Entretien - Les nouvelles missions, c’est parti !

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Actualités pharmaceutiques n° 524 Mars 2013 4 actualités entretien © DR Actualités pharmaceutiques : Près de 4 ans après le vote de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, où en sommes- nous dans sa mise en œuvre ? Alain Guilleminot : Si l’article 38 de loi HPST a donné un cadre général, plusieurs étapes ont été nécessaires pour transformer le mode d’exercice officinal. Ainsi, la parution de la loi de finances pour 2011 a instauré la possibi- lité de rémunérer le pharmacien sous forme d’honoraires et plus seulement sur la marge. Puis, la convention avec l’Assurance maladie signée en avril 2012 a introduit un basculement de 25 % de la rémunération du phar- macien sous forme d’honoraires en cinq ans, avec un premier palier de 12,5 %. Les discussions sur les critères de ce changement vont s’ouvrir prochainement. AP : De quoi sera constituée la rémunération d’un pharmacien d’officine en 2013 ? AG : Les critères de la rému- nération à l’acte ne sont pas encore définis avec l’Assurance maladie, les négociations pré- vues en décembre 2012 ayant été reportées d’un trimestre. Il est probable que seront pris en considération la prise en charge de chaque prescription, les âges extrêmes de la vie et des médi- caments spécifiques comme les traitements substitutifs aux opiacés. Il est également impor- tant de prendre en considération les interventions du pharmacien dans un but de coordination avec les autres professionnels. Nous souhaitons que les négo- ciations aient abouti fin mars, ce qui, avec les six mois conven- tionnels, permettrait une mise en place fin 2013. Cependant, les officinaux pourront prétendre dès mars au paiement à la per- formance (taux de substitution pour 30 molécules, maintien des mêmes spécialités génériques pour les plus de 75 ans). Le suivi des patients chroniques donnera lieu à rémunération l’année sui- vante (1 er  trimestre 2014 pour les suivis de 2013). AP : Comment le suivi des patients sous anticoagulants oraux, une des nouvelles mis- sions, va-t-il se mettre en place ? AG : Le but des entretiens que pourront réaliser les pharmaciens est d’objectiver le traitement anti- coagulant, vérifier si les mesures de l’International normalized ratio (INR) sont bien réalisés réguliè- rement et contacter le médecin traitant si nécessaire. Il s’agit d’évaluer si le patient a un com- portement vertueux et adapté avec son traitement. L’avenant n° 1 à la convention concernant le suivi des antivitamines K (AVK) a été signé le 10 janvier dernier. Le questionnaire, le formulaire d’acceptation ainsi que le guide d’accompagnement sont en cours de validation à l’Agence nationale de sécurité du médi- cament et des produits de santé (ANSM) avant publication au Journal officiel. Les délégués de l’Assurance maladie remettront un dossier complet à chaque pharmacien. Puis, suite à la réception d’une lettre d’informa- tion de l’Assurance maladie par les patients traités par des AVK depuis au moins six mois ou à l’initiative du pharmacien, nous pourrons engager le suivi et télé- transmettre un code acte déclen- chant le signalement du début du protocole. En cas de chan- gement d’officine, c’est celle qui aura réalisé le premier entretien de l’année qui recevra les 40 € de rémunération. Par ailleurs, la pro- fession s’est engagée à mettre en place un suivi des nouveaux anticoagulants oraux. AP : Comment sera évaluée cette mission ? AG : L’évaluation du travail réa- lisé par les pharmaciens sera primordiale pour montrer l’inté- rêt de la démarche. Cependant, il nous faudra attendre quelques années pour observer des béné- fices sur des critères importants comme le nombre d’hospitalisa- tions et les décès. En attendant, d’autres critères permettront d’évaluer l’impact des entretiens comme le nombre de délivrance du carnet de suivi des AVK ou le nombre d’INR réalisés par les patients. AP : Qu’en est-il du suivi des patients asthmatiques ? AG : Le calendrier n’est pas arrêté mais les discussions vont être engagées rapidement avec la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). L’expérience acquise avec les AVK sera utile. J’imagine une mise en place plutôt en septembre. AP : Comment se position- nent les médecins par rapport à ces nouvelles missions ? AG : Les représentants des médecins ont bien compris que l’objectif des pharmaciens n’est pas de les concurrencer mais de rester sur leur champ de com- pétence, à savoir la délivrance, la compliance et l’observance du traitement. Les médecins pourront s’appuyer sur les phar- maciens pour mieux organiser le suivi du traitement du patient. Ainsi, chacun peut jouer son rôle dans son domaine de compé- tences. Les premières réticences demanderont à être levées mais je suis persuadé, qu’à terme, les médecins seront heureux de pou- voir s’appuyer sur les officinaux. AP : Quel est, selon vous, l’ave- nir de la profession officinale ? AG : Nous sommes à la croisée des chemins, avec un change- ment de statut et un change- ment économique. C’est pour- quoi nous considérons que c’est le moment d’introduire un autre mode de fonctionnement et de rémunération. C’est une petite révolution ! Mais nous devons être vigilants à la mise en place de ces réformes afin qu’aucun pharmacien ne soit laissé sur le bord de la route. J’estime que compte tenu de leur formation et de leurs compétences, les phar- maciens sont sous-employés dans leurs rôles d’acteur de santé de premier recours. w Propos recueillis par Sébastien FAURE [email protected] Alain Guilleminot Les nouvelles missions, c’est parti ! L’avenant à la convention pharmaceutique signé, les pharmaciens vont pouvoir débuter les entretiens des patients sous antivitamine K. Une « petite révolution » dans l’exercice officinal selon Alain Guilleminot, président de l’Union régionale des professionnels de santé pharmaciens (URPS) pharmaciens des Pays de la Loire et chargé de la mise en œuvre des nouvelles missions à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.

