Essentiels Chirani

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9 juillet 2015 N° 3645 Le cahier spirituel à détacher Les essentiels Le saint de la semaine expliqué aux enfants Mohammed Chirani Dieu ne regarde pas les apparences 2/ 7 Islam Les traversées spirituelles

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2 juillet 2015 N° 3644 Le cahier spirituel à détacher

Les essentiels

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Dieu raconté aux enfantsCR

EDIT

9 juillet 2015 N° 3645 Le cahier spirituel à détacher

Les essentiels

Le saint de la semaine expliqué aux enfants

Mohammed Chirani

“ Dieu ne regarde pas les apparences

2/7 Islam

Les traversées spirituelles

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TRANSMISSION

Mes premiers souvenirs spiri-tuels remontent à mes 5 ans. Tous les soirs, j’observais la même scène, interlo-qué : à son retour du travail, mon père faisait ses ablutions, endossait sa djellaba, installait son tapis et murmurait de mys-térieuses prières. J’ai fini par le harceler de questions à propos de cet Être à qui il s’adressait… jusqu’à cette réponse qui me bouleversa : « Oui, même si tu te caches sous ta couverture, Dieu peut te voir. » J’étais émerveillé : un Créateur, tout-puissant, plus puissant que tous mes super-héros, existait donc. Le lendemain soir, mon père me trouva en train de scruter les étoiles. « Que fais-tu ? – Je cherche Dieu. »

Mon père travaillait dans les che-mins de fer en France. Tous les deux ou trois mois, nous changions de ville, à bord de notre maison-wagon. Puis nous sommes rentrés en Algérie, terre de nos ancêtres, l’année de mes 9 ans. Je me suis très vite passionné pour les questions religieuses, avalant des livres de théologie, assistant à de fiévreux débats entre sala-fistes et Frères musulmans, m’impré-gnant des joutes oratoires de toutes les tendances de l’islam. Durant la guerre civile algérienne, mon cheminement spi-rituel me mena à l’école coranique et chez les Frères musulmans, via le scoutisme. Mon bac en poche, je revins en France. Mon affiliation aux Frères musulmans, se considérant comme des messies char-gés de revigorer notre nation après des siècles de décadence, m’interrogeait de plus en plus. Je rencontrais de très bons musulmans n’appartenant pas à notre

branche, et inversement. Au bout de dix ans de militantisme, mon contact avec Dieu était quasi nul. Le politique, l’idéo-logique et la religiosité avaient pris le pas sur le spirituel, sur mon intériorité. Il a fallu que je prenne mes distances sur le plan de la pratique religieuse à mon retour en France et que je me perde dans le monde de la nuit pour retrouver Dieu. Car bizarrement, c’est dans les moments de déchéance que je pensais le plus à Lui. À force d’implorations, Il m’a exaucé. Un jour, j’ai tout arrêté, la fête, l’alcool, sans difficulté.

Je ne crois pas au hasard. Comme le dit le proverbe arabe, il n’est que l’ombre de Dieu. En relisant mon parcours, je vois à quel point c’est Lui qui m’a conduit. « Je t’ai créé, je t’ai préparé, pour moi. » Cette parole de Dieu à Moïse, vivante, se destine à chacun de nous. Il nous façonne pour une mission. Dans une autre sourate, Dieu lui rappelle que toute sa vie a été jalonnée d’étapes et d’épreuves. Mon passage chez les Frères musulmans ne fut pas vain. Ce que j’ai entendu chez eux me sert aujourd’hui pour comprendre les limites du modèle islamiste, mais pas seulement. Leur argumentaire contre les salafistes est désormais une source d’inspiration pour moi dans mon combat contre la radicalisation. Ce que j’ai appris en théo-logie, en histoire, en sciences humaines, lors de mes études à Sciences Po Paris notamment, est également d’une grande utilité pour saisir les mécanismes de manipulation des textes coraniques dans certains contextes politiques.

