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Master 2 Communication politique et sociale, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Promotion 2012 Les porte-parole en politique, un communicant en politique 1

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Master 2 Communication politique et sociale, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Promotion 2012

Les porte-parole en politique,

un communicant en politique

Par Melanie Modot,

Sous la direction de Monsieur le Professeur Nicolas Hubé

1

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

I-) Le porte-parole, hydre à mille tête en politique ?, page 5

II-) Le porte-parole, un objet flou difficilement saisissable, page 7

III-) Le porte-parole, un rôle très actuel, page 8

PARTIE 1 : SOCIOGRAPHIE DU PORTE-PAROLE 9

I-) Le porte-parolat, une pratique politique jamais institutionnalisée 9

A-) Historique de la fonction et comparaison avec d’autres démocraties

1-) Tour du monde des porte-parole de Gouvernement

2-) Les porte-parole français, une pratique fluctuante

a-) Au Gouvernement

- La sortie du premier Conseil des Ministres de Jacques Chaban-Delmas : qui est donc ce Monsieur

Hamon ?

- Communication présidentielle versus communication du Gouvernement : qui gagnera ?

- Les années 1980 : institutionnalisation et cumul

b-) Dans les partis politiques

B-) Dans un objectif de transparence et de « pédagogie » et communication interne

1-) Transparence

2-) Pédagogie

3-) La communication intergouvernementale

II-) Qui sont-ils ? Des profils variables pour un poste politique 20

A-) Parcours

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1-) Le classique : militantisme et politique

2-) Une rareté dans le champ politique : la carrière journalistique

B-) Nomination

1-) Le poste de porte-parole, une rétribution politique

2-) Le porte-parolat, une fonction d’expertise

III-) Une place de choix 29

A-) Une fonction apportant une notoriété médiatique …

1-) Un éclairage médiatique quasi-permanent et utile…

2-) … mais pas toujours élogieux

B-) … et pouvant être un tremplin politique

C-) Mais dont l’importance dépend du contexte

1-) Dans les partis politiques : l’effet majorité/opposition

2-) L’actualité du jour : affluence des journalistes

PARTIE 2 : UN « POLITIQUE COMMUNICANT » 38

I-) Des liens inextricables entre porte-parole et médias 40

A-) Une fonction souvent organiquement rattachée à la communication

1-) Au Gouvernement : qui fait quoi ?

2-) Dans les partis politiques : un travail d’équipe

B-) Une fonction donnant autorité et légitimité à la parole

C-) La nécessité d’équilibrer sa parole et de bien parler

1-) « Un politique sachant communiquer… »

2-) Le porte-parole, synecdoque du parti politique et du Gouvernement ?

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II-) Le point-presse, exercice par excellence du porte-parole 56

A-) Le point-presse, la rencontre d’intérêt mutuellement compris

1-) Réponse aux attentes des politiques

a-) Expliquer sa position

b-) Interpeller et attaquer son adversaire

2-) Réponse aux attentes des journalistes

a-) Une organisation adaptée à la reprise dans les médias

b-) Les questions-réponses, temps fort du point presse ?

c-) Le off, rencontres informelles entre porte-parole et journalistes

B-) Des retombées médias laissant perplexe

PARTIE 3 : UNE FONCTION ENTIEREMENT TOURNEE VERS LES MEDIAS ET L’OPINION PUBLIQUE 66

I-) Une fonction s’imposant avec les évolutions du paysage médiatique 66

A-) Un paysage médiatique multiple et en constante évolution

B-) La réinvention de la présence médiatique des porte-parole

II-) Le porte-parole peut-il avoir une influence sur l’actualité médiatique ? 71

CONCLUSION 75

BIBLIOGRAPHIE 77

ANNEXES 78

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INTRODUCTION

I-) Le porte-parole, hydre à mille tête en politique ?

Le porte-parole est-il un personnage politique comme les autres ?

Que ce soit dans les partis politiques, au Gouvernement, en entreprises ou dans des

associations, le porte-parole est aujourd’hui une figure traditionnelle de la vie publique. Cependant, il

existe peu de fonctions aussi peu définies. En effet, le rôle de porte-parole parait être à géométrie

variable. Mais en tout cas, son principe semble rester le même :

« Le plénipotentiaire, ministre, mandataire, délégué, porte-parole, député,

parlementaire, est une personne qui a un mandat, une commission ou une

procuration, pour représenter – mot extraordinairement polysémique – , c’est-à-

dire pour faire voir et faire valoir les intérêts d’une personne ou d’un groupe. »1

Initialement, le porte-parolat est rarement une fonction unique, elle est en réalité une attribution

découlant d’une fonction. Ainsi, le président d’une association, ou n’importe lequel de ses membres

avec des responsabilités, pourra être considéré comme un porte-parole. C’est donc parce que la

personne fait partie des responsables dans son institution, qu’elle peut en porter la parole. Ainsi, ce

n’est donc pas le fait de porter la parole qui est censé apporter une autorité au personnage qui en a la

charge.

Mais il est un domaine où le porte-parole peut être un poste à part entière, et qui aujourd’hui, a

acquis une importance certaine : la politique.

En effet, à ce niveau, la division du travail semble avoir atteint son paroxysme. Au lieu d’un

porte-parole ayant le pouvoir de dire et d’agir, il apparait aujourd’hui, par exemple au sein de certains

partis, que le Premier secrétaire a le pouvoir d’agir et de dire au nom de son groupe, mais qu’il délègue

ce deuxième pouvoir à un porte-parole dont ce sera l’unique fonction au sein de l’appareil partisan. Pas

1 Langage et pouvoir symbolique, Pierre Bourdieu

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tout le temps, certes, mais les enjeux médiatiques gravitant autour de cette fonction en ont finalement

fait une fonction politique, voir un promontoire pour certains.

On entend parler de porte-parole tous les jours… de syndicat, d’association, de partis,

d’entreprises, de groupe politique à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, du Gouvernement, etc.

C’est sans doute en politique que l’on en trouve le plus. Chaque parti en a un. Chaque groupe

parlementaire aussi. Certains ministères également. Tous les candidats à l’élection présidentielle se sont

dotés d’un porte-parole, voire de plusieurs. Et le Gouvernement, bien entendu.

Alors qui sont-ils ? Et, que font-ils ?

Face à cet enchevêtrement de porte-parole dans la vie politique française, nous nous

délimiterons ici à l’étude des porte-parole au sein des partis politiques et au Gouvernement. Ces deux

fonctions présentent l’avantage d’une part d’exister en soi, c’est-à-dire comme fonction à part entière,

et de ne pas présenter un caractère fugace, comme pour les porte-parole de campagne électorale,

puisqu’ils se rattachent à une institution censée être stable, le parti politique ou le Gouvernement.

En outre, le rôle hybride des porte-parole a pu à certains moments être un obstacle à leur étude.

Hybrides tout d’abord car le porte-parolat semble rarement être une fonction unique, elle est souvent

cumulée avec un autre rôle. Ils sont donc porte-parole… mais pas que.

En outre, leur mission parait être mélanger politique, bien sûr, et la communication. Dans les

administrations, le porte-parole est d’ailleurs bien souvent rattaché au service ou département en

charge de la communication. Ainsi, le 31 août 2012, le site Acteurspublics.com a titré de la façon

suivante l’article consacrée à la nomination d’un nouveau porte-parole au Ministère des affaires

étrangères : « Arrivée d’un nouveau communicant au Quai d’Orsay ».

Rôle hybride enfin, car comme on l’a dit précédemment, il n’est parfois pas nécessaire d’avoir

été nommé porte-parole pour en être un. En effet, le leader d’un groupe, quel qu’il soit, en est souvent

le porte-parole car il est le représentant des intérêts du groupe qu’il représente, quelque soit son titre.

Comme l’explique Pierre Bourdieu :

« Groupe fait homme, il personnifie une personne fictive, qu’il arrache à l’état de

simple agrégat d’individus séparés, lui permettant d’agir et de parler, à travers lui,

« comme un seul homme » ». En contrepartie, il reçoit le droit de parler et d’agir

au nom du groupe, de « se prendre pour » le groupe qu’il incarne, de s’identifier à

la fonction à laquelle il « se donne corps et âme, donnant ainsi un corps biologique

à un corps constitué. »

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Alors, le porte-parole est-il une sorte d’hydre à mille têtes en politique ?

II-) Le porte-parole, un objet flou difficilement saisissable

Bien qu’ils soient omniprésents dans la vie politique, la science politique française ne semble pas

s’être encore intéressée à ces personnages récurrents. En effet, leur rôle les amène à être fort présents

dans les médias, et leur apparition dans la Vème République est déjà lointaine. Si, plusieurs fonctions

politiques, comme député, ou bien l’organisation des personnels partisans ont fait l’objet de diverses

études, si les personnels communicants ont pu attirer la curiosité de plusieurs chercheurs, les porte-

parole ont, pour leur part, été oubliés par la science politique. De ce constat découle une absence

d’archives, ou en tout cas d’archives accessibles, et il a donc été bien difficile de connaitre la date

d’apparition du premier porte-parole dans les partis politiques par exemple. Obtenir une liste exhaustive

des porte-parole dans les partis politiques a donc été impossible. Concernant le Gouvernement en

revanche, la plupart des décrets de nomination sont aujourd’hui mis à la disponibilité des citoyens, ce

qui a permis une étude plus approfondie.

La rare littérature scientifique consacrée aux porte-parole, s’est plutôt attachée à l’étude des

porte-parole au sein de la Commission Européenne.

Si la science politique ne s’est jamais focalisée sur les porte-parole français, les journalistes,

eux, ont été une source d’information abondante. De nombreux articles reprennent leurs propos, mais

on en trouve également bon nombre s’attachant à étudier leur rôle. Le fait est intéressant puisque les

journalistes sont au final le public principal des porte-parole actuels. Ainsi, la nomination d’un porte-

parole peut faire l’objet de divers portraits dans les médias. Certains journalistes politiques se sont

également attachés à étudier le rôle de ces porte-parole, et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. On

peut par exemple citer l’article de Clarisse Fabre, du Monde, paru en mars 2002, « Petits conseils aux

porte-parole du candidat », celui du Plus Nouvel Observateur, daté de mars 2012, « NKM dans le piège

du porte-parole : 3 conseils pour se forger un destin politique », ou bien encore l’article de Rue89

consacré à Najat Vallaud-Belkacem : « Najat Vallaud-Belkacem : son modèle c’est « A la Maison

Blanche » », et bien d’autres encore.

On le remarquera, ces articles sont surtout consacrés aux porte-parole de campagne. Les

porte-parole de partis politiques ou de Gouvernement ne paraissent avoir la faveur des journalistes.

Lorsque ces derniers les étudient de plus près, c’est bien souvent pour soulever une difficulté propre à

leur fonction : équilibrer leur parole, entre opinion personnelle et parole officielle.

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Une autre difficulté rencontrée a trait au renfermement de certains partis sur eux-mêmes et

l’inaccessibilité du Gouvernement, sans doute due à une actualité chargée, notamment dans les deux

grands partis de Gouvernement. Le Parti socialiste est actuellement en préparation de son prochain

congrès, et l’UMP est aujourd’hui en pleine campagne interne pour désigner le nouveau Secrétaire

général. En d’autres termes, peu de partis politiques m’ont permis d’obtenir des entretiens, excepté le

Parti socialiste. Malgré tout, cette étude se basera notamment sur trois observations de points presse,

deux du Parti socialiste, un de l’Union pour un Mouvement Populaire, et des entretiens auprès de Benoit

Hamon, porte-parole du Parti socialiste de 2008 à 2012, Aurélie Royet-Gounin, conseillère en charge des

activités de porte-parole auprès de la porte-parole du Gouvernement, Farah Benouis, journaliste à Itélé,

et Antonin André, journaliste à France 2.

Par ailleurs, on observera dans ce mémoire, une distorsion entre l’évocation du Parti socialiste et de

l’Union pour un Mouvement Populaire, due à un déséquilibre dans les informations récoltées, l’UMP

n’ayant pas été, par exemple, très accessible.

III-) Le porte-parole, un rôle très actuel

On pourrait dire que le rôle des porte-parole aujourd’hui est symptomatique de la montée en

puissance de la communication en politique, comme l’expliquent les auteurs du Nouveau manuel de

science politique :

« Dès lors, les logiques d’instrumentalisation de l’opinion, et en particulier les actes

de communication élaborés au profit des professionnels de la politique à

destination des journalistes et, par ricochet, du public, ont pris une part croissante

dans le jeu politique. »

Ainsi, le rôle de porte-parole peut-il est considéré comme « symbolique » du rôle de plus en plus

prégnant de la communication en politique ?

Via une sociographie du porte-parole dans les Gouvernements et les partis politiques (partie 1),

nous verrons que le porte-parole est avant tout un homme ou une femme politique, pétri(e) de ses

convictions et de ses idées, dont la nomination est avant tout politique. Poste pouvant être stratégique

dans une carrière politique, le porte-parolat n’en conserve pas mois une forte dimension de

communication intrinsèque à sa fonction, faisant du porte-parole ce que l’ont pourrait appeler un

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« politique communicant » (partie 2). De par son rôle d’intermédiaire avec les médias, la charge du

porte-parolat est donc résolument tournée vers l’opinion publique (partie 3).

PARTIE 1 :

SOCIOGRAPHIE DU PORTE-PAROLE

La fonction de porte-parole n’apparait au Gouvernement qu’en 1969. Dans les partis politiques, elle

semble être apparue légèrement plus tard. Toutefois, le poste de porte-parole est aujourd’hui

traditionnel, et de nombreux personnages politiques sont passés par la case porte-parolat. Quels ont été

leurs parcours ? Quels sont leurs profils ? Quelles sont leurs différences et leurs similitudes ?

Le porte-parole étant une pratique politique plus qu’une institution, son rôle a fluctué au fil du temps (I).

Mais à quelques exceptions près, les personnalités ayant occupé le poste de porte-parole ont en général

un profil « typique » (II), pour une place fort demandée (III).

I-) Le porte-parolat, une pratique politique jamais institutionnalisée

A-) Historique de la fonction et comparaison avec d’autres démocraties

1-) Tour du monde des porte-parole de Gouvernement

Bien souvent, les porte-parole de Gouvernement et de partis politiques sont interviewés dans

les médias. Ils y sont extrêmement présents, et semblent avoir un rôle déterminant puisqu’ils

représentent une parole officielle de leur institution.

En France, la fonction de porte-parole n’existe pas de tout temps. Elle est apparue en 1969 avec

Léo Hamon, puis a disparu et est réapparue au gré du temps et du bon-vouloir des Premiers Ministres.

Mais, qu’en est-il à l’étranger ?

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Nous proposerons ici d’étudier la place des porte-parole de Gouvernement dans six autres pays :

l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, et l’Allemagne.

Depuis la sortie de la série The West Wing et même bien avant, le porte-parole de la Maison

Blanche, C.J. Cregg, formidablement interprété par Allison Janney, a été mis sous les lumières du public

international, notamment européen. Crée en 1929, cette fonction a depuis lors existé. Le rôle du porte-

parole de la Maison Blanche est d’offrir aux journalistes accrédités des informations complètes sur

l’agenda et l’action du Président américain. Toutes les semaines ont donc lieu des conférences de

presse, auxquelles le porte-parole peut inviter différents autres intervenants. Juridiquement, le porte-

parole de la Maison Blanche fait partie du Bureau exécutif du Président. Il s’agit toujours de son unique

fonction, ce qui met en exergue l’importance accordée à ce rôle outre-Atlantique.

Toujours en Amérique du Nord, le Canada a quant à lui développé une politique particulière

concernant la communication gouvernementale. Ayant pour but « d’assurer la gestion efficace et la

bonne coordination des communications à l’échelle du gouvernement du Canada et de faire en sorte que

celles-ci répondent aux divers besoins d’information du public », la politique de communication est

entrée en vigueur le 1er août 2006. D’après ce texte, « les ministres sont les principaux porte-parole du

Gouvernement du Canada », mais dans la pratique, des collaborateurs sont nommés pour les appuyer

dans cette tâche.

Restons dans le monde anglo-saxon, mais en Europe cette fois, où le dernier porte-parole de

Gouvernement britannique en date n’est pas le meilleur exemple puisqu’il a été mis en cause dans

l’affaire des écoutes téléphoniques de News of the World. Dans la terrible Albion, le porte-parole est

appelé « Prime Minister’s Spokesman » ou « Prime Minister’s Official Spokesman », donc celui du

Premier Ministre, et non celui du Gouvernement. Encore une fois, il s’agit là d’une position

institutionnalisée, puisque faisant partie du « United Kingdom Civil Service ». Situé dans les bureaux du

10 Downing Street, le porte-parole rencontre tous les matins un petit nombre de journalistes, les

« lobby correspondents ». La fréquence de ces points presse témoigne sans doute de l’importance

accordée aux relations presse au Royaume-Uni.

Créé en 1949 par Konrad Adenauer, le porte-parole du Gouvernement allemand est le chef de

l’Office de presse et d’information du Gouvernement fédéral (Presse- und Informationsamt der

Bundesregiurung). Cette administration a une position particulière dans l’organigramme

gouvernemental. Elle est en charge de la communication du Gouvernement fédéral, est placée sous la

responsabilité du Chancelier fédéral, mais ne fait néanmoins pas partie de la Chancellerie fédérale. De

manière générale, le porte-parole du Gouvernement allemand a le rang de Secrétaire d’Etat, mais il est

possible qu’il cumule cette fonction avec celle de Ministre fédéral, ayant donc d’autres attributions.

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Quoiqu’il en soit, le porte-parole du Gouvernement a une double fonction : il doit informer les citoyens

et les médias, mais également travailler à ce que l’information circule au sein du Gouvernement fédéral.

Actuellement, le porte-parole s’appelle Steffen Seibert, ancien journaliste.

Allons maintenant dans le Sud de l’Europe. En Espagne, Soraya Saenz de Santamaria est la porte-

parole du Gouvernement, ou « Portavoz del Gobierno ». Comme pour les autres porte-parole, sa

principale mission consiste à communiquer à l’opinion publique, via les médias, sur l’action

gouvernementale. Dans la péninsule ibérique, la fonction de porte-parole du Gouvernement est

apparue en 1982 et a depuis toujours existé. Il est important dans ce cas de recontextualiser la situation.

En 1975, le régime du dictateur Franco chute, et Juan Carlos devient Roi d’Espagne. En 1977, la

Constitution est votée, et en 1979 les Espagnols connaissent leurs premières élections démocratiques.

Mais en 1981, le pays doit à nouveau faire face à une tentative putschiste, vite réprimée. Le décret-loi

créant le porte-parole, daté du 7 décembre 1982, explique donc que la mission de ce dernier sera

« d’assurer une politique d’information plus ouverte et constante » : le porte-parole comme garant de la

démocratie face à un Etat longtemps secret sur ses activités ? En Espagne, l’institutionnalisation du

porte-parole s’est donc faite dans le cadre d’un processus de démocratisation, et une volonté de rendre

transparente l’action d’un Gouvernement qui pendant longtemps fut totalitaire.

2-) Les porte-parole français, une pratique fluctuante

a-) Au Gouvernement

Durant le mandat du Général de Gaulle, il n’est pas question de porte-parole, ni à l’Elysée, ni au

Gouvernement. De toute façon, ce rôle semble inutile au regard du panorama médiatique réduit. Les

rédacteurs de la Constitution n’ont à aucun moment évoqué un éventuel porte-parole. C’est un total

vide juridique concernant une fonction qui n’apparaitra donc que dix ans après le début de la Vème

République.

- La sortie du premier Conseil des Ministres de Jacques Chaban-Delmas : qui

est donc ce Monsieur Hamon ?

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Il faut donc attendre 1969 pour que Georges Pompidou, nouvellement élu Président de la

République, nomme Jacques Chaban-Delmas Premier Ministre, qui a son tour nommera le tout premier

porte-parole du Gouvernement : Léo Hamon2. Sa fonction sera donc d’informer les médias de l’action

gouvernementale, notamment à la sortie du Conseil des Ministres. Les débuts de Léo Hamon montrent

sa difficulté à s’imposer comme étant l’intermédiaire de choix. Il est intéressant à cet égard d’étudier la

vidéo tournée à la sortie du premier Conseils des Ministres du Gouvernement de Jacques Chaban-

Delmas le 25 juillet 1969. A la différence d’aujourd’hui, les journalistes, bien qu’ils aient le droit d’être

présents dans la cour de l’Elysée, ne sont pas placés derrière un cordon de sécurité, ce dernier semble

être apparu plus tard. Pour laisser une plus grande liberté de déplacement aux ministres sans doute,

mais aussi très certainement pour permettre une mise en scène de la sortie du Conseil, et donc donner

aux médias de meilleures images. En effet, dans la vidéo de 1969, l’ambiance semble quelque peu

chaotique : les journalistes sont agglutinés sur le perron de l’Elysée et entourent les Ministres. Monsieur

Hamon n’a alors pas encore parlé, sa conférence de presse suivra. Les journalistes semblent plus

intéressés par Jacques Chaban-Delmas, à qui l’un d’eux demande « Sans vouloir anticiper sur ce que

Monsieur Hamon nous dira tout à l’heure, pouvez-vous nous dire dans quel esprit, dans quelle ambiance

plutôt, s’est déroulé ce premier Conseil des Ministres du nouveau Gouvernement ? ». Jacques Chaban-

Delmas rétablit tout d’abord Léo Hamon dans sa fonction en déclarant « Je ne veux pas couper l’herbe

sous le pied du porte-parole du Gouvernement », puis répond finalement à la question qui lui a été

posée dans un premier temps. La réaction des journalistes à l’époque semble normale : pourquoi

écouter cet homme qui, bien qu’il ait un rang de Secrétaire d’Etat, n’a pas de pouvoir décisionnel dans

l’action de l’Etat ? Les choses semblaient donc mal engagées pour les futurs porte-parole du

Gouvernement.

En 1972, Léo Hamon sera finalement remplacé par Jean-Philippe Lecat, qui restera porte-parole du

Gouvernement jusqu’à la mort de Georges Pompidou en 1974. Son décret de nomination 3, le premier

disponible à tous, décrit de la manière suivante son poste :

« M. Jean-Philippe Lecat, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, est chargé,

par délégation du Premier ministre, de rendre compte des travaux du

Gouvernement et d’assurer l’information relative à l’action des pouvoirs publics. »

2 Pour l’anecdote, Léo Hamon fut l’un des créateurs du Département de Science Politique de la Sorbonne en 1969, avec Maurice Duverger, Madeleine Grawitz et Marcel Merle. 3 Décret n°72-683 du 24 juillet 1972 relatif aux attributions du secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

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- Communication présidentielle versus communication du Gouvernement :

qui gagnera ?

En 1974, Georges Pompidou décède, et Valéry Giscard d’Estaing, de l’UDF, est élu. Il nomme

alors Jacques Chirac comme Premier Ministre, qui choisira de perpétuer la fonction de porte-parole

et appelle André Rossi à ce poste. En 1976, Jacques Chirac démissionne, Valéry Giscard d’Estaing

nomme Raymond Barre pour le remplacer. Pour la seule et unique fois en France, en raison du

contexte économique, le Premier Ministre cumulera cette fonction avec celle de Ministre de

l’Economie et des Finances durant deux ans, jusqu’en 1978. Mais Raymond Barre ne nomme aucun

porte-parole du Gouvernement. Les archives historiques sont assez faibles. Il est toutefois possible

de noter qu’en 1976, alors que Raymond Barre vient remplacer Jacques Chirac à Matignon, l’Elysée

crée au sein de son Secrétariat Général une « cellule d’observation de l’opinion et des médias »4.

Valéry Giscard d’Estaing est en effet l’un des premiers Présidents de la République à s’intéresser de

près à ses relations aux médias et à l’opinion, autrement dit, à sa communication. Fréderic Tristram

dans son article « Un instrument politique mal assumé ? L’entourage de Valéry Giscard d’Estaing à

l’Elysée de 1974 à 1981 » explique :

« De façon plus classique, les relations avec la presse constituent un domaine

particulier, autour duquel se structure une véritable équipe. (…) Autre

caractéristique, le secteur s’étoffe rapidement ».

Au sein de cette cellule, quatre porte-parole de l’Elysée se succèderont : entre 1974 et 1976,

Xavier Gouyou Beauchamps, nommé Préfet par la suite, Jean-Philippe Lecat, qui fait son grand retour au

porte-parolat entre 1976 et 1978, Pierre Hunt, jusqu’en 1980, enfin, Jean-Marie Poirier, jusqu’en 1981.

C’est avec Jean-Philippe Lecat que le porte-parolat de l’Elysée prend de l’ampleur, et pour cause, il

devient en quelque sorte aussi celui du Gouvernement. En 1976, Valéry Giscard d’Estaing autorise son

porte-parole à assister au Conseil des Ministres. A l’issu de celui-ci, les deux hommes ainsi que Raymond

Barre se réunissent afin de préparer le compte-rendu du Conseil, qui sera par la suite distribué aux

médias. Comme l’explique Frédéric Tristram :

« Plus largement, Jean-Philippe Lecat suit la communication de l’ensemble du

gouvernement mais refuse le modèle de centralisation à ses yeux excessive qui avait

4 . « Un instrument politique mal assumé ? L’entourage de Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981 », Frédéric Tristram.

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prévalu à l’Elysée sous Georges Pompidou. Il préfère ainsi organiser une

coordination avec les services du Premier ministre (…) »

Sous Giscard d’Estaing, dans notre régime « semi-présidentiel », c’est donc la communication du

Président qui prime, via son porte-parole, et surtout face à un Premier Ministre peu communicant à ses

débuts, avant d’être capable de soulever les foules en 1988.

La présidence Giscard, c’est aussi une personnalisation de la vie politique, qui n’est plus alors

centrée sur le Président de la République : moins de conférences de presse à répétition, comme le

faisaient de Gaulle et Pompidou ! Valéry Giscard d’Estaing s’est attaché à développer la communication

gouvernementale d’une autre manière également. Le 6 février 1976, il prend, avec son Premier Ministre

Jacques Chirac, le décret n°75-124 portant création d’un service d’information et de diffusion (SID),

dépendant des services du Premier Ministre. L’ancêtre de notre actuel Service d’information du

Gouvernement était né. Le SID mettait fin à la Délégation générale à l’information, rattachée alors au

Ministère de l’Information. La petite révolution du SID réside en particulier dans le fait qu’elle marque

un passage de l’information gouvernementale vers la communication gouvernementale. Aujourd’hui, le

porte-parole dispose des services du SIG, mais cette prérogative n’apparut pour la première fois qu’en

1984, soit huit ans après la création du SID.

- Les années 1980 : institutionnalisation et cumul

C’est à partir des années 1980, et surtout avec la première cohabitation que la fonction de porte-

parole devient une pratique régulière de la Vème République. Ces années-là marquent en effet le coup

d’envoi de l’omniprésence de la communication en politique, avec ses figures de proue telle Jacques

Séguéla, Serge Moati ou Jacques Pilhan. L’effort de mise en scène de l’action gouvernementale se veut

alors plus fort, d’où, sans doute, l’institutionnalisation des porte-parole de Gouvernement.

A partir de 1981, on remarque trois courtes périodes durant lesquelles le Gouvernement se passa

d’un porte-parole. Durant les deux premières années du premier mandat de François Mitterrand, entre

1981 et 1983, la première année du second mandat de François Mitterrand, en 1988, et durant la

majeure partie du Gouvernement de Lionel Jospin, entre 1998 et 2002. Les deux premières périodes

sont explicables par l’instabilité gouvernementale qui marquât le début des deux septennats de

Mitterrand, la période 1981-83 correspondant aux Gouvernements Mauroy I et II, l’année 1988 ayant

connu Rocard I. Durant le Gouvernement de Lionel Jospin, c’est Catherine Trautmann, alors Ministre de

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la Culture, qui remplit la fonction de porte-parole de 1997 à 1998. Une fois qu’elle eut quitté son poste

de porte-parole, elle conserva tout de même son poste de Ministre, mais on ignore les raisons qui ont

présidé à son départ, et à son non-remplacement comme porte-parole. Il est toutefois possible de

penser que la communication gouvernementale était repassée, via le conseiller communication de

Lionel Jospin à l’époque, Manuel Valls, dans les mains du Premier Ministre.

Cette époque permettra également au porte-parole de prendre de l’ampleur en devenant d’une part

une position politique stratégique, puisqu’offrant une véritable visibilité médiatique, mais aussi puisque

le décret n°84-752 du 2 août 1984 permettra à Roland Dumas d’avoir plus de moyens : « le service

d’information et de diffusion du Premier Ministre est mis à sa [au porte-parole du Gouvernement ndlr]

disposition en tant que de besoin ».

Les années 1980, ce sont aussi les années du cumul pour les porte-parole. En effet, alors que Léon

Hamon, Jean-Philippe Lecat, André Rossi (1975-1976), et Max Gallo (1983-1984) se consacraient

uniquement à cette tâche, leurs successeurs auront plutôt tendance à être porte-parole et Ministre.

Ainsi, sur vingt-six porte-parole depuis 1969 et Léo Hamon, dix-neuf ont exercé une fonction

ministérielle en même temps ! Il est intéressant d’observer que, visiblement, être porte-parole du

Gouvernement n’est pas cumulable avec toutes les fonctions ministérielles… Parmi les dix-neuf

« cumulards », six d’entre eux ont été Ministres du Budget, trois Ministres de la Culture, et trois

Ministres de la Santé.

N’oublions pas non plus que c’est sous François Mitterrand que le processus de libéralisation des

ondes s’est véritablement achevé, ce qui entraina à l’époque la légalisation de plus de trois mille radios.

Le processus de libéralisation des médias, initié dans les années 1970, a véritablement pris fin sous

Mitterrand, faisant naitre les premiers véritables médias indépendants et privés.

b-) Dans les partis politiques

Difficile de retracer précisément l’histoire des porte-parole dans les partis politiques … Il s’agit

bien souvent d’une fonction aléatoire, elle est supprimée ou rajoutée au gré des années, et selon les

contextes politiques. Toutefois, ce rôle semble être l’apanage des jeunes.

Chez la droite politique, aucune trace d’un porte-parole avant 1998, date à laquelle François

Fillon fut nommé porte-parole du Rassemblement de la République. Suivirent alors Nathalie Kosciuzko-

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Morizet en 2002, François Baroin en 2003, Valérie Pécresse et Luc Chatel en 2004, Yves Jégo et Nadina

Morano en 2007, Dominique Paillé, Chantal Brunel et Frédéric Lefèbvre en 2008, puis Dominique Paille

et Frédéric Lefèbvre en 2009. Peu de documents nous permettent d’évaluer la façon dont ils ont pu

exercer cette fonction.

Au Parti socialiste, le premier porte-parole dont on retrouve la trace est Laurent Fabius, qui fut

porte-parole entre 1979 et 1981. Par la suite, Jean-Jack Queyranne occupat ce poste entre 1985 et 1993,

soit huit ans ! Il fut donc le porte-parole socialiste à rester le plus longtemps en plus. Ses successeurs

restèrent en moyenne trois ans. François Hollande fut porte-parole de 1995 à 1997, Vincent Peillon de

2000 à 2002, Julien Dray de 2003 à 2008, Benoit Hamon de 2008 à 2012, enfin c’est aujourd’hui à David

Assouline que revient la tâche d’animer les points presse hebdomadaires.

Avec le Parti socialiste, le Mouvement Démocrate de François Bayrou est le seul à avoir fait du

porte-parolat une fonction à part. Ainsi, toutes les semaines, Yann Wherling anime les points presse du

Modem. Europe-Ecologie-Les-Verts disposent également de deux porte-parole, Jean-Philippe Magnen

ou Madame Elise Lowy ; toutefois ceux-ci n’interviennent qu’exceptionnellement. Au Front National

enfin, il n’y a pas de porte-parole mais uniquement des « personnes habilitées à parler aux médias »,

comme l’a exprimé un membre du service presse lors d’une conversation téléphonique.

Guidés par la volonté de s’imposer médiatiquement et politiquement, ces « petits » partis

misent uniquement sur leur figure de proue, à savoir François Bayrou, Eva Joly, ou Marine Le Pen. Cette

personnalisation de la vie partisane empêche donc l’émergence de nouvelles figures, comme les porte-

parole.

B-) Dans un objectif de transparence et de « pédagogie » et communication

interne

1-) Transparence

« Mais que fait le Gouvernement ? » Voilà une question bien souvent entendue, et qui en

taraude plus d’un… Alors, pour y remédier, les politiques ont décidé de communiquer sur leurs actions.

Où en sont-ils ?

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Concrètement, cela se traduit par la présentation du compte-rendu du Conseil des Ministres,

tous les mercredis à 11h30, retransmis à la télévision, et qui fait l’objet de diverses analyses dans les

journaux.

Il fut un temps durant lequel l’idée de transparence alla même encore plus loin. L’idée d’une

réunion à huis-clos, regroupant tous les membres peut susciter bien des questionnements, voir des

suspicions, de la part des citoyens. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles Valéry Giscard

d’Estaing autorisât, à une époque, les journalistes à filmer l’entrée du Conseil des Ministres. Le mystère

qui entoure le Conseil de Ministres a en outre inspiré un ouvrage à Bérengère Bonte, Dans le secret du

Conseil des Ministres, « jamais filmé, ni enregistré ». La question s’est un jour posée lorsque Dominique

de Villepin, alors Premier Ministre, suggérât de filmer le Conseil des Ministres en entier. Il avait ainsi

déclaré « Faudra-t-il un jour envisager qu’un Conseil des Ministres soit télévisé et que les Français

puissent voir fonctionner en direct leur instance démocratique ? J’y suis favorable », ajoutant alors « il

faut que les Bastille tombent ». Mais point trop n’en faut… Jacques Chirac avait presqu’immédiatement

désavoué son Premier Ministre, expliquant que « le Conseil des Ministres est un lieu et un temps où se

prennent des décisions qui peuvent relever notamment de la sécurité nationale ou des intérêts

stratégiques de la Nation (…) Cela doit se faire en toute sérénité et surtout hors de toutes pressions,

quelles qu’elles soient. »

Le porte-parole du Gouvernement suffira donc. Dans la logique gouvernementale, il semblerait

en effet que la transparence pour les citoyens s’arrête là où commence le secret de la Nation, mais peut-

être plus encore les discordes entre Ministres au cours de leur réunion hebdomadaire… Dans

l’organisation du Conseil des Ministres il y a, surtout depuis ces dernières années, une véritable volonté

de contrôle du message et de l’image, au bénéfice du porte-parole. Le « contrôle » peut parfois aller

trop loin pour les journalistes, comme en témoigne le petit évènement du 23 avril 2008. Ce jour-là, les

journalistes avaient refusé de filmer et photographier la sortie du Conseil. La raison ? Des barrières

avaient été placées, éloignant d’une dizaine de mètre les journalistes des ministres, empêchant photos,

plans, et interviews. Il s’agissait, selon Franck Louvrier, alors conseiller presse et communication du

Président de la République, d’éviter toute bousculade. Aujourd’hui, le nouveau dispositif permet aux

journalistes d’être plus proches et leur laisse l’opportunité d’interpeller à leur guise les Ministres. Les

déclarations de ces derniers sont en général alors relativement courtes. Pour laisser la place au porte-

parole ?

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2-) Pédagogie

Plan de financement, mise en place d’une réforme quelconque… Voilà des sujets, parfois très

techniques, et dont il est parfois difficile de parler.

