Entreprises et droits de l’homme au

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1 Entreprises et droits de l’homme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord Un bulletin d’information régional – décembre 2013 Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont des régions où le respect des droits de l’homme par les entreprises est une question qui doit être urgemment résolue. Le rôle des sociétés de construction et des agences de recrutement, qui font venir des travailleurs migrants dans le cadre de projets de construction de grande envergure, notamment en vue de la Coupe du monde qui aura prochainement lieu au Qatar, le rôle des opérateurs d’internet, qui facilitent ou font obstruction à la liberté d’expression et d’association des citoyens, la nécessité de mettre un terme à la discrimination contre les femmes au travail, et le rôle des sociétés militaires et de sécurité privées dans les zones de conflit, sont autant de questions mettant en exergue l’impératif pour les entreprises de promouvoir le respect des droits de l’homme et les conséquences désastreuses sur les personnes qui pourraient découler de leur manquement à ce devoir. Ce bulletin d’information donne un aperçu de plusieurs cas de violation présumée et les réactions des entreprises tout en décrivant les mesures positives prises par certaines entreprises. Il fournit également des exemples concrets de voies à suivre pour les entreprises et les gouvernements de ces régions. Table des matières Résumé exécutif ............................................................................................................................................ 2 1. Objet de ce bulletin ............................................................................................................................... 4 2. Préoccupations liées aux droits de l’homme au Moyen-Orient & en Afrique du Nord ........................ 4 i. Droits des travailleurs ............................................................................................................................ 4 ii. Discrimination contre les femmes ........................................................................................................ 9 iii. Entreprises du secteur des technologies, liberté d’expression et respect de la vie privée ................. 11 iv. Situations de conflit, d’après-conflit et de tension politique.............................................................. 12 v. Pollution environnementale et répression des manifestations y afférentes ......................................... 15 vi. Entreprises du Moyen-Orient opérant à l’étranger ............................................................................ 17 3. Possibilités relatives aux entreprises et aux droits de l’homme dans la région MOAN ......................... 17 4. Recommandations pour les entreprises et les gouvernements ................................................................ 18 5. À propos du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme .................................. 20 6. Auteurs du rapport .................................................................................................................................. 21 Annexe A: Réaction et non-réaction des entreprises aux allégations d’abus des droits de l’homme ......... 21

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Entreprises et droits de l’homme au

Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Un bulletin d’information régional – décembre 2013

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont des régions où le respect des droits de l’homme par les

entreprises est une question qui doit être urgemment résolue. Le rôle des sociétés de construction et des

agences de recrutement, qui font venir des travailleurs migrants dans le cadre de projets de construction

de grande envergure, notamment en vue de la Coupe du monde qui aura prochainement lieu au Qatar, le

rôle des opérateurs d’internet, qui facilitent ou font obstruction à la liberté d’expression et d’association

des citoyens, la nécessité de mettre un terme à la discrimination contre les femmes au travail, et le rôle

des sociétés militaires et de sécurité privées dans les zones de conflit, sont autant de questions mettant

en exergue l’impératif pour les entreprises de promouvoir le respect des droits de l’homme et les

conséquences désastreuses sur les personnes qui pourraient découler de leur manquement à ce devoir.

Ce bulletin d’information donne un aperçu de plusieurs cas de violation présumée et les réactions des

entreprises tout en décrivant les mesures positives prises par certaines entreprises. Il fournit également

des exemples concrets de voies à suivre pour les entreprises et les gouvernements de ces régions.

Table des matières

Résumé exécutif ............................................................................................................................................ 2

1. Objet de ce bulletin ............................................................................................................................... 4

2. Préoccupations liées aux droits de l’homme au Moyen-Orient & en Afrique du Nord ........................ 4

i. Droits des travailleurs ............................................................................................................................ 4

ii. Discrimination contre les femmes ........................................................................................................ 9

iii. Entreprises du secteur des technologies, liberté d’expression et respect de la vie privée ................. 11

iv. Situations de conflit, d’après-conflit et de tension politique.............................................................. 12

v. Pollution environnementale et répression des manifestations y afférentes ......................................... 15

vi. Entreprises du Moyen-Orient opérant à l’étranger ............................................................................ 17

3. Possibilités relatives aux entreprises et aux droits de l’homme dans la région MOAN ......................... 17

4. Recommandations pour les entreprises et les gouvernements ................................................................ 18

5. À propos du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme .................................. 20

6. Auteurs du rapport .................................................................................................................................. 21

Annexe A: Réaction et non-réaction des entreprises aux allégations d’abus des droits de l’homme ......... 21

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Résumé exécutif

« Les droits de l’homme sont directement liés aux entreprises et dans la région arabe…nous devons en tant

qu'entreprises prendre les devants et ne pas craindre de discuter ouvertement de cette question… Avec le rôle de

plus en plus important du secteur privé dans le monde d’aujourd’hui, nous avons la grande responsabilité

d’assurer et d’améliorer le respect des droits fondamentaux de l’homme. »

Youssef Mansour, Président et Directeur général de Mansour Group

(Tiré du rapport de la table ronde sur les entreprises (« Business Roundtable Report – An Emerging Approach to

Corporate Social Responsibilities, Rights and Stakeholders in a Business Context »), 9 décembre 2010, Le Caire,

Égypte, organisée par Global Business Initiative et d’autres partenaires)

L’association « entreprises et droits de l’homme » peut s’avérer un concept nouveau pour beaucoup d’acteurs au

Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MOAN); mais les problèmes auxquels ce concept s’attaque sont, quant à eux,

tout sauf nouveaux. Ces derniers couvrent la situation des femmes en milieu de travail, le traitement réservé aux

travailleurs immigrés dans le secteur du bâtiment et dans d’autres secteurs, et la pollution environnementale du fait

de son lien avec le droit à la santé. La promotion de l’entreprise responsable joue un rôle primordial dans la

réalisation des droits de l’homme dans l’espace MOAN. Lorsque les puissantes sociétés manquent à leur devoir de

faire respecter les droits de l’homme, les conséquences sont souvent dramatiques pour les populations de la région.

Ce bulletin donne un aperçu sur les entreprises et les droits de l’homme dans la région MOAN, ainsi que des

recommandations concrètes en matière de voies à suivre. Il met en exergue les préoccupations relatives à la conduite

des entreprises et présente également des exemples de mesures positives prises par les entreprises et les

gouvernements. Le bulletin indique par ailleurs comment les entreprises réagissent aux préoccupations spécifiques

des droits de l’homme. Depuis 2005, le Centre de Ressources invite régulièrement les entreprises à réagir à leur

prétendue inconduite, notamment dans l’espace MOAN. Nous avons contacté des entreprises basées dans la région

MOAN 45 fois au total pour tenter d’obtenir leur réaction aux allégations impliquant des violations des droits de

l’homme et avons enregistré un taux global de réponse de 58%. Nous avons par la suite interpellé des entreprises

basées hors de l’espace MOAN sur des allégations d’abus des droits de l’homme dans la région 102 fois au total et

avons enregistré un taux de réponse global de 71%.

Cela reflète un niveau d’engagement encourageant vis-à-vis des questions liées aux droits de l’homme de la part des

entreprises dans et en dehors de la région. Mais au même moment, beaucoup trop d'entreprises continuent de passer

sous silence les préoccupations relatives aux droits de l’homme. Le rapport détaillé sur les réactions et l’absence de

réaction des entreprises fait l’objet de l’Annexe A. Les entreprises interpellées opèrent dans diverses industries, ce

qui montre qu’aucun secteur d’entreprise n’est exonéré de la responsabilité à l’égard des droits de l’homme. Les

entreprises contactées étaient pour la plupart (neuf fois ou plus), par ordre décroissant, des entreprises du secteur des

technologies et des opérateurs d’internet (31 entreprises interpellées sur un problème lié aux droits de l’homme), des

sociétés spécialisées dans les médias et les relations publiques (RP) (16), des entreprises de la filière textile-

habillement (16), , des entreprises du secteur extractif (13), des compagnies de transport (11), des entreprises de

construction (10) et des sociétés de sécurité privées (9). La réponse donnée par une entreprise ne reflète pas

nécessairement sa conduite véritable; de même, la qualité des réactions recueillies varie d’une entreprise à une autre.

Mais le fait de réagir est un important indicateur de l’ouverture d’une entreprise à engager un dialogue sur les

préoccupations de la société civile en matière de droits de l’homme.

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Le pourcentage élevé d’opérateurs de technologies et d’entreprises spécialisées dans les médias/RP reflète le rôle clé

joué par ces secteurs dans la vague de mouvements politiques qui a balayé plusieurs parties de la région ces trois

dernières années, ainsi que le rôle dans la facilitation ou la condamnation du dialogue autour de la démocratie et des

droits de l’homme. L’une des entreprises ayant refusé de répondre aux questions du Centre de Ressources était

Orange. Les journalistes et les militants des droits de l’homme en Jordanie ont manifesté devant le siège de

l'entreprise à Amman en juin 2013 – ils protestaient contre le fait qu’en tant que principal fournisseur d’accès à

internet du pays, Orange aurait contribué à museler la liberté d’expression en se conformant à l’ordre du

gouvernement de fermer près de 300 sites d’information en ligne. La police a dispersé les manifestants au moyen de

matraques et de gaz lacrymogène. En tant qu’éditeur d’un de ces sites, Jo24 a dit: « Orange est en train d’aider le

gouvernement à violer la constitution qui consacre la liberté d’expression. Les journalistes sont déterminés à faire

entendre leur voix à n’importe quel prix. » Le Centre de Ressources a invité Orange à réagir à cette accusation et sa

réponse était « Nous ne souhaitons pas faire de commentaire sur ce sujet ».

Les sociétés spécialisées dans les technologies qui ont répondu aux questions du Centre de Ressources sur la liberté

d’expression incluent LINKdotNet, Noor Group et Vodafone à la suite de la coupure des services Internet durant

la période qui a abouti au renversement de Mubarak en Égypte, et l’opérateur qatarien de télécoms Ooredoo, qui a

été invité à donner sa position quant au respect des droits de l’homme en relation avec sa licence d’exploitation

nouvellement acquise au Myanmar. Comme l’indique le bulletin, de plus en plus de directives sont formulées pour

les opérateurs de technologies sur la manière de maximiser leur contribution au respect des droits de l’homme tout

en minimisant les violations.