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Actualités pharmaceutiques• n° 524 • Mars 2013 •4

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Actualités pharmaceutiques : Près de 4 ans après le vote de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, où en sommes-nous dans sa mise en œuvre ?Alain Guilleminot : Si l’article 38 de loi HPST a donné un cadre général, plusieurs étapes ont été nécessaires pour transformer le mode d’exercice officinal. Ainsi, la parution de la loi de finances pour 2011 a instauré la possibi-lité de rémunérer le pharmacien sous forme d’hono raires et plus seulement sur la marge. Puis, la convention avec l’Assurance maladie signée en avril 2012 a introduit un basculement de 25 % de la rémunération du phar-macien sous forme d’hono raires en cinq ans, avec un premier palier de 12,5 %. Les discussions sur les critères de ce changement vont s’ouvrir prochainement.

AP : De quoi sera constituée la rémunération d’un pharmacien d’officine en 2013 ?AG : Les critères de la rému-nération à l’acte ne sont pas encore définis avec l’Assurance maladie, les négociations pré-vues en décembre 2012 ayant été reportées d’un trimestre. Il est probable que seront pris en considération la prise en charge de chaque prescription, les âges extrêmes de la vie et des médi-caments spécifiques comme les traitements substitutifs aux opiacés. Il est également impor-tant de prendre en considération les interventions du pharmacien dans un but de coordination avec les autres professionnels.

Nous souhaitons que les négo-ciations aient abouti fin mars, ce qui, avec les six mois conven-tionnels, permettrait une mise en place fin 2013. Cependant, les officinaux pourront prétendre dès mars au paiement à la per-formance (taux de substitution pour 30 molécules, maintien des mêmes spécialités génériques pour les plus de 75 ans). Le suivi des patients chroniques donnera lieu à rémunération l’année sui-vante (1er trimestre 2014 pour les suivis de 2013).

