EncEintE acoustiquE multi-amplifiéE 3...

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ENCEINTE ACOUSTIQUE MULTI-AMPLIFIÉE 3 VOIES Conception et réalisation Philippe Daussin L orsque mes bonnes vieilles enceintes Chorus Jean-Ma- rie Reynaud décidèrent de déclarer forfait, j’étais forte- ment résolu à fabriquer moi- même leurs remplaçantes. Non seulement, à performances égales, le coût serait nette- ment moindre, mais à cela s’ajouterait le plaisir de faire par soi-même. A l’époque, loin de m’éclairer sur certains points, mes nom- breuses lectures de la revue «Le Haut-Parleur» et de docu- mentations puisées sur Inter- net avaient plutôt tendance à créer une certaine confusion dans mon esprit. Cependant, il m’apparaissait, aux dires de ce magazine auquel j’accordais une grande confiance, que la solution de l’enceinte dite «active multi- amplifiée», malgré la nécessité de posséder les connaissances ad hoc, était un met de choix, mon activité professionnelle de technicien électronicien, qui plus est passionné d’audio, me permettant d’envisager de mener à bien pareille réalisation. Restait que les garanties de réussite «sonore», dirons-nous, de ce projet a priori, étaient pour le moins aléatoires, en clair je risquais de me planter et de réaliser d’onéreuses casseroles. Les avis et la réflexion au secours d’un projet D’emblée j’optais pour des enceintes à 3 voies, le registre grave étant grand consommateur de puissance, il me parais- sait indispensable de l’isoler du registre médium-aigu afin de laisser ce dernier respirer librement. Comme je le disais précé- demment, mes nombreuses lectures m’avaient quelque peu embrouillé, particulièrement quant au choix de la «charge» du haut-parleur de grave, celle-ci conditionnant le rendu sonore du registre des basses fréquences. Après moult tergiversations et avoir recueilli l’avis de revendeurs spécialisés dans la réali- sation d’enceintes acoustiques en kit, j’optais pour la solution «basique» de l’enceinte close, présentant néanmoins l’intérêt de restituer un grave ferme et nerveux plaisant beaucoup aux amateurs de musique classique bien que n’explorant pas toujours les très basses fréquences. Cependant, j’avais sur ce dernier point quelques idées (que j’avais partiellement mises en pratique auparavant) dont j’espérais qu’elles por- teraient leurs fruits. Les choix généraux étant maintenant fixés, venait le temps de passer au choix des transducteurs. Les «lumières» d’un sympathique revendeur lyonnais Déçu par un revendeur parisien spécialisé qui tenait visiblement plus à m’imposer ses goûts que de prendre en considération les miens, je me tournais alors vers la succursale lyonnaise de «La maison du haut-parleur». Après m’avoir écouté lui faire part de mon projet, le sympa- thique et très avisé conseiller technique de cette maison me suggéra d’utiliser pour le grave le dernier boomer mis sur le marché par le fabricant français de haut-parleurs «Audax», un joli bébé de 24 cm de diamètre, référencé HT240Z0DB, dont les qualités avaient fait que FNAC venait d’en acqué- rir 10 paires… Comme l’animal répondait à mes besoins, possédant en particulier une membrane de type «Aérogel» alliant légèreté et rigidité dont les qualités avaient conquis lors de son apparition de nombreux facteurs d’enceintes acous- tiques (J-M Reynaud, Kelinac, Mission,…), mais également une «double bobine» dont j’envisageais une utilisation spéciale de mon cru. La commande fut passée pour une paire de ces prometteurs boomers, accompagnée d’une paire de haut- parleurs de 17 cm de même technologie (HM170Z0), un mo- dèle s’étant taillé une très enviable réputation aussi bien dans le domaine du kit que dans celui des réalisations com- merciales, et que je desti- nais au registre médium. L’aspect électronique du projet Une enceinte active multi- amplifiée à 3 voies néces- site autant d’amplifica- teurs de puissance et un système de filtrage actif permettant d’aiguiller vers chaque haut-parleur la bande de fréquences qui lui est dédiée. Pour la partie Réservées le plus souvent aux professionnels de la prise de son, les enceintes multi-amplifiées, et en particulier les modèles à trois voies, outre le fait qu’elles font bloc avec leur électro- nique, offrent le plus souvent des performances qu’égalent difficilement les systèmes classiques. Et quand c’est le cas, les tarifs sont sans commune mesure avec ceux des enceintes multi-amplifiées. Pour l’amateur que je suis, se lancer dans pareille réalisation était un défi bien tentant. Hi-fi passion page 11 n° 1 - juin 2011 Réponse en fréquence : 25 Hz – 40 kHz Amplificaon : 3 x 40W Pression sonore max > 112dB Boomer : 25 cm Aérogel, asservi, charge close ulisaon : env. 25 Hz - 100 Hz Médium : 17 cm Aérogel, charge close décompressée ulisaon : 100 Hz - 3 kHz Tweeter : isodynamique plan ulisaon : 3 kHz - 40 kHz Dimensions (h x l x p): 1250 x 275 x 380 Masse : 37 kg

