DÉVELOPPER LES SITES Un travail d’équipe incontournable
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20 VLP-ASPAN | Février 1/2017
DÉVELOPPER LES SITES
Un travail d’équipe incontournable
Annemarie Straumannjournaliste, communication VLP-ASPAN
L’amateurisme n’a pas sa place dans le développement des grands sites, déjà en partie construits, ou des quartiers de maisons individuelles. Surtout lorsque les propriétaires fon-ciers et les bornes de parcelles sont légion. Pourtant, comme l’a montré le congrès de VLP-ASPAN du 26 octobre 2016 à Lucerne, ces sites «sous-exploités» jouent un rôle important en matière de densification. À cette occasion, des spécialistes ont présenté des exemples actuels de la région de Lucerne, de Zoug, de Suisse orientale et de la région bâloise. Ils ont exposé les partenariats formés et les processus nécessaires pour développer de grands sites. Difficile à croire pour beaucoup: même les partenariats intercantonaux visant à développer des sites sont possibles et peuvent fonctionner.
Le titre du congrès – «Développement partenarial des
sites et des quartiers» – était tout un programme. En
effet, l’expérience de nombreux spécialistes du dévelop-
pement des quartiers et des sites montre que sans
travail d’équipe de la part des communes et des pro prié-
taires fonciers et/ou des communes voisines entre elles,
bien des projets de développement ne verraient pas le
jour dans les territoires urbanisés. Il est pourtant avéré
que les projets de développement vers l’intérieur ou de
densification sont les solutions d’avenir: la loi révisée sur
l’aménagement du territoire LAT fixe en effet des limites
étroites à la poursuite du développement des zones
urbanisées. À l’avenir, la création de nouvelles zones à
bâtir constituera une exception. Il est donc indispensable
de développer davantage les sites déjà construits.
Lucerne-Est (photo) est l’un des pôles de développement stratégique de la région lucernoise. Les six communes ont mis en place un management régional et établi, de manière participative, une «image directrice du développement Lucerne 2030». Photo: commune d’Ebikon.
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Contrairement à la construction «sur les verts
pâturages», les territoires bâtis comptent souvent de
nombreux propriétaires fonciers, qu’il s’agit tout d’abord
de convaincre de la nécessité de mieux exploiter le sol
à disposition. C’est ici qu’intervient le «développement
partenarial»: il s’agit d’une part de partenariats entre
les autorités communales, les investisseurs et les
propriétaires fonciers et, d’autre part, de plus en plus
fréquemment, de partenariats entre communes voisines,
voire même entre cantons voisins.
Travail d’équipe entre autorités communales et propriétaires
À Sempach LU, le partenariat entre les autorités
communales et les propriétaires fonciers est devenu
réalité. La ville a osé s’attaquer au sujet difficile de la
densification des quartiers de maisons individuelles. «Il
faut du courage», s’est félicité André Duss, gestionnaire
régional dans le canton de Lucerne, en évoquant les
conseillers communaux de Sempach lors du congrès.
Sempach a en effet entamé des discussions avec
les propriétaires fonciers désireux de développer leurs
terrains situés dans le quartier Feld/Feldmatt il y a
plusieurs années déjà. Par la suite, elle a impliqué la
haute école de Lucerne, qui accompagne depuis le projet
dans le cadre d’un projet-modèle de la Confédération.
Dans un processus avec les propriétaires fonciers du
quartier, comportant séances d’information, discussions
et ateliers, les parties en présence se sont entendues
sur un scénario baptisé «Naturblick». Une équipe de
planification a été chargée de le transformer en plan de
construction, récemment présenté dans le cadre d’une
procédure de participation publique classique. Le plan
contient des zones vertes, où rien ne doit être construit,
et permet une plus grande exploitation du sol. De l’avis
des participants, trois facteurs ont particulièrement
contribué au succès du processus: d’abord, le fait que
la commune mène clairement la barque; ensuite,
que le conseil municipal soit convaincu par l’idée de
développement vers l’intérieur et qu’il l’explique bien
– et de manière répétée – et enfin que des médiateurs
professionnels accompagnent le tout.
À Aesch BL aussi il s’agissait d’impliquer les
propriétaires. Dans ce cas, certains d’entre eux ont
d’abord manifesté leur intérêt à faire des travaux sur
leurs parcelles. En raison du plan de quartier de 1977 en
vigueur, il n’était toutefois pas possible, pour la commune,
de répondre à leur demande. En outre, la planification
couvrait une zone immense de 90’000 m2 et le quorum
des propriétaires était nécessaire pour y apporter des
modifications. Le plan de quartier devait être adapté
pour permettre l’extension des constructions. Ici aussi,
la commune a décidé de prendre les choses en main.
