Etude de faisabilité de la réintroduction du LEtude de faisabilité de la réintroduction du...

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Aix Marseille Université Pôle universitaire de Gap, 2 rue Bayard, 05 000 GAP Master 2 « Métiers de la Montagne » L FDC 48, 2010 M. Cornillon A. Lagrave Mémoire de stage rédigé par Gilles TRAUCHESSEC Tuteur universitaire : Olivier SENN Maître de stage : Arnaud JULIEN, Chargé de Mission à la Fédération des Chasseurs de Lozère (FDC 48) Année universitaire 2011- 2012 Mémoire pour l’obtention du Master II Métiers de la Montagne Etude de faisabilité de la réintroduction du Chamois en Lozère (48)

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Aix Marseille Université Pôle universitaire de Gap, 2 rue Bayard, 05 000 GAP

Master 2 « Métiers de la Montagne »

L

FDC 48, 2010 M. Cornillon

A. Lagrave

Mémoire de stage rédigé par Gilles TRAUCHESSEC

Tuteur universitaire : Olivier SENN

Maître de stage : Arnaud JULIEN, Chargé de Mission à la Fédération des Chasseurs de Lozère (FDC 48)

Année universitaire 2011- 2012 Mémoire pour l’obtention du Master II Métiers de la Montagne

Etude de faisabilité de la réintroduction du

Chamois en Lozère (48)

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. Sénèque

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Remerciements

Je tiens à remercier en premier lieu Arnaud Julien, sans qui ce stage n’aurait pas eu

lieu. Sa détermination, son bouillonnement d’idée et la « stère » de publications qu’il m’a

fourni ont été essentiels.

En second lieu, un grand merci à M. Suau et toute son équipe pour leur accueil

chaleureux et tous ces bons moments passés en leur compagnie.

Un grand merci à mon tuteur de stage, Olivier Senn, pour ses conseils avisés, son

recadrage et sa grande patience.

Merci également, à Jean Pierre Choisy pour m’avoir fait part de ces compétences et

pour ces deux jours passés en sa compagnie à observer des chamois dans les Barronies et le

Diois.

Je remercie aussi Emmanuel Marquet de m’avoir permis de participer au comptage

chamois dans les Monts du Cantal.

Enfin, je suis reconnaissant envers tous les experts contactés qui, de près ou de loin,

ont participé à cette étude.

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Table des abréviations

FDC 48 : Fédération Des Chasseurs (48, département de la Lozère)

CNERA : Centre National d’Etudes et de Recherches Appliquées

CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique

CRPF : Centre Régional de la Propriété Forestière

DER : Direction E Régionale

DDT : Direction Départementale des Territoires

FRAPNA : Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature

LPO : Ligue pour la Protection des Oiseaux

ONCFS : Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage

ONF : Office National des Forêts

SFEPM : Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Sommaire

Remerciements ......................................................................................................................... 4

Table des abréviations ............................................................................................................. 5

Sommaire .................................................................................................................................. 6

Introduction .............................................................................................................................. 8

Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du chamois en Lozère ........... 11

I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables .................................... 11

I.1 Réintroduction : retours d’expériences .................................................................. 11

I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil ............................................ 14

II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts ....................... 18

II.1 Présentation succincte du chamois ........................................................................ 18

II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne ......................................... 21

II.3 Une bonne capacité d’adaptation .......................................................................... 22

II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts ................................................................ 24

III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du chamois .......... 27

III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés .............................. 27

III.2 Le retour du Chamois en Lozère ? ....................................................................... 32

IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans des projets

de réintroduction ................................................................................................................ 38

Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement accueillants pour le chamois ?

.................................................................................................................................................. 40

I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités humaines ......... 40

I.1 Exigences écologiques ............................................................................................... 40

I.2 Organisation spatiale ................................................................................................ 44

I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages.......................................................... 45

I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines .............................................................. 46

II Sélection des massifs étudiés ......................................................................................... 51

II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie ................................................................... 51

II.2 Description générale ................................................................................................ 54

III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif ..................................... 59

III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites 59

III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini .... 86

III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs ............................... 99

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III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion 101

Conclusion ............................................................................................................................. 103

Table des matières ................................................................................................................ 105

Bibliographie ......................................................................................................................... 108

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Introduction

L’exode rural qu’ont subi de nombreuses régions entre la fin du XIXème et tout au long du

XXème siècle a permis un retour de la forêt sur des milieux autrefois ouverts par les activités

humaines1. Cette importante modification, associée à une meilleure gestion cynégétique a

souvent favorisé le retour d’ongulés sauvages disparus. Cependant, par manque de

connexions écologiques, certains d’entre eux ne pourront réoccuper leur enveloppe

biogéographique. Pourtant, « par leur biomasse, leur impact sur les milieux naturels, leur rôle

primordial comme proie pour les grands prédateurs, comme nécromasse pour les

nécrophages et comme point de départ des communautés de coprophages, ils occupent une

place de premier plan dans le fonctionnement des écosystèmes » (Cochet2, 2008). C’est le cas

par exemple du chamois (Rupicapra rupicapra) qui est, de nos jours, absent de la moitié sud

du Massif Central et notamment de la Lozère, alors qu’il occupait, semble-t-il, cette région

dans le passé. Des observations de cette espèce sont faites depuis une dizaine d’années mais

aucune population ne s’est, jusqu’à présent installée dans cette région. Cette dernière occupe

pourtant sur le plan écologique, une position géographique clé à l’échelle nationale car elle est

située à mi-chemin entre les Alpes et les Pyrénées et constitue par conséquent un véritable

corridor écologique entre ces deux massifs.

Nous sommes donc en droit de nous poser la question suivante : La réintroduction d’une

population viable et pérenne de chamois (Rupicapra rupicapra) en Lozère est-elle justifiée,

possible sur le plan écologique et compatible avec les activités socio-économiques régissant

ce territoire ?

Selon la définition de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) la

réintroduction d’une espèce sauvage animale ou végétale correspond à « l’implantation d’une

espèce dans une zone qu’elle occupait autrefois, mais d’où elle a été éliminée ou d’où elle a

disparu »3. La notion «d’implantation », sous entend l’établissement d’une population viable

et pérenne.

1 Source : G. Rayé, http://colloque-reintroductions.blogspot.fr/p/programme-en-details.html, consulté le 15/08/2012. 2 Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne, Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche. 3 Sources : Lignes directrices relatives aux réintroductions, IUCN 1995.

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Le Colloque sur le thème des réintroductions (Lyon, Février 2012)4 présidé par M. Lefeuvre5,

a montré que les projets de réintroduction peuvent encore être considérés comme un outil de

restauration de la biodiversité et, plus généralement, de valorisation du territoire. Ainsi, les

réintroductions d’espèces animales ont permis d’améliorer l’état de conservation de plusieurs

espèces parfois menacées de disparition. Les exemples ne manquent pas : le castor d’Europe

(Castor fiber), le bouquetin (Capra Ibex), le gypaète barbu (Gypaète barbatus) ou encore le

vautour moine (Aegypius monachus) sont autant d’espèces sauvées d’une extinction grâce à

des réintroductions. La politique remarquable de restauration de la biodiversité, menée par le

Parc Naturel Régional du Vercors et qui a permis le retour d’espèces emblématiques comme

le bouquetin (Capra ibex), en est une parfaite illustration.

Cependant, certaines réintroductions qui se sont soldées par un échec écologique ou par un

conflit social, ont participé à rendre de nos jours, les réintroductions comme un sujet de plus

en plus délicat. Pour éviter ce type d’échec, un projet de réintroduction doit être justifié sur le

plan écologique et biogéographique6. En effet, selon Choisy7 (2003), pour ce type de projet, il

est bien plus pertinent de raisonner à l’échelle biogéographique que de se limiter à la

recherche de preuves de présence ancienne de l’espèce sur le site étudié. Une réintroduction

doit également relever du bon sens. Ainsi comme le dit Choisy (2003), « éthiquement

préférable, scientifiquement bien plus intéressant et en outre gratuit », le retour d’une espèce

dans un territoire est toujours préférable à une réintroduction. Enfin, elle doit être en accord

avec les activités socio-économiques régissant le territoire.

Dans le contexte lozérien ce sujet suscite diverses interrogations auxquelles l’étude tentera de

répondre. Tout d’abord, la Lozère appartient-elle réellement à l’enveloppe biogéographique

du chamois ? Cette présence ancienne est-elle réellement avérée? Une colonisation naturelle

du chamois depuis l’arc alpin et/ou les Monts du Cantal est-elle possible dans les années,

décennies ou siècles à venir ? La colonisation du chamois à court terme, délégitimerait ainsi

un projet de réintroduction. Une telle présence, serait-elle bénéfique pour le territoire et ses

habitants ainsi que pour l’espèce elle-même, à l’échelle du Massif Central ? Le chamois est,

dans l’imaginaire collectif, associé à la haute montagne. Nous sommes donc en droit de nous

4 Ce colloque organisé à Lyon courant février 2012 était organisé par le Centre Ornithologique Rhône-Alpes Faune Sauvage (CORA Faune Sauvage) et la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) 5 Président du Centre National de la Protection de la Nature 6 La biogéographie détermine les aires de répartition potentielles et réelles des différentes espèces, ainsi que l’évolution de ces aires en fonction des variations de l’environnement ou des activités humaines. 7 Ancien gestionnaire au Parc Naturel Régional du Vercors. Auteur de diverses opérations de réintroduction d’espèces animales.

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demander si la Lozère département, de moyenne montagne8 présente réellement des milieux

favorables à l’accueil de cette espèce ? Enfin, la présence d’une population de chamois est-

elle compatible au vu des activités socio-économiques du territoire ?

Pour répondre à cette problématique, nous analyserons en détail le contexte dans lequel

s’insère le projet et nous essayerons de savoir s’il se justifie. Pour cela, nous aurons une

approche pluridisciplinaire et aborderons des aspects d’ordre écologique, éthique, touristique

et cynégétique. Dans un second temps, nous tenterons de déterminer, si la Lozère présente

véritablement des milieux favorables d’un point de vue écologique à l’accueil d’une

population de chamois et si cette espèce est compatible avec les activités socio-économiques

du territoire. Nous étudierons pour cela, le cas précis de massifs lozériens qui nous paraissent

les plus susceptibles d’être favorables.

8 D’une altitude moyenne de 1000 m ; Source : http://www.anem.org/, consulté le 17/08/2012.

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Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du

chamois en Lozère

Le sujet des réintroductions est de nos jours un sujet délicat. Il croise des notions habituelles

dans ce type dossier (végétation, topographie…) mais aussi et surtout des notions d’ordre

éthique, politique et financier. Pour avoir des chances d’aboutir, le projet de réintroduction du

chamois en Lozère doit donc présenter des fondements solides, et notamment au niveau

écologique, ainsi que de réels intérêts pour le territoire d’accueil.

I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables

Après une brève présentation de diverses opérations de réintroduction du chamois, nous

analyserons les intérêts que peut susciter une telle opération.

I.1 Réintroduction : retours d’expériences

De nombreuses réintroductions de chamois ainsi que des renforcements de populations ont eu

lieu en France, la première datant de 1956 dans les Vosges, la dernière de 2005 dans le Var.

La figure 1 présente une synthèse, résultant d’une recherche bibliographique couplée

d’entretiens téléphoniques, de trois opérations de réintroductions de chamois. Ces exemples

ont été choisis car, bien qu’ils se soient déroulés en moyenne montagne, chacun d’eux

présentait, une situation géographique et un contexte écologique et humain particulier.

Chacune d’entre elles s’est soldée par un succès et ceci, grâce a, une forte capacité

d’adaptation de l’espèce. Ce point sera par la suite abordé avec plus de détails. Les services

rendus par chacune de ces réintroductions touchent les domaines social, esthétique,

touristique, économique et bien évidemment écologique.

Certaines remarques de l’ordre « opérationnel » peuvent êtres faites à partir de ces exemples.

Tout d’abord, en ce qui concerne la chasse, plusieurs politiques ont été adoptées. Bien sur,

dans les trois cas la chasse au chamois était interdite durant les premières années qui ont suivi

les lâchers mais l’expérience de la Sainte Baume dans laquelle la pression cynégétique (aux

autres gibiers) demeurait forte, prouve que si le milieu est réellement accueillant et riche en

zones refuges (escarpements rocheux, etc.) celle-ci n’est pas incompatible avec une telle

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opération. De plus, les trois populations enregistrent un taux de reproduction élevé durant les

premières années après les lâchers (entre 25 et 30% selon les cas). Ceci peut s’expliquer par le

contexte « moyenne montagne » qui fournit des ressources alimentaires importantes durant

une très grande partie de l’année, mais aussi par le fait que les populations sont (étaient) en

phase d’expansion et non à saturation. Enfin, l’extension géographique des populations du

Puy Mary et des Vosges démontre la capacité de colonisation de l’espèce.

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(Ré)Introduction du chamois dans le massif des Vosges (Haut-Rhin) Présence historique ou préhistorique de l’animal ? -Des fossiles datant des grandes glaciations quaternaires auraient été retrouvés (Labarrière et Al., 1986). -Quelques documents douteux attestent de sa présence au cours des derniers siècles (Labarrière et Al., 1986). Date : 1956, 1959 et 1970 Nombre de chamois lâchés : 11, 2 et 3 Provenance des animaux lâchés : Zastlestal (province de Bade-Wurtemberg) et réserve nationale de chasse des Bauges Extension géographique : Colonisation du département des Vosges (années 70), puis de la Haute Saône et du Territoire de Belfort. Chasse : - Création de la réserve nationale du Markstein, le 4 mars 1963. - Nombre d’années avant le premier plan de chasse : 19 ans après le premier lâcher Estimation de la taille de la population actuelle : 800 dans les Vosges Rhinoises (Boehly1, Com. Pers., Mars 2012) Dégâts causés aux cultures : aucun (Boehly, Com. Pers., Mars 2012)

Source : Enquête sur les ongulés

de montagne (R.Corti, 2005)

Réintroduction du chamois dans le massif du Puy-Mary (Cantal) Présence historique ou préhistorique de l’animal ? - Pas de présence historique (à l’échelle humaine). - Des fossiles datant de la seconde moitié du Wurm (-50 000 à -10 000 ans) ont été retrouvés dans les départements voisins et notamment en Ardèche (FDC 07 & ONCFS, 2011). Date : Du 22 avril 1978 au 3 novembre 1979. Nb de chamois lâchés : 45 (21 femelles, 5 mâles, 7 éterles, 7 éterlous, 2 chevreaux femelles et 5 chevreaux mâles). Provenance des animaux lâchés : Réserve de chasse du Markstein Extension géographique : Colonisation d’une très grande partie des reliefs du nord-ouest du Massif central : Massif du Puy de Sancy, vallée de l’Alagnon, vallée de la Rhue, etc… Chasse : - Mise en réserve du site (3000 ha) pendant 4 ans - Nombre d’années avant le 1er plan de chasse : 6 ans Estimation de la taille de la population actuelle : environ 900 animaux dans le Cantal et plus de 250 animaux dans le département du Puy de Dôme. Dégâts causés aux cultures : aucun

Type de milieux occupés par le chamois dans le Massif central

Type de milieux occupés par le chamois dans les Vosges

Réintroduction du chamois dans le massif de la Sainte Baume (Var)

Présence historique ou préhistorique de l’animal ? - L’espèce était déjà présente au nord du département, suite à la colonisation récente des Préalpes du sud depuis les Alpes Internes. Cette forte expansion était cependant bloquée en direction du sud par l’Autoroute A8. Cette dernière empêchait donc la présence du chamois dans le massif de la Sainte Baume. - Présence au Néolithique (fossiles retrouvés) Date : 2005 Nombre de chamois lâchés : 27 (13 femelles et 14 mâles) Provenance des animaux lâchés : Parc Naturel du Mercantour Extension géographique : Un éclatement a été observé sur le massif (un an après le lâcher, environ) pouvant être lié à la présence d’un loup. Cette présence n’a cependant pas mis en échec l’opération. Chasse : - Pas de mise en réserve du site de lâcher - Pression cynégétique au moment du lâcher et pendant les années qui ont suivie, forte. On compte en effet, sur cette zone, deux équipes de chasseurs pratiquant la chasse en battue (au sanglier) au moins une fois par semaine. - Nombre d’années avant le 1er plan de chasse : la chasse n’est pas encore envisagée sur le massif. Dégâts causés aux cultures : aucun

Source : Enquête sur les ongulés de montagne (R.Corti, 2005)

Source : Corine Land Cover 2006

Type de milieu occupé par le chamois sur le site de lâcher

Figure 1 : Quelques exemples de réintroduction de chamois en France Source : FDC 48 à l’aide de données fournies par les FDC 83, FDC 15, FDC 68 et FDC 07.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil

Les bienfaits que peut générer le retour du chamois en Lozère sont importants. Ils relèvent

aussi bien du domaine écologique que touristique ou encore cynégétique.

I.2.1 Des intérêts écologiques

Le retour du chamois dans la moitié sud du Massif central, et particulièrement en Lozère,

constitue un enjeu écologique fort pour plusieurs raisons.

Ce retour participerait, tout d’abord, au processus de restauration biogéographique de l’espèce

qui était autrefois présente dans une très grande partie de la France. Malgré une dynamique

récente de recolonisation, tant du coté alpin où son retour dans les Préalpes est naturel que du

coté des Monts du Cantal où elle a fait l’objet de lâchers9, elle demeure absente dans la moitié

sud du Massif central (la Lozère se situant en son sein). Cette zone offre pourtant certains

vastes biotopes autrefois en partie occupés par l’espèce et qui paraissent à première vue

favorables.

De plus, la Lozère occupe une position stratégique à l’échelle macro régionale (Massif

central). Par conséquent, la présence d’une population de chamois dans le département

permettrait certainement de rétablir deux connexions principales (Cf. figure 2) :

- un premier corridor entre les contreforts sud du Massif central (dont la présence

historique est avérée) et sa moitié nord actuellement peuplée (Monts du Cantal et

Massif du Sancy) ;

- une deuxième connexion entre la bordure orientale du Massif central (et notamment

l’Ardèche) où des observations de chamois en provenance des Alpes ont été faites ces

dernières années (Ariagno, 2006) et où deux projets de réintroduction sont à l’étude10,

et les populations du Cantal.

9 Certains experts considèrent cette opération comme une introduction étant donné l’absence de fossiles retrouvés ou de données historiques dans le département du Cantal. Pour d’autres, au contraire le Cantal faisant parti de l’aire biogéographique du chamois, il s’agit bien d’une réintroduction. 10 Dans le massif du Tanargue et dans les gorges de l’Ardèche. Le projet dans ces gorges n’est qu’au stade « embryonnaire ».

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Figure 2 : Répartition du chamois (2005) et position stratégique de la Lozère

Enfin, le retour du chamois en Lozère permettrait un retour à la fonctionnalité écologique11

qui est normalement assurée par les ongulés rupestres. Excepté le mouflon méditerranéen12

(Ovis gmelini musimon x Ovis sp.), les autres ongulés rupestres ont disparu du département

laissant une niche écologique vacante. Par conséquent, le chamois, s’il est réintroduit, utilisera

cette niche écologique vacante et profitera à des prédateurs comme l’aigle royal (Aquila

chrysaetos). La guilde des nécrophages, remarquablement reconstituée, en serait également

bénéficiaire. C’est le cas notamment du gypaète barbu (Gypaetus barbatus) actuellement

réintroduit dans le département (depuis juin 2012), sous l’impulsion de LPO et du parc

national des Cévennes et dont la préférence pour des ongulés sauvages tels que le chamois ou

le bouquetin a été démontrée (Hirzel et al., 2004). Celle-ci s’explique par le fait que l’habitat

de ces ongulés est en grande partie rocheux ce qui maximalise la probabilité de détection des

cadavres et facilite le cassage des os. La présence du chamois constitue donc une garantie

supplémentaire pour compléter les disponibilités alimentaires du gypaète barbu. C’est

d’ailleurs, en partie pour cette raison mais aussi et surtout pour un souci de restauration de la

biodiversité que la LPO soutient cette étude de faisabilité (Cf. annexe 1).

11 Il constituerait un maillon supplémentaire dans la chaîne alimentaire. 12 Espèce exotique et dont les populations en Lozère sont très limitées.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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I.2.2 Une plus-value touristique

Outres ses apports purement écologiques, le chamois représente une plus-value touristique

difficilement chiffrable mais importante pour le territoire d’accueil. Il pourrait tout d’abord,

devenir un véritable marqueur territorial pour la Lozère, au même titre que le sont par

exemple les vautours. Cette espèce permettrait aussi une mise en valeur des aspects « grands

espaces » et « montagne13 » que recèle ce département de moyenne montagne.

Figure 3 : Le chamois, l’emblème du parc naturel régional des Bauges

Source : http://www.parcdesbauges.com/nature-et-paysages.html, consulté le 10/042012

Le chamois, tout comme d’autres ongulés sauvages (exemple : le bouquetin), constitue

également un véritable atout pour les Activités Physiques de Pleine Nature (APPN). Il est

d’ailleurs courant que des manifestations sportives de plein air (Trail, VTT, etc.) se

l’approprient. La présence d’une telle espèce en Lozère, aurait donc un impact positif

considérable sur ces activités qui sont considérés par le département comme clés14 pour son

développement touristique.

Source : http://parapente.ffvl.fr/compet/1377, consulté le 12/04/2012

13 Nous verrons par la suite que bien qu’il soit associé à cette image, le chamois n’est pas exclusif à la montagne. 14 L’écotourisme et particulièrement les activités physiques de pleines natures constituent en effet, un axe majeur du Schéma Départemental de Développement Touristique de la Lozère 2010-2016.

Figure 4 : Le « Raid Chamois », une manifestation sportive qui utilise le chamois comme emblème

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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De plus, la présence du chamois en Lozère placerait le département au rang de destination

« nature » par excellence, avec la présence simultanée, et de manière intégrée, de cinq espèces

emblématiques de grands rapaces (les quatre espèces de vautours15 et l’Aigle royal) et cinq

espèces d’ongulés sauvages (Cerf élaphe, Chevreuil, Sanglier, Mouflon méditerranéen,

Chamois). Elle constituerait un élément supplémentaire pour développer l’écotourisme

lozérien et en particulier une niche de marché : la photographie et l’observation de la faune de

montagne. La mise en place de circuits et de cabanes d’observation, l’organisation de

concours photos de faune sauvage, sont autant de pistes qui pourraient être développées.

Le chamois engendre aussi des retombées économiques directes. Dans les massifs où il est

présent, des sorties à thème organisées par exemple par des accompagnateurs de moyenne

montagne indépendants ou encore par des parcs nationaux et régionaux lui sont consacrées.

Aucune étude à ce jour, chiffrant la valeur économique de ces sorties n’a semble-il était faite.

Des sentiers pédagogiques relatant l’écologie de l’animal ou même des musées lui sont

également lui dédiés.

Bien que difficilement chiffrable car il engendre plus de retombées indirectes que directes, il

ne fait donc aucun doute que le chamois apporte une plus value touristique importante pour le

territoire d’accueil. Cette plus value serait d’autant plus marquée en Lozère où le tourisme

représente une part importante de l’économie du département16. Elle dépend cependant de la

volonté, des élus et des acteurs de la filière touristique, de vouloir mener une véritable

politique autour de cette espèce (ex : promotion, mise en place de cabanes d’observation…).

I.2.3 Un plus pour l’activité cynégétique

Il est évident que si cette étude débouche, sur une opération de réintroduction, la chasse de ce

gibier ne sera autorisée qu’à partir du moment où les populations seront jugées pérennes et

viables17. Elle fera l’objet d’un plan de chasse définit conjointement avec les autres acteurs

territoriaux (agriculteurs, sylviculteurs…) et fixé par un arrêté préfectoral. Il déterminera

quantitativement et qualitativement les individus à prélever.

15 Les vautours fauves, moines, percnoptère et le gypaète barbu. 16 Le secteur tertiaire représente 70% des emplois salariés du département, « au sein duquel le tourisme occupe une part importante ». Source : http://www.insee.fr/fr/insee_regions/languedoc/themes/synthese/syn0810/ chapitre21.pdf , consulté le 15/08/2012. 17 Cette étude, n’ayant pas pour vocation d’être opérationnelle, mais juste prospective, nous ne pouvons nous prononcer sur un laps minimum avant la mise en place d’un tel plan.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

18

La présence du chamois constituerait une aubaine pour la chasse dans le département. Elle

permettrait une diversification des espèces gibiers et offrirait un mode de chasse encore peu

développé dans le département : la chasse à l’approche18. Elle constituerait ainsi une

alternative à la chasse en battue (chasse la plus pratiquée dans le département) pour les

chasseurs en quête de nouvelles pratiques plus physiques et notamment pour les nouvelles

générations. A l’échelle nationale ce mode de chasse a d’ailleurs une notoriété grandissante19.