2/7 ISLAM

Mohammed ChiraniTout au long de l’été, les Essentiels donnent la parole à d’autres traditions religieuses, philosophies, spiritualités. Cette semaine, rencontre avec un musulman d’origine algérienne qui lutte aujourd’hui contre toute forme de radicalisation.

Les étapes de sa vie1977 Naissance à Bourg-en-Bresse (01).1986 Installation en Algérie.1996 Retour en France.1997 Éducateur à Nice (06).2004 Diplômé de Sciences Po Paris.2009 à 2013 Délégué du préfet pour les quartiers sensibles de la Seine-Saint-Denis. 2013 Mort de son père.2014 Publication de Réconciliation française. Notre défi du vivre ensemble (François Bourin).2015 Cosignataire de l’Appel au jeûne avec La Vie.

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Tout ce qui s’est passé dans ma vie m’a préparé à ce désir de réformer l’islam, en expliquant ce qu’il est réellement.

J’ai dû passer par certaines épreuves pour être pacifié et savoir à quoi j’étais appelé. Il y eut d’abord mon échec aux élections municipales à Sevran (93), où j’ai assisté à une scission communautaire face à des musulmans se positionnant contre ma liste citoyenne de la diversité, laquelle comptait trop de Blancs pour eux. À quatre mois des élec-tions, je l’ai vécu comme une trahison, me sentant rejeté par ceux qui initiale-

ment étaient des alliés. Cette claque m’a en fait permis de comprendre la diffé-rence entre le religieux et le spirituel. Deux options se sont présentées à moi : considérer que le problème venait de l’islam et aller voir ailleurs ou le déplacer au niveau des hommes et de ce qu’ils avaient fait de cette religion, un enferme-ment dans une culture, dans des tradi-tions, dans des idéologies identitaires meurtrières. Une communauté musul-mane se plaçant dans une surenchère à

la religiosité, faisant de l’apparence, du détail vestimentaire, du degré de piété un argument déterminant. Or l’islam, ce n’est pas ça. Il y a une incitation dans le Coran à être pudique, oui, mais sur la question du foulard, du niqab, je défie n’importe qui de me démontrer que les femmes du Prophète étaient habillées ainsi. J’attends aussi qu’on me prouve qu’à l’entrée du paradis est inscrit « Tenue correcte exigée », à savoir porter une

barbe et un niqab. Au contraire, il est écrit « Cœur simple exigé  ». Dieu ne regarde pas nos apparences, mais notre intériorité.

Une autre grande épreuve fut la mort de mon père, que j’ai apprise le jour de l’annonce de ma candidature aux élections municipales. On me signala au téléphone que l’enter-rement aurait lieu avant la tombée de la nuit. La décision était dictée par les sala-fistes. Un « dit » du Prophète nous incite seulement à honorer nos morts en les enterrant dans des conditions dignes. Ne procédant à aucune analyse, les salafistes appliquent de manière radicale, sans contextualisation du Coran. Le soir

même, quand je suis arrivé en Algérie, j’ai découvert que mon père avait déjà été enterré. J’avais seulement pu faire la prière mortuaire depuis la France quelques heures plus tôt. Après une nuit blanche, je me suis rendu au cimetière. On m’enjoignit de poser une simple pierre, comme le veut la conception sala-fiste, plutôt qu’une tombe. J’ai érigé un mausolée. Remué par tant de souffrance et de déceptions, j’ai déménagé à Brighton,

Lumière du CoranL « Dieu, dans le Coran, parle d’une

lumière nous permettant de com-prendre le texte sacré. Celle-ci ne s’ac-quiert pas par le savoir ou la théologie, bien que ces dernières soient fondamen-tales. Elle est grâce et se dévoile par des actes d’adoration, de méditation, de contemplation de l’univers et de l’éphé-mère. Dieu nous appelle à nous dégager du matériel, pour un lien direct avec Lui. Je suis prêt à troquer tous les tapis du monde pour me trouver face à un pay-sage, source de prière et de contemplation divine. Plus de 60 % du Coran évoque cette Création et la nécessité de mettre nos sens en éveil en sa présence. »

en Grande-Bretagne. Plutôt que d’œuvrer en faveur du bien commun, j’allais désor-mais penser à moi et préparer un MBA pour travailler dans la finance, à Dubai.