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Page 1: EncEintE acoustiquE multi-amplifiéE 3 voiEsstatic.qobuz.com/info/IMG/pdf/Pseudo_Banc_d-essai_Enceintes_PhD.… · breuses lectures de la revue «Le Haut-Parleur» et de docu-mentations

EncEintE acoustiquE multi-amplifiéE 3 voiEs

conception et réalisation philippe Daussin

Lorsque mes bonnes vieilles enceintes Chorus Jean-Ma-

rie Reynaud décidèrent de déclarer forfait, j’étais forte-ment résolu à fabriquer moi-même leurs remplaçantes. Non seulement, à performances égales, le coût serait nette-ment moindre, mais à cela s ’ a j o u t e r a i t le plaisir de faire par soi-même. A l’époque, loin de m’éclairer sur certains points, mes nom-breuses lectures de la revue «Le Haut-Parleur» et de docu-mentations puisées sur Inter-net avaient plutôt tendance à créer une certaine confusion dans mon esprit. Cependant, il m’apparaissait, aux dires de ce magazine auquel j’accordais une grande confiance, que la solution de l’enceinte dite «active multi-

amplifiée», malgré la nécessité de posséder les connaissances ad hoc, était un met de choix, mon activité professionnelle de technicien électronicien, qui plus est passionné d’audio, me permettant d’envisager de mener à bien pareille réalisation. Restait que les garanties de réussite «sonore», dirons-nous, de ce projet a priori, étaient pour le moins aléatoires, en clair je risquais de me planter et de réaliser d’onéreuses casseroles.

Les avis et la réflexion au secours d’un projetD’emblée j’optais pour des enceintes à 3 voies, le registre grave étant grand consommateur de puissance, il me parais-sait indispensable de l’isoler du registre médium-aigu afin de laisser ce dernier respirer librement. Comme je le disais précé-demment, mes nombreuses lectures m’avaient quelque peu embrouillé, particulièrement quant au choix de la «charge» du haut-parleur de grave, celle-ci conditionnant le rendu sonore du registre des basses fréquences. Après moult tergiversations et avoir recueilli l’avis de revendeurs spécialisés dans la réali-sation d’enceintes acoustiques en kit, j’optais pour la solution «basique» de l’enceinte close, présentant néanmoins l’intérêt de restituer un grave ferme et nerveux plaisant beaucoup aux amateurs de musique classique bien que n’explorant pas

toujours les très basses fréquences. Cependant, j’avais sur ce dernier point quelques idées (que j’avais partiellement mises en pratique auparavant) dont j’espérais qu’elles por-teraient leurs fruits. Les choix généraux étant maintenant fixés, venait le temps de passer au choix des transducteurs.

