Eau Turquoise

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Eau Turquoise, deuxième tome du cycle d'Ardalia, est la suite du Souffle d'Aoles, roman de science-fantasy. Le long de la Grande Déchirure et au cœur du volcan Ixal, Valsshyk l'Immolé s'agite. Les créatures corrompues par ses miasmes purulents se font chaque jour plus nombreuses. Entre les murs ardents de Sinista luisent les glaives, haches et lances d'ambreroche d'une armée de réprouvés. Le jour s'approche où le nexus retenant encore le Dieu sombre s'effondrera. Alors, les nylevs surgiront des abysses... Messagers du destin, Pelmen, Xuven, Teleg, Elisan-Finella et Lominan s'empressent. Hélas ! Bientôt éclatent des dissensions et les chemins se séparent. Qui, des enfants d'Aoles ou de Malia, parviendra à avertir le monde du péril ? Au moment d'affronter les serviteurs du Feu sacré, le souffle d'Aoles et le pouvoir de l'Eau turquoise suffiront-ils ?

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Alan Spade

Eau

TurquoiseLe Cycle d’Ardalia - Tome 2

Editions Emmanuel Guillot

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Ardalia

Tome 2 :

Eau Turquoise

CHAPITRE PREMIER

CAS DE CONSCIENCE

Les flammes étaient partout. Plus hautes qu’unkrongos, vives et dominatrices, d’un rouge san-glant, elles dansaient leur sarabande de chaos etde folie. Un pas en avant et elles le saisiraientdans leur étreinte mortelle, consumant son corpset se nourrissant de son âme. Pelmen se retourna.Les langues de feu derrière lui reculèrent, s’écar-tèrent, dessinant un chemin. Là-bas résidait lesalut.

Il s’avança. D’abord timide et hésitante, sadémarche se raffermit peu à peu.

Là-bas jaillissait la Source de toute chose. Il luisuffirait de s’y immerger, d’imprégner chaque

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pouce de sa peau de sa substance divine pour neplus craindre aucune flamme. Et ne les craignantplus, il deviendrait leur maître.

Oui, il comprenait. Pour la première fois de sonexistence, il pourrait plier le destin à sa volonté.Il était un élu, de ceux devant qui s’inclinent lesriches et les puissants. Il lui fallait rejoindre lecentre de ce pouvoir. Bientôt, il connaîtrait desmoments de béatitude absolue, lorsqu’il siègeraitaux côtés de…

Quelque chose lui échappait. Son esprit selança dans une fiévreuse exploration, s’efforçantde dissiper les volutes de fumée rouges tourbil-lonnantes. Si ardent était son désir d’en savoirplus, d’en voir davantage qu’il parvint à repous-ser une partie du brouillard. Un malian de hautestature se détacha alors. Vêtu d’une tunique àépaulettes surmontée d’un col qui lui dissimulaitle menton, il était installé dans un trône tel quePelmen n’en avait jamais contemplé. Doré etécarlate, celui-ci aurait pu être pris pour de l’am-breroche, si le feu liquide se mouvant sous la sur-face ne l’avait par trop emporté sur l’ambre.

La volonté de Pelmen faiblissait sous l’oppres-sion du brouillard. Dans un ultime sursaut, ilexamina plus attentivement le visage, en détaillales brûlures et finit par remarquer ce symboleétrange et sinueux sur le front noirci. Une sortede serpent bicéphale.

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Le Marqué. Sinistan.

L’univers autour de Pelmen explosa et il se pritla tête à deux mains. Les flammes avaient dis-paru dans la déflagration, mais c’était à croirequ’une cohorte de melepeks aux lourds sabotsavaient fait de son crâne leur terrain de jeux. Ilferma les yeux. Lorsqu’il parvint à entendre sarespiration sifflante et à percevoir l’agression dusoufre, omniprésent dans l’air, il sut que la dou-leur avait diminué. Quand donc s’était-il mis àgenoux ? Il se releva les jambes tremblantes, cli-gnant des paupières. Il n’avait pas même pris sonarc. Le rêve (le cauchemar, c’était un cauche-

mar) l’avait fait se lever, se lever et se dirigervers là où il ne devait pas aller. Sinistan… Etait-ce lui qui exerçait cette attraction irrésistible ?Ou bien la chose dont Pelmen avait ressenti l’in-fluence dans la cité des réprouvés ?L’abomination avait le pouvoir de consumer lesâmes.

