Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec...

199
N° d'ordre : 213-2000 Année 2000 THESE présentée devant L'UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I pour l'obtention du DIPLOME DE DOCTORAT (arrêté du 30.03.92) par Marie CORNU Dynamique des populations bactériennes en cultures mixtes Soutenue le 24 octobre 2000 JURY : V. ATRACHE C. BEAL C. DUBY rapporteur J-P. FLANDROIS président P. MAIRE A. PAVE J. POURQUIE rapporteur L. ROSSO Laboratoire Biométrie et Biologie Evolutive UMR CNRS 5558 Université Claude Bernard LYON I 43, Boulevard du 11 Novembre 1918 69622 Villeurbanne CEDEX

Transcript of Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec...

Page 1: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

N° d'ordre : 213-2000 Année 2000

THESEprésentée

devant L'UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I

pour l'obtention

du DIPLOME DE DOCTORAT(arrêté du 30.03.92)

par

Marie CORNU

Dynamique des populations bactériennesen cultures mixtes

Soutenue le 24 octobre 2000

JURY : V. ATRACHEC. BEALC. DUBY rapporteurJ-P. FLANDROIS présidentP. MAIREA. PAVEJ. POURQUIE rapporteurL. ROSSO

Laboratoire Biométrie et Biologie EvolutiveUMR CNRS 5558

Université Claude Bernard LYON I43, Boulevard du 11 Novembre 1918

69622 Villeurbanne CEDEX

Page 2: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

2

Page 3: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

3

Je remercie…

Jean-Pierre Flandrois, pour m'avoir accueillie dans son laboratoire et m'avoir suivieet encouragée dans cette thèse et vers mon après-thèse.

Camille Duby et Jacques Pourquié, pour m'avoir il y a quelques années ouvert lesvoies de la biométrie et de la microbiologie et pour avoir apporté à ce travail, en tant querapporteurs, leurs compétences respectives.

Vincent Atrache, for his permanent support, his communicative enthusiasm, and ourmotivating discussions.

Catherine Béal, et avec elle toute l'équipe du Laboratoire de Génie Microbiologiquedes Procédés Alimentaires, pour m'avoir il y a quelques années dévoilé les diverses appli-cations technologiques de la microbiologie. Longue vie à l'étude des cultures mixtes.

Laurent Rosso, Pascal Maire et Alain Pavé, pour avoir éclairé ce travail avec leurstouches respectives de microbiologie prévisionnelle, d'épistémologie et d'écologie.

Que chacun d'entre vous soit ici vivement remercié de m'avoir fait l'honneur d'accepter de partici-per à ce jury et le plaisir d'assister à ma soutenance, ainsi que pour l'attention et l'intérêt que vousavez portés à ce travail..

Page 4: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

4

Je remercie…

Richard Tomassone, qui m'a guidée vers la voie doctorale lyonnaise et a su me faireapprocher la planification expérimentale sous son angle le plus séduisant.

Claude Terrot, François Villeval, Daniel Monget et Claude Mabilat, et avec eux toutela société bioMérieux, pour avoir soutenu l'ensemble de ce projet.

Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani-taire des Aliments, pour avoir éclairé de leurs judicieux conseils et chaleureux encourage-ments les ultimes préparatifs.

Gérard Carret, pour avoir encouragé mes timides avancées vers la réflexion épist-émologique.

Pierre Auger et René Bally, qui ont accepté de parrainer les premières étapes de cetravail.

Jean-Pierre Gauchi, pour nos discussions de TGV et pour m'avoir proposé de pro-longer une partie du travail statistique amorcé ici.

Sophie Bréand et Sandrine Charles-Bajard, pour leurs multiples conseils et leurprécieuse collaboration dans le développement de Superfit pour Mathematica. Sans ou-blier tous ceux qui avaient initié ce travail : Jean Lobry, Laurent Rosso, Françoise Guérillot,Catherine Chapuis, Marie Laure Delignette-Muller et Emmanuel Zuber.

Marie Laure Delignette-Muller, pour avoir guidé mes réflexions biométriques durantces trois années et plus particulièrement pour sa participation à l'étude d'Escherichia coliO157:H7.

Frédéric Laurent, qui a initié et mené le travail sur Staphylococus aureus, dont seuleune partie est présentée ici. Mes remerciements vont également à l'EA 1655 de la Facultéde médecine Rockefeller, et plus particulièrement Hervé Lelièvre, François Vandenesch etJérôme Etienne, sans qui ce travail n'aurait pu voir le jour.

Martin Kalmokoff, for our effective cyber-collaboration concerning Listeria. Writingan article during this summer 2000 would not have been possible without his stimulatinge-correspondence.

Catherine Pichat et Ghislaine Fardel, pour m'avoir offert leur rigueur expérimentale,leur patience, leurs précieux conseils et surtout leur présence de tous les instants.

Stéphanie Bodin et Virginie Ferreira, pour leur travaux expérimentaux présentés iciet pour leurs vivifiants interrogatoires.

Toutes les équipes qui m'ont autorisé l'accès à leur collection de souches, le trésor dumicrobiologiste, et plus particulièrement Monique Chomarat (Hôpital Lyon Sud), JeanFreney (Hôpital Edouard Herriot), Jean Louis Martel (AFSSA Lyon), Alain Milon (EcoleNationale Vétérinaire de Toulouse), Jocelyne Rocourt (Institut Pasteur), Jeff Farber (HealthCanada)…

Un travail scientifique ne saurait se réduire à une réalisation isolée. Que chacun d'entre vous soitici très sincèrement remercié d'avoir contribué à l'aboutissement de ce projet de recherche.

Page 5: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

5

Je remercie…

Emmanuel Zuber, pour avoir accompagné mes premiers pas dans l'équipe, avec laperfection qui le caractérise.

Véronique Guérin, pour m'avoir fait découvrir le biotope vétérinaire.

Catherine Noél, avec qui j'ai pu partager les affres de la thèse et à qui j'adresse mesplus sincères félicitations pour son remarquable parcours.

Florent Baty, pour sa disponibilité et pour avoir su prendre ma suite dans le labora-toire.

Magali Soulié, Brigitte Lamy, Stéphanie Gimbert, Elisabeta Vergu et Jeff Ghiglione,pour avoir animé tout le laboratoire de leur joie de vivre et pour tous ces instants partagés.

Marie Tschora, pour son aide si précieuse, au sein du laboratoire et surtout à dis-tance, ainsi que pour sa présence de tous les instants au téléphone ou par mél.

Monique G'baï et Christiane Bilancetti, pour avoir su égayer nos matinées autourd'un thé.

Monique Cottet, Christine Driguzzi, Misou Pieri, Sophie Assandri, Catherine Gau-din, Sylvie Desbourdelle et Aurore Petit, qui m'ont ouvert de nombreuses portes, d'unsecrétariat à l'autre.

Pour leur chaleureux soutien des dernières semaines, tout le Laboratoire d'Etudes etde Recherches Pour l'Alimentation Collective de l'AFSSA, et plus particulièrement HélèneBergis et Sylvie Rudelle, qui ont subi ma dactylographie bruyante dans la dernière lignedroite de cette rédaction ; Philippe Rosset, pour avoir traversé l'Europe, et Annie Beaufort,au nom de notre collaboration sympathique et efficace.

Tous ceux que j'ai eu l'occasion de côtoyer au cours de ces trois années, dans dessphères universitaires ou associatives, mais avant tout amicales. Avec une pensée particu-lière à la mémoire de Thomas Guérandel.

Eric, pour tout et bien plus encore.

Denise Ménéghin, François Thaler, Monique Bonnefoy et les enseignants des écolesJules Ferry et Pierre et Marie Curie, des collèges Anne Franck et Louis Armand, des lycéesJacques Amyot et François Ier et enfin de l'INA-PG, pour m'avoir, chacun à leur manière,orientée vers la voie doctorale.

Pour leur indéfectible soutien, toute ma famille, et plus particulièrement Marie-Louise et René Leyrit, pour m'avoir transmis le goût des mathématiques, aux travers desjoies du calcul, et Rose-Marie et Pierre Cornu, pour m'avoir ainsi accompagnée du jeu dedominos à cette soutenance.

Mes parents et ma sœur, sans qui rien n'aurait été possible et à qui je dédie cettethèse.

Ce projet de trois ans est aussi le fruit de ces rencontres d'un temps ou de ces liens de toujours etn'aurait pu aboutir sans votre soutien. Que chacun d'entre vous soit ici de tout cœur remerciéd'avoir participé de plus ou moins loin à cette aventure lyonnaise.

Je souhaite enfin tout particulièrement adresser mes plus chaleureux encouragements à tous ceuxqui s'engagent cette année dans la voie doctorale : Brigitte Lamy, Nathalie Gnanou, Florent Baty,

Page 6: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

6

Régis Pouillot, Bertrand Lombard…, sans oublier celles qui les ont devancés : Graziella Midelet,Catherine Ragimbeau, Elisabeta Vergu, Els Dens, Karen Vereecken… et ceux qui devraient les re-joindre d'ici peu : Mélanie Le Torrec, Hélène Bergis, Grégory Devulder…

Page 7: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

7

Page 8: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

8

Résumé

Cette étude de la dynamique des populations bactériennes en cultures mixtes s'inscrit essentielle-ment dans une démarche méthodologique, en visant à recenser, proposer et mettre en œuvre diff-érents outils techniques (microbiologie) et biométriques (modélisation) pour le suivi des cultures dedeux populations bactériennes en batch. Elle s'organise autour de deux notions : interaction etavantage sélectif. La notion d'interaction est caractérisée phénoménologiquement par l'effet d'unepopulation sur la croissance de l'autre (et éventuellement réciproquement). Une méthodologie decomparaison entre cinétiques en culture pure et en culture mixte a été mise au point du point de vuetechnique et statistique. Ainsi ont pu être caractérisées une interaction de type commensalisme entreEscherichia coli K12 et E. coli O157:H7 ainsi que l'inhibition de Listeria monocytogenes par diff-érents phénotypes de L. innocua. La notion d'avantage sélectif (correspondant à la notion écologi-que de fitness) permet de caractériser comment une population peut envahir un milieu en surpassantl’autre. Une méthodologie de modélisation de l'évolution relative de deux populations a été déve-loppée puis appliquée d'une part à la démonstration du poids sélectif de la résistance à la gentami-cine ce qui a contribué à expliquer une évolution épidémiologique récente et d'autre part à l'analysede l'impact de L. innocua sur le procédé d'enrichissement sélectif de L. monocytogenes.

Abstract

This thesis encompasses a methodological study of bacterial population dynamics in mixed cultu-res. The objectives were to examine the existing tools, as well as to develop and apply new metho-dologies for the monitoring and analysis of mixed batch cultures. The study of mixed populations isbased on two primary concepts: interaction and selective advantage. Various examples of interac-tions among mixed bacterial populations were observed, and could be evaluated by determining theeffect of one population on the other. A methodology to compare growth curves of pure and mixedbacterial cultures was developed, and both technically and statistically validated. A commensalism-like interaction between Escherichia coli K12 and E. coli O157:H7 was characterised, as wereamensalism-like interactions between Listeria monocytogenes and inhibitory strains of Listeria in-nocua. The concept of selective advantage (linked to the ecological concept of fitness) describeshow one population can outgrow another. A methodology to monitor the relative evolution of twopopulations was developed, then technically and statistically validated. Thus, a selective bias ofgentamicin resistance in meticillino-resistant Staphylococcus aureus could be demonstrated, ascould be the impact of L. innocua on a selective enrichment procedure for L. monocytogenes.

Page 9: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

9

Page 10: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

10

TABLE DES MATIERES

Page 11: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

11

Page 12: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

12

Table des matieres...................................................................................................... 10

Introduction ................................................................................................................ 16

Partie I Etat des lieux ................................................................................................. 20

I.1. Cultures pures et cultures mixtes..................................................................... 22

I.1.1. Aperçu historique et épistémologique .......................................................... 22Définition de la microbiologie ......................................................................................................... 22

Quelques étapes clés dans l'histoire de la microbiologie ...................................................................... 23

Réflexions épistémologiques .......................................................................................................... 29

Bilan .................................................................................................................................... 32

I.1.2. Suivi de la croissance bactérienne en cultures mixtes..................................... 33Dénombrement de la population..................................................................................................... 33

Estimation de la densité bactérienne ............................................................................................... 35

Suivi biochimique du métabolisme .................................................................................................. 36

Bilan .................................................................................................................................... 37

I.1.3. Procédés de cultures ................................................................................ 37Culture en milieu solide ................................................................................................................ 37

Culture en chémostat ................................................................................................................... 40

Bilan .................................................................................................................................... 44

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch ......................................... 46

I.2.1. Cinétiques de croissance en batch .............................................................. 46Batch et champs d'application de la microbiologie.............................................................................. 46

Schéma de la croissance ............................................................................................................... 47

I.2.2. Modélisation de la croissance..................................................................... 49Biométrie et modèles ................................................................................................................... 49

Modèles de dynamique ................................................................................................................. 50

Modèles de prise en compte des contraintes environnementales initiales ............................................... 54

Modèles de prise en compte des états ............................................................................................. 55

I.3. Cultures mixtes en batch : concepts et méthodologies.................................... 56

I.3.1. Avantage sélectif ..................................................................................... 56Définitions.................................................................................................................................. 56

Intérêt fondamental ..................................................................................................................... 57

Intérêt appliqué........................................................................................................................... 59

Méthodes d’analyse...................................................................................................................... 61

I.3.2. Interactions............................................................................................ 62Classification des interactions ........................................................................................................ 62

Approche expérimentale ............................................................................................................... 64

I.3.3. Quelques modèles ................................................................................... 64Modèles de dynamique et avantage sélectif ...................................................................................... 64

Approche empirique des interactions ............................................................................................... 67

Modèles de dynamique conjointe .................................................................................................... 69

Approche mécaniste des interactions............................................................................................... 72

Partie II Développements méthodologiques .............................................................. 78

II.1. Régression non-linéaire et Superfit................................................................. 80

II.1.1. Approche théorique.................................................................................. 80

Page 13: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

13

Modèle de régression non-linéaire................................................................................................... 80

Ajustement d'un modèle de régression non-linéaire ........................................................................... 81

Examen des hypothèses sur le modèle d'erreur................................................................................. 83

Régions et intervalles de confiance ................................................................................................. 85

Appréciation de la qualité de l'ajustement ........................................................................................ 87

II.1.2. Approche pratique ................................................................................... 89Fonctionnement du programme...................................................................................................... 90

Exemple .................................................................................................................................... 90

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée ................... 95

II.2.1. Aptitudes de croissance en culture pure et avantage sélectif............................ 95Planification expérimentale............................................................................................................ 95

Comparaison de trois systèmes automatisés..................................................................................... 96

Bilan .................................................................................................................................... 97

II.2.2. Evolution relative de deux populations......................................................... 98Problématique............................................................................................................................. 98

Approche préliminaire par Monte-Carlo ............................................................................................ 99

Bilan .................................................................................................................................... 99

II.2.3. Interactions et comparaison de courbes......................................................100Planification expérimentale...........................................................................................................100

Comparaison de courbes ..............................................................................................................101

Bilan ...................................................................................................................................102

II.2.4. Avantage sélectif et interaction : compétition finale ......................................103Problématique............................................................................................................................103

Modèle de dynamique de croissance...............................................................................................104

Adéquation aux données expérimentales.........................................................................................104

Partie III Etudes de cas ............................................................................................ 106

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12...................................................................... 108

III.1.1. Introduction .......................................................................................108Choix d'un modèle biologique........................................................................................................108

Objectifs de l'étude .....................................................................................................................108

III.1.2. Technique de dénombrement spécifique ..................................................109Géloses Mac Conkey Sorbitol ........................................................................................................109

Cytométrie sur filtres et anticorps..................................................................................................109

III.1.3. Mise en évidence de l'anomalie de croissance et de l'interaction...................111Matériel et méthodes...................................................................................................................111

Croissance de E. coli K12 en culture pure........................................................................................116

Croissance de E. coli K12 en culture mixte ......................................................................................117

Croissance de E. coli O157:H7 en culture pure .................................................................................119

Croissance de E. coli O157:H7 en culture mixte................................................................................120

Bilan ...................................................................................................................................123

III.1.4. Effet de la méthionine et anomalie..........................................................124Caractérisation sur deux souches...................................................................................................124

Généralisation à 51 souches .........................................................................................................126

III.1.5. Conclusion..........................................................................................131Bilan des résultats expérimentaux .................................................................................................131

Discussion sur le rôle de la méthionine ...........................................................................................131

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG ............................................................................... 133

III.2.1. Introduction .......................................................................................133Contexte médical........................................................................................................................133

Problématique............................................................................................................................133

Objectifs de l'étude .....................................................................................................................135

Page 14: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

14

III.2.2. Aptitudes de croissance en culture pure...................................................135Dans un milieu de culture.............................................................................................................135

Extension à différents milieux de culture.........................................................................................138

III.2.3. Avantage selectif en cultures mixtes .......................................................140Evolution relative des deux populations en culture mixte ...................................................................141

Etude en point final.....................................................................................................................143

Compétition finale.......................................................................................................................144

III.2.4. Conclusion..........................................................................................146

III.3. L. monocytogenes et L. innocua ................................................................. 148

III.3.1. Introduction .......................................................................................148Isoler L. monocytogenes requiert un enrichissement .........................................................................148

Du coenrichissement de L. innocua à la non détection de L. monocytogenes..........................................150

III.3.2. Aptitudes de croissance en culture pure...................................................152Matériel et méthodes...................................................................................................................152

Résultats...................................................................................................................................154

Discussion .................................................................................................................................155

III.3.3. Interactions en cultures mixtes ..............................................................156Technique de dénombrement spécifique .........................................................................................156

Matériel et méthodes...................................................................................................................158

Résultats...................................................................................................................................161

Discussion .................................................................................................................................166

III.3.4. Evolution relative des deux populations ...................................................166Matériel et méthodes...................................................................................................................167

Résultats et discussion.................................................................................................................167

III.3.5. Conclusion..........................................................................................169

Partie IV Discussion générale................................................................................... 172

IV.1. Apports et perspectives sur le plan méthodologique ................................. 174

IV.1.1.Méthodologie expérimentale .....................................................................174Aptitudes de croissance en cultures pures .......................................................................................174

Suivi de cultures mixtes...............................................................................................................174

Réalisation de cultures pures et mixtes en parallèle ..........................................................................175

IV.1.2.Méthodologie de modélisation ...................................................................175

IV.1.3.De la culture en batch à l’écologie .............................................................176

IV.2. Apports et perspectives sur le plan biologique .......................................... 178

IV.2.1.Physiologie de la croissance......................................................................178IV.2.2.Variabilite dynamique..............................................................................178

IV.2.3.Détection par enrichissement sélectif .........................................................179

IV.3. Conclusion................................................................................................... 180

Références bibliographiques..................................................................................... 182

Communications de l'auteur ..................................................................................... 195

Annexes .............................................................................................................. 199

Page 15: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

15

Page 16: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

16

INTRODUCTION

Page 17: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

17

Page 18: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

18

L'étude de la croissance bactérienne, et plus particulièrement la modélisation des cinétiques en milieu

liquide non renouvelé (batch), concerne en général le développement d'une population bactérienne isolée

(culture pure), mais relativement peu de travaux ont été consacrés au développement conjoint de deux

populations bactériennes (culture mixte). Le but de mon projet était d'établir les bases théoriques et

méthodologiques nécessaires à l'étude des dynamiques de populations bactériennes en cultures mixtes.

Ce travail ne se limite donc pas à un champ d'application de la modélisation de la croissance, mais se

veut transversal. Ainsi, différents concepts issus de l'écologie microbienne ont été intégrés.

Ce document comporte quatre parties. La première s'attache à définir le contexte historique et scientifi-

que sous-tendant cette étude, à cerner les concepts impliqués (avantage sélectif et interaction), et à

recenser à partir d'une large revue bibliographique les méthodologies utilisables.

Dans la deuxième partie sont proposées diverses voies vers une méthodologie standardisée pour le suivi

et l'analyse de la dynamique des populations bactériennes en cultures mixtes. Les concepts d'avantage

sélectif et d'interaction sont d'abord traités séparément puis conjointement.

Les concepts et méthodologies définis dans les deux premières parties ont été appliqués à divers champs

de la microbiologie : trois études de cas sont ainsi présentées dans la troisième partie. Il s'agit de cultu-

res mixtes en batch de deux souches phylogénétiquement proches (même genre, voire même espèce) :

(i) Escherichia coli K12 et Escherichia coli O157:H7 ; (ii) Staphylococcus aureus résistants à la méticilline,

la kanamycine et la tobramycine (MRSA-KT) et Staphylococcus aureus résistants à la méticilline, la ka-

namycine, la tobramycine et la gentamicine (MRSA-KTG) ; (iii) Listeria monocytogenes et Listeria inno-

cua.

Enfin, la quatrième partie permet de conclure sur les différents points abordés, tant d'un point de vue

biologique que d'un point de vue biométrique.

Page 19: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

19

Page 20: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

20

PARTIE I ETAT DES LIEUX

"L'étude de la croissance d'une culture bactérienne ne constituepas un thème spécialisé ou une branche de la recherche ; c'estla méthode de base de la microbiologie".

Jacques Monod

"La valeur de performance d'une idée tient à la modification decomportement qu'elle apporte à l'individu ou au groupe quil'adopte."

Jacques Monod

Page 21: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

21

Page 22: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

22

I.1. CULTURES PURES ETCULTURES MIXTES

De nombreux auteurs travaillant sur les cultures mixtes bactériennes ont déploré l'omniprésence de la

culture pure en bactériologie. Ce chapitre s'attache à retracer historiquement comment la culture pure

s'est imposée, à amorcer une réflexion épistémologique sur ce paradigme, et à en examiner les cons-

équences techniques.

I.1.1. APERÇU HISTORIQUE ET EPISTEMOLOGIQUE

Définition de la microbiologie

Par ses objets d'étude : microbes et micro-organismes

Le terme microbe fut créé en 1878 par le chirurgien Sédillot avec l'assentiment de Littré pour quali-fier l'ensemble des organismes vivants invisibles à l'œil nu alors indifféremment appelés vibrions,virus, bactéridies, ferments, bacilles ou bactéries (Boutibonnes, 1999). Le terme micro-organismelui est aujourd'hui préféré. Mais le terme microbiologie est toujours utilisé pour désigner l'étuded'organismes trop petits pour être visibles à l'œil nu. Ce substantif fut introduit officiellement parLouis Pasteur en 1881 pour remplacer le terme Bakteriologie utilisé par les germanophones etconsidéré comme trop limitatif1 (Fantini, 1999).

Ainsi, selon la norme européenne 406-1990, la microbiologie est définie comme "la disciplinescientifique traitant des propriétés des micro-organismes, comprenant les bactéries, les champi-gnons, les parasites et les virus et de leurs effets sur l'hôte et l'environnement”. L'ensemble desmicro-organismes recouvre donc un très large éventail d'entités, caractérisé par une grande diversitétaxonomique. Le seul critère d'unité serait la taille microscopique mais certains organismes étudiéspar les microbiologistes (en particulier parmi les algues et les moisissures) sont beaucoup plusgrands.

Par ses techniques d'étude

Le critère de taille ne suffit donc pas à définir la microbiologie. Cette difficulté a conduit Stanier etal. (1986) à définir ce domaine en termes de techniques utilisées : un microbiologiste isole unmicro-organisme spécifique puis le cultive. Donc la microbiologie repose sur deux principes tech-niques fondamentaux : l'isolement et la culture des micro-organismes (Prescott et al., 1995).

Tout traité ou manuel de bactériologie consacre une part importante aux techniques permettantd'obtenir une culture pure (isolement) et de la maintenir (en la préservant de toute contamination).Les définitions de base reposent sur ces principes. Une souche bactérienne est un ensemble de bact-

1 Dans la mesure où mon étude ne concerne que les populations bactériennes, les termes bactériologie et microbiologie seront parla suite utilisés indifféremment.

Page 23: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

23

éries issues d'une cellule-mère ou d'un ensemble de cellules supposées génétiquement identiques.La culture d'une souche isolée (culture pure) permet donc de développer une population supposéegénétiquement homogène (Flandrois & Chomarat, 1988).

Quelques étapes clés dans l'histoire de la microbiologie

Les premières observations

La découverte de l'existence des micro-organismes, ne pouvait se faire sans l'avènement de progrèsdans le domaine des sciences exactes. Une contribution importante a été apportée par Galilée, quien 1610 n'a pas seulement construit un télescope mais aussi un dispositif optique, l'occialino, pourexaminer des objets petits. C'est vraisemblablement cet appareil que l'Italien Francesco Stelluti uti-lisa pour les premières observations microscopiques d’abeilles. Le premier microscope composéserait encore antérieur et aurait été réalisé en Hollande vers 1590.

Mais c'est un siècle plus tard que Antonie van Leeuvenoek (1632-1723) fut le premier à décrire les"animalcules" (vraisemblablement des levures et les plus grosses bactéries). Toutefois, van Leeuve-noek était très réticent à la diffusion de sa technique. Or ses découvertes furent contestées par cer-tains qui, employant des microscopes de moindre qualité, ne réussirent pas à faire les mêmes obser-vations. Ceci pourrait expliquer le fait que la microbiologie ait à nouveau peu évolué au cours dusiècle suivant.

A la fin du XVIIIème siècle, l'Allemand Otto Friedrich Müller (1730-1784) confirma l'existence desbactéries. En 1773, puis dans un ouvrage posthume paru cinq ans après sa mort, Müller décrivit denombreuses bactéries et les classa en genres et en espèces, suivant les règles de nomenclature bi-naire que Carl von Linné (1707-1778) venait d'éditer.

Fermentations

La culture des micro-organismes dans un objectif appliqué (production de vin, de vinaigre et deproduits laitiers) est bien antérieure à leur découverte. La Bible (IX, Versets 20-21) rapporte, avecl'ivresse de Noé, la plus vieille fermentation connue de l'homme, avérée en Mésopotamie quelques60 siècles avant J.C. (Boutibonnes, 1999). Une réelle méthodologie s'était développée sur une baseempirique. La biotechnologie traditionnelle concernait donc principalement le traitement des ali-ments.

Avec la naissance de la chimie à la fin du XVIIIème siècle, commencèrent les études scientifiqueset expérimentales sur la nature des fermentations. Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794) yconsacra une part importante de ses travaux. Bien qu'il ait considéré la fermentation alcooliquecomme un processus purement chimique, Lavoisier reconnut clairement que la levure a le pouvoirde la déclencher, selon une théorie préfigurant celle de la catalyse. La nature réelle de la levure etson rôle dans la fermentation ne furent découverts qu'en 1836 par un physicien et ingénieur fran-çais, le baron Charles Cagniard-Latour (1777-1859) puis indépendamment et presque simultané-ment par Théodor Schwann (1810-1882) et Friederich Kützing (1807-1893). Toutefois, de nom-breux chimistes restaient convaincus que la fermentation était due à une sorte d'instabilité chimique.

Page 24: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

24

En 1856, un industriel de Lille soumit à Louis Pasteur (1822-1895) un problème de rendementsdans son usine de production d'éthanol à partir du sucre de betterave. Pasteur découvrit que la fer-mentation échouait en raison de la présence d'un micro-organisme responsable de la fermentationlactique (au lieu de la levure responsable de la fermentation alcoolique). En résolvant ce problèmepratique, Pasteur démontra que toutes les fermentations étaient dues à des levures ou des bactériesspécifiques. Ainsi, la naissance de la microbiologie comme une science est habituellement fixée à1857, avec la publication du premier article de Pasteur : Mémoire de la fermentation appelée lacti-que. Pasteur y décrivait le ferment lactique comme un organisme vivant, beaucoup plus petit encoreque la levure. Pendant 20 ans, de 1857 à 1877, l'attention de Pasteur se porta successivement sur denombreuses autres fermentations.

Controverse sur la génération spontanée

La théorie de la génération spontanée est très ancienne : Aristote pensait que certains des invert-ébrés simples pouvaient se développer à partir de matière non vivante ou en décomposition. Jusqu'àla Renaissance, cette doctrine était acceptée sans discussion. Au XVIIème siècle, les expériences deRedi sur la "capacité à produire spontanément des asticots" à partir de viande en décompositionpermirent de discréditer cette théorie en ce qui concerne les animaux.

La découverte des micro-organismes par van Leeuwenhoek relança la controverse. Quelques-unsuns proposèrent que les micro-organismes apparaissaient par génération spontanée même si cen'était pas le cas d'organismes plus grands tandis que d'autres (dont van Leeuwenhoek lui-même)maintenaient que des germes à l'origine des animalcules étaient présents dans l'air. Mais il étaitbeaucoup plus difficile d'appliquer les principes des expériences de Redi à des micro-organismes.

Les travaux de Pasteur sur les fermentations eurent pour conséquence de raviver la querelle de lagénération spontanée. Les méthodes que Pasteur employa pour réfuter cette théorie ne sont pas es-sentiellement différentes de celles qu'avaient utilisé ses prédécesseurs et notamment Spallanzani. SiPasteur parvint à emporter la conviction c'est parce que son "expérience cruciale" (1861) était sim-ple, élégante et facile à reproduire, bref démonstrative.

Hygiène alimentaire et stérilisation

Bien avant la découverte des flores alimentaires de détérioration, l'homme a découvert qu'il pouvaitprolonger la conversation des aliments (viandes, poissons, fruits, légumes), en les séchant, en lessalant, en les fumant … Le sel fut longtemps une denrée essentielle pour ses propriétés de conser-vation. Aristote recommandait à Alexandre Le Grand d'imposer à ses troupes de faire bouillir l'eauavant de la boire (Hugo, 1991).

Les expériences de Spallanzani avaient permis de montrer qu'on pouvait éviter la putréfaction et lafermentation des produits même les plus périssables. Appert proposa au début du XIXème siècled'appliquer ces principes aux denrées alimentaires. Ainsi, il inventa l'appertisation (conditionnementdes aliments en récipients hermétiques chauffés après fermeture étanche) , principe encore appliquéaujourd'hui pour les boîtes de conserves. Ce procédé fut largement utilisé, bien avant que les basesscientifiques de la stérilisation ne soient établies.

Napoléon III fit appel à Pasteur pour résoudre le problème suivant : après quelques semaines enmer, les tonneaux de vins embarqués à bord des navires se transformaient en vinaigre, ce qui

Page 25: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

25

déclenchait régulièrement des mutineries. A l'aide de son microscope, Pasteur réalisa qu'il pouvaitdistinguer les contaminants qui causaient la perte du vin. Il a alors supposé qu'en chauffant le vin à50°C, il pourrait détruire les mauvais microbes sans gâcher le goût du vin, procédé par la suite uni-versellement employé sous le nom de pasteurisation.

Hygiène médicale et asepsie

Les travaux de Pasteur sur les générations spontanées et surtout sur la stérilisation ont suscité uneapplication médicale dont les conséquences ont été considérables. A l'époque, les infections post-opératoires paralysaient la chirurgie.

Dès les années 1850, Phillipe-Ignace Semmelweiss (1818-1865), médecin juif d'origine hongroise,avait démontré l'importance de la transmission croisée et le rôle fondamental du lavage de mains.Assistant à la clinique obstétricale de l'Hôpital Générale de Vienne, il avait remarqué que les ac-couchées qui faisaient l’objet de soins par les sages-femmes avaient moins d’infections que cellesqui l’étaient par des médecins, qui avaient également à réaliser des autopsies. Il préconisa le lavagede mains avec une solution d'hypochlorite de calcium avant de pratiquer un accouchement, ce quipermis de réduire drastiquement le taux de mortalité des accouchées. Semmelweiss entra en conflitsur ce sujet avec le Professeur Klein, fut rejeté par ses pairs, révoqué de l'hôpital de Vienne. Incom-pris, il sombra dans la folie. Louis Ferdinand Céline lui consacra sa thèse de médecine.

Enfin, en 1867, Joseph Lister (1827-1912), alors professeur de chirurgie à Glasgow, établit les prin-cipes de l'antisepsie, à laquelle devait par la suite se substituer la conception moderne de l'asepsiechirurgicale.

Controverse sur le pléiomorphisme

La première classification des bactéries qui ait une réelle valeur scientifique est celle de Cohn. Pro-fesseur de botanique à l'Université de Breslau, Cohn passa de longues années à démêler, dans lamasse confuse des faits publiés par les pionniers de la bactériologie, ce qui était exact et important,et fit lui-même des observations d'une grande importance. L'objectif principal de son travail étaittaxonomique : établir une classification systématique de toutes les bactéries, fondée sur la morpho-logie mais en tenant compte aussi de leur métabolisme. Son grand ouvrage de systématique, "Un-tersuchungen über Bakterien" parut en 1872.

La classification de Cohn repose sur le concept de monomorphisme, c'est-à-dire sur l'idée que legroupe des bactéries comporte, comme les organismes dits supérieurs, des entités stables, douées decaractères morphologiques et physiologiques distincts. Ce concept de monomorphisme - adopténotamment par Koch et Cohn - s'opposait à la théorie du pléiomorphisme - dont les partisans étaientnotamment Nägelli, Büchner et Zopf. Pour ces derniers, les bactéries pouvaient, suivant les condi-tions, présenter des structures ou même des fonctions très variables, ce qui rendait illusoire toutedéfinition d'espèce et par conséquent toute taxonomie. Cependant, l'isolement d'un grand nombre decultures bactériennes pures et manifestement stables fit bientôt accepter la conception de Cohn parl'ensemble des bactériologistes.

La taxonomie bactérienne a été complétée et modifiée à de nombreuses reprises. Les classificationsde Migula en 1894 et Lehmann & Neumann en 1896 sont comme celle de Cohn essentiellement

Page 26: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

26

fondées sur des critères morphologiques. Par la suite, d'autres introduisirent de nouveaux critères,d'ordre immunologique ou biochimique.

Causalité des maladies infectieuses

Au début du XIXème siècle, la microbiologie s'est essentiellement tournée vers un objectif appli-qué : la lutte contre les maladies infectieuses. En effet ce fut une période d'augmentation de lafréquence des maladies épidémiques, avec notamment l'irruption dramatique des pandémies decholéra.

En 1865, Pasteur décida de s'occuper des maladies du ver à soie, à la demande pressante des pro-ducteurs. Mais ce n'est qu'en 1877, après beaucoup d'hésitations, qu'il s'engagea directement dans lacritique des théories médicales traditionnelles, en appliquant la théorie spécifique de la fermentationaux maladies épidémiques.

Vers la fin des années 1870, Koch, médecin de campagne s'est intéressé au charbon, une maladiecommune aux fermiers et à leurs animaux dans le milieu rural. Utilisant un microscope, Koch aobservé la présence d’une bactérie dans le sang de victimes du charbon. Il a supposé qu'il s'agissaitde l'agent pathogène. En utilisant un placard chez lui comme laboratoire, et en développant progres-sivement des techniques de base, Koch a finalement réussi à isoler la bactérie du charbon. Il a alorsinjecté sa préparation à des animaux sains et a reproduit les mêmes symptômes cliniques. En exa-minant le sang des animaux qu'il avait contaminés, il a été à même de ré-isoler la bactérie originale.Il répéta ainsi le cycle d'isolation et d'infection jusqu'à être certain qu'il avait trouvé l'agent respon-sable du charbon. En 1876, il publia un mémoire qui lui valut d'emblée une place de premier rangparmi les microbiologistes. Etant donné l'importance économique de cette maladie et ses techniquesfacilement reproductibles, ses résultats ont été rapidement vérifiés. Koch fut alors reconnu par lacommunauté scientifique et eut bientôt son propre institut (comme Pasteur).

Sur un plan médical, Koch démontrait de façon irréfutable que la bactéridie de Davaine (Bacillusanthracis) est l'agent du charbon épidémique. Par la suite, Koch identifia également l'agent respon-sable du choléra et de la tuberculose. Il est important de signaler que Koch ne s'est pas contenté dedémontrer l'existence de l'agent mais a à chaque fois cherché à l'identifier, notamment en le nom-mant.

Koch a contribué très fortement au principe de causalité et de spécificité de l'agent causal en méde-cine. Ainsi, il démontra qu'“une seule forme de bactérie est capable de provoquer ce processusmorbide spécifique (le charbon), alors que l'inoculation d'autres bactéries ou bien ne produit pasde maladies ou bien en provoque de différentes.” A côté de la spécificité du "parasite", celle del'hôte était clairement établie et illustrée par la résistance naturelle du chien et des oiseaux au char-bon expérimental.

Sa procédure pour identifier l'agent responsable de n'importe quelle maladie fut énoncée sous formede règles, depuis connues sous le nom de postulats de Koch. Ses fameux postulats ne constituentqu'un paragraphe de 8 lignes dans un article de 17 pages, "Ueber die Aetiologie der Tuberkulose"(Koch, 1882): "Wenn es sich num aber nachweisen liess: erstens, dass der Parasit in jedemeinzelnem Fall der Betreffenden Krankheit anzutreffen ist, und zwar unter Verhaltnis, welchedenpathologischen Veradnerungen und dem Klinischen Verlauf der Krankheit entsprechen: zweitens,dass er bei keiner anderen Krankheit als zufalliger und nicht pathogener Schmarotzer vorkommet;

Page 27: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

27

und drittens, dass er, vor dem Korper vollkommen isolirt undin Reinculturen hinreichend oftumgezuchtet, im Stande ist, von Neuem di Krankheit zu erzugen; dann konnte er nicht mehrzufalliges Accidens der Krankheit sein, sondern liess sich in diesem Fall kein anderes Verhaltnismehr zwischen Parasit un Krankheit denken, als dass der parasit di ursache der Krankheit ist".

Cela signifie que si les trois règles énoncées sont respectées, alors la présence du parasite chez unorganisme malade ne peut être une coïncidence et que la seule relation qui puisse être considérée estque le parasite est la cause de la maladie. Les trois règles sont les suivantes.§ Le parasite est présent dans chaque cas de la maladie en question et dans des conditions en rela-

tion avec la pathologie.§ Le parasite n'est présent, comme parasite fortuit et non pathogène, dans aucun autre cas de ma-

ladie.§ Le parasite peut être isolé de l'organisme malade et propagé en culture pure, et il est peut alors

induire la maladie à nouveau (chez un organisme sain).

Des versions antérieures de ces postulats étaient déjà présentes dans des articles de 1876 et 1878.Koch n'a jamais particulièrement insisté sur cet aspect de ses travaux et reconnaissait que les tra-vaux princeps sur la causalité unique avaient été antérieurs. Quoique Koch n'y ait pas accordé uneimportance démesurée, ses trois postulats (et tout particulièrement le troisième) posaient les basesdes techniques fondamentales de la microbiologie, telles que décrites plus haut : isoler et cultiver enculture pure.

En effet, l'omniprésence de ces techniques dans la bactériologie actuelle, le paradigme de la culturepure, remonte probablement à ce que les postulats de Koch ont été compris par tous. La mentalitédes microbiologistes de cette période a été très largement influencée par Koch. La technique deculture microbienne mise au point par Koch et ses disciples était simple et répétable. Ses conceptsthéoriques sur la croissance, l'activité et la structure bactériennes étaient également simplifiés.Comme l'écrit Panikov (1995), la microbiologie aurait bénéficié d'un certain "primitivisme" deKoch. Pour Stephenson (1949), la médecine doit autant aux limitations de Koch qu'à ses apports. Enrevanche, Panikov, en tant que représentant de l'école russe d'écologie microbienne, déplore que lamicrobiologie ait pu au tournant du siècle perdre en "ouverture d'esprit" et en "attachement auxsciences exactes".

Découverte de l'agar

Dans le domaine des techniques bactériologiques, on peut attribuer à Koch ou à ses collaborateurs :les techniques de culture aseptique, les cultures pures, l'utilisation de boîtes de Petri, la boucled'inoculation, la coloration de Gram et d'autres techniques de coloration. J'ai détaillé ci-après ce quiconcerne en particulier les premières utilisations de milieu solide (agar ou gélatine).

Les premiers milieux de culture étaient liquides, ce qui rendait très difficile l'isolement de bactériesen cultures pures. En pratique, un mélange de bactéries était dilué successivement jusqu'à obtentiond'une seule cellule en moyenne par tube. La bactérie individuelle ainsi isolée devait alors se repro-duire en culture pure. Cette approche était pénible, elle donnait des résultats variables et rencontraitdes problèmes de contaminations.

En 1881, Koch décrivit l'utilisation de pommes de terre bouillies découpées avec un couteau stéri-lisé comme premier milieu de culture solide. Le mélange polymicrobien était ensemencé sur la sur-

Page 28: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

28

face d'une tranche stérile de pomme de terre à l'aide de l'extrémité d'une aiguille, puis étalé afin queles cellules soient séparées les unes des autres. Les tranches étaient incubées sous des cloches pourempêcher la contamination par l'air et les cellules isolées se développaient alors en colonies pures.Toutefois, la pomme de terre n'était pas un milieu de culture optimal pour toutes les bactéries.

Par la suite, Koch décida d'essayer de solidifier le milieu de culture peptoné à base d'extrait deviande de son associé, Loeffler. En tant que photographe amateur, Koch savait préparer ses plaquesphotographiques à base de gélatine et de sels d'argent. Sur la base de cette technique, il étala unmélange du milieu de Loeffler et de gélatine sur une plaque de verre, attendit qu'il durcisse puis enensemença la surface. Par rapport à la pomme de terre, ce milieu plus nutritif était plus adapté à lacroissance bactérienne. Mais la gélatine posait deux problèmes : d'une part, elle fondait à 37°C ;d'autre part, elle était digérée.

L'épouse d'un assistant de Koch, Hesse, entendit parler de ces difficultés et suggéra de recourir àl'agar, utilisé en cuisine pour solidifier les gelées de fruits. En 1882, l'agar fut donc utilisé pour lapremière fois comme agent solidifiant. Le milieu solidifié grâce à l'agar eut un succès instantané.Cinq ans plus tard, un autre assistant de Koch, Petri, inventa la boîte de culture qui porte son nom etplus personne n'utilisa les plaques de verre.

Les débuts de l'écologie microbienne

Les travaux de Winogradsky et Beijerinck se chevauchent chronologiquement et se complètent. En1888, Beijerinck a isolé en culture pure les bactéries fixatrices de l'azote et symbiotes des légumi-neuses. En 1890-91, Winogradsky a isolé les bactéries nitrifiantes et démontré que celles-ci se sub-divisent en deux groupes, l'un oxydant l'ammoniaque en nitrite, l'autre oxydant le nitrite en nitrate.Peu après, en 1895, Winogradsky a découvert les bactéries anaérobies fixatrices de l'azote, vivant àl'état libre dans le sol (Clostridium pasteurianum). La même année, Beijerinck a prouvé que laréduction des sulfates en hydrogène sulfuré est un processus bactérien et isolé l'organisme respon-sable (Desulfibrio desulfuricans). L'approche de Winogradsky et Beijerinck est couramment op-posée à celle de Koch. Pourtant, cette première présentation de leur travail peut conduire à penserque les principes diffèrent peu puisqu'ils ont isolé des agents responsables de phénomènes jus-qu'alors non expliqués. Une première différence réside dans la méthode d'isolement. En effet, ils neprocédaient pas par isolement sur géloses mais grâce à la méthode des cultures d'enrichissement,qui consiste à ensemencer un échantillon de sol ou de tout autre milieu naturel dans un milieu où lasubstance dont on veut étudier le métabolisme est la seule source possible d'énergie, de carbone oud'azote. Dans ces conditions hautement sélectives, les organismes capables d'utiliser la substanceconsidérée se trouvent favorisés, de sorte qu'après quelques repiquages, ils finissent par être aisé-ment isolés en culture pure, même s'ils n'étaient présents dans l'inoculum initial qu'en nombre trèsfaible par rapport à d'autres. L'application de cette méthode a révélé la diversité des bactéries etmontré qu'il n'existe pratiquement aucune substance organique qui ne puisse être dégradée par elles.

De plus, ils ont soulevé le problème de la différence entre culture en conditions de laboratoire (invitro) et croissance dans les habitats naturels (in situ). Ce fut l'objet d'une controverse entre Kluyveret Winogradsky d'une part versus Ierusamlisky et Hungate d'autre part (Panikov, 1995). Bien que denombreuses observations aient pu être réalisées à partir d'études en culture pure au laboratoire, cel-les-ci n'en demeurent pas moins artificielles du fait que dans le milieu naturel, ces bactéries viventen communautés, entre elles ou avec des organismes supérieurs. Ces microorganismes peuvent

Page 29: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

29

alors interagir de multiples façons avec leur environnement, interactions pouvant aller de réactionspurement antagonistes à des phénomènes d'interdépendance mutuelle formant ce qui est com-munément appelé des associations ou consortiums.

L'importance de Pasteur et à moindre échelle de Koch dans l'essor de la microbiologie ne peut êtreoccultée. Toutefois, aux yeux de Panikov (1995), elle ne devrait pas masquer les découvertes etsurtout les apports méthodologiques de Winogradsky et Beijerinck. Ils ont introduit les techniquesd'enrichissement et Winogradsky a également introduit la pratique de la culture continue.

Cet aperçu de l'histoire de la microbiologie n'a bien sûr aucune ambition d'exhaustivité et s'arrête autournant du siècle. Le but en était d'introduire les éléments historiques nécessaires au débat sur leparadigme de la culture pure.

Réflexions épistémologiques

L'approche épistémologique du paradigme de la culture pure comporte deux volets : d'une part lesconcepts de pureté et d'isolement sont discutés et d'autre part les travaux de Koch sont resitués dansun contexte épistémologique.

Vocabulaire

Le mot français pur est apparu vers 980 et serait issu du latin purus, "sans tache, sans souillure" etpar suite "net, sans mélange" (Rey, 1992). Selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, pur se ditde ce qui n'est point altéré par le mélange d'une matière étrangère et hétérogène. Le mot pureté,issu de l'ancien français purté lui-même issu du latin puritas, a été introduit avec le sens abstrait de"sans souillure morale". Le sens concret d'"état d'une substance sans mélange" n'est attesté que de-puis 1530 alors que pur a cette valeur depuis l'ancien français. Le verbe purifier a été emprunté vers1160 du latin purificae de purus (pur) et facere (faire).

Le mot isolé est beaucoup plus récent. Il a été emprunté vers 1575 à l'italien isolato "construit enîlot, séparé", lui-même issu du latin insula, "île". D'abord employé en architecture, l'adjectif s'estensuite appliqué à une personne séparée des autres hommes à la fin du XVIIème. Puis au XVIIIemeil prend le sens général de "séparé de choses de même nature". Le verbe isoler a été dérivé de l'ad-jectif isolé vers la fin du XVIIème.

Religion

Le champ lexical de la pureté a toujours eu une forte implication religieuse. Le mot latin purus étaitessentiellement utilisé dans la langue religieuse, comme le mot grec catharsis auquel il correspond.Il a d'abord été repris avec le sens abstrait de "complet et sans mélange" en parlant de la foi (Rey,1992).

Des pratiques de purifications rituelles existent dans de nombreuses religions de tous les groupeshumains connus. Citons par exemple la momification par embaumement chez les Egyptiens. D'apr-ès l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, le premier sens de purification est une cérémonie juivevisant à purifier les femmes ayant accouché et donc ainsi contracté une impureté. Toujours, selonl'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, les mots pur, pureté, impur et impureté ne regardent quel'extérieur dans l'Ancien Testament et concernent des règles d'hygiène sanitaire. En revanche, les

Page 30: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

30

chrétiens associeraient la pureté à l'innocence. Ainsi, dans la Bible, les mots purification ou purifiedésignent l'effort que doit faire l'homme pour se rapprocher de Dieu (le baptême, les ablutions...).Dans le Coran, le pouvoir de purification est un attribut divin : "C'est Dieu qui purifie qui Il veut".

Alchimie

La notion de purification (plus particulièrement de l'or) occupe une place importante en alchimie.Le lien entre or pur en alchimie et culture pure en bactériologie peut certes sembler lointain. Toute-fois, les textes des alchimistes eux-mêmes pouvaient conduire à cette analogie en comparant desprocessus alchimiques à des fermentations (Joly, 1992). Dans le Char triomphal de l'Antimoine,Basile Valentin compare les processus essentiels de l'alchimie à la fabrication de la bière à partir del'orge. A partir de cet exemple de la bière Van Helmont a développé une théorie de ferment univer-sel en considérant l'ensemble des opérations alchimiques comme une fermentation. Plus précisé-ment, le terme de fermentation est en général réservé à une étape finale dans laquelle l'or serait leferment (Joly, 1992).

D'autre part, les travaux sur la teinture occupent également une place importante. J'y reviendrai dansce qui suit (cf. Théories de la contagion).

Chimie

L'utilisation du verbe isoler en chimie (isoler un corps simple) remonte au début du XIXème siècle.Mais l'utilisation du champ lexical de la pureté est plus ancienne.

Dans la chimie prélavoisienne, il était admis que d'après le mode de préparation, des substancesélémentaires pouvaient présenter des différences de qualité. Le carbonate de potassium donnait,croyait-on, trois espèces très nettement distinguées selon qu'on le tirait des cendres, du tartre, dusalpêtre. La philosophie chimique reposait sur la mobilité des qualités d'un corps à un autre. Leconcept de substance chimique n'avait donc pas la solidité qui lui est attribuée aujourd'hui. Un telpluralisme chimique n'était pas une simple considération philosophique puisqu'il s'opposait à laréduction de la diversité. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les chimistes en arrivèrent à douterqu'il soit légitime de parler de séparation des éléments constituant un corps composé. Les substan-ces n'avaient de caractères chimiques qu'à l'égard les unes des autres et elles étaient entièrementrelatives les unes des autres. De plus, un corps engagé dans une combinaison ne pouvait en êtreextrait qu'en le combinant avec un autre corps. Ainsi, à la fin du XVIIème siècle, Beccher écrivaitque "les principes ne peuvent presque jamais être séparés les uns des autres séparés les uns desautres" et qu'il était impossible de "montrer les corps primitifs dans leurs simplicité et leur ho-mogénéité". Au XVIIIème siècle, Henckel écrivait également : "L'on ne parvient jamais à décom-poser un mixte sans produire de nouvelle mixion ; ce serait en vain qu'on tenterait d'avoir chacundes ces principes séparément et dans leur état de simplicité". A la fin du XVIIIème siècle, Macquerécrivait : "Plus les substances sont simples, plus leurs affinités sont sensibles et considérables : d'oùil suit que moins les corps sont composés plus il est difficile d'en faire l'analyse". En effet, puisquetoute opération chimique devait s'appuyer sur les affinités, les difficultés s'accentuaient au fur et àmesure qu'on s'approchait des éléments (Bachelard, 1932).

Page 31: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

31

Le parallèle entre obstacles épistémologiques rencontrés en chimie et en microbiologie est d'autantplus intéressant que Pasteur commença ses premiers travaux sur l'asymétrie des molécules et laséparation des mélanges racémiques.

Théories de la contagion

Les travaux de Pasteur et de Koch sur la causalité des maladies infectieuses ont été traités dans lerappel historique ci-dessus. Le débat sur la nature et l'origine de la contagion puis sur la notion decausalité est repris ici sous un angle plus épistémologique.

L'idée de contagium, très ancienne, est liée aux métaphores et aux analogies. La contagion est com-parée, voire assimilée, à la teinture d'un tissu ou au pourrissement des fruits etc. La comparaison àla teinture évoque directement l'alchimie (cf. ci-dessus) : une petite quantité de matière induit unchangement qualitatif dans tout le matériau exposé. C'est cependant la putréfaction qui fournit pen-dant des siècles le modèle dominant pour expliquer la contagion et l'infection : un fruit en décom-position, s'il entre en contact avec d'autres fruits, les infecte et en produit le pourrissement.

La théorie du contagium vivum fut proposée à plusieurs reprises, avant le XIXème siècle. Elle re-pose sur trois point théoriques (Fantini, 1999).§ Il existe un contagium, agent susceptible de passer d'un individu malade à un individu sain, en

provoquant la maladie chez ce dernier.§ Le contagium est vivum : organisme vivant (autonome et capable de se reproduire) ou semence

(capable de donner naissance à un organisme parasitaire à l'intérieur de l'individu hôte).§ Le contagium est la cause spécifique et nécessaire d'une maladie infectieuse particulière.

Dès 1519, von Hutten décrivait la propagation des maladies contagieuses comme le fait de germesdisséminés, de "graines, ou poissons malins ou de petits vers ailés" (Boutibonnes, 1999).

La théorie du contagium vivum s'opposait à la théorie miasmatique, qui admettait que les substancesen décomposition, même en petites quantités, sont capables de provoquer des modifications patho-logiques. Vers le milieu du XIXème siècle, ces explications chimiques de la contagion dominaient,elles s'accordaient parfaitement avec les politiques sanitaires de l'époque. En effet le mouvementhygiéniste se fondait sur une théorie essentiellement miasmatique, dans la mesure où elle attribut lacausalité des épidémies aux poisons présents dans le milieu. Du point de vue de l'efficacité pratique,les partisans de la théorie du contagium vivum avant Pasteur et Koch ne pouvaient proposer d'actionsanitaire précise, tandis que les défenseurs de la théorie miasmatique (chimique) eurent des résultatspositifs en proposant de réduire les miasmes (purification de l'eau, évacuation des ordures urbainesetc.). Ce succès assura une certaine pérennité à la théories miasmatiques au cours du XIXèmesiècle.

Cette opposition entre explication par des processus chimiques et explication par l'intervention demicroorganismes existait également concernant les fermentations. Or fermentations et maladiesavaient souvent été comparées. L'explication pastorienne des fermentations eut donc une place im-portante dans les fondements de la théorie des maladies infectieuses. D'autre part, le trait spécifiquede toutes les théories sur la nature du contagium au début du XIXème siècle était leur lien avec lesthéories sur la génération. Ainsi, un même terme, germe, est utilisé pour désigner la semence quisoit donne une nouvelle vie, soit transmet l'infection.

Page 32: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

32

Ces proximités permettent d'expliquer la facilité avec laquelle Pasteur transféra à l'étude des mala-dies infectieuses ses théories et techniques mises au point sur les générations spontanées d'une partet les fermentations d'autre part (Fantini, 1999). Latour a en effet établi que la carrière de Pasteuravait été caractérisée par une "loi du déplacement horizontal" : il a progressivement déplacé l'objetde ses recherches (de la stéréochimie des molécules organiques jusqu'à la production de vaccins, enpassant par les différents travaux de microbiologie évoqués en divers points) en appliquant les tech-niques et résultats mis au point dans les phases précédentes.

Notion de causalité

Au début du XIXème siècle, une des difficultés épistémologiques majeures était liée au conceptmême de maladie infectieuse (Fantini, 1999). Les systèmes médicaux dominants insistaient sur ladéfinition de la maladie comme réaction du corps à des stimuli. Deux ordres de causes étaient dis-tingués : les causes internes, naissant dans l'organisme, et les causes externes, provenant de l'ext-érieur. Dans la médecine classique, le rapport entre cause et effet dépendait des dispositions de l'or-ganisme. Il n'existait pas de lien constant entre la cause et l'effet. De nombreuses causes différentesétaient chacune suffisante pour - indépendamment des autres - provoquer une même maladie. Laprincipale innovation épistémologique de la seconde moitié du XIXème siècle fut l'abandon de cettecausalité multiple, au profit d'une explication fondée sur une causalité unique, nécessaire et spécifi-que.