Une autre préoccupation majeure sur laquelle se penche ce bulletin est la question des droits des travailleurs. Cela

inclut le droit au travail en soi et les possibilités afférentes que les entreprises peuvent exploiter pour générer des

emplois, en particulier au profit des jeunes. Comme il a été établi par le Forum économique mondial, « 100 millions

de jeunes âgés de 15 à 29 ans, soit 30% de la population totale de la région, ont un besoin pressant de garantir leur

avenir économique. » Cette préoccupation englobe par ailleurs le droit à la liberté syndicale et à la négociation

collective, et le droit d’organisation, qui ont été internationalement reconnus, mais qui, d’après l’OIT, sont

systématiquement violés dans plusieurs parties de la région MOAN. En dépit des mouvements politiques entamés en

2011, les avancées en matière de protection des droits des travailleurs restent faibles. Parmi les entreprises

interpellées par le Centre de Ressources à propos des violations présumées de la liberté syndicale figure Saudi

Aramco (qui a refusé de répondre), Suez Steel en Égypte (qui a répondu) et Mondelēz (ex-Kraft), interrogée sur les

droits des travailleurs en Égypte et en Tunisie, et qui a répondu.

L’organisation de la Coupe du monde de 2022 au Qatar a placé sous le feu des projecteurs l’exploitation répandue

des travailleurs immigrés du secteur de la construction. Des centaines de milliers d’ouvriers gagneront le Qatar pour

travailler dans les projets de construction, rejoignant ainsi près de 1,2 million de travailleurs déjà présents dans le

pays. Le bulletin met l’accent sur certains appels à la réforme et cite également en exemple des entreprises dont les

bonnes pratiques d’emploi ont été reconnues, telles que Qatalum et OHM. Les problèmes liés au traitement des

travailleurs immigrés ne se rencontrent pas seulement au Qatar; ils s’étendent également à d’autres pays du Golfe.

Les problèmes les plus répandus incluent: la mise en œuvre du système de parrainage (« Kafala ») qui assujettit le

travailleur immigré à son employeur; des pratiques de recrutement trompeuses; la confiscation de passeports;

l’insuffisance des installations de logement; des conditions de travail dangereuses; et de maigres salaires voire

parfois des non-paiements de salaires. Le pire peut également arriver, matérialisé par des cas de traite de personnes

et de travail forcé. L’OIT a estimé en 2012 la population des victimes de travail forcé au Moyen-Orient à 600.000

personnes « prises au piège d’emplois qui leur ont été imposés par la contrainte ou la tromperie et qu’elles ne

peuvent quitter ». FSI Worldwide est un exemple d’agence de recrutement qui travaille à démontrer que les

modèles éthiques de recrutement et d’emploi sont avantageux pour les entreprises.

Le présent bulletin met en valeur de belles initiatives visant à autonomiser les femmes en milieu de travail dans la

région MOAN. Glowork, par exemple, est un portail dédié au recrutement des femmes dans les pays du Golfe qui a

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réalisé le placement de près de 10.000 femmes. Cependant, de grands obstacles restent encore à surmonter. En

septembre, la Fédération internationale des ouvriers du transport a dénoncé le contrat d’embauche standard établi

par Qatar Airways pour des milliers de travailleuses et qui stipulerait qu’« en cas de grossesse, l’employée est

tenue de notifier l’employeur dès qu’elle prend connaissance de son état de grossesse. L’employeur se réserve le

droit de résilier le contrat d’embauche à compter de la date de notification de l’état de grossesse… » Le Centre de

Ressources a invité Qatar Airways à réagir, ce que la compagnie a refusé de faire. La Fédération a également mis à

l’ordre du jour les préoccupations relatives aux restrictions à la liberté syndicale imposées par Etihad et Emirates;

aucune de ces deux compagnies n’a voulu réagir à cette dénonciation.

D’autres questions mises en exergue dans ce bulletin se rapportent aux entreprises opérant dans des zones de conflit

ou sortant d’un conflit, et à la pollution environnementale qui a un impact sur le droit à la santé. Néanmoins, le

bulletin souligne également que, bien qu’elle soit une zone où le respect des droits de l’homme est problématique, la

région MOAN offre d’importantes possibilités et ouvertures. Certains gouvernements, par exemple, sont en train de

prendre de sérieuses mesures pour atténuer le phénomène du travail des enfants. Les entreprises et les universités

s’intéressent de plus en plus au concept de la « responsabilité des entreprises » qui peut servir de point d’entrée aux

mesures pour les droits de l’homme. Dans la mesure où les entreprises basées dans la région MOAN sont en train

d’accroître leurs activités à l’étranger, leur conduite peut être soumise à davantage de contrôle de manière à

renforcer leur motivation à opérer de manière responsable. Et les médias sociaux de la région ont un rôle

déterminant à jouer dans la construction de réseaux de sensibilisation sur les différentes préoccupations.

En 2011, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a unanimement adopté les « Principes directeurs de l’ONU

relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ». Le Bahreïn, le Qatar et l’Arabie Saoudite siégeaient au Conseil

des droits de l’homme à cette époque, tandis que la Jordanie et la Turquie faisaient partie des coauteurs de la

résolution avalisant les Principes directeurs. Les Principes formulent des directives précises à suivre par les

gouvernements et les entreprises. Avec la quantité de plus en plus importante d’informations disponibles sur

l’impact des entreprises sur les droits de l’homme dans la région MOAN et à l’étranger, il devient plus difficile pour

les entreprises de nier leurs responsabilités. Les entreprises prévoyantes reconnaîtront qu’il est avantageux pour elles

d’éviter les abus des droits de l’homme et de trouver des moyens d’apporter une contribution positive dans ce

domaine.

1. Objet de ce bulletin

Le Centre de Ressources sur les entreprises et les droits de l’homme est une organisation à but non lucratif qui a des

bureaux à Londres et à New York, ainsi que des chercheurs basés dans d’autres régions, y compris au Liban (voir le

point 5 pour plus de détails sur notre travail). Nous espérons que ce bulletin contribuera à inspirer des actions

sérieuses en matière de droits de l’homme de la part des entreprises et des gouvernements de la région.

Les lecteurs souhaitant disposer de plus de renseignements sur les entreprises et les droits de l’homme dans

n’importe quel pays de la région MOAN peuvent visiter la page du pays concerné sur notre site web.

Toute entreprise ou autre organisation qui voudrait apporter des clarifications ou faire un commentaire sur n’importe

quel aspect du contenu du présent bulletin est libre de le faire en contactant les auteurs du rapport. Celui-ci sera

posté sur notre site web (voir la page 21 pour les personnes à contacter).

2. Préoccupations liées aux droits de l’homme au Moyen-Orient & en Afrique du Nord

i. Droits des travailleurs

Le respect de l’ensemble des droits des travailleurs – notamment le droit au travail en soi, la liberté syndicale et les

conditions de travail – demeure un défi dans beaucoup de pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

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Le droit au travail

« Trouver du travail est un long voyage vers l’impossible »

Un participant, atelier de l’ONU sur l’agenda post-2015 pour la jeunesse et l’emploi,

Amman, Jordanie. Citation tirée de « Growth and Employment in the post-2015 Agenda –

Messages from a global consultation », PNUD, septembre 2013

La région MOAN enregistre le des taux de chômage le plus élevé au monde, un fléau qui touche principalement les

jeunes. Un rapport du Forum économique mondial de 2012 affirmait que « 100 millions de jeunes âgés de 15 à 29

ans, soit 30% de la population totale de la région, ont un besoin pressant de garantir leur avenir économique. » En

Tunisie, le chômage enregistre actuellement un taux de 16%, soit une augmentation par rapport à décembre 2010

(12,4%) lorsque le marchant ambulant Tarek al-Tayeb Mohamed Bouazizi s'est immolé par le feu, un événement qui

a été à l’origine du déclenchement de la révolution tunisienne. En Jordanie, le taux de chômage chez les diplômés

d’universités est d’environ 21%.

Le chômage et les emplois précaires peuvent nourrir la colère et le ressentiment. L’industrie pétrolière libyenne fait

fréquemment face à des manifestants revendiquant des emplois pour les populations autochtones et de meilleures

conditions de travail pour ceux qui en ont déjà. Ces manifestations aboutissent souvent à des arrêts de production. À

Alger, la police a réprimé de jeunes manifestants à coup de matraque en mai 2013 alors qu’ils protestaient contre

l’absence de sécurité de l’emploi. Plusieurs de ces manifestants étaient sous contrats provisoires de « pré-

embauche » au titre desquels ils n’avaient pas droit au salaire minimum.

Dans ce contexte, le secteur privé a un rôle essentiel à jouer pour générer desemplois pour les jeunes. Les initiatives

de renforcement des compétences et de promotion de l’entreprenariat se développent dans la région. Le projet

« Éducation pour l'emploi » (EFE), qui rassemble près de 700 partenaires du secteur privé tels que Accenture et

Citi, est une initiative de formation visant à doter les jeunes de compétences dont ils auront besoin dans le monde du

travail. En janvier 2013, le président de Aramex, une société internationale de transport et de logistique dont le

siège est en Jordanie, a créé l’initiative « Corporate Social Entrepreneurship » (entreprises sociales), un projet que

Zain (Jordanie) a rejoint en octobre avec un programme visant spécifiquement à aider les jeunes à démarrer de

petites entreprises. Au Liban, le programme Bader Young Entrepreneurs et Bank Audi ont lancé le « trophée start-

up » pour assister les jeunes entreprises libanaises. Microsoft, à travers le programme « Youth Spark », et

Manpower sont deux autres entreprises ayant mis en place des projets de promotion de l’emploi des jeunes dans la

région MOAN. Ces initiatives sont importantes, mais comme l’a dit un récent article du Guardian « une accélération

fulgurante à grande échelle est nécessaire ».

Liberté syndicale

« J’ai reçu une lettre de licenciement [après la grève]. Je ne sais pas ce qui va se passer

maintenant. Les gens de notre camp attendaient que les autres camps de travail manifestent pour

décider s’ils devaient se lever et faire entendre leur voix…Si nous formons un syndicat et

nommons un leader, ce dernier sera expulsé s’il soumet nos doléances à la direction. L’idée de

se syndicaliser ne marcherait pas ici… »

Un monteur d’échafaudages bangladais travaillant pour Arabtec aux Émirats Arabes Unis, cité

dans l’article « Dubai’s Striking Workers in their Own Words » (« témoignages d’ouvriers

grévistes de Dubaï »), Chris Arsenault, Al Jazeera, 24 mai 2013

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L’OIT a attiré l'attention sur « la violation systématique des principes et droits fondamentaux au travail » dans la

région MOAN, « en particulier ceux qui se rapportent à la liberté syndicale, à la négociation collective et au droit

d’organisation ». Ces droits sont considérés comme des droits qui « permettent d’agir ». Ils sous-tendent plusieurs

autres droits et permettent aux travailleurs de négocier de manière plus équitable pour des conditions et modalités

décentes de travail.

