DU THEATRE A LA TELEVISION… - Le Proscenium · dis, c’est pas avec ta famille que tu feras des...

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- 1 - RICHARD RAFFAILLAC THEATRE DU THEATRE A LA TELEVISION… ET VICE VERS ÇA COMEDIE

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RICHARD RAFFAILLAC

THEATRE

DU THEATRE A LA TELEVISION…ET VICE VERS ÇA

COMEDIE

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Distribution à géométrie variable :

- Minimale : 7 comédiens (hommes et femmes), (ou moins, en fonction dessketches joués et de ceux qui ne le seraient pas). C’est à dire qu’on peut monterla pièce entière à partir de 7 comédiens.

- Maximale : Environ 20 comédiens (hommes et femmes), (et même plus).

Pièce achevée le 12/10/2004 et déposée à la SACD (numéro d’enregistrement : 171307).

Cette pièce de théâtre fait partie du répertoire de la SACD , 11 bis rue de Ballu75442 Paris cedex 09. Tel. : 01 40 23 44 44. Elle ne peut donc être jouée sansl’autorisation de cette société.

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1- Convictions

2- A propos de texte

3- Journal télévisé

4- Pub "Extraliftogliss"

5- Expression émotionnelle

6- Pub "Binndeur"

7- Audimat

8- Pub "Bouffe and Rince"

9- Au guichet

10- Pub "Fprouka"

11- Intermède musical

12- Barnabé la grosse grenouille

13- Pub "Frictoalgueplus" 1

14- Importance de la gestuelle

15- Pub "Frictoalgueplus" 2

16- La porcherie

17- Pub "Frictoalgueplus" 3

18- Abécédaire

L’agencement des sketches les uns par rapport aux autres a été étudié afin d’enmaximiser les effets. Malgré tout, les sketches peuvent être joués indépendamment les unsdes autres, pour ce qu’ils sont. Il est donc possible de n’en retenir qu’une partie et dansn’importe quel ordre.Toutefois, il est mieux de placer "Convictions" suivi de "A propos de texte" en premiers et"Abécédaire" en dernier.Sur toute ou partie de la pièce, on pourra remplacer la voix off par un orateur,par choix ou si les moyens ne le permettent pas.Lorsque l’on parle de droite ou de gauche, c’est toujours face à la scène. Mais cetteindication n’a bien sûr rien d’obligatoire.

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Voix off : Nous tenons à informer notre cher public que la pièce qui va être jouée détientdeux records : celui du sketch le plus court et celui du mot le plus long.

Avertissement facultatif, à la discrétion du metteur en scène :

Voix off : Par ailleurs, nous nous excusons d’avance auprès de nos spectateurs pour lafaçon dont seront traités certains sujets, notamment le journal, les jeux télévisées et lespublicités. Le propos est essentiellement tourné contre les dérives télévisuelles. Le rirepeut aussi faire mal.Les noms utilisés ont été choisis bien entendu au hasard, sauf un.

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CONVICTIONS

(Un homme en costume cravate lit le journal à table, dans une salle à manger cossue. Safemme essuie la vaisselle (cuisine américaine). Leur fille, 16/20 ans, assise, est en train dese maquiller.)

Femme : Chéri, tu as pensé à appeler le commissariat pour faire sauter mescontraventions ?

Homme : Non, pas encore. Mais, ne t’inquiète pas. Je connais bien le commissaire et jecrois que l’affaire sera traitée d’elle-même, sans que j’aie à lever le petit doigt. (Petittemps.) Tiens, écoute ça. (Il parle en même temps qu’il lit le journal :) "Scandale au Comitéde Soutien aux Déshérités : Le directeur du centre d’hébergement encaissait directementsur son compte une partie des dons et menait un train de vie qui a fini par attirerl’attention de ses pensionnaires." Tu te rends compte, c’est dégueulasse. Quelqu’un qui aune responsabilité morale envers la société et qui se permet cela. Y a vraiment plus dejustice en ce bas monde. (Il baisse son journal et regarde un pot de plante verte, auxdrôles de feuilles effilées, qui trône au pied de la fenêtre.)

Homme : Chérie, je t’ai déjà dit de ne pas mettre mes plantations à côté de la fenêtre.Les voisins pourraient les voir.

Femme, toujours à la vaisselle : Oui mais elles poussent mieux et elles font de plusbelles fleurs. Et tu sais combien tes clients apprécient cela.

Homme : Oui, oui… mais c’est pas une raison pour risquer de se faire attraper. (Çasonne à l’entrée, la fille va ouvrir.)

Adolescent, 15/20 ans : Salut, ça va ?

Fille : Salut Michael. Oui, ça va.

Michael : Ton père est là ?

Fille : Oui. (A son père :) Papa, c’est Michael !

Homme : Ah oui ! Entre Michael, entre. (L’adolescent entre timidement et s’avance aumilieu de la pièce. La fille sort.)

Homme : Alors, combien t’en veux aujourd’hui ? J’ai de la bonne, je viens de faire larécolte.

Michael : Je n’ai que mon argent de poche Monsieur, 15 euros. (Dit-il en lui tendantl’argent.)

Homme, prenant l’argent : Mouais... C’est pas bien lourd tout ça… Tu sais, … tupourrais gagner de l’argent en travaillant pour moi.

Michael, baissant les yeux : Je sais, mais je ne suis pas sûr que mes parentsapprécieraient.

Homme : Allons, allons. T’es pas obligé de leur dire. (Dit-il en se dirigeant vers un potduquel il retire un sachet d’herbe.) Ils ne savent même pas que t’en fumes. Et puis, jepourrais même parler au directeur de l’usine où travaille ton père pour appuyer unepromotion qu’il mérite bien. (Silence. L’adolescent regarde furtivement et craintivementl’homme mais ne dit rien. Voyant que sa proposition ne trouve pas d’écho, l’homme,mécontent, tend le sachet et poursuit :) Tiens, profites-en bien. Avec la crise économiquequi sévit en ce moment, je vais sûrement bien être obligé d’augmenter mes tarifs.(L’adolescent prend le sachet et sort.)

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Homme, à sa femme, en allant se rasseoir : Des fois, j’ai vraiment l’impression de faireacte de charité. Je lui vends de l’herbe deux fois moins cher que sur le marché et à côtéde cela il n’y a aucune reconnaissance.

Femme : Tu as trop de c ur, ta bonté te perdra. Tu as voulu rendre service à ton cousinen le faisant embaucher aux aciéries et voilà comment son fils te remercie. Moi, je te ledis, c’est pas avec ta famille que tu feras des affaires.

Homme, pensif : T’as raison, j’écoute trop mes sentiments.

(Ça sonne à l’entrée. La femme va ouvrir. C’est Marie, la femme de ménage.)

Femme : Ah Marie ! Vous tombez bien. Je dois aller me préparer. Vous terminerez lavaisselle et nettoierez la cuisine. (Dit-elle en s’essuyant les mains dans un torchon.)

Marie : Oui Madame. (La femme sort. Marie se dirige vers la cuisine mais l’hommel’intercepte au passage.)

Homme : Ah Marie ! Vous pouvez pas passer un petit coup sur mes chaussures ? Jecrois qu’elles ont pris la poussière cette nuit.

Marie : Oui Monsieur. (Elle s’agenouille aux pieds de l’homme et frotte les chaussuresavec un chiffon. Lui se remet à lire le journal.)

Femme, revenant sur scène : Chéri, il faudrait que tu commences à préparer tondiscours. Il faut que les gens aient l’impression que tu sais où tu vas.

Homme : Oui oui, ne t’inquiète pas… (Pendant ce temps, Marie continue à astiquer leschaussures.) De toute manière, le public fait toujours ce qu’on lui demande de faire. Plusles gens sont nombreux, plus la masse est conne. C’est une loi universelle. (La femmeretourne dans la pièce d’à côté.)

Femme, on ne la voit pas : Il faut quand même que tu donnes une image positive de tapersonne, d’autant plus que tu as invité les télévisions.

Homme : Ça, c’est le problème de mes conseillers en communication. Il paraît qu’il fautque je travaille mon approche de la "France d’en bas". (Il regarde ses chaussures et ditdédaigneusement et rapidement à Marie :) Ça va, merci. (Marie va à la cuisine. Lui reprendla conversation avec sa femme.) Pour cela, pendant nos vacances, j’ai planifié une visiteimpromptue dans un atelier de confection. Ça ne te dérange pas ?

Femme : Non… Du moment qu’ils compensent notre perte de temps par de menuesbroutilles. Tu sais que j’aime bien les bijoux et autres petites babioles ?