Bien que le principe de causalité dans le domaine de la bactériologie médicale soit généralementattribué à Koch, il semble que ce fut Jacob Henle (1809-1885), un anatomo-pathologiste allemand,qui l'énonça le premier, dès 1840. Son travail sur la notion de causalité fut exclusivement théoriqueet fut exposé dans les 82 premières pages de son ouvrage "Pathologische Untersuchungen" sous letitre "Von den Miasmen und Contagien und von den miasmatisch-contagiosen Krankheiten". Cesont des concepts précurseurs des postulats de Koch : nécessité de trouver l'agent infectieux micros-copique chez tous les malades examinés, de l'isoler et d'en tester le pouvoir infectieux. De nom-breux historiens ont considéré que les travaux de Henle préfiguraient les postulats de Koch, allantjusqu'à les renommer postulats de Henle-Koch (Evans, 1993). Koch fut bien l'étudiant de Henle àGöttingen, toutefois Koch ne cite Henle dans aucun des deux articles fondamentaux de 1882 et1890. En revanche, Koch s'y réfère aux travaux d'un autre allemand : Edwin Klebs (1834-1913).

Mais Pasteur, Henle et Klebs se sont tous les trois heurtés au même obstacle épistémologique de ladémonstration de l'effet causal. Seul Koch apporta les bases méthodologiques permettant dedémontrer expérimentalement les principes de la causalité unique et spécifique, appliqués à la mi-crobiologie.

Bilan

D'un point de vue historique, la notion de culture pure en bactériologie est née de la volonté d'iden-tification d'une causalité unique dans le domaine des maladies infectieuses. Pour atteindre ce but, ilfallait éliminer tout le reste, considéré comme artefactuel. Les principales techniques microbiologi-ques utilisées aujourd'hui ont été développées à cette époque, dans ce contexte. Elles ont étéconçues dans le but d'obtenir une souche pure (l'isoler) et de la maintenir (la préserver de toute

Page 33: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

33

contamination), et le développement de la microbiologie s'est construit sur ces bases méthodologi-ques. C'est vraisemblablement ainsi que le paradigme de la culture pure est apparu en bactériologie.

Il serait ambitieux de vouloir approfondir ici cette notion de paradigme d'un point de vue épist-émologique, voire philosophique. Toutefois, les différentes approches de la pureté présentées ci-dessus (approche lexicale, religieuse, alchimique et chimique) peuvent fournir quelques pistes.

En particulier, les notions d'individu et de population (voire de race) en bactériologie pourraient êtrereconsidérées à la lumière de ces considérations épistémologiques et de résultats récents sur lecomportement bactérien.

I.1.2. SUIVI DE LA CROISSANCE BACTERIENNE ENCULTURES MIXTES

De nombreux problèmes techniques ont été évoqués dans le chapitre précédent. En effet, les métho-des courantes de suivi de culture bactérienne ne sont pas adaptées au suivi de deux (ou plusieurs)populations parallèlement. Toutefois, les bactériologistes ont développé des techniques permettantde pallier cette difficulté. Les techniques présentées ici se rapportent au suivi d'une culture en mi-lieu liquide.

Dénombrement des populations

L'estimation régulière du nombre de bactéries rapporté au volume de culture, c’est-à-dire de la den-sité de population bactérienne (exprimée en nombre de cellules par mL), permet de suivre le déve-loppement des populations (cf. Meynell & Meynell, 1970).

Dénombrements sur boîtes de Petri

Parmi les techniques directes, le dénombrement sur boîtes de Petri constitue sans aucun doute laméthode la plus classique. Cette technique permet la mesure de densités de population comprisesentre 10 et 108-109 cellules/mL ou cellules/g de produit. Le principe repose sur l’hypothèse qu'unecellule viable déposée sur le gel nutritif de la boîte se divise jusqu'à l'obtention d’un amas de cellu-les issues de cette seule cellule-mère : une colonie.

En conséquence, le dénombrement des colonies revient au dénombrement des cellules ou groupesde cellules déposés et viables (unités formant colonie ou ufc) à condition que la dilution de la solu-tion ne conduise à aucun chevauchement des colonies (confluence). La méthode est très simplemais peut être coûteuse en temps et en matériel et peut conduire à l'obtention de cinétiques consti-tuées d'un nombre limité de points expérimentaux.

Deux espèces différentes peuvent souvent être distinguées par la morphologie ou la couleur de leurscolonies. Dans le cas de souches proches, formant des colonies identiques sur les milieux usuels, ilpeut exister des milieux différentiels permettant une distinction sur la base d'une différence phéno-typique. C'est la méthode la plus utilisée pour le suivi de cultures mixtes. Deux exemples sonttraités dans les études de cas de la troisième partie. Sur le milieu de Mac Conkey Sorbitol, les colo-

Page 34: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

34

nies de E. coli fermentant le sorbitol sont colorées en rouge (indicateur coloré de pH) alors que cel-les qui n'utilisent pas ce sucre ne sont pas colorées. Le milieu BCM (bioSynth, Suisse) permet dedistinguer les L. monocytogenes des L. non monocytogenes sur la base d'un substrat chromogénique.Le principal inconvénient est qu'il n'existe pas toujours un milieu différentiel permettant de distin-guer deux espèces proches et que ces milieux sont généralement coûteux.

Il existe aussi des milieux sélectifs permettant de ne cultiver que certaines souches. La sélectionrepose sur une différence phénotypique de type sensibilité/résistance à un antibiotique ou auxotro-phie/prototrophie pour un nutriment (capacité ou non à croître en absence d'un nutriment dans lemilieu nutritif). Les milieux sélectifs sont très utiles pour le suivi de croissance en cultures mixtes.Un exemple est traité dans la deuxième étude de cas : le dénombrement spécifique des Staphylococ-cus aureus résistants à la gentamicine a été réalisé sur un milieu gélosé additionné de gentamicine.Toutefois, ces milieux sélectifs risquent d'inhiber la croissance de la souche dénombrée elle-même.Le nombre d'unités capables de former une colonie visible sur ces milieux risque alors d'être inf-érieur au nombre de cellules viables présentes.

Il n'existe pas toujours un milieu gélosé permettant de sélectionner ou de distinguer les souchesutilisées. Il faut parfois mettre en œuvre des tests biochimiques complémentaires sur les colonies àidentifier. Dans ce cas, il est inenvisageable de tester toutes les colonies de toutes les géloses. Pourdénombrer des cultures mixtes de Streptococcus cremoris, Streptococcus lactis, Streptococcus dia-cetilactis et Leuconostoc citrovorum, Pettersson (1975) a associé des comptages de la populationtotale par des méthodes non spécifiques (dénombrements sur géloses, comptages au microscope ouestimation de la biomasse par la turbidité, cf. ci-dessous) et une estimation de la répartition entre lespopulations d'après l'identifications de quelques colonies.

Comptages au microscope

Les cellules présentes dans un échantillon liquide peuvent également être dénombrées en microsco-pie en utilisant du matériel adapté. Un quadrillage gravé à la surface d'une lame de verre (cellule deNeubauer) permet de compter les cellules dans un volume connu d'échantillon. Deux espèces diff-érentes peuvent parfois être distinguées par la taille ou la morphologie des cellules. Par exemple,Noisommit-Rizzi et al. (1996) ont mis au point une technique de ce type pour le suivi d'une culturemixte de Hydrogenophaga palleronii et Agrobacterium radiobacter en modifiant la cellule de Neu-bauer.

Les techniques d'épifluorescence fondées sur l'utilisation de fluorochromes permettent un comptagedirect plus spécifique en microscopie. Après coloration avec le 3,6-bis chlorure d'acridine (acridineorange) et le 4',6-diamidino-2-phenylindole (DAPI), l'identification des bactéries est possible sur labase de leur couleur, de leur forme et de leur taille (cf. Kepner & Pratt, 1994).

Par ailleurs, les cellules peuvent être immobilisées sur une membrane après filtration de l'échantil-lon ; c'est le principe de la cytométrie sur filtre (cf. Métézeau et al., 1994). Quelques essais avec unereconnaissance par anticorps sont présentés dans la première étude de cas.

Comptages en flux

Le comptage peut être automatisé par la détection des cellules individuelles entraînées par un fluxliquide.

Page 35: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

35

Le compteur de Coulter (Coulter Counter), système de comptage automatisé de particules au coursde l'aspiration d'un échantillon liquide, existe depuis 1956. La détection des cellules repose sur leschangements brutaux de conductivité lors de leur passage dans un orifice. Les micro-organismespeuvent être distingués à condition que leur taille diffère suffisamment. Yoon et al. (1977) ont uti-lisé le compteur de Coulter pour suivre une culture mixte de la bactérie Bacillus cereus (1,20 µm) etde la levure Candida tropicalis (3,50 µm). Lee et al. (1976) l'ont utilisé pour suivre une culturemixte de deux bactéries : Lactobacillus plantarum et Propionibacterium freudenreichii subsp.shermanii.

La cytométrie de flux est un système similaire fondé sur l'émission ou la diffusion de photons parles cellules lors de leur passage devant un faisceau laser. La différenciation des bactéries peut repo-ser sur des fluorochromes (comme en épifluorescence) ou sur les paramètres morphologiques in-fluant sur la diffusion de la lumière (Métézeau et al., 1994). Héchard et al. (1992) ont utilisé la diff-érence morphologique entre les cellules de Leuconostoc mesenteroides (sphères) et de L. monocyto-genes (bâtonnets) pour suivre séparément la dynamique de chaque population en culture mixte.

Apports de la biologie moléculaire

Le développement récent de la biologie moléculaire apporte des outils pour améliorer la spécificitéde toutes ces méthodes de dénombrement.

Amann et al. (1990) ont couplé la détection par sondes oligonucléotidiques spécifiques de l'ARNr16S marquées avec un fluorochrome ou un composé radioactif avec la cytométrie de flux. Heidel-berg et al. (1993) ont appliqué la même méthode pour une observation microscopique.

Wang et al. (1999) ont développé une technique originale de quantification par analyse de séquencemuliplex : il faut préciser que les deux souches présentes dans la culture mixte ne différaient quedans une mutation ponctuelle de l'ARN 23S.

Estimation des densités de biomasse

Au lieu de dénombrer les bactéries, il est possible d'estimer la biomasse (masse bactérienne) parunité de volume, c'est-à-dire la densité bactérienne (cf. Meynell & Meynell, 1970). La pesée de lamasse sèche est peu sensible, peu reproductible, et, par suite, peu utilisée. Mais il existe des métho-des rapides d'estimation de la densité bactérienne.

La turbidimétrie permet de suivre l'évolution de la densité optique, reliée à la densité bactériennepar la loi de Beer-Lambert. Il existe des systèmes de mesure automatisés autorisant des acquisitionstrès fréquentes au cours d'une culture en microcuves. Ces dispositifs permettent de coupler crois-sance et mesure en temps réel de la densité bactérienne. Pour toutes les autres méthodes de suivi decroissance, la mesure nécessite en revanche le prélèvement d'un échantillon de culture et son ana-lyse extemporanée.

L'avantage majeur de cette méthode est sa simplicité et sa rapidité. Mais le fait que le résultatcorresponde à une densité bactérienne totale en limite très fortement les potentialités pour le suivide croissance en cultures mixtes.

Page 36: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

36

Zanchi et al. (1994), qui ont suivi par turbidimétrie des cultures mixtes de la microflore du rumen,ont dû se limiter à l'analyse de cinétiques de croissance de la flore totale.

Hillman & Fox (1994) ont cultivé Escherichia coli en présence de lactobacilles dans des conditionstelles que la croissance des lactobacilles soit quasiment nulle et donc négligeable devant celle de E.coli. La croissance de E. coli est alors évaluée par une simple mesure de densité optique. Cet arti-fice leur permet de simplifier le protocole expérimental ; toutefois il implique deux hypothèsesbiologiques très fortes. D'une part, puisque la population de lactobacilles reste à un niveau quasi-constant mais que la population de E. coli se développe, le rapport entre souche inhibitrice et sou-che inhibée diminue tout au long de la culture (les données numériques fournies ne permettent pasde quantifier ce rapport). D'autre part, les lactobacilles sont dans des conditions physiologiquesparticulières si leur multiplication est nulle (latence ?). Les auteurs ne semblent pas avoir pris encompte ces biais expérimentaux dans leur analyse des résultats.

Enfin, certaines équipes utilisent la turbidimétrie pour quantifier des interactions bactériennes enculture pure. Ainsi, Johansson et al. (1994) ont cultivé chacune des souches étudiées en présenced'une suspension bactérienne d'une autre souche tuée par un rayonnement UV. Parente et al. (1995)ont cultivé chacune de leurs souches indicatrices (Lactococcus lactis, Listeria innocua ou Lactoba-cillus sake) en présence d'une bactériocine (lactococcine, entérocine ou leucocine extraites de sur-nageants de culture ou nisine commerciale). Ces méthodes ne sont applicables que dans le casd'études d'interactions dues à un composé inhibiteur (ou éventuellement stimulant) produit par lasouche active et pouvant être isolé biochimiquement ou conservé dans une culture tuée.

Suivi biochimique du métabolisme

Il est également possible de suivre non pas la croissance des bactéries mais leur métabolisme. Celaprésente un intérêt en cultures mixtes si les deux micro-organismes en présence produisent desmétabolites différentiables biochimiquement. Béal & Corrieu (1991) ont ainsi utilisé un dosage en-zymatique pour le suivi d'une culture mixte de Streptococcus salivarius subsp. thermophilus, quiproduit de l'acide lactique L, et de Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus, qui produit del'acide lactique D.

De plus, de nombreux auteurs ont proposé d'utiliser des propriétés (naturelles ou induites) de fluo-rescence ou luminescence de l'une des populations en présence.

Kraft & Ayres (1966) ont quantifié spécifiquement la densité de biomasse de Pseudomonas (enculture mixte avec Escherichia coli, Streptococcus faecalis ou Staphylococcus aureus) en bouillonasparagine par une mesure de fluorescence. En effet, les Pseudomonas produisent un pigment com-plexe vert fluorescent : la pyoverdine.

Duffy et al. (1995) ont utilisé une quantification de la bioluminescence par un luminomètre. Ainsi,ils ont pu suivre l'évolution d'une souche bioluminescente (transformée avec un plasmide exprimantluxAB) de Salmonella typhimurium au milieu d'un mélange de souches non luminescentes d' Esche-richia. coli, de Citrobacter freundii et de Pseudomonas flurorescens.

Skillman et al. (1998) ont transformé deux souches (Enterococcus agglomerans et E. coli ATCC11229) par un plasmide codant pour une protéine fluorescente (GFP, pour "green fluorescent pro-tein") d'Aequorea victoria. Après excitation dans l'ultraviolet, ces souches apparaissaient alors ver-

Page 37: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

37

tes. Dans la validation de cet outil original de marqueur spécifique, Skillman et al. (1998) souli-gnent un problème important : le risque de perte du plasmide. En effet, la méthode usuelle quiconsiste à inclure un gène d'antibio-résistance dans le plasmide puis à maintenir une pression desélection permanente par l'antibiotique était inapplicable, puisque cet antibiotique aurait pu interf-érer avec la croissance de l'autre population. Skillman et al. (1998) ont quantifié la perte de plas-mide et l'ont réduite en limitant la durée des expériences.

Bilan

Les techniques fondamentales en microbiologie ont été conçues initialement dans le but d'obtenir,maintenir et suivre des cultures pures. Après avoir étudié ce paradigme d'un point de vue épist-émologique, des conséquences techniques ont été mises en évidence. Ainsi, ce qui précède a per-mis de montrer que, puisque les techniques de suivi de culture bactérienne en milieu liquide avaientinitialement été conçues pour des suivis de cultures pures, elles ont dû être adaptées à chaque cas enculture mixte (parfois au prix de quelques imprécisions).

I.1.3. PROCEDES DE CULTURES

Après cet exposé sur l'aspect expérimental du suivi de croissance, ce chapitre est consacré aux tra-vaux existants sur les cultures mixtes dans deux modèles expérimentaux particuliers : les milieuxsolides (essentiellement utilisés pour mettre en évidence des interactions avec production d'un inhi-biteur de croissance) et le chémostat (essentiellement utilisé pour mettre en évidence des interac-tions trophiques, reposant sur le concept de substrat limitant). Il apparaît que le modèle expérimen-tal du batch2 ne peut se rattacher ni à celui de la culture en milieu gélosé ni à celui de la culture enchémostat.

Culture en milieu solide

Aspect expérimental

Le développement des bactéries sur un milieu nutritif gélosé coulé en boîtes de Petri est non seule-ment un outil de dénombrement pour le suivi de cultures en milieu liquide mais également unprocédé de culture en tant que tel.

Cette méthode est très utilisée comme outil de tri rapide (screening) des interactions entre bactéries.Différentes méthodes de mise en culture sur la gélose permettent de tester l'effet de souchesprésumées inhibitrices ou stimulantes (souches actives) sur des souches présumées sensibles (sou-ches indicatrices).

2 Comme défini dans l'introduction, le batch est le procédé de culture en milieu liquide le plus simple à mettre en œuvre,puisque c'est un système clos (pas d'apport de substrat ni de soutirage significatif de milieu de culture).

Page 38: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

38

Le protocole le plus classique est de répartir une suspension de la souche indicatrice sur la surfaceet de déposer une suspension de la souche active dans un puits central. Sur les boîtes témoins, lasuspension de la souche active peut être remplacée par le milieu stérile ou une suspension d'unesouche supposée inactive (Chapuis & Flandrois, 1994). Allaker et al. (1989) ont distingué un test"direct" et un test "différé". Dans le test direct, comme dans le protocole précédent, l'ensemence-ment de la souche inhibitrice dans un cercle central et celui de la souche indicatrice sur toute la sur-face sont simultanés. Dans le test différé, une première culture de l'inhibiteur est tuée (par exposi-tion au chloroforme) puis la boîte est ensemencée avec l'indicateur. Ce n'est donc plus une culturemixte au sens strict. Le but est d'examiner si l'interaction est due ou non à la diffusion d'un composéextracellulaire. C'est également le cas d'études de l'effet d'un surnageant (ou d'un filtrat) de cultured'une souche active sur la culture d'une souche indicatrice.

Thomas & Wimpenny (1993 ; 1996) ont également utilisé la croissance de colonies à la surface demilieux gélosés dans le but d'étudier d'autres types d'interactions. Ce procédé de culture leur per-mettait de mettre en évidence des effets de proximité entre colonies (propinquity), de faire varier lesconditions physico-chimiques sur une gélose (en créant des gradients de pH ou de concentration ensel) et enfin de constituer un modèle biologique à la croissance de la flore de détérioration et/ou dela flore pathogène à la surface d'un aliment.

Ces flores alimentaires sont en effet généralement confinées à la surface des aliments. Toutefois,dans certains cas comme celui de la viande hachée ou d'un aliment initialement liquide qui coagule(fromage…), la contamination peut avoir lieu au cœur de l'aliment la croissance se faire dans lamatrice solide, sous forme de micro-colonies submergées. Chaque micro-colonie interagit avec sesvoisines en produisant des métabolites et en entrant en compétition pour les nutriments. Thomas &Wimpenny (1996) et Wimpenny et al. (1995) ont utilisé la croissance en profondeur dans un milieusolide (matrice d'agar ou de gélatine) comme modèle expérimental pour l'étude des interactionsentre la flore pathogène (Salmonella enteritidis et Listeria monocytogenes) et la flore de détériora-tion (Pseudomonas fluorescens) à l'intérieur d'un aliment. De plus certaines études in vivo peuventêtre rapprochées de ce contexte, notamment les études en matrice alimentaire.

Enfin, il existe des systèmes de culture permettant de simuler in vitro les biofilms, groupementscomplexes de micro-organismes reliés par une matrice organique et adhérant à un support (lit d'unerivière, intérieur d'une canalisation d'eau, cellules intestinales, émail dentaire, cathéters, etc.). Jones& Bradshaw (1997) ont créé un fermenteur pour simuler la formation de biofilms à l'intérieur descanalisations d'eau. Kinniment et al. (1996) ont utilisé un fermenteur similaire pour quantifier l'effetd'un antibiotique sur la plaque dentaire. Ces modèles expérimentaux particuliers sont à la limiteentre milieu solide et chémostat et ne sont pas détaillés ici.

Aspect biométrique

La modélisation de la croissance des colonies à la surface de milieux solides ou de micro-coloniesen profondeur a été peu approfondie. Wimpenny et al. (1995) ont suivi la croissance de micro-colonies submergées en agar de Salmonella typhimurium et Pseudomonas aeruginosa . Pendant les12 premières heures, le nombre de cellules vivantes par colonies augmentait exponentiellement (etle diamètre des colonies ne pouvait être mesuré). Pendant les 36 heures suivantes, le nombre decellules vivantes par colonies restait constant et le diamètre des colonies augmentait linéairement.Pendant cette période, Wimpenny et al. (1995) ont supposé que la constance du nombre de cellules

Page 39: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

39

résulte d'un équilibre entre mortalité au centre de la colonie et croissance exponentielle en périph-érie. Après 48h, le diamètre cessait de croître. Cet arrêt de croissance en périphérie pourrait être dûà une inhibition par les produits formés. Des hypothèses similaires ont été formulées pour la crois-sance de colonies sur des surface.

L'effet de l'interaction d'une souche bactérienne sur la croissance d'une autre est le plus souventindiqué dans les publications d'un point de vue qualitatif (sous forme d'un signe + ou -).

S'il y a une quantification de cet effet, elle peut utiliser le diamètre de la zone d'inhibition autour dela culture de l'inhibiteur (Allaker et al., 1989 ; Fang et al., 1996). Ce paramètre permet alors decomparer l'effet de différentes souches inhibitrices.

Parente et al. (1995), dans le cadre de leur étude de l'effet de la diffusion d'une bactériocine (entéro-cine, lactococcine, leucocine ou nisine) sur une souche témoin, ont proposé d'exprimer le rayon Rde la zone d'inhibition en fonction de la quantité C de bactériocine déposée selon l'équation :

)C(logbaR += [1]

Avec R : critère d'inhibition ; a, b : paramètres de régression estimés pour chaque couple souche-bactériocine ; C : dose de bactério-cine (unité arbitraire).

Chapuis & Flandrois (1994) ont appliqué ce concept de diffusion d'un antimicrobien à une culturemixte sur milieu gélosé. Ils ont étudié l'effet inhibiteur de Pseudomonas aeruginosa sur la crois-sance des colonies de différentes souches de Micrococcus spp en fonction de la distance entre sou-che inhibée et souche inhibitrice.

L'effet inhibiteur de Pseudomonas est dû à un agent antimicrobien de nature enzymatique. La diffu-sion spontanée de cette substance est supposée créer un gradient de concentration autour de la"source" (souche productrice) :

C = C0 e−md2 [2]

Avec C0 : concentration en antimicrobien au niveau de la souche productrice ; C : concentration en antimicrobien à ladistance d de la source ; m : paramètre de régression (cm-2) ; d : distance depuis la souche productrice de l'antimicrobien(cm).

La biomasse de chaque colonie est supposée proportionnelle à sa surface A. Une relation linéaireentre la concentration en enzyme C et la biomasse, donc la surface A, est proposée. Il est admis quela croissance est totalement inhibée (surface A nulle) au contact de la souche inhibitrice (concentra-tion maximale C0).

)C

C1(AA

0max −= [3]

Avec A : surface des colonies (cm2) ; Amax : surface maximale des colonies (cm2).

La surface A peut donc être exprimée comme une fonction du carré de la distance à la source (d2) encombinant les équations [2] et [3] :

)e1(A)C

C1(AA

2mdmax

0max

−−=−= [4]

Page 40: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

40

Culture en chémostat

Aspect expérimental

La culture continue est caractérisée par l'égalité des débits d'alimentation en milieu stérile et d'éli-mination du milieu de culture (et des cellules qu’il contient). La culture est rendue homogène paragitation (Figure 1).

Entrée d'airstérile

Sortie d'air

Entrée d'air stérile

Milieustérile

Pompe à débit variable

Elimination dumilieu de culture

Récipient de culture

Figure 1. Représentation schématique d'un chémostat.

Le chémostat permet d'effectuer des cultures dans un système ouvert et à l'équilibre. Il est utilisécomme modèle expérimental en écologie (Gottschal, 1990). Freter et al. (1983) ont utilisé unchémostat modifié pour étudier la flore anaérobie de l'intestin large de la souris. De plus, c'est unprocédé biotechnologique (Bazin, 1981) utilisé par exemple pour le traitement des eaux usées (VanNiel et al., 1993).

Aspect biométrique

Dans un chémostat, le milieu de culture est continuellement renouvelé : le flux de milieu stérileentrant (F in) est égal au flux de milieu de culture sortant (Fout=Fin=F). Le taux de dilution, noté D,est le rapport entre le flux F, exprimé en unité de volume par unité de temps, et le volume de milieude culture.

La variation de densité de biomasse est égale à la différence entre la croissance et le soutirage :

Dì(t)dt

dN

N

1 −= [5]

Avec N : densité de population 3 à l'instant t (ufc/ml) ; D : le taux de dilution par unité de temps (h-1) ; µ(t) : taux de croissance ins-tantané (h-1).

3 Ces modèles sont en général définis avec x, densité de biomasse (g/L). Dans un souci d'homogénéité avec l'ensemble dudocument, j'ai choisi de les exprimer avec N, densité de population (ufc/ml), ce qui modifie légèrement l'interprétation durendement.

Page 41: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

41

Le taux de croissance instantané µ(t) peut être exprimé en fonction de la concentration S en substrat

limitant d'après le modèle de Monod (1941) :

SK

Sì)t(ì

Smax +

= [6]

Avec µmax : taux de croissance maximum (h-1) et KS : constante (g.l-1).

La variation de S est égale à la différence entre l'apport par le flux entrant et la consommation avecun rendement YN/S et le soutirage dans le flux sortant :

( ) Nì(t)Y

1SSD

dt

dS

S/N0 −−= [7]

Avec S : concentration de substrat dans le milieu de culture à l'instant t (g.l-1) ; S0 : concentration de substrat dans le mi-lieu stérile d'alimentation (g.l-1) et YN/S : rendement.

En remplaçant le taux de croissance instantané par son expression [6], en fonction de la concentra-tion en substrat S, les équations [5] et [7] s’écrivent :

DSK

dt

dN

N

1

Smax −

+= [8]

( ) NSK

Y

1SSD

dt

dS

Smax

S/N0 +

−−= [9]

L'état d'équilibre est défini par des valeurs constantes de N et S . Les conditions à l'équilibre sontcalculées en résolvant le système d'équations :

0D

0dt

dS

0dt

dN

?

���

���

=

=[10]

Les couples de solution (N, S ) sont des points fixes. Le point fixe (0, S0) (existant quelles quesoient les conditions) est appelé lessivage du micro-organisme. Les autres points fixes sont notés( N

~, S

~). L'étude du système permet de conclure à la stabilité des points fixes.

La résolution (algébrique ou numérique) du système d'équations formé par les équations [8] et [9]fournit les expressions de N et de S en fonction du temps, ce qui permet de tracer les chroniques.

Les cultures mixtes en chémostat ont fait l'objet de nombreux travaux de modélisation mathémati-que, principalement en ce qui concerne les interactions impliquant un substrat limitant. En particu-lier, la compétition pour un (ou plusieurs) substrat(s) limitant(s) a été très étudiée.

Page 42: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

42

Dans le cas de la compétition simple (compétition entre deux populations pour un substrat limitantunique) et exclusive (aucune autre interaction entre ces deux populations), les équations [8] et [9]sont écrites pour chacune des deux espèces :

���

���

−+

=

−+

=

DSK

dt

dN

N

1

DSK

dt

dN

N

1

BSBmax

B

B

ASAmax

A

A[11]

SK

S

Y

SK

S

Y

Nì)SS(D

dt

dS

BBAA SS/N

BBmax

SS/N

AAmax0 +

−+

−−= [12]

Avec NA : densité bactérienne de A (g.l-1) ; N B : densité bactérienne de B (g.l-1) ; K SA : constante KS de A (g.l-1) ; K SB : cons-

tante KS de B (g.l-1) ; µmax A : taux de croissance maximum de A et µmax B : taux de croissance maximum de B (h-1).

Ces équations ont été initialement proposées par Powell (1958) pour l'étude de la contaminationd'une culture continue par un mutant.

Le modèle peut être simplifié en introduisant le paramètre J (de la dimension d'une concentration)spécifique de chaque souche :

BouAiDì

DKJ

i

i

maxSi =

−= [13]

L'analyse mathématique du comportement asymptotique du système permet de démontrer qu'ilexiste deux équilibres possibles : le lessivage de tous les compétiteurs et le lessivage d'un des deuxcompétiteurs. Si la concentration en substrat limitant dans le milieu d'alimentation S0 est inférieureaux deux valeurs de J, les deux populations sont lessivées. Sinon, la souche sélectionnée est cellepour laquelle la valeur de J est la plus faible.

La coexistence de deux souches à l'équilibre est donc possible si les deux souches ont des valeursde J égales et supérieures à S0, c'est-à-dire si :

KSAD

µmaxA − D= KSB

D

µmaxB − D[14]

Pour des valeurs fixées des paramètres µmax et KS, la condition [14] est une équation à une incon-

nue, le taux de dilution D.

Page 43: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

43

§ Si µmax A = µmax B et KSA = KSB , c'est-à-dire si les deux micro-organismes ont exactement

les mêmes paramètres du modèle de Monod (cas d'une mutation ne portant pas sur les caract-éristiques de croissance), l’équation [14] admet alors une infinité de solutions pour D.

§ Si µmax A > µmax B et KSA < KSB ou l'inverse, l’équation [14] n'admet aucune solution.

§ Si µmax A > µmax B et KSA > KSB ou l'inverse, les deux courbes du modèle de Monod se cou-

pent en un point unique. Il existe une valeur unique ˜ D qui vérifie l’équation [14]. En pratique, ilest très difficile de maintenir le taux de dilution à une valeur constante. Si D < ˜ D , la populationA est lessivée. Si ˜ D < D < DC ≅ µmax A , la population B est lessivée. Si D > DC , les popula-

tions A et B sont lessivées.

(a) (b)

S

taux de croissance

A

B

S

taux de croissance

A

Bµ = D

S~

~ ~

Figure 2. Représentation des taux de croissance de deux populations en fonction de la concentration en substrat (modèle de Monod).(a) µmaxA > µmaxB et KSA < KSB , (b) µmaxA > µmaxB et KSA > KSB (d'après Harder et al., 1977).

L'expérience de Meers (1971) a confirmé qu'il est possible de sélectionner chacun des deux comp-étiteurs en fonction du taux de dilution. Au cours d'une culture de Bacillus subtilis et Candida utilisavec le magnésium comme facteur limitant, la modification du taux de dilution a permis d'inverserla domination d'une espèce sur l'autre. Pour un taux de dilution D inférieur à 0,08h-1, Bacillus subti-lis était lessivé alors que pour un taux de dilution supérieur, c'est Candida utilis qui était lessivé.

Hansen & Hubbell (1980) ont pu faire coexister en culture continue deux souches de Escherichiacoli ayant des paramètres de Monod différents. Le taux de dilution avait été choisi tel que les deuxsouches aient une même valeur de J. Ils ont intégré numériquement le système d'équations différen-tielles et ont comparé les cinétiques théoriques d'évolution des populations aux cinétiques réelles.Le modèle semble pertinent. Toutefois, le lessivage expérimental est plus rapide que le lessivagethéorique (ce qui pourrait s'expliquer par une concentration seuil de substrat en dessous de laquellela souche éliminée a un taux de mortalité accru). Par ailleurs, les oscillations à l'état de pseudo-équilibre témoignent, d'après les auteurs, de l'impossibilité de maintenir un débit parfaitementconstant.

Page 44: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

44

Le modèle de la compétition pure et simple constitue la base de tous les travaux sur les culturesmixtes en chémostat. Yoon et al. (1977) ont proposé une extension du modèle de Monod à la crois-sance d'un organisme sur un mélange de deux substrats limitants :

µ =µmax 1S1

K1 + S1 + a 2S2+

µmax 2S2

K2 + S2 + a1S1[15]

Avec S1 et S2 : concentrations en substrats 1 et 2 dans le système (g.l-1) ; µmax1 et µm a x 2: taux de croissance respective-

ment en présence des substrats 1 et 2 (h-1) ; a1 , a2: coefficients sans dimension.

Ce modèle est utilisé pour 2 espèces A et B, en compétition pour les substrats 1 et 2 :

���

���

+++

++=

+++

++=

1122

2max

2B21B1

1maxB

1122

2max

2A21A1

1maxA

SaSK

SaSK

Sìì

SaSK

SaSK

Sìì

BB

2B1B

AA

2A1A

[16]

La coexistence de Bacillus cereus et Candida tropicalis obtenue expérimentalement pour des débitscompris entre 0,1 et 0,23 h-1 est cohérente avec ces résultats.

N’ont été présentés ici que les résultats les plus simples. De nombreux autres travaux ont permisd’étudier des interactions plus complexes en chémostat, reposant toujours sur le concept de substratlimitant.

Bilan

Comparaison milieux solides/milieux liquides

Les travaux en milieux solides/gélosés concernent des croissances bactériennes en habitats struc-turés, qui permettent de partitionner les ressources. En effet, ni les substrats ni les bactéries ne cir-culent librement à la surface ou au cœur d’une matrice solide. Les ressources disponibles pour unecolonie se situent donc dans un rayon restreint et une compétition éventuelle pour un substrat limi-tant entre deux colonies est géographiquement limitée. En revanche, les substances inhibitricespeuvent diffuser et l’effet inhibiteur d’une substance diffusant au travers de la matrice peut doncs’inscrire dans un rayon plus large. Les milieux solides sont donc essentiellement utilisés pour met-tre en évidence des interactions avec production d'un inhibiteur de croissance. Toutefois, celan’exclut pas la prise en compte de la compétition pour les ressources trophiques. Si une bactérieproductrice de bactériocine peut inhiber dans un certain rayon toutes les bactéries sensibles autourd'elles, elle augmente les ressources disponibles. En milieu liquide agité, en revanche, substrats,bactéries et substances inhibitrices sont en suspension. Les notions de colonie ou d’éloignementgéographique dans un certain rayon n’ont donc plus de signification.

Comparaison milieux renouvelés/milieux clos

La culture en chémostat et le batch sont deux procédés de culture en milieu liquide mais lechémostat permet une culture continue en système ouvert tandis que le batch est une culture dis-continue en système clos. Tous les modèles mathématiques développés pour le modèle expérimen-

Page 45: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.1. Cultures pures et cultures mixtes

45

tal du chémostat (en cultures pures et en cultures mixtes) pourraient s'appliquer à la culture enbatch, avec un taux de dilution nul (D=0). Toutefois, cette solution est rarement adoptée. L'om-niprésence du concept de substrat limitant dans tous ces modèles s'explique par la stabilité desconditions limitantes en substrat en chémostat. Or, en batch, l'importance de ce phénomène est bienmoindre. Comme cela est détaillé au chapitre suivant, la limitation par le substrat apparaît très tar-divement (voire pas du tout) dans un cycle de croissance bactérienne en batch. En revanche, tout cequi concerne les premières phases d'un cycle de croissance (latence, accélération…) est souventnégligé en chémostat alors que c'est primordial en batch.

Nécessité d'une approche spécifique au batch

Les différences d’approche en fonction du modèle expérimental sont donc importantes. En milieusolide, la limitation de la croissance par les ressources s’exprime au niveau de chaque colonie, maispas (ou de façon très peu prise en compte) entre les colonies. C’est un modèle expérimental trèsutilisé pour étudier des interactions n’impliquant pas de limitation par le substrat. En revanche, lechémostat est très adapté au maintien d’une culture dans des conditions limitantes en substrat et parsuite à l’étude d’interactions impliquant un substrat limitant. Le modèle expérimental du batch,présenté de manière plus approfondie au chapitre I.2., est intermédiaire et nécessitait une approchespécifique.

Page 46: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

46

I.2. DYNAMIQUE DES POPULATIONSBACTERIENNES EN BATCH

Avant de s’intéresser aux concepts et méthodologies des cultures mixtes en batch, il s’est avéré néces-

saire de rappeler quelques données de base sur la dynamique des populations bactériennes. En effet,

l'étude des cultures mixtes en batch n’aurait pas été possible sans une bonne connaissance a priori des

cinétiques de croissance en culture pures.

I.2.1. CINETIQUES DE CROISSANCE EN BATCH

L'étude des cinétiques (du grec χινε τιχοσ, entraînant le mouvement) est une branche de la science

consacrée aux évolutions au cours du temps et aux mécanismes de procédés physiques, chimiquesou biologiques. En microbiologie, Panikov (1995) déplore qu'elle se limite parfois à un enregistre-ment "passif" de la croissance alors qu'au contraire elle devrait selon lui percevoir les différentsphénomènes physiologiques (la croissance bien sûr, mais aussi la survie, les adaptations, les muta-tions, les cycles cellulaires, les interactions avec l'environnement et d'autres organismes) et lesmécanismes sous-jacents au travers de mesures expérimentales et de modélisation mathématique.

Batch et champs d'application de la microbiologie

Les micro-organismes sont très diversifiés et présents dans tous les biotopes où on les a cherchés.Ainsi, la microbiologie est une discipline très large, regroupant de nombreuses spécialités, et quientretient des relations étroites avec d'autres disciplines biologiques fondamentales comme l'écolo-gie, la biochimie, la génétique, la biologie moléculaire etc., ou plus appliquées comme la médecine,l'agriculture, les sciences alimentaires, etc.

Les procédés de culture bactérienne occupent une place centrale dans toutes ces disciplines. L'im-portance de la modélisation de la croissance bactérienne en batch et, plus généralement, de la placede la biométrie en bactériologie est ici présentée pour les différents champs d'application de la mi-crobiologie.

Microbiologie alimentaire

De nombreux procédés de production d’aliments impliquent l’introduction de micro-organismesutiles (flore technologique). C’est le cas de tous les aliments traditionnels dont la fabrication re-pose sur une fermentation lactique (yaourt), alcoolique (boissons alcoolisées)… De plus, certainsmicro-organismes peuvent altérer le produit (flore de détérioration). Enfin, un aliment peut êtrecontaminé par des micro-organismes dangereux pour la santé du consommateur (flore pathogène).

En bactériologie alimentaire, le batch est le modèle de choix pour étudier la croissance d’une de cesflores dans un aliment, ce qui correspond au fait que des conditions limitantes en substrat ne sontque très tardivement atteintes dans un aliment.

Page 47: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch

47

Au début des années 1980, l'utilisation des outils biométriques en microbiologie alimentaire (plusparticulièrement en hygiène et sécurité alimentaire) a connu un nouvel essor. Il s'agissait de cons-truire un modèle de description de l'évolution d'une population bactérienne, pour ensuite réaliser desprédictions de ce développement dans de nouvelles conditions environnementales (Mc Meekin etal., 1993). En 1983, Roberts & Jarvis ont qualifié cette démarche de microbiologie prédictive ouprévisionnelle (predictive microbiology). Le principe à la base de la microbiologie prévisionnelleest la prédiction de l’évolution d'une population bactérienne dans des conditions environnementalesdonnées à partir d'observations passées (Ross & Mc Meekin, 1994 ; Rosso, 1995). Il est alors envi-sageable de prédire l'évolution d'une flore pathogène dans un aliment.

Microbiologie industrielle

La microbiologie alimentaire a été ci-dessus réduite au contrôle de l'hygiène et de la sécurité ali-mentaire. C'est oublier tout ce qui concerne les biotechnologies alimentaires, qu'on peut rattacher àl'ensemble plus large de la microbiologie industrielle. Le batch est le procédé de culture le plussimple. Quoique d'autres procédés industriels aient été développés (comme le fed-batch, très adaptéaux cultures à hautes densités), il reste le procédé le plus courant, surtout dans des systèmes artisa-naux.

Ecologie microbienne

Les écologues étudient les écosystèmes de l'environnement (mer, sol, etc.). Des modèles expéri-mentaux leur permettent de simuler ces écosystèmes à l'échelle du laboratoire afin de mieux lescomprendre. Le batch permet ainsi de reconstituer la colonisation par une population bactérienned’un milieu riche en substrat et initialement axénique, tandis que le chémostat est plutôt utilisé poursimuler la survie d’une population bactérienne dans des conditions limitantes en substrat.

Microbiologie médicale

L'étude des écosystèmes naturels des mammifères (flores nasale, cutanée, buccale, intestinale, vagi-nale etc.) se rattache en théorie à l'écologie mais concerne plus les champs de la médecine humaineet vétérinaire. Le procédé de culture en batch peut être ponctuellement utilisé mais il est beaucoupmoins adapté que le chémostat à reconstituer des phénomènes physiologiques.

En revanche, en bactériologie diagnostique, la grande majorité des tests en milieux liquides peuventêtre assimilés à des cultures en batch.

Schéma de la croissance

La culture en batch permet de suivre tout le cycle d’une population bactérienne. Ce cycle estgénéralement représenté sous forme d’une courbe de croissance correspondant au suivi de la popu-lation (densité de population N) ou au suivi de la biomasse (densité de biomasse x), éventuellementaprès transformation logarithmique, en fonction du temps.

Une des premières observations biométriques de la croissance bactérienne est due au bactériologisteanglais Ward qui fut le premier, en 1895, à représenter des données expérimentales de croissance

Page 48: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

48

sous forme graphique (cf. Penfold, 1914). Il introduisit le concept de temps de génération (tempsmis par la population pour doubler) et identifia deux groupes de facteurs influant sur le temps degénération : facteurs internes (âge du filament, viabilité, pouvoir de germination des spores) et fac-teurs externes (température, luminosité, quantité de nutriments). La même année, en Allemagne,Müller (1895) établit l'existence de la phase de latence dans le développement des cultures bact-ériennes et distingua la phase de croissance exponentielle et la décélération.

Buchanan (1919) a décomposé la cinétique de croissance d'une population en sept phases selon unschéma aujourd'hui classique. La Figure 3 reproduit le dessin historique de Buchanan, où chaquepoint représente l'intersection entre une courbe et un segment, c'est-à-dire la transition entre deuxphases. Bien que datant de 1919, cette représentation est très proche des schémas actuels de courbesde croissance en batch.

10

0

5

0

ab

c

d ef

g

10 20 30Unités de temps

logarithme du nombre de bactéries

Figure 3. Phases de la croissance bactérienne en milieu liquide non renouvelé. D'après Buchanan (1919).

Sont reproduites ci-dessous les descriptions des sept phases par Buchanan, dans une traduction litt-érale. Même si le vocabulaire peut sembler inadapté, cette décomposition est encore d'actualité.

1. Phase stationnaire initiale. Durant cette phase, le nombre de bactéries reste constant et le tracé est une ligne droiteparallèle à l'axe des x indiqué par 0-a.

2. Phase d'accélération positive de la croissance. Durant cette phase, le taux moyen de croissance par organismeaugmente avec le temps, ce qui correspond à la courbe a-b. Cette augmentation du taux de croissance par orga-nisme ne continue pas indéfiniment mais seulement jusqu'à un certain point déterminé par le temps de générationminimal moyen dans les conditions de l'expérience.

3. Phase de croissance logarithmique4 [sic]. Durant cette phase, le taux de croissance par organisme reste constant,en d'autres termes, le temps de génération moyen est maintenu à son minimum tout au long de cette période. Celacorrespond à la ligne droite b-c.

4. Phase d'accélération négative de la croissance. Durant cette phase, le taux de croissance par organisme décroît,c'est-à-dire que le temps de génération moyen augmente. Le nombre de bactéries continue à augmenter mais moinsrapidement que durant la phase de croissance logarithmique. C'est la courbe c-d.

5. Phase stationnaire maximale. Durant cette période, il n'y a aucune augmentation du nombre de bactéries. Le tracéest la ligne droite d-e, parallèle à l'axe des x. Le taux de croissance par organisme est nul et le temps de générationmoyen infini.

6. Phase de mort accélérée. Durant cette période, le nombre de bactéries décroît, d'abord lentement puis de plus enplus vite, jusqu'à l'établissement d'une phase de mortalité logarithmique. Le taux de mortalité par organisme aug-mente jusqu'à un certain maximum. Cela donne la courbe e-f.

7. Phase de mortalité logarithmique5 [sic]. Durant cette phase, le taux de mortalité par organisme reste constant,cela correspond à la ligne droite f-g.

D'après Buchanan (1919).

4 L'expression actuelle est phase de croissance exponentielle ou quasi-exponentielle.5 L'expression actuelle est phase de décroissance exponentielle ou quasi-exponentielle.

Page 49: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch

49

Cette représentation est très schématique et de telles courbes de croissance sont rarement obtenuesen pratique. L’interprétation d’une courbe de croissance nécessite en fait une étude plus approfon-die de chacune de ces phases, ce qui a fait l’objet de nombreux travaux tout au long du XXèmesiècle.

I.2.2. MODELISATION DE LA CROISSANCE

Biométrie et modèles

Définition du modèle

La démarche biométrique est placée, selon Tomassone et al. (1993), sur un "triplet" méthodologi-que, défini par :§ un objectif scientifique susceptible d'être atteint,§ un modèle choisi pour l'atteindre,§ un corpus de données expérimentales.

Ainsi, le modèle mathématique est au centre de l'utilisation des outils de la biométrie. Il s'agit dereprésenter une réalité de nature aléatoire et, au moyen de l'observation et du modèle, de déduiredes lois -ou certains éléments des lois- qui gouvernent cette réalité (Huet et al., 1992).

La notion de modèle permet de mettre en évidence la distinction entre objet biologique étudié etobjet mathématique symbolique (Pavé, 1994). Un modèle est une représentation simplifiée de laréalité, décrivant un phénomène, en facilitant la prédiction ou l’estimation et permettant parfoisl'analyse des mécanismes à l'origine. Toute la réalité ne pouvant être modélisée, un choix doit êtrefait sur la partie de la réalité à modéliser. L'espace du modèle est alors défini (Witzjes, 1996). Ceciimplique que les informations qui pourront être extraites de la modélisation ne seront valables quepour l’espace choisi (Tomassone et al., 1993).

Modèles empiriques et modèles mécanistes

Deux types de modèle sont classiquement distingués : les modèles empiriques et les modèles méca-nistes (Brown & Rothery, 1993).

Les modèles empiriques sont construits pour décrire le mieux possible un nuage de points (Pavé,1994 ; Brown & Rothery, 1993). L’utilisation de ces modèles est essentiellement pratique : il s’agitpar exemple de prédire le temps au bout duquel la densité bactérienne aura dépassé un seuil donné.L’information sur les processus expliquant les phénomènes observés est inexistante. Ces modèlessont de type “boîte noire” (Witzjes, 1996 ; Pavé, 1994). Ils correspondent en général à une démar-che phénoménologique, fondée uniquement sur l'observation des effets et non sur la compréhensiondes mécanismes. En revanche, les modèles mécanistes sont construits à partir d’hypothèses expli-quant les processus donnant lieu aux phénomènes observés.

Le choix entre ces deux types de modèle est guidé par l’objectif donné à la modélisation (Pavé,1994). Les modèles mécanistes sont souvent plus compliqués et plus difficiles à manier que les

Page 50: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

50

modèles empiriques (Heitzer et al., 1991). La grande majorité des modèles développés ici sont em-piriques.

Modèles de dynamique

Les modèles de dynamique décrivent l'évolution de la densité bactérienne en fonction du temps. Enmicrobiologie prévisionnelle, l'expression "modèle primaire" est souvent utilisée.

Ces modèles peuvent être utilisés pour des données issues d'un dénombrement (et donc expriméesen termes de population) ou de mesures turbidimétriques (et donc exprimées en termes de densitéde biomasse). Par souci d'homogénéité, tous les modèles seront exprimés pour l'ensemble du docu-ment en se plaçant dans le cas d'un suivi de la densité de population (exprimée en ufc/mL) notée N.Toutefois, il est évident que ces modèles existent également en se plaçant dans le cas d'un suivi dela densité de biomasse (exprimée en g/L) notée x.

Les modèles de dynamique usuels sont de la forme :

N(t)= f(θ, t )+ εt [17]

Avec N(t) : densité de population bactérienne (ufc/mL) ; t : temps (h) ; θ : vecteur des paramètres de croissance et εt : erreur associéeà l'observation N(t).

Cette présentation se limite aux modèles de dynamique de croissance (c'est-à-dire en excluant lesmodèles de dynamique de décroissance prenant en compte les phases 6 et 7 de Buchanan).

Modèles de Buchanan (1919)

Outre sa décomposition de la courbe de croissance en 7 phases, Buchanan (1919) a proposé uneapproche modélisatrice, qui me semble annoncer tous les modèles développés par la suite au coursdu XXème siècle.

Buchanan (1919) définit une équation générale :

b = Beµkt [18]

Avec b : nombre de bactéries ; B : nombre initial de bactéries ; µ : coefficient variable d'une phase à l'autre ; k : constante ; t : temps.

Pour chaque phase, Buchanan propose une équation son paramètre µ (à ne pas confondre avec le

taux de croissance, généralement symobolisé par la même lettre grecque).

Page 51: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch

51

Phase de croissance Equation

Phase stationnaire initiale. µ = 0

Phase d'accélération positive de la croissance. µ = tn-1

Phase de croissance logarithmique. µ = 1

Phase d'accélération négative de la croissance. µ = t-n-1

Phase stationnaire maximale. µ = 0

Par rapport aux notations usuelles, on reconnaît la densité de population b, habituellement notéeN(t) ; la densité initiale B, habituellement notée N0 et un taux de croissance instantané ( µk ) quivarie entre 0 et le taux de croissance maximum k, habituellement noté µmax .

Modèles exponentiels (avec ou sans latence)

Le modèle de dynamique de croissance le plus simple est le modèle exponentiel [19] classiquementutilisé par les microbiologistes pour mesurer le taux de croissance d'une culture microbienne. C'estune approximation couramment acceptée pour la phase 3. Toutefois le choix des points expérimen-taux à prendre en considération (c'est-à-dire l'élimination des points des phases 1, 2, 4 et 5) est sou-vent subjectif.

N(t)= N0 eµ maxt + εt [19]

Avec N0 : population bactérienne initiale (ufc/mL) et µmax : taux de croissance maximal(h-1).

Il est possible d'ajouter une latence à ce modèle exponentiel pour décrire les phases 1 et 3 (sanstransition, c'est-à-dire sans phase 2).

N(t)= N0 + εt si t < lag

N(t)= N0 eµ max(t −lag) + εt si t ? lag

� � � [20]

Il est courant d'utiliser la transformation logarithmique de ces modèles. Cela répond à une demandede simplification (le modèle linéaire étant mieux maîtrisé dans la communauté scientifique) maisdans le cas des dénombrements sur boîtes de Petri, la justification statistique est pertinente. En effet,plus la suspension bactérienne est diluée avant étalement, plus l'erreur associée au dénombrementest élevée. Au cours d'une croissance, cette erreur augmente donc et la transformation logarithmi-que permet de réduire l'hétéroscédasticité des observations.

Le modèle [19] devient alors :

ln N(t)( )= ln(N0) + µmax t + εt [21]

Le modèle [20] devient alors :

ln N(t)( )= ln(N0) + εt si t < lag

ln N(t)( )= ln(N0) + µmax (t − lag) + εt si t ? lag

� � �

[22]

Page 52: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

52

Modèles sigmoïdes

Au début des années 1990, de nombreuses équipes en microbiologie prévisionnelle ont utilisé desmodèles décrivant par une sigmoïde (fonction de Gompertz ou fonction logistique) la courbe decroissance en coordonnées semi-logarithmiques. Ces fonctions sont dites modifiées car la variableexpliquée est le logarithme népérien de la variable d'intérêt. Ces équations ont ensuite été repa-ramétrées par Zwietering et al. (1990).

ln N(t)( )= E + Dexp −exp −b (t − M)[ ]{ }+ εt [23]

Equation de Gompertz modifiée non reparamétrée

lnN(t)

N0

� �

↵ √ = Aexp −exp

µmaxe1

A(lag − t )+ 1

� �

� �

� � �

� �

� ? �

? � + εt

[24 ]

Equation de Gompertz modifiée reparamétrée

ln N(t)( )= E +

D

1 + exp −b (t − M)[ ]+ εt [25]

Equation logistique modifiée non reparamétrée

lnN(t)

N0

� �

↵ √ =

A

1 + exp4µmax

A(lag − t )+ 2

� � �

� � �

� � �

� ? ?

+ εt [26]

Equation logistique modifiée reparamétrée

Du fait même de la forme de ces modèles, aucune phase exponentielle à proprement parler n'estdécrite. Ainsi, le taux de croissance instantané (c'est-à-dire la dérivée du logarithme népérien) n'at-teint son maximum qu'au point d'inflexion. Le taux de croissance et le temps de latence estimés parajustement de ce type de modèle sont par conséquent systématiquement surestimés.

De même qu'il n'y a pas de phase exponentielle sensu stricto, ces modèles ne permettent pas deséparer d'une part l'accélération et d'autre part la décélération. Or il n'y a aucune raison biologiqueque ces deux phénomènes soient dépendants.

Enfin, ce sont des modèles statiques décrivant explicitement la croissance bactérienne en conditionsconstantes. Ils sont donc inutilisables en conditions dynamiques (avec un profil de changement desconditions environnementales au cours du temps).

Modèles de Baranyi et de Rosso

Pour ces différentes raisons, une autre famille de modèles de croissance a été construite. Il s'agit demodèles dynamiques, fondés sur une équation différentielle (ou un système d'équations différen-tielles), de la forme :

Page 53: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch

53

1

N

dN

dt= µ t( ) 6 [27]

Avec µ(t) : taux de croissance instantané (h-1)

Ainsi, le modèle le plus simple (modèle exponentiel) peut s'écrire :

maxì)t(ìdt

dN

N

1 == [28]

L'expression "taux de croissance maximal" renvoie au fait que le taux de croissance instantanén'atteint son maximum (µmax) que lorsque les effets de l'accélération deviennent négligeables mais

que les effets de la décélération le sont encore. Le modèle [28] peut être modifié de façon à décrirede façon continue les phases de croissance (phases 1 à 5 de Buchanan). Ainsi, le taux de croissancepeut être multiplié par une fonction d'adaptation pour prendre en compte la latence et l'accélération(phases 1 et 2) et/ou par une fonction de freinage pour prendre en compte la décélération et la phasestationnaire (phases 4 et 5). Le taux de croissance instantané s'écrit donc ainsi :

)N(f)t(áì)t(ì max= [29]

Avec α(t) : fonction d'adaptation et f(N(t)) : fonction de freinage.

Baranyi & Roberts (1994) ont proposé une fonction d'accélération qui est aujourd'hui largementreprise .

α(t) =

q(t)

1 + q(t)[30]

La variable q(t) représente l'état physiologique des cellules, supposé suivre une croissance expo-nentielle.

1

q

dq

dt= ν [31]

En conditions constantes, [30] devient :

α(t) =

q0 eνt

1 + q0 eνt [32]

Baranyi & Roberts (1994) ont proposé de fixer le paramètre ν égal à µmax. Par la suite, cette fonc-tion α(t) sera utilisée sous le nom d'accélération de Baranyi.

