaires au bon fonctionnement du dispositif (tableau dencodage, macro) et labore galement un site web.

  • Vue densemble

    11

    ou diagnostiques produites par la Communaut franaise au niveau du type de

    question, de la forme du test.

    La particularit de ces preuves rside en grande partie dans limportant traitement

    statistique ralis ensuite par les inspecteurs et dans la communication des rsultats

    de ces traitements vers les quipes ducatives. Dans leurs analyses, les inspecteurs

    introduisent la notion dcart moyen et dcart pondr. Lcart moyen est la

    diffrence entre le rsultat global dune classe ou dun niveau dtude et celui de la

    zone, par discipline (franais, mathmatiques, veil). Lcart pondr reprsente

    lcart par domaines et par blocs de comptences mais auquel on a soustrait lcart

    moyen de la discipline. Ainsi, par exemple, si les rsultats de la classe X sont en

    franais, infrieur la moyenne de lchantillon zonal de - y%, les carts pondrs

    seront les rsultats par domaines et blocs de comptences, augments de y%. Les

    inspecteurs esprent ainsi maitriser l effet population et mettre en avant un

    effet matre. Les variations importantes dcarts pondrs indiquent les forces et

    les faiblesses de la classe par domaines et par comptences. Chaque enseignant

    reoit les rsultats de ces traitements statistiques sous trois formes diffrentes :

    Une analyse comparative synchronique de la moyenne de sa classe et des

    carts la moyenne de sa classe par rapport la zone par disciplines,

    domaines et blocs de comptence14 est produite (outil classe).

    Une analyse comparative synchronique des moyennes des trois niveaux

    valus dans un tablissement (2e, 4e et 6e annes primaire) aux moyennes

    de la zone, nouveau par disciplines, domaines et blocs de comptences est

    galement propose. Il sagit de comparer les carts la moyenne des

    rsultats de diffrentes preuves qui se sont droules la mme anne dans

    plusieurs niveaux dtudes au sein dun mme tablissement (outil

    implantation).

    Une analyse comparative diachronique est galement labore sur base des

    rsultats des valuations externes de plusieurs annes, incluant galement

    les rsultats des valuations organises par la Communaut franaise. Il

    sagit de comparer les rsultats dune mme classe des moments diffrents,

    sur plusieurs annes.

    Ces traitements sont analyss par les enseignants en concertation avec la direction,

    et des fiches prouvant la bonne comprhension des rsultats, synthtisant les

    14 Par discipline, on entend : franais, mathmatiques, veil. Par domaine on entend : pour lveil : lhistoire, la gographie, les sciences ; pour les mathmatiques : les nombres, les solides et figures, les grandeurs, le traitement de donnes ; pour le franais : lire, crire, couter, parler. Par blocs de comptences on entend les diffrents blocs tels que prsents dans les socles de comptences.

  • Vue densemble

    12

    constats et proposant des pistes damlioration sont renvoyes ensuite vers

    linspecteur. Il est intressant de noter quaucun acteur interview ne remet en

    question la validit de ces traitements statistiques et quaucun dbat ne semble

    merger sur les techniques utilises pour traiter les donnes.

    Les objectifs viss par ces analyses statistiques sont de deux types : au niveau des

    rsultats des lves, ils doivent permettre de mettre en place le plus rapidement

    possibles des remdiations individuelles cibles ; au niveau des rsultats par classe

    ou niveau dtude et par cole, ils doivent engendrer une rflexion individuelle et

    collective en vue de construire des stratgies pdagogiques et organisationnelles

    susceptibles damliorer les rsultats globaux.

    2.1.4 Les preuves organises par le rseau de la Communaut franaise (preuves D)

    Le rseau de la Communaut franaise produit galement des preuves externes

    dvaluation des acquis des lves destination des coles de son rseau. Ces

    preuves sont construites par des directeurs dtablissements volontaires.

    Les rsultats de ces preuves sont communiqus par les enseignants aux

    responsables du rseau. Ceux-ci ralisent des analyses et retournent les rsultats de

    celles-ci vers les enseignants ainsi que des pistes didactiques. Ces preuves sont

    organises en juin, elles sont certificatives pour les deuximes primaires et

    diagnostiques pour les quatrimes primaires. Elles sont construites sur base des

    socles de comptence.

    2.1.5 Les preuves du groupe E : les preuves organises par le rseau libre catholique (les interdiocsains)

    Le SeGEC (Secrtariat Gnral de lEnseignement Catholique) produit galement des

    outils dvaluations. Il sagit dpreuves externes destination des lves de

    deuxime et quatrime primaire. Ces preuves daide la certification sont envoyes

    aux coles qui le dsirent15 et les enseignants sont libres de les utiliser ou non.

    Aucune collecte centrale des rsultats nest prvue.

    Les preuves ne sont pas certificatives lgalement mais la plupart des tablissements

    qui les demandent, les utilisent comme valuations certificatives de fin danne. Le

    systme de notation est plus souple que pour les preuves A, B, C. Vu la non-

    exploitation des rsultats un niveau central, lexigence de rigueur et

    dobjectivit dans la correction des questions nest pas aussi importante que dans

    15 Selon les personnes interviewes au SeGEC, le taux de participation des coles varie de 60 75%.

  • Vue densemble

    13

    les preuves qui donnent lieu un traitement statistique et une analyse

    comparative des rsultats des lves denseignants diffrents.

    2.1.6 Les outils dvaluation ou batteries dvaluation (preuves F)

    Ces preuves dvaluations sont diffuses titre informatif via le site web du

    ministre de lenseignement16 sous le nom outils dvaluations . Ils sont construits

    par trois groupes de travail appels commissions des outils dvaluations , cres

    suite au dcret missions de 1997 pour supporter le projet central du dcret qui est la

    mise en place de rfrentiels dapprentissage commun tous les tablissements

    (socles de comptences, comptences terminales et profils de qualification). Lide

    est de proposer aux enseignants des outils afin de les aider apprhender,

    comprendre et assimiler les rfrentiels de comptences dans le respect de la

    philosophie du dcret missions qui a mis laccent sur lapproche par les comptences

    en ducation. Cependant, ces outils semblent trs peu utiliss par les acteurs de

    terrain.

    2.2 Le rapport aux valuations externes dans les coles investigues : portrait17

    Cette section prsente un portrait des coles investigues dans les deux zones et de

    la manire dont leur quipe ducative utilise les valuations externes. Ces brefs

    portraits mettent laccent sur les aspects communs aux propos tenus par les

    diffrents acteurs de chaque cole ; la ralit est videmment beaucoup plus

    htrogne et nuance. Les 4 coles situes dans le zone A ont t renommes A1,

    A2, A3, A4, et les 4 coles de la zone B ont t renommes B1, B2, B3, B4.

    Lcole A1 (libre catholique) est situe dans un milieu rural, compose

    dexcellents lves venant dun milieu trs favorable, privilgi , destins

    poursuivre leur scolarit secondaire dans des coles huppes . Les lves sont

    rarement en difficult face aux valuations externes, celles-ci ne sont donc pas un

    facteur de stress . Lcole est de taille moyenne, une classe par anne. Le directeur

    organise 3 journes de concertation collective sur lanne. En dehors de cela, les

    titulaires organisent leur travail de manire autonome et reoivent toute la

    confiance du directeur qui considre son quipe comme trs comptente, trs

    dynamique . Le directeur est un ancien enseignant qui a toujours travaill dans

    16 http://www.enseignement.be/index.php?page=24345&navi=1776 (consult en mai 2010) 17 Toutes les citations entre guillemets dans ce point 2.2 jusquau point 2.7 sont issus des propos des personnes interviewes.

  • Vue densemble

    14

    cette cole et qui en est devenu directeur il y a plus de 20 ans. En fonction des

    annes et de la population scolaire, il lui arrive denseigner en partie.

    Lquipe pdagogique est relativement homogne, la majorit des enseignants ont

    plus de 20 ans danciennet et sont de la mme gnration . Les outils type

    programme et socles de comptences sont utiliss par obligation et les socles

    sont considrs comme peu structurants, pas assez orients matire . Les

    enseignants adhrent la pdagogie par objectif davantage qu celle par

    comptence. Au niveau pdagogique, le directeur raconte quil y a quelques annes,

    lcole utilisait la mthode globale pour lapprentissage de la lecture, ce qui leur a

    fait perdre pas mal dlves . Ils sont donc revenus quelque chose de plus

    traditionnel , cest ce que demandent les parents .

    Le directeur et les titulaires rencontrs disent apprcier les valuations externes

    lgales (les non-certificatives et le CEB) qui ont un caractre de neutralit et

    dobjectivit . Elles sont rassurantes et donnent des repres . Mais ils ne veulent

    pas participer dautres valuations qui prennent trop de temps (par exemple

    les interdiocsains du rseau libre). Plusieurs dentre eux trouvent normal que le

    pouvoir subsidiant les contrle. Cette apprciation semble cependant assez

    minimaliste car certains doutent de la relle utilit des preuves quils trouvent

    trop simples et dont ils ne peuvent se contenter , except pour le CEB.

    La direction sintresse toutefois de prs aux rsultats des valuations externes et

    analyse les domaines et les blocs de comptences qui sont moins bien maitriss par

    les lves de lcole. Ces rsultats lui permettent dinterpeller les enseignants en

    sappuyant sur les rsultats et dentrer ainsi dans le domaine pdagogique. Des

    journes de formation directement lies ces analyses sont organises. Par ailleurs,

    le CEB est considr comme un prcieux indicateur pdagogique de la valeur de

    lcole. Et le directeur ne manque pas de signaler droite gauche, quici tout le

    monde le russit . Cest donc principalement au niveau de la direction quon trouve

    dans cette cole un usage des outils.

    Lcole A2 (communale) est situe dans un milieu urbain et compose dun public

    mixte socialement. Lcole est assez grande, de deux trois classes par niveau avec

    une quipe ducative nombreuse et htrogne. La directrice est en place depuis une

    vingtaine dannes aprs avoir t institutrice quelques annes et dtache dans

    diverses fonctions. En plus de sa formation initiale, elle a suivi deux autres

    formations universitaires en ducation et en informatique. Elle est intresse par la

    recherche et nhsite pas participer des colloques. Elle connait dailleurs les

    travaux de certains chercheurs en sciences de lducation. Elle a mis en place un

    enseignement par cycle avec des enseignants qui suivent les classes pendant 2 ans.

  • Vue densemble

    15

    Elle veille ce que des concertations hebdomadaires soient planifies entre tous les

    titulaires dun cycle et amnage les horaires cette fin. Soucieuse dimpliquer toute

    lquipe pdagogique dans le dispositif dvaluation externe, la direction leur

    demande danalyser les rsultats des valuations lors des concertations pour quils se

    sentent tous concerns.

    Les diffrents titulaires prsentent les socles de comptences comme un outil

    important mais quils utilisent par obligation. Ils reconnaissent quils ne sont pas

    toujours trs clairs . Les valuations externes ne sont pas remises en question mais

    ne sont pas qualifies positivement, except par la direction qui trouve que cest

    un bon outil . Pour les enseignants, les valuations externes montrent ltendue

    des choses voir , ce quon attend de nous mais sont un facteur de stress

    important. Cest beaucoup de logique, de rflexion , les questions sont

    considres comme difficiles , les formulations sont compliques, il y a trop de

    distracteurs . Bien quils trouvent que les valuations se sont amliores ces

    derniers annes, il y a encore pas mal de choses qui ne sont pas trs claires . Par

    ailleurs, ils remettent aussi en doute le caractre galitaire du CEB car pour eux,

    toutes les coles ne jouent pas le jeu . Dans certaines coles, les lves sont

    dans leur classe pour passer lpreuve, avec les rfrentiels aux murs : ce nest

    pas les mmes conditions que chez eux o les lves sont rassembls dans le

    rfectoire et surveills par la directrice.

    Lors du dernier CEB, plusieurs lves ont t en chec et cela a marqu lquipe

    ducative et suscit une grosse polmique . Lan suivant, linspection est venue

    dans lcole et il a fallu montrer les fardes, prouver par A + B quon avait donn

    cours correctement . Cela a entrain chez certains une perte de confiance. Bien que

    tous les enseignants disent faire partie dune chaine et savoir quils ne sont seuls

    responsables des rsultats des lves, ils se sentent valus et jugs par les

    rsultats de leur classe.

    Les valuations externes semblent avoir un effet sur les pratiques enseignantes

    principalement en termes dvaluation. Les enseignants disent modifier les

    manires de poser les questions pour prparer au CEB . Ils utilisent surtout les

    preuves pour prparer des leons ou leurs propres valuations mais ne sintressent

    pas lanalyse des rsultats qui est davantage la proccupation de la direction.

    Lcole A3 (libre catholique) est situe dans un contexte rural et accueille un public

    mixte socialement. Cest une cole en pleine croissance avec 2 3 classes par

    niveau. Lcole fonctionne avec des classes verticales de deux ans (chaque

    enseignant travaille avec des classes composes dlves de deux annes dtude,

  • Vue densemble

    16

    par exemple, 1e et 2e annes primaire). Le directeur est arriv il y a une petite

    dizaine dannes aprs avoir enseign 17 ans.

    Lquipe pdagogique est plutt ancienne avec des enseignants qui ont pour la

    plupart plus de 20 ans dexprience. Les titulaires travaillent collectivement par cycle

    (gnralement trois enseignants) et se concertent rgulirement pour dcider

    ensemble du programme de lanne, des leons donner ; les exercices et les

    valuations sont parfois construites en commun galement. Des concertations de

    toute lquipe sont organises une fois par mois.

    Les valuations externes sont considres comme un guide , une manire de

    prendre du recul . Les enseignants apprcient loutil pour montrer autre chose

    aux enfants , pour se remettre en question et se rassurer aussi . Elles sont en

    gnral considres comme bien faites, bien prsentes, attrayantes . Pour eux,

    le CEB est plus structur que les anciens interdiocsains qui mlangeaient un

    peu toutes les matires . Ce changement, positif pour certains, est aussi en partie

    dplor car avant ctait plus proche des enfants, il y avait un contexte .

    Lvaluation externe non-certificative de 5e primaire est remise en question par la

    direction et par certains enseignants, ils la trouvent inutile et mal place car les

    lves nont pas encore acquis les comptences certifier en sixime.

    Les rsultats des valuations externes et les analyses de ceux-ci ne sont pas du tout

    un centre dintrt pour cette quipe. Ce qui est le plus soulign, cest lintrt de

    lpreuve en elle-mme pour proposer des styles de questions, de nouvelles

    manires de prsenter les choses, pour ouvrir des portes .

    Lcole A4 (de la Communaut franaise) nest ni une cole de village, ni une

    toute grosse cole et accueille un public mixte socialement. Elle organise deux

    classes par niveaux. La direction qui est en place depuis une dizaine dannes laisse

    aux enseignants une pleine autonomie pour organiser des concertations. La directrice

    participe dans son rseau avec dautres directeurs la construction dpreuves

    dvaluation pour les 2e et 4e primaire. Elle peroit un intrt gnral pour le

    dispositif dvaluation externe qui apporte davantage dgalit dans le systme.

    Cest quelque chose de juste . Mais elle peroit des effets pervers qui sont

    rapports aussi par dautres enseignants, concernant le CEB qui oblige les

    enfants faibles qui le russissent passer en premire secondaire gnrale sans

    pouvoir choisir une filire technique ou professionnelle. Et ce nest pas toujours le

    mieux pour eux .

    Les socles de comptences ne semblent pas trs connus par les enseignants. Ils se

    rfrent davantage au programme du rseau, bas sur les socles. La directrice les

  • Vue densemble

    17

    encourage dailleurs utiliser prioritairement le programme quelle trouve trs bien

    fait .

    Les valuations externes ne sont pas un sujet trs important dans lcole, ni

    controverses, ni spcialement utilises. Ce nest pas une mauvaise ide, a

    permet de voir une autre faon daborder les matires . Cest complet et cest un

    bon indicateur du niveau des lves . Mais ce nest pas le Saint-Graal . Loutil

    est apprci pour sa qualit au niveau de la forme en couleur et sur du papier

    glac . Les bmols concernent la rpartition des points par matire qui ne

    correspond peut-tre pas ce que lenseignant aurait attribu ou le fait que certains

    points ne sont pas du tout abords alors quils avaient fait lobjet de plusieurs leons.

    Les enseignants ne semblent pas utiliser beaucoup les outils dvaluation externe, ni

    les pistes didactiques. Ce sont des ressources pour ventuellement prparer une

    leon, introduire une activit ou prparer les lves au CEB . Les enseignants

    paraissent dailleurs assez autonomes en ce qui concerne leurs pratiques

    pdagogiques, la direction leur fait confiance et tous nutilisent pas les mmes

    mthodes.

    Lcole B1 (communale) est une cole de village qui accueille un public socialement

    favoris et dont la population croit. Le directeur dirige lcole depuis deux ans mais

    tait auparavant, pendant 10 ans, directeur dune autre implantation. Il apprcie son

    quipe pdagogique qui sait se remettre en question et qui a appris travailler

    davantage en quipe quavant.

    Le directeur est trs positif vis--vis de lvaluation externe. Il explique dailleurs

    quil y a quelques annes, son inspecteur ne participait au dispositif zonal mais quil

    se procurait dj les preuves par des collgues directeurs. Il trouve les preuves

    (principalement les zonales) enrichissantes et utiles pour aborder les socles .

    Elles sont des exemples de comment mettre les comptences en rapport avec

    lvaluation . Lutilit principale, cest bien a, aider les enseignants mettre en

    uvre la pdagogie par comptences . Il apprcie galement les pistes didactiques

    qui donnent des ides concrtes pour les enseignants et les analyses des

    rsultats.

    Les enseignants apprcient aussi les preuves zonales qui permettent tous les

    enfants dtre sur le mme palier bien quelles soient faciles . Ils ne remettent

    pas du tout en question le dispositif qui leur apparait comme obligatoire puisquils

    disent navoir pas le droit dorganiser dautres examens en fin danne. Les

    valuations non-certificatives semblent par contre inutiles pour lenseignant de P2, et

    une grosse perte de temps . Certains enseignants utilisent les preuves pour

  • Vue densemble

    18

    construire certains cours et prparer les lves au style de question . Mais ce

    nest pas le cas de tous.

    Lcole B2 (communale) est dcrite comme familiale , avec un bon niveau

    social, avec quelques petits dfavoriss, un public vari . La population de lcole

    tripl en 10 ans. Le directeur est nouvellement en place (un an danciennet) mais

    enseignait dans ltablissement depuis une dizaine dannes. Il est extrmement

    positif par rapport aux preuves externes qui se droulent en fin danne, les

    zonales, tout comme les enseignants interrogs dailleurs. Pour le directeur ce

    dispositif permet de stimuler le travail en quipe , de dcloisonner lcole car

    le mme style dvaluation sorganise plusieurs niveaux et permet la

    comparaison . Le directeur trouve galement que les valuations sont axes sur

    le principe des comptences et non pas des savoirs et que cest une bonne

    volution . Pour lui, cest une belle illustration de la pdagogie par comptence

    et a permet de pousser les enseignants ne plus travailler par matires .

    Certains, dont le directeur, relvent le ct galitaire et juste du dispositif qui met

    tous les enfants sur le mme pied et apprcie que lobjectivit des rsultats

    entre coles ne soit plus un problme puisque tout le monde joue le mme jeu .

    Le bien fond des valuations externes non-certificatives en cours danne est

    cependant remis en question car ce moment-l, on peut toujours expliquer des

    mauvais rsultats par le fait que la matire na pas encore t vue. Ils trouvent

    quelles font double emploi .

    Lutilit des preuves zonales est souligne notamment car elles mettent les lves

    en condition pour le CEB et leur montrent quelque chose de diffrent . Les

    enseignants apprcient aussi de ne pas devoir prparer eux-mmes les valuations

    de fin danne, cest un travail en moins .

    Les rsultats des valuations sont un centre dintrt, ils permettent de se

    remettre en question ou de voir si on est dans le bon . Mais tout le monde ne

    voit pas lintrt de faire des analyses trs pousses car de toute faon les lves

    changent dune anne et lautre ; les rsultats des uns ne sont donc pour certains,

    pas gnralisables et assimilables aux forces et aux faiblesses de lenseignement

    quils dispensent en classe. Certains enseignants avouent que lide est

    excellente mais quils se sentent jugs (cest mme le cas dune enseignante de 3e

    anne qui na pas dvaluation externe dans sa classe). Pour eux, les rsultats du

    CEB par tablissement sont connus et jouent sur la rputation de linstituteur de

    sixime et de lcole, ce qui stresse un peu .

  • Vue densemble

    19

    Lcole B3 (libre catholique) est situe dans une petite ville et accueille un public

    dfavoris. Cest une grande cole avec 4 classes par niveaux. Le directeur, prsent

    lors de tous les entretiens raliss avec les enseignants, investit fortement le

    domaine pdagogique. Des concertations rgulires par niveaux sont organises, lors

    desquelles des analyses des rsultats des valuations se ralisent et semblent

    prendre beaucoup de place. La direction pousse ses enseignants travailler

    ensemble. Les valuations trimestrielles sont par exemple communes toutes les

    classes dun niveau et le directeur jette chaque fois un il dessus pour voir o

    ils en sont .

    Le directeur est positif par rapport lapproche par comptence et aux valuations

    externes quil trouve performantes et qui lui permettent de voir o a ne va

    pas . Les enseignants ont galement une vision plutt positive des valuations vues

    comme des pistes de travail , des moyens de se remettre en question ,

    dimaginer dautres manires de travailler mais qui sont aussi des valuations de

    leur propre travail et qui peuvent tre trs stressantes. Les enseignants disent avoir

    chang leurs pratiques depuis que ces valuations existent, notamment leur pratique

    dvaluation mais aussi la manire de donner cours. Pour certains, ces changements

    semblent plus difficiles grer.

    Lcole B4 (libre catholique) est situe dans un milieu rural et accueille un public

    dfavoris, anciennement D+18 , avec pas mal denfants en retard scolaire . Le

    directeur travaille depuis 28 ans et dirige lcole depuis 13 ans. Lcole fonctionne

    par cycle avec des enseignants qui suivent une classe pendant 2 ans. Lquipe

    pdagogique semble divise groupes denseignants selon leurs conceptions

    pdagogiques, avec dun ct des enseignants qui prnent un enseignement plus

    cadr, plus classique et dautres qui sont plus proches des pdagogies

    nouvelles .

    Les enseignants apprcient les valuations externes, surtout les preuves zonales.