Elle a lancé, en collaboration avec la haute école de
Lucerne, un processus participatif et a invité l’ensemble
des propriétaires à des ateliers. Les discussions ont
été menées par des professionnels neutres. En raison
des différences de savoir-faire, les propriétaires
institutionnels et privés ont discuté séparément des
options de développement. Aesch est désormais en train
de transposer les résultats dans le cadre de la procédure
formelle d’adaptation du plan de quartier.
Gestionnaire régional: les «bonnes fées» dans la région de Lucerne
Dans l’agglomération lucernoise, les gestionnaires régionaux pilotent
le développement du territoire dans les trois régions du nord, du sud
et de l’est du canton. Ils font office d’interlocuteurs, d’informateurs et
de coordinateurs, aménagent les processus, défendent les intérêts des
régions face à l’extérieur et créent une identité régionale. Nathalie Mil,
gestionnaire régionale de Lucerne-Est, explique ainsi sa mission. Elle
décrit aussi le gestionnaire régional comme un «bonne fée», qui organise
des rencontres pour les communes, le canton et les investisseurs, faisant
office de trait d’union entre ces entités. Les gestionnaires régionaux n’ont
en revanche pas de pouvoir de décision.
Dans le canton de Lucerne, ces gestionnaires travaillent sur mandat de
l’association de communes LuzernPlus, à laquelle sont rattachées 25
communes de l’agglomération lucernoise. Cette structure existe depuis
2010 et fait office «d’organe de développement régional» selon la loi
cantonale sur l’aménagement et la construction. Elle offre une plateforme
aux communes pour intensifier leur collaboration. Son objectif est de
renforcer la région dans la compétition entre les places économiques.
LuzernPlus n’est pas une association d’aménagement du territoire, mais
une association de coopération portant sur un large éventail de thèmes,
dont fait partie l’aménagement du territoire. LuzernPlus contribue par
exemple au programme d’agglomération. Les gestionnaires régionaux ont
été introduits pour que les trois axes du développement lucernois au nord,
au sud et à l’est puissent se développer de façon moderne et concertée.
Informations complémentaires:
www.luzernplus.ch
www.metropolitanraum-zuerich.ch/infoletter/artikel-infoletter.html
(Infoletter de février 2016)
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DÉVELOPPER LES SITES
Travail d’équipe entre autorités communales, propriétaires et communes voisines
La «planification urbaine Unterfeld Baar/Zoug» est
un autre exemple de développement partenarial entre
communes et propriétaires fonciers dépassant les
limites communales. L’aire Unterfeld Baar/Schleife Zug
(5,5 ha) est l’une des dernières réserves de terrains
à bâtir d’un seul tenant dans le canton de Zoug. Un
nouveau quartier y est prévu, permettant d’accueillir
1300 habitants et 1500 emplois, tout en reliant la ville
de Zoug et la commune de Baar. Le projet a suscité des
réactions controversées dans les médias, la densification
prévue étant importante – des densités jusqu’à un indice
d’utilisation du sol de 3,0 y sont possibles. Le magazine
Hochparterre a ainsi évoqué une «densification aux
limites».
Pour que la collaboration soit possible, il a fallu
une «légère impulsion» du tribunal administratif. Après
ce signal initial, les deux communes se sont mises à
coordonner la planification. Elles ont pris la tête d’un
processus impliquant notamment neuf bureaux de
planification, six propriétaires fonciers, un conseil
municipal et un conseil communal, ainsi que les CFF.
Après cinq ans, un concept de construction a été présenté
en 2016, prévoyant 15 bâtiments (9 sur la commune de
Baar, 6 sur celle de Zoug, dont des immeubles pouvant
atteindre 60 mètres de hauteur. Un parc public et une
part d’appartements d’utilité publique sont également
prévus. Le peuple (à Baar) et le parlement (à Zoug) doivent
encore voter sur ce projet (en février 2017). Et bien
que le débat soit animé, ses défenseurs se montraient
optimistes à l’automne 2016, notamment en raison de la
nature partenariale de la planification.