De plus les apports financiers engendraient par le tourisme cynégétique (vente de bracelets20,

etc.) et récoltaient par les sociétés de chasses permettent a ces dernières de s’autofinancer et

de maintenir à bas coût le droit de chasse aux autochtones.

La réintroduction du chamois en Lozère présente donc de multiples intérêts qui dépendent de

la politique touristique et cynégétique21 qui sera menée vis-à-vis de cette espèce, si le projet

aboutit.

II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts

Si la plupart des opérations d’introduction ou de réintroductions du chamois se sont soldées,

jusqu’à maintenant par un succès, y compris en moyenne montagne et dans des régions

rurales habitées, c’est notamment grâce à la capacité d’adaptation que présente cette espèce et

aux faibles impacts qu’elle cause. Avant de développer ces deux aspects et pour mieux les

comprendre, une brève présentation de l’espèce s’impose.

II.1 Présentation succincte du chamois

(Classe, Famille, Sous-famille, Tribu, Genre) : Mammalia, Bovidae, Caprinae, Rupicaprini,

Rupicapra.

Le chamois (Rupicapra rupicapra) et l’isard (Rupicapra pyrenaica) sont deux espèces de

Bovidés, appartenant à la sous famille des Caprinés et à la tribu des Rupicaprini. Le genre

Rupicapra (ou « chèvre des rochers »), d’origine asiatique, est apparu au début de la glaciation

18 La chasse à l’approche consiste à explorer un territoire seul, pour parvenir à portée de tir d'un animal. 19 Source : http://www.chasseurdefrance.com/Chasser-en-France/Les-modes-de-chasse-en-France/Le-Grand-Gibier.html, consulté le 15/05/2012. 20 Le coût d’un bracelet de chamois pour les personnes extérieures au département peut, en effet, s’élever à quelques centaines d’euro. 21 La gestion cynégétique découle directement des objectifs qui pourraient être définis dans une phase ultérieure à cette étude avec l’ensemble des acteurs territoriaux. L’objectif principal visé peut par exemple être, une colonisation du chamois sur l’ensemble du massif central où au contraire la création d’une petite population.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

19

du Riss, il y a 250 000 à 400 000 ans. Au cours de la glaciation du Würm, 10 000 à 100 000

ans avant notre ère, les chamois peuplèrent la majeure partie de l’Europe et y compris à basse

altitude.

De nos jours, le genre Rupicapra vit dans la plupart des montagnes d’Europe et d’Asie

orientale. On le retrouve ainsi des Cantabriques à l’extrême Est Caucasien en passant par les

montagnes Turques, les Carpates, les Apennins, les Alpes, le Massif central et les Pyrénées. Il

a également était introduit en Nouvelle Zélande. On distingue dans le monde dix formes

géographiques regroupées en deux espèces : le Chamois (Rupicapra rupicapra) et l’Isard

(Rupicapra pyrenaica) (Nascetti et al. 1985, in Loison 1995). Trois de ces formes

géographiques vivent en France : le chamois des Alpes (R. rupicapra rupicapra), le chamois

de Chartreuse (R. rupicapra cartusiana) et le chamois des Pyrénnées ou Isard (R. pyrenaïca

pyrenaïca). La présente étude ne concerne que le chamois des Alpes, car, nous le verrons par

la suite, les données actuelles et historiques légitiment le choix de cette espèce en Lozère.

Cependant, étant donné qu’aucune différence comportementale ou démographique entre le

chamois et l’isard n’apparaît clairement dans la littérature (Krämer 1969, Henderson & Clarke

1986, etc.), il arrivera et notamment lors de la présentation des exigences du chamois que

nous nous intéressions à l’Isard. Le terme « chamois » désignera alors, le genre Rupicapra,

chamois et isards confondus.

Figure 5 : Le chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra rupicapra)

Source : Marc Cornillon, 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

20

Figure 6 : Répartition européenne des espèces et sous-espèces de Rupicapra

1. Rupicapra pyrenaica parva (isard des Cantabriques) ; 2. Rupicapra pyrenaica pyrenaica (isard) ; 3. Rupicapra pyrenaica ornata (chamois des Abruzzes) ; 4. Rupicapra rupicapra rupicapra (chamois des Alpes) ; 5. Rupricapra rupicapra tatrica (chamois des Tatras) ; 6. Rupicapra rupicapra carpatica (Chamois des Carpates) ; 7. Rupicapra rupicapra balcanica (chamois des Balkans) ; La flèche pointe la répartition de Rupicapra rupicapra cartusiana (chamois de Chartreuse). Source : Julien JM (2012) Le chamois, biologie et écologie; études dans le massif des Bauges, Biotope, Mèze.

Le chamois est un herbivore. Doté d’un puissant cœur et de sabots très adhérents, il

affectionne particulièrement les fortes pentes et les escarpements rocheux. Cette préférence

s’explique par son comportement de fuite et son agilité sur le rocher. La présence de ce type

de topographie est d’ailleurs le seul critère véritablement indispensable pour l’accueil de

populations (Catusse et Al., 1996).

Figure 7 : Chamois en activité sur une zone rocheuse

Source : Marc Cornillon, 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

21

II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne

Contrairement aux idées reçues, le chamois n’est pas une espèce vivant exclusivement en

haute montagne.

S’il est associé à cette image, c’est parce que jusque dans les années 80, on le retrouvait

exclusivement dans de tels milieux. La pression directe de l’homme et particulièrement une

chasse excessive, l’avait en effet éliminé des zones de moyenne montagne. La haute

montagne, difficilement accessible constituait donc la seule zone refuge pour cette espèce.

L’obligation, à partir de la saison 1990-1991, pour chaque département de mettre en place un

plan de chasse22 concernant le chamois (JM Julien, 2012), ainsi que différentes opérations de

réintroductions ont permis son retour dans des milieux de plus en plus bas en altitude. On le

retrouve, ainsi à 800 m d’altitude dans le Cantal, jusqu’à 200 m en Drôme provençale, ou

encore dans le massif de la Sainte Baume à seulement 15 kilomètres de la mer et à une

altitude minimale de 300m (Corti, 2010). Il a désormais atteint la mer à Roquebrune, dans le

département du Var (Giaminardi, 2012). Il est donc, de nos jours, admis que l’altitude importe

peu au chamois pourvu qu’il y rencontre des zones fraiches et/ou ombragés (Catusse et Al.,

1996).

Certains résultats d’études semblent même prouver que les populations vivant à des altitudes

modestes présentent des dynamiques beaucoup plus importantes avec un taux s’élevant

jusqu’à 30%. Ceci s’explique par le fait que les pertes accidentelles inhérentes à la montagne

dues aux avalanches, aux chutes de pierres et aux décrochages sont beaucoup moins

fréquentes dans de tels milieux. Parallèlement à cela, la ressource fourragère, bien que parfois

de moins bonne qualité, est disponible une très grande partie de l’année en moyenne

montagne, alors qu’elle l’est beaucoup moins à des altitudes plus élevées ; ceci en raison d’un

épais manteau neigeux empêchant l’extraction de cette ressource. Ainsi le chamois vosgien

est, par exemple, en moyenne plus lourd que celui des Alpes internes et la perte de poids

hivernale est également moins marquée (Boillot, 1986). Le taux de reproduction des

populations des Monts du Cantal sont également plus élevés que ceux des populations alpines

22 Les plans de chasses sont fixés par des arrêtés préfectoraux. Ils établissent le nombre d’individu à prélever et sont le plus souvent qualitatifs.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

22

(Albaret, 1984). Il est cependant difficile de prouver que ces bons résultats (des Vosges et du

Cantal) ne sont uniquement liés à l’altitude modeste de ces milieux23.

II.3 Une bonne capacité d’adaptation

Outre le fait qu’il puisse vivre à tout type d’altitude, le chamois est également présent dans

des milieux extrêmement variés (à altitude similaire). Il peut aussi bien vivre dans une

topographie de type « montagne » que de type « gorges ». De plus, il peut évoluer aux étages

méditerranéens (où la sécheresse et les chaleurs estivales sont marquées) tout comme à l’étage

collinéen mais bien sur aussi aux étages montagnards et alpins. Il peut également vivre dans

des milieux presque totalement forestiers (comme en Chartreuse par exemple). Afin de se

rendre réellement compte de cette capacité d’adaptation voici en annexe 2, une présentation

de trois régions françaises (Gorges du Verdon, Massif des Vosges et Baronnies provençales),

au contexte écologique et topographique très différent et dans lesquelles vivent des

populations de chamois24.

Figure 8 : Chamois dans un milieu méditerranéen (Var)

Source : B. Giaminardi, 2012

Cette capacité à peupler des milieux si différents sous entend donc de sa part une forte

plasticité comportementale mais aussi alimentaire.

23 En effet, la dynamique d’une population dépend de nombreux autres facteurs comme le degré d’ouverture d’un milieu, son utilisation par les autres ongulés, ou encore, l’histoire des populations. 24 Ces trois exemples ne décrivent que des zones de moyennes montagne ; le contexte « haute montagne » étant considéré comme connu par tout le monde.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

23

II.3.1 Une plasticité comportementale

Sa plasticité comportementale est telle, qu’elle lui permet d’ajuster son fonctionnement spatial

par rapport aux potentialités du milieu (Julien, 2002). Par exemple, afin de remédier aux

chaleurs estivales très marquées à basse altitude et dont il semble être assez craintif (Julien,

2002), il choisira dans ce type de milieu, les endroits ombragés, frais et humides (Catusse et

al, 1996, Choisy, com. pers). La modification du rythme d’activité dans des zones très

fréquentées par les randonneurs 25 (Julien, 2002) et le phénomène d’habituation vis-à-vis de

ces derniers (Gander & Ingold 1997, Patterson 1988, Pépin et al. 1996) sont d’autant de

comportements qui témoignent de cette capacité d’adaptation.

II.3.2 Une plasticité alimentaire

Le Chamois se nourrit avant tout de plantes herbacées. Cependant, il présente la capacité de

pouvoir adapter ses habitudes alimentaires en fonction de la ressource présente (Berducou,

1975 ; Resche-Rigon, 1987 ; Garcia-Gonzales & Cuartas, 1996 ; Babad, 1997). Ainsi son

alimentation varie au cours des saisons et selon le milieu qu’il occupe.

Il lui arrive, par exemple, en hiver, de consommer des végétaux semi-ligneux ou ligneux, tels

que des bourgeons, des rameaux de l’année, de la mousse ou des feuilles et parfois même des

mousses et des lichens (en période de très forte disette). Cette consommation n’a

généralement lieu que lorsque le manteau neigeux est trop épais (supérieur environ à 30

centimètres) pour lui permettre de dégager de la nourriture herbacée, où parfois lorsque cette

dernière est en quantité et en qualité insuffisante (Lefebvre 2011). Il peut consommer une très

large gamme d’espèces ligneuses, allant aussi bien d’essences montagnardes comme le sapin

pectiné (Abies alba) (Babad, 1997) que d’espèces appartenant à l’étage collinéen comme le

frêne (Fraxinus excelsior) où l’alisier blanc (Sorbus Aria) (Babad, 1997, Lefebvre, 2011) où

même méditerranéen comme le genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) ou, encore plus

surprenant, le buis (Buxus sempervirens). La colonisation du chamois dans les zones

méditerranéennes étant relativement récente, aucune étude approfondie sur son régime

alimentaire dans ces milieux n’a été, à ce jour, réalisée mais le degré d’appétence des essences

25 Il a en effet été observé dans la réserve des Bauges que lorsque la fréquentation des sentiers était la plus intense les femelles fréquentait les pâturages à des horaires légèrement différents afin de pouvoir s’alimenter correctement sans être dérangés (Julien, 2002)

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

24

méditerranéennes est, selon Gilles Rayé26 (Com. Pers), à ne pas à sous estimer. Landry (1993)

et Garcia-Gonzalez & Cuartas (1996) insiste sur la plasticité alimentaire de cette espèce qui,

selon eux, peut même consommer des espèces végétales dites « anti-herbivores ».

Enfin, lorsqu’il est victime d’une compétition interspécifique27 avec d’autres ongulés, il peut

adapter ses habitudes alimentaires (Landry 1993) et ainsi limiter les interactions avec d’autres

ongulés (comme le bouquetin par exemple) ayant une niche écologique qui initialement se

chevauche.

II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts

Comme nous allons le voir, contrairement aux cerfs élaphes (Cervus elaphus) causant parfois

des impacts importants sur les plantations forestières ou aux sangliers (Sus scrofa) provoquant

des dégâts conséquents vis-à-vis des cultures, le chamois ne cause que peu de problèmes sur

les activités sylvicoles, pastorales et agricoles.

II.4.1 Une propension à causer des dommages sur la végétation très réduite

Il peut, tout d’abord, causer quelques dommages sur les forêts, mais ceux-ci sont beaucoup

moins importants que ceux pouvant être occasionnés, par exemple, par les cervidés et n’ont

lieu que sur des zones très localisées correspondant aux « stations refuges » (Berducou,

1982). De plus, contrairement aux cervidés, les chamois ne sont jamais auteurs d’écorçages

ou de frottis, mais seulement d’abroutissements (Babad, 1997).

Comme vu précédemment, le chamois est (avant tout) herbivore. S’il lui arrive de consommer

des végétaux ligneux ou semi-ligneux, ce n’est, généralement, que par défaut de rencontrer

suffisamment de nourriture herbacée (principalement en hiver et au printemps) (Lefebvre,

2011). Les jeunes pousses sont dans ce cas les plus appréciées et les jeunes plantations sont

donc les plus vulnérables. Bourgeons, rameaux et feuilles peuvent être atteints.

Il est très difficile d’anticiper avec précision, l’ampleur des dégâts sylvicoles que peuvent

engendrer les chamois sur une région donnée car ces déprédations dépendent de nombreux

facteurs tels que l’épaisseur du manteau neigeux, le degré d’appétence des espèces non

26 Agrégé, enseignant en biologie de la conservation, recherche en génétique non invasive sur les régimes alimentaires de la faune sauvage (LECA Grenoble). 27 Compétition alimentaire entre diverses espèces

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

25

sylvicoles28 présentes et leur disponibilité (Gill, 1992), la surface que représente les forêts de

production au sein d’un massif et surtout les densités de chamois peuplant le site. Il est bien

évident, qu’une population à faible densité risque d’engendrer beaucoup moins voire aucun

dégât sylvicole.

En ce qui concerne les dégâts pouvant êtres causés aux cultures, ils sont par exemples, plus

faibles que ceux occasionnés par le mouflon car, selon Garcia-Gonzalez & Cuartas (1996), le

statut du chamois est intermédiaire (Redjadj, 2011) entre le statut de brouteur29 et celui de

cueilleur30. Benoit Guibert, responsable du service « dégâts » de la Fédération Nationale des

Chasseurs, confirme que les dégâts de chamois sur les cultures sont négligeables : la

fédération n’a en effet reçu qu’environ 4 dossiers de dégâts agricoles sur ces dix dernières

années (Com. Pers, 2012). Ces chiffres sont toutes fois à nuancer car il est possible que

certains dégâts causés par l’espèce soient attribués, par les estimateurs, à une autre espèce.

Concernant, de manière plus globale, la flore, le chamois et l’ensemble des ongulés auraient

un effet positif sur la richesse et la diversité floristique ainsi que sur la capacité fourragère, en

intervenant de manière complémentaire sur la physiologie des plantes et en limitant

l’expansion du monde végétal (Catusse et Al; 1996). Cet effet n’est bien sur accompli que

lorsque les densités d’ongulés ne sont pas excessives.

II.4.2 Une interaction avec le bétail généralement inoffensive

Dans aucun cas, une hybridation est possible entre le chamois et quelconque ongulé

domestique, pour des raisons génétiques. Il s’avère que c’est généralement le bétail qui peut

avoir un impact comportemental sur le chamois et non le contraire. Selon les travaux de

Resche-Rigon & Dubost (1988) il n’y aurait pas de compétition alimentaire (entre les ovins et

les chamois) décalée dans le temps, consistant en l’exploitation d’une même ressource par les

ovins en été et par les chamois en hiver. On observe un partage relatif de l’espace en trois

ensembles dont l’un est utilisé par le chamois, l’autre par le bétail et le dernier par les deux

« espèces » à la fois, mais de façon successive. La compétition alimentaire ne peut apparaître

qu’en cas de forte densité. L’étude ramènera, par la suite, cet aspect au contexte local.

28 Comme par exemple les ronces, le sorbier des oiseleurs 29 Le mouflon est par exemple classé dans la catégorie brouteur. Cela signifie qu’il se nourrit d’une très grande gamme de plante herbacée, en favorisant plutôt la quantité que la qualité. 30 Le chevreuil est l’exemple même du cueilleur : il favorise la qualité à la quantité et est donc très sélectif.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

26

II.4.3 Le chamois, le plus souvent victime de maladies infectieuses que vecteur

Comme tous les êtres vivants, les chamois peuvent contracter un grand nombre de maladies

d’origines très diverses telles que la brucellose, la kérato-conjonctivite, la fièvre aphteuse,

etc. Elles peuvent être aussi bien d’origine virale, bactérienne que parasitaires ou dues à une

intoxication (à l’If (Taxus baccata) par exemple).

La plupart des auteurs s’accordent sur le fait que, s’il est vrai que les ongulés sauvages et

domestiques sont plus ou moins touchés par les mêmes maladies (qui sont donc transmissibles

d’une espèce à l’autre), les animaux sauvages ne constituent pas pour autant un réservoir pour

les ruminants domestiques (Cordier, 1991 ; Pinget & Gibert, 1993). A travers une expérience

réalisée dans le massif des Bauges, Pinget & Gibert (1993), prouvent par exemple que malgré

les dispositions mises en place pour favoriser l’infestation parasitaire d’un troupeau caprin31,

le chamois n’a pas joué un rôle de réservoir essentiel en matière de parasitisme interne des

chèvres. Les animaux sauvages seraient même, selon Catusse et al. (1996), très souvent

victimes d’une contamination par les ongulés domestiques. Gibert (2011), précise également

que les contaminations des animaux domestiques se font rarement en contact à partir des

animaux sauvages, mais majoritairement au sein des exploitations agricoles

Cette forte capacité d’adaptation ainsi qu’une propension à causer des dommages très

limités constituent donc un facteur clé de réussite, à ne pas sous estimer, dans l’optique

d’une opération de réintroduction. Ces éléments seront cependant à ramener au contexte

local.

31 La chèvre domestique est l’espèce la plus à même d’être infectée par des maladies contractées au préalable par les chamois, car elle partage avec ce dernier un espace commun (de manière différée).

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

27

III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du

chamois

Située dans la moitié sud du Massif central, la Lozère est un département rural, de moyenne

montagne et qui présente certaines zones très escarpées au dénivelé important. Il parait donc à

première vue, propice à l’accueil d’une population de chamois. Les preuves d’une présence

ancienne ainsi que l’observation récente d’individus isolés confirment cette hypothèse.

III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés

La Lozère, d’une superficie de 5 167km², située en Languedoc Roussillon se trouve en limite

de trois régions administratives : la région Midi-Pyrénées à l’ouest, l’Auvergne au nord et la

région Rhône-Alpes à l’Est. Son altitude moyenne est de 1000m et l’ensemble du département

est situé en zone de montagne32. C’est également le département le moins peuplé de France

avec 77 163 habitants33 et une densité de seulement 15 hab/km². Son chef-lieu est Mende, la

plus petite préfecture de France.

L'économie de la Lozère repose essentiellement sur l’agriculture34, l'exploitation forestière et

l'activité touristique (tourisme vert). L’agriculture lozérienne est extensive et relève

principalement de l’élevage bovin (au nord du département), ovin (au centre et au sud-ouest)

et caprin (au sud-est). La tradition agro-pastorale du département a été récemment

récompensée par l’UNESCO : l’ensemble Causse et Cévennes est en effet, depuis 2011,

inscrit au patrimoine mondial de l’humanité pour ses « paysages culturels de l’agro-

pastoralisme méditerranéen » 35.

Le relief lozérien pourrait se décrire schématiquement comme un vaste plateau entrecoupé de

gorges et de vallées plus ou moins profondes. Cette description est cependant erronée

concernant la région des Cévennes au relief très tourmenté. La forêt couvre 45% du

département36 et se compose essentiellement de résineux (71% de la surface boisée). Le

« tissu forestier » lozérien étant assez récent, on rencontre une grande variété de stades de

32 Source : Association Nationale des Elus de Montagne (ANEM). 33 Source : Insee, 2009. 34 Les agriculteurs lozériens représentent 14 % de la population active. Source : http://www.polen-mende.com/35-agriculture.html, consulté le 06/06/2012. 35 Source : http://www.lozere.pref.gouv.fr/fre, consulté le 18/08/2012. 36 Source : www.lozere.chambagri.fr/la-foret.html.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

28

développement (lande, fruticée, taillis, futaie), permettant d’accueillir une biodiversité

importante. La mosaïque entre bois et parcelles agricoles laisse encore une place importante

aux lisières, milieux particulièrement riches. Le climat lozérien est soumis aux influences

méditerranéenne, océanique et continentale et selon les secteurs, ces influences sont plus ou

moins marquées. Associée aux écarts d’altitude, cette variabilité entraîne de fortes différences

climatiques selon les régions naturelles du département.

La Lozère abrite également, dans sa partie sud/sud-est, le parc national des Cévennes. Ce

dernier est le seul parc national français habité en zone cœur et où certaines activités

traditionnelles de loisirs (ex : la chasse, la pêche, etc) et économiques (ex : la sylviculture) y

sont autorisées. Le territoire concerné par le parc est à l’image du département : vivant et en

équilibre avec une nature relativement préservée. Ce contexte humain (récompensé par

l’UNESCO) aura d’ailleurs toute son importance lors de l’analyse de la compatibilité du

chamois avec le département.

Figure 9 : Situation géographique et relief de la Lozère

Source : FDC 48, Juin 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

29

La Lozère se décompose en quatre grandes régions

géographiques. A chacune de ces régions correspond un

relief, un climat, un substrat et une végétation

particulière.

Voici, ci-dessous, une description rapide de ces régions.

� L’Aubrac

Situé au nord-est du département, l’Aubrac est un vaste plateau basaltique et granitique au

climat montagnard (forte influence océanique) et d’une altitude moyenne de 1200 m. Il

présente de nombreuses sources. Sa végétation correspond initialement à celle de l’étage

montagnard mais elle résulte d’une forte tradition pastorale. Elle se compose, en effet,

essentiellement de pelouses utilisées pour l’élevage bovin viande. Seules quelques hêtraies

subsistent, et particulièrement sur les contreforts où la pente est plus marquée. Des plantations

d’épicéa (Picéa abies) sont également présentes.

Figure 11 : Paysage typique de l’Aubrac

Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2010

� La Margeride

Ce plateau granitique couvre plus des trois quarts de la moitié nord du département et se situe

à une altitude moyenne de 1100m. Il est marqué par un climat montagnard à dominante

continentale. Il est composé d’une véritable mosaïque de forêts de pins sylvestre (Pinus

silvestris), de tourbières, de prairies et de landes à callune (Calluna vulgaris) et à genêt

purgatif (Cytisus oromediterraneus). Les bovins lait à l’est et les bovins viande à l’ouest sont

les productions agricoles dominantes.

Figure 10 : Régions géographiques de Lozère Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2004

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

30

Figure 12 : La Margeride

Source : Fédération des Chasseurs de Lozère, 2010

� La région des Grand Causses

Cette région calcaire se décompose en plateaux (les Grands Causses), gorges (du Tarn et de la

Jonte) et vallées (du Bramont et du Lot).

Les Grands Causses sont situés à une altitude moyenne de 1000m et sont dédiés à l’élevage

extensif des ovins. Ils présentent la particularité d’être totalement dépourvus de rivières et de

ruisseaux, l’eau de pluie s’infiltrant directement dans les nombreuses cavités souterraines de

la région. Leur végétation, appartenant à l’étage montagnard inférieur et au collinéen sur les

parties les plus basses, est originale puisqu’elle bénéficie à la fois d’une influence

méditerranéenne et d’une influence continentale. Ils sont entaillés par de profondes gorges et

vallées : les gorges du Tarn et de la Jonte ainsi que la vallée du Lot et du Bramont.

Figure 12 : Causse de type « nu » (Causse Méjean) et Causse « boisé » (Causse de Sauveterre)

Source : FDC 48, 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

31

Figure 13 : Gorges du Tarn

Source : Alain Lagrave, 2012

� Les Cévennes, le mont Lozère et l’Aigoual

Cet ensemble à dominante schisteuse, est marqué par un relief très mouvementé s’échelonnant

de 350 m d’altitude à plus de 1000m. Il est occupé par de grands massifs de châtaigniers

(Castanea sativa), de pins maritimes (Pinus pinaster), et de chênes verts (Quercus ilex), sur

sa partie la plus basse. Le climat est marqué par une forte influence méditerranéenne mais

varie fortement selon les tranches altitudinales. L’élevage caprin prédomine dans cette région.