Les évolutions en matière de protection des droits des travailleurs sont restées lentes à la suite des mouvements

politiques déclenchés en 2010 (appelés le Printemps arabe). Après une concertation de 20 syndicats et associations

de travailleurs de six pays de la région MOAN, l’ONG européenne SOLIDAR a rapporté que « Les réactions à la

concertation indiquent clairement qu’en Palestine, en Égypte, au Liban, en Jordanie, en Algérie, en Tunisie et au

Maroc des tendances inquiétantes ont été observées en 2012 et en 2013 concernant la liberté d’association et de

réunion pacifique, la liberté d’expression et d’information et la transition démocratique et le dialogue civil ». Le

Centre de Ressources a insisté sur l’environnement répressif dans lequel évolue l’activité syndicale dans les autres

pays de la région, tels que l’Irak, où la loi sur le travail de 1987, toujours en vigueur, proscrit la syndicalisation,

l’Iran et le Bahreïn. A l’inverse, en janvier 2013, le tribunal national du travail (National Labour Court) d’Israël a,

dans une affaire impliquant Pelephone (une filiale de Bezeq), jugé que les employeurs ne peuvent pas interférer

avec les tentatives des employés de s’organiser. Le jugement énonce que : « L’employeur ne bénéficient pas de la

liberté d’expression, en d’autres termes, de droit de réponse aux employés qui exercent leur droit syndical. Son

intervention dans ce processus fait du tort de façon disproportionnée au processus démocratique interne de ses

employés, auquel il n’est pas partie ».

En Égypte, la création de plusieurs syndicats après la chute de Mubarak a été suivie d’une loi restrictive contre la

syndicalisation sous le règne de Morsi, comme le rapporte le Centre égyptien de services aux syndicats et aux

travailleurs. En avril 2013, une plateforme revendicative des syndicats égyptiens déclarait : « Au lieu de satisfaire

nos doléances, on nous emprisonne, on nous licencie et on refuse de légitimer les syndicats que nous avons créés de

notre propre gré ». À présent que Morsi n’est plus au pouvoir, les syndicats sont inquiets à l’idée que la nouvelle

constitution égyptienne manque à renforcer de manière significative le respect des droits fondamentaux des

travailleurs.

Le Centre de Ressources a tenté d’obtenir les réactions des entreprises face aux allégations de violation du droit à la

liberté syndicale. En mai 2012, un rapport d’Amnesty International décrivait la répression des manifestants

politiques dans la province orientale de l’Arabie Saoudite. Il disait que la compagnie pétrolière Saudi Aramco avait

licencié au moins six employés après qu’ils eurent été arrêtés et suspectés d’avoir pris part aux manifestations. Ils

furent tous remis en liberté sans avoir été inculpés ou reconnus coupables. Mais seul l’un d’entre eux, d’après

Amnesty, fut capable d’obtenir la preuve requise par le gouvernement pour être réintégré à son poste, malgré les

multiples tentatives des autres pour établir leur innocence. Lorsque la chercheuse du Centre de Ressources a tenté

d’entrer en contact avec l’entreprise, qui est une société publique employant à la fois des fonctionnaires et des

contractuels, pour obtenir sa réaction, elle a essuyé un refus sous prétexte qu’il s’agissait d’une « question qui relève

du gouvernement ».

Le Centre de Ressources a obtenu la réaction de la compagnie privée égyptienne Suez Steel concernant l’arrestation

de travailleurs lors d’une grève qui a rassemblé plus de 2000 travailleurs réclamant une augmentation de salaire – les

deux travailleurs ont été relâchés grâce à l’intervention du ministre égyptien du Travail. Le Centre de Ressources a

également obtenu la réponse de la chaîne de supermarchés Spinneys au Liban, dans laquelle l’entreprise a nié

fortement des allégations de licencier des travailleurs pour leurs activités syndicales.

Le Centre a par ailleurs recueilli les réactions de Mondelēz (ex-Kraft) à propos des préoccupations de l’UITA qui

lui reproche de n’avoir pas respecté le droit des travailleurs de se constituer en syndicat dans l’une de ses usines à

Alexandrie, en Égypte, et à l’usine de la Société Tunisienne de Biscuits (SOTUBI) en Tunisie. (Concernant son lien

avec cette dernière, Mondelēz a affirmé que sa participation de coentreprise dans SOTUBI n’est pas importante et

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qu’elle n’a de ce fait pas de contrôle sur les décisions de la direction – mais qu’elle demanderait l’avis de SOTUBI

sur la question). Dans sa réplique de juin 2013 à Mondelēz, l’UITA déclarait:

« Il reste un dernier point à éclaircir, et ce n’est pas une première. Mondelēz a tort de dire “…Nous respectons

totalement les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective de nos employés, et reconnaissons ces

droits en tant que droits fondamentaux internationaux du travail. Nous agissons de bonne foi et dans le strict

respect des lois et règlementations nationales, tant dans la lettre que dans l’esprit”. »

Les « lois et règlementations nationales » servent d’échappatoire à ce qu’énoncent les normes internationales.

Le principe 11 des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme

spécifie clairement que:

« La responsabilité de respecter les droits de l’homme reconnus sur le plan international est une norme de conduite

exigible de toutes les entreprises où qu’elles opèrent. Elle est indépendante de l'aptitude et/ou de la détermination

de l'État à s'acquitter de ses propres obligations en matière de droits de l’homme et ne restreint pas ces dernières.

Elle prévaut en outre sur le respect des lois et règlements nationaux qui protègent les droits de l’homme. »

Ceci souligne une tension fréquente pour les entreprises opérant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi que

dans d’autres régions. Les législations nationales ne satisfont souvent pas aux normes internationales, et dans ce cas,

les entreprises opérant dans un pays sont tenues d’aller au-delà des législations nationales. Dans de rares

circonstances, les législations nationales sont en conflit direct avec les normes internationales. C’est le cas

notamment des pays qui interdisent les syndicats, ou des pays où la discrimination contre les femmes est légalisée.

Le Pacte mondial des Nations Unies a publié une note d'information pour venir en aide aux entreprises dans de telles

situations. La norme de performance relative à la main d'œuvre et aux conditions de travail de la Société financière

internationale (SFI) établit que « lorsque le droit national impose des restrictions importantes en matière de

représentation des travailleurs, le client permettra aux travailleurs de recourir à d’autres moyens d’expression de

leurs griefs et protégera leurs droits en matière de conditions de travail et de modalités d’emploi. Le client ne doit

pas tenter d’influencer indûment ces moyens ou de les contrôler. » Et comme précisé dans les lignes directrices

relatives à la responsabilité sociétale de l’ISO 26000 : « Dans les pays où la loi ou son application sont

profondément en contradiction avec les normes internationales du comportement, une organisation doit veiller à ce

que ces normes soient respectées dans la mesure du possible. »

Inversement, les entreprises ne devraient pas se servir de leur influence sur les gouvernements hôtes pour affaiblir

les lois existantes en matière de travail ou entraver les réformes.

Travailleurs immigrés

« Après cinq mois de travail, j’ai réclamé mon argent, mais ils ne m’ont pas payé. L’[ingénieur de chantier] m’a

dit, “Fais ton travail; je ne te remettrai pas d’argent. Nous te donnerons de l’argent uniquement pour ta

nourriture, 15BD [40 $] pour trente jours.

Je lui ai dit « ne me donnez pas d’argent pour ma nourriture, renvoyez-moi chez moi – j’ai emprunté 80.000

roupies [1705 $] pour ma maison et je dois les rembourser ». Il a répondu, « il n’y a pas d’argent, va au ministère

du Travail, va à l’ambassade, tu n’auras pas ton argent ». »

Sabir Illhai, un ouvrier immigré du secteur du bâtiment, Manama, Bahreïn, cité dans le rapport « For a

Better Life » (« En quête d’une vie meilleure ») de Human Rights Watch

Des centaines de milliers de travailleurs migreront vers le Qatar pour travailler dans des projets de construction dans

le cadre de l’organisation de la Coupe du Monde de 2022, et rejoindront ainsi près de 1,2 million d’ouvriers déjà

présents dans le pays. L’évènement offre une excellente opportunité de faire avancer les réformes sur la manière

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dont les travailleurs immigrés sont traités: aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, en particulier dans les

pays du Golfe arabe. Le Centre de ressources suit les développements liés à cet événement et publie des mises à jour

sur son site. Le Centre met en évidence les démarches entreprises par les principaux acteurs impliqués, notamment

le gouvernement qatarien (comme l’a affirmé Nick McGeehan de Human Rights Watch, le changement au Qatar

doit commencer « au sommet », c’est à dire au niveau du Cheikh Tamim), les ONG internationales et les syndicats,

ainsi que les entreprises (cabinets d’architectes, sociétés de construction, agences de placement). Le rapport de

Human Rights Watch « Construire une meilleure Coupe du Monde » contient des recommandations claires destinées

au gouvernement qatarien, aux pays pourvoyeurs de main d’œuvre, à la FIFA et aux entreprises concernées. La CSI

est en train de mettre en œuvre une campagne mondiale exhortant la FIFA à reprendre le vote de la Coupe du

Monde 2022 si le Qatar n’améliore pas sa performance en matière de droits des travailleurs. Les exemples

d’entreprises qui ont un comportement exemplaire sont tout aussi importants que ceux relatifs aux entreprises qui

maltraitent les travailleurs immigrés. Par exemple, dans son rapport de mission au Qatar, la Fédération internationale

des travailleurs du bâtiment et du bois affirme avoir « observé de bonnes conditions de travail dans le projet de

construction de l’hôpital de Sidra de l’entreprise espagnole OHL et dans le projet norvégien Qatalum, toutes les

deux entreprises ayant des politiques et des pratiques concrètes en matière de protection des travailleurs ».

Les abus susmentionnés vont au-delà du Qatar et s’étendent aux pays du Golfe; et des préoccupations sont soulevées

à ce propos depuis quelques temps. Les questions d’ordre général incluent notamment: le système de parrainage

« Kafala » qui assujettit le travailleur immigré à son employeur et restreint sa capacité à s’organiser, rompre son

contrat ou changer d’employeur; les pratiques de recrutement trompeuses, qui font que les travailleurs sont tenus de

signer de nouveaux contrats à leur arrivée dans le pays hôte qui s'avèrent très différents de ceux qu’ils pensaient

pouvoir signer; la confiscation des passeports des travailleurs; les logements inadéquats; les conditions de travail

dangereuses; les faibles salaires et parfois même leur défaut de paiement. Les cas extrêmes sont la traite de

personnes et le travail forcé. Les statistiques mondiales de 2012 de l'OIT sur le travail forcé font état de 600.000

victimes au Moyen-Orient « prises au piège d’emplois qui leur ont été imposés par la contrainte ou la tromperie et

qu’elles ne peuvent quitter »

Le rapport « For A Better Life » (« En quête d’une vie meilleure ») de Human Rights Watch a documenté les abus

des travailleurs immigrés du secteur de la construction au Bahreïn. Le Centre de ressources a interpellé trois des

entreprises qui s’étaient abstenues de répondre à Human Rights Watch à propos de ce rapport: Al Hamad (Émirats

Arabes Unis) a répondu; les deux entreprises bahreïnies Abdulla Mohammed Ali Mirza Moh’d Taher Al Asfoor

Company et Abdulla Nass n’ont pas répondu. Les deux entreprises ayant répondu à Human Rights Watch sont

Senior Group et GP Zachariades.