La mission du porte-parole du Gouvernement à cet égard…

Le « le gouvernement de façon un peu institutionnelle explicite ce qu’il est en train de faire »

pédagogiser son action. Il fait un « travail de décryptage », aussi de « service après vente » après les

interventions du Président de la République ou du Premier Ministre.

Un porte-parole faisant un point presse toutes les semaines, cela permet une position officielle

du Gouvernement. A partir de là, il sera possible pour les médias, de comparer les propositions ou les

opinions des partis politiques opposés, ou bien d’identifier les dissidences au sein même de la majorité.

Elle permet aussi aux médias d’identifier la « vérité gouvernementale » parmi leurs diverses sources.

Comme l’explique Jean-Baptiste Legrave dans son article sur les porte-parole de la Commission

Européenne :

« L’intérêt objectif des journaliste pour une source régulière, donnant un point de

repère dans la profusion d’informations à laquelle ils sont confrontés »

Offrir une source officielle permet en quelque sorte de s’assurer du message auprès du grand

public.

Dans cette même optique pédagogique, Najat Vallaud Belkacem a décidé d’apporter une touche

nouvelle à la fonction de porte-parole du Gouvernement. Afin d’éviter l’exercice quelque peu aride,

mais traditionnel, du mercredi matin, elle a choisi d’aller, de façon mensuelle, à la rencontre des

Français. En effet, pour la première fois dans la Vème République, Najat Vallaud-Belkacem organise tous

les mois ces « points presse décentralisés », durant lesquels elle rencontre les différents acteurs du tissu

économique et social local. Aurélie Royet-Gounin, conseillère en charge des activités de porte-parole

auprès de Najat Vallaud-Belkacem, nous explique la fonction de ces nouveaux points presse

décentralisés, en prenant l’exemple du dernier en date, qui s’était déroulé à Cahors (Lot) :

« L’idée c’est qu’elle vient vous dire, enfin essayer de vous expliquer, en essayant de le

coller à ce qui se passe sur place, là à Cahors, on a parlé essentiellement agriculture,

tourisme, transports, couverture numérique, débit des zones rurales, enfin des choses

comme ça, pour dire voilà ce que, alors on fait un tableau d’ensemble « voilà ce que fait

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le Gouvernement, voilà où on va, voilà les priorités, voilà les perspectives », et puis voilà

dans le Lot concrètement comment ça se passe quand on leur dit emplois d’avenir, c’est

quoi les emplois d’avenir dans le Lot ? (…) Elle a cette volonté d’utiliser cette fonction de

porte-parolat aussi pour faire du terrain. »

3-) La communication intergouvernementale

Le porte-parole du Gouvernement, les citoyens ne le voient qu’à travers les médias. Il est aisé de

penser qu’il s’agit de son unique fonction en tant que porte-parole du Gouvernement.

Et pourtant… « C’est aussi une fonction de circulation de l’information au sein du

Gouvernement », nous explique Aurélie Royet-Gounin. Alors, le porte-parole est-il une sorte de

directeur de la communication interne ?

En effet, pour s’assurer une parole cohérente, le Gouvernement doit veiller à ce que chacun de

ses membres aient le même niveau d’information. A écouter, regarder, ou lire les différents médias, on

se rend vite compte que les ministres ne sont rarement interrogés que sur leur portefeuille,

particulièrement lorsqu’une réforme, une loi ou quelconque actualité fait débat au sein de l’opinion

publique.

Alors, comment cela fonctionne-t-il ? Aujourd’hui, le Gouvernement compte trente-quatre

ministres, en plus du Premier Ministre et du Président de la République. Dans cette tâche de

« communication interne », la mission de Najat Vallaud-Belkacem consiste en premier lieu en une

mission de coordination, comme le détaille Aurélie Royet-Gounin :

«Donc on fait beaucoup nous de travail en liaison avec Matignon et l’Elysée sur

l’ensemble de ce qu’on produit pour que l’ensemble du Gouvernement ait le même

niveau d’information, donc dès que y’a une démarche du Ministre X qui monte, enfin un

gros sujet d’actualité, on va faire un truc voilà « Christine Taubira présente la nouvelle

politique pénale ».

Sans imposer une parole « obligatoire » aux membres du Gouvernement, le rôle du porte-parole et son

équipe consiste avant tout à apporter les détails techniques :

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« L’idée c’est d’apporter des trucs un peu techniques, de dire voilà « sur telle chose,

pour la Syrie, pour l’instant notre aide humanitaire s’élève à tant, notre action se sont

tant, la prochaine réunion c’est telle date, voilà ce qui va se décider à tel moment » ».

Cette mission de coordination s’explique par la transversalité de certains sujets. Pour nous,

Aurélie Royet-Gounin s’est penchée sur l’exemple de la création de la Commission Nationale

Consultative des Droits de l’Homme par Jean-Marc Ayrault :

« Les sujets droits de l’Homme, c’est l’Intérieur, c’est la Justice, c’est les sujets droits des

femmes, mais y’en a beaucoup d’autres aussi qui sont concernés, aussi justement

l’économie numérique puisque y’a tous ces problèmes de CNIL, de fichage, de

protection de la vie privée, de réputation numérique (…) donc on essaie de se dire voilà

il faut que chacun sache que le PM a fait un petit topo pour expliquer quelles étaient

ses priorités en matière de droits de l’Homme (…) Nous notre boulot c’est de leur faire

un petit truc « voilà la CNCDH, voilà le profil de l’institution, elle a telle structure, la

nouvelle président c’est Madame Machin qui vient de tel background, et le PM a fixé

quatre orientations, trois nouvelles thématiques. »

Dans l’autre sens, Najat Vallaud-Belkacem et son équipe doivent être sans cesse en contact avec les

différents cabinets ministériels afin de réunir les informations nécessaires.

II-) Qui sont-ils ? Des profils variables pour un poste politique

A-) Parcours

Quel est le parcours de ces professionnels de la politique apparus il y a si peu ?

La position de porte-parole, qu’il soit de Gouvernement ou de parti politique, nous amène à

réétudier la question des champs de Bourdieu.

Rappelons la définition du champ qu’il donne dans son ouvrage Langage et pouvoir symbolique :

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« Un champ est toujours un lieu de conflit entre des individus qui cherchent à maintenir

ou à modifier la distribution des formes de capital qui lui sont spécifiques. Les individus

qui participent à ces luttes auront des visées différentes – certains d’entre eux

chercheront à préserver le statu quo, d’autres à le modifier – et des chances différentes

de gagner ou de perdre, qui dépendront de leur positionnement au sein de l’espace

structuré par les différentes positions »

Pour imposer sa définition dans un champs particulier, l’individu est donc en concurrence

Pour s’imposer dans un champ, l’individu doit posséder un certain capital, aujourd’hui le capital

médiatique fait partie des obligations du champ politique. Alors, le personnage politique devient-il

porte-parole grâce à un capital médiatique précédemment acquis ? Ou cette fonction est-elle justement

une occasion de l’acquérir ?

1-) Le classique : militantisme et politique

Daniel Gaxie dans « Economie et rétributions du militantisme », évoque l’un des moyens de

recrutement du personnel politique particulier à ce qu’il appelle les « partis de patronage » :

« Une deuxième méthode consiste à s’assurer les services d’un personnel

permanent en échange d’un emploi à la discrétion du parti. On aura reconnu le

parti de patronage, qui réserve à ses membres les nombreux postes de l’appareil

administratif soumis à l’élection, utilisés dès lors comme rémunération indirecte

de l’activité proprement politique des adhérents »

Le parcours militant et politique est bien souvent celui qui mène à des postes de responsabilité

au sein du parti. C’est notamment le cas des porte-parole.

Ainsi, pour n’en citer que quelques-uns, plusieurs porte-parole ont tout d’abord exercé des

mandats locaux. Le premier d’entre eux, Léo Hamon, avocat de formation, s’engage dans la Résistance

avant de siéger à l’Assemblée Consultative Provisoire, puis au Conseil de la République. Il fut également

élu député de l’Essonne en 1968. Jean-Philippe Lecat quant à lui, était énarque de formation. Il

poursuivit donc sa carrière en intégrant le cabinet de Georges Pompidou comme chargé de mission.

C’est aussi à cette époque qu’il est élu député en Côte-d’Or, puis conseiller général et régional. C’est

visiblement sa proximité avec le Président qui lui valu sa nomination en tant que Secrétaire d’Etat

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auprès du Premier Ministre et porte-parole du Gouvernement. André Rossi, porte-parole du

Gouvernement de mai 1974 à août 1976, débute en politique en tant que maire (1971-1989), député

(1958-1981, 1986-1994), et conseiller général (1964-1994). Alain Juppé, lui, travailla au Rassemblement

pour la République (RPR) et à la Mairie de Paris, et a été élu député et député européen, avant

d’intégrer le Gouvernement comme Ministre du Budget et porte-parole du Gouvernement en 1986.

Claude Evin, porte-parole de juin 1988 à février 1989, a également connu ce parcours « typique » :

militant au Parti socialiste, puis député, avant d’accéder à des responsabilités gouvernementales en tant

que Ministre délégué chargé de la protection sociale et de la santé et porte-parole du Gouvernement.

Tout comme Jack Lang, qui fut conseiller municipal, député et maire, avant d’être nommé Ministre de la

Culture pour les Gouvernements Mauroy, Fabius, Rocard I et Rocard II, soit entre mai 1981 et mai 1986,

puis entre mai 1988 et mars 1993. Ce n’est toutefois que sous le Gouvernement d’Edith Cresson qu’il est

nommé porte-parole du Gouvernement, de mai 1991 à avril 1992. Nicolas Sarkozy, s’il a eu une fin de

carrière particulière, a fait une entrée en politique tout à fait banale avant de devenir porte-parole du

Gouvernement entre mars 1993 et janvier 1995 : il a occupé plusieurs mandats locaux dans son fief des

Hauts-de-Seine entre 1974 et 1993, et s’engageât aux côtés de Jacques Chirac durant la campagne

présidentielle de 1988. Idem pour Philippe Douste-Blazy, qui fut élu Maire en 1989, puis député

européen, et enfin député en 1993. C’est cette année-là qu’il rentre au Gouvernement en tant que

Ministre délégué à la Santé et porte-parole du Gouvernement de janvier à mai 1995. Dans la même

lignée, Jean-François Copé a débuté en tant que Maire de 1995 à 2002, secrétaire national au RPR de

1998 à 2001, Secrétaire général adjoint du RPR entre 2001 et 2002. Puis, en 2002, Jacques Chirac le fait

rentrer au Gouvernement. Laurent Wauquiez, énarque de formation également, rentre tout d’abord au

Conseil d’Etat, par la suite, en 2004, il est élu député. C’est en 2008 qu’il intègre le porte-parolat du

Gouvernement de François Fillon. Après un bref début de carrière en marketing, Luc Châtel se consacre

à la vie politique lorsqu’il devient conseiller municipal, puis député en 2002. Il sera aussi Secrétaire

national puis porte-parole de l’UMP en 2004, avant d’entrer au Gouvernement en 2007. Enfin, Najat

Vallaud-Belkacem, nommée Ministre du droit des femmes et porte-parole du Gouvernement en mai

2012 a également connu ce parcours militant : elle s’engage au Parti socialiste en 2002 avant de

rejoindre l’équipe de Gérard Collomb en 2003. Elle est élue conseillère régionale en 2004, puis devient

conseillère nationale au Parti socialiste en 2004. En 2007, elle s’investit pleinement dans la campagne

présidentielle de Ségolène Royal, où elle tient le rôle de porte-parole de campagne. En 2008, elle est

élue conseillère régionale du Rhône.

Dans les partis politiques, la fonction de porte-parole est souvent attribuée à un jeune nouveau

venu. Ainsi, leurs parcours sont assez typiques.

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Au Parti socialiste, les porte-parole évoqués précédemment ont tous eu un mandat local ou

national avant d’occuper ce poste. Par exemple, Laurent Fabius fut élu député en 1977, puis maire en

1978, avant d’être nommé porte-parole en 1979. Jean-Jack Queyranne avait bâti une carrière politique

locale dans le Rhône, avant de migrer vers la rue de Solférino en 1985. Julien Dray était député et vice-

président de Conseil régional, lors de son accession au poste de porte-parole. Il semblerait donc qu’un

mandat électif soit nécessaire, afin d’avoir une légitimité à parler au nom du Parti socialiste. En

témoigne encore plus le parcours de François Hollande. Enarque, c’est au sein de l’administration et

dans les cabinets politiques qu’il a commencé sa carrière. Il fut parachuté en Corrèze, mais la sauce mis

du temps à prendre, et François Hollande dut essuyer quelques défaites électorales… Vers la fin des

années 1980, la chance lui souri, puisqu’il est élu député en 1988, et deviendra adjoint au maire en

1989. Malgré un nouveau revers électoral en 1993, François Hollande est propulsé vers les hautes

sphères de Solférino comme Secrétaire national, avant que Lionel Jospin ne le nomme porte-parole du

Parti en 1995.

Qu’en est-il chez la droite politique (Rassemblement pour la République, devenu Union pour un

Mouvement Populaire) ?

A droite, le schéma semble se répéter. Commençons par François Fillon, qui se bâtit une

véritable carrière politique locale, en tant que député, maire et président de Conseil Général. Il en va de

même pour François Fillon, élu député et maire avant de rejoindre le porte-parolat du Gouvernement

dans les années 1990, puis le porte-parolat de l’UMP au début des années 2000. Luc Chatel aussi fut

d’abord élu au Conseil Régional, puis député, avant d’occuper le poste de porte-parole de l’UMP en

2004. Le même type de parcours se retrouve chez Yves Jégo, Nadine Morano, ou encore Dominique

Paillé.

Toutefois, certains des porte-parole de droite, ont commencé leur carrière dans les hautes

sphères du pouvoir, ou à des postes non électifs. Par exemple, Valérie Pécresse débuta tout simplement

au cabinet de la Présidence de la République, Frédéric Lefèbvre travailla avec Jacques Chaban-Delmas

lorsqu’il était Président de l’Assemblée nationale, Chantal Brunel débuta dans les cabinets ministériels,

etc. Cependant, tous ont finalement obtenu un mandat électif avant, ou en même temps, que leur a été

octroyé le poste de porte-parole.

2-) Une rareté dans le champ politique : la carrière journalistique

Que ce soit aux Etats-Unis, ou bien plus proche, en Allemagne ou à la Commission Européenne,

la plupart des porte-parole ont tout d’abord eu une carrière de journaliste avant d’occuper cette

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fonction. La chose paraît logique étant donné que la vie de porte-parole oblige à être régulièrement

exposé aux médias, et à s’adresser à eux. Qui, alors, les connaitrait mieux qu’un journaliste ?

On citera ainsi, Jay Carney, nommé en janvier 2011, ancien journaliste à l’hebdomadaire Time,

aujourd’hui porte-parole à la Maison Blanche. Steffen Siebert également, porte-parole du

Gouvernement allemand, était le présentateur star d’un des plus importants journaux télévisés de la

République fédérale. La chose paraît déjà improbable en France. Elle le semble encore plus lorsque l’on

sait que tout ces porte-parole ont conservé leur carte de presse ! De là à voir Jean-Pierre Elkabbach

présenter le compte-rendu du Conseil des Ministres, ou bien Laurence Ferrari interviewée par Claire

Chazal à propos d’une nouvelle politique gouvernementale… Il n’y a qu’un pas que la France semble

frileuse à franchir. Légalement tout d’abord, être en politique tout en gardant le statut de journaliste

n’est pas possible puisque la carte de presse française, délivrée de façon annuelle, nécessite que

l’individu présente des feuilles de salaire faisant mention du statut de journaliste. Ainsi, arrivé en

politique, ou au Gouvernement, le journaliste n’aurait rien à présenter et ne verrait donc pas sa carte de

presse être renouvelée par la Commission faisant autorité en la matière. De manière générale, dans la

pratique, les journalistes prennent rarement leur carte dans un parti politique, malgré leur

engagement : il s’agit sans doute de chercher à garantir l’objectivité journalistique.

Au sein de la Commission Européenne, la carrière de journaliste peut également déboucher sur

la fonction de porte-parole, comme l’explique Philippe Aldrin dans son article BLABLABLA :

« La plupart des porte-parole du GPP puis du SPP sont recrutés dans les rangs des journalistes de

métiers, acquis à la cause intégrationniste, qui se rapprochent des entrepreneurs d'Europe en

couvrant leur travail »

La question des amitiés entre politique et journalistes en France est trop polémique et sensible

pour que la situation soit ainsi.

Pourtant, certains politiques ont eu une carrière de journalistes auparavant, notamment chez

les porte-parole.

Les choses débutent dans les années 1980 avec Max Gallo, nommé porte-parole du

Gouvernement de 1983 à 1984. Journaliste à l’Express durant les années 1970, il adhère au Parti

Socialiste en 1981, année de la première victoire de François Mitterrand.

Son successeur, Roland Dumas, bien qu’avocat de profession et qui ne restera en poste que

quelques mois en 1984, a également fait carrière dans les journaux avant de s’engager dans une carrière

gouvernementale. Presque dix ans plus tard, en 1990, Martin Malvy est nommé porte-parole du

Gouvernement. Fait intéressant dans sa carrière, il a débuté en politique en étant élu conseiller général

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en 1970. Jusqu’en 1977, il continuait pourtant son métier de journaliste, preuve que l’on peut cumuler à

la fois une fonction politique et le métier de journaliste.

Enfin, lorsque François Baroin devient porte-parole en 1995, cela fait déjà trois ans qu’il a

abandonné sa carrière de journaliste au service politique de la radio Europe 1.

Notons également le parcours de Christine Albanel qui, bien qu’elle ne soit restée au porte-

parolat du Gouvernement que quelques mois, avait auparavant eu une expérience d’attachée de presse

pour l’épouse de Valéry Giscard d’Estaing.

Contrairement à d’autres rôles politiques, une expérience dans les médias n’est donc pas un

obstacle pour devenir porte-parole. Au contraire, connaissant mieux que quiconque les personnes à qui

il s’adresse, un passage dans le journalisme ou la communication ne serait-il pas tout simplement un

atout pour le porte-parole ?

B-) Nomination

Comment les porte-parole sont-ils nommés ?

Tout d’abord, rappelons qu’au sens de Pierre Bourdieu, le porte-parole ayant le pouvoir d’agir et

de parler au nom d’un groupe, il serait en fait plus assimilable de nos jours au Premier secrétaire ou

Secrétaire général d’un parti politique, au Premier Ministre ou encore au Président de la République. Le

porte-parole aujourd’hui a une liberté de ton, une liberté de choix dans les sujets abordés, mais il ne

prend pas de décision, il est avant tout un intermédiaire avec les médias, il sert à véhiculer la parole

officielle auprès de l’opinion publique. Cette position justifie que le porte-parole d’un parti ou du

Gouvernement ne soit pas élu, mais nommé. Dès lors, la nomination d’un porte-parole va procéder de

deux facteurs non cumulatifs : les accords politiciens, et une certaine expertise des médias.

1-) Le poste de porte-parole, une rétribution politique

Une des premières raisons, assez emblématique, est la rétribution politique. Citons à cet égard

le Nouveau manuel de science politique :

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« Une autre modalité du pouvoir symbolique consiste, en troisième lieu, à

récompenser, à distribuer les honneurs, ce qui revient inévitablement, en

hiérarchisant les fonctions et les individus, à les consacrer et les distinguer »

Etudions donc plusieurs cas de rétribution politique par le porte-parolat.

Philippe Aldrin dans son article consacré au porte-parole de la Commission Européenne rappelle le rôle

tout à fait politique du porte-parole :

« Selon la logique d’organisation de ces exécutifs encore embryonnaires, le

porte-parole est littéralement le cordon entre le cabinet et le monde extérieur : il

exerce donc des fonctions politiques et aucunement administratives. »

En ce qui concerne Benoit Hamon, il faut revenir à 2008, date de sa nomination en tant que

porte-parole du Parti socialiste. A cette époque, il est député européen et dépose une motion afin d’être

candidat au poste de Premier Secrétaire du Parti Socialiste, après la défaite de 2007 à l’élection

présidentielle. Le premier parti de l’opposition est alors en piteux état, divisé par les nombreux courants

qui le forment. Le courant politique de Benoit Hamon, « Un monde d’avance », connait alors un fort

succès parmi les militants. A l’issue du premier tour du Congrès, il est évincé de la compétition au profit

de Martine Aubry et Ségolène Royal, et appelle à voter pour la première. Finalement, l’élection, très

controversée, se soldera par la victoire de Martine Aubry. Une fois à la tête du Parti Socialiste, débute

alors pour Martine Aubry une tâche délicate : répartir les postes politiques du Parti, notamment en

fonction des courants internes. C’est à cette occasion, afin de le « rétribuer » de son soutien, qu’elle

nomme Benoit Hamon, porte-parole du Parti Socialiste.

Cette nomination a en quelque sorte changé la donne. Selon Benoit Hamon, les porte-parole

précédents étaient très liés au Premier Secrétaire du parti, ils étaient « presque le représentant du

Premier Secrétaire ». Toujours selon lui :

« C’est une fonction politique désormais au PS, c’est que c’est une fonction qui

revient à une personnalité politique qui par son poids, notamment à l’issue du

dernier congrès, justifie qu’elle puisse prétendre à un poste de premier plan »5.

Cette nomination politique aura évidemment des conséquences sur la manière dont la

fonction sera assumée par Benoit Hamon :

« en conséquence de quoi il était assez logique que comme sa victoire elle la

devait au fait que j’avais appelé à voter pour elle, il me revienne un poste

5 Entretien avec Benoit Hamon, ancien porte-parole du Parti socialiste, novembre 2011

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important. Donc je l’ai exercé avec beaucoup plus d’autonomie, beaucoup plus

d’indépendance et beaucoup plus de liberté que n’importe quel porte parole,

voila, ce qui a provoqué quelques… euh…clash quoi, on va dire ça comme ça,

avec Martine Aubry. »

La nomination de Christine Albanel est également assez emblématique de ces rétributions

politiques. Elle débute sa carrière en tant que professeur dans un lycée, puis grâce à son activisme

militant, elle devient l’attachée de presse de l’épouse de Valéry Giscard d’Estaing. Elle rejoint

rapidement Jacques Chirac afin de devenir sa plume, que ce soit à la Mairie de Paris ou à Matignon,

lorsqu’il fut Premier Ministre. A l’élection de Chirac à la présidence de la République en 1995, elle le

rejoint à son cabinet. Alors que les conseillers de ce dernier l’encouragent à mettre dans la lumière une

femme qu’il garde précieusement à ses côtés depuis longtemps, il décide toutefois de la nommer

conseillère à la culture et à l’éducation. Suite à cela, elle sera Secrétaire nationale à l’Union pour un

Mouvement Populaire, puis nommée en 2003 présidente du domaine de Versailles. Ce n’est qu’en 2007

qu’elle accède, pour une brève période, au rang de Ministre et de porte-parole du Gouvernement, sous

l’impulsion de François Fillon. Difficile ici de ne pas voir la rétribution d’une longue carrière dédiée à un

Président à deux reprises élu, et qui n’avait jamais laissé sa chance à une de ses plus anciennes

conseillères… Mais la carrière ne fait pas tout, et Christine Albanel ne restera que deux mois porte-

parole du Gouvernement, pour ne garder que sa fonction de Ministre de la Culture et de la

Communication. La raison de ce départ du porte-parolat, Natalie Levisalles, journaliste à Libération,

l’explique dans un portrait qu’elle a dressé de Christine Albanel en juillet 2007, « Le masque de la

plume » :

« Dans le Fillon 1, elle était aussi porte-parole, mais la fonction lui a été retirée, sans doute

parce que sa prestation n’a pas été très convaincante, en particulier lors de la soirée des

législatives où, à côté des très médiatiques Rachida Dati et Rama Yade, elle est apparue

totalement langue de bois (…) »

Pour lui succéder, François Fillon choisira Laurent Wauquiez, l’un des plus jeunes à avoir été nommé

porte-parole du Gouvernement. Sa carrière est fulgurante. Sorti de l’Ecole Nationale d’Administration en

2001, il est nommé porte-parole du Gouvernement suite aux prestations peu appréciées de Christine

Albanel.

Dans certains cas, la suppression du poste de porte-parole peut aussi avoir lieu en raison de

« micmacs » politiques. Ainsi en est-il de Dominique Paillé et Frédéric Lefèbvre, lorsqu’ils étaient porte-

parole de l’Union pour un Mouvement Populaire à l’époque de Xavier Betrand. L’arrivée de Jean-

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François Copé changea la donne pour ces deux compères, comme nous l’indique Farah Benouis,

journaliste à Itélé :

« Oui exactement y’avait Dominique Paillé et Frédéric Lefèbvre du temps de

Xavier Bertrand et en fait quand Copé est arrivé il a supprimé la fonction de porte

parole je pense que y’avait des choses… déjà il ne voulait pas garder Paillé parce

qu’entre eux ça se passait pas très bien et il a supprimé la fonction de porte-

parole donc c’est lui qui est sur le point presse, c’est Jean-François Copé en tant

que secrétaire général. » 6

2-) Le porte-parolat, une fonction d’expertise

Parmi les nombreux porte-parole qui se sont succéder au fil des ans, beaucoup disposaient déjà

d’une expérience de la fonction ou du domaine de la communication. Dans son article « Sociologiser la

communication politique ? A propos de quelques tendances de la science politique française », Philippe

Riutort explique :

« Loin d’être un handicap, le fait d’avoir exercé primitivement une activité de

communicateur semble pouvoir représenter, au final, dans certains situations, un

atout considérable »7

Les « communicateurs » évoqués par l’auteur visent le métier de communicant politique dans

toute sa diversité. A la lecture de différents articles de presse ou bien sur des sites officiels comme

Acteurs-publics.com, on se rend rapidement compte que le porte-parole fait partie aujourd’hui de cette

tribu des « communicants ».

Philippe Riutort ajoute :

« Les communicateurs contribuent à leur manière à l’avènement de nouveaux

professionnels de la politique, ayant pleinement intériorisé au cours de leur

parcours l’impératif de communication »

6 Entretien avec Farah Benouis, journaliste à Itélé, septembre 2012.7 Article paru dans la revue Politique et Sociétés, vol. 26, n°1, 2007

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Ne serait-ce pas le cas de plusieurs porte-parole issus de la dernière génération d’hommes et de

femmes politiques ? Les personnalités politiques ayant fait leurs armes dans les années 1980, ou ayant

commencé à s’intéresser à la politique à cette époque, ont certainement dû intégrer certains nouveaux

codes de la profession, ceux de la communication.

Aujourd’hui, ces codes sont nécessaires, comme le montre le choix de certains porte-parole,

notamment parmi les porte-parole de Gouvernement. Il n’est en effet par rare de voir le porte-parole de

la campagne présidentielle devenir porte-parole du Gouvernement. Najat Vallaud-Belkacem en est

l’exemple type, puisqu’elle fut porte-parole de François Hollande durant la campagne. De la même

façon, François Baroin fut le porte-parole de Jacques Chirac lors de sa campagne présidentielle en 1995.

Cette expertise semble demandée pour les porte-parole de Gouvernement, alors qu’au sein du parti

politique, elle apparait plutôt comme tremplin vers une visibilité médiatique, ce qui confère à ce rôle

dans le parti une grande importance.

III-) Une place de choix

A-) Une fonction apportant une notoriété médiatique …

1-) Un éclairage médiatique quasi-permanent et utile…

On aura de cesse de répéter que la fonction de porte-parole, de Gouvernement ou de parti, est

d’apparaitre dans divers les médias. Outre le point presse hebdomadaire, le porte-parole va de plateaux

en plateaux, de radios en radios, de journaliste en journaliste. On pourrait dire que le rôle de porte-

parole ne s’incarne, ne se « matérialise » que devant les médias.

Ainsi, le porte-parolat semble être une bonne étape dans la carrière d’un homme ou d’une

femme politique. Dans un premier temps, le porte-parolat lui permet de se faire connaitre du grand

public. Devenir un « bon client » des médias donne une meilleure visibilité, et est devenu un véritable

critère de sélection dans la compétition politique, comme l’expliquent les auteurs du Nouveau manuel

de science politique :

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« Mais également la presse qui en profite pour tenter d’influer sur le cours du jeu

politique en promouvant la notoriété médiatique comme critère de sélection du

personnel politique ».

Le porte-parole reste avant tout un personnage politique cherchant à acquérir des positions de

pouvoir au sein de son institution. Il essaie donc d’imposer son courant d’idées par exemple, comme

c’est souvent le cas dans les partis politiques. Obtenir une place importante, comme porte-parole,

sembler donner plus de poids à son courant.

Le porte-parolat permet aussi, par l’exposition médiatique qu’il impose, de faire émerger les

« nouveaux talents », notamment dans les partis politiques. On peut penser que le passage de Nicolas

Sarkozy et François Hollande par le porte-parolat fut l’un de leurs premiers pas vers une reconnaissance

médiatique nationale. Ainsi, lorsqu’il sortit du Gouvernement, Nicolas Sarkozy devint par exemple porte-

parole du RPR.

Ainsi, on serait tenté de dire que la fonction de porte-parole de ne se « matérialise » que lors

d’interventions médiatiques ou devant des militants en tant que porte-parole.

2-) … mais pas toujours élogieux

Si la fonction de porte-parole permet d’obtenir une visibilité certaine, cette notoriété

nouvellement acquise ne rime pas nécessairement avec popularité, comme l’exprime Benoit Hamon :

« Ca te donne de la notoriété… Popularité moins parce que comme on est dans un

exercice très clivant de plaire au général qu’à une fraction de son propre camps »

L’éclairage médiatique n’est en effet pas toujours accompagné de louanges de la part des

journalistes, au contraire. De ce fait, certains porte-parole comme Benoit Hamon, semble n’accorder

que peu d’importance à leur courbe de popularité dans le milieu journalistique, et même dans les

études d’opinion :

« Moi je m’en fous totalement et ça m’a pas empêché de rester porte parole,

alors y’en a encore qui espéraient que je me … mais.. Je me fous totalement,

mais totalement de ne pas plaire à Jean-Marie Colombani. C’est d’ailleurs ça

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qui ..les rend si hargneux… Mais totalement. Je trouve même que c’est un bon

indicateur du fait que je fais bien mon boulot. Si ces gens là m’aimaient ça

voudrait dire que je ne dis plus rien, que je suis dans le murmure et… »

En effet, devoir être présent régulièrement dans les médias pour porter une parole officielle

peut être une tâche relativement ingrate. Parfois, le porte-parole est donc perçu comme celui que l’on

envoie « au charbon » annoncer quelques mauvaises nouvelles. Benoit Hamon s’attribue lui-même le

surnom de « puncher de première ligne », cela ferait partie de sa fonction de « tordre le cou aux idées

reçues ».

Toutefois, la fonction de porte-parole parait comporter la nécessité d’entretenir un réseau de

journalistes, de façon parfois informelle :

« La fonction de porte parole c’est vite une fonction du sérail, c'est-à-dire que vous allez faire

des diners, des déjeuners.. moi j’en fais aucun de la sorte, j’ai des gens que j’aime bien parmi

les journalistes qui me suivent hein plus que d’autres. »

Le capital médiatique acquis par les porte-parole reste un véritable atout dans la vie politique

contemporaine, bien qu’il ne soit pas suffisant, comme l’expliquent les auteurs du Nouveau manuel de

science politique :

« De nombreuses figures émergentes de la vie politique (…) témoignent de l’atout que

représente un capital médiatique. Il n’assure pourtant pas à lui seul, loin s’en faut, des positions

durable et élevées au sein du champ politique »

B-) … et pouvant être un tremplin politique

La fonction de porte-parole est une véritable opportunité pour qui veut se faire connaitre, et

faire diffuser ses idées. Ainsi, la distribution du poste de porte-parole peut être l’object d’une véritable

bataille, en témoigne cet extrait d’un article du Nouvel Observateur, à propos de l’actuelle Ministre de la

Culture, Aurélie Filipetti :

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« Le soir de la constitution de l’équipe, dans le bureau de Hollande, raconte un des

participants, elle avait piqué une crise parce qu’il lui confiant les milieux culturels

et qu’elle voulait aussi être porte-parole. (…)Yves Cochet, qui la connait depuis

longtemps, dit combien « Aurélie aime être regardée » ».

Benoit Hamon a par exemple choisi d’en faire un « promontoire politique » à certains moments :

« depuis le départ je voulais faire du porte parolat pas simplement…euh…une

sorte caisse de résonnance des bureaux nationaux du parti socialiste..c’est aussi

ça, ce que j’essaie de faire à peu près correctement, mais aussi une caisse de

résonnance des débats qui existent au sein de la gauche et dans la

population...y’a des sujets dont je considérais que, si je devais prendre que le fil

des décisions du bureau national ils seraient jamais abordés (…)d’autres

questions comme les retraites, quand j’ai pris position et rappelé, là cette fois là,

la position officielle du PS vis-à-vis de laquelle je jugeais que les dirigeants et élus

prenaient des libertés, qui a provoqué aussi des crispations, voila j’en fais un…

comment dire ? Une sorte de…promontoire politique »

Parmi les porte-parole, de Gouvernement comme de partis politiques, certains

ont connu une carrière importante, suite à cet épisode de « porte-parolat ».

Citons en premier lieu Nicolas Sarkozy, qui a tout de même fini Président de la République…

après avoir été porte-parole du Gouvernement entre 1993 et 1995, il a été le porte-parole de campagne

d’Edouard Balladur durant sa campagne présidentielle. Un poste de choix également, c’est pourquoi

après la défaite le candidat déchu, Monsieur Balladur, aurait soufflé à l’oreille de Nicolas Sarkozy :

« Souvenez vous de ce qui se passe, Nicolas, regardez-bien, n’oubliez-rien »

François Hollande a également occupé le poste de porte-parole du Parti socialiste entre 1995 et

1997. Auparavant, il s’était déjà lancé en politique et avait été élu maire et député par exemple. En

1997, lors de l’arrivée de la gauche plurielle au pouvoir, Lionel Jospin le nomme Premier secrétaire du

Parti socialiste, poste qu’il occupera pendant les onze années suivantes. Il lui aura fallu attendre quinze

ans avant de devenir Président de la République, et son action à la tête du premier parti d’opposition fut

décriée… mais serait-ce le porte-parolat qui a d’abord rendu le visage de François Hollande familier à la

plupart des Français ?

Beaucoup de porte-parole du Parti socialiste, dans les années 1980-1990 connaissent ou ont

connu une belle carrière suite à leur épisode de porte-parolat. Ainsi, Laurent Fabius a été porte-parole

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entre 1979 et 1981. En 1983, il est nommé Premier Ministre sous le mandat de François Mitterrand.

Vincent Peillon occupât également cette fonction entre 2000 et 2002, date à laquelle il décide de quitter

ce poste afin de créer un nouveau courant au sein du Parti socialiste. En 2007, il est l’un des porte-

parole de Ségolène Royal, et est depuis mai 2012 Ministre de l’éducation nationale.

Bien sur tous les porte-parole du Parti socialiste n’ont pas forcément connu la « gloire ». Ainsi,

Julien Dray, porte-parole entre 2003 et 2008, a vite été oublié depuis, notamment en raison de l’action

de rénovation du parti entreprise par Martine Aubry à son arrivée en 2008. Jean-Jack Queyranne aussi,

porte-parole entre 1985 et 1993, qui choisit de quitter cette fonction afin de se consacrer à la vie

politique locale.