    Ils permettent dapprhender les comptences, de dtecter les faiblesses et de se

    remettre en question . Les tests sont parfois un peu trop simples mais bien faits

    tout comme les livrets et la documentation . Le fait que les valuations soient

    identiques dans toute la zone est aussi un point positif, notamment pour que le

    niveau des lves de diffrentes coles soit similaire et que a ne pose pas de

    problme en cas de changement dcole, a vite que chacun fasse sa petite

    popotte interne . Cest plus quitable et mieux pour la transition vers le

    18 Les coles dites D+ sont des coles discrimination positive dont lindice socio-conomique (bas sur le lieu de rsidence des lves) est faible et qui ds lors reoivent des ressources supplmentaires en termes dencadrement.

  • Vue densemble

    20

    secondaire galement. Tous les enseignants rencontrs dans cette cole mettent

    cependant en doute les conditions de passation gales pour tous. Ils doutent que

    tout le monde joue le jeu .

    Ils apprcient aussi les rsultats pour pouvoir se comparer , voir que lherbe

    nest pas spcialement plus verte ailleurs et mesurer le niveau global des lves

    dans une discipline , voir l ou le bas blesse . Ils trouvent les analyses fort

    parlantes , notamment, les analyses diachroniques produites par les inspecteurs

    pour voir, par exemple, si le plan de formation de 3-4 ans a port ses fruits .

    Le directeur, bien quenthousiaste, nuance aussi ses propos en prcisant que pour lui

    les rsultats des valuations externes sont une source de stress, notamment par

    peur de ltiquetage dcole poubelle si le taux dchec est important dans son

    tablissement. Pour lui, les preuves actuelles sont bien faites, sont dans la norme

    enseignante , cest--dire quelles ne dboussolent pas trop , elles sont

    quilibres entre comptences et savoirs contrairement aux anciens

    interdiocsains qui faisaient beaucoup plus appel la logique des comptences .

    Caractristiques des coles investigues

    Ecole Rseau Public scolaire

    Taille Milieu Anciennet direction

    Particularit

    A1 Libre Catholique

    Favoris Moyenne Rural + 20 ans Equipe homogne de + de 20 ans danciennet

    A2 Communal Mixte Grande Urbain + 20 ans Plusieurs checs au dernier CEB mal

    vcu A3 Libre

    Catholique Mixte Grande Rural 10 ans Collaboration

    intracycle trs forte (classes verticales)

    A4 Communaut franaise

    Mixte Moyenne Rural 10 ans Evaluations externes du rseau en plus

    B1 Communal Favoris Moyenne Rural 2 ans Intrt fort pour les valuations externes

    B2 Communal Mixte Grande Rural 1 an

    B3 Libre Catholique

    Dfavoris Grande Urbain -- Forte implication et prsence du directeur

    B4 Libre catholique

    Dfavoris Moyenne Rural 13 ans Clans pdagogiques

    2.3 Les perceptions des instruments par les acteurs locaux

    Les avis et opinions des acteurs locaux sur les instruments dvaluation externe

    peuvent sarticuler trois niveaux : (1) le dispositif en lui-mme et le principe de

  • Vue densemble

    21

    lvaluation externe, (2) le test (sa prsentation, son contenu, la passation, etc.), et

    (3) les rsultats et les feed-back qui sen suivent.

    2.3.1 Le principe de lvaluation externe

    En gnral, les enseignants adoptent un discours plutt positif lgard des

    valuations externe ou tout le moins relativement neutre. Rare sont ceux qui

    sopposent fermement au principe de lvaluation externe. Les quelques enseignants

    (3) de notre chantillon ouvertement rfractaires ce genre doutils ont plus de 20

    ans danciennet et enseignent dans un niveau dtude qui nest pas valu par un

    dispositif externe (cycle 3-4).

    7 des 8 directions rencontres et deux tiers des enseignants se positionnent

    ouvertement et spontanment en faveur de lvaluation externe. Ils expliquent

    apprcier le dispositif dans son objectif dgalit de traitement des lves, de

    justice . A ct de ce principe galitaire, ils apprcient galement que les lves

    soient confronts une autre valuation que la leur, cest rassurant , notamment

    concernant le CEB et le passage en secondaire.

    Le principe de lvaluation externe nest donc pas remis en question mais certains

    acteurs regrettent que les conditions de passation ne soient pas identiques pour

    tous, essentiellement pour le CEB. Pour eux, tout le monde ne joue pas le jeu et

    si tous les lves ne sont pas dans les mmes conditions, ils ne sont pas tous sur un

    pied dgalit et le principal avantage du dispositif, lgalit de traitement, est perdu.

    2.3.2 Le contenu de lpreuve

    Nombre denseignants apprcient la forme de loutil, sa prsentation claire et

    belle , en livret, la documentation bien prsente, facile rutiliser. Cest sur ce

    point quils sattardent le plus dans la zone A ; trois quart des enseignants de cette

    zone soulignent ses qualits, un peu plus de la moiti des enseignants de la zone B

    en parlent galement.

    Au-del de leur forme agrable, lpreuve donne une indication de ce que doit tre le

    contenu du travail, le niveau atteindre, les limites de la matire, etc. Le test est

    considr comme une balise qui permet de rajuster le tir , de montrer le

    chemin, ventuellement de prparer au CEB. La formulation des questions et des

    consignes donnent aussi des ides , montrent de nouvelles manires de

    prsenter les choses .

    Les enseignants de quelques coles (A1, B4) regrettent toutefois que cela soit un peu

    trop simple au niveau du contenu. A linverse, pour dautres (A2), les preuves

  • Vue densemble

    22

    contiennent un peu trop de piges , de distracteurs et le temps de rponse

    nest pas toujours suffisant. En gnral, les discours des enseignants dun mme

    tablissement est assez cohrent et homogne ce sujet.

    2.3.3 Les rsultats et interprtations

    Le troisime objet dattention des acteurs sont les rsultats des tests et le feed-back

    qui suit lvaluation. A ce niveau, on remarque une nette diffrence entre les

    enseignants des deux zones. Ceux de la zone A sont peu intresss par les rsultats

    et encore moins par les analyses possibles de ceux-ci. Ils ne les regardent pas tous

    dailleurs. Par contre, dans la zone B, ils en parlent davantage, certains expliquent

    mme dans le dtail que les analyses montrent quils sont en dessous de la moyenne

    dans tel domaine mais au dessus dans tel autre. Il faut bien rappeler que dans cette

    zone, les inspecteurs font un effort danalyse supplmentaire et communiquent

    chaque enseignant une analyse individuelle des rsultats de sa classe, compare aux

    rsultats de la zone. Lenseignant est par ailleurs tenu danalyser ses rsultats et de

    remplir un document sur ce point.

    Les enjeux perus des rsultats de lvaluation externe par les enseignants sont

    variables. La concurrence entre coles ne semble pas tre bouleverse par ceux-ci,

    les seuls effets sur ce point ont t voqus dans trois tablissements et toujours

    concernant les rsultats du CEB (examens certificatifs de sixime). Les autres

    valuations ne leur paraissent pas avoir deffet en matire de concurrence. Dans

    certains tablissements, la russite des lves est utilise comme argument de

    marketing. Le taux de russite du CEB semble tre parfois un enjeu qui pousse

    certains directeurs ne pas inscrire certains lves aux CEB ou recourir

    davantage de redoublement en cinquime anne mais ce nest pas gnralis.

    2.4 Les usages des outils

    Les diffrents outils mentionns prcdemment sont tous en partie mobiliss par les

    acteurs, except les outils ou batteries dvaluations (F) qui ne sont pas utiliss et

    qui ne sont mme pas connus la plupart du temps (deux acteurs semblaient voir

    vaguement de quoi il sagissait).