Puis il y eut le déclic des attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Choc de l’image. Électrochoc de l’insulte faite à l’islam. Lorsque j’ai vu ces meur-triers, j’ai pensé à Dieu et au Prophète salis – comment pouvaient-ils parler en leurs noms ? – et à une bonne partie de ma communauté, abasourdie, comme moi. Une fois de plus, j’ai compris à quel point nombre de musulmans étaient en deçà du message du Coran. Deux jours après, ce sont des juifs qui étaient atta-qués, parce que juifs… Alors j’ai récité la prière du destin pour que Dieu me montre la voie à emprunter… Et l’évidence m’est apparue  : m’engager non pour les hommes, mais désormais pour Dieu, car Lui seul ne déçoit pas. Cela m’a placé dans une tout autre logique. Après ces événe-ments, j’ai senti que ce n’était pas moi qui parlais dans les médias, mais que j’étais porté. Le brouillard spirituel qui m’habi-tait s’était dégagé. Tout ce qui s’était passé dans ma vie m’avait préparé à ce désir de réformer l’islam, en expliquant ce qu’il

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TRANSMISSION

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Abd el-Kader est né dans une famille chérifienne très pratiquante. À 25 ans, il se trouve projeté chef de la résistance face aux troupes françaises. Quinze ans durant, il se bat pour tenter de créer ce que l’on appelle « l’embryon de la nation algérienne ». Acculé face à la domination française et la stratégie de la terre brûlée menée par le général Bugeaud – qui décrira l’émir comme «  une espèce de prophète  »–, Abd  el-Kader cesse le combat en 1847 et est emprisonné en France. C’est Napo-léon III qui le libère en 1852, le laissant partir en Syrie. En 1860, suite aux mas-sacres perpétrés contre les chrétiens d’Orient au Levant, l’émir Abd el-Kader sauve des milliers d’entre eux et accorde

sa protection aux diplomates des puis-sances européennes dans le quartier des Algériens à Damas. Là-bas, il mènera une vie d’ascète, se consacrant à la prière, à l’écriture mystique et au savoir. Il est enterré auprès de son maître soufi Ibn Arabi.

Cet homme d’État, politique engagé, et simultanément homme spi-rituel et érudit me fascine. Durant la guerre contre la domination coloniale, son combat était parfois davantage mené contre ses coreligionaires que contre les troupes coloniales. Sa volonté était en effet de bâtir un état pacifié et de lutter contre les guerres intestines d’ego entre musulmans.’

Abd el-Kader

TRANSMISSIONMA FIGURE SPIRITUELLE

est réellement et comment le vivre en France. Un islam pacifié, axé sur l’essen-tiel : l’éthique, les valeurs, le lien, le res-pect. Un contre-courant est possible, si l’on diffuse un contre-discours, le vrai discours originel de l’islam : la paix et l’amour. Les versets de la guerre existent. Mais pourquoi et dans quel contexte ? Rien ne justifie de se battre aujourd’hui. On ne peut pas lire 114 sourates commen-çant par « Au nom de Dieu le Miséricor-dieux » et penser qu’1,6 milliard d’hu-mains entreront au paradis parce qu’ils sont musulmans, et que tous les autres iront en enfer.

Je dois me battre sur deux fronts : l’islamophobie d’ignorance et l’islamo-phobie idéologique. La première concerne ceux qui ne connaissent pas l’islam et qui sont effrayés. La seconde se rapporte à ceux qui considèrent cette religion comme foncièrement mauvaise et incom-patible avec la démocratie, avec la France. Je dois lutter d’une part contre une sous-culture religieuse et d’autre part contre le radicalisme. J’ai ainsi repris des études de théologie. Mon projet est d’ approfondir

LA SEMAINE PROCHAINELe taoïsme, avec Ke Wen.

mon savoir sur l’islam, mais aussi sur les autres religions, pour revenir à ses fon-dements et l’aborder dans un esprit cri-tique. Et si Dieu le veut, je serai un jour imam dans les prisons.