Rosso (1995) a proposé une autre formulation de cette accélération :

)lagt(ñ

a

a

e1

e1)t(á −−

+−= [33]

Avec ρa (h-1) un réel positif qui peut être considéré comme le taux d’adaptation, c’est-à-dire la transition entre les aptitudes métabo-liques initiale et finale. 6 En notant N l'espérance de N(t). Le terme d'erreur n'apparaît donc pas explicitement.

Page 54: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I. Etat des lieux

54

La fonction de décélération largement utilisée est le freinage logistique :

f(N(t)) = 1 −

N(t)

Nmax [34]

Il serait également envisageable d'utiliser l'équation de Monod :

f(S) =

S

KS + S [35]

Toutefois, cela nécessiterait un suivi biochimique de la concentration en substrat. De plus, leconcept de "substrat limitant" ne s'applique à l'entrée en phase stationnaire que dans un nombre li-mité de cas.

En utilisant la fonction d'accélération de Baranyi et la fonction de freinage logistique dans l'équa-tion différentielle [29], un modèle de dynamique de croissance peut être intégré formellement. Parla suite, ce modèle de croissance intégré sera utilisé sous le nom de modèle de Baranyi.

Notions de paramètres

L'ajustement d'un modèle de dynamique de croissance à une cinétique consiste donc en l'estimationde 4 paramètres : temps de latence (lag), taux de croissance maximal (µmax), densité bactérienne de

l'inoculum (N0) et densité bactérienne finale ou capacité maximale (Nmax). Par convention, ils sontnommés "paramètres de cinétiques". Parmi ces quatre paramètres, seuls deux sont inhérents à lasouche étudiée : le temps de latence (lag) et le taux de croissance maximal (µmax). En effet, la den-

sité bactérienne initiale (N0) est contrôlée par l'expérimentateur et la densité finale dépend de ladensité initiale, puisque seul le rendement de croissance est inhérent à la souche. Par convention, jenomme "paramètres de croissance" le temps de latence (lag) et le taux de croissance maximal(µmax).

Modèles de prise en compte des contraintes environnemen-tales initiales

Les modèles de prise en compte des contraintes environnementales décrivent l'influence des fac-teurs environnementaux sur les paramètres de croissance : temps de latence (lag), taux de croissancemaximal (µmax ou, plus simplement, µ). En microbiologie prévisionnelle, on utilise souvent l'ex-

pression "modèle secondaire".

On peut distinguer les modèles polynomiaux multifactoriels dans lesquels les paramètres n'ont au-cune signification biologique ou graphique, les modèles descriptifs utilisant des paramètres ayant unsens biologique ou graphique mais pas de base mécaniste et les modèles mécanistes fondés sur unehypothèse biologique.

Page 55: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

I.2. Dynamique des populations bactériennes en batch

55

Modèles de prise en compte des états

Les modèles de prise en compte des états décrivent l'influence de l'histoire de l'inoculum sur lesparamètres de croissance : temps de latence (lag), taux de croissance maximal (µmax).

Leur développement est récent (Bréand et al. 1997 ; 1999 ; Augustin et al., 2000).

Page 56: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

56

I.3. CULTURES MIXTES EN BATCH :CONCEPTS ET METHODOLOGIES

Dès que deux populations bactériennes, A et B, sont mises en présence dans le même milieu

nutritif, deux questions se posent : "Le développement de la population A (resp. B) dépasse-t-

il numériquement celui de la population B (resp. A)?" et "Y a-t-il un effet de la population A

(resp. B) sur le développement de la population B (resp. A)?". La première question corres-

pond à la notion de surpassement et est liée aux concepts écologiques de fitness et d'avantage

sélectif. La deuxième question correspond à la notion d'interaction (Fredrickson, 1977).

I.3.1. AVANTAGE SELECTIF

En chémostat, la population présentant pour une concentration donnée en substrat le moins boncompromis entre taux de croissance maximal élevé et constante KS faible, c'est-à-dire la moinsbonne fitness pour cette concentration en substrat, est lessivée du fait de la compétition pour lesubstrat limitant (cf. p. 38). En batch, les différences d'aptitudes de croissance influent égalementsur l'issue d'une culture mixte. Il ne peut y avoir lessivage, mais une des deux populations peut de-venir extrêmement minoritaire.

Définitions

Principes

Théoriquement, la fitness est l’adaptabilité d’un organisme donné à l'environnement. Puisqu’unorganisme peut se trouver dans un nombre illimité d’environnements différents, une étude empiri-que exhaustive est impossible. En pratique, les auteurs se limitent en général à un seul jeu de condi-tions donné7. Par ailleurs, la qualité de l’adaptation d’un organisme à un environnement n’est pasune donnée directement quantifiable. Elle devrait théoriquement inclure un certain nombre de pa-ramètres. Or, il est difficilement envisageable d'être exhaustif. En général, cette notion est ramenéeà celle de "succès de la reproduction", quantifiée par le taux de croissance exponentiel8 (Vinopal,1979).

Dans le cas d'une comparaison entre souche sauvage et mutant associé, la notion de fitness relativecorrespond à des comparaisons entre les deux populations.

En cultures mixtes, pour un temps de culture suffisamment long, la population ayant un taux decroissance (même très faiblement) supérieur peut dépasser en nombre la population la plus lente.Cela constitue un avantage dans la compétition. En absence d'interaction, l’issue d’une culturemixte est donc la sélection de la bactérie la plus rapide, qui a un avantage sélectif.

7 Cette approche réductrice affecte la qualité de la prise en compte des effets de l’environnement.8 Cette approche réductrice ne prend en compte que les phénomènes liés directement à la croissance et néglige donc ceuxliés à la survie et/ou à la mortalité.

Page 57: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

57

J’ai donc choisi de définir deux notions distinctes. D’une part, la notion d’avantage sélectif reposesur l’approche comparative entre aptitudes de croissance de différentes populations en culture pure.Une telle approche peut permettre d’anticiper sur le succès relatif d’une population, sousl’hypothèse d’absence d’interaction. D’autre part, la notion de surpassement repose sur le suivi del’évolution relative de deux populations en culture mixte. La principale explication du succès relatifd’une population est souvent son avantage sélectif, mais ce n’est ni une condition nécessaire ni unecondition suffisante.

Notion de fardeau génétique

Suite aux progrès de la biologie moléculaire, de nombreuses études (et tout particulièrement lestravaux de l'équipe de Lenski en Californie) ont visé à déterminer l'effet d'une transformation. Ain-si, la théorie du "fardeau génétique" implique que toute introduction d'ADN réduit la fitness desorganismes recombinés en raison du coût physiologique pour le portage de cet ADN exogène (enparticulier pour la réplication à chaque division cellulaire) et la synthèse des produits (ARN puisprotéines). L'étude de Bouma & Lenski (1988) a prouvé que l'introduction d'un plasmide non-conjugatif de 4 kilobases chez E. coli a un effet négatif sur les potentialités de croissance de la sou-che mais qu'en 500 générations la souche transformée peut évoluer vers une meilleure fitness.

Vocabulaire

Face à une littérature essentiellement anglo-saxonne, différents problèmes de vocabulaire se sontposés. Le Tableau 1 récapitule mes choix lexicaux.

Tableau 1. Choix de vocabulaire dans le domaine de l'avantage sélectif.

Expression anglaise Traductions françaises proposées (traduction retenue)

outgrow/overgrow surpasser, dépasser en nombre, envahir, dominer, prendre le dessus

outgrowth/overgrowth surpassement, surcroissance, dépassement, envahissement

plasmid carriage portage de plasmide

fitness fitness, valeur sélective

starvation jeûne, famine

excess bagage fardeau génétique

Intérêt fondamental

Physiologie et fitness

La notion de fitness peut être couplée à une caractérisation moléculaire et à une interprétation phy-siologique. Ainsi, Andersen et al. (1998) ont étudié les potentialités de croissance à la surface desfeuilles ("fitness épiphytique") de différents mutants de Pseudomonas syringae. Ils ont démontréque le locus metXW est nécessaire d'une part à la prototrophie pour la méthionine mais aussi à lafitness épiphytique.

Page 58: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

58

Ce type d'études peut également permettre de rechercher la "signification" biologique de certainesvoies métaboliques. Ainsi, Chavez et al. (1999) ont montré dans quelles conditions la présenced'une glutamate-déshydrogénase apporte un avantage sélectif à une cyanobactérie (Synechocystis).

GASP : Avantage de croissance en phase stationnaire

La capacité à détecter les carences nutritionnelles, à générer des signaux et à répondre par des chan-gements de l'expression des gènes résulte en une différenciation cellulaire et le développement derésistances accrues au stress. Dans un milieu riche, une culture de E. coli sature à environ 1010 cel-lules/mL. Après un journée d'incubation, quasiment 100% de ces cellules ont induit une réponse decarence nutritionnelle et seraient capables de recommencer à se diviser si de nouveaux nutrimentsétaient fournis. Mais si l'incubation se prolonge sur plusieurs jours, la carence nutritionnelle pro-longée (jeûne) entraîne la mort de la plupart des cellules. La minorité qui survit pourrait possédercet avantage particulier.

Zambrano et al. (1993) ont réalisé une culture mixte en additionnant dans une culture de 1 journéedes cellules d'une culture de 10 jours. Ces cellules issues de la culture de 10 jours ont survécu pluslongtemps, en profitant au mieux des nutriments issues de la dégradation des cellules mortes. Ils ontnommé ce phénotype l'avantage de croissance en phase stationnaire : GASP (growth advantage instationary phase).

L'analyse des cellules présentant le phénotype GASP a révélé qu'il s'agissait de mutations, et nonpas d'une évolution physiologique réversible. Une partie de ces mutations concerne le gène rpoS,dont le produit est le facteur σS. Une activité décrue (mais pas annulée) du facteur σS confèrerait

aux cellules le phénotype GASP. La découverte du phénotype GASP a des implications importantesdans l'étude des micro-organismes en carence nutritionnelle. Plusieurs études suggèrent que lesmutations conférant un avantage sélectif ont lieu plus souvent chez des cellules ne se divisant pas.

Allélopathie

Quelques modèles théoriques ont été développés pour décrire la dynamique de populations de bact-éries produisant des bactériocines (Chao & Levin, 1981, Levin, 1988, Frank, 1994). Ces modèlesimpliquent l'hypothèse d'un coût (c'est-à-dire d'une moindre fitness) associée à la production debactériocine. Ainsi, ils supposent qu'une bactérie productrice de bactériocine a un taux de crois-sance moindre que celui d'une bactérie identique en tous points sauf en ce qui concerne la produc-tion de cette bactériocine. Dans le cas des colicines, cette hypothèse correspond à une réalité biolo-gique : dans une population de bactéries ayant la capacité de produire la bactériocine, une synthèselétale (c'est-à-dire la mort de certains individus, en faible proportion) affecte seulement les bactériesproduisant effectivement la bactériocine. Cela affecte évidemment la fitness de la sous-populationproductrice par rapport à l'autre sous-population, mais en raison de la très faible proportion de cel-lules touchées, le coût relatif de cette "synthèse létale" est faible en regard du gain lié à la mort cel-lulaire des cellules-cibles. Ce coût s'ajoute au fardeau génétique (coût physiologique du plasmide,de la réplication de l'ADN, et de la synthèse des produits).

Bien que la plupart des bactériocines décrites à ce jour soient codées sur des plasmides, des opéronscodant pour des bactériocines (la sakacine P de Lactobacillus sake, la carnobactériocine de Carno-bacterium piscicola, et la nisine de Lactococcus lactis) ont été trouvés sur des chromosomes ou sur

Page 59: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

59

des transposons. Dans ce cas-là, le coût hypothétique lié au fardeau génétique est amoindri, puis-qu'il n'y a plus de plasmide à "porter".

Coût de l'antibio-résistance

En présence de l’antibiotique, posséder le caractère de résistance est évidemment bénéfique à labactérie. Mais qu’en est-il en absence d’antibiotique ? Il peut a priori être attendu que cet avantagene s’exprime pas (quel intérêt y aurait-il à résister à un antibiotique absent ?) et qu'il puisse aucontraire y avoir un désavantage à la résistance.

Les mutations qui confèrent une résistance peuvent interférer avec des procédés physiologiquescellulaires, ce qui engendre des effets négatifs. Dans le cas de caractères de résistance portés sur desplasmides, les bactéries doivent synthétiser plus d’acides nucléiques et de protéines : cette synthèsepeut constituer un fardeau énergétique et les produits synthétisés peuvent aussi interférer avec laphysiologie cellulaire. Ainsi, en absence d’antibiotique, les souches résistantes auraient des taux decroissance inférieurs à ceux de leurs homologues sensibles.

De nombreuses études ont effectivement montré que les souches mutantes résistantes sont moinsadaptés à des milieux sans antibiotiques que leurs souches-mères sensibles.

Une étude a en revanche mis en évidence un avantage sélectif immédiat de la résistance, même enabsence d’antibiotiques. Blot et al. (1991) ont montré que le gène de résistance à la bléomycine a uneffet positif sur la survie de E. coli en fin de phase stationnaire (jeûne). Il est supposé que le produitde ce gène jouerait un rôle dans la réparation de l’ADN, qui est endommagé d’une part par la bléo-mycine et d’autre part par de longues périodes de jeûne.

D’autre part, ces études sont pour la plupart faites avec des souches naïves, qui n’ont pas évoluéavec le gène de résistance. Ces études ne prennent donc pas en compte l’adaptation à long terme del’hôte aux effets délétères de l’ADN étranger.

Intérêt appliqué

Contrôle des résistances aux antibiotiques

Les études fondamentales évoquées ci-dessus concernant le coût de l'antibio-résistance ont un int-érêt appliqué évident. Les politiques visant à réguler le problème des pathogènes résistants par laréduction de l’utilisation des antibiotiques reposent implicitement sur l’hypothèse que la résistancediminuerait la fitness en absence d’antibiotiques (Schrag et al., 1997). Ainsi, quand l'OMS a pro-posé en 1995 de réduire, voire supprimer, l'utilisation de certains antibiotiques, ils s'attendaient à ceque, en l'absence de ces antibiotiques, les bactéries sensibles se reproduisent mieux que les autres etles dépassent en nombre et à ce que la résistance bactérienne disparaisse.

Or, d'après les études sur le coût de l'antibio-résistance évoquées plus haut, il n'est pas du tout au-tomatique que la réduction voire la suppression de l'utilisation de certains antibiotiques entraîne ladiminution des résistances. On a ainsi retrouvé chez des enfants d'une crèche d'Atlanta (Etats Unis)des souches de Escherichia coli résistantes à la streptomycine, un antibiotique qui n'est plus prescritdepuis près de trente ans (Morell, 1997).

Page 60: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

60

Dissémination des organismes génétiquement modifiés

Les études fondamentales sur le coût des transformations génétiques (et en particulier les notion decoût du portage et de fardeau génétique) ont un intérêt stratégique important : en effet, il est parfoisavancé que la propagation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans un écosystème natu-rel ne serait pas problématique puisque les OGM auraient une moindre fitness que leurs homolo-gues naturels (De Leij et al., 1998). Or minimiser cette notion de fardeau ou montrer qu'il peut di-minuer avec une évolution naturelle vient démentir cette théorie.

Enrichissement sélectif

Au-delà de ces études sur la fitness, le concept d’avantage sélectif en culture mixte recouvre unchamp beaucoup plus large d’études expérimentales. En effet, dès qu’un mélange de souches bact-ériennes est mis en culture, l’évolution relative d’une population par rapport aux autres peut êtreétudiée.

En diagnostic médical ou contrôle qualité alimentaire, il ne suffit pas de quantifier une flore totale,on cherche en général la présence de pathogènes précis. Or ils peuvent être masqués par une florenormale abondante.

Pelmont (1993) compare l'isolement d'une souche à la recherche d'une aiguille dans une botte defoin et l'enrichissement à la méthode qui consisterait à faire brûler le foin jusqu'à ce qu'il ne resteplus que l'aiguille. Le principe est peut-être plutôt de faire courir un marathon à une foule et d'atten-dre que le plus rapide et/ou le plus endurant se détache du peloton. En effet, il s'agit de faire uneculture (ou des cultures successives) dans un milieu sélectif, plus favorable à la bactérie d'intérêtqu'aux autres bactéries présentes dans le milieu initial. Ce principe vient de l'écologie microbienneet a été développé par Beijerink et Winogradsky.

L'optimisation d'un procédé d'enrichissement passe donc par la recherche d'un milieu contraignant(contenant des antibiotiques ou des antiseptiques par exemple) dans lequel la bactérie d'intérêt a unemeilleure fitness que d'autres bactéries présentes dans le milieu initial et de vérifier qu'il y a biensurpassement par la bactérie d'intérêt et pas par une autre.

Biotechnologies

Pour tout procédé biotechnologique, il est important de maîtriser le produit final. Dans le cas deprocédés reposant sur une culture mixte, le rapport entre les populations dans le produit final estsouvent un paramètre stratégique, mais difficile à maîtriser. C'est en particulier important dans leproduction de starters pour le yaourt (Berkman et al., 1990 ; Béal & Corrieu, 1991 ; Badran & Rei-chart, 1995).

Cinétiques de cocktails de souches

En microbiologie prévisionnelle, certaines équipes ont l'habitude de réaliser leurs cinétiques exp-érimentales non pas sur une souche pure mais sur un cocktail de souches d'une même espèce. Leurargument est d'être ainsi plus représentatif de l'ensemble de l'espèce. Or, comme le montre McMeekin et al. (1993), le taux de croissance apparent de la cinétique totale n'est pas une moyenne des

Page 61: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

61

taux de croissance de chaque souche, mais tend vers le taux de croissance de la souche la plus ra-pide.

Méthodes d’analyse

Problématique

Deux approches méthodologiques sont possibles pour étudier cette question en batch : l’une fondéesur la notion d’avantage sélectif (comparaison d’aptitudes de croissance en cultures pures), l’autrefondée sur la notion de surpassement (évolution relative de deux populations en culture mixte). Laseconde a été souvent privilégiée, sur l’argument qu’étant donnée la faible précision sur les estima-tions des taux de croissance, il est difficile d’extrapoler à partir de cultures pures, en cas de faiblesdifférences entre les deux populations.

Approche de Vinopal (1979)

Vinopal (1979) a posé les bases de l'“analyse de cultures mixtes non-restreintes pour déterminer lafitness de mutants microbiens”9. Selon lui, les taux de croissance ne pouvaient être déterminésqu'avec une précision de ± 5% et il a donc considéré comme plus exploitable de suivre le ratio entre

les deux populations au cours du temps en cultures mixtes, à condition que l'on puisse distinguer lesdeux souches. Le problème de la distinction entre les deux populations (cf. p. 33) se pose en effet demanière d'autant plus accrue que les bactéries sont physiologiquement/morphologiquement proches.Dans le cas de résistances aux antibiotiques, des milieux sélectifs de dénombrement peuvent êtreutilisés.

Vinopal a souligné que le choix du procédé et des conditions de culture doit être fait en fonction deshypothèses à tester. Il a présenté deux solutions : d'une part le chémostat et d'autre part l'enchaîne-ment de cycles de batch. Le chémostat a été le premier modèle expérimental utilisé pour ce typed'étude, dans les années 1950. Comme cela a été décrit, la croissance en chémostat est limitée par ladisponibilité en substrat, déterminée par le taux de dilution, et l'expérimentateur a le choix du subs-trat limitant. Les cultures en chémostat sont donc, selon Vinopal, bien adaptées à tester l'avantagesélectif de mutations sur le catabolisme d'un nutriment donné ou sur la régulation des voies méta-boliques en conditions de forte limitation en substrat carboné ou en substrat énergétique. Mais lechémostat n'est pas un bon outil pour évaluer l'avantage sélectif d'autres mutations. Le batch permetde reconstituer un cycle de vie entier (disparition du substrat, augmentation de la biomasse et de laconcentration en produits du métabolisme) mais sa durée est limitée. L’enchaînement de plusieurscycles de batch permet de reproduire des alternances d'abondance de substrat et de jeûne sur unelongue durée.

Quantification de l'équilibre entre populations par un rapport

En cultures mixtes, l'équilibre entre les deux populations peut être quantifié par un rap-port. La notation la plus fréquemment adoptée est a:b, ce qui signifie que la densité de lapopulation A est égale à la densité de la population B multipliée par a/b. Il s'agit donc du

9 Analysis of unrestricted mixed cultures in determining the fitness of microbial mutants.

Page 62: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

62

rapport entre les deux densités de populations, c'est-à-dire d'un ratio. Dès 1966, Kraft &Ayres utilisaient cette notation pour suivre la croissance relative de Pseudomonas : "(...) S.aureus initially outnumbered the fluorescent spoilage organisms by 100:1" ; "The initial concentra-tion of S. aureus was nine times that of P. fluorescens" ; "Ratios of S. aureus to a mixed culture ofP. fluoresescens and P. aeruginosa were 1:1, 4:1, 9:1, 10:0.1, and 5:0" (Kraft & Ayres, 1966).

Une autre solution serait d'utiliser le rapport entre une densité de population particulière et la den-sité de population totale, c'est-à-dire une proportion. Sur des critères statistiques (cf. p. 95), c'est lasolution que j'ai privilégiée mais je ne l'ai pas rencontrée dans la littérature.

I.3.2. INTERACTIONS

Il a été montré dans le premier chapitre que le terme "interaction" recouvre des phénomènes biolo-giques très différents en fonction du contexte. Le modèle expérimental du milieu gélosé est plutôtdédié à l'étude d'interactions reposant sur la production de substances inhibitrices de la croissancetandis que le modèle expérimental du chémostat est dédié à l'étude d'interactions reposant sur leconcept de substrat limitant. Dans le cas du batch, la distinction entre les différents types d'interac-tion est plus ténue.

Classification des interactions

Les interactions constituent un ensemble complexe de phénomènes biologiques hétérogènes dont laclassification s'est avérée nécessaire. Les effets des interactions bactériennes ont pu être observésbien avant que leurs mécanismes ne soient expliqués. Ceci explique qu'historiquement les interac-tions ont été caractérisées par leurs effets apparents (approche phénoménologique) avant qu'elles nele soient en fonction du mécanisme biologique impliqué (approche mécaniste).

Classification phénoménologique

Dans la classification d’Odum (1953), les interactions sont répertoriées en fonction de leur effetbénéfique (stimulation de croissance) ou défavorable (inhibition de croissance, voire mort cellu-laire) sur chacune des populations impliquées. Les définitions ne sont donc pas fondées sur lesmécanismes biologiques mis en jeu mais uniquement sur les effets observables.

Tableau 2. Classification des interactions en fonction de la matrice des effets. D'après Odum (1953).

Effet de A sur B

bénéfique neutre défavorable

Effet de B sur A bénéfique mutualisme ou

protocoopération acommensalisme prédation ou

parasitisme b

Effet de B sur A neutre commensalisme neutralisme amensalisme

Effet de B sur A défavorable prédation ou parasi-

tisme

amensalisme compétition

(a) Le mutualisme diffère de la protocoopération par son caractère obligatoire.(b) La prédation diffère du parasitisme par son caractère destructeur

Page 63: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

63

Classification mécaniste

Fredrickson (1977) a proposé une classification en fonction du mécanisme biologique impliqué. Il adistingué interactions directes et interactions indirectes (cf. Figure 4).

BA

facteurs physico-chimiques

adhérence à un support

substrat limitant

toxine

Interactions indirectes

Interactions directes

Milieu extérieur

Figure 4. Représentation schématique de la classification de Fredrickson (1977)

Les interactions directes impliquent obligatoirement un contact physique entre les individus. Fre-drickson (1977) limite les interactions directes au parasitisme et la prédation, qui sont surtout étu-diées en écologie animale. Le seul cas bien décrit en bactériologie est le parasitisme de toutes lesespèces du genre Bdellovibrio sur les bactéries à Gram négatif (Ruby, 1992).

Pour une interaction indirecte, l'effet de A sur B se décompose en une modification du milieu ext-érieur par A et l'effet de cette modification sur B. Le milieu extérieur peut être impliqué selon desmécanismes très divers : modification d'un paramètre physico-chimique, compétition pour l'adh-érence à un support - concept d’adhérence compétitive (Bibel et al., 1983) - ou produc-tion/élimination d'une substance.

Parmi les interactions indirectes, une grande majorité implique une substance présente dans le mi-lieu extérieur. Une classification en fonction de la substance impliquée est ici proposée. Si cettesubstance est un substrat du métabolisme de l'une au moins des populations, alors il s'agit d'interac-tion trophique. Si cette substance n'est métabolisable par aucune des populations en présence maisest produite par une population et a un effet positif ou négatif sur la croissance de l'autre, alors ils'agit d'une interaction de type interférence.

L'expression "interférence bactérienne" a été utilisée dans plusieurs contextes, et a pu prendre dessignifications différentes (parfois synonyme d'interaction au sens large, parfois synonyme d'adh-érence compétitive…). La définition proposée me semble toutefois correspondre à l'usage le plusrépandu.

Certains termes utilisés pour décrire le mécanisme (comme compétition) existent déjà dans la clas-sification d'Odum. Il en résulte une grande confusion, soulignée par Bazin (1981). La classificationmécaniste est moins formelle et moins utilisée que celle d'Odum, probablement parce que la des-cription des effets des interactions a été antérieure à leur compréhension.

La classification d'Odum, issue de l'écologie animale, est très utilisée en écologie microbienne. Lestermes de compétition et de commensalisme sont en général compris au sens "trophique" (impli-

Page 64: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

64

quant un substrat limitant). En revanche, le terme amensalisme désignant une inhibition dans laclassification d'Odum n'est jamais utilisée dans le milieu médical. Le terme "interférence" lui estpréféré.

Approche expérimentale

Les interactions de type interférence peuvent être étudiées en cultivant en batch la souche indica-trice avec non pas la souche inhibitrice mais un filtrat ou un surnageant de culture inhibitrice, voirela substance inhibitrice lorsqu'elle a été purifiée. Quoique ces protocoles visent clairement à étudierles interactions de type interférence, elles ne seront pas envisagées de façon approfondie dans cetteétude puisqu'il ne s'agit pas de cultures mixtes mais bien de cultures pures exclusivement.

Dans une approche phénoménologique, une interaction est caractérisée par l'effet d'une populationsur la croissance de l'autre. Il me semblait donc évident que toute étude d'une interaction devraits'appuyer sur une comparaison de cinétiques en culture pure et en culture mixte. Toutefois, cetteapproche est rarement formalisée dans les travaux expérimentaux.

Schillinger et al. (1998) ont étudié l'effet sur Listeria monocytogenes d'une souche de Lactobacillussake productrice de sakacine (bactériocine active contre L. monocytogenes). L'intérêt de leur étudeest qu'ils comparent la croissance de L. monocytogenes en présence de la souche inhibitrice (culturemixte) non seulement à la croissance en absence de L. sake (culture pure) mais aussi à la croissanceen présence d'un mutant non inhibiteur de la souche de L. sake. Cela permet de distinguer l'interf-érence strictement due à la bactériocine des interactions trophiques (compétition pour les subs-trats…). Le manque de points expérimentaux pour les courbes de croissance et l'absence de forma-lisation rigoureuse (par exemple par l'ajustement de modèles de dynamique) n'ont pas permis unemeilleure interprétation selon une approche comparative.

I.3.3. QUELQUES MODELES

L'approche biométrique des cultures mixtes en batch, en particulier avec prise en compte des inte-ractions, est relativement récente. Les équipes de Baranyi (Pin & Baranyi, 1998), Van Impe (Denset al., 1999), ou Zwietering (Malakar et al., 1999), travaillant dans le domaine de la microbiologieprévisionnelle, ont commencé à publier sur ce sujet au cours des trois dernières années.

Modèles de dynamique et avantage sélectif

Paramètre de fitness

Bennett et al. (1990) ont utilisé un paramètre de fitness W, ratio entre les nombres de générations deses deux clones.

Page 65: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

65

√√↵

����

√√↵

����

=

Bi

Bf

Ai

Af

N

Nln

N

Nln

W [36]

Avec NAi et NBi : les densités initiales des populations A et B, avec NAf et NBf : les densités finales des populations A et B.

Une valeur égale 1 indique que les deux clones ont la même fitness, une valeur supérieure à 1 indi-que que la souche A est un meilleur compétiteur (ce qu’en général on traduit par un taux de crois-sance supérieur mais pourrait aussi être l’expression d’une différence dans les phases de latence oustationnaire). Une valeur nulle indique que la souche B ne peut croître dans le milieu étudié.

En supposant que les phases de latence sont négligeables et que les phases stationnaires ne sontjamais atteintes (ce qui est plausible si les repiquages sont fréquents) :

B

Atì

B

B

A

A

ì

ì

)eln(

)eln(

)0(N

)t(Nln

)0(N

)t(Nln

WB

A

==

√√↵

����

√√↵

����

= [37]

Ce paramètre fitness relative est donc indépendant du temps, c’est-à-dire du nombre de générations.Toutefois, il est évident que plus le nombre de générations est élevé, meilleure est la précision obte-nue.

Equations de Vinopal (1979)

Vinopal (1979) a construit un modèle théorique fondé sur le modèle exponentiel de croissance :

ttì

0 åeN)t(NNìdt

dN +=⌠= [38]

Il a défini le temps de génération moyen g comme le temps mis par la population pour doubler.

ì

ln2goùd'2,eoùd',N2N(g) ìg

0 === [39]

De plus, il a fait l'hypothèse que la croissance de chaque souche n'est pas affectée par l'autre souche(hypothèse de neutralisme) et que les mutations en cours de culture sont négligeables. Pour que ceshypothèses soient acceptables, il a recommandé d'une part l'utilisation de cultures très diluées (c'est-à-dire que les repiquages aient lieu avant qu'il n'y aît compétition pour les ressources) et d'autre partune première étape d'adaptation de la souche sauvage étudiée aux conditions de culture avant deproduire le mutant quasi-isogénique.

En affectant l'indice m aux paramètres de la souche mutante, et l'indice w aux paramètres de la sou-che sauvage, il a obtenu :

N(t)= Nm(t) + Nw (t) = N0meµmt + N0w eµ w t [40]

Page 66: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

66

Ce modèle peut s'appliquer tout couple de deux souches : mutante et sauvage, résistante et sensible,ou plus généralement souche A et souche B. Par souci d'homogénéité avec le reste du document,l'indice m (pour souche mutante) est ici remplacé par l'indice A (pour souche A) et l'indice w (poursouche sauvage) par l'indice B (pour souche B) .

N(t)= NA (t) + NB( t )= N0Aeµ At + N0B eµB t [41]

Vinopal a ensuite défini le ratio R(t) comme la proportion entre nombre de cellules mutantes etnombre de cellules sauvages.

R(t)=NA (t)

NB(t)=

N0Aeµ At

N0Beµ Bt = R0 e(µ A − µB )t [42]

Avec R0 le ratio initial.

Après transformation logarithmique, il a obtenu :

( ) t)ìì()Rln()t(Rln BA0 −+= [43]

Ainsi, en traçant l'évolution du ratio en fonction du temps, il est possible de déterminer la différenceentre les taux de croissance. Vinopal recommandait de s'assurer de la linéarité du graphe, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'inflexion, ce qui permet d'apprécier visuellement si les deux hypothèses (d'unepart neutralisme, d'autre part mutations négligeables) sont acceptables.

S'il est possible de suivre le nombre de doublements de la population totale (n), les taux de crois-sance peuvent alors être déterminés directement.

L'équation [43] peut être reformulée comme suit :

[ ] ��

���

� +=+=)t(R

11e)0(N)t(Nou)t(R1e)0(N)t(N tì

Atì

BAB [44]

Or après n doublements de la population totale :

[ ])0(N)0(N2)0(N2)t(N BAnn +== [45]

D'après les équations [44] et [45],

( )[ ]

[ ][ ]1)t(R

1)0(R2

1)t(R)0(N

)0(N)0(N2e

n

B

BAn

tkw

++=

++= [46]

Après transformation logarithmique, il a obtenu :

[ ]1)0(Rlntì1)t(R

2ln B

n

+−=��

���

�+

[47]

Page 67: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

67

Prise en compte de la latence

Les équations de Vinopal ne prennent en compte qu’une différence sur les taux de croissance, maispas sur les temps de latence.

Or, comme Jameson l’écrivait dès 1962, il existe en fait quatre cas possibles :

1.lagA < lagB

µA > µB

� � �

2.lagA < lagB

µA < µB

� � �

3.lagA > lagB

µA > µB

� � �

4.lagA > lagB

µA < µB

� � �

Jameson (1962) étudiait les protocoles d’enrichissement de Salmonella. Soit A l’indice désignant lapopulation des salmonelles et B l’indice désignant la population de son meilleur compétiteur. Dansle cas 1, Salmonella a un double avantage sélectif (temps de latence et temps de génération pluscourts), une culture dans le milieu étudié permettra à coup sûr d’en augmenter la proportion rela-tive. Dans le cas 4, au contraire, Salmonella a un double désavantage sélectif (temps de latence ettemps de génération plus longs), une culture dans le milieu étudié permettra à coup sûr d’en dimi-nuer la proportion relative. Les cas 2 et 3 sont intermédiaires. Puisque le but était de sélectionner lesSalmonella, Jameson a proposé d’exploiter chaque avantage au maximum. Ainsi, dans le cas 2 ,pour lequel un temps de latence court est un avantage, il a proposé de faire plusieurs transferts eninoculant un milieu neuf par une culture en phase stationnaire. Afin que le protocole ne dure pastrop longtemps et que le désavantage d’un temps de génération plus long s’exprime le moins possi-ble, Jameson a alors suggéré d’utiliser des inoculums forts pour réduire la durée de la phase expo-nentielle. Dans le cas 3, au contraire, Jameson a proposé une seule très longue culture (avec un ino-culum très faible), afin de laisser s’exprimer l’avantage du temps de génération court et de minimi-ser les conséquences du désavantage d’un temps de latence court.

Bien que ces remarques semblent évidentes, l’avantage ou le désavantage lié au temps de latenceest souvent négligé.

Approche empirique des interactions

La plupart des auteurs qui étudient les interactions bactériennes in vitro ne proposent pas explicite-ment de modèle mathématique. En revanche, ils cherchent à quantifier l'effet de la présence d'unesouche sur les valeurs des paramètres de croissance d'une autre souche, ce qui signifie qu'ils ad-mettent implicitement que les croissances suivent un modèle de dynamique de croissance classique(ou modèle primaire). La mise en équation de cet effet en fonction de différents facteurs peut doncêtre assimilée à l'élaboration d'un modèle de prise en compte des contraintes environnementales (oumodèle secondaire).

Critères d'inhibition

Il est courant de rapporter les paramètres estimés en cultures mixtes aux paramètres estimés encultures pures. Ainsi, l'inhibition ou la stimulation peut être quantifiée par le rapport entre le Nmaxde la souche indicatrice en présence de la souche active et le Nmax en absence de la souche active .Ce rapport a été utilisé comme critère de comparaison entre différents couples souche active/souche

Page 68: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

68

indicatrice (Fang et al., 1996). Boris et al. (1969) ont utilisé ce même critère pour étudier l’effet durapport initial entre les souches. Hilmann & Fox (1994) ont étudié l'effet de la présence de Lactoba-cillus spp. sur le µmax de différentes souches indicatrices de Escherichia coli. Johansson et al. (1994)ont utilisé deux critères d'inhibition : rapports entre µmax et Nmax en culture au contact de la soucheinhibitrice tuée (à différentes concentrations) et µmax et Nmax en culture témoin.

Modèles polynomiaux

Les travaux de Béal & Corrieu (1991) s'inscrivent dans une démarche d'optimisation d'un procédéde culture mixte des bactéries du yaourt. Ils ont quantifié les effets des variables de contrôle (pH,température, pourcentage de Streptococcus salivarius subsp. thermophilus dans l'inoculum mixte)sur les paramètres de croissance (densités bactériennes finales et taux de croissance maximaux) etles paramètres d'acidification (quantités d'acide lactique produit, vitesse spécifique de productiond'acide lactique) de chaque souche séparément et de la population totale. Un plan d'expériencescentré composite invariant par rotation a permis de développer des modèles polynomiaux du secondordre.

Z = a0 + a1 pH + a2 θ + a3 K + a11 pH2 + a22 θ2+

a33 K2 +a12 pH θ + a13 pH K + a23 θ K [48]

Avec Z : paramètre de croissance ou d'acidification ; K : pourcentage de S. thermophilus dans l'inoculum et θ : température (°C).

Leroi & Courcoux (1996), dans le cadre de leurs études sur la stimulation de la production d'acidelactique de la bactérie Lactobacillus hilgardii par la levure Saccharomyces florentinus au cours dela fermentation des grains de kéfir, ont utilisé un critère de stimulation fondé sur le métabolisme : lepourcentage d'augmentation de la production d'acide lactique par Lactobacillus hilgardii enprésence de la levure par rapport à une culture témoin sans levure. Les auteurs ont dans un premiertemps construit un plan expérimental centré composite invariant par rotation pour estimer l'effet dedifférents facteurs biologiques (composition du milieu, composition de l'inoculum, etc.) et physico-chimiques (température, pH, etc) sur cette stimulation et en ont ensuite retenu trois : pH, tempéra-ture et ratio initial levure/bactérie. Ils ont construit un modèle polynomial du second ordre.

Ces modèles polynomiaux (Béal & Corrieu, 1991 ; Leroi & Courcoux, 1996) ont un intérêt techno-logique évident. En effet, ils permettent d’optimiser un procédé en choisissant les conditions exp-érimentales à partir d’une surface de réponse. Toutefois, ils présentent un intérêt fondamental pau-vre puisque les paramètres n’ont aucune signification biologique ni même graphique. De plus, ils nepermettent aucune extrapolation.

Approche de Pin & Baranyi (1998)

Pin & Baranyi (1998) ont proposé une approche beaucoup plus complexe. Toutefois, elle peut êtrerapprochée de ce qui précède dans la mesure où elle utilise uniquement des modèles de dynamiqueclassiques et que les auteurs la définissent eux-mêmes comme purement empirique. Par ailleurs, ilsont traité conjointement les notions d'interaction et d'avantage sélectif.

Dans un premier temps, quatre groupes d'organismes ont été cultivés séparément : groupe P (8 sou-ches dont 3 Pseudomonas) ; groupe E (6 souches dont 2 Enterobacter agglomerants) ; groupes L(11 souches, toutes lactiques) et groupe B (9 souches : 6 Kurthia et 3 Brocothrix). Quoique les ino-

Page 69: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

69

culums soient des cocktails de souches, ces cultures ont été traitées comme des cultures pures. Lemodèle de croissance de Baranyi (cf. p. 50) a été ajusté à chacune des quatre cinétiques en "culturepure" (modèles de type A). Dans un deuxième temps, les 32 souches ont été cultivés simultanément.Des dénombrements sélectifs ont permis de quantifier très approximativement les cinétiques dechacun des quatre groupes et un modèle de croissance a été ajusté à chacune des quatre cinétiquesen "culture mixte" (modèles de type B). De plus, un dénombrement non sélectif a permis de quanti-fier la cinétique de la population totale et un modèle "total" a été ajusté à cette cinétique.

Le fait d'ajuster un modèle de dynamique (théoriquement conçu pour le développement d'une po-pulation unique) à des cinétiques de groupes de souches a été justifié par le fait que la cinétique dela population totale soit indissociable de celle de la population dominante.

Pin & Baranyi (1998) ont ensuite utilisé des tests de Fisher et comparé entre eux les modèles. Com-parer, d'un groupe à l'autre, les taux de croissance des modèles de type A revenait à mettre en évi-dence des différences d'aptitudes de croissance en culture pure et par suite à caractériser un avan-tage sélectif. Comparer, pour chaque groupe, le modèle de type A au modèle de type B revenait àmettre en évidence des différences éventuelles entre cinétique en culture pure et cinétique en culturemixte et donc à caractériser une interaction. Enfin, comparer chacun des modèles de type B aumodèle total revenait à identifier le groupe dominant en culture mixte et donc à caractériser un sur-passement.

L'approche de Pin & Baranyi (1998) est la plus proche de celle que j'ai proposée dans la deuxièmepartie, malgré de nombreuses différences de formalisation.

Modèles de dynamique conjointe

Pour prendre en compte les interactions en cultures mixtes, les exemples cités ci-dessus utilisaientles modèles de dynamique existants. Une autre solution est d'exprimer le taux de croissance instan-tané de chaque population non seulement en fonction du temps t et de sa densité bactérienne maisaussi en fonction de la densité bactérienne de l'autre population. Il s'agit donc d'une modification auniveau du modèle de dynamique.

De façon générale, ces équations peuvent s'écrire :

���

���

=

=

)N,N(gdt

dN

)N,N(fdt

dN

BAB

BAA

[49]

Ces modèles ne sont ni tout à fait empiriques, ni tout à fait mécanistes, puisque l'effet de ladeuxième population est pris en compte mais pas explicité. Comme Megee et al. (1972) l'ont pro-posé, ils peuvent être considérés comme des modèles phénoménologiques, reposant uniquement surune description de l’effet sans prise en compte du mécanisme biologique impliqué.

Page 70: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

70

Modèle de Lotka Volterra

Volterra (1931) a étudié la "coexistence de deux espèces se disputant la même nourriture". Il sup-pose que la quantité de nourriture disponible est une fonction du nombre d'individus de chaque esp-èce (NA et NB) et que la vitesse de développement en dépend.

[ ][ ]�

��

���

−=

−=

BBABBB

ABAAAA

N)N,N(Fãådt

dN

N)N,N(Fãådt

dN

[50]

Avec NA (resp. NB) : nombre d'individus de l'espèce A (resp. B) ; F(NA,NB) : nourriture disponible ; εA (resp. εB) : coefficients d'ac-croissement de l'espèce A (resp. B) et γ A (resp. γB) : constante positive correspondant au besoin de nourriture de A (resp. B).

Indépendamment, Lotka a proposé un système d'équations très proches. Actuellement, les deuxmodèles sont rassemblés sous l'expression "équations de Lotka-Volterra".

Le modèle de Lotka-Volterra est aujourd'hui repris sous diverses formes. La formulation de Brown& Rothery (1993) permet la comparaison de ce système d'équations avec un modèle primaire àéquation de freinage logistique (cf. équation [52]).

��

��

√√↵

����

+−=

√√↵

����

+−=

B

B

A

A

max

ABABB

B

max

BABAA

A

N

NâN1ì

dt

dN

N1

N

NâN1ì

dt

dN

N

1

[51]

Avec NA (resp. NB): population de la souche A (resp. B) (ufc/mL) ; Nmax A (resp. NmaxB): population maximale de A (resp. B) (g.l-1) ; µ A (resp. µmax B) : taux de croissance maximal de A (resp. B) (h-1) et βAB et βBA : coefficients d'interaction.

√√↵

����

−=

maxN

N1ì

dt

dN

N

1[52]

Dans les équations de Lotka-Volterra, la croissance de chaque souche est freinée par son propredéveloppement selon la fonction de freinage classique et par un effet de l'autre population.

Applications du modèle de Lotka Volterra à la bactériologie

En 1934, Gause a utilisé ces équations pour modéliser la compétition entre deux levures : Saccha-romyces cerevisiae (A) et Schizosaccharomyces kephir (B). Les valeurs de µmax et Nmax ont étéestimés par ajustement à des données issues de cultures pures. Puis les valeurs de βAB et βBA ont été

estimés à partir de cultures mixtes.

Depuis les travaux de Gause, les équations de Lotka-Volterra ont été très peu appliquées à la mod-élisation des interactions bactériennes (cf. Megee et al., 1972).

Page 71: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

71

Modèle de Dens, Vereecken et Van Impe (1999)

Vereecken et al. (1998) ont fait un inventaire de différents modèles de type Lotka-Volterra issus dedivers champs de la biologie (écologie, virologie…) et en ont analysé huit. Ils ont déploré qu'aucunde ces modèles ne puisse être réduit à un modèle de dynamique de croissance classique dans le casparticulier d'une culture pure et ont souligné que les modèles issus de l'écologie ne peuvent êtredirectement applicables à la microbiologie prévisionnelle.

Dens et al. (1999) ont par la suite proposé un nouveau modèle en combinant le modèle de LotkaVolterra et le modèle de dynamique de croissance de Baranyi. Il peut s'écrire sous la forme de qua-tre équations différentielles :

dNAdt

= µmax A

qA

1+ qA

NANmaxA

( Nmax A− NA − α AB NB )

dNBdt

= µmax B

qB

1+ qB

NBNmaxB

(Nmax B− NB − αBA NA )

dqA

dt= µmax A

qA

dqB

dt= µmax B

qB

� � � � �

� � � � �

[53]

En conditions constantes, les deux dernières équations peuvent s'écrire :

qA( t )= q0Aeµ maxA

t

qB(t) = q0BeµmaxBt

� � �

� � [54]

Le système [53] s'écrit alors comme un système de deux équations :

���

���

−−+

=

−−+

=

)NáNN(N

x

)t(q1

)t(qì

dt

dN

)NáNN(x

N

)t(q1

)t(qì

dt

dN

ABABmaxmax

B

B

Bmax

B

BABAmaxmax

A

A

Amax

A

BB

B

AA

A

[55]

Sous certaines conditions, un équilibre stable avec coexistence des deux populations (nœud stable)est possible. Dans ce cas, les concentrations finales des deux populations sont :

���

���

−−

=

−−

=

BAAB

maxBAmax*B

BAAB

maxABmax*A

áá1

NáNN

áá1

NáNN

A2

BA

[56]

Les concentrations finales des deux populations ne dépendent donc pas des concentrations initiales.Cela me semble peu réaliste.

Enfin, Dens et al. (1999) ont envisagé de nombreuses extensions à ce modèle de base, en particulierun effet de l'interaction sur le temps de latence et une prise en compte de l'hétérogénéité spatiale.

Page 72: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

72

Approche mécaniste des interactions

Enfin, il est envisageable de modéliser la croissance d'une population A non pas en fonction de ladensité de la population B (modèle de dynamique conjointe à deux variables d'état) mais en fonc-tion de la concentration d'une substance particulière (modèle de dynamique conjointe à trois varia-bles d'état).

Cette substance peut être un substrat ou un métabolite produit /utilisé par A et/ou B. Cela engendredans ce cas tous les modèles d'interactions trophiques, du type de ceux développés en chémostat(mais avec D=0). De plus, cette approche est adaptée aux interactions de type interférence, avecprise en compte d'une substance produite par B et ayant un effet caractérisé sur A.

Modèle de Lejeune et al. (1998)

Sur ce point, il m'a semblé utile de présenter des travaux sur la modélisation de cinétiques de pro-duction de bactériocines. Même si ces travaux ont été effectuées en cultures pures, l'intérêt de leurapplication ultérieure à la modélisation de cultures mixtes est évident.

Le modèle de Lejeune et al. (1998) repose sur des hypothèses métaboliques (modèle mécaniste) etles paramètres ont été ajustés à partir de données expérimentales.

La croissance de Lactobacillus amylovorus est modélisée par une croissance exponentielle, avecfreinage logistique, sans latence.

√√↵

����

−=

maxN

N1Nì

dt

dN[57]

La consommation de glucose par Lactobacillus amylovorus est décrite par le modèle avec mainte-nance de Pirt.

Nmdt

dN

Y

1

dt

dSS

S/N

−−= [58]

Avec S la concentration de lactose (g.l-1

), YN/S le rendement (g.g-1

), et mS le coefficient de maintenance (g.g-1

.h-1

).

La production d'acide lactique est décrite par :

dP

dt= −

1

YS / P

dS

dt[59]

La production de bactériocine est décrite par une double équation. Tant qu'une certaine biomassecritique n'est pas atteinte, la bactériocine est produite comme un métabolite primaire. Ensuite, laproduction est stoppée, et l'activité décroît selon une cinétique du 1er ordre.

���

���

=>−=

<=

0Ssiou'XXsiB'kdt

dC

'XXsidt

dXbk

dt

dC

[60]

Page 73: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

73

Avec C le titre en bactériocine (AU.L-1), kB le taux de production (AU.g-1), k' le taux de dégradation (h-1) et X' la biomasse critique(g.L-1).

A l'exception de YS/L , dont la valeur a été fixée à 1 (d'après les proportions stœchiométriques puis-

que deux moles d'acide lactique sont formés à partir d'une mole de glucose), les valeurs numériquesdes coefficients ont été ajustés d'après des cinétiques expérimentales.

Modèle de Frank (1994)

Toujours dans le cas des interactions non trophiques avec bactériocine, Frank (1994) a proposé unmodèle théorique. Les dynamiques de la population productrice et de la population sensible sontmodélisé par un système à trois variables : P, la densité cellulaires de la souche productrice, S, ladensité cellulaire de la souche sensible et C, la concentration de la bactériocine, qui est considéréecomme une molécule diffusible.

���

���

−=

−���

��� +−−=

���

��� +−−−=

CñPâdt

dC

SAäK

SP)á1(1Smaxì

dt

dS

K

SP)á1()á1(Pmaxì

dt

dP

[61]

avec µmax le taux de croissance maximal des deux souches (noté γ dans l'article original) ; α : le coût de la production de bactério-

cine ; K : la capacité maximale du milieu ; β : la vitesse individuelle de production de bactériocine ; ρ : le taux de disparition de labactériocine ; δ : le taux d'efficacité létale de la bactériocine.

Par reparamétrisation, il a obtenu à partir un système sans dimension :

����

����

−=

−��

���

� +−−=

��

���

� +−−−=

CñPâdt

Cd

SAäK

SP)á1(1Smaxì

dt

Sd

K

SP)á1()á1(Pmaxì

dt

Pd

)))

))))))

))))

[62]

Avec maxì

ñb;

2maxì

Käâg;tmaxìô;

maxìC;

K

SS;

K

PP A ======

))).

Frank a ensuite étudié l'évolution d'un tel système en utilisant la théorie des systèmes dynamiques.L'issue dépend des trois valeurs initiales, P(0), S(0) et C(0) et de trois paramètres : α : le coût de la

production de bactériocine ; b=ρ/µmax ; g=

δµmax

βµmax

K .

Globalement, le système aurait tendance à évoluer vers une culture pure de productrices de bact-ériocines (élimination des sensibles) si les cellules P sont initialement abondantes (et les S rares) etinversement vers une culture pure de sensibles (élimination des productrices de bactériocine) si les

Page 74: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

74

cellules S sont initialement abondantes (et les P rares). Mais, si bα < g, il y a aussi un équilibre

mixte (point selle) où :

( )

���

���

=

√↵���

−−=

=

b

*P*C

*P1á1*S

g

áb*P

))

))

)

Frank a aussi proposé un modèle sans molécule diffusible, dans lequel la mort cellulaire d'une cel-lule sensible fait suite à un contact physique direct avec une cellule toxique.

Le système [61] devient :

dP

dt= µmax P (1− α) −

(1− α)P + S

K

� � �

� � �

dS

dt= µmax S 1−

(1 − α)P + S

K

� � �

� � �

− δ P S

� � �

� � �

[63]

Le système [62] devient :

dP

dτ= P (1 − α) − (1 − α)P − S[ ]

dS

dτ= S 1 − (1− α)P − S[ ]− g PS

� �

� �

[64]

Ce modèle présente peu d'intérêt dans le cadre d'une étude des cultures mixtes bactériennes puisqueles interactions directes bactérie-bactérie sont rares. Frank a également proposé un modèle en mi-lieu structuré hétérogène (avec prise en compte de l'espace), qui présente peu d'intérêt dans le cadred'une étude des cultures en batch.

Modèle de Breidt & Fleming (1998)

Breidt & Fleming (1998) ont proposé un modèle théorique fondé sur cinq équations différentiellesautonomes et ont déterminé les valeurs des paramètres par ajustement sur des cinétiques expéri-mentales de Lactococcus lactis et Listeria monocytogenes. Au contraire des modèles présentés ci-dessus, celui-ci repose sur une interaction indirecte sans bactériocine : une modification physico-chimique de l’environnement. En effet Lactococcus lactis inhibe la croissance de Listeria monocy-togenes en produisant de l’acide lactique et en abaissant le pH. Les variables d'état étaient au nom-bre de cinq : densités cellulaires des deux populations (NA : L. lactis et NB : L. monocytogenes),concentration en acide lactique (C), concentration en ion hydrogène, ce qui correspondait au pH (P),et concentration en acide lactique (M), pris en compte car sa fermentation par L. lactis augmenteraitle pH.

Page 75: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

75

( )

( )

�������

�������

−=

−��

���

�√√↵

����

−=

��

���

�√√↵

����

−+�

���

�√√↵

����

−=

=

=

MNèdt

dM

dt

dMê

p

P1Cñ

dt

dP

p

C1Nä

p

C1Nã

dt

dC

ì,P,CìNdt

dN

ì,P,CìNdt

dN

A

11

2B

1A

maxBBB

maxAAA

B

A

[65]

��

��

��

���

�√√↵

����

−√√↵

����

−=

��

���

�√√↵

����

−√√↵

����

−=

)p,p,P(H

P1,

)p,p,C(H

C1Minì)ì,P,C(ì

)p,p,P(H

P1,

)p,p,C(H

C1Minì)ì,P,C(ì

1094873maxmaxB

652431maxmaxA

BB

AA

[66]

Avec p3 : concentration minimale d’acide inhibitrice pour la croissance de A ; p4 : concentration minimale d’acide inhibitrice pour lemétabolisme de A ; p5 : concentration minimale en ions hydrogène libres pour la croissance de A ; p6. (concentration minimale enions hydrogène libres pour le métabolisme de A ; p7 : concentration minimale d’acide inhibitrice pour la croissance de B ; p8. :concentration minimale d’acide inhibitrice pour le métabolisme de B ; p9 : concentration minimale en ions hydrogène libres pour lacroissance de B et p10. concentration minimale en ions hydrogène libres pour le métabolisme de B.

Breidt & Fleming (1998) ont associé des déterminations des paramètres à partir de cultures pures età partir de cultures mixtes.

Modèle de Malakar et al. (1999)

Dans les travaux de Martens et al. (1999) et Malakar et al. (1999), cinq variables d'état sont égale-ment présentes : les densités cellulaires des deux populations (A : Lactobacillus curvatus et B : En-terobacter cloacae), le pH, la concentration en substrat limitant (glucose) et la concentration eninhibiteur (acide lactique). Leur approche est assez similaire à celle de Breidt & Fleming (1998)mais ils ont pris en compte la compétition pour le substrat limitant et ont clairement séparé d'unepart l'estimation des paramètres à partir de cultures pures (Martens et al., 1999) et d'autre part l'uti-lisation du modèle en prédiction (Malakar et al., 1999).