En Jordanie, le Centre de ressources a cherché à obtenir la réaction de Century Miracle Apparel aux rapports

faisant état d’un mauvais traitement de main-d’œuvre birmane. Irrawaddy, un canal d’information birman, a

rapporté que les travailleurs grévistes réclamaient de la nourriture respectant la tradition birmane, une augmentation

de salaire et la fin de la discrimination raciale. L’un des manifestants a mentionné le fait que la barrière linguistique

et l’absence de syndicat formel rendaient leur situation plus compliquée. Dans sa réponse, Century Apparel a

indiqué qu’une augmentation de salaire avait été effectuée et que les travailleurs étaient en train de regagner l’usine.

L’article sur Century Miracle fait également référence à l’« invalidité » des agences de placement qui ont recruté les

travailleurs. Les agences de recrutement sans scrupules constituent un rouage important du système de l’exploitation

des travailleurs immigrés au Moyen-Orient. Certains gouvernements des « pays pourvoyeurs » tentent de régler cette

question; par exemple le gouvernement des Philippines tient à jour une base de données sur les agences de

placement, indiquant celles qui détiennent une licence valide et celles qui ont été radiées. Certaines entreprises

prennent également des mesures de manière individuelle. FSI Worldwide est une entreprise basée à Dubaï qui vise

à « faire adopter les bonnes pratiques internationales de recrutement et de gestion des travailleurs immigrés

provenant des pays en développement » sur la base du « principe selon lequel investir dans les ressources humaines

Page 9: Entreprises et droits de l’homme au

9

accroît la productivité ». En janvier 2013, son PDG, Tristan Forster, s’est vu décerner le Business Leaders Award de

la lutte contre la traite des personnes.

Travail des enfants

« Je suis si heureux d’être de nouveau à l’école. Au garage, je travaillais 12 longues heures sous le chaud soleil

sans manger à ma faim. Maintenant, je vais à l’école pour cinq heures environ et je suis libre de passer le reste

de mon temps comme je le souhaite... Quand je serai grand, je voudrais travailler dans l’installation d’appareils

de climatisation. Et je veux qu’on sache que je sais maintenant lire et écrire et que j’ai reçu une éducation. »

Nabeel, ancien enfant travailleur, cité dans « Quitter une enfance au travail - Nabeel adolescent jordanien ne

travaille plus comme mécanicien auto. Il a repris l'école à temps plein », OIT, 14 août 2012

D’après les estimations, environ 9,2 millions d'enfants travailleurs se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du

Nord. En plus du fait que les enfants qui travaillent sont privés d'éducation, beaucoup d’entre eux prennent

également part à des travaux dangereux qui posent des risques graves pour leur santé et leur épanouissement. Les

industries dont les activités peuvent porter atteinte au bien-être des enfants incluent certaines formes d’agriculture, la

construction, l’extraction en carrière et la production de briques. Dans les pays où le tourisme est un secteur

important, comme le Maroc, les garçons et les filles sont exploités pour le tourisme sexuel.

Les pays de la région MOAN luttent contre le travail des enfants à des degrés divers et selon différentes approches.

Par exemple, comme mentionné dans les conclusions des rapports 2012 sur les pires formes de travail des enfants du

département du Travail des États-Unis, en Cisjordanie, l’Autorité palestinienne a modifié la loi sur la protection de

l’enfant pour inclure des peines très sévères pour les violations de la législation sur le travail des enfants. La

Jordanie a approuvé sa première législation nationale sur le travail des enfants. En novembre 2013, le Liban a

procédé au lancement du premier Plan d’action national et de la Stratégie de lutte contre les pires formes de travail

des enfants dans la région. Amorçant leur lutte contre ce fléau, l’Égypte et le Yémen ont publié les résultats des

enquêtes nationales sur le travail des enfants. Le Yémen est en train de mettre en place un Observatoire national des

droits de l’enfant.

ii. Discrimination contre les femmes

« Tout d’abord, certains hommes sont intimidés par une femme forte. Ensuite, d’autres – et je vais tenter d’être

aussi correcte que possible – pensent qu’une relation d’affaires avec une femme devrait être une relation

personnelle. Enfin, il y a des hommes qui sous-estiment les femmes en général, et pensent qu’elles ne sont pas

capables de faire de bons résultats. »

Fida Taher, cadre jordanienne du secteur des médias et fondatrice du site internet de cuisine Zaytouneh, citée dans

« Startup Rising: The Entrepreneurial Revolution Remaking the Middle East » (« Jeunes entreprises – la renaissance

du Moyen-Orient passe par la révolution entrepreneuriale) par Chris Schroeder.

La discrimination à l’égard des femmes est très répandue dans la région MOAN, notamment en milieu de travail.

Comme souligné lors du Forum économique mondial plutôt cette année, « dans la région MOAN, comme partout

ailleurs, des progrès réels, mais lents ont été notés, entravés par les coutumes, les traditions conservatrices et les

attitudes patriarcales. Selon les estimations, seules 20% de femmes en moyenne sont employées à l’extérieur des

foyers dans cette région ». La majorité des femmes actives dans la région MOAN sont dans le secteur public et non

dans le privé. Dans certains pays, les femmes qui travaillent sont stigmatisées. Par exemple au Yémen, beaucoup

d’hommes continuent de penser que les femmes qui travaillent ne sont pas de bonnes mœurs et, de ce fait, sont en

partie responsables lorsqu’elles sont victimes de harcèlement sexuel.

Page 10: Entreprises et droits de l’homme au

10

En septembre 2013, la Fédération internationale des ouvriers du transport a attiré l’attention sur la situation des

femmes travaillant pour les compagnies aériennes basées au Qatar et aux Émirats Arabes Unis. Elle a mentionné le

cas de Qatar Airways qui a établi un contrat d’embauche standard pour des milliers de travailleuses stipulant

que: « l’employée est tenue d’obtenir la permission préalable de la compagnie si elle souhaite changer sa situation

matrimoniale et se marier » ; et qu’« en cas de grossesse, l’employée est tenue de notifier l’employeur dès qu’elle

prend connaissance de son état de grossesse. L’employeur se réserve le droit de résilier le contrat d’embauche à

compter de la date de notification de l’état de grossesse… » Le Centre de ressources a invité Qatar Airways à réagir,

ce que la compagnie a refusé de faire. La Fédération a également mis à l’ordre du jour les préoccupations relatives

aux restrictions à la liberté syndicale imposées par Etihad et Emirates; aucune de ces deux compagnies n’a voulu

réagir à cette dénonciation.

Certaines des plus fortes restrictions aux droits de la femme sont exercées en Arabie Saoudite. De récents articles

publiés dans le pays font état de progrès, mais également d’efforts importants qui restent à faire. Par exemple, le

ministère du Travail promeut de plus en plus l’insertion professionnelle des femmes dans certaines circonstances.

Dans les Directives de 2012, il est dit que les femmes n’ont plus besoin de la permission de leur mari ou de leur

tuteur pour travailler, que les boutiques réservées aux femmes comme les boutiques de lingerie, de cosmétique ou

les parfumeries ne doivent recruter que des femmes, et que les usines devraient employer davantage de femmes.

Cela a suscité un déchainement de réactions; certaines entreprises s'emploient à violer ces règles tandis que les

organisations religieuses cherchent des voies pour les contourner. En octobre 2013, quatre Saoudiennes sont

devenues les premières femmes avocates à recevoir leur licence légale. Auparavant, les femmes qui avaient un

diplôme en droit pouvaient travailler comme consultantes juridiques, mais il leur était interdit de plaider au tribunal

ou d’ouvrir un cabinet d’avocat.

Les entreprises multinationales opérant en Arabie Saoudite tentent de trouver des manières créatives de permettre

aux femmes de travailler. C’est le cas de PepsiCo qui a posté sur son site: « les programmes adaptés favorisent le

progrès. Par exemple, en Arabie Saoudite, où les femmes représentent moins de 5 pour cent de la main-d’œuvre, le

pourcentage le plus faible au monde, nous avons construit des installations de travail qui respectent les coutumes

locales tout en permettant aux femmes de travailler et d’avancer. Notre équipe saoudienne comprend 25 femmes

recrutées en 2011 et 2012 aussi bien pour des fonctions administratives que pour des rôles de premier plan. »

Les initiatives locales tentent également de lutter contre le problème. Glowork est un portail dédié au recrutement

des femmes dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe. Depuis son lancement en 2011, il a placé environ

10.000 femmes et créé des possibilités d’emploi qui ont permis à 500 autres femmes de travailler à la maison. SAS

Holding a acquis Glowork au prix de 16 millions USD en septembre 2013 pour appuyer ses plans d’expansion en

Jordanie et à Oman et la mise en place de services pour les femmes handicapées. En Tunisie, le Centre de la femme

arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR) encourage le dialogue politique sur l’autonomisation

économique des femmes arabes, et met en œuvre divers projets pour leur permettre et leur fournir les moyens de

participer à l’économie. En Israël, le Groupe Strauss et le Réseau des femmes israéliennes publient le rapport Israeli

Catalyst Census qui recense les femmes occupant des postes de cadre supérieur au sein des grandes sociétés cotées.

Pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail et partout ailleurs, un groupe de défenseurs des droits de l’homme

en Égypte a créé « harassmap» afin que les femmes puissent dénoncer de manière anonyme les incidents de

harcèlement sexuel par SMS pour qu’une cartographie des rapports puisse être faite en ligne. Depuis son lancement,

il s’est étendu aux autres pays de la région – le Centre de ressources a publié une vidéo faite par Yara Chehayed de

Nasawiya au Liban qui parle de Harassmap ainsi que de la campagne « Salwa » contre le harcèlement sexuel basée

sur des bandes dessinées dans sa série de vidéos sur les militants des droits de l'homme postées à l’occasion de son

10e anniversaire en 2013.

Les entreprises devraient agir pour mettre fin aux violations des droits des femmes aux abords immédiats du lieu de

travail. Par exemple une étude universitaire conduite en Algérie a révélé que les violences faites aux femmes – y

Page 11: Entreprises et droits de l’homme au

11

compris le viol – étaient particulièrement importantes dans les zones voisines des exploitations des compagnies

pétrolières dans le sud du pays.