Elle est bordée au sud-ouest par le Massif de l’Aigoual et à l’est par celui du Mont Lozère.

Ces deux massifs granitiques, surplombant les Cévennes, culminent respectivement à 1565m

et à 1699m d’altitude1. Ils sont surmontés d’un plateau sommital et offrent des fortes pentes

ainsi que des escarpements rocheux sur leurs contreforts. La végétation présente correspond à

celle de l’étage montagnard (Hêtraies sapinières) et subalpin pour le massif du Mont Lozère2.

Lozère2.

Figure 14 : Plateau sommital du Mont Lozère Figure 15 : Les Cévennes

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Source : FDC 48

1 Sommet du Finiels, point culminant de Lozère 2 Présence de pelouses pseudo-alpines

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

32

La Lozère présente donc des espaces relativement préservés (peu impactés par des

infrastructures routières), et une très grande diversité de milieux. Certains d’entre eux

pourraient répondre aux exigences écologiques du chamois qui recherche avant tout des zones

accidentées. C’est le cas notamment, de la frange sud du département1 où le relief est

beaucoup plus marqué.

III.2 Le retour du Chamois en Lozère ?

Divers éléments semblent prouver que l’espèce était autrefois présente dans le département.

Nous allons donc, à présent, voir ce qu’il en est réellement. Nous essayerons également de

savoir si son retour naturel est envisageable à court terme ce qui délégitimerait tout projet

d’implantation de l’espèce.

III.2.1 Les preuves d’une présence ancienne

Des fossiles de chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) datant de la seconde moitié du

Würm (-50 000 à -10 000) ont été retrouvés sur les trois-quarts de la France (Catusse et al.,

1996) et notamment dans le Massif central.

Figure 16 : Répartition du chamois fossile en Europe de l’ouest

Source : Couturier (1938) et Massimi (1985) ;

1 C'est-à-dire, les contreforts du Mont Lozère et de l’Aigoual, les Cévennes ainsi que les gorges et vallées de la région des Grands Causses

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

33

Selon, E. Crégut1 contactée à ce sujet2, bien qu’aucun fossile n’ait été jusqu’à maintenant

trouvé en Lozère, et étant donné la présence d’ossements dans des départements limitrophes

comme le Gard, l’Ardèche3, la Haute Loire ou le Lot (Couturier, 1964), « il n’y a pas de

raison que cet animal ne fut pas présent » en Lozère durant cette époque. Ceci est, selon elle,

d’autant plus plausible que des restes osseux de bouquetin, ongulé sauvage lui aussi rupestre,

ont été découverts dans les gorges du Tarn.

Il semblerait également que le chamois ait été présent au XVIIème siècle et jusqu’au début du

XVIIIème sur la bordure sud-ouest de la Lozère, à cheval avec l’Aveyron. En effet selon des

écrits de M. Affre, retrouvés par M. Cugnasse4 aux archives départementales de l’Aveyron,

«( …) les Millavois se donnaient le plaisir d’une chasse royale en se lançant à la poursuite

du chamois, plus connu sous le nom d’Isard5, dans les gorges du Tarn (…) le chevreuil et

l’isard abondaient dans la région de Millau » (LPO, 2008). Les gorges du Tarn se situant à

90% en Lozère il y a une forte probabilité que si des chamois ont réellement été présents à

cette époque dans ces gorges, ils l’étaient aussi en Lozère. Selon, M. Cugnasse, la description

du chamois faite par l’auteur et le fait qu’il la décrive dans des milieux rupestres, prouve qu’il

connaissait véritablement l’espèce et qu’il ne pouvait la confondre avec une autre (Cugnasse,

Com. Pers., juin 2012). Cette présence n’est cependant pas mentionnée par d’autres auteurs.

De plus, il est impossible de savoir si cette population était naturellement présente ou était le

fruit d’un lâcher. Il est probable que l’espèce ce soit éteinte dans l’anonymat, sans que cet état

de fait ne soit abondamment décrit à l’époque.

Compte tenu de la répartition des fossiles retrouvés, des continuités géographiques avec la

Lozère et d’une probable présence de chamois dans un passé récent, il ne fait aucun doute que

la Lozère appartienne à l’enveloppe biogéographique de cette espèce. D’autant plus qu’à cette

époque le territoire était moins fragmenté. Le projet d’implantation du chamois en Lozère

relève donc bien du domaine de la réintroduction.

1 Docteur d’Etat ès Sciences, conservatrice du Musée d’Histoire naturelle d’Avignon. 2 Juin 2012 3 Les restes osseux retrouvés sur la commune de Casteljau dateraient du paléolithique moyen et supérieur (-200 000 à -9 500 ans). 4 DR ONCFS Midi Pyrénées 5 Certainement en raison de la proximité de cette zone avec les Pyrénées.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

34

III.2.2 Les causes de disparitions sont-elles encore présentes ?

Selon les directives de l’UICN relatives aux réintroductions, il est nécessaire de s’assurer que

les causes de disparition d’une espèce aient cessé avant d’envisager une réintroduction

(UICN, 1998).

Concernant la disparition du chamois dans le Massif central, les causes ne sont pas

exactement connues. Les principaux facteurs ayant pu entrainer sa disparition sont : la perte

d’habitats favorables, la concurrence avec d’autres espèces et notamment domestiques, une

chasse excessive et une forte prédation. Selon Cugnasse (1989 et 1992), la surpopulation des

campagnes (et notamment au XVIIe et XVIIIe siècle) dont l’économie reposait sur

l’agriculture est en grande partie responsable de la disparition ou de la réduction des

populations d’ongulés sauvages. En effet, cette surpopulation agricole s’accompagnait

souvent d’une éradication des forêts, utiles par exemple au chamois, et d’une forte pression

pastorale privant la faune de ressources alimentaires. Une chasse excessive venait ensuite

s’exercer sur des populations déjà affaiblies.

Le chamois étant, de nos jours, soumis à un plan de chasse fixé par arrêté préfectoral, aucune

population française installée n’est menacée par la chasse.

Il cohabite dans de nombreuses régions françaises, avec des ongulés sauvages et domestiques,

sans qu’une compétition excessive ne devienne une menace pour l’espèce. Les seuls

prédateurs présents dans le département sont : l’aigle royal (Aquila chrysaetos) dont une

dizaine de couples sont recensés, le renard (Vulpes vulpes) et des chiens divagants. Ces

prédateurs n’ont qu’une action très réduite, et particulièrement pour le renard qui bien que

physiquement apte à attaquer un jeune chamois ne constitue pas un véritable prédateur

(Julien, 2012). De plus ils ne peuvent que s’attaquer aux individus affaiblis et aux jeunes. Le

Lynx (Lynx lynx) est vraisemblablement absent du département. Quant au loup (Canis lupus)

bien qu’il ait été observé récemment1, la Lozère n’est pas encore déclaré comme une « Zone

de Présence Permanente2 ». Même s’il venait à s’installer durablement, l’expérience montre

qu’il ne peut menacer une population de chamois (Julien, 2012). La présence simultanée de

1 Présence confirmé par des agents du parc national des Cévennes durant le printemps et l’été 2012. 2 Une Zone de Présence Permanente est une zone sur laquelle la présence du loup est avérée durant deux hivers consécutifs.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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ces deux espèces depuis plusieurs décennies en est la preuve. De plus, le succès de l’opération

de réintroduction menée dans le massif de la Sainte Baume malgré la présence, très probable

d’un loup (Giaminardi, Com. Pers, 2012), montre bien que si le milieu d’accueil est vraiment

favorable et amplement fourni en escarpement rocheux, une telle opération ne peut être

remise en cause par le loup, qui s’attaquera beaucoup plus aisément aux chevreuils et aux

mouflons (Julien, 2012).

Enfin, la présente étude a pour objectif d’étudier la faisabilité d’un projet de réintroduction en

s’assurant que le département présente toujours des habitats favorables au chamois et que

celui-ci soit compatible avec les activités humaines.

Figure 17 : Répartition des observations de chamois en Lozère (1997-2009)

Source : FDC 48, à partir de la base de données de l’ALEPE (2012).

III.2.3 Une présence actuelle, sporadique

Depuis plus de 10 ans, le chamois est signalé de façon sporadique dans le département, dans

des secteurs éloignés les uns des autres. On peut citer divers exemples1 : un chamois filmé en

février 2009 au nord du département (Commune de St-Chély-d’Apcher), ainsi qu’un chamois

1 Source : Alepe (Association Lozérienne pour l’étude et la protection de l’environnement), février 2012.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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facilement reconnaissable, avec une corne cassée, observé sur la bordure est du Mont Lozère

(à proximité du pic du Cassini) pendant près de 6 ans jusqu’en 20011 par des gardes du parc

national des Cévennes. Ces animaux et en particulier ceux observés dans le nord-ouest du

département, proviennent certainement des monts du Cantal. Pour les individus observés sur

la façade est du département, l’origine depuis l’arc alpin n’est pas à exclure. Les observations

actuelles en Ardèche, sur la façade rhodanienne, d’individus en provenance des Alpes

(Cochet2, Com. Pers, 2012) convergent vers cette hypothèse. Il ne s’agit pour l’instant que

d’individus erratiques et aucun noyau de population ne s’est formé.

II.2.4 Un retour spontané à moyen terme est-il possible ?

Si la Lozère présente, comme le pressent le service technique de la FDC 48, des milieux

favorables, il semble étrange qu’aucun noyau de population ne se soit encore formé après plus

de dix ans de présence sporadique. Certains freins et obstacles peuvent expliquer ceci. Tout

d’abord la colonisation de la Lozère depuis la population des Monts du Cantal présente trois

principaux freins :

- l’éloignement des biotopes lozériens a priori favorables. En effet, bien que le Cantal

soit limitrophe à la Lozère, les milieux qui paraissent favorables à l’espèce se situent à

plus de 100 km à vol d’oiseau des noyaux de populations cantaliens. Une série de

plateaux peu favorables séparent les deux entités.

- la présence de l’autoroute A 75 séparant les Monts du Cantal de la Lozère.

- la difficulté à franchir la vallée du Rhône à cause de ses infrastructures linéaires

lourdes (Autoroutes, Ligne à Grande Vitesse (LGV), etc.) et de l’obstacle naturel que

représente le fleuve. Ceci limite ainsi la colonisation du Massif central depuis l’arc

alpin.

Il faut ajouter à cela, le fait que les plans de chasse (sur les populations sources) réduisent les

densités de chamois et donc le nombre d’individus migrants à la recherche de nouveaux

territoires. Enfin, la constatation de cas de braconnages en Lozère sur d’autres espèces

1 Source : Grégory Anglio (Garde du Parc National des Cévennes, antenne Mont Lozère), février 2012. 2 G. Cochet est : -Correspondant et attaché au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris -Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne -Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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gibiers1 est certainement un frein à l’implantation du chamois mais elle ne peut en aucun cas

constituer la cause principale

Ainsi selon divers experts, tels que M. Choisy, la colonisation à long terme de la Lozère est

une certitude (Com Pers, février 2012). Le projet de réintroduction a donc une pertinence

biogéographique. A court et à moyen terme, la probabilité de colonisation naturelle est

cependant faible. Par conséquent, un projet de réintroduction est judicieux afin d’atteindre

l’objectif de recolonisation de la Lozère par le chamois.

II.3.5 Un risque de contact entre le chamois des Alpes et l’isard ?

Il est difficile de savoir si l’isard (Rupicapra pyrenaica) était présent dans le massif central.

Selon G. Cochet, « une logique biogéographique peut nous amener à penser que, par

l’intermédiaire des Corbières, une population d’isard, à répartition ibérico-cévenole, a pu

occuper les Pyrénées, les Corbières et le Massif central » (Com.Pers., 2012). D’un autre coté,

la thèse de la colonisation du Massif central à partir des Alpes plaide pour le chamois

(Rupicapra rupicapra). De toute façon étant donné que les populations cantaliennes et du

massif du Sancy sont des chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) et surtout, que la

colonisation du chamois depuis l’arc alpin aurait certainement facilement franchi la vallée du

Rhône sans des facteurs anthropiques, il paraît illogique de se projeter sur une réintroduction

de l’isard.

Ce projet de réintroduction du chamois peut soulever cependant quelques interrogations quant

au risque d’un contact entre le chamois des alpes et son homologue pyrénéen. Divers experts

ont été questionnés à ce sujet. Selon M. Rayé, le contact entre ces deux espèces a

certainement déjà eu lieu par le passé (Com. Pers., 2012). Le chamois des Apennins

appartenant à la même espèce que l’Isard (Rupicapra pyrenaica) est, en effet, très

probablement rentré en contact avec celui des Alpes (Rupicapra rupicapra). Un contact entre

ces deux derniers risque d’ailleurs d’avoir de nouveau lieu étant donné la progression spatiale

des espèces et la continuité écologique entre ces deux massifs. D’après M. Gibert, vétérinaire

à l’ONCFS, le contact entre les deux (Rupicapra rupicapra et Rupicapra pyrenaica) aboutira

en principe à une hybridation mais ceci n’engendrera aucun problème écologique. Enfin

1 Source : Service technique de la FDC 48

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

38

comme le font remarquer M. Choisy et M. Gauthier1, la continuité écologique entre les

Pyrénées et le Massif central est beaucoup moins marquée que celle entre les Alpes et le

Massif central. Le risque de contact est donc relativement faible. Aucun Isard n’a, d’ailleurs à

ce jour été identifié dans ce massif. Même dans le massif du Caroux, situé pourtant au sud-

ouest du massif central et à quelques encablures des Pyrénées, l’unique individu identifié était

un chamois des Alpes.

L’appartenance de la Lozère à l’aire biogéographique du chamois (Rupicapra rupicapra) et la

difficulté de ce dernier à coloniser le département dans une échelle à court terme malgré une

présence sporadique (et ceci à cause de facteurs anthropiques), tendent donc à légitimer un

projet de réintroduction, à condition que les milieux s’avèrent favorables (tant d’un point de

vue écologique qu’humain). Le contexte parait d’autant plus favorable que le projet est porté

par une structure compétente en matière de gestion de faune sauvage, la Fédération des

Chasseurs de Lozère (FDC 48).

IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans

des projets de réintroduction

La Fédération Départementale des Chasseurs de la Lozère (FDC 48), est une association du

type loi de 1901, créée le 22 mars 1927. Elle est dirigée par un conseil d’administration de 15

membres élus2 par les représentants des sociétés de chasses, et un président, M. André

Giscard. Elle est basée à Mende et s’insère dans l’organigramme des différentes instances de

gouvernance de la chasse. Elle est donc régie et représentée au niveau régional par la

Fédération Régionale des Chasseurs du Languedoc Roussillon et au niveau national par la

Fédération Nationale des Chasseurs. Tout comme les autres fédérations de chasseurs, elle est

agréée au titre de la protection de la nature (article 40 de la loi du 10 juillet 1976). Elle

dénombre à ce jour3 7000 chasseurs, représentant environ 10% de la population totale du

département. Cette proportion, très forte comparée aux autres départements de la région où

elle oscille plutôt autour des 3%, montre la place importante que tient la chasse dans cet

espace rural.

1 Président du Conseil Scientifique du Parc de la Vanoise 2 Dont un tiers des effectif est renouvelé tous les trois ans. 3 Saison 2011-2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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À l’origine, la FDC 48 a été créée pour représenter les chasseurs et organiser la police de la

chasse. De nos jours, elle ne participe plus à cette dernière tâche qui est désormais confiée à

l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS). Cependant, en plus de jouer

un rôle d’interface entre les chasseurs et les divers acteurs territoriaux1, elle participe aussi à

la sauvegarde des espèces et des milieux naturels. Dans ce cadre, elle collabore avec les autres

structures locales chargées de la gestion et de la protection de la faune et de ses habitats telles

que l’ONCFS, le Parc National des Cévennes, l’antenne « Grands Causses » de la Ligue de

Protection des Oiseaux (LPO), etc.

Les missions de la FDC 48 se répartissent selon 6 axes :

-La formation et la sensibilisation des chasseurs.

-La coordination des actions des associations communales ou intercommunales de

chasse agréées.

-Le suivi et la gestion des « espèces gibiers ».

-La protection de l’ensemble de la faune sauvage et la restauration de ses habitats.

-L’indemnisation et la prévention des dégâts causés par le grand gibier.

-L’information et la sensibilisation auprès du grand public.

La FDC 48 en tant que gestionnaire de la faune sauvage, est à l’origine de nombreuses

opérations d’introduction et de réintroduction. Ainsi, grâce à celles-ci, il est maintenant

possible d’observer, des chevreuils (Capreolus capreolus), des mouflons méditerranéens (Ovis

gmelini musimon x Ovis sp.) introduits à partir de 1966, ou encore des cerfs élaphes (Cervus

elaphus) réintroduits dans le nord du département à partir de 1956 alors que ces derniers

n’étaient présents, jusqu’alors, qu’au sud du département.

Les intérêts que présentent de nos jours l’implantation d’une population de chamois, le peu

d’impacts que génère cette espèce et sa bonne capacité d’adaptation, la présence de milieux

lozériens autrefois peuplés (essentiellement dans la partie sud du département) et qui offrent

des habitats à priori de nouveau favorables, sont autant d’éléments qui prônent, a priori, en

faveur d’une réintroduction. Il est à présent nécessaire de ramener ces éléments au contexte

local afin de s’assurer de la réelle faisabilité de ce type d’opération.

1 Représentants du monde agricole et forestier, la Direction Départementale des Territoires, les associations de protections de la nature, les représentants des autres usagers de la nature, etc.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement

accueillants pour le chamois ?

Afin de pouvoir répondre à cette question clé, il est dans un premier temps nécessaire de

connaître avec précision l’écologie du chamois, son comportement social et spatial ainsi que

sa tolérance vis-à-vis des activités humaines. Une fois ces éléments renseignés, il sera alors

plus facile d’évaluer les massifs lozériens choisis, quant à leur potentialité d’accueil et de

diffusion de l’espèce et à la propension de celle-ci à engendrer des problèmes (impacts sur les

cultures et les forêts, interaction avec la faune locale…). Cette évaluation qui s’appuiera sur

diverses méthodes et analyses prendra aussi bien en compte l’aspect écologique que les

aspects socio-économiques régissant le territoire.

I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités

humaines

Bien que relativement « plastique », cette espèce présente cependant certaines exigences

indispensables pour espérer l’implantation d’une population viable et pérenne.

I.1 Exigences écologiques

Les exigences du chamois relèvent avant tout de la topographie des milieux. La végétation a

également son importance dans le choix des habitats de l’espèce.

I.1.1) Nécessité d’un relief tourmenté

Tous les spécialistes du chamois s’accordent sur le fait que le relief constitue la variable clé la

plus importante pour pouvoir accueillir une population de chamois. Des individus isolés sont

parfois observés en plaine ou sur des plateaux mais ce ne sont en réalité que des animaux

errants à la recherche de nouveaux territoires et qui ne resterons en aucun cas dans ce type

d’habitat.

Comme vu précédemment, l’altitude importe peu pour le chamois, mais en revanche la

présence d’un relief accidenté, d’escarpements rocheux et d’éboulis est indispensable pour

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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l’installation durable d’une population. Cette préférence pour des zones escarpées et/ ou

rocheuses s’explique par le comportement de fuite du chamois, par son agilité sur le rocher, et

sa capacité à gravir des pentes raides en un temps limité (de l’ordre de 1000 m de dénivelé en

15 minutes). Ainsi, ces zones lui assurent une sécurité vis-à-vis de potentiels prédateurs et des

perturbations humaines (Hamr, 1985 ; Julien, 2002). De plus les zones rocheuses, jouent

également le rôle de refuge pour les femelles lors de la mise bas.

En ce qui concerne l’inclinaison des versants, le degré minimum d’inclinaison idéal recherché

par l’espèce oscille, selon les auteurs aux alentours de 30°. Ainsi, Bögel et al. (1998) estime

que les secteurs dont la pente est inférieure à 30° sont évités et notamment par les femelles. Il

arrive cependant que le chamois s’éloigne de quelques dizaines ou centaines de mètres des

zones pentues, pour s’alimenter sur des zones plates (Choisy, Com.Pers ; Rayé, Com.Pers).

L’orientation des versants ne semble, quant à elle, pas être déterminante en ce qui concerne le

choix des habitats (Saubusse, 20011). Cependant, les chamois ne buvant que très rarement

(Weber, 2002 ; Julien, 2012), ont une préférence en période estivale pour les zones fraîches et

ombragés (Homolka & Matous, 1999 ; Julien, 2002) et d’autant plus à basse altitude et sous

un climat à dominante méditerranéenne (Choisy, Com Pers). Or, ces zones sont généralement

situées en ubac, mais peuvent parfois être présentes en adret et notamment lorsque le couvert

forestier est suffisamment dense ou lorsque le versant présente des zones très encaissées.

De manière générale, un fort modelage des versants, est très apprécié par le chamois car, en

plus d’apporter une diversité d’expositions (et donc de conditions climatiques), il fournit une

variété de milieux et de végétation. L’animal retrouve ainsi toutes les facettes écologiques

dont il a besoin sur une surface réduite (Loison, 1999). Il profitera par exemple de l’herbe

présente sur les versants sud rapidement déneigés ou encore de zones d’ombre en été. Une

topographie de type « gorges » ou « vallées » très sinueuses, présentant par conséquent un fort

modelage, ou bien une topographie de type « arrête » offrant une double exposition, semblent

donc constituer des biotopes privilégiés.

Enfin, comme il a été observé dans le massif des Bauges, une strate altitudinale d’environ 200

à 300 mètres semble suffisante pour satisfaire les besoins du chamois (Julien, 2012).

1 Résultat tiré de l’analyse statistique réalisée par l’ONCFS dans le cadre de l’ « étude de faisabilité sur la réintroduction du Chamois en Ardèche » menée par la Fédération Départementale des Chasseurs d’Ardèche.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

42

I.1.2) Une préférence marquée pour une végétation à double fonctionnalité :

alimentation/abri

La végétation est une autre composante importante de l’habitat du chamois. Elle a bien sur

une fonction alimentaire mais elle joue également le rôle d’abri. Même si ce thème a déjà été

brièvement abordé, il est maintenant utile de connaître avec plus de détails les exigences

alimentaires du chamois afin de savoir précisément quel(s) type(s) de milieu(x) lui

convienne(nt).

Comme dit précédemment, le chamois se nourrit principalement de plantes herbacées : des

graminées et des légumineuses (ex: trèfle alpestre, trèfle blanc, etc.). Il recherche, avant tout,

des pelouses naturelles lui fournissant des ressources alimentaires de qualité.

En hiver, lorsque le manteau neigeux est trop épais pour extraire de la ressource herbacée ou

que celle-ci devient d’une qualité très médiocre ou en quantité insuffisante, il s’oriente alors

vers la végétation ligneuse ou semi-ligneuse (Redjadj, 2012). Il a une préférence marquée

pour les jeunes peuplements ainsi que pour les forêts mixtes (feuillus et conifères) (Homolka,

1990) plutôt que pour les peuplements purs (résineux ou feuillus) et réguliers. Les plantations

adultes, et notamment celles de pins noirs d’Autriche (Pinus Nigra) ou d’épicéas (Picea

abies), dépourvus totalement de sous bois sont peu appétentes pour le Chamois (Babad,

1997). Il en est de même pour le hêtre qui, selon Babad (1997), est également peu apprécié.

Des fruticées2 à amélanchier (Amélanchier ovalis) ou à genévrier commun (Junipernus

communis) sont particulièrement prisées (Lefebvre, 2011).

Le régime alimentaire du chamois et par conséquent le choix des habitats qu’il pâture varient

fortement selon les saisons. Au printemps par exemple, lorsque les exigences alimentaires

sont les plus fortes pour se remettre du précédent hiver et répondre à la forte demande

énergétique due à la lactation des femelles, il favorise les plantes à forte biomasse, en

consommant notamment des buissons décidus3 (Lefebvre, 2011). En été, par contre, il

sélectionne, avant tout, les plantes de qualité. En automne, sa sélection va, au fil des jours, se

réaliser de plus en plus, selon le critère de la disponibilité. A la fin du printemps et surtout

pendant l’hiver, il consommera des buissons sempervirents, une des rares ressources

disponibles en quantité quand la majorité des plantes sont sénescentes (Lefebvre 2011).