    Les socles de comptences sont des outils imposs aux enseignants et cette

    imposition est ressentie comme telle par une grande partie de ceux-ci. Rares sont les

    enseignants qui disent avoir une connaissance claire des socles et qui les dcrivent

    positivement comme des outils trs riches et bien faits . Nombre dentre eux sont

    plutt critiques leur gard - sans forcment remettre en cause le principe

    pdagogique sous-jacent estimant quils ne sont pas suffisamment clairs , quils

  • Vue densemble

    23

    sont difficiles comprendre et mettre en uvre, regrettant quon ne leur a

    jamais vraiment expliqu . De nombreux enseignants, mme lorsquils dclarent

    adhrer au principe de lapproche pdagogique par comptence, disent alors utiliser

    les socles de comptence produits par la Communaut Franaise par obligation

    parce que cela fait partie du prescrit lgal de leur travail ( les enseignants sont

    pays pour ), parce que les inspecteurs contrlent leur application et parce que les

    valuations externes portent l-dessus.

    Concernant les tests en eux-mmes, ce sont les outils qui paraissent les plus utiliss

    par les enseignants, pour inspirer leur propre valuation ou leur leon et pour

    prparer les lves ce type dpreuves. Cependant, cest dans la zone de A que

    lusage des tests est davantage soulign par les acteurs.

    Par contre, concernant les rsultats et les analyses de ceux-ci, on observe un effet

    inverse. A savoir quils sont davantage utiliss par les enseignants du B et par tous

    les directeurs des 2 zones

    La plupart des enseignants rencontrs dclarent peu ou pas du tout utiliser les pistes

    didactiques produites suites aux valuations externes, principalement par manque

    de temps . Si les pistes didactiques sont en gnral dcrites comme bien faites ,

    intressantes , elles sont aussi prsentes comme copieuses et ncessitant du

    temps pour rentrer dedans . Cependant, elles paraissent nettement plus utilises

    dans le zone du B et forcment davantage par les enseignants que les directeurs.

    Pour construire leur cours, la plupart des enseignants dclarent en fait sappuyer sur

    de multiples supports les programme et socles de comptences, les manuels

    didactiques, les sites internet, etc.- partir desquels ils disent faire leur popote :

    a donne des ides quon amalgame , on mlange tout .

    2.5 Les effets des valuations externes sur les relations de travail

    Les effets de lvaluation externe sur les relations de travail entre enseignants,

    direction et inspection sont nombreux et varient assez fortement en fonction de la

    zone dans laquelle se situent les tablissements, tant lchelle des relations

    internes ltablissement qu lchelle des relations avec linspection. Par contre,

    dans les deux zones, lvaluation externe semble avoir peu deffet sur les relations

    entre les enseignants et les lves ou leurs parents. Les accompagnateurs

    pdagogiques sont galement peu voqus par les enseignants, et peu dlments

    indiquent que lintroduction de lvaluation externe ait modifi leurs relations avec les

    quipes ducatives.

  • Vue densemble

    24

    2.5.1 Enseignants - direction

    Les effets de lvaluation externe sur les relations entre lquipe enseignante et leur

    direction varient clairement selon les zones investigues. Dans les tablissements de

    la zone B plus que dans les tablissements de la zone A ( lexception probablement

    de ltablissement de A2), les directions dtablissement appuient et lgitiment

    fortement leur action sur la base des valuations externes et des rsultats de leur

    tablissement. Les directions mettent en place une srie de pratiques qui visent

    sassurer que lvaluation externe soit prise au srieux par les enseignants, que les

    rsultats de leurs lves cette dernire soient connus, analyss et compris par les

    enseignants, et que diverses actions soient entreprises pour remdier aux

    ventuelles lacunes mises en exergue par lvaluation. Ces pratiques sont diverses :

    mise en forme des rsultats pour faire apparatre des tendances dvolution,

    communication collective et/ou individuelle des rsultats aux enseignants,

    participation aux concertations denseignants visant lanalyse des rsultats de

    lvaluation externe (B2, B3), prises dinformation auprs des enseignants relatives

    aux changements mis en uvre pour amliorer les rsultats plus faibles de

    lvaluation (B2, B3).

    Des pratiques de ce type (communication systmatique des rsultats et mise en

    place de structures collectives en vue dabsorber et digrer les rsultats de

    lvaluation) ont galement t rapportes par des enseignants de la zone de A, et

    en particulier dans les tablissements A2 et A3. Mais il semble que moins que dans

    les tablissements de la zone B, les enseignants de ces deux tablissements de la

    zone A rapportent adhrer et sinvestir fortement dans ces dispositifs ds lors quils

    sont centrs sur lvaluation externe (ce qui ne veut pas dire que les structures

    collectives soient faiblement investies par les enseignants, ce qui semble en

    particulier tre le cas dans ltablissement A3). Autre effet de zone qui apparait

    sensiblement : le sentiment de contrainte manant du travail de la direction et de

    mise sous pression par cette dernire semble plus lev dans la zone B (except

    nouveau peut-tre au sein de ltablissement A2). Peu de choses sont dites sinon sur

    le caractre positif ou ngatif des volutions des relations entre la direction et son

    quipe enseignante.

    2.5.2 Enseignants - enseignants

    Les relations avec les collgues se trouvent galement modifies par lintroduction de

    lvaluation externe. En lien direct avec les pratiques sociales inities par les

    directions dans les tablissements de la zone B, il semble que la coordination et la

    division locales du travail tournent davantage que dans les tablissements de la zone

    A autour de lvaluation externe. A travers les concertations entre enseignants, se

  • Vue densemble

    25

    mettent en place des analyses des rsultats et sinitient certaines pratiques visant

    remdier aux ventuelles difficults constates travers lvaluation externe. Les

    enseignants de deux tablissements (B2, B3) mentionnent aussi des effets de

    lvaluation externe sur la division du travail. Dans ltablissement B3, cela se

    concrtise par une nouvelle rpartition des comptences dvelopper en

    mathmatiques et en veil entre les cycles denseignement. Dans lcole B2, cest

    travers ladoption dun nouveau manuel scolaire visant lapprentissage des

    mathmatiques dans loptique des comptences quune nouvelle rpartition des

    comptences enseigner entre cycles et annes denseignement a t effectue.

    Lvaluation externe semble galement avoir, dans certains tablissements, des

    effets sur la mise en comparaison des enseignants. Ces effets semblent lgrement

    plus prgnants dans les tablissements de la zone B, o la politique zonale de

    communication des rsultats des valuations externes est centre sur les

    performances de chaque classe. Il semble toutefois que plus que la politique de

    communication des rsultats par linspection, le cadrage qui est fait par la direction

    en prsentant les rsultats est dcisif cet gard. Dans les tablissements o

    laccent est mis sur les performances collectives (le plus souvent lchelle de

    ltablissement, par exemple dans lcole A3), le sentiment de mise en concurrence

    des enseignants parait moins fort que dans les tablissements qui individualisent

    davantage les performances aux tests externes (par exemple B4). On notera

    finalement que dans un tablissement (B4), les rsultats des valuations externes

    sont utiliss comme ressources de pouvoir, dans le sens o ils donnent aux

    enseignants des arguments pour dfendre leurs positions.