Page 76: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

76

En reprenant mes notations usuelles, leur modèle peut être formalisé ainsi :

������������������

������������������

√√√√√

�����

+−

−−+

√√√√√√

������

+√√

���

−−+

−=

++

=

√√√√√√

������

+√√

���

−−+

=

��

��

>−

−−+

=

���

���

>√√

���

−−+

=

BB

2minBmax

BmaxBmin

Sopt

AA

2minAmax

AmaxAmin

Sopt

0

AP

2minAmax

AmaxAmin

Sopt

B2minBmax

BmaxBmin

SoptB

BB

A2minAmax

AmaxAmin

SoptA

A

A

NmY

)pHpH(

)pHpH)(pHpH(4

SK

NmY

Pa)pHpH(

)pHpH)(pHpH(4

SK

dt

dS

Pc1

PbpHpH

NmY

Pa)pHpH(

)pHpH)(pHpH(4

SK

dt

dP

lagtsi)pHpH(

)pHpH)(pHpH(4

SKS

ìN

lagtsi0

dt

dN

lagtsiPa)pHpH(

)pHpH)(pHpH(4

SK

SìN

lagtsi0

dt

dN

BS

BBB

AS

AAA

AS

AAA

BBB

AAA

[67]

Avec a, b et c : paramètres de régression.

L'adéquation entre cinétiques prédites d'après les cultures pures et cinétiques expérimentales obte-nues en cultures mixtes est satisfaisante. Cette approche présente donc des potentialités intéressan-tes pour une utilisation en prédiction, ce que ne permettrait aucun des modèles empiriques envi-sagés. D'après les auteurs, l'approche mécaniste déployée ici conduirait à un modèle plus simplequ'une approche empirique. Il me semble néanmoins que la démarche mise en œuvre a été degrande ampleur et qu'il serait difficilement envisageable de mettre en pratique une approche aussilourde pour chaque couple de souches particulier.

Le développement de méthodes pour le suivi et la modélisation des cultures mixtes est donc actuellement

en cours dans de nombreuses équipes travaillant la dynamique des populations bactériennes. L'approche

méthodologique que je propose est présentée dans la deuxième partie.

Page 77: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

77

Page 78: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

78

PARTIE II DEVELOPPEMENTS

METHODOLOGIQUES

"Die Methode ist alles."

Proverbe allemand

Page 79: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

79

Page 80: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

80

II.1. REGRESSION NON-LINEAIREET SUPERFIT

Comme cela a été présenté dans le chapitre I.2., une part importante du travail dans le domaine de la

modélisation de la croissance bactérienne en batch consiste en des ajustements de divers modèles (sou-

vent non-linéaires) à des jeux de données. Pour cette raison, l’équipe "Dynamique des populations bact-

ériennes" a travaillé depuis plusieurs années sur un programme de régression non-linéaire, ce qui a

donné naissance au programme Superfit, en Fortran 90. L’évolution du parc informatique a conduit à une

réécriture de ce programme en Mathematica. Une nouvelle édition de Superfit a donc été réalisée dans le

cadre de cette thèse. Cette partie a donné lieu à une communication orale aux journées de la Société

Française de Biologie Théorique et à la création d'un site Internet présentant le programme Superfit pour

Mathematica.

II.1.1. APPROCHE THEORIQUE

Modèle de régression non-linéaire

La régression

La notion de modèle a été présentée dans la première partie. En statistique, le mot régression dési-gne un type de modèles bien précis. L'analyse des résultats d'une expérience relève de l'emploi d'unmodèle de régression lorsque chaque observation de la variable de réponse (ou variable expliquée)peut être représentée comme la somme d'un terme systématique dépendant de la valeur prise parune variable de contrôle (ou variable explicative ou régresseur) ou plusieurs et de la réalisationd'une variable aléatoire (erreur).

y i = f(θ0 ,x i) + εi pour i=1,…,n [68]

Avec y i : la i-ème réponse observée ; θ0 : le vecteur, de dimension p, des "vrais" paramètres du modèle, xi : le i-ème vecteur de di-mension q des variables de contrôle testées, f(θ0,xi) : la i-ème réponse sous le modèle "vrai" et εi l'erreur associée.

En notation vectorielle, on peut écrire pour n observations :

y = η θ0( )+ ε [69]

avec y : le vecteur, de dimension n, des réponses, η(θ0) : le vecteur de composantes f(θ0,xi), i=1,…,n et ε : le vecteur centré, de di-mension n, des erreurs.

L'objet de la régression est donc de modéliser et d'étudier sous tous les aspects la relation entre cettevariable de réponse et la (ou les) variable(s) explicative(s) (Antoniadis et al., 1992).

Page 81: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

81

La non-linéarité

Il s'agit ici de non-linéarité "intrinsèque", c’est-à-dire de la non-linéarité liée aux paramètres dumodèle : l'une au moins des p dérivées partielles du modèle par rapport aux paramètres dépend d'unsous-ensemble des p paramètres.

Et Superfit ?

Le programme Superfit est écrit en langage Mathematica 4.0 (Wolfram Research). Ce programmeest issu d’un travail réalisé depuis plusieurs années au sein de l’équipe de "Dynamique des Popula-tions Bactériennes", du Laboratoire de Biométrie - Biologie Évolutive (UMR CNRS 5558) del’Université Claude Bernard Lyon1. Il n’aurait pu voir le jour sans le travail préalable de Jean Lo-bry, Laurent Rosso, Françoise Guérillot, Catherine Chapuis, Marie Laure Delignette-Muller et Em-manuel Zuber et la collaboration de Sandrine Charles-Bajard et Sophie Bréand.

Superfit est un programme d'ajustement d'un modèle à un jeu de données expérimentales. Il a étéparticulièrement adapté aux problèmes particuliers posés par la régression non-linéaire mais peutégalement être utilisé pour l'ajustement d'un modèle de régression linéaire.

Ajustement d'un modèle de régression non-linéaire

Hypothèses

L'analyse d'un modèle de régression linéaire dépend des hypothèses suivantes (Antoniadis et al.,1992) :§ Le vecteur θ0 des "vrais" paramètres inconnus appartient à un ensemble Θ de Rp, d'intérieur

non vide. Pour toute valeur fixée des régresseurs, la fonction η(θ0) est injective et deux fois

continûment dérivable en tout point intérieur à Θ.§ Les composantes εi, i=1,…,n, sont des variables aléatoires non corrélées, de moyenne nulle et

de variance σ2 .

Cette dernière hypothèse modélisant l'erreur permet de rendre compte de la nature aléatoire desphénomènes étudiés. La formulation énoncée ici est la moins forte. L'étude des propriétés asympto-tiques impose de remplacer l'hypothèse de non-corrélation des erreurs par l'hypothèse d'indépen-dance des variables aléatoires εi et à supposer qu'elles soient identiquement distribuées. De plus, il

peut être nécessaire d'ajouter l'hypothèse que le vecteur aléatoire ε est normalement distribué. Sous

toutes ces hypothèses, le modèle d'erreur est dit homoscédastique gaussien : εi iid N(0, σ2 ).

Méthode d’ajustement

L'estimation est le choix d'une estimation de θ0 (notée ̂ θ ) dans l'ensemble Θ compte tenu des ob-

servations, c'est-à-dire des résultats de l'expérience. Choisir un estimateur revient à minimiser ladistance entre le modèle et les observations (Antoniadis et al., 1992 ; Huet et al., 1992).

Cette notion de distance pose immédiatement un problème de choix de la métrique. Le critère leplus courant est géométrique et a été proposé par Laplace, dans le cas linéaire. Il s’agit du critère

Page 82: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

82

des moindres carrés (Pavé, 1994). Il consiste à choisir un vecteur θ telle que la norme euclidienne

entre le vecteur des réponses prédites et le vecteur des réponses observées soit minimale. Un esti-mateur des moindres carrés est donc un vecteur aléatoire ̂ θ dont la réalisation minimise la fonction

de perte définie par y − η(θ)2

. L'espace Θ peut souvent être supposé compact, donc borné, et dans

ce cas il existe au moins une valeur de θ pour laquelle ce minimum est atteint (Antoniadis et al.,

1992). Ce critère est équivalent à la somme des carrés des écarts résiduels :

SCErés = y i − f (ˆ θ , xi )( )

i=1

n

�2

= y i − ˆ y i( )i=1

n

�2

[70]

Pour le modèle additif, sil les erreurs sont (i) indépendantes, (ii) normales, (iii) de même variance(homoscédasticité), alors le critère des moindres carrés est équivalent au critère du maximum devraisemblance (Pavé, 1994).

Il existe de nombreux algorithmes de résolution numérique itérative : méthodes du gradient, deNewton, de "Quasi-Newton", de Levenberg-Marquardt… Je ne peux que les citer ici, le lecteurpourra se reporter à la littérature spécialisée pour une explication détaillée de ces algorithmes (cf.Antoniadis et al., 1992 ; Pavé, 1994).

Valeurs initiales

Du fait de la nature itérative de ces algorithmes, une initialisation est nécessaire. En effet, les algo-rithmes approchent ̂ θ à partir d'un premier vecteur θ, choisi par l'utilisateur dans l'ensemble Θ. Si la

fonction de perte y − η(θ)2

n'est pas strictement convexe, le minimum obtenu à partir d'une initia-

lisation unique risque d'être local et différents choix d' initialisation pourraient alors conduire à desminimums différents, un seul étant le minimum global sur Θ.

Le bon comportement d’un algorithme de minimalisation dépend donc fortement de la qualité desestimations initiales (Pavé, 1994).

Et Superfit ?

Dans le programme Superfit, le modèle d'erreur est supposé additif, homoscédastique et gaussien,c’est-à-dire que les erreurs sont distribuées selon une loi normale de moyenne nulle et de varianceconstante. L'ajustement d'un modèle avec p paramètres à un jeu de données de taille n est réaliséselon le critère des moindres carrés par l'appel de la fonction Mathematica "NonlinearRegress".Cette fonction Mathematica utilise l'algorithme de Levenberg-Marquardt (sauf si le modèle est lin-éaire) pour minimiser la somme des carrés des écarts résiduelle.

L'utilisateur a le choix entre fournir un jeu unique de valeurs initiales des paramètres (auquel cas ily aura une seule initialisation et un seul ajustement) ou fournir les bornes d'un hypercube (qui peutêtre assimilé à l'ensemble Θ) dans lequel k tirages sont effectués10. A partir de ces k initialisations,k ajustements sont réalisés et seul l'ajustement ayant conduit à la SCErés minimale est retenu par la

suite.

10 Cette procédure a été décrite initialement dans l'équipe sous le nom d'hypervalidation.

Page 83: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

83

De plus, cette procédure d'hypervalidation permet d'évaluer si la convergence de l'algorithme deminimisation de la SCE vers l'optimum global est plus ou moins sensible à l'initialisation, et ce pourchacun des p paramètres. Ainsi, le programme propose pour chaque paramètre la représentation desvaleurs obtenues pour la SCErés (en ordonnées) en fonction des valeurs initiales échantillonnéesdans l'hypervolume. Une faible sensibilité de la minimisation de la SCErés aux valeurs initiales des

paramètres est indiquée par une grande étendue de l'ensemble des valeurs initiales qui permettent deconverger vers la même SCErés optimale (SCErés*). Dans ce cas, une connaissance a priori relati-

vement vague des paramètres sera suffisante. Dans le cas inverse, une meilleure connaissance apriori des paramètres sera nécessaire pour assurer la convergence vers l'optimum global ou il faudraprocéder systématiquement à une hypervalidation.

Examen des hypothèses sur le modèle d'erreur

Lorsque les paramètres ont été estimés et que l’hypervalidation est terminée, il est nécessaire des'assurer que les hypothèses sous-jacentes à l’ajustement d’un modèle non linéaire selon un modèled'erreur additif, homoscédastique et gaussien, sont respectées. Cette analyse se fonde sur l’examendes résidus.

Les résidus

Les résidus ( ˆ ε i ) sont les écarts entre valeurs observées et valeurs prédites par le modèle, ils sont

égaux à la somme de l'erreur εi et du défaut de modélisation ( f(θ0 , xi) − f( ˆ θ ,x i) ).

ˆ ε i = yi − ˆ y i = y i − f (ˆ θ , xi ) = f(θ0 , xi ) + εi − f(ˆ θ , xi) = εi + f (θ0 , xi) − f( ˆ θ ,x i)[ ] [71]

D'après [71], les résidus ( ˆ ε i ) ne sont ni indépendants (ils s'expriment tous en fonction de ̂ θ )

ni équidistribués (Huet et al., 1992) mais ils reflètent tout de même la distribution des erreurs εi.

L'analyse des résidus est fondée sur les résidus réduits :

ˆ ε i réduit =yi − f(ˆ θ ,x i)

ˆ σ i=

yi − ˆ y iSCEres

n − 2

[72]

Sous les hypothèses usuelles, les résidus réduits doivent ressembler à une suite de variables aléatoi-res indépendantes, de même loi centrée et de variance 1.

Homoscédasticité des erreurs

Il est nécessaire de tester si le modèle de variance est correct. Ceci est en général réalisée par unexamen des résidus réduits en fonction de la réponse prédite. Si l'amplitude des résidus varie d'uneextrémité à l'autre du graphe, il peut être nécessaire d'envisager un modèle de variance des observa-tions proportionnel à une fonction de leur espérance (Huet et al., 1992).

Le cas des dénombrements bactériens pose en général un problème d'hétéroscédasticité. En effet, aucours d'une croissance, la densité de biomasse augmente fortement (elle peut être multipliée par10.000), il y a donc plus d'étapes de dilutions nécessaires et donc l'erreur sur dénombrement aug-

Page 84: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

84

mente au cours du temps. Ce problème est en général résolu par une transformation logarithmiquedes données. D'autres solutions ont été proposées, notamment l’introduction d’un modèle d’erreurexplicite dans les différents modèles de croissance, ou la régression non linéaire pondérée (Vergu,1999).

Indépendance des erreurs

Il est également possible d'utiliser les résidus réduits pour valider l'hypothèse d'indépendance. Laquestion principale est : y a-t-il corrélation entre le résidu associé à la i-ème observation et le résiduassocié à la (i+1)-ème observation ? Cette approche est particulièrement adaptée au cas d'une seulevariable de contrôle (le temps pour des séries temporelles), cela sous-entend évidemment que lesobservations sont triées par ordre croissant (ou décroissant) des valeurs xi. Dans le cas de plusieurs

variables de contrôle, comment ordonner les observations ? Tester plusieurs fois l'indépendance desrésidus pourrait être envisagé, une fois par tri sur chaque variable de contrôle. On pourrait aussienvisager de tester une fois l'indépendance des résidus en triant sur la réponse prédite. mais ces so-lutions ne sont pas satisfaisantes.

Une première méthode est de représenter le résidu réduit associé à la i-ème observation en fonctiondu résidu réduit associé à la (i+1)-ème observation. Dans un repère orthonormé, le nuage de pointsdevrait être réparti de façon à peu près uniforme sur un cercle. Au cas où le graphique ferait appa-raître un nuage de points présentant une forme particulière, l'hypothèse d'indépendance pourrait êtremise en doute (Huet et al., 1992). Cette représentation graphique permet de mettre en évidence uneauto-corrélation d'ordre 1. Une représentation du i-ème résidu en fonction du (i+2)-ème peut aussiêtre envisagée pour tester une auto-corrélation d'ordre 2 et ainsi de suite (Zuber, 1997).

Une deuxième méthode est de représenter les résidus réduits en fonction de la variable de contrôle(s’il n’y en a qu’une), ou de chacune des variables de contrôle ou de la réponse prédite (cas de plu-sieurs variables de contrôle). Une répartition équilibrée de part et d'autre de 0 en chaque zone dugraphique peut être appréciée visuellement. Il est également possible de tester l'autocorrélation desrésidus par un test des séquences (ou test des runs).

Normalité des erreurs

L'hypothèse de normalité peut être testée en utilisant la proximité entre les résidus réduits et unesuite de variables aléatoires gaussiennes (indépendantes, centrées, réduites). Un tel diagnostic estfacilité par l'emploi d'un diagramme quantile-quantile (graphique de type qqplot) : représentationdes quantiles de la distribution empirique des résidus en fonction des quantiles exacts de la loi nor-male centrée réduite. Si le nuage de points ainsi obtenu est réparti selon une droite, l'hypothèse denormalité des résidus ne peut pas être rejetée.

Et Superfit ?

Le programme Superfit propose la représentation graphique des résidus réduits (divisés par la racinecarrée de SCE rés*) en fonction de la variable de contrôle (ou de chacune des variables de contrôle)

et de la réponse prédite par le modèle ajusté. Ensuite, il est possible de faire le test des séquencespour tester une autocorrélation d’ordre 1 entre les résidus. L'hypothèse de normalité des résiduspeut être appréciée par l’examen du diagramme quantile-quantile.

Page 85: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

85

Régions et intervalles de confiance

Définitions

Une région de confiance au seuil 1-α est l'ensemble des vecteurs de p paramètres qui ne sont pasrejetés comme valeurs possibles de θ au seuil donné. C'est donc un sous-ensemble de Θ.

Dans le cas de la régression non-linéaire, les lois ne sont connues qu'asymptotiquement et le seuilde confiance 1-α de ces régions n'est pas exact. C'est pourquoi ce sont des régions de confiance deniveau "approché" 1-α.

Les intervalles de confiance sont plus souvent utilisés que les régions de confiance mais contiennentmoins d'informations. L'intervalle de confiance du j-ème paramètre est l'ensemble des valeurs quine sont pas rejetées comme valeurs possibles de ce j-ème paramètre au seuil donné. Il existe deuxtype d'intervalles de confiance selon que l'intervalle de confiance du j-ème paramètre est calculé entenant compte ou non des corrélations avec les (p-1) autres paramètres.

Méthode asymptotique

La méthode la plus couramment employée dans les logiciels usuels est une linéarisation, fondée surl'approximation de la fonction η(θ) par son développement de Taylor à l'ordre 1 au voisinage de ̂ θ .Cette méthode produit des régions de confiance ellipsoïdales, faciles à calculer. Toutefois, l'ap-proximation linéaire est difficile à justifier et la probabilité de recouvrement du vrai paramètre peutêtre très différente du niveau (1-α) annoncé (Antoniadis et al., 1992). De plus, ces intervalles de

confiance ne tiennent pas compte des corrélations entre paramètres. A partir de ces régions deconfiance asymptotiques, les logiciels usuels proposent en général ces intervalles de confiance.

Rééchantillonnage

Pour connaître la distribution des estimateurs des paramètres d'un modèle non-linéaire sans qu'au-cune hypothèse quant à la loi du paramètre étudié ne soit émise, on peut utiliser les techniques derééchantillonnage : Bootstrap et Jackknife (ou eustachage).

A partir de l'échantillon des n observations, il est possible de générer un nombre en principe illimitéde pseudo-échantillons ressemblant beaucoup à l'échantillon observé. Un pseudo-échantillon boots-trap est créé par un tirage au sort avec remise avec une probabilité 1/n (donc de façon uniforme)parmi les n observations. La taille du pseudo-échantillon peut être quelconque (elle est en généralchoisie égale à n) de même que le nombre de pseudo-échantillons (en général choisi entre 100 et

10000, soit bien moins que nn, le nombre d'échantillons différents possibles). Un pseudo-échantillon Jackknife est créé en supprimant une des n observations. La taille de chaque pseudo-échantillon (jeu de données tronqué d'une observation) est donc égale à (n-1) et le nombre depseudo-échantillons égal à n. Sur chaque pseudo-échantillon, une nouvelle estimation de θ est cal-

culée.

Ces méthodes permettent d'obtenir un nouvel estimateur de θ, une variance de l'estimateur, une

région de confiance simultanée et des intervalles de confiance pour chaque paramètre (sans tenircompte des corrélations avec les p-1 autres paramètres). Je ne détaillerai que la procédure Jackknife

Page 86: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

86

(cf. Tableau 3). Le lecteur intéressé par les résultats de la procédure Bootstrap se reportera à la litt-érature appropriée (Gong, 1986 ; Hall, 1988).

Tableau 3. Principaux résultats de la théorie du Jackknife. Avec ˆ θ J : estimation Jackknife de θ ;

ˆ θ − i : estimation de θ sur le i-ème

"pseudo-échantillon" (jeu de données tronqué de la i-ème observation) et ˆ S J

2 : matrice des variances/covariances sur les k paramètres.

Estimateur

ˆ θ J =1

nnˆ θ − (n −1)ˆ θ − i( )

i=1

n

Variance

ˆ S J2 =

1

n(n −1)nˆ θ −(n − 1) ˆ θ − i( )− ˆ θ J( )

i =1

n

� n ˆ θ −(n − 1) ˆ θ − i( )− ˆ θ J( )t

Région de confiance simul-tanée

(θ − ˆ θ J )

t ˆ S J−1

(θ − ˆ θ J ) ≤p

n − pF ( p , n−p ; 1− α)

Intervalle de confiance ˆ θ J,k ± t(n −1,α/2) ( ˆ S J,kk ) k = 1 , . . . , p

Inégalité de Beale

Beale (1960) a défini une région de confiance pour la valeur des paramètres avec un risque de pre-mière espèce α défini par l'ensemble des valeurs des paramètres telles que la somme des carrés des

résidus n'excède pas un seuil donné.

SCEres θ( )− SCEresˆ θ ( )≤ p

n − pFp , n− p

α SCEresˆ θ ( )

soit SCEres θ( ) ≤ 1+p

n − pFp,n −p

α

� �

↵ √ SCEres

ˆ θ ( )[73]

Et Superfit ?

Un des points forts du programme Superfit est de proposer, en plus de la méthode classique parapproximation linéaire, deux méthodes alternatives pour estimer la région de confiance des pa-ramètres.

La première, désignée sous le nom de « Méthode de vraisemblance » et utilisant l'inégalité de Beale[73] a été mise au point au laboratoire (Lobry et al., 1991). Elle est fondée sur une technique detirages aléatoires dans un hypercube de paramètres, centré sur les estimations. L'avantage de laméthode de vraisemblance est que le niveau réel de confiance est plus proche du (1-α) théorique

que dans le cas de l'utilisation de la méthode de linéarisation (Antoniadis et al., 1992). L'approxi-mation de la région de confiance par la méthode de vraisemblance suppose la normalité des erreurs,il est donc nécessaire de réaliser le diagnostic des résidus au préalable. Le programme propose desreprésentations en deux dimensions (régions de confiance dans le plan des paramètres pris deux àdeux) et des intervalles de confiance à 95% par excès tenant compte des corrélations entre paramè-tres (minima et maxima pour chaque paramètre).

Cette méthode ne s'applique qu'à des échantillons de grande taille. Lorsque cette condition n'est pasremplie, le Jackknife, technique d'estimation de la précision des estimations des paramètres par ré-échantillonnage, peut être utilisé. Cette procédure Jackknife permet en fait une estimation plus ro-buste des paramètres, l'approximation de la région de confiance à 95% sur ces estimations, ainsi quele calcul des intervalles de confiance pour les p paramètres.

Page 87: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

87

Appréciation de la qualité de l'ajustement

Critères visuels

La première chose à faire est évidemment de juger visuellement la qualité d'ajustement du modèleaux données. L'examen simultané des observations et de la courbe ajustée peut révéler un mauvaischoix de la fonction de régression ou une erreur dans les contraintes imposées aux paramètres. Il estsurtout utile pour juger de la validité du modèle mais peut aussi permettre de critiquer le choix duplan d'expérience.

L'examen des résidus réduits (soit en fonction de la ou des variables de contrôle soit en fonction dela réponse prédite) peut lui aussi permettre de valider le choix de la fonction de régression.

Critère des moindres carrés

La qualité d’ajustement peut être quantifiée par le coefficient de détermination ajusté qui tientcompte du nombre de paramètres du modèle et du nombre de points du jeu de données.

R 2 = 1−SCErés

SCEtot↔

n − 1

n − p

avec SCEtot = (y i − y ) 2

i=1

n

�[74]

C'est un critère quantitatif qui permet de comparer entre eux différents modèles. A nombre de pa-ramètres égal, et sous réserve du non-rejet des hypothèses sur le modèle d'erreur, le modèle dont lecoefficient de détermination est le plus élevé assure le meilleur ajustement.

Corrélation des estimateurs des paramètres

Une forte corrélation des paramètres peut être due soit aux données expérimentales elles-mêmes,soit à la formulation mathématique même du modèle. Il conviendra de tester le même modèle sur unautre jeu de données pour trancher entre ces deux hypothèses. Par ailleurs une faible précision d'es-timation des paramètres est à attendre dans le cas d'une forte corrélation.

Les logiciels usuels proposent en général par linéarisation les tables de variances/covariances desparamètres et les coefficients de corrélation asymptotiques entre les paramètres pris deux à deux.De plus, l'examen des régions de confiance permet également d'apprécier visuellement les corrél-ations entre paramètres.

Courbure

Etant donné un modèle de régression non-linéaire Y=f(θ,xi)+εi et un plan d'expérience constitué despoints x1,…,xn distincts. La surface de réponse associée au modèle et au plan d'expérience est le

lieu des points de Rn dont les coordonnées sont données par f(θ,x i){ }i=1,..., k lorsque θ varie dans

l'ensemble Θ.

Page 88: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

88

Cette surface de réponse est donc une surface contenue dans Rn et qui, sous certaines conditions,peut être approchée localement par un espace euclidien (Huet et al., 1992). Soit maintenant une

portion de droite de Rp contenue dans l'ensemble Θ et passant par le point θ. Son équation peut être

écrite sous la forme α(t) = θ + t v où t est un réel et v un vecteur unitaire de Rp. Lorsque t varie, de

manière à ce que α(t) demeure à l'intérieur de Θ, l'image de α(t) par F décrit une courbe sur la sur-

face de réponse. En assimilant cette courbe à la trajectoire d'un mobile sur la surface de réponse, ilest possible d'en calculer la vitesse et l'accélération. Comme c'est l'usage en cinématique, l'acc-élération peut être décomposée en trois directions : une composante normale à la surface de réponseet deux composantes dans le plan tangeant en θ à la surface de réponse. La composante normale ne

dépend que de la géométrie de la surface de réponse, pas de la paramétrisation. On lui associe lacourbure normale à la courbe F α(t)( ), qui est l'inverse du rayon de courbure à cette courbe en θ.

C'est la courbure intrinsèque au modèle. En revanche, les deux composantes tangentielles de l'acc-élération dépendent de la paramétrisation. On leur associe la courbure paramétrique.

Les méthodes asymptotiques, largement utilisées en régression non-linéaire, reposent essentielle-ment sur l'approximation linéaire de la surface de réponse au voisinage de θ0. Il est donc essentiel

de pouvoir caractériser le degré de non-linéarité de la surface de réponse et, pour cela, d'utiliser lanotion de courbure d'une surface en un point. En cas de forte courbure, cela devrait conduire à unereparamétrisation du modèle et éventuellement à la suppression de paramètres.

Il existe des algorithmes de calcul des courbures. De plus, l'examen des régions de confiance per-met également d'apprécier visuellement la non-linéarité du modèle.

Observations "aberrantes"

Les observations aberrantes sont celles qui sont associées à des résidus particulièrement élevés. Leterme "aberrant" utilisé par les statisticiens français sous-entendrait que les observations associéesn'ont aucune pertinence réelle. Or un résidu peut être très élevé soit parce que l'observation est ef-fectivement fausse (erreur de manipulation, erreur de mesure…) soit parce que le modèle n'est pasadapté à décrire l'ensemble du jeu de données. Le terme outlier (littéralement "qui se tient en de-hors") des anglo-saxons est beaucoup moins gênant de ce point de vue. Je propose de remplacerl'expression "observation aberrante" par "observation extravagante", qui m'apparaît mieux recouvrirle sens exact.

Les représentations graphiques des résidus permettent par définition de déceler les observationsextravagantes.

Observations influentes

Lorsque le modèle candidat n'a pas été rejeté à l'issue des étapes précédentes pour décrire les donn-ées expérimentales, il peut être utile d'étudier l'influence des observations sur l'estimation des pa-ramètres du modèle. Une observation influente est telle que la droite ajustée changera beaucoup sice point est supprimé ou déplacé. Comme Antoniadis et al. (1992) le souligne, une observation ex-travagante n'est pas systématiquement influente et une observation influente n'est pas toujours ex-travagante (cf. Figure 5).

Page 89: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

89

0 x : variable de contrôle

y : variable de réponse

A

I

Figure 5. Représentation schématique d'une observation extravagante non influente (point A) et d'une observation influente nonextravagante (point I). D'après Antoniadis et al. (1992).

Il en résulte qu'une analyse des résidus ne suffit pas à la détection des données influentes.

La méthode du DFBETA repose sur la procédure de rééchantillonnage par Jackknife : elle

consiste à comparer l'écart entre ̂ θ et ˆ θ −i à

ˆ V ar(ˆ θ ) = ˆ σ (ˆ θ ) où ̂ θ est le vecteur des pa-

ramètres estimés par ajustement du modèle au jeu de données complet et ˆ θ −i le vecteur

des paramètres estimés par ajustement du modèle au jeu de données privé de l'observa-

tion i. La quantité DFBETA est donc ˆ θ − ˆ θ −i ˆ σ ( ˆ θ ) . Comme elle est construite par analogie

avec la régression linéaire, elle suppose une faible courbure du modèle et sa loi n'est pas

connue. La comparaison du DFBETA au seuil 2 n n'est donc que descriptive.

Et Superfit ?

Le programme Superfit propose un grand nombre de représentations graphiques utiles pour cetteappréciation de la qualité : la superposition des observations et de la courbe ajustée, les graphes desrésidus réduits en fonction de la (des) variable(s) de contrôle, le graphe des résidus réduits en fonc-tion de la réponse prédite, le graphique des réponses prédites en fonction des réponses observées etla région de confiance de Beale. En effet, l'examen de la région de confiance de Beale dans les Cp

2

plans des paramètres pris deux à deux permet de détecter :§ une forte corrélation entre deux paramètres si la projection est allongée le long d'une des diago-

nales,§ une forte non linéarité (ou courbure) du modèle pour un sous-ensemble de deux paramètres si

dans la forme de la région dans le plan de ces deux paramètres est très éloignée d’une l'ellipse.

De plus, le programme Superfit propose la méthode du DFBETA pour détecter quelle(s) est(sont)l’(les) observation(s) la plus influente(s) et sur l’estimation de quel(s) paramètre(s).

II.1.2. APPROCHE PRATIQUE

Afin d'illustrer cette présentation théorique du programme Superfit et des notions statistiques sous-tendues, deux exemples d'application à la dynamique des populations bactériennes en batch sontexposés.

Page 90: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

90

Fonctionnement du programme

Superfit a été conçu comme un programme convivial dont l'utilisation repose sur un dialogue ques-tion-réponse avec l'utilisateur. Ainsi, une pratique minimale du logiciel Mathematica est requise.Toutefois, le contenu du programme reste accessible et modifiable par l' utilisateur.

La fenêtre principale contient le programme (en grisé) et les résultats apparaissent en noir. Desfenêtres annexes permettent le dialogue question-réponse.

Sept étapes sont définies : 1. Préliminaires (ce qui correspond au chargement de bibliothèques Ma-thematica) ; 2. Définitions de la fonction et du jeu de données… ; 3. Ajustement ; 4. Evaluation del'ajustement ; 5. et 6. Régions de confiance puis 7. Stabilité (DFBETA) et ré-échantillonnage (Jack-knife).

Exemple

Rosso (1995) a introduit un modèle permettant de décrire à l'aide de paramètres ayant tous un sensbiologique l'effet de la température sur le taux de croissance maximal. C'est un modèle de prise encompte des contraintes environnementales ou modèle secondaire. Le Modèle des TempératuresCardinales avec point d’Inflexion (CTMI) est le suivant :

Si T < Tmin , µmax = 0

Si Tmin ≤ T ≤ Tmax ,

µmax = µopt (T − Tmax) (T− Tmin )2

(Topt − Tmin ) ( Topt − Tmin )(T − Topt ) − (Topt − Tmax)(Topt + Tmin − 2T)[ ]Si T > Tmax , µmax = 0

� � �

� � �

L’analyse complète des qualités descriptives du modèle est illustrée par l’ajustement sur le jeu dedonnées de Escherichia coli (Barber, 1908) qui compte un nombre exceptionnel de points (217points). Un exposé plus détaillé figure sur le site Internet et est repris en Annexe 1.

Les figues suivantes reprennent quelques copies d'écran afin d'illustrer le fonctionnement du pro-gramme.

Enfin, le lecteur pourra aussi se reporter à la deuxième étude de cas, dans laquelle une utilisationquasi-extensive des possibilités de Superfit est présentée (cf. p. 138).

Page 91: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

91

Figure 6. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 1.

Figure 7. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 2.

Page 92: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

92

Figure 8. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 3.

Figure 9. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 4.

Page 93: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.1. Régression non-linéaire et Superfit

93

Figure 10. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 5.

Figure 11. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 6.

Page 94: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

94

Figure 12. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 7.

Figure 13. Démonstration du logiciel Superfit sur l'exemple CTMI. Ecran 8.

Page 95: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

95

II.2. CULTURES MIXTES EN BATCH : VERSUNE METHODOLOGIE STANDARDISEE

La première partie avait permis de mettre en évidence la diversité des méthodes utilisées pour modéliser

les cultures mixtes. Ce chapitre s'appuie sur les outils de régression non-linéaire présentés au chapitre

précédent et s'attache à proposer une méthodologie simple, robuste et unifiée permettant de prendre en

compte les interactions (qu'elles soient trophiques ou non) et le concept d'avantage sélectif.

II.2.1. APTITUDES DE CROISSANCE EN CULTURE PURE ETAVANTAGE SELECTIF

De très faibles différences de taux de croissance peuvent induire des conséquences importantes surl'issue d'une culture mixte : une souche ayant une croissance très légèrement plus rapide que l'autrepeut la surpasser très largement si la phase de croissance se prolonge assez longtemps. Quoique lesuivi relatif des deux populations en cultures mixtes soit la solution la plus adaptée à l'étude de cephénomène, l'investigation des aptitudes de croissance des deux souches en cultures pures est éga-lement utile, sous l'hypothèse de neutralisme (aucune interaction entre les deux souches). Par lestechniques classiques de suivi de la croissance, il est impossible d'obtenir une précision suffisantesur l'estimation des paramètres de croissance. Toutefois, les systèmes de suivi automatisé par turbi-dimétrie permettent de suivre une croissance avec une durée totale, des intervalles de mesure et uneprécision sur la mesure plus satisfaisantes. Trois systèmes ont été utilisés pour les études de cas dela troisième partie.

Planification expérimentale

Présentation de la problématique

Le principe est de comparer si certaines souches ont un avantage sélectif sur d'autres. Des "popula-tions11 de souches" sont définies a priori. Ainsi, la deuxième étude de cas a porté sur quatre "popu-lations de souches" (en fonction de leur sensibilité à différents antibiotiques). Le concept de "popu-lation de souches" était donc confondu avec celui de profil d'antibio-résistance. Dans la troisièmeétude de cas, le concept de "population de souches" était confondu avec celui d'espèce, puisque lesdeux populations étaient Listeria monocytogenes et Listeria innocua. Pour chaque "population desouches", un échantillon de souches doit être recueilli (en s'assurant dans la mesure du possible desa représentativité par rapport à la "population").

L'ensemble de toutes les cultures réalisées dans une étude particulière peut être considéré commel'expérience totale et donc chaque culture comme une unité expérimentale. La "population" à la-quelle la souche appartient est considérée comme un facteur contrôlé et il peut y avoir un deuxièmefacteur contrôlé (par exemple le milieu de culture). Pour limiter le nombre de cultures, il n'a pas été

11 Le terme "population" doit ici être compris au sens statistique. Une population de souches est un ensemble de souchesdifférentes présentant des traits communs.

Page 96: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

96

jugé utile de considérer la souche comme un facteur contrôlé, la variabilité intra-"population" inter-souches est donc confondue avec la variabilité due aux effets non contrôlés. Dans la mesure du pos-sible, il est préférable de réaliser toutes les expériences en un seul bloc. Dans le cas contraire, lefacteur bloc doit être pris en compte.

Traitement des résultats

Le traitement des résultats est de type "analyse de variance" ou "analyse de covariance". Les pa-ramètres de croissance des souches (temps de génération ou taux de croissance et éventuellementtemps de latence) doivent être comparés, le but étant de tester s'il y a un effet significatif du facteur"population".

Comparaison de trois systèmes automatisés

Caractéristiques techniques

Les caractéristiques techniques des trois systèmes utilisés sont récapitulées dans le Tableau 4.

Tableau 4. Caractéristiques de trois systèmes automatisés de suivi de croissance par turbidimétrie.

URIMAT ATB 1350 MS2 UVIKON

Fournisseur bioMérieux Abott Kontron

Cuves deculture

2 carrousels de 40 am-poules stériles en verre.

16 cassettes en matièreplastique de 11 cuves

chacune

10 cuves en quartz

Contenancedes cuves

3 à 4mL 1 à 3 mL 1,5 à 3 mL

Cultures ré-alisables en

parallèle

80 176 9

Agitation Mouvement circulaire (vaet vient) de chaque carrou-

sel

Mouvement longitudinal(va et vient) de chaque

cassette

Rotation d'un barreau ai-manté dans les cuves

Température Régulation entre 30 et45°C

Fixe (35°C) Régulation entre O et 50°C

Longueurd'onde

Fixe (950 nm) Fixe (670 nm) Au choix

Précision Codage sur 3 chiffres Codage sur 4 chiffres Densité optique à 5 chif-fres après la virgule

Délai entredeux lectures

1/60 de la durée d'incuba-tion totale (10 minutes

pour 10 heures par exem-ple)

5 minutes Au choix

(à partir de 1 minute)

Acquisition des données

Dans l'URIMAT, toutes les ampoules passent entre une diode émettrice infra-rouge (SFH 400) etune photodiode réceptrice qui reçoit une certaine intensité lumineuse, ce qui engendre un courant

Page 97: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée

97

électrique, converti en valeurs propres au système. A l'issue d'une culture, toutes les données (ex-primées en unités de courant électrique) doivent être transférées sur un autre micro-ordinateuravant d'être transformées en absorbance. Cette transformation est effectuée par un programmeconçu au sein de l'équipe (en Hypercard) qui utilise comme témoin la moyenne des n premièresmesures (ampoules ensemencées), le paramètre n étant choisi par l'opérateur. Il est donc impossibled'étudier les premières phases du cycle de croissance.

Le MS2 permet l'acquisition des transmittances de chaque cuve à chaque lecture. A l'issue d'uneculture, toutes les données doivent être transférées sur un autre micro-ordinateur avant d'être trans-formées en absorbance (Corman et al., 1986). La transformation de transmittance en absorbance esteffectuée par un programme, également conçu au sein de l'équipe (en Fortran 90), qui utilisecomme témoin la n-ième mesure (cuves ensemencées), le paramètre n étant choisi par l'opérateur. Ilest également impossible d'étudier les premières phases du cycle de croissance.

En revanche, l'UVIKON permet la visualisation des absorbances et des cinétiques en temps réel. Deplus, l'absorbance retenue est une différence entre l'absorbance réellement mesurée sur la cuve etl'absorbance mesurée sur une cuve témoin contenant le même milieu mais non ensemencé. A l'issued'une culture, toutes les données peuvent être sauvegardées sous forme d'un fichier ASCII et retra-vaillées dans n'importe quel logiciel. Il a été proposé de retrancher l'absorbance initiale avant ense-mencement, qui devrait théoriquement être égale à 0 puisqu'il s'agit de la différence entre les absor-bances de deux milieux stériles, mais qui en pratique varie entre –0,1 et +0,1. Grâce à ce doubletémoin, il est possible d'obtenir une bonne précision sur la valeur initiale (à condition de se placerau-dessus du seuil de détection) et donc d'étudier les premières phases du cycle de croissance.

Atouts et limites

Le choix entre les trois systèmes dépend :§ du nombre total de cultures à réaliser, sachant que l'URIMAT et le MS2 permettent de traiter

plus de cinétiques en parallèle que l'UVIKON ;§ de la température de culture, sachant que celle du MS2 est fixe et seul l'UVIKON est équipé

d'un cryostat qui permet de travailler en dessous de la température ambiante ;§ de la précision attendue, sachant que l'intervalle entre deux mesures est primordial ;§ de l'intérêt porté à la latence, sachant que seul l'UVIKON permet de mesurer une biomasse ini-

tiale "vraie".

Bilan

J'ai donc proposé de mener un certain nombre de cultures pures en parallèle, avec un suivi automa-tisé de la turbidimétrie, afin d'évaluer les aptitudes de croissance des différentes souches testées etde pouvoir en tirer quelques enseignements préliminaires quant à un avantage sélectif éventuel.

Page 98: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

98

II.2.2. EVOLUTION RELATIVE DE DEUX POPULATIONS

De simples cultures pures permettent donc d'avoir une première approche de la notion d'avantagesélectif. Toutefois, seul le suivi de cultures mixtes permet de répondre à la question "La popula-tion12 A surpasse-t-elle la population B ?". Il est assez intuitif d'étudier l'évolution d'un rapport :d'une population sur l'autre (ratio) ou d'une population sur la population totale (proportion). Plu-sieurs alternatives se présentaient pour le choix de la meilleure variable et du meilleur estimateur.

Problématique

Milieu différentiel

Sur un milieu différentiel, il est possible de dénombrer le nombre de colonies de chaque populationsur une seule et unique boîte. Notons A la population majoritaire et B la population minoritaire. Engénéral, deux géloses sont ensemencées pour une même dilution. Les questions qui se posent alorssont les suivantes.§ Est-il préférable de travailler sur la proportion de la population majoritaire par rapport à la po-

pulation totale ( π A =

NA

NA + NB), sur la proportion de la population minoritaire par rapport à la po-

pulation totale ( π B =

NB

NA + NB), sur le ratio de la population majoritaire par rapport à la minori-

taire ( ρA =

NA

NB) ou sur le ratio inverse (

ρB =

NB

NA) ?

§ Quel que soit le rapport choisi, est-il préférable de le calculer pour chaque gélose puis de faire lamoyenne des rapports ou de calculer le rapport des moyennes ?

§ Le nombre de deux géloses par dilution est-il suffisant ?§ Quel est l'impact de l'erreur expérimentale de dilution sur le rapport et sur sa précision d'estima-

tion ?§ Quel est l'impact des concentrations NA et NB sur le rapport et sur sa précision ? Peut-on tou-

jours (quelles que soient ces concentrations) calculer un rapport ? Avec quelle précision ?

Milieu sélectif

Une autre possibilité pour dénombrer deux populations en culture mixte est de dénombrer une po-pulation spécifique (notée A) sur un milieu sélectif et la population totale sur un milieu non sélectif.Il est alors possible d'estimer la densité de la population B par une soustraction.Les questions qui se posent alors sont similaires à celles posées ci-dessus. De plus, par rapport aucas précédent, il faut prendre en compte que A (la population dénombrée spécifiquement) peut êtresoit la population majoritaire, soit la population minoritaire.

Par ailleurs, les milieux sélectifs sont optimisés pour favoriser le plus possible la population sélec-tionnée par rapport aux autres mais ils ne permettent pas toujours une croissance optimale. Il fautdonc prendre en compte que l'efficacité d'étalement (pourcentage de cellules déposées formant unecolonie) peut être inférieure à 100%.

12 Le terme "population" doit ici être compris au sens usuel. Une population bactérienne est un ensemble de cellules identi-ques issues d'une souche unique.

Page 99: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée

99

Enfin, à la différence du cas précédent, il est possible de travailler simultanément à deux dilutionsdifférentes. Si NA << NB , il est possible d'ensemencer la gélose de milieu sélectif avec une sus-

pension moins diluée que celle utilisée pour dénombrer la population totale. Nous avons donc définideux modes de dilution possibles : soit toutes les géloses sont ensemencées par la dilution à 10-6,soit les géloses sélectives sont ensemencées par la dilution à 10-5 et les géloses sélectives sont en-semencées par la dilution à 10-6.

Approche préliminaire par Monte-Carlo

Modèle probabiliste

Considérant que la meilleure variable serait celle qui pourrait être estimée au mieux, une approchepar simulation numérique de type Monte Carlo a été utilisée pour examiner l'impact des erreurs depipetage (erreur de manipulation) et des erreurs d’échantillonnage (erreur purement statistique) surl'estimation de ces variables.

Un modèle probabiliste a été élaboré permettant de décrire de manière réaliste toutes les étapes dela solution-mère au dénombrement sur boîte. Ce modèle, prenant en compte erreurs de pipetage eterreurs d'échantillonnage, est présenté en Annexe 2.

Critères

Les critères retenus pour le choix de la meilleure variable étaient :§ que l'estimateur soit non biaisé ;§ que l'estimateur soit précis ;§ que la distribution soit normale. Ce critère n'est en aucun cas impératif. Toutefois il peut être

préférable en régression non linéaire de travailler sur des variables normales.

Résultats

Les résultats de cette étude préliminaire sont présentés en Annexe 2.

Au vu de l'ensemble des résultats, retenons que la variable la plus pertinente apparaît être, quelleque soit la nature du milieu, la proportion de la population majoritaire. Un bon compromis entreprécision et faisabilité expérimentale serait de choisir comme estimateur le rapport des moyennessur deux géloses. En effet, le surcroît de précision apportée par 3 géloses supplémentaires ne sejustifie pas vraiment au vu de la lourdeur (et du coût) que cela impliquerait techniquement.

Bilan

L'approche présentée ici était tout à fait préliminaire et une investigation plus rigoureuse de cettequestion est envisagée.

Pour la suite du travail, je retiendrai, sur la base de ces premières observations, que la variable dechoix pour le suivi relatif de deux populations bactériennes en cultures mixtes est la proportion dela population majoritaire.

Page 100: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

100

II.2.3. INTERACTIONS ET COMPARAISON DE COURBES

Après ces deux approches de l'avantage sélectif, ce qui suit est consacré aux interactions. Sur leprincipe qu'une interaction en culture mixte se caractérise par l'effet d'une population sur la crois-sance de l'autre (et éventuellement réciproquement), la méthodologie d'étude des interactionsprésentée ici est axée sur la comparaison entre la cinétique d'une souche en culture pure et la cinéti-que de cette même souche dans des conditions similaires mais en culture mixte.

D'un point de vue technique, cela impose une planification expérimentale rigoureuse dans laquelleles cultures pures constituent de véritables témoins. Du point de vue statistique, la méthodologied'étude des interactions présentée ici s'appuie sur une méthode de comparaison de courbes pourtester différentes hypothèses sur les cinétiques.

Planification expérimentale

Présentation de la problématique

L'ensemble de toutes les cultures réalisées dans une étude particulière peut être considéré commel'expérience totale et donc chaque culture comme une unité expérimentale. Il existe au moins un etsouvent deux facteur(s) contrôlé(s) (voire plus) :§ Le "type de culture" à 3 niveaux : culture pure A, culture pure B et culture mixte A+B.§ La "nature des inoculums A et/ou B". Dans l'exemple traité au chapitre IV.1., il s'agissait de

l'état physiologique de chacun des inoculums ; ce facteur avait 4 niveaux : A en phase exponen-tielle - B en phase exponentielle ; A en phase exponentielle - B en phase stationnaire ; B enphase exponentielle - A en phase stationnaire ; A en phase stationnaire - B en phase station-naire. Dans l'exemple traité au chapitre IV.3., il s'agissait de la souche de Listeria innocua et cefacteur avait trois niveaux : trois souches différentes de Listeria innocua.

D'autres études pourraient également être envisagées sans ce deuxième facteur contrôlé ou avec unautre type de facteur(s) contrôlé(s).

Les effets non contrôlés sont divers : matériel, expérimentateur, milieu de culture, conditions ext-érieures (température etc.). Il est supposé qu'ils sont homogènes pour une même journée. Les cultu-res menées simultanément dans une même journée constituent donc un "bloc" et le facteur "bloc"regroupe alors tous les effets non contrôlés.

J'ai choisi d'attribuer un bloc à chacun des quatre niveaux du facteur "nature des inoculums A et/ouB". Dans l'exemple traité au chapitre IV.1., deux répétitions ont été réalisées, il y a donc eu huitblocs. Dans l'exemple traité au chapitre IV.3., il n'y a pas eu de répétitions, trois blocs ont donc étéréalisés.

Ainsi, chaque bloc est constitué de deux cultures pures et d'une culture mixte, menées en parallèle.Au sein d'un bloc, une grande attention doit être accordée à ce que l'inoculum A (resp. B) de laculture mixte soit strictement équivalent (tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif) à l'inocu-lum de la culture pure A (resp. B). En revanche la variabilité biologique et la difficulté expérimen-tale de quantifier en temps réel une concentration bactérienne impliquent qu'il est très difficile

Page 101: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée

101

d'avoir des inoculums homogènes (tant du point de vue qualitatif que quantitatif) d'un jour à l'autre(et par suite d'un bloc à l'autre).

La caractéristique principale de cette solution est la confusion de l'effet "bloc" (matériel, milieu,expérimentateur, conditions extérieures etc.), et du facteur contrôlé "nature des inoculums A et/ouB". Cette solution est très adaptée à l'objectif de comparaison pur/mixte. En revanche, cette confu-sion des effets est plus embarrassante dans l'objectif du facteur "nature des inoculums A et/ou B".

Traitement des résultats

Au sein de chaque bloc, différentes hypothèses doivent être testées :§ purAmixteA ìì =§ purAmixteA laglag =§ purAmixteA maxNmaxN =§ purBmixteB ìì =§ purBmixteB laglag =§ purBmixteB maxNmaxN =

Cela revient à tester si la co-croissance de la souche B (resp. A) influe sur chacun des paramètres decroissance de la souche A (resp. B). Si aucune de ces hypothèses ne peut être rejetée, il est possiblede conclure à une situation de neutralisme (c'est-à-dire qu'aucune des populations ne serait in-fluencée par la croissance de l'autre), ou du moins à l'absence d'interaction significative.

Comparaison de courbes

Comme le propose Huet et al. (1992), le problème de la comparaison de courbes n'est qu'un casparticulier du problème de choix entre modèles.

Soient les observations :

Yi = f(θ, xi ) + εi, i = 1, . . . ,n

Z j = f(γ , xj) + ηj, j = 1, . . . ,n

Les vecteurs de paramètres θ et γ appartiennent l'un et d'autre à Θ. Les ε sont indépendants, centrés,de variance σ2 ; de même pour les η. Les η sont supposés indépendants entre eux. L'équation de

régression est la même pour les deux courbes et le but est de tester l'égalité du k-ème paramètrepour ces deux courbes, c'est-à-dire : θk = γ k .

Tester cette hypothèse revient à tester l'appartenance du couple (θ=γ) à une partie de Θ↔Θ , d'équa-tion θk − γ k = 0 .

Ma méthodologie de comparaison de courbes repose sur le principe des modèles emboîtés. Pourchaque jeu de deux cinétiques (l'une en culture pure, l'autre en culture mixte), il faut commencer parajuster un modèle de dynamique de croissance, avec estimation d'un quadruplet de paramètres (N0,

lag, µ, Nmax) pour chaque cinétique. L'unification de ces deux modèles séparés à 4 paramètres est

le modèle complet, à 8 paramètres. Puis un premier modèle commun aux deux courbes est ajustéavec la contrainte d'égalité des N0 (qui est justifiée expérimentalement par le protocole détaillé ci-

Page 102: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

102

dessus). Ce modèle à 7 paramètres est emboîté dans le premier. Il est alors possible de tester l'hy-pothèse d'égalité des N0 en comparant le modèle à 7 paramètres au modèle à 8 paramètres. Puis, un

deuxième modèle commun aux deux courbes est ajusté avec non seulement la contrainte d'égalitédes N0 mais aussi la contrainte d'égalité des paramètres de croissance (lag et µ).

Il existe de multiples variantes de cette approche. Dans la première étude de cas présentée, le mod-èle de dynamique de croissance initial n'a que 3 paramètres : N0, lag et µ, puisque la phase station-

naire n'est pas prise en compte. En revanche, des alternatives aux modèles de dynamique de crois-sances usuels ont été nécessaires.

Le choix entre modèle partiel et modèle complet repose sur un test statistique (Bates & Watts,1988) permettant d'apprécier la nécessité de complexifier le modèle pour obtenir un meilleur ajus-tement. Le test repose sur la comparaison à une variable de Fischer d'une fonction des sommes descarrés des écarts aux deux modèles et des nombres de paramètres. Tous les tests ont été effectués auniveau α = 5%.

Soient :§ pc : nombre de paramètres du modèle complet§ pp : nombre de paramètres du modèle partiel§ SCEc : somme des carrés des écarts au modèle complet§ SCEp : somme des carrés des écarts au modèle partiel

Sin − pc

pc − pp

SCEc − SCEp

SCEc< Fpc −pp,n−pc ;α=0.05

, alors le modèle partiel est plus approprié (Bates & Watts,

1988).

Bilan

J'ai donc proposé de mener chaque culture mixte en parallèle de deux cultures témoins, ces troiscultures constituant un bloc expérimental. Au sein d'un bloc, l'inoculum A (resp. B) de la culturemixte doit être strictement équivalent (tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif) à l'inoculumde la culture pure A (resp. B).

Cinétique de A en culture mixte

Cinétique de B en culture mixte

Comparaison

Comparaison

Inoculum A

Inoculum B

Culture pure A

Culture mixteA + B

Culture pure BCinétique de B en culture pure

Cinétique de A en culture pure

Figure 14. Représentation schématique d'un bloc expérimental.

L'interprétation des résultats s'appuie largement sur une comparaison entre cinétiques de A en cultu-res pure et mixte et une comparaison entre cinétiques de B en cultures pure et mixte.

Page 103: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée

103

II.2.4. AVANTAGE SELECTIF ET INTERACTION :COMPETITION FINALE

Les concepts d'avantage sélectif et d'interaction ont jusqu'ici été traités séparément. Cette simplifi-cation était nécessaire dans un premier temps. Toutefois, ils se confondent plus ou moins, en parti-culier dans le cas de deux populations entre lesquelles la seule interaction est une compétition pourune ressource limitante (compétition pure et simple).

Problématique

Si les deux populations atteignent la phase de ralentissement puis la phase stationnaire simultané-ment, il est vraisemblable qu'elles soient toutes deux limitées par une même ressource (quellequ'elle soit : un ou plusieurs substrat(s), un ou plusieurs nutriment(s) ou même l'espace), pour la-quelle elles seraient en compétition. L'hypothèse est donc qu'il y aurait croissance indépendante dechaque souche (neutralisme) tant que la ressource n'est pas limitante puis limitation de la populationtotale par la ressource limitante.

Il y a donc théoriquement égalité des taux de croissance et des temps de latence entre cinétiques encultures mixte et pure. En revanche, les Nmax en culture mixte sont théoriquement différents deceux en culture pure.

Les hypothèses suivantes ne peuvent être rejetées :§ purAmixteA ìì =§ purAmixteA laglag =§ purBmixteB ìì =§ purBmixteB laglag =

En revanche, il est possible qu'il y ait des différences significatives sur :§ purAmixteA maxNmaxN =§ purBmixteB maxNmaxN =

Il est également possible que l'hypothèse purAmixteA maxNmaxN = ne puisse être significativement

rejetée, ce qui conduirait à tort à exclure l'hypothèse d'une interaction de type compétition. En effet,en supposant que la population A se développe plus rapidement que la population B (avantagesélectif), la population B en culture mixte peut alors devenir négligeable par rapport à la populationA. Il est donc possible qu'en fin de culture mixte (au moment où commence la limitation par lesressources), la différence entre population A et population totale A+B soit négligeable. Dans ce cas,la courbe de croissance de A en culture mixte peut apparaître similaire à la courbe de croissance deA en culture pure. La différence sur Nmax peut alors être non significative, surtout si la précisiond'estimation est médiocre.