2 Une fruticée est une formation végétale formée d'arbustes ou d'arbrisseaux. 3 A feuilles caduques

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

43

Figure 18 : Intensité de la sélection du chamois selon la saison

Source : Herbivorie Info N°14, 2011

Cependant, la Lozère se situe dans un contexte de moyenne voire de basse altitude où la neige

est beaucoup moins persistante que dans un contexte alpin (le plus souvent étudié) et où par

conséquent la ressource herbacée est disponible une beaucoup plus grande partie de l’année

(voire toute l’année). Cette composante risque de lisser quelque peu les variations

saisonnières et la forte demande alimentaire au printemps sera probablement, moins

importante.

La forêt joue également un autre rôle important dans l’habitat du chamois : elle lui procure

des zones d’hivernage en hiver et surtout un abri face aux intempéries en toute saison (Clarke

& Henderson 1984). En effet, s’il ne semble pas craindre les très basses températures, il paraît

en revanche beaucoup moins apprécier les fortes pluies. Le couvert forestier s’avère aussi très

utile en été et d’autant plus dans un contexte de « montagne méditerranéenne », où il fournit

de l’ombre et une certaine fraicheur. Les chamois peuvent par exemple, être couramment

observés durant les périodes de forte chaleur dans des peuplements de jeunes pins

(Herrero et al. 1996, Homolka & Matous 1999). Enfin, tout comme les escarpements

rocheux, les milieux très fermés peuvent assurer également une certaine quiétude.

Une variété de milieux alliant pelouses naturelles, fruticées, peuplements clairs et mélangés

de feuillus et de conifères, le tout sur une forte pente et entrecoupé d’escarpements rocheux et

d’éboulis semble donc constituer l’habitat idéal du Chamois. L’aspect alimentaire reste

cependant un critère de moindre importance par rapport à la topographie du milieu. La

plasticité alimentaire de l’espèce nous le rappelle.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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I.2 Organisation spatiale

Toujours dans l’optique de savoir si les massifs sélectionnés sont favorables à l’accueil d’une

population de chamois mais aussi et surtout afin de pouvoir anticiper sur la manière dont

l’espèce pourrait occuper ces massifs, il est nécessaire de s’intéresser à l’occupation de

l’espace par l’espèce. Ce chapitre permettra également, par la suite, de savoir si une

colonisation de biotope secondaire est facilement envisageable à partir des massifs étudiés.

Selon la définition de Burt (1943), le domaine vital du chamois est la surface traversée, au

cours d’une période déterminée, par l’individu pendant ses activités normale de recherche de

nourriture, de reproduction, d’élevage des jeunes et de repos. Le domaine vital annuel, appelé

aussi espace vital, recouvre, quant à lui, l’ensemble des domaines vitaux occupés aux

différentes époques de l’année et les voies de liaisons entre eux (Catusse et Al., 1996). Il

comprend le plus souvent un domaine d’été et un domaine d’hiver. Ces derniers peuvent être

plus ou moins confondus ou totalement distincts.

La taille du domaine vital, varie énormément suivant les individus, le sexe, l’âge, la saison et

la disponibilité des ressources (Clarke & Henderson, 1984; Loison, 1995, Von Hardenberg et

al. 2000). Plus le biotope est hétérogène, et plus la taille des domaines vitaux sera réduite, car

l’animal disposera, sur une surface réduite, de toutes les facettes écologiques nécessaires à la

satisfaction de ses besoins vitaux (Catusse et Al.,1996). Un domaine vital peut donc aussi

bien mesurer quelques dizaines d’hectares que des centaines. Il est, par conséquent, difficile et

peu pertinent de calculer une taille moyenne. A titre d’exemple, dans les Vosges, massif de

moyenne montagne qui par certains aspects se rapproche de certains massifs lozériens, Boillot

(1986) trouve pour les femelles (de plus de 1 ans) un domaine vital moyen de 170 ha, hiver

comme été (les deux domaines vitaux étant confondus) et pour les mâles (de plus de 1 an) un

domaine hivernal moyen de 100 ha et un estival de 130 ha. Ces deux derniers domaines étant

généralement séparés d’une distance allant de quelques centaines de mètres à plusieurs

kilomètres.

Selon Loison et al. (1999), la topographie joue un rôle important dans l’organisation spatiale

du chamois. Elle démontre par exemple, que dans la réserve des Bauges, les fonds de vallées

divisent la population en trois sous-populations partiellement autonomes. Dans des gorges ou

vallées, il est souvent peu probable voire impossible que la connexion d’une rive à l’autre,

bien qu’elle existe soit suffisamment forte pour qu’un chamois ait un domaine vital s’étalant

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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sur deux rives. La constitution d’une métapopulation4 au sein d’une même vallée est donc très

probante. Ceci sera à prendre en compte lors de l’analyse des massifs étudiés qui se situent,

pour la plupart dans un « contexte de gorges et de vallées ».

Les mâles se dispersent généralement plus que les femelles. Capables de déplacements

pouvant dépasser une vingtaine de kilomètres, ils sont peu fidèles à leur domaine saisonnier et

annuel (ONCFS, 2002). Enfin, comme le prouve la colonisation récente du « Bas Verdon »

depuis l’amont, les gorges et vallées, tout comme les crêtes (Clarke & Henderson, 1984),

constituent un très bon canal de diffusion de l’espèce. La dispersion des chamois se ferait

alors le long des versants plutôt que de façon verticale afin d’éviter de descendre au fond des

vallées (Cassar 2007).

I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages

L’arrivée d’une population de chamois peut engendrer une compétition spatiale ou alimentaire

avec les espèces partageant la même niche écologique si elles présentent de fortes densités.

Les grands ongulés tels que les chevreuils (Capreolus capreolus) ou les cerfs (Cervus

elaphus) ont généralement un habitat qui se recoupe assez peu avec celui des chamois. Ces

derniers, ne s’installent par exemple, jamais loin des reliefs. Inversement, les cervidés n’étant

pas rupestres, sont rebutés par les pierrailles et la neige profonde, où ils sont loin d’avoir

l’aisance du chamois (Darmon et Al., 2010). Il arrive cependant que dans certaines régions

présentant une topographie intermédiaire (des pentes à fortes inclinaisons mais avec peu

d’escarpements rocheux, par exemple), les cervidés et les chamois aient une niche écologique

se chevauchant. Ainsi certains auteurs comme Schröder (1984) ou Herrero (1996) ont montré

l’existence d’une compétition entre une population de chamois et de chevreuils.

Concernant le sanglier (Sus scrofa), il existe encore peu de régions où il côtoie le chamois et

par conséquent, peu d’études ont été réalisées à ce sujet. Nous avons donc interrogé plusieurs

personnes et notamment des techniciens en charge de la gestion du grand gibier dans des

départements où les deux espèces présentent de fortes densités. Ainsi M. Giaminardi de la

Fédération des Chasseurs du Var et M. Siméon des Alpes Maritimes, n’ont pas constaté de

compétitions significatives entre les deux espèces (Com. Pers., Juin 2012).

4 Une métapopulation est un ensemble de populations d’une même espèce réparties dans l’espace, entre lesquelles il existe des échanges plus ou moins réguliers et importants d’individus.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Les ongulés les plus susceptibles d’entrer en compétition avec le chamois sont ceux qui sont

rupestres, car ils partagent sensiblement la même niche écologique. C’est le cas du mouflon

méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) et du bouquetin des Alpes (Capra ibex). Ce

dernier, n’étant pas présent en Lozère, nous ne développerons pas ce sujet. Pour ce qui est du

mouflon, sa niche écologique se chevauche avec celle du chamois, mais il existe cependant

des différences entre les deux. Le chamois a par exemple une préférence beaucoup plus

marquée pour les éboulis, que son homologue. Sa niche écologique est également plus petite

car il est plus sélectif (Darmon, 2003). Le risque de compétition entre les deux espèces est

assez marqué en hiver où la ressource alimentaire est limitée (Pfeffer & Settimo, 1973 ;

Ramanzin et al., 2002). Il est selon Darmon (2003), d’autant plus important au printemps, où

les femelles suitées vont principalement occuper les zones offrant à la fois un accès aux

ressources les plus énergétiques (pour compenser leur dépense énergétique en vue de la

lactation) ainsi qu’une certaine sécurité face aux prédateurs ou à diverses sources de

dérangements. Or, les secteurs fournissant ce compromis sont relativement peu nombreux et

peu étendus. Ce sont principalement des vires herbeuses ou des pentes à inclinaison

importante. Enfin, un dérangement important peut avoir une influence sur la répartition

spatiale des deux espèces et les pousser à se concentrer sur des zones accidentées

difficilement accessibles, ce qui accentue le risque de compétition.

Toutefois, bien que le risque existe, la compétition n’est pas systématique. Dans le massif des

Bauges par exemple, Darmon (2003) démontre que, bien que les deux espèces se côtoient et

que le risque de compétition soit fort, la ressource alimentaire est suffisamment importante

pour satisfaire les besoins des deux espèces.

Le risque de compétition dépend donc principalement de deux facteurs qui devront être pris

en compte dans l’analyse des massifs Lozériens : l’abondance des ressources alimentaires et

notamment en période « critique », et les densités de population des espèces déjà présentes sur

le site, en portant une attention particulière au mouflon.

I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines

Les activités humaines peuvent constituer une source dérangement, plus ou moins importante,

à prendre en compte particulièrement dans le cadre d’une opération de réintroduction. En

effet, si elles s’avèrent particulièrement perturbatrices dès le premier lâcher, elles risquent de

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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disperser les quelques individus réintroduits5 et empêcher ainsi la création d’un noyau de

population indispensable pour mener à bien une telle opération.

Outres ces effets dévastateurs, un dérangement important peut également avoir un impact

direct sur la dynamique de population. Par exemple, un individu dérangé sur les zones de

pâtures se réfugiera en forêt ou sur des zones escarpées pauvres en ressources alimentaires. Ce

dérangement répétitif entrainera alors une diminution de son activité alimentaire (Homolka &

Matous, 1999) ainsi qu’un stress accumulé important. Cependant Julien (2002) suppose que,

dans le massif des Bauges, cette baisse d’activité alimentaire diurne est compensée par une

activité nocturne.

Deux variables sont importantes dans l’analyse d’une fuite due à un quelconque

dérangement : la distance de fuite qui désigne la distance par rapport à la source de

dérangement à partir de laquelle les animaux fuient et le temps nécessaire avant la

réapparition du chamois. Outres l’action des prédateurs, les principales sources de

dérangement des chamois sont la chasse, les Activités Physiques de Pleine Nature (APPN) et

plus globalement les activités touristiques et dans une moindre mesure le pastoralisme.

I.4.1 La chasse aux chiens courant : un mode de chasse particulièrement dérangeant

La chasse, même si elle n’est pas pratiquée sur le chamois, peut avoir une influence sur les

chances de réussite d’une opération de réintroduction. Si la pression cynégétique est trop

importante, l’effet perturbateur de cette activité peut en effet provoquer une trop forte

dispersion des individus lâchés et par conséquent mettre en échec une telle opération.

Cependant, comme vu précédemment, bien que la pression cynégétique fût forte sur le massif

de la Sainte Baume, avec notamment deux équipes chassant en battue au moins une fois par

semaine, l’opération de réintroduction a été un succès.

Une fois l’espèce installée, la pression de chasse ne semble pas constituer un frein à sa

colonisation dans les secteurs environnants. La colonisation du chamois dans les Préalpes où

la chasse au sanglier prédomine (et notamment dans la Drôme ou dans les Alpes Maritimes)

en est la preuve.

La chasse la plus perturbante est celle pratiquée aux chiens courants et particulièrement celle

en battue. Si le milieu est suffisamment fourni en zones rocheuses, l’impact de l’activité

cynégétique sur l’espèce sera atténué.

5 Un minimum de trente individus doit être lâché afin de maximiser la garantie de décollage démographique (ONCFS, 2008) et de minimiser la perte de diversité génétique par rapport à la population mère (Choisy, 2003).

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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I.4.2 Les activités physiques de pleine nature : le vol libre, l’activité la moins tolérée

Elles sont nombreuses et ont des conséquences sur le chamois très différentes. Nous pouvons

distinguer deux types d’activités. Celles qui sont « imprévisibles » dans le temps et l’espace

comme la course d’orientation, le ski de randonnée ou le vol libre et celles qui au contraire

sont « prévisibles » telles que la randonnée où plus simplement la ballade, le VTT, ou encore

le canoë-kayak.

� Les activités « prévisibles »

Les activités dites prévisibles sont généralement les moins perturbatrices. Lorsque les

itinéraires sont régulièrement parcourus, on observe un phénomène « d’habituation » (hormis

chez les femelles suitées) vis-à-vis des pratiquants. Ainsi, dans ces secteurs, les chamois

peuvent supporter la proximité humaine à condition que ce dernier sache rester discret : la

distance de fuite est alors fortement réduite (Patterson 1988, Pépin et al. 1996, Gander &

Ingold 1997). Cette « habituation » est basée sur un comportement d’intégration des humains

en tant qu’élément local du paysage (Pépin et al. 1996).

Toutefois, l’impact de ces activités est conditionné par de nombreux facteurs. Tout

d’abord, le dérangement des amateurs de ce type d’activité est d’autant plus marqué pour

l’espèce quand les itinéraires traversent des zones pâturées. En effet, les chamois dérangés

dans ces zones doivent interrompre leur activité alimentaire pour se réfugier, le plus souvent

(dans 70% des cas selon Ingold et al., 1996), dans les zones de rochers et d’éboulis. Ils se

cantonnent alors dans ces zones refuges de nombreuses heures. Ingold (1996) observe par

exemple, que les chèvres ne reviennent dans leur pâturage initial que 4h30 après une fuite

occasionnée par un dérangement. Le dérangement a, dans ce cas, un impact non négligeable

sur l’activité alimentaire de l’espèce et peut être à l’origine de certains troubles.

De plus, selon Patterson (1988), les réactions ne diffèrent pas significativement entre les sexes

mais en fonction de la classe d’âge. Les jeunes chamois ont des distances de fuite plus faibles

que les adultes, ce qui est peut-être lié à une plus forte curiosité (Patterson 1988). Divers

auteurs (Cederna et Lovari, 1985 ; Hamr, 1988) remarquent également que les femelles

suitées6 sont beaucoup plus sensibles au dérangement que les autres femelles ou les mâles.

6 Accompagnées d’un chevreau

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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De plus, il semblerait que les distances de fuites soient inversement corrélées à la taille des

groupes : les groupes comptant plus de 15 individus ont une distance de fuite plus réduite que

les groupes inférieurs à 15 individus ou que les animaux isolés.

La distance moyenne de fuite varie également selon le comportement des pratiquants. Elle est,

largement plus importante lorsque ces derniers se trouvent en dehors des « chemins ». Les

bruits (cris, sifflements) provoqueraient des réactions doubles par rapport aux autres cas de

perturbation (Cederna & Lovari, 1985). Selon Schaal & Boillot (1992), les personnes qui

s’immobilisent sur un sentier traversant un secteur occupé par les chamois, déclenchent plus

fréquemment une réaction de déplacement que les personnes mobiles.

Enfin, la présence de chien aux côtés des randonneurs ou autres amateurs induit une

augmentation des distances de fuites (Baumgartner, 1993). La réaction est d’autant plus

violente si le chien n’est pas en laisse.

Au sein même de ce groupe d’activités on observe également des différences notables

quant aux réactions des chamois. Concernant le VTT et la course à pied par exemple, les

distances de fuite sont en moyenne équivalentes à celles observées vis-à-vis des randonneurs,

cependant la réaction des chamois est plus violente : les trajets de fuite sont beaucoup plus

important (Ingold et Al. 1996). Il semblerait aussi que vis-à-vis de ces loisirs, il n’y a pas ou

peu de phénomène d’habituation (Ingold et Al. 1996).

Ceci laisse penser que les réactions face aux motos soient elles aussi assez violentes bien que

l’effet de surprise soit atténué grâce au bruit du moteur perceptible longtemps en avance. Pour

ce qui est du ski pratiqué en station et en particulier pour le ski de fond où le hors piste est très

rare, il est assez courant d’observer des chamois en position de repos à, à peine quelques

centaines de mètres des pistes (Weber, 2001). Ce phénomène d’habituation est également

transposable aux autres activités linéaires où il est impossible de sortir « des itinéraires

définis » et où le flux est important mais régulier comme le canyoning, le canoë-kayak où

encore l’escalade ou la via-ferrata.

Les distances de fuites engendrées par un amateur d’activités dites « prévisibles » dépendent

donc de nombreux facteurs tels que : l’âge et la situation des individus (femelles suitées ou

pas), le comportement humain et le type d’activité pratiquée, le degré d’ouverture ou de

fermeture du milieu dans lequel se situe la zone potentiellement perturbée, etc. Il est par

conséquent impertinent de donner une distance moyenne de fuite pour tous les massifs

peuplant de chamois. A titre d’exemple, dans l’Oberland bernois (Suisse) la distance moyenne

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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de fuite vis-à-vis des randonneurs pédestres est de 130 mètres (OFEP, 1996). Dans le massif

des bauges, A. Julien (2002), estime cette distance à environ 100 m.

� Les activités de type « imprévisible »

Ces activités sont généralement plus perturbantes et empêchent surtout, de par leur

nature « imprévisible » tout phénomène « d’habituation » (Patterson 1988, Pépin et al. 1996,

Gander & Ingold 1997). Celles-ci regroupent les activités, telles que la course d’orientation, le

ski de randonnée ou le vol libre.

La majorité des auteurs s’accordent sur le fait que le vol libre est l’activité la plus perturbante

(Schaal et Boillot, 1992; Ingold et al., 1993). Parce qu’il est assimilé, à un prédateur de type

« aigle géant », le parapente en est la forme la plus dérangeante (Weber, 2001). De plus

comparé à d’autres « appareils volants », celui-ci est très maniable et permet de réaliser des

vols à proximité des pentes. Il semble à l’observation, que ce soit plus l’ombre de la voile

portée au sol que le parapentiste lui-même qui déclenche des réactions de panique (JM. Julien,

2012). De nombreux auteurs tels qu’Ingold et al. (1996), Bögel & Härer (2002) mentionnent

une réaction limitée des chamois lorsque les amateurs de vol libre les survolent à une hauteur

de plus de 600 mètres du sol. Par contre, en dessous de cette hauteur, si les chamois se situent

sur des zones ouvertes, ils déclenchent des réactions de fuite panique sur de longues distances.

Les animaux se réfugient alors, dans la majorité des cas, en forêt et y restent de longues

heures (Ingold et Al. 1996). Il suffit d’un seul parapente pour déclencher de violentes

réactions (Ingold et Al., 1996). Ce dérangement répété entraine une diminution du temps de

pâturage (Schaal & Boillot, 1992) et parfois même une diminution du taux de survie et du

succès reproducteur (Ingold et al. 1996). Les Chamois ne semblent pas s’habituer au passage

des engins volants, y compris dans des zones très fréquentées par ces derniers. La course

d’orientation ou le ski de randonnée peuvent également provoquer des réactions violentes par

effet de surprise mais dans une moindre mesure que le vol libre.

I.4.3 Le pastoralisme : une gêne liée au mode de gestion et à la pression pastorale

Selon J.P Choisy (Com. Pers, février 2012), la présence d’ongulés domestiques est un facteur

trophique négatif pour le chamois, la mauvaise saison étant abordée avec des herbages tondus

ras. L’impact des troupeaux domestiques sur les chamois dépend de la pression et du mode de

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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gestion pastorale. La présence d’un chien de garde ainsi que des cloches peuvent, par

exemple, rendre les ongulés sauvages plus craintifs (Chauvière 1978, Pilar-Izquierdo 1998).

Au contraire, le gardiennage permet de limiter l’expansion des troupeaux domestiques et par

conséquent les contacts directs ou indirects avec les ongulés sauvages.

Cependant, certains experts attribuent à l’activité pastorale un impact bénéfique pour le

chamois. Pour D’Herbomez (1985) par exemple, elle permet d’entretenir les pâturages en

empêchant leur envahissement par les ligneux. Berducou (1982) ajoute que cette activité

favorise, par l’apport fertilisant des déjections, la repousse printanière et automnale des

herbacées.

Pour pouvoir accueillir une population de chamois, un milieu doit donc principalement offrir

un relief tourmenté, des zones de quiétudes et de pâturages, ainsi qu’un couvert forestier. Les

ongulés rupestres sont ceux qui sont les plus susceptibles d’engendrer une compétition

spatiale ou alimentaire avec le chamois.

II Sélection des massifs étudiés

Afin de cibler l’étude, il a été nécessaire de se concentrer sur quelques biotopes qui

paraissaient les plus à même d’accueillir une population de chamois.

II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie

Les délimitations des massifs qui seront évalués dans la suite de l’étude, résultent à la fois

d’un travail de réflexion mais aussi d’une bonne connaissance du département ainsi que de

nombreuses sorties sur le terrain. Un premier tri se base sur des critères strictement

topographiques. Pour être sélectionnés, les massifs devaient présenter :

-une tranche altitudinale d’au moins 250 m7 ;

-des versants à forte inclinaison ;

-des affleurements rocheux.

L’altitude ne faisant pas partie des exigences du chamois, elle n’a pas été prise en compte.

Les massifs lozériens présentant ces caractéristiques étant nombreux et étendus (surtout sur la

moitié sud du département), une deuxième sélection plus précise a dû être réalisée. Certains

7 Comme vue précédemment, le seuil minimal se situe entre 200 et 300m de dénivelé ;

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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massifs ont été considérés comme appartenant à un même « ensemble » car ils présentaient

des contextes écologiques8 et humains9, a priori, similaires et qu’ils étaient souvent

frontaliers. Afin que l’étude se focalise sur des massifs les plus divers possibles (dans

l’optique d’optimiser les chances que l’un d’entre eux soit favorable), il a été décidé de

choisir au sein de chaque « ensemble » le massif qui paraissait à première vue, le plus

favorable d’un point de vue topographique. Ainsi, certaines régions naturelles qui semblaient

pourtant répondre aux exigences du chamois ont été préférées pour d’autres au contexte

similaire mais avec des caractéristiques topographiques plus favorables. Au contraire, certains

autres massifs qui n’apparaissent pas, dans un premier temps, comme les plus accueillants ont

été choisis car ils présentent des caractéristiques écologiques ou un contexte humain bien

différent des autres.

Les massifs sur lesquels porte l’étude sont :

- la bordure est du Mont Lozère. Elle est dominée par le pic Cassini ; nous la citerons donc à

présent sous le nom de massif du Cassini ;

- l’ensemble composé des gorges de l’Enfer et de la vallée de la Colagne. Nous nommerons

cet ensemble, le massif des Gorges de l’Enfer ;

- la totalité des gorges du Tarn ;

- le versant bordant la partie est du Causse Méjean que nous appellerons le massif de la

bordure est du Causse Méjean.

8 Type de milieux, conditions climatiques…. 9 L’expression « contexte humain » sous entend la prise en compte de toutes activité humaines présentent sur le territoire : tourisme, agriculture, chasse….

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Voici la répartition des 4 massifs sélectionnés :

Figure 19 : Relief et répartition des massifs choisis en Lozère

Ces limites ne sont bien sur que théorique et il y a de fortes chances que si un lâcher de

chamois a lieu sur un massif déterminé, ces derniers se dispersent bien au-delà des limites et

colonise de nouveaux biotopes. En réalité, les contours ne délimitent que les zones « cœurs »,

c'est-à-dire celles qui nous ont paru les plus susceptibles de répondre aux besoins du chamois

mais elles ne sont parfois pas si nettes sur le terrain. C’est le cas par exemple, du massif du

Cassini où ses limites ouest auraient pu être prolongées, mais le dénivelé qu’offrait cette zone

ouest était beaucoup moins intéressant.

A chaque massif correspond donc, un contexte écologique ou humain différent. Le massif des

Gorges de l’Enfer, bien que présentant une superficie très modeste, a par exemple été choisi

car il présentait un contexte cynégétique et touristique particulier10 ainsi qu’une situation

géographique originale11. La délimitation12 des massifs respecte au maximum le continuum

10 La pression concernant ces deux points sur ce massif est faible ; l’étude devra le confirmer. 11 C’est le seul situé dans la moitié nord du département

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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topographique et paysager de chacun d’eux. Ceci explique le fait que le massif du Cassini

s’étende en parti sur le département du Gard (15% de sa surface).

II.2 Description générale

Afin de mieux les appréhender, voici une description une rapide des massifs étudiés.