Du côté de la droite politique, on notera que François Fillon fut nommé porte-parole du

Rassemblement pour la République en 1998. Entre 2002 et 2009, neuf porte-parole se sont succédés à

l’UMP : Nathalie Kosciusko-Morizet (2002), François Baroin (2003), Valérie Pécresse et Luc Chatel (2004),

Yves Jégo et Nadine Morano (2007, Dominique Paillé, Chantal Brunel et Frédéric Lefebvre (2008), puis

uniquement Frédéric Lefebvre et Dominique Paillé (2009). Parmi eux, il est intéressant de noter que tous

ont par la suite été membre du Gouvernement de Nicolas Sarkozy et de son Premier Ministre, François

Fillon. Au Gouvernement ou pendant la campagne de 2012, on retrouvera encore en tant que porte-

parole Valérie Pécresse, Luc Chatel, François Baroin, et Nathalie Kosciusko-Morizet.

A son arrivée à la tête du parti, Jean-François Copé a quant à lui préféré supprimer cette

fonction, ou plutôt se l’octroyer. La journaliste Farah Benouis y voit là deux raisons. D’une part, une

inimitié avec Frédéric Lefebvre, ce dernier ayant de toute façon été nommé au Gouvernement comme

Secrétaire d’Etat lors de l’arrivée de Jean-François Copé à la tête de l’UMP. En outre, Jean-François Copé

n’a jamais caché ses ambitions présidentielles pour 2017, quelque peu compromises en ces temps

d’élections internes. Un journaliste l’a confirmé : « Je pense aussi, bon ça c’est en off, que ça arrangeait

Copé d’être seul à porter la parole… ». Assumer lui-même la fonction de porte-parole lui permet donc

d’animer les points presse et d’être l’interlocuteur privilégié des médias, alors qu’au PS, les journalistes

pouvaient par exemple avoir le choix entre Martine Aubry et Benoit Hamon. Pour Jean-François Copé,

le porte-parolat est également une tribune lui permettant de se placer par rapport à ses adversaires

politiques, comme nous l’expliquer une journaliste d’Itélé :

« Oui oui, il en profite beaucoup. Là bon il réagit sur Harlem Désir puisque ce

sera peut être les deux qui vont s’opposer, même si Copé se place plus dans une

opposition à Jean-Marc Ayrault ou à François Hollande, donc à un niveau

dessus »

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Dès lors, l’existence même du poste de porte-parole procède souvent d’une stratégie politique. Ainsi,

l’absence de porte-parole de l’UMP permet à Jean-François Copé d’être l’un des seuls, au sein de

l’appareil partisan, à pouvoir s’exprimer. Il tente donc de s’imposer tout d’abord médiatiquement, pour

plus tard s’imposer dans les urnes.

En revanche, au Parti socialiste, l’enjeu de l’existence d’un poste de porte-parole semble plus

relever de la nécessité d’attribuer des postes, plus ou moins importants, en fonction des courants

internes, comme en témoigne la nomination de Benoit Hamon à ce poste.

Un autre exemple illustrant la possibilité d’utiliser le porte-parolat comme un tremplin politique

est l’étude de l’équipe de porte-parole de Ségolène Royal durant la campagne présidentielle de 2007.

Six personnalités composaient à l’époque cette équipe : Julien Dray, conseiller spécial en expression

publique et coordinateur des porte-parole, Jack Lang, conseiller spécial en charge de l’expression

publique, Vincent Peillon, porte-parole, Arnaud Montebourg, porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem,

porte-parole, et Jean-Pierre Chevènement, en charge de la « coordination des interventions

thématiques ». Les plus exposés médiatiquement sont alors Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, et

Najat Vallaud-Belkacem, contraint à des relations très régulières avec les médias. Depuis 2007, si

certains ont pu connaitre une traversée du désert, on notera tout de même que trois des porte-parole

de l’époque ont été nommé Ministre dans le Gouvernement de François Hollande Jean-Marc Ayrault. Le

Président de la République avait même choisi de réinstaurer Najat Vallaud-Belkacem dans son rôle de

porte-parole lors de sa campagne électorale.

C-) Mais dont l’importance dépend du contexte

1-) Dans les partis politiques : l’effet majorité/opposition

Le lundi matin à 11h30, la rue de Solférino, siège du Parti socialiste, a pendant longtemps été

prisée des journalistes.

Durant cinq années, les points presse du porte-parole Benoit Hamon réunissaient de nombreux

journalistes. Entre vingt-cinq et trente. Aujourd’hui, les rangs sont désormais plus clairsemés durant les

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points presse du nouveau porte-parole, David Assouline. La « faute » ne semble pas incomber à ce

nouveau porte-parole, mais plus au nouveau contexte politique : les socialistes sont désormais au

pouvoir, leur voix ne se fait donc plus uniquement entendre à Solférino ou au sein du groupe

parlementaire. Les journalistes semblent oublier le parti. On l’a d’ailleurs vu lors de la dernière

Université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, en août 2012. Les médias ont majoritairement couvert

cet évènement sous l’angle de l’ennui, ou bien ont accentué sur le fait que le parti de la majorité devait

se trouver un nouveau rôle.

L’écueil est simple pour le porte-parole du parti majoritaire : n’être que le « perroquet » du

Gouvernement. Pour le point presse du parti de l’opposition, par une sorte de mimétisme, le porte-

parole joue le rôle de porte-parole du Gouvernement. Il informe des opinions du parti, et explicite

l’actualité du parti. Mais pour les journalistes, l’intérêt n’est pas le même. N’étant pas dans les affaires

de l’Etat, moins présent dans les pouvoirs publiques, il semblerait que les médias soient plus intéressés

par la position du parti de l’opposition par rapport à celle de la majorité, plus que par la force de

proposition du parti. Ainsi, nous explique une journaliste d’Itélé, à une question concernant l’éventuel

aspect « aride » des points presse :

« Déjà on est dans un contexte d’opposition donc ils n’ont pas vraiment la main

sur les affaires de l’Etat donc ils ne peuvent que dire bah voilà « non on dénonce,

nous on est euh on est pas d’accord » »

« Etant donné qu’ils sont dans un statut d’opposition, ils n’ont pas vraiment prise

sur les affaires de l’Etat. Donc c’est vrai que les points presse des partis

d’opposition, à un moment où y’a pas d’élections qui arrivent, ça a moins

d’intérêt pour les journalistes, c’est pour ça que y’a pas beaucoup de monde

aujourd’hui. »

« Sachant que Copé pour l’instant, il est chef du parti d’opposition, mais comme

y’a des élections, peut-être que dans deux mois ce sera plus lui donc euh je veux

dire une fois que le président de l’UMP sera installé, là ce sera intéressant d’avoir

le point de vue du président de l’UMP, du chef de l’opposition donc puisque ce

sera ça par définition le chef de l’opposition »

Pour le porte-parole, l’enjeu est de se placer au même niveau que la majorité. Par exemple, en

tant que Secrétaire général de l’UMP et porte-parole de son parti, Jean-François Copé souhaite

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s’opposer, plus qu’à Harlem Désir, à François Hollande et Jean-Marc Ayrault, puisque ces deux derniers

occupent des postes qu’il convoite lui-même…

Pour les plus petits partis de l’opposition, l’enjeu est encore différent. Qui sont les porte-parole

du Modem, du Front National, ou encore d’Europe Ecologie – Les Verts ? Pour exister médiatiquement,

ces partis semblent vouloir concentrer l’attention sur leur figure emblématique : François Bayrou pour le

Modem, Marine Le Pen pour le Front National, et Eva Joly pour les écologistes. Ainsi, Yann Wehrling,

porte-parole du Modem, n’est pas un régulier des plateaux télévisés, BLA et BLA, porte-parole d’Europe-

Ecologie-Les Verts, encore moins, quant au Front National, il a choisi une option plus radicale : ne pas

avoir de porte-parole du tout. Afin d’exister médiatiquement, ces partis politiques minoritaires semblent

vouloir cristalliser l’attention autour d’une seule et unique personne, le président, qui plus est candidat

à l’élection présidentielle en général.

2-) L’actualité du jour : affluence des journalistes

Il est un jour qui marquera sans doute pendant longtemps les membres des différents partis

politiques, mais encore plus ceux du Parti socialiste, ainsi que les journalistes.

Ce matin-là, une partie de la France se réveille dans le brouillard : nous sommes le 15 mai 2011,

un dimanche, où l’actualité tourne un peu au ralenti. Mais pas ce jour là. En effet, sur les réseaux

sociaux, twittos et twittas s’affolent, quelques médias font leur une exceptionnelle. Dominique Strauss-

Kahn, directeur général du Fonds Monétaire International et favori socialiste à l’élection présidentielle,

est arrêté pour viol sur une femme de chambre de l’hôtel dans lequel il logeait. Le dimanche, la veille

médiatique des attachés de presse est moins assidue, et celui d’astreinte ce week-end là au Parti

socialiste, ne s’attendait pas à un tel réveil. Alors que la nouvelle se répand, et que des précisions sont

apportées, les dirigeants du Parti socialiste sont fortement sollicités par les médias. Martine Aubry,

François Hollande ou Ségolène Royal donnent leur avis dans les médias. L’opinion la plus attendue est

alors certainement celle des « petits loups », les trois hommes les plus proches de Dominique Strauss-

Kahn : Pierre Moscovici, Jean-Christophe Cambadélis, et Jean-Marie Le Guen.

Malgré ces diverses déclarations, qu’en pense le Parti socialiste ? Que peut-il dire, alors que

Dominique Strauss-Kahn, s’il était le chouchou des sondages, n’était pas le favori du parti ? Les

déclarations des divers dirigeants socialistes le dimanche paraissent avoir été faites sous le coup de

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l’émotion, mais les journalistes ont également besoin d’une position officielle du parti : va-t-il défendre

son ex futur candidat les yeux fermés ?

Le lendemain, lors du point presse habituel, Benoit Hamon sait qu’il devra aborder le sujet, qui

éclipse alors tout le reste de l’actualité. Mais a priori, personne dans les cadres du Parti socialiste ne

semblait s’attendre à une telle affluence. Vingt-cinq ou trente journalistes tous les lundis, c’est plutôt un

bon score par rapport aux partis, mais cette fois, ce sont plus de cent journalistes qui veulent venir

assister au point presse. D’autant plus qu’un Bureau National exceptionnel avait alors été convoqué. Dès

lors, tous les éléphants du parti étaient présents rue de Solferino, avec en prime, une déclaration

officielle à la fin. L’occasion était trop belle pour les médias.

La photo ci-après, prise par un permanent du parti, illustre bien la cohue de journalistes auquel les

permanents de Solférino, surtout son service de presse, a du faire face ce jour-là.

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PARTIE 2 :

UN « POLITIQUE COMMUNICANT »

« Homme public par fonction, je ne voulais

pas devenir un personnage médiatique »8

« Manuel Valls impose en partie sa vision à celui qu’il accompagne [François Hollande], tirant

partie de sa légitimité politique. Il complète utilement son candidat. Il est un politique communicant,

quand Franck Louvrier est un communicant politique. » C’est en ces termes qu’un article du Plus –

Nouvel Observateur décrit Manuel Valls, alors conseiller communication de François Hollande.

Après une période de militantisme étudiant, Manuel Valls débute sa carrière au siège du Parti

socialiste, à l’époque de Michel Rocard, en tant qu’assistant politique. En 1997, lors de la victoire de la

gauche plurielle aux élections législatives, il rejoint le cabinet de Lionel Jospin, en qualité de conseiller

presse et communication du nouveau Premier Ministre. Puis, il se retire, et se trouve un fief, Evry, dont

il deviendra le maire. Les années suivantes, il se consacre donc à sa carrière politique, s’intègre dans

différents courants internes au Parti socialiste. Il se spécialise dans certains domaines, comme la

sécurité, et provoque quelques coups d’éclat en défendant plusieurs positions et idées venues de la

droite sarkozyste, comme la TVA sociale. Puis, en 2011, il se déclare candidat aux Primaires citoyennes

organisées par le Parti socialiste. A l’issue du premier tour, il appelle ses maigres 5% à se rallier à

François Hollande, qui sortira vainqueur des Primaires au second tour. Il intègre alors l’équipe de

campagne du nouveau candidat socialiste à l’élection présidentielle, comme conseiller presse et

communication, une nouvelle fois.

Le politique-communicant serait donc un homme, ou une femme, ayant acquis une légitimité

politique, soit grâce à une victoire électorale, soit en étant devenu le chef de fil d’un courant interne à

un parti, mais bénéficiant en outre d’une véritable expertise, d’un professionnalisme certain dans le

domaine de la communication. D’après le journaliste auteur de l’article susmentionné, ce parcours 8 Les épines et les roses, Robert Badinter, 2011, Ed. Fayard, coll. Le livre de poche

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semble influencer sur la manière de conseiller le candidat. En quelque sorte, il saurait mieux mettre en

musique exigences politiques et électorales, puisqu’il en a l’expérience, et nécessités

communicationnelles, puisqu’il en a tout autant l’expérience. Le candidat, quant à lui, pourrait être plus

enclin à accepter, à écouter ce politique communicant, étant donné qu’ils viennent du même monde,

mais que ce dernier bénéficie d’un petit « plus » : une expertise de la communication. En somme, le

politique-communicant serait un hybride entre homme politique et communicant. A l’inverse, le

communicant politique n’aurait donc qu’une expertise en communication, souvent acquise dans le

secteur privé, et dont il applique les principes et les méthodes à l’homme politique dont il s’occupe.

Partant de ce constat, pourrait-on dire que le porte-parole en politique est également, à sa

manière, un politique-communicant ?

Nous avons vu dans la première partie que le porte-parole est une fonction politique de par la

nomination à ce poste, le parcours des porte-parole, mais surtout leur investissement politique en

parallèle de la fonction de porte-parole. C’est même la plupart du temps en raison de leur

investissement politique qu’ils sont nommés porte-parole, comme une rétribution politique.

Mais à résumer le cœur de leur métier, il s’agit avant tout d’une fonction de communication,

véhiculer une parole officielle via les médias, nécessitant donc une certaine expertise. Homme ou

femme politique par sa carrière, communicant par sa fonction, le porte-parole est-il une sorte

« d’homme de l’ombre », mais sans l’ombre ?

Légitimité politique, expérience de la communication… Le porte-parole peut être perçu comme

un politique-communicant. Nous étudierons donc dans cette partie la dimension de communication,

intrinsèque à la fonction de porte-parole, mêlée à sa dimension politique.

La dimension de communication dans la fonction de porte-parole est extrêmement prégnante,

bien qu’il s’agisse d’un poste politique (I) ; les points presse hebdomadaires symbolisent parfaitement la

relation particulière qui s’instaure entre le porte-parole et les journalistes (II)

I-) Des liens inextricables entre porte-parole et médias

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A-) Une fonction souvent organiquement rattachée à la communication

Bien souvent, le porte-parole est amené à travailler d’une part avec les décideurs politiques,

gouvernementaux ou partisans, d’autre part avec le secteur de la communication. Cette coexistence des

deux secteurs, politique et communication, peut parfois amener à des tensions [D Assouline : quelques

tensions, incompréhension avec le secteur presse qui pense coté communication, RP, prestation

médiatique, et Assouline, qui pense carrière].

1-) Au Gouvernement : qui fait quoi ?

Ainsi en va-t-il pour le porte-parole du Gouvernement qui travaille à la fois avec l’Elysée,

Matignon, les Ministres et le Service d’Information du Gouvernement (SIG).

Citation ARG « contact permanent avec l’ensemble des cabinets etc »

D’après un rapport de la Cour des Comptes des Comptes publié le 17 septembre 2012, à la

demande du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, le Service d’Information du Gouvernement a les

missions suivantes :

« - informer le Gouvernement sur l’état de l’opinion ;

- informer le citoyen sur l’action gouvernementale »

En outre, l’article 2 du décret n°2000-1027 du 18 octobre 2000, relatif au service d’information

gouvernementale, énonce la chose suivante :

« Le SIG est chargé :

- D’analyser l’évolution de l’opinion publique et le contenu des médias ;

- De diffuser aux élus, à la presse et au public des informations sur l’action

gouvernementale ;

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- D’entreprendre des actions d’information d’intérêt général à caractère

interministériel sur le plan national et, en liaison avec les préfets et les

ambassadeurs, dans le cadre des services déconcentrés de l’Etat ;

- D’apporter une assistance technique aux administrations publiques et de

coordonner la politique de communication de celles-ci, en particulier en matière de

campagnes d’information et d’études d’opinion. »

Organe placé sous l’autorité du Premier Ministre, le décret n°2012-784 relatif aux attributions du

porte-parole de Gouvernement, prévoit toutefois en son article 2 que :

« Pour l’exercice de ses attributions de porte-parole du Gouvernement, la ministre

des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, dispose du service

d’information du Gouvernement ».

Porte-parole du Gouvernement et SIG doivent donc travailler de concert. Cette relation pourrait

toutefois être l’objet d’améliorations, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, dans lequel

elle recommande :

« de préciser les conditions de prise en charge d’actions de communication menées

par la ministre porte-parole du Gouvernement »

En effet, le directeur du SIG semble pouvoir influer sur la fonction de porte-parole, selon son

profil. En cas de directeur du SIG très politique, ce dernier peut alors empiéter sur le domaine du porte-

parole du Gouvernement. Aurélie Royet-Gounin développe :

« Au départ, voilà, c’est vraiment une fonction qui est vraiment très très variable

selon, de l’un à l’autre, ça dépend aussi de savoir qui dirige le Service

d’Information du Gouvernement : est ce que c’est dirigé par un politique ou est ce

que c’est vraiment quelqu’un qui est vraiment un technicien … (…) quand y’a des

présidents de SIG très très politiques, c’est beaucoup dans leurs services qui vont

faire des argumentaires, des choses comme ça. Il peut y avoir une utilisation plus

ou moins politique du SIG ».

A cet égard, elle évoque Thierry Saussez, directeur du SIG d’avril 2008 à octobre 2010,

« cantonné à une mission de publicitaire de l’action de l’exécutif »9 :

9 Article du Nouvel Observateur, avec l’AFP – 11 octobre 2010

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« Quand c’était Thierry Saussez, il avait une fonction … moi j’étais dans

l’Administration, je voyais passez des publications du SIG qui étaient très très

politiques. Après son départ, c’est revenu à une pratique plus administrative, où

y’a vraiment une fonction d’appui à l’ensemble des services de presse, de

stratégies »

Pourtant, selon la Cour des Comptes, tout comme pour Aurélie Royet-Gounin, le SIG ne devrait

avoir qu’une mission très technique :

« Dans les deux cas, le SIG doit notamment assurer les fonctions d’un prestataire

de services techniques, que ce soit vis-à-vis du Premier Ministre ou des ministères

(coordination interministérielle, soutien juridique, administratif, technique et

financier etc » 10

« Je pense que l’idée, c’’est vraiment d’utiliser ça vraiment comme un service

d’appui technique »11

S’ils doivent travailler ensemble, les relations entre le porte-parole du Gouvernement et le SIG

semblent bien floues.

A l’inverse, en Allemagne, le porte-parole du Gouvernement, rattaché à la Chancellerie, est

également le directeur de l’Office de presse et d’information du Gouvernement fédéral (Presse- und

Informationsamt der Bundesregiurung).

Cette ambiguïté des relations entre porte-parole du Gouvernement et SIG est également sans

doute due à un manque de précision des tâches, et au fait que l’objet de ces deux fonctions varient

selon les pratiques institutionnelles, comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes, concernant

le SIG :

« L’expérience française et l’observation de quelques exemples étrangers montrent

que l’organisation retenue pour la communication gouvernementale, souvent

fluctuante, est largement liée à celle des institutions du pouvoir exécutif et à la

pratique de fonctionnement de ces institutions. »

Cette réflexion vaut très certainement aussi pour le porte-parole du Gouvernement, sorte

d’objet politique « pas complètement identifié », dont les contours institutionnels sont encore imprécis.

10 Rapport de la Cour des Comptes, septembre 201211 Entretien avec Aurélie Royet-Gounin

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La collaboration entre le porte-parole du Gouvernement et le SIG est rendue d’autant plus difficile

qu’elle repose sur une séparation peu claire entre communication gouvernementale et communication

partisane :

« La conduite de cette communication gouvernementale est délicate, en raison des

risques de confusion entre la communication gouvernementale et la

communication politique partisane et des dérives susceptibles de s’en suivre »

A l’étranger, notamment aux Etats-Unis, le problème ne semble pas se poser partout. Ainsi, au

pays de l’Oncle Sam, les deux organes de communication du Président de la République, l’ « Office of

Communication » et l’ « Office of digital strategies », tous deux rattachés à la Maison Blanche, ne

peuvent tout simplement par exemple pas commander de sondages. Ces derniers sont laissés à la

charge des partis politiques. Un exemple dont Nicolas Sarkozy aurait pu être avisé avant d’accéder à

l’Elysée… Dès lors que le Service d’Information du Gouvernement organise une campagne de

communication auprès des Français afin de promouvoir et d’informer sur une nouvelle politique

gouvernementale, n’est-ce pas de la communication partisane ? La question mérite réflexion.

Quoiqu’il en soit, la tension pouvant exister entre le porte-parole du Gouvernement et le Service

d’Information du Gouvernement semble pouvoir être assimilée à celle qui existe au sein de la

Commission Européenne, comme l’explique Philippe Aldrin :

« Le différend entre J.-R. Rabier et B. Olivi symbolise durablement les tensions

entre porte-parole et communicants au sein de la bureaucratie

communautaire. »

2-) Dans les partis politiques : un travail d’équipe

Dans les partis politiques, le service de communication parait pleinement investi dans le travail

du porte-parole.

En témoigne par exemple l’organisation du point presse au Parti socialiste, à l’époque de Benoit

Hamon, mais aussi actuellement avec David Assouline.

Autour du porte-parole gravite une équipe permettant l’organisation de cet évènement

hebdomadaire. On peut ainsi distinguer deux types de personnes : d’une part une équipe « technique »

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dédiée à l’organisation matérielle du point presse, et d’autre part une équipe politique afin d’en

déterminer le contenu.

L’équipe « technique » est constituée en majeure partie du personnel de la Direction de la

communication du Parti Socialiste.

Ainsi, le service de presse est en charge de la gestion des journalistes avant, pendant, et après le

point presse. Il s’agira par exemple de faire circuler le micro auprès des journalistes au moment des

« questions-réponses ». Les journalistes n’ont pas besoin de demander une accréditation pour assister

aux points presse, tout le monde, y compris des non-journalistes, peut y assister. En amont du point-

presse, le service de presse assiste également le porte-parole afin d’élaborer le contenu de son

intervention. Concrètement, il s’agit là de retrouver des articles de presse, des réactions politiques à

diverses mesures, ou bien encore les positions officielles du parti dans le programme électoral etc. Le

point presse fini, les attachés de presse scriptent l’intervention du porte-parole avant de l’envoyer à la

presse, pour que ces derniers aient les expressions exactes.

Le service web du Parti a également son rôle à jouer : tout le point presse, excepté la deuxième

partie consacrée aux questions-réponses, est filmé afin d’être mis en ligne ultérieurement sur le site du

Parti socialiste. Parfois, le service web travaille avec Benoit Hamon afin de réaliser ce que Valerio Motta,

chef du service web entre 2008 et juin 2012, appelle des « co-productions » : il s’agit de différents types

de contenus (vidéos, graphiques, etc) servant à appuyer les propos tenus par le porte-parole. Par

exemple, suite à l’Université d’été de la Rochelle en aout 2011, J-F Copé avait attaqué le Parti socialiste

sur ses divisions internes. La réponse de Benoit Hamon, grâce à l’aide du service web, fut de faire une

vidéo reprenant les extraits d’un film de guerre bien connu, avec en fond sonore les propos du Premier

Secrétaire de l’UMP. Enfin, les points presse sont parfois l’occasion pour le service web de faire la

promotion des nouveaux produits du Parti. Ainsi, à la fin du point presse du 14 novembre 2011, la

nouvelle application Parti Socialiste pour les smartphones a été présentée.

Durant les points presse sont donc présents une partie du service de presse, une partie du

service web, et les directeurs de la communication.

Une fois son intervention achevée et les journalistes partis, le porte-parole s’enquiert bien

souvent de l’avis des attachés de presse sur sa prestation. Ces derniers n’hésitent alors pas à donner

leur point de vue, non pas nécessairement sur le fond du message, mais sur la façon de le dire, ainsi que

les éventuelles bévues de comportement avec les journalistes.

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A l’UMP, les choses semblent similaires. Avant l’arrivée du Secrétaire général et porte-parole,

Jean-François Copé, le service de presse est d’ores et déjà présent dans la salle de presse afin d’encadrer

les journalistes. Tous paraissent se connaitre, et les journalistes n’hésitent pas à aller chercher des

informations auprès des attachés de presse. Dans une salle attenante à la salle de presse, on voit

également quelques personnes affairées à l’enregistrement du point presse.

B-) Une fonction donnant autorité et légitimité à la parole

Qu’est ce qui donne de l’importance au porte-parole du parti ?

Rappelons ici les mots de Pierre Bourdieu dans son ouvrage Langage et pouvoir symbolique :

« Le plénipotentiaire, ministre, mandataire, délégué, porte-parole, député,

parlementaire, est une personne qui a un mandat, une commission ou une

procuration pour représenter – mot extraordinairement polysémique -, c’est-à-

dire pour faire voir et faire valoir les intérêts d’une personne ou d’un groupe. »

Cette réflexion montre la problématique de la concurrence du porte-parole avec d’autres

individus. Alors d’où vient la légitimité d’un porte-parole de parti ou de Gouvernement ? De la

délégation qu’il a reçu de la part de son « supérieur hiérarchique » qui, lui, avait le pouvoir de parler et

d’agir. Il conserve toutefois une partie de son pouvoir de parler, comme en témoignent les points presse

tenus par Jean-Marc Ayrault ou par Martine Aubry.

Le fait est peut-être imputable aux médias, et leur multiplication, car, comme le dit P. Bourdieu

« la presse qui ne reconnait et ne connait que des porte-parole, vouant les autres aux « libres

opinions » ».

Sa fonction peut vite être noyée parmi les autres porte-parole « de fait », autrement dit les

autres membres du parti ou du Gouvernement.

Ainsi, en quoi la parole de Najat Vallaud-Belkacem est-elle plus légitime que celle des autres

ministres ? Pourquoi s’en tenir plus à Benoit Hamon, plutôt qu’aux autres Secrétaires nationaux de

l’époque ? La parole de Jean-François Copé vaut-elle plus que celle de ses Secrétaires généraux adjoints,

Marc-Philippe Daubresse et Hervé Novelli, ou bien que les autres éminences grises de son parti ?

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La fonction de porte-parole semble donner de la légitimité à la parole. On l’a déjà dit, selon

Bourdieu, le porte-parole a le pouvoir d’agir et de dire au nom d’un groupe. Dans son acception actuelle,

le porte-parole semble n’avoir qu’un pouvoir de dire. Il dit au nom de l’institution qu’il représente. Ce

pouvoir de dire lui a été confié par le représentant officiel de son institution :

« La nomination officielle, acte d’imposition symbolique qui a pour elle toute la

force du collectif, du consensus, du sens commun, parce qu’elle est opérée par un

mandataire de l’Etat détenteur du monopole de la violence symbolique. »

Benoit Hamon et David Assouline parlent, ou ont parlé, au nom du Parti socialiste via une

délégation de la Première secrétaire, Martine Aubry. Najat Vallaud-Belkacem parle au nom du

Gouvernement, via une délégation du Premier Ministre. Est-ce cette délégation qui donne de la

légitimité et de l’autorité aux interventions du porte-parole ?

La légitimité du porte-parole vient du fait qu’il parle « au nom de » et non uniquement pour lui-

même. Il est intéressant de vérifier ce fait dans les cas où l’institution qu’il représente doit faire face à

des divisions internes. On parait attendre de la part du porte-parole une sorte de neutralité face aux

jeux internes. Ainsi, l’UMP, par exemple, est actuellement en période d’élection interne. Jean-François

Copé lors d’un point presse en septembre 2012 parlait au nom de son parti politique et non au nom du

courant qu’il représente. Pour être légitime à s’exprimer, Jean-François Copé doit donc s’exprimer au

nom de l’UMP, pas en faisant sa campagne. Et cet exercice semble difficile…

Une position intéressante était également celle de Benoit Hamon durant les Primaires

citoyennes. Durant cette campagne, les médias souhaitaient montrer les jeux de force entre les

différents candidats notamment en montrant qui, parmi les « éléphants » du parti, soutenait qui. Benoit

Hamon est resté discret une partie de la campagne, bien que son soutien pour Martine Aubry soit de

notoriété publique. Mais lors du premier débat des Primaires, il s’est rendu au QG de Martine Aubry. Sa

présence a engendré plusieurs questions de la part des journalistes présents. Ainsi, une vidéo mise en

ligne sur le site Youtube.com par France Soir, « Benoit Hamon, porte-parole du PS ou soutien de Martine

Aubry ? » comporte ce commentaire de présentation :

« En direct du QG de Martine Aubry à Paris, Benoît Hamon assistait au second

débat entre les différents candidats à la primaire socialiste. Présent sur place,

FranceSoir.fr l'a interrogé sur sa légitimité à soutenir la candidature de Martine

Aubry alors que son statut de porte-parole du PS l'engage à un devoir de

neutralité. »

Voici le dialogue entre le journaliste et Benoit Hamon :

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« Aujourd’hui vous avez publiquement soutenu Martine Aubry, est ce que c’est

pas un petit peu comment dire déplacé pour le porte-parole du Parti socialiste qui

est censé être impartial ?»

« Ben non. Il est censé être impartial quand il parle au nom du PS face à la droite,

mais il manquerait plus que y’est qu’une seule personne qui ait pas le droit d’avoir

un avis ce soit le porte-parole du PS. Personne pose la question au président du

groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, qui est défenseur de l’intérêt général,

pourquoi il soutient François Hollande. On pose pas la question en 2006 de savoir

si Julien Dray qui était porte-parole du Parti socialiste défendait Ségolène Royal,

personne lui a posé la question »

« Vous avez une influence quand même ! »

« Bah oui, mais ça tombe bien, je pense que Jean-Marc Ayrault aussi en a une,

mais je pense que l’influence, ce que je représente à gauche, ben personne

comprendra, en tout cas y’a plein de gens qui comprendraient pas que je ne

m’exprime pas. Et si ça dérange certains, ben je pense qu’ils vivront avec encore

une dizaine de jours. »

En tant que porte-parole la réponse semble devoir être négative. Représentant de la parole

officielle de son parti et donc de ses militants, il ne pouvait s’exprimer puisque le vote n’avait pas encore

eu lieu. D’ailleurs, il l’a expliqué dans une interview à Science-Po TV, la chaine de télévision de l’Institut

de Science Politique de Paris : « Lors de chacun de mes points presse, je m’abstiens de faire des

commentaires partisans sur le déroulement des Primaires ». De même, lors des points presse ayant lieu

durant la campagne des Primaires, Benoit Hamon semblait chercher à exprimer les attentes des

militants et partisans de gauche : « Je pense que ce débat doit être utile aux français pour voir la

différence qui existe entre les candidats. Là où ils peuvent considérer que c'est encore flou entre les uns

et les autres, ce débat leur apportera des clarifications », avait-il déclaré lors de son point presse du 12

septembre 2011, soit quelques jours avant le débat télévisé qui devait opposer les cinq candidats aux

Primaires. Comme homme politique, avec ses idées, ses convictions, leader d’un courant politique, il

était en revanche tout à fait légitime à exprimer son opinion personnelle.

En s’exprimant, le porte-parole ne fait pas autorité, il manifeste une autorité. Par exemple,

lorsque Najat Vallaud-Belkacem fait le compte rendu du Conseil des Ministres, cela ne vaut pas pour fait,

elle manifeste uniquement l’autorité du Conseil des Ministres à discuter et prendre des décisions

concernant la politique nationale. Ainsi l’explique P. Bourdieu :

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« L’autorité dont les énoncés sont investis est une autorité conférée au langage

par des facteurs qui lui sont extérieurs. Lorsqu’un porte-parole autorisé parle avec

autorité, il exprime ou manifeste cette autorité, il ne la crée pas. »

Ainsi, le porte-parole ne parle pas différemment que les autres ministres, ou que les Secrétaires

nationaux dans un parti. Les autres sont également des porte-parole. Rappelons à cet égard la politique

canadienne de communication gouvernementale : « Les ministres sont les porte-parole du

Gouvernement ». La différence avec ses compères réside uniquement dans le fait qu’il a « l’autorisation

de l’institution » (P. Bourdieu). Bourdieu explique :

« Le porte-parole est un imposteur pourvu du skeptron »

Le « skeptron » est un objet qui, au temps d’Homère, était donné à celui qui avait la parole lors

d’une assemblée. Autrement dit, le langage du porte-parole (« manière et matière du discours »)

dépend de facteurs sociaux (« la position sociale du locuteur ») ; en revanche, l’autorité de son discours

dépend de l’autorisation qui lui a été donnée de parler au nom de son institution. La nomination de

Najat Vallaud-Belkacem, de Frédéric Lefèbvre, de Benoit Hamon, et les autres, est donc une sorte de

« skeptron » des temps modernes. Pierre Bourdieu continue :

« Le porte-parole doté du plein pouvoir de parler et d’agir au nom du groupe, et

d’abord sur le groupe par la magie du mot d’ordre, est le substitut du groupe qui

existe seulement par cette procuration (…) il personnifie une personne fictive, qu’il

arrache à l’état de simple agrégat d’individus séparés lui permettant d’agir et de

parler, à travers lui, « comme un seul homme ». En contre partie, il reçoit le droit

de parler et d’agir au nom du groupe (…) ».

C’est donc la fonction qui donne légitimité à la parole. Ce caractère légitime donne autorité à la

parole. C’est parce qu’il est légitime à parler, via une délégation, que sa parole est d’autorité :

« Cette autorité, le langage tout au plus la représente, il la manifeste, il la

symbolise »

De la découle une manière de parler spécifique aux discours institutionnels. Avec ses écueils. En

témoigne l’ennui des journalistes durant les premiers points presse de Najat Vallaud-Belkacem. ARTICLE

RUE 89.

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C-) La nécessité d’équilibrer sa parole et de bien parler

1-) « Un politique sachant communiquer… »

La fonction de porte-parole n’existe presque que devant les médias, ou des publics externes.

Il s’agit de diffuser une parole officielle vers un public extérieur à son institution. La fonction

nécessite donc une bonne maitrise des codes de la communication. Il s’agit presque de ramener la

communication à sa fonction primaire de communication. Dans son origine latine, « communicare » a

une double signification : « partager et transmettre ou établir une relation ». Aujourd’hui, si ces deux

sens sont toujours valables, une autre dimension semble être venue s’ajouter, dans le domaine de la

communication : convaincre et persuader.

De nos jours, la communication s’est professionnalisée, et être un bon communicant s’impose à

tout homme politique qui prétend à des hautes fonctions, c'est-à-dire des fonctions exposées

médiatiquement. Tel est bien évidemment le cas des porte-parole, notamment durant les points presse.

