Emblèmes médicaux des temps modernes. Du bâton serpentaire ...

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Waldemar DEONNA, professeuT a V'Universite, directeur du Musee d'att et d'histoire de GenhOe. Emblemes medicaux des temps modernes. Du baton serpentaire d'Asklepios au caduc6e d'HermSs 1 . (suite et fin) V LE CADUCEE DE MERCTJKE. Le caducee de Mercure et ses significations non me'dicales Les archeologues ont etudie en de nombreux travaux le « kerykeion » de l'Hermes grec, devenu le «caduceus» du Mercure romain 2 ; ils ont scrute son origine, qu'ils ont cherchee jusque dans l'iconographie chalde'enne 3 , ses transformations typologiques en Grece, puis a Rome, jusqu'a sa forme definitive sous laquelle il est encore connu : le baton aile autour duquel deux serpents aux tetes opposees s'enroulent en 8 4 . II caracterise en Grece Hermes comme messager des dieux 5 , dieu psychopompe, dieu de l'eloquence 6 ; il signi- fie la paix et la concorde 7 . II conserve en Italie ces divers sens, mais il devient aussi l'embleme du dieu du com- 1 La Bevue Internationale a publie le commencement de cet article dans ses numeros de feVrier, pp. 128-151 et de mars, pp. 218-243. 2 Le mot caducous derive de kerykeion, DE WAELE, p. 35. 3 FKOTHINGHAM, Babylonian origin of Hermes the snake god and of the caduceus, Amer. Journal of arch., 1916, p. 175 ; EISLER, Welten- mantel und Himmelszelt, II, p. 434, 770 ; DE WAELE, op. I., p. 39. 4 En dernier lieu DE WAELE, The magic Staff or Bod in graeeo- italian antiquity, Gand, 1927 ; BOETZKES, I)as Keryheion, diss. Munich, 1913. 5 C'est pourquoi le kerykeion est aussi porte par les herauts, DE WAELE, p. 70. 6 DE WAELE, op. 1., p. 29 sq.; sur Hermes Logios, ROSCHBE, LexiJcon der griech. und romischen Mythologie, s. v. Hermes, p. 2424, B a. 7 DE WAELE, p. 75. 310 —

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Waldemar DEONNA,professeuT a V'Universite,directeur du Musee d'att et d'histoire de GenhOe.

Emblemes medicaux des temps modernes.

Du baton serpentaire d'Asklepios au caduc6e d'HermSs1.(suite et fin)

V

L E CADUCEE DE MERCTJKE.

Le caducee de Mercure et ses significations non me'dicales

Les archeologues ont etudie en de nombreux travauxle « kerykeion » de l'Hermes grec, devenu le «caduceus»du Mercure romain2; ils ont scrute son origine, qu'ilsont cherchee jusque dans l'iconographie chalde'enne3, sestransformations typologiques en Grece, puis a Rome,jusqu'a sa forme definitive sous laquelle il est encoreconnu : le baton aile autour duquel deux serpents auxtetes opposees s'enroulent en 8 4.

II caracterise en Grece Hermes comme messager desdieux 5, dieu psychopompe, dieu de l'eloquence 6; il signi-fie la paix et la concorde 7. II conserve en Italie ces diverssens, mais il devient aussi l'embleme du dieu du com-

1 La Bevue Internationale a publie le commencement de cet articledans ses numeros de feVrier, pp. 128-151 et de mars, pp. 218-243.

2 Le mot caducous derive de kerykeion, DE WAELE, p. 35.3 FKOTHINGHAM, Babylonian origin of Hermes the snake god and

of the caduceus, Amer. Journal of arch., 1916, p. 175 ; EISLER, Welten-mantel und Himmelszelt, II, p. 434, 770 ; DE WAELE, op. I., p. 39.

4 En dernier lieu DE WAELE, The magic Staff or Bod in graeeo-italian antiquity, Gand, 1927 ; BOETZKES, I)as Keryheion, diss. Munich,1913.

5 C'est pourquoi le kerykeion est aussi porte par les herauts, DEWAELE, p. 70.

6 DE WAELE, op. 1., p. 29 sq.; sur Hermes Logios, ROSCHBE, LexiJconder griech. und romischen Mythologie, s. v. Hermes, p. 2424, B a.

7 DE WAELE, p. 75.

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Emblemes medicaux.

merce et signe d'abondance, de prosperite1. Souventil n'a que la valeur generale d'une amulette, d'un talismanapportant prosperite et protegeant contre le mal2. MaisMercure est aussi une planete et son caducee prend unsens astrologique.

Apres la Benaissanee, qui renoue le lien avec l'anti-quite, les amateurs d'allegories et d'emblemes repre-sentent souvent Meroure, ou son seul eaducee, en leurconservant leurs significations antiques3.

L'imprimeur Batdolt, ne en 1486, qui de Venise vienten Allemagne et imprime nombre d'ouvrages medicaux,choisit comme marque l'image de Mercure. Celui-citient dans la main droite levee les serpents entrelacesdu eaducee, porte sur le ventre une 6toile, celle de laplanete4 (fig. 70, 1) ; la m&me figure, avec en plus labourse dans la main gauche, parait sur un calendrier duXVe siecle. Est-ce uniquement ici le Mercure planetaire,ou le dieu a-t-il aussi l'un ou l'autre des sens quenous allons indiquer ?

En tant que symboles de l'eloquence, Mercure et soneaducee inspirent a Cesar Eipa et a ses emules une quan-tite d'allegories. La Benommee, «Fama chiara », est unMercure tenant cet attribut dans la main gauche etmaitrisant de la droite le cheval Pegase (jig. 70, 2), «per-cioche gli antichi lo finsero nuntio di Giove, e per lui

1 Ibid., p. 74, 78. A ce title il est donne a d'autres divinites etpersonnif ications.

2 DE WAELE, p. 79.3 II n'est pas toujours facile, quand Mercure ou le eaducee ne sont

pas accompagnes d'autres emblemes explicites, de preciser leur sensexact.

4 W E I L , Die deutschen Driielcerzeichen des XV. JaJirhwnderts, 1924,p. 32-34 ; HTJRNAG, Die Driiclcer und Yerlegereeichen Italiens im XV.Jahrhundert, 1929, p. 172.

Le eaducee n'est pas rare comme marque d'imprimeur : ex. HEE-WAGEN, lre moitie du XVIe siecle, BERNOULLI, Basler Biichermarken,1895, p. 276 sq. ; JOHANN FROBEN, voir plus loin.