Il fit demi-tour, toussa et se remit à marchermalgré la nuit noire dans la combe rocheuse,chaque pas lui arrachant une grimace. C’était tel-

lement plus facile dans l’autre sens…

Pelmen ne percevait nulle part la présence deses compagnons, et se demanda quelle distance ilavait pu parcourir. Il aurait dû se sentir horrifié àl’idée de s’être rapproché de Sinista, et pourtantil fallait bien l’avouer, la ville et ses incroyables

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richesses le fascinaient. Je ne dois plus penser à

ça !

Il était harassé, ce qui amenait une nouvellequestion : depuis combien de temps n’avait-ilpas dormi ?

Ils ne s’étaient pas encore suffisamment éloi-gnés. Ils avaient marché presque toute la journée,mais jamais assez vite. Trop souvent, le nœudcoulant s’était resserré autour de son cou. Lachose tapie dans l’ombre (le Maître) ne connais-sait aucun repos. Les visions, exaltantes, auraientpu engloutir jusqu’à la moindre étincelle de saconscience si Pelmen n’avait érigé sa volontépour y faire barrage. Le prix à payer, cependant,était élevé. De terribles élancements faisaient dumonde un univers de feu et de sang, brouillaientla vue. Et avec l’épuisement, la résistance dePelmen s’étiolait.

Lominan les épaules voûtées, plus mince que

jamais. Xuven, lui aussi amaigri, barbe relevée à

hauteur de la poitrine d’Elisan, discutant avec la

magicienne. Se retournant pour l’observer en

fronçant les sourcils. Elisan-Finella de nouveau,

livide, les doigts des deux paires de mains

recourbés. Xuven lançant des instructions d’une

voix tendue. Les souvenirs surgissaient par bri-bes, se recomposaient. Finissaient par former untout cohérent. En compagnie de son oncleXuven, des malians Elisan-Finella et Lominan,

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Pelmen s’était enfui de Sinista. Inconscient,Teleg, son ami d’enfance, hevelen à la chevelureblonde et au visage parsemé de croûtes noirâtres,avait été arraché à la cité maudite. Toute prochede la Grande Déchirure et à quelques lieues seu-lement du volcan Ixal, Sinista était marquée d’unsceau de ténèbres et de pourpre. A l’image dumalian lui ayant donné son nom...

Longtemps, Teleg avait reposé en travers dunidepoux de Pelmen. Le jour avait révélé d’au-tres plaques noires sur ses mains et son cou, stig-mates de son séjour en Sinista. Pelmen espéraitque la protection du collier de Cilamon – l’arte-fact dissipait d’un souffle surnaturel les effluvestoxiques autour de lui – suffirait pour que lecorps de son ami se rétablisse. Son esprit lepréoccupait davantage encore. Quelques heuresaprès qu’il l’eut assommé, Teleg s’était réveilléet il l’avait aussitôt aidé à se remettre d’aplombsur sa selle. Hélas, son regard était demeuré vide,aussi inexpressif que celui de Lominan – pourune raison inconnue de Pelmen, la malian setrouvait elle-même plongée dans une apathiedont rien ne semblait devoir la tirer.

Ils ne s’étaient interrompus qu’une seule foisdans leur progression, quand Elisan, au sortir del’une de ses transes de magicienne, son visagesévère au front haut plus fermé que jamais, avaitsignalé deux éclaireurs en provenance de Sinista.

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Le défilé rocheux était rectiligne, et le petitgroupe qu’ils formaient, visible à plusieurs cen-taines de coudées. Vidé de ses forces, Pelmenn’avait pas la ressource de se servir de son arc.Xuven avait reconnu être incapable d’user de sonpouvoir à une trop grande distance, étant donnéson propre état de fatigue. Selon toute évidenceles éclaireurs, une fois à portée de vue, n’iraientpas engager le combat et se contenteraient defaire demi-tour pour rapporter leur présence.Leur situation était inextricable.

Pelmen se souvenait avoir eu une violente criseà cet instant. Entraîné dans une nouvelle lutteintérieure, il n’avait appris la suite que plus tard,de la bouche de Xuven. Son oncle avait repéréune anfractuosité où ils s’étaient entassés, maisc’était Elisan-Finella qui avait accompli l’essen-tiel. L’ascendante et la répondante de la fusion-née malanite – ou feless’tu dans le langage dupeuple de l’harmonie – avaient invoquées desBulles de Camouflage, lesquelles s’étaientmêlées et fondues autour du melepek, devantleur cachette.