Michel Bongrand fait également l’apologie du style oratoire, qui rentre aujourd’hui dans la

catégorie « communication » :

« « Le style, c’est l’homme », disait Buffon dans le discours sur le style qu’il

prononça à l’Académie française en 1753. Il voulait dire que l’on peut ôter les

idées, non le style. On se souvient du style d’un orateur politique, beaucoup moins

des idées exprimées. »

Ces derniers sont par ailleurs fortement scénarisés. Pour renforcer l’autorité du porte-parole et

la solennité de l’évènement, le porte-parole se tient sur une estrade, donc surélevé par rapport à son

public ; derrière lui, des logos de l’institution qu’il représente ; il arbore une tenue sombre, pas

décontractée. Pour marquer son importance, il arrive une fois que les journalistes sont installés, créant

ainsi un sentiment d’attente (parfois justifié) ; les interventions millimétrées : leur discours, puis les

questions des journalistes, etc. un défaut dans la scénarisation, ou des erreurs et hésitations de langage,

peuvent engendrer de fâcheuses répercussions, notamment avec la popularité de certaines émissions

d’infotainment.

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Ainsi, lorsque Xavier Bertrand fut élu à la tête de l’UMP, et qu’il nomma Dominique Lefebvre et

Frédéric Paillé comme porte-parole, ils furent moqués par Le Petit Journal de Yann Barthès, qui les

surnommât « Dodo et Fredo ». Même chose lorsque Jean-François Copé devient Secrétaire général de

l’UMP et décidât de faire ses points presse hebdomadaires avec ses deux Secrétaires généraux adjoints,

Marc-Philippe Daubresse et Hervé Novelli. Les moqueries furent plus acerbes, et Jean-François Copé,

visiblement peu enclin à ce genre d’humour, décidât d’arrêter les points presse avec ses acolytes

surnommés « Plic et Ploc », par Yann Barthès et son équipe :

« Au début quand Copé est arrivé, ils faisaient les points presse à trois, c'est-à-dire

que Copé était là, Marc-Philippe Daubresse et Hervé Novelli étaient là, c’est Copé

qui parlait beaucoup, qui introduisait les questions, qui répondait, et il passait la

parole, à l’un ou à l’autre. Mais honnêtement, les deux faisaient un peu fonction

de … »

« Ben le Petit Journal a … «

« Et c’est le Petit Journal qui a capté ça, et donc Copé a mis fin à… »

« Oui voilà, ils avaient arrêté juste à cause de ce que le Petit Journal avait dit »

Le Petit Journal n’épargne pas non plus le Parti socialiste et l’ambiance austère des points presse

de l’ancien porte-parole du parti, Julien Dray, ni les tics de langage de Benoit Hamon. Ce dernier se

justifie de la manière suivante :

« si moi j’avais du réfléchir tout le temps au fait de, que je fais « euh euh euh », là,

c’est que mon problème c’est quoi ? c’est que le « euh » c’est le délai de réflexion

que je m’accorde pour dire une chose pertinente, alors je le dis bruyamment

parfois silencieusement, si je suis concentré sur faut plus que je fasse « euh »

parce que je suis ridicule quand je fais « euh », je prends juste le risque de parler

trop vite et parler plus vite que.. que de raison »

Les critiques faites, les politiques agissent… ou pas. Au gouvernement aussi les porte-parole ont

pu être raillés, et même rayés, pour leur manque d’aisance communicationnelle. C’est le cas de Christine

Albanel, qui ne dura que deux mois à ce poste. Alors quelles qualités un porte-parole devrait-il

posséder ? Paul Stallard, spécialiste des relations publiques à l’Université de Berkley (Californie, Etats-

Unis) a publié en 2010 un article intitulé « Conseils pour être un bon porte-parole »12, qui s’adresse en

particulier aux porte-parole d’entreprise. D’après lui, le rôle du porte-parole ne se réduit pas à parler

devant les médias, il s’agit de maitriser son message devant les médias :

12 « Tips for being a good spokesperson », par Paul Stallard

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« Il y a un monde entre parler aux médias et réussir à dire ce que vous avez à

dire »13

A ce titre, il faut donc maitriser certaines règles qui feraient la différence : « Pour un exemple de

la vie réelle, tenez en vous à comparer Barack Obama et Gordon Brown lors d’interviews » nous dit-il.

Selon Paul Stallard, le porte-parole doit savoir expliquer clairement et de façon précise son message, et

pour cela, la forme peut donc primer sur le fond :

« La façon dont vous dites quelque chose est tout aussi importante que ce que

vous dites »14

Cette affirmation pourrait en faire pâlir plus d’un, notamment Benoit Hamon qui nous dit lors de

l’entretien :

« Moi mon job de porte parole c’est pas d’apparaitre clean, parfait en terme de

communication, de ceux qui voudraient…(…) faut pas que je sois obsédé par cet

élément d’image personnelle parce qu’à ce moment là c’est euh la fonction qui

pour moi est la plus importante, celle qui transmet un message politique, qui fait

réagir en bien ou en mal, que je risque d’altérer parce que je serais obsédé par la

forme. »

Pour ce faire, P. Stallard énumère une liste de six conseils aux porte-parole. Analysons certains

d’entre eux, au regard du travail des porte-parole.

« Connaissez votre message » - Il s’agit là de déterminer les quelques points, positions qui devront être

passés aux journalistes. Que ce soit en parti politique ou au Gouvernement, ce travail se fait

effectivement, mais pas de la même manière que dans le secteur privé, eu égard aux particularités du

champ politique (avec ses stratégies, ses concurrences) ainsi qu’aux valeurs et à l’institution que le

porte-parole représente. Au Gouvernement, ces points sont identifiés, le message à faire passer calibré

par le porte-parole, certes, mais avec le Président de la République et le Premier Ministre. Dans certains

partis politiques, notamment au Parti socialiste, le porte-parole bénéficie d’une certaine marge de

manœuvre dans l’élaboration du contenu de son point presse. Ainsi, Benoit Hamon explique :

« Après y’a les tropismes, moi je sais que j’ai une sensibilité aux questions sociales

et économiques notamment plus forte qui m’amène à privilégier ces sujets. Alors

que y’a des fois je suis sans doute passé à coté de thèmes d’actu, de moments

13 « There is a world of difference between just talking to the media and actually getting accross everything you want to say »14 « How you say something is just as important as what you are saying »

51

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d’actualité, notamment sur les questions environnementales, qui auraient pu

permettre, ou du permettre par exemple, une parole forte du PS. Donc c’est pour

ça aussi que j’ai besoin d’être alimenté alors euh et puis Caro aussi avec qui je

bosse, elle a aussi ses propres tropismes donc je sais très bien les sujets qui

reviendront avec Caro… »

On peut donc imaginer qu’un autre porte-parole aurait mis en avant d’autres points que Benoit Hamon.

Par exemple, Manuel Valls aurait il été plus évoqué les questions de sécurité ?

« Soyez préparé » - Par là, Paul Stallard entend que le porte-parole doit connaitre l’actualité concernant

son sujet. Ce travail dans les points presse et souvent fait par le service de presse qui, comme dit

précédemment, aide le porte-parole afin de réunir les informations nécessaires. Il peut également

demander diverses précisions à ses collègues en charge de sujets spécifiques (les secrétaires nationaux).

Il s’agit également d’anticiper sur les questions qui pourraient être posées au porte-parole à l’issue du

point presse.

Les deux conseils suivants relèvent plus de l’attitude à adopter lors des interventions publiques :

« Relaxez-vous » et « Soyez confiants ».

Enfin, les deux derniers conseils de Paul Stallard concernent plus la relation avec les médias.

« Ne vous laissez pas sidetracked » - La solution de l’auteur ? « Tenez compte de ce que le journaliste a

dit, retournez à ce que vous étiez initialement entrain de dire, et continuez. » Si ce n’est pas de la langue

de bois, cela y ressemble fortement … En faire usage ou pas est bien entendu à la discrétion du porte-

parole, et il semble bien difficile d’en faire état ici. Le dernier conseil, « N’évitez pas la question »,

suppose selon Paul Stallard, que le travail de préparation en amont ait bien été fait.

Ces différents conseils sont sûrement à prendre « avec des pincettes », mais ils ont le méritent de nous

interpeller sur la nécessité pour le porte-parole de faire des interventions médiatiques de qualité, tant

sur le fond que sur la forme, à l’inverse de ce que semble penser Paul Stallard.

Ainsi, pour certains, le media-training pourrait-il être une option ? La question se pose

effectivement, pour le porte-parole comme pour d’autres hommes et femmes politiques. En effet, avec

certaines nouvelles exigence médiatiques, l’art de « savoir » parler aux médias s’impose presque à tout

personnage public, et peut même être perçu comme l’une des clefs pour accélérer sa carrière politique :

bien parler devant les médias permet, entre autre, de devenir un « bon client », donc d’avoir plus

d’opportunités de faire passer son message, et d’être connu(e) de l’opinion publique. Mais cet « art », si

on imagine qu’il peut être inné chez certains, a définitivement besoin d’être acquis pour d’autres. D’où

la nécessité pour quelques-uns de s’adonner au « media-training ». Lors de la campagne présidentielle

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de 2012, Nicolas Sarkozy avait par exemple demandé à tous ses ministres de prendre quelques cours 15…

Au Front National, pour éviter des « couacs », mais aussi très probablement pour s’assurer une bonne

image, tous les membres ne sont pas habilités à parler aux médias. A l’occasion d’un appel au siège de

ce parti afin d’en savoir plus sur leurs points presse, j’ai appris que le FN ne possédait pas de porte-

parole officiel, si ce n’est « des personnes plus ou moins habilitées à parler aux médias ».

Enfin, pour être bon, les méthodes de communication du porte-parole et de son « supérieur »

semblent devoir s’accorder. Ainsi, Laurent Wauquiez, qui fut porte-parole du Gouvernement suite à la

contre-performance de Christine Albanel, a développé une théorie de la communication proche de celle

de Nicolas Sarkozy dans un article intitulé « Nouveau siècle, nouvelle communication », publié dans la

revue de Jean-Claude Casanova, Commentaires. D’après lui, la récente évolution du paysage médiatique

(Internet, YouTube, Dailymotion) oblige le politique à de plus en plus communiquer, et même avant

qu’une réforme ne soit mise en place, sinon « la bataille est perdue d’avance » d’après lui.

2-) Le porte-parole, synecdoque du parti politique et du Gouvernement ?

Le porte-parole de parti politique ou de Gouvernement est censé avoir un devoir de neutralité

et d’objectivité. Fait qui semble difficile étant donné que leur nomination est politique, c’est-à-dire

prenant en compte des opinions politiques personnelles et leur popularité. Le porte-parole doit

également apparaitre comme le garant de l’unité de son institution, partisane ou gouvernementale. De

fait, il est demandé au porte-parole de mettre de côté son opinion personnelle, encore plus si elle est

dissidente de l’opinion majoritaire, et de présenter aux médias et à l’opinion publique, un avis unique et

commun. C’est donc priorité à la position de l’institution.

Mais en politique, il peut être compliqué de respecter cette position, et de proposer une parole

officielle commune à tous. D’une certaine façon, pourrait-on dire que l’homme politique devrait

s’effacer derrière le communicant ? L’homme ou la femme politique doit-il s’effacer derrière le parti ?

Puisqu’il est censé incarner son institution, on serait tenté de répondre par la positive, toutefois dans la

pratique, la chose semble plus complexe.

Plusieurs faits d’actualité nous rappellent à quel point il peut être compliqué de savoir équilibrer

ses propos lorsque l’on est porte-parole.

15 « Politique/Communication : le media-training », par Marina Mielczarek, RFI, 16 novembre 2011

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Concernant le fait de donner la priorité à la parole collective, étudions le cas de Nathalie

Kosciuzko-Morizet, alors porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Bien que nous étudiions

les porte-parole de partis politiques ou de Gouvernement, cet exemple semble symptomatique. Ce qu’a

fait, ou plutôt dit, Nathalie Kosciuzko-Morizet n’est pas particulier aux porte-parole de campagne.

En mars 2012, alors que la campagne présidentielle bat son plein, les porte-parole des candidats

s’expriment à tout va et sont présents dans de nombreux médias, Claude Géant, alors Ministre de

l’Intérieur de Nicolas Sarkozy, fait une sortie très médiatisée par la suite. A l’occasion d’un meeting

politique, il déclare en effet :

« Accepter le vote des étrangers, c'est la porte ouverte au communautarisme.

Nous ne voulons pas que des conseillers municipaux étrangers rendent

obligatoire la nourriture halal dans les repas des cantines, ou réglementent les

piscines à l'encontre des principes de mixité ».16

Les propos de Claude Guéant donnèrent lieu à de nombreuses réactions de la part de

l’opposition, mais également dans la majorité sarkozyste. Ainsi, Rachida Dati a regretté « des propos qui

assimilent les musulmans français à des étrangers »17. Mais la réaction qui en a surpris plus d’un fut celle

de Nathalie Kosciuzko-Morizet, alors porte-parole de campagne de Nicolas Sarkozy :

« Il y a assez de raison d'être contre le vote des étrangers aux élections, (...) il y a

assez de raison d'être contre des repas confessionnels à la cantine pour qu'il ne

soit pas nécessaire de faire un lien entre les deux. Surtout, ce que je ne voudrais

pas, c'est que la polémique cache la vraie question qui est 'pourquoi les

socialistes veulent absolument le droit de vote des étrangers aux élections

[locales] ? »18

Face au silence de son candidat, et aux propos du Ministre, Nathalie Kosciuzko-Morizet a choisi

d’exprimer son opinion personnelle, une position difficile à tenir lorsque l’on est porte-parole. En faisant

cela, Nathalie Kosciuzko-Morizet a-t-elle en quelque sorte transformé ses propos en ceux du président-

candidat ? Pour Olivier Cimelière, auteur d’un billet intitulé « Communication : un porte-parole doit-il

systématiquement fermer sa « gueule » ? » sur Le blog du communicant 2.0, estime pour sa part :

16 « Quand Guéant pose l’équation « vote des étrangers égal halal imposé »… », 2 mars 2012, par Tijani Smaoui (Metro France)17 « Halal, droit de vote des étrangers : Guéant précise, Fillon au créneau », TF1, 5 mars 201218 « Vote des étrangers, NKM prend ses distances avec Guéant », Le Monde, 4 mars 2012

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« Pourtant, et sans trahir nullement son camp, Nathalie Kosciuzko-Morizet est en

cohérence avec ses valeurs. Une telle déclaration est au contraire d’une grande

honnêteté intellectuelle »19

Elle a en effet sur mettre en balance la position de son candidat, soit le refus d’accorder le droit

de vote aux étrangers non-communautaires, et sa propre position, le refus de raccourcis à tendance

xénophobe.

Dans le même registre, l’attitude de Benoit Hamon lors des Primaires citoyennes démontrent

bien la difficulté d’équilibrer sa parole. Devant les journalistes, sur l’estrade de la salle de presse du Parti

socialiste, ou invité sur dans différents médias en tant que porte-parole, celui-ci n’a jamais exprimé son

soutien à Martine Aubry, candidate à cette élection. En revanche, rien ne pouvait l’empêcher d’agir en

leader politique, représentant de l’un des courants majoritaires à gauche, et de montrer son soutien en

apparaissant au QG de Martine Aubry lors des débats télévisés, ou d’aller à ses meetings politiques.

Tout ceci n’est pas sans rappeler une feuille de route rédigée par Lionel Jospin et destinée à ses

porte-parole de campagne en 2002. Dans cette fiche, parmi de nombreux conseils concernant la tenue

vestimentaire ou encore le recours à des fiches bristol pour éviter les bruits à la radio par exemple, on

trouvait celui-ci : ne jamais dire « moi, je pense »20.

La difficulté qu’a rencontrée Nathalie Kosciuzko-Morizet montre également une autre

problématique de la fonction de porte-parole : incarner une parole unique. Dans son cas, face à

l’absence de réactions du candidat qu’elle représentait, elle a choisi d’exprimer sa propre opinion.

Benoit Hamon a lui aussi rencontré cette difficulté lorsqu’il fut nommé porte-parole en 2008, à l’issue du

Congrès de Reims. L’émission « Déshabillons-les » en février 2010, a consacré un numéro à cette

difficulté21. Elle commence par présenter un épisode symptomatique des problèmes rencontrés par les

porte-parole. A l’Université d’été de La Rochelle en 2009, Benoit Hamon anime alors un débat durant

lequel s’affrontent Cécile Duflot et Jean-Pierre Chevènement. Pour le psychanalyste Jean-Pierre Winter,

présent sur le plateau de l’émission, lors de sa prise de parole à la fin du débat, la première

préoccupation de Benoit Hamon était d’ordre politique, non intellectuelle. Ce dernier s’en défend en

expliquant qu’il cherchait à « débusquer les faux désaccords ». Est-ce le rôle du porte-parole ? Benoit

Hamon explique que sa plus grande difficulté a été de faire passer le PS de la cacophonie, à la

polyphonie, pour arriver finalement à faire une synthèse : « Juste après le Congrès de Reims, il y avait

19 « Communication : un porte-parole doit-il systématique fermer sa « gueule » ? », Olivier Cimelière, Le Blog du communicant 2.0, mars 201220 « Petits conseils de communication aux porte-parole du candidat », Clarisse Fabre, Le Monde, 7 mars 200221 « Psychologie d’un porte-parole », émission « Déshabillons-les », 27 février 2010

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autant de paroles que de socialistes », explique-t-il alors, rajoutant qu’ « il y a de grands moments de

solitude ». Et c’est justement la raison pour laquelle il a accepté le poste de porte-parole, « pour changer

ça ». En conséquence de quoi, son rôle consistait parfois à « remettre en place » des socialistes prenant

quelques libertés avec le programme du parti. Par exemple, lors du débat sur la retraite en 2010, alors

que certains étaient favorables au recul de l’âge de départ à la retraite et l’avaient publiquement

exprimé, Benoit Hamon avait du en point-presse rappelé la position du PS : le maintien de la retraite à

soixante ans.

II-) Le point-presse, exercice par excellence du porte-parole

La mission la plus connue des porte-parole, qu’ils soient de Gouvernement ou de partis

politiques, est celle d’animer les points presse.

Nous nous attacherons ici à étudier les points presse du Parti socialiste, de l’Union pour un

mouvement populaire, ainsi que ceux du Gouvernement.

Il est intéressant d’observer tout d’abord qu’il s’agit là d’une scénarisation, d’une mise en scène

du pouvoir politique. Comme l’expliquent A. Cohen, B. Lacroix et Philippe Riutort dans le Nouveau

manuel de science politique :

« Simples concessions à la « communication », les mises en scène auxquelles se

prête le pouvoir politique n’agiraient pas en tant qu’adjuvant, puisque celui-ci

puiserait sa force de dispositifs bien plus efficaces, tels que le fait de disposer du

monopole de la violence physique légitime ». (…) « Ile mettent en effet l’accent

sur la contribution de ces mises en scène à l’instauration d’une coupure entre

gouvernants et gouvernés, ainsi qu’à la constitution du processus de politisation.

Ces mises en scène peuvent même participer intégralement à consolider la

légitimité des institutions politiques. »

B-) Le point-presse, la rencontre d’intérêt mutuellement compris

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1-) Réponse aux attentes des politiques

a-) Expliquer sa position

Le point presse, dans sa fonction première, permet d’exprimer clairement l’opinion du parti ou du

Gouvernement, de donner une visibilité à ses positions.

La mission principale du point presse est, comme l’a souligné Benoit Hamon, de donner la position

du Parti Socialiste sur les différents thèmes d’actualité. Autrement dit, c’est la « priorité à l’actu

chaude ». Tous les sujets peuvent alors être abordés : mesures du Gouvernement, fait divers, actualité

internationale, etc.

Ainsi en va-t-il du point presse de l’Union pour un Mouvement Populaire, orchestré par Jean-

François Copé, actuel Secrétaire général et porte-parole, durant lequel ce dernier a donné la position du

parti sur divers points d’actualité. Mais les questions qui étaient sur toutes les lèvres des journalistes

concernaient le bureau politique du parti, qui avait eu lieu le matin même, et qui avait eu pour thème

l’organisation de l’élection du prochain Secrétaire Général de l’UMP.

Durant les points presse du Gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem fait un compte-rendu du

Conseil des Ministres. Comme le dit Aurélie Royet-Gounin, il s’agit là de la « partie très institutionnelle

qui est le compte-rendu du Conseil des Ministres, qui est vraiment la mission traditionnelle du porte

parole du Gouvernement ».

Prenons par exemple son point-presse daté du 28 septembre, jour de la présentation du projet

de loi pour le budget de l’année 2013, ou Plan de Financement (PLF). Avant l’intervention de Najat

Vallaud Belkacem, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault s’était lui-même exprimé devant les médias,

étant donné l’importance du sujet. Suite à cela, Najat Vallaud-Belkacem a renvoyé les journalistes vers

les mots du Premier Ministre, expliqué ce qui allait suivre, et repris les mots du Président de la

République, comme « un budget de combat ». Par la suite, elle a successivement présenté les différents

projets de lois portés par les ministres : un projet sur les immigrés clandestins de Manuel Valls

prolongeant la garde-à-vue des clandestins et abrogeant le délit de solidarité, un projet de loi

présentant un avenant à la convention fiscale franco-philippine par Bernard Cazeneuve, enfin, une

communication de la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso.

b-) Interpeller et attaquer son adversaire

Dans les partis politiques, le point presse peut servir de biais pour interpeller l’adversaire politique.

A l’Assemblée Nationale, les adversaires s’interpellent presque directement, notamment lors des

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questions au Gouvernement. Durant un point presse, le porte-parole peut également intégrer cette

dimension à son discours. Ainsi, Jean-François Copé, l’actuel Secrétaire général de l’UMP, a, lors d’un

point presse début septembre 2012, interpeller à plusieurs reprises le camp adverse : « Je demande

donc à François Hollande … »

En outre, le point presse peut être utilisé comme l’arme servant à attaquer ou contre-attaquer

contre le Gouvernement ou tout autre parti, via les médias.

Dans ce cas, le point-presse dans les partis politiques permet une relative maitrise du message qu’ils

souhaitent délivrer, par le biais du porte-parole. Il présente l’avantage d’être une tribune où le porte-

parole sera seul à parler, avant d’être interrogé par les journalistes après, et pour un temps plus long

que ne le permettrait une interview dans les médias. Le point presse peut donc à cet égard être perçu

comme un objet malléable servant une stratégie politique. Ainsi, lorsque François Fillon a annoncé les

mesures du plan de rigueur prévu par le Gouvernement le 7 novembre 2011, le point presse de Benoit

Hamon a été décalé de une heure, à 12h30, afin de permettre à Benoit Hamon de répondre aux propos

du Premier Ministre. Face à une salle bondée de journalistes pour l’occasion, Benoit Hamon fut incisif.

De la même manière, lors du point presse hebdomadaire, Jean-François Copé, accompagné ce jour-

là de Marc-Philippe Daubresse, a durant son discours attaqué le Gouvernement socialiste et son parti.

En félicitant l’Allemagne à propos d’une décision de sa Cour de Justice, il rappelle l’action de l’ancien

Président de la République, Nicolas Sarkozy, puis attaque la politique socialiste. Sur la création d’un

groupe de travail dédié à la question de la compétitivité, au sein de l’UMP, il en profite pour tacler le

Parti socialiste. Concernant le processus d’élection du nouveau Secrétaire général de l’UMP, Jean-

François Copé, il dénonce l’organisation du choix du prochain Premier secrétaire du Parti socialiste, qu’il

qualifie de « non-démocratique ». Sur le ton de la blague, il a par ailleurs souhaité au futur Premier

secrétaire des « vœux républicains », dans sa future mission qui, d’après lui, est « une mission d’une

grande responsabilité », « passionnante mais difficile ». Sur un mode différent que Benoit Hamon, Marc-

Philippe Daubresse a rajouté « Ca peut pas être un emploi fictif », suscitant la remarque d’un journaliste

« Un emploi d’avenir ! », remarque qui généra approbation de la part de Marc-Philippe Daubresse, et

ricanements dans la salle.

2-) Réponse aux attentes des journalistes

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Si «professionnels des médias et de la politique peuvent être structurellement décrits comme des

associés rivaux tenus de coopérer » (Nouveau manuel de science politique, p.597), les points presse

hebdomadaires semblent être un parfait exemple de cette relation ambiguë.

Le point presse est devenu un enjeu important dans les partis politiques comme au

Gouvernement, et une nouvelle opportunité pour véhiculer son message, en raison de son public : les

journalistes. Ce sont eux qui au final, décideront de ce qui sera diffusé ou pas, avec les contraintes

inhérentes à leur métier.

a-) Une organisation adaptée à la reprise dans les médias

Pour leur faciliter la tâche, le Parti Socialiste s’est organisé : moyens techniques mis à disposition

des journalistes, politique d’ouverture à tous les journalistes, sans accréditations, un horaire permettant

aux journaux télévisés de 13h de reprendre le point presse, etc. C’est aussi le cas à l’UMP où le point

presse a également lieu en matinée, par exemple. La politique envers les journalistes est toutefois

différente puisque ces derniers sont prévenus la veille de l’heure exacte du point presse, via un

communiqué de presse envoyé aux rédactions par le service de presse du parti. Ils doivent alors

s’accréditer auprès des attachés de presse. Au Gouvernement, le principe est le même, ce qui, dans ce

cas, se justifie par des raisons de sécurité, étant donné que le point presse a lieu au Palais de l’Elysée.

Durant leurs interventions, les porte-parole se voient dans l’obligation de s’adapter aux

demandes des journalistes, et à certaines de leurs contraintes de format. Par exemple, une phrase

courte et aisément mémorisable afin de correspondre aux « sound bites » des radios et chaines de

télévision ; comme l’a expliqué un journaliste de France 2 présent lors du point presse du 7 novembre

2011 :

« Quand tu es en radio, tu viens à chaque fois car y’a très souvent un petit son

du porte-parole dans le journal de midi trente ou de treize heure »22

De la même manière, durant le point presse de l’UMP, Jean-François Copé a rapporté une

phrase prononcé par l’ancien Premier Ministre François Fillon, relative à l’élection du Secrétaire général

du parti. La phrase étant plutôt élogieuse, et montrant donc l’image d’un parti, non seulement

démocrate, mais également respectueux de chacun des compétiteurs dans la course à la direction du

parti, Marc-Philippe Daubresse a tenu à la répéter, et a ajouté, s’adressant aux journalistes, « vous

pouvez noter ». Une phrase courte, élogieuse, que M-P Daubresse a encouragé à reprendre dans les

22 Entretien avec un journaliste de France 2

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médias.

En conséquence, peu importe le média, le point presse étant une façon de faire circuler la « voix

du partie », il permet de fournir une information en quelque sorte « prête à publier ». Benoit Hamon est

conscient de l’aspect « ingrat » du point presse à cet égard :

« C’et ce qui peut le rendre ennuyeux aussi pour un journaliste. Pour un

journaliste, venir au point presse si ça n’est qu’un exercice de magneto

enregistreur, où en fait il a déjà l’info, qui va lui être restituée sous la forme d’une

sorte de filet d’eau tiède qui additionne les communiqués du PS les uns derrière

les autres, ça a pas grand intérêt. »

Les divers sujets abordés permettent toutefois aux journalistes de « piocher » ce qui les

intéressent. Ainsi s’exprime une journaliste interviewée lors d’un mini-reportage sur les points presse du

Parti socialiste23 :

« On vient pas tous pour la même chose, y’a plein de thématiques qui ont été

traitées là ce matin, ça allait de l’affaire Guéant-Le Monde, à Jean-Noël Guerini,

en passant par les Primaires, la rentrée scolaire…(…) On apporte des regards

différents, le téléspectateur justement après peut, va piocher un peu partout, et

se fait son opinion beaucoup plus librement que quand y’avait une seule télé. »

b-) Les questions-réponses, temps fort du point presse ?

Certains médias ne viennent donc pas à tous les points presse, sûrs de le retrouver sur le site

internet du Parti ; du coup, les journalistes opèrent une sélection des points presse intéressants :

« C’est pas la peine de venir tous les lundis. On vient quand y’a une actualité

importante »,

admet un journaliste de France 2. Du coup, l’un des moments les plus appréciés des journalistes, comme

du porte-parole est celui des « questions-réponses ». C’est l’occasion pour les journalistes de poser des

questions portant sur d’autres sujets que ceux évoqués par le porte-parole dans son introduction :

« D’ailleurs vous avez pu constater que les journalistes ne se sont pas

seulement attachés à poser des questions sur le plan d’austérité mais ont

balayé tous les sujets d’actu. Y compris les sujets internes au PS, les

négociations, les machins… »

23 « Point presse (PS) – Petites phrases et grands médias », Ma Télé Libre, septembre 2011

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Même constat à l’UMP, où les journalistes ont d’emblée poser une question sur le bureau

politique de l’UMP, avant même que Jean-François Copé n’est officiellement débuté son point presse.

Parfois, ce passage est retransmis en direct par certains médias, ce qui ajoute à l’intérêt de cet

exercice :

« c’est vrai que cet exercice là est un exercice de la magie du direct comme on

dit…mais comme en plus vous êtes avec toutes les caméras sur vous, et qu’il

arrive parfois que les points presse soient retransmis en direct sur les chaines

d’infos, le passage des questions réponses est le passage préféré des

journalistes et aussi le passage où en général vous êtes le meilleur parce que

c’et plus spontané, c’est là ou vous trouvez parfois le mot juste, exactement,

et c’et là ou parfois vous vous énervez et dans l’énervement on peut être bon,

comme on peut être mauvais, mais y’a aussi ça pour… enfin c’est la

démocratie, les journalistes posent les questions qu’ils veulent, ils sont pas la

pour entendre juste ce que Benoit Hamon a décidé de leur dire, ils vont me die

“ouai ok vous sympathique mais au fait Guérini ?”, “vous êtes sympathique

mais au fait c’est quoi votre position exactement sur les licenciements

boursiers ?” ».

On notera à cet égard un décalage parfois entre les thèmes évoqués par le porte-parole et les

questions des journalistes. Ainsi, lors du point presse du 14 novembre, Benoit Hamon avait salué la

libération des otages français au Yémen, parlé de la crise de la zone euro, de la nouvelle composition du

Gouvernement grec, de la surenchère de la droite contre François Hollande, des discussions sur le

nucléaire avec Europe Ecologie – Les Verts, et avait déclaré sa solidarité avec les salariés en grève de

Pôle Emploi. Puis, dans le deuxième temps du point presse, sur 15 questions posées par les journalistes,

un tiers ne faisait pas du tout référence aux sujets évoqués par Benoit Hamon. Certaines faisaient

allusion à d’autres sujets d’actualité (sur l’affaire Guerini, « la commission des conflits a-t-elle été saisie ?

Pas d’exclusion en vue ? » ), alors que d’autres relevaient plus du « politicard » (« François Hollande a

tenu hier une réunion dans un hôtel de Seine-Saint-Denis, pourquoi elle ne s’est pas faite ici ? il agit en

dehors du parti ? », « Vous souhaitez que toutes les sensibilités du PS soient représentées dans

l’organigramme de campagne de François Hollande ? »).

Toutefois, Benoit Hamon souligne un travers de ce moment des questions-réponses, lié à la

politique d’ouverture du Parti Socialiste. Comme dit précédemment, il n’est pas nécessaire d’obtenir

une accréditation pour assister au point presse. Ainsi, bien que certains médias soient toujours présents,

le porte-parole ne sait jamais par avance qui sera la ou pas. De ce fait, il peut se faire interpeller lors des

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questions réponses par des journalistes humoristiques, spécialistes de l’infotainement. La séance des

questions réponses peut donc vite tourner en un exercice d’équilibriste : passer de l’évocation du

nombre de soldats français décédés en Afghanistan à une question désuète :

« Y’a des questions parfois de Cyril Eldin, pour son truc sur la matinale de Canal

qui est déconnant, qui parfois prend la parole en premier et sur un registre qui

est de la déconnade c'est-à-dire ou du trash […] ça peut parfois être pénible, c’est

que vous allez passer de la situation en Afghanistan où y’a eu sept morts en un

mois, vous basculez à l’austérité et après y’a Cyril Eldin, première question qui

vous fait un truc sur “ah ouai les lunettes rouges d’Eva J…” ou un truc j’en sais

rien moi, dans la déconne. Sauf que des fois vous avez pas envie de déconner,

mais pas du tout. On peut parfois avoir envie de déconner, et accepter le… le jeu

et oui être dans la plaisanterie, dans la … dans la détente quoi on va dire. Jouer le

jeu de ce que le mec veut. Mais des fois vous avez pas du tout envie. Sauf que, ce

que vous allez faire, votre réponse qui est “j’ai pas du tout envie” va être ensuite

utilisée par ou celui qui vous a posé la question ou une autre émission sur le

thème, après le montage, “franchement cette fois ci on fait la gueule, Hamon

ceci” ».

De la même manière, lors du point presse du 14 novembre, après l’évocation de thèmes comme

la crise, et le nouveau Gouvernement grec, les journalistes ont posé des questions relatives à ce dont

Benoit Hamon avait auparavant parlé, puis vint une question du Petit Journal de Canal Plus :

« L’ambiance en ce moment avec les Verts, c’est pas Joly-Joly ? ».

Enfin, les journalistes semblent également venir chercher les éléments de communication qui

rythmeront l’actualité de la semaine, comme nous l’explique Farah Benouis :

- « Oui, moi je viens surtout chercher, déjà écouter Copé, voir quels sont les

éléments de langage, parce que Copé délivre aussi des éléments de langage.

- « Oui, bah là, la France inquiète, enfin l’inquiétude pour la France »

- « Oui, la France inquiète, il diffuse le tract, la semaine dernière y’a eu une

expression qui a été beaucoup reprise qui était « Fillon est le candidat des

barons, moi le candidat des militants », et la première fois, il l’a dit ici. Donc déjà

ça nous permet de savoir quels vont être les éléments de langage, »

En réalité, le point presse est une sorte de concentré des différents aspects de la

relation entre journalistes et politiques, relation tenant surtout à la reconnaissance par l’un

62

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et l’autre de leur interdépendance :

« On est obligés de travailler ensemble, ils ont besoin de moi, j’ai besoin d’eux, on

a un rendez-vous hebdomadaire dont ils veulent essayer de tirer des infos […]

puis moi j’ai besoin que mes, nos idées passent, donc j’ai besoin d’eux » (Benoit

Hamon)

« C’est des histoires de rapports de force. Moi je représente un gros média. Ils en

ont bien conscience. Et moi j’ai conscience d’être sur un gros parti. Tout ça

représente des enjeux. Importants. Et des responsabilités. Donc il faut faire très

attention. Il faut rester concentré. Tout ça n’est pas anodin. Et ce ne sont pas des

amis. C'est-à-dire que même si on se sourit, on se tape dans la main, on se tutoie

des fois. Par exemple, le jour où j’aurai un truc dégueulasse à sortir sur eux, je le

sortirai. Et eux, le jour où ils devront taper violemment sur France 2 parce que

dans ce moment politique ça leur est utile, ils le feront. C’est la vie politique ».

(Journaliste France 2)

Parmi ces différents aspects de la relation entre journalistes et politiques, l’un qui fit

le plus couler d’encre, et qui intrigue beaucoup de chercheurs et étudiants est celui du off.