Autres formes de discrimination

Les discriminations dans la région s’étendent bien sûr à d’autres groupes que les femmes. En Libye, la richesse

relative du pays tirée du pétrole attire beaucoup de travailleurs migrants originaires des pays d’Afrique. Une fois en

Libye, ils sont souvent victimes d’abus, d’emprisonnement sans motif, d’attaques xénophobes et racistes, comme

rapporté dans les articles tels que « Racisme et révolution » d’Equal Times. En Tunisie, les militants des droits de

l’homme ont demandé à une agence de publicité de financer un projet de lutte contre le racisme en guise de

dédommagement après la création d’une publicité pour Carrefour sur sa page Facebook montrant des footballeurs

tunisiens offrant des bananes à des enfants noirs. En 2012, les militants ont accusé MTV Liban de promouvoir la

haine et l’homophobie après la diffusion d’une émission qui comportait des séquences vidéo en caméra cachée

montrant des hommes dans des cinémas pornographiques à Beyrouth et Tripoli. Dans sa réponse, l’entreprise disait:

« notre objectif était de lutter contre les lieux illégaux et la pédophilie qui sont universellement condamnés, et en

aucune façon contre l’homosexualité. »

iii. Entreprises du secteur des technologies, liberté d’expression et respect de la vie privée

« La société Orange aide le gouvernement à violer la constitution qui consacre la liberté d’expression. Les

journalistes sont déterminés à faire entendre leur voix à n’importe quel prix ».

Basil Okoor, rédacteur en chef, Jo24 (Jordanie) à ANSA, Jordanie: Affrontements lors de la manifestation contre le

blocage des sites internet, 17 juin 2013

Le 17 juin 2013, la police aurait utilisé des matraques et des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe de

journalistes et de militants des droits de l’homme qui protestaient devant le siège de l’opérateur de télécoms Orange

à Amman. Au début de ce mois, le gouvernement avait bloqué l’accès à près de 300 sites d’information en ligne

sous prétexte qu’ils ne détenaient pas de permis valide. Les militants des droits de l’homme l’ont perçu comme un

pas vers la répression des divergences d’opinions, et ont accusé Orange, le principal fournisseur de services internet

dans le pays, de complicité pour s’être soumis à l’ordre de fermeture du gouvernement. Le Centre de ressources a

invité Orange à répondre. Voici sa réponse : « Nous ne souhaitons pas faire de commentaire sur ce sujet ». Jo24, un

des médias présents au cours de la manifestation, a critiqué cette réaction.

L’accès à internet a joué un rôle important dans les mouvements du Printemps arabe, et continue d’être un outil

crucial dans la promotion des droits de l’homme dans l’ensemble de la région. Principalement en raison de son rôle

dans l’autonomisation, il constitue également une cible de la répression des gouvernements, qui peuvent en bloquer

l’accès dans les moments critiques, en censurer le contenu, et suivre les activités des militants en ligne. Les

entreprises peuvent être impliquées à tous ces niveaux. Elles peuvent permettre un meilleur accès à internet ou au

contraire, se conformer aux demandes de blocage, de censure et de surveillance.

Plus tôt en 2011, une coupure des services internet a eu lieu dans les jours qui ont précédé le renversement de

Mubarak en Égypte. Human Rights First a écrit aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs de service

internet présents en Égypte pour leur demander de faire preuve de transparence à propos des demandes du

gouvernement d’interruption des services de communication, la manière dont leurs décisions étaient prises par

rapport à de telles demandes, et les positions des politiques officielles de l’entreprise sur la communication de telles

décisions au public. Le Centre de ressources a interpellé les entreprises sur cette question. LINKdotNet, Noor

Group et Vodafone ont répondu; Etisalat et Telecom Egypt ont refusé de le faire.

Page 12: Entreprises et droits de l’homme au

12

Cinq Libyens torturés sous le régime de Moammar Kadhafi ont intenté un procès en France contre la firme française

de technologies Amesys. Ils prétendent que l’entreprise a fourni au gouvernement libyen du matériel de surveillance

des communications qui a servi à identifier les opposants de Kadhafi qui ont ensuite été emprisonnés et torturés.

Amesys a confirmé avoir conclu un accord avec les autorités libyennes en 2007, mais soutient que le matériel fourni

n’a pas permis la surveillance des lignes téléphoniques. L’entreprise affirme que ses activités sont conformes aux

législations françaises, européennes et internationales. Le Centre de ressources dispose d’un rapport sur ce procès

accessible via son portail sur la responsabilité juridique des entreprises (« Corporate Legal Accountability Portal »)

qui publie des résumés de procès contre les entreprises accusées de violations des droits de l’homme partout dans le

monde.

Les militants des droits de l’homme ont soulevé des préoccupations sur l’utilisation de la technologie fournie par des

entreprises européennes et américaines par les gouvernements iraniens et syriens, pour des motifs d’espionnage des

activités des citoyens sur internet. Le Centre de ressources a cherché une réponse auprès de l’entreprise américaine

Blue Coat, par exemple, sur des allégations d’utilisation de ses produits à cette fin. Dans sa réponse, Blue Coat a

fait référence aux mesures prises par le département américain du Commerce contre les entreprises ayant détourné

ses produits vers la Syrie (notamment Computerlinks FZCO de Dubai) et a apporté des clarifications sur le fait

qu’elle n’a jamais autorisé la vente de ses produits aux pays mis sous embargo par les États-Unis, entre autres

points.

Lorsqu’elle est utilisée à bon escient, la technologie offre évidemment l’accès tant recherché à la communication

dans les régimes répressifs. Lorsque les États-Unis ont délivré une autorisation générale de la levée des sanctions sur

l’exportation des outils de communication personnelle vers l’Iran le 30 mai 2013, la Campagne internationale pour

les droits de l’homme en Iran a dit que « les sociétés technologiques du secteur privé devraient prendre des mesures

immédiates pour faciliter et garantir la disponibilité des articles de communication personnelle aux Iraniens. »

De plus en plus de directives sont formulées à l’endroit des entreprises sur la manière de minimiser leurs violations

des droits à la liberté d’expression et à la vie privée, et d’améliorer leur contribution positive. Global Network

Initiative est une initiative multipartite visant à « protéger et promouvoir la liberté d’expression et la vie privée dans

le secteur des TIC ». En décembre 2013, les entreprises adhérentes étaient Evoca, Facebook, Google, Microsoft,

Procera Networks, Websense et Yahoo!. Le groupe de « dialogue de l'industrie des télécommunications » est une

association de sociétés poursuivant le même objectif – ses membres actuels sont Alcatel-Lucent, AT&T, Millicom,

Orange et TeliaSonera entre autres. Et l’ONG Access a élaboré le « Telco Action Plan – 10 étapes et objectifs de

mise en œuvre pour les sociétés de télécommunications.) », ainsi que le « Telco Remedy Action Plan » avec les

mesures correctives à prendre lorsque les abus se sont produits.

C’est un domaine qui sera probablement soumis à une surveillance renforcée. En 2013, un nouveau projet (Ranking

Digital Rights) a vu le jour; il consiste en l’élaboration d’une méthodologie de classement des plus grandes

entreprises de TIC dans le monde fondée sur leur respect des droits à la liberté d’expression et à la vie privée.

iv. Situations de conflit, d’après-conflit et de tension politique

« Il est décevant de voir les sponsors de Formule 1 ignorer les implications de la course de cette semaine. Tant

que le gouvernement ne fera pas preuve d’engagement véritable pour les réformes promises dans le rapport de

la Commission indépendante d’enquête du Bahreïn, les évènements internationaux tels que le Grand Prix du

Bahreïn ne devraient pas avoir lieu. »

Kathleen Hughes, Index on Censorship, citée dans « Grand Prix du Bahreïn – seuls 29% des entreprises de

Formule 1 réagissent aux préoccupations en matière de droits de l'homme » 18 avril 2012

Page 13: Entreprises et droits de l’homme au

13

La région MOAN est sujette à des tensions politiques qui quelques fois dégénèrent en conflit. Comme stipulé dans

les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme: « certaines des atteintes aux

droits de l’homme les plus graves mettant en jeu des entreprises se produisent au milieu de conflits concernant le

contrôle du territoire, les ressources voire le gouvernement même du pays – situation où l’on ne peut pas attendre du

régime des droits de l’homme qu’il fonctionne comme prévu ». Des études de cas conduites par le Centre de

ressources dans la région MOAN sur des entreprises impliquées dans des préoccupations liées aux droits de

l’homme découlant de situations de conflit, d’après-conflit ou de tension politique sont présentées ci-dessous.

Le conflit syrien

Rosoboronexport n’a pas réagi aux rapports disant qu’il était le principal fournisseur d’armes du régime syrien, et

qu’il risque de ce fait d’être coupable de complicité de crimes contre l’humanité et contre le peuple syrien. Le 30

novembre 2012, le Sénat américain a voté l'arrêt de l’achat d’hélicoptères par le Pentagone auprès de

Rosoboronexport, étant donné son rôle de fournisseur d’armes à la Syrie.

Le Centre de Ressources a également évoqué les rapports faisant état du rôle passé des entreprises de l’Europe de

l’Ouest ayant aidé la Syrie à renforcer son arsenal d'armes chimiques, et de la vulnérabilité des Syriens réfugiés dans

les pays voisins à l’exploitation et au travail des enfants.

La situation de conflit passée en Irak

En Irak, des entreprises militaires et de sécurité privées ont été impliquées dans des violations des droits des civils.

Les anciens prisonniers d’Abu Ghraib cherchent à obtenir des réparations devant les tribunaux américains contre

l’entrepreneur privé CACI pour son implication présumée dans des actes de torture. Selon Courthousenews, une

plainte déposée en septembre 2013 explique « comment les agents de CACI ont placé un poids sur les organes

génitaux d’un détenu, le rendant impotent, et l’ont tellement battu qu’il a partiellement perdu la vue et l’ouïe… Un

autre détenu affirme qu’ils lui ont coupé la langue avec une pince, qu’ils lui ont étroitement noué les organes

génitaux avec un fil épais et lui ont tiré dessus à blanc pour simuler une exécution. Ils lui ont également dit que sa

femme et ses enfants étaient en train d’être torturés dans la pièce voisine. » Concernant l’affaire Al Shimari contre

CACI, d’abord intentée en 2008, le Center for Constitutional Rights a souligné l’importance de l’affaire après la

décision rendue dans l’affaire « Kiobel » par la Cour suprême des États-Unis qui limite les recours judiciaires des

plaignants face à des violations des droits de l’homme commises à l’étranger. « Le jugement dans l’affaire Al

Shimari démontrera clairement qu’après Kiobel, les entreprises américaines peuvent toujours être tenues pour

responsables devant les tribunaux américains des violations flagrantes des droits de l’homme commises à

l’étranger. »

Les familles de 12 hommes tués en Irak et un travailleur ayant survécu ont engagé des poursuites devant un tribunal

fédéral américain contre Kellogg Brown & Root (KBR), un fournisseur de l’armée américaine en Irak, et son sous-

traitant jordanien, Daoud & Partners. Ils déclarent que les 13 hommes étaient initialement recrutés au Népal pour

travailler dans des hôtels et des restaurants à Amman, en Jordanie. Au lieu de cela, ils soutiennent qu’un

représentant de Daoud & Partners a saisi leurs passeports après leur arrivée en Jordanie, et qu’ils ont été plus tard

victimes de traite et acheminés dans une installation militaire américaine en Irak. Douze d’entre eux ont été tués par

des insurgés sur la route vers leur lieu de travail en Irak. Le treizième homme, qui voyageait séparément, aurait été

détenu en Irak pendant 15 mois et soumis au travail forcé dans un entrepôt sous la supervision du KBR. Tandis que

certaines demandes ont été rejetées à la lumière de la décision dans l’affaire Kiobel, d’autres sous le coup de la

législation réprimant la traite ont été instruites et le procès est prévu pour 2014.