� Le massif du Cassini (Cf. carte 1)

Ce massif granitique d’une superficie de 9 300 hectares, appartient à l’entité géographique du

Mont Lozère. Il offre une strate altitudinale de plus de 1000 m (de 630 m, à 1680m au Pic

Cassini), ainsi qu’une variété d’exposition ce qui lui assure une importante diversité de

milieux et d’étages de végétations. Il s’étend ainsi de l’étage collinéen et supraméditerranéen

à l’étage subalpin (présence de pelouses subalpines) en passant bien sûr par l’étage

montagnard. Il présente un climat montagnard à tendance méditerranéennes13. Le manteau

neigeux très irrégulier peut, sur la partie haute du massif, être conséquent et ceci durant

plusieurs mois consécutifs (en moyenne 2 ou 3 mois).

On retrouve principalement sur ce site :

- des châtaigneraies (Quercion ilicis)

- quelques chênaies à feuilles caduques sur silice (Quercion ilicis, Quercion roboris)

- quelques plantations d’épicéa (Picea abies) ;

- des hêtraies sapinières sur sol peu acide (Geranio nodosi-Fagenion sylvaticae)

- des hêtraies d’altitude (Acerion pseudoplatani))

- des buissons à genêt à balais ou à ronces et lisières à fougères aigle sur sol siliceux

(Pruno spinosae-Rubion radulae, Sarothamnion scoparii)

- des landes à genêts purgatifs (Cytision oromediterraneo-scoparil).

- des landes basses à bruyères, à callunes ou à myrtilles (Genisto pilosae- Vaccinion

uliginosi)

- des pelouses à Nard raide (Nardion strictae) 12 Cette délimitation peut au contraire, paraître parfois trop théorique et peu en adéquation avec la réalité du terrain, car elle coupe brutalement un versant. Ceci est dû au fait, qu’au-delà de cette limite, les conditions topographiques étaient jugés moins favorables à l’accueil d’une population de chamois ; la délimitation s’étant bornée aux zones « cœurs » ; 13 Source : http://www.meteo-mc.fr/climat-Lozere.html

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Figure 20 : Rocher du Trenze (Massif du Cassini)

Source : Alain LAGRAVE, 2012

Figure 21 : Rocher de l’Aigle (Massif du Cassini)

Source : FDC 48, 2012

� Le massif des gorges de l’Enfer (Cf. carte 2)

Ce massif granitique d’une superficie d’environ 2800 ha est localisé au pied du plateau de la

Margeride. Il se situe à la confluence de deux vallées/gorges encaissées (la vallée de la

Colagne et les Gorges de l’Enfer), dominées par un plateau. Il présente un dénivelé moyen de

300 mètres et se situe entre 700 et 1000m d’altitude. Il est caractérisé par un climat

montagnard relativement sec. La neige n’est pas rare sur ce massif mais le manteau neigeux

ne dépasse que très rarement les 30 centimètres14. Sa végétation s’étend de l’étage collinéen

au montagnard.

On retrouve principalement sur ce site très fermé :

- des chênaies de chêne pubescent (Quercion pubescenti) ;

- des pineraies de pin sylvestre (Pinion sylvestris) ;

14 Source : http://www.meteo-mc.fr/climat-Lozere.html

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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- des hêtraies d’altitude (Acerion pseudoplatani) ;

- quelques plantations d’épicéa (Picea Abies) ;

- des landes à genet purgatif (Cytision oromediterraneo-scoparil) ;

- quelques prairies à fourrage des montagnes (Triseto flavvescentis-Polygoniom

bistortae).

Figure 22 : Gorges de l’Enfer

Source : FDC 48, 2012

� Le massif des gorges du Tarn (Cf. carte 3)

Ces gorges calcaires d’une superficie de 12 000 hectares, traversent de part et d’autre la

région des Grand Causses avec sur la rive droite le Causse de Sauveterre et sur la rive gauche

le Causse Méjean. D’une profondeur moyenne de 450m, elles s’étendent sur un peu plus de

50 km et offrent un relief marqué s’échelonnant entre 400 et 1050m d’altitude. La végétation

bénéficie d’une double influence : continentale et méditerranéenne. On retrouve ainsi, en aval

et dans la partie la plus basse des Gorges, l’étage meso-méditerranéen supérieur, puis en

prenant de l’altitude, le supra-méditerranéen et le collinéen et enfin en bordure de plateaux (et

en particulier sur la partie la plus en amont) l’étage montagnard inférieur.

On retrouve principalement sur ce site :

- des chênaies de chêne pubescent (Quercion pubescenti) ;

- des pineraies de pin sylvestre (Pinion sylvestris) et de pin noir d’Autriche (Pinus

nigra)

- des fruticées à amélanchier (Amelanchier ovalis) et à prunellier (Prunus spinosa) ;

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

57

- des pelouses sèches d’allure steppiques des Causses (Helianthemo italici-

Aphyllanthion monspeliensis, Ononidion striatae) ;

Le climat y est relativement sec et ensoleillé. La neige est assez fréquente sur les causses mais

en faible quantité15. Elle ne fait que de très rares apparitions au fond des gorges (de l’ordre de

quelques jours par an lors des hivers les plus rigoureux). En période estivale, les températures

élevées sont souvent au rendez-vous. Les maximales d’août sont par exemple proches en

moyenne de 25°C16.

Figure 23 : Les gorges du Tarn

Source : FDC 48, 2012

� La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 3)

Ce massif calcaire, constitue en réalité la partie amont de la rive gauche des Gorges du Tarn.

S’il est étudié à part, c’est parce qu’il présente des caractéristiques écologiques et un contexte

humain différent. Il est par exemple, beaucoup moins touristique que les Gorges du Tarn. Il se

présente sous la forme d’un seul versant surmonté d’un plateau (le Causse Méjean) et

s’étendant sur environ 25 km et d’un dénivelé moyen de 500m17. La végétation18 est assez

similaire à celle des Gorges du Tarn mais le milieu y est beaucoup plus ouvert.

On y retrouve principalement :

- des châtaigneraies (Quercion ilicis) ;

15 Le manteau neigeux ne dépassant que très rarement les 30cm. 16 Source : Météo France 17 Altitude minimale : 520 m, maximale 1200 m. 18 Etage collinéen et montagnard inférieur.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

58

- des fruticées à genévrier commun (Junipernus communis) ;

- des fruticées à amélanchier (Amelanchier ovalis) et à prunellier (Prunus spinosa) ;

- des tâches plus ou moins importantes de pin sylvestre (Pinus silvestris) et de Chêne

pubescent (Quercus pubescens).

- des pelouses sèches d’allure steppiques des Causses (Helianthemo italici-

Aphyllanthion monspeliensis, Ononidion striatae) ;

Le climat est le même que celui des Gorges du Tarn : froid et sec en hiver et chaud et

ensoleillé en été.

Figure 24 : Bordure est du Causse Méjean

Source : FDC 48, 2012

Les quatre massifs retenus, qui sont le massif du Cassini, les gorges de l’Enfer, les

gorges du Tarn et la bordure est du Causse Méjean, s’insèrent donc tous dans un contexte

qui leur est propre. L’étude va, à présent, se concentrer sur ces massifs clés, afin de

déterminer avec précision, si la Lozère présente des milieux réellement favorables et si

l’implantation du chamois, serait compatible avec les activités économiques régissant le

territoire.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

59

III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif

L’évaluation des potentialités d’accueil des massifs étudiés prendra, dans un premier temps,

en compte les aspects écologiques caractérisant ces massifs. Dans un second temps, la

compatibilité du chamois avec les activités humaines présentes sur les territoires sera étudiée.

Enfin, les capacités de diffusions de l’espèce à partir de chaque massif seront évaluées.

III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites

III.1.1 Analyse cartographique

Suite à l’étude des exigences écologiques de l’espèce, les trois aspects qui apparaissent

comme les plus importants, seront développés dans cette analyse. Il s’agit du relief, de la

végétation et de la compatibilité ou non du chamois avec les espèces déjà présentes sur

chaque massif étudié.

Comme vu précédemment, dans une configuration de type gorges ou vallées, il est peu

probable voire impossible que la connexion d’une rive à l’autre, bien qu’existante, soit

suffisamment importante pour qu’un chamois ait un domaine vital s’étalant sur deux rives.

Ceci signifie donc qu’il lui sera impossible de traverser quotidiennement un fond de vallée

afin de satisfaire tous ses besoins. Il est donc primordial de recentrer nos analyses sur chaque

entité (c'est-à-dire sur chaque zone isolée des autres) et non sur chaque massif afin de

s’assurer que chacune d’elle comporte toutes les caractéristiques écologiques nécessaires à

l’accueil d’une population de chamois. Les massifs du Cassini et de la « bordure est du

Causse Méjean », n’ayant pas ce type de configuration ne sont constitués que d’une seule et

même entité. En revanche, les gorges du Tarn se décomposent en deux entités (la rive droite

et la rive gauche) et le massif des gorges de l’Enfer se décompose quand à lui en trois entités

(Cf. Cartes 1, 2 et 3)

Toutes les cartes servant de base à l’analyse cartographique ont été réalisées à l’aide du

logiciel MapInfo 7.0.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

60

a) Les massifs du Cassini et des Gorges du Tarn : une topographie particulièrement

favorable

� Méthodologie

Comme vu précédemment, les exigences principales du chamois sont avant tout de l’ordre

topographique. Pour être le plus favorable possible à l’implantation d’une population de

chamois un territoire doit en effet présenter une pente d’une inclinaison minimale de 25° et de

préférence de 30° ainsi que des zones rocheuses.

Cette analyse distinguera deux types d’affleurements rocheux qui chacun, remplissent une

fonction différente. Il y a tout d’abord les zones rocheuses de types éboulis, arêtes et versant

rocheux inclinés qui ne sont pas infranchissables par les prédateurs mais difficilement

traversables. Le chamois est dans ces zones, relativement habile. Elles leur constituent donc

« une marge de sécurité » vis-à-vis de dérangements plus ou moins marqués. Il y a ensuite les

zones rocheuses ou entourées d’escarpements rocheux qui sont inaccessibles aux prédateurs et

à toutes sources de dérangements hormis au chamois. Ces zones dites « zones refuges » sont

utilisées par le chamois lorsque le dérangement est très marqué ou lorsqu’il est menacé par un

prédateur. Elles sont également appréciées pour la mise-bas (mais pas indispensables) ainsi

que par les femelles et leur chevreau, moins habile et surtout moins rapide dans les fortes

pentes que leur mère. En cas de faible dérangement, les affleurements rocheux de type

« éboulis et versant rocheux » peuvent êtres suffisants mais les zones refuges deviennent

indispensables lorsque le dérangement s’accroît. La chasse aux chiens courants, par exemple,

est une source importante de dérangement et surtout lorsque les chiens poursuivent

malencontreusement le chamois. Ce dernier se réfugie alors dans des zones refuges.

L’analyse des zones favorables au chamois doit donc avant tout, prendre en compte le degré

d’inclinaison des versants mais aussi la bonne répartition sur l’ensemble des entités19, des

affleurements rocheux de type « refuge » et de ceux du type « éboulis et versants rocheux

inclinés ».

Il a par conséquent été décidé de cartographier les zones dites « strictement favorables au

chamois » regroupant les affleurements rocheux (tous types confondus) et les pentes

19 Rappel : Une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le Chamois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

61

supérieures à 25°. Une distance de 200 m20 vis-à-vis des routes départementales et nationales

ainsi que des villages importants (supérieurs à 50 habitants) bordant les différents massifs a

été respectée. Une mise en évidence des zones présentant une inclinaison supérieure à 30°

(seuil véritablement clé pour de nombreux auteurs) a également été réalisée.

� Analyse

Tous les massifs présentent la caractéristique de s’insérer dans un contexte très

« longitudinal » avec des hauts plateaux présentant un dénivelé faible mais des piémonts

escarpés. Ce contexte est donc bien différent de celui de la montagne « classique » surmontée

de crêtes et de sommets.

o Le massif du Cassini (Cf. carte 4)

Figure 25 : P

Massif du Cassini

18,87%

26,50%44,34%

10,28%

0 à 15 °

15 à 20°

20 à 30°

>30°

Source : BD Topo IGN, 2008

Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 4.93%

Ce massif est celui présentant, le dénivelé (en absolu) le plus important. Certains de ces

versants présentent en effet environ 800 mètres de dénivelé et le massif dans son ensemble

offre une tanche altitudinale de 1100 mètres21. Cette amplitude altitudinale associée à un très

bon modelage offrant toutes les expositions, lui permettent d’offrir une importante diversité

20 Distance minimale de fuite observée, vis-à-vis de ce type d’infrastructure 21 Point le plus bas : 580m, point culiminant (Pic du Cassini) :1680m d’altitude.

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62

de milieux et de conditions climatiques sur une surface réduite (5725ha). Sa proportion en

zone rocheuse et notamment de type « refuge » est assez faible dans le tiers nord du massif. Il

sera nécessaire, par la suite, de recouper cette donnée avec le degré de dérangement du site.

Dans sa partie sud, la proportion et la répartition d’affleurements rocheux (tous types

confondus) paraît convenable.

o Le massif des Gorges de l’Enfer (Cf carte 5)

Figure 26 : Proportion du massif des Gorges de l’Enfer en fonction de la pente

Massif des Gorges de l'Enfer

26,66%

26,78%

35,30%

11,26%

0 à 15 °

15 à 20°

20 à 30°

>30°

Source : BD Topo IGN, 2008

Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 1.1%

La zone « strictement favorable au chamois » ne représente que 470ha de l’entité A sur 950ha

(soit la moitié). Cette faible surface associée à l’absence presque totale d’affleurement

rocheux rend cette entité très peu favorable à l’accueil d’une population de chamois ; tout au

plus quelques individus pourraient la peupler. Le constat est presque le même sur l’entité C où

la zone favorable d’un point de vue topographique, bien que plus étendue, ne représente que

460 ha (sur les 720 que compte l’entité) et où surtout, les affleurements rocheux sont encore

une fois absents (ou presque) ce qui rendrait le chamois très vulnérable à un fort dérangement.

L’analyse des activités humaines sur cette entité aura donc toute son utilité. Seule l’entité B,

semble réellement correspondre aux attentes du chamois. Elle présente en effet, une bonne

proportion et répartition de pentes raides (inclinaison supérieure à 30°), de zones rocheuses de

type « refuge » et de versants rocheux inclinés très utiles en cas de fuite. De plus, elle

présente une variété d’exposition et un fort modelage fournissant au chamois toutes les

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

63

facettes écologiques dont il a besoin au cours d’une année22.Sa surface modeste (900 ha, pour

ce qui est de la zone « strictement favorable ») réduit cependant fortement les chances

d’accueil d’une population d’au moins 50 individus, seuil minimal estimé pour qu’elle soit

viable (Andrello, 2011).

La topographie et surtout la surface que représente les zones dites « strictement favorables »,

compromet donc déjà très fortement les chances de réussite d’une opération de réintroduction.

Les autres caractéristiques écologiques du site, sa tranquillité ainsi que son éventuelle

connexion avec des biotopes proches sont autant de facteurs qui seront déterminants quant

aux réelles chances de succès d’une opération de réintroduction sur ce massif.

o Les Gorges du Tarn (Cf. carte 6)

Figure 27 : Proportion du massif des Gorges du Tarn, rive gauche, en fonction de la pente

Figure 28 : Proportion du massif des Gorges du Tarn, rive droite, en fonction de la pente

Rive gauche des Gorges du Tarn

21,96%

11,12%

21,75%

45,17%0 à 15 °

15 à 20°

20 à 30°

>30°

Rive droite des Gorges du Tarn

23,83%

12,94%

27,36%

35,87%

0 à 15 °

15 à 20°

20 à 30°

>30°

Source: BD Topo IGN, 2008 Source: BD Topo IGN, 2008

Pourcentage de la rive gauche recouverte par les rochers : 11.4%

Pourcentage de la rive droite recouverte par les rochers : 7.34 %

Ce massif, présentant une strate altitudinale allant de 400 à 450m, est dans son ensemble très

satisfaisant au regard de la topographie qu’il présente aussi bien sur sa rive droite que sur

celle de gauche. Chacune présentent respectivement 35,9% et 45,17% de zones dont

l’inclinaison est supérieure à 30° (sur leur surface totale). La surface en affleurements rocheux

est également importante puisqu’elle représente 7,34% de la rive droite et 11,4% de la rive

22 Ombre bien qu’elle soit assez modeste étant donné que l’exposition prédominante est celle du sud, zones rapidement déneigées, etc

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

64

gauche. Ces derniers sont très bien répartis sur l’ensemble des deux rives et remplissent aussi

bien leur rôle de refuge que de « zones de fuite » (éboulis). Une très forte concentration de

rochers du type « refuge » est d’ailleurs notable entre le village des Vignes et celui de la

Malène, aussi bien en rive droite qu’en rive gauche. Les nombreux microreliefs qu’offrent ces

gorges constituent également un atout capital.

Figure 29 : Les gorges du Tarn

Source : FDC 48, 2012

Comme vu précédemment, ce massif, situé à une altitude modeste (entre 400 et 1000 m) est

très rarement recouvert d’un épais manteau neigeux mais en revanche il peut être soumis à des

températures élevées en période estivale. Dans ce contexte, la rive gauche située en ubac et

donc plus à même de fournir des zones fraiches en période estivale, semble la plus adéquate.

La plus forte proportion de zones rocheuses et escarpées, appuie d’ailleurs cette hypothèse.

D’un point de vue purement topographique, ce massif semble donc très favorable à l’accueil

d’une population de chamois avec cependant une légère préférence pour la rive gauche. Afin

de maximiser les chances de succès d’une opération de réintroduction, il est préférable de

réaliser des lâchers sur une même entité et dans ce cadre la rive gauche parait la plus à même

de les accueillir. Cependant, si nous nous basons uniquement sur l’aspect topographique, il y

a de grandes chances que les chamois et notamment les jeunes nés sur place (en phase

d’émancipation), colonisent la rive opposée (Choisy, Com. Pers.).

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

65

o La « Bordure Est du Causse Méjean » (Cf. carte 7)

Figure 30 : Proportion du massif de la bordure est du Causse Méjean en fonction de la pente

Bordure est du Causse Méjean

23,26%

22,58%

33,12%

21,03%

0 à 15 °

15 à 20°

20 à 30°

>30°

Source : BD Topo IGN, 2008

Pourcentage du massif recouvert par les rochers : 5.12%

Ce massif, présentant une strate altitudinale allant de 400 à 500m, présente une topographie

favorable. Il offre en effet, de nombreux affleurements rocheux (5,12% du massif) remplissant

aussi bien leur fonction de refuge que de « zones de fuite », et très bien répartis. La proportion

de zones dont l’inclinaison est supérieure à 30° (21%) est également très convenable, et une

fois encore, réparties sur l’ensemble du massif. Un modelage peu marqué et une exposition

presque unique (nord-est et surtout est) sont cependant à déplorer sur ce massif constitué d’un

seul versant. Il semble, à cause de cela, moins favorable que les Gorges du Tarn tout du moins

dans sa partie centrale. La jonction de ce massif avec la rive gauche des gorges, où le

continuum est total, constitue une zone, aux expositions variées, certainement très favorable.

Les Gorges du Tarn, avec une préférence pour sa rive gauche dans une optique de

lâchers, et le massif du Cassini apparaissent donc comme les plus favorables sur le plan

topographique. La modeste proportion rocheuse de ce dernier sera cependant à prendre en

compte lors de l’étude du degré de tranquillité du site. La bordure est du Causse Méjean

arrive, quand à elle en troisième position mais doit être avant tout considérée comme un

complément de la rive gauche des Gorges du Tarn. Enfin, les Gorges de l’Enfer, n’offrant

qu’une seule entité vraiment accueillante, semble limitées en surface pour offrir toutes les

chances de succès d’une opération de réintroduction.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

66

b) La végétation : des rôles inégalement remplis selon les massifs

Comme dit précédemment, la végétation doit remplir principalement trois rôles :

-procurer, tout au long de l’année, une alimentation en quantité suffisante et de qualité.

-servir d’abri face aux intempéries et aux fortes chaleurs estivales

- fournir des zones d’hivernages23 lorsque la neige, présente en forte quantité, limite les

déplacements et la disponibilité en ressources alimentaires.

La fonction « alimentation » doit être assurée par la présence d’une végétation herbacée et

secondée par une végétation ligneuse, riche et appétente, lorsque la première fait défaut en

hiver. La fonction « abri » est quand elle assurée par une couverture forestière importante.

Etant donné que les massifs concernés ne sont peu (et jamais dans leur totalité) concernés par

de fortes chutes de neige, l’apport en « zones d’hivernages » ne sera pas étudié.

L’analyse devra donc vérifier que, pour chaque entité, ces deux fonctions soient correctement

remplies et surtout bien réparties : plus elles seront assurées, de manière quasi simultanée, sur

une surface réduite et plus la zone analysée sera favorable.

Les données choisies pour analyser la qualité des milieux sont issues de la classification

Corine Land Cover (2006). Bien que faible, le degré de détail de cette classification est

suffisant pour ce type d’analyse qui s’appuie sur une logique d’habitat et qui ne cherche pas à

connaître et à quantifier avec une extrême précision les différentes espèces végétales peuplant

les massifs. Une refonte de certaines classes jugées, peu pertinentes pour notre étude et dont le

libellé n’était pas toujours très clair, a été faite. Voici les classes retenues :

- Territoires agricoles (hors prairies)

- Prairies

- Forêt de feuillus

- Forets de conifères

- Forets mélangées

- Pelouses et pâturages naturels

- Milieux à végétation arbustive

- Végétation clairsemée ou absente 23 La forêt peut assurer ce rôle, mais elle n’est pas la seule.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

67

La catégorie nommée « Territoire agricoles (hors prairies) » regroupe comme son nom

l’indique l’ensemble des territoires agricoles, c'est-à-dire les terres arables, les cultures

permanentes et les zones dites « agricoles hétérogènes », mais en y excluant les prairies. Ces

dernières sont traitées à part car elles apportent une ressource fourragère importante et utile au

chamois. Le libellé « milieux à végétation arbustive » comprend les catégories Corine Land

Cover « landes et broussailles » et « végétation arbustive en mutation ». Les « pelouses et

pâturages naturels », d’une grande importance dans notre étude, sont également traitées à part.

Afin la classe que nous avons nommé « Végétation clairsemée ou absente » englobe les

« Roches nues », la « Végétation clairsemée » et les « Zones incendiées ».

Vu que la distance de fuite vis-à-vis d’un quelconque dérangement24 est de l’ordre de 150 m,

que les chamois peuvent s’alimenter à quelques centaines de mètres des zones pentues et/ou

rocheuses (Rayé, Choisy, Com. Pers.), et que les plateaux surmontant les 4 massifs sont plus

fréquentés que les zones pentues, il est estimé que les animaux ne devraient pas s’éloigner, à

plus de 300m des zones « strictement favorables » déterminées lors de l’analyse

topographique. Les secteurs concernés par cette analyse comprennent donc ces zones

« strictement favorables » majorées d’une zone tampon de 300m. Afin de réduire le biais de

calcul des surfaces pentues, dû au fait que la classification Corine Land Cover soit réalisée à

partir d’une vue aérienne, un coefficient rectificateur25 égal à 1,2 dans les zones présentant

une pente moyenne de 35° et à 1.1 dans celles ayant une pente moyenne 25° a été appliqué.

L’analyse se décompose en deux approches:

-une première approche globale permettant d’étayer certaines conclusions globales ;

-une deuxième approche cartographique plus précise.