Tandis que lui, Pelmen, les larmes aux yeux etbâillonné par son oncle, se tirait les cheveux, leséclaireurs étaient passés devant eux sans les voir.Il y avait là un hevelen et un malian en piteuxétat avec leur peau largement desquamée ou brû-lée, mais recouverts d’armures de cuir et dont les

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pointes des armes étaient d’ambreroche. Aprèss’être avancés sur une centaine de coudéesencore, n’ayant rien remarqué ils avaient faitdemi-tour, repassant une dernière fois à quelquespas de la cavité.

Tout danger éloigné, Pelmen et ses compagnonsavaient repris leur route. En vain les nidepouxavaient-ils cherché quelque trace de nourriture enchemin. Eux non plus n’étaient pas protégés parla magie des colliers de Cilamon, et Pelmen leurenviait leur résistance aux visions insidieuses –nombreuses étaient les bêtes à succomber à l’at-traction de la Grande Déchirure. En dépit de l’at-mosphère corrompue et de la faim qui les tenail-lait, les quadrupèdes s’étaient docilement laissésmener. La plupart des parasites peuplant leurpelage les avaient abandonnés depuis longtemps,un plus mauvais signe encore que leur soufflerauque et leur poil terne. Le melepek avait poursa part posé ses six pattes sur le sol avec la mêmeimperturbable régularité.

A plusieurs reprises, Pelmen s’était demandécomment lui, obscur petit hevelen – n’avait-il paspratiqué dans une autre vie la découpe et le net-toyage des fourrures de nidepoux ? – pouvaitoser lever l’ombre d’un petit doigt contreValshhyk le Destructeur. D’après la légende,celui que l’on appelait aussi l’Immolé était empri-sonné au cœur du volcan Ixal. D’après la légende.

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Pelmen fronça ses triples narines et rabattit unemèche de cheveux noirs en fixant la rocaille à sespieds de ses yeux globuleux. Le dieu ténébreuxpouvait bien être physiquement retenu, les éma-nations de soufre par lesquelles il exprimait savolonté, quant à elles, s’échappaient librementde la Grande Déchirure. Il fallait prévenir lestrois peuples, hevelen, krongos et malanite, dupéril. Dans l’ombre de Sinista, une armée com-posite se formait, redoutablement équipée etentraînée, bénéficiant de l’appoint des shamanspourpres, serviteurs du feu du Destructeur.

La tête de Pelmen s’alourdissait et il sedemanda si c’était un effet de la fatigue ou bienle signe avant-coureur d’une nouvelle crise. Ilvenait de trébucher pour la troisième fois en cin-quante pas, lorsque sur le sol il vit enfin se déta-cher les formes recroquevillées de ses compa-gnons. Tous si profondément assoupis qu’ils nel’avaient pas entendu se lever et n’avaient rienfait pour l’empêcher de partir, contrairement à cedont ils étaient convenus. Pelmen choisit de nepas leur raconter ce qui lui était arrivé, pour éco-nomiser ses forces et parce qu’il jugeait ladémarche inutile. Eux pouvaient dormir, dumoins. Les visions l’avaient pris dans son som-meil, quand il était le plus vulnérable. A la clartédes étoiles, il repéra sur le sol une roche dontl’arête inconfortable ne lui permettrait pas de se

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laisser gagner par la somnolence. Assis là ilobserva Teleg, allongé contre un nidepoux. Lecollier autour du cou de son ami d’enfance avaitcessé de luire. L’artefact ne manifestait la pléni-tude de son pouvoir que lorsque les émanationsdu Destructeur étaient les plus virulentes, etnotamment à proximité de la Grande Déchirure.De temps à autre, le visage de Teleg était par-couru d’un tic nerveux.

Du moins, il ne parle plus en dormant.

L’estomac de Pelmen lui dévorait les entrailles.Il jeta un regard où la convoitise le disputait audépit vers sa besace – la viande séchée étaitempoisonnée par les miasmes qui imprégnaienttout. La soif le tourmentait plus encore. Elisan-Finella devrait au moins trouver la force de puri-fier leurs dernières réserves d’eau, ou bien ilsn’iraient plus bien loin.

Pelmen se leva pour interrompre la douleur surson séant, marcha quelques pas puis revint s’as-seoir. Il devait répéter l’opération maintes foisavant qu’Astar ne se décide à empourprer le ciel.Tour à tour Xuven, Elisan-Finella, Lominan etTeleg se réveillèrent. Les favoris de Xuven et sabarbe avaient blanchi, Elisan donnait pour la pre-mière fois l’impression de se ressentir du poidsde sa répondante Finella adossée à elle,Lominan, juste un peu moins grande et minceque les magiciennes, avait le visage fermé et

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l’expression de Teleg était toujours absente.Quelle vaillante équipe, vraiment ! songea avecamertume Pelmen. Il dévisagea avec l’intensitédu désespoir Elisan, lui tendant son outre.