Travail d’équipe entre les communes, les propriétaires et même les cantons
Les communes voisines ne sont pas les seules à devoir
coopérer entre elles pour être en mesure de développer les
sites bien situés. Ce principe vaut aussi pour les cantons
voisins. L’exemple de Wil-Ouest, en Thurgovie, montre
que la coopération intercantonale est effectivement
possible. Le site en question (env. 15 ha) doit devenir un
site économique de rayonnement suprarégional ces 25
prochaines années. Situé pour l’essentiel en Thurgovie,
il appartient toutefois en majorité au canton de St-Gall.
Cette constellation rendait évidente la nécessité
d’un partenariat intercantonal. La collaboration est par
ailleurs une tradition dans la région. Afin d’améliorer la
desserte de Wil-Ouest, les partenaires – une région, deux
cantons et trois communes – ont planifié une jonction
autoroutière, de nouvelles haltes ferroviaires et des voies
réservées à la mobilité douce. Il était important que les
communes du projet d’agglomération de Wil acceptent de
renoncer à une extension de leurs zones industrielles et
artisanales, afin de donner au développement prioritaire
de Wil-Ouest la force d’attraction nécessaire.
La planification-test, entièrement financée par
les cantons, le masterplan, pour lequel les groupes
de travail et le comité de pilotage disposaient déjà de
bonnes bases professionnelles et topographiques, ainsi
qu’une charte commune pour le développement du site,
signée par toutes les parties, de même qu’un concept
de développement élaboré en commun constituent les
autres jalons de ce développement.
Actuellement, l’élaboration d'une zone d’affectation
est en préparation. Les planifications pour les projets
d’infrastructures à Wil-Ouest sont déjà bien avancées; les
Vue du parc de Unterfeld Baar/Zoug au bord duquel s’élèveront des bâtiments de 25 à 60 mètres de hauteur. Un nouveau quartier, planifié à l’échelle intercommunale, doit y voir le jour. Source/visualisation: www.unterfeld-baarzug.ch
(consultation: 17.1.2017).
Le nouveau quartier prendra place où Baar et Zoug sont de toute manière appelés à se développer de manière continue. Source/visualisation: www.unterfeld-baarzug.ch (consultation: 17.1.2017).
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plans ont été soumis à la Confédération à la fin de l’année
2016 dans le cadre du programme d’agglomération 3. Après
pratiquement une décennie de planification commune, la
confiance entre les représentants des communes, de la
région et des cantons est grande. C’est justement cette
confiance qui donne du poids au caractère contraignant
des engagements réciproques, ont relevé les participants
au projet lors du congrès.
Délicate implication de la population
L’implication de la population est un écueil de la
planification. «Non seulement les propriétaires fonciers
mais aussi la population doivent être intégrés au
développement d’un site. Lorsqu’on y parvient, les
oppositions sont moins nombreuses par la suite», a
précisé Lukas Bühlmann, directeur de VLP-ASPAN.
Mais concrètement, quand faut-il le faire et dans
quelle mesure? Cette question a aussi occupé la région
de Lucerne-Sud. C’est ici, sur le territoire des trois
communes réunies de Lucerne, Horw et Kriens, que
doit naître un «nouveau» quartier, offrant de la place à
15 000 habitants, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. Ceci
dans un espace qui fait déjà face à des problèmes de
trafic.
Les bases de la planification, comme une image
directrice, des mandats d’étude parallèles et un
concept de développement – et, particulièrement
important à Lucerne-Sud, un concept de circulation –
sont disponibles. Par ailleurs, les propriétaires fonciers
importants comme le développeur de sites Mobimo sont
impliqués, tandis qu’un «gestionnaire régional» (voir
encadré) fait office d’interface entre les entreprises
intéressées, les investisseurs et les trois communes.
Cependant, la population ne participe pratiquement
pas au projet. Il y a bien eu des séances d’information
et une procédure de participation classique mais
pas de véritable implication. Lors du congrès, une
représentante communale a indiqué qu’un horizon
temporel de 15 à 30 ans était trop important pour la
population. Généralement, celle-ci souhaite s’impliquer
à court terme, pour un délai de deux ans maximum.
Désormais, des ateliers sont toutefois prévus.