Page 104: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II. Développements méthodologiques

104

Modèle de dynamique de croissance

Pour modéliser cette croissance conjointe, un modèle a été proposé sur les hypothèses suivantes :§ accélération de Baranyi pour chaque souche,§ croissance exponentielle pour chaque souche,§ freinage logistique sur la population totale.

Ce modèle s'écrit comme un système de deux équations différentielles.

��

��

√√↵

����

+−+

=

√√↵

����

+−+

=

µ

µ

µ

µ

max

BAt

B

tB

GB

B

max

BAt

A

tA

AA

A

N

)t(N)t(N1

e0q1

e0qì

dt

)t(dN

)t(N

1

N

)t(N)t(N1

e0q1

e0qì

dt

)t(dN

)t(N1

B

B

A

A

[75]

Avec NA(t) : densité de la population A (en ufc/mL) et N0A(t) : densité initiale de la population A (en ufc/mL) et

1AlagAìe

1A0q

−= . De même pour la population B.

Il s'agit en fait d'une simplification du modèle de Dens et al. (1999), présentée dans la premièrepartie, avec .1áá BAAB == Ce modèle a été utilisé dans la deuxième étude de cas. Une autre va-

riante est possible avec une accélération brutale au lieu de l'accélération de Baranyi. Cette variante aété utilisée dans la troisième étude de cas.

Adéquation aux données expérimentales

Il n'existe pas de résolution formelle de ce système. Toutefois, il est possible d'en chercher unerésolution numérique pour des valeurs particulières des paramètres des cinétiques. Les résolutionsnumériques du système d'équations différentielles peuvent être effectuées à l'aide de la procédureNDSolve du logiciel Mathematica.

Les valeurs des paramètres de croissance µ et lag peuvent être fixées aux valeurs estimées sur descinétiques en culture mixte, voire sur des cinétiques en culture pure, en faisant l'hypothèse de neu-tralisme en absence de limitation par les ressources. La valeur de Nmax peut être fixée à la sommedes valeurs de Nmax estimées sur des cinétiques en culture mixte ou au maximum des valeurs deNmax estimées sur des cinétiques en culture pure.

Page 105: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

II.2. Cultures mixtes en batch : vers une méthodologie standardisée

105

En divisant la chronique )t(NA par )t(N)t(N BA + , un modèle d'évolution de la proportion de la

population A peut être obtenu.

Différents outils ont donc été proposés dans cette deuxième partie et sont mis en application au travers

de trois études de cas, présentées dans la troisième partie.

Page 106: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

PARTIE III ETUDES DE CAS

"Comme il est extraordinaire que partout dans le monde les micro-biologistes participent maintenant à des activités aussi différentesque l'étude de la structure d'un gène, le contrôle d'une maladie, lesprocessus industriels (…). La microbiologie est une des professionsles plus gratifiantes parce qu'elle donne à ses praticiens la possibi-lité d'être en contact avec toutes les sciences naturelles et ainsi decontribuer de multiples façons au bien-être de l'humanité."

René Dubos

Page 107: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

107

Page 108: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

108

III.1. E. COLI O157:H7 ET E. COLI K12

La première étude présentée ici a été initiée au cours du travail de DEA puis prolongée dans la première

année de la thèse. Elle se fonde essentiellement sur la notion d'interaction. Elle a donné lieu à une com-

munication écrite et à une communication affichée.

III.1.1. INTRODUCTION

Choix d'un modèle biologique

Pour un premier modèle biologique comme étude de cas dans l'étude des interactions en batch, lechoix s'est porté sur le couple Escherichia coli K12 / Escherichia coli O157:H7 en fonction de diff-érents critères.§ Critères biologiques : E. coli K12 est une bactérie couramment étudiée en microbiologie ;

E. coli O157:H7 est une bactérie entéro-hémorragique présentant un risque en microbiologiealimentaire.

§ Critères écologiques : cette étude peut apporter une connaissance complémentaire en vue d'ex-pliquer l'émergence relativement récente de E. coli O157:H7 dans divers écosystèmes.

§ Critères stratégiques : la compétition entre une bactérie pas ou peu dangereuse et une bactériepathogène (dans un aliment, un tube digestif etc.) peut expliquer la colonisation par l'une et/oul'autre des souches de ces écosystèmes.

§ Critères fondamentaux : les interactions intra-spécifiques semblaient plus enrichissantes àétudier d'une part parce qu'elles sont vraisemblablement moins évidentes et qu'elles ont étémoins étudiées, d'autre part parce qu'elles permettent d'approcher des interactions intra-population (impossibles à étudier actuellement).

§ Critères techniques : bien que proches, E. coli K12 et E. coli O157:H7 présentent des différen-ces métaboliques permettant de les différencier.

Objectifs de l'étude

La modélisation de la croissance en batch a largement été utilisée dans des objectifs appliqués (no-tamment pour la microbiologie prévisionnelle dans le domaine de la sécurité alimentaire). Elle m'estégalement apparue comme un outil prometteur mais encore ignoré d'étude de la croissance d'unpoint de vue physiologique. Dans cette étude, les cinétiques de E. coli O157:H7 ont été réalisées enmilieu minimum synthétique. Ce choix d'un milieu minimum dont tous les composants sont chimi-quement définis illustre bien ma volonté d'avoir ici une approche physiologique plutôt qu'appliquée.

La méthodologie de comparaison de courbes présentée dans la deuxième partie a permis dans unepremière phase de travail de caractériser l'interaction entre E. coli O157:H7 et E. coli K12 enculture mixte. De plus, cette première phase a mis en évidence une anomalie de croissance d' E. coliO157:H7. La deuxième phase de l'étude a visé à caractériser cette anomalie et à chercher une inter-prétation biologique à ces phénomènes.

Page 109: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

109

III.1.2. TECHNIQUE DE DENOMBREMENT SPECIFIQUE

Géloses Mac Conkey Sorbitol

Sur gélose Mac Conkey Sorbitol, E. coli K12 (fermentant le sorbitol) forme des colonies rougesalors qu'E. coli O157:H7 (ne fermentant pas le sorbitol) forme des colonies blanches, la fermenta-tion du sorbitol étant mise en évidence par un indicateur coloré de pH. Ce milieu permet donc dedifférencier ces deux souches.

Toutefois, le milieu Mac Conkey Sorbitol étant potentiellement inhibiteur, il était nécessaire devérifier que les dénombrements n'en aient pas été significativement affectés. La gélose Columbia(milieu non inhibiteur permettant la croissance de bactéries exigeantes) a été choisie comme milieu-témoin. Au cours des cultures pures, les résultats des doubles dénombrements (à partir d'une sus-pension bactérienne unique) ont été comparés.

Le test de Student sur données appariées permet de comparer deux méthodes ; la condition d'appli-cation du test est la normalité de la population des différences (Dagnélie, 1975). Or la distributiondes différences entre les nombres de colonies sur chaque boîte ne suit pas une distribution normale.Après transformation logarithmique des données, l'hypothèse de normalité de la distribution desdifférences n'est plus rejetée par le test du chi-2. Sur les logarithmes des nombres de colonies parboîtes, le test de Student ne permet pas de détecter de différence significative au seuil 5% entre lesdeux méthodes. Il est donc apparu acceptable d'utiliser la gélose Mac Conkey Sorbitol pour ledénombrement différentiel des deux souches.

Cytométrie sur filtres et anticorps

Une technique de cytométrie sur filtre a été mise au point pour permettre le suivi des cinétiquesbactériennes en culture pure ou mixte. Le dénombrement global était effectué grâce à l’acridineorange (intercalant de l’ADN), toutes les bactéries fixant ce colorant. Le dénombrement spécifiquede E. coli O157:H7 reposait sur une technique immunologique, l'antigène flagellaire H7 étant re-connu par un anticorps anti-H7, lui-même révélé par un second anticorps marqué à la fluorescéine(fluorescence verte). En culture mixte, le dénombrement de E. coli K12 était obtenu par la diff-érence entre le dénombrement global (acridine orange) et le dénombrement spécifique de E. coliO157:H7 (anticorps anti-H7).

Marquage des bactéries avec l’anticorps anti-H7

A chaque prélèvement, 1mL de milieu de culture était mélangé à 1mL de solution filtrée de formolà 1%. Après 10 minutes de contact assurant la perte de viabilité des bactéries présentes, la suspen-sion était filtrée sur une membrane de polycarbonate 0,22 µm (Poretics, Paris, France) grâce au

système Cobra 1012 (bioMérieux). Ce dispositif permet la filtration concomitante de douze échan-tillons sur une même membrane grâce à douze puits contigus. Chaque dépôt était ensuite rincé parfiltration avec 1mL de tampon PBS-THS (Tween 0,1%, sérum de cheval 0,5%), puis mis en contactpendant 5 minutes à 37°C avec 1mL d’une solution filtrée de PBS-THS contenant 0,07mg/mLd’IgG de mouton anti-H7 (bioMérieux). Chaque dépôt était de nouveau rincé par filtration avec

Page 110: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

110

1mL de tampon PBS-THS puis mis en contact pendant 5 minutes à 37°C avec une solution filtréede PBS-THS contenant 0,035 mg/mL d’anticorps anti-IgG de mouton marqués à la fluorescéine(FITC) (Calbiochem, France) et 0,1% de Bleu de Evans (assurant la contre-coloration). Enfin cha-que dépôt était rincé avec 1,5mL de tampon PBS-THS et séché à température ambiante. Pourl’observation en épifluorescence, chaque dépôt était recouvert au préalable de 20µl d'Antifade Pro-

long (Molecular Probes, Leiden, Netherlands).

Marquage des bactéries avec l'acridine orange

Après 10 minutes de contact avec le formol, la suspension bactérienne était mélangée à 1mL d’unesolution filtrée d’acridine orange (Sigma, France) à 5 g/l en tampon citrate pH=4. Le mélange estincubé 10 min à 37°C. La suspension était alors filtrée (avec le même système que ci-dessus). Unrinçage par filtration était réalisé avec 1,5mL de tampon citrate pH=3 puis la membrane séchée àtempérature ambiante.

Analyse d'image

La source d’excitation pour les fluorochromes était une lampe à Mercure-Xenon de type High-intensity light source Hg100W, Xe100W (Nikon, Tokyo, Japon). Le microscope optique utilisé estde type Nikon K220 (Nikon, Tokyo, Japon) Le traitement de l’ensemble des données optiques ob-tenues était réalisé avec une caméra à accumulation Coolview-512 System (Photonic Science Ltd,U.K.) couplée à un analyseur d’image Asterias (Biocom, France).

Bilan

L'analyse d'image permet de dénombrer les bactéries présentes dans un champ de microscopie opti-que. Une expérience de répétabilité a été effectuée. A partir d'une suspension bactérienne unique, lafiltration a été réalisée sur 11 puits ; pour chaque puits 5 champs ont été analysés. Sur les 55champs, la moyenne était de 118,4 bactéries par champ et l'écart-type de 21,2, soit un coefficient devariation de 18 %. Les coefficients de variation intra-puits variaient de 9% à 20%. Cette incertitudesemble être de l'ordre de grandeur de l'erreur d'échantillonnage (loi de Poisson). Ces résultats sontsatisfaisants au regard des erreurs de la méthode de dénombrement par boîtes de Petri (cf. Annexe2).

La mesure de la surface du champ de visualisation à l'objectif 40 de la caméra a été déterminée àl'aide d'un micromètre porte-objet et a permis de calculer le nombre de champs par tâche de dépôt(1550). A partir des dénombrements effectués dans 3 champs tirés aléatoirement dans la tâche dedépôt, il est possible d’estimer le nombre de bactéries présentes sur l’ensemble de la surface dedépôt et par extension de connaître le nombre de bactéries par mL de la culture initiale.

Les cinétiques de croissance ainsi obtenues d'après la cytométrie sur filtre (en multipliant lamoyenne de 3 dénombrements par champ par le facteur 1550 et le facteur de dilution) ont été com-parées aux cinétiques de croissance obtenues d'après les dénombrements sur géloses. Les cinétiquesobtenues d'après cytométrie sur filtre apparaissent parallèles aux cinétiques obtenues par dénom-brement sur boîtes de Petri. Il semble y avoir un rapport d'environ 3 entre les deux méthodes dedénombrement. Cela pourrait s'expliquer par la différence entre unités formant colonies (bactérieisolée ou chaînettes de bactéries) et bactéries. De plus, il semble qu'il y ait une forte variabilité du

Page 111: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

111

dénombrement sur boîte de Petri à fortes concentrations (associées à de fortes dilutions). Or ceproblème ne se pose pas avec la méthode de cytométrie sur filtre (qui implique moins de dilutions).

Pour la série d'expériences présentée ici, le dénombrement par cytométrie a été mis au point pro-gressivement et n'a pas été effectué pour toutes les cultures et - au sein de chaque culture - pas pourtous les prélèvements. C'est pourquoi elles n'ont pas été exploitées statistiquement pour l'ajustementdes modèles de croissance. Les cinétiques utilisées ici ont été obtenues uniquement à partir de laméthode par dénombrement sur géloses.

III.1.3. MISE EN EVIDENCE DE L'ANOMALIE DECROISSANCE ET DE L'INTERACTION

Matériel et méthodes

Souches

Les deux souches choisies étaient :§ Escherichia coli K12, NC4100, lactose- , résistant à la streptomycine (provenant du laboratoire

de microbiologie de l'INSA Lyon, France).§ Escherichia coli O157:H7, ATCC35150, isolée de fèces d'un patient atteint de colite hémorra-

gique, présentant une activité cytotoxique (provenant du laboratoire de recherche de l'unité In-dustrie-Ecologie, bioMérieux).

Elles sont désignées par la suite respectivement E. coli K12 et E. coli O157:H7.

Précultures

Les souches étaient conservées en cryotubes immergés dans l'azote liquide, à -196°C. La premièrepréculture avait lieu dans un milieu complexe, permettant aux bactéries une récupération rapideaprès la conservation au froid. Avant chaque journée de cultures, chaque souche était cultivée à35°C sur gélose Columbia enrichie au sang de mouton (bioMérieux).

La deuxième préculture avait lieu à 37°C, dans le milieu liquide synthétique défini par Neidhardt etal. (1974) additionné de glucose à 0,1g/L (cf. Tableau 5). Le milieu de culture stérile était ense-mencé avec une suspension bactérienne diluée de chaque souche ; la concentration de l'inoculumétant choisie en fonction de l'état physiologique attendu (faible inoculum pour la phase exponen-tielle, plus fort pour la phase stationnaire). Cette deuxième préculture avait lieu pendant environ12h dans des cassettes de 11 puits, contenant chacun 1mL de milieu. La croissance était suivie auMS2, automate d'enregistrement de la transmittance (cf. p. 96).

L'arrêt des précultures était décidé en fonction de l'observation des courbes d'absorbance observ-ées :§ pour la phase stationnaire, 4 à 6 heures après l'arrêt de croissance,§ pour la phase exponentielle, dès la détection de l'augmentation de l'absorbance (c'est-à-dire à

partir une augmentation totale de l'absorbance de 0,01).

Page 112: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

112

Tableau 5. Composition du milieu de Neidhardt et al. (1974).

Composants g/L Composants mg/L

MOPS 8,372 CaCl2, 2H20 7,351

NaCl 2,922 FeSO4, 7H2O 2,78

Tricine 0,71668 H3BO3 0,0247

NH4Cl 0,5082 MnCl2, 4 H2O 0,0158

K2HPO4, 3H2O 0,23 CoCl2, 6H2O 0,0071

C6H12O6, H20 0,11 (NH4)6MO7O24,4H2O

0,0037

MgCl2, 6H20 0,107348 ZnSO4, 7 H2O 0,0029

K2SO4 0,0481 CuSO4 0,0016

thiamine 0,01

Cultures

Le principe du protocole expérimental a été schématisé (cf. Figure 15).

1ères précultures

12 à 24 h

gélose Columbia

35°C

2èmes précultures

6 à 12 h

milieu de Neidhart 0,1g/l glucose

37°C

Cultures

6 à 12 h

milieu de Neidhart 0,1g/l glucose

37°C

37°C

Conservationbouillon

coeur/cervelle +glycérol

-196°C

Absorbance

37°C

37°C

Culture pureK12

O157:H7

K12 Culture mixteK12 +O157:H7

CulturepureO157:H7

x ml

y ml

y ml

x ml

stationnaire

exponentiel

Absorbance

exponentiel

Figure 15. Représentation schématique du protocole expérimental. Conservation : une culture mère en bouillon coeur/cervelle glycérolé de chacunedes souches était conservée dans un cryotube plongé dans l'azote liquide. Premières précultures : des colonies isolées étaient obtenues à partir dechacune des souches par culture sur gélose Columbia à 35°C. Deuxièmes précultures : à partir de colonies isolées, chaque souche était mise enculture dans des cassettes, constituées de 11 puits contenant chacun 1mL de milieu. Le suivi de la croissance était effectué par enregistrement auto-matique de l'absorbance, avec l'automate MS2. L'arrêt de croissance était décidé en fonction de l'état physiologique recherché : phase exponentielle ouphase stationnaire. Cultures : la culture de E.coli K12 était ensemencée avec x mL de la préculture de E.coli K12 ; la culture de E.coli O157:H7 étaitensemencée avec ymL de la préculture de E.coli O157:H7 et la culture mixte avec x mL de la préculture de E.coli K12 et y mL de la préculture deE.coli O157:H7. Le volume des inoculums variait de 1 à 10mL ; x et y étaient choisis de manière à obtenir des N0 de l'ordre de 1.105 ufc/mL. Lescultures étaient réalisées en flacons de 250mL, de type Erlenmeyer, équipés d'un doigt de gant (permettant de vérifier la température interne) etd'aiguilles (permettant l'injection de l'inoculum et les prélèvements), contenant 200mL de milieu et placés dans des bain-marie munis d'une résistance

Page 113: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

113

électrique et d'un thermostat (assurant la régulation thermique) et d'un agitateur magnétique (assurant la rotation du barreau magnétique placé àl'intérieur du flacon et donc l'agitation du milieu).

Les trois cultures étaient menées "en parallèle", dans trois bains-marie voisins. Les inoculumsétaient constitués à partir des deuxièmes précultures de manière à ce que l'inoculum de la culturemixte soit la somme des inoculums des deux cultures pures. Chaque cinétique de croissance étaitréalisée dans des conditions proches de celles de la préculture, en milieu synthétique de Neidhardt(0,1g/L de glucose) dans un flacon immergé dans un bain-marie, dont la température était régulée à37°C ± 0,1°C.

Suivi par dénombrement

Sur chaque culture, un prélèvement toutes les 20 à 40 minutes était effectué. A chaque date deprélèvement, 1mL de culture environ était prélevé dans une seringue à l'aide des aiguilles spinalesplongeant dans le milieu de culture. En fonction de l'avancement de la cinétique, trois dilutionsétaient choisies a priori et deux boîtes de milieu gélosé étaient ensemencées pour chaque dilution(soit un total de 6 boîtes à chaque prélèvement). L'ensemencement consistait à répartir 100 µL de la

dilution à la surface de la gélose au moyen de billes en verre stériles. La composition du tampon(Meynell & Meynell, 1970) figure dans le Tableau 6. Les étalements étaient réalisés sur milieuxgélosés Columbia (bioMérieux, Marcy l'Etoile, France) et Mac Conkey Sorbitol n°3 (Oxoid, Ba-singstoke, Grande Bretagne).

Tableau 6. Composition du tampon T2 (Meynell & Meynell, 1970). Le milieu est stérilisé par filtration (0,22µ). Le pH est égal à 7.

Composants g/L

K2SO4 5

KH2PO4 1,5

Na2HPO4, 2H2O 3,76

MgSO4, 7H2O 0,24

CaCl2, 2H2O 0,14

gélatine 0,01

Après 24h de culture à 35°C, les colonies formées à la surface des boîtes étaient dénombrées. Seulela dilution pour laquelle les dénombrements étaient compris entre 30 et 300 colonies était retenue aposteriori. Cette plage permet d'atteindre un compromis satisfaisant entre erreurs d'échantillonnagespour des faibles nombres et erreurs de comptage pour de forts nombres (en raison de la confluencedes colonies). Le résultat était converti en ufc/mL.

Définition des jeux de données

Chaque culture a donné lieu à un jeu de données (t : date de prélèvement, x : concentration bact-érienne estimée à partir de la méthode de dénombrement sur gélose). Il est clairement apparu que laprécision sur les fortes concentrations atteintes (imposant de fortes dilutions) était médiocre. C'estpourquoi il a été décidé d'éliminer les points de forte densité bactérienne.

Les jeux de données ainsi construits sont nommés par un code à 3 lettres et un chiffre. La premièrelettre code pour la souche (A : E. coli K12 et B : E. coli O157:H7) ; la deuxième pour l'état physio-logique (e : exponentiel et s : stationnaire) ; la troisième pour le type de culture (p : pur et m :

Page 114: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

114

mixte). Aux 8 blocs complets réalisés correspondent 8 quadruplets de jeux de données. De plus,pour 4 autres blocs, un problème artefactuel sur l'un des inoculums a conduit à éliminer les jeux dedonnées de la culture mixte et d'une des cultures pures mais la deuxième culture pure pouvait êtreexploitable ; ainsi 4 jeux de données supplémentaires ont été obtenus, ce qui est récapitulé ci-dessous (cf. Tableau 7).

Tableau 7 : Planification expérimentale et définition des jeux de données.

Etat Cultures pures Cultures mixtes

E. coliK12

E. coliO157:H7

E. coliK12

E. coliO157:H7

E. coli K12 E. coliO157:H7

8 exponentiel exponentiel Aep2 Bep3 Aem2 Bem3

blocs exponentiel exponentiel Aep3 Bep4 Aem3 Bem4

complets exponentiel stationnaire Aep1 Bsp2 Aem1 Bsm2

exponentiel stationnaire Aep4 Bsp4 Aem4 Bsm4

(soit 8x4 stationnaire exponentiel Asp1 Bep1 Asm1 Bem1

=32 stationnaire exponentiel Asp3 Bep2 Asm3 Bem2

jeux de stationnaire stationnaire Asp2 Bsp1 Asm2 Bsm1

données) stationnaire stationnaire Asp4 Bsp3 Asm4 Bsm3

4 jeux - exponentiel - Bep5 - -

de données - stationnaire - Bsp5 - -

supplé- stationnaire - Asp5 - - -

mentaires stationnaire - Asp6 - - -

Choix des modèles

Il était nécessaire dans un premier temps de choisir les modèles primaires les plus pertinents pourdécrire les cinétiques de croissance. Les modèles ont été construits sur le logarithme décimal de laconcentration bactérienne, cette transformation étant classiquement utilisée pour stabiliser la va-riance.

Deux modèles candidats étaient proposés a priori :§ croissance exponentielle sans latence :

t)10ln(

ì)log(N)Nlog( 0 += [76]

§ latence puis croissance exponentielle :

��

���

>−+

≤=

lagtsi)lagt()10ln(

ì)log(N

lagtsi)log(N

)Nlog(0

0

[77]

L'arrêt de croissance (passage en phase stationnaire) n'était pas pris en compte puisque les dernierspoints ont été exclus. Le logarithme décimal de la concentration bactérienne initiale log(N0) étaitestimé et donc considéré comme un paramètre. Il s'agit donc respectivement d'un modèle non-linéaire à 3 paramètres - lag, µ et log(N0) - et d'un modèle linéaire à 2 paramètres - log(N0) et µ. Le

Page 115: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

115

second est emboîté dans le premier, c'est-à-dire qu'il constitue un cas particulier, avec la contraintelag=0. Le choix entre modèle partiel et modèle complet repose sur le test statistique (Bates & Watts,1988) présenté dans la deuxième partie (cf. p. 100).

D'autre part, il est biologiquement attendu qu'une souche dans un état physiologique donné ait tou-jours les mêmes paramètres de croissance (µ et lag) d'une culture pure à l'autre. L'examen de cette

hypothèse a été effectuée en testant l'effet bloc sur les paramètres de croissance dans un modèlecommun à l’ensemble des cinétiques en cultures pures réalisées dans les mêmes conditions (soit 4,5 ou 6 jeux de données). De plus, regrouper ainsi un ensemble de plusieurs jeux de données a ap-porté un gain de puissance et a donc permis de construire dans certains cas des modèles plus perti-nents. Il aurait été aberrant dans cette étude de tester l'hypothèse d'égalité des log(N0) puisque riendans les méthodes expérimentales employées n'a visé à atteindre des concentrations initiales égalesd'un bloc à l'autre.

Comparaison culture mixte/culture pure

Il a été testé si, à partir d'une préculture unique, une souche a eu au sein d'un bloc les mêmes pa-ramètres de croissance (µ et lag) en absence ou présence de l'autre souche (culture pure/mixte).

L'examen de cette hypothèse a été effectué en testant l'effet mixité sur les paramètres de croissancedans un modèle commun à un couple de jeux de données (culture pure et culture mixte d'une mêmesouche dans un même bloc). Dans cette étude, la contrainte d'égalité des log(N0) était imposée puis-que le protocole employé visait à s'assurer de cette égalité.

Bilan

La démarche globale est schématisée ci-dessous :

Ajustement à chaque cinétique des modèles envisagés - Test des modèles emboîtés => choix d'un des modèles

Choix d'un modèle en culture pure

Appréciation visuelle de l'ajustement au modèle choisi (étude du graphe des résidus)

Si ajustement satisfaisant : ok Si ajustement non satisfaisant

Regroupement de tous les jeux de données : construction d'un modèle commun à toutes les cinétiques

Test de l'effet bloc sur les paramètres de croissance (modèles emboîtés)

Eventuellement : choix d'un modèle plus approprié (jeu de données plus riche)

Comparaison culture pure / culture mixte

Ajustement à chaque couple de cinétiques d'un modèle commun aux deux courbes (avec les morphologies de croissance suggérées par les étapes préliminaires)

Test des modèles emboîtés => vérification des hypothèses d'égalité des paramètres

Choix d'un modèle en culture mixte

Ajustement à chaque cinétique des modèles envisagés - Test des modèles emboîtés => choix d'un des modèles

Figure 16 : représentation schématique de la démarche adoptée pour la modélisation des courbes

Page 116: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

116

Croissance de E. coli K12 en culture pure

Inoculum en phase exponentielle

Quatre cultures ont permis le suivi de croissance de E. coli K12 à partir d'un inoculum pur en phaseexponentielle. Pour 3 jeux de données sur 4 (Aep1, Aep3 et Aep4), les ajustements aux modèlesavec et sans temps de latence sont équivalents, la valeur estimée de lag étant inférieure à la pre-mière valeur de t (même µ, même SCErés13). Pour le dernier jeu de données Aep2, le test des mod-

èles emboîtés indique que l'hypothèse lag=0 n'est pas rejetée au niveau 5% (p = 0,3). Il en résulteque le modèle de croissance exponentielle sans phase de latence est retenu (cf. Tableau 8).

Tableau 8. Résultats de l'ajustement du modèle sans latence aux données de croissance de E. coli K12 à partir d'un ino-culum pur en phase exponentielle. n : nombre de points. ICC 95% : intervalles de confiance à 95% d'après linéarisation

n log(N0) ICC 95% µ (h-1) ICC 95%

Aep1 14 5,023 [4,865 ; 5,180] 0,828 [0,732 ; 0,923]

Aep2 10 4,648 [4,592 ; 4,700] 0,506 [0,459 ; 0,551]

Aep3 13 4,580 [4,381 ; 4,777] 0,716 [0,579 ; 0,853]

Aep4 9 5,441 [5,350 ; 5,532] 0,533 [0,448 ; 0,617]

L'observation des cinétiques et des graphes de résidus révèle que ce modèle de croissance exponen-tielle sans latence semble adapté aux jeux de données.

0 2 4 6 8

5

6

7

8

Temps (h)

log(N)

Figure 17. Exemple d'ajustement du modèle sans latence (jeu de données Aep1). Droite théorique et valeurs expérimentales

Un modèle commun aux 4 cinétiques à 5 paramètres (un log(N0) par cinétique ; µmax en commun) a

été ajusté à ces 4 courbes. D'après le test des modèles emboîtés, le modèle commun à 8 paramètres(1 couple log(N0) / µ par cinétique) est plus adapté : l'hypothèse d'égalité des µ d'une culture à l'au-

tre est rejetée au niveau 5% (p=0,0001). Il semble exister des différences artefactuelles entre lesblocs.

Inoculum en phase stationnaire

Six cultures ont permis le suivi de croissance de la souche K12 à partir d'un inoculum pur en phasestationnaire. Un modèle de croissance avec phase de latence a été ajusté à chacun des 6 jeux dedonnées numérotés Asp1 à Asp6. D'après le test de modèles emboîtés, l'hypothèse lag=0 n'est re-jetée au niveau 5 % que pour 2 jeux de données (Asp3 et Asp6). Il semble au vu des données que letemps de latence n'est pas nul mais que le surcroît de complexité du modèle avec latence n'est pas

13 La somme des carrés des écarts résiduels (SCErés) est un critère quantifiant l'adéquation du modèle aux données (cf. p.78).7

Page 117: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

117

justifié vis-à-vis de la qualité des données. Dans ces conditions, rassembler les jeux de donnéesconduit à enrichir l'information.

Le modèle complet avec un triplet de paramètres (log(N0), lag, µ) pour chacune des 6 courbes (soit

18 paramètres pour 91 points) a été comparé à un modèle emboîté dont la contrainte est l'égalité desµ et des lag entre toutes les courbes (soit un modèle à 8 paramètres, pour 91 points). D'après le testdes modèles emboîtés, l'hypothèse d'égalité des paramètres de croissance lag et µ n'est pas rejetée

au niveau 5%. Les six cultures peuvent donc être considérées du point de vue statistique comme desrépétitions pour l'estimation des paramètres de croissance lag et µ. Sur ce jeu de données plus riche,

le test des modèles emboîtés permet de rejeter l'hypothèse de nullité de lag au niveau 5% (p=0,002).C'est ce modèle unifié avec latence qui est donc choisi.

Tableau 9. Résultats de l'ajustement du modèle de croissance exponentielle avec latence aux données de E. coli K12 à partir d'uninoculum pur en phase stationnaire. Modèle général (égalité des µ et lag).

Paramètre Estimation ICC 95% Paramètre Estimation ICC 95%

µ (h-1) 0,783 [0,721 - 0,845] log(N0)3 5,560 [5,409 - 5,709]

lag (h) 1,091 [0,681 - 1,502] log(N0)4 6,132 [5,978 - 6,286]

log(N0)1 5,679 [5,529 - 5,829] log(N0)5 5,292 [5,162 - 5,422]

log(N0)2 5,686 [5,539 - 5,832] log(N0)6 5,738 [5,592 - 5,885]

0 2 4 6 8

5

6

7

8

0 2 4 6 8

5

6

7

8

0 2 4 6 8

5

6

7

8

0 2 4 6 8

5

6

7

8

0 2 4 6 8

5

6

7

8

0 2 4 6 8

5

6

7

8

Temps (h)

log(N) log(N) log(N)

Temps (h) Temps (h)

Figure 18. Ajustement du modèle général de croissance aux cinétiques de E. coli K12 Asp1 à Asp6.

Croissance de E. coli K12 en culture mixte

Inoculum en phase exponentielle

Pour les 4 jeux de données en culture mixte les ajustements aux modèles avec et sans temps de la-tence sont équivalents, la valeur estimée de lag étant inférieure à la première valeur de t (même µ,même SCE). Le modèle de croissance exponentielle sans phase de latence est donc retenu pourdécrire ces 4 cinétiques.

Tableau 10. Résultats de l'ajustement du modèle sans latence aux données de croissance de E. coli K12 à partir d'un inoculum mixteen phase exponentielle.

Page 118: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

118

n log(N0) ICC 95% µ (h-1) ICC 95%

Aem1 14 5,22 [5,07 ; 5,37] 0,80 [0,70 ; 0,90]

Aem2 9 4,57 [4,48 ; 4,66] 0,48 [0,41 ; 0,56]

Aem3 13 4,79 [4,62 ; 4,97] 0,63 [0,54 ; 0,72]

Aem4 15 5,35 [5,16 ; 5,55] 0,62 [0,51 ; 0,73]

Inoculum en phase stationnaire

En comparant les modèles avec et sans latence, l'hypothèse lag=0 est rejetée au niveau 5 % pour 3jeux de données sur 4. Il semble justifié de choisir le modèle avec latence. Tableau 11. Résultats de l'ajustement du modèle avec latence aux données de croissance de K12 à partir d'un inoculummixte en phase stationnaire. n : nombre de points. ICC 95% : intervalles de confiance à 95% d'après linéarisation.

n lag (h) ICC 95% log (N0) ICC 95% µ (h-1) ICC 95%

Asm1 15 1,4 [0,7 ; 2,1] 5,68 [5,52 ; 5,83] 0,82 [0,71 ; 0,94]

Asm2 11 1,6 [0,8 ; 2,4] 5,63 [5,39 ; 5,87] 1,05 [0,81 ; 1,29]

Asm3 14 1,4 [0,5 ; 2,2] 5,46 [5,20 ; 5,71] 0,98 [0,82 ; 1,14]

Asm4 11 1,0 [-0,0 ; 2,0] 6,18 [5,99 ; 6,36] 0,65 [0,47 ; 0,83]

Comparaison cultures pures/cultures mixtes

Par une simple observation des couples de cinétiques (culture pure/culture mixte), les deux cinéti-ques de chacun des bloc sont apparues superposables (cf. Figure 19 et Figure 20).

0 2 4 6

5

6

7

0 2 4 6

5

6

7

0 2 4

5

6

7

0 2 4 6

5

6

7

log(N) log(N)

Temps (h) Temps (h)

(a) (b)

(c) (d)

Figure 19. Comparaison des cinétiques pures ( )/mixtes ( ) de E. coli K12. à partir d'un inoculum en phase exponentielle. (a) :Aep1/Aem1. (b) : Aep2/Aem2. (b) : Aep3/Aem3. (d) : Aep4/Aem4.

0 2 4 6

5

6

7

0 2 4 6

5

6

7

0 2 4 6 8

5

6

7

0 2 4

5

6

7

log(N) log(N)

Temps (h) Temps (h)

(a) (b)

(c) (d)

4

8 8

4

4

8 8

4

Page 119: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

119

Figure 20. Comparaison des cinétiques pures ( )/mixtes ( ) de E. coli K12 à partir d'un inoculum en phase stationnaire. (a) :Asp1/Asm1. (b) : Asp2/Asm2. (b) : Asp3/Asm3. (d) : Asp4/Asm4.

Avec un inoculum en phase exponentielle, la comparaison de chacune de ces 4 cinétiques de E. coliK12 en culture mixte avec le "témoin" en culture pure a été effectuée en testant l'égalité des µ par letest de modèles emboîtés. Deux modèles étaient proposés : un modèle à 3 paramètres (log(N0)commun, µp en culture pure, µm en culture mixte) et un modèle à 2 paramètres (log(N0) commun, µcommun). Pour 3 expériences sur 4, le modèle à deux paramètres est apparu plus approprié. PourAep2/Aem2, le problème semble dû à une différence entre les deux inoculums. En effet, un modèleà 3 paramètres (log(N0)p, log(N0) m, µ commun) est plus approprié qu'un modèle à 4 paramètres(log(N0)p, log(N0)m, µp, µm).

Avec un inoculum en phase stationnaire, la comparaison de chacune des 4 cinétiques de E. coli K12en culture mixte avec son "témoin" en culture pure a été effectuée par le test de modèles emboîtésen comparant un modèle à 5 paramètres (log(N0) commun, µp et lagp en culture pure, µm et lagm enculture mixte) et un modèle à 3 paramètres (log(N0), lag et µ en commun). Sous la contrainte d'éga-lité des log(N0), l'hypothèse d'égalité des paramètres de croissance (µ et lag) au sein d'un bloc n'est

jamais rejetée au niveau 5% par le test de modèles emboîtés.

Croissance de E. coli O157:H7 en culture pure

Inoculum en phase exponentielle

Cinq cultures ont permis le suivi de croissance en culture pure de E. coli O157:H7 à partir d'un ino-culum en phase exponentielle. Dans un premier temps, le modèle avec latence et le modèle sanslatence ont été ajustés à chacun des cinq jeux de données. Dans tous les cas, la valeur estimée pourle paramètre lag est inférieure à la première valeur de la variable t, pour laquelle il y a eu mesure.Les valeurs des SCE avec ou sans la contrainte lag=0 sont égales (ajustement équivalents). On peutdonc admettre que le temps de latence soit nul.

Mais pour 4 cinétiques sur 5 (toutes à l'exception de Bep3), l'observation des courbes et des graphi-ques de résidus révèle que le modèle exponentiel ne semble pas être tout à fait adapté aux jeux dedonnées. Une structure "en cloche" apparaît nettement dans les résidus : ils sont négatifs en débutde croissance, puis positifs, puis à nouveau négatifs. Effectivement, les données ne correspondaientpas à une croissance exponentielle classique (cf. Figure 21).

0 2 4 6 8 10

5

6

0 2 4 6 8

5

6

Temps (h)

log(N)

Temps (h)

log(N)

Figure 21. Cinétiques de croissance de E. coli O157:H7 à partir d'un inoculum en phase exponentielle. (a) Bep1. (b) Bep5.

Quoique cela soit parfois difficile à constater par une simple observation des données, les cinétiquesprésentaient plutôt une morphologie biphasique voire triphasique avec une première croissance ra-pide en début de culture puis une croissance plus lente (ou un arrêt de croissance) et éventuellement

(a) (b)

Page 120: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

120

une troisième phase de recroissance rapide (cf. Figure 21). En raison du manque de points expéri-mentaux, des modèles de dynamique de croissance n'ont pu être ajustés mais des modèles adaptésseront présentés plus loin, sur des couples cinétiques en culture pure/cinétiques en culture mixte.

Inoculum en phase stationnaire

Cinq cultures ont permis le suivi de croissance de E. coli O157:H7 à partir d'un inoculum pur enphase stationnaire. Un modèle de croissance avec phase de latence a été ajusté à chacun des 5 jeuxde données numérotés Bsp1 à Bsp5. D'après le test de modèles emboîtés, l'hypothèse lag=0 est re-jetée au niveau 5 % pour un seul jeu de données (Bsp5). Toutefois l'observation des courbes et desgraphiques de résidus révèle qu'il y a bien une latence mais qu'ensuite le modèle exponentiel nesemble pas être adapté aux jeux de données. L'observation des jeux de données Bsp4 et Bsp 5 (cf.Figure 22) montre qu'il y aurait après la latence une phase de croissance rapide suivie d'une phasede croissance lente puis d'une nouvelle phase de croissance rapide.

0 2 4 6 8

5

6

7

8

Temps (h)

log(N)

0 2 4 6 8

5

6

7

8

Temps (h)

log(N)

Figure 22. Exemples de cinétiques de croissance de E. coli O157:H7 à partir d'un inoculum en phase stationnaire. (a)Jeu de donnéesBsp4. (b) Jeu de données Bsp5.

Les modèles suggérés par ces observations contiendraient un trop grand nombre de paramètres parrapport au nombre de points expérimentaux. Mais des modèles adaptés seront présentés plus loin.

Croissance de E. coli O157:H7 en culture mixte

Inoculum en phase exponentielle

Les modèles de croissance exponentielle avec et sans latence ont été ajustés aux jeux de données deE. coli O157:H7 en culture mixte. L'hypothèse de nullité du temps de latence n'a pas été rejetée.

Tableau 12. Résultats de l'ajustement du modèle exponentiel sans latence aux données de croissance de O157:H7 à partir d'un ino-culum pur en phase exponentielle.

n SCE log(N0) ICC 95% µ (h -1) ICC 95%

Bem1 12 0,280 4,68489 [4,463 ; 4,901] 0,60327 [0,486 ; 0,720]

Bem2 13 1,363 4,090 [3,651 ; 4,529] 0,840 [0,565 ; 1,114]

Bem3 9 0,072 5,323 [5,167 ; 5,478] 0,465 [0,334 ; 0,595]

Bem4 14 0,131 4,91854 [4,794 ; 5,043] 0,437 [0,370 ; 0,504]

L'ajustement du modèle à deux paramètres (log(N0), µ) est apparu satisfaisant.

Page 121: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

121

Inoculum en phase stationnaire

Le modèle de croissance exponentielle précédée d'une latence a été ajustée aux 4 cinétiques deE. coli O157:H7 en culture mixte. Les ajustements sont visuellement satisfaisants.

Tableau 13. Résultats de l'ajustement du modèle avec latence aux cinétiques en culture mixte de E. coli O157:H7. Comparaison cultures pures /cultures mixtes

n log(N0) ICC 95% lag (h) ICC 95% µ (h -1) ICC 95%

Bsm1 14 5,513 [5,384 ; 5,642] 1,909 [1,556 ; 2,260] 1,570 [1,386 ; 1,753]

Bsm2 14 5,341 [5,171 ; 5,510] 0,585 [-0,179 ; 1,35] 0,654 [0,563 ; 0,745]

Bsm3 11 6,226 [5,982 ; 6,470] 1,183 [0,319 ; 2,047] 0,865 [0,665 ; 1,064]

Bsm4 12 5,477 [5,361 ; 5,593] 1,383 [0,630 ; 2,136] 0,643 [0,484 ; 0,803]

Comparaison cultures pures/cultures mixtes

Puisqu'il avait été difficile de caractériser les cinétiques de E. coli O157:H7 en cultures pures enraison du faible nombre de points expérimentaux, le fait de regrouper deux cinétiques (une enculture pure, une en culture mixte) devrait permettre d'enrichir l'information disponible, au moinsconcernant log(N0).

Il semble que dans une première phase, les cinétiques de E. coli O157:H7 en culture pure et enculture mixte soient superposables et qu'elles se séparent dans une deuxième phase, la croissancecontinuant au même taux que dans la première phase en culture mixte. Différentes manières dedécrire la fin de la cinétique en culture pure ont été testées. La solution retenue est une phase d'arrêtde croissance puis une nouvelle phase de croissance exponentielle.

Pour un inoculum en phase exponentielle, le modèle s'écrit donc :§ en culture mixte :

( ) ( ) t)10ln(

ìNlog)t(Nlog 0 += [78]

§ en culture pure :

( ) ( )

( ) ( )

( ) ( )���

���

?−++=

≤≤+=

≤+=

acctsi)acct()10ln(

ì)10ln(

ralìNlog)t(Nlog

acctralsi)10ln(

ralìNlog)t(Nlog

raltsi)10ln(

tìNlog)t(Nlog

0

0

0

[79]

Avec N 0p=N0m=N0, la population initiale pour les deux cinétiques ; µp=µm=µ le taux de croissance en culture mixte et pendant lapremière phase de la culture pure ; ral : le passage en arrêt temporaire de croissance ; acc : le passage en deuxième phase de crois-sance.

Les hypothèses lagp=lagm=0 ; N0p=N0m et µp=µm ont été acceptées au risque 5%. Ce modèle corres-

pond bien aux deux cinétiques de E. coli O157:H7 inoculum en phase exponentielle avec E. coliK12 inoculum en phase stationnaire (cf. Figure 23), mais pas aux expériences dans lesquelles lesdeux inoculums étaient en phase exponentielle. Pour les deux autres couples culture pure/culture

Page 122: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

122

mixte, il est difficile de décider si le phénomène était réellement différent ou si le nombre de pointsexpérimentaux était trop faible pour une bonne exploitation.

Pour un inoculum en phase stationnaire, le modèle s'écrit :§ en culture mixte :

( ) ( )( ) ( )��

���

−+=

≤=

)lagt()10ln(

ìNlogNlog

lagtsiNlogNlog

0

0

[80]

§ en culture pure :( ) ( )

( ) ( )

( ) ( )

( ) ( )����

����

?−+−+=

≤≤−+=

≤≤−+=

≤=

acctsi)acct()10ln(

ì)lagral(

)10ln(

ìNlogNlog

acctralsi)lagral()10ln(

ìNlogNlog

raltlagsi)lagt()10ln(

ìNlogNlog

lagtsiNlogNlog

20

0

0

0

[81]

Avec lag p=lagm =lag, le temps de latence pour les deux cinétiques ; N0p=N0m=N0, la population initiale pour les deux cinétiques ;µp=µm=µ le taux de croissance en culture mixte et pendant la première phase de la culture pure ; µ2 le taux de croissance à la fin de laculture pure ; ral : le passage en arrêt temporaire de croissance ; acc : le passage en deuxième phase de croissance.

0 2 4 6 8 10

5

6

7

0 2 4 6 8 10

5

6

7

log(N) log(N)

Temps (h) Temps (h)0 2 4 6 8 10

5

6

7(e)(c) (d)

0 2 4 6 8 0 2 4 6 8 10

4 4 4

8 8 8

5

6

7

4

8

5

6

7

4

8(a) (b)

log(N) log(N) log(N)

Temps (h)

Temps (h) Temps (h)

Figure 23. Cinétiques en cultures pures ( )/mixtes ( ) de E. coli O157:H7 à partir d'un inoculum en phase exponentielle (a et b) oustationnaire (c, d, e). Les courbes correspondent aux modèles [80] (a et b) ou [81] (c,d,e).

Les hypothèses lagp=lagm ; N0p=N0m et µp=µm ont été acceptées au risque 5%. Ce modèle corres-

pond bien à trois couples culture pure/culture mixte de E. coli O157:H7. Pour le quatrième bloc, lenombre de points expérimentaux ne permettait pas une bonne exploitation.

Enfin, dans certains cas, l'hypothèse µp=µm=µ2m pourrait également être acceptée, c'est-à-dire que la

deuxième phase de croissance exponentielle a le même taux de croissance que la première.

Page 123: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

123

Bilan

Effet de l'état physiologique initial

Pour E. coli K12, il est apparu que l'état physiologique initial de la bactérie a un effet sur les pa-ramètres de croissance. A partir d'un inoculum en phase stationnaire, le temps de latence est de l'or-dre d'une heure alors qu'il est négligeable à partir d'un inoculum en phase exponentielle. De plus, ilsemble que le taux de croissance à partir d'un inoculum en phase exponentielle (moyenne des esti-mations en culture pure : 0,646h-1) soit inférieur au taux de croissance à partir d'un inoculum enphase stationnaire (estimé à 0,785 h-1). Cette hypothèse est confirmée par le fait que le test desmodèles emboîtés rejette le modèle général, regroupant les 10 jeux de données de cultures pures deK12, imposant le même taux de croissance à toutes les cinétiques (avec des lag différents selonl'état initial, et des log(N0) différents pour chaque cinétique). Toutefois, ce résultat doit être inter-prété avec précaution du fait de la variabilité artefactuelle des cinétiques de K12 à partir d'un ino-culum pur en phase exponentielle. En effet, une plus grande hétérogénéité des taux de croissance estapparue à partir d'inoculums en phase exponentielle. L'effet bloc était significatif dans le cas d'ino-culums en phase exponentielle (hypothèse d'égalité des µ rejetée au niveau 5%) mais pas dans le casd'inoculums en phase stationnaire. Cela pourrait être dû à une hétérogénéité des inoculums, ce quirejoint une observation déjà relevée au laboratoire : il est plus difficile d'obtenir des croissancesrépétables à partir d'inoculums en phase exponentielle qu'à partir d'inoculums en phase stationnaire.

Des conclusions similaires pourraient êtres tirées des cinétiques de E. coli O157:H7 même si lesmodèles de dynamique de croissance simples (modèle exponentiel avec ou sans latence) n'ont puêtre ajustés.

Mise en évidence de l'anomalie de croissance de E. coli O157:H7

Des particularités de la croissance de E. coli O157:H7 en milieu liquide synthétique ont été misesen évidence. Cette souche ne semble pas suivre le modèle classique (représenté ici par E. coli K12)de croissance exponentielle. En cultures pures, des modèles à deux ou trois phases de croissancedistinctes seraient plus appropriés.

Le même phénomène a été observé pour les cinétiques obtenues par cytométrie sur filtre (résultatsnon présentés).

Mise en évidence de l'interaction entre E. coli K12 et E. coli O157:H7

Aucun couple culture pure/culture mixte de E. coli K12 n'a permis de mettre en évidence une diff-érence significative (si ce n'est dans un cas une différence artefactuelle de N0) entre les deux cinéti-ques. Que ce soit à partir d'un inoculum en phase exponentielle ou en phase stationnaire, il sembleque les paramètres de croissance de E. coli K12 en culture mixte ne soient pas significativementdifférents des paramètres de croissance en culture pure. Il n'y aurait donc pas d'effet significatif dela présence et de la croissance parallèle de E. coli O157:H7 sur les paramètres de croissance lag et µde E. coli K12.

En revanche, la combinaison E. coli O157:H7 en phase exponentielle/E. coli O157:H7 en phasestationnaire est la seule (sur 4) pour laquelle l'hypothèse que les cinétiques pures et cinétiques mix-

Page 124: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

124

tes soient superposables est acceptable. Dans tous les autres cas, la croissance en culture mixte estplus rapide qu'en culture pure.

J'ai donc mis en évidence une interaction entre E. coli K12 et E. coli O157:H7, caractérisée par uneffet neutre de E. coli O157:H7 sur la croissance de E. coli K12 et un effet positif de E. coli K12 surla croissance de E. coli O157:H7. Dans la classification d'Odum (1953), une telle interaction est uncommensalisme.

III.1.4. EFFET DE LA METHIONINE ET ANOMALIE

La première phase de l'étude a permis de mettre en évidence en milieu minimum synthétique uneanomalie de croissance de E. coli O157:H7 et un commensalisme, avec effet positif de E. coli K12sur la croissance de E. coli O157:H7. L'anomalie de croissance de E. coli O157:H7 en milieu mini-mum synthétique pourrait être due à une carence en un nutriment non indispensable, nutriment quilui serait fourni par E. coli K12 en culture mixte. La deuxième phase de l'étude a visé à identifiercette substance et à généraliser les observations à un plus grand nombre de souches.

Caractérisation sur deux souches

Dans un premier temps, les deux souches utilisées préalablement ont été étudiées.

Supplémentation du milieu en acides aminés

En milieu complet (de type bouillon cœur cervelle) et un milieu minimum supplémenté en acidesaminés, aucune anomalie de croissance n'a été détectée (résultats non présentés). Différents mélan-ges d'acides aminés (regroupés par voies de biosynthèse) ont alors été testés (cf. Figure 24). Le mi-lieu était le milieu de référence des expériences précédentes (milieu de Neidhart supplémenté avec0,1g/L de glucose) supplémenté avec 1 ou plusieurs acides aminés. Le suivi se faisait par turbi-dimétrie, en utilisant le MS2 (cf. p. 96).

L'anomalie de croissance en milieu minimum apparaît très nettement sur ce graphe. En présence detous les acides aminés de la voie de biosynthèse de la méthionine (Asp+Asn+Mét+Thr+Iso+Lys), lacroissance est très proche d'une cinétique exponentielle, alors que les autres mélanges d'acidesaminés testés n'apportait aucune modification par rapport au milieu minimum. Au sein des acidesaminés de la voie de biosynthèse de la méthionine, la méthionine, à elle seule, peut très nettementcorriger l'anomalie.

Page 125: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

125

Asp+Asn+Mét+Thr+Iso+Lys

Mét

Milieu minimum ou autres acides aminés

0,1

0,01

0,001

Absorbance

Temps (minutes)

2000 400 800600 1000 1200

Figure 24. Représentations sur une échelle semi-logarithmique de cinétiques de croissance de E. coli O157:H7 en milieuminimum supplémenté en différents mélanges d'acides aminés.

Comparaison méthionine / culture mixte

En utilisant les techniques de cultures en flacons de type Erlenmeyer et de dénombrements surboîtes, cet effet positif de la méthionine sur la croissance de E. coli O157:H7 (inoculum en phasestationnaire) a été confirmé. Il apparaît que la supplémentation en méthionine (100 mg/L) agit si-milairement à la co-croissance de E. coli K12. En effet le modèle de croissance qui s'ajuste le mieuxaux données est similaire à celui utilisé pour modéliser simultanément cinétiques en cultures pure etmixte :§ en présence de méthionine : croissance exponentielle au taux de croissance µm après une latence

lagm ;§ en absence de méthionine : latence lagp puis croissance exponentielle au taux de croissance µp,

puis arrêt de croissance, puis deuxième croissance exponentielle au taux de croissance µp2.

Les hypothèses lagp=lagm ; N0p=N0m et µp=µm=µp2 ont été acceptées au risque 5%.

Le modèle est alors le suivant :§ avec méthionine :

( ) ( )( ) ( )��

���

−+=

≤=

)lagt()10ln(

ì0NlogNlog

lagtsi0NlogNlog

[82]

§ sans méthionine :

( ) ( )( ) ( )

( ) ( )

( ) ( )����

����

?−+−+=

≤≤−+=

≤≤−+=

≤=

acctsi)acct()10ln(

ì)lagral(

)10ln(ì

0NlogNlog

acctralsi)lagral()10ln(

ì0NlogNlog

raltlagsi)lagt()10ln(

ì0NlogNlog

lagtsi0NlogNlog

[83]

L'adéquation du modèle aux données a été jugée satisfaisante (cf. Figure 25).

Page 126: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

126

0 2 4 6 8

6

7

8

log(N)

Temps (h)10

9

5

Figure 25. Cinétiques en milieu minimum sans méthionine ( ) ou avec ( ) de E. coli O157:H7 à partir d'un inoculum en stationnaire.

Cette deuxième phase du travail a donc permis de mettre en évidence que l'anomalie de croissancede E. coli O157:H7 en milieu minimum synthétique est levée par la méthionine. L'anomalie pourraitdonc résulter d'une carence en méthionine. De plus, il est apparu que l'effet de la supplémentationen méthionine est similaire à celui de E. coli K12, ce qui peut laisser penser qu'E. coli K12 pourraitfournir de la méthionine (ou une substance proche) à E. coli O157:H7 et que ce serait le mécanismedu commensalisme entre les deux souches.

Généralisation à 51 souches

La suite du travail a consisté à tester un grand nombre de souches pour étudier si le double phéno-type "anomalie de croissance" et "effet positif de la méthionine" serait une caractéristique du séro-type O157:H7 au sein de l'espèce E. coli.

Souches

Au total, 51 souches ont été testées : 36 souches non O157:H7, numérotées de 1 à 36 et 15 souchesO157:H7, numérotées de 37 à 51.

Les souches 1 à 5 sont dites "de référence" :§ souches 1 à 4 : références de catalogue (1 : K12 NC4100 ; 2 : CIP54117 ; 3 : ATCC15223 ; 4 :

ATCC25922)§ souche 5 : la référence O55:H7 de P. Feng (FDA, USA).