Entre relations professionnelles et relations personnelles, entre secret et déclaration,

comment s’organise cet échange informel au cours des points-presse ?

c-) Le off, rencontres informelles entre porte-parole et journalistes

Le off semble être devenu un élément habituel des points presse. A la fin de son intervention, le

porte-parole, ou un membre de son équipe réunit souvent quelques journalistes afin qu’ils lui posent

d’autres questions, ou qu’ils approfondissent certains thèmes particuliers :

«Je pense que les gens voulaient aussi, vous voyez d’ailleurs là, les gens sont tous

autour du directeur de cabinet, donc je pense que c’est plutôt ça qu’attendent les

gens. »,

nous explique Farah Benouis, suite au point presse de Jean-François Copé. L’enjeu durant les points

presse n’est pas forcément ce qui se dit en off, chose à laquelle nous ne pouvons avoir accès, mais à

quel moment il a lieu :

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« Je fais jamais de off par définition avant un point presse parce que sinon les

journalistes restent pas au point presse, donc juste avant, le jour même, je fais

pas. Je fais rarement même des images avant parce que j’aime pas l’idée que les

médias parce que soi disant ils ont des impératifs horaires, notamment pour les

JT de 13h, ils demandent des images avant..parfois je le fais pas, mais rarement

et euh.. et surtout pas de off avant, sinon c’est pour ça que la plupart des

journalistes viennent donc… »

Le Modem a quant à lui fait des choix différents. Lors d’un reportage de Ma Télé Libre consacré à un

point presse du Modem, le journaliste révèle que François Bayrou avait organisé un petit-déjeuner avec

quelques journalistes, juste avant le point presse de Yann Wehrling, chose qu’il fait visiblement assez

souvent. Ainsi, un journaliste du Monde explique :

« Moi je viens peu au point presse du modem, je viens de temps en temps au

petit dej lorsque y’en a ».

Puis, le journaliste renchérit : si une dizaine de journalistes étaient présents lors du petit-déjeuner

informel, il en reste seulement cinq ou six pour le point presse : les journalistes seraient ils moins

intéressés par le point presse ? Ce à quoi un journaliste de l’AFP répond « Sans doute ! », suivi d’un éclat

de rire.

B-) Des retombées médias laissant perplexe

Comme expliqué ci-dessus, le point presse permet d’offrir aux journalistes une information en

quelque sorte « prémâchée », et leur permet de poser diverses questions d’actualité au porte-parole, en

on ou en off.

Ainsi, cela assure aux politiques d’avoir des retombées médiatiques. En règle général, si le nombre

de journalistes varie, et surtout si chaque média n’est pas toujours représenté, il en est un qui se fait un

« devoir » d’être toujours présent : l’Agence Française de Presse (AFP). La présence d’un journaliste AFP

assure au politique d’avoir une dépêche peu de temps après le point presse, permettant ainsi aux

journalistes absents de se tenir au courant et d’alimenter d’éventuels articles. En effet, les dépêches de

l’AFP sont souvent reprises dans de nombreux articles les jours suivants.

Pour maximiser une intervention, c’est-à-dire s’assurer d’une reprise dans les médias, la pratique

des « petites phrases » est devenue normale de la part des porte-parole. Benoit Hamon, dans un

reportage de Ma Télé Libre consacré à un point presse du Parti socialiste, explique

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« Si vous savez que y’a une actualité brulante vous allez essayer de réfléchir à la

petite phrase qui colle bien à ce que va être la demande. On prépare une formule

dont on est quasi sûrs que ce sera la formule reprise dans à peu près partout

ensuite »

Et les journalistes ont leurs exigences sur les petites phrases, comme le montre l’extrait d’une

conversation entre le journaliste du reportage, et une journaliste présente au point presse du PS :

« Ce sera donc pas la même phrase qui sera repris sur les télés ? »

« Non, certainement pas, pas aujourd’hui en tout cas parce que y’a pas une

phrase qui sort du lot aujourd’hui »

PARTIE 3 :

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UNE FONCTION ENTIEREMENT TOURNEE VERS

LES MEDIAS ET L’OPINION PUBLIQUE

Le porte-parolat est une fonction presqu’exclusivement destinée aux médias et à la presse. En

tant que tel, le porte-parole n’impulse pas d’idées ou ne peut imposer de position dans son parti ou au

sein de son Gouvernement. C’est grâce à son poids politique ou son mandat qu’il a la légitimité de

s’exprimer individuellement. C’est aussi pour des raisons politiques qu’il peut être nommé au poste de

porte-parole.

Aujourd’hui, face à l’évolution du paysage médiatique (I), le porte-parole semble être une sorte

de symbole d’unité et de cohérence. Ces modifications dans les médias ont également changé le

contenu de sa fonction (II). Une question se pose alors aujourd’hui, étant donné la dépendance par

rapport aux médias, de la fonction de porte-parole, ce dernier influe-t-il autant l’actualité, que les

journalistes n’influent son travail (III) ?

I-) Une fonction s’imposant avec les évolutions du paysage médiatique

A-) Un paysage médiatique multiple et en constante évolution

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, notamment les années 1980, le paysage médiatique

a connu de profondes mutations, à la télévision et à la radio tout d’abord. C’est ce que de nombreux

chercheurs et experts des médias ont appelé la « société de l’information ». Jacques Gerstlé en dit la

chose suivante :

« La transmission instantanée d’informations à distance fait éclater le temps et

l’espace, ce qui ne peut manquer de se répercuter sur les conduites des

politiques ».24

Etudions donc ces diverses transformations.

Aujourd’hui la grande majorité des Français consomment très régulièrement différents médias.

24 « La communication politique », Jacques Gerstlé, 2ème édition, coll. Cursus, éd. Armand Colin

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Ainsi, on observe que plus de cinq mille fréquences radios existent aujourd’hui dans l’Hexagone,

toute catégorie confondue25, offrant une large palette de programmes divers. Une étude du CSA 26

estime à deux heures et cinquante-six minutes le temps passés à écouter la radio chaque jour.

Parmi les moyens de communication traditionnels, la télévision reste le média préféré des

français, et la télévision numérique, le principal réseau de diffusion de la télévision. En décembre 2011,

le CSA a compté que 16,3 millions de foyers français étaient équipés d’au moins un adaptateur TNT,

« soit 61% des foyers équipés de téléviseurs ». Plus globalement, 98,2% des foyers possèdent au moins

une télévision, et près de la moitié en ont plusieurs. Quels sont alors les pics de consommation de la

télévision ? En moyenne, les français regardent plus la télévision en milieu de journée et en début de

soirée. Observons, en ce qui nous concerne, les tranches horaires durant lesquelles sont diffusées les

émissions politiques ou d’actualité. Entre 8h et 8h15 du matin, environ 4, 4 millions d’auditeurs

savourent leur café en écoutant la radio. Un autre pic a lieu également à l’heure du déjeuner entre 13h

et 13h15, soit l’heure des journaux télévisés du midi sur les chaines hertziennes majoritairement. A 20H,

pour le journal télévisé, David Pujadas ou Gilles Bouleau sont écoutés par environ 42% de la population.

Le nombre de chaines de télévision quant à lui a également fortement augmenté : « en août 2012, on

dénombre 26 chaînes nationales et 43 chaînes locales en TNT. Par ailleurs, fin 2011, on dénombrait 191

chaînes nationales et 106 chaînes locales déclarées ou conventionnées par le Conseil pour une diffusion

sur d’autres réseaux(…) »

On citera en premier lieu Internet, et les réseaux sociaux, qui regroupent aujourd’hui plusieurs

millions de français. On compte aujourd’hui en France plus de 47 millions d’internautes, autrement la

France a un taux de pénétration d’Internet de 74,1%. Parmi ces utilisateurs d’Internet, nombre d’entre

eux sont membres d’un ou plusieurs réseaux sociaux. Selon l’observatoire des réseaux sociaux, une

étude menée par l’IFOP depuis 2007, 77% des utilisateurs d’internet disent faire partie d’un réseau

social, et « en moyenne, un internaute serait membre de 2,8 réseaux sociaux »27. Parmi les nombreux

réseaux sociaux existant, Facebook a la préférence des français, avec près de vingt-quatre millions de

comptes. Ainsi, 49% des internautes fréquentent ce site, avec une moyenne de cinq heures par jour, soit

36,4% de la population totale. Depuis quelques années, un « nouveau » réseau social fait également

plusieurs millions d’émules : Twitter, site de micro-blogging. Aujourd’hui, on estime à entre quatre et

cinq millions le nombre d’utilisateurs français. Etant donné le nombre de français présents sur les

25 Les fréquences radios sont réparties en fonction de cinq catégories : A, B, C, D, E. 26 « Chiffres clés de l’audiovisuel français – 2ème semestre 2012 », Conseil Supérieur de l’Audiovisuel27 « Observatoire des réseaux sociaux », IFOP, novembre 2011. L’Observatoire des réseaux sociaux est une enquête quantitative réalisée chaque année depuis l’automne 2007 par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon représentatif de la population internaute française en âge de voter (18 ans et plus).

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réseaux sociaux, les politiques ont également dû s’y adonner, chacun avec son style, plus ou moins

pertinent. On notera également l’apparition de réseaux sociaux propres à des partis politiques, comme

Planète UMP ou La Coopol (Parti socialiste), qui connaissent plus ou moins de succès. Ainsi, Planète

UMP est au 21ème rang des réseaux sociaux, et La Coopol au 29ème rang en novembre 2011. L’enquête

2012 n’étant pas encore parue, nous ignorons si la campagne électorale a permis à ces réseaux de

gagner en popularité.

N’oublions pas également les sites de vidéos en ligne tels YouTube et son petit frère français,

DailyMotion. La notoriété de YouTube est évaluée à 92% pour l’année 2011 par l’étude menée par

l’IFOP. En juin 2012, YouTube a reçu la visite de plus de 24.3000 vidéonautes uniques, et DailyMotion

plus de 9700. Outre leur visée de divertissement, ces sites permettent également aux hommes et

femmes politiques de mettre en ligne leurs diverses interventions, cela se faisant parfois à leur

désavantage.

Ces réseaux regroupent aujourd’hui beaucoup de nos hommes politiques, et sont devenus un

nouveau lieu d’expression pour eux, notamment durant la dernière campagne des élections

présidentielles. Leur impact sur le vote des citoyens n’est toutefois pas encore avéré. Ces nouveaux

outils présentent le double avantage de créer un lien direct entre les citoyens-électeurs et les politiques,

mais aussi de diffuser immédiatement une information. Prenons pour exemple l’exercice du « live-

tweet », qui permet de restituer les phrases importantes lors d’un meeting, d’une interview ou d’un

déplacement, auprès de plusieurs millions d’internautes, permettant ainsi d’atteindre un public qui ne

serait pas devant son poste de télévision à ce moment.

Notons également l’apparition et le développement des chaines d’information en continu,

comme BFM TV ou Itélé, qui retransmettent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept

l’actualité des politiques, notamment leurs déplacements et leurs meetings. Durant la campagne

présidentielle de 2012, ce dernières ont acquis un tel rôle qu’elles ont amené les candidats à modifier

leur communication, comme l’indique Franck Louvrier, conseiller communication de Nicolas Sarkozy,

dans un article du Monde signé Raphaëlle Bacqué28 :

"C'est pour cela que nous avons choisi d'égrener chaque jour une proposition,

plutôt que de livrer, comme François Hollande, notre programme en une seule

fois, afin d'apporter quotidiennement un élément de nouveauté"

Plus loin, la journaliste explique :

28 « L’information continue règne sur la campagne », 3 mars 2012, Raphaëlle Bacqué, Le Monde

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Chez Nicolas Sarkozy, les meetings débutent à 18 h 30 pour les "20 heures" des

chaînes généralistes, mais les discours tiennent en 50 minutes, le temps exact

entre deux flashs d'information de BFM-TV ou d'i-Télé. Même les

applaudissements, si exaltants pour les militants, sont écourtés pour ne pas

lasser les téléspectateurs.

Ces deux nouveautés participent à une sorte de continuité de la politique. Alors qu’auparavant,

la politique ne se consommait qu’à l’heure des journaux télévisions de 13h et 20h, ou à la sortie de la

presse le matin, il est aujourd’hui possible d’être au courant tout le temps.

N’oublions pas également les émissions d’infotainment dont la chaine cryptée Canal+ s’est fait la

spécialité. Ces rubriques apportent un nouveau regard sur la politique, plus décalé. Par exemple, elles se

focalisent sur le décryptage des mécanismes de communication, ou les erreurs de communication. Ainsi

en va-t-il du Petit Journal et des militants UMP invités lors des déplacements présidentiels, les tâches

cachés des politiques, les erreurs et tics de langage, etc. bien que « errare humanum est » dans certains

cas, ces évolutions compliquent, ou en tout cas, modifient le travail des hommes et femmes politiques…

et de leurs communicants.

La nature du nouveau paysage médiatique impose plus de réactivité aux journalistes, et donc à

ceux filment ou interviewent, mais les oblige également à s’inscrire dans une logique concurrentielle

faisant une place d’honneur au buzz, comme l’explique Benoit Hamon :

« En théorie on a plus de médias et donc plus de choix, et en même temps moi

j’observe que le nombre de médias a pas forcément élargi l’offre. Même les

grands médias reprennent les images internet et le buzz, c’est-à-dire qu’on a…

une espèce de business model, parce que tout ça c’est, c’est du business aussi

l’info aujourd’hui, qui ont été pensé pour des médias très réactifs, parfois

internet, qui viennent maintenant coloniser jusque l’approche de la politique sur

les JT etc. Y’a quand même une vraie culture du buzz maintenant, plus que y’a

trois ans par exemple »

Face à ces mutations, comment ne pas étudier le rôle des porte-parole, dont le destin est d’être

la plupart du temps dans les médias ?

B-) La réinvention de la présence médiatique des porte-parole

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Les évolutions décrites dans le paragraphe précédent n’ont pas été sans conséquences pour tout

le personnel politique, et donc notamment pour les porte-parole.

Dans un premier temps, il n’est pas inutile de rappeler que la multiplication des médias impose

aux porte-parole un nouveau rythme physique ! Entre les émissions matinales des radios, les interviews

dans les journaux télévisés, les débats politiques du soir, et bien d’autres encore, les porte-parole

doivent donc se « démultiplier » pour assurer leur présence dans ces médias, ou bien alors opéré une

sélection dans leurs apparitions.

La seconde adaptation à laquelle doivent faire face les politiques est d’ordre technique. Il s’agit

là par exemple, d’assurer la retransmission en live sur Internet des points presse, mais également leur

restitution sur Twitter (« live-tweet »). Du côté des journalistes également, la profusion de médias

différents imposent une certaine organisation, comme en témoigne un journaliste avant d’entrer au

point presse de l’UMP, dans un reportage de Ma Télé Libre consacré à un point presse de l’UMP.

D’après ce journaliste, il est nécessaire d’arriver tôt afin d’obtenir la meilleure place possible car « entre

journalistes, quand on pose son pieds quelque part, on garde sa place, voilà ».

En outre, après avoir posé plusieurs questions durant le temps officiel de l’intervention du

porte-parole, les journalistes reposent à nouveau des questions, mais devant un autre panneau aux

logos de l’UMP. Dixit un journaliste interrogé durant le reportage :

« Y’a une règle un peu tacite c’est qu’on pose les questions d’usage normalement

pendant le point presse et une fois que le point presse est terminé, tout le monde

se rue pour reposer les mêmes questions mais en ayant l’impression qu’on

répond juste à une personne et pas à une personne à la fois et ça donne

l’impression que c’est juste un talk to talk si tu veux en évitant toute la presse

qu’il y a autour. Ca sert pas à grand-chose parce que souvent c’est les mêmes

questions, et c’est les mêmes réponses »

Le contenu des points presse est également revu par le porte-parole et son équipe. En effet,

face à la profusion médiatique, et notamment en raison des chaines d’info en continu, le point presse se

retrouve pris dans une sorte de logique concurrentielle. Afin de faire venir les journalistes aux points

presse et assurer une reprise de leurs propos dans les médias, les porte-parole doivent offrir à leur

public des contenus « inédits ». Ainsi en est-il du off régulièrement fait par Benoit Hamon, Jean-François

Copé, Yann Wehrling et leur équipe. Parlant des journalistes, Benoit Hamon explique :

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« On est obligés de travailler ensemble, ils ont besoin de moi, j’ai besoin d’eux,

on a un rendez vous hebdomadaire dont ils veulent essayer de tirer des infos, en

on ou en off, dans le spectaculaire ou dans la confidence, puis moi j’ai besoin que

mes, nos idées passent, donc j’ai besoin d’eux ».

Puis d’ajouter :

« Ceux qui veulent ils viennent pour du off mais moi je fais du off pour les journalistes qui sont venus au point presse et qui parlent..je veux dire je suis pas la pour leur servir la soupe non plus… »

Enfin, la distribution régulière de documents de communication adressés aux militants et

citoyens, ou d’occasionnelles attaques « originales » envers l’adversaire politique, encouragent les

journalistes à s’intéresser aux points presse, dont ils pourront se nourrir pour leurs sujets.

Comme le dit Jean-Baptiste Legrave à propos des « midday bridfings » de la Commission

Européenne, ces derniers permettent une « mainmise sur l’information communautaire ». La même

réflexion s’appliquent aux points presse des partis politiques ou du Gouvernement.

II-) Le porte-parole peut-il avoir une influence sur l’actualité médiatique ?

Tous les procédés visant à une reprise des interventions du porte-parole dans les médias

peuvent à d’autres moments servirent à imposer un sujet dans l’agenda médiatique.

En effet, le point presse est également une opportunité afin de placer au cœur du débat public

certains sujets. Le point presse est donc une occasion de peser dans la définition de l’agenda public. Le

devoir du porte-parole est de répondre aux sujets qui s’imposent via les médias, mais il peut également,

selon ses préférences, aborder d’autres thèmes d’actualité encore peu médiatisés :

« Si, forcément, même quand on pense qu’on impose un thème, en fait souvent

c’est fait ..euh.. ca nous a chanté aux oreilles et euh voila et puis après y’a les

tropismes, moi je sais que j’ai une sensibilité aux questions sociales et

économiques notamment plus forte qui m’amène à privilégier ces sujets. Alors

que y’a des fois je suis sans doute passé à coté de thèmes d’actu, de moments

d’actualité, notamment sur les questions environnementales, qui auraient pu

permettre, ou du permettre par exemple, une parole forte du PS. Donc c’est pour

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ça aussi que j’ai besoin d’être alimenté alors euh et puis Caro aussi avec qui je

bosse, elle a aussi ses propres tropismes donc je sais très bien les sujets qui

reviendront avec Caro [Caroline de Haas, sa collaboratrice à l’époque]…. »

(Benoit Hamon).

Pour Gianpietro Mazzoleni29, auteur de l’ouvrage La communication politique30, le porte-parole a une

double fonction :

« Ceci signifie l’adaptation des registres de communication des partis à la

syntaxe des moyens de communication de masse. Dans la plupart des pays, les

leaders et les partis les plus importants, comme déjà les présidents et chefs de

gouvernement, ont un filtre avec le système des médias, un porte-voix, ou

responsable de la communication, avec la charge de maintenir ouverts les

canaux d’échanges d’informations avec les journalistes, soit pour influer sur les

actualités, soit pour prévenir les attaques ou les critiques, recourant aux même

techniques de spindoctoring décrites ci-avant. »

Faire rentrer un problème dans l’agenda politique consiste avant tout à l’intégrer dans l’agenda

politique. Pour Jacques Gerstlé :

« La publicisation d’un problème c’est précisément le processus par lequel l’unité

sociale concernée reconnait son existence en tant que problème, en tant qu’écart

par rapport à une situation désirable. Autrement dit, la publicisation d’un

problème c’est son installation dans l’agenda public du groupe qui passe par

l’exercice d’opérations de communication (conversation, discussion, réunion,

manifestation, etc.) par lesquelles le groupe des « entrepreneurs » originels fait

connaitre et admettre le caractère problématique de la situation existante (…) ».

Par la suite, le problème est alors « politisé », autrement dit, il s’agit de faire reconnaitre à

l’autorité publique qu’elle a la charge d’apporter une solution au problème. Enfin, la polarisation est le

phénomène qui oppose diverses solutions, et donc diverses personnes.

29 Gianpetro Mazzoleni enseigne la communication politique et la sociologie de la communication à l’Université de Milan. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la communication. Il est directeur de la revue « Communicazione Politica » et fait partie du comité de rédaction du European Journal of Communication et de Political Communication. Il est président de la section Communication Politique de l’International Communication Association. 30 La communicazione politica, Gianpetro Mazzoleni, 2004, éd. Il Mulino

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Mais la reprise médiatique n’est pas toujours des plus aisée puisque les journalistes, outre des

impératifs éditoriaux, peuvent également se voir imposer certains objectifs commerciaux. Il faudra donc

trouver un sujet qui fasse vendre, qui « réponde aux attentes du marché »31.

De manière plus générale, plusieurs chercheurs on tenté d’identifier les critères de sélection

d’une actualité. Par exemple, l’approche organisationnelle du journalisme en propose par exemple

quelques-uns développés par Jean Charron32 :

« Cette approche puise à des travaux qui, par l’analyse du contenu des

reportages, ont tenté d’inventorier les critères de sélection et de mise en valeur

des évènements par les médias. Les travaux de ce genre ont pu établir qu’un

évènement a d’autant plus de chances d’être retenu par les médias qu’il à

certains critères (news values), tels l’importance (l’amplitude, l’intensité) ; la

simplicité ou l’univocité ; la singularité ou la déviance ; la proximité culturelle,

temporelle et géographique ; le caractère conflictuel et controversé ; l’intérêt

humain, etc. »

Ainsi, à cet égard, le point presse du porte-parole sert bien évidemment au parti ou au

Gouvernement à s’exprimer sur certains sujets, à donner sa position officielle. Mais, serait-il possible,

notamment concernant les points presse des partis politiques, d’envisager le fait que le point presse soit

une sorte de « supérette » de l’actualité ? En effet, le porte-parole y évoque de nombreux thèmes qui

seront repris, ou non, dans les médias. La multiplicité des sujets abordés peut être une façon de

maximiser les chances de toucher l’opinion publique via une reprise dans les journaux. Les points presse

constituent également une source régulière d’informations pour les journalistes. Ainsi, l’analyse

occupationnelle du journalisme évoquée par Pierre Charron dans son article explique que :

« (…) l’entreprise de presse doit soumettre le processus journalistique à un

ensemble de procédures et de contraintes par lesquelles elle s’assure, au

moindre coût possible 1) d’un approvisionnement constant et suffisant d’une

matière première (les évènements) dont la qualité peut être contrôlée (…) »

Et une journaliste ayant assisté à l’un des points presse du Parti socialiste le confirme :

«On vient pas tous pour la même chose, y’a plein de thématiques qui ont été

traités là ce matin, ça allait du Monde, de l’affaire Guéant-Le Monde, à Jean-

31 « La nature politique du journalisme politique », Jean Charron, in Les études de communication publique, cahier n°15.32 « La nature politique du journalisme politique », Jean Charron, in Les études de communication publique, cahier n°15.

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Noêl Guerini, en passant par les Primaires, la rentrée scolaire euh »

« DSK c’était quand même 70% des questions »

Oui, parce que c’est l’actualité qui ressort un peu en ce moment, mais y’avait

pas que DSK, vous remarquez que j’ai posé une question sur la taxation des

plus-values des résidences secondaires, donc vous voyez moi je suis pas là

pour DSK. On apporte des regards différents, après le spectateur peut, va

piocher un peu partout et se fait son opinion plus librement que lorsqu’il y

avait une seule télé. »

Un journaliste de France 2 l’exprime également :

« D’ailleurs vous avez pu constater que les journalistes ne se sont pas

seulement attachés à poser des questions sur le plan d’austérité mais ont

balayé tous les sujets d’actu. Y compris les sujets internes au PS, les

négociations, les machins… ».

Ainsi, par la régularité des points presse, la diversité des sujets abordés, et la légitimité du porte-

parole à s’exprimer, qui assure aux journalistes l’assurance d’une information viable, le porte-parole

semble pourvoir, à sa manière, agir sur l’actualité.

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CONCLUSION

A la croisée des univers de la politique, de la communication et des médias, le porte-parole dans

les partis politiques et au Gouvernement est une charge définitivement floue. Outre son aspect hybride,

cette fonction varie en fonction de l’appropriation que s’en fait celui qui en la charge. Pour Benoit

Hamon :

« Depuis le départ je voulais faire du porte-parolat pas simplement…euh…une

sorte caisse de résonnance des bureaux nationaux du parti socialiste..c’est aussi

ça, ce que j’essaie de faire à peu près correctement, mais aussi une caisse de

résonnance des débats qui existent au sein de la gauche et dans la population...y’a

des sujets dont je considérais que, si je devais prendre que le fil des décisions du

bureau national ils seraient jamais abordés »

De la même façon, Najat Vallaud-Belkacem apporte sa touche personnelle à la fonction de

porte-parole du Gouvernement, en faisant du terrain, c’est-à-dire en organisant des points presse

d’autres villes que la capitale.

Certaines pratiques se sont donc vues institutionnalisées, comme le montre l’évolution des

décrets de nomination entre 1972 et 2012. Le premier décret disponible est celui de Jean-Philippe Lecat,

nommé en 1972, qui prévoit :

« M. Jean-Philippe Lecat, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, est chargé,

par délégation du Premier ministre, de rendre compte des travaux du

Gouvernement et d’assurer l’information relative à l’action des pouvoirs publics »

Le décret de nomination de Najat Vallaud-Belkacem, cinquante ans plus tard, prévoit quant à lui :

« Article 1 - Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-

parole du Gouvernement, exerce, par délégation du Premier ministre, les

attributions de porte-parole du Gouvernement. Elle est, à ce titre, chargée de

rendre compte des travaux du conseil des ministres et, plus généralement,

d’exercer une mission d’information sur les activités du Gouvernement. Elle est

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informée, dans l’exercice de ses attributions, des différentes actions menées par les

membres du Gouvernement

Article 2 – Pour l’exercice de ses attributions de porte-parole du Gouvernement, la

ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, dispose du service

d’information du Gouvernement. »

Fonction aux contours flous initialement, le rôle de porte-parole ne cesse en réalité de se construire

et de s’étoffer via la pratique qui en est faite. Ses codes, ses règles de conduite, ses missions, évolueront

sans doute encore. La raison en vient notamment des pratiques institutionnelles et politiques, mais

également des évolutions du paysage médiatique qui, comme on a pu le voir, influent sur le métier des

personnages politiques en général, du porte-parole en particulier.

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BIBLIOGRAPHIE

La communication politique, Jacques Gerstlé

Nouveau manuel de science politique, Antonin Cohen, Philippe Riutort, et Bernard Lacroix

La communicazione politica, Gianpietro Mazzoleni

Langage et pouvoir symbolique, Pierre Bourdieu

« Producteurs, courtiers et experts de l’information européenne » , in Le champs de l’Eurocratie. Une sociologie politique du personnel de l’Union Européenne (2012), Philippe Aldrin.

« Sociologiser la communication politique ? A propos de quelques tendances de la science politique française », in Politique et Sociétés, vol 26, n°1, 2007, Philippe Riutort

« Un instrument politique mal assumé ? L’entourage de Valéry Giscard d’Estaing de 1974 à 1981 », Frédéric Tristram.

« Organisation et fonctionnement du service d’information du Gouvernement », Rapport de la Cour des comptes

« La nature politique du journalisme politique », Jean Charron

« Les relations entre la Commission et le Corps de presse accrédité auprès de l’Union européenne : crise et renouvellement des pratiques », Olivier Baisnée

Plusieurs médias nationaux ou locaux, parmi lesquels Le Monde, Libération, France Télévision, Le Nouvel Observateur.

Le site internet de l’Institut National de l’Audiovisuel

77

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ANNEXES

- Les porte-parole de Gouvernement sous la Vème République

- Parcours de porte-parole de Gouvernement

- Parcours des porte-parole du Parti socialiste

- Parcours des porte-parole du Rassemblement pour la République et de l’Union pour un

Mouvement Populaire

- Entretien avec Madame Aurélie Royet-Gounin (septembre 2012)

- Entretien avec Madame Farah Benouis (septembre 2012)

- Entretien avec Monsieur Benoit Hamon (novembre 2011)

- Entretien avec Monsieur Antonin André (novembre 2011)

- Décret n°72-683 du 24 juillet 1972, relatif aux attributions du secrétaire d’Etat auprès du

Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

- Décret du 17 octobre 1974 autorisant le secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre (Porte-

parole du Gouvernement) à déléguer, par arrêté, sa signature

- Décret n°75-124 du 6 février 1976 portant création d’un service d’information et de diffusion

- Décret n°84-752 du 2 aout 1984 relatif aux attributions du ministre des affaires européennes et

porte-parole du Gouvernement

- Décret n°83-301 du 14 avril 1983 relatif aux attributions du secrétaire d’Etat, porte-parole du

Gouvernement

- Décret n° 2000-1027 du 18 octobre 2000 relatif au service d’information du Gouvernement

- Décret n° 2012-784 du 30 mai 2012 relatif aux attributions du porte-parole du Gouvernement

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Tableau récapitulatif des Présidents de la République, leurs Premiers Ministres, les porte-paroles du Gouvernement et les porte-paroles de l’Elysée

En gris sont indiquées les périodes où n’y a pas eu de porte-parole de Gouvernement ou de l’Elysée.En bleu sont indiquées les périodes de cohabitation.

Date Président de la République

Premier Ministre

Porte-Parole du Gouvernement

Fonction cumulée

Porte-Parole de l’Elysée

1958 - 1969

Charles de Gaulle

1969 - 1974

Pompidou

Jacques Chaban Delmas (1969-1972)

Léo Hamon (1969-1972)

X

Pierre Messmer I (1972-1973)

Jean-Philippe Lecat (1972-1975)

X

Pierre Messmer II (1973-1974)

Jean-Philippe Lecat (1972-1975)

X

Pierre Messmer III (1974-1974)

Jean-Philippe Lecat (1972-1975)

X

1974 - 1981

Valéry Giscard d’Estaing

Jacques Chirac (1974-1976)

André Rossi (1975-1976)

X Xavier Gouyon Beauchamps (1974-1976)

Raymond Barre I (1976-1977)

Jean-Philippe Lecat (1976-1978)

Raymond Barre II (1977-1978)

Jean-Philippe Lecat (1976-1978)

Raymond Barre III (1978-1981)

Pierre Hunt (1987-1981)

1981 - François Mitterrand

Michel Vauzelle

79

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1988 (1981-1986)

Pierre Mauroy I (1981-1981)

Michel Vauzelle (1981-1986)

Pierre Mauroy II (1981-1983)

Michel Vauzelle (1981-1986)

Pierre Mauroy III (1983-1984)

Max Gallo (1983-1984)Roland Dumas (1984-1984)

X

Ministre des Affaires Européennes

Michel Vauzelle (1981-1986)

Laurent Fabius (1984-1986)

Georgina Dufoix (1984-1986)

Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale

Michel Vauzelle (1981-1986) / Michèle Gendreau-Massaloux (1986-1988)

Jacques Chirac (1986-1988)

Alain Juppé (1986-1988)

Ministre délégué au Budget

Michèle Gendreau-Massaloux (1986-1988)

1988-1995

François Mitterrand

Hubert Védrine (1988-1991)

Michel Rocard I(1988-1988)

Hubert Védrine (1988-1991)

Michel Rocard II (1988-1991)

Claude Evin (1988-1989)

Louis Le Persec (1989-1991)

Ministre délégué chargé de la protection sociale et de la santé

Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer

Hubert Védrine (1988-1991)

Edith Cresson (1991-1992)

Jack Lang (1991-1992)

Ministre à la Culture et la Communication

Hubert Védrine (1988-1991)

Pierre Bérégovoy (1992-1993)

Martin Malvy (1992-1992)

Louis Mermaz (1992-1993)

Secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement

Ministre des Relations avec le Parlement

Jean Musitelli (1991-1995)

Edouard Nicolas Sarkozy Ministre du Jean Musitelli

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Balladur (1993-1995)

(1993-1995)

Philippe Douste-Blazy (1995-1995)

Budget

Ministre délégué à la Santé

(1991-1995)

1995 - 2002

Jacques Chirac Catherine Colonna (1995-2004)

Alain Juppé I (1995-1995)

François Baroin (1995-1995)

X Catherine Colonna (1995-2004)

Alain Juppé II (1995-1997)

Alain Lamassoure (1995-1997)

Ministre délégué au Budget

Catherine Colonna (1995-2004)

Lionel Jospin -1997-2002)

Catherine Trautmann (1997-1998)

Ministre de la Culture et de la Communication

Catherine Colonna (1995-2004)

2002-2007

Jacques Chirac Catherine Colonna (1995-2004)

Jean-Pierre Raffarin I (2002-2002)

Jean-François Copé (2002-2007)

Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement

Catherine Colonna (1995-2004)

Jean-Pierre Raffarin II (2002-2004)

Jean-François Copé (2002-2007)

Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement

Catherine Colonna (1995-2004)

Jean-Pierre Raffarin III (2004-2005)

Jean-François Copé (2002-2007)

Ministre Délégué à l’Intérieur puis, Ministre Délégué au Budget et à la Réforme Budgétaire

Catherine Colonna (1995-2004)Jérôme Bonnafont (2004-2007)

Dominique de Villepin (2005-2007)

Jean-François Copé (2002-2007)

Ministre Délégué au Budget et à la Réforme Budgétaire

Jérôme Bonnafont (2004-2007)

2007-2012

Nicolas Sarkozy David Martinon (2007-2008)

François Fillon I (2007-2007)

Christine Albanel (2007-2007)

Ministre de la culture

David Martinon (2007-2008)

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François Fillon II (2007-2010)

Laurent Wauquiez (2007-2008)

Luc Châtel (2008-2010)

François Baroin (2010-2011)

X

Secrétaire d’Etat à la Consommation, puisMinistre de l’Education Nationale

Ministre du Budget, des Comptes Publics, de la Fonction Publiques et de la Réforme de l’Etat

David Martinon (2007-2008)

François Fillon III (2010-2012)

François Baroin (2010-2011)

Valérie Pécresse (2011-2012)

Ministre du Budget, des Comptes Publics, de la Fonction Publiques et de la Réforme de l’Etat

Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Réforme de l’Etat

2012-2017

François Hollande

Jean-Marc Ayrault (2012- ?)

Najat Vallaud-Belkacem (2012- ?)

Ministre du Droit des femmes

Au total, 26 porte-parole du Gouvernement dont 18 ont cumulé cette fonction avec un poste ministériel.

Parcours des porte-parole du Gouvernement sous la Vème République

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[En bleu sont indiqués les porte-parole de l’Elysée]

Avant 1969 : Aucun porte-parole.

Juin 1969 – Mai 1972 : Léo Hamon (« Secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement) Avant : il a été résistant, et a eu différents mandats locaux (député, notamment). Après : il a été nommé Secrétaire d’Etat chargé de la Participation et de l’Intéressement

Mai 1972 – Avril 1975 : Jean-Philippe LecatAvant : il a eu différents postes en cabinets ministériels, et député. Après : il a été Secrétaire d’Etat à l’Economie et aux Finances (1973), pusi Ministre de l’Information (1973-1974). En 1976, il est nommé porte-parole de l’Elysée par Valéry Giscard d’Estaing. Enfin, il devient Ministre de la Culture en 1978.