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s'intende il parlare x». «Venusta» est une femme dont lesuave parler est figure par un caducee sur sa ceinture2.« Decoro » est un jeune homme tenant dans la main droitele signe astrologique de Mercure, schematisation du cadu-ce"e, qui « significa la gravita, stabilita e costanza delparlare conforme al Decoro 3» (fig. 70,3). L'« Italie »,d'apres la m^daille de Fulvio Orsini, est une jeune femme« col caduceo dietro, per l'eloquenza 4» (fig. 70, 4) ; la«Sicile », une jeune femme avec le caducee dans la droite,«per mostrare la facondia che hanno nel parlare6». Mer-cure et son caducee sont la « Facundia difficilis 6 ». La« Force soumise a l'eloquence » est un lion furieux, quemaltrise une femme au caducee ' (fig. 70, 5). La « Cour »,jeune femme, montre derriere elle une statue de Mercure,Kembleme de l'adresse et de l'eloquence insinuante ne"ces-saires aux courtisans 8 » car Mercure est la « fermete' dulangage », et « le caducee nous apprend que les parolessont le"geres et semblent voler, mais que, profe"re"es avecpoids et judicieusement, elles font impression ; qu'uneeloquence solide fait revivre les hommes par le souve-nir de leurs belles actions9». Un Amour donne un caduceea un homme d'age mur (fig. 70, 6) ; c'est « Amour pered'Bloquence » qui «donne a l'Amant l'enseigne d'Elo-quence10 ». Le caduce"e et les deux cornes d'abondancequi Fencadrent, « veulent dire qu'en cultivant l'elo-

1 EIPA, Iconologia, ed. Padoue, 1625, p. 219.2 Ibid., p. 691, 694.3 Ibid., p. 153; BOUDARD, Iconologie, Parme, 1759, I, p. 142:

«le caducee qui marque l'eloquence et la sagacite dans le discours».Le signe astrologique est ici remplace par le caducee au naturel.

4KIPA, p. 342.5 Ibid., p. 380.6 Emblemata Andreae Alciali, Anvers, 1684, p. 387, n° CLXXXI.7 BOUDAKD, II, p. 29.»Ibid., I, p. 131.9 BAUDOIN, Iconologie, Amsterdam, 1698, I, p. 80, fig. 10, n° 60,

p. 88.10

VAENIUS, Amorum Emblemata, Anvers, 1608, p. 81.

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Fig. 70. — Le caducee, embleme astrologique et embleme d'eloquence.

1. Marque de l'imprimeur Ratdolt, XVe s. Mercure astrologique.WEIL, Die deutschen Druckerzeichen des XV. Jahrh., 1924, p. 32-34.

2. « Fama chiara », RIPA, Iconologia, ed. Padoue, 1625, p. 219.3. « Decorum », BOTJDARD, Iconologie, 1759, I, p. 142.4. « L'ltalie », RIPA, p. 342.5. « La Force soumise a l'Eloquenoe », BOUDAED, op. I., II, p. 29.6. « Amour, pere d'Eloquence », Vsenius, Amorum emblemata, 1608,

p. 81.7. L'Eloquence entrainant l'Abondance, BAUDOIN, Becueil d'em-

blemes divers, 1647, 2, p. 454.

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quence et les autres disciplines..., les Vertueux sepeuvent mettre a leur aise... Aussi a-t-on mis ici lecaducee, pour un symbole de bien dire, comme la corned'Amalthee en est un autre de l'Abondance1)) (fig. 70,7).

De nombreux monuments donnent ce sens a cet emble-me: on le voit par exemple sur les medailles de PMlelphus,poete, orateur (1398-1481) 2, de Tartagni, jurisconsulte,mort en 1477 3, de Fagioli, avocat et poete, mort en 17424.Une allegorie gravee au XVIIIe siecle par Gravelot com-me titre de la «Bibliotheque des Artistes et Amateurs »,montre a droite Apollon, patron des arts, avec la lyre, agauche une femme au caducee, sans doute l'Eloquence,tous deux couronnant le buste royal5. Et l'Eloquencetrone en reine, couronne en tete, caducee dans ladroite 6.

*

Si le « Destin », vieillard majestueux, est muni ducaducee, « symbole de sa puissance », ayant dans l'autremain « une quenouille dont le fil rompu indique la fra-gilite de la vie », n'est-ce pas que Mercure est toujoursle dieu psychopompe des anciens 7, lui qui, dit Baudouin,« ressuscitait les morts par son caducee8 »?

** *

1 BAUDOIN, Beeueil d'embUmes divers, Paris, 1647, 2e partie, p. 454.2 Mercure aile, tenant le caducee dans la droite, Museum Mazzu-

chellianum, I, Venise, 1761, p. 128, pi. XXVII, n° 11.3 Mercure. DELAKOCHE, Tre'sor de numismatique el de glijptique,

Paris, 1834, pi. XXI, 3, ceuvre de Sperandio.4 Mercure au caducee, enlacant une jeune femme, tous deux assis.

Devise «Et prodesse et delectare », Museum Mazzuehellianuni, II.1763, p. 327, pi. CLXXX, n° IV.

5 Vignetten, Umrahmungen, etc., XVII und XVIII Jalirh., Stuttgart,1891, pi. 17.

6 Dessin de Houasse, gravure de Bonvart, «Academie des Beaux-arts de Perrault», XVIIe s.

7 BOUDAED, op. I., I, p. 153.8 BAUDOIN, Iconologie, Amsterdam, 1698, I, p. 88.

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Emblemes medicaux.

Mercure demeure le dieu de la paix et de la concorde.A ce titre son image ou celle de son caducee est usuellesur des medailles commemorant des traites de paix(fig. 45-6) : Paix de Westphalie ou de Munster en 16481

(fig. 71, 1), d'Oliva en 16602, de Breda en 1667 3 (fig.71, 2), de Mmegue en 1678 *, de Eyswick en 1698 5,d'Utrecht en 1713 6 (fig. 71, 3), de Nystadt en 1721'(fig. 71, 4). Sur une me'daille de la bataille des Dunes en1658, une Victoire porte le caducee, «Victoria pacifera8».Ce gage pacifique est utilise" par les sceaux de la reine Anned'Angleterre (1664-1717)9, par les me"dailles de Georges I,en 1717l0. Ailleurs, l'idee de concorde est soulignee parles mains unies qui tiennent cet embleme11.

1 La Paix foulant au pied Mars, et tenant le caducee et des epis.Vente Drouot, Paris, 1923, Florange et Ciani, p. 24, n° 85, pi. XII. —Deux femmes enlacees, la Paix avec le caducee, la Justice aveo leglaive ; devise « Pax cum Justitia », Domanig, Die deutsehen Medaillen,1907, pi. 54, n° 480.

2 La Paix tenant le caducee et la Justice, Catalogue Biechmann,Halle, n° XXXIII, 1925, pi. XXIX, n° 891, p. 53.

3 La Paix, debout, avec le caducee et la corne d'abondance.Collection van Tlijzwijck, Vente Amsterdam. Schulmann, 1925, pi.XXXIII, n° 1953.

4 Caducee, foudre, « Pace in leges suas confecta » ; Musee de Geneve,n° 22822. Fig. 46.

5 La Paix avec le caducee, Catalogue Helbing, 1932, p. 67, pi. 26,n° 1734.

6 Caducee et corne d'abondance, Vente Helbing, collection Frank,1908, p. 16, n° 409, pi. II.

7 Caducee et epis de ble ; devise «Vigeat Goncordia felixu. MECHEL,(Euirres du chevalier Hedlinger, Bale, 1776, pi. XIX.

8 Musee de Geneve, n° 22718. Fig. 45.9 DELAEOCHE, Tre'sor de numismatique et de glyvtique, Sceaux

des rois et reines d'Angleterre, 1835, pi. XXX, n° 1.10 Pemme ailee tenant une palme dans la gauche, un caducee dans

la droite, qu'elle abaisse vers un serpent. Devise « dementia Augusti».COCHRAN-PATEICK, Catalogue of the medals of Scotland, 1884, pi. 4,n° 5 (suppression of the rising).