    2.5.3 Enseignants - inspection

    En ce qui concerne les relations entre les enseignants et linspection, la grande

    majorit des acteurs interrogs conservent une crainte vis--vis de linspection,

    quelle que soit la zone. La diffrence majeure entre les deux zones cet gard est la

    perception que les enseignants ont de limportance accorde par linspection

    lvaluation externe et aux rsultats. Dans la zone B en effet, bien que les

    perceptions des acteurs varient quant au fait que linspection se base sur les

    rsultats de lvaluation pour inspecter, la grande majorit des enseignants et

    directions associent trs fortement linspection lvaluation externe. Cela semble se

    concrtiser, dans certains tablissements (B1, B3), par des runions collectives

    locales organises par linspection soit pour expliquer la dmarche zonale

    dvaluation externe, soit pour analyser les rsultats de ltablissement. Cette

    association est nettement moins courante dans les tablissements de la zone A, o

    plusieurs enseignants (notamment A3, A4) ont rapport ne pas savoir ce que

    linspection faisait des rsultats de lvaluation externe. Ltablissement A2 constitue

  • Vue densemble

    26

    nanmoins une exception, puisque certains enseignants de cet tablissement ont t

    rcemment inspects suite des mauvais rsultats obtenus lvaluation externe.

    Dans cet tablissement ds lors, non seulement les enseignants associent plus

    fortement valuation externe et inspection, mais certains voquent un rapport

    difficile avec linspection, se sentant fortement sous pression.

    2.5.4 Enseignants - parents

    Lorganisation des valuations externes ne semble pas modifier les relations entre les

    enseignants et les parents des lves. Les attitudes des parents lgard des

    valuations externes varient cependant selon les coles. Dans certaines coles (A1,

    A2, A3, B4), les enseignants trouvent que les parents ne se soucient pas des

    valuations externes et demandent rarement voir les preuves, alors que dans

    dautres coles (A4, B1, B2), des enseignants racontent que les parents sont

    inquiets ou stresss vis--vis des valuations externes, parfois stressent

    leur tour leurs enfants et mettent une pression sur les enseignants (ils leur

    demandent, par exemple, de faire des rvisions). Dans ce cas, les enseignants disent

    ne plus trop communiquer aux parents au sujet des valuations externes pour

    viter des abus de travail et de stress au niveau des enfants . Seul un directeur

    voque la menace de recours si les notes du CEB et celles de lenseignant ne

    correspondent pas.

    Dans certaines coles, les enseignants disent ne parler aux parents que des preuves

    certificatives organises en fin de cycle (B1), alors que dans dautres, les

    enseignants disent informer les parents de toutes les preuves organises (A3). Par

    contre, toutes les personnes rencontres insistent sur le fait quils communiquent

    aux parents uniquement les rsultats de leurs propres enfants et pas les rsultats

    globaux de lcole, notamment pour viter quon juge et compare les coles

    (B1). Selon les propos des enseignants, les rsultats aux preuves ne paraissent pas

    tre utiliss par les parents dans leur choix dcole, ni alimenter de la sorte une

    concurrence entre les coles. Quelques-uns relvent nanmoins que les rsultats des

    coles aux valuations externes, en particulier au CEB, sont connus publiquement

    ( a se sait ) et constituent une forme de publicit pour les coles, qui

    intervient dans limage de marque de lcole . Le directeur dune cole qui

    accueille un public dfavoris (B4) exprime alors la crainte que les rsultats de son

    cole aux valuations externes servent construire la rputation de son cole de

    manire dfavorable.

  • Vue densemble

    27

    2.5.5 Enseignants - lves

    Lorganisation des valuations externes ne semble pas non plus modifier les relations

    entre les enseignants et leurs lves. Plusieurs enseignants notent nanmoins que

    leurs lves sont stresss lors des preuves. Certains racontent alors essayer de

    ne pas stresser leurs lves , notamment en ne leur en parlant pas trop . Ils

    trouvent que les preuves sont dstabilisantes pour les lves en raison des

    conditions de passation et de la formulation des questions des tests inhabituels.

    Selon certains, le stress des lves est galement li celui de leurs parents qui les

    rendent nerveux .

    On peut relever que dans deux coles (A3, A4), des enseignants ont mis des

    critiques lgard du lien entre lobtention du CEB et lorientation scolaire des lves

    en 1re anne du secondaire dans la filire gnrale. Certains disent regretter que

    lobtention dun CEB entrane obligatoirement laccs en filire gnrale car certains

    lves y sont malheureux ensuite, cela les dgote (A4). Selon le directeur dune

    cole (A4), certains parents recommandent leurs enfants de rater le CEB pour ne

    pas devoir aller en filire gnrale.

    2.6 Les effets des valuations externes sur le contenu du travail

    Les effets de lvaluation externe sur le contenu du travail varient de manire assez

    importante selon les dimensions du travail que lon analyse (voir le tableau en fin de

    section). Cest sur lvaluation interne et locale que mettent en place les

    enseignants que les effets de lvaluation externe semblent tre les plus forts. La

    majeure partie des enseignants rapportent en effet avoir modifi leur propre manire

    dvaluer les lves, des niveaux divers. Les modifications apportes la stratgie

    dvaluation peuvent tre les suivantes : simple modification des conditions de

    passation, en les faisant coller le plus possible aux conditions de passation de

    lvaluation externe (certains voquent mme du coaching la passation des

    preuves externes, non pas pour boycotter lpreuve, mais pour viter que la

    formulation des questions nempche les lves dexprimer leur potentiel),

    modifications dans la manire de poser les questions qui ne semblent pas, selon

    certains enseignants, modifier la nature de ce qui est valu (lide est dvaluer

    autrement, par dautres mthodes, la mme chose) et modifications dans la manire

    de poser les questions qui semblent saccompagner dune intention dvaluer dautres

    processus cognitifs, et en particulier les comptences vises dans les socles (et

    moins les matires). En outre, les effets de lvaluation externe sur les stratgies

    dvaluation interne des enseignants se rpartissent diffremment selon les cycles et

    la zone. Les effets sont plus visibles chez les enseignants du cycle runissant les

  • Vue densemble

    28

    lves de 5ime et 6ime anne, et ce en particulier dans la zone A, o presque tous les

    enseignants qui rapportent avoir modifi leur manire dvaluer enseignent en 5ime

    ou en 6ime anne. Les modifications apportes lvaluation par les enseignants de

    la zone de A sont presque exclusivement des modifications du premier et du

    deuxime type. Dans la zone B par contre, les modifications apportes lvaluation

    interne concernent davantage tous les enseignants, quel que soit le cycle dans lequel

    ils enseignent, et renvoient tant des modifications du deuxime que du troisime

    type. On peut finalement constater que dans la zone B plus que dans la zone A, les

    valuations externes de fin danne sont utilises comme seule preuve certificative

    (en 2me et en 4me anne), alors que dans la zone de A, les preuves externes,

    except le CEB bien videmment, soit ne sont pas utilises par les enseignants (par

    exemple dans lcole A1), soit sont accompagnes dpreuves conues localement

    par les enseignants pour dcider de la russite des lves.

    Lvaluation externe semble galement avoir une influence sur les pratiques

    denseignement mises en place par les enseignants dans leur classe. Les

    transformations rapportes par les enseignants au niveau de leurs pratiques tournent

    toutes autour dune plus grande application de la pdagogie des comptences :

    organisation de leons autour dune comptence et non plus dune matire,

    ralisation dexpriences servant de base lapprentissage, en particulier en sciences

    et en veil, activits dapprentissage de la langue ancres dans un travail de lecture

    de documents. Ltendue des changements varie par contre sensiblement. Alors que

    certains enseignants rapportent avoir conu une leon partir dune approche

    centre sur les comptences en fonction dun chec constat des lves certains

    items de lvaluation, dautres semblent avoir gnralis cette approche soit une

    discipline (dans ce cas, lveil et les mathmatiques sont les disciplines les plus

    souvent cites), soit leurs pratiques denseignement de manire transversale.