Homme : T’inquiète pas. Je vais arranger ça. (Il regarde sa montre.) Bon, il faut y aller. (Ilse lève.) Tu es prête ?

Femme : J’arriiiive.

(Elle entre. Elle est très bien habillée (robe de soirée) sauf qu’elle porte un K-Way par-dessus.)

Homme, la voyant, plus qu’étonné : Mais enfin, qu’est-ce qui te prend ?

Femme : Ah, maintenant, je prends mes précautions. La dernière fois, toutes sortesd’objets volants nous ont atterris dessus, et certains étaient assez salissants.

Homme : C’est quand même pas deux ou trois tomates et quelques ufs qui vont nousfaire reculer. (Silence, il regarde sa femme et attend. Résignée, elle finit par enlever son K-Way.)

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Homme : …Et reste à côté de moi. Ça a fait mauvais effet la dernière fois lorsque tu t’esenfuie. (Ils sortent. Noir.)

(Lumière. Décor d’une scène pour un discours politique. Au milieu, il y a un petit pupitreavec des micros. Les télévisions sont présentes et on voit au moins un cameraman. Unepersonne (qu’on appellera par la suite chauffeur de salle) entre et se met face au public surun côté de la scène. Elle tient dans ses bras une grande pancarte qu’elle ne montre pasencore au public. Au bout de quelques secondes, l’homme, suivi de sa femme, entre. Il esttriomphant et lève les bras pour se faire acclamer, tandis que sa femme tient dans sesmains un grand parapluie fermé. Le chauffeur de salle retourne alors sa pancarte et lamontre au public, il y a marqué en gros caractères : "Applaudissez". Parmi le public, deuxspectateurs-comédiens (ou plus si la troupe est nombreuse) se mettent à applaudir.Normalement, le public devrait suivre et applaudir aussi. S’il ne le fait pas, le politicien(l’homme) fera en sorte, par des gestes, qu’il finisse par le faire. Puis il se dirigera derrièrele pupitre et réclamera le calme. Une fois le silence obtenu, il commencera son discours.)

Politicien, discours politique, appuyer les effets : Mes chères concitoyennes, mes chersconcitoyens. C’est avec… émotion… et non sans une certaine fierté, que je vous parle…Nous avons, ensemble, traversé des moments difficiles. Mais,… la lumière apparaît aubout du chemin. (Plus offensif :) Notre lutte contre la déliquescence et la chute desvaleurs morales commence à porter ses fruits. (Ton extrêmement offensif :) Et c’est pourun monde meilleur, pour nos enfants et nos familles, que nous devons nous mobiliserpour les prochaines élections. (Le chauffeur de salle montre le panneau "Applaudissez".Les deux spectateurs-comédiens applaudissent.)

(Le politicien descend de la tribune et vient se placer face au public sur le devant de lascène, les bras levés. Le chauffeur de salle montre alors un autre panneau "Levez-vous –Acclamations". Les deux (ou plus) spectateurs-comédiens se lèvent et acclament lepoliticien. Le public a toutes les chances de ne pas se lever. Le politicien demandera alorsau public, par de petits gestes des mains et avec de plus en plus d’impatience etd’insistance, de se lever. Quoiqu’il se passe, le politicien, tout esbaudi, devra globalementcontinuer à vouloir se faire acclamer. En fonction de la réaction du public, les comédiensjouant le politicien et sa femme pourront improviser, mais uniquement par gestuelle oumimiques. Par exemple, la femme pourra ouvrir son parapluie pour se protégerd’hypothétiques objets volants qui pourraient venir du public. Au bout d’une vingtaine desecondes (ou plus), le politicien réclamera le silence. Une fois obtenu, il dira :)

Politicien, au public : Merci. (Noir.)

Le chauffeur de salle et les spectateurs-comédiens seront indifféremment hommes oufemmes.

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A PROPOS DE TEXTE

(Lumière. Un orateur s’avance au devant de la scène et s’adresse au public.)

Orateur : Mesdames, Messieurs, bonsoir. Et oui ! La télévision ne colporte que ce quel’on veut bien nous montrer, et nous avons parfois l’impression d’être pris pour ce quenous ne sommes pas (ou "pour des idiots", si c’est trop difficile à prononcer). N’est-ce pasde la comédie qui se joue devant une caméra, comme au théâtre ? Une comédie quiutiliserait toujours les mêmes ficelles pour nous manipuler.Afin de vous permettre de saisir tout le sens de ce lien entre théâtre et télévision, nousallons dans la suite de notre spectacle alterner des scènes qui décortiqueront pour vousles principaux mécanismes en cours au théâtre, avec des scènes présentant dessituations types propres à la télévision.Pour commencer, nous allons aborder… le théâtre. (Pause.) Qu’est-ce qu’une grande

uvre de théâtre ? Comment la reconnaître ? Comment repérer le texte génial quepersonne n’aura jusque là pu débusquer ? C’est là toute la difficulté du travail desmaisons d’édition. Mais… ne leur jetons pas la pierre. Le seul moyen qui permettevéritablement d’écarter toute incertitude est de passer le texte à l’épreuve du jeu. Nousavons réussi à dénicher un texte génial et nous allons décortiquer devant vous lesmécanismes qui font la beauté d’une grande uvre. Voici donc un extrait de lamerveilleuse pièce "Les charentaises", un texte complètement inconnu d’un auteur génialqui ne l’est pas moins, je veux parler de Jean-Michel Labourdinière.

(Lorsque l’orateur prendra la parole, les comédiens suspendront leur jeu. On pourraéclairer, si on le souhaite, à tour de rôle l’orateur et les comédiens. Marquer de légèrespauses entre les répliques.)

(Lumière. Un homme lit le journal assis sur une chaise ou un canapé. Sa femme, assiseaussi, tricote.)

Homme, tout en lisant : Ma mère n’est pas allée chez le charcutier.

Femme, tout en tricotant : Crois-tu qu’il faille rembourser la crémière pour le camembertque tu as offert à ta cousine ? (Silence. La pendule sonne trois coups. (Il suffit par exemplede donner trois coups de triangle en coulisses.))

Homme : Je ne sais pas. Peut-être vaudrait-il mieux changer les pignons de roue de lamarche arrière ? Ainsi elle ne craquerait plus.

Femme, surprise : Quoi ? Ta cousine ?

Orateur : Observez maintenant la réaction du comédien et l’adéquation parfaite entre lejeu d’acteur, le texte et la mise en scène.

(L’homme baisse le journal, lentement, tourne la tête vers sa femme et réplique, dans unrictus un peu trop appuyé :)

Homme : Non, je parle du camion-benne.

Orateur : Notez maintenant la virtuosité du texte.

Femme : Mais nous n’avons pas de camion-benne mon chéri.

(Silence. La pendule sonne dans un premier temps 5 coups lents puis 7 coups trèsrapides.)

Orateur : Enfin, le point d’orgue final. La flèche décoché au centre de la plus parfaitesignification théâtrale.

Homme, au public, bêtement : C’est vrai ça ! (Noir.)

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Orateur : Et oui, sous une apparente banalité, le texte fait mouche. Pourquoi ? Que secache-t-il donc derrière les apparences ? Quels sont les mécanismes mis en uvre ?C’est là tout le mystère de la beauté intemporelle du théâtre… Comme contre exemple,nous avons réussi à dénicher un très mauvais texte d’un auteur totalement inconnu, etqui le restera. Voyons voir l’effet produit.

(Lumière. L’homme tricote sur une chaise ou dans un canapé. Sa femme, assise aussi, litun journal.)

Homme, tout en tricotant : Ma mère n’est pas allée chez le fromager.

Femme, tout en lisant : Crois-tu qu’il faille rembourser la maraîchère pour le poireau quetu as offert à ta belle-mère ?

Homme : Je ne sais pas. Peut-être vaudrait-il mieux réaléser les cylindres de notrevoiture ?

Orateur : Et maintenant, une scandaleuse allusion sexuelle. Bien souvent, les mauvaistextes compensent leur médiocrité en versant dans la facilité pornographique.

Homme : Ainsi le piston coulisserait mieux.

Femme, feignant l’étonnement : Quoi ? Ta cousine germaine ?

Orateur : Observez maintenant la pauvreté du jeu de l’acteur contraint d’utiliser desartifices éculés.

(L’homme baisse son tricot, lentement, tourne la tête vers sa femme, et réplique, dans unrictus un peu trop appuyé :)

Homme : Non, je parle de ta mère.

Orateur : Les comédiens sont piégés par l’effarante médiocrité du texte.

Femme, baissant son journal : Mais je n’ai pas de mère mon chéri.