11 Medaille de Johann Choler, Augsbourg, 1530. Caducee non ailetenu par deux mains unies, HABICH, Die deutsehen Medailleure desXVI. Jahrh., 1916, p. 87, pi. IV, 13.

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Mercure s'associe a Minerve, d6esse de la sagesse,qui inspire la paix, de l'etude que favorise la paix1, et

Pig. 71. — Le caducee de paix et de prospe'rite.

1. Medaille de la paix de Miinster, DOMANIG, Die deutschenMedaillen, 1907, pi. 54. La Paix tenant le caducee.

2. Medaille de la paix de Br6da. Collection van Bijzwijck. VenteAmsterdam, 1925, pi. XXXIII. La Paix, tenant le glaive, le caduceeet la corne d'abondance.

3. Medaille de la paix d'Utrecht, Vente Helbing, collection Frank,1908, pi. II. Caducee et cornes d'abondance.

4. Medaille de la paix de Nystadt. MECHEL, QSuvres du chevalierHedlinger, 1776, pi. XIX. Caducee et epis de ble.

1 Medaille de Guido Grandi, XVIIe s., Mercure, Minerve et diversemblemes d'etude, Museum Mazzuchellianum, II, 1763 p. 324,pi. CLXXIX, n° V. — Medaille de 1752, « Duratio coloniae », Cata-logue Helbing, Munich, 1932, p. 67, pi. 23, n° 1543.

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KMISLI'IMKS MLDICAUX

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3940

LE SfiRl'ENT MjiDICAL

36. France. JeLon des marchands apolhicaires et epieiers do Paris, 1710. —37. France. Soeiete Pharmaceutique de Paris, 1796. — 38. Medaillerelig'ieuse, 1539. Le serpent, d'airain do Moisc. — 39. France. Facultede

medeciiie de Paris, 1714. — 40. France. (College de pharmacie, 1778.

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EMBLIiMES MEDICAUX

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LE SERPENT MEDICAL

41. France. Hahnemann, 1856. — 42. Pologne. Poterius, 1665.43. France. Ecole de medecine de Paris. — 44. Itulie. Sacco.

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EMBLIiMES MEDICAUX

LE CADUCKK DE PAIX ET DE PHOSPEIUTE

45. France. Bataille des Dunes, if»58. « Victoria I'acifera*. — 46. Francis.Fatx de Nimegue, :l()78. « Pace in leges suas confecta». — 47. ltalie.Fraiiyois I visite la Moimaie de Milan, 1X16. — 'i8. France. Galoi.s de la

Tour. 1788.

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EMBLKMKS MED1GAUX

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LE C A D U C E E DE I'.U.Y ET DE PROSPEKlTli

49. France. Cornices cisalpins, Lyon, an X. — 50. France, 1729. « Feli-citas perpetuasi. — 51. lielgique. Reclame Laffccteur, XIX'! s. — 52. Alle-magne. 9° Coiigres des piiysiciens et (les medecios, liambourg, 1830.

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Emblemes medicaux.

il lui abandonne meme son attributx (fig. 72, 1-2). Carle caduce"e est lui aussi signe de sagesse, de vertu. « Feli-citas publica » le tient en main, « in segno di pace e disapienza2 » (fig. 72, 3-4) ; uni aux cornes d'abondance, ildit que la sagesse apporte la prosp6rit6, « Virtuti Fortunacomes3 » (fig. 72, 5). Entomb de livres, d'une sphere,d'une 6querre, Mercure au caducee proclame que lasagesse est pr&fexable a la renomme'e4, et une femmedebout sur un globe, avec couronne et palme, estaccompagn^e d'un caduce"e et d'un timon en sautoir,pour marquer qu'elle gouverne le monde par sasagesse5.

La paix, la concorde, la sagesse, ces vertus qui decoulentdu caducee de Mercure, d6terminent l'abondance, laprosperity, la felicite, et c'est pourquoi le caducee s'unitsouvent aux cornes d'abondance, aux 6pis de ble\ estdonne' a la « Felicitas publica»6, jeune femme qui tient

1 Minerve, avec casque, lance, portant le caducee, devise « Minervapacifera», «Felicitas Keipublicae». M6daille de Christian VI deDanemark, 1744. Tillaeg til Beshrivelsen over danske Mynter ogMedailler, I, Copenhague, 1794, pi. XL, 3. — Medaille commemo-rative entre la Kussie et la Turquie, sous Catherine II, 1774. Minervetenant la lance et le caducee. Catalogue Biechmann, Halle, n° XVII,1921, p. 2, n° 22, pi. I. Fig. 72,1-2.

2 EIPA, Iconologia, p. 231 ; BOUDARD, II, p. 5, «la paix et l'abon-

dance qui sont les causes de la felicity gen^rale et publique ».3 Emblema Andreae Alciati, Anvers, 1684, p. 161, n° CXVIII. —

M6daille de Desiderio Lignamineo, theologien, XVIe s., «VirtutiPortuna Comes », Museum Mazzuchellianum, I, p. 346, pi. LXXV,5. — DE MAEPERGEK, conseiller, 1685 1740, meme devise, ibid.,II, pi. CLXXXVII, n° IV.

4 Medaille du mathematicien Paolo Caravaggio, XVIIe s., devise«Major nomine Virtus», Museum Mazzuchellianum, II, p. 257,pi. CLXII, n» I.

5 Medaille de Henri IV, 1594. Devise « Reget virtutibus orbem ».DELAROCHE, Tresor de numismatique et de glypUque, 1834, pi.XXVIII, 6.

6 Voir ci-dessus, KIPA, BOUDARD. — Mddaille de Christian VI deDanemark.

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Fig. 72. — Le caducee de sagesse et de jelicite.

1. Minerve aveo le caducee. MedaiUe de Christian VI de Danemark,1744, « Felicitas Beipublicse », Tillaeg til Beskrivelsen, etc., 1794,pi. XL, 3.

2. Minerve avec le caducee. Medaille de Catherine II, 1774. Cata-logue BiecJimann, Halle, XVII, 1921, pi. I, 22.

3. « Felicitas publica », RIPA, Iconologia, p. 231.4. Id., « Felicite publique », BOITDARD, op. I., II, p. 5.5. « Virtuti fortuna comes », ALCIATI, op. I., 1684, p. 161, n° CXVIII.6. « La Felicite », fresque de Veronese, MiiNTZ, Hist, de I'art pendant

la Eenaissance, III, p. 123, fig.

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Emblemes medicaux.

ces insignes reunis1, ou le eaducee seul2 (fig. 48-50).

• La paix favorise le commerce, l'abondance et la pros-perite resultent de celui-ci, et Mercure n'oublie pas qu'iletait a Eome le dieu du commerce. Ce sens, le plus com-mun, persiste jusqu'a nos jours. Au XVIIe siecle, McolasCoustou sculpte au fronton de la douane de RouenMercure avec le caducee, assis parmi des ballots de mar-chandises 3 (fig. 73) • au XVIIIe siecle, une gravure deMoreau le Jeune, ou une femme assise a en mains labalance et le caducee, rappelle la meme notion 4. Insigne

1 Medaille de Gonzague de Mantoue, 1505-1563, femme debouttenant le caducee dans la droite, des 6pis dans la gauche ; devise«Nihil maius meliusve terris». Miinzen und Medaillen, CollectionTrau, Vienne, vente Egger, 1904, pi. X, n° 1332. — Medaille decerneepar l'Assemblee des communes de Provence, en 1788, a des Galoisde La Tour, premier president, intendant de Provence. Mercuretenant le caducee dans la gauche. Musee de Geneve, n° 22553Fig. 48. — Medaille de 1729, La France florissante, femme assise,avec caducee et come d'abondance, « Felicitas perpetua ». Musee deGeneve, n° 22876. Fig. SO.

