DYNAMIQUE DE LA VILLEinspirante, la grandeur de la modernité se dessine entre les murs des...

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28 29 A u début de la Renaissance, Venise est encore une cité prospère. Dans une toile minutieu- sement fouillée, Vittore Carpaccio choisit de nous montrer les différentes facettes de cette ville. Avec Le Miracle de la relique de la Croix, il illustre les grands rassemblements religieux et culturels. Le pa- triarche de Venise accueille une procession venue du pont du Rialto avant de procéder à une guérison sur le balcon du palais. La vie quotidienne est tout aussi importante pour l’artiste. Il peint le marché du Rialto, lieu d’échanges entre les marchands arrivés d’Orient et d’Occident, les allées et venues des gondoles sur le grand canal, et même les habitants à leur fenêtre. Le mouvement est dans la profusion des détails et la variété des scènes proposées. DYNAMIQUE DE LA VILLE De nombreux changements issus de la révolution in- dustrielle métamorphosent les villes : les transports, les usines, les grands magasins, la publicité, l’utilisa- tion du métal et du verre pour la construction. Cer- tains artistes veulent témoigner du progrès et de ses bienfaits. Ainsi, André Derain, dans cette vue de Londres, ose tout pour animer la toile. Il nous pousse à courber la tête, pour suivre le mouvement dans ce virage ser- ré, car les voitures penchent dangereusement, les arbres vacillent et les passants titubent. La grisaille et la brume sont remplacées par des couleurs saturées qui s’entrechoquent. Elles délimitent, comme des ombres, les différents espaces du décor urbain. Face aux artistes qui encensent la ville se trouvent des peintres qui dénoncent ses travers : sa mécani- sation, son injustice et son effervescence. Dans le chaos rougeoyant de Metropolis, plus de nuits, plus de jours, tout bouge sans arrêt. Une foule se déverse à l’angle de deux rues pour repartir dans un mouve- ment de panique dans toutes les directions. Les en- seignes et les transports basculent dans un faisceau de lignes contraires. George Grosz critique la ville stressante et déshumanisée. Ambivalente, inquiétante ou inspirante, la grandeur de la modernité se dessine entre les murs des métropoles. De la tour de Babel à Manhattan, la ville fascine. Jamais la même, toujours en construction, elle intègre une population croissante, une circulation intense et une activité débordante. Vittore Carpaccio / Le Miracle de la relique de la Croix / Huile sur toile, 1496. Galerie de l’Académie de Venise. André Derain / Le Pont de Charing Cross / Huile sur toile, vers 1906. Musée d’Orsay, Paris. George Grosz / Metropolis / Huile sur toile, entre 1916 et 1917. Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid.

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Au début de la Renaissance, Venise est encore une cité prospère. Dans une toile minutieu-sement fouillée, Vittore Carpaccio choisit de

nous montrer les différentes facettes de cette ville. Avec Le Miracle de la relique de la Croix, il illustre les grands rassemblements religieux et culturels. Le pa-triarche de Venise accueille une procession venue du pont du Rialto avant de procéder à une guérison sur le balcon du palais. La vie quotidienne est tout aussi importante pour l’artiste. Il peint le marché du Rialto, lieu d’échanges entre les marchands arrivés d’Orient et d’Occident, les allées et venues des gondoles sur le grand canal, et même les habitants à leur fenêtre. Le mouvement est dans la profusion des détails et la variété des scènes proposées.

DYNAMIQUE DE LA VILLE De nombreux changements issus de la révolution in-dustrielle métamorphosent les villes : les transports, les usines, les grands magasins, la publicité, l’utilisa-tion du métal et du verre pour la construction. Cer-tains artistes veulent témoigner du progrès et de ses bienfaits.

Ainsi, André Derain, dans cette vue de Londres, ose tout pour animer la toile. Il nous pousse à courber la tête, pour suivre le mouvement dans ce virage ser-ré, car les voitures penchent dangereusement, les arbres vacillent et les passants titubent. La grisaille et la brume sont remplacées par des couleurs saturées

qui s’entrechoquent. Elles délimitent, comme des ombres, les différents espaces du décor urbain.

Face aux artistes qui encensent la ville se trouvent des peintres qui dénoncent ses travers : sa mécani-sation, son injustice et son effervescence. Dans le chaos rougeoyant de Metropolis, plus de nuits, plus de jours, tout bouge sans arrêt. Une foule se déverse à l’angle de deux rues pour repartir dans un mouve-ment de panique dans toutes les directions. Les en-seignes et les transports basculent dans un faisceau de lignes contraires. George Grosz critique la ville stressante et déshumanisée.

Ambivalente, inquiétante ou inspirante, la grandeur de la modernité se dessine entre les murs des métropoles. De la tour de Babel à Manhattan, la ville fascine. Jamais la même, toujours en construction, elle intègre une population croissante, une circulation intense et une activité débordante.

Vittore Carpaccio / Le Miracle de la relique de la Croix / Huile sur toile, 1496. Galerie de l’Académie de Venise.

André Derain / Le Pont de Charing Cross / Huile sur toile, vers 1906. Musée d’Orsay, Paris.George Grosz / Metropolis / Huile sur toile, entre 1916 et 1917. Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid.