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Événement 4 Les Nouvelles Fiscales Nº 1195 - 1 er MARS 2017 Évaluation des titres non cotés : la méthode d’évaluation « par comparaison » est d’application exclusive Par un arrêt en date du 21 octobre 2016, le Conseil d’État apporte des précisions inédites concernant le contentieux de l’évaluation en jugeant que si l’évaluation des titres de sociétés non cotées doit s’appuyer prioritairement sur la comparaison avec des transactions récentes portant sur des titres de la même société (ou de sociétés similaires), l’application de cette méthode d’évaluation dite « par comparaison » ne peut pas être combinée avec une ou plusieurs autres méthodes d’évaluation alternatives. CE, 21 oct. 2016, n° 390421, Société France Élévateur. Méthode d’évaluation des titres de sociétés non cotées appliquée par l’administration fiscale dans cette affaire Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, la SARL MT Trading devenue la société France Élévateur (ci-après « la So- ciété ») avait, au titre de l’exercice 2006, procédé à l’acquisition de l’intégralité des titres de la SA société nouvelle AB services, société anonyme non cotée, auprès de dif- férents cédants pour un prix d’acquisition unitaire allant de 24,81 € à 300 € par ac- tion. À la suite d’opérations de vérification, l’ad- ministration fiscale a estimé que le prix d’acquisition d’une partie des actions de la SA société nouvelle AB Services avait été délibérément minoré par les parties pour dissimuler une libéralité consentie par le vendeur à l’acquéreur. L’Administration a donc corrigé la valeur d’enregistrement de l’immobilisation à l’actif de la Société pour y substituer sa va- leur vénale et a rehaussé le bénéfice impo- sable de la Société à hauteur de la variation d’actif net résultant de la modification du prix d’acquisition des titres pour l’établisse- ment de l’imposition. La Société a contesté le rehaussement d’impôt devant le Tribunal administratif de Nancy qui a rejeté cette demande. La Cour administrative d’appel de Nancy a égale- ment rejeté l’appel formé par la Société qui a donc déposé un pourvoi auprès du Conseil d’État. Le droit de contrôle de l’Administration sur le prix des transactions En matière d’évaluation des biens, le prin- cipe déclaratif conduit à ce que la valeur déclarée soit réputée conforme à sa valeur Jean-Christophe BOUCHARD Avocat associé NMW Avocats Vincent HOUANG Avocat à la Cour NMW Avocats NF1195_P04_P07_EVENEMENT.indd 4 10/02/2017 15:44

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Fiscalité des entreprises

Événement

4 Les Nouvelles Fiscales Nº 1195 - 1er MARS 2017

Évaluation des titres non cotés : la méthode d’évaluation « par comparaison » est d’application exclusivePar un arrêt en date du 21 octobre 2016, le Conseil d’État apporte des précisions inédites concernant le contentieux de l’évaluation en jugeant que si l’évaluation des titres de sociétés non cotées doit s’appuyer prioritairement sur la comparaison avec des transactions récentes portant sur des titres de la même société (ou de sociétés similaires), l’application de cette méthode d’évaluation dite « par comparaison » ne peut pas être combinée avec une ou plusieurs autres méthodes d’évaluation alternatives.CE, 21 oct. 2016, n° 390421, Société France Élévateur.

Méthode d’évaluation des titres de sociétés non cotées appliquée par l’administration fiscale dans cette affaireDans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, la SARL MT Trading devenue la société France Élévateur (ci-après « la So-ciété ») avait, au titre de l’exercice 2006, procédé à l’acquisition de l’intégralité des titres de la SA société nouvelle AB services, société anonyme non cotée, auprès de dif-férents cédants pour un prix d’acquisition unitaire allant de 24,81 € à 300 € par ac-tion.

À la suite d’opérations de vérification, l’ad-ministration fiscale a estimé que le prix d’acquisition d’une partie des actions de la SA société nouvelle AB Services avait été délibérément minoré par les parties pour dissimuler une libéralité consentie par le vendeur à l’acquéreur.

L’Administration a donc corrigé la valeur d’enregistrement de l’immobilisation à l’actif de la Société pour y substituer sa va-leur vénale et a rehaussé le bénéfice impo-sable de la Société à hauteur de la variation d’actif net résultant de la modification du prix d’acquisition des titres pour l’établisse-ment de l’imposition.

La Société a contesté le rehaussement d’impôt devant le Tribunal administratif de Nancy qui a rejeté cette demande. La Cour administrative d’appel de Nancy a égale-ment rejeté l’appel formé par la Société qui a donc déposé un pourvoi auprès du Conseil d’État.