Orateur : Pour finir, le fin fond de la plus abjecte nullité d’écriture théâtrale.

Homme, au public, bêtement : C’est vrai ça ! (Noir.)

Orateur : Ceci est affligeant. Il est proprement scandaleux de trouver d’aussi mauvaistextes. Nous nous réservons le droit d’engager des poursuites contre cet auteur indélicat.(Pause.) Revenons donc à de plus saines écritures… Quelles sont les célèbres "affres de lapage blanche" que traverse tout auteur digne de ce nom ? Quelles épreuves doit-ilsurmonter avant que ne se libère sur la feuille le flot ininterrompu de sa verve créatrice ?… Nous avons pu filmer un auteur, un vrai, chez lui, dans l’intimité de son travail, face àl’ébauche de l’élaboration de l’ uvre de sa vie. Mais,… voyons cela de plus près.

(Lumière. L’auteur est assis à une table (cuisine ou salle à manger), le stylo à la main etface à une feuille blanche. Il est plongé dans une intense réflexion.)

Auteur, se parlant à lui-même, vivant par mimes et gestes les scènes qu’il imagine : Bon,sa femme arrive et lui dit : "Tu as pensé à faire sauter mes contraventions ?". Alors lui,…

Femme de l’auteur, entrant sur scène par la droite et interrompant son mari : Chéri, tuas pensé à sortir les poubelles ?

Auteur, stoppé dans son élan, un peu excédé : …Non, pas encore… Tu ne vois pas que jetravaille ?

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Femme de l’auteur : Bon bon, ça va. Je ne voulais pas te déranger. Je tiens juste à tedire que j’ai laissé la porte d’entrée ouverte pour que tu puisses les descendre.

Auteur : Oui, c’est ça, c’est ça. Je le ferais. Mais je dois d’abord mettre sur le papierl’idée que je viens d’avoir pour ma future pièce.

Femme de l’auteur, sarcastique : Et bien quand "Monsieur" aura fini d’écrire le chefd’ uvre de sa vie, il pourra peut-être daigner descendre les détritus que "Monsieur" acontribué à accumuler. (Elle sort par la gauche, hautaine et dédaigneuse. L’auteurencaisse mais reprend sa réflexion.)

Auteur, toujours à lui-même : Bon, j’ai trouvé la première phrase, il faut que je l’écrivevite avant de l’oublier. (Il fait un effort de mémoire.) Alors… La femme entre et dit :… (Lafille de l’auteur sort des coulisses en venant de la gauche et en tournant sur elle-même.)

Fille de l’auteur : Dis Papa, comment tu trouves ma robe ?

Auteur, essayant de garder son calme : …Elle est très bien ta robe, elle est très bien…Ecoute, je travaille. S’il te plaît, tu peux me laisser quelques instants ?

Fille de l’auteur, fâchée : Bon, bon, ça va, je te laisse. C’est toujours quand j’ai besoinde toi que tu ne m’écoutes pas. (Elle sort. L’auteur encaisse une deuxième fois mais sereconcentre tant bien que mal.)

Auteur : Bon, restons calme, on va y arriver. Pas de panique. Alors… La femme entreet…(Un technicien/vendeur de piscines entre par la droite, venant de l’entrée donc. Il esten bleu de travail.)

Technicien piscines : Monsieur Champignolles ?

Auteur : Oui…

Technicien piscines : Je viens vérifier le filtre de votre piscine.

Auteur : Vous plaisantez ?

Technicien piscines, lisant un papier : Non. Vous êtes bien Monsieur Champignolles,résidant au 8 impasse des Beaux Taillis ?

Auteur : Oui, et alors ?

Technicien piscines : Ben, je viens pour la révision annuelle de votre filtre à piscine.

Auteur, commençant à bouillir : … Ecoutez, je n’ai pas de piscine et n’en veux pas.D’ailleurs j’habite en appartement et je ne vois pas où je pourrais la mettre.

Technicien piscines, désappointé, regardant les alentours : Ah… Ça doit être une erreuralors.

Auteur : Oui, c’est ça. C’est une erreur.

(Le technicien piscines sort. Gardant tant bien que mal son calme, l’auteur remet le nez sursa feuille blanche.)

Auteur : Bon… Alors… (Il essaye de rassembler ses idées.) La femme. (Le technicienpiscines entre de nouveau.)

Technicien piscines : Si vous voulez je peux vous installer un jaccuzi.

Auteur, réagissant, excédé : Non ! … (Plus calme :) Ecoutez, les démarchages sontinterdits dans cet immeuble.

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Technicien piscines : Mais la porte est ouverte en bas.

Auteur : C’est pas parce que la serrure électrique du sas est en panne qu’il faut seprécipiter à venir ennuyer les résidants.

(Silence pendant lequel le technicien piscines reste bêtement immobile. Un adepte d’unesecte, drapé, entre alors, par la droite aussi, comme tous les suivants (sauf la fille). Ilentrecoupe ses phrases d’un coup de triangle qu’il tient dans ses mains.)

Adepte secte : (Ding.) La fin du monde est proche. (Ding.) Pensez à sauver votre peau.(Ding.) Seuls les rédemptés survivront. (Ding.)

(L’auteur bout sur place.)

Technicien piscines, à l’adepte secte : Ça m’intéresse moi. Comment on fait pour êtrerédempté ?

Adepte secte : (Ding.) Un voyage sur les terres promises de la planète Xénon estnécessaire. (Ding.)(Le facteur entre alors, des lettres et des colis sous le bras.)

Facteur : Et comment on fait pour y aller sur la planète Xénon ?

(L’auteur a la tête plongée dans une main, prêt à exploser.)

Adepte secte : (Ding.) Par le grand saut. (Ding.)

Technicien piscines : Le grand saut ? Où ça ?

Adepte secte : (Ding.) Demain sur le viaduc du Grand Eboulis. (Ding.)

(Un adepte de saut à l’élastique, harnaché, entre alors en sautillant à pieds joints.)

Adepte saut à l’élastique : Ah non ! Demain on l’a réservé le viaduc du Grand Eboulis,pour notre festival annuel de saut à l’élastique.

(L’auteur, crispé au maximum, a la tête enfouie dans les deux mains.)

Facteur, bêtement : Moi je veux bien faire les deux.

(Un chien en peluche suivi d’un cochon, en peluche aussi, entrent alors sur scène. (Disonsqu’ils sont poussés ou jetés. On pourra diffuser par bande son des aboiements et desgrognements.))

Auteur, explosant littéralement, criant très très fort : Dehors ! (Il monte sur la table.) Tousautant que vous êtes ! J’ai besoin de calme ! J’ai une pièce de théâtre à écrire, moi !

(Silence. Surpris par la réaction de notre auteur, le technicien piscines, l’adepte secte, lefacteur, l’adepte saut à l’élastique, le chien en peluche et le cochon, penauds, sortent sansmot dire. Pause de quelques secondes, puis l’auteur craque nerveusement. Toujours sur latable et face au public, il s’aplatit la feuille sur la tête.)

Auteur : Aaaahhhh… Pourquoi ne me laisse-t-on pas tranquille ? (Pendant ce temps, lafille entre sur scène et regarde son père en train de craquer nerveusement.) Qu’est-ce quej’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? Qu’est-ce que j’ai fait ? (La tête dans les mains :)Gggnnnhhhhh…

Voix de la femme de l’auteur, en coulisses, s’adressant à sa fille : Alors qu’est-ce qui sepasse ?

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Fille, à sa mère : C’est Papa, il est en train d’écrire sa pièce. (Après un signecompatissant de la tête, la fille retourne en coulisses. L’auteur n’a pas vu, ni mêmeentendu sa fille.)

Auteur, toujours debout sur la table, s’adressant à Dieu : Qu’est-ce que j’ai fait ? Hein ?… Pourquoi m’en veux-tu ? … (Un instant, et il se rebiffe :) Mais maintenant, je ne melaisserais plus distraire. (Criant :) Je l’écrirais mon uvre ! Tu m’entends ? Je l’écrirais !Tu ne m’auras plus ! (Une personne entre sur scène.)

Huissier : Monsieur Champignolles ?

Auteur, circonspect : Oui…

Huissier, se présentant : Maître Castaing, huissier de justice, pour vous servir… (Il lit unpapier.) Par commission rogatoire du 13 juillet, nous allons procéder à une saisie dumobilier et d’éventuels objets de valeurs restants. (L’huissier range son papier et se dirigevers la table.)

Huissier : Si vous voulez bien m’excuser. (L’auteur descend de la table. L’huissier prendla table et l’emporte dans les coulisses (aidé éventuellement d’un déménageur). Il retournesur scène, prend la chaise et l’emporte aussi. Il revient.)