� L’approche globale

Cette approche s’appuie sur une analyse des différents types de végétation présents pour

chaque massif. Voici les grands types de végétation peuplant chaque massif et leur proportion

(exprimée en pourcentage de la surface totale du massif) :

24 Hormis d’un dérangement venu du ciel 25 Se basant sur le théorème de Pythagore.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

68

Figure 31 : Composition de l’habitat du massif du Cassini selon la classification Corine Land

Cover (2006)

Massif du Cassini

2% 3%

12%

25%

26%

30%

2%Territoires agricoles (horsprairies)

Prairies

Pelouses et pâturagesnaturels

Forêts de conifères

Forêts mélangées

Milieux à végétationarbustive

Forêt de feuillus

Source: Corine Land Cover 2006

Figure 32 : Composition de l’habitat du massif des gorges de l’Enfer selon la classification

Corine Land

Massif des Gorges de l'Enfer

4% 4%

8%

11%

15%

17%

41%

Pelouses et pâturagesnaturels

Prairies

Forêt de feuillus

Forêts de conifères

Territoires agricoles(hors prairies)

Milieux à végétationarbustive

Forêts mélangées

Source : Corine Land Cover 2006

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

69

Figure 33 : Composition de l’habitat de la rive droite des gorges du Tarn selon la

classification Corine Land

Rive droite des Gorges du Tarn

1% 6%

7%

12%

13%

13%14%

34%

Prairies

Forets mélangées

Territoires agricoles(hors prairies)

Pelouses et pâturagesnaturels

Forets de conifères

Forêt de feuillus

Végétation clairseméeou absente

Milieux à végétationarbustive

Source: Corine Land Cover 2006

Figure 34: Composition de l’habitat de la rive gauche de gorges du Tarn selon la classification

Corine Land

Rive gauche des Gorges du Tarn

3% 3%

3%

8%

12%

30%

39%

2%

Prairies

Végétation clairsemée ouabsente

Territoires agricoles (horsprairies)

Forêt de feuillus

Pelouses et pâturagesnaturels

Milieux à végétationarbustive

Forêts de conifères

Forêts mélangées

Source : Corine Land Cover 2006

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

70

Figure 35 : Composition de l’habitat du massif de la bordure est du Causse Méjean selon la

classification Corine Land

Massif de la "Bordure Est du Causse Méjean"

3% 3%

8%

9%

11%

31%

34%

1%

Forets de conifères

Territoires agricoles(hors prairies)

Prairies

Végétation clairseméeou absente

Forets mélangées

Forêt de feuillus

Milieux à végétationarbustive

Pelouses et pâturagesnaturels

Source : Corine Land Cover 2006

Les massifs du Cassini et des gorges de l’Enfer présentent une ressource herbagère (prairies et

pâturages naturels) faible puisqu’elle ne représente que respectivement 5 et 8%. Elle est

légèrement supérieure dans les gorges du Tarn où elle s’élève à 13% en rive droite et à 10%

en rive gauche. Cette faible proportion, est quelque peu compensée par une bonne proportion

de forêts mélangées, assez riches en ligneux appétant, et de végétation arbustive qui autorise

souvent un développement en son sein d’une strate herbeuse. La bordure est du Causse

Méjean présente, quant à elle, une proportion en ressource herbagère convenable qui s’élève à

plus de 35%. Ces chiffres ne tiennent cependant pas compte de la qualité fourragère qui est

certainement meilleure sur le massif du Cassini et dans une moindre mesure sur celui des

Gorges de l’Enfer, au climat plus montagnard et humide que sur les autres massifs plus arides.

Tous les massifs présentent une proportion convenable en forêt assurant ainsi leur rôle d’abri

face aux conditions climatiques y compris la bordure est du Causse Méjean, qui bien que plus

ouverte, est riche en végétation arbustive (31%). Il n’y a, à priori, pas de différences

flagrantes entre les deux rives des Gorges du Tarn : elles remplissent toutes les deux leur

fonction « d’abris » et dans une moindre mesure celle « d’alimentation ». Cependant, la rive

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

71

gauche est plus fermée26 et présente surtout moins de terres agricoles (3% contre 7% en rive

droite) ce qui sera à prendre en compte lors de l’analyse des dégâts potentiels que peut créer le

chamois.

Suite à cette première analyse, le massif le plus favorable au regard de sa végétation et des

fonctions qu’elles remplissent est celui de « la bordure est du Causse Méjean ». Arrive ensuite

les massifs du Cassini et des Gorges du Tarn. Cette approche ne permet pas de les départager.

Enfin, le massif des Gorges l’Enfer semble le moins favorable car il présente une faible

quantité en ressource fourragère

Nous allons donc, à présent, à travers l’approche dite « cartographique », rajouter une

composante primordiale à l’analyse : la répartition spatiale des deux rôles que doit remplir la

végétation.

� L’approche cartographique

Elle s’appuie dans un premier temps, sur la création d’une carte pour chaque massif,

répertoriant les différents types de végétation présents sur les zones concernées (Cf. cartes 7,

8 et 9). Afin de conserver la même logique, les classes de végétation déterminées lors de

l’approche globale sont conservées. Les plantations forestières, généralement peu riches en

ressources alimentaires, ont été rajoutées à la cartographie. Une bande de trois cent mètres

depuis les zones strictement favorables au chamois (pentes supérieures à 25°) a aussi été

respectée27.

Cette représentation cartographique débouche sur une analyse de chaque massif. L’objet de

celle-ci n’est pas de connaître avec précision où les chamois seront de manière très précise à

une période donnée de l’année, mais plutôt de savoir si, sur une même entité géographique28

les fonctions « abri » et « alimentation » sont suffisamment assurées pour accueillir des

densités convenables de chamois et surtout de manière la plus alternée possible (voire

simultanée). Etant donné la surface couverte par certaines entités, elles ont été découpées, en

26 72% de forêts et 12% de végétation arbustive en rive gauche, contre 32% de forêts et 34% de végétation arbustive en rive droite. 27 Cette bande est parfois réduite ou inexistante en raison d’une trop forte proximité des infrastructures routières importantes ou des zones urbanisées. 28 Rappel : l’ensemble des analyses cartographiques raisonnent en terme d’entités. Une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le chamois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

72

sous-ensembles jugés cohérents et plus proches de la taille d’un domaine vital de chamois.

Afin de qualifier avec précision dans quelle mesure les fonctions « alimentations » et/ou

« abri » sont remplies, un indice de 0 à 4 a été attribué pour chaque sous-ensemble et pour

chaque fonction. L’indice 0 signifie que dans le sous-ensemble concerné la végétation ne

remplit pas du tout son rôle, le 4 au contraire, signifie qu’elle le remplit parfaitement. Cet

indice bien que subjectif, s’appuie sur des données objectives concernant l’alimentation du

chamois ainsi que sur une bonne connaissance des diverses essences forestières peuplant

chaque massif ; plusieurs sorties sur le terrain ont eu lieu à cet effet.

o Le massif du Cassini (Cf. carte 7)

La végétation dite « arbustive » désigne dans ce cas précis les genêts purgatifs (Cytisus

oromediterraneus) qui sont très répandus sur ce massif et qui empêchent le développement

d’une végétation herbacée. Les massifs où le chamois est actuellement présent, n’étant que

peu concernés par cet arbrisseau, aucune donnée concernant son appétence n’a été trouvée.

Appartenant à la famille des légumineuses, il n’est cependant pas impossible qu’il soit

apprécié par le chamois. La végétation herbacée se répartie principalement sur le plateau sous

forme de « pelouses naturelles » et dans le vallon de la Palhères sous forme de prairies.

Tableau 1 : Etude de la végétation du massif du Cassini

Aspects positifs

notables Aspects négatifs

notables Fonction Surface

Sous-ensemble A

-Mosaïque de milieux ; bonne alternance de forêts mélangées, de feuillus et de conifères, de végétation arbustive, de pâturages naturels et de prairies. -Abri assuré.

-Manque de pâturages naturels

Alimentation/abri (Alimentation : 2 Abri : 3)

3031 ha

Sous-ensemble B

-Abri assuré.

-Milieux très fermés et en partie composées de forêts pures

Abri (Alimentation : 1 Abri : 4)

2418 ha

Sous-ensemble C

-Milieux semi-ouverts (arbustifs)

- Forêts pures Alimentation / abri (Alimentation : 3

2497 ha

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

73

permettant le développement d’une végétation herbacée. -Présence de pâturages.

Abri : 3)

Superficie totale du massif : 7946 ha.

La végétation du sous-ensemble B, ne semble pas pouvoir assumer convenablement sa

fonction « alimentation ». Cependant, ces sous-ensembles ne constituent que des limites

fictives et non topographiques. Il est donc très probable que les domaines vitaux des

chamois29 s’étendent en bordure (voire en son cœur) de ce sous-ensemble B pour pouvoir

bénéficier du couvert forestier qu’il apporte, tout en profitant des ressources fourragères des

sous-ensembles périphériques. Un tel couvert à d’ailleurs une importance particulière dans ce

massif de moyenne montagne où le manteau neigeux peut être assez conséquent.

o Le massif des gorges de l’Enfer (Cf. carte 8)

Comme dans le massif du Cassini, les genêts purgatifs (Cytisus oromediterraneus) sont très

répandus et correspondent à la classe « végétation arbustive ». Sur ce massif, les sous-

ensembles sélectionnés correspondent aux limites des trois entités30. Il est donc important que

la végétation de chacun d’eux rassemble simultanément les fonctions « abri » et

« alimentation ».

Tableau 2 : Etude de la végétation du massif des gorges de l’Enfer

Aspects positifs

notables Aspects négatifs

notables Fonction

prédominante Surface

Sous-ensemble A

- Forêts pour la pluparts composées de diverses essences forestières (feuillus et conifères) apportant une ressource

-Absence de pâturages naturels

Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)

945 ha

29 Ayant une taille allant d’une centaine à plusieurs centaines d’hectares. 30 Rappel : une entité correspond à un secteur isolé des autres et séparé par une limite topographique (fond de vallées, de gorges, etc.) non franchissable quotidiennement par le Chamois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

74

alimentaire (ligneux) non négligeable. -Abri assuré.

Sous-ensemble B

-Mosaïque de milieux ; bonne alternance de forêts mélangées, de végétation arbustive, de pâturages naturels et de prairies.

-Proportion non négligeable de genêts purgatifs ;

Alimentation/ abri (Alimentation : 3 Abri : 3)

1182 ha

Sous-ensemble C

-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale.

-Absence de pâturages naturels et de prairies -Présence marquée de plantations (d’épicéas communs) peu riche en ressources alimentaires.

Abri (Alimentation : 0 Abri : 3)

548 ha

Superficie totale du massif: 2666 ha.

Dans ce massif, seule l’entité B d’une modeste surface de 1182 ha, semble réellement propice

(au regard de sa végétation), à l’accueil d’une densité importante de chamois. Les deux autres

entités, ne paraissent pas fournir une ressource alimentaire suffisante pour accueillir des

densités convenables.

o Les gorges du Tarn (Cf. carte 9)

Dans ce massif, la ressource alimentaire est souvent plus abondante en bordure des Causses

que dans les gorges en elles-mêmes où la végétation ligneuse prédomine. Il existe cependant

des variations importantes.

Tableau 3 : Etude de la végétation du massif des gorges du Tarn, rive droite

Aspects positifs

notables Aspects négatifs

notables Fonction

prédominante Surface

Sous-ensemble A

-Prédominance de pelouses naturelles en bordure de plateau. -Forte présence de milieux semi-ouverts (arbustifs) permettant

-Quelques plantations de Pin Noir d’Autriche

Alimentation (Alimentation : 4 Abri : 2 )

2647 ha

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

75

le développement d’une végétation herbacée.

Sous-ensemble B

-Prédominance de terres arables et de prairies en bordure de plateau. -Milieux semi-ouverts et arbustifs (Chênes pubescent) permettant le développement d’une végétation herbacée tout en assurant un abri.

-Absence (ou presque) de pâturages naturels.

Alimentation / Abri (Alimentation : 3 Abri : 3)

2560 ha

Sous-ensemble C

-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale. - Présence de chênaies (chênes pubescents) et de pré-bois assurant une disponibilité alimentaire.

-Absence de pâturages naturels et de prairies, y compris sur le plateau -Présence d’une importante plantation de Pin Noir d’Autriche.

Abri (Alimentation : 2 Abri : 4)

1232 ha

Superficie totale de la rive droite : 6439 ha Cette rive présente dans son ensemble, une bonne alternance de ressource herbagère et de

végétation arbustive assurant ainsi sur n’importe quelle surface d’une ou quelques centaines

d’hectares (taille la plus courante d’un domaine vital de chamois) la double fonction

« alimentation » et « abri ». Le sous ensemble C est cependant trop fermé est semble donc

moins propice à l’accueil d’une forte densité de chamois.

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76

Tableau 4 : Etude de la végétation du massif des gorges du Tarn, rive gauche

Aspects positifs

notables Aspects négatifs

notables Fonction

prédominante Surface

Sous-ensemble A

-Bonne alternance de pâturages naturels, et de landes sur le plateau.

-Quelques plantations de Pins Noirs d’Autriche -Forêts, pour l’essentiel, régulières1 et pures2

Alimentation/ Abri (Alimentation : 2 Abri : 2)

1105 ha

Sous-ensemble B

-Milieux très fermés assurant un abri et de la fraicheur en période estivale.

-Prédominances de plantations de Pins Noirs d’Autriche

Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)

1350 ha

Sous-ensemble C

- Répartition équitable (et proportion correcte) de pâturages naturels sur le plateau. -Forêts, pour la plupart, mélangées (feuillus et conifères).

-Milieux ouverts ou semi-ouverts pas assez représentés dans la partie pentue

Alimentation/ Abri (Alimentation : 3 Abri : 4)

2137 ha

Sous-ensemble D

-Forêts, pour la plupart, mélangées (feuillus et conifères) apportant une ressource alimentaire (ligneux) non négligeable.

- Très peu de pâturages naturels et de landes y compris sur le plateau.

Abri (Alimentation : 1 Abri : 3)

1004 ha

Superficie totale de la rive gauche : 5596 ha. Tout comme sa rive opposée, celle-ci présente dans son ensemble, une bonne alternance de

ressource herbagère et de forêt assurant ainsi sur n’importe quelle surface d’une ou quelques

centaines d’hectares la double fonction « alimentation » et « abri ». Comme pressenti lors de

l’approche globale, il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux rives, mis à part que

la rive droite est plus ouverte que l’autre.

1 Un peuplement régulier ne contient que des arbres ayant des âges et des hauteurs comparables. Il change donc d’aspect dans le temps en passant successivement par les différents stades de croissance. Le chamois a une préférence pour des futaies irrégulières où jeunes. 2 Une forêt pure est une forêt qui ne présente qu’une seule essence forestière.

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77

o La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 10)

Ce massif présentant dans son ensemble, un milieu sensiblement homogène, il n’a pas été

jugé opportun de le découper en sous-ensembles. Une distinction peut cependant être faite

entre la bordure du plateau composé essentiellement de pâturages naturels et la zone pentue.

Cette dernière se constitue d’une mosaïque de milieux alliant forêt et végétation arbustive3

plus ou moins dense permettant le développement d’une strate herbacée, auxquelles viennent

s’ajouter des terrasses herbeuses anciennement cultivées. Ce subtil mélange de végétation

assure donc et presque de façon simultanée les fonctions « abri » (indice 3) et « alimentation »

(indice 4).

� Confrontation des deux approches (globale et cartographique)

Au regard du critère « végétation », le massif de la « bordure est du Causse Méjean »

est donc bel et bien celui qui apparaît le plus favorable car il fournit de façon presque

simultanée un couvert forestier convenable et de bonnes ressources alimentaires qui sont

avant tout fourragères. L’évolution du milieu est cependant à surveiller car ce dernier pourrait

par manque d’entretien se fermer (dans sa partie « piémont »). Il est en effet, en pleine

mutation. Ceci aurait un effet direct sur la quantité des ressources herbagères fournies mais la

forte présence de pâturage naturel en bordure de plateau ne peut remettre totalement en cause

ce classement.

La répartition assez équitable des fonctions « alimentation » et « abri » sur le massif du

Cassini et dans les Gorges du Tarn ne modifie pas les premières conclusions de l’approche

globale. Ces deux massifs arrivent en deuxième position ex aequo et présentent chacun des

avantages et des inconvénients. Du côté des gorges du Tarn, la ressource fourragère est un peu

plus importante et généralement présente toute l’année contrairement au massif du Cassini où

le manteau neigeux peut être conséquent4. Cependant sur ce dernier, la qualité de la ressource

alimentaire est généralement supérieure et en particulier l’été. Ces deux massifs présentent la

particularité de fournir les ressources herbagères essentiellement sur les plateaux sommitaux.

Il sera donc par la suite impératif de veiller à ce que les bordures de ces plateaux, situées à

3 Composée essentiellement de chênes pubescents (Quercus pubescens). 4 Cet argument est cependant à prendre avec précaution car la partie basse du massif située à seulement 600m d’altitude présente généralement des conditions neigeuses clémentes et le vent habituellement important sur les hauteurs permet de maintenir des pelouses non recouvertes de neige.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

78

moins de 300 mètres des zones pentues et rocheuses soient suffisamment peu dérangées pour

permettre aux animaux une alimentation correcte.

Enfin, la conclusion tirée lors l’approche globale concernant le manque de ressource

herbagère sur massif des Gorges de l’Enfer se confirme et s’accentue même : la végétation

herbacée est très mal répartie. Seule une entité sur les trois paraît propice, au regard de sa

végétation, à l’accueil d’une certaine densité de chamois. Cette dernière est, comme vu

précédemment, également propice sur le plan topographique. Ce qui réduit la zone réellement

favorable du massif à seulement 1182 hectares.

Au vu de sa végétation la bordure est du Causse Méjean est donc la plus favorable. Elle est

suivie des massifs du Cassini et des gorges du Tarn. Le massif des gorges de l’Enfer arrive en

dernière position.

c) Un risque de compétition interspécifique faible

Globalement, les massifs du Cassini, des gorges de l’Enfer et de la bordure est du Causse

Méjean ne présentent pas de risques significatifs de compétition alimentaire et spatial en cas

de réintroduction du chamois.

Concernant le massif du Cassini les ongulés sauvages principalement présents sont le sanglier

(Sus scrofa) et le cerf (Cervus elaphus). La présence marquée de milieux rupestres, non ou

peu occupés par ces espèces, constitue une niche écologique vacante pour le chamois.

Les gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean, peuplées de sangliers, ne sont que

peu concernées par le cerf. Comme précisé précédemment, aucune compétition significative

n’a été observée entre le sanglier et le chamois, dans des secteurs en France où les deux

espèces sont densément présentes.

Les gorges du Tarn, ne sont pas concernées par les cerfs qui se cantonnent sur les plateaux.

Elles sont en revanche occupées par le sanglier et le mouflon méditerranéen. L’étude va donc

s’attarder sur ce dernier ongulé, le plus susceptible de rentrer en compétition avec le chamois

car il est, lui aussi, rupestre.

� Le cas du mouflon méditerranéen (Ovis gmelini musimon x Ovis sp.) dans les

gorges du Tarn

Le but de cette analyse est de connaître, dans un premier temps, la répartition des mouflons

sur le massif des gorges du Tarn et de savoir, dans un second temps, si, lors des périodes où le

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

79

risque est le plus élevé, la superposition d’une nouvelle espèce est possible sans porter atteinte

aux deux autres espèces (chamois et mouflons). Elle s’appuie sur les tableaux de chasses

annuels, les comptages réalisés par la FDC 48, ainsi que sur les témoignages des techniciens

de la FDC 48 chargés de coordonner la gestion de cette espèce. Elle aboutit sur une

cartographie précise des zones où le risque de compétition est important.

Comme vu précédemment le risque de compétition entre chamois et mouflon est plus élevé en

hiver et au début du printemps. Il est également marqué en période de fort dérangement car

les animaux se concentrent sur des zones refuges. Dans le cas des gorges du Tarn, la période

où ce dérangement est le plus important correspond, selon les techniciens de la FDC 48, à la

saison de chasse5. Celle-ci étant généralement autorisée, à partir de la fin du mois d’août (aux

alentours du 27) jusqu’à fin janvier (aux alentours du 31), la période où le risque de

compétition est le plus fort s’étend donc du début du mois de septembre jusqu’à mi-avril. Une

attention toute particulière devra donc être portée sur cette période.

L’introduction du mouflon a été réalisée à partir de 1966. Elle n’est donc pas récente et, par

ailleurs, nous avons pu constater que les effectifs sont assez stables ces dernières années. Il

semble donc correct d’analyser le risque de compétition chamois/mouflon à partir des

données actuelles qui devraient être représentatives des années à venir.

De nos jours, on distingue deux noyaux de population de mouflons6 : une en aval de Saint

Rome de Dolan (rive droite) et une aux alentours de Sainte Enimie (rive droite et rive

gauche).

En ce qui concerne la population présente sur la zone de Sainte Enimie, elle a toujours été

davantage représentée en rive droite (c'est-à-dire sur le Causse de Sauveterre) qu’en rive

gauche (sur le Causse Méjean). Cependant, une baisse significative du nombre de mouflons

vivant en rive droite a été enregistrée7 lors du comptage réalisé au mois de mars 2012. La

tendance est au contraire à la hausse sur la rive opposée. La pression exercée par le mouflon

sur cette rive, risque dans les années à venir de s’accroître.

5 La chasse la plus pratiquée au sein des gorges est celle en battue à l’aide de chiens courants. Or ce type de chasse est jugé comme le plus gênant vis-à-vis de la faune sauvage. Ceci est d’autant plus vrai dans les gorges du Tarn où les chiens de chasse constituent la principale source de dérangement dans des versants très abruptes, difficilement accessibles et donc très peu fréquentés par l’homme. 6 Et 3 unités de populations. 7 Des cas de prédations encore inexpliqués durant l’hiver 2012 sont à l’origine de cette diminution.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

80

Figure 36 : Evolution interannuelle des résultats des comptages Mouflons en fonction des Causses.

Figure 37 : Evolution du plan de chasse Mouflon sur la population de Ste Enimie.

Source : FDC 48, 2012 La population de St Rome de Dolan est, quant à elle, considérée comme stable depuis 2006. Figure 38 : Evolution interannuelle des résultats des comptages Mouflons de St Rome de Dolan et des Vignes. Figure 39 : Evolution du plan de chasse Mouflon sur la population de St Rome de Dolan

Source : FDC 48, 2012 En dehors de ces deux noyaux, des individus sont parfois observés sur le reste des gorges,

mais de façon sporadique.

Suite à ces constatations, et aux conseils des techniciens de la FDC 48, le risque potentiel de

compétition entre le chamois et le mouflon a été cartographié (Cf. carte 10). Si l’on considère

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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les gorges dans leur ensemble, les zones a priori favorables8 au chamois et où le mouflon

exerce peu ou pas de pression9 sur son milieu, sont nombreuses et étendues, et en particulier

sur la rive gauche. Elles représentent en effet, 60 % de la rive droite contre 75 % de la rive

gauche.

Par conséquent, s’il est probable au niveau local, le risque de compétition, dans les gorges

du Tarn, entre le chamois et le mouflon parait très faible à l’échelle globale.

L’implantation d’une population de chamois pourrait entrainer une modification quant à

l’utilisation de l’espace, mais elle ne porterait en aucun cas, atteinte à la dynamique des

populations des deux espèces. Pour les autres massifs étudiés, l’implantation d’une

population de chamois ne devrait pas, entraîner une quelconque compétition avec la faune

sauvage locale.

d) Un premier bilan cartographique

Afin de réaliser un premier bilan écologique, une carte synthétique (pour chaque massif),

déterminant les zones favorables10 à l’accueil d’une population de chamois et celles qui le

sont moins, a été élaborée.

Les facteurs pris en compte sont :

- le degré d’inclinaison des versants et la proportion en affleurements rocheux

- l’exposition (les versants aux expositions diverses étant préférés)

- la végétation.

La faune sauvage peuplant les massifs étant jugée compatible avec l’implantation d’une

population de chamois, elle n’a donc pas été prise en compte dans ce bilan. Pour chaque

ensemble jugé cohérent et pour chaque variable, une note de 1 à 4 a été affectée. Le degré

d’inclinaison des versants et la proportion en affleurement rocheux étant considérés comme le

facteur numéro un pour l’accueil du chamois, ces éléments ont bénéficié d’un coefficient de 2

contre un coefficient 1 pour les autres variables. Une moyenne globale allant de 1 (« peu

favorable ») à 4 (« très favorable) a ensuite été calculée pour chaque sous-ensemble.

Voici dans l’atlas cartographique le résultat de ce travail : Cf. cartes 11, 12 et 13.

8 Les zones à priori favorables sont notées sur la carte 10 comme les zones de présences potentielles du Chamois 9 Y compris en période critique. 10 Du point de vue écologique

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

82

Le massif des gorges du Tarn et du Cassini apparaissent donc comme les plus à même pour

accueillir une population de chamois de par leur topographie mais aussi de par leur

végétation qui remplit aussi bien une fonction « alimentation » qu’« abri ». Au sein de ces

deux massifs et particulièrement pour les gorges du Tarn, une préférence pour les versants

à fort modelage et avec une exposition prédominante au nord, est notée. Ce choix

s’explique par un climat de type méditerranéen où de fortes chaleurs estivales peuvent

sévir. A ce titre, la rive gauche des gorges du Tarn, située en ubac semble beaucoup plus

accueillante que la rive droite.

La bordure est du Causse Méjean, quoique très intéressante et notamment au regard de sa

végétation, ne présente qu’une très faible diversité d’exposition11 et peut être considérée,

plutôt, comme un complément de la rive gauche des gorges du Tarn.

Le massif des gorges de l’Enfer ne présente, comme vu précédemment, qu’une zone d’à

peine plus de 1100ha, jugée12 comme trop petite pour maximiser les chances de succès

d’une opération de réintroduction.