Mai 1974 – Août 1976 : Xavier Gouyon-Beauchamps

Mai 1975 – Août 1976 : André Rossi Avant : plusieurs mandats locaux Après : Ministre du Commerce Extérieur.

Août 1976 – Mai 1978 : Jean-Philippe Lecat

Mai 1978 – Janvier 1980 : Pierre Hunt

Janvier 1980 – Juin 1981 : Jean-Marie Poirier

Entre 1976 et 1983 : Aucun porte-parole

Juin 1981 – Avril 1986 : Michel Vauzelle

Mars 1983 – Juin 1984 : Max Gallo

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Avant : il a été journaliste à L’Express durant dix ans dans les années 1970, avant d’intégrer le Parti Socialiste en 1981 et d’être nommé porte-parole. Après : il quitte son poste de porte-parole afin de retourner à la littérature et à son mandat de député européen.

Juin 1984 – Décembre 1984 : Roland DumasAvant : il a notamment été avocat, député, et journaliste durant une courte période. Il a travaillé avec François Mitterrand, alors Président de la République, avant d’être nommé Ministre des Affaires Européennes, fonction qu’il cumulera avec celle de porte-parole.Après : il a été nommé Ministre des Relations Extérieures, puis Président du Conseil Constitutionnel.

Décembre 1984 – Mars 1986 : Georgina DufoixAvant : elle débute sa carrière politique en 1981 comme Secrétaire d’Etat à la famille. Puis de mars 1983 à juillet 1984, elle est Secrétaire d’Etat à la famille, la population et les travailleurs immigrés. De juillet 1984 à mars 1986, elle cumule la fonction de porte-parole avec celle de Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale. Après : De 1986 à 1988, elle est élue députée. Suite à cela, elle devient présidente de la Croix Rouge Française, puis directrice générale à la lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Avril 1986 – Mai 1988 : Michèle Gendreau-Massaloux

Mars 1986 – Mai 1988 : Alain JuppéAvant : il a été fonctionnaire, et travaillé au RPR et à la Mairie de Paris. Il a également été conseiller de Paris, député et député européen. Il rentre au Gouvernement sous l’ère Chirac et devient Ministre délégué au Budget jusqu’en Mai 1988 et porte-parole du Gouvernement. Après : De 1988 à 1994, il est Secrétaire Général du RPR, tout en étant député. De 1993 à 1995, il est Ministre des Affaires Etrangères, avant de devenir le Premier Ministre de Jacques Chirac. Suite à cela, il est élu Maire de Bordeaux. Lors du mandat de Nicolas Sarkozy, il est successivement, Ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durable, Ministre de la Défense, et enfin, Ministre des Affaires Etrangères.

Mai 1988 – Septembre 1991 : Hubert Védrine

Mai 1988- Juin 1988 : Aucun porte-parole du Gouvernement

Juin 1988 – Février 1989 : Claude Evin

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Avant : Il a été militant, puis député pour le Parti Socialiste. Nommé dans le Gouvernement de Michel Rocard en tant que Ministre délégué chargé de la protection sociale et de la santé, il cumule cela avec le rôle de porte-parole du Gouvernement. Après : Il revient à son mandat de député, mais également au Conseil Régional, au Conseil Economique et Social, à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, au Conseil de Surveillance de la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie, président de la Fédération hospitalière de France, enfin, Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France.

Février 1989 – Mai 1991 : Louis Le PersecAvant : il a été fonctionnaire, professeur, député (1973-1997), et maire (1971-1997). De 1981 à 1989, il est Ministre de la Mer sous les deux Gouvernements de Pierre Mauroy, puis sous le premier Gouvernement de Michel Rocard. Sous le Gouvernement Rocard II, il devient Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer, fonction qu’il cumule avec celle de porte-parole. Après : Il conservera son Ministère sous les Gouvernements d’Edith Cresson et de Pierre Beregovoy, puis deviendra Ministre de l’Agriculture et de la Pêche dans le Gouvernement de Lionel Jospin.

Mai 1991 – Mars 1992 : Jack LangAvant : Il a été Secrétaire National au Parti Socialiste, conseiller municipal, député, et maire. Entre Mai 1981 et Mai 1991, il est Ministre de la Culture pour les Gouvernements Mauroy, Fabius, Rocard I et Rocard II. De Mai 1991 à Avril 1992, Edith Cresson le nomme porte-parole ainsi que Ministre à la Culture et la Communication. Après : Pierre Beregovoy le nomme Ministre de l’Education Nationale et de la Culture. De Mars 2000 à Mai 2002, Lionel Jospin le fait une nouvelle fois rentrer au Gouvernement en tant que Ministre de l’Education Nationale. Après cela, il retournera à ses mandats locaux.

Septembre 1991 – Mai 1995 : Jean Musitelli

Avril 1992 – Octobre 1992 : Martin MalvyAvant : Il débute sa carrière comme journaliste (1960-1977). Il a également été conseiller général (1970-2001), vice-président du Conseil Général du Lot (1972-1977), Maire (1977-2001), conseiller régional (depuis 1986), Président du Conseil Régional de Midi-Pyrénées (depuis 1998). De 1984 à 1986, il est nommé Secrétaire d’Etat auprès du Ministre du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur, chargé de l’Industrie. C’est en 1992 qu’il est nommé Secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement auprès du Premier Ministre, tout en étant porte-parole du Gouvernement. Après : De 1992 à 1993, il devient Ministre du Budget, avant de retourner à ses mandats locaux.

Octobre 1992 – Mars 1993 : Louis MermazAvant : Il a cumulé divers mandats locaux (maire de 1977 à 2001, conseiller général, Président du Conseil général de l’Isère). Il a été élu député, puis Président de l’Assemblée Nationale (1981-1986), et président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale (1988-1990). De Mai à Juin 1981, il est Ministre

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des Equipements et des Transports (Mauroy I), Ministre des Transports de Mai à Juin 1988 (Rocard II), d’Octobre 1990 à Octobre 1992 il est Ministre de l’Agriculture et de la Fôret (Rocard II, Edith Cresson, Pierre Beregovoy). D’Octobre 1992 à Mars 1993, Pierre Beregovoy le nomme Ministre des Relations avec le Parlement et porte-parole du Gouvernement. Après : Il retrouve un temps son siège de député. De 2000 à 2011, il est élu sénateur.

Mars 1993 – Janvier 1995 : Nicolas SarkozyAvant : De 1974 à 1993, il occupe divers mandats locaux dans les Hauts-de-Seine. En 1988, il s’engage dans la campagne présidentielle aux côtés de Jacques Chirac. Lors de la victoire de la droite aux élections législatives de 1993, il est réélu député. Nommé Ministre du Budget dans le Gouvernement d’Edouard Balladur, il est également porte-parole du Gouvernement, ce qui lui permet de se faire connaitre du grand public. Après : En 1995, il s’engage auprès d’Edouard Balladur lors de l’élection présidentielle, et abandonne donc son poste de porte-parole du Gouvernement pour devenir le porte-parole du candidat Balladur. Par la suite, il sera nommé Ministre de l’Intérieur et Ministre des Finances, avant d’être élu Président de la République en Mai 2007, fonction qu’il ne regagnera pas en Mai 2012.

Janvier 1995 – Mai 1995 : Philippe Douste-BlazyAvant : Il commence sa carrière politique en étant élu Maire en 1989, puis député européen, et enfin député en 1993. Il quitte cette fonction en Mai 1993, date à laquelle il rentre au Gouvernement d’Edouard Balladur en tant que Ministre délégué à la Santé, fonction qu’il cumule avec celle de porte-parole en Janvier 1995, et ce jusqu’à l’élection présidentielle de Mai 1995. Après : Suite à la victoire de Jacques Chirac en 1995, il est nommé Ministre de la Culture (Mai 1995 – Juin 1997). Il fait son retour au Gouvernement en Mars 2004, lorsqu’il est nommé Ministre de la Santé et de la Protection Sociale jusqu’en Novembre 2004. De Novembre 2004 à Mai 2005, il est Ministre de la Santé, de la Solidarité et de la Famille, puis Ministre des Affaires Etrangères de Juin 2005 à Mai 2007. Après l’élection de Nicolas Sarkozy, il retourne à ses mandats locaux. Aujourd’hui, il est conseiller spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies.

Mai 1995 – Novembre 1995 : François Baroin. Avant : Il a débuté sa carrière en tant que journaliste politique durant cinq ans (1988-1992). Puis, il est élu député, et mairie. En 1995, il est le porte-parole de Jacques Chirac durant l’élection présidentielle, poste qu’il occupera à nouveau dans le premier Gouvernement d’Alain Juppé. Après : De 2005 à 2007, sous le Gouvernement de Dominique de Villepin, il est nommé successivement Ministre de l’Outre-Mer, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire. Sous le Gouvernement de François Fillon, il est nommé de Mars 2010 à Juin 2011 Ministre du Budget, des Comptes Publics, de la Fonction Publiques et de la Réforme de l’Etat, fonction qu’il cumulera à nouveau avec celle de porte-parole du Gouvernement à partir de Novembre 2010. Suite à cela, il est nommé Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Mai 1995 – Septembre 2004 : Catherine Colonna

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Novembre 1995 – Juin 1997 : Alain Lamassoure Avant : Il débute sa carrière comme haut-fonctionnaire, puis intègre des cabinets ministériels. En 1986, il est élu député. De mars 1993 à Mai 1995, il est Ministre des Affaires Européennes sous le Gouvernement Balladur. De Novembre 1995 à Juin 1997, Alain Juppé le nomme Ministre délégué au Budget et porte-parole du Gouvernement. Après : Il est par la suite retourné à ses mandats locaux et est actuellement député européen.

Juin 1997 – Mars 1998 : Catherine TrautmannAvant : elle a été député, conseillère municipale, et est député européenne depuis 1989. De Mai à Juin 1993, Michel Rocard la nomme Secrétaire d’Etat chargé des personnes âgées et handicapées. En Juin 1997, et ce jusqu’en mars 1998, Lionel Jospin la nomme Ministre de la Culture et de la Communication ainsi que porte-parole du Gouvernement. Après : Elle reste Ministre de la Culture et de la Communication jusqu’en Mars 2000, lorsqu’elle décide elle-même de quitter le Ministère. Elle est actuellement députée européenne.

Mars 1998 – Mai 2002 : Aucun porte-parole

Mai 2002 – Mai 2007 : Jean-François Copé. Avant : Il commence sa carrière politique en tant que Maire puis député en 1995 jusqu’en 2002. De 1998 à 2001, il est Secrétaire National au RPR, avant de devenir Secrétaire Général Adjoint du RPR de 2001 à 2002. Il exercera la fonction de porte-parole du Gouvernement durant tout le quinquennat de Jacques Chirac en la cumulant avec différents postes ministériels : Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement (Mai 2002-Mars 2004), Ministre Délégué à l’Intérieur (Mars-Novembre 2004), Ministre Délégué au Budget et à la Réforme Budgétaire (Novembre 2004-Mai 2007). Après : Il retourne alors à ses mandats locaux et s’implique dans de nombreuses commissions à l’Assemblée Nationale, avant de devenir Secrétaire Général de l’UMP en Novembre 2010.

Septembre 2004 – Mai 2007 : Jérôme Bonnafont

Mai 2007 – Juin 2007 : Christine AlbanelAvant : Elle commence en tant qu’enseignante, puis attachée de presse de la femme de Valéry Giscard d’Estaing. Elle est ensuite la plume de Jacques Chirac à l’Hotel de Ville de Paris, le suite à Matignon, toujours au même poste, en 1986, avant de retourner à la Mairie de Paris. Lorsque Jacques Chirac est élu en 1995, elle rejoint son cabinet, toujours afin de rédiger ses discours, mais également en tant que conseillère pour l’éducation et la culture. Puis elle a été Secrétaire Nationale de l’UMP, et sera nommée en 2003 Présidente du Domaine de Versailles. En 2007, François Fillon la nomme Ministre de la culture et porte-parole du Gouvernement.

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Après : Elle se retire peu à peu de la politique et est aujourd’hui Directrice de la Communication chez France Télécom.

Mai 2007 – Mars 2008 : David Martinon

Juin 2007 – Mars 2008 : Laurent WauquiezAvant : Diplômé de l’ENA en 2001, il rentre alors au Conseil d’Etat. En 2002, Jacques Barrot, candidat aux élections législatives le prend comme suppléant. En 2004, il est élu député, puis maire en 2008. En 2007, il est nommé Secrétaire d’Etat porte-parole du Gouvernement jusqu’en Mars 2008. Après : De 2008 à 2010, il est Secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi. De 2010 à 2011, il devient Ministre chargé des Affaires Européennes, puis de 2011 à 2012, il est Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Mars 2008 – Novembre 2010 : Luc Châtel. Avant : De formation marketing, il commence sa carrière politique en tant que conseiller municipal puis rentre dans l’appareil partisan. En 2002, il est élu député. En 2004, il est Secrétaire National puis porte-parole de l’UMP, alors dirigée par Alain Juppé, et conserve ce poste après la prise en main du parti par Nicolas Sarkozy. En Juin 2007, il est nommé Secrétaire d’Etat à la Consommation, fonction élargie en 2008 à celle de porte-parole du Gouvernement. En 2009, tout en restant porte-parole, il est nommé Ministre de l’Education Nationale. Après : Il est aujourd’hui député et maire.

Novembre 2010 – Juin 2011 : François BaroinCf supra

Juin 2011 – Mai 2012 : Valérie Pécresse Avant : Elle a été au Conseil d’Etat. De 2002 à 2007, elle est élue députée, et conseille Jacques Chirac à son cabinet. En 2004, elle est élue au Conseil Régional d’Ile-de-France, où elle sera réélue en 2010. En Mai 2007, elle est nommée Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. En Juin 2011, elle est nommée Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Réforme de l’Etat, ainsi que porte-parole du Gouvernement. Après : En 2012, elle est réélue député, et conserve son siège au Conseil Régional d’Ile-de-France.

Mai 2012 - ? : Najat Vallaud Belkacem Avant : elle intègre le Parti socialiste en 2002.

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Parcours des porte-parole du Parti Socialiste

Laurent Fabius : 1979-1981

Sa première élection date de mars 1977, année durant laquelle il est élu premier adjoint au Maire dans

une ville de Seine Maritime. Il est élu député pour la première fois en mars 1978, et sera réélu jusqu’en

1993.

C’est entre 1979 et 1981 qu’il exerce la fonction de porte-parole du Parti socialiste : il est Secrétaire

national à la presse et porte-parole.

Dans les années 1980 et 1990, il a alterné entre nominations ministérielles diverses et présidence de

l’Assemblée nationale (juin 1988-janvier 1992 ; juin 1997-mars 2000)

Jean-Jack Queyranne : 1985-1993

De 1977 à 1989, il collabore avec le député-maire d’une ville du Rhône et le supplée à l’Assemblée. Il

devient député du Rhône en 1981, lorsque son député-maire est nommé au Gouvernement.

Au Parti socialiste, il occupera plusieurs fonctions. En tant que membre du bureau exécutif en 1983, il

s’occupe de l’action culturelle. Entre 1985 et 1993, il est également porte-parole du parti. Puis, en 1987,

il devient délégué national auprès du Premier Secrétaire.

Maire de Bron en 1989, il est réélu député en 1986 et 1988, puis perd son siège en 1993. Lors de sa

réélection en 1997, il abandonne son siège puisque Lionel Jospin l’appelle pour rentrer au

Gouvernement.

François Hollande : 1995-1997

Il adhère au Parti socialiste en 197930. Sorti 7e de l'ENA en 1980, il choisit d'être auditeur à la Cour des

comptes20. Il est également, à cette époque, maître de conférences à l'IEP de Paris, où il donne des cours

d'économie aux étudiants de troisième année jusqu'en 199131.

En 1981, à la suite de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, François

Hollande devient chargé de mission pour l'Élysée. Lors des élections législatives de juin 1981, François

Hollande est désigné comme candidat socialiste contre Jacques Chirac dans une circonscription

corrézienne, après le refus de Jacques Delors.

De 1983 à 1984, il est le directeur de cabinet des deux porte-parole successifs du troisième

gouvernement de Pierre Mauroy : Max Gallo et Roland Dumas. En 1988, il est finalement élu dans une

autre circonscription de Corrèze, après un avoir été élu conseiller municipal dans le meme département,

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en 1984. En 1989, ilse présente à la mairie de Tulle, et en devient adjoint au maire. Après avoir soutenu

la motion Mauroy-Mermaz-Jospin au Congrès de Rennes en 1990, il perd son mandat de député en

1993. Après une courte expérience d’avocat, il devient Secrétaire national du Parti socialiste en

novembre 1994. Lors de l’élection présidentielle de 1995, il se rapproche alors de Lionel Jospin, qui le

nommera porte-parole de sa campagne. Suite à la défaite, Lionel Jospin le nomme porte-parole du Parti

socialiste, cherchant alors un homme qui « apaise, apporte sérénité et concorde » (Serge Raffy). En

1997, il retrouve son siège de député, et devient Premier secrétaire du Parti socialiste durant onze ans,

avant de connaitre une traversée de désert, et finalement d’être élu Président de la République en mai

2012.

Vincent Peillon : 2000-2002

De 1992 à 1993, il est collaborateur d’Henri Emmanueli, alors Président de l’Assemblée nationale. Il

devient en 1993 secrétaire du groupe des experts du Parti socialiste, dirigé par Michel Rocard et présidé

par Dominique Strauss-Kahn.

Après avoir recueilli 5% de voix grâce à la motion qu’il dépose au Congrès de Liévin en 1994, il rentre au

Bureau National du Parti socialiste, où il siège toujours. Lors de la campagne de 1995, il devient la plume

du candidat socialiste, Lionel Jospin, avant d’intégrer les bureaux du Premier secrétariat du Parti.

En 1997, il est élu député, et devient également Secrétaire national au Parti socialiste.

En 1994, au Congrès de Liévin, il dépose une première motion qui obtiendra plus de 5% des voix. Il entre

alors au Bureau national du Parti socialiste où il siège de façon continue depuis 1994.

En 2000, François Hollande le nomme porte-parole du parti socialiste, jusqu’en 2002, date à laquelle il

décide de démissionner suite à la défaite cuisante à l’élection présidentielle, et choisit de créer un

nouveau mouvement.

Depuis 2004, il est élu député européen. En 2007, Ségolène Royal en fera un de ses porte-parole de

campagne. Il revient sur le devant de la scène politique à l’élection de l’élection présidentielle de 2012. Il

est aujourd’hui Ministre de l’Education Nationale.

Julien Dray : porte-parole du PS de 2003-2008

Julieu Dray adhère au Parti socialiste en 1981. Candidat aux législatives en 1988, il sera sans cesse réélu.

En 1998, il est vice-président du Conseil régional d’Ile-de-France. Depuis 2003, il est membre du Bureau

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national du PS. Au sein du Parti, il a occupé diverses fonctions : Secrétaire national chargé de la presse et

de la communication jusqu’en 1996, puis Secrétaire national chargé de la sécurité de 1997 à 2003.

En 2003, François Hollande le nomme porte-parole du PS.

En 2008, il pose sa candidature au poste de Premier secrétaire du PS, au moment du Congrès e Reims.

Benoit Hamon : 2008-2012

En 1987, il s’engage au Parti socialiste. Entre 1991 et 1993, il est assistant parlementaire d’un député de

Gironde, puis est élu Président du Mouvement des jeunes socialistes entre 1993 et 1995. Entre 1995 et

1997, il est conseiller pour la jeunesse auprès de Lionel Jospin, alors Premier secrétaire. Entre 1997 et

2000, il rejoint le cabinet de Martine Aubry, alors Ministre du travail, en tant que conseiller technique,

puis conseiller en charge des affaires politiques. Entre 2001 et 2004, il s’octroie une parenthèse dans le

secteur privé, avant d’être élu député européen en 2004. En 2005, il est nommé Secrétaire national du

PS chargé des affaires européennes. En 2007, après la défaite à l’élection présidentielle, il devient porte-

parole du PS durant la campagne des législatives. En 2008, il dépose sa motion au Congrès de Reims, afin

de prendre la succession de François Hollande.

C’est finalement Martine Aubry qui est élu à l’issue du Congrès, et qui le nomme alors porte-parole du

Parti socialiste.

Il est aujourd’hui Ministre délégué en charge de l’économie sociale et solidaire.

91

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Parcours des porte-parole au RPR-UMP

François Fillon : 1998

En 1981, il est élu député, réélu en 1986, 1988, 1993, 1997, 2002, et 2007. En 1983, il devient également

maire. En 1992, il est élu président d’un Conseil Général. Après de batailles politiques internes à la

droite, il rejoint le Gouvernement d’Edouard Balladur. En 1997, Philippe Séguin élu président du RPR, il

fait de François Fillon l’un des Secrétaires nationaux, et le porte-parole de la commission exécutive.

En 1998, il est à nouveau élu président d’un Conseil Général. En 2002, Jean-Pierre Raffarin l’appelle au

Gouvernement. 2004 sera l’année de son premier échec électoral, lors des élections régionales. En 2007,

Nicolas Sarkozy nomme François Fillon Premier Ministre. Puis en 2012, il perd son siège de député.

Nathalie Kosciuzko-Morizet : 2002-2003

Membre de l’UMP depuis 2002, elle y occupe un poste de Secrétaire national et est également porte-

parole du parti. En 2003, elle est nommée Secrétaire d’Etat. En 2007, elle est élue députée et maire. En

parallèle, elle est également membre du Gouvernement Fillon. En 2012, Nicolas Sarkozy en fait sa porte-

parole de campagne.

François Baroin : 2003-2004

Eélu député RPR à partir de 1993, et maire depuis 1995. Il est porte-parole de Jacques Chirac durant sa

campagne présidentielle de 1995. Il occupera le même poste dans le Gouvernement Juppé I. Lors de la

création de l’UMP, il y adhère, et est nommé Ministre dans le Gouvernement de Villepin, entre 2002 et

2007. Il assure en parallèle la fonction de porte-parole de l’UMP. Durant le Gouvernement de François

Fillon, il fut à deux reprises nommé Ministre et fut également porte-parole du Gouvernement.

Valérie Pécresse : 2004-2005

En 1998, elle travaille à la présidence de la République. En juin 2002, elle est élue député UMP, puis en

novembre, elle devient Secrétaire générale adjointe de l’UMP, avant d’en devenir la porte-parole.

En 2004, elle est élue conseillère régionale. En mai 2007, suite à la victoire de Nicolas Sarkozy elle rentre

au Gouvernement et en deviendra notamment porte-parole.

Luc Chatel : 2004-2005

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Il commence sa carrière politique en 1998, au sein d’un Conseil Régional, et ce jusqu’en 2004. En 2002,

puis 2007, il est élu député. En 2004, il est nommé porte-parole de l’UMP, et le restera malgré l’arrivée

de Nicolas Sarkozy à sa tête. Lors de l’élection de Nicolas Sarkozy, il rentre au Gouvernement comme

Secrétaire d’Etat, porte-parole, puis Ministre.

Yves Jégo : 2007-2008

En 1986, Yves Jégo est chef de cabinet pour un maire. En 1989, il devient conseiller municipal dans

l’opposition. En 1992, il rejoint un Conseil général en tant que directeur de cabinet, et ce jusqu’en 1998.

Entre temps, en 1995, il est élu maire. Entre 1996 et 1997, il est Secrétaire national à l’UMP. En 2002, il

est élu député. Il retrouve un poste de secrétaire national à l’MP entre 2004 et 2007, année qui le verra

réélu député.

En 2007-2008, il est nommé porte-parole de l’UMP. En 2008-2009, François Fillon l’appelle au

Gouvernement.

Nadine Morano : 2007-2008

En 2002, elle est élue députée, réélue en 2007 puis conseillère régionale en 2004. Entre 2002 et 2006,

elle est Secrétaire nationale à l’UMP. En 2007 et 2008, elle est nommée porte-parole de l’UMP. Lors de

l’accession de François Fillon au poste de Premier Ministre, il la nomme à plusieurs reprises Secrétaire

d’Etat.

Chantal Brunel : 2008-2009

Elle débute sa carrière en cabinets ministériels. En 1981, elle s’offre une parenthèse dans le secteur

privé. En 1998, elle est élue conseillère régionale. En 2002, elle est élue député, réélue en 2007, et

battue en 2012. En 2008, elle est nommée porte-parole de l’UMP.

Frédéric Lefèbvre : 2008-2011

Il débute sa carrière au cabinet du Président de l’Assemblée nationale en 1987, puis devient attaché

parlementaire en 1988. En 1989, il est élu adjoint au maire. 1993 signe le début de sa longue

collaboration avec Nicolas Sarkozy, notamment en tant que chargé de communication au cabinet

ministériel de ce dernier. En 1996, en parallèle de sa fonction d’attaché parlementaire de Nicolas

Sarkozy, il crée une société de conseil en communication et lobbying. En 2002, il rejoint à nouveau

Nicolas Sarkozy à son cabinet ministériel, puis à son cabinet de Président du Conseil Général des Hauts

de Seine. En 2004, il occupe différents mandats locaux, et devient notamment député. Puis entre 2008

et 2009, il devient porte-parole de l’UMP

Durant le mandat de Nicolas Sarkozy, il sera appelé au Gouvernement en tant que Secrétaire d’Etat.

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Dominique Paillé : 2008-2011

En 1989, il est élu maire, et suppléant d’un député en 1988. Il est élu député de 1993 à 2007. Entre 1994

et et 2007, il est également membre d’un Conseil Général. En 2007, il est nommé secrétaire adjoint de

l’UMP (2007-2008) puis porte-parole (2008-2011) de l'UMP.

Entretien avec Aurélie Royet-Gounin, conseillère en charge des activités de porte-parole au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, pote-parole du Gouvernement

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MM : Déjà est ce que vous pourriez m’expliquer un peu ce que vous faites avec Najat Vallaud Belkacem et votre parcours ?

ARG : Alors ce qu’on fait avec NVB, donc la charge de porte-parole du Gouvernement, y’a une partie très institutionnelle qui est le compte-rendu du Conseil des Ministres, qui est vraiment la mission traditionnelle du porte parole du Gouvernement, qui est voila de rendre compte de… de… c’est pour ça que c’est rare que les porte-parole ne soient que porte-parole et qu’ils ont un autre portefeuille en plus, c’est c’est il me semble et vous savez sans doute ça mieux que moi que c’est arrivé assez rarement que les porte-parole n’aient que ce seul portefeuille…

MM : Et justement, c’est assez une spécificité française parce que dans d’autres pays c’est un Secrétariat d’Etat qui a des tâches très cadrées.

ARG : Très cadrées ?

MM : Oui

ARG : Mais ici y’a un peu, enfin y’a pas de service, enfin le porte-parole a pas de services qui lui sont propres, il a son cabinet, il a une partie de la tutelle du Service d’Information du Gouvernement, qui dépend administrativement de Matignon et qui s’occupe de faire pour l’ensemble du Gouvernement tout ce qui est les veilles de presse, les .. enfin ce que feraient voilà des services, un service de presse très développé, parce que c’est vrai qu’ils ont des outils assez pointus pour suivre un certain nombre de choses, ils font des sondages, ils font les campagnes de communication gouvernementale quand elle sont transversales enfin qu’elles relèvent pas d’un département donc la mission voilà telle qu’elle a été confiée à NVB voila y’a vraiment cette dimension là, compte-rendu du Conseil des Ministres, qui est un peu le rendez-vous hebdomadaire où on va essayer de faire avancer, je sais pas si vous avez suivi un peu mais la porte-parole est interrogée sur énormément de choses, et ca va bien au-delà de l’ordre du jour du Conseil des Ministres, mais c’est un peu le rendez-vous où le Gouvernement de façon un peu institutionnelle explicite ce qu’il est entrain de faire, et puis bon elle est beaucoup sollicitée par l’ensemble de la presse sur tout ce qui est euh voilà des choses euh bilan des cent jours, les perspectives du Gouvernement sur les six prochains mois, enfin des considérations comme ça qui sont un peu plus larges, ou pour faire un travail de décryptage un peu quand y’a eu des prises de parole importantes du Président, du PM, on la voit souvent le lendemain qui revient faire un peu le … le service après-vente. Elle, elle a demandé quand elle a accepté cette, cette mission, en plus du porte feuille droits des femmes et vous avez peut-être vu que maintenant elle a en plus tout ce qui est la coordination des programmes de luttes contre l’homophobie et les discriminations liées à l’orientation sexuelle donc elle a une lettre de mission nouvelle qui est arrivée la semaine dernière, ouai y’a dix jours, elle, elle a demandé au Président de pouvoir exercer cette fonction aussi de façon un peu plus… un peu plus… comment dire ? décentralisée disons, de pas avoir uniquement ce rendez-vous très très… rigide du mercredi après le Conseil des Ministres, mais de pouvoir faire aussi ce type d’opérations sur le terrain, de pouvoir avoir des activités en tant que porte-parole un peu … à l’extérieur.

MM : D’accord, quels types d’activités du coup ?

ARG : Ben en fait tous les mois, elle va euh en province alors soit en fonction d’un déplacement « droits des femmes » quand y’a un truc particulier, soit comme ça, en soi, elle euh on a choisi toute une série

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d’endroits où on fait des espèces de réunions publiques. On en a fait une la semaine dernière à Cahors dans le Lot, elle y était pour des sujets, sur ce qui était, elle y était là bas pour des sujets égalité professionnelle dans le milieu agricole puisque y’a pas mal de problèmes qui se posent sur les retraites des agricultrices, l’installation des jeunes agricultrices, les congés de maternité, enfin bon c’est une profession qui est particulièrement soumise à contrainte pour les femmes donc euh y’avait toute une série de déplacements, au lycée agricole, dans les exploitations avec les agricultrices, et du coup on en a profité pour faire à Cahors un truc comme ça où l’idée c’est qu’on essaie un peu de se projeter sur le terrain pour aller voir… Alors c’est pas des réunions politiques où on peut dire... on n’a pas les moyens d’avoir des salles de 3000 personnes, on attirerait pas 3000 personnes donc on invite euh un peu les représentants du type tissu économique, social des villes, alors tous les présidents d’associations, le proviseur du lycée, les…

MM : Donc en fait vous faites des espèces de points presse décentralisés ?

ARG : Oui voilà l’idée c’est qu’elle vient vous dire, enfin essayer de vous expliquer, en essayant de le coller par rapport à ce qui se passe sur place, là à Cahors on a parlé essentiellement agriculture, tourisme, transports, couverture numérique aux débits des zones rurales, enfin des choses comme ça, pour dire voilà ce que, alors on fait un tableau d’ensemble « voilà ce que fait le Gouvernement, voilà où on va, voilà les priorités, voilà les perspectives », et puis voilà dans le Lot concrètement comment ça se passe quand on leur dit emplois d’avenir, c’est quoi les emplois d’avenir dans le Lot ? qu’est ce que… comment ça peut servir quand on parle … Donc elle, elle a elle cette volonté d’utiliser cette fonction de porte-parolat aussi pour faire du terrain pour aller …

MM : Pour que ce soit un peu moins aride que…

ARG : Voilà maintenant la fonction traditionnelle des porte-parole, et ça a toujours existé même si c’est moins visible, y’a aussi une fonction et euh et c’est beaucoup sur ça qu’on travaille avec mon collègue, puisqu’on se partage les dossiers à deux, c’est aussi une fonction de circulation de l’information au sein du Gouvernement. Donc on fait beaucoup nous de travail en liaison avec Matignon et l’Elysée sur l’ensemble de ce qu’on produit pour que l’ensemble du Gouvernement ait le même niveau d’information, donc euh dès que y’a une démarche du Ministre X qui monte euh enfin un gros sujet d’actualité on va faire un truc voilà « Christiane Taubira présente la nouvelle politique pénale » euh on prépare des éléments sur …

MM : Vous préparez la parole officielle quoi

ARG : Alors c’est elle qui s’exprime elle dit ce qu’elle veut mais nous on s’arrange pour que dès qu’elle s’est exprimée, dès que le sujet est sorti ou en même temps l’ensemble des ministres ait la même information, qu’ils soient pas obligés de regarder dans la presse ce qu’a dit leur collègue mais qu’ils aient un truc en disant « voilà sur la politique pénale notre ligne c’est ça » voilà c’est ça ça peut l’idée étant d’apporter, c’est des hommes et des femmes politiques donc on leur dit pas la façon dont ils doivent réagir machin, ça c’est leur problème d’ailleurs on voit bien quand on leur, quand on regarde la presse, qu’ils réagissent chacun comme, chacun a ses nuances, ses différences, trucs mais l’idée c’est d’apporter des trucs un peu techniques, de dire voilà « sur telle chose, pour la Syrie, pour l’instant notre aide humanitaire s’élève à tant, notre action ce sont tant, la prochaine réunion c’est telle date, voilà ce qui va se décider à tel moment » pour que les gens aient un niveau d’information ..

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MM : Donc en fait elle a un peu une mission de coordination entre tous les ministères et enfin oui de porter la parole du gouvernement donc c’est un peu …

ARG : Ben y’a cette dimension de porte-parole, y’a cette dimension de fournir à l’ensemble des ministres qui sont eux aussi interrogés par la presse en permanence, je sais pas si vous avez regardé, quand on regarde les matinales, je regardais ce matin là, bah ce que nous envoie le SIG justement ce matin, les … y’a toute une série de ministres, pas tellement ce matin, y’a que Fleur Pellerin et Cazeneuve qui ont été interrogé, et on les interroge sur, enfin j’ai écouté Cazeneuve j’ai pas écouté Fleur Pellerin, mais on les interroge sur Cécile Duflot, sur euh …

MM : Ouai on les interroge pas que sur leur portefeuille.

ARG : Enfin systématiquement y’a quand même beaucoup de choses sur ... enfin y’a beaucoup de sujets et y’a des sujets qui montent un peu dans l’actualité euh tous les ministres sont concernés, y’a beaucoup de choses qui sont transversales, je sais pas hier par exemple le Premier Ministre a installé la Commission Nationale Consultative sur les Droits de l’Homme bon les sujets droits de l’homme c’est l’Intérieur, c’est a Justice, c’est les sujets droits des femmes mais y’en a beaucoup d’autres aussi qui sont concernés, aussi justement l’économie numérique puisque y’a tous ces problèmes justement de CNIL, de fichage, de protection de la vie privée de réputation numérique et ainsi de sujet de problèmes… donc on essaie de se dire voilà il faut que chacun sache que le Premier Ministre a fait un petit topo pour expliquer quelles étaient ses priorités en matière de droits de l’Homme, on se doute bien que les ministres ni leurs conseillers ne vont pas se taper les quatre pages du discours du premier ministre pas plus qu’ils ne sont allés l’écouter en live, pas plus qu’ils vont lire forcément tout ce qui en ressort dans la presse. Nous notre boulot c’est de leur faire un petit truc « voilà la CNCDH, voilà le profil de l’institution, elle a telle structure, la nouvelle présidente c’est Madame Machin qui vient de tel background et le Premier Ministre a fixé quatre orientations, trois nouvelles thématiques », de façon comme ça très technique, très succincte pour qu’on soit sur que tout le monde ait la même info et que les choses circulent bien. Donc on irrigue, à partir du prote-parolat, on irrigue un peu tous les, tous les ministères avec ça et puis on réalise aussi des des trucs, on fait des choses, je sais pas on avait un premier bilan au moment de, au dernier Conseil des Ministres avant la coupure de l’été, on avait fait un espèce de petit bilan de la première session parlementaire, de ce qui avait pu être fait pendant la première session parlementaire, on fera sans doute quelque chose comme ça à la fin de la prochaine session pour dire « voilà l’ensemble des réformes lancées, l’ensemble des textes… »

MM : D’accord ok. Et vous savez comment elle perçoit un peu sa tache, son travail ? Enfin est ce que ça peut être un peu un tremplin politique ou est ce que c’est vraiment quelque chose qu’elle considère comme vraiment très technique ?