Les souches 6 à 18 sont des isolats non vérocytotoxiques de fèces (donc choisis sur des critères"écologiques") :§ souches 6 à 9 : isolats de fèces de veau (CNEVA, Lyon) ;§ souches 10 à 18 : isolats de fèces humains (Hôpital Lyon Sud) ;

Page 127: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

127

Les souches 19 à 36 sont des isolats vérocytotoxiques (donc choisis sur des critères "biochimi-ques") :§ souches 19 à 29 : isolats non O157 non H7 de fèces de veau (Ecole Vétérinaire de Toulouse)

exprimant tous la toxine SLT1 et le facteur d'attachement eae ;§ souche 30 : isolat O157 non H7 de fèces de veau (Ecole Vétérinaire de Toulouse) ;§ souches 31 à 33 : isolats O103:H2 de fèces humains (Hôpital Robert Debré, Paris) ;§ souche 34 et 35 : isolats O157 non H7 de fèces humain pour la 34 et de lait de vache pour la 35

(Institut d'Hygiène, Innsbruck, Autriche) ;§ souche 36 : isolat de fèces humain exprimant la toxine SLT1 et le facteur d'attachement eae

(Hôpital Lyon Sud) ;

Les souches 37 à 41 sont des références O157:H7 de catalogue (37 : ATCC 35150 ; 38 : ATCC43888 ; 39 : ATCC 43895 ; 40 : ATCC 43890 ; 41 : ATCC 43894).

Les souches 42 à 51 sont divers isolats O157:H7 :§ souches 42 à 47 : isolats alimentaires (43 ; 45 ; 46) et cliniques (42 ; 44 ; 47) (bioMérieux, Saint

Louis, USA) ;§ souche 48 et 49 : isolats de fèces humains (Hôpital Edouard Herriot, Lyon) ;§ souches 50 et 51 : isolats de fèces humain (50) et de viande de bœuf émincé (51) (Institut d'Hy-

giène, Innsbruck, Autriche).

La présence de l'antigène O157 a été vérifiée par le système Vidas (bioMérieux) et la présence del'antigène H7 par un système d'immunofluorescence sur filtre. Les souches étaient conservées encryotubes immergés dans l'azote liquide, à -196°C. Avant chaque expérience, deux cultures à 35°Csur gélose Columbia enrichie au sang de mouton (bioMérieux, Marcy l'Etoile France) étaient ef-fectuées. Les gènes de la toxine SLT1 et du facteur d'attachement eae ont été recherchés par PCR.

Cinétiques en milieu minimum et anomalie de croissance

A partir de la deuxième préculture, des suspensions bactériennes en tampon T2 ont été standardis-ées à 1 MacFarland standard puis diluées au centième.

Le système MS2 (cf. p. 96) a été utilisé pour un suivi par turbidimétrie. Pour les représentationsgraphiques, les cinétiques ont été lissées à l'aide de la procédure "ExponentialSmoothing" de Ma-thematica (Wolfram Research, Inc.).

Certaines cinétiques sont parfaitement exponentielles (Figure 26 a et b), d'autres tout à fait anor-males (Figure 26 c et d). Pour les souches O157:H7 et quelques autres, une anomalie de croissancesimilaire à celle décrite précédemment est très clairement observable, et notamment une accéléra-tion finale de la croissance. En raison de la limite de résolution de la turbidimétrie, le début decroissance ne peut être clairement examiné.

Page 128: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

128

4 6 8

Absorbance

(a)

4 6 8

Absorbance

(b)

3 5 7

0,01

0,1

4 6 8 10

(c) (d)

Temps (h)

0,01

0,1

1

0,01

0,1

1

0,001 0,001

0,001

0,01

0,1

0,001

Figure 26. Cinétiques de croissance en milieu minimum de deux E. coli non O157:H7 (a : souche 13 et b : souche : 17) et de deuxE. coli O157:H7 (c : souche 40 et d : souche 42).

Taux de croissance instantané et test sur l'anomalie de croissance

Afin de mieux visualiser l'anomalie de croissance, le taux de croissance instantané a été approximépar un "taux spécifique d'absorbance" :

µ(tn) =

1

yn

yn+1 − yn−1

tn+1 − tn−1

[84] .

Avec µ(tn) le "taux spécifique d'absorbance" (h-1) au temps tn et yn l'absorbance mesurée au temps tn.

Pour les cinétiques parfaitement exponentielles (cf. Figure 27 a et b), le µ instantané était constant

toute la phase de croissance et chutait plus ou moins brutalement à l'entrée en phase stationnaire.En revanche, pour les cinétiques anormales (cf. Figure 27 c et d), le µ instantané augmentait en fin

de phase de croissance avant de chuter brutalement.

4 6 8

1

4 6 8

1

2 2µ (h-1) µ (h-1)

(b)(a)

3 5 7

1

2

4 6 8 10

1

2µ (h-1) µ (h-1)

(c) (d)

Temps (h)

100 0

00

2 2

12

Figure 27. Evolution du taux de croissance instantané en milieu minimum de deux souches E. coli non O157:H7 (a : souche 13 et b :souche : 17) et de deux souches E. coli O157:H7 (c : souche 40 et d : souche 42).

Toutefois, certaines souches présentaient des cinétiques intermédiaires : ni parfaitement exponen-tielles ni tout à fait anormales.

Afin de caractériser toutes les souches, un test a été conçu pour tester s'il y a une augmentation si-gnificative du µ instantané en fin de phase de croissance. Il s'agit d'un test de Student unilatéral surla pente d'une régression linéaire de µ en fonction du temps. L'évolution du µ instantané n'était étu-

Page 129: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

129

diée qu'entre un seuil technique (absorbance=0,005) en deçà duquel les cinétiques sont trop bruitéeset la décélération (détectée par la décroissance de µ instantané). Ce test permettait de voir si la pente

était significativement positive, c'est-à-dire s'il y avait une augmentation significative du µ instan-tané.

Pour 70% des souches non O157:H7 testées (25 sur 36), les cinétiques suivaient le modèle expo-nentiel classique puisque le test de Student n'a pas décelé d'augmentation significative duµ instantané en fin de croissance (cf. Tableau 14). En revanche, pour 94% des souches O157:H7testées (14 sur 15), ce test a indiqué qu'il y avait une augmentation significative du µ instantané enfin de croissance (cf. Tableau 14).

L'anomalie de croissance en milieu minimum mise en évidence pour une souche O157:H7 au para-graphe III.1.3 n'est donc pas spécifique aux E. coli O157:H7 mais semble tout de même toucherplus particulièrement ce sérotype.

Effet de la supplémentation du milieu minimum en méthionine

De plus, il a été montré plus haut que l'anomalie de cette souche O157:H7 pouvait être corrigée enprésence de méthionine. Il a alors semblé utile de caractériser si l'anomalie de croissance des 30%de souches E. coli non O157:H7 et des 94% de souches E. coli O157:H7 serait également corrigéepar cet acide aminé.

Pour chaque souche présentant une croissance anormale, deux cinétiques ont été réalisées en parall-èle à partir d'inoculums identiques : l'une en milieu minimum et l'autre en présence de méthionine(100mg/L).

Dans le cas des souches O157:H7, l'effet de la méthionine est clairement apparu.

3 5 7

0,01

0,1

4 6 8 10

Absorbance Absorbance

(a) (b)

Temps (h)

0,001

0,01

0,1

0,00112

Figure 28. Cinétiques de croissance en milieu minimum (traits pleins) et en milieu additionné de méthionine (traits pointillés) dedeux E. coli O157:H7 (a : souche 40 et b : souche 42).

Afin de quantifier l'effet de la méthionine, le temps écoulé entre les deux entrées en phase station-naire (détectées par la nullité du µ instantané) a été exprimé comme un pourcentage de la durée de

la phase de croissance (entre l'inoculation et l'entrée en phase stationnaire) en milieu minimum, noté

∆t .

Le double phénotype "anomalie de croissance" (test de Student significatif avec un risque de pre-mière espèce à 5%) et "effet positif de la méthionine" ( ∆t >5%) a été détecté pour 94% (14/15) dessouches O157:H7 ; 22% (4/18) des souches vérocytotoxiques non O157:H7 ; 8% (1/13) des isolatsde fèces non vérocytotoxiques et aucune (0/5) des souches de référence.

Page 130: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

130

Bilan des caractéristiques des 51 souches

Le Tableau 14 récapitule les résultats sur les 51 souches : d'une part la "p-value" (probabilité criti-que) du test unilatéral de Student (les cases grisées correspondant aux p<5% et donc aux anomaliesde croissance significatives) et d'autre part l'effet de la méthionine quantifié par ∆t (les cases griséescorrespondant aux ∆t>5%).

Tableau 14. Résultats sur les 51 souches utilisées dans l'étude.

N° E. coli non O157:H7 p-value t N° E. coli O157:H7 p-value t

1 0,25 37 1.10-8 13%2 0,48 38 3.10-8 86%3 1.10-8 -27% 39 8.10-2 14%

4 2.10-5 -31% 40 4.10-12 10%

5

Souches de référence

6.10-15 4% 41

Souches de référence

3.10-3 16%

6 0,19 42 4.10-8 13%7 0,25 43 2.10-10 18%8 0,53 44 1.10-2 18%9 0,48 45 8.10-3 22%

10 1,00 46 3.10-8 17%

11 1.10-13 3% 47 5.10-2 19%12 0,06 48 3.10-3 7%13 1,00 49 2.10-4 17%14 1,00 50 3.10-16 10%15 0,36 51

Isolats cliniques oualimentaires

0,72

16 1.10-15 8%

17 2.10-37 0%18

Isolats provenant defèces

0,97

19 0,40

20 2.10-6 5%21 0,2022 0,6323 0,1824 0,16

25 1.10-4 8%26 0,82

27 6.10-8 9%28 0,99

29 1.10-7 6%30 0,9931 1,0032 0,4333 0,4434 0,34

35 1.10-4 10%36

Isolats vérocytotoxiques

0,34

Page 131: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.1. E. coli O157:H7 et E. coli K12

131

III.1.5. CONCLUSION

Bilan des résultats expérimentaux

En culture pure en milieu minimum synthétique, j'ai pu mettre en évidence une anomalie de crois-sance d'une souche de E. coli O157:H7. En effet, cette souche ne suivait pas le modèle attendu (etobservé sur une souche E. coli K12) de croissance exponentielle en milieu minimum synthétique.Elle semblait suivre une première phase de croissance exponentielle à un taux de croissance relati-vement rapide (ou du moins attendu en milieu minimum) puis adopter cette même croissance expo-nentielle relativement rapide en fin de croissance mais traverser une phase intermédiaire de ralentis-sement. De plus, la coculture avec E. coli K12 d'une part et la supplémentation en méthionine enméthionine d'autre part permettaient toutes deux de normaliser la croissance.

Les premiers résultats ayant été obtenus sur une souche particulière de E. coli O157:H7, l'investiga-tion a ensuite été élargie à un panel de 51 souches, dont 13 du sérotype O157:H7. Le doublephénotype ("anomalie de croissance" et "correction par la méthionine") a été détectée principale-ment les souches O157:H7. La souche O55:H7 (n°5) liée au sérotype O157:H7 d'après Feng et al.(1998) avait un comportement proche. Ainsi, on pourrait supposer que ce double phénotype caract-érise la branche phylogénétique O55:H7-O157:H7. Toutefois, ce même double phénotype a étéretrouvé pour d'autres souches de E. coli et, plus particulièrement, des souches vérocytotoxiques,mais les souches O157 non H7 ne semblaient pas particulièrement touchées. Il s'est donc avéré im-possible de trouver une corrélation entre ce double phénotype et un trait physiologique, taxonomi-que, biochimique ou écologique.

Discussion sur le rôle de la méthionine

A ma connaissance, une telle morphologie de cinétiques n'avait jamais été décrite et ne peut pas apriori être expliquée par un simple phénomène. En effet une auxotrophie pour un nutriment se tra-duit par une absence totale de croissance en milieu minium, des changements de substrat se tradui-sent par des croissances de moins en moins rapides au cours de la culture. De plus, je peux supposerque la coculture avec E. coli K12 d'une part et la supplémentation en méthionine avaient un effetsimilaire : rétablir ce qui se passe en début et fin de croissance en culture pure en milieu minimum.Ainsi, E. coli K12 pourrait fournir la méthionine à E. coli O157:H7 via le milieu. La phase interm-édiaire lente pourrait être expliquée par une carence en méthionine.

Mais cela ne semble pas être un commensalisme trophique classique. L'interprétation biologiquerequiert vraisemblablement une investigation beaucoup plus fine de mécanismes physiologiquescomplexes, mettant en jeu la méthionine.

La méthionine est un acide aminé soufré dont la synthèse peut impliquer une grande variété de ré-actions et de voies métaboliques, avec au moins une vingtaine de produits intermédiaires.

Page 132: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

132

Cycle de Krebs

Acide aspartique Asparagine

Aspartateβ-semi-aldéhyde

Lysine

Homosérine

Thréonine Isoleucine

Homocystéine

CystéineSérine

Méthionine

Figure 29. Présentation simplifiée de la biosynthèse de la méthionine. D'après Weill (1990).

Outre son rôle comme aminoacide constitutif des protéines, la méthionine est présente dans l'initia-tion de la biosynthèse protéique et est surtout un fournisseur de groupements méthyle. C'est en faitla S-adénosyl-méthionine (méthionine activée par l'ATP) qui participe aux processus de trans-méthylation. Ce mécanisme intervient par exemple dans les biosynthèses de la choline, de la créa-tine et de l'adrénaline ou dans la méthylation des bases rares des ARN de transfert (Weill, 1990). Deplus, la méthionine a un rôle catalytique important au niveau du site actif de nombreuses enzymes(Griffith, 1987). Enfin, nos résultats peuvent être rapprochés de ceux d' Andersen et al. (1998). Ilsont en effet montré que les mutants de Pseudomonas syringae dépourvus des gènes met X et metW, responsables de la prototrophie pour la méthionine avaient une moins bonne fitness épiphytique.Ils suggéraient alors un rôle de la synthèse de méthionine dans la tolérance bactérienne au stress.

De plus, la proximité métabolique entre homosérine lactone (HSL) et méthionine est à relever. Il y aune proximité structurelle avec des signaux extra-cellulaires impliqués dans la détection par chaquecellule de la densité microbienne dans l'environnement : ce sont des molécules de "quorum sen-sing". En raison de leur effet sur leurs propre synthèse, ces HSL acylés sont souvent considéréscomme auto-inducteurs (Zambrano & Kolter, 1996). Les phénomènes décrits ici pourraient ainsiêtre rapprochés de ceux impliqués dans le quorum sensing.

Néanmoins, aucune de ces hypothèses biologiques n'a été approfondie. Le but de ce travail étaitessentiellement de démontrer l'existence de ce phénomène inattendu. Une interprétation biologiquecomplète aurait requis des outils complémentaires.

Enfin, l'intérêt de la modélisation de la croissance dans la démarche physiologique d'étude de lacroissance est discuté dans la quatrième partie.

Page 133: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

133

III.2. MRSA-KT ET MRSA-KTG

La deuxième étude présentée ici a été réalisée en collaboration avec Frédéric Laurent (Faculté de Méde-

cine Lyon Sud) et Hervé Lelièvre (Centre National de Référence des Toxémies à Staphylocoques, Faculté

de Médecine Rockefeller, Lyon) et a donné lieu à une publication soumise à Journal of Antimicrobial Che-

motherapy et à deux communications. Elle se fonde essentiellement sur la notion d'avantage sélectif.

III.2.1. INTRODUCTION

Contexte médical

Les Staphylococcus aureus font partie de la flore normale de nombreux individus porteurs asymp-tomatiques. Toutefois, les infections à Staphylococcus aureus sont très fréquentes et se manifestentsous des aspects cliniques variés (manifestations cutanées, suppurations, septicémies etc.). Il existede nombreux antibiotiques actifs contre ces pathogènes. Les principaux antistaphylococciques uti-lisés sont les bêta-lactamines et les aminosides. Mais les staphylocoques ont montré très tôt unefacilité d'adaptation aux antibiotiques et ont développé de nombreux mécanismes de résistances.

La résistance à l'ensemble des bêta-lactamines (appelée méticillino-résistance) est due à la synthèsed'une PLP (protéine de liaison à la pénicilline) d'affinité faible pour les bêta-lactamines. Les Sta-phylococcus aureus méticillino-résistants (MRSA) sont apparus au Royaume-Uni au début des ann-ées 1960 et sont devenus endémiques dans de nombreux pays depuis le milieu des années 1970.

Les résistances aux aminosides sont dues à la production par les staphylocoques d'enzymes inacti-vatrices. Parmi les MRSA, deux phénotypes principaux de résistances ont été décrits (Aubry-Damon et al., 1997 ; Lelièvre et al., 1999) :§ phénotype KT (résistance à la kanamycine, tobramycine, sensibilité à la gentamicine) induit par

la présence d’une enzyme de type aminoglycoside nucleotidyltransférase ANT(4'),§ phénotype KTG (résistance à la kanamycine, tobramycine et gentamicine) induit par la présence

d’une enzyme bifonctionnelle aminoglycoside phosphotransférase ; aminoglycoside acétyltrans-férase AAC(6’)-APH(2’’).

Problématique

Les Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (MRSA) posent un problème épidémiologiquemajeur, notamment dans des contextes hospitaliers (infections nosocomiales). Jusqu'en 1990, la trèsgrande majorité des souches épidémiques en Europe occidentale était caractérisée par une résistancehomogène à la méticilline et une résistance à de nombreux antibiotiques et en particulier à tous lesaminosides (phénotype MRSA-KTG). En 1992, de nouvelles souches de MRSA caractérisées parune résistance hétérogène à la méticilline et une sensibilité à la gentamicine (phénotype MRSA-KT)sont apparues en France (Aubry-Damon et al., 1997 ; Lemaitre et al., 1998). Au cours de la décen-nie, l'incidence de ce nouveau phénotype MRSA-KT a augmenté partout en France, jusqu'à sup-

Page 134: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

134

planter le phénotype MRSA-KTG, tandis que la prévalence totale des MRSA restait stable (Lelièvreet al., 1999, cf. Figure 30). Une telle évolution a été décrite dans d'autres pays européens (Murchanet al., 1998).

Figure 30. D'après Lelièvre et al., 1999. u : pourcentage de MRSA parmi l'ensemble des souches de S. aureus isolées chaque année.n : pourcentage de MRSA-KT parmi les MRSA isolées chaque année. o : pourcentage de MRSA-KTG parmi les MRSA isoléeschaque année. Hôpital A : Paris, 548 souches de S. aureus isolées par an en moyenne. B : Paris, 1839/an. C : Paris, 1321/an. D :Lille : 952/an. E : Lyon, 1188/an. F : Bordeaux, 2425/an. G : Fort-de-France, 612.

Ce phénomène va à l'encontre des tendances classiquement observées pour les souches responsablesd'infections nosocomiales. En effet la pression de sélection par les antibiotiques entraîne une sélec-tion des souches résistantes). En revanche, la diminution de la résistance à un antibiotique ne peuts'expliquer que par la conjonction d'une levée de la pression de sélection (diminution de l’utilisationde cet antibiotique) et de l’existence d'un avantage sélectif conféré par la sensibilité à cet antibioti-que, c’est-à-dire d’un désavantage sélectif dû à la résistance (Schrag et al., 1997 ; Lenski, 1997).

Dans cette perspective, Aubry-Damon et al. (1997) ont bien mis en évidence une diminution mar-quée de la consommation de gentamicine à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil, 91) entre 1983 et 1987.Toutefois, cette observation peut difficilement être généralisée à l'ensemble des hôpitaux français.De plus, la réapparition d'une résistance hétérogène à la méticilline ne peut être directement expli-quée par la seule modification de la consommation en aminoglycosides.

Quoi qu'il en soit, la levée de la pression de sélection défavorisant les MRSA-KT par rapport auxMRSA-KTG ne peut à elle seule expliquer la ré-émergence des MRSA-KT. Cette explication nepeut être avancée que s'il existe également un avantage pour les souches sensibles à la gentamicine,c'est-à-dire une pression de sélection défavorable aux MRSA-KTG au bénéfice des MRSA-KT.

Aucune étude n'a considéré à ce jour la question de la ré-émergence des MRSA sous cet angle. Or ilétait impossible d’affirmer a priori que la résistance à la gentamicine constitue un fardeau généti-que (cf. p. 52), puisque cette résistance est portée par un transposon (et non un plasmide), ni qu’elle

Page 135: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

135

induise un coût métabolique supplémentaire, puisque le nombre de molécules impliquées dans lephénotype KT est le même que le nombre de molécules impliquées dans le phénotype KTG.

Objectifs de l'étude

L'objectif de cette étude a donc été d'étudier les caractéristiques de croissance (prises comme repr-ésentatives de la fitness) des clones de MRSA français et de comparer les anciens MRSA-KTG auxnouveaux MRSA-KT, avec comme témoins les S. aureus sensibles à la méticilline (MSSA). Il a étédemandé à 24 laboratoires hospitaliers français répartis sur toute la métropole d'envoyer chacun uneou deux souches MRSA-KT et une ou deux souches MRSA-KTG isolées chez des patients entre1996 et 1998.

Cette étude était associée à des aspects plus physiologiques et génétiques qui ne seront pas détaillésici, puisqu'ils ne s'inscrivent pas dans ce projet de thèse. En particulier, l'équipe de Jérôme Etienne(Centre National de Référence des Toxémies à Staphylocoques), a pu mettre en évidence que lephénotype MRSA-KT se décomposait en deux pulsotypes principaux notés MRSA-KT-A etMRSA-KT-B. Seules les méthodes et les résultats relatifs à la modélisation de la croissance et à laquestion de l'avantage sélectif sont explicités ici. Le lecteur pourra, pour plus de détails sur l'en-semble de cette étude, se reporter à la publication.

III.2.2. APTITUDES DE CROISSANCE EN CULTUREPURE

Dans un milieu de culture

Souches bactériennes

Au total, 67 souches MRSA ont été intégrées dans l'étude. L'enquête auprès des laboratoires hospi-taliers français a permis de rassembler 20 souches MRSA-KT-A (numérotées MRSA-KT-A-1 àMRSA-KT-A-20), 13 MRSA-KT-B (numérotées MRSA-KT-B-1 à MRSA-KT-B-13) et 22 souchesMRSA-KTG (numérotées MRSA-KTG-1 à MRSA-KTG-22). De plus, 12 souches de S. aureussensibles à la méticilline (numérotées MSSA-1 à MSSA-12) isolées dans les hôpitaux Lyon-Sud etLouis Pradel (Lyon) ont été intégrées dans le protocole comme souches témoin. Les souches étaientconservées à -196°C dans un mélange milieu cœur cervelle + 10% glycérol.

L'identification de genre et d'espèce (S. aureus) a été confirmée pour toutes les souches par l'apti-tude à coaguler le plasma de lapin citraté et à produire un facteur d'attachement du fibrinogène(Flandrois & Carret, 1981).

Cinétiques de croissance

Pour chaque souche, deux précultures successives ont été effectuées sur gélose Columbia à 5% desang de mouton (bioMérieux, Marcy l'Etoile ; France) à 35°C pendant 24 heures. A partir des se-

Page 136: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

136

condes précultures, une suspension bactérienne de chaque souche a été réalisée en tampon T2(Meynell & Meynell, 1970), dont la composition figure dans le Tableau 6 page 113. Les suspen-sions ont été ajustées à 1 MacFarland à l'aide du néphélémètre (ATB 1550, bioMérieux, Marcyl'Etoile), ce qui correspondait à environ 3.108 bactéries/mL. Puis 50µL de cette suspension ont été

dilués dans 5mL de bouillon cœur cervelle (bioMérieux) pour atteindre une concentration initialethéorique de 3.105 bactéries/mL. La croissance était suivie au MS2 (cf. p. 96). Chaque souche a étécultivée en double (deux cinétiques dans deux puits différents).

Estimation des taux de croissance

La transmission était mesurée toutes les 5 minutes et l'évolution de l'absorbance est calculée à partirde ces données selon un algorithme développé dans l'équipe du Pr. Flandrois (Corman et al., 1986).Pour chaque souche, un suivi du taux de croissance instantané au cours du temps a été réalisé. Letaux de croissance instantané à chaque instant i a été estimé par régression selon le modèle [85]sur 12 absorbances mesurées (soit 1 heure).

∀ j [ i , i+ 11]: Abs j = Absi eµi 5 ( j−i) [85]

Avec Abs i l'absorbance au i-ème instant ; µi le taux de croissance instantané au i-ème instant et 5 (j-i) le temps écoulé enminutes entre le i-ème instant et le j-ème instant.

L'évolution du taux de croissance au cours du temps a permis de déterminer pour chaque cinétiqueun taux de croissance maximal qui a ensuite été converti en temps de génération. Le temps degénération retenu pour chaque souche est une moyenne des deux temps de génération estimés àpartir des deux cinétiques.

Le Tableau 15 récapitule les temps de génération moyens obtenus pour chacune des 67 souches etla Figure 31 les présente sous forme d'histogrammes. Les MRSA-KT-A et les MSSA ont présentéles croissances les plus rapides, tandis que les MRSA-KT-B et les MRSA-KTG ont présenté lescroissances les plus lentes.

Page 137: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

137

Tableau 15 : Temps de génération des 67 souches (minutes). Chaque valeur est la moyenne des deux temps de génération estimés (unpar cinétique). Pour chaque groupe, sont indiqués la moyenne, la médiane, les valeurs extrêmes et l'écart-type estimé.

N° MRSA-KT-A MRSA-KT-B MRSA-KTG MSSA

1 23,1 29,1 27,7 22,4

2 20,9 28,1 29,6 22,8

3 24,0 30,0 30,8 22,4

4 21,9 31,2 28,6 22,0

5 22,2 28,7 30,8 23,1

6 22,5 37,6 33,1 22,3

7 22,1 32,8 32,8 23,8

8 24,8 33,1 30,6 23,9

9 22,1 29,2 28,7 23,9

10 23,5 23,5 30,0 22,6

11 24,2 32,5 30,6 23,0

12 22,9 55,0 28,9 22,6

13 26,9 30,9 28,5

14 22,9 29,6

15 29,0 27,2

16 24,8 29,0

17 24,7 41,2

18 25,3 34,3

19 23,4 28,7

20 22,1 22,3

21 32,8

22 32,4

Moyenne 23,6 32,5 30,4 22,9

Médiane 23,2 30,9 29,8 22,7

Minimum 20,9 23,5 22,3 22,1

Maximum 29,0 55,0 41,2 23,9

Ecart-type 1,9 7,5 3,5 0,6

Page 138: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

138

0

2

4

6

8

10

12

20-22 22-24 24-26 26-28 28-30 30-32 32-34 >34

Classes : temps de génération (min)

Eff

ecti

f p

ar c

lass

e

MSSA

MRSA-KT-A

MRSA-KT-B

MRSA-KTG

Figure 31. Temps de génération des 67 souches (minutes). Chaque classe correspond a un pas de 2 minutes.

Analyse statistique de type ANOVA 1

Une analyse de la variance à un facteur à 4 modalités : MSSA, MRSA-KTG, MRSA-KT-A,MRSA-KT-B) a permis de tester l'effet "type". Cette analyse a été réalisée à l'aide de la procédureANOVA du logiciel Statistical Analysis System® (SAS Institute Inc., Cary, North Carolina).

Une analyse de la variance à 1 facteur (cf. Tableau 16) a confirmé que le facteur "type" (c'est-à-direMRSA-KT-A, MRSA-KT-B, MRSA-KTG ou MSSA) avait un effet significatif (p<0,0001).

Source de variation SCE ddl CME Fobs p-value

Factorielle

Résiduelle

1054.62351

1006.51856

3

63

351.54

15.98

22 < 0.0001

Tableau 16. Table d'analyse de la variance à 1 facteur (groupe) des résultats présentés dans le Tableau 15.

D'après une procédure de Bonferonni, il existe des différences significatives (p<0,0001) de tempsde génération entre d'une part les MRSA-KT-A et les MSSA et d'autre part les MRSA-KT-B et lesMRSA-KTG.

Extension à différents milieux de culture

Les résultats obtenus sur 67 souches en bouillon cœur-cervelle ont donc permis de mettre en évi-dence une différence significative entre d’une part souches sensibles à la méticilline et souchessensibles à la gentamicine et de pulsotype A et d’autre part souches résistantes à la gentamicine etsouches sensibles à la gentamicine et de pulsotype B. Afin de généraliser ces observations, une exp-érience complémentaire sur un nombre limité de souches mais dans quatre milieux différents a étéréalisée.

Page 139: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

139

Souches bactériennes

Au total, 11 souches ont été intégrées dans l'étude :§ 3 souches sensibles à la gentamicine et de pulsotype A : MRSA-KT-A-4, MRSA-KT-A-5, et

MRSA-KT-A-9.§ 3 souches sensibles à la gentamicine et de pulsotype B : MRSA-KT-B-1, MRSA-KT-B-3, et

MRSA-KT-B-4.§ 3 souches résistantes à la gentamicine : MRSA-KTG-5, MRSA-KTG-14, et MRSA-KTG-22.§ 2 souches sensibles à la méticilline : MSSA-3, MSSA-2.

Ces souches ont été choisies aléatoirement parmi les groupes de souches du protocole présenté ci-avant.

Cinétiques de croissance

Le protocole était identique au précédent mais chaque souche a été cultivée en double dans chacundes quatre bouillons suivants :§ BCC : bouillon cœur cervelle§ BMH : bouillon de Müller-Hinton§ LB : bouillon de Luria-Bertani§ BTS : bouillon trypticase soja

Estimation des taux de croissance

Le taux de croissance maximal a été déterminé par un ajustement du modèle exponentiel pour lesabsorbances compris entre 0,015 et 0,15.

Le temps de génération retenu pour chaque souche dans chaque milieu est une moyenne des deuxtemps de génération estimés.

Le Tableau 17 récapitule les temps de génération obtenus pour chacune des 11 souches, dans lesquatre milieux. Il est apparu que, quel que soit le milieu, les MRSA-KT-A et les MSSA ont descroissances rapides, tandis que les MRSA-KT-B sont plus lents et les MRSA-KTG encore pluslents.

Page 140: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

140

Tableau 17. Temps de génération des 11 souches (minutes) dans les 4 milieux. BCC : bouillon cœur cervelle. BMH : bouillon deMüller-Hinton. LB : bouillon de Luria-Bertani. BTS : bouillon trypticase soja. ∞ : Il manque trois valeurs (pas de croissance signifi-cative en LB). / : L'une des cinétiques de MRSA-KTG-5 en BCC n'a pu être interprétée.

Milieu de culture

Souche BCC BMH LB BTS

MRSA-KT-A-4 21,4-20,9 32,7-33,2 21,8-22,2 23,2-22,5

MRSA-KT-A-5 21,3-21,6 34,4-31,9 23,6-∞ 24,2-24

MRSA-KT-A-9 20,9-21,3 33,5-41,3 23,8-24,0 23,3-24,1

MRSA-KT-B-1 27,1-27,5 33,5-33,7 30,5-30,7 35,0-33,2

MRSA-KT-B-3 26,2-24,3 35,8-35,1 28,6-29,3 30,8-31,2

MRSA-KT-B-4 24,2-24,2 34,1-35,2 ∞-∞ 25,7-27,2

MRSA-KTG-5 28,5-/ 59,9-59,1 29,7-29,4 31,1-31,2

MRSA-KTG-14 27,7-28,1 40,7-41,1 29,7-29,9 29,6-29,4

MRSA-KTG-22 29,1-30,7 55,2-55,6 31,3-23,0 32,3-30,7

MSSA-2 21,4-21,8 37,8-38,6 24,0-23,8 23,3-24,1

MSSA-3 19,8-20,4 31,9-33,1 21,3-22,4 22,4-20,0

Analyse statistique de type ANOVA 2

Une analyse de la variance à deux facteurs a été réalisée à l'aide de la procédure GLM du logicielStatistical Analysis System (SAS Institute Inc., Cary, North Carolina). Les deux facteurs étaient le"milieu de culture" à 4 modalités (BCC, BMH, BTS, LB) et le "type" à 4 modalités : MSSA,MRSA-KTG, MRSA-KT-A, MRSA-KT-B). Le choix de la procédure GLM et non de la procédureANOVA s'explique par la présence de données manquantes et donc la nécessité d'estimer lesmoyennes.

L'effet du facteur "type" s'est révélé significatif (p<0.0001). Les temps de génération moyens es-timés étaient : 25,4 min pour les MSSA, 25,4 min pour les MRSA-KT-A, 30,1 min pour les MRSA-KT-B et 35,3 min pour les MRSA-KTG.

III.2.3. AVANTAGE SELECTIF EN CULTURES MIXTES

Il avait été pressenti que les souches sensibles à la gentamicine pourraient avoir une croissance plusrapide que les souches résistantes. Dans le cas du pulsotype A (représentant environ la moitié dessouches MRSA-KT), ce résultat a été confirmé. Le cas du pulsotype B est moins clair. Restait àdémontrer que cet avantage sélectif des MRSA-KT-A sur les MRSA-KTG puisse se traduire par unsurpassement effectif en culture mixte.

Deux expériences sont décrites ici : d’une part le suivi de l’évolution relative tout au long d’uneculture mixte d’un couple MRSA-KT-A/MRSA-KTG, d’autre part une étude en point final sur 8couples MRSA-KT-A/MRSA-KTG. Une approche par simulation est ensuite présentée pour inter-préter ces différents résultats expérimentaux.

Page 141: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

141

Evolution relative des deux populations en culture mixte

Souches bactériennes

L'étude a porté sur deux souches de Staphylococcus aureus choisies aléatoirement parmi les grou-pes de souches MRSA-KT-A et MRSA-KTG du protocole présenté ci-avant.§ souche MRSA-KT-A-9, résistante à la kanamycine et tobramycine, pulsotype A,§ souche MRSA-KTG-22 résistante à la kanamycine, tobramycine et gentamicine.

Cultures

Trois cultures mixtes dans des conditions identiques ont été menées en parallèle, dans trois bains-marie voisins. Trois flacons de type Erlenmeyer contenant 200mL de bouillon cœur cervelle (BCC,bioMérieux) et un barreau magnétique permettant l'agitation, ont été placés chacun dans un bain-marie thermostaté à 37°C ± 0,1°C. Après stabilisation de la température intérieure, les trois flaconsont été inoculés de façon strictement identique.

Au préalable, deux précultures successives de chaque souche avaient été effectuées sur gélose Co-lumbia à 5% de sang de mouton (bioMérieux, Marcy l'Etoile ; France) à 35°C pendant 24 heures. Apartir des secondes précultures, une suspension bactérienne de chaque souche dans du BCC a étéajustée à 1 MacFarland à l'aide du néphélémètre (ATB 1550, bioMérieux, Marcy l'Etoile), ce quicorrespondait à environ 3.108 cellules/mL théoriquement. Puis chaque flacon a été inoculé par 2mLde la dilution au 1/100 de la suspension de MRSA-KT-A et 2mL de la dilution au 1/100 de la sus-pension de MRSA-KTG.

Toutes les 45 minutes, 1mL de bouillon environ a été prélevé avec une seringue à l'aide d'une ai-guille spinale plongeant dans le bouillon de culture, et ce pour chacune des trois cultures. Ledénombrement des cellules viables a été réalisé en ensemençant 100µL d'une dilution appropriée

dans le tampon T2 sur deux géloses Columbia (pour le dénombrement total) et sur deux gélosesColumbia additionnées de gentamicine à 32 mg/L (pour le dénombrement spécifique).

Modèles de croissance

Le modèle de croissance de Baranyi a été ajusté à chaque triplet de cinétiques.

D'après la superposition des cinétiques expérimentales et des cinétiques (Figure 32 a) ajustées et lesgraphes des résidus (Figure 32 b et c), les ajustements sont visuellement satisfaisants.

Le Tableau 18 et le Tableau 19 présentent les estimations des paramètres des cinétiques accom-pagnés de leurs intervalles de confiance pour chacune des deux souches.

Page 142: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

142

0 2 4 6

4

5

6

7

8

2 4 6 2 4 6

-2

-1

0

1

2

Résidus standardisésRésidus standardisés

log (x)

Temps (h)

Temps (h)

(a)

(b) (c)

-2

-1

0

1

2

Figure 32 : Ajustement du modèle de Baranyi. (a) Cinétiques de croissance des deux souches, clair : MRSA-KTG, foncé : MRSA-KT-A. (b) Graphe des résidus pour la souche MRSA-KTG. (c) Graphe des résidus pour la souche MRSA-KT-A.

Tableau 18. Intervalles de confiance sur l'estimation des paramètres des cinétiques de la souche MRSA-KTG.

Intervalles de confiances

Paramètre Estimation Par linéarisation Par Jackknife D'après région de Beale

log(N0) 3,96 [3,88 ; 4,02] [3,89 ; 4,01] [3,85 ; 4,06]

lag 1,08 [0,90 ; 1,27] [0,92 ; 1,26] [0,80 ; 1,32]

µ 1,5814 [1,52 ; 1,64] [1,52 ; 1,65] [1,49 ; 1,68]

log(Nm) 7,75 [7,57 ; 7,89] [7,63 ; 7,85] [7,54 ; 8,12]

Tableau 19. Intervalles de confiance sur l'estimation des paramètres des cinétiques de la souche MRSA-KT-A.

Intervalles de confiances

Paramètre Estimation Par linéarisation Par Jackknife D'après région de Beale

log(N0) 4,26 [4,15 ; 4,34] [4,19 ; 4,32] [4,11 ; 4,38]

lag 0,96 [0,78 ; 1,14] [0,80 ; 1,12] [0,71 ; 1,24]

µ 2,0415 [1,96 ; 2,12] [1,96 ; 2,13] [1,93 ; 2,18]

log(Nm) 9,07 [8,80 ; 9,20] [8,90 ; 9,18] [8,83 ; 9,33]

Ces résultats ont confirmé que la souche MRSA-KTG est plus lente que la souche MRSA-KT-A :temps de latence plus long (toutefois, les intervalles de confiance se recouvrent, cette différencen'est donc pas significative) et surtout taux de croissance plus faible (sans recouvrement des inter-valles de confiance).

14 Soit un temps de génération de 26,18 minutes. 15 Soit un temps de génération de 20,35 minutes.

Page 143: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

143

Etude en point final

La deuxième étude a mis en jeu un plus grand nombre de cultures mais seuls les dénombrementsinitiaux et finaux ont été effectués.

Souches bactériennes

L'étude a porté sur 6 souches de Staphylococcus aureus, choisies aléatoirement parmi les groupesde souches MRSA-KT-A et MRSA-KTG du protocole présenté ci-avant.§ 3 souches sensibles à la gentamicine et de pulsotype A : MRSA-KT-A-4, MRSA-KT-A-5, et

MRSA-KT-A-9.§ 3 souches résistantes à la gentamicine : MRSA-KTG-5, MRSA-KTG-14, et MRSA-KTG-22.

Cultures

Neuf cultures mixtes ont été réalisées, toutes les combinaisons d'une souche MRSA-KT avec unesouche MRSA-KTG ayant été testées.

Pour chaque souche, deux précultures successives avaient été effectuées sur gélose Columbia à 5%de sang de mouton (bioMérieux) à 35°C pendant 24 heures. A partir des secondes précultures, unesuspension bactérienne de chaque souche a été réalisée dans du tampon T2. Les suspensions ontensuite été ajustées à 1 MacFarland à l'aide du néphélémètre, ce qui correspondait à environ 3.108

ufc/mL. Puis neuf cuves en quartz contenant 3mL de BCC ont été inoculées avec 30µL de suspen-sion de MRSA-KTG et 30µL de suspension de MRSA-KT-A (une combinaison de souche diff-

érente par cuve). Les cuves ont été placées dans un système automatisé de suivi de l'absorbance entemps réel (UVIKON, cf. p. 96).

Dénombrement

Pour chaque culture, un prélèvement a été réalisé en début de culture (juste après l'inoculation) et enfin de culture (à l'entrée en phase stationnaire, appréciée grâce au suivi de l'absorbance en tempsréel). Le dénombrement des cellules viables a été réalisé en ensemençant 100µL d'une dilution ap-

propriée dans le tampon T2 sur cinq géloses Columbia (dénombrement total) et sur cinq gélosesColumbia additionnées de gentamicine à 32 mg/L (dénombrement spécifique).

Résultats

Les dénombrements initiaux et finaux ont permis de quantifier la proportion de cellules MRSA-KT-A en début de culture et à l'entrée en phase stationnaire. Cette proportion a dans chaque cas forte-ment augmenté, pour dépasser 90% à l'entrée en phase stationnaire. Cette étude a permis de confir-mer que, quel que soit le couple de souches, la souche MRSA-KT-A surpassait systématiquement lasouche MRSA-KTG.

Page 144: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

144

Tableau 20. Résultats de l'étude en point final. Les populations totales initiale et finale (exprimé en ufc/mL) correspondent auxmoyennes de cinq dénombrements sur géloses Columbia (sans antibiotiques). Chaque ratio πA mesuré correspond au rapport entre lenombre de cellules MRSA-KT-A (différence entre une moyenne de cinq dénombrements sur géloses Columbia et une moyenne decinq dénombrements sur géloses Columbia+32mg/l de gentamicine) et la population totale. Suite à un artefact, la cinétique MRSA-KT-A-5 + MRSA-KTG-14 n'a pu être interprétée.

Populationtotale initiale

πA initialmesuré

Populationtotale finale

πA final me-suré

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-14 3,81.104 76% 1,03.109 91%

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-5 2,70.104 56% 1,24.109 96%

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-22 3,05.104 60% 9,20.108 97%

MRSA-KT-A-5 + MRSA-KTG-5 3,15.104 57% 7,90.108 92%

MRSA-KT-A-5 + MRSA-KTG-22 3,01.104 58% 8,80.108 91%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-14 2,81.104 72% 1,28.109 92%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-5 3,02.104 54% 1,23.109 97%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-22 2,96.104 59% 1,17.109 97%

Compétition finale

Ces expériences ont d'une part permis de confirmer une différence de fitness entre les différentstypes de S. aureus étudiés (MSSA, MRSA-KT-A, MRSA-KT-B et MRSA-KTG), avec un avantagesélectif présumé d'au moins une partie des MRSA-KT sur les MRSA-KTG. En effet, les MRSA-KT-A ont des temps de générations moyens 20% à 30% inférieurs à ceux des MRSA-KTG et cettedifférence a été significative sur un panel de 67 souches dans un milieu et sur un panel de 11 sou-ches dans 4 milieux. D'autre part, il est apparu en culture mixte MRSA-KT-A versus MRSA-KTGque la quantité relative de MRSA-KT-A augmente très fortement jusqu'à un envahissement du mi-lieu. En effet, la proportion finale de MRSA-KT-A était systématiquement très supérieure à la pro-portion initiale.

Il reste à démontrer que cet envahissement par MRSA-KT-A peut effectivement être le résultat del'avantage sélectif et de l'avantage sélectif seulement (sans autre interaction qu'une simple compéti-tion pour les ressources). La question était donc : la différence de fitness suffit-elle à expliquer unetelle évolution de la proportion ?

Conception d'un modèle dynamique théorique

D'après la Figure 32 (a), il apparaît que les deux souches atteignent la phase de ralentissement puisla phase stationnaire simultanément. Il est donc vraisemblable qu'elles soient toutes deux limitéespar une même ressource (quelle qu'elle soit : un ou plusieurs substrat(s), un ou plusieurs nutri-ment(s) ou même l'espace), pour laquelle elles seraient en compétition. L'hypothèse est donc qu'il yaurait croissance indépendante de chaque souche tant que la ressource n'est pas limitante puis limi-tation de la population totale par la ressource limitante.

Pour modéliser cette croissance conjointe, un modèle a été proposé sur les hypothèses suivantes :

Page 145: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

145

§ accélération de Baranyi pour chaque souche,§ croissance exponentielle pour chaque souche,§ freinage logistique sur la population totale.

Ce modèle s'écrit comme un système de deux équations différentielles.

��

��

−==√√↵

����

+−

+=

−==√√↵

����

+−

+=

1e

10q;0N)0(N;

x

)t(N)t(NN1

e0q1

e0qì

dt

)t(dN

)t(N

1

1e

10q;0N)0(N;

N

)t(N)t(N1

e0q1

e0qì

dt

)t(dN

)t(N

1

AAA

A

GGG

G

lagìAAAmax

AGtì

A

tìA

AA

A

lagìGGGmax

AGtì

G

tìG

GG

G

)Aindicésparamètres(ttempsaumillilitreparAKTMRSAcellulesdenombre:)t(Net

)Gindicésparamètres(ttempsaumillilitreparKTGMRSAcellulesdenombre:)t(Navec

A

G

−−−

Ce modèle avait été présenté dans la deuxième partie (cf. Equation [75], p. 100).

Adéquation aux données avec des paramètres estimés

Il n'existe pas de résolution formelle de ce système. Toutefois, il est possible d'en chercher unerésolution numérique pour des valeurs particulières des paramètres des cinétiques. Les résolutionsnumériques du système d'équations différentielles ont été effectuées à l'aide de la procédureNDSolve du logiciel Mathematica.

Avec les valeurs estimés ci-dessus par l'ajustement d'un modèle de Baranyi à chaque cinétique (enprenant AmaxGmaxmax NNN += ), un modèle théorique est obtenu et ses chroniques décrivent par-

faitement les cinétiques expérimentales (cf. Figure 33 a).

Cette bonne adéquation entre le modèle et les données permet de confirmer que la modélisation dela décélération par un freinage logistique sur la population totale est correcte et donc que l'hypoth-èse d'une compétition pour une ressource est plausible.

En divisant la chronique )t(NA par )t(N)t(N GA + , on obtient un modèle d'évolution de la propor-

tion de cellules MRSA-KT-A qui décrit parfaitement les données expérimentales (cf. Figure 33 b).

Adéquation aux données avec des paramètres fixés

Pour tester ce modèle théorique en vue d'une utilisation en prédiction, je me place dans le cas d'uneabsence de suivi des cinétiques par dénombrement. Les densités initiales N0G et N0A ont été estimées

à la moyenne des dénombrements initiaux de chaque population, la densité de population maximaleNmax a été estimée à la moyenne des dénombrements totaux finaux. Les taux de croissance

µG et µA ont été déduits des temps de génération estimés ci-dessus. Les temps de latence ont été

fixés à 1 h (hypothèse réaliste d'après les ajustements ci-dessus). Le modèle théorique ainsi obtenudécrit correctement les cinétiques expérimentales de NG(t) , NA (t) et πA (cf. Figure 33 c et d).

Page 146: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

146

log (N)

0,6

0,7

0,8

0,9

Proportion de MRSA-KT-A

(a) (b)

(c) (d)

0 2 4 64

5

6

7

9

8

0 2 4 64

5

6

7

9

8

0,5

1

0,6

0,7

0,8

0,9

0,5

1

Temps(h) Temps(h)

0 2 4 6

0 2 4 6

Figure 33. Adéquation aux données du modèle dynamique. (a) et (b). Résolution numérique du systèmes d'équations avec les pa-ramètres estimés. N0G=9300 ufc/mL. lagG=1,11 h. µG=1,589 h-1. N0A=18000 ufc/mL. lagG=0,96 h. µG=2,044 h-1.Nmax=1,17.109+6.107=1,23.109 ufc/mL. (c) et (d). Résolution numérique du systèmes d'équations avec les paramètres fixés.N0G=10000 ufc/mL. lagG=1 h. µG=1,391 h -1. N0A=20000 ufc/mL. lagG=1 h. µG=1,971 h -1. Nmax=9,6.108 ufc/mL. (a) et (c). Cinéti-ques expérimentales et chroniques théoriques de MRSA-KTG (clair) et de MRSA-KTA (foncé). (b) et (d) Cinétiques expérimentaleset chroniques théoriques de la proportion de MRSA-KTA.

Validation du modèle sur l'étude en point final

Connaissant les densités initiales de chaque population, la densité totale finale, les taux de crois-sance d'après la partie IV.2.2. et en fixant les temps de latence à 1 h, le modèle a été intégré num-ériquement, ce qui a permis de prédire une proportion finale de MRSA-KT-A (πA) pour chaque

culture mixte. Les proportions prédites ont été très proches des proportions mesurées, et mêmelégèrement supérieures. Cela confirme donc que, dans l'hypothèse de neutralisme, les différences defitness suffisent à expliquer de telles évolutions entre ratio initial et ratio final.

Tableau 21. Résultats de l'étude en point final.

πA final mesuré πA final prédit

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-14 91% 95%

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-5 96% 97%

MRSA-KT-A-4 + MRSA-KTG-22 97% 98%

MRSA-KT-A-5 + MRSA-KTG-5 92% 97%

MRSA-KT-A-5 + MRSA-KTG-22 91% 98%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-14 92% 95%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-5 97% 97%

MRSA-KT-A-9 + MRSA-KTG-22 97% 98%

III.2.4. CONCLUSION

A partir de l’échantillonnage de souches obtenu, une étroite relation entre profils d’antibio-résistance, profils en champs pulsés (pulsotypes) et aptitudes de croissance en milieux de cultures aété démontrée au sein des souches cliniques françaises de S. aureus résistantes à la méticilline(MRSA). Les outils mis en œuvre ont été suffisamment discriminants pour mettre en évidence une

Page 147: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.2. MRSA-KT et MRSA-KTG

147

certaine variabilité intra-spécifique et il a été possible d’établir des corrélations entre caractéristi-ques phénotypiques (antibio-résistance), génotypiques (pulsotypes) et dynamiques (aptitudes decroissance). Il s’agissait de la première description d’un lien entre épidémiologie moléculaire etpropriétés physiologiques pour de telles souches.

De plus, ces résultats ont permis d’introduire, vraisemblablement pour la première fois, la notiond’avantage sélectif dans le contexte de la microbiologie médicale. Les méthodes proposées dans ladeuxième partie et mises en œuvre ici ont permis d’étudier la dynamique de différentes sous-populations de MRSA. Les expériences réalisées ne peuvent être considérées comme des modèlesexpérimentaux réalistes de la dynamique des MRSA in vivo. En effet, le protocole en batch dansdes milieux de culture était très éloigné des conditions écologiques usuelles de S. aureus (notam-ment sur la peau) et ne pouvait permettre la prise en compte de la structuration de l’habitat, de lalimitation par les ressources, de l’environnement physico-chimique, de la présence d’une flore mi-crobienne non S. aureus, des interactions avec l’organisme-hôte etc. Toutefois, la différence de tauxde croissance entre MRSA-KT-A et MRSA-KT-G, de l’ordre de 20%, ne devrait pas être exclue dela recherche d’une explication rationnelle à l’augmentation épidémiologique de la sensibilité dessouches de MRSA à la gentamicine. Cet avantage sélectif des MRSA-KT (et plus particulièrementdes MRSA-KTA) sur les MRSA-KTG m’apparaît comme un élément à prendre en compte pourcomprendre le remplacement des souches de MRSA-KT-G – qui représentaient plus de 90% dessouches cliniques de MRSA jusqu’en 1992 – par des souches MRSA-KT – représentant moins de2% des souches cliniques de MRSA en 1992 et plus de 80% en 2000.

Page 148: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

148

III.3. L. MONOCYTOGENES ET L. INNOCUA

La troisième étude présentée ici a permis de traiter conjointement les concepts d'avantage sélectif et

d'interaction. Cette partie du travail est issue d'une collaboration avec l'équipe de Kalmokoff et Farber

(Health Protection Branch, Ottawa, Canada). Elle a donné lieu à une communication orale à la 3ème

Conférence Internationale en Microbiologie Prévisionnelle ("3rd Int. Conference on Predictive Modelling in

Foods") de Leuven (Belgique, 12-15 septembre 2000) et à un article accepté par International Journal of

Food Microbiology.

III.3.1. INTRODUCTION

Isoler L. monocytogenes requiert un enrichissement

Les méthodes de recherche de L. monocytogenes dans les aliments sont très critiquées, considéréespar certains comme trop lentes ou ne donnant pas de résultats reproductibles et par d'autres commetrop sensibles et mettant en évidence des contaminations qui n'auraient pas été décelées voilà quel-ques années. Un panorama des méthodes validées AFNOR est présenté ici.

Norme ISO

En 1986, la recherche de L. monocytogenes nécessitait 2 à 3 semaines, elle peut se faire aujourd'huià l'aide d'une méthode normalisée et reconnue norme française, norme européenne (EN) et normeinternationale (ISO) en 4 à 7 jours.

La norme NF EN ISO 11290-1 est en vigueur depuis février 1997. L'enrichissement primaire estune incubation à 30°C pendant 24h ± 2h de 25g de produit dans 225mL de milieu d'enrichissement

primaire (bouillon demi Fraser). Au terme de cette culture, 0,1mL sont transférés dans 10mL debouillon Fraser. Le milieu inoculé est incubé pendant 48h ± 2h soit à 35°C soit à 37°C : c'est l'enri-

chissement secondaire. Des isolements sur géloses PALCAM et OXFORD sont réalisés à l'issue dechacun des enrichissements et incubés 24 à 48h. Il est important de préciser que les gélosesPALCAM et OXFORD permettent une identification de genre mais pas d'espèce. Pour la confirma-tion, la norme préconise de prélever à partir de chaque boîte cinq colonies, présumées être des Lis-teria spp. A partir de chacune de ces colonies, des isolements sont réalisés sur géloses tryptone desoja-extrait de levure et incubés 24h. Dans le pire des cas, on atteint donc J+6 (24h+48h+48h+24h),dans le meilleur des cas J+3 (24h+24h+24h). Si l'identification de genre est confirmée par les ca-ractéristiques morphologiques de la colonie, la réaction de la catalase, la coloration de Gram etl'examen de la mobilité, commence alors une batterie de tests pour l'identification d'espèce : hémo-lyse du sang de mouton (24h), utilisation des glucides (1 à 5 jours), test de CAMP (24h). Les L.monocytogenes se distinguent des autres espèces selon les caractéristiques présentées dans le ta-bleau ci-dessous.

Page 149: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

149

Tableau 22. Récapitulatif des tests pour l'identification d'espèce au sein du genre Listeria. D'après la norme NF EN ISO 11290-1.

Espèce Hémolyse Production d'acide Test de CAMP

rhamnose xylose S. aureus R. equi

L. monocytogenes

L. innocua

L. ivanovii

L. seeligeri

L. welshimeri

L. grayi subsp. grayi

L. grayi subsp. murrayi

+

-

+

(+)

-

-

-

+

V

-

-

V

-

V

-

-

+

+

+

-

-

+

-

-

(+)

-

-

-

-

-

+

-

-

-

-

V : réaction variable ; (+) : réaction faible ; + : réaction positive à plus de 90% ; - : réaction négative.

Méthodes alternatives

D'autres méthodes commerciales rapides ont été développées ces dernières années : milieux d'iso-lements sélectifs, méthodes immuno-enzymatiques, utilisation de sondes moléculaires…

Le milieu RAPID'L MONO a été validé AFNOR pour une utilisation à l'issue des étapes d'enrichis-sement primaire (en bouillon demi Fraser, 24h) et d'enrichissement secondaire (en bouillon Fraser,48h).

Le dispositif VIDAS (bioMérieux) est un automate d'immuno-analyse. La reconnaissance estfondée sur un anticorps spécifique du genre Listeria (VIDAS LIS) ou de l'espèce L. monocytogenes(VIDAS LMO) et la détection sur une réaction fluorescente. Ce test a été validé AFNOR pour uneutilisation à l'issue d'un protocole variable selon le kit : 24h en bouillon demi Fraser puis isolementsur géloses Palcam ou Oxford et incubation 24h (VIDAS LMO, fromages au lait cru), 24h enbouillon demi Fraser puis 24h en bouillon Fraser (VIDAS LMO, autres produits laitiers), 2x24h enbouillon Fraser (VIDAS LIS pour tous produits alimentaires et VIDAS LMO, produits autres quelaitiers).