Affrontements politiques et répression gouvernementale contre les opposants au Bahreïn

Le gouvernement bahreïni continue de sévir contre ses opposants issus de la majorité chiite du pays. Les groupes de

défense des droits de l’homme se sont exprimés avant le Grand Prix du Bahreïn 2012 sur le fait que cet évènement

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risquait de légitimer les violations sérieuses des droits de l’homme dans le pays. Le Centre de ressources a invité les

équipes, les sponsors et les partenaires impliqués dans la course, à répondre à ces préoccupations et

malheureusement, seuls 29% des 52 firmes interpellées ont répondu. Comme affirmé par le directeur du Centre de

l’époque, Chris Avery, dans un communiqué de presse: « C’est le taux de réaction le plus bas au monde. Et les

réponses que nous avons reçues dénotent d’une rare incapacité à faire des observations sur les préoccupations

soulevées en matière de droits de l’homme. » (Note: comme il est expliqué dans l’introduction de l’Annexe 2, ces 52

interpellations d’entreprises évoluant dans la Formule 1 au Bahreïn pour des réponses ne sont pas incluses dans nos

chiffres globaux sur les réponses/absences de réponse des entreprises aux allégations étant donné que cela aurait

biaisé les résultats au vu du nombre proportionnellement élevé d’entreprises interpellées sur une question dans un

pays).

Le Centre a également obtenu des réponses des entreprises de relations publiques aux préoccupations de Bahrain

Watch relatives à leur travail visant à améliorer l’image du gouvernement du Bahreïn dans les médias occidentaux,

et des systèmes BAE concernant l’intention du Royaume-Uni de vendre des jets Typhoon de l’entreprise au Bahreïn

en dépit de son bilan en matière de droits de l’homme.

Israël et la Palestine – implications des entreprises dans les territoires occupés

L’un des procès présentés dans le portail sur la responsabilité juridique des entreprises du Centre de ressources a été

intenté par l’Association France Palestine Solidarité et l’Organisation de libération de la Palestine contre Alstom et

Veolia dans un tribunal français en 2007. La poursuite alléguait qu’à travers leur participation à un consortium pour

la construction et l’exploitation d’un rail léger à Jérusalem, les entreprises violaient le droit international en aidant et

en encourageant l’occupation israélienne de la partie Est de Jérusalem conquise durant la guerre de six jours de

1967. Finalement, l’affaire a été rejetée en mars 2013; entre-temps le tramway a commencé à fonctionner. Toutefois,

certaines ONG continuent de lancer des appels au boycott d’Alstom et de Veolia; et en novembre 2013, le grand

fonds de pension américain TIAA-CREF a rayé Veolia de son fonds de choix social.

Ce n’est là qu’un exemple des nombreuses affaires dans lesquelles des préoccupations sont soulevées concernant les

entreprises actives dans les Territoires palestiniens occupés. Les entreprises auprès desquelles le Centre de

ressources a recueilli des réponses concernant cette question sont citées dans l’annexe A. Parmi elles, figurent la

société de cosmétique Ahava, réagissant au rapport d'Al-Haq « Pillage de la mer morte » qui allègue que Ahava et

les autres sociétés violent les conventions de Genève en utilisant des minéraux provenant de la Mer morte; la société

de construction Africa Israel réagissant aux photos montrant la présumée implication de sa filiale dans la

construction d’établissements illégaux dans les Territoires occupés en dépit d’une déclaration antérieure selon

laquelle elle n’y était pas impliquée; l’Autorité nationale israélienne de l’eau au nom de la société nationale

Mekorot par rapport aux allégations de discrimination dans l’accès à l’eau dans les Territoires palestiniens occupés

et la société de construction Africa Israel réagissant aux photos montrant la présumée implication de sa filiale dans

la construction d’établissements illégaux dans les Territoires occupés selon des ONG, en dépit d’une déclaration

antérieure selon laquelle elle n’y était pas impliquée. Africa Israel a déclaré : « Nous avons été surpris d’apprendre

que l’on puisse considérer Gilo Neighborhood qui est l’une des communautés les mieux implantées au cœur de

Jérusalem, comme étant "une colonie de peuplement dans la Cisjordanie", nous pensons qu’une définition aussi

large est erronée ».

Il y a eu de nombreux rapports soulevant des préoccupations relatives aux activités de la société de sécurité privée

G4S à l'intérieur d’Israël et dans les Territoires palestiniens occupés; le Centre de ressources a pu recueillir la

réaction de la compagnie. En 2013, la société G4S a déclaré la résiliation de ses principaux contrats d'ici 2015 face

au mouvement de protestations contre ses opérations en Cisjordanie.

Au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, les agences de développement, les syndicats, les groupes

religieux et d’autres acteurs ont fait pression sur les supermarchés pour qu’ils arrêtent de s’approvisionner en

produits alimentaires auprès des colonies israéliennes. Tel qu’indiqué par le Conseil œcuménique sur la

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responsabilité des entreprises en mars 2013, le travail sur le terrain effectué par ses membres « a montré la manière

dont ces colonies et leurs infrastructures ont bafoué les droits humains des Palestiniens et rendu la vie économique et

sociale ‘normale’ presqu’impossible ». Un facteur contribuant à soutenir les colonies est la présence d’entreprises de

production et de transformation d’aliments et d’entreprises agricoles – dont les produits finissent dans les rayons des

magasins européens. Suite à cette pression, plusieurs supermarchés du Royaume-Uni, y compris Marks & Spencer

et Co-operative, se sont engagés à ne pas s’approvisionner sciemment auprès des colonies, toutefois d’autres tels

que Tesco (tel qu’indiqué dans les rapports d’ECCR) ne l’ont pas fait. Le 19 juillet 2013, l’UE a publié de nouvelles

directives sur l’éligibilité des entités israéliennes travaillant dans les colonies israéliennes en Palestine au

financement de l’UE.

Il existe des exemples d’initiatives de renforcement de la paix par les sociétés israéliennes et palestiniennes. Par

exemple un partenariat entre les entrepreneurs israéliens et palestiniens dans le secteur des technologies, un

concours « Entreprise pour la paix » ainsi qu’une initiative baptisée « Sortir de l'impasse » présentée lors du Forum

économique mondiale en Jordanie en mai 2013.

Le Maroc et le Sahara occidental

Des organisations telles que Western Sahara Resource Watch ont exhorté les entreprises à cesser leurs relations

commerciales avec les entreprises ou les autorités marocaines dans le Sahara occidental jusqu’à ce que le différend

territorial entre le Maroc et le Sahraoui soit résolu. Le Centre de ressources a obtenu les réactions de certaines

entreprises sur leurs activités dans le Sahara occidental; il s’agit entre autres de Siemens à propos de son implication

dans le projet de parc éolien Foum El Oued, et de Kosmos Energy concernant ses activités d’exploration offshore

dans le bloc du Cap Boudjour. Il a également mis en évidence un accord conclu en juillet 2013 entre un groupe de

soutien du Sahraoui en Norvège et la société norvégienne de pêche Sjøvik AS opérant au Sahara occidental, à la

suite des négociations organisées par le Point de contact national des directives de l’OCDE en Norvège. Dans sa

déclaration finale sur l’affaire, le PCN souligne « qu’il existe une forte obligation de diligence raisonnable pour les

entreprises en ce qui concerne les violations des droits de l’homme, lorsqu’elles opèrent dans où à partir des zones

de conflit, pour le cas présent dans le territoire non autonome du Sahara occidental qui fait l’objet d’un conflit ».

v. Pollution environnementale et répression des manifestations y afférentes

« Le Habi Center for Environmental Rights [en Égypte] considère l’utilisation de la Loi sur la Brutalité par les

entreprises polluantes pour terroriser les citoyens qui défendent leurs droits environnementaux comme une

tendance importante et dangereuse. Cela montre la nécessité de reconsidérer ou d’éliminer la loi répressive

parce qu’elle constitue une menace pour le droit des citoyens de manifester et pour leur droit de réunion

pacifique. »

“Environmental rights and the Thuggery Law”, Habi Center for Environmental Rights, 15 juillet 2013

Comme dans beaucoup de régions, certaines entreprises de la région MOAN profitent de faibles coûts de production

et des normes environnementales peu exigeantes – la pollution causée peut entrainer une réduction de la

disponibilité en eau potable, ainsi qu’une perte des terres cultivables, et peut être nocive pour la santé.

En juillet 2013, le Habi Center for Environmental Rights en Égypte a écrit des lettres ouvertes à l’entreprise Helwan

Fertilizers alléguant qu’elle polluait son voisinage à Arab Abu Saa’id et qu’elle avait recours à la « Loi sur la

Brutalité » pour faire taire les personnes qui protestaient contre la pollution. Habi Center déclare qu’il « considère

l’utilisation de la Loi sur la Brutalité par les entreprises polluantes pour terroriser les citoyens qui défendent leurs

droits environnementaux comme une tendance importante et dangereuse ». Le Centre de Ressources a obtenu une

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réponse de Helwan Fertilizer, qui a été suivie d’une réplique de Habi Center remettant en question l’affirmation de

la société qui déclare respecter les droits de la communauté à la santé et à la réunion pacifique, et d’une autre

réponse de l’entreprise. Dans ses déclarations, Helwan Fertilizer dit que ses émissions sont plus basses que les taux

autorisés par la loi, et qu’il s’agit d’un progrès par rapport à celles de l’usine de coke de pétrole implantée

précédemment au même endroit, et ajoute que les manifestants étaient motivés par des appels pour un emploi. Elle a

déclaré avoir fait valoir le titre juridique auprès de ces derniers parce qu’ils avaient « essayer d’empêcher nos

voitures et nos employés d’accéder à l’usine, et avaient brulés des pneus de voiture à l’entrée de l’entreprise ».

