Éducation relationnelle Répondre aux besoins de l'enfant...

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Éducation relationnelle Répondre aux besoins de l'enfant plus qu'à ses désirs - Pouvez-vous rappeler la différence . entre besoins et désirs ? - Le propre d'un besoin c'est qu'il de- vra être satisfait, sinon notre équilibre physiologique ou psychologique sera en danger. Il y a des besoins communs à tout être humain : besoins de survie (alimentation, sommeil, sécurité mini- male, vêrure) et des besoins relation- nels (besoin de se dire, d'être entendu, reconnu, valorisé, besoin d'intimité, d'influencer notre environnement, be- soin de rêver. .. Chez chacun d'entre nous, ces besoins vont prendre plus ou moins d'importance, à différents mo- ments de notre vie et leur satisfaction à minima ou leur non satisfaction favo- risera ou freinera notre développe- ment et notre croissance. Chaque be- soin prendra une coloration, une in- tensité plus ou moins grande en fonc- tion des compensations que nous al- lons avoir ou ne pas avoir. Je peux par exemple me priver de manger si j'ai un projet de perdre du poids, de dormir si je suis engagé dans une création qui mobilise toutes mes ressources. Alors que le propre d'un besoin est 4 Non-violence Actualité, mars-avril 2010 Entretien avec Jacques SALOMÉ Jacques Salomé est psychosociologue, diplômé de l'école des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, formateur, écrivain, poète. /1est l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Le courage d'être soi» (Ed. du Relié 1999), « Vivre avec les autre» (Ed. de l'Homme 2002), « Jamais seuls ensemble» (Ed. de l'Homme 2002) ou plus récemment: « Je viens de toutes mes enfances» (Albin Michel 2009). On trouvera sa bibliographie complète sur son site: www.j-salome.com d'être satisfait, le propre d'un désir est surtout d'être respecté, entendu mais pas nécessairement comblé. Sa non sa- tisfaction ne met pas notre vie en péril, cela nous décevra ou nous frustrera et pourra réveiller de la violence ou de la créativité. - L'homme cherche en permanence à combler ses manques, à satisfaire ses besoins. Est-ce cela la « motivation ", ce qui le pousse à agir et à avancer ? - Combler ses manques, oui, mais là aussi, nous aurons des choix à faire, même quand ces manques se ratta- chent à un besoin vital. Je crois que c'est plutôt le désir qui nous pousse à avancer, à nous dépasser, qui mobilise le plus notre créativité ou notre violen- ce. Les manques au niveau des besoins relèvent de la survie, les manques ou les carences au niveau des désirs relè- vent des déplaisirs de la vie. La recherche de la richesse, de la gloi- re, du pouvoir ou l'engrangement de plaisirs peuvent représenter des mo- teurs puissants pour accéder à un plus, mais constituent aussi des leurres et nous entrainent fréquemment dans des impasses. Je crois qu'une des plus grandes motivations est l'amour, ce sentiment qui est capable de mobiliser (ou d'aliéner) nos besoins et de stimu- ler ou d'inhiber nos désirs. - La recherche de la satisfaction du désir est-elle toujours irrationnelle et néfaste ? Comment prendre soin de ses désirs quand on les diffère ? - Ce ne sont pas les désirs qui sont né- gatifs, c'est leur réalisation ou leur non réalisation qui va provoquer des consé- quences négatives. Il est importànt de s'interroger d'une part sur la nature du désir et d'autre part sur la direction du désir. Il y a plusieurs sortes de désirs : • Des désirs autonomes (j'ai envie de lire, de sortir me promener) qui ne dé- pendent que de moi ou de mes res- sources. Et des désirs dépendants (j'ai envie de faire l'amour, d'aller à Venise avec ma blonde), désirs qui supposent l'accord de l'autre. • Des désirs vers l'autre (j'ai envie d'al- ler au cinéma avec toi) et des désir sur

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Éducation relationnelle

Répondre aux besoins de l'enfantplus qu'à ses désirs

- Pouvez-vous rappeler la différence .entre besoins et désirs ?

- Le propre d'un besoin c'est qu'il de-vra être satisfait, sinon notre équilibrephysiologique ou psychologique seraen danger. Il y a des besoins communsà tout être humain : besoins de survie(alimentation, sommeil, sécurité mini-male, vêrure) et des besoins relation-nels (besoin de se dire, d'être entendu,reconnu, valorisé, besoin d'intimité,d'influencer notre environnement, be-soin de rêver. .. Chez chacun d'entrenous, ces besoins vont prendre plus oumoins d'importance, à différents mo-ments de notre vie et leur satisfaction àminima ou leur non satisfaction favo-risera ou freinera notre développe-ment et notre croissance. Chaque be-soin prendra une coloration, une in-tensité plus ou moins grande en fonc-tion des compensations que nous al-lons avoir ou ne pas avoir. Je peux parexemple me priver de manger si j'ai unprojet de perdre du poids, de dormir sije suis engagé dans une création quimobilise toutes mes ressources.Alors que le propre d'un besoin est

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Entretien avec Jacques SALOMÉ

Jacques Salomé est psychosociologue, diplômé de l'école desHautes Études en Sciences Sociales de Paris, formateur, écrivain,poète. /1est l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Le couraged'être soi» (Ed. du Relié 1999), « Vivre avec les autre» (Ed. del'Homme 2002), « Jamais seuls ensemble» (Ed. de l'Homme2002) ou plus récemment: « Je viens de toutes mes enfances»(Albin Michel 2009). On trouvera sa bibliographie complète surson site: www.j-salome.com

d'être satisfait, le propre d'un désir estsurtout d'être respecté, entendu maispas nécessairement comblé. Sa non sa-tisfaction ne met pas notre vie en péril,cela nous décevra ou nous frustrera etpourra réveiller de la violence ou de lacréativité.

- L'homme cherche en permanence àcombler ses manques, à satisfaire sesbesoins. Est-ce cela la « motivation ",ce qui le pousse à agir et à avancer ?

- Combler ses manques, oui, mais làaussi, nous aurons des choix à faire,même quand ces manques se ratta-chent à un besoin vital. Je crois quec'est plutôt le désir qui nous pousse àavancer, à nous dépasser, qui mobilisele plus notre créativité ou notre violen-ce. Les manques au niveau des besoinsrelèvent de la survie, les manques oules carences au niveau des désirs relè-vent des déplaisirs de la vie.La recherche de la richesse, de la gloi-re, du pouvoir ou l'engrangement deplaisirs peuvent représenter des mo-teurs puissants pour accéder à un plus,mais constituent aussi des leurres et

nous entrainent fréquemment dansdes impasses. Je crois qu'une des plusgrandes motivations est l'amour, cesentiment qui est capable de mobiliser(ou d'aliéner) nos besoins et de stimu-ler ou d'inhiber nos désirs.

- La recherche de la satisfaction dudésir est-elle toujours irrationnelle etnéfaste ? Comment prendre soin deses désirs quand on les diffère ?

- Ce ne sont pas les désirs qui sont né-gatifs, c'est leur réalisation ou leur nonréalisation qui va provoquer des consé-quences négatives. Il est importànt des'interroger d'une part sur la nature dudésir et d'autre part sur la direction dudésir.Il y a plusieurs sortes de désirs :• Des désirs autonomes (j'ai envie delire, de sortir me promener) qui ne dé-pendent que de moi ou de mes res-sources. Et des désirs dépendants (j'aienvie de faire l'amour, d'aller à Veniseavec ma blonde), désirs qui supposentl'accord de l'autre.• Des désirs vers l'autre (j'ai envie d'al-ler au cinéma avec toi) et des désir sur

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l'autre (je voudrais que tu aies envie defaire l'amour avec moi ! )Le premier est un désir créatif, stimu-lant, l'autre est un désir qui parfoispeut devenir terroriste.On peut prendre soin d'un désir diffé-ré par l'espoir (j'espère qu'un jourmon partenaire changera d'avis et ac-ceptera que nous ayons un enfant) oupar la symbolisation. On peut symbo-liser par un objet son désir et prendresoin de cet objet « le petit poupon queje porte autour de ma taille sous marobe, symbolise l'enfant que je vou-drais avoir. Le seul fait de le porter, delui parler, fiaide à respecter mon désird'enfant et à témoigner auprès demon partenaire, que même si lui neveut pas d'enfant, cela n'annule pasmon propre désir! ».

- En quoi la satisfaction des désirspeut compromettre la satisfactiondes besoins ?

- Les désirs sont plus dynamiques queles besoins, ils prennent souvent ledessus dans notre imaginaire, et peu-vent compromettre ainsi notre propreéquilibre s'ils rentrent en compétitionavec nos besoins. Si par exemple je mesuis couché chaque soir depuis 8 joursà 3 heures du matin, et que ma blon-de me propose d'aller danser, passerune soirée de fête chez des amis, jepeux dans un premier temps répondreà ce désir, mais à un moment, monbesoin de sommeil me rattrapera etune partie de la soirée risque d'être gâ-chée ...

- Les besoins sont-ils tous connus, dé-finis et limités ?

- La plupart de nos grands besoins desurvie sont connus, ce sont les besoinsrelationnels qui sont les moins connuset qui sont souvent maltraités. Cha-cun de nos besoins peut avoir des va-riantes suivant les cultures et je le répè-te une intensité plus ou moins grandeà certains moments de notre vie. Onpeut donner à certains moments plusd'importance aux uns qu'aux autres,mais dans la durée, ils devront chacuntrouver des réponses satisfaisantes.On devrait apprendre aux enfants, trèstôt à l'école, la différence entre désirs

et besoins, leur permettre de les recon-naître et de les apprivoiser. Et en parti-culier leur apprendre à en différer lasatisfaction dans le temps et l'espace.Cela se fait spontanément pour cer-tains besoins : ainsi on apprend trèstôt à un enfant à faire ses besoins (pi-pi, caca) dans un lieu spécifique: lestoilettes. On pourrait leur apprendreégalement à mettre en attente certainsdésirs (oui, à 12 ans je voudrais unemoto, mais je peux entendre que celane me sera possible de l'avoir et sur-tout de la conduire qu'à 16 ans, aprèsavoir économiser suffisamment, pas-ser un permis et avoir les moyens depayer l'essence qui lui permettra derouler l).

- La frustration des besoins ou desdésirs n'est-elle pas la peur fonda-mentale de tout être humain?

- La non satisfaction de nos besoins vi-taux met notre vie en péril. La non sa-tisfaction de nos besoins relationnelsmet en péril notre équilibre psychiqueet même somatique, mais surtout en-traine à vivre des relations difficiles,conflictuelles, violentes avec notre en-tourage.La frustration vis à vis de nos besoinsne peut être que temporaire.

La frustration vis à vis de nos désirs,peut être plus longue ou même per-manente. C'est un apprentissage dou-loureux à vivre pour chaque enfant, dedécouvrir que la réalité n'est pas auservice de ses désirs, que les autres, lemonde qui l'entoure, ne sont pas né-cessairement là pour répondre à sesattentes en matière de désir. Un desgrands problèmes actuels, dans l'édu-cation des enfants, c'est que les parentsont tendance à répondre plutôt auxdésirs des enfants qu'à leur besoins (re-lationnels en particulier) ce qui provo-quent chez les enfants et les adoles-cents d'aujourd'hui un double conflitintra personnel ingérable.• Ils sont hyper satisfaits au niveau desdésirs, mais jamais comblés pour au-tant.• Leurs besoins fondamentaux (sur-tout relationnels) ne sont pas enten-dus.Ce qui fait que leur seuil de frustra-tion est tellement bas (ils ont été tou-jours comblés en termes de désir !)que toute rencontre avec la réalité estvécue par eux comme les agressant, ceà quoi ils répondent par de la violence.C'est une des origines de la violenceaujourd'hui chez la plupart des jeunes.Si les besoins de survie sont menacés,cela peut entrainer une violence de

Les besoins de survie sont communs à tout être humain: alimentation, sommeil, sécurité minimale, vêture ...(Phota Franck Courtèsj Agence VU).

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survie, qui est toujours temporaire etlimitée dans le temps. Comme le noyé,qui manque d'air et avale de l'eau,peut frapper celui qui vient le secou-rir ; comme celui qui frappe quand ilest attaqué dans la rue ou dans la courde récréation. Si les besoins relation-nels ne sont pas entendus ou sontmaltraités, cela peut déclencher uneviolence d'affirmation ou encore del'auto-violence (conduites à risques etauto-destructrices), plus ou moins for-te, mais relative dans le temps.

- Quelles sont les conséquences de lanon satisfaction des désirs ?

- Si les désirs ne sont pas comblés, ce-la va déclencher une violence prédatri-ce pour s'approprier des réponses (ob-jets, argent, drogues) afin de comblerles désirs. Cette violence est sans fin.La non satisfaction des désirs, chez desenfants ou des ex-enfants qui n'ontpas été confrontés très tôt au principede réalité, va susciter et entretenir chezeux la survivance de ce que j'appellel'ITPI : illusion de la toute puissanceinfantile (tout, tout de suite, sanscontre partie). Chez ces individus, laviolence sera pratiquement sans fin,car ils fonctionnement sur le principedu passage à l'acte: je veux donc jeprends, sans aucun contrôle. La re-cherche du plaisir comme moteur deVIe.

Il y a chez certains l'irruption d'unepulsion, qui échappe à tout contrôle, àtout raisonnement et qui les submergeau point d'inhiber toute référence mo-rale ou sociale. On le voit par exempledans le cas de viols, d'actes pédo-philes, de brutalités inouïes chez cer-tains criminels en série, où le moindreobstacle déclenche encore plus de vio-lence. L'origine de ces pulsions peutêtre recherchée dans la toute petite en-fance, dans les premiers mois ou lespremières années de Ia vie, quand lasurvie d'un bébé était menacée de fa-çon réelle ou fantasmée et qu'il nepouvait survivre qu'en se coupant duréel et de ses contraintes.Les conséquences de la non satisfac-tion des désirs sont multiples dansleurs modalités, mais identiques sur lefond : non satisfaction= frustration=colère ou désespoir= violence d'appro-priation.Apprendre à se positionner par un« non» supposera que l'adulte présentpuisse dire : ce n'est pas à toi que je dis« non », c'est à ta demande, ce n'estpas toi que je rejette, c'est l'exigenceque tu tentes de m'imposer. Tout celasupposerait qu'on apprenne un jour lacommunication à l'école comme unematière à part entière. Que l'on puissetransmettre aux enfants des règlesd'hygiène relationnelles communes,permettant d'apprendre à échanger,partager sans relation dominant-do-

Les parents peuvent acquérir les basesde la communication relationnelle

cc Les parents peuvent acquérir quelques compétences en prenant le risque de découvrir qu'ilssont des infirmes de la relation et donc qu'ils peuvent apprendre à mettre en commun, àéchanger entre eux et avec leurs enfants en respectant quelques règles minimales d'hygiènerelationnelle. Il y a un parallèle étonnant entre la circulation automobile et la communication.Le permis de conduire a été inventé en France en 1905. Cela veut dire qu'avant cette date,chacun circulait en fonction de son habileté, de ses compétences, de ses désirs ou de la puis-sance de son véhicule. Devant l'explosion de la circulation en 1900 et la violence sur lesroutes, on a imposé quelques règles de conduite routière communes. En matière de com-munication tout se passe comme si nous étions encore en 1900, nous n'avons pas comprisqu'avec l'explosion, dans les dernières décennies, des outils de la communication (internet,téléphone, télévision) on s'exprime plus mais on communique moins, on a amélioré lesmoyens de communiquer mais on a violenté la relation. })

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j.S.

miné, sans rapport d'aliénation ou dedépendance, sans opposition ou af-frontement.

- Comment définiriez-vous l'autoritéque l'adulte (le parent) doit savoirexercer vis-à-vis de l'enfant?

- Il y a quatre grandes fonctions pa-rentales qui sont à la base de l'autori-té : les fonctions maman et mère, lesfonctions papa et père. Les fonctionsmaman et papa sont gratifiantes, bien-veillantes, nourrissantes, elles permet-tent à l'enfant de grandir en sécurité.Les fonctions mère et père sont desfonctions plus frustrantes, plus limita-tives, plus sanctionnantes ; elles per-mettent à l'enfant de se confronter àun environnement qui parfois le com-blera et d'autre fois le frustrera en nerépondant pas à ses désirs. La gestiondes besoins et des conflits est contenuedans la notion d'autorité.Lautorité c'est la capacité d'influencerautrui (par exemple ses enfants) enleur permettant de devenir auteur deleur propre vie. Lautorité se distingued'une part de l'autoritarisme (patholo-gie de l'autorité) et d'autre part dupouvoir, qui sont une façon d'imposerune influence sur autrui par la force, laviolence ou la manipulation.Le problème aujourd'hui, c'est que lespères sont plutôt des papa (trop laxistesou pseudo compréhension, peu inter-ventionnistes ou sanctionnantl.cobli-geant les femmes à être trop mères, cequ'elles vivent mal et qui va faire qu'ellesvont avoir la tentation d'être parfoistrop maman (trop laxistes) mais àcontre temps et ce faisant en répon-dant trop vite aux désirs de leurs en-fants, sans les confronter à la frustra-tion de ne pas être comblé tout de sui-te.

- Quelles sont les conséquences pourl'enfant de l'absence de limites ?

- Les enfants « du désir» - enfant roi,enfant du désir, enfant terroriste rela-tionnel - sont le « produit» de parentsqui ne savent pas dire « non », qui nesavent qu'ils sont là pour répondre auxbesoins et pas aux désirs (sauf dans despériodes balisées pour cela: Noël, an-niversaires, réussites à un examen, une

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épreuve, etc). Ces enfants du désir se-ront parmi les plus violents dans leurévolution.Le rôle des parents est de leur per-mettre de rencontrer le principe deréalité qu'ils auront à affronter tout aulong de leur vie, de leur faire découvrirque le monde n'est pas au service deleurs désirs, et les aider à se donner lesmoyens (créativité, ténacité, travail)pour accéder à certains de leurs désirs.On aidera les parents en leur permet-tant de mieux comprendre que ce quiest important pour le devenir person-nel et social d'un enfant c'est d'avoirdes réponses gratifiantes, adaptées etcohérentes par rapport à ses besoins.

- N'est-il pas difficile de limiter et dif-férer le désir dans une société baséesur l'exacerbation du désir?

- Oui c'est difficile, car l'influence desparents est contrebalancée, sinon com-battue par l'énorme influence d'uneculture fondée sur la consommationet la recherche maximale du plaisir.Nous sommes dans une culture per-verse qui crée sans cesse de nouvellesréponses à des désirs qui n'existent pasencore mais qui vont naître du faitqu'il y aura des « réponses », des « ob-jets », « des situations », qui vont lesstimuler.Ce problème est accentué par l'absen-ce de communication réelle, la noncompréhension entre désir et besoin,le refus ou la difficulté à frustrer desenfants pour leur apprendre le goût del'effort, la satisfaction différée ou su-blimée, l'ignorance de leurs besoins re-lationnels qui sont des besoins vitauxavec lesquels un enfant, et plus tard unadulte, s'adaptera ou pas au mondequi l'attend. Apprendre la communi-cation aux enfants, c'est les aider àmettre des mots sur ce qui se passe, surce qu'ils ressentent, sur ce qui va se dé-clencher en eux quand ils rencontrentle refus, l'obstacle, la frustration ou lerejet de leurs demandes et exigences.Quand il yale silence des mots, se ré-veille la violence des maux (sur autruiet sur soi l),

- Péducation relationnelle n'est-ellepas d'abord une éducation à la non-violence?

Elles seront lentes, c'est pour cela qu'ilfaut commencer au plus vite. Ensei-gner la communication relationnelle àl'école comme une matière à part en-tière (au même titre que les autres dis-ciplines : lire, écrire, compter, décou-vrir. .. ). Créer des oasis relationnellesdans chaque quartier, dans chaque vil-lage où chacun pourrait venir décou-vrir une autre façon de s'exprimer, departager, d'échanger c'est à dire demettre en commun.Mieux utiliser la télévision pour trans-former cet outil fabuleux en supportéducatif où à travers de courtes sé-quences à des heures de grande écou-te, on montrerait quelques règles d'hy-giène relationnelle accessibles à cha-cun, transmissibles dans les principalesrelations qui tissent la vie d'un enfantou d'un ex-enfant appelé adulte: rela-tions de couple, relations parentales,relations à l'école, relations dans lemonde du travail, relations civiques etsociales.

« L'influence des parents est contrebalancée, sinon combattue, par l'énorme influence d'une culture fondée surla consommation)) (Photo Claudine DouryjAgence VU).

- [éducation relationnelle, que je dé-veloppe à partir de la méthode ESPE-RE, pose les fondements d'une éduca-tion non violente. Education fondéesur le respect de soi et d'autrui, sur latolérance, sur la possibilité de vivre deséchanges en réciprocité qui intègrentle demander, le donner, le recevoir etle refuser. Fondée également sur la dé-mystification du système anti-rela-tionnel qui domine actuellement dansles relations parentales et les relationsenseignants-enseignés : un systèmefondé sur des injonctions (on parle surl'autre et non à l'autre), sur des dévalo-risations (on voit surtout ce qu'il n'apas fait), sur des menaces et des chan-tages (on fait peser sur lui des menacesréelles ou fantasmées), sur de la culpa-bilisation (on lui donne la responsabi-lité de ce que nous ressentons ou éprou-vons de négatif en nous) et sur lemaintien de rapports dominants-do-minés.

- Comment faire progresser l'éduca-tion relationnelle dans la sociétéd'aujourd'hui?

- En matière de relation, il n'y a pas desolution, seulement des évolutions.

Propos recueillispar Guy Boubault

Institut ESPERE, 13-15 avenue d'Italie, 75013Patis. Tél. 01 44 24 57 87. Mail: [email protected] - Site: www.institut-espere.com

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Formation parentale

taux, des peurs fondamentales (4). Sinous nous attachons à l'expressiondecespeurs (( il/ellea un énorme besoinde reconnaissance » devient « il/elle aune très grande peur de rejet ») c'estparce qu'elle est la source de nom-breux conflitsdestructeurs! Ces peurs,enfouies depuis très longtemps, ontmême influencé notre processus decroissance et s'expriment à traversnotre charpente corporelle (5). Tousles auteurs qui se sont penchés sur laquestion de l'identification des be-soins fondamentaux (6) donnent desinterprétations différentes. Pour mapart, j'en retiens cinq (cf tableau ci-contre).

Besoins, désirs, peurs, frustrations ...Comment ça marche 7

Par Hervé OTT

Savoir exprimer ses besoins, repérer quand ils sont frustrés, accueillir les émotions qui sont alorsdéclenchées, négocier la satisfaction de ces besoins, sont des outils essentiels à l'apprentissage durespect de soi et des autres pour des relations humaines saines. Il est important que les parentsacquièrent ces compétences s'ils veulent accompagner utilement leurs enfants vers un épanouissementpersonnel et social.

Hervé Ott estformaseur-consul-tant en Approche et transforma-tion constructive des conflits(A TCC). Il assure des forma-tions en prévention de conflits etdes interventions en situation decrise. Il accompagne des équipeset des individus en souffiance etco-anime une « flnnation pro-

fèssionnelle certifiante de flnna-teur-consultant en ATCC ». Ilpublie également des études etrecherches sur toutes les dimen-sions des conflits. Institut Euro-péen Conflits Cultures Coopéra-tions, Le Cun, 12100 Millau.Tél. 05 65 61 33 26. Site:www.ieccc.org

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Pour vivre, les êtres vivants (vé-gétaux, animaux) doivent pou-voir satisfaireun certainnombre

de besoins. il y a des besoinsphysiolo-giques dirigéspar des instincts: la sur-vie (pour l'individu), la reproduction(pour l'espèce) et le repos pour re-constituer les énergies consomméesdans cesdeux activités.Sur cesbesoinsbasiques se sont superposés des be-soins « psychologiques» spécifiques

. aux humains (peut-être déjà chez lessinges). Le mot « besoins» renvoiesouvent à l'image de « la pyramide deMaslow ». Abraham Maslow a diffé-rencié des besoins de sécurité, d'ap-partenance, d'amour, d'autonomie etde réalisation de soi/créativité (1). Illes a hiérarchisé: la satisfaction d'unbesoin nécessite celle du besoin im-médiatement inférieur. La « ProcessCommunication » a repris cette idéede hiérarchie des besoins en l'indivi-dualisant : cette hiérarchie varie enfonction de l'histoire de l'individu, deson développement, ce qui produitdes « tempéraments» différents (2).Maslowa aussidéfini cesbesoinscom-me « besoin de combler unmanque» (3). E. Fromm au contraireles a définis comme besoins existën-tiels « pleins », Charles Rojzman a cla-rifié ce rapport entre « besoins pleins»(ou fondamentaux) et « manques» enmontrant que ces derniers sont desfrustrations des besoins fondamen-

Des besoins au désir

Maslow a aussi mis en évidence quec'est la satisfaction de ces besoins quiest à la source de la « motivation ». Enréalité, la « motivation» n'est riend'autre que ce que l'on entend par« désir », à savoir cet élan vital, cette« combativité naturelle » de tout êtrevivant, orientée par le mimétisme (7).Si j'ai soif (besoin physiologique), jepeux l'étancher avecde l'eau, une tisa-ne ou une boisson gazeuse,fruitée oualcoolique selon le modèle à imiterqui m'est proposé (envie, désir mimé-tique). Si l'envie/désir de telle boissonpeut avoir été « télé-guidé-e » par lapublicité, le besoin fondamental n'est

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Besoins fondamentaux à satisfaire Besoins frustrés = peurs fondamentales

Amour AbandonSatisfait par l'accueil inconditionnel de l'être, le Provoqué par la solitude, la distance, la séparation, lecontact (la peau) depuis l'allaitement jusqu'à la deuil, l'injusticesexualité, les soins, les cadeaux, 1'hospitalité,Reconnaissance Rejet, DévalorisationSatisfait par l'écoute et le regard, l'appréciation du Provoqué par la non prise en compte de soi, lafaire et des compétences, des marques de statut, de dévalorisation, le dénigrement, lefaux témoignage, laplace, salaire et honneurs, trahison, l'exclusion ...Sécurité Agression, EnvahissementSatisfait par la confiance dans tout ce qui a trait au Provoqués par lesjugements de valeurs, de personne,territoire, au corps, aux biens, à l'âme, concerne le la violence morale, l'agression verbale et physiqueprésent et l'avenir.Orientations Perte de repèresSatisfait par des directives, limites, repères clairs, Provoquée par la dissimulation, le mensonge,règles, lois, valeurs, sens, l'hypocrisie, la manipulation ...Autonomie, ContrôleSatisfait par la liberté de penser, d'agir, l'exercice de Provoquée par l'autoritarisme, la perte de liberté, laresponsabilités, avoir de l'autorité ... surveillance, la surprotection ...Créativité, transcendance AliénationSatisfait par la possibilité de créer, d'innover, de Provoquée par le dogmatisme, la rigidité,dépasser des contingences matérielles, d'expressions l'enfermement, la répétition, l'absurdité ...symboliques et spirituelles.

NEGOCIER ACCUEILLIRLes modalités de satisfaction des besoins sont Les peurs (émotions)négociables, pas les besoins eux-mêmes: - se dissolvent dans l'accueil bienveillant, l'écouteapprendre à connaître, à (faire) formuler ses empathique, la mise en mots, l'expression corporellepropres critères de satisfaction permet de - se renforcent face aux dévalorisations, conseils etrenforcer sa motivation, son désir. autres rationalisations.

pas influençable (8). Chaque person-ne a besoin d'amour et pourtant ilfaudra plus de câlins, de contact phy-sique pour les un-e-s, plus de cadeauxpour d'autres, plus de sourires, de dé-clarations d'amour ou de marque d'af-fection, pour le satisfaire. Si donc lesbesoins doivent être satisfaits, on peuten diversifier les modalités de satisfac-tion. Alors que le désir s'épuise dèsqu'il est satisfait, et qu'il est réactivépar le désir de l'autre comme modèle,les besoins eux doivent être satisfaitspour maintenir la personne dans sa vi-talité et sa dignité.

Les besoins doiventêtre satisfaits, et leursmodalités de satisfactionpeuvent être négociéesLe besoin d'autonomie sera vécu diffé-remment par l'enfant qui apprend àmarcher, puis à faire du vélo que par lemême, devenu adolescent, qui veutêtre « libre» et plus tard « respon-

sable ». Chaque personne a ses proprescritères de satisfaction de ses besoins(souvent méconnus d'elle) selon sonhistoire et son développement. Or, laconnaissance de ces critères est indis-pensable pour pouvoir en obtenir/né-gocier la satisfaction. Quand MarshallRosenberg décrit les quatre étapesd'une communication « non-violen-te », la dernière - faire une demandeprécise et limitée - (9) correspond à ceque j'exprime avec « négocier le critèrede satisfaction du besoin ».

Certaines personnes qui se plaignentde « ne pas être aimées» (qui se sen-tent abandonnées ou souffrent de soli-tude) reprochent à d'autres leur inca-pacité à deviner ce dont elles ont be-soin. Elles ont en fait des difficultés àcerner ou à avouer leur sentimentd'abandon, de solitude et à formulerdes demandes à partir de leurs proprescritères de satisfaction du besoind'amour. C'est tellement plus facile derester dans la position de victime!

Quand la solution faitproblème!Quand nous percevons une frustra-tion, sans l'identifier, nous avons géné-ralement le réflexe de chercher une so-lution et de négocier à partir de cettesolution. Si dans un groupe quelqu'undit « il fait trop chaud ici, est-ce qu'onpeut ouvrir une fenêtre ? » (le besoinde fraîcheur est occulté, la solutionmise en avant), une autre personne vase précipiter et s'exécuter; une troisiè-me va répondre : « non il fait déjà as-sez froid, tu n'as qu'à te découvrir! ».

En fait, la « solution» de chacun-e sertd'écran à la perception-formulation deses propres besoins. La recherche d'uncompromis par la négociation suppo-se donc de formuler ses critères de sa-tisfaction de ses propres besoins et deles croiser avec les ressources, identi-fiées ou supposées, de l'autre (10).« T'as pas 20 €? » « - Et puis quoi en-core? » « En fait j'suis coincé-e, j'aicassé ma montre et j'ai peur d'arriver

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crI retard» « - Ah ben, j'peux t'en prê-ter une »...

Les peurs fondamentales,comme émotions, doiventêtre accueillies avecbienveillance

Les émotions sont des énergies corpo-relles qui nous préviennent qu'un denos besoins fondamentaux est en aler-te (surprise, compassion), comblé(joie) ou frustré (colère, peur, dégoût,honte, tristesse). En plus d'accueilliravec bienveillance les émotions (desoi, des autres) et d'aider à les nom-mer, il est facilitant de demander àune personne submergée « de quoi as-tu besoin dans l'instant pour te sentirmieux? ». Cela lui permettra de se re-connecter avec ses besoins et de prendreun peu de distance avec ses peurs/frus-trations.

La confiance est unesensation corporellequi traduit la satisfactionde l'un ou l'autre desbesoins de la personne

Lors du premier stage d'une forma-tion longue consacré à construire lacohésion du groupe, j'invite chaque

membre à formuler par écrit, puis paroral : « Pour me sentir en confiancedans ce groupe, j'ai besoin de ... ».

Sont alors évoqués « bienveillance,chaleur, accueil, soutien, accueil in-conditionnel, être accepté dans ce queje suis de bon et moins bon, un rappelbienveillant quand je transgresse lesrègles » (amour), « être écouté-e, êtreassuré-e qu'on me croit capable d'en-tendre ce qui fi est reproché-e » (re-connaissance), « non-jugement, pou-voir oser exprimer mes questions etmes doutes, repères» (sécurité-re-pères). La confiance, ça peut donc senégocier à partir de nos besoins !

Modes de réaction àl'agression, place desbesoins et recherched'un compromis

Quand en situation de stress une émo-tion nous signale qu'un de nos « be-soins» fondamentaux est satisfait/frus-tré, nous pouvons réagir de différentesfaçons. Car en amont des réactions detype mammifère (avec les émotions),il y a celles de type reptilien : combat,fuite, inhibition. Chacun de ces modesde réaction est « pulsé» soit par la pri-se en compte de ses seuls propres be-soins (combat), soit des seuls besoinsde l'autre (fuite) ou d'aucun besoin de

Des mécanismes de défenseaux outils de protection

soi ou de l'autre (inhibition). Notrestatut de mammifère vivant en grou-pe, nous donne aussi la possibilité deréagir en tenant compte à la fois denos besoins personnels et de ceux desautres: en collaborant. Chaque modede réaction est valable en soi. Il fautpouvoir les combiner entre eux pourrester adapté à notre environnementqui évolue sans cesse. Quand je resteprisonnier-e d'un seul de ces modes deréaction, c'est que je suis « manipulé- c;

e » par une peur fondamentale, un be-soin frustré. Mon statut d'homo sa-piens me rend aussi capable de combi-ner consciemment toutes ces formesde réaction simultanément : collabo-rer pour agir en groupe, combattrepour défendre mes intérêts, fuir pourme protéger et être inhibé pour voirvenir, observer: c'est ce qui permet detrouver de vrais compromis.

Petits, nous avons pu vivre à répétitioncertaines peurs/frustrations de ces be-soins: d'abandon (quand les parentss'absentaient sans nous prévenir, lorsd'un divorce), de rejet (dès le ventrematernel selon l'accueil réservé au fœ-tus), d'insécurité (maltraitance, vio-lences subies) et de perte des repères(manque de limites), de contrôle. Cespeurs sont devenues des frustrationspermanentes et l'enfant a inventé des« mécanismes de défense» pour seprotéger et s'adapter: pleurer ou fairedu bruit pour obtenir des signesd'amour, faire des « bêtises » pour sefaire remarquer etc. .. il a donc apprisà « arracher» à son entourage une for-me ambiguë de satisfaction de l'un oul'autre de ses besoins. Devenu adulte,il risque de continuer à développercette « stratégie inconsciente » dansson couple, avec ses collègues, avec lesrésultats qu'on imagine! Ces peurs/frus-trations anciennes réactivées par unévénement, vont déclencher son mé-canisme de défense, lequel va provo-quer une réaction négative de l'entou-rage et réalimenter en boucle lespeurs/frustrations combattues.Pour se protéger de ses propres méca-nismes de défense, Colette Portelancepropose de se doter « d'outils de pro-

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tection » conscients et définis d'avan-ce. Car j'ai déjà su, au moins une fois,adopter spontanément l'attitude quim'a permis d'éviter mon propre piè-ge : je peux la retrouver et m'en servirà nouveau. Si quand je mesens perdu-e, abandonné-e, je me plains ou de-viens agressif-ve, j'alimente mes frus-trations. Si j'ai découvert qu'en télé-phonant à telle personne je me sensaccueilli-e avec bienveillance, cela peutsuffire à combler mon besoin d'amourdans l'instant. Chanter, écouter tellemusique, lire tel poème, aller faire unfooting peuvent être autant d'outils deprotection (11).

« Leaders », « boucsémissaires » ou commentles peurs fondamentalesse manifestent dans ungroupe

Pour obtenir un statut dans une entre-prise, institution ou association, jedois négocier un contrat qui permettede satisfaire ses « besoins» (12) et lesmiens. Les contrats des salariés oumandats d'élus, sont rarement biendéfinis, quand ils existent! Dans ce cason laisse à!' appréciation des individus,la définition de leur responsabilité(statut) et de leurs tâches (rôle). Lorsqueles « besoins» relationnels, fonction-nels et opérationnels du groupe man-quent de précisions, des « rôles infor-mels » de « leader », « boute-en-train »,« bouc émissaire» (entre autres) vontapparaître pour les assumer indirecte-ment. Ces rôles informels révèlent deréels besoins du groupe/des individusnon assumés officiellement mais de fa-çon compulsive et non-négociée. [éner-gie de ces rôles informels a sa sourcedans les peurs/frustrations de leurs« acteurs », lesquelles provoquent desconflits de pouvoir. En réalité, lesconflits de personnes révèlent, derrièreles dysfonctionnements structurels, lechoc de peurs fondamentales symé-triques (13). Ces rôles informels peu-vent provoquer de grandes frustra-tions aussi pour celles et ceux qui lesassument. Ils signalent aussi l'appari-tion de besoins nouveaux mal identi-fiés. Réinvestis en rôles formels ilspeuvent devenir de réels outils dechangement.

Communication distingue 6 tempéraments: ern-pathique, travaillomane, persévérant, rebelle, pro-moteur, rêveur.(3) Voir op. cit p. 35. On retrouve cette définitiondans Wikipédia : « Le besoin correspond à unesensation de manque, d'inconfort ou de priva-tion ... », ce qui révèle en fait une confusion entre« besoins » et ({désirs ».(4) La peur, la haine et la démocratie, Introduc-tion à une thérapie sociale Épi-DDB 1992(5) Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-mê-me Ed. E.T.C. Inc Québec 2000. Lise Bourbeaumontre que ces besoins frustrés dans l'enfance ontfaçonné notre caractère et notre squelette.(6) Dans « Relation d'aide et amour de soi », Eddu CRAM, Québec 1999, Colette Portelanceidentifie 7 besoins fondamentaux: amour, sécuri-té, écoure, reconnaissance, affirmation, liberté,créativité; p. 108 ss.(7) ].-M. Oughourlian - Le Désir: énergie et fi-nalité, L'Harmattan 1999. Le Mimétisme, ].-].Samuel et H. Ott, Cahier d'IECCC n° 7(www.ieccc.orglarticle.php3?id_article=70).(8) A. Channouf - Les influences inconscientes.De l'effet des émotions et des croyances sur le ju-gement, Armand Colin, 2004, v. p. 115 et sui-vantes.(9) M. Rosenberg - Les mots sont des fenêtres Sy-ros1999(10) F. Delivré - Le pouvoir de négocier, s'af-fronter sans violence. InterEditions 1997(11) Je vous propose un outil sur le sitehup:/ /www.ieccc.orglarticle.php3?id_articIe=83(12) J'entends par « besoins» de l'entreprise/ins-titution/association tout ce qui relève du fonc-tionnel et de l'opérationnel, tout ce qui permetà cette entité de se développer et de s'inscriredans la durée. Cf H. Ott, Prévenir les conflitsdans les groupes, in Conflits, mettre hors jeu laviolence, Chronique sociale 2004, p. 90 ss.(13) J'ai développé tout cela avec mon collègueK.-H. Biul dans une étude sur la formation deleaders sociaux. Cf. un résumé téléchargeable surwww.ieccc.org/article.php3?id_article=151(14) Voir l'article de Karl-Heinz Bitd dans NVAn° 303, mars-avril 2009, pp. 18-19.

« La confiance est une sensation corporelle qui traduit la satisfaction de l'un ou l'autre des besoins de lapersonne}) (Photo Franck Courtèsj Agence VU).

Besoins et valeursIl nous faut terminer avec la questiondes valeurs. Les valeurs d'un groupeculturel donné, sont la transcriptionculturelle/collective des « besoins»universels de la personne humaine. Cequi explique leur universalité (14). Onles trouve consignées dans la constitu-tion des Etats (pour la France: liberté,égalité, fraternité, solidarité, laïcité), lacharte universelle des droits de l'Hom-me (dignité, liberté, justice et paix,amour, égalité et respect des droits dela personne humaine). Chacune d'ellepeut être rattachée à un besoin fonda-mental de l'individu.Le « travail » a dernièrement été offi-ciellement érigé au rang de valeur, sansprovoquer de réactions. Or c'est uneactivité (et un droit) qui permet - souscertaines conditions - de satisfaire lesbesoins physiologiques-matériels etpsychologiques-relationnels de chaqueadulte qui le désire. Travailler et fairetravailler sur nos valeurs redevient ur-gent: c'est le respect et la dignité de lapersonne humaine qui sont en jeu!

Hervé Ott

(1) A. Maslow - Vers une psychologie de l'être,Fayard 1972 v. p. 33-34 et 39(2) G. Collignon - Comment leur dire, la ProcessCommunication, InterEditions 2003. La Process

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Besoins et droits chez l'enfant

tent la motivation de déficience ;tandis que les besoins les plus évoluésse rapportent à la satisfaction et àl'épanouissement personnel: c'est lamotivation de croissance.Dans cette dialectique, la question del'enfance et de l'enfant s'y trouventpleinement concernée : entre les be-soins de protection et de sécurité liés àla vulnérabilité de l'enfant qui sans lespremiers soins nécessaires à la vie nepeut vivre ni croître physiquement etles besoins de croissance liés à l'incapa-cité de l'enfant à développer son auto-norrue.

les « droits» de l'enfant ont-ilsété calqués sur ses « besoins» ?

La « pyramide de Maslow »définit les besoinsphysiologiques etpsychologiques de la personne.Les« droits» de l'enfant ont-ilsété calqués sur les « besoins»de l'enfant? Nous avons posé laquestion à Catherine Claveau,de « Défenseure des enfants ».

Confronter la pyramide de Maslow àla Convention internationale des droitsde l'enfant est une façon de com-prendre la structure même de penséede cette Convention. TI s'agira de per-cevoir dans ce rapprochement, de ma-nière esquissée, le fondement mêmede cet outil qui rallia quasiment tousles pays du monde.Sous le concept de besoin nous avonstendance à regrouper plusieurs no-

Catherine Claveau est directri-ce de lapromotion des droits del'enfont. Défenseure des en-

fonts, 104 boulevard AugusteBlanqui, 15013 Paris. Site:www.defenseuredesenfontsfr

12 Non-violence Actualité. mars-avril2010

Par Catherine CLAVE4U

tions, qui prêtent à confusion quandon parle de droits de l'enfant, et à la-quelles certains renvoient, de manièrebinaire, les devoirs que doivent ac-complir les enfants pour avoir desdroits. Jean Garneau (1) rappelle quenous avons tendance à regrouper parexemple, « les caprices, les désirs, lespulsions, les préférences, les envies, lesgoûts, les manques, les nécessités, lesdroits, les rêves, les aspirations, ainsique des objectifs, des demandes et deseXigences ».

C'est à partir de recherches sur la mo-tivation et ses sources qu'en 1943, lepsychologue américain Abraham Mas-low fait paraitre un article «< A theoryofhuman motivation ») dans lequel ilprésente une théorie plus humaniste:sa théorie impulsera un véritablechangement de la conception de lamotivation, faisant suite au modèle deTaylor: à cette époque de l'industriali-sation, on considère les hommes com-me étant tous pareils; seuls la peur oul'espoir, les avantages et les biens maté-riels ou financiers sont pris en comptecomme moteur de la motivation dansla vie des entreprises.

Maslow élabore une conception desbesoins, dont il élargit la sphère bienau delà des besoins vitaux et des be-soins matériels ; il considère d'autresbesoins, relationnels et personnels et,ce qui est encore plus nouveau, il leshiérarchise; c'est ainsi que cette théo-rie sera utilisée dans les relations hu-maines en entreprise, dans le marke-ting, le nursing, la psychologie du tra-vail ...Pour reprendre Jean Garneau; les be-soins les plus fondamentaux sont liés àla survie et à la sécurité qui représen-

Dans la Déclaration Universelle desDroits de l'Homme, les Nations Uniesont proclamé que« l'enfance a droit àune aide et à une assistance spéciales» ;ceci voulant dire que l'enfance estconsidérée en tant que stade, commeune étape spéciale de l'être humain.Ceci est rappelé dans le préambule dela Convention internationale des droitsde l'enfant qui confère, en son articlepremier, un statut à l'être humain demoins 18 ans. Dans le préambule tou-jours, il est aussi indiqué que « l'en-fant, en raison de son manque de ma-turité physique et intellectuelle a be-soin d'une protection et de soins spé-ciaux, notamment d'une protectionjuridique appropriée avant commeaprès la naissance.

Reprenons maintenant la pyramide deMaslow que nous allons détailler rapi-dement dans ses cinq niveaux princi-paux :Les besoins physiologiques recou-vrent tous les besoins liés à la survie :manger, boire, dormir, respirer, c'est-à-dire tous les besoins liés à l'ho méo-

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stasie de l'organisme: l'enfant consi-déré comme un être vulnérable nepeut vivre sans les soins bienveillantsde son environnement, nécessaires à sasurvie mais aussi à sa santé physique età son développement.Le besoin de sécurité est lié à l'aspira-tion que chacun d'entre nous a à êtreassuré du lendemain, physiquementet moralement; ils recouvrent le be-soin d'un abri, la sécurité des revenus,des ressources, la sécurité physique,morale et psychologique, mais aussi lastabilité affective et sociale. On les re-trouve notamment dans les articles 6,24, et 27 de la Convention internatio-nale des droits de l'enfant: la survie etle développement y sont considérés,l'article 27 élargissant les besoins del'enfant aux autres stades décrits parMaslow, comme nous le verrons plustard.Les besoins sociaux sont pour Mas-low ceux de la communication, dusentiment d'appartenance, de l'identi-té sociale: besoin d'intégration dans lelien social qui va de pair avec le besoinde reconnaissance et de considération,le besoin d'aimer et d'être aimé etd'avoir des relations intimes dans lebut de constituer un couple, d'avoirdes amis, de faire partie d'un groupe,de se sentir accepté, de ne pas être seulou rejeté.Remarquons que Maslow ne comptepas dans les besoins de premier ordre,(classement sociologique plus simplepour évoquer les besoins physiolo-giques et les besoins vitaux) le besoind'être aimé et de se développer, quiconcerne même les principes vitauxchez le tout petit, ce qui est intégrédans la Convention internationale desdroits de l'enfant à travers les articlesqui concernent l'environnement del'enfant, et avant tout celle de sa famil-le (articles 5, 7, 18 et 26)

Le quatrième niveau de la pyramidede Maslow concerne le besoin d'esti-me personnelle: il recouvre le besoind'être respecté, de se respecter soi-mê-me et de respecter les autres, l'estimede soi, les compétences, etc. Pour celal'homme a besoin d'avoir une activitéqui le valorise et dans laquelle il se sentvalorisé, dans tous les domaines, quece soit le travail ou ses activités de loi-

Traité international destiné à protéger les enfants, la Convention' (CIDE) a été adoptée par l'ONU en 1989(Photo Marta NascimentojRéa).

sirs. Il en est de même chez l'enfant,dans toutes les activités qui concernesa croissance psychologique, cognitiveet sociale ; le caractère indispensablede ce besoin est présent dans toute laConvention, notamment dans leconcept de respect qui la traverse.La Convention a intégré ce besoin del'enfant, à travers différents articles te-nant compte du besoin de confiancenécessaire à sa construction, aussi biendans les articles concernant son inté-gration, que son développement har-monieux et son bien être (article 6),en considérant qu'un environnementintellectuel et culturel doit permettreson développement.Enfin le dernier niveau traite de l'ac-complissement: le besoin d'accom-plissement personnel. Il s'agit d'unbesoin, non pas ressenti comme unmanque, nous dit Jean Garneau, maisd'un besoin « qui tend à ce que l'êtrehumain a envie de grandir quand onle satisfait. » Il est celui du développe-ment des apprentissages (articles 28 et29) avec l'implication du goût pourl'effort, mais aussi du besoin de com-muniquer et de participer, dit Maslow,à l'amélioration du monde : c'est legoût qu'a l'enfant à se rendre utile, àparticiper, se regrouper pour faire deschoses pour lui et pour les autres, maisc'est aussi la capacité à s'exprimer,d'être entendu sur les questions quiconcernent l'enfant (article 12), c'estaussi accéder à l'information (article17), participer à la vie associative (ar-ticle 15).Ajoutons enfin le droit à la liberté de

pensée de l'enfant dans les articles 14et 30, notamment, et qui se superpo-sent aux deux dernières strates de lapyramide de Maslow.Le modèle de Maslow a depuis été dé-passé et enrichi. La Convention inter-nationale des droits de l'enfant tellequ'elle est construite à travers les droitsénoncés tient compte de l'aspect holis-tique du développement humain, elleest éminemment moderne et contem-poraine. Lintérêt supérieur de l'enfant(article 3) ne place pas ce dernier dansune toute puissance (courant de pen-sée de certains adultes aujourd'hui),mais témoigne de la préoccupation dulégislateur d'intégrer l'enfant dans ledroit en lui conférant de par sa vulné-rabilité des protections indispensablesà son développement. Il n'y a aucunecontre partie si ce n'est celle de per-mettre à l'enfant de devenir plus tardun acteur dans la société. C'est aussicette motivation qui poussa AbrahamMaslow a considéré l'être humain, austade adulte, autrement et de manièreprofondément humaniste.

Catherine Claveau

(1) Jean Garneau: magazine électronique « Lalertre du psy/lnfopsy/voI9, n03, mars 2005

Références bibliographiques:• Convention internationale des droits de l'en-fant• Guide pédagogique de la Défenseure des en-fants à destination des collégiens, 2007• Pyramide des besoins de Maslow, Wikipe-dia.• Meryem Le Saget, Le manager intuitif, Ed.Dunod,1992.• Abraham Maslow, « A theory ofhuman mo-tivation », Psychological review, vol5, 1943.

Non-violence Actualité, mars-avril 2010 13

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Relations humaines

les besoins et les désirs dans lacommunication non-uiolente

Le processus de lacommunication non-violente(CNV) développé par MarshallRosenberg est une invitation àaccueillir ce qui se passe en soi- ses sentiments et ses besoins -et à être conscient de ce quicompte pour soi dans larelation à l'autre. L'intentionest de créer une qualité derelation qui favorise ladécouverte des besoins dechacun et si possible leursatisfaction ...

Caroline Ader Lamy estforma-trice certifiée en Communica-tion Non Violente, psychothéra-peute et mère de [email protected]

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Par Caroline ADER LAMY

Le désir est le préalable du plaisir. Ilnous invite à nous mettre en mouve-ment, à déployer nos talents. Le désirest une invitation à combler un manque.Nous sommes habitués à trouver rapi-dement une solution pour nous soula-ger, plutôt que d'éprouver le manque.« Mes copains ont tous une paire dechaussures de telle marque, j'en veuxune ». Le désir est aussi une pulsionqui nous entraîne vers la satisfactiond'un besoin.

Pour la Communication non-violente(CNV), nos besoins sont des énergiesau service de la vie. Ils sont le cœur dece qui nous anime. C'est par eux quela vie s'exprime en nous, pour nouspermettre d'être et d'évoluer. Ils sontuniversels. Nous avons des besoinsfondamentaux qui garantissent notresurvie (nourriture, boisson, sommeil,reproduction pour assurer la survie del'espèce). Nous avons un besoin de sé-curité dans notre environnement, cequi est assuré quand nous trouvons unéquilibre entre la protection et la liber-té. Nous avons aussi le besoin d'êtreidentifié au sein de notre groupe so-cial, en vivant à la fois l'interdépen-dance et l'affirmation de notre diffé-rence. Et enfin, un besoin plus person-nel, celui de se sentir exister, d'être unepersonne singulière qui mène un pro-jet qui donne du sens à sa vie.

En Cm, nous distinguons le besoindes solutions que nous utilisons pourle satisfaire. A-t-on besoin d'une voitu-re ?Non, la voiture est juste un moyende satisfaire un besoin de liberté, demouvement ou encore, selon les per-

sonnes, de reconnaissance sociale. Cet-te distinction entre le moyen utilisé etle besoin lui-même permet de recon-naître la légitimité des besoins de cha-cun. Cette reconnaissance préserve lelien avec l'autre, même si la solutionpour satisfaire les besoins de chacunfiest pas trouvée immédiatement, voi-re même s'il y a désaccord sur la solu-tion. Les conflits se situent bien sou-vent au niveau des « stratégies» et nonau niveau des besoins qui eux sontcommuns à tous les être humains.Cette distinction nous ouvre donc unespace de compréhension mutuelle, deliberté et de créativité dans les rela-tions.

L'urgence du désir

Nos désirs, bien souvent, ne sont quedes stratégies. Ils nourrissent un rêve,une envie, et en ce sens, il est précieuxde pouvoir les entendre et les accueillir.Mais la stratégie sur laquelle nousnous focalisons est-elle la bonne ? Va-t-elle réellement combler le besoinsous-jacent et à quel prix? Commentce moyen, sur lequel nous sommes fi-gés va-t-il s'adapter à notre environne-ment? Par exemple, je vous avoue queje fume : c'est un moyen de me don-ner des pauses et quand j'ai commen-cé cela me donnait une forme de sécu-rité, de contenance dans mes relationsaux autres. Cela nourrit aussi mon be-soin de créer des liens et permet de laconvivialité. Si j'avais su le prix (finan-cier et risque pour ma santé) que celame coûterait pour satisfaire ces be-soins, j'aurais peut-être opté pourd'autres stratégies que celle de la ciga-

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rette !Ainsi les stratégies que nous dé-veloppons pour satisfaire nos besoinsne sont pas toujours écologiques pournous-même ou notre entourage.Il y a dans le désir, une forme d'urgen-ce, de pression, d'exigence, vis-à-vis denous-même ou vis-à-vis de l'autre, dela société. Notre nature humaine, lefonctionnement même de notre cer-veau nous met en lien avec cette ur-gence par le biais de nos émotions. Lapeur, la colère, la tristesse témoignentd'un manque, d'un danger, d'un be-soin insatisfait. Tandis que la joie, lapaix, la tranquillité, nous indiquentque nos besoins sont satisfaits. Ainsiles sentiments que nous éprouvonssont de précieux indicateurs. Ils nousinvitent à agir pour satisfaire nos be-soins non comblés. Peu de gens mesu-rent l'importance vitale de leurs senti-ments. Nos sociétés, notre éducation,nos parents eux-mêmes influencés parleurs parents, nous ont appris à ne paspleurer, à ne pas nous mettre en colèreet même l'expression de la tristesse n'apas bonne presse! Alors que faire? Vi-te, vite trouver une solution pour nepas laisser voir ce qu'il n'est pas « cor-rect » d'éprouver!

« Je suis en colèreparce que mes parentsne veulent pas m'acheter la console de

jeux que je désire. » Que cache ce désirinassouvi ? Des besoins que le jeunecherche à satisfaire. Probablement unbesoin d'appartenance (avoir la mêmechose que ses copains), un besoin dejeux, de détente, peut-être aussi l'enviede se rassurer en se disant qu'il pour-rait réaliser les mêmes performancesque ses camarades et ainsi nourrir sonestime de lui même. Voire s'il est plusperformant qu'eux, cela pourrait deve-nir une façon d'affirmer sa différence.Si au lieu de se focaliser sur la console,il pouvait comprendre ce qu'il chercheà satisfaire par ce moyen, une multitu-de d'autres possibilités s'offriraient àlui pour combler ses différents be-soins. Cela deviendrait une occasiond'exprimer sa créativité et de dévelop-per son autonomie pour satisfaire sesbesoins.

Perpétuelle rechercheLes êtres humains sont en perpétuellerecherche de la satisfaction de leurs be-

soins. Les désirs et les stratégies uniquesqu'ils imaginent pour y répondre leurdonnent l'illusion qu'ils vont éprouverun soulagement, une plénitude. Et ef-fectivement ils goûtent le plaisir éphé-mère du désir satisfait. Combien detemps ? Il suffit de regarder le coffre àjouet de nos enfants pour constaterque passé les premières minutes, lesjouets sont rarement la source durablede la satisfaction imaginée. Si nous neprenons pas le temps de clarifier lesbesoins qui seraient satisfaits à traverstel objet ou telle action, nous nous pri-vons de notre créativité pour nousadapter à la réalité. Est-il vraimentprofitable d'acheter à un ado un vête-

ment de marque à 100 €quand on adu mal à payer son loyer? La prise encompte des besoins de chacun, ceuxde l'enfant et ceux de l'adulte est né-cessaire à l'harmonie. Cette équitédans la considération des besoins dechacun fait partie de l'apprentissage del'autonomie et est une voie pour poserdes limites.Quelles limites fixer? Sur quelles bases ?Concrètement comment faire autre-ment que de céder au désir des en-fants, et se laisser entraîner dans uneescalade, une surenchère sans fin, quiinévitablement va. générer des conflitset de la violence? La CNV invite ànous appuyer sur un baromètres simple,

Le processus decommunication non-violente

situation est difficile. Je vaisporter mon attention sur lemoment présent et recon-naître ce qui se passe chezl'autre, quels sont ses senti-ments. Quels qu'ils soient, jesais que cette expression,parfois violente de ce qu'iléprouve, cache un besoinqui n'est pas satisfait

Et enfin, je sais aussi que lebesoin inassouvi, une fois vuet entendu, ne va plus exer-cer la même pression. Le

Le processus de la commu-nication non-violente est uneinvitation à accueillir ce quise passe en moi (mes senti-ments et mes besoins) et àêtre conscient de ce qui comJ:rte pour moi dans la relation.L'intention en CNV est decréer une qualité de relationqui favorise la découvertedes besoins de chacun et sipossible leur satisfaction.C'est en étant conscient demon intention que je pour-rais tenir un cap même si la

manque, une fois identifié etreconnu, s'apaise. Les b.e-soins ne sont ni bons ni mau-vais, ils se manifestent par lebiais de nos sentiments pourgarantir notre intégrité phy-sique, psychique et nous pous-sent à nous réaliser. Si doncnous prenons le temps dedécoder quels sont les be-soins cachés par les désirs,nous accédons à un espaceoù il n'y a plus le jeu des-tructeur de qui a tort et quia raison.

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celui de l'équité dans la prise en comp-te des besoins de chacun.

Mon fils, adolescent de 15 ans, me de-mande une paire de chaussures d'unemarque précise. Effectivement, chan-ger ses chaussures serait utile. Je consta-te qu'une paire quasiment identiquecoûte 20 €de moins que celle qu'il ré-clame. Comment gérer la situation ?Je commence par me donner du tempspour écouter mon agacement et clari-fier mes besoins : prendre soin duconfort de mon enfant et en mêmetemps faire bon usage de l'argent queje gagne. Je réalise que cette situationpourrait être une occasion de partagermes valeurs avec lui. Une opportunitéde parler avec lui, par exemple, de cequi contribue ou non à la construc-tion de l'estime de soi. La seconde éta-pe est d'entendre son désir et de clari-fier, avec lui, ce que la marque de lachaussure représente de si important.Vient-elle nourrir un besoin d'appar-tenance, qu'il satisferait en adoptantles mêmes codes vestimentaires queses amis ? Si c'est autre chose nous al-lons poursuivre le dialogue pour trou-ver son besoin. La troisième étape serade lui exprimer ce que j'ai repéré d'im-portant pour moi. Enfin, nous allonsensemble chercher comment fairepour que l'un et l'autre nous soyonscontents. La solution qu'il a proposéedans cette situation a été de payer ladifférence avec son argent. Ainsi, il de-vient responsable de ses choix en assu-mant leurs conséquences. Largent depoche devient un moyen d'apprentis-sage de l'autonomie. Les limites, quand

'elles sont reliées à du sens et à de la co-responsabilité, construisent la confian-ce en soi et en l'autre.

Vers l'autonomie

La gestion de la frustration est facilitéepar ce cheminement. Il est fréquentque la demande de l'enfant ne puissepas être satisfaite mais, par le dialogue,il a été reconnu et entendu dans sesbesoins. Le parent exprime un OUI àses propres besoins, plus qu'un NONà la demande de l'enfant. Lapprentis-sage de la frustration est une étape né-cessaire pour devenir un adulte auto-nome ayant la capacité de s'adapter à

16 Non-violence Actualité, mars-avril 2010

les Editions « Esserci» au seruicede la communication non-uiolente

son environnement de façon créativeet réaliste. La complexité vient du faitque cette construction de l'être hu-main est en perpétuel mouvement. Ala naissance les enfants sont totale-ment dépendants des adultes pour sa-tisfaire leurs besoins. il est donc légiti-me que l'adulte soit non seulement at-tentif mais également responsable dela satisfaction de tous les besoins del'enfant. Il est tout aussi légitime quel'enfant, de façon variable selon sonstade d'évolution, soit en posture d'at-tente vis-à-vis des adultes pour la satis-faction de ses besoins. Le défi est de lesaccompagner pas à pas vers l'autono-mie, de leur apprendre à trouver lesstratégies adaptées pour satisfaire leurs

Les éditions Esserci, dirigées parVilma Costetti, ont vu le jouren 2003, avec la publication enitalien du livre de MarshallRosenberg, (( Le parole sonofinestre )} (Les mots sont desfenêtres). Le matérielpédagogique et les livres publiés- en italien, français et anglais -visent au renforcement descompétences pour créer unmonde - intérieur et extérieur -bienveillant, et gérer le pouvoir{{ avec» les autres plutôt que{{ sur» les autres êtres humainset vivants. Les enfants et lesparents aimerontparticulièrement la série« Besoins et Stratégies» avecles aventures de Louise et deClément. Ces livres constituentun support de choix pours'initier dès le plus jeune âge auprocessus de communicationnon-violente de MarshallRosenberg.

besoins. La communication est aucœur de cet apprentissage de l'autono-mie, et quand elle est focalisée sur lesbesoins, les portes du dialogue restentouvertes. il arrive aussi que le désir soitdirectement lié à un besoin, je penseparticulièrement au désir d'apprendre,il n'y a plus qu'à inventer ensemble lesstratégies adaptées pour préserver cetélan de vie.

Caroline Ader Lamy

(1) Association pour la communication non-violente, Françoise Berry, Les Plaines, 84220Murs. Tél. 04 32 50 20 24. Site: www.nvc-eu-rape.org - Pour en savoir plus: « Les mots sontdes fenêtres ou bien ce sont des murs », Mar-shall Rosenberg, Ed. La Découverte, 1999.

ITALIE

~ rARC-EN-CiEl ~~ Des BeSOiNS ~

La Communication Non Violente, oucomment parler le langage du cœur ?Tel est bien le défi qui est proposé auxadultes lors de stages ou ateliers: ex-primer ce qui est le plus vivant en eux.Certains d'entre nous y arrivent assezspontanément, pour d'autres le ré-ap-prentissage se révèle plus difficile.Dans leur histoire personnelle, plus lespersonnes ont été encouragées, en-