La méthode TRANSIA (Diffchamb) est assez proche mais ne permet que la détection de Listeriaspp. Il faut donc une identification de l'espèce après tout résultat positif.

PROBELIA Listeria monocytogenes (Sanofi Diagnostic Pasteur) est un test qualitatif permettantl'amplification et la détection spécifique d'ADN de L. monocytogenes dans les produits d'alimenta-tion humaine par les techniques de polymérisation en chaîne (PCR) et d'hybridation sandwich surmicroplaque. Pour des produits alimentaires non carnés, le test est réalisé sur 1mL de milieu d'enri-chissement primaire (en bouillon demi Fraser, 24h) et prend quelques heures. Pour des produitscarnés, un enrichissement secondaire en bouillon Fraser de 24h est effectué à la suite de l'enrichis-sement primaire, puis le test est réalisé.

Le test ACCUPROBE (bioMérieux) permet une confirmation bactérienne directe à partir d'uneculture sur boîte avec une sonde ADN spécifique et une détection par chimiluminescence. Ce test aété validé AFNOR pour une utilisation à l'issue d'une étape d'enrichissement primaire (en bouillondemi Fraser, 24h et 48h). Le nombre de colonies à tester n'est pas explicite dans le protocole op-ératoire.

Page 150: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

150

Le test GENETRACK (Diffchamb, Lyon) est aussi un test d'hybridation moléculaire couplé à unedétection colorimétrique. Ce test a été validé AFNOR pour une utilisation à l'issue d'une étape d'en-richissement (en bouillon demi Fraser, 24h). Au terme d'une incubation sur Oxford de 24h, le testest effectué sur un écouvillonnage de la surface entière de la boîte.

Enfin, on trouve dans la littérature d'autres procédures normalisées (par exemple par la FDA) et quireposent en général sur l'utilisation de milieux d'enrichissement plus anciens, comme le UVM (Uni-versity of Vermont Medium), le LEB (Listeria Enrichment Broth), le LRB (Listeria RepairBroth)… Par exemple, l'équipe de Donnelly (Ryser et al., 1996 ; Pritchard & Donnelly, 1999) atesté deux milieux d'enrichissement primaires (UVM ou LRB, 30°C, 24h) et a démontré qu'aucunn'était significativement meilleur que l'autre. En revanche, de nombreuses souches de Listeria pou-vaient être détectées par l'un sans l'être par l'autre et ils conseillent donc un enrichissement double(c'est-à-dire une inoculation du milieu d'enrichissement secondaire avec le résultat de la culture enLRB et le résultat de la culture en UVM).

Bilan

Aussi diverses soient-elles, toutes ces méthodes mettent en jeu au minimum une étape d'enrichisse-ment (souvent deux) en milieux d'enrichissement sélectifs (bouillons demi Fraser et/ou Fraser). Eneffet, la concentration en L. monocytogenes doit être inférieure à 100 ufc par gramme de produit à laconsommation. Listeria ayant une croissance non négligeable à 4°C , le contrôle en sortie de pro-duction est encore plus strict ("zero tolerance") pour les produits dans lesquels il peut y avoir undéveloppement bactérien Listeria entre la sortie de production et la consommation (EuropeanCommission, 1999). Comme il est pour l'instant impossible de détecter des seuils aussi faibles deListeria au sein de la flore non pathogène, les techniques de détection de L. monocytogenes reposentsur des procédures d'enrichissement en bouillons sélectifs. D'autre part, il faut prendre en compteque les Listeria ont pu subir une altération ou un stress et les milieux ne doivent pas être trop inhi-biteurs. Ces milieux ont été optimisés pour être spécifiques de Listeria spp. En revanche il a étérapporté qu'ils pourraient être plus favorables à L. innocua qu'à L. monocytogenes (cf. ci-dessous).

Du coenrichissement de L. innocua à la non détection de L.monocytogenes

L'enrichissement sélectionne aussi L. innocua

L. innocua est physiologiquement très proche de L. monocytogenes : ces deux espèces ont été isol-ées des mêmes produits alimentaires et seules des techniques sophistiquées (et donc coûteuses) oufastidieuses permettent de les différencier. En revanche, seule L. monocytogenes est pathogène(Farber & Peterkin, 1991). Au milieu des années 1990, trois équipes ont mis en évidence que leratio final L. innocua / L. monocytogenes au terme d'un enrichissement en bouillon sélectif estbeaucoup plus élevé que le ratio initial (Curiale & Lewus, 1994 ; MacDonald & Sutherland, 1994 ;Petran & Swanson, 1993). L. innocua pourrait donc masquer L. monocytogenes au cours du proces-sus d'enrichissement.

Cet envahissement du bouillon d'enrichissement par L. innocua au détriment de L. monocytogenespeut avoir des conséquences sérieuses. En effet, selon la norme ISO 11290-1(1996), des géloses de

Page 151: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

151

type Palcam ou Oxford (sur lesquelles il est impossible de différencier les différentes espèces deListeria) sont ensemencées à partir du bouillon d'enrichissement puis seules cinq colonies sontidentifiées par une batterie de tests. Plus la proportion finale de cellules L. innocua dans le bouillond'enrichissement est élevée, plus la proportion de colonies L. innocua sur la gélose est élevée, plusla probabilité que les cinq colonies choisies aléatoirement soient toutes des L. innocua est élevée etdonc plus est fort le risque de conclure à tort à l'absence de L. monocytogenes dans le produit initial.En effet, il n'est même pas obligatoire de reporter la détection de L. innocua.

Selon les travaux de Petran & Swanson (1993), Curiale & Lewus (1994) et MacDonald & Suther-land (1994), ce surpassement de L. monocytogenes par L. innocua s'expliquerait par une croissanceplus rapide de L. innocua en bouillons sélectifs (de type Fraser). C'est donc une approche de type"avantage sélectif". D'après Beumer et al. (1996a), la différence entre les paramètres de croissancedes deux espèces serait due à l'acriflavine, agent sélectif contenu dans les milieux d'enrichissement,à laquelle L. monocytogenes serait plus sensible que L. innocua. D'autres auteurs suggèrent quel'avantage en faveur de L. innocua au cours de la procédure d'enrichissement soit dû à une inhibi-tion de L. monocytogenes par L. innocua (Yokoyama et al., 1998), ce qui correspond à une appro-che de type "interaction". En effet, un effet inhibiteur de L. innocua a été bien démontré contreL. monocytogenes (Yokoyama et al., 1998 ; Kalmokoff et al., 1999), le mécanisme en serait uneproduction de bactériocine, ou de particules phagiques.

Objectifs de l'étude

A la suite de ces trois articles datant du milieu des années 1990 (Petran & Swanson, 1993 ; Curiale& Lewus, 1994 ; MacDonald & Sutherland, 1994), j'ai choisi d'approfondir ces observations, enappliquant les méthodes de suivi et de modélisation développées dans le cadre de cette thèse et entirant profit d'innovations techniques intervenues depuis 1994.

Les milieux utilisés dans les trois publications fondamentales étaient en général l'UVM (Universityof Vermont Medium), le LEB (Listeria Enrichment Broth) et le LRB (Listeria Repairment Broth).Beumer et al. (1996a) ont observé que les fortes concentrations d'acriflavine (rencontrés dans lesmilieux UVM, LEB, LRB et Fraser) affectaient plus le temps de latence et le temps de générationde L. monocytogenes que de L. innocua. L'avantage sélectif de L. innocua s'exprimerait donc sur-tout à fortes concentrations en acriflavine. Suite à ces observations, le pré-enrichissement en bouil-lon demi Fraser (qui contient deux fois moins d'agents sélectifs) a été introduit dans la norme. Leprotocole de cette étude a été choisi de manière à se rapprocher le plus possible de la norme ISO :enrichissement primaire en bouillon demi Fraser puis enrichissement en bouillon Fraser.

Par ailleurs, depuis quelques années une grande attention a été accordée à la variabilité des paramè-tres de croissance parmi les souches de L. monocytogenes (Barbosa et al., 1994 ; Bégot et al.,1997). Or les trois publications fondamentales avaient travaillé sur des nombres relativement limitésde souches. C'est pourquoi j'ai choisi de réaliser une expérience préliminaire sur un nombre total de13 souches, afin de pouvoir évaluer la variabilité intra-spécifique.

De plus, les travaux initiaux se limitaient à de simples calculs de taux de croissance en cultures pu-res. Or il m'est apparu que la modélisation des cinétiques par de véritables modèles de croissance etdonc la prise en compte du temps de latence et du rendement pourraient avoir un intérêt pour l'ex-ploitation des résultats.

Page 152: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

152

Enfin, parmi ces trois publications portant sur le problème de l'avantage sélectif des L. innocua surles L. monocytogenes en milieux sélectifs, aucune ne présente de suivi des deux populations aucours de co-enrichissements. Ces travaux se limitent en effet à des comparaisons à partir de culturespures ou à des points finaux de cultures mixtes. La raison en est tout simplement technique (diffi-culté à dénombrer séparément les L. innocua des L. monocytogenes). Grâce aux progrès récents del'industrie du diagnostic, il a été possible d'utiliser un milieu différentiel et donc de suivre l'évolu-tion relative des deux populations au cours du processus d'enrichissement. Cette avancée techniqueétait essentielle pour valider les hypothèses issues d'observations en cultures pures et plus particu-lièrement pour valider l'hypothèse d'absence d'interaction. C'est pourquoi je me suis associée àl'équipe canadienne de Kalmokoff afin d'utiliser des souches déjà caractérisées en milieu solidepour leurs propriétés inhibitrices.

III.3.2. APTITUDES DE CROISSANCE EN CULTURE PURE

Le but était de comparer le comportement de 13 souches de Listeria (toutes originaires de la collec-tion de Farber et caractérisées par Kalmokoff pour leurs propriétés inhibitrices) au cours de diff-érents procédés d'enrichissement.

Matériel et méthodes

Souches

Les souches ont été reçues de la collection de Kalmokoff (cf. Tableau 23) en géloses longue conser-vation et ont été conservées dans du bouillon cœur cervelle glycérolé à 10% dans l'azote liquide (-196°C). Avant chaque expérience, deux cultures de 24h à 35°C sur gélose Columbia additionnée desang de mouton étaient réalisées.

Page 153: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

153

Tableau 23. Caractéristiques des 13 souches issues de la collection de Kalmokoff.

Souche Sérotype Source Type d'inhibition

L. monocytogenes ATCC19112

2(1/2c) Clinique Queue de phage

L. monocytogenes 412 1/2a Clinique Non détectée

L. monocytogenes 413 1/2a Clinique Queue de phage

L. monocytogenes ATCC19116

4c Alimentaire Queue de phage

L. monocytogenes 399 1/2a Clinique Non détectée

L. monocytogenes Scott A 4b Clinique Phage réplicatif

L. innocua 246 Environnement Non détectée

L. innocua 854 Alimentaire Non détectée

L. innocua 239 Environnement Queue de phage

L. innocua 214 Alimentaire Queue de phage

L. innocua 227 Environnement Queue de phage + zone diffuse

L. innocua 743 Alimentaire Bactériocine

L. innocua 755 Alimentaire Bactériocine

Milieux et conditions de culture

Trois protocoles d'enrichissement ont été comparés :

§ Protocole témoin : 24h en bouillon cœur cervelle (bioMérieux) à 30°C.§ Protocole "BCM Listeria" : 24h en milieu de pré-enrichissement (Biosynth, Suisse) à 30°C, puis

24h en milieu d'enrichissement (Biosynth). Ce protocole est calqué sur le mode d'emploi du kitBCM Listeria (Restaino et al., 1999).

§ Protocole ISO : 24h en bouillon demi Fraser à 30°C, puis 24h en bouillon Fraser à 35°C. Ceprotocole est calqué sur la norme ISO 11290 (Anonymous, 1996). Les bouillons demi Fraser etFraser ont été spécialement produits sans esculine.

Le milieu était réparti stérilement dans des ampoules (3 ml par ampoule). Pour la première journée(à 30°C), des suspensions de chaque souche ont été réalisées en tampon T2 (standardisation 1 McFarland) et les ampoules ont été inoculées par 30µl de suspension. Pour la deuxième journée (à35°C), chaque ampoule était inoculée par 30µl de l'ampoule correspondante (même protocole,même souche) de la veille.

Modèles de croissance

L'URIMAT (cf. p. 96) a permis le suivi automatisé des cinétiques par turbidimétrie. Les cinétiquesturbidimétriques ont été analysées par simple régression exponentielle entre deux bornes. Le tauxde croissance maximal (µ) a été déterminé par un ajustement du modèle [81] pour les absorbances

compris entre 0,1 et 1.

Abs(t)=Abs0 eµ t [81]

Avec Abs(t) : absorbance au temps t et µ : taux de croissance (h-1).

Page 154: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

154

Résultats

Le suivi turbidimétrique des cinétiques dans les différents milieux a permis d'apprécier les aptitudesde croissance des 13 souches en cultures pures. Les estimations des taux de croissance sont présent-és dans le Tableau 24.

Tableau 24. Temps de génération (minutes) et intervalles de confiance asymptotiques à 95% de 13 souches de Listeria en culturespures au cours de 3 protocoles d'enrichissement. Protocole témoin : 24h en bouillon cœur cervelle à 30°C. Protocole "BCM Liste-ria" : 24h en milieu de pré-enrichissement Biosynth à 30°C, puis 24h en milieu d'enrichissement Biosynth à 35°C. Protocole ISO :24h en bouillon demi Fraser sans esculine à 30°C, puis 24h en bouillon Fraser sans esculine à 35°C. NR : non reporté.

Souche Cœur cer-velle

BCM Préenri-chissement

BCM Enri-chissement

Demi Fraser Fraser

L. monocytogenesATCC 19112

43,7 [42,7 ; 44,7]

55,5 [55,0 ; 56,0]

34,4 [27,6 ; 41,2]

86,2 [81,5 ; 90.9]

65,9 [60,8 ; 74,0]

L. monocytogenes412

40,7 [39,3 ; 42,1]

50,3 [49,0 ; 51,6]

32,2 [28,6 ; 35.8]

73,4 [69,0 ; 77,8]

60,9 [55,8 ; 66,0]

L. monocytogenes413

43,8 [42,8 ; 44,8]

49,8 [48,0 ; 51,6]

30,2 [27,7 ; 32,7]

76,7 [72,4 ; 81,0]

60,7 [54,4 ; 67,0]

L. monocytogenes19116

39,7 [38.4 ; 41.0]

49,8 [48,4 ; 51,2]

30,6 [28,0 ; 33,2]

81,0 [77,5 ; 84,5]

75,7 [72,5 ; 78.9]

L. monocytogenes399

39,1 [38.1 ; 40.1]

54,0 [51,1 ; 56,9]

35,2 [31,5 ; 38,9]

72,0 [68,6 ; 75,4]

55,9 [52,4 ; 59,4]

L. monocytogenesScott A

42,0 [40,5 ; 43,5]

61,4 [60,6 ; 62,2]

NR 101,6 [95,9 ; 107,3]

98,9 [97,5 ; 100,3]

Moyenne 41,5 53,5 32,5 81,4 70,1

Médiane 41,4 52,2 32,2 78,9 63,4

L. innocua 246 41,9 [40,5 ; 43,3]

48,7 [39,9 ; 50,5]

31,4 [29,7 ; 33,1]

78,7 [74,4 ; 83,0]

61,0 [55,9 ; 66,1]

L. innocua 854 42,3 [40,4 ; 43,2]

52,8 [51,7 ; 53,9]

30,9 [29,0 ; 32,8]

74,8 [71,3 ; 78,2]

58,2 [53,7 ; 60,7]

L. innocua 239 41,0 [39,5 ; 42,5]

50,6 [48,6 ; 52,6]

28,8 [26,8 ; 30,8]

74,6 [69,7 ; 79,5]

55,4 [50,1 ; 60,7]

L. innocua 214 40,7 [39,5 ; 41,9]

48,9 [46,9 ; 50,9]

31,0 [26,9 ; 35,1]

71,1 [69,0 ; 73,2]

56,6 [53,2 ; 60,0]

L. innocua 227 43,8 [42,8 ; 44,8]

58,0 [55,8 ; 60,2]

38,5 [35,5 ; 41,5]

83,1 [79,1 ; 87,1]

58,6 [52,7 ; 64,5]

L. innocua 743 47,0 [45,9 ; 48,1]

68,7 [67,4 ; 70,0]

NR 84,4 [82,3 ; 86,5]

63,3 [60,1 ; 66,5]

L. innocua 755 49,4 [48,2 ; 50,6]

66,6 [65,1 ; 68,1]

48,0 [46,2 ; 49,8]

85,5 [83,5 ; 87,5]

65,0 [63,0 ; 67,0]

Moyenne 43,7 56,3 34,8 78,9 59,7

Médiane 42,3 52,8 31,2 78,7 58,6

Effet souche

Parmi ces 13 souches, il y avait trois outliers (souches "extravagantes"). Au sein de l'espèce L. mo-nocytogenes, la souche Scott A a un comportement particulier : plus le milieu est sélectif, plus sondésavantage est marqué. Ainsi, elle est parmi les souches les plus lentes dans tous les milieux maisdans les milieux de type Fraser (bouillon demi Fraser et a fortiori bouillon Fraser), elle est signifi-cativement plus lente que toutes les autres. Le comportement particulier de cette souche a déjà éténoté par Barbosa et al. (1994) et Bégot et al. (1997). Au sein de l'espèce L. innocua, les deux pro-ductrices de peptide cyclique (743 et 755) sont relativement lentes. Ceci peut s'expliquer par le coûtsélectif de la production de bactériocine (Dykes & Hastings, 1997).

Page 155: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

155

Effet espèce

Pour détecter des différences inter-espèces, une approche paramétrique telle que celle présentéedans la deuxième partie (cf. p. 93) et déjà utilisée dans la deuxième étude de cas se serait heurtée aurelativement faible nombre de souches, et à la présence de données extravagantes. C'est pourquoiune approche non paramétrique a été choisie.

Pour chaque bouillon, les temps de génération ont été ordonnés du plus faible (souche la plus ra-pide) au plus élevé (souche la plus lente) et les rangs des 6 souches de L. monocytogenes ont étésommés. Plus cette somme de rangs est élevée, plus les souches de L. monocytogenes sont relative-ment lentes par rapport aux souches de L. innocua.

La somme de rangs la plus élevée a été trouvée dans le cas du bouillon Fraser. Dans ce cas, la diff-érence entre L. monocytogenes et L. innocua serait significative avec un risque α de 10% (p=7,5%).

Dans tous les autres cas, aucune différence significative n'a été détectée. Sur la base de critère de lasomme des rangs, les bouillons ont été ordonnés en fonction de l'avantage sélectif pour L. innocua :cœur cervelle (léger désavantage) – pré-enrichissement BCM (léger avantage) – enrichissementBCM - demi Fraser - Fraser (fort avantage).

Il apparaît donc que les agents sélectifs contenus dans les bouillon demi Fraser et a fortiori Fraserpourrait favoriser L. innocua par rapport à L. monocytogenes mais que la différence interspécifiqueest peu significative au regard de la variabilité intra-spécifique.

Discussion

Duh & Schaffner (1993) ont été les premiers à indiquer que la croissance de L. innocua serait plusrapide que celle de L. monocytogenes en bouillon cœur-cervelle (milieu riche usuel), pour destempératures inférieures à 40°C. Sur la base de ces résultats, Curiale & Lewus (1994) ont confirmé

que L. innocua serait plus rapide que L. monocytogenes dans trois milieux différents : bouillontrypticase soja + 0,6% d'extrait de levure (milieu riche usuel), UVM (University of Vermont me-dium, milieu sélectif utilisé en enrichissement) et en bouillon Fraser. Mais ces deux études avaientété menées avec une seule souche, sans prendre en compte la question de la variabilité intra-spécifique, discutée dans la quatrième partie.

L'étude de MacDonald & Sutherland (1994), portant sur 6 souches de chaque espèce, a permis demettre en évidence des différences significatives entre les deux espèces en LEB (Listeria Enrich-ment Broth, milieu sélectif utilisé en enrichissement secondaire). Les différences en LEB étaienttelles que les souches de L. innocua les plus lentes avaient un temps de génération plus court que lesL. monocytogenes les plus rapides. En revanche, ils n'ont mis en évidence aucune différence signifi-cative entre les espèces dans deux autres milieux : ni en bouillon trypticase soja (milieu riche usuel)ni en LRB (Listeria Resuscitation Broth, milieu utilisé en enrichissement primaire, moins sélectifque le LEB). Ils ont alors suggéré que ces différences seraient dues à des différences de susceptibi-lité à des composés inhibiteurs des bouillons sélectifs.

Beumer et al. (1996a) ont en effet observé que l'augmentation de la concentration en acriflavineaffecte le temps de latence et le temps de génération de L. monocytogenes, tandis qu'aucun effet neserait constaté sur L. innocua. En revanche, il n'y aurait pas de différence de susceptibilité à l'acide

Page 156: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

156

nalidixique. L'introduction dans la procédure d'enrichissement ISO du bouillon demi Fraser, quicontient moitié moins d'acriflavine (12mg/L) que le bouillon Fraser (24mg/L) constituait a prioriune amélioration. J'ai confirmé que l'avantage sélectif pour L. innocua est moindre en bouillon demiFraser qu'en bouillon Fraser (d'après la comparaison de somme des rangs). En revanche, à temp-érature égale, la croissance des 13 souches est beaucoup plus lente en bouillon demi Fraser qu'enmilieu non sélectif (bouillon cœur-cervelle). Il en est de même pour le bouillon de pré-enrichissement BCM de Biosynth, censé autoriser la même croissance de L. monocytogenes qu'enmilieu non sélectif (Restaino et al., 1999).

Parmi les 13 souches testées, je n'ai pu détecter aucune différence significative avec α= 5% entre

les deux espèces dans les 5 milieux testés. Même en bouillon Fraser, celui pour lequel l'avantagesélectif pour L. innocua est le plus marqué (p=7,5%), certaines souches de L. innocua sont pluslentes que les souches de L. monocytogenes les plus rapides. Il y aura donc des couples L. innocua/L. monocytogenes pour lesquels L. innocua a un avantage sélectif et inversement.

III.3.3. INTERACTIONS EN CULTURES MIXTES

Technique de dénombrement spécifique

Avant d'envisager des cultures mixtes L. innocua versus L. monocytogenes, il fallait mettre au pointun milieu gélosé optimal pour un dénombrement différentiel non inhibiteur.

Panorama des méthodes possibles

Les différences biochimiques entre L. monocytogenes et L. innocua sont rares. La principale estl'hémolyse (L. monocytogenes : positif, L. innocua : négatif) mais elle est difficile à détecter. Surgélose Columbia additionnée de 5% de sang de mouton (bioMérieux), une zone claire apparaît sousla colonie mais elle n'est clairement détectable que si on ôte délicatement la colonie. Il semble diffi-cile de fonder une technique de dénombrement sur ce principe (même avec quelques aménage-ments, par exemple utilisation de sang de cheval, ou concentration moindre en sang…). Le testCAMP (en présence de Staphylococcus aureus) ne semble pas non plus adapté à un dénombrement.

Il existe aussi une différence fondée sur la production d'acides par fermentation du rhamnose. Cettevoie a été peu explorée par les industriels car le pouvoir discriminant est loin d'être parfait. Toutesles L. monocytogenes sont positives, et une partie (plus ou moins importante selon les auteurs) desL. innocua seraient négatives. Lachica utilise le Purple Agar Base (Difco), additionnée de rhamnoseà 1g/L (Lachica, 1990). Petran a modifié cette composition de milieu en remplaçant l'agar par del'agar purifié (BBL), ce qui lui permettrait de diminuer l'opacité du milieu et donc d'améliorer laperception de la coloration des colonies (Petran & Swanson, 1993).

Le Purple Agar Base (Difco) additionné de rhamnose (Merck) à 1g/L (rajouté extemporanémentaprès stérilisation) a été testé au laboratoire. Le point positif à souligner est que, par rapport à cequ'affirmait Petran & Swanson (1993), le milieu est parfaitement translucide et que la distinctionentre colonies jaunes (rhamnose positif) et colonies blanches (rhamnose négatif) est, si ce n'est fa-

Page 157: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

157

cile, en tout cas possible sans hésitation. Mais, le milieu s'est avéré inhibiteur : non seulement lescolonies étaient petites (surtout les rhamnose négatif) mais surtout les dénombrements étaient signi-ficativement inférieurs à ceux sur Columbia. Cette inhibition est vraisemblablement due au bleu debromocrésol (indicateur coloré). De plus, cette technique impose de ne travailler qu'avec des L. in-nocua rhamnose négatif, ce qui réduit le champ d'investigation.

Enfin, Mc Laughlin et Clark proposent une différentiation fondée sur DL-alanine ß-naphtylylamide(DLABN), que toutes les Listeria sauf monocytogenes pourraient hydrolyser (McLauchlin, 1997).Une réaction positive est détectable en milieu liquide (apparition d'un précipité orange avec unesolution de fast violet). Cette particularité méritait d'être notée, mais il semble difficile de mettre aupoint un milieu de dénombrement, si aucune mise au point n’a encore été effectuée.

Panorama des milieux commerciaux disponibles

Cette grande difficulté à distinguer directement sur une gélose L. monocytogenes et L. innocua poseun réel problème pour la recherche de L. monocytogenes, soulevé dans l'introduction. C'est pour-quoi différents industriels ont développé et mis sur le marché des géloses permettant l'identificationprésomptive de L. monocytogenes directement sur la gélose. Ces milieux pouvaient aussi être uti-lisés dans le but de suivre séparément les deux populations en cultures mixtes L. monocytogenesversus L. innocua. Trois milieux ont été comparés.

Le milieu ALOA (Agar Listeria selon Ottoviani et Agosti) est produit par AES laboratoire (Com-bourg). C'est un milieu prêt à l'emploi, de couleur jaune, relativement translucide (apparence àpeine plus opaque qu'une gélose Columbia). Les non-Listeria forment des colonies blanches (ousont inhibées), toutes les Listeria forment des colonies bleues, et seules les L. monocytogenes for-ment un halo autour de la colonie (Vlaemynck et al., 2000). La différenciation de l'espèce monocy-togenes est fondée sur la reconnaissance de la phospholipase C (substrat naturel). Dans un objectifde dénombrement, la reconnaissance sur la base d'un halo n'est pas très adaptée.

Le milieu RAPID'L MONO (Sanofi Diagnostic Pasteur) est un milieu prêt à l'emploi, de couleurrouge, relativement opaque (apparence proche d'une gélose Columbia+5% de sang de mouton). LesListeria non monocytogenes forment des colonies blanches et seules les L. monocytogenes formentdes colonies noires. La différenciation de l'espèce monocytogenes est fondée sur la reconnaissancede la phospholipase C (substrat artificiel) ; le principe actif est le même que dans le kit BCMdétaillé ci-dessous (Restaino et al., 1999). Dans un objectif de dénombrement, l'opacité de la géloseconstituait un frein.

Le kit "BCM Listeria monocytogenes"(Biosynth, Suisse) est constitué d'un milieu liquide de pré-enrichissement (ou enrichissement primaire), d'un milieu liquide d'enrichissement (ou enrichisse-ment secondaire), d'un milieu gélosé d'identification (reconnaissance de L. monocytogenes et L.ivanovii fondée sur la phospholipase C, substrat artificiel) et d'un milieu gélosé de confirmation(reconnaissance entre L. monocytogenes et L. ivanovii fondée sur la fermentation du rhamnose). Lemilieu d'identification apparaît plus adéquat que les précédents car il est assez translucide, que lareconnaissance n’est pas fondée sur un halo mais sur la couleur bleue (versus blanche) des colonieset qu'il n'est pas vendu prêt à l'emploi (donc plus grande souplesse d'utilisation et gain sur lescoûts).

Page 158: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

158

Validation du milieu choisi

Au vu de ce panorama des méthodes disponibles, le milieu d'identification BCM de Biosynth a étéretenu. Toutefois, il s'est avéré inhibiteur, c'est-à-dire que son efficacité d'étalement était inférieureà 100% pour L. monocytogenes et L. innocua. Cette inhibition était sans doute due aux antibiotiquesajoutés pour éliminer la flore annexe. Or l'objectif était ici de trouver un milieu permettant la crois-sance optimale des deux espèces et la distinction des colonies, un milieu sélectif n'était pas néces-saire.

Un milieu modifié a donc été proposé. Dans le protocole de reconstitution du milieu, la poudre(contenant le milieu de base et les agents sélectifs) a été remplacée par une base non sélective (Co-lumbia, bioMérieux). Après autoclavage, les suppléments contenant les principes actifs sont ajoutésnormalement.

Le milieu ainsi obtenu (BCMm pour BCM modifié) s'est avéré aussi adapté à la croissance de L.monocytogenes et L. innocua qu'une gélose Columbia. Aucune différence significative d'efficacitéd'étalement (EOP) n'a été détectée. De plus, les souches de L. innocua testées sont apparues blan-ches et les souches de L. monocytogenes testées sont apparues bleu turquoise. La coloration est trèsfranche et il ne peut pas y avoir de doute entre une colonie bleue et une colonie blanche. Toutefois,la coloration n'apparaît qu'après environ 18h. Les colonies sont très petites à 24h (ce qui peut occa-sionner des erreurs de dénombrement) mais tout à fait visibles à 48h (les colonies de L. monocyto-genes étant un peu plus grosses que les colonies de L. innocua).

Matériel et méthodes

Souches.

Quatre expériences ont été menées. Les expériences A, B et C peuvent être considérées comme lestrois blocs d'une expérience, telle que décrite en II.2.3, les facteurs contrôlés étant : le "type deculture" (culture pure A, culture pure B et culture mixte A+B) et la nature de l'inoculum L. innocua(trois souches caractérisées par Kalmokoff).§ Expérience A : L. monocytogenes 399, sans activité inhibitrice caractérisée, serotype 1/2a, ver-

sus L. innocua 743 (productrice d'une bactériocine active contre L. monocytogenes 399) ;§ Expérience B : L. monocytogenes 399, versus L. innocua 239 (activité inhibitrice contre L. mo-

nocytogenes 399 de type queue de phage) ;§ Expérience C : L. monocytogenes 399, versus L. innocua 227 (activité inhibitrice contre L. mo-

nocytogenes 399 de type "zone diffuse").

L'expérience D a été menée dans un objectif similaire sur deux souches issues d'une autre collec-tion. Des souches caractérisées par Bégot (1996) pour leurs aptitudes de croissance ont été utilisées.L. monocytogenes 52, sérotype 4b, était cultivée versus L. innocua 60, CLIP 20719.

Conditions de culture

Chaque flacon de type Erlenmeyer de 250 mL contenait 225 mL de bouillon demi Fraser (bioM-érieux) pour l'enrichissement primaire ou 225 mL de bouillon Fraser (bioMérieux) pour l'enrichis-sement secondaire. Des aiguilles spinales (Beckton Dickinson) permettaient d'inoculer et de préle-

Page 159: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

159

ver des échantillons stérilement. Les flacons étaient placés dans des bains thermostatés (la temp-érature était régulée à 30 ± 0.1°C pour l'enrichissement primaire et à 35 ± 0.1°C pour l'enrichisse-ment secondaire), et une agitation magnétique assurait l'aération du milieu.

Les dénombrements étaient effectués sur géloses Columbia (bioMérieux) pour les cultures pures etsur géloses BCMm pour les cultures mixtes.

La Figure 34 récapitule le protocole des expériences A, B et C.

Listeria monocytogenes culture de 24 h

suspension dans du T2 3. 10 germes/ ml

Listeria innocua culture de 24 h 8

suspension dans du T2 3. 10 germes/ ml

30°C

culture pure de Listeria innocua

8

30°C

30°C

35°C

35°C

35°C

culture mixte

culture pure de Listeria monocytogenes

culture pure de Listeria monocytogenes

culture mixte

culture pure de Listeria innocua

bouillon demi-Fraser (J1) bouillon Fraser (J2)

1 m

l

1 ml

1 ml

1 ml

1 m

l

1 m

l

1 ml

1 ml

Figure 34. Protocoles de cultures en bouillons demi Fraser (J1) puis Fraser (J2) des expériences A, B, C.

L'expérience D repose sur un protocole similaire (cf. Figure 35). Le principe est toujours de meneren parallèle deux cultures pures et une culture mixte, afin de pouvoir caractériser rigoureusement lacroissance de chaque souche en cultures pure et mixte, les inoculums étaient constitués de manièreà ce que l'inoculum de la culture mixte soit la somme des inoculums des deux cultures pures.

Page 160: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

160

Listeria monocytogenes culture de 24 h

suspension dans du T2 3. 10 germes/ ml

Listeria innocua culture de 24 h 8

suspension dans du T2 3. 10 germes/ ml

30°C

culture pure de Listeria innocua

8

30°C

30°C

35°C

35°C

35°C

culture mixte

culture pure de Listeria monocytogenes

culture pure de Listeria monocytogenes

culture mixte

culture pure de Listeria innocua

bouillon demi-Fraser (J1) bouillon Fraser (J2)

2 m

l

2 ml

2 ml

2 ml

2 m

l

2 m

l

2 ml

2 ml

Figure 35. Réalisation des cultures pures et mixtes en bouillons demi Fraser (J1) puis Fraser (J2). Expérience D.

Dénombrement

A chaque prélèvement, 1mL de culture environ était prélevé à l’aide d’une seringue parl’intermédiaire d’une aiguille spinale. Le prélèvement était dilué en tampon T2. Un échantillon de100µL de la dilution appropriée était déposé à la surface de deux milieux gélosés (Columbia pourles cultures pures, BCMm pour la culture mixte) puis étalé en utilisant une dizaine de billes de verrestériles. Après incubation de 48h à 35°C, les colonies étaient dénombrées à l'aide d'un compteur decolonies.

Page 161: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

161

Résultats

Généralités

Pour chaque expérience A, B, C, D, 8 courbes de croissance ont été obtenues :

§ L. monocytogenes en culture pure en bouillon demi Fraser,§ L. monocytogenes en culture mixte en bouillon demi Fraser,§ L. monocytogenes en culture pure en bouillon Fraser,§ L. monocytogenes en culture mixte en bouillon Fraser,§ L. innocua en culture pure en bouillon demi Fraser,§ L. innocua en culture mixte en bouillon demi Fraser,§ L. innocua en culture pure en bouillon Fraser,§ L. innocua en culture mixte en bouillon Fraser.

Pour chaque couple de cinétiques (une en culture pure et une en culture mixte), le modèle unifié[96] à 8 paramètres (logarithmes des densités de population initiale et finale, temps de latence ettaux de croissance pour chaque cinétique) a été ajusté.

( )( )

( )

( )( )

( )����

����

��

��

>√√↵

����

√√↵

����

+−=

≤=

���

���

>√√↵

����

√√↵

����

+−=

≤=

−−

−−

m

mm

pp

pp

lagN0Log

lagLog(N0)

lagN0Log

lagLog(N0)

tsie10

101Log)N(Log

tsi)N(Log

mixteCulture

tsie10

101Log)N(Log

tsi)N(Log

pureCulture

)t(

)t(

m

p

lagìN0Log

NmaxLog

m

lagì

N0Log

NmaxLog

m

m

m

p

p

p

[86]

Puis les hypothèses suivantes ont été successivement testées : égalité de log(N0), égalité de µ, éga-

lité de lag, égalité de log(Nmax). Les modèles présentés sur la figure 1 sont les modèles globauxavec les contraintes d'égalité acceptées.

Expérience A.

En bouillon demi Fraser, la croissance de L. innocua 743 a été plus lente en culture mixte, mais aatteint le même log(Nmax) qu'en culture pure . En bouillon Fraser, la croissance de L. innocua 743a été identique entre la culture pure et la culture mixte.

La croissance de L. monocytogenes 399 a été très affectée par la co-croissance de L. innocua 743 enbouillon demi Fraser comme en bouillon Fraser. Il s'est avéré peu satisfaisant d'ajuster le modèle[96] aux cinétiques de L. monocytogenes 399 en cultures mixtes. C'est pourquoi un nouveau modèlea été défini. Il s'agit d'un début de croissance classique avec transition brutale en décroissance ex-ponentielle. L'hypothèse d'égalité du temps de latence et du taux de croissance de la première phaseexponentielle avec les paramètres équivalents en cultures pures a été acceptée. Le modèle est doncle suivant :

Page 162: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

162

( )

( )( )

( )

( ) ( ) ( )( )

( )( )

( )������

������

���

���

>√√↵

����

√√↵

����

+−=

≤=

���

���

?++=

√√↵

����

√√↵

����

+−=

≤=

−−

−−−

−−

pp

p

pstopstop

p

pp

p

lagN0Log

lagpN0Log

stopN0Log

stoplagN0Log

lagN0Log

tsie10

101Log)N(Log

tsi)N(Log

mixteculture

tsieLogeLog)N(Log

];[tsie10

101Log)N(Log

tsi)N(Log

pureculture

)t(

)t()(

)t(

p

ppp

p

lagì

N0Log

NmaxLog

ìlagì

plagì

N0Log

NmaxLog

p

p

p

p

Sp

p

p

p

[87]

L. innocua 743 a donc un effet inhibiteur sur L. monocytogenes 399, c'est une interaction de typeamensalisme.

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

Figure 36. Cinétiques de croissance en cultures pures ( ) et mixtes ( ) de L. innocua (1 et 2) et Listeria monocytogenes (3 et 4) enbouillon demi Fraser (1 et 3) et bouillon Fraser (2 et 4). Expérience A : L. monocytogenes 399 versus L. innocua 743.

Expérience B.

Entre L. innocua 227 et L. monocytogenes 399, les deux souches sont affectées sur leur concentra-tion finale. Dans la classification d'Odum cette interaction s'apparente à une compétition. Elle peuts'expliquer par une compétition pour les ressources.

L. innocua 743Bouillon demi Fraser

L. innocua 743Bouillon Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon demi Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon Fraser

Log N (ufc/mL) Log N (ufc/mL)

(A1) (A2)

(A3) (A4)

Temps (h) Temps (h)

Page 163: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

163

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

0 6 12 18 24

6

7

8

9

Figure 37. Cinétiques de croissance en cultures pures ( ) et mixtes ( ) de L. innocua (1 et 2) et Listeria monocytogenes (3 et 4) enbouillon demi Fraser (1 et 3) et bouillon Fraser (2 et 4). Expérience B : L. monocytogenes 399 versus L. innocua 227.

Expérience C.

L. innocua 239 et L. monocytogenes 399 ont toutes les deux été affectées sur leur densité de popu-lation finale en bouillon demi Fraser. Par ailleurs, L. monocytogenes 399 a eu un effet négatif sur ledébut de croissance de L. innocua 239. En effet, le temps de latence était significativement pluslong en culture mixte qu'en culture pure. Cela semble être une interaction de type compétition. Enrevanche, il n'y a eu aucune interaction en bouillon Fraser.

0 6 12 18 24

6

7

8

9

Figure 38. Cinétiques de croissance en cultures pures ( ) et mixtes ( ) de L. innocua (1 et 2) et Listeria monocytogenes (3 et 4) enbouillon demi Fraser (1 et 3) et bouillon Fraser (2 et 4). Expérience C : L. monocytogenes 399 versus L. innocua 239.

L. innocua 227Bouillon demi Fraser

L. innocua 227Bouillon Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon demi Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon Fraser

(B1) (B2)

(B3) (B4)

L. innocua 239Bouillon demi Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon demi Fraser

L. monocytogenes 399Bouillon Fraser

L. innocua 239Bouillon Fraser

(C1) (C2)

(C3) (C4)

Log N (ufc/mL) Log N (ufc/mL)

Log N (ufc/mL) Log N (ufc/mL)

Temps (h) Temps (h)

Temps (h) Temps (h)

Page 164: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

164

Expérience D.

Entre L. innocua 60 et L. monocytogenes 52, l'interaction est de type amensalisme pur en bouillondemi Fraser et amensalisme + compétition en bouillon Fraser. Elle ne peut s'expliquer par une sim-ple compétition pour les ressources, un mécanisme inhibiteur est aussi mis en évidence.

Figure 39. Cinétiques de croissance en cultures pures ( ) et mixtes ( ) de L. innocua 52 (1 et 2) et L. monocytogenes 60 (3 et 4) enbouillon demi Fraser (1 et 3) et bouillon Fraser (2 et 4).

Les paramètres de croissance sont présentés dans le tableau 2. Dans les cas de modèles globaux àcontraintes, la p-value du test de Fisher est présentée pour chaque égalité acceptée au risque 5%.

(D1) (D2)

(D3) (D4)

Log N (ufc/mL) Log N (ufc/mL)

Temps (h) Temps (h)

Page 165: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

165

Tableau 25. Paramètres des cinétiques de croissance en cultures pures (indice p) et mixtes (indice m) de L. innocua (1 et 2) et L.monocytogenes (3 et 4) en bouillon demi Fraser (1 et 3) et bouillon Fraser (2 et 4). Expérience A : L. monocytogenes 399 versus L.innocua 743. Expérience B : L. monocytogenes 399 versus L. innocua 227. Expérience C : L. monocytogenes 399 versus L. innocua239. Expérience D : L. monocytogenes 52 versus L. innocua 60. L.i. et L.m. sont les abréviations de L. innocua et L. monocytogenes.BDF et BF sont les abréviations de bouillon demi Fraser et bouillon Fraser.

Log(N0)p p (h-1) Lagp (h) Log(Nmax)p Log(N0)m m Lagm Log(Nmax)m

(a1) BDF L.i.743

5.99 [5.90 ; 6.08]

0.62 [0.56 ; 0.68]

2.51 [1.88 ; 3.14]

9.03 [8.88 ; 9.17]

Log(N0)p

(p: 0.56) 0.48

[0.42 ; 0.53] 3.05

[2.28 ; 3.83] Log(Nmax)p

(p: )

(a2) BF L.i.743

6.48 [6.38 ; 6.58]

0.72 [0.65 ; 0.80]

2.25 [1.80 ; 2.70]

8.88 [8.74 ; 9.02]

Log(N0)p

(p: 0.06) µp

(p: 0.94)

Lagp

(p:1 ) Log(Nmax)p

(p: 1)

(a3) BDF L.m. 399

6.36 [6.22 ; 6.50]

0.72 [0.62 ; 0.83]

3.17 [2.55 ; 3.79]

9.03 [8.77 ; 9.30]

cf. texte

(a4) BF L.m.399

6.66 [6.58 ; 6.73]

0.78 [0.70 ; 0.86]

1.00 |0.66 ; 1.36]

8.79 [8.69 ; 8.88]

cf. texte

(b1) BDF L.i. 227

5.68 [5.58 ; 5.78]

0.62 [0.56 ; 0.68]

3.34 [2.69 ; 6.99]

8.81 [8.55 ; 9.07]

Log(N0)p

(p: 0.97) µp

(p: 0.70)

Lagp

(p: 0.13) 7.82

[7.68 ; 7.96]

(b2) BF L.i. 227

6.44 [6.39 ; 6.50]

0.87 [0.80 ; 0.94]

1.76 [1.51, 2.02]

8.72 [8.60 ; 8.84]

Log(N0)p

(p: 0.56) µp

(p: 0.57)

Lagp

(p: 0.97) 8.33

[8.25 ; 8.41]

(b3) BDF L.m. 399

5.95 [5.87 ; 6.03]

0.67 [0.63 ; 0.71]

3.50 [3.03 ; 3.96]

8.98 [8.82 ; 9.14]

Log(N0)p

(p: 0.84) µp

(p: 0.75)

2.81 [2.36 ; 3.25]

8.76 [8.64 ; 8.89]

(b4) BF L.m.399

6.59 [6.61 ; 6.67]

0.89 [0.80 ; 0.98]

1.37 [1.03 ; 1.70]

8.94 [8.81 ; 9.07]

Log(N0)p

(p: 0.52) µp

(p: 0.17)

Lagp

(p: 0.67) 8.41

[8.32 ; 8.50]

(c1) BDF L.i. 239

6.08 [6.00 ; 6.16]

0.79 [0.72 ; 0.86]

2.13 [1.66 ; 2.60]

8.90 [8.76 ; 9.00]

Log(N0)p

(p: 0.89) µp

(p: 0.67)

2.55 [2.08 ; 3.02]

8.54 [8.44 ; 8.64]

(c2) BF L.i. 239

6.37 [6.27 ; 6.47]

0.82 [0.71 ; 0.93]

1.64 [1.17 ;2.11]

8.62 [8.45 ; 8.80]

Log(N0)p

(p: 0.62) µp

(p: 1.00)

Lagp

(p: 0.13) Log(Nmax)p

(p: 0.64)

(c3) BDF L.m. 399

6.28 [6.20 ; 6.36]

0.71 [0.65 ; 0.77]

3.04 [2.62 ; 3.46]

8.97 [8.83 ; 9.12]

Log(N0)p

(p: 0.72) µp

(p:0.77 )

Lagp

(p:0.05) 8.46

[8.36 ; 8.56]

(c4) BF L.m.399

6.62 [6.50 ; 6.75]

0.77 [0.67 ; 0.87]

1.11 [0.55 ; 1.67]

8.97 [8.76 ; 9.18]

Log(N0)p

(p: 0.84) µp

(p:0.51 )

Lagp

(p:0.97) Log(Nmax)p

(p: 0.89)

(d1) BDF L.i.

6.42 [6.33 ; 6.50]

0.66 [0.62 ; 0.70]

1.43 [1.03 ; 1.83]

9.19 [9.09 ; 9.29]

Log(N0)p

(p: 0.60) µp

(p: 0.56)

Lagp

(p: 0.24) Log(Nmax)p

(p:0.57 )

(d2) BF L.i.

7.25 [7.15 ; 7.34]

0.92 [0.80 ; 1.04]

1.51 [1.11 ; 1.90]

9.15 [9.05 ; 9.25]

Log(N0)p

(p: 0.59) µp

(p: 0.66)

Lagp

(p: 0.24) 8.84

[8.75 ; 8.93]

(d3) BDF L.m.

6.49 [6.39 ; 6.59]

0.65 [0.59 ; 0.71]

1.71 [1.22 ; 2.20]

8.97 [8.80 ; 9.13]

cf. texte

(d4) BF L.m.

6.97 [6.85 ; 7.08]

0.98 [0.77 ; 1.18]

1.52 [1.04 ; 2.00]

8.64 [8.52 ; 8.75]

cf. texte

Il pourrait donc y avoir une inhibition de L. monocytogenes par L. innocua, non seulement avec uneinteraction de type bactériocine, mais aussi dans certains cas avec une interaction de type particulede bactériophage.

Page 166: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

166

Discussion

De nombreuses et diverses activités inhibitrices sont connues au sein du genre Listeria (Tagg etal., 1976 ; Mollerach et al., 1988 ; Ortel, 1989 ; Curtis & Mitchell, 1992 ; Lebek et al., 1993 ; Zinket al., 1995 ; Yokoyama et al., 1998 ; Kalmokoff et al., 1999), et dans certains cas, les agents res-ponsables de ces activités ont été reportés (Zink et al., 1995 ; Loessner et al., 1995 ; Yokoyama etal., 1998 ; Kalmokoff et al., 1999).

Cet effet inhibiteur peut résulter de particules défectives de bactériophages ou "queue de phages"(Zink et al., 1995), qui sont non réplicatives mais peuvent tuer une cellule sensible. Les termes demonocines, listériocines ou inhibiteur de type bactériocine sont parfois utilisés (Zink et al., 1995). Ilest généralement admis que la production de queues de phages requiert une induction de la réponseSOS. Mais chez Listeria spp., une production sur gélose voire en culture liquide sans induction a étéobservée (Bradley & Dewar, 1966 ; Kalmokoff et al., 1999). D'autres souches de L. innocua etL. monocytogenes produisent aussi des phages réplicatifs (Loessner et al., 1995) ou des composésinhibiteurs de nature peptidique ou protéique (Mollerach et al., 1988 ; Kalmokoff et al., 1999).

Yokoyama et al. (1998) ont suggéré que la large incidence de potentialités inhibitrices chez L. mo-nocytogenes et les larges spectres d'inhibition sur L. innocua pourrait avoir un impact sur les procé-dures d'enrichissement de L. monocytogenes. Toutefois, ils s'appuyaient sur des travaux expéri-mentaux en milieu solide et n'ont pas validé leurs hypothèses en reproduisant une procédure d'enri-chissement.

J'ai pu mettre en évidence deux cas d'inhibition. Dans l'expérience A, L. innocua 743 a très claire-ment inhibé la croissance de L. monocytogenes 399 en bouillons demi Fraser et Fraser. Ce résultatétait relativement prévisible puisque L. innocua 743 produit au cours de sa phase exponentielle unpeptide de type bactériocine, auquel L. monocytogenes 399 est sensible (Kalmokoff et al., 1999).

La seconde inhibition, dans l'expérience D, entre L. innocua 60, productrice de queue de phage, etL. monocytogenes 52 était plus inattendue. En effet, aucune interaction de ce type n'avait été notéeentre L. innocua 239 (également productrice de queue de phage) et L. monocytogenes 399. Cettedémarche devra être approfondie afin de caractériser précisément les interactions impliquant dessouches de L. innocua productrices de queue de phage.

Cette question pose un problème stratégique sur l'impact possible d'activités inhibitrices sur lesprocédures d'enrichissement. En effet, la proportion de souches de L. innocua produisant un peptidede type bactériocine est faible (3/50, d'après Kalmokoff et al., 1999), tandis que les souches de L.innocua productrices de queues de phages sont majoritaires (31/50, d'après Kalmokoff et al., 1999).

III.3.4. EVOLUTION RELATIVE DES DEUX POPULATIONS

Les quatre expériences (A, B, C et D) présentées ci-dessus sont exploitées ci-dessous du point devue de l'évolution relative des deux populations. De plus, une cinquième expérience (E) a étéspécialement conçue pour prendre en compte l'impact de l'avantage sélectif d'une souche de L. in-nocua sur une souche de L. monocytogenes au cours d'une procédure d'enrichissement.

Page 167: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

167

Matériel et méthodes

Souches

L. monocytogenes 17 était d'après III.3.2 la souche de L. monocytogenes la plus lente en bouillonsdemi Fraser et Fraser après la souche Scott A. Elle a été cultivée versus L. innocua 264 (cf. Tableau23).

Conditions de culture

L'expérience E a été similaire aux expériences A, B, C et D à quelques exceptions près. Aucuneculture pure témoin n'était réalisée, le but n'étant pas de caractériser une interaction éventuelle. Lesconcentrations initiales en bouillon demi Fraser étaient plus faibles (103 ufc/ml au lieu de 106

ufc/ml) et la culture en bouillon Fraser était ensemencée avec 2,25 mL de la culture de la veille enbouillon demi Fraser (soit une dilution au 100ème). Ce protocole (cf. Figure 40) avait pour objectifde reconstituer l'évolution relative des deux populations dans un protocole réaliste.

Figure 40. Réalisation des cultures mixtes en bouillons demi Fraser (J1) puis Fraser (J2). Expérience E.

Résultats et discussion

Comme cela a été montré en II.2.2, la variable la plus pertinente d'un point de vue statistique poursuivre l'évolution relative de deux populations bactériennes est la proportion de la population majo-ritaire. C'est pourquoi j'ai choisi comme variable d'intérêt le rapport entre densité de population deL. innocua et densité de population totale.

Impact d'une activité inhibitrice de L. innocua

Dans les cas d'inhibitions (expériences A et D), L. innocua a très largement surpassé L. monocyto-genes. Au cours des cultures mixtes en bouillon demi Fraser, la proportion de L. innocua a aug-menté de 28% à 99% [expérience A] et de 45% à 99,8% [expérience D]. Au cours des cultures

Page 168: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

168

mixtes en bouillon Fraser, la proportion de L. innocua a augmenté de 54% à 98% [expérience A] etde 66% à 95% [expérience D].

Dans des conditions réelles, le phénomène serait vraisemblablement amplifié, essentiellement car leratio initial de la culture en bouillon Fraser serait le ratio final de la culture en bouillon demi Fraser.D'autre part, les densités de population initiales seraient plus faibles et donc les phases de crois-sance plus longues.

Impact d'un avantage sélectif de L. innocua

Pour ces mêmes raisons, les expériences B et C n'étaient pas adaptées à prendre en compte l'impactd'un éventuel avantage sélectif. C'est dans cet objectif que l'expérience E a été conçue.

Au cours de l'enrichissement primaire, le développement des deux populations a été caractérisé parune latence puis une croissance exponentielle. Au cours de l'enrichissement secondaire, il n'y a paseu de phase de latence significative (résultat attendu, puisque les populations étaient encore enphase de croissance exponentielle). De plus, les deux populations ont atteint la phase de ralentisse-ment puis la phase stationnaire simultanément. Il est donc vraisemblable qu'elles étaient toutes deuxlimitées par une même ressource (quelle qu'elle soit : un ou plusieurs substrat(s), un ou plusieursnutriment(s) ou l'espace), pour laquelle elles seraient en compétition. L'hypothèse est donc qu'il yaurait croissance indépendante de chaque souche tant que la ressource n'est pas limitante puis limi-tation de la population totale par la ressource limitante.

Pour modéliser cette croissance conjointe, un modèle de croissance a été proposé sur les hypothèsessuivantes :§ latence puis croissance exponentielle pour chaque souche indépendamment en bouillon demi

Fraser,§ dilution au 100ème après 24h§ croissance exponentielle pour chaque souche indépendamment en bouillon Fraser avec freinage

logistique sur la population totale.

[88]

Avec N i: densité de population de L. innocua (ufc/ml); Nm: densité de population de L. monocytogenes (ufc/ml); µi: taux de crois-sance de L. innocua (h-1); µm: taux de croissance de L. monocytogenes (h-1); Nmax: densité de population totale maximale (ufc/ml).

Il n'existe pas de résolution formelle de ce système. Toutefois, il est possible d'en chercher unerésolution numérique pour des valeurs particulières des paramètres des cinétiques. Les résolutionsnumériques du système d'équations différentielles ont été effectuées à l'aide de la procédureNDSolve du logiciel Mathematica.

Page 169: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

169

Figure 41. Cinétiques de croissance en cultures mixtes de L. innocua 264 ( ) et L. monocytogenes 17 ( ). Expérience E.

Avec les valeurs estimées par l'ajustement d'un modèle de croissance à chaque cinétique, on obtientun modèle théorique dont les chroniques décrivent parfaitement les cinétiques expérimentales (cf.Figure 41). Cette bonne adéquation entre le modèle et les données permet de confirmer que la mod-élisation de la décélération par un freinage logistique sur la population totale est correcte et doncque l'hypothèse d'une compétition pour une ressource est plausible.

Cela confirme donc que, dans l'hypothèse de neutralisme, les différences de fitness suffisent à ex-pliquer de telles évolutions entre ratio initial (40% de L. innocua) et ratio final (95% à l'issue del'enrichissement primaire et 99,5% à l'issue de l'enrichissement secondaire). Toutefois, une évolu-tion inverse pourrait être observée dans le cas d'un couple L. monocytogenes/L. innocua pour lequelL. monocytogenes aurait un avantage sélectif sur L. innocua.