Huissier : Pas d’autres objets de valeur Monsieur Champignolles ?

Auteur, abattu : Non… Vous avez tout pris.

Huissier, montrant le stylo dans les mains de l’auteur : Et ce stylo ? Qu’est-ce que c’est ?(Ironique :) Un cure-dent peut-être ?

Auteur, dans un sursaut de survie : Ah non ! Il ne me reste plus que ça. Pouvoir écriredes pièces de théâtre, c’est tout ce qu’il me reste. (Devant la détresse de l’auteur,l’huissier n’insiste pas et sort.)

Auteur, à lui-même, défait : C’est tout ce qui me reste… (Il s’assoit en tailleur et prend safeuille pour écrire. Silence. Après avoir rassemblé ses dernières forces, il se lance.)

Auteur, tout en écrivant : …Alors, la femme entre et… (Après avoir vainement crayonnésur sa feuille, il regarde son stylo, abasourdi.) … Il ne marche pas… (Long silence. Il estsonné. Mais il finit par se reprendre et veut aller au bout, envers et contre tout.) C’est pasgrave, quoi qu’il arrive, je dois commencer mon uvre. Je dois rejoindre ma destinée.(Grandiloquent :) J’écrirais avec mon sang ! … Une aiguille, vite ! (Il fouille fébrilementdans ses poches et sort une aiguille à couture. Il se pique le doigt, trempe son stylo ets’apprête à écrire.)

Auteur, tout en écrivant : La femme entre et dit : … (Il s’arrête, lève la tête, regarde lepublic, et :) J’ai oublié ! (Noir.)

L’orateur, le technicien piscines, l’adepte secte, le facteur, l’adepte saut à l’élastique,l’huissier (et accessoirement le chien et le cochon) pourront être indifféremment hommes oufemmes. Parmi eux (sauf l’orateur), certains pourront avoir joué l’homme au journal et lafemme au tricot du début de sketch.

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JOURNAL TELEVISE

(Jingle du journal télévisé. Lumière. Le présentateur est assis sur un côté de la scène ; Sion le souhaite, on pourra le placer derrière un cadre qui symbolisera le petit écran.)

Présentateur, sérieux : Madame, Monsieur, bonsoir. Commençons ce journal par unecourte page de publicité. Ne quittez pas, nous avons de terribles images à vousprésenter.

(Lumière sur le centre de la scène, une femme en blouse blanche de laborantine arrive avecun broc d’eau (ou une énorme éprouvette) et une serviette périodique. Elle se met face aupublic et s’adresse à celui-ci :)

Femme, sérieuse : Regardez le pouvoir d’absorption de notre nouvelle serviettepériodique anti-fuites aux extraits d’éponge des îles Féroé. Avec notre nouvelle serviette"Doussintime", (elle verse le broc d’eau sur la serviette, ça dégouline de partout (on pourramettre un seau dessous pour récupérer l’eau)) vous serez plus performante dans vosactivités et resterez au sec de 7 heures du matin à 20 heures le soir dans une doucefraîcheur parfumée à l’aloé véra. (On voit alors une femme active, en tailleur strict etattaché case à la main, arriver en trottinant cruchement, toute pimpante. Elle marque unepause face au public, sourire aux lèvres et béatement heureuse, puis repart de l’autre côté.La femme au broc d’eau sort à son tour. Une femme de ménage (ou un homme) vientéventuellement essuyer. Le présentateur poursuit.)

Présentateur, sérieux, à la limite du tragique : Nous voilà de retour pour voir ces imagesqui nous viennent des îles Caïman. La famine sévissait déjà et un cyclone vient dedétruire les maigres provisions dont disposaient les habitants. Seuls leur restent poursubsister le produit de la pêche et quelques autres ressources venant de la mer. (Unhomme en pagne, hirsute, entre sur scène, une canne à pêche rudimentaire à la main (parexemple du bambou). Il vient s’asseoir face au public pour pêcher, les spectateurs sont lespoissons. Au bout de la ligne, on mettra un gros hameçon avec un gros asticot ; C’estvolontairement caricatural, style papier mâché de couleurs vives. Si un spectateur ou unespectatrice attrape l’hameçon et garde l’asticot, c’est tant mieux : c’est ce que l’on cherche.Le pêcheur montrera alors un fort désappointement en regardant l’hameçon vide. Retoursur le présentateur.)

Présentateur, grave et très sérieux : Ces terribles et cruelles images parlent d’elles-mêmes et nous interpellent dans notre vécu intérieur… (Petit silence. Plus joyeux :)Revenons maintenant à l’affaire du train de banlieue. L’affabulatrice qui avait simulé uneagression a été déférée ce matin devant le parquet. Elle risque un an de prison et 10 000euros d’amende. Son entourage précise qu’elle souffre de problèmes psychologiques liésà une paranoïa de persécution. Vous pouvez la voir sur ces images à la sortie de sondomicile. (On voit une femme se cachant le visage sous une couverture sortir des coulisseset traverser la scène, poursuivie et filmée par un cameraman.) Son visage a été publiédans la presse de ce matin. Le voici. (Le présentateur sort une pancarte de dessous sonbureau et la montre aux spectateurs. Il y a dessus la photo agrandie de la jeune femme.)

Présentateur : Politique étrangère : Le monde est en ébullition et au bord de la 3ème

guerre mondiale suite à l’ordre de tir par le président Bingtonne, tard hier soir, demissiles de croisière "Nunchaku" sur les camps d’entraînement Guédoïnnes en pleindésert sub-saharien, près de la ville de Biboli.

(Lumière sur un décor de salle à manger. Le président Bingtonne («Bingtone» en anglais), enpyjama, est allongé sur le canapé (ou bien un simple matelas par terre). Il parle autéléphone.)

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Président Bingtonne : Bon, avant d’envoyer les missiles, on va quand même attendreun signe d’apaisement de la présidente Yasmina Guinnda, ce qui serait un avertissementfort de sa part envers les terroristes qui résident impunément sur son territoire. (La filledu président Bingtonne entre sur scène, en pyjama aussi.)

Fille du président : Maman dit que si tu ne fais pas ta vaisselle, alors elle n’est pas prêtde changer les draps de ton lit.

Président Bingtonne, à sa fille, le téléphone à la main et ayant oublié d’obturer le micro :Et bien puisque c’est comme ça, tu peux lui dire que je ne m’occuperais plus despoubelles. (La fille retourne en coulisses. Le président attend, le téléphone à la main, quesa fille revienne. Au bout d’une dizaine de secondes, la fille revient.)

Fille du président : Maman dit que si tu t’occupes plus des poubelles, alors elle n’estpas prêt d’accepter que tu reviennes dans son lit.

Président Bingtonne, toujours le téléphone à la main, la tension monte : Et bien tu peuxlui dire que si c’est la guerre qu’elle veut, elle l’aura. (La fille retourne 10 secondes encoulisses, puis revient.)

Fille du président : Elle dit qu’elle va jeter ta collection de missiles par la fenêtre.

Président Bingtonne, ton vengeur : Ah bon, elle le prend comme ça. (s’emportant :) Etbien moi c’est sur la gueule que je lui jette mes missiles. (La fille repart en coulisses. Aubout de quelques secondes, après avoir repris ses esprits, Bingtonne revient au téléphone.)

Président Bingtonne, au téléphone : Bon, vous avez compris ? Il est urgent d’attendre.

………………

Président Bingtonne : Comment ça les missiles sont partis ! ?

………………

Président Bingtonne : Mais je n’ai jamais demandé à ce qu’on lance les missiles !

………………

Président Bingtonne, hors de lui : Abruti ! Je m’adressais à ma femme ! (Pause.) Je nevais quand même pas me laisser pourrir la vie ! (Noir.)(Retour sur le présentateur.)

Présentateur : Et maintenant, les actualités régionales. L’aile droite de la voiture deMonsieur Champignolles a heurté ce matin à 9h34 précisément le canard de MadameChaudard au 63 impasse du puits Marie. Un constat a été établi par le garde champêtre.L’inhumation a eu lieu en début d’après-midi.

(Lumière. Madame Chaudard est debout face à la tombe de son canard surmontée d’unecroix. Elle est soutenue par deux de ses proches. Le curé lit l’oraison funèbre.)

Curé : Oui Ghislain, oui tu nous as quitté pour un monde meilleur. Tous ici nous noussouviendrons de ta bonne humeur et de ton entrain. Souvent nous te demandions quelétait ton secret, et tu nous répondais immanquablement : "Coin, Coin !". Oui Ghislain, tuvas nous manquer. A tous et à toutes, je le dis ici, solennellement, nous avons tous ennous un canard enfoui. (Sur ce, le curé jette une poignée de terre sur la tombe de Ghislain.Madame Chaudard s’effondre en pleurs.)