Le droit de contrôle de l’Administration sur le prix des transactions

En matière d’évaluation des biens, le prin-cipe déclaratif conduit à ce que la valeur déclarée soit réputée conforme à sa valeur

Jean-Christophe BOUCHARDAvocat associé NMW Avocats

Vincent HOUANG

Avocat à la Cour NMW Avocats

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vénale, sous réserve du contrôle a posteriori de l’adminis-tration fiscale.

Si l’administration fiscale n’a pas le droit de modifier le prix des transactions, elle peut toutefois, lorsqu’elle consi-dère que le prix arrêté par les parties est insuffisant ou surévalué par rapport à la réalité, lui substituer la valeur qu’elle considère comme étant la valeur vénale du bien ou sa « valeur de marché » à des fins d’établissement de l’impôt ou des droits d’enregistrement.

Sur ce point, le Conseil d’État juge de façon constante que : « Dans le cas où le prix de l’acquisition d’une immobilisation est inférieur à sa valeur vénale, l’Administration est fondée à corriger la valeur d’origine de l’immobilisation comptabi-lisée par l’entreprise acquéreuse pour son prix d’acquisition, pour y substituer sa valeur vénale. »(1)

Cette « valeur de marché » doit être établie par l’admi-nistration fiscale compte tenu de tous les éléments per-mettant d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l’offre et de la demande à la date à laquelle la transaction est intervenue.

Cette exigence est d’ailleurs posée de longue date par le juge de l’impôt en matière d’évaluation.

Ainsi, la Cour de cassation juge de façon constante que : « Le jugement relève que la mutation porte sur des titres non cotés, en déduit, exactement s’agissant de biens dont la cession ne saurait être comparée à celle de biens similaires, que la valeur vénale réelle de ces titres doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la de-mande. »(2)

Le Conseil d’État a adopté une position similaire en jugeant que : « La valeur vénale d’actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et la demande à la date où la cession est intervenue. »(3)

Toutefois, si l’administration fiscale est en droit de contes-ter la valeur des transactions, elle a l’obligation d’apporter la preuve que le prix ou l’évaluation déclarés est inférieur ou supérieur à la valeur vénale des biens à la date de ré-férence.

C’est en effet l’Administration qui supporte la charge de la preuve en application de l’article L. 57 du LPF qui dispose que : « L’Administration adresse au contribuable une pro-position de rectification qui doit être motivée de manière

(1) CE, 26 juill. 2011, n° 310643, Société Toyota Motor Manufacturing France.

(2) Cass. com., 21 mai 1996, n° 94-20.517, Bracoud.

(3) CE, 14 nov. 2003, n° 229446.

à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ».

La charge de la preuve qui pèse sur l’Administration est particulièrement lourde dans le contentieux de l’évalua-tion.

Cette exigence est confirmée par le juge de l’impôt qui rappelle de manière constante qu’il appartient à l’Admi-nistration qui conteste l’évaluation d’un bien ou d’un actif par un contribuable de démontrer son erreur(4).

La Cour de cassation a jugé sur ce point que : « Lorsque l’administration des impôts entend substituer à la valeur déclarée dans un acte de mutation soumis aux droits d’en-registrement la valeur vénale réelle du bien en cause, il lui appartient, dès la notification du redressement, de justifier l’évaluation par elle retenue au moyen d’éléments de com-paraison tirés de la cession, avant la mutation litigieuse, de biens intrinsèquement similaires. »(5)

Les méthodes d’évaluation de l’Administration

Lorsque l’administration fiscale entend rétablir la valeur réelle d’un bien (immeubles ou titres de sociétés), ob-jet d’une transaction, celle-ci a recours à des méthodes d’évaluation.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, l’Ad-ministration avait établi l’évaluation des titres de la socié-té nouvelle AB services par la combinaison, d’une part, de la valeur obtenue par application de la méthode par com-paraison et, d’autre part, en utilisant la moyenne arithmé-tique de la valeur obtenue par la méthode d’évaluation dite mathématique et la valeur de rentabilité des titres.

En matière d’évaluation, l’administration fiscale dispose de plusieurs méthodes qui sont compilées dans le Guide de l’évaluation des entreprises et des titres de sociétés des biens.

Ce guide, dont le contenu est en principe non opposable à l’Administration, présente les différentes méthodes d’éva-luation applicables en ce qui concerne, notamment les titres de sociétés non cotées.

En matière d’évaluation de titres de sociétés non cotées, plusieurs méthodes d’évaluation peuvent être retenues :

– la méthode d’évaluation dite « par comparaison » qui est établie par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu’elle ressort des transactions portant, à la même époque, sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d’un prix de convenance. Le guide précise sur ce point que cette méthode est mise en œuvre « soit à partir d’une cession ou d’un transfert antérieur du titre à évaluer, soit à partir de l’évolution des valeurs boursières

(4) CE, 28 oct. 1985, n° 40574 ; CE, 19 nov. 1984, n° 31492.