Elle fit un signe de dénégation. Il courbal’échine, désemparé. Le bras de Xuven lui recou-vrit les épaules, bien maigre réconfort en la cir-constance.

Le nidepoux de Teleg s’avéra trop affaibli pourle supporter de nouveau, et Pelmen alla soutenirson ami. Ce dernier avança d’un pas hésitant.Seul le melepek, aussi affamé que les autrespourtant, montrait encore son endurance, car ilaccepta Elisan-Finella et Lominan sur son dos.

Ils cheminèrent des heures durant, ne s’accor-dant que de courtes pauses. Les nuages s’amon-celaient dans le ciel mais refusaient de libérer laprécieuse eau qu’ils contenaient. Peu à peu, ledéfilé devint moins désertique. Ils dépassèrentun veguer’en dépouillé de ses feuilles, dont lesbulbes mauves, boursouflés, n’avaient plus laforce d’exhaler l’air. Puis ce fut l’un de ces cac-tus qui recelaient une substance aqueuse dansleurs renflements. A la vue de la teinte verdâtreparsemée de points rouges de son tronc, Xuveninterdit d’y toucher. Pelmen ne dit rien, n’ayantmême plus la ressource de se plaindre avec salangue desséchée lui collant au palais. Un bour-donnement diffus, continu, s’était substitué aux

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terribles élancements de la veille. Toujoursomniprésents, les effluves de soufre avaientpourtant cessé de susciter le sentiment d’un pou-voir défiant l’imagination, à portée de la main.Les dernières bribes de volonté de Pelmenétaient son bien le plus précieux.

Depuis quelques instants le chemin s’étaitincurvé, et soudain ils débouchèrent devant uneplaine de lichens et d’herbe. Elle s’étendait àl’infini à l’est, dominée à l’ouest par des som-mets tutoyant les cieux.

Pelmen tomba à genoux, bouche bée. Les

Monts Infranchissables. Il pouvait le sentir partoutes les fibres de son corps, le souffle d’Aolesredevenait puissant et tourbillonnant dans lesSteppes Venteuses. Des rafales balayaient l’ex-trémité du défilé, leur parvenant affaiblies.Presque toutes s’avérèrent imprégnées de soufre,mais l’effet du courant d’air frais sur les hevelensfut immédiat, Pelmen se releva et Xuven et Telegredressèrent les épaules. La chaleur surnaturellequi leur avait desséché la peau depuis les abordsde la Déchirure s’estompait enfin.

Quel mois peut-il bien être ? se demandaPelmen. Au moins le second d’Aoles.

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ISBN 978-2-9534217-4-3Editions Emmanuel Guillot - 201127 rue du Bastion - 95300 Pontoise

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www.babelpocket.fr

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Le long de la Grande Déchirure et au cœur du volcan Ixal, Valsshykl’Immolé s’agite. Les créatures corrompues par ses miasmes purulents sefont chaque jour plus nombreuses. Entre les murs ardents de Sinista luisentles glaives, haches et lances d’ambreroche d’une armée de réprouvés. Lejour s’approche où le nexus retenant encore le Dieu sombre s’effondrera.Alors, les nylevs surgiront des abysses... Messagers du destin, Pelmen,Xuven, Teleg, Elisan-Finella et Lominan s’empressent. Hélas ! Bientôtéclatent des dissensions et les chemins se séparent. Qui, des enfantsd’Aoles ou de Malia, parviendra à avertir le monde du péril ? Au momentd’affronter les serviteurs du Feu sacré, le souffle d’Aoles et le pouvoir del’Eau turquoise suffiront-ils ?

« Alan Spade a cette qualité de bien écrire, sans forfanterie, simplement,pour être compris. Et apprécié non pour ses pirouettes de style, mais pourla qualité de ce qu’il nous raconte. » Jean Rébillat - Actu SF

Eau Turquoise, deuxième tome du cycle d’Ardalia, est la suite du Souffled’Aoles, roman de science-fantasy.

L’auteur : Né à Quito en Équateur en 1971, Alan Spade a ensuite passéune partie de son enfance en Afrique sub-saharienne. Il se définit avant toutcomme citoyen du monde. Il vit à Pontoise, dans le Val d’Oise, avec sonépouse et ses deux enfants.

Prix : 21 euros - eBook : 6 euros

ISBN : 978-2-9534217-4-3

Couverture : Thibaut Desio