III.1.2 Analyse statistique interrompue

A l’origine, il était prévu de réaliser une étude statistique, dont le but était d’identifier le ou

les massifs lozériens les plus favorables à la réintroduction du chamois. Pour cela, elle devait

s’appuyer sur une Analyse en Composantes Principales (ACP) qui devait permettre, dans un

premier temps, de déterminer quelles variables écologiques étaient jugées comme

indispensables pour l’accueil de fortes densités de chamois. Dans un seconde temps, cette

ACP consistait, suite aux résultats précédents, à comparer les massifs lozériens à des massifs

densément peuplés par le chamois afin de savoir si ces deux ensembles présentaient

sensiblement les mêmes caractéristiques. Si cela avait été le cas, nous aurions alors pu

affirmer que les massifs lozériens étaient favorables à l’accueil de fortes densités de chamois.

Pour plus de cohérence, il avait été décidé d’étudier uniquement des populations de chamois

peuplant des milieux à première vue, similaires aux nôtres.

Après environ une semaine et demi de travail, devant le manque de données récoltées, il a été

décidé de suspendre cette analyse. Certaines de ces données n’existaient pas et leur création

nécessitait trop de temps ce qui risquait de compromettre la suite de l’étude. C’était le cas par

11 Où l’orientation Est prédomine 12 Si l’on se réfère à la taille des différents massifs français accueillant un noyau de plus de 50 chamois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

83

exemple, de la couche répertoriant les affleurements rocheux des divers milieux étudiés qui

nécessitait plus de 10 jours de travail pour sa création. De plus les résultats peu fiables de

certaines analyses du même type, réalisées pour d’autres études de faisabilité,

n’encourageaient pas à continuer cette ACP.

III.1.3 Avis d’experts

Parallèlement à la démarche basée sur des analyses cartographiques, une consultation

d’experts, à l’échelle nationale, a été réalisée. Le but de celle-ci était de savoir, si les massifs

lozériens sélectionnés étaient favorables ou non, d’un point de vue purement écologique, à

l’accueil d’une population viable de chamois. Afin d’avoir un avis le plus juste et complet

possible, nous avons sollicité un large de personnes les plus diversifiées possibles. Ainsi les

experts contactés étaient sont aussi bien des techniciens de terrain ayant une approche

appliquée que des chercheurs dont l’approche est parfois plus théorique. Tous ont travaillé où

travaillent régulièrement sur le chamois.

Pour répondre au questionnaire qui leur était fourni, les experts avaient à leur disposition (un

exemple est fourni en annexe 3), pour chaque massif :

- une description générale des massifs étudiés, ainsi que le contexte dans lequel se

déroulait l’étude ;

- un scan 100 IGN ;

- une photo aérienne agrémentée de courbes de niveau et de la répartition des

affleurements rocheux ;

- un descriptif des caractéristiques environnementales du massif basé sur les variables

utilisées pour l’analyse cartographique.

Sur 40 personnes ou organismes contactées, 20 ont répondu.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

84

Voici dans le tableau ci-dessous les personnes qui ont participé à cette consultation.

Tableau 5 : Personnes ayant participer à l’avis d’expert

Personne consultée Structure/ statut

M. Giaminardi FDC 83

M. Auliac FDC 73

M. Griffe FDC 11

M. Brillot FDC 88

M. Marquet FDC 15

M. Jean FDC 05

M. Bibal FDC 64

M.Guillot FDC 63

M. Fraty ONF 48 + Ex-responsable ONF de l’école de chasse au sein de la RNCFS1

Mme Lajoie Parc Naturel Régional des Volcans d'Auvergne

M. Michel Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges Responsable du pôle environnement

Mme. Lisbeth Zechner Parc naturel régional du Massif des Bauges (Chargée de mission faune sauvage / Technicienne de la RNCFS)

M. Corti M. Jullien M. Dubray M. Maillard

CNERA Faune de Montagne

M. Bugaud DDT 48 (Responsable de l’unité biodiversité)

M.Gravelat Bureau d’étude ECOTER

M. Nappée Ex-chargé de mission faune au parc national des Cévennes

M. Cochet -Président du conseil scientifique de la réserve naturelle des gorges de l’Ardèche ; -Expert au Conseil de l’Europe pour la convention de Berne - Correspondant et attaché au Muséum National

1 Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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d’Histoire Naturelle de Paris

M. Choisy Ex-chargé mission faune du Parc Naturel Régional du Vercors

Mme. Loison CNRS Ecologie Alpine (Grenoble)

M. Noblet - Membre du comité scientifique de la réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors. -Membre de la FRAPNA, LPO et SFEPM

Le résultat global de cette consultation est présenté ci-dessous. Tableau 6 : classement des massifs lozériens par la méthode du dire d’expert

Massifs Jugement des massifs (en pourcentage de réponse)

De la note « pas favorable » (=1) à « très favorable » (=4) 1 2 3 4

Massif du Cassini

5,88 % 23,52 % 41,17 % 29,41 %

Gorges de l’Enfer

35,29 % 47,05 % 17,64 % 0 %

Rive droite des gorges du Tarn

17,65 % 11,76 % 41,18 % 29,41 %

Rive gauche des gorges du Tarn

5,88 % 23,53 % 35,29 % 35,29 %

Bordure est du Causse Méjean

17,65 % 17,65 % 52,94 % 11,77 %

Pour plus de précision et dans l’optique de choisir un lieu préférentiel pour un éventuel lâcher,

il a été demandé aux experts d’analyser séparément la rive droite des gorges du Tarn et la rive

gauche. Il s’avère que plus de 80 % des interrogés jugent plus judicieux de considérer la

« bordure est du Causse Méjean » ainsi que le massif des gorges du Tarn comme une seule et

même entité.

Ce dernier massif (les gorges du Tarn) ainsi que celui du Cassini apparaissent comme les plus

favorables à l’accueil du chamois, avec plus de 70 % d’avis favorables ou très favorables. Au

sein de l’entité « gorges du Tarn / bordure est du Causse Méjean », nous notons une

préférence pour la rive gauche des gorges du Tarn, 35,3 % des experts l’ayant jugé comme

« très favorable » en raison notamment de son exposition dans l’ensemble, nord. Au contraire

la « bordure est du Causse Méjean » ne récolte que 11,8 % des avis « très favorables »

puisqu’elle est considérée par la majorité des experts comme un simple complément des

gorges (et notamment de la rive droite).

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

86

Les gorges de l’Enfer sont en revanche, reléguées en dernière position, avec plus de quatre

cinquième des experts les jugeant comme plutôt favorables ou pas favorables (note 1 et 2). Ce

choix est justifié par un manque de connexion de ce massif, présentant déjà une surface très

réduite, à d’autres biotopes.

La pente, la présence de rochers ainsi que l’exposition des versants sont les autres critères

auxquels les experts se sont le plus attachés pour réaliser cette évaluation.

Les analyses cartographiques nous ont permis d’identifier le massif du Cassini et les

gorges du Tarn comme les plus favorables (ex aequo) d’un point de vue écologique, avec au

sein de ces dernières, une préférence marquée pour la rive gauche car elle est beaucoup

moins soumise aux fortes chaleurs estivales. La bordure est du Causse Méjean est, quant à

elle, considérée comme un complément de la rive gauche des gorges du Tarn. Ces résultats

sont totalement confirmés par la consultation d’experts.

III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini

III.2.1 Une pression cynégétique inégale selon les massifs

En Lozère, la saison de chasse, débute aux alentours fin août et se termine fin janvier.

L’activité cynégétique est donc nulle en période de mise bas (mai et juin) et de lactation du

chamois.

Comme précisé précédemment, la chasse la plus dérangeante pour le chamois est celle

réalisée aux chiens courants. Il n’y a pas de réserve réglementaire de chasse au sein des

massifs étudiés. Il existe cependant certaines réserves « de fait » dans des secteurs si abruptes

qu’ils sont pratiquement inaccessibles. La chasse est donc autorisée sur tous les massifs y

compris sur celui du Cassini, situé en zone cœur du parc national des Cévennes2.

La chasse au sanglier en battue (à l’aide de chiens courants) est celle qui prédomine. Celle au

petit gibier a également un poids important en Lozère mais elle est très peu pratiquée dans les

massifs concernés car trop pentus et accidentés. L’étude de la pression exercée par la chasse

au sanglier constituera donc un indicateur fiable et représentatif quant à la pression

cynégétique auxquels sont soumis les massifs.

2 Le parc national des Cévennes est le seul parc national français dans lequel la chasse est pratiquée, y compris en zone cœur.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

87

Grâce au recueil et au traitement annuel des carnets de battues, la FDC 48 possède les

données exactes concernant le nombre de battues sur une saison de chasse et par communes

ainsi que le nombre de participants à chaque battue. Celles-ci nous ont permis de calculer le

nombre annuel de participants aux battues3. Afin de limiter le biais dû aux fluctuations

annuelles, une moyenne a été calculée sur les quatre dernières saisons de chasse (depuis la

saison 2007/2008) Ce nombre moyen annuel a ensuite été ramené à la surface totale du

massif. Nous obtenons ainsi le coefficient de « Pression Cynégétique » qui désigne le nombre

annuel de participants aux battues par hectare. Il a été calculé par massif mais aussi pour

chaque commune ou parfois pour un groupement de communes lorsqu’il a été jugé plus

logique de s’affranchir de certaines limites communales.

Les communes étant parfois que partiellement inclue dans les limites des massifs, il a fallu

imposer certaines règles. En ce qui concerne le massif des gorges de l’Enfer ainsi que celui

des gorges du Tarn, la chasse au sanglier est essentiellement pratiquée dans les gorges et peu

sur les plateaux. Par conséquent, bien que certaines communes des gorges s’étendent en partie

sur les plateaux, nous sommes partis du principe que toutes les battues qui ont eu lieu ce sont

forcément déroulées dans les massifs étudiés (ou au moins en partie). Concernant les

communes appartenant au massif du Cassini et à celui de la bordure est du Causse Méjean, la

chasse en battue est, en règle générale, répartie plus équitablement : elle peut se dérouler aussi

bien à l’intérieur des limites des massifs qu’à l’extérieur. Dans ce cas, le nombre de

participants aux battues est pondéré par un coefficient « rectificateur ». Ce dernier est égal à la

part de la commune où le chamois peut être potentiellement présent, divisé par la surface

totale de la commune. Cette méthode présente cependant un biais : sur le territoire où le

coefficient rectificateur est appliqué, les battues ne se répartissent pas toujours de manière

totalement homogène ; l’estimation du nombre de battues est donc parfois légèrement biaisé.

3 Un chasseur qui a, par exemple, participé à 3 battues différentes est comptabilisé 3 fois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

88

Voici, ci-dessous, les résultats bruts puis affinés, de cette analyse, pour chaque massif.

� Massif du Cassini

Tableau 7 : Pression cynégétique sur le massif du Cassini

Commune

Nombre annuel moyen (sur 4 ans) de participants aux battues

(pondéré par le coefficient rectificateur)

Superficie de la commune sur le massif

(ha)

Altier 439 1886

Pourcharesse 595 2092

Villefort 93 293

Saint André de Capcèze 315 189

Ponteils-et-Brésis Non renseignées Non renseignées

Concoules Non renseignées Non renseignées

Génolhac Non renseignées Non renseignées

Vialas 1601 2000

Saint Maurice de Ventalon 195 450

L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif du Cassini est égal à 0.468. Figure 40 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif du Cassini

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

89

Le massif du Cassini est bordé par deux « zones de tranquillités » appartenant au Parc

National des Cévennes. Dans ces zones, la chasse au petit gibier est interdite et celle au grand

gibier est autorisée mais pratiquée4 à l’affut où à l’approche. Etant situées en bordure des

secteurs favorables au chamois, elles ne peuvent avoir d’impact significatif sur la pression

cynégétique exercée sur ce massif.

� Massif des gorges de l’Enfer

Tableau 8 : Pression cynégétique sur le massif des gorges de l’Enfer

Commune Nombre annuel moyen (sur 4

ans) de participants aux battues

Superficie de la commune sur le massif

(ha) Saint Léger de Peyre 364 1528

Lachamp 240 1494 L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif des Gorges de l’Enfer est égal à 0.2. Figure 41 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif des gorges de l’Enfer

4 Sauf exception

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

90

� Massif des gorges du Tarn Tableau 9 : Pression cynégétique sur le massif des gorges du Tarn

Commune Nombre annuel moyen (sur 4

ans) de participants aux battues

Superficie de la commune sur le massif (ha)

Le Rozier 0 232

Saint Pierre des Tripiers 266 582

Les Vignes 502 1707

Saint Rome de Dolan 604 196,5

La Malène 458 1390

Saint Georges de Lévejac 309 749

Mas Saint Chély 336 790

Ste Enimie 799 2765

Laval du Tarn 1426 76

Montbrun 244 676

Quezac / Ispagnac 538 2908

L’indice de « Pression Cynégétique » sur le massif des Gorges du Tarn est égal à 0,454.

� Massif de la bordure est du Causse Méjean Tableau 10 : Pression cynégétique sur le massif de la bordure est du Causse Méjean

Commune

Nombre annuel moyen (sur 4 ans) de participants aux battues (pondéré par le coefficient rectificateur)

Superficie de la commune sur le massif (ha)

Florac 248 1073

Saint Laurent de Trève 256,8 329

Vébron 278,5 936

Fraissinet de Fourques 359,1 558

L’indice de « Pression Cynégétique » sur « la bordure est du Causse Méjean » est égal à 0.394.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

91

Figure 42 : Répartition de la pression cynégétique sur le massif de la bordure est du Causse Méjean

En comparant les « Indices de Pression Cynégétiques » pour chaque massif, nous nous

apercevons donc que le massif des gorges de l’Enfer présente la plus faible pression

cynégétique. Les massifs du Cassini et des gorges du Tarn sont au contraire ceux qui

présentent la plus forte pression. Ces résultats sont cependant à nuancer. Tout d’abord,

concernant les gorges du Tarn, les zones où la pression est la plus forte présentent une

importante proportion en zone refuges ce qui a tendance à réduire le dérangement occasionné

par la chasse. Le constat est le même sur le massif du « Cassini » à la différence que cette

proportion est beaucoup moins importante. Au contraire, dans le massif des Gorges de

l’Enfer, la proportion en zones refuges est très faible, ce qui accroit l’effet perturbateur de la

chasse au chien courant. Enfin, pour ce qui est de la « bordure est du Causse Méjean », la

pression cynégétique relativement faible, couplée à une bonne proportion en zone refuge

place ce massif comme un des plus, voire le plus apte à assurer une certaine tranquillité au

chamois, tout du moins d’un point de vue cynégétique.

Par conséquent, au regard de l’activité cynégétique pratiquée sur les divers biotopes étudiés,

les massifs les plus calmes sont ceux des gorges de l’Enfer et de la bordure est du Causse

Méjean. Arrivent ensuite les gorges du Tarn, dont l’abondance de zones abruptes et rocheuses

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

92

compense une pression cynégétique non négligeable. Le massif du Cassini est considéré

comme le moins tranquille mais cette pression est relative.

Une réduction de la pression cynégétique durant les premières années après un lâcher

augmenterait certainement les chances de succès d’une opération de réintroduction et en

particulier sur le massif du Cassini. Mais, dans tous les cas, cette réduction n’est pas

obligatoire. La pression cynégétique, telle qu’elle est exercée de nos jours, ne peut être

prétexte à l’annulation d’un projet de réintroduction. L’exemple du massif de la Sainte Baume

en est la preuve. Elle peut cependant y participer si elle est couplée à d’autres aspects négatifs

(et notamment en terme de fréquentation humaine).

III.2.2 Les Gorges de l’Enfer et la « bordure est du Causse Méjean » : des massifs peu

fréquentés au regard des activités touristiques et de loisirs

La Lozère étant un département touristique et de pleine nature par excellence, il semble

obligatoire de s’intéresser à cette source de dérangement. Bien qu’importante, la fréquentation

touristique lozérienne n’est cependant pas comparable avec celle de nombreux massifs

montagneux peuplés de chamois et notamment alpins. De plus la fréquentation touristique

n’est généralement qu’estivale.

Rappelons que le vol libre et tout particulièrement le parapente constitue l’activité la plus

dérangeante si la zone est survolée à moins de 600m de haut. De plus, les chiens

accompagnant, les touristes ou les amateurs d’ Activités Physiques de Pleine Nature (APPN),

peuvent s’avérer particulièrement perturbants d’autant plus s’ils ne sont pas en laisse. Les

autres activités linéaires et « prévisibles », comme le canoë-kayak, le canyonisme ou le ski de

fond, qui se traduisent par un flux régulier et où les participants ne peuvent s’éloigner des

itinéraires, sont largement tolérés par le chamois qui finit par s’habituer à ce passage

monotone. Toutes ces composantes doivent être prises en compte dans cette analyse.

Un état des lieux concernant les APNN pratiquées sur les massifs étudiés a était réalisé. Les

organismes contactés pour le compléter sont :

-le Conseil Général de la Lozère ;

-la station du Mas de la Barque ;

-le Comité Départemental du Vol Libre de la Lozère ;

-le club Loz’Air Parapente ;

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

93

-l’Association Marvejolaise d’Escalade,

-la Fédération Départementale de Randonnée Pédestre (Lozère).

Voici les activités pratiquées sur les quatre massifs étudiés.

Tableau 11 : Liste des activités de loisirs pratiquées sur les massifs du Cassini et des Gorges

de l’Enfer.

Activités Massif du Cassini Massif des Gorges de l’Enfer

Randonnées Pédestre GR 72 ; GR 68 PR

Equestre Oui Occasionnel

Escalade Oui Oui

VTT Oui (location VTT au Mas de

la Barque) Oui

Vol libre Non Non

Canyonisme Canyon du Rieutort Non

Course d’orientation/

Géocaching Oui Non

Ski de fond Bordure (Mas de la Barque) Non

Chien de traineau/ Calèche Bordure (Mas de la Barque) Non

Raquette Bordure (Mas de la Barque) Non

Ski alpin/ Ski de randonnée Non Non

Via ferrata Bordure (Villefort) Non

Canoë-Kayak Non Non

Source : Conseil Général de la Lozère, Station du Mas de la Barque, 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

94

Tableau 12 : Liste des activités de loisirs pratiquées sur les massifs du Cassini et des gorges

de l’Enfer l

Activités Massif des Gorges du Tarn Bordure est du Causse

Méjean

Randonnée Pédestre

-GRP Tour du Sauveterre

(bordure)

-GRP Tour du Méjean

(bordure)

-GR 6 (bordure)

-GR 6 A

-GR 60

-GRP Tour du Méjean

(bordure)

Equestre oui Occasionnel

Escalade Oui, réputation mondiale Oui (très faible fréquentation)

VTT Oui Occasionnel

Vol libre Site décollage Parapente Site décollage Parapente

Canyonisme Non Non

Course d’orientation/

Géocaching Non Non

Ski de fond Non Non

Chien de traineau/

Traineau à cheval

Non Non

Raquette Non Non

Ski alpin Non Non

Via ferrata/ Randonnée

verticale/ Via corda

Oui Une via corda encadrée

Canoë-Kayak Oui Non

Source : Conseil Général de la Lozère, Loz’Air Parapente, Association Marvejolaise d’Escalade, mai 2012

Afin de mieux appréhender l’impact possible des différentes activités sur le chamois et surtout

de connaître leur répartition exacte, une carte répertoriant les différentes APPN, les points

touristiques ainsi que les infrastructures routières et chemins a été réalisée pour chaque massif

(Cf. cartes 14, 15 et 16).

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

95

La bordure est du Causse Méjean et le massif des gorges de l’Enfer apparaissent, comme les

moins impactés par les activités touristiques et de loisir. Au contraire les gorges du Tarn et le

massif du Cassini semblent à première vue beaucoup plus fréquentés.

Bien que situé à proximité de Marvejols (5000 habitants), le massif des gorges de l’enfer

apparaît comme très tranquille aussi bien en période estivale que tout au long de l’année (Cf.

carte 15). L’autoroute A75 pourtant en bordure du massif ne peut engendrer un quelconque

dérangement car elle se situe en réalité derrière une ligne de crête. Une route départementale,

peu fréquentée, sillonne le fond des Gorges. Le secteur le plus touristique du massif est celui

du Parc à Loup de Sainte Lucie. Il est cependant situé en bordure du Massif (sur le plateau de

la Margeride) et il ne peut, là encore avoir un impact quant à la tranquillité des gorges car son

accès n’est possible que par une route externe au massif. En ce qui concerne les APPN, seuls

quelques sentiers traversent le massif. Ils sont peu nombreux, assez peu fréquentés car très

pentus, et traversent essentiellement des milieux fermés, ce qui réduit l’impact potentiel des

randonneurs. Enfin, les engins de vol libre ne survolent que très rarement la zone et lorsque

c’est le cas, ils la survolent à une hauteur supérieure à 600 mètre depuis le sol car aucun

atterrissage n’est possible au fond des Gorges5. L’impact du vol libre peut donc être considéré

comme nul.

La bordure est du Causse Méjean (Cf. carte 16) est également peu impactée. Deux routes

seulement traversent la zone. Ce massif présente la particularité de ne pas être habité hormis

en périphérie (Florac, Vébron). Quelques sentiers traversent la zone mais une fois encore, leur

fréquentation est relativement faible. Le sentier « GR de Pays du tour du Causse Méjean »

dont la fréquentation est seulement marquée en période estivale, borde le massif depuis le

plateau. Etant dans la zone cœur du parc national des Cévennes, les chiens accompagnant

éventuellement les randonneurs doivent être obligatoirement en laisse ce qui réduit

considérablement l’impact de cette activité. Enfin, ce GR de Pays est d’autant moins

impactant sur l’activité alimentaire du chamois car, comme précisé précédemment, le massif

présente des ressources alimentaires importantes dans sa partie pentue. Une aire de décollage

de parapente est située sur le causse Méjean en bordure du massif. Le club Loz’Air Parapente

ainsi que le président du Comité Départemental de Vol Libre6 confirment que la fréquentation

de cette aire d’envol est faible en raison de conditions météorologiques qui lui sont souvent

défavorables. Les décollages ont essentiellement lieu l’été et ils restent anecdotiques. Le

5 Source : Olivier Gingembre, membre du Club Loz’Air Parapente (Juin 2012) 6 Claude Donnadieu, juin 2012 ;

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

96

nombre de vols simultanés n’excède jamais la dizaine et est le plus souvent proche du zéro.

La zone survolée à moins de 600 m du sol est le plus souvent réduite, à quelques dizaines

d’hectares car il n’y a, dans cette zone, qu’une seule zone d’atterrissage située sur la

commune de Quézac (Cf carte 16).

Concernant les gorges du Tarn (Cf. carte16), ses deux versants, grâce à leur relief très marqué

et la présence de barres rocheuses dépassant parfois les 100 mètres de haut, ne présentent que

peu d’infrastructures routières et touristiques et échappent ainsi à une forte fréquentation

touristique. Quelques sentiers traversent la zone mais ils restent peu nombreux, très pentus et

donc en majorité peu fréquentés (Ambec7, Com Pers.).

La fréquentation touristique se concentre en réalité au fond des Gorges, où quelques villages

de caractères (Ste Enimie, La Malène, Les Vignes…) reliés par une unique route, voient leur

population tripler en période estivale. Concernant les activités physiques de pleine nature, le

canoë-kayak est l’activité phare. Comme vue précédemment, elle ne peut constituer une

source significative de dérangement. L’escalade rassemble également de nombreux adeptes,

mais les falaises sur lesquelles se pratique l’activité sont, elles aussi au fond des gorges, et une

fois encore les versants pentus favorables au chamois sont épargnés. Cette effervescence

estivale de fond de gorges, n’aurait donc qu’un impact très limité sur le chamois.

Deux sources de dérangement pourraient réellement avoir un impact sur le chamois, mais

elles sont là aussi très limitées dans l’espace et le temps: le vol libre et les sentiers en bordure

du massif, sur les Causses. Une aire de décollage de parapente est en effet présente en

périphérie des Gorges du Tarn : l’aire de Paros (Cf carte 16). Cependant, le nombre de vols

simultanés en été n’excède pas la dizaine et ceci seulement 3 ou 4 jours par an8. Le reste de

l’année, la fréquentation est très faible. De plus, les vols réalisés à moins de 600 m du sol ne

se cantonnent que sur quelques centaines d’hectares (Cf carte 16). Les conditions

aérologiques, et la topographie empêchent, en effet, les adeptes de ce sport de s’aventurer au

sein des gorges, à moins de 600 m du sol. Enfin les GR et GRP longeant les Causses et

dominant les gorges sont raisonnablement parcourus et souvent assez éloignés des zones

potentiellement favorables au chamois. La partie du GR 6 s’étendant sur environ 10

kilomètres et située en aval des Vignes, côté Causse Méjean (à l’extrême sud du massif), est

7 Maurice Ambec : Président de la Fédération Départementale de la Randonnée Pédestre (Lozère), juin 2012 ; 8 Source : Olivier Gingembre, membre du Club Loz’Air Parapente et Claude Donnadieu président du Comité Départemental de Vol Libre (juin 2012) ; Bertrand Burlot : vice président de la fédération nationale de parapente, juin 2012.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

97

la plus prisée. Elle traverse des zones très boisées et escarpées, ce qui réduit, une fois de plus,

considérablement les désagréments possibles engendrés par les randonneurs.