Je me sens appartenir à une com-munauté spirituelle dépassant toutes les religions et tous les clivages. Comme le disait Ibn Hazm, un sage andalou : « Méfie-toi de l’impie qui partage ta reli-gion. Fais confiance à l’homme pieux qui ne partage pas ta religion. » Pour moi, les gens de bien sont chrétiens, musulmans, juifs,agnostiques, hindous… Ils forment une communauté spirituelle croyant à une puissance supérieure, à un autre jour, à un au-delà, à une éternité. Ils vivent habi-tés d’une puissance transcendant toutes les religions. Ils croient à un Dieu qui parle toutes les langues et à toutes les cultures. L’essentiel est la liberté de culte et celle d’adorer le Très-Haut.’

INTERVIEW ANNE-LAURE FILHOL

PHOTOS FLORENCE BROCHOIRE POUR LA VIE

TRANSMISSION

« Ne demandez jamais quelle est l’origine d’un homme ; interrogez plutôt sa vie, son courage, ses qualités et vous saurez ce qu’il est. Si l’eau puisée dans une rivière est saine, agréable et douce, c’est qu’elle vient d’une source pure. »L’ÉMIR ABD EL-KADER, 1808-1883 (HACHETTE)

« Il est impossible que la réalité divine ou la création se manifestent l’une sans l’autre : Dieu sans la création est non manifesté, et la création sans Dieu est dépourvue d’être. »ÉCRITS SPIRITUELS, ABD EL-KADER

« Notre Dieu et le Dieu de toutes les communautés opposées à la nôtre sont véritablement et réellement un Dieu unique, conformément à ce qu’II a dit en de nombreux versets : “Votre Dieu est un Dieu unique” (Coran 2, 163…). Il a dit aussi : “Il n’y a de dieu qu’Allah”(Coran 3, 62…). »ÉCRITS SPIRITUELS, ABD EL-KADERLE

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Première lecture

PsaumeDeuxième lecture

L’Évangile selon saint Marc

Retrouvez le commentaire de Frère Irénée

en page suivante.

BéniLa bénédiction, eulogein en grec, c’est-à-dire bien (eu) dire (legein) : la bénédiction est parole autant que don, diction autant que bien. Elle établit entre Dieu et l’homme un échange essentiel, courant vital et réciproque. À la bénédiction de Dieu qui donne à sa créature la vie et le salut répond la bénédiction par laquelle l’homme rend grâce à son créateur.

PrédestinésLa destinée humaine est fixée de toute éternité dans la pensée divine. Dans son amour, Dieu fait connaître son dessein à l’homme, éclairant ainsi le sens de son existence et lui proposant de s’y conformer intérieurement, de l’accomplir librement. Elle n’est donc pas une fatalité, mais un appel.

Louange de gloireLa louange est reconnaissance et bénédiction. Elle rend gloire au Seigneur en confessant ses grandeurs et est proche de l’adoration. Quant à la gloire, c’est Dieu lui-même, révélant sa majesté, qui rayonne sur le visage de Jésus-Christ ressuscité (2 Corinthiens 4, 6).

MystèreLe dessein éternel de Dieu, jadis caché aux hommes et maintenant révélé en plénitude par Jésus, est mystérieux, car inaccessible à l’intelligence et aux seules forces humaines. Il faut une révélation par Dieu lui-même, un dévoilement, une apocalypse à proprement parler.

Récapituler Il s’agit de résumer, réunir, reprendre, mais aussi de placer sous la souveraineté. La récapitulation est le dernier mot du dessein de Dieu : ramener toute chose dans le Christ.

Nous, vous « Nous » désigne les disciples du Christ qui ont reconnu en Jésus le Messie de leur espérance. « Vous » désigne les chrétiens issus du paganisme. Dans les deux cas, c’est la connaissance du Christ qui est fondamentale et provoque une relecture de leurs histoires respectives.