III.3.5. CONCLUSION

Le fait que L. innocua puisse surpasser L. monocytogenes au cours d'une procédure d'enrichisse-ment avait été bien établi. Mais il avait été attribué en général à une différence d'aptitude de crois-sance entre les deux espèces dans les milieux sélectifs. De ce point de vue, les résultats présentés iciviennent plutôt en contre-point de la littérature. En bouillon demi Fraser (jamais utilisé dans de tel-les expériences), il n'y a aucune différence entre les deux espèces. En bouillon Fraser, les L. mono-cytogenes sont certes en moyenne un peu plus lentes que les L. innocua, mais la variabilité inter-espèces n'est pas significative devant la variabilité intra-espèce. En revanche, l'hypothèse d'un effetinhibiteur de L. innocua sur L. monocytogenes, rarement évoquée, semble devoir être approfondie.

Quelles qu'en soient les raisons, il a été confirmé ici qu'il est possible (mais pas systématique) queL. innocua puisse surpasser L. monocytogenes. La proportion finale de L. innocua peut être trèssupérieure à 80%. Or, avec les milieux gélosés sélectifs non différentiels (type Oxford ou Palcam),sur lesquels seules cinq colonies sont identifiés quant à l'appartenance à l'espèce monocytogenes, ilest alors très probable de conclure faussement à l'absence de L. monocytogenes dans l'échantilloninitial.

Cet impact sur la détection de L. monocytogenes a été établi. Ainsi, Curiale & Lewus (1994) ontconduit une étude inter-laboratoires pour apprécier la détection (après enrichissement en deux éta-pes) de L. monocytogenes avec du bœuf artificiellement contaminé par L. innocua et/ou L. mono-cytogenes . En absence de L. innocua, 14 laboratoires sur 14 ont détecté L. monocytogenes (100%

Proportion de L. innocuaN(t)

Temps(h) Temps(h)

Page 170: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III. Etudes de cas

170

de vrais positifs), mais dans le cas d'échantillons contenant aussi L. innocua, seuls 0, 1, ou 2 labo-ratoires sur 14 ont retrouvé L. monocytogenes (95% de faux négatifs).

Par ailleurs, Beumer et al. (1996b) ont réalisé une vaste étude épidémiologique sur la présence deListeria dans des maisons. Sur 871 échantillons collectés, 132 contenaient une espèce de Listeria etune seule mais ils n'ont trouvé aucun échantillon contenant deux (ou plusieurs) espèces de Listeriaconjointement. Des résultats similaires ont été rapportés sur des échantillons alimentaires (Petran &Swanson, 1993). Il n'a pas pu être établi si ces résultats étaient le reflet d'une réalité épidémiologi-que, c'est-à-dire si les différentes espèces s'excluent in situ, ou s'ils résultent d'un artefact lié à l'en-richissement in vitro.

Ce surpassement potentiel de L. innocua a été avancé comme argument pour justifier la nécessitédes milieux gélosés sélectifs différentiels, permettant une reconnaissance de l'espèce monocytoge-nes au sein du genre Listeria (Beumer et al., 1997). Toutefois, si la proportion finale de L. innocuadépasse 99% voire 99,9%, il n'est pas certain que les très rares colonies de L. monocytogenes puis-sent être visualisées parmi les colonies de L. innocua.

Au-delà de cette étude particulière, ce type d'approche pour l'optimisation d'une procédure dedétection est discuté dans la quatrième partie.

Page 171: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

171

Page 172: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

172

PARTIE IV DISCUSSION

GENERALE

"La raison pour laquelle certains portraits ne ressemblentpas à leur modèle vivant, c'est parce que les modèles ne fontaucun effort pour ressembler à leur portrait."

Salvador Dali

Page 173: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

III.3. L. innocua et L. monocytogenes

173

Page 174: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

174

IV.1. APPORTS ET PERSPECTIVES SUR LEPLAN METHODOLOGIQUE

Au cours de la troisième partie, j'ai pu mettre en pratique les concepts et méthodologies développés de

manière relativement théorique dans les deux premières parties. Cette quatrième partie est d'abord l'oc-

casion de faire le bilan des principaux atouts et limites de cette approche méthodologique.

IV.1.1. METHODOLOGIE EXPERIMENTALE

Concernant le suivi de la croissance bactérienne, les principales innovations techniques proposéesdans la deuxième partie étaient d'une part l'utilisation de la turbidimétrie pour l'étude de l'avantagesélectif et d'autre part une planification rigoureuse de comparaison entre cultures pures et culturesmixtes pour l'étude des interactions.

Aptitudes de croissance en cultures pures

L'évaluation des aptitudes de croissance en culture pure dans des systèmes automatisés de suivi dela turbidimétrie se heurte à quelques contraintes.§ Les conditions de culture (petits volumes, problèmes d'aération) sont éloignées des conditions

usuelles. Ce problème est encore accentué avec des systèmes de cultures en microplaques, quin'ont pas été utilisés dans ce projet.

§ La turbidimétrie impose des milieux de culture limpides, ne se colorant pas sous l'action dudéveloppement bactérien. Le choix de supprimer l'esculine des bouillons demi Fraser et Fraserdans la troisième étude de cas n'était pas anodin. En effet, la présence d'esculine dans les mi-lieux de culture pourrait favoriser l'absorption de fer par Listeria (Coulanges et al., 1998).

§ La turbidimétrie impose des densités de biomasses initiales relativement élevées, il est doncimpossible de suivre l'intégralité de cinétiques à partir de faibles voire très faibles inoculums (cf.Baty, 2000).

§ La variabilité inter-blocs (due à des artefacts techniques) est importante, en tout cas non négli-geable devant les différences qui pourraient être mises en évidence (cf. Baty, 2000).

Toutefois, les résultats fournis par cette approche ont apporté des éléments très pertinents dans lesdeux dernières études de cas. Le principal atout est de pouvoir, grâce à l'automatisation, tester enparallèle un nombre important de souches. Cette approche est donc beaucoup moins lourde que laréalisation de cultures mixtes (cf. ci-dessous).

Suivi de cultures mixtes

Les techniques automatisées de suivi de la croissance bactérienne permettent en effet d'allégerconsidérablement le travail expérimental de suivi de cinétiques bactériennes. Or, comme cela a étédémontré dans la première partie, elles ne peuvent être appliquées au cas des cultures mixtes. Lerecours à un dénombrement sur boîtes de Petri est alors presque systématique, ce qui réduit le nom-

Page 175: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

IV.1. Apports et perspectives sur le plan méthodologique

175

bre de cultures envisageables et le nombre de points expérimentaux réalisables par culture, pour desraisons de coût, de temps et de faisabilité.

Pour le suivi sur boîtes de Petri, deux solutions principales sont envisageables : d'une part l'utilisa-tion d'un milieu différentiel, sur lequel les deux populations peuvent être dénombrées distinctement,d'autre part l'association d'un milieu sélectif, permettant le dénombrement d'une population particu-lière, et d'un milieu non sélectif pour le dénombrement total des deux populations. L'étude parMonte Carlo de la deuxième partie fournit des informations quant au choix entre ces deux métho-des. Ainsi, si le ratio entre les deux populations reste proche de 1:1 au cours de la culture (ou aumoins n'atteint jamais 10:1 ou 1:10), le dénombrement différentiel permet d'atteindre la meilleureprécision. De plus, il permet en pratique de diviser par deux le nombre de géloses. En revanche, s'ily a une population très minoritaire pendant tout ou partie de la culture et qu'il existe un milieusélectif permettant de dénombrer spécifiquement cette population, la deuxième solution doit êtreretenue. Elle offre en effet l'intérêt de pouvoir compter les deux populations à deux dilutions diff-érentes. Toutefois, le choix entre les deux méthodes n'est pas toujours possible, surtout dans le casde souches proches. Il peut même advenir qu'aucune de ces deux solutions ne soit adaptée à un cou-ple de souches particulier, c'est-à-dire qu'il n'existe ni milieu différentiel ni milieu sélectif. Dans cecas, la mise au point d'une méthode alternative doit être envisagée.

Réalisation de cultures pures et mixtes en parallèle

L'approche des interactions que j'ai proposée repose essentiellement sur un protocole rigoureux deréalisation en parallèle de cultures pure et mixte. Ceci multiplie par trois les contraintes en temps eten coût puisque deux cultures pures doivent être menées en plus de chaque culture mixte. Cettecomplexification pourrait sembler superflue. Elle l'est effectivement dans le cas d'inhibition trèsmarquée, comme ce fut le cas dans l'expérience A de la troisième étude de cas, (cf. Figure 36, A3 etA4). Mais pour la plupart des interactions, les cultures témoins se sont avérées nécessaires.

IV.1.2. METHODOLOGIE DE MODELISATION

Concernant les interactions, l’approche détaillée ici permet de déterminer pour une culture données’il y a eu ou non effet significatif d’une population sur l’autre. Ainsi il est possible de caractériser aposteriori une interaction d’un point de vue phénoménologique. De plus, elle permet d’identifier sil’hypothèse la plus simple (compétition pour une ressource limitante et donc freinage logistique surla population totale) suffit à expliquer les effets observés ou si le recours à une autre explication(interaction de type interférence en particulier) est nécessaire. C’est une première approche de ca-ractérisation mécaniste, toujours a posteriori . Mais aucun modèle permettant de décrire les interac-tions (ni a fortiori de les prédire) n’a été proposé.

Concernant l’avantage sélectif et son impact sur un surpassement, il est envisageable d’utiliserl’approche développée ici en prédiction, à condition que les hypothèses de neutralisme ou de comp-étition pour une ressource limitante (modélisée par un freinage logistique sur la population totale)soient acceptables.

Page 176: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

IV. Discussion

176

Une approche alternative, non envisagée jusqu’à présent dans ce cadre, serait la modélisation sto-chastique. Elle a pour objectif de tenir compte des mécanismes précis au niveau individuel (échellemicroscopique). Elle s’oppose à l’approche déterministe tenant compte des populations (échellemacroscopique), à laquelle la plupart des modèles présentés ici peuvent se rattacher. Ce type demodèle permettrait de prendre en compte une variabilité inter-individuelle et de décrire les interac-tions à l’échelle individuelle (Pavé, 1994). Toutefois, cette approche semble difficile à mettre enœuvre, en particulier pour des interactions complexes (Pavé, 1994).

IV.1.3. DE LA CULTURE EN BATCH A L’ECOLOGIE

Le modèle expérimental essentiellement (voire exclusivement) détaillé ici a été le batch : procédédiscontinu de culture en milieu liquide. Comme cela a été introduit dans la première partie, il sem-blait en effet que le retard méthodologique concernant les cultures mixtes était plus marqué pour cemodèle expérimental là que pour les deux autres : le chémostat (procédé continu de culture en mi-lieu liquide) et la culture sur milieu solide.

Le batch est un procédé très couramment utilisé au laboratoire et il était apparu nécessaire dedévelopper une approche adaptée à ce procédé particulier. Ainsi, la procédure d’enrichissement deListeria monocytogenes, qui est en elle-même une culture en batch, a pu être reconstitué quasimentà l’identique. Mais un procédé expérimental quel qu’il soit ne peut à lui seul constituer un modèleréaliste de toutes les situations biologiques. Le batch doit être privilégié pour approcher lesphénomènes biologiques/écologiques de colonisation d’un milieu/territoire "riche" (pas de limita-tion initiale par le substrat) et "neuf" (préalablement stérile). C'est donc un modèle particulièrementadapté à la microbiologie alimentaire mais moins à des études de physiologie bactérienne ou debactériologie médicale. Le choix du batch dans certaines études de cas était donc discutable.

Page 177: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

IV.1. Apports et perspectives sur le plan méthodologique

177

Page 178: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

178

IV.2. APPORTS ET PERSPECTIVES SUR LEPLAN BIOLOGIQUE

Les trois études de cas présentées dans la troisième partie ont illustré différents champs d'application de

la dynamique des populations bactériennes en culture mixte. Les principaux résultats biologiques et les

perspectives dans ce domaine sont discutés ici.

IV.2.1. PHYSIOLOGIE DE LA CROISSANCE

La première étude de cas a permis d'utiliser des outils biométriques de modélisation pour étudier lacroissance d'un point de vue physiologique. L'utilisation d'un milieu minimum défini a permis quel-ques simplifications théoriques. Un des avantages principaux est qu'il n'y a théoriquement qu'unedécélération, due à l'épuisement du substrat limitant, qui était dans ce cas-là le glucose. Il s'est eneffet avéré que la décélération était caractérisée par une brutale diminution du taux de croissanceinstantané. Pour les mêmes raisons, l'hypothèse de l'existence d'une phase de croissance exponen-tielle, qui n'est qu'une approximation dans la plupart des milieux de culture complexes, est théori-quement valable en milieu minimum défini. Cela a effectivement été observé dans le cas de E. coliK12. En revanche, E. coli O157:H7 ne suivait pas ce modèle prototype. Cela a été démontré par uneapproche inférentielle (test de Fisher) à partir des résultats par dénombrement et par une approchedynamique (calcul d'un taux de croissance instantané) à partir des résultats turbidimétriques. Ainsi,des outils ont été développés pour la modélisation de croissances non exponentielles. L'approchedynamique a été rendu possible par l'utilisation d'un système sensible et précis de suivi automatiséde la croissance. De telles croissances non exponentielles pourraient être observées avec d'autresespèces, grâce à ces outils de suivi et de modélisation.

Une autre nécessité dans ce domaine est d'améliorer les techniques de prise en compte du temps delatence, et ce tout particulièrement, dans le cas de faibles inoculums. Une réflexion sur ce sujet a étéamorcée mais nécessiterait de nombreuses investigations complémentaires : compréhension phy-siologique des mécanismes impliqués, mise en relation de ces données physiologiques avec unmodèle adapté décrivant les premières phases de la croissance, approche stochastique dans le casdes faibles inoculums, effet de l'histoire de la souche (notamment des stress subis) sur le paramètrelag, etc.

IV.2.2. VARIABILITE DYNAMIQUE

Puisque l’un des enjeux de mon projet était d’évaluer l’impact d’éventuelles différences d’aptitudesde croissance entre souches proches, j’ai été amenée à étudier la variabilité dynamique intra-spécifique.

Dans la deuxième étude de cas, différents phénotypes de l’espèce S. aureus ont été étudiés. A partirde l’échantillonnage de souches obtenu, une étroite relation entre profils d’antibio-résistance, profilsen champs pulsés (pulsotypes) et aptitudes de croissance a été démontrée au sein des souches clini-

Page 179: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

IV.2. Apports et perspectives sur le plan biologique

179

ques françaises de S. aureus résistant à la méticilline (MRSA). Il s’agissait de la première descrip-tion d’un lien entre épidémiologie moléculaire et propriétés physiologiques pour de telles souches.Cet exemple ouvre des perspectives intéressantes quant à la mise en relation de variabilité génoty-pique et variabilité dynamique.

Dans la troisième étude de cas, deux espèces différentes du genre Listeria étaient comparées. Si lavariabilité inter-spécifique était le sujet d’intérêt, les expériences menées ont particulièrement misen évidence une variabilité intra-spécifique importante, avec présence de souches extravagantes.Ainsi, L. monocytogenes Scott A avait une croissance relativement lente dans les milieux les moinssélectifs mais sans se démarquer particulièrement de l’ensemble de l’espèce. En revanche, en mi-lieux très sélectifs (bouillons demi Fraser et Fraser), son temps de génération était nettement le pluslong. Des caractéristiques similaires dans des conditions différentes ont déjà été observées (Barbosaet al., 1994; MacDonald and Sutherland, 1994; Begot et al., 1997). Au sein du genre L. innocua, lesdeux souches les plus lentes, quelles que soit le milieu, étaient les deux productrices de bactério-cine : L. innocua 743 et L. innocua 755. Ceci peut être rapproché du problème du coût sélectif de laproduction de bactériocine et de l'allélopathie (cf. p. 55).

Au-delà de cette étude des cultures mixtes, la prise en compte de la variabilité dynamique au seind'une espèce pathogène est essentielle en microbiologie prévisionnelle et a fortiori pour une utilisa-tion en évaluation quantitative des risques. Il pourrait également être envisagé de compléter cettecaractérisation dynamique par une caractérisation écologique (origine des souches) et génotypique(réalisation de sérotypes, ribotypes, pulsotypes…).

IV.2.3. DETECTION PAR ENRICHISSEMENT SELECTIF

La troisième étude de cas a permis de montrer que le surpassement de L. monocytogenes par L. in-nocua pouvait être dû à deux phénomènes : d'une part une croissance plus rapide de L. innocua,d'autre part un effet inhibiteur de L. innocua contre L. monocytogenes . L'impact de chacun de cesphénomènes sur l'évolution relative des deux populations a été modélisé par des techniques prochesde celles de la microbiologie prévisionnelle. D'autre part, il a été établi que chacun de cesphénomènes était susceptible de se produire, mais pas systématique. Il serait intéressant de poursui-vre ce travail en cherchant à quantifier en termes de probabilités l'occurrence de ces phénomènes.Cela impliquerait d'une part de mener une expérience sur l'avantage sélectif avec un nombre desouches beaucoup plus élevé et d'autre part de quantifier la prévalence de souches de L. innocuaayant un effet inhibiteur contre L. monocytogenes dans les conditions d'enrichissement. Ces donn-ées pourraient être appliquées à quantifier la probabilité d'un surpassement par L. innocua et doncde ne pas détecter L. monocytogenes. Comme Alvseike & Skjerve (2000) l'ont proposé, la probabi-lité de détection pourrait constituer un nouveau critère quantitatif, en plus de la spécificité et de lasensibilité, pour juger des procédures qualitatives de détection de pathogène.

Je propose donc d'étendre les méthodes de la microbiologie prévisionnelle, voire de l'analyse quan-titative du risque microbiologique, à un domaine annexe : l'évaluation des méthodes de détection.

Page 180: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

180

IV.3. CONCLUSION

La culture pure s'est imposée à la fin du XIXème siècle comme le principe technique fondamentalde la microbiologie. Ce principe simplificateur a certes permis de nombreuses avancées mais ilpourrait avoir freiné la prise en compte de la variabilité microbienne et des interactions au sein deflores complexes.

Dans le domaine de la modélisation de la croissance bactérienne, la plupart des travaux réalisés enbatch reposent sur l'hypothèse d'une population bactérienne homogène. Le développement de mod-èles adaptés aux cultures mixtes en batch est très récent. Mon étude se plaçait dans cet objectifméthodologique et conceptuel. Comme dans la plupart des travaux actuels, des mélanges de deuxpopulations (et jamais plus) ont été étudiés, ce qui constitue une autre simplification épistémologi-que.

Sur la base de cultures pures, il est possible de comparer deux populations entre elles afin de déter-miner laquelle serait la plus adaptée à des conditions données et donc laquelle aurait a priori unavantage sélectif dans ces conditions. J'ai montré que les systèmes de suivi automatisé de la crois-sance permettaient d'obtenir une précision suffisante sur le temps de génération pour mettre en évi-dence des différences d'aptitudes de croissance au sein de l'espèce S. aureus et au sein du genreListeria.

Sur la base de cultures mixtes, il est possible de valider cette hypothèse d'avantage sélectif en sui-vant l'évolution relative de deux populations. J'ai mis en évidence que la variable la plus adaptée àce suivi serait la proportion de la population majoritaire. J'ai montré que l'avantage sélectif de cer-tains clones de S. aureus sensibles à la gentamicine pourrait expliquer qu'ils surpassent les clones deS. aureus résistants à la gentamicine, ce qui par suite constitue un élément de réponse à une évolu-tion épidémiologique récente. De même, l'avantage sélectif de certaines souches de L. innocua enbouillon sélectif pourrait expliquer qu'elles surpassent L. monocytogenes résistants à la gentamicineau cours de procédés d'enrichissement, ce qui pourrait expliquer certains problèmes de détection deL. monocytogenes.

L'extrapolation entre culture pure et culture mixte n'est possible que sous l'hypothèse forte que cha-que population n'est pas influencée par la croissance de l'autre, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'interac-tion. La notion d'interaction correspond en effet à une modification du comportement (ici de lacroissance) d'une population du fait de l'autre population présente dans le mélange. J'ai donc pro-posé une méthodologie de caractérisation phénoménologique des interactions qui repose sur lacomparaison de la cinétique d'une souche en culture pure à la cinétique de cette même souche enculture mixte. Cette méthodologie consiste en une planification expérimentale permettant de réali-ser les cultures dans ses conditions aussi proches que possible et une méthode statistique de compa-raison des courbes. J'ai ainsi pu mettre en évidence une interaction de type commensalisme entre E.coli K12 et E. coli O157:H7 et caractériser l'inhibition de L. monocytogenes par différents phénoty-pes de L. innocua.

Dans les cas d'interactions les plus simples, de type compétition pour une ressource limitante, j'aiproposé un modèle de dynamique conjointe permettant de prédire l'issue d'une culture mixte à partirdes cultures pures des deux populations. Toutefois, de nombreux développements complémentaires

Page 181: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

IV.2. Apports et perspectives sur le plan biologique

181

sont nécessaires avant de pouvoir, dans des cas plus complexes, modéliser et a fortiori prédire lacroissance de deux populations de cultures mixtes.

Page 182: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

182

REFERENCESBIBLIOGRAPHIQUES

Page 183: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

183

Page 184: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

184

A

ALLAKER R.P., LLOYD D.H., NOBLE W.C. (1989). Studies on antagonism between porcineskin bacteria. Journal of Applied Bacteriology. 66:507-514.

ALVSEIKE O., SKJERVE E. (2000). Probability of detection of Salmonella using different ana-lytical procedures, with emphasis on subspecies diarizonae serovar 61:k:1,5,(7) [S. IIIb61:k:1,5,(7)]. International Journal of Food Microbiology. 58:49-58.

AMANN R.I., BINDER B.J., OLSON R.J., CHILSOM S.W., DEVEREUX R., STAHL D.A.(1990). Combination of 16S rRNA-targeted oligonucleotide probes with flow cytometry for ana-lyzing mixed microbial populations. Applied and Environmental Microbiology. 56:1919-1925.

ANDERSEN G.L., BEATTIE G.A., LINDOW S.E. (1998). Molecular characterization and se-quence of a methionine biosynthetic locus from Pseudomonas syringae. Journal of Bacteriology.180:4497-4507.

ANONYMOUS (1996). Microbiology of food and animal feeding stuffs-Horizontal method for thedetection and enumeration of Listeria monocytogenes. ISO 11290-1. International Organization forStandardization, Genève, Suisse.

ANTONIADIS A., BERRUYER J., CARMONA R. (1992). Régression non linéaire et applica-tions. Economica, Paris.

AUBRY-DAMON H., LEGRAND P., BRUN-BUISSON C., ASTIER A., SOUSSY C.J.,LECLERCQ R. (1997). Re-emergence of gentamicin-susceptible strains of methicillin-resistantStaphylococcus aureus: roles of an infection control program and changes in aminoglycoside use.Clinical Infectious Diseases. 25:647-53.

AUGUSTIN J.C., ROSSO L., CARLIER V. (2000). A model describing the effect of temperaturehistory on lag time for Listeria monocytogenes. International Journal of Food Microbiology.57:169-181.

B

BACHELARD G. (1932). Le pluralisme cohérent de la chimie moderne. Vrin, Paris.

BADRAN I.I., REICHART O. (1995). Studies on the growth and acid production of pure andmixed cultures of Bifidobacterium bifidum, Lactobacillus acidophilus and Lactobacillus bulgaricus.Acta Alimentaria. 24:277-287.

BARANYI J., ROBERTS T.A. (1994). A dynamic approach to predicting bacterial growth in food.International Journal of Food Microbiology. 23:277-294.

BARANYI J., ROBERTS T.A. (1995). Mathematics of predictive food microbiology. InternationalJournal of Food Microbiology. 26:199-218.

BARBER M.A. (1908). The rate of multiplication of Bacillus coli at different temperatures. Journalof Infectious Diseases . 5:379-400.

Page 185: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

185

BARBOSA W.B., CABEDO L., WEDERQUIST H.J., SOFOS J.N., SCHMIDT G.R. (1994).Growth variation among species and strains of Listeria in culture broth. Journal of Food Protection.57:765-775.

BATES D.M., WATTS D.G. (1988). Nonlinear regression analysis & its applications. John Wiley& Sons, Chichester.

BATY F. (2000). Variabilité intra-spécifique des paramètres de croissance de Listeria monocyto-genes. Rapport de DEA, Université Lyon 1.

BAZIN M.J. (1981). Mixed culture kinetics. In (Bushell M.E., Slater J.H., eds) Mixed culture fer-mentations pp. 25-51. Academic Press, London.

BEAL C., CORRIEU G. (1991). Influence of pH, temperature and inoculum composition on mixedcultures of Streptococcus thermophilus 404 and Lactobacillus bulgaricus 398. Biotechnology andBioengineering. 38:90-98.

BEALE E.M.L. (1960). Confidence regions in non-linear estimations. Journal of the Royal Statis-tics Society. 22B:41-88.

BEGOT C. (1996). Mesure et modélisation de la croissance de Listeria monocytogenes en milieuliquide et en surface de viande. Thèse de doctorat, Université d'Auvergne.

BEGOT C., LEBERT I., LEBERT A. (1997). Variability of the response of 66 Listeria monocyto-genes and Listeria innocua strains to different growth conditions. Food Microbiology. 14:403-412.

BENNETT A.F., DAO K.M. LENSKI R.E. (1990). Rapid evolution in response to high-temperature selection. Nature. 346:79-81.

BERKMAN T., BOZOGLU T.F., OZILGEN M. (1990). Mixed culture growth kinetics of Strepto-coccus thermophilus and Lactobacillus bulgaricus. Enzyme and microbial technology. 12:138-140.

BEUMER R.R., TE GIFFEL M.C., ANTHONIE S.V.R., COX L.J. (1996a) The effect of acri-flavine and nalidixic acid on the growth of Listeria spp. in enrichment media. Food Microbiology.13:137-148.

BEUMER R.R., TE GIFFEL M.C., SPOORENBERG E., ROMBOUTS F.M. (1996b). Listeria spe-cies in domestic environments. Epidemiology and Infection. 117:437-442.

BEUMER, R.R., TE GIFFEL M.C., COX L.J. (1997). Optimization of haemolysis in enhancedhaemolysis agar (EHA)--a selective medium for the isolation of Listeria monocytogenes. Letters inApplied Microbiology. 24: 421-425.

BIBEL D.J., ALY R., BAYLES C., STRAUSS W.G., SHINEFIELD H.R., MAIBACH H.I. (1983).Competitive adherence as a mechanism of bacterial interference. Canadian Journal of Microbiol-ogy. 29:700-703.

BLOT M., MEYER J., ARBER W. (1991). Bleomycin-resistance gene derived from the transposonTn5 confers selective advantage to Escherichia coli K-12. Proceedings of the National Academy ofSciences of the United States. 88:9112-9116.

BORIS M., TEUBNER D., SHINEFIELD H. (1969). Bacterial interference with L-forms. Journalof Bacteriology. 100:791-795.

Page 186: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

186

BOUMA J.E., LENSKI R.E. (1988). Evolution of a bacteria/plasmid association. Nature. 335:351-352.

BOUTIBONNES P. (1999). Micro-organisme. In (Lecourt D., ed) Dictionnaire d'histoire etphoilosophie des sciences, pp. 643-648. PUF, Paris.

BRADLEY D.E., DEWAR C.A. (1966). The structure of phage-like objects associated with non-induced bacteriocinogenic bacteria. Journal of General Microbiology. 45:399-408.

BREAND S., FARDEL G., FLANDROIS J.P., ROSSO L., TOMASSONE R. (1997). A model de-scribing the relationship between lag time and mild temperature increase duration. InternationalJournal of Food Microbiology. 38:157-167.

BREAND S., FARDEL G., FLANDROIS J.P., ROSSO L., TOMASSONE (1999). A model de-scribing the relationship between regrowth lag time and mild temperature increase for Listeriamonocytogenes. International Journal of Food Microbiology. 46:251-61.

BREIDT F., FLEMING H.P. (1998). Modeling of the competitive growth of Listeria monocyto-genes and Lactococcus lactis in vegetable broth. Applied and Environmental Microbiology.64:3159-3165.

BROWN D., ROTHERY P. (1993). Models in biology: mathematics, statistics and computing. JohnWiley & Sons, Chichester.

BUCHANAN R.E. (1919). Life phases in a bacterial culture. Journal of Infectious Diseases.23:109-125.

C

CHAO L., LEVIN B.R. (1981). Structured habitats and the evolution of anticompetitor toxins inbacteria. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States. 78:6324-6328.

CHAPUIS C., FLANDROIS J.P. (1994). Mathematical model of the interactions between Micro-coccus spp. and Pseudomonas aeruginosa on agar surface. Journal of Applied Bacteriology. 77 :727-732.

CHAVEZ S., LUCENA J.M., REYES J.C., FLORENCIO F.J., CANDAU P. (1999). The presenceof glutamate dehydrogenase is a selective advantage for the Cyanobacterium synechocystis sp.strain PCC 6803 under nonexponential growth conditions. Journal of Bacteriology. 181:808-813.

CORMAN A., CARRET G., PAVE A., FLANDROIS J.P., COUIX C. (1986). Bacterial growthmeasurement using an automated system: mathematical modelling and analysis of growth kinetics.Annales de l'Institut Pasteur/Microbiologie. 137 B:133-143.

COULANGES V., ANDRE P., VIDON D.J. (1998). Effect of siderophores, catecholamines, andcatechol compounds on Listeria spp. Growth in iron-complexed medium. Biochem. Biophys. Res.Commun. 249:526-530.

CURIALE M.S., LEWUS C. (1994). Detection of Listeria monocytogenes in samples containingListeria innocua. Journal of Food Protection. 57:1048-1051.

Page 187: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

187

CURTIS G.D., MITCHELL R.G. (1992). Bacteriocin (monocin) interactions among Listeria mono-cytogenes strains. International Journal of Food Microbiology. 16:283-292.

D

DAGNELIE P. (1975). Théorie et méthodes statistiques. Vol 2. Presses agronomiques de Gem-bloux, Gembloux, Belgique.

DE LEIJ F.A.A.M., THOMAS C.E., BAILEY M.J., WHIPPS J.M., LYNCH J.M. (1998). Effect ofinsertion site and metabolic load on the environmental fitness of a genetically modified Pseudo-monas fluorescens isolate. Applied and Environmental Microbiology. 64:2634-2638.

DENS E.J., VEREECKEN K.M., VAN IMPE J.F. (1999). A prototype model structure for mixedmicrobial populations in homogeneous food products. Journal of Theoretical Biology. 201:159-170.

DUFFY G., ELLISON A., ANDERSON W., COLE M.B., STEWART G.S. (1995). Use of biolu-minescence to model the thermal inactivation of Salmonella typhimurium in the presence of a com-petitive microflora. Applied and Environmental Microbiology. 61:3463-3465.

DUH Y.S., SCHAFFNER D.W. (1993). Modeling the effect of temperature on the growth rate andlag time of Listeria innocua and Listeria monocytogenes. Journal of Food Protection. 56:205-210.

DYKES G.A., J.W. HASTINGS JW. (1997). Selection and fitness in bacteriocin-producing bacte-ria. Proc. R. Soc. Lond. B. Biol. Sci. 264:683-687.

E - F

EUROPEAN COMMISSION. HEALTH AND CONSUMER PROTECTION DIRECTORATE(1999). Opinion of the Scientific Committee on Veterinary Measures Relating to Public Health onListeria monocytogenes.

EVANS A.S. (1993). Causation and Disease: A Chronological Journey. Plenum Publishing Co,New-York.

FANG W., SHI M., HUANG L., CHEN J., WANG Y. (1996). Antagonism of lactic acid bacteriatowards Staphylococcus aureus and Escherichia coli on agar plates and in milk. Veterinary re-search. 27:3-12.

FANTINI B. (1999). La microbiologie médicale. In (Grmek M.D., ed). Histoire de la pensée médi-cale en occident. Tome 3 : Du romantisme à l'époque moderne. pp. 116-146. Editions du Seuil,Paris.

FARBER J.M., PETERKIN, P.I. (1991). Listeria monocytogenes, a food-borne pathogen. Micro-biological Reviews. 55:476-511.

FENG P., LAMPEL K.A., KARCH H., WHITTAM T.S. (1998). Genotypic and phenotypicchanges in the emergence of Escherichia coli O157:H7. Journal of Infectious Diseases. 177:1750-1753.

FLANDROIS J.P., CHOMARAT M. (1988). Bactériologie médicale pratique. Medsi/McGraw-Hill, Paris.

Page 188: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

188

FLANDROIS J.P., CARRET G. (1981). Study of the staphylococcal affinity to fibrinogen by pas-sive hemagglutination: a tool for the Staphylococcus aureus identification. Zentralblatt fuer Bakte-riologie, Mikrobiologie und Hygiene [A] . 251:171-6.

FRANK S.A. (1994). Spatial polymorphisms of bacteriocins and other allelopathic traits. Evolu-tionary Ecology. 8:369-386.

FREDRICKSON A.G. (1977). Behavior of mixed cultures of microorganisms. Annual Reviews ofMicrobiology. 31:63-87.

FRETER R., BRICKNER H., BOTNEY M., CLEVEN D., ARANKI A. (1983). Mechanisms thatcontrol bacterial populations in continuous flow culture models of mouse large intestinal flora. In-fection and Immunity. 39:676-685.

G

GONG, G. (1986). Cross validation, the jackknife, and the bootstrap: excess error in estimation inforward logistic regression. Journal of the American Statistical Association. 81:108-113.

GOTTSCHAL J.C. (1990). Different types of continuous culture in ecological studies. Methods inmicrobiology. 22:87-124.

GRIFFITH O.W. (1987). Mammalian sulfur amino acid metabolism: an overview. Methods in en-zymology. 143:366-376.

H

HALL P. (1988). Theoretical comparison of bootstrap confidence intervals. The Annals of Statis-tics. 16:927-953.

HANSEN S.R., HUBBELL S.P. (1980). Single-nutrient microbial competition: qualitative agree-ment between experimental and theoretically forecast outcomes. Science. 207:1491-1493.

HARDER W., KUENEN J.G., MATIN A. (1977). A review. Microbial selection in continuousculture. Journal of Applied Bacteriology. 43:1-24.

HECHARD Y., JAYAT C., LETELLIER F., JULIEN R., CENATIEMPO Y., RATINAUD M.H.(1992). On-line visualization of the competitive behavior of antagonistic bacteria. Applied and En-vironmental Microbiology. 58:3784-3786.

HEIDELBERG J.F., O'NEILL K.R., JACOBS D., COLWELL R.R. (1993). Enumeration of Vibriovulnificus on membrane filters with a fluorescently labeled oligonucleotide probe specific for king-dom-level 16S rRNA Sequences. Applied and Environmental Microbiology. 59:3474-3476.

HEITZER A., KOHLER H-P.E., REICHEIRT P., HAMER G. (1991). Utility of phenomenologicalmodels for describing temperature dependence of bacterial growth. Applied and EnvironmentalMicrobiology. 57:2656-2665.

HILLMAN K., FOX A. (1994). Effects of porcine faecal lactobacilli on the rate of growth of en-terotoxigenic Escherichia coli O149 : K88 : K91. Letters in Applied Microbiology. 19:497-500.

Page 189: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

189

HUET S., JOLIVET E., MESSEAN A. (1992). La régression non linéaire. Méthodes et applica-tions en biologie. INRA Editions, Paris.

HUGO W.B. (1991). A brief history of heat and chemical disinfection. Journal of Applied Bacteri-ology. 71:9-18.

J

JAMESON J.E. (1962). A discussion of the dynamics of Salmonella enrichment. Journal of Hy-giene. 60:193-207.

JOHANSSON A., BERGENHOLTZ A., HOLM S.E. (1994). Bacterial interference in vitro: com-parison between a quantitative kinetic and a cocultivation blood agar test method. Acta PathologicaMicrobiologica. 102:810-816.

JOLY B. (1992). La rationalité de l'alchimie au XVIIe siècle. Vrin, Paris.

JONES K., BRADSHAW S.B. (1997). Synergism in biofilm formation between Salmonella en-teridis and a nitrogen fixing strain of Klebsiella pneumoniae. Journal of Applied Microbiology.82:663-668.

K

KALMOKOFF M.L., DALEY E., AUSTIN J.W., FARBER J.M. (1999). Bacteriocin-like inhibi-tory activities among various species of Listeria. International Journal of Food Microbiology.50:191-201.

KEPNER R.L., PRATT J.R. (1994). Use of fluorochromes for direct enumeration of total bacteriain environmental samples: past and present. Microbiological reviews. 58:603-615.

KINNIMENT S.L., WIMPENNY J.W.T., ADAMS D., MARSH P.D. (1996). The effect of chlor-hexidine on defined, mixed culture oral biofilms grown in a novel model system. Journal of AppliedBacteriology. 81:120-125.

KOCH R. (1882). Ueber die Aetiologie der Tuberkulose. In (Verlag von J.F. Bergman)Verhandlugen des Kongresses fuer inner Medicin. Erste Kongress. pp. 56-66. Wiesbaden.

KRAFT A.A., AYRES J.C. (1966). Competitive growth of microorganisms and fluorescence de-velopment on inoculated chicken. Journal of Food Science. 31:111-117.

L

LACHICA R.V. (1990). Same-day identification scheme for colonies of Listeria monocytogenes.Applied and Environmental Microbiology. 56:1166-1168.

LEBEK G., TEYSSEIRE P., BAUMGARTNER A. (1993). A method for typing Listeria monocy-togenes strains by classification of listeriocins and phage receptors. Zentralblatt fuer Bakteriologie.278:58-68.

Page 190: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

190

LEE I.H., FREDRICKSON A.G., TSUCHIYA H.M. (1976). Dynamics of mixed cultures of Lacto-bacillus plantarum and Propionibacterium shermanii. Biotechnology and Bioengineering. 18:513-526.

LEJEUNE R., CALLEWAERT R., CRABBE B., DE VUYST L. (1998). Modelling the growth andbacteriocin production by Lactobacillus amylovarus DCE 471 in batch cultivation. Journal of Ap-plied Microbiology. 84:159-168.

LELIEVRE H., LINA G., JONES M. E., OLIVE C., FOREY F., ROUSSEL-DELVALLEZ M. etal. (1999). Emergence and spread in French hospitals of methicillin resistant Staphylococcus aureuswith increasing susceptibility to gentamicin and other antibiotics. Journal of Clinical Microbiology.37:3452-3457.

LEMAITRE N., SOUGAKOFF W., MASMOUDI A., FIEVET M.H., BISMUTH R., JARLIER V.(1998). Characterization of gentamicin-susceptible strains of methicillin- resistant Staphylococcusaureus involved in nosocomial spread. Journal of Clinical Microbiology. 36:81-85.

LENSKI R.E. (1997). The cost of antibiotic resistance-from the perspective of a bacterium. CibaFoundation Symposium. 207:131-40.

LEROI F., COURCOUX P. (1996). Influence of pH, temperature and initial yeast: bacteria ratio onthe stimulation of Lactobacillus hilgardii by Saccharomyces florentinus isolated from sugary kefirgrains. Journal of Applied Bacteriology. 80 : 138-146.

LEVIN B.R. (1988). Frequency-dependant selection in bacterial populations. Phil. Trans. R. Soc.Lond. B. 319:459-472.

LOBRY J.R., ROSSO L., FLANDROIS J.P. (1991). A FORTRAN subroutine for the determinationof parameter confidence limits in non-linear models. Binary. 3:86-93.

LOESSNER M.J., WENDLINGER G., SCHERER S. (1995). Heterologous endolysins in Listeriamonocytogenes bacteriophages: a new class of enzymes and evidence for conserved holin geneswithin the siphoviral lysis cassettes. Molecular Microbiology. 16:1231-1241.

M

MACDONALD F., SUTHERLAND A.D. (1994) Important differences between the generationtimes of Listeria monocytogenes and List. innocua in two Listeria enrichment broths. Journal ofDairy Research. 61:433-436.

MALAKAR P.K., MARTENS D.E., ZWIETERING M.H., BEAL C., VAN 'T RIET K. (1999).Modelling the interactions between Lactobacillus curvatus and Enterobacter cloacae. II. Mixedcultures and shelf life predictions. International Journal of Food Microbiology. 51:67-79

MARTENS D.E., BEAL C., MALAKAR P., ZWIETERING M.H., VAN 'T RIET K. (1999). Mod-elling the interactions between Lactobacillus curvatus and Enterobacter cloacae. I. Individualgrowth kinetics. International Journal of Food Microbiology. 51:53-65.

MCLAUCHLIN J. (1997). The identification of Listeria species. International Journal of FoodMicrobiology. 38:77-81.

Page 191: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

191

MCMEEKIN T.A., OLLEY J.N., ROSS T., RATKOWSKY D.A. (1993). Predictive microbiology:theory and application. Research Studies Press Ltd, Taunton.

MEERS J.L. (1971). Effect of dilution rate on the outcome of chemostat mixed culture experiments.Journal of General Microbiology. 67:359-361.

MEGEE RD., DRAKE J.F., FREDRICKSON A.G., TSUCHIYA H.M. (1972). Studies in intermi-crobial symbiosis. Saccharomyces cerevisae and Lactobacillus casei. Canadian Journal of Micro-biology. 18:1733-1742.

METEZEAU P., MIGLIERINA R., RATINAUD M.H. (1994). La cytométrie en flux. Presses del'Université de Limoges, Limoges.

MEYNELL G.G., MEYNELL E. (1970). Theory and practice in experimental bacteriology. Cam-bridge University Press, Cambridge.

MOLLERACH M.E., OGUETA S.B., DE TORRES R.A. (1988). Production of linnociucina 819, abacteriocin produced by Listeria innocua. Microbiologica. 11:219-224.

MONOD J. (1941). Recherches sur la croissance des cultures bactériennes. Thèse de docteur èssciences naturelles, Paris.

MORELL V. (1997). Antibiotic resistance: road of no return. Science. 278:575-576.

MULLER M. (1895). Ueber den Einfluss von Fiebertemperaturen auf die Wachstumsgeschwindig-keit und die Virulenz des Typhus-Bacillus. Zeitschrift für Hygiene und Infektionskrankenheiten.20:245-280.

MURCHAN, S., TRZCINSKI K., SKOCZYNSKA A., VAN LEEUWEN W., VAN BELKUM A.,PIETUSZKO A., GADONMSKI T., HRYNIEWICZ W. (1998). Spread of old and new clones ofepidemic methicillin-resistant Staphylococcus aureus in Poland. Clinical Microbiology and Infec-tions. 4:481-90.

N - O - P

NEIDHARDT F. C., BLOCH P.L., SMITYH D. F. (1974) Culture medium for Enterobacteria.Journal of Bacteriology. 119 : 736-747.

NOISOMMIT-RIZZI N., KASTLE A., PRITSCHOW A., REUSS M., RIZZI M. (1996). Growthanalysis of a mixed culture during the degradation of 4-aminobenzenesulfonic acid. BiotechnologyTechniques. 10 : 173-178.

ODUM E.P. (1953). Fundamentals of Ecology. Saunders, Philadelphia.

ORTEL S. (1989). Listeriocins, monocins. International Journal of Food Microbiology. 8:249-250.

PANIKOV N.S. (1995). Microbial growth kinetics. Chapman & Hall, London.

PARENTE E., BRIENZA C., MOLES M., RICCIARDI A. (1995). A comparison of methods forthe measurement of bacteriocin activity. Journal of Microbiological Methods. 22:95-108.

Page 192: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

192

PAVE A. (1994). Modélisation en biologie et en écologie. Aleas, Lyon.

PELMONT J. (1993). Bactéries et environnement. Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble.

PENFOLD W.J. (1914). On the nature of bacterial lag. Journal of Hygiene. 14:215-241.

PETRAN R.L., SWANSON K.M.J. (1993). Simultaneous growth of Listeria monocytogenes andListeria innocua. Journal of Food Protection. 56:616-618.

PETTERSSON H.E. (1975). Studies on batch production of bacterial concentrates from mixed spe-cies lactic starters. Applied Microbiology. 29:133-140.

PIN C., BARANYI J. (1998). Predictive models as means to quantify the interactions of spoilageorganisms. International Journal of Food Microbiology. 41:59-72.

POWELL E.O. (1958). Criteria for the growth of contaminants and mutants in continuous culture.Journal of General Microbiology. 18 : 259-268.

PRESCOTT L., HARLEY J.P., WHEELIS M.L., KLEIN D.A. (1995). Microbiologie. Traduit del'anglais par BACQ-CALBERG C.M., COYETTE J., HOET Ph., NGUYEN-DISTÈCHE M. Edi-tions De Boeck Université, Bruxelles.

PRITCHARD T.J., DONNELLY C.W. (1999). Combined secondary enrichment of primary en-richment broths increases Listeria detection. Journal of Food Protection. 62:532-535.

R

RESTAINO L., FRAMPTON E.W., IRBE R.M., SCHABERT G., SPITZ H. (1999). Isolation anddetection of Listeria monocytogenes using fluorogenic and chromogenic substrates for phosphati-dylinositol-specific phospholipase C. Journal of Food Protection. 62:244-251.

REY A., éd. (1992). Dictionnaire historique de la langue française. Dictionnaires Robert, Paris.

ROBERTS T.A. (1989). Combinations of antimicrobials and processing methods. Food Technol-ogy. 43:156-163.

ROSS T., MCMEEKIN T.A. (1994). Predictive microbiology. International Journal of Food Mi-crobiology. 23:241-264.

ROSSO L. (1995). Modélisation et microbiologie prévisionnelle : élaboration d'un nouvel outilpour l'agroalimentaire. Thèse de doctorat, Université Claude Bernard Lyon 1.

RUBY E.G. (1992). The genus Bdellovibrio. In (Balows A., Trüper H.G., Dworkin M., Harder W.and Shleifer K.H., eds) The Prokaryotes, 2nd ed, pp. 3400-3415. Springer-Verlag, New York, Ber-lin.

RYSER E.T., ARIMI S.M., BUNDUKI M.M., DONNELLY C.W. (1996). Recovery of differentListeria ribotypes from naturally contaminated, raw refrigerated meat and poultry products with twoprimary enrichment media. Applied and Environmental Microbiology. 62:1781-1787.

S

Page 193: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

193

SCHILLINGER U., CHUNG H.S., KEPPLER K., HOLZAPFEL W.H. (1998). Use of bacterio-cinogenic lactic acid bacteria to inhibit spontaneous nisin-resistant mutants of Listeria monocyto-genes Scott A. Journal of Applied Microbiology. 85:657-663.

SCHRAG S.J., PERROT V., LEVIN B.R. (1997). Adaptation to the fitness costs of antibiotic re-sistance in Escherichia coli. Proceedings of the Royal Society in London. Biological sciences.264:1287-1291.

SKILLMAN L.C., SUTHERLAND I.W., JONES M.V., GOULSBRA A. (1998). Green fluorescentprotein as a novel species-specific marker in enteric dual-species biofilms. Microbiology.144 :2095-2101.

STANIER R.Y, INGRAHAM J.L., WHEELIS M.L. and PAINTER P.R. (1986). The microbialworld. (5th edition). Prentice-Hall Inc., Englewood Cliffs.

STEPHENSON M. (1949). Bacterial metabolism. MIT Press, Cambridge.

T

TAGG J.R., DAJANI A.S., WANNAMAKER L.W. (1976). Bacteriocins of gram-positive bacte-ria. Bacteriological Reviews. 40:722-756.

THOMAS L.V., WIMPENNY J.W.T. (1993). Method for investigation of competition betweenbacteria as a function of three environmental factors varied simultaneously. Applied and Environ-mental Microbiology. 59:1991-1997.

THOMAS L.V., WIMPENNY J.W.T. (1996). Competition between Salmonella and Pseudomonasspecies growing in and on agar, as affected by pH, sodium chloride concentration and temperature.International Journal of Food Microbiology. 29:361-370.

TOMASSONE R., DERVIN C., MASSON J.P. (1993). Biométrie, modélisation de phénomènesbiologiques. Masson, Paris.

V

VAN NIEL E.W.J., ROBERTSON L.A., KUENEN J.G. (1993). A mathematical description of thebehaviour of mixed chemostat cultures of an autotrophic nitrifier and a heterotrophic nitri-fier/aerobic denitrifier ; a comparison with experimental data. FEMS Microbiology Ecology.102:99-108.

VEREECKEN K.M., DENS E.J., VAN IMPE JF. (2000). Predictive modeling of mixed microbialpopulations in food products: evaluation of two-species models. Journal of Theoretical Biology.205:53-72.

VERGU E. (1999). Modélisation de la croissance bactérienne prenant en compte l'erreur expéri-mentale. Rapport de DEA, Paris VI.

VINOPAL R.T. (1979). On the analysis of unrestricted mixed cultures in determining the fitness ofmicrobial mutants. Journal of Molecular Evolution. 13:85-93.

Page 194: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

194

VLAEMYNCK G., LAFARGE V., SCOTTER S. (2000). Improvement of the detection of Listeriamonocytogenes by the application of ALOA, a diagnostic, chromogenic isolation medium. Journalof Applied Microbiology. 88:430-441.

VOLTERRA L. (1931). Leçons sur la théorie mathématique de la lutte pour la vie. Gauthier-Villars, Paris.

W

WANG G., RAHMAN M.S., HUMAYUN M.Z., TAYLOR D.E. (1999). Multiplex sequenceanalysis demonstrates the competitive growth advantage of the A-to-G mutants of clarithromycin-resistant Helicobacter pylori. Antimicrobial Agents Chemotherapy. 43:683-685.

WEILL J.H., éd. (1990). Biochimie générale. Masson, Paris.

WIMPENNY J.W.T., LEISTNER L., THOMAS L.V., MITCHELL A.J., KATSARAS K. PEETZP. (1995). Submerged bacterial colonies within food and model systems: their growth, distributionand interactions. International Journal of Food Microbiology. 28:299-315.

WITZJES T. (1996). Modelling the microbial quality and safety of foods. Thèse de doctorat, Uni-versité de Wageningen.

Y - Z

YOKOYAMA E., MARUYAMA S., KATSUBE Y. (1998). Production of bacteriocin-like-substance by Listeria innocua against Listeria monocytogenes. International Journal of Food Mi-crobiology. 40:133-137.

YOON H., KLINZING G., BLANCH H.W. (1977). Competition for mixed substrates by microbialpopulations. Biotechnology and Bioengineering. 19:1193-1210.

ZAMBRANO M.M., SIEGELE D.A., ALMIRON M., TORMO A., KOLTER R. (1993). Microbialcompetition: Escherichia coli mutants that take over stationnary phase cultures. Science. 259:1757-1760.

ZAMBRANO M.M., KOLTER R. (1996). GASPing for Life in Stationnary Phase. Cell. 86:181-184.

ZANCHI R., CREPALDI P., PACINI N., MOLLER F., CICOGNA M. (1994). Researches ongrowth curves of mixed cultures. Annali di microbiologia ed enzimologia. 44:305-315.

ZINK R., LOESSNER M.J., SCHERER S. 1995. Characterization of cryptic prophages, monocins.in Listeria and sequence analysis of a holin/endolysin gene. Microbiologica. 141:2577-2584.

ZUBER E. (1997). Approche biométrique de la dynamique de réactions antigène-anticorps. Cas dedeux systèmes automatisés de suivi en temps réel des cinétiques. Thèse de doctorat, UniversitéClaude Bernard Lyon 1.

ZWIETERING M.H., JONGENBURGER I., ROMBOUTS F.M. VAN'T RIET K. (1990). Model-ing of the bacterial growth curve. Applied and Environmental Microbiology. 56:1875-1881.

Page 195: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

195

COMMUNICATIONS DEL'AUTEUR

Page 196: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

196

Page 197: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

197

Publications dans des revues internationales avec comité de lecture

CORNU M., DELIGNETTE MULLER M.L., FLANDROIS J.P. (1999). Characterization of unex-pected growth of Escherichia coli O157:H7 by modeling. Applied and Environmental Microbiolo-gy. 65:5322-5327.

LAURENT F., LELIEVRE H., CORNU M., VANDENESH F., CARRET G., ETIENNE J.,FLANDROIS J.P. (2000). Fitness and competitive growth advantage of new gentamicin-susceptibleMRSA clones spreading in French hospitals. Journal of Antimicrobial Chemotherapy. Sous presse.

CORNU M., KALMOKOFF M., FLANDROIS J.P. (2000). Modelling the competitive growth ofListeria monocytogenes and Listeria innocua in enrichment broths. International Journal of FoodMicrobiology. Sous presse.

Communications orales internationales

CORNU M., FLANDROIS J.P. (2000). Modeling the competitive growth of Listeria monocytoge-nes and Listeria innocua in enrichment broths. Third International Conference on Predictive Mo-delling in Foods. Leuven, Belgique.

Communications orales nationales

CORNU M., VERGU E., CHARLES-BAJARD S., FLANDROIS J.P. (1999). Régression non-linéaire et cinétiques. XIXème séminaire de la Société Française de Biologie Théorique. Saint-Flour.

LAURENT F., LELIEVRE H., CORNU M., VANDENESH F., CARRET G., ETIENNE J.,FLANDROIS J.P. (2000). Fitness et avantage de croissance des nouveaux clones de Staphylococ-cus aureus résistant à la méticilline. AUSSOIS 2000 - Biodiversité et Ecologie Microbienne (SociétéFrançaise de Microbiologie).

Communications affichées internationales

CORNU M., DELIGNETTE-MULLER M.L., FLANDROIS J.P. (1999). Unexpected growth phy-siology of Escherichia coli O157:H7 in minimal synthetic medium. Seventeenth InternationalConference of the International Commitee on Food Microbiology and Hygiene. Food Micro 99,Veldhoven, Pays-Bas.

LAURENT F., LELIEVRE H., CORNU M., VANDENESH F., CARRET G., ETIENNE J.,FLANDROIS J.P. (2000). Spread in French hospitals of methicillin resistant Staphylococcus aureuswith increasing susceptibility to gentamicin and competitive growth advantage. 100th AmericanSociety for Microbiology General Meeting. Los Angeles, USA.

Logiciels

FLANDROIS J.P., CARRET G., LOBRY J., ROSSO L., GUERILLOT F., DELIGNETTE-MULLER M.L., ZUBER E., CHARLES-BAJARD S., BREAND S., CORNU M. Superfit : Pro-gramme Mathematica d'ajustement d'un modèle non linéaire à un jeu de données expérimentales.http://biomserv.univ-lyon1.fr/proMath/superfit.html. Cf. Annexe 1.

Page 198: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

198

Page 199: Dynamique des populations bactériennes en cultures … · Cécile Lahellec et Pierre Colin et avec eux toute l'Agence Française de Sécurité Sani- ... Sophie Bréand et Sandrine

199

ANNEXES

ANNEXE 1 : Contenu du site web Superfit. Superfit : Programme Mathematica d'ajustementd'un modèle non linéaire à un jeu de données expérimentales. http://biomserv.univ-lyon1.fr/proMath/superfit.html.

ANNEXE 2 : Etude préliminaire par Monte Carlo des propriétés statistiques d'estimateurs dedifférentes variables (de type rapport) pour le suivi relatif de deux populations bactériennesen cultures mixtes.