Contrairement aux autres secteurs étudiés, le massif du Cassini (Cf. carte 14) présente la

particularité d’être fréquenté aussi bien en été qu’en hiver. Cependant, sa fréquentation

hivernale est concentrée autour de la station du Mas de la Barque (ski de fond, chien de

traineau, etc.) et ne concerne que très peu, voire pas du tout les zones potentiellement

favorables au chamois.

En période estivale (essentiellement), deux activités peuvent à première vue s’avérer

problématiques : la randonnée pédestre, et le « géocaching ». Le massif recense en effet, deux

GR (le GR 68 et le 72) qui le traversent de long en large. Il n’existe pas de données exactes

concernant la fréquentation réelle de ces GR mais ils ne sont parcourus que pendant la saison

estivale et sont beaucoup moins fréquentés que certains GR historiques traversant le

département comme le Chemin de Stevenson où le chemin de St Jacques de Compostelle9. De

plus, ils évoluent à travers un milieu très fermé. Le « géocaching » est une activité qui

s’apparente à une course d’orientation. Elle consiste à rechercher des « caches » placées au

préalable grâce à un GPS. Elle présente l’inconvénient de pousser ces participants à sortir des

sentiers et donc d’engendrer un dérangement beaucoup plus marqué chez le chamois qui ne

peut s’habituer à cette activité. Il existe actuellement une dizaine de « caches » aux alentours

du Pic Cassini. La station du Mas de la Barque n’a pas été en mesure de nous fournir les

chiffres exacts mais elle assure que la location de GPS (dans le but de participer à cette

activité) est pour l’instant anecdotique. Bien que limité, il semble important de suivre

l’évolution dans les années à venir, de ce loisir qui peut avoir un impact non négligeable sur

l’activité alimentaire du chamois.

Les autres activités estivales sont très limitées. Le VTT par exemple, qui est réglementé par le

Parc National des Cévennes10, est essentiellement pratiqué autour du Mas de la Barque et

donc en dehors de zones favorables à l’accueil du Chamois. La réglementation de la zone

cœur du Parc National des Cévennes interdit également le survol des engins de vol libre à

moins de 1000 mètres du sol.

9 Source : M. Ambec (Président de la Fédération Départementale de la Randonnée Pédestre), juin 2012 ; 10 La circulation des VTT, de la moto ou de la voiture est interdite en zone cœur du Parc, en dehors des voies autorisées.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

98

Le massif du Cassini apparaît donc comme le moins tranquille, au niveau des activités

touristiques et de loisirs. Ce dérangement est toutefois très relatif11 et l’ensemble des activités

telles qu’elles le sont pratiquées actuellement ne peuvent, dans aucun des massifs, remettre en

question un projet de réintroduction du chamois. Les gorges du Tarn qui présentaient, à

première vue, un risque de dérangement important s’avèrent en réalité calmes dans les zones

clés, c’est à dire au sein même des zones favorables au chamois. Enfin, comme pressenti, les

gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean sont les massifs les plus calmes. Bien

que le vol libre demeure une activité très limitée, il faudra tenir compte des zones survolées à

moins de 600 m du sol et éviter d’y envisager un lâcher.

III.2.3 Une activité pastorale réduite sur tous les massifs

L’activité pastorale est très limitée sur l’ensemble des massifs étudiés et d’autant plus dans les

zones favorables aux chamois (pente supérieure à 25°).

A titre d’exemple, les chargements globaux sur l’ensemble du massif du Cassini, caractérisé

par un élevage bovin et ovin, sont de l’ordre de 0.5 à 1 Unité Gros Bétail12 (UGB) par

hectare4. Pour ce qui est des Causses (plateaux surmontant les gorges du Tarn et la bordure est

du Causse Méjean) où l’élevage ovin prédomine, la pression est encore plus faible puisque le

chargement global se situe entre environ 0,15 et 0,2 UGB par hectare13. Concernant le massif

des gorges de l’Enfer, la pression pastorale (essentiellement ovine) est là encore, faible3, mais

il n’a pas été possible de se procurer des chiffres la quantifiant.

Le pastoralisme ne constitue donc pas un obstacle significatif quant à l’implantation d’une

population de chamois.

Le dérangement lié à l’ensemble des activités humaines est, par conséquent, surtout

marqué sur le massif du Cassini où une activité touristique et de loisir assez importante

vient s’ajouter à une pression cynégétique non négligeable. Ce dérangement a un impact

d’autant plus marqué qu’il est difficilement compensé par une abondance d’escarpements

rocheux servant de refuges. Les gorges du Tarn, bien qu’a priori fréquentées, sont en

réalité relativement protégées des activités humaines grâce à leur topographie qui se

caractérise par un continuum de pentes très fortes (inclinaison supérieure à 30°) et la

11 Et la présence dans cette zone, d’un bouc, pendant environ 8 ans en est la preuve. 12 L’Unité de Gros Bétail est une unité utilisée en statistique pour unifier les différentes catégories d’animaux en se basant sur leurs besoins alimentaires. 13 Sources : Chambre d’Agriculture Lozère (COPAGE), 2012

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

99

présence de très nombreuses barres rocheuses rendant certaines zones inaccessibles. Enfin

les gorges de l’Enfer et la bordure est du Causse Méjean sont plutôt épargnées de

l’agitation humaine.

III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs

L’agriculture et la sylviculture occupant une part importante de l’économie Lozérienne, il

est impératif de s’assurer que le chamois ne causera pas d’impacts significatifs sur les

cultures et les forêts de productions.

III.3.1 Des risques de dommages sur les forêts de production plus marqués sur le

massif du Cassini

Dans un contexte de moyenne altitude, où le manteau neigeux ne dépasse rarement les 30

centimètres et où les crêtes sont suffisamment ventées pour éviter une accumulation de neige,

il est probable que l’alimentation du chamois en végétaux ligneux soit largement inférieure à

celle qui peut être constatée à plus haute altitude. Cependant, le manteau neigeux ayant un

effet protecteur sur les jeunes pousses, il est possible que bien que l’abroutissement soit plus

faible, ces jeunes pousses soient plus touchées par des dégâts sylvicoles (Saint Andrieux14,

Com. Pers, juillet 2012).

A l’heure actuelle, il n’existe aucune carte répertoriant toutes les forêts lozériennes qui sont

exploitées de façon certaine. Afin de savoir quels massifs présentent le plus de risque d’être

touchés par les dégâts sylvicoles causés par le chamois, il a donc fallu créer, pour chaque

massif, une carte recensant les forêts susceptibles d’être exploitées. Ces dernières sont celles

gérées par l’Office National des Forêts ainsi que les forêts privées soumises à un Plan Simple

de Gestion15(PSG) ou dotées de Codes de Bonnes Pratiques Sylvicoles (CBPS). Partant du

principe qu’une forêt ne peut pas être exploitée si elle se situe sur une pente d’une inclinaison

supérieure à environ 30° (Loic Molines16, Com.Pers (2012)), les forêts répondant à ce critère

sur la majorité de leur surface ont également été omises de la carte. La délimitation des

massifs, prend en compte les zones « strictement favorables » au chamois (pentes supérieures

14 Christine Saint Andrieux est responsable scientifique du réseau ongulé sauvage à l’ONCFS. 15 Les forêts soumises à un plan simple de gestion ont obligatoirement une superficie de plus de 25 hectares et doivent posséder un document d’aménagement. 16 Ingénieur au Centre Régional de la Propriété Forestière.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

100

à 25° et zones rocheuses) majorées d’une bande de 500 m sur les plateaux où la présence

ponctuelle du chamois est probable.

Voici dans l’atlas cartographique, les cartes 17, 18 et 19 qui présentent les forêts susceptibles

d’être exploitées (c'est-à-dire de production) dans les massifs du Cassini, des gorges de

l’Enfer, des gorges du Tarn et de la bordure Est du Causse Méjean.

Le massif du Cassini présente la plus grande proportion de forêts susceptibles d’être de

production (environ 40 % de la surface totale du massif). C’est donc le massif où les

dommages sylvicoles causés par le chamois risquent d’avoir le plus de conséquences (bien

qu’ils restent relatifs). Les autres massifs sont beaucoup moins concernés par les risques de

dommages et particulièrement la bordure est du causse Méjean.

III.3.2 Un risque de dommage sur les cultures faible mais contrasté selon les massifs

Comme vu précédemment, les impacts que peuvent causer les chamois aux cultures sont

généralement faibles voire inexistants. Nous avons, quand même, tenu à ramener cet aspect au

contexte local en cartographiant les types de cultures présents dans les différents massifs

étudiés (Cf. Cartes 20, 21 et 22). Une première zone tampon depuis les zones dites

« strictement favorables » (pentes supérieures à 25° ou zones rocheuses) au chamois a été

délimitée. La présence régulière du chamois dans cette zone est considérée comme probable.

Afin de prendre le moins de risque possible quant à notre jugement, une zone tampon

supplémentaire de 200 m venant s’ajouter à la première a été dessinée. Il est estimé qu’il est

« assez peu probable » que des chamois fréquentent régulièrement la zone mais cette

fréquence peut varier selon le degré de dérangement de la zone. Il est impossible que des

chamois s’alimentent régulièrement au delà de cette zone, en raison d’un relief trop arrondi ou

parfois même inexistant.

L’analyse de ces trois cartes permet de tirer quelques conclusions. Tout d’abord le massif du

Cassini, la rive gauche des gorges du Tarn et la bordure est du Causse Méjean présentent un

risque faible voire inexistant de dégâts de cultures car l’agriculture y est quasiment inexistante

dans la zone étudiée. La rive droite des gorges du Tarn présente, quant à elle, quelques

cultures céréalières ainsi que des prairies temporaires et permanentes. Sous ce point de vue,

elle paraît donc moins favorable à l’accueil de fortes densités de chamois. Enfin, le massif des

gorges de l’Enfer apparaît comme le plus vulnérable à d’éventuels impacts causés par le

chamois.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

101

Bien que globalement faible, du fait que les chamois ne s’éloignent que peu des

zones pentues17, le risque de dégâts sylvicoles est un peu plus marqué sur le massif du

Cassini tandis que celui vis-à-vis des cultures semble plus important sur la rive droite des

gorges du Tarn. La rive gauche de ces gorges présente peu de risques de dégâts (sylvicoles

ou vis-à-vis des cultures), ce qui légitime une fois encore, le choix de celle-ci, si une

opération de réintroduction devait avoir lieu. Notons que le chamois étant une espèce

chassable, une politique de gestion, élaborée avec l’ensemble des acteurs territoriaux,

visant à n’autoriser l’espèce que sur une rive des gorges du Tarn (ex : la rive gauche)

semble réalisable.

III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion

Afin d’étudier la capacité de diffusion que présentent les massifs étudiés et leur connexion

avec d’autres milieux, une carte à l’échelle du sud du Massif central, répertoriant les biotopes

à première vue favorables au chamois a été élaborée (Cf. carte 23). La détermination de ces

biotopes a été faite au regard de l’inclinaison des pentes qu’ils présentaient et de la présence

d’affleurements rocheux.

Au vu de cette carte, certaines conclusions peuvent être tirées. Tout d’abord, le massif du

Cassini et l’ensemble composé des gorges du Tarn et de la bordure est du Causse Méjean sont

à proximité de vastes biotopes, a priori favorables et bien connectés. Leur pouvoir de

diffusion est donc important et un lâcher à partir d’un de ces deux milieux permettrait sans

doute de coloniser l’ensemble de la zone s’étalant des gorges de la Dourbie au nord des Monts

d’Ardèche soit l’essentiel de la moitié sud du Massif central. Les gorges du Tarn, de par leur

position géographique, leur étendue et leur topographie18 sont d’autant plus favorables à la

diffusion de l’espèce. Si l’opération de réintroduction se concrétise, ces hypothèses

dépendront de la politique de gestion des populations de chamois, définie suite à une

concertation avec les différents acteurs territoriaux (dans une phase ultérieure à cette étude).

En effet, si l’objectif de cette opération et la politique cynégétique qui s’y applique ne vise

qu’à développer une petite population alors la colonisation des autres biotopes sera largement

freinée.

17 Or l’inclinaison de ces zones limite fortement l’agriculture et la sylviculture. 18 Comme l’a prouvée la colonisation du chamois des gorges du Verdon depuis le Haut Verdon, une topographie de type gorge constitue un excellent canal de diffusion.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

102

Le massif des gorges de l’Enfer, en grande partie à l’écart des activités humaines, pourrait

constituer, quant à lui, un biotope intermédiaire entre les gorges du Tarn par exemple (via la

haute vallée du Lot), et les Monts du Cantal. Cependant la présence de l’autoroute A 75 entre

ces deux régions semble compromettre cette hypothèse.

Etant donné l’écologie de l’espèce19, les gorges du Tarn apparaissent comme le

massif le plus à même d’accueillir une population de chamois. Au sein de ces gorges, nous

notons une préférence pour la rive gauche en raison de son exposition à dominante nord

lui assurant ainsi plus de fraîcheur. Cet élément a, en effet, toute son importance sous un

climat à influence méditerranéenne et dans un contexte de « basse altitude ». Les gorges du

Tarn ne présentent qu’un risque réduit d’impact du chamois envers les cultures et les forêts

de productions. Elles apparaissent également comme le massif le plus à même d’enclencher

une colonisation de l’espèce sur l’ensemble de la moitié sud du Massif central. La bordure

est du causse Méjean, de par son manque de diversité d’exposition et du fait qu’elle

présente une continuité totale avec la rive gauche des gorges du Tarn, peut être considérée,

plutôt, comme un complément de celle-ci.

Le massif du Cassini, bien que lui aussi très favorable et notamment d’un point de vue

écologique (ressources alimentaires assez abondantes et de qualités, etc.), est cependant

relégué en deuxième position. Ce choix s’explique par une pression humaine relativement

importante, peu compensée par la présence de zones refuges (escarpements rocheux). Ces

dernières n’étant, en effet, pas équitablement réparties, les chamois risquent20 de se

concentrer sur ces zones qui sont limitées en surface. Le potentiel d’accueil du chamois (en

termes d’effectif) s’en trouverait alors réduit. Le risque de dégâts sylvicoles que présente le

chamois sur ce massif, bien que relativement faible, sera un aspect important à prendre en

compte lors d’une phase de concertation (ultérieure à cette étude) avec l’ensemble des

acteurs territoriaux.

Enfin les gorges de l’Enfer, quoique peu dérangées par les activités humaines, ne semblent

pas favorables à une opération de lâcher. La zone véritablement propice à l’accueil du

chamois ne s’étend que sur un peu plus de 1000 ha ce qui réduit fortement les chances de

succès d’une opération de réintroduction, d’autant plus qu’elle n’est pas directement

connectée avec d’autres biotopes plus importants.

19 C'est-à-dire, ses exigences écologiques, sa tolérance vis-à-vis des activités humaines, et les possibles impacts sylvicoles ou sur les cultures qu’il peut engendrer. 20 Si la pression cynégétique reste la même.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Conclusion

Le chamois des Alpes (Rupicapra rupicapra) a donc bien été présent en Lozère et plus

globalement dans l’ensemble du Massif central. La présence de fossiles dans cette région en

constitue la preuve. L’étude concerne donc la réintroduction d’une espèce autrefois bien

implantée dans le territoire et non l’introduction d’une espèce exotique. Il semble également

qu’une population de chamois ait été présente dans un passé « récent » du côté des gorges du

Tarn au XVIIème et jusqu’au début du XVIIIème siècle. Des doutes existent cependant quant à

l’origine de cette population, il se pourrait en effet qu’elle soit issue de lâchers. Bien que des

individus erratiques soient, depuis une dizaine d’années, régulièrement observés dans le

département, une colonisation à court terme21 depuis les Monts du Cantal ou depuis l’arc alpin

semble difficilement envisageable. Outre ces effets positifs sur la biodiversité et la pertinence

biogéographique du projet, le retour du chamois constituerait un atout important pour

l’activité cynégétique et touristique du département.

La Lozère offre, d’une part des milieux favorables à l’accueil de cette espèce (Rupicapra

rupicapra) et d’autre part, les activités socio-économiques présentes sur ces milieux, sont

compatibles avec cet animal. Cette étude a permis de déterminer le massif des gorges du Tarn

et dans une moindre mesure, celui du Cassini comme des milieux favorables à l’accueil d’une

population de chamois. Le choix entre ces deux entités dépendra de l’objectif visé, sachant

que les chances de succès d’une telle opération sont presque égales sur les deux massifs, avec

cependant une légère préférence pour la rive gauche des gorges du Tarn. Si l’objectif s’insère

dans une approche globale et a pour ambition une recolonisation du sud du Massif Central

alors les gorges du Tarn au potentiel plus important, devraient être visées en premier lieu,

pour une opération de réintroduction.

S’il s’avère que le département présente des milieux favorables à l’accueil du chamois, il

semblerait en revanche, qu’une partie de la population ne soit pour l’instant pas prête, à

accueillir cette espèce22, et ceci pour plusieurs raisons. La première, repose simplement sur le

fait que le chamois est encore associé, dans l’imaginaire collectif, à la haute montagne. Un

21 Dans les décennies qui viennent. 22 Les retombées qui sont survenues à la suite d’une première campagne de communication ont renforcé ce pressentiment.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

104

travail d’information envers le grand public, complémentaire à celui déjà réalisé, devrait

permettre de renverser facilement la tendance. Un deuxième facteur, plus problématique, est

susceptible de fédérer une partie de la population, et notamment des agriculteurs et des

sylviculteurs, contre ce projet : l’acceptation d’un nouvel animal sauvage, alors même que le

contexte actuel local, prône plutôt en défaveur de la faune sauvage. En effet des récentes

attaques de loups sur des troupeaux d’ovins23 ainsi qu’une réticence de plus en plus marquée

envers les vautours24, les sangliers25 et les cervidés26 sont autant d’éléments négatifs pour le

projet de réintroduction du chamois. Un long travail d’information et de concertation avec

l’ensemble des acteurs territoriaux (agriculteurs, monde sylvicole, etc.) est nécessaire pour

éviter qu’un amalgame entre le chamois et d’autres espèces qui sont sources de conflits et

sujets à problèmes, se crée. Enfin il semble également, qu’au sein même des chasseurs, le

projet ne fasse pas l’unanimité et ceci principalement à cause d’un manque d’engouement

pour cette espèce gibier dont la chasse n’est pas ancrée dans les mentalités. Malgré ces

animosités, l’étude et la communication organisée autour de celle-ci, ont permis de soulever la

question du chamois dans ce département, et un certain enthousiasme a pu être observé,

notamment concernant des élus locaux conscients de l’enjeu touristique et cynégétique de

cette espèce. Le conseil général de la Lozère a d’ailleurs apporté son soutien à l’étude et suit

le projet de très près.

Maintenant que l’étude a apporté des certitudes, une seconde phase de communication auprès

du grand public et de concertation de l’ensemble des acteurs territoriaux devrait être

enclenchée. Elle pourrait se traduire, notamment, par la création d’un comité de pilotage ayant

pour ambition, d’une part de fédérer l’ensemble des acteurs autour de ce projet et d’autre part,

de déterminer les axes et objectifs précis quant aux modalités de lâchers et de gestion d’une

population de chamois et au choix du massif. L’expérience de ce type de projet, montre que

cette phase de concertation et de communication est vitale et qu’elle ne doit pas être réalisée

trop rapidement afin de laisser le temps aux mentalités d’évoluer.

23 Survenues lors de la rédaction de cette étude (juillet 20012). 24 Dont certains les suspectent de s’attaquer à des animaux vivant (ovins). 25 Qui créent des dégâts sur les cultures. 26 Qui sont eux, à l’origine de dégâts sur les forêts.

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Table des matières Remerciements ......................................................................................................................... 4

Table des abréviations ............................................................................................................. 5

Sommaire .................................................................................................................................. 6

Introduction .............................................................................................................................. 8

Partie I : Un contexte a priori favorable à la réintroduction du chamois en Lozère ........... 11

I La réintroduction du chamois : des intérêts non négligeables .................................... 11

I.1 Réintroduction : retours d’expériences .................................................................. 11

I.2 Le chamois : des intérêts pour le territoire d’accueil ............................................ 14

I.2.1 Des intérêts écologiques ..................................................................................... 14

I.2.2 Une plus-value touristique ................................................................................... 16

I.2.3 Un plus pour l’activité cynégétique ..................................................................... 17

II Le chamois, une espèce « plastique » et qui engendre peu d’impacts ....................... 18

II.1 Présentation succincte du chamois ........................................................................ 18

II.2 Un animal qui n’est pas réservé à la haute montagne ......................................... 21

II.3 Une bonne capacité d’adaptation .......................................................................... 22

II.3.1 Une plasticité comportementale ......................................................................... 23

II.3.2 Une plasticité alimentaire ................................................................................... 23

II.4 Une espèce qui engendre peu d’impacts ................................................................ 24

II.4.1 Une propension à causer des dommages sur la végétation très réduite .............. 24

II.4.2 Une interaction avec le bétail généralement inoffensive .................................... 25

II.4.3 Le chamois, le plus souvent victime de maladies infectieuses que vecteur ....... 26

III La Lozère, un département à première vue propice à l’accueil du chamois .......... 27

III.1 Un département de moyenne montagne aux milieux variés .............................. 27

III.2 Le retour du Chamois en Lozère ? ....................................................................... 32

III.2.1 Les preuves d’une présence ancienne ............................................................... 32

III.2.2 Les causes de disparitions sont-elles encore présentes ? ................................... 34

III.2.3 Une présence actuelle, sporadique .................................................................... 35

II.2.4 Un retour spontané à moyen terme est-il possible ? ........................................... 36

II.3.5 Un risque de contact entre le chamois des Alpes et l’isard ? ............................. 37

IV La Fédération des Chasseurs de Lozère : une véritable expérience dans des projets

de réintroduction ................................................................................................................ 38

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Partie II : La Lozère présente-t-elle des milieux réellement accueillants pour le chamois ?

.................................................................................................................................................. 40

I Le chamois : écologie de l’espèce et tolérance vis-à-vis des activités humaines ......... 40

I.1 Exigences écologiques ............................................................................................... 40

I.1.1) Nécessité d’un relief tourmenté .......................................................................... 40

I.1.2) Une préférence marquée pour une végétation à double fonctionnalité :

alimentation/abri ........................................................................................................... 42

I.2 Organisation spatiale ................................................................................................ 44

I.3 Interaction avec les autres ongulés sauvages.......................................................... 45

I.4 Tolérance vis à vis des activités humaines .............................................................. 46

I.4.1 La chasse aux chiens courant : un mode de chasse particulièrement dérangeant 47

I.4.2 Les activités physiques de pleine nature : le vol libre, l’activité la moins tolérée48

I.4.3 Le pastoralisme : une gêne liée au mode de gestion et à la pression pastorale .... 50

II Sélection des massifs étudiés ......................................................................................... 51

II.1 Le choix de ces massifs/ méthodologie ................................................................... 51

II.2 Description générale ................................................................................................ 54

III Les potentialités d’accueil et de diffusion de chaque massif ..................................... 59

III. 1 Des atouts écologiques incontestables mais sur des surfaces parfois réduites 59

III.1.1 Analyse cartographique ..................................................................................... 59

III.1.2 Analyse statistique interrompue ........................................................................ 82

III.1.3 Avis d’experts ................................................................................................... 83

III.2 Une pression humaine particulièrement marquée sur le massif du Cassini .... 86

III.2.1 Une pression cynégétique inégale selon les massifs ......................................... 86

III.2.2 Les Gorges de l’Enfer et la « bordure est du Causse Méjean » : des massifs peu

fréquentés au regard des activités touristiques et de loisirs ......................................... 92

III.2.3 Une activité pastorale réduite sur tous les massifs ............................................ 98

III.3 Un impact potentiel du chamois faible sur tous les massifs ............................... 99

III.3.1 Des risques de dommages sur les forêts de production plus marqués sur le

massif du Cassini .......................................................................................................... 99

III.3.2 Un risque de dommage sur les cultures faible mais contrasté selon les massifs

.................................................................................................................................... 100

III.4 Les Gorges du Tarn et le massif du Cassini : une forte capacité de diffusion 101

Conclusion ............................................................................................................................. 103

Table des matières ................................................................................................................ 105

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Bibliographie ......................................................................................................................... 108

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Bibliographie

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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Etude de faisabilité de la réintroduction du chamois en Lozère

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