Mme Chaudard, totalement éplorée : Ghislain ! Ghislain ! Pourquoi m’as-tu quittée ? …(criant dans ses larmes :) Mon canard ! … (Noir.)

(Retour sur le présentateur.)

- 14 -

Présentateur, grave : Ces terribles images se passent de commentaires… et nousinterpellent dans notre vécu intérieur… (Pause.) Place aux sports. Après la polémique liéeaux affaires de dopage, le tour de France a enfin montré le vrai visage qui est le sien,c'est-à-dire le véritable panache sportif hors de toute considération douteuse et danstout ce que le sport peut montrer de plus pur et de plus beau. Un tournant décisif a étépris aujourd’hui dans la lutte que se livrent les prétendants au maillot jaune. C’estfinalement Michel Fumeron qui a eu le dernier mot en s’échappant à 150 kilomètres del’arrivée, juste après le premier ravitaillement, et en portant dans un premier temps sonavance sur le peloton à 15 minutes. Il récidiva juste après le deuxième ravitaillement enproduisant un second effort et creusa un nouvel écart de 15 minutes ; Ce qui porta sonavance à 30 minutes, avance qu’il conserva jusqu’à l’arrivée, et ce malgré l’ascension detrois cols de 5ème catégorie. Vous le voyez ici sur le podium.

(Lumière sur le podium. On voit le coureur au maillot jaune avec un bouquet de fleurs dansles mains. Deux superbes jeunes femmes souriantes en tenue hypersexy l’encadrent.Derrière, un grand panneau publicitaire sur lequel on peut lire : "PHARMUSCLOP.L’indispensable complément nutritionnel pour vos exploits sportifs.". Le coureur branditle bouquet de fleurs, on voit alors nettement apparaître sous ses bras des tuyauxd’intraveineuses tenues par du sparadrap et reliées à des poches contenant un liquidevert.)

Présentateur : C’est grâce à des exploits comme celui-là que le cyclisme retrouve enfinses lettres de noblesse. (Pause.) Pour finir, une page culturelle. Une pièce de théâtre faitactuellement scandale. De nombreuses fois interrompue, pas une seule représentationne se déroule sans incidents. Le dernier en date concernait une grève surprise descomédiens. (Sur ce, des comédiens entrent et se mettent face au public avec une grandebanderole sur laquelle il y a marqué : "A bas la dictature du texte et de la mise en scène.Laissez vivre les comédiens.". Le présentateur et les comédiens regardent les spectateurs.Noir.)

Le présentateur pourra être indifféremment homme ou femme.

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PUB "EXTRALIFTOGLISS"

(Lumière. Une jeune femme, d’environ 2O/25 ans, entre sur scène, face au public.)

Jeune femme 1 : Bonjour, j’ai 43 ans.

(Une autre jeune femme, même âge, entre à son tour et se met à côté de la première.)

Jeune femme 2 : Bonjour. Et bien moi, j’ai 47 ans. (Petit silence.)

Ensemble : C’est ça l’effet d’ "Extraliftogliss", le gel protecteur hydratant réducteur etcorrecteur de cellulite au tribosome encapsulé au collagène actif, (l’une après l’autre :)anti-âge, anti-rides, anti-imperfections, anti-gras, anti-pollution, anti-vergetures.(ensemble :) "Extraliftogliss", c’est 20 ans de fermeté gagnés. (Noir.)

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EXPRESSION EMOTIONNELLE

(Lumière sur la scène vide.)

Voix off, ton sérieux : Travail d’expression émotionnelle au théâtre. L’une des principalesdifficultés au théâtre est de faire "passer" au spectateur le ressenti de diverses émotions.Pour cela, un travail approfondi est nécessaire, travail qui doit permettre à l’apprenticomédien d’acquérir les bases indispensables à la maîtrise des différentes expressionsémotionnelles. C’est par un exercice répété et quotidien que l’élève parviendra peu à peuà la maturité de son art. (Un comédien entre et se met sur un bord de la scène. Onl’appellera l’annonceur. Il restera le nez dans ses fiches tout au long du sketch sauflorsqu’on l’arrêtera.)(Les comédiens entrent sur scène les uns après les autres.)

Annonceur, en épelant bien, ton neutre : La colère.

Comédien 1, colérique, à comédienne 2 : Je t’avais dit de ne pas toucher à la sucrière.

Annonceur, toujours en épelant bien : La sensualité

Comédienne 2, sensuellement, s’adressant au comédien 1 : Toi aussi tu ne devais pas latoucher.

Annonceur : L’ambivalence.

Comédien 1, voix et gestuelle efféminées : Oh ben non alors ! …

Annonceur : La folie.

Comédienne 3, complètement hystérique, à comédienne 2 : On t’avait dit de ne pastoucher à la sucrière !

Voix off : Nous allons maintenant pendant un temps enchaîner les dialogues sansprésentation. C’est à vous, chers spectateurs, de deviner l’émotion exprimée. Observezbien l’expression faciale des comédiens en totale cohérence avec le discours tenu. (Bienexagérer les expressions des comédiens en allant dans un crescendo émotionnel.L’annonceur reste le nez dans ses fiches, essayant de suivre.)

Comédien 1, à comédienne 2, abattu : Dans ce cas là, passe-moi le sel, la moutarde, lamayonnaise, le beurre et le poivre.

Comédienne 3, à comédienne 2, surexcitée : Dis Bernadette, tu vas quand même pas luiclaquer le baigneur !

Comédienne 2, à comédienne 3, bêtement : T’inquiète pas, je vais juste lui aplatir lecoquillart.

Comédien 1, à comédienne 2, haineux : Mais elle est pas bien cette pouffiasse. Ellecommence à me souffler dans le pipeau.

Comédien 1, à comédienne 3, condescendant : Mes hommages Madame, vos bijoux sontmagnifiques.

Comédienne 3, à comédien 1, lubrique : Faites-moi le plein et vérifiez mon niveaud’huile.

Comédienne 2, à comédienne 3, scandalisée : Mais vous êtes essence ou diesel ?

(Le directeur du théâtre pénètre sur scène.)

Directeur, furieux : Stop ! Arrêtez ! C’est quoi ce travail ? C’est n’importe quoi ! … On n’ycomprend rien !

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Comédien 1 : Ce sont des exemples Monsieur le Directeur (ou "Madame la Directrice").Le texte ne sert que de support. Ce qui compte, c’est l’émotion exprimée.

Directeur, toujours furieux : Support ! Support ! Tout ce que j’entends moi, ce sont desallusions graveleuses.

Annonceur, perdu dans ses fiches : Euh… On en est où là ? euh… La fureur ? …

Directeur, parlant de l’annonceur : Et lui, c’est qui ce zigotto ? (ou "cette rigolote" si c’estune femme)

Annonceur, continuant, imperturbable : A moins que ça ne soit la démence ?

Directeur, de plus en plus hors de lui : Mais arrêtez-le ! Il commence vraiment à mesouffler dans les bronches !

Annonceur, toujours indifférent à tout et plongé dans ses fiches : Euh… Je l’ai pas cetexte… Ça doit être le délire… A moins que ça ne soit le dérangement.

Directeur : Gggnnnhhh…

Comédien 1, venant secouer l’annonceur par le bras : Oh Marc ! … (ou "Sophie" si c’estune femme) C’est fini, on ne joue plus.

Annonceur : Comment ça on ne joue plus ? (Le comédien 1 fait un signe de tête pourdésigner le directeur. L’annonceur comprend de suite et se tait. Le comédien 1 revient versle directeur.)

Comédien 1 : Nous ne sommes pas responsables du texte Monsieur le Directeur.

Directeur : Oui, et bien faites un peu plus attention la prochaine fois avant de le choisir.C’est le dernier avertissement. (Il sort. Un temps de gêne. Le comédien 1 s’avance face aupublic.)

Comédien 1 : Excusez-nous Mesdames et Messieurs, mais ce sont les aléas du jeu endirect. Au moins, les émotions que vous pouvez voir en ce moment sont réelles et nonjouées.

Comédienne 2, à comédien 1 : Mais comment peux-tu dire qu’une émotion est jouée ouréelle ? … Comment peut-on faire la différence ?

Comédienne 3, à comédienne 2, un peu excédée : La différence dépend de la façon donttu vis l’émotion au moment où tu la joues… Ce qui n’est pas forcément ton cas.