Rédemption Désigne un mouvement de libération, puis d’alliance, l’un n’allant pas sans l’autre. Ainsi pour le Christ, il s’agit de l’œuvre qu’il accomplit sur le calvaire : délivrance du péché et libération de la mort, mais surtout acquisition, prise de possession par Dieu de tous les hommes afin de se les attacher.

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence. Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté,

selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ. En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire.

La richesse de la grâceÉphésiens 1, 3-14

AVEC FRÈRE IRÉNÉE

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LIRE LA BIBLE TOUT L’ÉTÉ

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Le dessein de l’amour en plénitudePAR FRÈRE IRÉNÉE

don de son Fils. Jésus-Christ révèle un Dieu qui est ou plutôt qui ne peut être que Père. Et Père de tous les hommes. Aussi l’élection de ceux-ci à participer à la vie divine définit-elle la vie chrétienne comme une vie de filiation, certes adoptive, mais voulue telle dès la fondation du monde. Filiation adoptive ? Les hommes sont aimés du même amour dont est aimé le Fils. Aussi, la gloire du Père comme celle du Fils se reflète-t-elle dans les disciples, les transformant à son image de gloire en gloire (2 Corinthiens 3, 18), les rendant aussi cohéritiers des biens éter-nels avec Jésus (Romains 8, 17). Les hommes découvrent que le Dieu créateur est infi-niment présent à l’humanité – et non pas distant –, qu’Il est un Dieu qui aime l’homme dans un face-à-face. Et que son vœu le plus cher est d’avoir une créature libre et autonome devant lui. Telle est la grammaire de l’amour divin que Dieu répand dans le cœur de l’homme (Romains 5, 5) par l’Esprit saint, amour fou qui chante la louange de la gloire divine.’

Grandiose, l’hymne d’ouverture de la lettre aux Éphésiens célèbre le déploiement des bienfaits de Dieu de l’origine du monde jusqu’à son achèvement. Rien de moins, et le tout en une seule phrase aux tournures et au vocabulaire compliqués ! Dès lors, on comprend que le lecteur, malgré les efforts des traducteurs à rendre le texte accessible, se sente quelque peu submergé. Un sentiment qui traduit moins un désarroi que le fait que quelque chose de très profond soit touché en lui. C’est qu’en effet connaître Dieu, c’est être connu de lui et le découvrir à la source de sa propre existence. Il y a ainsi, dans la grande fresque composée à la manière des plus belles pages du Premier Testament, comme le rendu d’une rencontre entre la propre existence de chaque homme et un destin divin plus grand que lui et qui le touche au plus profond de ses aspirations.

C’est que la prise de conscience des dons de Dieu répan-dus en surabondance sur l’ensemble de l’humanité et de la Création engendre un élan très pur de l’âme, saisie d’émerveil-lement envers cette générosité – reconnaissance joyeuse devant la grandeur divine. Et quelle grandeur ! Dieu destine les hommes à la vie béatifique par son Fils, qui, après avoir racheté gratuite-ment les hommes de la mort par sa Croix et sa résurrection, révèle à Israël comme aux païens ce mystère d’amour total caché depuis la fondation du monde, plan qu’il récapitule en lui.

Ainsi, les thèmes de l’élection et de la récapitulation sont-ils primordiaux par rapport à la rédemption, exprimant que l’expression du pur amour de Dieu envers les hommes consiste à faire d’eux des fils. Une très bonne nouvelle, inouïe, cachée depuis la fondation du monde et maintenant révélée, qui dans l’histoire collective comme personnelle des hommes fait d’abord ressortir leur vocation royale à être divi-nisés plutôt que leur inclinaison à la désobéissance et au péché. Une approche pastorale en forme de révolution copernicienne.

Plus encore que le rédempteur, Jésus est le révéla-teur du dessein de Dieu – on serait tenté d’ajouter la preuve vivante ! En effet, tous les dons de Dieu sont contenus dans le

POUR ALLER PLUS LOIN

La gloire du Père, comme celle du Fils, se reflète dans les disciples et les transforme à son image de gloire en gloire.