(5) Cass. com., 28 janv. 1992, n° 89-19.385, Colaert.

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concernant des sociétés cotées très proches structurel-lement et financièrement de la société non cotée dont on recherche la valeur des titres, ou encore à partir de transac-tions d’entreprises non cotées dans le même secteur d’ac-tivité » ;

– la méthode dite « patrimoniale » ou « mathématique » qui consiste à déterminer la valeur des titres par référence à la valeur de l’actif net de la société. Il s’agit de procéder à la valorisation de la société à la date du fait générateur de l’imposition pour en déduire la valeur des titres. Cette valeur s’obtient selon le guide « par la somme des valeurs vénales des différents éléments de l’actif diminuée de la somme des éléments du passif réel (dettes à long, moyen et court terme) et des provisions. Elle suppose donc un re-traitement des bilans de façon à corriger les valeurs comp-tables pour les ramener aux valeurs réelles » ;

– les méthodes prenant en compte le rendement et la productivité de la société, fondées par exemple sur la ca-pitalisation des bénéfices. Toujours selon le guide de l’éva-luation, la valeur de productivité permet de « dégager la valeur d’une entreprise en capitalisant le résultat net que son activité produit, peu importe que le bénéfice soit distri-bué ou mis en réserve ».

La mise en œuvre de la contestation du prix des transactions par l’administration fiscale

La question centrale sur laquelle le Conseil d’État devait se prononcer dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée était celle de savoir comment les diverses méthodes d’évaluation doivent être mises en œuvre et plus particulièrement si celles-ci peuvent, le cas échéant, être combinées entre elles.

En pratique, la méthode d’évaluation dite par comparai-son est la plus couramment employée par l’administra-tion fiscale qui considère que les méthodes d’évaluation et notamment les méthodes d’évaluation par le revenu et la rentabilité sont des méthodes volatiles et peu fiables.

En ce qui concerne l’articulation de ces différentes mé-thodes entre elles, le guide de l’évaluation précise que « d’une manière générale, la valeur par comparaison doit être complétée par les autres approches ».

Le juge de l’impôt a quant à lui et de longue date jugé que la méthode d’évaluation par comparaison devait être mise en œuvre prioritairement.

Ce principe, qui est rappelé par le Conseil d’État dans l’ar-rêt commenté, résulte d’une jurisprudence bien ancrée dont on peut citer par exemple une décision du 23 juillet 2010 dans laquelle la Haute juridiction a jugé : « Qu’en l’absence de toute transaction ou de transaction équiva-lente, l’appréciation de la valeur vénale est faite en utili-sant les méthodes d’évaluation qui permettent d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession

est intervenue ; que, dès lors, la cour n’a pas commis d’er-reur de droit, en écartant de manière suffisamment motivée la comparaison avec le prix de vente de 3 750 F par part fixé dans le cadre de l’offre reçue le 15 août 1991 qui n’a pas conduit à une cession effective et en examinant les autres méthodes d’évaluation retenues par l’Administration. »(6)

La Cour de cassation rejoint le Conseil d’État en ce qui concerne la mise en œuvre prioritaire de la méthode par comparaison. Elle a ainsi jugé, dans un arrêt du 7 juillet 2009

concernant une cession de titres, que lorsqu’un terme de comparaison existe dans un marché réel et dans un temps proche du fait générateur de l’imposition litigeuse, il n’y a pas lieu de recourir aux méthodes de calcul alternatives(7).

En revanche, lorsque la méthode par comparaison n’est pas applicable faute de comparables, il est admis par la ju-risprudence de pouvoir combiner entre elles les méthodes subsidiaires. L’arrêt précité de la Cour de cassation du 7 juillet 2009 en est une illustration : « La cour [d’appel] n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’Adminis-tration par la combinaison de ces différentes méthodes [la valeur mathématique reconstituant l’actif réel et le passif réel, la valeur de productivité et la valeur tirée de la marge brute d’autofinancement] établissait que le prix de cession excédait significativement la valeur vénale du titre et en jugeant implicitement mais nécessairement que le chiffre qu’elle proposait était aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ».

Il résulte de la jurisprudence applicable tant de celle is-sue du Conseil d’État que de la Cour de cassation qu’on ne peut passer à une méthode alternative que dans le cas où la méthode par comparaison ne peut pas être mise en œuvre en l’absence de tout terme de comparaison.

La jurisprudence reste toutefois muette sur la question de savoir si l’Administration est fondée à mettre en œuvre à la fois une méthode par comparaison, lorsque celle-ci était applicable, et une ou plusieurs méthodes alterna-tives comme c’était le cas en l’espèce, notamment pour conforter et vérifier la cohérence de l’évaluation faite par application de la méthode d’évaluation par comparaison.