Annonceur, retrouvant ses marques et lisant ses fiches : La véhémence.

Comédienne 2, à comédienne 3, véhémente : Tu crois que tu l’as bien joué ton texte toutà l’heure ?

Annonceur : Le chagrin.

Comédienne 3, pleurant bien fort : Moi oui. Ce que je dis, je le vis au plus profond demoi.

Annonceur : L’autorité.

Comédien 1, autoritaire : Bon, c’est pas la peine de se chamailler. Ce qui est important,c’est que le spectacle continue et qu’on donne le meilleur de nous même.

Annonceur, regardant l’envers de sa fiche puis le public : C’est fini ! (Noir.)

L’annonceur et le directeur pourront être indifféremment homme ou femme.

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PUB "BINNDEUR"

(Lumière. Une femme, assise dans un jardin d’enfants, s’adresse au public.)

Mère : Pour moi, la santé de mes enfants, c’est essentiel. Aussi je veille chaque jour à ceque leur apport en calcium soit optimal. C’est pour cela que je leur donne chaque jourun "Binndeur". (Elle sort d’un sac une sorte de gros uf emballé dans du papierd’aluminium coloré.) Et en plus, ils adorent cela. (Elle crie, que dirais-je, elle beugle versles coulisses :) Aurélien, Stéphanie, venez chercher votre "Binndeur". (Les deux enfantsaccourent en sautillant. Il s’agit de deux adultes déguisés en enfants (culotte courte,couettes, etc... ).)

Garçon : Chouette, un "Binndeur" !

(La fille et le garçon prennent chacun le "Binndeur" que leur tend amoureusement leurmère. Puis ils se mettent à sautiller en tournant autour de leur maman chérie.)

Mère, s’adressant au public : Vous comprenez, j’ai besoin d’être sûre que leurs besoinsen minéraux et autres éléments nutritifs sont couverts, ainsi ils sont en pleine forme. Un"Binndeur", c’est l’équivalent de 12 litres de lait. (Elle appelle son fils comme onappellerait un chien.) Aurélien, viens ici ! … Allez, montre ta tête. (Aurélien se penche, ellepasse sa main dans ses cheveux.) Regardez ces beaux cheveux ; Ça, c’est l’effet"Binndeur". (Elle lui frotte une dernière fois les cheveux comme on le feraitaffectueusement à un animal, puis lui donne une tape sur les fesses pour qu’il aillesautiller ailleurs.)

Voix off, pendant que les enfants sautillent dans tous les sens sous l’ il attendri de leurmère : Pour que vos enfants restent des enfants en pleine forme, donnez leur un"Binndeur" tous les jours. Un avenir en pleine forme est le plus beau cadeau que vouspuissiez leur faire. (Noir.)

- 19 -

AUDIMAT

(Lumière. Plateau et présentateur d’une célèbre émission télé à fort audimat. Jingle.)

Présentateur, ton racoleur de l’animateur vedette, forte expression émotionnelle :Bienvenue à… «Images chocs». Le nouveau magazine des images choquantes qui vous enmet plein la tête. Ce soir, vous verrez :

- D’abord, tourné par la vidéo surveillance d’un hypermarché, l’angoisse d’unemère qui vient de perdre son enfant : 10 minutes d’angoisse et de suspensinsoutenables, avant le dénouement final.

- Ensuite, une noyade, filmée par les nageurs-sauveteurs de la plage deCucuzan-les-Bains. Nous remercions au passage la municipalité de Cucuzanpour sa participation à l’achat des moyens vidéo mis en uvre.

- Nous poursuivrons par un superbe accident de saut à l’élastique, filmé par lesmoniteurs eux-mêmes. L’élastique était trop long.

- Nous terminerons enfin par une série d’accidents domestiques idiots, mais…dramatiques.

Nous vous rappelons que le gagnant désigné par vous (Le présentateur, dans un gestethéâtral, désigne le public.), chers téléspectateurs, empochera la coquette somme de 5000euros. Mais,… commençons tout de suite par la rediffusion de la séquence gagnante dela semaine dernière et réclamée par nombre d’entre vous. (Noir. Le présentateur s’efface.)

(Lumière sur le décor d’une cuisine. Une femme s’affaire devant la cuisinière, elle vientd’attacher une casserole d’eau qui bout sur le feu à une chaise (Par un fil ou un élastique.Prendre si possible une casserole en plastique, cela fera moins mal au comédien.). Ellevérifie une dernière fois que tout est en place, puis prend une caméra vidéo, se recule etfilme la scène.)

Femme, tout en filmant : Chééériiii… Ton thé est prêt…

(Au bout de quelques secondes, le mari apparaît, en pyjama, les cheveux en bataille, pasréveillé pour un sou et marchant au radar. Il s’assoit sur la chaise, puis la tire pour serapprocher de la table. Se faisant, par l’intermédiaire du fil, il se renverse la casseroledans le dos.)

Mari, hurlant de douleur : Aaaahhh ! ! ! …

(Foudroyé par la brûlure, il se lève si brutalement qu’il se cogne les "parties" contre le coinde la table.)

Mari : Hhhououou ! ! …

(Du coup, plié en deux par la nouvelle douleur, il se laisse choir par terre, d’un bloc. Lafemme s’approche alors pour le filmer en gros plan. Noir.)

(Lumière sur le présentateur.)

Présentateur : Encore des applaudissements pour ce pur bonheur d’un grand momentde vie conjugale… (Jingle de l’émission. Noir.)

Voix off : Et maintenant, dans le cadre de la lutte impitoyable que se livrent les chaînesnationales dans la conquête de l’audimat, voici l’émission concurrente diffusée à lamême heure de très grande écoute.

- 20 -

(Le présentateur et les comédiens pourront être les mêmes, mais habillés différemment.)

(Lumière sur le plateau télé. Jingle.)

Présentateur, ton encore plus racoleur de l’animateur encore plus vedette : Bienvenue à"Délations pour tous", l’émission des dénonciations tout azimuts. Vos images nousintéressent. Filmez vos voisins, vos collègues, votre entourage. Vos travaux serontsoumis à l’appréciation de notre jury. Les plus forts coefficients sont bien sûr attribuésaux films susceptibles d’intéresser la police pour d’ultérieures poursuites judiciaires. Denombreux prix sont à gagner et l’anonymat est, bien sûr, totalement garanti. Ce soir, desuperbes dénonciations sont à l’ordre du jour :

- Tout d’abord, des magnifiques feux rouges grillés. Nous vous tiendrons aucourant du total des points de permis retirés.

- Ensuite l’arrestation de la semaine pour le plus gros délit constitué, enl’occurrence un délit de fuite sur un accident routier ayant entraîné denombreux blessés. Et oui, le civisme n’est pas encore mort dans notre beaupays.

- Nous poursuivrons par de merveilleuses images montrant un adultère ignoré del’épouse légitime. Nous savons d’ores et déjà que la procédure de divorce estengagée. Encore bravo pour le gagnant du prix spécial du jury.

- Nous terminerons enfin par une série de films tournés à partir de vos fenêtressur celles de vos voisins… Et c’est pas joli joli ce qu’on peut voir.

Mais pour commencer, la séquence gagnante de la semaine dernière désignée par vous(le présentateur dans un geste théâtral désigne le public), chers téléspectateurs. Nousvous rappelons que le gagnant de la semaine emporte le lot comprenant une caméradernier cri équipée d’un zoom à fort grossissement et d’un capteur son longue portée.(Noir. Le présentateur s’efface.)

(Lumière sur un couple de français moyens, sur un côté de la scène. L’homme tient unecaméra dans les mains.)

Femme : T’es sûr que tu l’as bien mis dans la mallette ? Il s’agirait pas qu’on se fassepincer pour fausse dénonciation.

Homme : T’inquiète pas. J’ai profité qu’elle quitte son bureau pour le foutre (ou «mettre»,au choix). De toute manière, je l’avais prévenu : Je lui avais dit que si elle m’augmentaitpas, elle pourrait risquer certains petits problèmes.

Femme : Quelle conne ! Ça lui apprendra à pas écouter ses employés… Attention la voilà! (L’homme filme, la femme se cache derrière lui. De l’autre côté de la scène, une femmeapparaît, un attache case à la main. Un policier entre et s’adresse à elle.)

Policier : Police ! Ouvrez votre mallette !

(La femme, perplexe, s’exécute. Le policier, après avoir un peu fouillé, sort un sachet remplide poudre blanche.)

Policier, ironique comme peut l’être la police : Et ça ! Qu’est-ce que c’est ? Du sucre peut-être !

Femme à l’attache case, sans se démonter : Oui monsieur l’agent.