Les «lumières» d’un sympathique revendeur lyonnaisDéçu par un revendeur parisien spécialisé qui tenait

visiblement plus à m’imposer ses goûts que de

p r e n d r e en considération

les miens, je me tournais alors vers la succursale lyonnaise de «La maison du haut-parleur». Après m’avoir écouté lui faire part de mon projet, le sympa-thique et très avisé conseiller technique de cette maison me suggéra d’utiliser pour le grave le dernier boomer mis sur le marché par le fabricant français de haut-parleurs «Audax», un joli bébé de 24 cm de diamètre, référencé HT240Z0DB, dont les qualités avaient fait que FNAC venait d’en acqué-rir 10 paires… Comme l’animal répondait à mes besoins, possédant en particulier une membrane de type «Aérogel» alliant légèreté et rigidité dont les qualités avaient conquis lors de son apparition de nombreux facteurs d’enceintes acous-tiques (J-M Reynaud, Kelinac, Mission,…), mais également une «double bobine» dont j’envisageais une utilisation spéciale de mon cru. La commande fut passée pour une paire de ces prometteurs boomers, accompagnée d’une paire de haut-parleurs de 17 cm de même technologie (HM170Z0), un mo-dèle s’étant taillé une très enviable réputation aussi bien dans le domaine du kit que dans celui des réalisations com-merciales, et que je desti-nais au registre médium.L’aspect électronique du projetUne enceinte active multi-amplifiée à 3 voies néces-site autant d’amplifica-teurs de puissance et un système de filtrage actif permettant d’aiguiller vers chaque haut-parleur la bande de fréquences qui lui est dédiée. Pour la partie

Réservées le plus souvent aux professionnels de la prise

de son, les enceintes multi-amplifiées, et en particulier les modèles à trois voies, outre le fait qu’elles font bloc avec leur électro-

nique, offrent le plus souvent des performances qu’égalent difficilement les systèmes classiques. Et quand c’est le cas, les tarifs sont sans commune

mesure avec ceux des enceintes multi-amplifiées. Pour l’amateur que je suis, se lancer dans pareille réalisation était

un défi bien tentant.

Hi-fi passionpage 11 n° 1 - juin 2011

Réponse en fréquence :25 Hz – 40 kHzAmplification : 3 x 40W Pression sonore max > 112dBBoomer : 25 cm Aérogel, asservi, charge close utilisation : env. 25 Hz - 100 HzMédium : 17 cm Aérogel, charge close décompresséeutilisation : 100 Hz - 3 kHz Tweeter : isodynamique planutilisation : 3 kHz - 40 kHzDimensions (h x l x p): 1250 x 275 x 380 Masse : 37 kg

Page 2: EncEintE acoustiquE multi-amplifiéE 3 voiEsstatic.qobuz.com/info/IMG/pdf/Pseudo_Banc_d-essai_Enceintes_PhD.… · breuses lectures de la revue «Le Haut-Parleur» et de docu-mentations

amplification, les compacts et excellents amplificateurs intégrés TDA7294, équipés d’étages de sortie à transis-tors MOSFET, musicaux et pouvant délivrer 70W efficaces, furent choisis. Le filtrage actif serait de type «Linkwitz-Riley» à 24 dB/octave, possédant d’excellentes caractéristiques pour l’audio, en particulier un recoupement sans «trou» aux fréquences de coupure. Pour préserver au mieux la musicalité, je choisis de ne pas utiliser d’étages tampons à amplificateur opérationnel avec une contre-réaction totale, mais de réaliser ceux-ci à base de transistors FET à faible bruit. Afin d’être protégé de tout risque de destruction par une tension continue, généralement provoquée par la défaillance d’un amplificateur, chaque haut-parleur disposerait d’un circuit de détection réagissant dès quelques centaines de millivolts, déconnectant immédiatement le haut-parleur en ouvrant le relais le connectant à son amplificateur. Le boomer bé-néficierait d’un «asservissement» réalisé à partir du signal prélevé sur sa deuxième bobine. Cela devrait lui permettre de gagner quelques hertz dans l’extrême grave et contrô-lerait en permanence son déplacement. Les alimentations

seraient stabilisées et copieuse-ment filtrées afin d’offrir une réserve importante de courant. A part les transformateurs et la partie redressement filtrage, logés dans des boitiers externes, toute l’électronique prendrait place dans la partie inférieure de l’enceinte.