Définition d’une image directrice avec de nombreuses parties impliquées
Dans l’idéal, une image directrice forme la base
essentielle au développement de sites. Un tel document
contient les idées de développement d’une ou de
plusieurs communes. Dans la région de Lucerne-Est, sept communes sont parvenues à élaborer une «image
directrice 2030» pour leurs questions d’aménagement
du territoire. Tous les conseils communaux ont été
impliqués dans ce travail. La gestionnaire régionale a
mené des ateliers, des conférences et un processus de
participation public, de manière à éviter de renforcer ou
d’affaiblir les parties en présence. Ainsi, la plus grande
des communes n’a pas obtenu plus de droits de vote que
les autres. D’après les participants, certaines personnes
clés ont contribué de façon déterminante à la réussite
du projet, en parvenant à entraîner les autres. Les sept
communes se sont entendues, dans l’image directrice, sur
les questions de développement territorial, économique,
paysagères et de transport.
Le centre-ville de Lucerne doit également définir
une sorte d’image directrice, bien que le produit final
ne porte pas forcément ce nom. La ville prévoit en
Et ça fonctionne: sur le pôle de développement stratégique de Wil-Ouest, deux cantons, une région et trois communes travaillent à une planification commune. Photo: Donald Kaden, Wil-Ouest.
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tout cas d’impliquer les représentants des principaux
groupes d’utilisateurs (habitants, acteurs économiques
et touristes) dans l’élaboration d’une vision commune du
futur centre-ville. Il s’agit de répondre à des questions sur
ce qui doit rendre la cité attrayante à long terme et sur
les lieux des différentes affectations (et leur intensité).
L’objectif est de valoriser Lucerne comme le centre
prospère de la Suisse centrale. Pour élaborer cette vision
d’avenir, le conseil communal a mis sur pied un «Forum pour un centre-ville attrayant», qui doit rassembler les
groupes d’usagers autour d’une table. À cet effet, on a
organisé des «conférences centre-ville» pour travailler
sur une carte devant servir de base à une stratégie de
développement commune. Les travaux devraient encore
durer un certain temps avant de déboucher sur un
résultat concret, mais le premier pas est fait.
Les facteurs de succès du développement de sites
Peut-on nommer les facteurs de succès du
développement de sites? Une énumération exhaustive
et définitive serait utopique. Pourtant, à l’issue du
congrès de VLP-ASPAN, il a toutefois été possible d’en
rassembler quelques-uns, qui reflètent les expériences
de nombreux participants aux projets (lire à ce sujet
l’encadré «facteurs de succès»). Souvent, il apparaît que
la commune doit prendre les choses en main pour faire
avancer le développement. Autre élément central: sans
partenariat, rien n’est possible. La commune, les divers
particuliers ou les investisseurs ne sont pratiquement
pas en mesure de développer seuls un site déjà construit
comptant de nombreux propriétaires fonciers. Souvent,
il est également nécessaire d’être simplement «prêt» à
commencer par une partie du projet, où les acteurs en
présence souhaitent faire avancer les choses. Enfin, il
convient de prévoir beaucoup de temps – parfois des
décennies – pour développer l’ensemble.
VLP-ASPAN, TERRITOIRE & ENVIRONNEMENT
(3/2016): Modèles d’organisation du développement
vers l’intérieur, Berne, Septembre 2016.
Les facteurs du succès du développement de sites
- Les partenariats (communes - propriétaires -
investisseurs - canton).
- La compréhension mutuelle de la situation de départ
et de l’objectif.
- La clarté sur les rôles de chacun.
- La clarté sur tous les intérêts en jeu.
- Des pouvoirs publics actifs et sûrs d’eux. Les villes
savent occuper ce rôle, les communes doivent
encore l’apprendre. Dans l’idéal, la commune peut se
baser sur un concept de développement et pratiquer
une politique foncière active. Les cantons sont des
partenaires importants pour les communes (promotion
économique).
- Une organisation efficace, claire et ciblée et organe
responsable ancré dans le tissu politique.
- Un gestionnaire régional qui donne des impulsions,
établit un réseau efficace et fait office de médiateur.
- Des procédés qualitatifs (concours, planifications
tests), continuité et créativité. Un mode de réflexion
interdisciplinaire.
- Des rapports de confiance entre les partenaires.
- Etre «prêt» à pouvoir développer une aire au bon
moment.
- Assurer le lien avec la société civile. En d’autres
termes, l’implication des propriétaires fonciers et de
la population est très importante mais doit créer la
transparence sur ce qui est possible et ce qui ne l’est
pas.
- Répéter, répéter et répéter. Le développement vers
l’intérieur doit toujours être bien expliqué.
La commune de Sempach LU travaille avec la Haute école de Lucerne à la densification de tels quartiers de maisons familiales en collaboration avec les propriétaires fonciers. Photo: Ulrike Sturm, Haute école de Lucerne.
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