ARG : Ben c’est pas un boulot facile parce que ça veut dire qu’en permanence elle est toujours interrogée sur tout et elle peut pas « voyez mon collègue un tel », on va lui dire « vous êtes porte parole du gouvernement … » quand elle a accepté ça, je pense, c’est un vrai sacerdoce parce que ça demande un boulot considérable pour pouvoir être au point sur l’ensemble des sujets traités par le gouvernement parce qu’on vous pose parfois des questions très très précises et parfois c’est c’est pas facile on … là elle présentera le projet de loi de finance pour le budget 2013, et c’est quelque chose, enfin, le projet de loi de finance ça veut dire beaucoup de boulot, beaucoup de calage avec l’ensemble des autres ministères pour être sur qu’on est bien au point sur tous les sujets un peu sensibles, qu’on dit bien tous la même chose, qu’on a bien compris les enjeux…

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MM : Surtout que c’est assez technique

ARG : C’est très technique et y’a des enjeux considérables , il faut être précis euh je pense elle « tremplin » oui je pense c’est une femme politique en vue, elle a aussi, bon elle est élue depuis très longtemps elle a aussi un mandat local, bon elle l’a plus maintenant mais, quoiqu’elle doit encore avoir un peu, conseiller au conseil général, mais elle est, elle est enfin de toute façon comme tous les, comme toutes les femmes politiques elle a tout intérêt à avoir… en plus c’est vrai qu’elle est assez à l’aise, elle avait déjà fait du porte-parolat pour la campagne de Ségolène Royal c’est un, voilà elle est à l’aise dans ce genre d’exercice donc voilà c’était pas illogique qu’on lui propose et en plus c’est qu’elle représente par son profil, elle représente bien ce qui a d’un peu nouveau dans ce Gouvernement qui est plus jeune qui est plus féminin, donc c’était, c’était

MM : D’accord

ARG : Donc c’est bien honnêtement, je sais pas si c’est euh c’est difficile de se rendre compte quand on regarde parce que y’a eu vraiment des profils très différents dans les précédents porte parole y’a des gens pour qui c’est vraiment l’essentiel de leur profil publique, ça tourne autour des fonctions de prote-parolat, là il se trouve qu’elle a aussi un porte feuille droits des femmes qui est assez visible parce que ‘ya pas eu de ministre des droits des femmes depuis très longtemps et euh bah la dernière c’était Yvette Roudy donc ça commence à remonter donc ça faisait un moment qu’on attendait que y’est un ministère de plein exercice et du coup c’est vrai qu’elle a aussi dans son positionnement et tout ça y’a un moment où elle accorde beaucoup d’importance à ces.. à ces… mais bon y’a un équilibre qui doit se faire, c’est pas toujours facile, ça dépend un peu des semaines et puis on essaie aussi d’expliquer un peu ce qu’on fait sur les dossiers droits des femmes et des sujets lourds, que ce soit des choses comme l’égalité professionnelle où là quand même des choses vraiment bien [inaudible] pour mettre les choses vraiment bien… enfin y’a l’égalité professionnelle, y’a la lutte contre les violences, y’a les questions maintenant de luttes contre les discriminations homophobes, y’a tout ce qui est lutte contre les stéréotypes de genre aussi qui est un gros morceau sur lequel on va beaucoup travailler, tout ce qui est autour de l’éduction sexiste de …

MM : Ouai elle en avait parlé à La Rochelle cette année aussi

ARG : Oui. Mais bon donc le porte-parolat se rajoute donc à tout ça parce que c’est vrai qu’en plus y’a le… y’a une… alors c’est intéressant parce que ça permet de, pour elle c’est intéressant parce que ça permet de se familiariser avec l’ensemble des sujets, donc forcément ça a un intérêt pour une femme politique de voir tout ça, c’est un peu comme le , enfin le baptême du feu c’est pas comme, enfin elle débarque pas de nulle part, elle est élue aussi depuis dix ans mais c’est vrai que c’est une occasion d’être présent dans beaucoup de choses.

MM : Et, du coup le porte-parole, enfin juste au niveau, d’autres institutions, et des partis, y’en a partout. Donc comment vous vous coordonnez par exemple avec David Assouline, avec Bruno Le Roux, avec François Rebsamen ?

ARG : Enfin on se coordonne pas vraiment parce que eux parlent vraiment de leur point de vue, enfin on voit ce qu’ils font, on voit que eux connaissent les positions du Gouvernement, nous on est chargés de les diffuser, y’a pas de , on se coordonne pas parce que souvent le, enfin je sais pas comment vous dire ça, le, une fois que la ligne a été décidée par exemple je sais pas sur le traité européen, la ratification du

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traité européen, les argumentaires qui existent sont diffusés, tout le monde les connait, tout le monde sait quels sont les trucs mais on n’a pas une prise de parole coordonnée avec un porte-parole ni du parti, ni du groupe socialiste à l’Assemblée… Il va de soi qu’on va retrouver souvent le même type de propos parce qu’effectivement tout le monde aura la même…

MM : C’est les mêmes éléments de langage

ARG : Ben disons que y’a un moment où on va pas inventer un nouveau truc quand on dit cohérence, soutien à la ligne, on fait des efforts pour replacer la croissance dans les politiques européennes donc c’est pas le moment de briser la dynamique en mettant en cause un texte qui en plus est déjà largement en vigueur donc ça a vraiment pas de sens … Donc c’est normal qu’on retrouve les mêmes mots, cohérence, soutien, enfin c’est pas …

MM : Mais ils ont pas une obligation, si ce n’est une obligation un peu morale ou politique on va dire, d’être en accord avec ce que la porte-parole du gouvernement dit ?

[inaudible des deux côtés]

ARG : Bah on tire tous dans le même sens mais on leur envoie pas, enfin on leur envoie pas nous ce qu’on produit c’est pour le Gouvernement euh ensuite ils en sont informés parce qu’ils ont, y’a des, enfin l’information circule quoi c’est la même m’enfin on se coordonne pas on sait pas avant le point presse de David Assouline, on sait pas ce qu’il va dire et il demande l’autorisation à personne hein c’est juste, effectivement c’est la même… c’est la même ligne parce que c’est le même parti voila mais y’a pas de … et on sait jamais, s’il peut y avoir des des, des fractions des choses comme ça, bon mais en pus on s’exprime mieux sur les politiques publiques donc on essaie au mieux de pas laisser la porte-parole être entrainée dans des considérations euh « est ce que Duflot et Canfin doivent quitter le Gouvernement ? » c’est pas son problème, elle parle pas euh elle s’exprime sur les politiques, ça c’est questions à poser au Premier Ministre sur le management de son équipe c’est pas à elle de commencer à dire voilà elle peut dire qu’elle est la parole, quelle est la parole du Gouvernement sur la ratification du TSCG, elle peut leur dire qu’est ce qu’on fait pour essayer de convaincre les réfractaires, comment on s’y prend pour essayer de bâtir, quels sont nos arguments pour essayer de convaincre l’ensemble de la majorité. Ensuite la partie qui est vraiment jeu politique et tout ça, à partir du moment où c’est pas une politique publique décidée par le Gouvernement, une réforme, bah c’est plus à elle de faire… c’est pas à elle d’aller vendre ça, c’est le Premier Ministre qui s’exprime sur la question ou c’est … après chacun en fonction de ses sensibilités d’élu, d’homme politique, de femme politique, mais euh elle a pas…

MM : Et, je sais pas si vous pouvez répondre, mais est ce que vous savez si elle éprouve beaucoup de difficultés à équilibrer sa parole entre ses convictions propres et, enfin un Ministre peut être en désaccord sur certains points avec la politique du Gouvernement, ou voilà avec typiquement le traité.

ARG : Pour l’instant j’ai pas d’exemples de choses où on se soit dit, alors …. Y’a des trucs, où alors elle a une vraie sensibilité féministe donc y’a des moments où, ici des trucs comme ça, des moments où, je sais pas l’autre jour y’a eu un point de presse y’a eu cinq hommes ministres qui se sont exprimés, elle a pas pu en placer une, alors ça a pas du lui faire super plaisir, c’est comme ça euh Je crois pas, du moins pour l’instant, que y’est eu un moment où on ait un problème dans notre positionnement, notamment sur les sujets de son double portefeuille, où là on se soit dit « ah zut c’est vraiment un sujet droits des femmes », ca a été relégué « on est contents dont le budget tourne, ca fonctionne bien pour nous, nos priorités sont

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comprises » parce que le, le Ministère du Droit des femmes, on n’a pas de services sur lesquels s’appuyer, notre idée c’est vraiment de faire du mainstreaming, l’idée c’est qu’on veut vraiment être transversales, c’est que le sujet droit des femmes soit pris en compte dans l’ensemble des activités, enfin des dimensions genre soient prises en compte dans l’ensemble des activités du gouvernement, donc que ça irrigue l’ensemble des politiques publiques et pour l’instant y’a pas eu de points sur lesquels on se soit dit vraiment… ça arrive, je sais pas comment vous dire, euh qu’est ce que je pourrais vous donner comme exemple, comme truc où euh ? Mais ça à la limite c’est pas en tant que porte parole c’est vraiment en tant que droit des femmes, on aurait bien aimé par exemple que la France propose un candidat à la BCE, enfin propose une candidate, parce que maintenant le directoire de la BCE est exclusivement masculin. On le tolère pas dans les entreprises publiques, on le tolère pas on est entrain d’essayer d’imposer des règles pour que ce soit impossible dans le directoire des grandes entreprises, je vois pas pourquoi on le tolèrerait… et si personne ne présente de candidature féminine et bah on se retrouve avec un truc 100% masculin, ce qui est juste anachronique quoi. D’autant plus qu’il y avait d’excellentes candidatures féminines. C’est toujours râlant quand après on a des ricanements à Bercy qui nous disent… qui… qui voient même pas où est le problème. Ca leur parait absolument normal que y’est que des hommes donc euh.

MM : En plus vous avez Rachida Dati qui vous supporte depuis l’Union Européenne… enfin elle avait envoyé un email …f

ARG : Ouai ceci étant ça fait bien trop longtemps que ça dure cette affaire et c’est surtout une député du groupe libéral ADLE, qui s’appelle Sylvie Boulard, qui porte le combat, qui elle, se démène, s’agite, et Rachida Dati s’est un peu raccroché sur le truc à la dernière seconde alors que Sylvie Boulard a fait le vrai boulot c’est-à-dire chercher où pourrait être les candidates et aller frapper à toutes les portes et aller voir tout le monde et on a essayé de l’aider mais y’a un moment, y’a des réflexes parfois… Enfin c’est même pas forcément, mais c’est parfois les gens voient pas pourquoi il faudrait changer le cours normal des choses pour rectifier cet état…. Mais bon ca c’est vraiment sur une dimension droits des femmes, sur une dimension porte-parolat, je crois pas qu’elle ait jamais eu de moments où elle se sentirait en porta faux ou euh ce qui est sur c’est qu’il lui arrive d’être coincée parce qu’on lui pose une question extrêmement précise et c’est pas toujours voilà. Encore la semaine dernière on a été interrogé par une dame qui était déléguée syndicale SNCF sur l’externalisation des systèmes informatiques de la SNCF… Bon on se renseigne, on lui répond après, mais y’a des moments où on est juste … on peut pas… elle est juste pas au courant de tout quoi. C’est c’est énorme. Mais bon, là on remonte vers le ministère concerné, on travaille quand même beaucoup avec l’ensemble des ministères pour obtenir… Mon boulot et celui de mon collègue, c’est quand même, c’est beaucoup de, on est en contact permanent avec l’ensemble des cabinets pour leur demander sujet par sujet qu’est ce qu’il faut… là qu’est ce qu’il y a d’important ? qu’est ce qu’il faut retenir ? qu’est ce qu’il faut mettre en valeur ? Qu’est ce que… enfin c’est vraiment un travail de de de coordination enfin

MM : Ok et une dimension plus historique donc par exemple sous Charles de Gaulle y’avait absolument pas de porte-parole du Gouvernement, c’est arrivé en 1969 et depuis y’en a eu beaucoup, mais y’a quand même eu des périodes de vide, y’en a qui sont restés tout un quinquennat, enfin un septennat à l’époque, Jean-Philippe Lecat était resté très longtemps, et par exemple Nicolas Sarkozy en a nommé pratiquement cinq en cinq ans. Je voudrais avoir votre avis, comment vous pourriez expliquer ça ?

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ARG : Ben sous le précédent quinquennat y’a eu beaucoup de ministres, enfin y’a eu aussi cinq ministres des affaires européennes en cinq ans, y’a eu quatre ministères des affaires étrangères.. quatre ? trois ? donc y’a un turnover…. Bon c’est aussi leur façon de faire, y’avait un turnover. Pendant un moment c’était aussi la fonction qui permettait de, j’ai l’impression que c’était un peu, aussi, , ça c’est vraiment mon impression personnelles, que c’est aussi comme c’est une fonction difficile, que c’est un peu le baptême du feu, comme on est en permanence très très exposés à la presse ainsi de suite, j’ai l’impression que c’est aussi une façon de faire émerger les talents, enfin quand les gens s’en sortent quoi, on les jette dans le grand bain et on voit comment ils nagent donc c’est aussi parce que… je sais pas dans le précédent quinquennat y’a eu Chatel, y’a eu Wauquiez, enfin des gens comme ça,

MM : Christine Albanel aussi

ARG : Ah oui Christine Albanel ?

MM : Elle est restée deux mois, puis justement elle s’est fait remplacée par Wauquiez justement parce qu’elle, parce qu’elle s’est mal débrouillée dans le grand bain comme vous dites

ARG : Ben, tout dépend aussi de la façon dont le Président veut faire aussi sa communication et c’est vrai que chaque Président a une configuration un peu différente. Sarkozy voulait enfin avait une présence dans la presse qui est sans commune mesure avec ce que fait Hollande en termes de présence au quotidien donc ça laisse plus d’espace à un porte-parole. Ca dépend aussi au niveau du Premier Ministre la façon dont il veut lancer les choses, je crois que y’a pas vraiment de, voilà y’a pas de figure type. Au départ voilà c’est vraiment une fonction qui est vraiment très très variable selon, de l’un à l’autre, ça dépend aussi de savoir qui dirige le Service d’Information du Gouvernement : est ce que c’est dirigé par un politique ou est ce que c’est vraiment quelqu’un qui est vraiment un technicien…

MM : Ah je ne savais pas que le président du SIG avait son mot à dire.

ARG : Non il a pas son mot à dire mais je veux dire quand y’a des présidents de SIG très très politiques c’est beaucoup leurs services qui vont faire des argumentaires, des choses comme ça. Il peut y avoir une utilisation plus ou moins politique du SIG. En ce moment là on est revenus à une .. c’était le cas à un moment quand c’était, comment il s’appelait ? Le publicitaire…

MM : Saussez

ARG : Exactement. Quand c’était Thierry Saussez, il avait une fonction moi j’étais dans l’administration, je voyais passer des publications du SIG qui étaient très très politiques. Après son départ c’est revenu à une pratique plus administrative, où y’a vraiment une fonction d’appui à l’ensemble des services de presse, de stratégies

MM : De la communication publique

ARG : De communication publique. Donc après c’est vraiment très variable parce qie bon, celui qui a remplacé avait une façon de faire très différente et puis là le nouveau patron du SIG on va voir comment ça se passe m’enfin je pense que l’idée c’est vraiment d’utiliser ça vraiment comme un service d’appui technique et tout ce qui est… parce que y’a quand même une grosse dimension économie et finances publiques puisque c’est par le SIG, enfin les marchés partagés par l’ensemble des ministères c’est eux qui lancent les grands marchés, l’achat d’espace, des choses comme ça qui sont quand même pas

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négligeables et qui vont être, permettent aux petits ministères en plus d’avoir des tarifs qui vont être supportables pour faire des opérations de communication qui seraient pas faisables s’il fallait acheter au cas par cas à des tarifs hallucinants. Mais bon… c’est difficile de trouver, ça doit être intéressant de travailler sur le sujet, là où je pense pas que la Ministre on lui ait dit, là « vous êtes parties pour cinq ans » ou pas plus qu’on lui ait dit « tu fais simplement un an et après on arrête », je crois que c’est vraiment quelque chose qui se décide au fur et à mesure en fonction de … en fonction des pratiques. Je crois que ça dépendra aussi de la pratique de Jean-Marc Ayrault s’l pense qu’il faut avoir la stabilité ministérielle quitte à … à faire bouger les services, les attributions au fur et à mesure des nouveaux dossiers qui émergent ou s’il voudra faire tourner les gens… ca dépend aussi du résultat des élections municipales, il peut y avoir des configurations politiques qui obligent à faire des ouvertures comme ça. Je crois pas que pour l’instant on lui a dit « allez hop voilà ta feuille de route un an » mais elle a pas de …

MM : La nomination est assez politique au final, on l’a mise ici parce qu’on pense qu’elle a des possibilités d’avancer encore plus, on la jette dans le grand bain, et au final le rôle, enfin ses fonctions sont beaucoup moins politiques et c’est en plus voilà vraiment de la communication

ARG : Oui et non parce que justement y’a cet exercice qui est vraiment assez contraint du compte-rendu du point de presse, y’a ce qu’elle peut faire elle comme communication publique sur le terrain directement puis on, y’a des choses qu’on a pas encore forcément mises en place. Y’a la partie forcément, communication institutionnelle, mais néanmoins c’est quand même elle qui, elle est très, si vous regardez un peu le nombre d’interventions qu’elle fait, allez 80%, ses points de presse, les questions qui lui sont posées, c’est sur la dimension porte-parolat et pas sur le portefeuille, enfin sauf quand elle est interrogée par la presse spécialisée, la presse étrangère qui s’intéresse spécifiquement aux questions du droits des femmes, aux dossiers du droit des femmes, elle est quand même très interrogée et elle est beaucoup envoyée pour faire des émissions comme, vous voyez, Mots Croisés, des choses comme ça, où elle parle … elle parle au nom du Gouvernement.

MM : Du coup sa fonction de porte-parole elle aurait éventuellement tendance à cacher son portefeuille ministériel qui est quand même, enfin sa fonction première c’est quand même d’être ministre du droit des femmes ?

ARG : Voilà c’est un des enjeux, un des trucs, c’est ce que je vous disais à maintenir l’équilibre pour qu’elle soit clairement identifiée comme porte-parole du Gouvernement et qu’elle ait, quand on l’entende on se dise c’est une parole gouvernementale et pas uniquement l’avis personnel d’une femme politique, l’avis… et en même temps que le sujet droits des femmes effectivement disparaisse pas… nan y’a un équilibre à trouver, c’est pas toujours facile parce que, parfois elle est interrogée par des journalistes politiques qui ont pas forcément suivi le sujet droit des femmes, donc on est toujours obligés de revenir... On l’a bien vu d’ailleurs avec ces histoires, tous ces piaillements sur la prostitution, où NVB veut abolir la prostitution : c’est la position de la France depuis une dizaine d’années, y’a absolument rien de neuf, elle fait que répéter un truc qui a été voté en plus à l’unanimité par tous les partis. Donc on a été un peu surpris de voir tout ce foin parce que les gens n’avaient pas le souvenir, parce que ça a toujours été un sujet, mais ça a toujours été la position de la France depuis un certain temps donc c’était curieux de voir ça… enfin bon c’était plus par… ignorance et parce que c’est un bon sujet, parce que tout de suite ça fait réagir les gens, tout le monde a un avis…

MM : Oui, comme tous les sujets de société qui..

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ARG : Voilà, tout le monde a forcément une opinion.

MM : Qui clivent un peu.

ARG : Mais euh non effectivement c’est un des trucs difficiles à faire pour elle, c’est de garder… de changer un peu tous les jours de casquettes. Le dernier exercice décentralisé de porte-parolat qu’on a fait à Cahors elle a eu beaucoup de questions droit des femmes et c’était intéressant parce que quand les gens ont été invités, ils savaient que c’était en tant que porte-parole, et finalement on s’est aperçu que c’était des sujets qui touchaient beaucoup … y’avait beaucoup de questions notamment sur le temps partiel subi, qui est un problème qui touche à peu près 90% des femmes, elle a eu questions sur les difficultés de recrutement des entreprises de la région qui sont un peu dans l’aéronautique qui disent « ah bah on nous impose le recrutement paritaire mais on trouve pas de candidatures féminines », donc voilà elle avait des questions qui articulaient assez bien les deux dimensions. « Nous voila le gouvernement nous demande tel effort en matière de … mais voilà sur le terrain on a du mal à mettre ça en pratique », ou « voilà ce qu’on arrive pas à accepter ». C’était intéressant… c’est toujours intéressant, on choisit toujours des gens qui sont des gens qui sont dans la chambre de commerce, qui sont les représentants des institutions, les représentants syndicaux, les associations patronales, et tout ça c’est des gens qui ont vraiment les mains dans le cambouis, qui sont toujours …

MM : Oui qui pour le coup sont vraiment un relais…

ARG : Oui oui, c’est toujours intéressant d’entendre de leur part ce qui passe, ce qui passe pas…

MM : Oui oui. D’accord, bah écoutez, merci beaucoup !

(…)

ARG : Ce qui peut être intéressant c’est d’aller voir les ministères, parce que y’a quelques ministères qui ont fait le choix d’avoir un porte-parole, à la Justice, aux Affaires Etrangères, et là c’est toujours intéressant de voir comment on articule la prise de parole ministère et la prise de parole Ministre parce que y’a toujours… a partir de quel moment est ce qu’il faut que ce soit porté par le Ministre ?

MM : Est-ce que le porte-parole de ministère est pas sur des sujets un peu plus techniques, qui intéresse des publics plus spécialisés ?

ARG : Oui, mais pas seulement parce qu’au quotidien c’est vrai que la parole du ministre elle doit être plus rare et puis ça doit être le ministre, au-delà du cercle aussi de son portefeuille, mais c’est toujours informant.. Pour avoir été adjointe du porte-parole du Quai d’Orsay pendant un moment, y’a ça aussi, c’est pas toujours forcément facile de voir les moments où…. [cafouillages] où il faut incarner un peu le truc, on le voit bien sur les moments là sur les questions de sécurité des français à l’étranger, c’est bien venu quand le ministère dit « voilà on vous déconseille de faire ceci, on vous déconseille de faire cela », quand y’a une catastrophe avec des français touchés c’est généralement le Ministre, ou là en ce moment le Ministre chargé des français à l’étranger, qui prend le relai en disant, quand y’a une partie un peu plus humaine, en disant « voilà ce qu’on a fait pour les familles des victimes », les gens ont besoin de voir que c’est quelqu’un qui est derrière tout ça, même si c’est une situation de crise, dans une ambassade ou un consulat

Entretien avec Farah Benouis, journaliste politique à Itélé

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Farah Benouis : Il est secrétaire général…

MM : Mais il a le rôle de…

Farah Benouis : Il a pas vraiment le rôle de porte-parole, ça faudrait vraiment voir ça avec Guillaume parce qu’à ma connaissance y’a pas de porte-parole de l’UMP puisque que Copé avait refusé d’en faire, y’en avait avant.

MM : Oui, y’avait Paillé, Lefèbvre…

Farah Benouis : Oui exactement y’avait Dominique Paillé et Frédéric Lefèbvre du temps de XB et en fait quand copé est arrivé il a supprimé la fonction de porte parole je pense que y’avait des choses… déjà il ne voulait pas garder Paillé parce qu’entre eux ça se passait pas très bien et il a supprimé la fonction de porte-parole donc c’est lui qui est sur le point presse, c’est Jean-François Copé en tant que secrétaire général. Y’a également … parfois il fait également des points presse par exemple aujourd’hui avec Marc-Philippe Daubresse … euh… Il peut le faire aussi avec des secrétaires généraux adjoints, des secrétaires nationaux, ça dépend ce qui veut mettre en avant euh en fonction de…

MM : D’accord, mais Daubresse et Novelli, ils sont pas porte-parole non plus ?

Farah Benouis : Alors non, ils sont pas porte-parole euh ils sont, faudrait vérifier le titre, mais il me semble secrétaires généraux adjoints, enfin ils ont le titre en tout cas à côté de Copé. Au début quand Copé est arrivé, ils faisaient les points presse à trois, c'est-à-dire que Copé était là, Marc-Philippe Daubresse et Hervé Novelli étaient là, c’est Copé qui parlait beaucoup, qui introduisait les questions, qui répondait, et il passait la parole, à l’un ou à l’autre. Mais honnêtement, les deux faisaient un peu fonction de …

MM : Ben le Petit Journal a …

Farah Benouis : Et c’est le Petit Journal qui a capté ça, et donc Copé a mis fin à…

MM : Oui voilà, ils avaient arrêté juste à cause de ce que le Petit Journal avait dit

Farah Benouis : Oui et puis je pense aussi, bon ça c’est en off, que ça arrangeait Copé d’être seul à porter la parole…

MM : D’accord…

Farah Benouis : Et il fait venir les gens, par exemple Marc-Philippe Daubresse aujourd’hui pour faire un point aussi de temps en temps il amène quelqu’un avec lui pour faire un point, mais ça, ça dépend vraiment des semaines, des sujets d’actualité, ça dépend … de beaucoup de choses. Il faisait ça déjà quand il était président du groupe des députés, à l’Assemblée, il faisait un point presse entouré de ses deux adjoints, et quand un député avait une mission, il faisait venir le député en question au point presse.

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MM : Ah d’accord, ok.

Farah Benouis : Donc voilà, Copé fonctionne plutôt comme ça, c’est lui qui assure mais de temps en temps il amène des gens qui travaillent sur une mission, qui…

MM : Mais c’est toujours sa décision

Farah Benouis : Voilà

MM : Ca varie de .. de son humeur

Farah Benouis : Voilà, oui. Enfin de son humeur [rires], de l’actualité, de…

MM : Oui [rires]

Farah Benouis : Des missions que les gens, qu’il a confié aux gens…

MM : Oui d’accord. Et sinon vous venez toutes les semaines aux points presse ?

Farah Benouis : Moi j’essaie de venir le plus souvent possible, pas toutes les semaines mais euh j’essaie de le faire le plus souvent…

MM : Ca dépend de l’actualité…

Farah Benouis : Ca dépend plutôt de mon agenda, parce que moi comme je travaille à Itélé et que c’est une chaine d’information en continu parfois on a des choses qui se passent le matin donc je suis obligée d’y être, mais là j’essaie de venir un maximum.

MM : Ok, et quand vous venez, vous venez chercher des petites phrases, ou de … ?

Farah Benouis : Oui, moi je viens surtout chercher, déjà écouter Copé, voir quels sont les éléments de langage, parce que Copé délivre aussi des éléments de langage.

MM : Oui, bah là, la France inquiète, enfin l’inquiétude pour la France

Farah Benouis : Oui, la France inquiète, il diffuse le tract, la semaine dernière y’a eu une expression qui a été beaucoup reprise qui était « Fillon est le candidat des barons, moi le candidat des militants », et la première fois, il l’a dit ici. Donc déjà ça nous permet de savoir quels vont être les éléments de langage, et puis ce qui est intéressant c’est après de parler avec les conseillers, les conseillers de presse, tout ça …

MM : Oui tout ce qui se passe après

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Farah Benouis : Oui, puisque vous voyez là, le point presse a été très court, extrêmement court, alors d’habitude c’est un peu plus long, y’a parfois des points presse qui sont pas très … très longs. Ce qui est interessant c’est de parler après avec …

MM : Oui, et d’ailleurs vous pensez quoi de l’organisation ? C’est assez informel au final

Farah Benouis : Oui, c’est assez…

MM : Y’a pas un temps particulier pour les questions…

Farah Benouis : Là c’est parce que y’avait pas de questions, bizarrement, donc … je pense que les gens voulaient aussi, vous voyez d’ailleurs là, les gens sont tous autour du directeur de cabinet, donc je pense que c’est plutôt ça qu’attendent les gens. C’est vrai que Copé délivre aussi une parole officielle donc quand on est journaliste on vient aussi chercher les coulisses et les dessous de ce qui s’est passé…

MM : D’accord, parce qu’il pourrait y avoir un côté un peu « plat » entre guillemets de… enfin un vrai porte-parole vient pour juste délivrer, voilà, la position du parti, et donc il pourrait y avoir un côté plat non ?

Farah Benouis : Un côté plat, vous pensez euh quand c’est Copé qui le fait ou …

MM : Copé, ou Daubresse… Parce que là c’est particulier y’a les élections et tout mais

Farah Benouis : Disons que c’est le côté … Déjà on est dans un contexte d’opposition donc ils n’ont pas vraiment la main sur les affaires de l’Etat donc ils ne peuvent que dire bah voilà « non on dénonce, nous on est euh on est pas d’accord » …Sur ce qui se passe, c’est pas Copé qui officiellement va dire quelque chose donc là ce qu’attendent les journalistes c’est vraiment les off, après le point presse. Après ils ont la parole officielle de Copé, ok très bien, on note, ça fait une dépêche AFP, ça fait des articles d’accord, mais les gens viennent surtout chercher ce qu’il y a derrière…

MM : D’accord, et vous dites que ce n’est pas vraiment Copé qui décide ?

Farah Benouis : Non, je dis l’opposition. Etant donné qu’ils sont dans un statut d’opposition, ils n’ont pas vraiment prise sur les affaires de l’Etat. Donc c’est vrai que les points presse des partis d’opposition, à un moment où y’a pas d’élections qui arrivent, ça a moins d’intérêt pour les journalistes, c’est pour ça que y’a pas beaucoup de monde aujourd’hui.

MM : Ok, bon…

Farah Benouis : Sachant que Copé pour l’instant, il est chef du parti d’opposition, mais comme y’a des élections, peut-être que dans deux mois ce sera plus lui donc euh je veux dire une fois que le président de l’UMP sera installé, là ce sera intéressant d’avoir le point de vue du président de l’UMP, du chef de l’opposition donc puisque ce sera ça par définition le chef de l’opposition. Pour l’instant on est dans une situation qui est un peu …

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MM : Qui est un peu floue

Farah Benouis : Qui est un peu floue…

MM : Et il en profite un peu

Farah Benouis : Oui oui, il en profite beaucoup. Là bon il réagit sur Harlem Désir pusique ce sera peut être les deux qui vont s’opposer, même si Copé se place plus dans une opposition à Jean-Marc Ayrault ou à François Hollande, donc à un niveau dessus

MM : Bah en plus c’est quand même des positions qu’il cherche à un moment…

Farah Benouis : Voilà, c’est des positions qu’il cherche donc… François Fillon le fait aussi, il s’oppose à Jean-Marc Ayrault et à François Hollande. Mais là on est dans uen période un peu … un peu …

MM : Particulière ?

Farah Benouis : Particulière parce que les élections sont dans deux mois, parce que là y’a eu un bureau politique, ce que racontait Copé, c’est-à-dire que toute l’UMP était réunie et c’est là que c’est intéressant, vous avez les copéistes qui sont réunis face aux fillonistes, face aux autres candidats donc voilà c’est là que… c’est pour ça que c’est intéressant.

MM : Bah écoutez je vous remercie

Farah Benouis : Je vous en prie, j’espère que c’était assez …

MM : Oui oui c’est super

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Entretien avec Benoit Hamon, porte parole du Parti Socialiste (18 novembre 2011)

BH : et donc le mémoire c’est sur quoi ?

MM : les points presse, le porte parolat…

BH : et vous y avez tous assisté ?

AP : Ouai ouai les deux dernières fois, on a tout scruté

GM : comment vous en êtes venu à devenir porte parole du PS et à animer les points presse ?

BH : Congrès. C’est une décision… Congrès ca veut dire c’est politique c’est en fonction..c’est un peu… comment dire ca ? la fonction de porte parole c’est pas… elle est pas…c’est pas un métier, une profession. C’est une fonction politique désormais au PS, c’est que c’est une fonction qui revient à une personnalité politique qui par son poids, notamment à l’issue du dernier congrès, justifie qu’elle puisse prétendre à un poste de premier plan. Même s’il est clair que depuis trois ans j’en ai un peu modifié le profil de ce poste puisque jusqu’ici le porte parolat était quand même …très proche du 1 er secrétariat au sens ou c’était presque le représentant du 1er secrétaire qui était porte parole là où.. pour ce qui me concerne, ca va peut être à nouveau changé, cette fonction je l’ai obtenue en raison du fait que j’ai été candidat au poste de Premier Secrétaire, et que j’ai appelé à voter Martine Aubry, et qu’en conséquence de quoi il était assez logique que comme sa victoire elle la devait au fait que j’avais appelé à voter pour elle, il me revienne un poste important. Donc je l’ai exercé avec beaucoup plus d’autonomie, beaucoup plus d’indépendance et beaucoup plus de liberté que n’importe quel porte parole, voila, ce qui a provoqué quelques… euh…clash quoi, on va dire ça comme ça, avec Martine Aubry

MM : et avant y’a eu Hollande et Dray qui étaient..…

BH : Hollande, Dray, Peillon euh.. y’a même eu avant Queyranne

MM : ouai, et ils étaient moins médiatisés…

BH : Hollande bah..si on a toujours entendu..en tout cas on l’a découvert quand il était porte parole…

MM : ouai mais Dray… vite fait

BH : Dray…c’était plus… nan mais là c’est parce que, je vous dis, parce que y’a des moments face à des situations ou des questions, j’ai donné une position qui était la mienne, pourquoi ? parce qu’il n’y avait pas de position du parti socialiste et que cette position n’a pas fait l’unanimité dans mon propre parti.. que ce porte parolat est devenu 1) l’objet d’une critique forte à l’intérieur du PS, 2) l’objet d’un émoi de la part d’un certain nombre de commentateurs avisés de la vie politique qui trouvent pas bien ce que je dis etc mais ça jmen fous moi, ce que je vous dis… depuis le départ je voulais faire du porte parolat pas simplement…euh…une sorte caisse de résonnance des bureaux nationaux du parti socialiste..c’est aussi ça, ce que j’essaie de faire à peu près correctement, mais aussi une caisse de résonnance des débats qui existent au sein de la gauche et dans la population...y’a des sujets dont je considérais que, si je devais prendre que le fil des décisions du bureau national ils seraient jamais abordés : la question des

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licenciements, notamment la question de la lutte contre les licenciements boursiers que…qui était un des premiers sujets de friction avec Martine Aubry..d’autres questions comme les retraites, quand j’ai pris position et rappelé, là cette fois là, la position officielle du PS vis-à-vis de laquelle je jugeais que les dirigeants et élus prenaient des libertés, qui a provoqué aussi des crispations, voila j’en fais un… comment dire ? Une sorte de…promontoire politique et euh …

AP : et à quels commentateurs ça a pas plus ?

BH : Boah c’est toujours les mêmes qui se trouve qui m’aiment pas et m’aimaient pas avant et qui aiment encore moins l’idée que je je profite de la lumière donc euh..c’est toujours les mêmes, vous prenez les mecs qui sont là depuis trente ans dans le paysage et euh et que.. si vous creusez vous trouverez facilement mais euh..je pense que Duhamel ou Colombani sont pas très fans..

AP : D’accord..

BH : voilà..Par exemple.

MM : Et stratégiquement c’est bien ou pas de..

BH : c'est-à-dire ?

MM : pour la carrière politique..

BH : ben ça te donne de la notoriété… Popularité moins parce que comme on est dans un exercice très clivant de plaire au général qu’à une fraction de son propre camps, même pas tout son camps euh.. parce que comme on est en 1ère ligne y’a toujours des gens de votre propre camps qui trouvent que vous avez mal défendu les idées qui sont les leurs, que vous êtes trop ceci, pas assez cela, et puis vous êtes..en règle générale..puisqu’on vous assigne le rôle de … quand même de…puncher de première ligne quand même..On est rarement apprécié du camp d’en face. Quand vous regardez la structure de popularité des hommes politiques, quand vous êtes haut c’est que vous avez des gens beaucoup du camps d’en face qui vous aiment bien ou.. pour deux raisons en général, ou parce que vos positions sont .. très centristes, ou parce que vous êtes quasi retiré de la vie politique et donc à partir du moment où vous faites plus de mal à personne, tout le monde vous aime quoi.

AP : et du coup c’est important de plaire commentateurs politiques ?

BH : non. ben moi j’ai..

AP : ca peut être gênant ?

BH : Ben, ça peut être gênant.. oui et non ca dépend de l’importance qu’on y accorde, moi je m’en fous totalement et ça m’a pas empêché de rester porte parole, alors y’en a encore qui espéraient que je me … mais.. Je me fous totalement, mais totalement de ne pas plaire à Jean-Marie Colombani. C’est d’ailleurs ça qui ..les rend si hargneux… Mais totalement. Je trouve même que c’est un bon indicateur du fait que je fais bien mon boulot. Si ces gens là m’aimaient ça voudrait dire que je ne dis plus rien, que je suis dans le murmure et…

AP : mais y’a bien des gens qui vous aiment un peu quand même ..

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BH : Oui mais c’est pas le sujet… euh.. la fonction de porte parole c’est vite une fonction du sérail, c'est-à-dire que vous allez faire des diners, des déjeuners.. moi j’en fais aucun de la sorte, j’ai des gens que j’aime bien parmi les journalistes qui me suivent hein plus que d’autres parce que, ça c’est la… c’est normal quoi, comme dans une classe ou une école ou j’en sais rien, on a des affinités…mais après il est pas question que je fasse de cette place euh un énième relais supplémentaire du murmure, de la pensée dominante, de toutes ces conneries qu’on raconte « y’a qu’une seule politique possible, faut faire de l’austérité parce que y’a pas le choix », « être crédible c’est d’abord se préoccuper de la vie des marchés », toutes ces… conneries voilà, moi je ne fais pas ça et je ne le ferai pas et euh que ça plaise ou que ça ne plaise pas, et que ça s’arrêtera peut être quand je serai plus porte parole mais je pense que ça sera un recul pour le PS que le porte parole, ou la porte parole, ne..ne soit pas …n’ait pas ce souci…hem…d’essayer de…à mon avis c’est sa fonction et sa vocation de..bah de tordre le cou aux idées reçues, et dieu sait qu’elles ont la…

AP : et est ce que vous pensez que quand vous serez plus porte parole on fera pas..enfin que le prochain fera pas comme vous ?

BH : je pense que y’aura une tentation à ce qu’on appelle la..bah la normalisation de la fonction. Forte.

AP : et y’a personne qui pourrait ?...

BH : Ah si !y’en a qui pourrait, j’ai pas dit que la fonction, que le poste soit attribué… ah si évidemment y’en a plein d’autres qui pourraient faire aussi bien, même mieux sans doute, mais après comme le choix procède d’une décision du ou de la première secrétaire, une fois que la personne est nommée c’est compliqué de s’en débarrasser.. Je pense que le jour où y’aura une succession, le choix politique qui sera fait sera un choix plus…euh… plus conforme à ce qu’était la réalité qui me précédait…Je crois. C'est-à-dire, on va .. choisir quelqu’un de plus…je sais pas, je dis ça j’en sais rien… qui sera plus..je pense que ce sera ça.

GM : Vous avez dit que y’avait des gens que vous aimez bien parmi les journalistes qui vous suivaient, est ce que y’en a certains qui vous suivent depuis longtemps ?

BH : Ouai y’en a qui me connaissent depuis longtemps, et puis y’a ceux qui m’ont suivi pendant le congrès, accompagné depuis la..le.. qui m’ont…depuis le début du porte parolat, et avec j’ai des relations plus .. assez anciennes, alors ce qui veut pas dire qu’elles sont bonnes parce qu’elles sont anciennes, avec certains elles sont bonnes.. et donc du coup c’est plus facile pour moi de leur..je sais à qui je peux faire totalement confiance, qui euh qui… « je sais », nan …je…pfff…je sais un peu mieux qu’avant à qui …qui dire quoi , mais ce qui veut pas dire que je me plante pas, ça m’arrive encore de me planter, même si j’ai maintenant un peu d’expérience..

GM : et, est ce que vous avez, je sais pas, des exemples de journalistes qui vous suivent par exemple depuis le congrès de Reims

BH : ah bah ça des exemples de ceux qui me suivent bah y’en a plein y’en a un paquet, mais après je vais pas vous dire qui j’aime bien qui j’aime pas..

GM : Ouai…

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BH : mais des journalistes, wouah y’en a un gros paquet euh… Parfois ils ont changé de média, mais euh Revault D’allones du Monde, qui était avant à Libé puis à Europe 1, il est là depuis le début, Laure Breton qui était à Reuters maintenant à Libé, elle est là depuis le début, Stéphane Alliès qui était à Mediapart, toujours à Mediapart, il est là depuis le début…euh..je parle depuis Reims hein.. Ludovic Faux qui était à Europe 1 puis à France Inter il est là depuis pas mal de temps…sur RTL ça a un peu changé, y’a l’équipe d’Europe qui a bougé, y’a Antonin André qui maintenant est à France Télévision… Bon voila c’est des gens que je ..avec lesquels je suis familier dans le travail, puisque c’est un travail ils font leur boulot, moi mon job c’est de leur faciliter aussi le job, autant que je peux, autant que je veux, mais…on est obligés de travailler ensemble, ils ont besoin de moi, j’ai besoin d’eux, on a un rendez vous hebdomadaire dont ils veulent essayer de tirer des infos, en on ou en off, dans le spectaculaire ou dans la confidence, puis moi j’ai besoin que mes, nos idées passent, donc j’ai besoin d’eux.

AP : parce que justement, je sais pas si antonin vous a parlé, parce qu’on l’ avait un peu rencontré après un point presse, et on entendait ??? qui..

BH : qui râlait ?

AP : hein ?

BH : Il râlait ?

AP : Non, bien au contraire… sur le mode de la rigolade, il se vantait auprès de ses collègues d’avoir eu la chance d’avoir eu trente minutes de off avec vous avant le point presse, donc ça vous choisissez qui…

BH : je fais jamais de off avant le point presse, donc à mon avis il a fanfaronné, déjà..

AP : après, il nous a dit

BH : je fais du off après le point presse. Il m’arrive de voir des journalistes…euh… mais antonin…en déjeuner etc…alors sauf, peut être que j’étais passé sur France télévision qu’on s’était vus après sur France télé mais je fais jamais de off par définition avant un point presse parce que sinon les journalistes restent pas au point presse, donc juste avant, le jour même, je fais pas. Je fais rarement même des images avant parce que j’aime pas l’idée que les médias parce que soi disant ils ont des impératifs horaires, notamment pour les JT de 13h, ils demandent des images avant..parfois je le fais pas, mais rarement et euh.. et surtout pas de off avant, sinon c’est pour ça que la plupart des journalistes viennent donc…

MM : y’en a qui essaient avant de savoir ce que tu vas dire pendant le point presse ?

BH : Non, ceux qui veulent ils viennent pour du off mais moi je fais du off pour les journalistes qiu sont venus au point presse et qui parlent..je veux dire je suis pas la pour leur servir la soupe non plus…

MM : donc ils viennent pas forcement que pour écouter la voix du parti mais…

BH : Ouai bah ils viennent pour les deux quoi.

MM : Ouai…

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BH : pour le on et le off quoi. Ils veulent le on parce que c’est… et puis le off c’est… le off.. le off il est fait pour être cassé donc …euh… vous savez que quand vous faites du off…euh à un moment ou un autre ca sera mis dans votre bouche un bouquin etc…donc y’a..et puis après ya ce qu’on appelle le triple off, c’est soi disant ce qui se dit pas, mais bon tout ça c’est bidon…dès que vous parlez à un journalistes, d’une manière ou d’une autre, même si vous savez qu’ils..certains en feront bon usage ou un usage intelligent, d’autres faut être plus prudent, vous savez que ce que vous avez dit, même si c’est off, va être restitué, peut être pas dans votre bouche, parce que y’aura marqué « un dirigeant socialiste », etc, mais vous savez que ça sortira…

MM : c’est sous embargo quoi

BH : Oui, mais on sait que ça sortira…

MM : et quand tu fais du off, c’est que avec les journalistes que t’aimes bien, ou ca peut être plus stratégique ?

BH : Non, rho y’a des jours.. des gens.. qui .. qui me gavent donc j’ai pas envie de les voir, mais bon c’est pour ça que je fais des groupes, enfin tu vois, y’a aussi des gens qui me gavent..

GM : ceux que t’aiment bien, est ce que tu leur dis des choses un peu plus confidentielles, ou est ce que tu leur dis…?

BH : je répondrai pas à cette question…

GM : [rires]Mais euh..est ce que les gens que t’aiment bien c’est le genre de personnes à qui tu pourrais dire un truc sachant qu’ils vont pas le casser tout de suite ?

BH : c’est la même question à laquelle je répondrai pas…Nan…je répondrai pas … je.. je crois que je ne privilégie personne. En terme d’info. C’est pas parce que j’aime pas quelqu’un que je lui donnerai pas d’infos. Ou « j’aime pas ».. comment dire ? c’est pas parce que j’aime pas quelqu’un qui à mes yeux fait pas correctement son travail, que je lui donnerai pas d’infos quand il est là, quand on fait du off collectivement, ou en gros du debrieffing en gros qu’ils veulent comprendre qu’est ce qu’il s’est … « mais derrière cette décision, l’affaire du MOX, il s’est passé quoi exactement ? explique nous, donne nous des clefs pour qu’on comprenne»..y’a ceux qui veulent vraiment comprendre pour remettre ..euh pour ensuite donner la bonne interprétation, la bonne lecture d’une info en disant « en fait voila ce qu’il s’est passé », qui éclaire le citoyen, le lecteur sur ce qu’il s’est passé, et puis ceux qui de toute façon ne sont intéressés que par la…la scénarisation du conflit, par le fait de choper du dénigrement, et qui ne .. et des , des journalistes qui sont « maitre estambouille » quoi et qui y compris construisent des théories qui sont des théories lunaires pour expliquer des fois que… qu’on dit une chose , ils inventent un truc à quinze bandes, moi je dis mais on serait vraiment très intelligents si on avait réussi à faire bâtir un scénario aussi compliqué… Mais donc, selon que vous ayez un journaliste qui est plus dans ce que j’appelle moi le… le journalisme du soupçon, penser que y’a toujours quelque chose qu’on cache alors que des fois y’a rien du tout, des fois oui, c’est vrai, mais des fois rien du tout, des fois on est dans la spontanéité, on est dans la conviction pure, je suis la dessus, pas parce que j’ai intérêt, mais parce que je pense vraiment que ç’est ça, et si mon intérêt colle ..j’ai .. je… ca va, mais un moment je prends une position parce que je le pense vraiment, et je suis pas là dans le calcul « si je dis ça, c’est parce que un tel… »…enfin bref des fois y’a ça, je dis pas …mais y’en a qui pensent que c’est que ça !et ça c’est sidérant parce que …pour le coup

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…c’est une vision totalement…vérolée de la politique quoi. Mais vraiment…mais mais…qui hélas…est assez répandue…de plus en plus, même chez les jeunes journalistes…

AP : ca se traduit par quoi ?

BH : Ben c’est qu’on est aujourd’hui dans une situation où les médias ont besoin d’infos tous les jours, y’a un flux d’infos important sur les sites internet, besoin de spectaculariser l’information pour pouvoir faire de l’audience, et donc on conflictualise et théatralise n’importe quelle scène… L’exemple que je donne c’est … le pauvre, il doit se reconnaitre à force que je le donne mais…je l’ai jamais revu d’ailleurs…Un jour y’a un mec qui me tend un micro de France 3, un jeune, qui devait faire un remplacement d’un journaliste, d’habitude France Télévision c’est quand même des journalistes assez expérimentés..et je venais de faire un point presse où….j’avais….exprimé, on va dire pour faire vite, redonné la position PS, et contredit Manuel Valls, qui avait pris une position qui était.. sur notamment les 35 heures, et il me dit, le journaliste me dit « rholalala dites donc, vous avez taclé Manuel Valls ! », alors je lui dis « non non j’ai pas fait de fautes là en l’occurrence, j’ai dit une position, j’ai rappelé la position, j’ai taclé personne, c’est la position du Parti Socialiste » puis… il a pas son truc là, il me dit « si si, quand même, vous me dites ça, mais en fait ça fight au PS ! », et dans ma tête je pensais « t’es givré », je lui ai pas dit « t’es givré », mais quand même « c’est pas la boxe, ca fight pas, arrêtez y’a des positions politique, je les rappelle, c’est ni tacle et ni fight ». Mais y’a toujours la volonté de ..le fight, le clash, des trucs d’ailleurs qu’on trouve sur internet, ou dans le registre des … des clash en rap quoi par exemple, ce qui n’a rien à voir quoi, donc c’est une forme de culture ou d’approche du débat politique très… très conflictuelle quoi. Exclusivement sous cet angle là.

MM : Et d’ailleurs, vu qu’à chaque fois on voit le PS en parlant des divisions etc, est ce que du coup le point presse il a pas une fonction qui est aussi symbolique qui est d’avoir une voix commune pour le parti ?

BH : Si si, c’est… c’est ce qui peut le rendre ennuyeux aussi pour un journaliste. Pour un journaliste, venir au point presse si ca n’est qu’un exercice de magnéto enregistreur, où en fait il a déjà l’info, qui va lui être restituée sous la forme d’une sorte de.. de filet d’eau tiède qui additionne les communiqués du PS les uns derrière les autres, ça a pas grand intérêt, c’est pour ça que l’exercice que préfère le journaliste c’est pas tant mon introduction que les questions réponses, où là y’a la certitude de la réponse à la question, ( ???énervement) moi j’arrive dans un point presse, tous les lundi matins je suis pas en forme en disant « ouai j’ai très envie de faire ce point presse », l’enthousiasme…y’a des fois où on est contrarié, y’a des fois des infos qui sont pourries, des trucs dont on a pas envie de parler, des sujets qui sont… ou à titre perso ou à titre politique… donc on arrive avec des humeurs qui sont différentes et c’est vrai que cet exercice là est un exercice de.. la magie du direct comme on dit.. mais comme en plus vous êtes avec toutes les caméras sur vous, et qu’il arrive parfois que les points presse soient retransmis en direct sur les chaines d’infos, le passage des questions réponses est le passage préféré des journalistes et aussi le passage où en général vous êtes le meilleur parce que c’est plus spontané, c’est là où vous trouvez parfois le mot juste, exactement, et c’est là où parfois vous vous énervez, et dans l’énervement on peut être bon, comme on peut être mauvais, mais y’a aussi ça pour..enfin c’est la démocratie, les journalistes posent les questions qu’ils veulent, ils sont pas là pour entendre juste ce que Benoit Hamon a décidé de leur dire, ils vont me dire « ouai ok vous êtes sympathique, mais au fait Guérini ? » « vous êtes sympathique mais au fait c’est quoi votre position exactement sur les licenciements boursiers ? »et là ils sont en droit de la poser parce que les journalistes… on … on se présente aux élections, ils ont le droit de

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mettre en lumière le fait qu’on est pas tous d’accord, ou qu’on comprend pas bien etc.. par exemple sur le MOX là, y’a une ligne claire, donc ils font leur boulot, normal, logique, et qui est celui que dans une société de communication, on pourrait avoir la tentation, nous, politiques, de vouloir contrôler quoi tu vois…

MM : et alors, est ce que tu pourrais juste expliquer comment tu prépares ton point presse ? (..)y’a d’autres étapes ou .. ?

BH : Mouai y’a quelques coups de fil avec Aubry, la Hollande, ou euh..

MM : les secrétaires nationaux…

BH : Oui voila si j’ai besoin d’infos, je sais que y’a un sujet, je passe un coup de fil, je regarde ce qu’on a comme info, on me fait passer les argumentaires et les communiqués qu’on a déjà sorti sur un sujet. Je regarde à la fois l’actu sur laquelle il faut que je prépare des réponses parce que je sais que je serais probablement interrogé, et Caro fait ça très bien, mon assistante, c’est qu’elle identifie sujet, question, et qu’en général elle balaye assez bien.. y’a des trucs surprise mais bon… à force d’expérience, on sait à peu près bien à quelle sauce on sera croqué. Puis la deuxième chose c’est qu’on prépare les sujets sur lesquels on veut faire l’actu, c'est-à-dire qu’on veut imposer dans le débat

MM : y’a à la fois les sujets auxquels tu dois répondre et…

BH : voila, et donc là et qui font l’objet parfois d’une préparation plus…plus approfondie quoi…Enfin je veux dire, l’agenda de manière pro active médiatico imposé, avec un succès contrasté, puis y’a l’actu qui s’impose n’importe quel dirigeant politique…

[interruption de Caroline de Haas pour des trucs de boulot]

GM : sur la sélection des sujets tu disais au début que t’avais plus de marge de liberté, d’autonomie pour tes points presse, que tes prédécesseurs, pour la sélection des sujets comment ça se traduit ? c’est toi des fois qui avait des sujets qui te tenait à cœur puis tu les… ?

BH : nan ya… aussi bien dans la hiérarchie que dans le contenu des sujets c’est moi qui décide à peu près tout seul ce que je mets, la plupart du temps.. puis après y’a des sujets, Aubry peut m’appeler « attends, fais gaffe y’a ça.. » alors peut être j’y ai déjà pensé aussi mais elle me dit « tiens parle de ça parce que y’a ça aussi » si je le sens pas je le dis, je peux la remettre un peu en cause tu vois sur le thème « ouai ça euh je le sens bien, je le sens pas bien », quand je pense que c’est sa comm à elle je lui dis « ouai bah écoute t’es gentille, ça c’est ta comm à toi, y’a des trucs on peut faire je veux bien mais ça je me sens pas, c’est à toi de le dire ou alors fais le dire par quelqu’un d’autre, c’est pas le rôle du porte parole que de dire ça », donc on a une discussion, des débats quoi comme on en a avec… moi aujourd’hui je suis obligée de caler mon rôle, je suis porte parole du PS, et aujourd’hui y’a des porte parole des candidats, portes parole des candidats qui vont s’affirmer, monter en puissance, qui vont prendre de plus en plus de place, je le souhaite, moi je suis pas la pour leur faire de l’ombre parce que je suis sur un registre particulier, c’est le rôle du PS, la parole du parti socialiste qui… qui existera après la campagne etc etc donc … la campagne c’est qu’un moment et le PS, je l’espère, survivra à ce moment, et donc euh on a un rôle différent et donc là je suis obligé de me caler avec Aubry mais quand même avec le candidat parce que si je commence au PS à dire un truc qui est par raccord avec le candidat y’aura comme un problème, surtout dans un registre où moi je l’ai pas soutenu aux primaires donc il fallait aussi se parler, se caler etc… voila

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AP : et est ce que du coup vous choisissez des thèmes que vous voulez imposer dans les médias, mais en même temps est ce que y’a pas une priorité un peu à l’actu chaude .. ?

BH : Si, forcément, même quand on pense qu’on impose un thème, en fait souvent c’est fait ..euh.. ca nous a chanté aux oreilles et euh voila et puis après y’a les tropismes, moi je sais que j’ai une sensibilité aux questions sociales et économiques notamment plus forte qui m’amène à privilégier ces sujets. Alors que y’a des fois je suis sans doute passé à coté de thèmes d’actu, de moments d’actualité, notamment sur les questions environnementales, qui auraient pu permettre, ou du permettre par exemple, une parole forte du PS. Donc c’est pour ça aussi que j’ai besoin d’être alimenté alors euh et puis Caro aussi avec qui je bosse, elle a aussi ses propres tropismes donc je sais très bien les sujets qui reviendront avec Caro…. En fait je suis porte parole de Caroline de Haas, voila je m’en rends compte.

AP :[rires] ces derniers temps ça se voit pas trop…

BH : Pourquoi ?

GM : les deux derniers en tout cas ça s’est pas vu

BH : que je suis le porte parole de Caroline de Haas ?

AP : c’était très économique quand même, oui l’actu bien sur

BH : Mais euh ouai je sais pas ce que c’était les deux derniers, c’est la crise et puis la semaine dernière nan lundi c’était quoi ?

MM : y’a eu les otages…

BH : ouai bon ça les otages… nan mais lundi j’ai fait quoi ?[rires] vous vous souvenez même pas…

AP : je vais regarder

MM : la Grèce, le nouveau gouvernement

AP : ouai l’extrême droite à la Grèce..

BH : ouai

AP : après y’avait Lauriane [Lauriane Deniaud ndlr.] aussi

GM : c’était sur la dette beaucoup, sur les politiques de rigueur

MM : le nucléaire aussi

GM : mais tu sais, sur ce besoin d’être alimenté en info, est ce que y’a des journalistes qui ont tenté de contacter toi ou ton assistante et de dire « ce serait bien que vous parliez de ça » ?

BH : non, mais ils peuvent poser la question. Oui ils ont la parole libre, alors je peux décider de pas la donner, je peux décider de les envoyer péter des fois hein..ce qui m’arrive, je peux me moquer d’eux, ça m’arrive mais à mes risques et périls aussi vous savez à force de fanfaronner derrière le micro vous prenez aussi des mauvais papiers, puis des gens qui vous taillent, puis en plus là où l’exercice est compliqué ou se complique c’est que même si on est pas dans une politique nous de contrôle absolu de

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qui est là exactement, on est même plutôt assez laxistes je trouve, trop même parfois, c’est pas pour empêcher les gens de rentrer, mais des fois j’aurais bien aimé savoir que y’avait telle équipe, tel journal ou y compris ou du Petit Journal ou des équipes un peu déconnantes qui sont la pour faire de l’info.. pas de l’info justement mais du divertissement qui étaient là.. si vous savez pas parfois ça vous… ça vous désarçonne. Maintenant on sait qu’ils sont tout le temps la en permanence mais du coup y’a des questions parfois de Cyril Eldin, pour son truc sur la matinale de Canal qui est déconnant, qui parfois prend la parole en premier et sur un registre qui est de la déconnade c'est-à-dire ou du trash etc au point que les journalistes rubricards du PS posent pas de questions comme si ces types là avaient une sorte de de de … de toupet etc qui fait que ils sont les premiers à parler etc et là où c’est pénible, ou ça peut parfois être pénible, c’est que vous allez passer de la situation en Afghanistan où y’a eu sept morts en un mois, vous basculez à l’austérité et après y’a Cyril Eldin, première question qui vous fait un truc sur « ah ouai les lunettes rouges d’Eva J… » ou un truc j’en sais rien moi, dans la déconne. Sauf que des fois vous avez pas envie de déconner, mais pas du tout. On peut parfois avoir envie de déconner, et accepter le… le jeu et oui être dans la plaisanterie, dans la … dans la détente quoi on va dire. Jouer le jeu de ce que le mec veut. Mais des fois vous avez pas du tout envie. Sauf que, ce que vous allez faire, votre réponse qui est « j’ai pas du tout envie » va être ensuite utilisée par ou celui qui vous a posé la question ou une autre émission sur le thème, après le montage, « franchement cette fois ci on fait la gueule, Hamon ceci » etc donc on.. Nous on est cool parce qu’on accepte que tout le monde soit là, mais en réalité on est devenus, enfin moi en tout cas je le vois, le porte parole du PS c’est .. maintenant, je fais l’objet … j’ai pratiquement une rubrique au Petit Journal maintenant mais, alors qui est plutôt sympa parce que je les aime bien, ils m’aiment bien, on s’entend bien y’a pas de problème, mais en soi … c’est quand même pas fait pour ça un point presse quoi ..

AP : c’est fait pour quoi ?

BH : hein ?

AP : il est fait pour quoi ?

BH : bah c’est fait pour donner la position du parti socialiste dans les grands débats et sur des sujets de plus en plus graves en politique quand même, qui prêtent peu à rigoler.. Or l’image qu’on restitue c’est quoi ? En tout cas que ( ??) la manière dont un mec qu’a vingt ans et qui regarde le Grand Journal et qui s’intéresse à la politique par le Grand Journal il voit quoi ? Avant il voyait l’interview d’Apathie à la limite puis le Petit Journal, maintenant il voit.. il a zappé le Grand Journal, l’interview d’Apathie, il regarde que le Petit Journal, la politique qu’à travers le Petit Journal.. Mais vous parlez pas politique au Petit Journal, c’est une bâche sur ce qui y’a autour de la politique, mais pas la politique…

AP : Oui mais ça je pense que les gens qui regardent ont assez de distance pour se dire ça, enfin c’est comme les Guignols…

BH : assez de distance pour se dire quoi ? Y’a des gens dont le seul contact à la politique est à travers cette image là. Vous allez pas me faire croire que les gamins, que y’a des gamins, des jeunes qui regardent que le Petit Journal, lisent à coté Libé pour se faire une opinion ? non, je les vois moi quand je vais dans des bahuts etc ils font « ah ouai [imitation du jeune] », dans les facs, c’est le Petit Journal, point. Et point, mais quand je dis point, c’est vraiment point. Mais je leur en veux pas, chacun fait ce qui …moi je demande pas à tout le monde de lire le Monde diplo et de.. d’ailleurs ce serait… mais c’est juste qu’il faut qu’on intègre ça nous-mêmes à notre.. à l’exercice quoi …et ça, ça produit moins de

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spontanéité, on est un peu plus dans le contrôle quoi … Mais la chose à mon avis qu’il faut pas faire c’est être dominé par ce .. par ça c'est-à-dire y compris par … si moi j’avais du réfléchir tout le temps au fait de, que je fais « euh euh euh », là, c’est que mon problème c’est quoi ? c’est que le « euh » c’est le délai de réflexion que je m’accorde pour dire une chose pertinente, alors je le dis bruyamment parfois silencieusement, si je suis concentré sur faut plus que je fasse « euh » parce que je suis ridicule quand je fais « euh », je prends juste le risque de parler trop vite et parler plus vite que.. que de raison. Moi mon job de porte parole c’est pas d’apparaitre clean, parfait en terme de communication, de ceux qui voudraient…on s’en fout du Petit Journal, ca les amuse, ils me demandent pas d’arrêter de faire des « euh », sinon ils arrêtent leur rubrique mais euh faut pas que je sois obsédé par cet élément d’image personnelle parce qu’à ce moment là c’est euh la fonction qui pour moi est la plus importante, celle qui transmet un message politique, qui fait réagir en bien ou en mal, que je risque d’alterer parce que je serais obsédé par la forme.

AP : limite ca vous rend plus sympathique..

BH : ouai bon après moi je dis…c’est pas… être dans le Petit Journal c’est pas.. sauf quand on passe pour un gros con mais bon .. y’en a quelques-uns quand même c’est un peu sévère

AP : [rires] ca peut être un peu genant..

BH : Nan mais un moment Bayrou c’était quand même ..

AP : Ah oui !

BH : il passait juste pour un mec tout seul, avec les extra terrestres, c’était pas super en termes politiques.

AP : ouai mais bon ca ca a toujours été sur Canal …

BH : Ouai mais euh quand vous avez un journaliste qui se fout de votre gueule en vous tendant le micro et qui se moque de vous y’a quand même … y’a des moments c’est pareil pour Bayrou, c’est pareil pour Sarko, c’est pareil pour tout le monde, c’est pareil pour moi, y’a des jours où vous pouvez plaisanter, se foutre de sa gueule à lui, ou jouer sur tous les trucs… d’ailleurs y’a un truc qui est assez marrant c’est quand des journalistes qui sont sur ce registre là, c’est quand vous leur retournez la vanne et parce que y’en a quelques uns qui ont pas du tout le sens de l’humour pour eux-mêmes qu’ils sollicitent de vous pour que leur émission marche quoi. C’est là que c’est drôle des fois. Et y’en a qui vous disent « nan mais quand même vous exagérez », comment ca j’exagère ? tu te fous de ma gueule tout la journée, comment ça j’exagère ? [rires]

MM : c’est bon ?

GM : ouai c’est bon

MM : c’est bon

BH : Parfait alors

AP/MM/GM : merci beaucoup

Entretien avec Antonin André, journaliste à France 2

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GM : Donc les points presse, tu viens régulièrement ?

Oui, alors voilà, c’est tous les lundis à 11h30.

GM : Et t’es là à chaque fois ?

Non, pas à chaque fois. Quand tu es en radio, tu viens à chaque fois car y a très souvent un ptit son du porte-parole dans le journal de midi trente ou de treize heures. A France 2 qui est un plus gros média, c’est bien moins souvent qu’un son intervient dans le 13h . donc c pas la peine de venir tous les lundis. On vient quand y’a une actualité importante.

GM : Comme aujourd'hui ?

Donc là c’était un point presse particulier… Mais vous voulez pas vous entretenir avec le porte parole ?!

(L’entretien avec le porte-parole aurait lieu quelques jours plus tard)

Et donc. Pff. Qu’est ce que je voulais dire?! Là ils l’ont déplacé d’une heure bien évidemment car il s’agissait de répondre au premier ministre.

AP: Oui donc c’est priorité à l’actu chaude ?

Voilà, Le point presse de toute façon, traditionnellement c’est de répondre à toutes les questions de l’actualité. D’ailleurs vous avez pu constater que les journalistes ne se sont pas seulement attaché à poser uniquement des questions sur le plan d’austérité mais ont balayé tous les sujets d’actu. Y compris les sujets internes au ps, les négociations, les machins…

AP : D’ailleurs tout à l’heure, tu parlais du OFF que tu as eu avant…

… Oui mais ça c’est plus des plaisanteries entre confrères..

AP : Oui on avait bien compris. Mais ça arrive souvent ? C’est possible ? Surtout que là il est parti tout de suite après…

Oui mais en l’occurrence, moi c’est vrai. C’est à dire que j’ai vraiment fait un OFF avant qu’ils arrivent.

AP : Parce que t’arrives avant ? Tu le choppes dans le couloir ?

C’est surtout parce que je le connais depuis longtemps

AP : Combien de temps ?!

Ca va faire un peu moins de trois ans.

GM : Et ça arrive souvent qu’il te fasse des offs avant?

Ah mais on fait des offs tout le temps de toute manière. C’est comme ça que ça fonctionne dans le journalisme politique. Quand on dit du OFF ca veut pas forcément dire que ça se garde secret. Simplement c’est des conversations informelles pour nous informer, nous donner du background, des infos…

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Je sors quasiment tout.

AP : Ok. Parce qu’on nous avait dit qu’il y aurait du vrai off, du faux off… Voilà. Nan mais en fait c’est très simple. Le off à partir du moment où il y a plus de deux journalistes présents, c’est plus du off, parce que ça va sortir de toutes façons.Après c’est de l’expérience aussi tout simplement. Faut le sentir. Après ils peuvent aussi te le préciser « ça, tu le dis pas ».

AP : Et même si c’est un truc un peu chaud justement ?!

Nan mais c’est rarement un truc très chaud de toutes façons, faut pas fantasmer. Les trucs très chauds en réalité ça va pas être les services politiques qui vont les sortir dans les rédactions. Il faut que vous compreniez ça. Y’a les services d’enquêtes, ceux qui s’occupent des affaires Woerth.. sur les grosses affaires, dont vous avez forcément entendu parler. Les journalistes qui vont sortir des trucs qui vont mettre en cause un ministre ou des personnalités politiques, ce sont pas les services politiques. Parce que nous, on suit l’actu politique. Donc les infos qu’on va sortir nous, ca serait par exemple sur les nego entre le ps et les verts et on trouve un point d’achoppement qui sera l’EPR de Flamanville. Ca va pas déclencher un scandale d’Etat ! Donc voilà..

GM : Quand tu le vois tout seul comme ça avant, est ce que tu lui demande des fois « ca serait bien que tu réagisse là dessus »… ?

Alors déjà lui je le vouvoie. Celui là.

GM :Mais c vrai que des fois tu lui demande carrément d’aborder tel ou tel sujet ?!

En interview ?!

GM :Non quand tu le vois en OFF, avant le point presse.

Nan mais là c’était François Lamy. Donc lui ne fait pas de point presse. En off par définition c’est des conversations informelles, donc on parle de tout ce qu’on veut après il répond ce qu’il veut. Il faut bien comprendre que c’est pas parce que…bon clairement on se connaît bien, on se tape sur l’épaule mais on est pas amis. Ah ba non ! c’est des histoire de rapports de force. Moi je représente un gros médias. Ils en ont bien conscience. Et moi j’ai conscience d’être sur un gros parti. Tous ça représente des enjeux. Importants. Et des responsabilités. Donc il faut faire très attention. Il faut rester concentré. Tout ça n’est pas anodin. Et ce ne sont pas des amis.Cad que même si on se sourit, on se tape dans la main, on se tutoie des fois. Par exemple, le jour où j’aurai un truc dégueulasse à sortir sur eux, je le sortirai. Et eux le jour où ils devront taper violemment sur France 2 parce que dans ce moment politique ça leur ait utile, ils le feront. C’est la vie politique.Tout cela est froid. Il n’y a pas de passion, y’a pas d’affectif. Mais ça dépend, c’est pas le cas avec tous les journalistes.

AP : Justement leur comportement vis à vis des journalistes dont ils savent qu’ils vont sortir des saloperies sur eux, y’a certaines choses après qu’ils vont pas leur dire. Y’a une sorte de favoritisme quand même entre journalistes. Ils ne sont pas tous logés à la même enseigne.

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Euuuh. Oui c’est sure tout le monde n’est pas à la même enseigne. Mais c’est pas uniquement sur les critères que tu évoques. Y a de très nombreux critères qui rentrent en ligne de compte. Ce sont des relations complexes.Si votre mémoire porte sur la relation entre journaliste et politique et bien moi je dirai que c est une relation extrêmement complexe qui mélange de nombreux facteurs dont les principaux facteurs seraient les rapports de force. C’est une question de rapports de force. Et après, à cela vient s’ajouter les rapports humains mais qui selon moi, dans mon expérience personnelle, ne sont pas prédominants. C’est pas parce qu’on s’entend bien… alors après le fait de s’entendre bien, ça facilite d’autres choses comme les conditions tournage. Par exemple moi je suis en télé, j’ai d’autres préoccupations que quelqu’un en presse écrite ou que quand j’étais en radio. Tout cela est très différent. Et donc le fait d’avoir de bonnes relations, cordiales en tout cas, cordiales et professionnelles avec eux, ça facilite le tournage. Parce qu’ on est quand même tout le temps dans l’urgence. Alors quand on est dans l’urgence, s’il peut y avoir entre guillemets de l’huile, c’est mieux ! Ca permet d’être plus efficace.

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