Coffret en médium de forte épaisseur et mise en phase des haut-parleursPour un amateur, la manière la plus classique de réali-ser un coffret d’enceinte est de se rendre au magasin de bricolage le plus proche et de faire débiter des panneaux de médium d’épaisseur (22 mm en l’occurrence) et de cotes prédéfinis. Pour cette réalisation, la façade du haut-parleur de grave serait doublée, portant son épaisseur à 44 mm, donc extrêmement rigide, assurant par la même occasion la mise en phase acoustique du boomer avec le haut-parleur de médium. Le tweeter serait entièrement débafflé, monté sur un support à ses dimensions installé sur le sommet du coffret, maintenu par les deux fiches bananes de 4 mm lui amenant son signal, et mis en phase avec les autres haut-parleurs. Cela permet-trait également de pro-céder aisément à des essais de différents modèles. A l’origine, ces enceintes furent équi-pées des tweeters à dôme tissu de 25 mm de mes anciennes JMR, qui furent par la suite remplacés par des modèles de l’ancienne et réputée marque française 3a, des TE3A isodynamiques trouvés par hasard en occasion. Cependant, ceux-ci étant utilisés un peu en deça de leur limite basse, je les remplaçai ensuite par les excellents Visaton MHT12, des modèles isodynamiques également, parfaitement adaptés à la fréquence de coupure de 3 kHz du filtre. D’autres tweeters furent essayés, dont un modèle

à ruban, mais les MHT12 ont toujours gardé ma préférence. Le coffret fit l’objet de nombreuses attentions, en particu-lier au niveau de sa rigidité par mise en place d’un «renfort de maître couple» (un panneau horizontal intermédiaire ajouré) au niveau de la charge du boomer, le but étant d’augmenter la rigidité tout en brisant la résonance propre du coffret. La charge du haut-parleur de médium fut légèrement décompressée par fuite résistive de l’onde arrière, tandis que deux plaques internes brisaient le parallélisme du volume afin d’éviter la formation d’ondes stationnaires. Les charges des haut-parleurs furent garnies de laine de verre.Une restitution sonore ample, précise et hyper dynamiqueCes enceintes avaient été réalisées avant mes débuts dans la presse Hi-fi, aussi je ne disposais pas de bases de compa-raison, mais lors des premières écoutes, leur qualité sonore m’avait semblé tout simplement époustouflante. Tout était à mettre au superlatif : réponse en fréquence (avec un grave ferme et nerveux descendant très très bas), précision de la restitution, qualité des timbres, capacités dy-namiques et niveau de pression sonore qui donnait véritable-ment la sensation qu’on y était. Lorsqu’il entendit ces enceintes, un musicien de variété amateur, connaissance d’un ami, fut un peu «scotché» et employa ces mots : «les niveaux sonores sont comparables à ceux qu’on ob-tient en concert mais au niveau de la qualité de la restitution, c’est largement supérieur». Les avis que je pus avoir par la suite allèrent tous dans ce même sens très positif. En bref, l’excellente impression que j’avais eue n’était pas un pur phénomène d’autosatisfaction. Plus tard, cherchant toujours à améliorer ces enceintes, je confiai la liaison symétrique, réalisée au départ avec des amplificateurs opérationnels, à des transformateurs audio de rapport 1:1, ce qui eut comme avantage d’assurer un isolement galvanique total avec le préamplificateur (aucun risque de boucle de masse) et de baisser encore le bruit de fond, celui-ci étant, oreilles placées à quelques centimètres des haut-parleurs, quasi inaudible. A l’écoute de ces enceintes, c’est un plaisir de tous les instants, pour peu que l’enregistrement soit de bonne qualité tech-nique, le corollaire étant que l’écoute d’un CD mauvais sur ce point devient vite difficilement supportable.

En conclusion, durant les années que j’ai passées chez Prestige Audio Vidéo, j’ai pu constater que la qualité de la restitution sonore de ces enceintes n’avait rien à envier à celle de modèles de haut de gamme de grands fabricants, et pour tout dire, je n’en ai pas entendu qui «enterraient» ces enceintes. Si leur apect anguleux, qui reste lié aux moyens de fabrication limités dont je disposais, est loin des design modernes, ou plus ou moins audacieux de certaines réalisations industrielles, ainsi que de leur niveau de finition, leur qualité sonore confirme la fameuse formule « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ».

Hi-fi passionn° 1 - juin 2011 page 12