Medaille de l'ouverture des canaux de la Saone a la Loire, etc.Personnifications de fleuves, et femme assise, avec caducee dans ladroite et corne d'abondance dans la gauche. 1783. Musee de Geneve,n° 22565. — Napoleon I, a l'antique, devant un autel; derriere l'autelune femme avec la corne d'abondance pose une couronne sur satete ; derriere Napol6on, un caducee. BEAMSEN, op. I., n° 420 ; Museede Geneve, n° 22998, 23629, 23101. Couronnement a Milan, 1805.

2 Medaille de Cristoforo Geremia, 1474-1489, Auguste tenant lecaducee, debout devant l'Abondance, avec la corne d'abondance,Sammlung A. Lobbecke, Kunstwerken, 1908, pi. IV, 22. — ;c LaFelicite », fresque de Veronese, au Palais des Doges a Venise, femmeassise tenant le caducee. MUNTZ, Eist. de Vart pendant la Renaissance,III, p. 123. Fig. 72, 6.

Medaille du Congres de Cambrai, 1721. Jeune femme debout,tenant le caducee, donnant la main a une Victoire avec une palme.«Felix Congressus ». Musee de Geneve, n° 22945.

3 Musee de Sculpture comparee du Trocade'ro, I, pi. 126.4 Vignetten und TJmrahmungen der XVII. und XVIII. Jahrh.,

1891, pi. 44.

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du commerce1-, Mereure ou son seul caducee orne demultiples documents, monnaies % me'dailles commemora-

Fig. 73. — Le caducee commercial.

Fronton de la Douane de Eouen, par Nicolas Coustou, XVIIe s.Mereure avec la bourse et le caducee. Musee de Sculpture compareedu Troeadero, I, pi. 126.

1 Emblemes du Commerce et de l'lndustrie, deux ecus, l'un avecle caducee. GEKLACH, Allegories et emblemes, Vienne, I, n° 79 q. —Hotel des Kames, Abbeville, 1720 ; au dessus de la pprte, des enfantsnus dans un bateau a proue de cheval; l'un tient un caducee. Sym-boles du commerce et de l'industrie. L'architecture et la decorationaux XVIHe et XIXe s., 2e serie, Paris, Eggimann, pi. LXVII.

2 Ecu de la Eepublique italienne, Milan 1803. Caducee ; devise« Agricoltura e commercio ». Collection du Prince d'Essling, Monnaieset me'dailles, Vente Drouot, 1927, FEUAKDENT et FLORANGE, p. 49,n° 599, 600, pi. X.

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Emblemes medicaux.

tives1, boutons d'uniformes2, et ils deviennent les sym-boles les plus usuels de divers metiers et professionsmeroantiles 3.

Le caducee de Mercure, embleme medical.

Dans l'antiquite^ ni le mot caducee, ni la forme decet embleme n'ont une signification me"dicale, ne sontmis en rapport avec les dieux propres a la m^decine,et donner a Asklepios le caducee de Mercure eut paruune her^sie a un Grec ou a un Eomain.

II est vrai qu'une epigramme de l'Anthologie repre-sente un medecin, Zopyrus, ayant en main un kerykeionde bois, des sandales, comme si, nouvel Hermes psycho-pompe, il s'appretait a conduire ses clients dans l'au-

1 Chambre de commerce, France, 1700. Mercure debout avec lecaduce'e, a cote d'une femme tenant la balance. « Sexviri Commerciisregundis ». Musee de Geneve, n° 22913.

Mercure assis, avec caducee. « Paix et Commerce ». 1807. Museede Geneve, n° 22561.

Medaille du Palais de la Bourse et du Tribunal de Commerce, 1825 ;Femme a couronne tourelee (Ville de Paris), accueillant Mercureau caducee, Musee de Geneve, n° 24378.

L'empereur Francois d'Autriche visite la Monnaie de Milan,1816. Caducee. Musee de Geneve, n° 27004. Fig. 47.

Medaille de la Chambre de Commerce de Marseille, 1828. Mercureavec le caducee. MARX, Les medailleurs frangais, 1897, pi. I.

Medaille des Chemins de fer du Gard, Mines de la Grand'Combe,XIXe s., Aigle tenant le caducee. Vente Drouot, 1921, FLOEANGEet PLATT, p. 55, n° 802, pi. XXXII.

2 Boutons d'uniformes des Agents du Commerce en France, 1793.FALLOU, Le bouton uniforme frangais, p. 316.

Plaque de shakos des Douaniers, en 1825, LIENHAET et HUMBERT,Les uniformes de Varme'e francaise, IV, 1902, pi. 53.

Boutons d'uniformes des Services des Transports sous Louis-PMlippe, 1830, caducee entre deux cornes d'abondance, FALLOU,p. 303.

Boutons d'uniformes, Institution Seguin, Vincennes, ibid., p. 299.3Fabricants de cigares, GEELACH, op. 1., II, A 152. — Libraires,

ibid., A 137.

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dela1. Mais on n'en concluera nullement que ce me"decinportait comme attributs professionnels le caducee et lestalonnieres d'Hermes. Le baton sur lequel Zopyrus s'ap-puyait, ses sandales de forme partieuliere, ont excite laverve du poete, qui les compare aux attributs d'Hermesconducteur des morts et assimile le medecin a ce dieu,lui reprochant ironiquement d'expedier plus souvent sesmalades dans l'autre monde que de les guerir.

Dans les temps modernes seulement, on a detourne' lesens primitif du caducee, qui est devenu un emblememedical. Ce sont surtout les medecins qui ont scrute avecattention cette transformation, invoquant les argumentsqui paraissent justifier ou condamner cette confusionde terme et de forme2.

1 Anthologie palatine, XI, 124, NICABCHOS. Kr\ovxiov yaQ IxoavSv'Uvov, xai n'Adata -niSi'Ka, ms 'E<)[j,f]s, xazays'i zov; &£Qan evo/Aeyovs-Cf. DE WAELE, op. I., p. 76.