Policier : Ah ! Ah ! On veut jouer à la plus maligne. (Il ouvre le sachet et goûte.) C’est vraiça ! (Il se dirige alors vers le couple dénonciateur. La femme à l’attache case sort unecaméra et filme.)

- 21 -

Policier, les prenant par le col : Je vous arrête, pour fausse dénonciation. (Noir.)

(Lumière sur le présentateur.)

Présentateur : Encore des applaudissements pour ce superbe bonheur d’un grandmoment de dénonciation croisée. (Jingle de l’émission. Noir.)

Voix off : Voici l’émission qui a finalement remporté la course à l’audimat.

(Attention : L’intensité dramatique de la partie qui suit est réglable et est maximale si onarrive à faire croire au public jusqu’à pratiquement la fin du sketch que les spectateurs 1 et2 sont de vrais spectateurs et non des comédiens. Le sketch gagne alors en force dedénonciation. Le metteur en scène et les comédiens rendront donc les jeux des spectateurs1 et 2 plus ou moins réalistes dans la durée et l’intensité en fonction de la tonalité qu’ilssouhaitent donner à l’ensemble de la pièce.)

(Lumière sur le plateau télé. Jingle.)

Présentateur, superstar des jeux télévisés : Bienvenue à… "C’est vous qui l’avezcherché !". Vous êtes de plus en plus nombreux à nous regarder, mais aussi à vouloirparticiper. Le principe de l’émission est simple et je le rappelle pour les maintenant rarestéléspectateurs qui ne le connaîtraient pas. C’est parmi vous (dans un geste théâtral, ildésigne le public), cher public, que deux adultes auront l’honneur d’être choisis. Choisispar notre tirage au sort récompensant les plus discrets d’entre vous. Des hôtesses (ou"préposés" si ce sont des hommes) vont circuler dans les travées et ont pour consigne dene choisir que des spectateurs qui ne se seront pas fait remarquer. Aussi, votrediscrétion doit être totale si vous voulez avoir la chance de monter sur le plateau.

(Deux hôtesses descendent de scène et parcourent les travées en prenant leur temps et enregardant les uns après les autres les spectateurs. Au bout de deux ou trois minutesd’angoissantes recherches (pour les spectateurs), elles finissent par choisir deuxcomédiens qui étaient assis incognito parmi le public. Ils devront jouer de telle sorte qu’oncroira qu’ils sont de vrais spectateurs. Ils traînent des pieds et essaient de négocier leurnon-participation, mais les hôtesses finissent par les entraîner sur scène.)

Présentateur : Des applaudissements pour nos deux gagnants. (Le public applaudit.)

Présentateur, au spectateur 1 : Alors, votre prénom ?

Spectateur 1, un peu intimidé : Fabien.

Présentateur, à l’autre : Et vous ?

Spectateur 2 : Philippe.

Présentateur : Bien ! … Alors, Fabien et Philippe, vous connaissez le principe del’émission. Ce sont nos téléspectateurs et notre public présent ici ce soir qui serontchargés de désigner le gagnant. Vous allez, l’un après l’autre et face au public, expliquerpourquoi vous avez souhaité venir ici participer à notre émission. (Pendant ce temps, lesdeux hôtesses vont chercher deux chaises en coulisses et les posent face au public. Puiselles restent debout, chacune à côté d’une chaise, dans une pose souriante et figée.) Levainqueur sera celui qui aura su avec le plus d’émotion convaincre notre public (leprésentateur dans un geste théâtral désigne les spectateurs). Un applaudimètre et unecomptabilisation des votes de nos téléspectateurs seront les outils du choix.

Présentateur, invitant les deux spectateurs à s’asseoir : Je vous en prie. Asseyez-vous !

(Nos deux spectateurs, intimidés, vont s’asseoir.)

- 22 -

Présentateur, au spectateur 1 : Alors, Fabien, c’est à vous ! On vous écoute.

(Le spectateur 1 regarde le présentateur, on sent une certaine panique monter en lui. Lespectateur 2 n’en mène pas large mais joue un peu plus le jeu.)

Présentateur, sadique : Allez ! Ne faites pas attendre nos spectateurs !

(Le spectateur 1, écarlate, se tourne vers le public. La gêne doit être totale.)

Spectateur 1, extrêmement intimidé : Euh… ben… euh… Je suis venu ici pour participerau jeu et gagner le lot.

Présentateur, toujours aussi sadique : Quel lot ? Qui vous a parlé d’un lot ?

Spectateur 1, au comble de la gêne : Euh… Je sais pas… (Il regarde le présentateur,paniqué. Silence.)

Présentateur, au public : Et bien on applaudit Fabien pour son jeu tout en émotion et enfinesse. (On fera applaudir le public, par un chauffeur de salle qui montrera une pancarte"Applaudissez" et/ou par des comédiens-spectateurs qui applaudiront dans le public.)

(Le présentateur se dirige vers le spectateur 2.)

Présentateur : Philippe !

Spectateur 2, style "beauf-boutte-en-train jouant le jeu" : Oui !

Présentateur : On vous écoute !

Spectateur 2, se voulant sûr de lui mais regardant quand même plus le présentateur quele public : Et bien je suis là pour participer et pour gagner !

Présentateur, cherchant à le déstabiliser : Pour gagner quoi, mon cher Philippe ?

(Silence, le spectateur 2 cherche dans sa tête quoi dire.)

Spectateur 2 : Euh… (Puis, interrogatif et peu sûr de lui :) Le jeu ?

Présentateur, brutal, redevenant plus que sadique : Qui vous parle de jeu ?

Spectateur 2, perdant sa fausse assurance : Euh… C’est vous.

Présentateur, délibérément déstabilisant : J’ai parlé d’un jeu ?

Spectateur 2, se faisant de plus en plus petit : Euh… oui…

Présentateur, faisant quelques pas vers le public et prenant à partie celui-ci : Et voilà qu’ilprend ça pour un jeu ! (Le présentateur se tourne vers le spectateur 2 et le fixe des yeux.Long silence. Forte gêne. Au centre de tous les regards, le spectateur 2 ne sourit plus dutout et regarde à tour de rôle le présentateur et le public. On le sent au bord des larmes etil se pince les lèvres.)

Présentateur, revenant à la charge : Alors ? On vous écoute !

Spectateur 2, pathétique, en détresse : Ben… C’est fini… On arrête…

Présentateur, dépassant les bornes du sadisme : Qui vous parle d’arrêter ?

Spectateur 2, ne jouant plus du tout, au bord de craquer : C’est bon, on arrête… (Ildéglutit.)(Le présentateur toise sans mot dire le spectateur 2 qui lance des regards implorants.Silence. Le spectateur 2 finit par craquer.)

Spectateur 2, commençant à pleurer : C’est bon, on arrête. Hein ? (Le présentateur fixetoujours le spectateur 2.) On arrête…

- 23 -

Présentateur, au moment où cela devient insupportable : On applaudit Philippe pour soncourage. (Le public applaudit. Philippe met son visage dans sa main et pleure doucement.Le présentateur poursuit, face au public :) C’est superbe. Philippe vient de placer la barretrès haut et vos applaudissements sont là pour le souligner. C’est un grand moment detélévision que nous avons pu vivre là. Encore bravo. (Philippe continue à pleurer, tandisque Fabien observe tout cela d’un il hébété.) Nous attendons le vote de nostéléspectateurs pour savoir qui de Fabien ou de Philippe gagnera le droit de revenir endeuxième semaine, car, vous le savez, depuis le suicide la semaine dernière deChristiane, nous avions besoin d’un nouveau gagnant. Et ici, c’est vous (le présentateurdans un geste théâtral désigne le public (cela peut être à ce moment là que les spectateurs1 et 2 regarderont en souriant le public, montrant par là même qu’ils sont en fait descomédiens)), chers spectateurs, les gagnants, c’est vous qui êtes les garants du succèsde… "C’est vous qui l’avez cherché !". (Noir.)

Le présentateur, le policier, les hôtesses et les spectateurs/comédiens pourront êtreindifféremment hommes ou femmes. On adaptera alors bien sûr les prénoms et autrespetits détails.

- 24 -

PUB "BOUFFE AND RINCE"

Voix off : Et maintenant dans le cadre de la campagne de promotion des produitsfrançais à l’étranger, nous vous proposons une page de publicité.

(Lumière. Un poivrot est assis face au public.)

Poivrot, bien poivrot : Moi, j’utilise "Bouffe and Rince". (Il montre une bouteille de vin detable le long de laquelle est scotché un saucisson (ou une rosette de Lyon). Puis, il découpeune tranche de saucisson et se la met dans la bouche. (Pré découper une tranche desaucisson, c’est moins risqué.))