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CHRIST PANTOCRATOR , peinture de Mihal Anagnosti (1827). Institut des monuments culturels de Tirana.

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FRÈRE IRÉNÉE est moine bénédictin à l’abbaye de Chevetogne, en Belgique. Cette communauté rassemble des moines qui prient selon le rite romain ou byzantin.

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La quête de Dieu dans la solitudeNé dans une famille chrétienne à Nursie, en Italie, vers 480, Benoît, dont le nom signifie « bénédiction », est envoyé à Rome à l’adolescence pour parfaire son éducation. Choqué par le mode de vie des Romains et animé par une vraie soif spirituelle, il se retire dans la localité de Subiaco, où il vit dans une grotte en ermite, c’est-à-dire coupé du monde.

Fondateur de monastèresAu bout de trois ans, sa présence est connue dans le voisinage, et des moines qui n’ont plus d’abbé, c’est-à-dire de supérieur, viennent le voir pour lui demander de prendre la charge de leur monastère. Benoît accepte, mais déchante vite. Les moines n’obéissent pas, et parce qu’il tente de les discipliner, ils veulent l’empoisonner. Il s’en sort par un miracle et retourne alors à sa solitude. Bien vite, pourtant, des hommes le rejoignent et veulent le suivre. Il crée 12 petits monastères, chacun abritant 12 moines et un abbé.

La règle transmise jusqu’à aujourd’huiPour organiser le quotidien des moines dans ces monastères, saint Benoît rédige une règle, comme un guide. La vie monastique est un équilibre entre trois activités : la prière, le travail et la lecture. La devise des moines bénédictins est Ora et labora (« prie et travaille »). Encore aujourd’hui, des milliers de moines dans le monde vivent selon cette règle.

Le savais-tu ?Benoît est le saint patron de l’Europe.

Saint BenoîtLe 11 juillet, nous fêtons ce grand saint dont la vie est imprégnée de prière. Il est le père de la vie monastique occidentale.TEXTE LAURENCE DESJOYAUX ILLUSTRATION NATHALIE CHOUX POUR LA VIE

À TES CRAYONS !

Chaque semaine, La Vie te propose de colorier l’image d’un saint.

RACONTÉ AUX ENFANTSLE SAINT DE LA SEMAINE

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PN dePort-Cros

PNR du Verdon

Massi f

des MauresSainte-

Baume

VAR

Draguignan

Le Muy

Fréjus

Port-Grimaud

Plan-d’Aups

Saint-Tropez

Le LavandouHyères

Six-Fours-les-Plages

Brignoles

Cuers

St-Maximin-la-Ste-Baume

Toulon

Argens

Îles d’Hyères

MER MÉDITERRANÉE

OratoireSaint-Dominique

Var25 km

Légendes Cartographie

N ce qu’il appelle un « je-ne-sais-quoi ». Le lieu de culte est consacré par monseigneur Barthe, évêque de Toulon, le 26 juillet 1970.

Aujourd’hui, les murs peints en jaune ne correspondent plus à l’intention initiale de l’artiste, qui les avait choisis blancs. « C’est ici que j’ai découvert les paroles du Christ », reconnaît Gleb, qui puise son inspiration dans la Torah. Puissent les nombreux visiteurs en faire eux aussi l’expérience !’PHOTOS DAVID BORDES POUR LA VIE

Thomas Gleb, peintre, sculp-teur et rénovateur de tapisserie dans la seconde moitié du XXe siècle, livre dans l’oratoire Saint-Dominique de l’hôtellerie du couvent dominicain de la Sainte-Baume le précieux témoi-gnage d’une rencontre. Au pied de la falaise, qui selon la tradition abrita sainte Marie Madeleine, l’artiste de confession juive nous appelle à parta-ger son amitié avec un religieux ouvert à l’art de son temps.

Distinctes de la façade du bâti-ment du XIXe siècle, les fenêtres aux formes abstraites signalent de la route le petit lieu de prière surmonté d’un clocheton en O ouvert. Dès le seuil de la porte donnant sur le cloître, la grande tenture murale blanche au tissage en relief nous enveloppe des courbes de sa mandorle (amande). Au centre, une trace rouge telle une plaie dans une corolle grisée nous fascine. Devant, l’autel en pierre calcaire du Gard, posé sur un socle, surprend par le jour qui passe dans

sa fente latérale. La rusticité de la porte du tabernacle en bois poli souligne l’au-thenticité de cet aménagement.

« À la fin des années 1960, le père Philippe Maillard fut chargé par sa com-munauté de redonner vie à l’hôtellerie délaissée, racontait souvent sœur Colette-Manès, qui lui apporta son aide. La cha-pelle Sainte-Marie-Madeleine était en mauvais état. Aussi préféra-t-il en créer une autre dans l’ancien abri des pèlerins. Sa mère, férue d’art, l’encouragea à solli-citer Thomas Gleb. » En quête d’une tapis-serie, le religieux alla donc quérir Gleb en 1969. L’artiste, fils d’un tisserand polo-nais, présente une maquette à laquelle Philippe Maillard demande d’ajouter du rouge. Confectionnée par le lissier Pierre Daquin, l’œuvre reçoit le titre des Noces de l’Agneau, en référence au texte d’Isaïe 63, 1, « Qui es-tu, toi qui viens d’Édom, de Bosra, le vêtement taché de sang ? ». Convié sur place à l’hiver 1970, Gleb, ancien résis-tant, se voit offrir la conception de tout l’oratoire. « Je ne te demande pas d’étudier

l’Évangile ni de faire l’office ; ça, c’est mon affaire, lui explique le dominicain. Je te demande d’être toi, d’être Gleb, de faire du Gleb. » Début mars, le projet est accepté. Il est réalisé à l’économie, par Pépone, l’homme de main de la maison, qui effec-tue l’essentiel des travaux. L’architecte, Geneviève Colboc, vient en aide pour les baies. Celles-ci, en partie comblées, sans que cela ait été voulu, laissent apparaître les lettres hébraïques du mot ELI. Gleb, que le destin a sauvé du camp de la mort, se sent guidé pour finir son ouvrage par

2/7 L’oratoire de Thomas Gleb à Plan~d’Aups

Jusqu’au 20 août, Martine Sautory, historienne d’art, nous ouvre les portes de sept chapelles ou églises du Var décorées par des artistes du XXe siècle. Cette semaine, l’oratoire de l’hôtellerie de la Sainte-Baume, à Plan-d’Aups.

Allez-y vite !Où ? Oratoire Saint-Dominique, hôtellerie de la Sainte-Baume, 83640 Plan-d’Aups. Tél. : 04 42 04 54 84.Pour en savoir plus www.thomas-gleb.fr Gleb, nouveaux visages, peintures, tapisseries, sculptures, catalogue d’exposition sous la direction de Françoise de Loisy. Musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine, à Angers.À venir Pentecôte 2016, colloque Thomas Gleb au couvent de Sainte-Marie-des-Tourelles, Saint-Mathieu-de-Tréviers (34).

LES 25 PETITS VITRAUX illustrent la course du soleil, de l’aube au crépuscule.

LES 25 PETITS VITRAUX illustrent la course du soleil, de l’aube au crépuscule.

DERRIÈRE L’AUTEL, grande tenture murale blanche au tissage en relief, avec au centre une trace rouge telle une plaie dans une corolle grisée.

Thomas Gleb1912 Naissance de Yehouda Chaim Kalman (son vrai nom) près de Lodz, en Pologne.1932 Rejoint Paris et prend le patronyme de Thomas Gleb.1958-1960 Devient tapissier.1969-1970 Aménage et décore l’oratoire de l’hôtellerie du couvent dominicain de la Sainte-Baume (83).1971-1976 Réalisation du couvent des dominicaines de Sainte-Marie-des-Tourelles à Saint-Mathieu-de-Tréviers (34). 1979-1980 Réaménage la chapelle les carmélites de Niort (79). 1991 Il meurt à Angers (49).

VISITES D’ÉTÉ

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