2BAILLY, Le serpent d'Esculape et le caducee, Aesculape, IV, 1914,p. 4 ; BAUDOUIN, La prehistoire du caducee, La Medecine internationaleillustree, 1917, n° 9, 11, 12 ; 1918, n° 3, 4 ; LIVET, Le caducee esote'rique,Bull, de la Soc. d'Histoire de la Medecine, 1922, p. 127 ; BOIGEY,On confond le caducee de Mercure et le baton serpentaire d'Esctdape,La Presse Medicale, 9 fevrier, 1924, annexes, p. 235 ; LENOUKY, Lecaducee a trovers les ages. Symbolisme religieux. Types divers de cetembleme. These pour le Doetorat en Medecine, Faculte de Medecinede Paris, 1925 ; ENGLE, The use of Mercury's caduceus as medicalemblem, Classical Journal, XXV, 1929, p. 204 ; TYSON, The caduceus,The June scientific monthly, 1932, p. 492 ; GARRISON, The babyloniancaduceus, The Military Surgeon, XLIV, 1919, p. 633 ; ibid., LVIII,1926, p. 224 (a propos de la these de Lenoury) ; id., A lucubration onthe caduceus, ibid., 1932, p. 129 ; id., The prehistory of thecaduceus, Journal of the American Medical Association, LXXII, 1919,p. 1483 ; MAC CULLOCH, The coat of arms of the Medical Corps,ibid., XLI, 1917, p. 137 ; GERHARD, The caduceus as a medical MotorCar emblem, Journal of the American Medical Association, LXXII,1919, p. 1243. — L'Intermediate des Chercheurs et Curieux a plusd'une fois attire l'attention de ses lecteurs sur le caducee medical,mais les reponses donnees sont sans valeur scientifique.

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Emploi abusif du mot « caducee » par les me'decins.

On emploie parf ois a tort le mot « caducee», qui doit etrereserve a l'embleme d'Hermes-Mercure, pour designerdes emblemes differents, mais de formes voisines. En1834, un des auteurs du « Tresor de Numismatique etde Glyptique » decrit sur une medaille d'Isabelle d'Aragon«une femme assise tenant d'une main un caducee etde l'autre une palme »x ; en realite le dit caducee n'estque le baton serpentaire. Sur un jeton de Morisset, doyende la Faculte de Medecine de Paris, en 1662, Esculapedebout tient «son baton leve dans la main droite»,selon Feuardent2, « un caducee », selon Kluyskens3.

Les me'decins frangais, et a leur suite divers auteurs,ont pris l'habitude d'appeler «caducee » — plus spe-cialement « caducee medical» % ou « caducee militaire »5,pour le distinguer du « caducee commercial» — l'emblemedu Service de sante, a serpent unique, que nous avonsetudie plus haut, et depuis 1901, un journal de medecines'intitule « Le Caducee »6. Ce mot « caducee » n'a memeplus que le sens general d' «insigne », si bien que l'on parledu «caducee de la pharmacie »7, c'est-a-dire de la coupeau serpent, du « caducee d'Esculape »8, c'est-a-dire dubaton serpentaire. «Le caducee de Mercure, dit Lenoury,

1 DELAROCHE, etc., p. 25, pi. XXIX, 3.

2 FEUARDENT, Jetons el me'reaux, I, 11904, p. 358, n° 4506.

3 KLUYSKENS, op. I., II, p. 237.4 Ex. « Le caducee a un serpent unique, dont le type est le caducee

du Service de Sante militaire». BAUDOIN, Medecine Internationale,1918, XXVI, avril, p. 19. On trouvera maintes fois l'usage de ce termedans les travaux que nous avons cites plus haut, en particulier danscelui de Lenoury.

5 BAUDOIN, Medecine Internationale, XXVI, 1918, p. 25.

6 GAREISON, The military Surgeon, 58, 1926, p. 224 ; 1932, p. 130,n° 2.

7 HENRY, op. 1., p. 41 : « Un caducee medical, double de celui de la

pliarmacie ».8 LENOURY, op. I., p. 33 ; BAUDOIN, Medecine internationale, XXVI,

1918, p. 436, 470, etc.

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est assur^ment plus connu que celui d'Esculape, ce der-nier plus souvent design^ sous le nom de cadueeemedical»1.

Cette terminologie fautive a et6 critique^ avec raisonpar le Dr Boigey : «C'est par une extension abusivedonnee au sens de ce mot qu'on a appele caduce"e lebaton serpentaire d'Esculape. Sans doute il en rappellela forme, mais il en differe et par l'image qui ne presentequ'un serpent unique et par la signification »2. Tout enreconnaissant le bien fonde de cette constatation3,Lenoury persiste a vouloir conserver le terme de « caduce"emedical»: «Est-ce une raison suffisante pour re'serverau seul cadueee a deux serpents entrelac^s, au cadueeede Mercure et du commerce, le monopole du nom ?»4 Assu-r^ment, au cours de leur longue vie, les mots changentde sens comme de forme, mais il convient de s'entendre,sinon rien n'empeche d'appeler « poire » ce que nous appe-lons habituellement « pomme ».

La litterature medicale des pays anglo-saxons commetune pareille erreur de terminologie. Tyson cite l'ouvragedu Dr H. W. Haggard, professeur de physiologie appli-qu£e a Yale, ou on lit: «the symbol of Aesculapius, theCaduceus, the two snakes twined on a staff, has survived,and is still used to-day as a medical emblem » (1° ed.1929)5; il mentionne un passage du mMecin Sir WilliamOsier, qui parle des serpents (au pluriel) d'Esculape,dans des conferences faites en 1913 a Yale, ulte"rieure-ment publiees 6. De nombreux medecins des Etats-Unis

1 LENOTJKY, op. I., p. 9.2 Presse Medicale, XXXII, 1925, p. 236, 9 fevrier ; LENOUBT, p. 11.3 «L'embleme medical et le cadueee de Mercure sont deux symboles

absolument distincts 1'un de l'autre», LENOURT, p. 65.4 Ibid., p. 11.6 TYSON, The June scientific Monthly, 1932, p. 492.

6 Ibid.

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lui ont affirme que les deux serpents etaient le symboled'Esculape1.

Double erreur, en Prance et aux Btats-Unis : lesFranc.ais appellent « caduce'e »l'embleme derive du batonserpentaire d'Esculape et de Prudence ; les Am6ricainsdonnent a Esculape le vrai caducee de Mercure, aux deuxserpents entrelaces.

Extension de sens du caducee.

Peu a peu on confond le serpent, seul, ou entourantle baton, symbole' d'Esculape, de Prudence, de la Mede-cine, de la Sante, et les deux serpents entrelaces du cadu-cee, symbole de Mercure, embleme d'eloquence, de sagesse,d'^tude, de vertu. Wj a-t-il pas, il est vrai, de grandesressemblances entre les images d'Asklepios, de la Mede-cine, de Mercure ? tous ne portent-ils pas le serpent, lebaton au serpent, ne sont-ils pas accompagnes du coq 2 ?

D'autre part, l'art decoratif tend inconsciemmenta deformer un motif, a le d^doubler, a lui donner uneapparence sym^trique ; par sa forme r^guliere, le caduceeattire d'autres motifs apparent^ qui se modelent surlui et, par suite, peuvent e"voquer ses significations.Bipa symbolise la « Conversation » sous les traits d'unhomme qui porte une sorte de caducee ; celui-ci est forme"de rameaux entrelaces de myrte et de grenadier, symbolede 1'amour et de l'union sans lesquels la conversationne peut etre inte'ressante ni agre"able ; les ailes sont rempla-cees par des langues humaines voulant dire que la parole

1 Ibid. ; CrAREisoN, The military Surgeon, 1932, p. 129.2 Voir par exemple la gravure en tete de l'ouvrage r6put6 de Jean

Le Maire des Beiges, paru en 1512, Illustrations des Gaules et Singulu-ritez de Troye. Anne de Bretagne tr6ne en Junon; a travers une baie onapercjoit, assis sur un nuage, Mercure, au chapeau couronne du coq,tenant le caducee. LACROIX, Louis XII et Anne de Bretagne, 1882,p. 385, fig.

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est essentielle a la conversation1 (jig. 74, 1). En effet,le caducee de Mercure est embleme d'eloquence. Sur unemedaille d'Anne de Joyeuse, amiral de France, deux

Fig. 74. — Attraction du caducee.

1. EIPA, Iconologia, p. 132. Caducee de la « Conversation ».2. Medaille d'Anne de Joyeuse, LA TOUR, Catalogue de la collection

Bouyer, II, 1910, pi. XLII, 1, n° 3293.3. Medaille de Matthias d'Autriche, DELAROCHE, Tresor de Numis-

matique. Me'dailles allemandes, pi. XL, 5.4. Medaille du due de Luynes, ibid., Medailles francaises, pi. XI,

2e partie.5. PARADIN, Devises heroiques, p. 60.6. Ibid., p. 69.

1 EIPA, Iconologia, 1625, p. 132; BOVDARV, Iconologie, 1759,1, p. 124,

remplaoe l'hoinme par une femme, mais le caducee a la meme appa-rence.

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branches de laurier, signe de vaillance, s'entrelacentautour d'une ancre, comme les serpents du caducee1

(fig. 74, 2) ; deux palmes ont meme disposition, autourd'une colonne, au milieu d'un trophee (fig. 74, 3), surles medailles de Matthias, archiduc d'Autriche, quicomm&tnorent sa victoire sur les Turcs (XVIe siecle) 2 ;sur celle du due de Luynes, en 1621, ce sont une pal-me et une branche de laurier autour de l'epee quetient une main sortant des nuages 3 (fig. 74, 4) ; sur unemedaille de 1708, rappelant la capture du Salisbury,deux branches sont ainsi placees autour d'un pilier4.Dans ces divers cas, les vegetaux entrelaces evoquentl'ide'e de paix que symbolise le caducee de Mercure.Et ce sont chez les f aiseurs d'emblemes, d'autres branchesploye"es de meme6 (fig. 74, 5-6).

Le serpent medical subit aussi cette tendance deco-rative. Au lieu d'un serpent unique, la coupe d'Hygieest entouree par deux reptiles qui s'affrontent syme-triquement, ressemblant, consciemment ou non, aucaducee de Mercure 6, et le Dr Cabanes entoure de deuxserpents en caducee le manche du miroir de Prudence 7.

1 LA TOUR, Catalogue de la collection Houyer, I I , 1910, p. 204, n° 3293,p . XLII, 1.

2 DELAKOCHE, Tresor de Numismatique et de glyptique, Me'daillesallemandes, pi. XL, 5.

3 Ibid., 1834, 2e partie, pi. XI , 2.4 COCIIEAN-PATRICK, Catalogue of the medals of Scotland, 1884, pi. 3,

n° 4.5 PAEADIN, Devises he'ro'iques et emblemes, 1621, p. 60; du cercuei

de Diane de Poitiers sort «un traiot avec des sions verdoyans, enesperance de la resurrection », soit une fleche avec deux branchesvegetales entrelacees. — Deux branches entrelacees, portant desfruits, les pommes du jardin des Hesperides, embleme « d'un grandcardinal de Ferrate, Hippolite d'Est, archevesque de Narbonne »,ibid., p . 69.

6 Voir plus haut.7 Ex-libris, HENRY, op. I., p. 52, fig. 52.

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Le serpent signifie la prudence, avons-nous vu, et ace titre parait dans maint embleme medical. Mais voicique Mercure et son caducee acquierent aussi ce sens dansle langage allegorique cre"e par les savants de la Renais-sance et des temps modernes.

Sur une me"daille du jurisconsulte Tartagni (fig. 75;76, 1), mort en 1477, Janus a deux tetes1 tient le caducee,

Fig. 75. — Medaille du jurisconsulte Tartagni,Museum Mazzuchellianum, I, pi. XXVI.

«per denotarlo uomo sommamente svegliato, e vago dellapace »2. Deux notions, celle du serpent de Prudence, celledu caducee de Mercure, se confondent ici, comme dans les

1 La Prudence du moyen-age et de Ripa est souvent representedaussi avec deux visages.

2 Museum MazzucJiellianum, Venise, I, 1761, p. 124, pi. XXVI, 1.

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exemples suivants. Les «Emblemes du S.Adrian leJeune»,en 1668, montrent « la Prudence joincte avec la Force »,comme deux Mercures adosses, l'un jeune, l'autre vieux,portant chapeau aile, mais sans caduce"e (fig. 76, 2).

Ainsi Von vit jadis en une pourtraictureAttaches doz a doz Vun et Vautre Mercure1.

Fig. 76.

Le caducee, emblems de prudence.

1. MMaille du jurisconsulte Tartagni,XVe s.j Janus au caducee. MuseumMazzuchellianum, I, pi. XXVI, 1.

2. « La Prudence joincte avec la Force », ADRIAN, Emblemes, 1668,p. 17.

3. « L'ordre », tenant le caducee et le niveau, symboles de prudenceet de justice, BOUDAKD, op. I., I l l , p. 41.

4. « Sagesse gardienne », PAKADIN, Devises he'ro'iques et emblemes,1621, p. 302.

Eipa symbolise l'« Ordine dritto e giusto » comme unhomme tenant de la droite un niveau de macon en A,de la gauche une equerre, qui sont emblemes de justesse

1 Anvers, p. 17.

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et de mesure1, mais Boudard remplace l'equerre par lecaducee de Mercure, soit, dit-il, « un niveau et un caducee,qui sont les hierogliphes de la justice et de la prudence »2.(fig. 76, 3 ; 77). Selon Paradin, Marguerite de France,duchesse de Berry, avait choisi l'embleme de deux ser-pents entrelaces en forme de caducee autour d'un rameaud'olivier (fig. 76, 4), signifiant « Sagesse gardienne » ;

Fig. 77. — Le Jugement. BOUDARD, op. I., I l l , p. 41.

1 EIPA, Iconologia, 1625, p. 484.2BOUDABD, Iconologie, 1759, III, p. 41.

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mais, ajoute l'auteur, devenue duchesse de Savoie, elleprit pour devise le bouclier de Minerve, « qui est la Gor-gone enchevelee de serpenteaux, avec ce meme mot, sinonque pour « sapientia »il y avoit « prudentia »1.

Le caducee de prudence, embleme medical.

Le caducee de Mercure, etant devenu symbole deprudence, etait done pret a se conf ondre avec les emblemesmedicaux qui utilisent le serpent de prudence, en parti-culier avec le baton serpentaire. Au XVIIIe siecle, uneme"daille du Cardinal de Fleury porte une massue autourde laquelle s'enroulent deux serpents en caducee2, avecla devise « His pacem reddicit armis ». Le caducee signifieici Faction pacifique de Mercure, mais il est curieux deremarquer que sa baguette est remplacee par un batonnoueux, qui est semblable a celui d'Esculape. Est-ce laanalogie fortuite ou voulue? Mais voici des exemplesplus caracteristiques, ou Mercure et Esculape s'associent6troitement. Sur une medaille de 1752, du medecin flo-rentin Bertini, Mercure au caducee est debout pres d'Escu-lape au baton serpentaire, et tous deux, fraternellementrapproehes, semblent se communiquer leurs secrets(fig. 78, 79, 1) : « Eseulapio al quale sembre che Mercuriocommunichi la sapienza, colle parole « Kobis extuditartem » 3. La medaille du medecin italien Puccini, en1713, montre un motif analogue : une femme assise,sans doute la Medecine, tient de la main droite unecouronne et dans la gauche un livre; Mercure, debout,

1 PAEADIN, Devises he'roiques et emblemes, Paris, 1621, p. 302.

2 Museum Mazeuehellianum, II, 1763, pi. CLXXXII, n° VII.3 Ibid., II, p. 378, pi. CXOII, n° III.

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le caduee"e dans la gauche, le pied sur une lyre, lui poseune couronne sur la tete1.

On a dita que le plus ancien emploi du caduce"eisol^, en tant qu'embleme medical, est fourni par l'im-primeur suisse Johann Froben (1460-1527), qui l'utilise

Fig. 78. — Me'daille du medecin Bertini, 1752.Museum Mazzuchellianum, II, pi. CXCII.

1 KLUTSKENS, op. I., II, p. 329. La lyre rappelle qu'Apollon, en

tant que dieu salutaire, est souvent associe aux allegories mddicales,comme Minerve. Voir plus haut.

2 GARRISON, The Military Surgeon, XLIV, 1919, p. 633; ibid.,

LVIII, 1926, p. 224 ; The Journal of the American Medical Associa-tion, 72, 1919, p. 1483 ; TYSON, The June scientific Monthly, 1932,p. 498.

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comme marque, accompagnee de colombes1 (fig. 79, 2).A-t-il songe aux me'decins dont il imprimait les oeuvres ? IIest difficile de le dire. En tout cas, les serpents et lescolombes ont ici la vieille signification de prudence etde simplicite que recommande l'Ecriture, et la devise1'affirme : « Soyez prudents comme les serpents et simplescomme les colombes ».

Medecin d'Henry VIII, Butts, mort en 1545, serait lepremier medecin qui aurait utilise le caduce'e commeembleme medical2, et il est vraisemblable qu'il lui don-nait le meme sens que Froben. II en est en tout cas ainsipour le caducee que choisit le Dr John Caius, de Cam-bridge, en 1558, qui en fournit lui-meme l'interpreta-tion, « Serpentes Prudentiae indices 3». A FUniversite dePadoue, les armoiries du medecin et physiologiste Harvey(1578-1658) montrent un bras tenant une bougie allu-me"e, autour de laquelle deux serpents s'entrelacent encaducee4. En 1662, la medaille du medecin Morissetporte un personnage tenant le caducee, avec la devise«In arduis Prudentia 5». Au XVIIIe siecle les ex-libris

1 HEITZ, Basler Biichermarlcen, 1895, p. 24 sq. — Cf. la marquede Thomas Brunnen, un arbre avec deux serpents qui s'entrelacentautour de son tronc. FIRMIN-DIDOT, Becueil des muvres choisies deJean Cousin, 1873, p. 41, fig. 127.

2 CLIPPISTGDALE, Heraldry and Medicine, Antiquary, Londres, 1915,

XI, p. 417 ; MAC CULLOCH, The Military Surgeon, XLI, 1917, p. 143 ;GARRISON, ibid., XLIV, 1919, p. 633 ; LVIII, 1926, p. 224 ; TYSON,op. 1., p. 498 ; The Journal of the American Medical Association, 72,1919, p. 1244.

3 Classical Journal, XXV, p. 207 ; TYSON, op. I., p. 498 ; GARRISON,The military Surgeon, LVIII, 1926, p. 224.

4 OSLER, The Evolution of moderne medicine, 1921, p. 182, fig. 84.

5 KXUYS-KENS, op. 1., II, p. 237. Cependant, le dit caducee peut

n'etre que le baton serpentaire. Voir la remarque que nous avonsfaite plus haut. Nous n'avons pas pu verifier sur Foriginal ou sur sesreproductions.

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des me"decins Gastaldy (1674-1747)1, Corr^ard 2, Coque-reau (1744-1796)3, placent un caduce"e parmi les emblemesdivers de leurs armoiries (fig. 79, 3-4).

En 1844, Churchill met le caduce"e en tete de sesouvrages me'dicaux 4. On voit cet insigne sur des jetonset m^dailles, ou son sens n'est parfois pas tres net. Surla me"daille du IXe Congres des Physiciens et MMecinstenu a Hambourg en 1830, une femme portant la couronnecre'nele'e, pres d'un navire, tient un caduce"e dans lamain gauche (fig. 52), mais cet embleme eVoque plutotici la ville commergante de Hambourg, que la Prudencemedicale, bien que les congressistes aient pu l'interpreterdans ce dernier sens5. Peut-etre est-ce au titre com-mercial qu'il figure sur un jeton reclame de Rob. B.Laffecteur, «seul autorise' par le gouvernement et ap-prouv^ par l'Acade"mie royale de Me"decine de Belgique,12, rue Richer, Paris » : ici encore, une femme couronneetrone avec le caduc^e, parmi d'autres attributs 6 (fig. 51).Voici cet insigne sur la m^daille commemorative del'^pid^mie de Barcelone en 18547, sur les ex-librisdu pharmacien Schuerer, de Vienne, en 18908 (fig. 79, 5),du me"decin frangais Cabanes, ou la Verity sortant du puitstient le miroir de Prudence, entoure" de deux serpents

1 HENRY, Les ex-libris de me'decins et de pharmaciens, 1908, p. 10,fig. 7.

2 Ibid., p. 14, fig. 11.3 Ibid., p. 19, fig. 18.1 MAC CULLOCH, The Military Surgeon, XLI, 1917, p. 142 ; GARRISON,

ibid., XLIV, 1919, p. 633 ; LVIII, 1926, p. 224 ; TYSON, op. I., p, 498.6 Musee de Geneve, n° 30385. Devise « Spiritus unus per cunctas

habitat partes ». Fig. 52.6 Musee de Geneve, n° 30233. Fig. 51.7 Avec la legende «Al servicio medical» ; STORER, The medals,

jetons and tokens illustrative of Sanitation, The Sanitarian, 1894,XXXIII, p. 235, n° 2283. « Staff with two serpents, within twoornamented semi circles ».

• Musee de Geneve, collection Keber.

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10Fig. 79.

Caducee de Prudence et caducee medical.1. M6daille du m^decin Bertini, 1752.

Mercure et Esculape. Museum Mazzuchel-lianum, II, pi. CXCII, no III.

2. Marque de l'imprimeur JohannFroben, XVe-XVIe s. Caduce'e de Pru-dence. HEITZ, Basler Biichermarhen, 1895,p. 24 sq.

3. Ex-libris du Dr Gastaldy, XVIII" s., HENKY, op. I., p. 10, fig. 7.4. Ex-libris du Dr Correard, XVIIIe 8., ibid., p. 14, fig. 11.5. Ex-libris du pharmacien Schuerer, XIXe s., Geneve, Musee

d'art et d'Mstoire, collection Reber.6. Ex-libris du Dr Cabanes, XIXe s., HENRY, op. I., p. 52, fig. 52.7. Caduce'e sur des voitures m^dicales, U.S.A., The June scientific

Monthly, 1932, p. 495, fig.8. Sceau du U.S. Public Healtli Service, ibid., p. 492, fig.9. Caduc6e, sur la fagade de la « Medical Chambers », New-York,

ibid., p. 493, fig.10. Bivista di Sanidad Navale, Chili.