AP : Comment le suivi des patients sous anticoagulants oraux, une des nouvelles mis-sions, va-t-il se mettre en place ?AG : Le but des entretiens que pourront réaliser les pharmaciens est d’objectiver le traitement anti-coagulant, vérifier si les mesures de l’International normalized ratio (INR) sont bien réalisés réguliè-rement et contacter le médecin traitant si nécessaire. Il s’agit d’évaluer si le patient a un com-portement vertueux et adapté avec son traitement. L’avenant n° 1 à la convention concernant le suivi des antivitamines K (AVK) a été signé le 10 janvier dernier. Le questionnaire, le formulaire d’acceptation ainsi que le guide d’accompagnement sont en cours de validation à l’Agence nationale de sécurité du médi-cament et des produits de santé (ANSM) avant publication au Journal officiel. Les délégués de l’Assurance maladie remettront un dossier complet à chaque pharmacien. Puis, suite à la

réception d’une lettre d’informa-tion de l’Assurance maladie par les patients traités par des AVK depuis au moins six mois ou à l’initiative du pharmacien, nous pourrons engager le suivi et télé-transmettre un code acte déclen-chant le signalement du début du protocole. En cas de chan-gement d’officine, c’est celle qui aura réalisé le premier entretien de l’année qui recevra les 40 € de rémunération. Par ailleurs, la pro-fession s’est engagée à mettre en place un suivi des nouveaux anticoagulants oraux.

AP : Comment sera évaluée cette mission ?AG : L’évaluation du travail réa-lisé par les pharmaciens sera primordiale pour montrer l’inté-rêt de la démarche. Cependant, il nous faudra attendre quelques années pour observer des béné-fices sur des critères importants comme le nombre d’hospitalisa-tions et les décès. En attendant, d’autres critères permettront d’évaluer l’impact des entretiens comme le nombre de délivrance du carnet de suivi des AVK ou le nombre d’INR réalisés par les patients.

AP : Qu’en est-il du suivi des patients asthmatiques ?AG : Le calendrier n’est pas arrêté mais les discussions vont être engagées rapidement avec la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). L’expérience acquise avec les AVK sera utile. J’imagine une mise en place plutôt en septembre.

AP : Comment se position-nent les médecins par rapport à ces nouvelles missions ?AG : Les représentants des médecins ont bien compris que l’objectif des pharmaciens n’est pas de les concurrencer mais de rester sur leur champ de com-pétence, à savoir la délivrance, la compliance et l’observance du traitement. Les médecins pourront s’appuyer sur les phar-maciens pour mieux organiser le suivi du traitement du patient. Ainsi, chacun peut jouer son rôle dans son domaine de compé-tences. Les premières réticences demanderont à être levées mais je suis persuadé, qu’à terme, les médecins seront heureux de pou-voir s’appuyer sur les officinaux.

AP : Quel est, selon vous, l’ave-nir de la profession officinale ?AG : Nous sommes à la croisée des chemins, avec un change-ment de statut et un change-ment économique. C’est pour-quoi nous considérons que c’est le moment d’introduire un autre mode de fonctionnement et de rémunération. C’est une petite révolution ! Mais nous devons être vigilants à la mise en place de ces réformes afin qu’aucun pharmacien ne soit laissé sur le bord de la route. J’estime que compte tenu de leur formation et de leurs compétences, les phar-maciens sont sous-employés dans leurs rôles d’acteur de santé de premier recours. w

Propos recueillis par Sébastien [email protected]

Alain Guilleminot

Les nouvelles missions, c’est parti !

L’avenant à la convention pharmaceutique signé, les pharmaciens vont pouvoir débuter les entretiens des patients sous antivitamine K. Une « petite révolution » dans l’exercice officinal selon Alain Guilleminot, président de l’Union régionale des professionnels de santé pharmaciens (URPS) pharmaciens des Pays de la Loire et chargé de la mise en œuvre des nouvelles missions à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.