    Leffet de lvaluation externe sur les pratiques denseignement varie l aussi

    fortement en fonction de la zone et des cycles denseignement. Parmi les 17

    enseignants ayant rapport des modifications touchant au cur mme de leurs

    pratiques, 12 enseignent dans la zone B. A nouveau, ceux-ci semblent rpartis de

    manire relativement gale dans les cycles denseignement, alors que les plus rares

    enseignants qui rapportent de tels changements dans la zone A sont presque tous (4

    sur 5) des enseignants qui travaillent en 5me ou en 6me anne.

    Des effets de lvaluation externe sur dautres dimensions comme la prparation

    des cours et la planification des objectifs dapprentissage ont galement t

    rapports, dans une certaine mesure, par les enseignants. A nouveau, ces effets sont

    divers : reprogrammation des objectifs dapprentissage en fonction des rsultats des

    valuations externes, choix de types et de styles dexercices diffrents suite aux

  • Vue densemble

    29

    valuations, et beaucoup plus rarement, des modifications dans lapproche mme de

    la prparation, en vue de sadapter aux nouvelles mthodes pdagogiques. Notons

    en outre que ces modifications plus profondes dans la prparation des cours sont

    parfois dcrites positivement, tandis que dautres enseignants pointent la difficult

    de cette adaptation et regrettent le temps ncessaire cette dernire. Les effets sur

    la prparation des cours et la planification des objectifs dapprentissage se

    rpartissent de manire relativement gale selon les zones. On peut juste constater

    que les rares modifications plus substantielles rapportes par les enseignants dans

    leur approche de la prparation des cours le sont par des enseignants de la zone B et

    qu nouveau, les effets de lvaluation externe se concentrent sur les enseignants

    du cycle 5-6 dans la zone A et sont plus homognes chez les enseignants de la zone

    B.

    Enfin, plus rarement des enseignants ont rapports des effets de lvaluation externe

    sur le rythme des apprentissages et sur les supports didactiques. Leffet sur le

    rythme des apprentissages a t voqu presque exclusivement par des enseignants

    de la zone A enseignant en 6me anne, qui rapportaient mettre davantage les lves

    sous pression lapproche du CEB.

    Variation des effets des valuations externes sur le contenu du travail, selon la

    zone et le cycle

    Zone Cycle Zone * Cycle

    valuation interne (23/28)

    - 5-6 >> 1-2 > 3-4 A : 5-6 >> 1-2 B : 5-6 = 3-4 = 1-2

    Pratiques (17/28)

    B 5-6 > 3-4 = 1-2 A 5-6 >> 1-2 B : 5-6 = 3-4 = 1-2

    Prparation (12/28)

    Tendance A 5-6 >> 3-4 = 1-2 A : 5-6 >> 1-2 B : 5-6 = 3-4 = 1-2

    Planification des objectifs dapprentissage (9/28)

    - 5-6 >>> autres A : 5-6 >> autres B : 5-6 = 3-4 = 1-2

    Rythme (5/28)

    A 5-6 A et 5-6

    Rutilisation support (5/28)

    Tendance A - -

    2.7 Les effets des valuations externes sur le vcu des enseignants

    2.7.1 Des preuves stressantes pour les valuations externes plus grand enjeu symbolique

    Dans la littrature, en particulier anglo-saxonne, les valuations externes sont

    souvent dcrites comme engendrant un stress important chez les enseignants (Ball

  • Vue densemble

    30

    2003, Mons 2009). La situation en Communaut franaise de Belgique semble plus

    nuance, probablement parce que les enjeux professionnels en termes de

    rcompenses / sanctions objectives sont moins cruciaux pour les enseignants (au

    niveau du droulement de leur carrire, de leur salaire, etc.). Parmi les enseignants

    que nous avons rencontrs, la manire de vivre les valuations externes est en fait

    trs varie. Elle diffre principalement selon lanne denseignement et le type

    dvaluation (certificatif ou non). Ainsi, dans les deux zones, ce sont surtout les

    enseignants de 6me anne, qui font passer le CEB leurs lves, qui dclarent que

    les preuves sont stressantes , des degrs divers cependant19. Pour certains, la

    pression ressentie est tellement forte que cela les pousse changer de cycle (A2).

    Dans les autres cycles, quelques enseignants dclarent galement ressentir un

    stress, mais ils sont bien plus rares. La plupart des enseignants rencontrs, en

    particulier ceux qui ne sont pas concerns par des valuations certificatives, disent

    en fait ne pas stresser. Les valuations diagnostiques en cours dannes semblent ne

    pas engendrer de stress car elles sont vcues de manire moins responsabilisantes

    par les enseignants dans la mesure o il peut tre normal que des lves ne

    russissent pas quand cela porte sur des matires qui nont pas encore t vues

    (A1, A2). Certains racontent aussi avoir stress uniquement lors des premires

    valuations auxquelles ils ont particip. Leur inquitude tait lie une incertitude

    sur les attentes et sest dissipe en mme temps quils ont appris connatre le

    style de questions poses .

    Le sentiment de stress est avant tout li limpression dtre valu soi-mme et

    des inquitudes suscites par les ventuelles consquences des rsultats : cest un

    peu notre russite aussi (B4), on se sent jug, on sait ce qui nous attend et les

    retombes (en rfrence des visites dinspection) (A2). Certains racontent

    notamment ressentir une pression par rapport la rputation de lcole : cest

    aussi limage de marque de lcole qui se joue (A2). Le stress renvoie aussi un

    sentiment dincertitude quant aux rsultats : cela stresse toujours un peu : ce nest

    pas difficile mais on se demande quand mme si nos lves vont se dbrouiller

    (A4). Certains voquent galement la pression exerce par lchance de

    lvaluation et lobligation dacclrer le rythme de travail pour arriver au bout de

    la matire : cest pesant car il ya une chance, a fait toujours une petite

    pression, cest toujours plus courir (A3), on se demande si on sera prt et si on

    aura fini de voir toutes les comptences (B2), on se sent oblig dacclrer le

    19 On peut noter que plusieurs enseignants expriment un plus grand stress lgard des visites de linspection qu lgard des valuations externes (mme quand ils nont jamais t inspects eux-mmes). Le stress li aux inspections renvoie non seulement au fait dtre jug, mais aussi des incertitudes quant aux attentes lgard de leur travail et au fait dy rpondre correctement : Est-ce quon travaille bien ? Comme ils le veulent ? Est-ce quon fait bien ce quils attendent ? (B2 6P).

  • Vue densemble

    31

    rythme pour tout voir (A2), aprs Pques, on met une pression sur les enfants, il

    faut acclrer, cest un peu notre russite aussi (B4). Certains voquent enfin le

    stress des parents qui rejaillit sur les enfants et par ricochet sur eux-mmes.

    Le CEB est en particulier vcu de manire stressante car les enseignants disent se

    sentir au bout de la chane et derniers responsables (A4) : le CEB arrive en

    bout de chane comme un couperet sans laisser la possibilit de rectifier le tir

    comme dans le cas des valuations externes qui se droulent les annes antrieures.

    En outre, les enseignants se sentent parfois devoir rattraper tout ce qui na pas t

    vu les annes prcdentes (A2). Enfin, les rsultats du CEB, proclams

    publiquement de manire indirecte lors des crmonies de remise des diplmes en

    fin danne, sont davantage visibles que ceux des autres preuves externes : cest

    un stress, cest toujours une petite tension car on a un peu de fiert et l tout le

    monde va tre au courant des rsultats (B4).