La Tunisie serait le cinquième plus grand exportateur de phosphate du monde. Comme le rapporte Deutsche Welle,

« l’exploitation du phosphate est donc un pilier de l’économie nationale, mais elle se fait au détriment de

l’environnement » ; l’article décrit la manière dont une usine de la ville côtière de Gabes rejetterait 13 000 tonnes de

substances polluantes dans la mer chaque jour. La Tunisie prévoit également d’utiliser la fracturation hydraulique,

connue sous le nom de « fracking » pour mettre en valeur les gisements de gaz naturel. Le Centre de ressources a

obtenu une réponse de Shell concernant les manifestations contre son projet de fracturation dans le pays. Dans sa

réponse, Shell a déclaré qu’elle « soutient le droits des tunisiens à s’engager dans des discussions au sujet du

développement gazier à terre… » et qu’elle « espère éclairer une conversation rationnelle et factuelle avec les

tunisiens, sur les avantages d’un développement énergétique sûr et responsable ».

Au Yémen, une marée noire causée par un déversement provenant d’un navire pétrolier dans les eaux côtières a

provoqué des manifestations dans la zone de Mukalla. Les riverains alléguaient qu’ils éprouvaient des difficultés

respiratoires dues aux émanations inhalées, et craignaient que l’incident ne porte préjudice à l’industrie de la pêche

locale.

En novembre 2013, Greenpeace et CEE Bankwatch Network ont publié le rapport « Black Clouds looming – How

Turkey’s coal spree is threatening local economies on the Black Sea » (« Le ciel s’assombrit – Comment la frénésie

du charbon en Turquie menace les économies de la Mer noire »). Le rapport cite les chiffres de World Resources

Institute, selon lesquels la Turquie prévoit 50 centrales thermiques au charbon ; elle se classerait donc au premier

rang des pays de l’OCDE qui investissent dans de nouvelles centrales de charbon et au quatrième rang mondial,

derrière la Chine, l’Inde et la Russie. Le rapport indique que les impacts sociaux et environnementaux de cet

investissement dans le charbon ne sont pas correctement évalués, les préoccupations publiques ne sont pas

sérieusement prises en compte et peu d’informations sur les projets sont communiquées. De même, en Egypte, dix

organisations, y compris Egyptian Initiative for Personal Rights et Egyptian Center for Economic and Social Rights

ont publié une déclaration en novembre faisant part de leurs préoccupations quant à la promotion du charbon en tant

qu’alternative au gaz naturel dans les usines de ciment et de céramique.

Certains gouvernements sont en train de prendre des mesures importantes pour lutter contre la pollution. À Zanjan,

Iran, des manifestants sont descendus deux fois dans les rues pour protester contre la pollution de l’air et des eaux

souterraines par une usine de plomb – le gouvernement a réagi en fermant l’usine. Et en Jordanie, par exemple, le

ministère de l’Environnement a fermé 50 usines et infligé 3820 amendes aux autres qui ne se sont pas conformées

aux règlementations durant le mois de mars 2013 seulement.

La sécurité publique est étroitement liée à la gestion de l’environnement. En juin 2013, un tribunal du Qatar a

condamné cinq personnes à une peine d’emprisonnement en relation avec l’incendie du centre commercial de

Villaggio de mai 2012, dans lequel 19 personnes ont péri dont 13 enfants et deux pompiers. Parmi les condamnées

figurent deux copropriétaires de la pouponnière et de la garderie qui ont pris feu, et les membres de la direction du

centre commercial. À Bagdad, cinq personnes sont mortes en mars 2013, lorsqu’un « restaurant flottant » haut de

gamme appartenant au Lebanese Family Club a coulé dans le Tigre – environ 150 personnes étaient à bord, tandis

que le restaurant avait une capacité maximale de 100 personnes. Le Centre de Ressources a invité l’entreprise à

réagir, mais elle ne l’a pas fait.

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vi. Entreprises du Moyen-Orient opérant à l’étranger

« Nous croyons que les trois quarts des habitants de la vallée inférieure de l'Omo seront déplacés. Seule une

fraction de la population locale sera mise à contribution dans le travail journalier éreintant. Donner ces grandes

parcelles de terre à des investisseurs privés expose les communautés traditionnelles à une grave insécurité

alimentaire et à des conflits, et restreint leur liberté de mouvement avec leur bétail comme elles avaient

l’habitude de le faire par le passé. »

Représentant de la basse vallée de l’Omo dans la région de Gambela en Éthiopie, où des bandes de terre ont été

achetées par des investisseurs du Golfe arabe et d’ailleurs, cité dans « Ethiopia’s Land Grabs: Stories from the

Displaced », Nyikaw Ochalla, IC Magazine, 17 octobre 2013

Certaines entreprises du Golfe sont en train d’investir massivement dans de vastes bandes de territoire à l’étranger

afin de répondre à leurs besoins nationaux en nourriture et en eau. Ces investissements peuvent parfois conduire à de

graves violations des droits de l’homme et à des risques pour les populations locales, y compris des déplacements

massifs, la perte des moyens de subsistance, la perte d’accès à la nourriture et aux réserves d’eau potable. L’ONG

Grain gère un site web www.farmlandgrab.org sur lequel elle suit les développements ainsi que les acteurs

impliqués. En 2012, par exemple, Grain a rapporté qu’une nouvelle plantation de la région de Gambela en Éthiopie

appartenant au milliardaire basé en Arabie Saoudite Mohammed al-Amoudi était irriguée avec de l’eau dérivée du

fleuve Alwero. Comme le décrit le rapport : « Des milliers de personnes dépendent de l’eau du fleuve Alwero pour

leur survie et les projets d’irrigation d’Al-Moudi pourraient compromettre leur accès à cette eau. En avril 2012, les

tensions liées au projet ont débordé lorsqu’un groupe armé a tendu une embuscade aux opérations de Saudi Star

Development Company d'Al- Amoudi, causant la mort de cinq personnes ». Les autres pays qui acquièrent des

terres à l’étranger sont le Bahreïn, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, la Libye et le Qatar.

En mai 2012, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a adopté des directives mondiales

pour les gouvernements sur le foncier, et sur les droits des personnes à posséder ou à accéder à la terre, aux pêches

et aux forêts, en partie en raison des préoccupations internationales concernant « l’accaparement des terres ».

Dans un secteur complètement différent, le Centre de ressources a interpellé la société de télécommunications du

Qatar Ooredoo pour recueillir sa réaction en réponse à l’invitation de Human Rights Watch à veiller à ce que les

mesures pour le respect des droits de l’homme soient en place pour sa nouvelle licence de télécommunication au

Myanmar. L’invitation et la réponse d’Ooredoo sont ici (ainsi qu’une réponse de la société norvégienne Telenor à

qui une licence à été également accordée au Myanmar).

3. Possibilités relatives aux entreprises et aux droits de l’homme dans la région MOAN

En dépit des défis susmentionnés, il existe de nombreuses possibilités pour que la relation entre les droits de

l’homme et les entreprises devienne plus solide dans la région :

Les efforts et initiatives existants en matière de responsabilité des entreprises créent des possibilités

d’engagement en faveur des droits de l’homme. Certains pays de la région tels que les États du Golfe, l’Égypte et

l’Irak disposent de réseaux locaux du Pacte mondial des Nations Unies en vertu duquel les entreprises s’engagent à

respecter 10 principes dont deux portent sur les droits de l’homme. Les fondations d’entreprises accordent une

attention croissante à la responsabilité des entreprises. Dans le cadre de la quatrième conférence sur la responsabilité

des entreprises de Doha en mai 2013, Rubina Singh écrivait dans le Gulf Times : « un mariage entre les entreprises

et les droits de l’homme n’est pas seulement important, mais indispensable. Les droits de l’homme sont fondés sur la

dignité de chaque individu ; il s’agit des droits et des libertés auxquels tous les êtres humains peuvent se prévaloir.

Les entreprises font partie de la société au même titre que les autres et ont par conséquent une part de

responsabilité ».

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La communauté universitaire a un rôle important à jouer. En juin 2013, le Projet de protection de l’École des

hautes études internationales (SAIS) de l’Université Johns Hopkins a organisé une conférence sur la responsabilité

sociétale des entreprises au Moyen-Orient, à Istanbul. Parmi les universités participantes firguraient notamment

l’Université Arabe de Beyrouth et l’Université Beheshty de Téhéran. La 2e conférence annuelle régionale sur le sujet

sera organisée par l’Université de Jerash, en Jordanie, les 20 et 21 avril 2014.

Certaines commissions nationales des droits de l’homme sont en train de prendre des mesures concernant les

entreprises et les droits de l’homme. La commission nationale des droits de l’homme du Maroc, par exemple, a

récemment publié un rapport sur les migrants dans le pays, y compris les travailleurs immigrés, et a participé à un

évènement à Casablanca en juillet 2013 sur le thème « les droits de l’homme au sein des entreprises – de quoi s’agit-

il? ». Et lorsque la commission nationale jordanienne des droits de l’homme a accueilli la 11e Conférence biennale

internationale des INDH en novembre 2012, l’un des évènements parallèles a porté sur l’impact des entreprises sur

les femmes et les enfants.

Les évènements internationaux mettent en lumière la situation de la région : Comme décrit ci-dessus, des

évènements tels que le Grand Prix du Bahreïn et la Coupe du Monde de football 2022 au Qatar attireront l’attention

des médias sur les questions relatives aux droits de l’homme, et renforceront la pression et les incitations au

changement. Ces évènements mettront un accent particulier sur le comportement des entreprises concernées, ainsi

que sur la règlementation et la protection adéquates fournies par les États aux travailleurs et aux communautés

concernés.

Recrudescence des mouvements de protestation : Tandis que l’activisme et les protestations font encore l’objet

d’une forte répression dans plusieurs pays de la région, les mouvements politiques qui ont commencé avec la

révolution tunisienne ont renforcé la détermination de nombreuses personnes à demander – et à continuer de

demander – le respect de la justice et des droits de l’homme.

La présence croissante des entreprises de la région MOAN à l’étranger expose ces entreprises à des examens

plus approfondis et aux attentes en matière de droits de l’homme dans les pays où elles opèrent.

Les médias sociaux offrent une plateforme aux préoccupations et permettent aux organisations de former des

réseaux, en dehors des médias traditionnels qui font souvent l’objet de censure et de restrictions. Ils offrent

d’énormes possibilités au mouvement pour les droits de l’homme relatifs aux entreprises, ainsi que dans d’autres

domaines des droits de l’homme et de la justice sociale.

De plus en plus de directives internationales sont mises en place pour les entreprises et les gouvernements sur les

questions relatives aux entreprises et aux droits de l’homme, et sont disponibles en plusieurs langues y compris en

arabe et en français. Ces directives incluent notamment les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux

entreprises et aux droits de l’homme qui ont été adoptés par consensus par le Conseil des droits de l’homme en

2011. Le Bahreïn, le Qatar et l’Arabie Saoudite siégeaient au Conseil des droits de l’homme lorsque les Principes

directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ont été adoptés, tandis que la Jordanie

et la Turquie font partie des coauteurs de la résolution approuvant ces Principes. Certaines grandes entreprises

transnationales, telles que Microsoft, Anglo American, et Adidas ont élaboré des plans pour mettre en œuvre les

Principes directeurs dont certains sont actuellement disponibles en arabe et en français. En outre, les lignes

directrices de l’ISO 26000 sur la responsabilité des entreprises comptent les droits de l’homme parmi leurs sept

domaines prioritaires.

4. Recommandations pour les entreprises et les gouvernements

Trois recommandations pour les entreprises

1. Adopter et mettre en œuvre une déclaration de sa politique sur les droits de l’homme

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S’engager publiquement en faveur des droits de l’homme est une étape préliminaire, mais importante. De

nombreuses entreprises l’ont fait. Le Centre de ressources tient une liste ouverte des politiques des entreprises

relatives aux droits de l’homme sur son site web – il intègre les ajouts proposés à cette liste. Le Principe 16 des

Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme porte expressément sur la

nécessité d’établir une politique sur les des droits de l'homme. Parmi les actions pour respecter et mettre en œuvre

cette :

i. Évaluer et gérer les impacts sur les droits de l’homme de l’ensemble des activités de l’entreprise. Lors de la

formulation des arguments en faveur de ce processus au niveau interne, cette note d’information pourrait être utile:

« Ce que les cadres doivent savoir (et faire) en matière des droits de l’homme ».

ii. Respecter les normes internationales en matière de droits des travailleurs. Les Principes fondamentaux de l’OIT

sur les droits au travail couvrent les questions telles que la liberté syndicale, l’élimination du travail forcé, l’abolition

effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en milieu de travail. Les entreprises doivent

appliquer les normes internationales en tant que références même lorsque les lois nationales sont en deçà.

iii. Assurer des procédures éthiques de recrutement et d’emploi des travailleurs immigrés. Cela s’applique aux

entreprises qui emploient directement les travailleurs immigrés, et celles qui bénéficient de leur travail. Les

directives sur le recrutement éthique des travailleurs immigrés sont disponibles ici – y compris les Principes de

Dhaka pour la migration digne qui sont disponibles en plusieurs langues, notamment en arabe, en anglais et en

français.

iv. Autonomiser les femmes en milieu de travail. Tout mettre en œuvre pour s’assurer que les femmes ne soient pas

victimes de discrimination en milieu de travail, et si possible aider à générer des possibilités d’emploi pour les

femmes. Envisager de signer les Principes relatifs à l’autonomisation des femmes. En décembre 2013, plus de 600

PDG ont signé la déclaration des PDG de soutien aux Principes. Les entreprises signataires dans la région MOAN

comprennent BLC Bank au Liban, Chemical Industries Development, Orascom et SEKEM en Egypt, ainsi que

Mazaya Investment Group dans les territoires palestiniens occupés.

v. Éviter toute complicité dans les violations des droits de l’homme perpétrées par les gouvernements. Plusieurs

risques de violation des droits de l’homme pour les entreprises de la région MOAN découlent de leur complicité

dans les violations perpétrées par les gouvernements. La complicité est interprétée à la fois de façon juridique et

non-juridique. Comme l’a décrit l’ONU, pour déterminer si l’entreprise a été complice d’abus perpétrés par le

gouvernement ou tout autre tiers, « l’opinion publique place la barre plus bas » que les définitions juridiques.

2. Les entreprises du secteur des technologies devraient s’efforcer d’agir conformément aux principes

suivants : la liberté d’expression, le respect de la vie privée, et la non-répression.

Cela permettra de maximiser leur impact positif sur les droits de l’homme et d’éviter les violations. Un nombre

croissant de directives est disponible pour cela, notamment les principes de la « Global Network Initiative »

(Initiative mondiale des réseaux TIC), le « Groupe de dialogue de l'industrie des télécommunications », le « Telco

Action Plan » élaboré par l’ONG Access et les Principes internationaux relatifs à l’application des droits de

l’homme à la surveillance des communications.

3. Se tenir informé

Les entreprises auront un avantage si elles restent au fait de l’actualité internationale dans le domaine des entreprises

et des droits de l’homme, des risques potentiels, et de ce que font les entreprises intervenant dans leur secteur

d’activité. Le Centre de Ressources encourage les entreprises à souscrire à son service gratuit d’information

hebdomadaire par courriel, à utiliser son site web pour suivre des questions particulières, et à le contacter pour

communiquer leurs informations sur le site du Centre de Ressources. La transparence est un élément important pour

un plus grand respect des droits de l’homme.

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Trois recommandations pour les gouvernements

1. Revoir les lois et règlementations nationales existantes afin de s’assurer qu’un cadre global est mis en

place pour la protection contre les abus par les entreprises, et renforcer les lois si nécessaire. Les actions à

entreprendre sont:

i. S’assurer que les entreprises opérant sur le territoire national ne violent pas les droits de l’homme, en mettant en

œuvre et en respectant les lois en vigueur – et veiller à ce que les tribunaux puissent rendre justice et offrir un moyen

de recours pour les abus. En outre, faire le nécessaire afin d’empêcher les atteintes qui seraient commises à

l’étranger par des entreprises commerciales relevant de leur juridiction. La section sur « l’obligation de protéger les

droits de l’homme incombant à l’État » des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux

droits de l’homme énonce clairement les lignes directrices pour les gouvernements.

ii. Des mesures supplémentaires devraient être prises pour empêcher les violations des droits de l’homme par les

entreprises publiques, notamment en veillant à ce qu’elles exercent une « diligence raisonnable en matière de droits

de l’homme » pour évaluer, gérer et communiquer leurs impacts sur les droits de l’homme, et qu’elles fassent preuve

de leurs qualités de leader auprès des autres entreprises.

iii. S’assurer que seules les entreprises qui ont un bilan positif en matière de droits de l’homme et qui payent un

salaire de subsistance soient invitées à soumissionner aux marchés publics.

iv. Envisager l’adoption d’« un plan d’action national » relatif aux entreprises et aux droits de l’homme. La Table

ronde internationale sur la responsabilité des entreprises et l’Institut danois des droits de l'homme sont en train

d’élaborer une boîte à outils pour guider les gouvernements dans ce projet. Le gouvernement britannique a

communiqué publiquement son propre plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits de l’homme en sept

langues en septembre 2013.

2. Renforcer la liberté d’expression et d’association. Il s’agit là des droits fondamentaux dont les autres dérivent.

De réels progrès en matière de droits de l’homme ne peuvent être réalisés si les victimes ont peur de s’exprimer sur

les violations et si les travailleurs ne peuvent s’organiser sans crainte de représailles.

3. Renforcer la protection des travailleurs, notamment celle des travailleurs immigrés. Cela peut être fait par

les gouvernements de manière individuelle, mais également en collaboration avec les gouvernements des pays

« pourvoyeurs ». Les mesures à prendre consistent à respecter les normes internationales sur les droits des

travailleurs ; à accorder aux travailleurs la liberté de mouvement et le droit de former des syndicats ; à s’assurer que

des procédures de réclamation efficaces soient mises en place ; et à exiger des pratiques de recrutement équitables

par les agences de placement.

5. À propos du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme

Le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme est une organisation indépendante à but non

lucratif disposant d’une bibliothèque en ligne de premier plan sur les entreprises et les droits de l’homme :

www.business-humanrights.org.

Le site web publie des rapports sur les impacts (positifs et négatifs) sur les droits de l’homme qui couvrent plus de 5

000 entreprises dans plus de 180 pays, et fournit des outils d’orientation et des ressources à tous ceux qui travaillent

dans ce domaine. Ses chercheurs sont basés en Afrique du Sud, au Brésil, en Colombie, aux États-Unis, à Hong

Kong, en Inde, au Kenya, au Liban, au Myanmar, au Royaume-Uni, au Sénégal, en Thaïlande et en Ukraine.

Mary Robinson, ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et Présidente d’Irlande,

préside le Comité consultatif international du Centre. Le Centre de Ressources a récemment été choisi par

l’Université du Connecticut pour recevoir le Prix Dodd 2013 pour la justice internationale et les droits de l’homme,

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une distinction créée « pour honorer des personnes et des organisations exceptionnelles qui ont fait un effort

considérable pour faire avancer la cause de la justice internationale et des droits de l’homme à l’échelle mondiale ».

Le Centre n’accepte aucun financement des entreprises ou des fondations d’entreprise afin de maintenir son

indépendance et d’éviter toute perception possible de conflit d’intérêts.

Mission : Encourager les entreprises à respecter et à promouvoir les droits de l’homme et à éviter de nuire aux

individus. Pour ce faire il promeut:

La transparence – trouver, collecter et diffuser au public mondial des informations sur le

comportement positif ou négatif des entreprises ;

La responsabilité publique – aider la société civile à inciter les entreprises à prendre en compte

les préoccupations ; solliciter des réponses des entreprises, et attirer l’attention sur la réponse de

chaque entreprise – ou le manque de réaction ; et

La prise de décisions éclairées – mettre à la disposition de la société civile, des entreprises et

d’autres parties prenantes une plateforme de pointe de ressources d’orientation et d’outils dans le

domaine des entreprises et des droits de l’homme.

Trouvez plus d’informations sur le travail du Centre de Ressources en cliquant ici: www.business-

humanrights.org/Aboutus.

6. Auteurs du rapport

Rania Fazah, chercheuse sur le Moyen-Orient, Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme

(basée à Beyrouth, Liban) : [email protected]

Sa’eda Al-Kilani, consultante en matière de droits de l’homme (basée à Amman, Jordanie) : [email protected]

Annabel Short, directrice de programme, Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme (basée

à New York) : [email protected]

Et sincères remerciements à Zahra Akkerhuys ([email protected]) et à Amal Sleiman pour leur aide dans

la sensibilisation médiatique sur le présent bulletin d’information - et au service de traduction Transterp (Dakar,

Sénégal) pour la traduction de ce bulletin en français.

Note de remerciement: Le travail du Centre de Ressources n’aurait pas été possible sans la collaboration des

organisations de la société civile locales et internationales et celle des journalistes qui veillent à ce que les rapports

sur les impacts réels des entreprises sur la vie des populations touchées soient publiés.

Nous espérons pouvoir continuer la collaboration avec toutes les parties prenantes pour promouvoir le respect des

droits de l’homme par les entreprises dans la région MOAN.

Annexe A: Réaction et non-réaction des entreprises aux allégations d’abus des droits de l’homme

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