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en caducee1 (fig. 79, 6), et Clippingdale mentionneplusieurs mMecins qui font figurer le caduce"e dans leursarmoiries 2.

Son emploi est surtout frequent aux Etats-Unis3

(fig. 79, 7-9). II y apparalt pour la premiere fois en 1856comme insigne pour les infirmiers du « Medical Depart-ment of Army », indiquant leur quality de non-combat-tants 4. En 1902, il est adopte pour la meme raison parles officiers et soldats du corps sanitaire, de l'« U. S. A.Army Medical Corps 5» et il remplace le baton d'Escu-lape prec^demment usite e ; il l'est aussi par les servicesme"dicaux civils (U. S. Public Health Service) (fig. 79, 8) '.On le voit sur la facade de la « Medical Chambers » deNew-York8 (fig. 79, 9). D'autre part, 1' « American Medi-cal Association », qui l'avait adopte, Fa remplace" en 1912apres discussion par le vrai baton d'Esculape 9. Le cadu-cee est done l'insigne que les corps sanitaires des Etats-Unis ont porte" pendant la guerre mondiale, et des me'de-cins francais ont alors note avec e^onnement cette

1 HENRY, op. I., p. 52, fig. 52.2 CLIPPINGDALE, op. 1., p. 417 ; GARRISON, The Military Surgeon,

XLIV, 1919, p. 633.3 Mais, comme les exemples pr6c6dents le prouvent, les Etats-Unis

n'en ont pas le monopole, ainsi que semblent le penser Tyson etGarrison.

4 MAC CULLOCH, The Military Surgeon, XLI, 1917, p. 142 ; GARRISON,ibid., XLIV, 1919, p. 633 ; LVIII," 1926, p. 224 ; 1932, p. 130, n° 2 ;The Journal of the American Medical Association, 72, 1919, p. 1244.

5 MAC CULLOCH, p. 143 ; GARRISON., l.e ; TYSON, p. 492; TheJournal of the American medical Association, 72, 1919, p. 1483.

6 Voir plus haut.7 MAC CULLOCH, p. 142 ; GARRISON, ibid., 1919, p. 633 ; 1932, p. 129 ;

TYSON, p. 492, fig., caducee et ancre.8 TYSON, p. 493, fig.; GARRISON, op. I., 1932, p. 129.9 Voir plus haut. The Journal of the American Medical Association,

72, 1919, p. 1243.

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Emblemes medicaux.

curieuse utilisation de l'embleme de Mercure \ la criti-quant avec raison, sans cependant se rappeler qu'eux-memes ont commis une confusion tout aussi regretta-ble en qualifiant de «caducee medical» leur propreinsigne sanitaire derive du serpent et du miroir dePrudence.

C'est aussi le caducee, associe" a l'ancre, que le Chilia pris comme insigne de la medecine navale militaire(fig. 79,10) «.

Les medecins anglo-saxons ont cherche a justifier lechoix et le maintien de cet embleme, que l'on a contests 3.Remontant a l'antiquite, ils ont fait observer que les ser-pents entrelaces du culte babylonien, dont deriverait lekerykeion grec, etaient peut-Stre deja les symboles dedivinites medicales4, qu'Hermes 6tait parfois un dieuguerisseur 5. On ne saurait faire etat de tels argumentshistoriques. Bien d'autres dieux helleniques ou romainsont assume accessoirement ce role medical, sans que leursattributs aient ete considers par les anciens commedes symboles medicaux, et, nous l'avons deja releve,jamais dans l'antiquite le kerykeion-caducee n'a eu cette

1 BOIGEY, On confond le caducee de Mereure et le baton serpentaired'Esculape, Presse medicale, 32, 1924, annexes, p. 235 ; LENOUBT op.I., p. 16.

2 On le voit sur le titre et la couverture de la Bivista di SanitadNavale, Republica de Chile, Armada Nacional.

3 BOIGEY, LENOUBY, TYSON, I.e. ; MAC CULLOCH, The militarySurgeon, XLI, 1917, p. 143 ; GEEHABD, The Journal of the Americanmedical Association, LXXII, 1919, p. 1243.

4GABBISON, The Military Surgeon, XLIV, 1919, p. 636; 1932,p. 130 ; The Journal of the American medical Association, 72, 1919,p. 1483.

5 GABBISON, 1932, p. 129 ; The Journal, etc., ibid. K61e medical

d'Hermes, Roscher, Lexikon, s.y. Hermes, p. 2379. Selon Martial,Hermes est le Podalire des hernies, Saglio-Pottier, Bid. des ant. s.v.Medicus, p. 1678, note 8.

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Waldemar Deonna.

signification. On a aussi dit1 que le caducee, donne auxcorps sanitaires de l'armee, a des non-combattants, indiqueleur neutrality et rappelle le sens paeifique qu'il avait aRome, explication preferable, assurement, puisque, nousl'avons signale", cet embleme a conserve cette significa-tion dans les temps modernes.

Conclusion.

En resume", les seuls emblemes medicaux conformes ala tradition antique sont a) le serpent seul, b) le batonserpentaire d'Esculape (auquel il faut se garder de donnerle nom de caducee), c) la coupe au serpent d'Hygie. TJnautre motif simple, qui n'a rien de medical a ses origines,mais qui l'est devenu, est celui qui combine le serpent etle miroir de Prudence. Les autres sont des derives plusou moins compliques de ceux-ci. Le « caducee medical»de l'armee francaise, confond sous son nom inexact leserpent et le miroir de Prudence avec le baton serpen-taire d'Esculape, et y ajoute le faisceau reVolutionnaire.Quant au veritable caducee, celui d'Hermes-Mercure,qu'il soit ail6 ou non, il n'a pu devenir medical qu'ehs'affiliant au serpent de Prudence, et en 6voquant par saforme voisine le baton serpentaire d'Esculape et de laMMecine.

Oonvient-il aujourd'hui de faire un choix parmi cesmotifs, et de proclamer l'un veritable embleme medicalplutot qu'un autre2? Oui, si l'on veut remonter auxorigines. Non, si l'on admet que tous les themes orne-mentaux changent de sens et de formes au cours du

1 GABEISON, op. L, LVIII, 1926, p. 224; 1932, p. 131; MAC CTJLLOCH,

p. 142.2 BOIGEY conclut: «que le baton serpentaire d'Esculape qu'on

appelle inexactemertt caduc6e doit etre seul considere oomme l'attributdes medecins ». Presse medicale, XXXII, 1924, p. 236.

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Emblemes medicaux.

temps, Evolution dont l'antiquite" elle-meme offre maintexemple.

Cependant des arguments d'ordre pratique peuvent4tre pris en consideration. Le caducee persiste a etre denos jours un embleme commercial; a le consacrer commeinsigne medical, on risque de facheuses confusions ; onrisque aussi d'e"veiller chez de mauvais plaisants l'inop-portune association d'ide"es d'une m^decine venale.

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