    2.7.2 Des preuves dmoralisantes pour les coles plus dfavorises

    Hormis leur effet stressant pour certains, les preuves externes paraissent vcues de

    manire relativement positive par les enseignants. Quelques enseignants ont

    nanmoins exprim un effet dmoralisant des valuations externes. Cest en

    particulier le cas des enseignants et du directeur dune cole accueillant une

    population dfavorise (B4) qui dclarent tre dmoraliss par les rsultats de

    leurs lves, en avoir pleur , en avoir beaucoup souffert 20 : mme sils se

    disent conscients quil ny a pas photo, ils sont de toute faon dans un milieu

    dfavoris , les mauvais rsultats des lves et en particulier les checs au CEB

    leur ont fait beaucoup de mal vis--vis des enfants car cest moralement dchirant

    pour les enfants de ne pas avoir leur CEB, cest trs dur pour eux et pour leur cursus

    futur (B4). Les valuations externes sont aussi mal vcues car elles mettent mal

    le principe galitariste et peuvent desservir la rputation de lcole. Ainsi, le directeur

    de B4 raconte avoir t du par les rsultats, en avoir souffert car il voulait que

    tous les lves russissent, il voyait quil y avait plus dchecs que dans dautres

    coles et vivait a mal, il stressait, cest une pression norme ; il sait que son public

    est dfavoris mais il se bat pour que les rsultats soient normaux21 car cest le but

    du jeu, il veut zro checs . Le directeur raconte alors avoir rflchi ensemble

    avec lquipe pour essayer de faire des valuations externes un outil positif un outil

    pour apprendre et mieux fonctionner aprs, mais que cela ne passe pas auprs des

    enseignants .

    20 Le directeur voque notamment le cas dun enseignant qui en a presque fait une dpression . 21 Cest nous qui soulignons.

  • Vue densemble

    32

    2.7.3 Un effet normalisant potentiellement rassurant

    Les valuations externes paraissent galement avoir un effet normalisant, vcu

    comme rassurant par certains. Ainsi, plusieurs enseignants apprcient les preuves

    externes car ils les trouvent rassurantes ou soulageantes dans la mesure o

    elles leur permettent de savoir sils font bien les choses (A3), de voir si on est

    dans le bon et le cas chant rectifier le tir (A2) ou encore de voir si on est

    dans ce quon attend de nous (A2), de voir si on est dans la ligne de ce quon

    nous demande (B1)22. Les valuations externes crent ainsi une normalit par

    rapport laquelle ils se situent et qui est souvent dfinie par la moyenne des

    rsultats : elles permettent de voir si on est dans la norme (A1), si on est trop

    bon, ce nest pas normal, si on nest pas bon, ce nest pas normal non plus, il y a

    vraiment une ligne, une moyenne, les valuations externes permettent de

    rquilibrer (B2). Les valuations externes permettent alors, selon certains

    enseignants, de leur fournir des repres et de lever une incertitude quant aux

    attentes leur gard et quant la qualit de leur travail. Ce faisant, les valuations

    externes leur indiquent les normes suivre : cest intressant de voir ce quoi on

    sattle et ce quoi on nous rappelle souvent de nous atteler ; jessaye daller dans

    le sens de ce quon nous demande (B3). Selon un directeur dcole, les valuations

    externes indiquent aux enseignants ce quoi ils doivent arriver (B1).

    2.7.4 Des preuves inscrites dans une logique de responsabilisation des enseignants

    Cest lenseignant qui est valu et (jug) responsable .

    Si les preuves externes valuent les acquis des lves, elles sont cependant vcues

    par les enseignants comme une valuation de leur propre travail. Les enseignants

    rencontrs se sentent eux-mmes valus par les preuves externes ; cest le cas

    aussi de certains directeurs. Selon certains, les valuations externes (en particulier

    celles diagnostiques) ne sont dailleurs pas des valuations des lves, mais des

    valuations des profs . En mme temps, les enseignants se sentent jugs par

    les valuations externes - jugs responsables des rsultats obtenus par les lves,

    et cela malgr le discours contraire que leur tiennent les directeurs dcole et les

    inspecteurs : cest une arme double tranchant : ce nest pas anodin, on est

    valu, compar, jug ; on se sent jug mme si on a beau nous dire que non ; cest

    notre travail qui est remis en cause (A2), mme si on nous dit quon nest pas

    jug, malgr tout on juge notre travail (B2), ils disent que cest pas pour juger

    les enseignants, mais quelque part oui : si lenfant loupe, cest nous qui sommes

    22 Cest nous qui soulignons.

  • Vue densemble

    33

    remis en cause ; on juge le travail qui est fait en classe et on juge lenseignant bien

    sr (B1). On retrouve cependant ici une diffrence significative entre les deux

    zones. Ainsi, dans la zone B plus que dans la zone A (except pour ltablissement

    A2), plusieurs directeurs racontent essayer de persuader les enseignants que les

    valuations externes sont un outil de travail et non une forme de jugement ou

    de contrle : ce nest pas un jugement, il ne faut pas le prendre mal, le principal

    est de se remettre en question (A2), ce nest pas un contrle des profs mais un

    outil de travail, linspecteur rappelle chaque fois que ce nest pas un jugement

    (B3), je veille de plus en plus, cest linspecteur qui le demande, bien faire

    comprendre que les preuves externes nvaluent pas un enseignant : on vient

    laider (B2), linspecteur insiste pour dire de faire attention aux valuations

    externes sans le prendre ngativement car ce nest pas une critique, cest un outil

    pour samliorer (B1). Dans la zone B, ce travail de persuasion semble davantage

    se faire sous limpulsion des inspecteurs, sans paratre vritablement porter de fruits.

    Notons que le sentiment dtre valu par les valuations externes se retrouve dans

    tous les cycles, mais de manire diffrencie selon les zones. Ainsi, dans la zone A,

    ce sont surtout les enseignants soumis des preuves en fin de cycle qui se sentent

    jugs par les valuations externes (en 2me et 6me annes), alors que dans la zone B,

    ce sentiment concerne de manire plus homogne les enseignants de tous les cycles.

    On peut supposer ici que le dispositif particulier mis en place dans la zone B, associ

    un travail collectif plus important dans les coles, impliquant lensemble de lquipe

    ducative, joue un rle dans le dveloppement de ce sentiment dans les diffrents

    cycles.

    Par ailleurs, on peut aussi noter que la responsabilisation des enseignants semble

    renforce par les attitudes des inspecteurs, en particulier dans la zone B :

    linspecteur nous dit : je ne juge pas, mais peut-tre que vous avez une

    explication ? On en discute alors ensemble (B4). Elle est aussi renforce par les

    comparaisons opres entre les collgues : cest le jugement : tu y arrives ou tu

    ny arrives pas, on compare les classes et on renvoie cela des mthodologies

    diffrentes (B4).

    Cette responsabilisation des enseignants est vcue parfois de manire ngative et

    injuste : on se fait toujours quelque part critiquer, on se retourne contre

    lenseignant (A2), en cas dchec, cest la faute de linstituteur mme si ce nest

    pas toujours le cas car il y a des lves qui arrivent avec du retard et certains sont

    limits (B2), cest le prof qui est valu et parfois on fait le raccourci : on accuse

    le prof des mauvais rsultats (B4).

  • Vue densemble

    34

    Une chane de responsabilits

    Un des effets du travail collectif ralis autour des valuations externes semble tre

    linscription des enseignants dans une chane de responsabilits. De nombreux

    enseignants dclarent ainsi que : tout le monde est concern, il ny a pas que son

    propre travail qui est valu (B1), les collgues des cycles prcdents le savent

    bien, on forme une chane (A2), ce nest pas moi qui fait tout le travail : il y a

    aussi le travail des maternelles, il y a le travail des collgues prendre en

    considration (B1). Les directeurs insistent en particulier sur ce point : tous