Combinaison de la méthode d’évaluation par comparaison avec une ou plusieurs méthodes d’évaluation subsidiairesLa Haute juridiction tranche cette question inédite en jugeant que : « La valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet

(6) CE, 23 juill. 2010, n° 308021, Société indivision Lucie Marmajou.

(7) Cass. com., 7 juill. 2009, n° 08-14.855, Zom.

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d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résul-tant du jeu de l’offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ; que cette valeur doit être éta-blie, en priorité, par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu’elle ressort des transactions portant, à la même époque, sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d’un prix de convenance ; que, toutefois, en l’absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l’administration peut léga-lement se fonder sur l’une des méthodes destinées à déter-miner la valeur de l’actif par capitalisation des bénéfices ou d’une fraction du chiffre d’affaires annuel, ou sur la combi-naison de plusieurs de ces méthodes ; qu’elle ne saurait tou-tefois procéder par combinaison entre la méthode par com-paraison et l’une ou plusieurs des méthodes alternatives ».

Ce faisant, le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps et assez classiquement que la méthode « par com-paraison » doit être prioritairement appliquée par rapport aux autres méthodes d’évaluation, que la comparaison soit, comme au cas d’espèce, réalisée par référence à des transactions relatives aux titres de la même société(8) ou aux titres de sociétés intrinsèquement similaires(9).

Dans un second temps, la Haute juridiction poursuit son raisonnement en rappelant que c’est uniquement lorsque l’existence de comparables pertinents fait défaut et que la méthode d’évaluation « par comparaison » ne peut donc pas être mise en œuvre que l’Administration peut recou-rir à l’une des méthodes d’évaluation alternatives ou les combiner entre elles(10).

Le Conseil d’État achève son raisonnement en jugeant qu’en matière d’évaluation de titres de sociétés non cotées, il n’est en revanche pas possible de combiner la méthode « par comparaison » avec une ou plusieurs méthodes al-ternatives. Ces méthodes sont donc purement subsidiaires, comme le rappelle le Rapporteur public dans cette affaire, dans la mesure où admettre la méthode d’évaluation re-tenue par l’Administration en l’espèce (c’est-à-dire la mé-thode « par comparaison » combinée à des méthodes subsidiaires) reviendrait à remettre en cause le caractère prioritaire de la méthode « par comparaison ».

(8) CE, 23 juill. 2010, n° 308021.

(9) CE, 20 déc. 2011, n° 313435.

(10) CE, 23 juill. 2010, n° 308021 précité.

Mise en œuvre de l’évaluation de biens préciséeLa solution dégagée par le Conseil d’État a le mérite de clarifier la situation sachant que le guide d’évaluation des biens recommande, d’une manière générale, de complé-ter la valeur obtenue par application de la méthode dite « par comparaison » par d’autres méthodes notamment à titre de recoupement.

Autrement dit, il semblerait qu’il ne soit plus possible de combiner une méthode par comparaison et des méthodes subsidiaires, même lorsqu’il s’agit de conforter la valeur obtenue par la méthode par comparaison en la rappro-chant avec celles obtenues par les méthodes subsidiaires prises isolément ou combinées entre elles.

La solution du Conseil d’État, dont la portée excède, se-lon nous, la seule question de l’évaluation des titres de sociétés non cotées, devrait trouver à s’appliquer à tous les contentieux fiscaux de l’évaluation.

On attendra toutefois avec intérêt que la Cour de cassa-tion ait l’occasion de prendre position sur l’analyse rete-nue par la juridiction administrative sur ce point. n

COMMENTAIRE

En jugeant que l’évaluation des titres de sociétés non co-tées doit s’appuyer prioritairement sur la comparaison avec des transactions récentes portant sur des titres de la même société (ou de sociétés similaires), l’application de cette méthode d’évaluation dite « par comparaison » est d’application exclusive et ne peut pas être combinée avec une ou plusieurs autres méthodes d’évaluation alter-natives. Si la décision commentée a le mérite de clarifier la mise en œuvre pratique des évaluations de biens, la consécration de la primauté de la méthode d’évaluation par comparaison est à l’origine en pratique d’un abondant contentieux. Ceci, dans la mesure où l’accès inégal aux renseignements quant à la détermination de comparables pertinents disponibles entre le contribuable et l’Adminis-tration, rend parfois délicat le recours à cette méthode d’évaluation. Enfin, le manque de comparables pertinents et l’application systématique de la méthode par compa-raison conduit, dans certains cas, certains services vérifi-cateurs de l’administration fiscale à faire une application viciée de cette méthode d’évaluation.

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