Poivrot, tout en mâchant : C’est très pratique. Plus besoin d’assiette, plus besoin deverre, tout est sous la main. (Sur ce, il avale une rasade de vin au goulot.) Mnaahhhh…

Voix off, féminine et suave : "Bouffe and Rince", c’est, dans un même conditionnement,une délicieuse friandise à la couenne de porc accompagnée d’une rafraîchissante boissonau raisin. "Bouffe and Rince", c’est le côté pratique, avec le plaisir en plus. (On voit lepoivrot se resservir une rasade. Noir.)

- 25 -

AU GUICHET

Voix off, sur un ton sérieux : Etude et analyse des mécanismes comiques. (Petit temps.)Dans un souci d’exposition claire et précise du sujet, le sketch sera joué plusieurs foisdans l’ordre croissant des degrés d’humour. (Puis, en épelant bien :) Premier degré.(Lumière.)(Un client approche devant un guichet de gare. Il s’adresse à l’employé. (Nota : On ferasortir des coulisses et approcher le client devant le guichet au début de chaque saynète.))

Client : Bonjour, je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu.

Guichetier, surpris : Pardon ?

Client : Je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu.

Guichetier : Hmfouitcheufneu ?

Client : Oui, c’est ça.

Guichetier, perplexe : Je suis désolé, mais je ne connais pas cette destination.

Client, pas démonté : Ce n’est pas grave. Donnez-moi alors un billet pourHmkrouitchifgnou.

Guichetier, un peu agacé : Je ne connais pas non plus cette destination.

Client : Ah ! (Silence, le client a l’air embêté.) Bon, et ben je vais me rabattre surZlipfchgnu.

Guichetier, s’emportant : Bon, écoutez, ça suffit ! Vous vous fichez de moi ?

Client : Pas du tout, je voudrais un billet pour Zlipfchgnu.

Guichetier, essayant avec peine de garder son calme : Je n’ai pas plus de billets pourcette destination complètement ridicule et farfelue… que pour les autres.

Client, déçu : Ah… (Silence. Le client réfléchit, puis se reprend :) Ce n’est pas grave.Donnez-moi alors un billet pour Joué-les-Tours.

Guichetier, soulagé, enfin un nom connu : …D’accord. (Il regarde dans son registre.) J’aice qu’il vous faut,… mais avec un changement à Zlapfichnok. (Le client et le guichetier seregardent pendant quelques instants. Noir.)

Voix off, sérieusement, toujours en épelant bien : Premier degré renversé. (Lumière.)

(Le client sort des coulisses et approche devant le guichet.)

Client : Bonjour, je voudrais un billet pour Joué-les-Tours.

Guichetier : Pour Hmpfouitcheufgneu ?

Client, surpris : Pardon ?

Guichetier : Vous voulez un billet pour Hmpfouitcheufgneu ?

Client, toujours surpris : Pas du tout. Je voudrais un billet pour Joué-les-Tours.

Guichetier : Ah ! D’accord. (Il regarde dans son registre.) J’ai un départ à 15 heures. Çavous va ?

Client, rassuré mais circonspect : Oui, oui. Tout à fait.

Guichetier : Ça fera 16 euros.

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Client, surpris : Les tarifs ont augmentés ? La semaine dernière c’était 14 euros.

Guichetier : Ah non. C’est le tarif habituel pour Hmkrouitchifgnou. (Le guichetier et leclient se regardent quelques secondes. Noir.)

Voix off : Second degré. (Lumière.)

(Le client approche devant le guichet.)

Client : Bonjour, je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu.

Guichetier, difficilement : Pour Hmpfeuchgneuchgneu ?

Client : Non, pour Hmpfouitcheufgneu.

Guichetier, avec effort : Hmpfeuchgneuchgneuch.

Client, en épelant bien : Non, Hmpfouitcheufgneu. (Silence.)

Guichetier : Je suis désolé, je n’arrive pas à le prononcer.

Client : Ce n’est pas grave, dans ce cas là je vais aller à Hmkrouitchifgnou.

Guichetier : Hmkrouichifgnou ?

Client : Oui, c’est ça.

Guichetier : Tout de suite. (Il s’affaire à donner le billet. Noir.)

Voix off : Troisième degré. (Lumière.)

Client : Bonjour, je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu. (Petit silence.)

Guichetier : Pas de problème, ça fera 8 euros.

Client : Pardon ?

Guichetier : Ça fera 8 euros.

Client : Huit quoi ?

Guichetier : Euros.

Client : Euquoi ?

Guichetier, commençant à s’impatienter : Mais enfin, je parle français ou quoi ? … Eu …Ros !

Client : Ah… D’accord. Huit euros.

Guichetier, soulagé : Oui…

(Le client donne l’argent. Le guichetier prend les billets et reste perplexe quelques instants.)

Guichetier : Mais enfin ! … Je ne peux pas prendre cela, c’est de l’argent venant d’uneboite de Monopoly. Passe encore pour Hmpfouitcheufgneu, mais là, je ne peux pasaccepter.

Client : Pourtant, la semaine dernière, vous l’aviez accepté mon argent.

Guichetier : Oui mais c’était pas pareil : Vous alliez à Hmkrouitchifgnou !

(Silence de quelques secondes, ils se regardent dans les yeux.)

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Guichetier, cédant : Bon, d’accord, mais c’est la dernière fois. (Le guichetier va pourpréparer le billet. Noir.)

Voix off : Quatrième degré. (Lumière.)

Client : Bonjour, je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu.

Guichetier : Pardon ?

Client : Pardon ? (Silence.)

Guichetier : Rappelez-moi la destination que vous souhaitez.

Client : Oh vers les quinze heures !

Guichetier : Pardon ?

Client : Quinze heures.

Guichetier : Quinzeur ?

Client : Oui, c’est ça.

Guichetier : Je pense que vous voulez parler de Cuinzoyer. (Il consulte son registre.) J’aiun départ à 14 heures.

Client : Ah mais ça ne va pas. Je vous ai demandé pour quinze heures.

Guichetier : Pardon ? (Noir.)

Voix off : Enième degré. (Lumière.)

Client, avec une voix hystérique : Bonjour, je voudrais un billet pourHmpfouitcheufgneu.

Guichetier, encore plus hystérique : Je suis désolé, je ne connais pas cette destination.

Client, de plus en plus hystérique : Ce n’est pas grave. Donnez-moi alors un billet pourHmkrouitchifgnou !

Guichetier, complètement hystérique : Vous vous fichez de moi ? Je ne connais pas cettedestination !

Client, 100 % hystérique : C’est pas grave, donnez-moi alors un billet pour Zlipfchgnu !

Guichetier, versant complètement dans la folie, tirant la langue, les yeux exorbités :Aaaahhh !!!… (Noir.)

Voix off, toujours avec la même voix neutre : Degré infini. (Lumière.)(Bien exagérer les intonations indiquées.)

Client, voix aigüe : Bonjour, je voudrais un billet pour Hmpfouitcheufgneu s’il vous plait.

Guichetier, voix grave : Surement pas. Souhaitez-vous le prochain départ ?

Client, voix bête : Non.

Guichetier, regardant son registre, débit très rapide : Le prochain train est à 15 heures.

Client, voix grave et débit très lent : D’accord.

(Le guichetier donne l’argent. Le client rend la monnaie et donne les billets de transport.)

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Guichetier, gestuelle et voix efféminées : Oh merci. Au revoir. (Le guichetier se lève poursortir.)

Client, façon crooner, à la limite du ridicule, au guichetier qui a déjà tourné les talons : Derien. Adieu. (Noir.)

Voix off : Aux confins de la 5ème dimension. (Lumière.)

(Le client entre et saute à pieds joints jusque devant le guichet, s’arrête, fait demi-tour, puisquelques sauts, et parle aux coulisses.)

Client : Ouagarlkazi oubada chlimnivotch badi Joué-les-Tours ?

Guichetier, surpris, parlant au client qui lui tourne le dos : Hamfi ? Koubalochki ? Albi nipaouf "Joué-les-Tours". ("Joué-les-Tours" doit ici être prononcé avec difficulté.)

Client, sautant à pieds joints en faisant des petits cercles et parlant en rythme : Hamfi…Houchna… Baouf… Nimochtafli… Habi… Nouchcra… Bouziflichnok…

Guichetier, versant dans la folie, tirant la langue, les yeux exorbités : Aaaahhh ! …

Client, continuant à sauter à pieds joints : Ablu… Nimoche… Achneubini… Bluni…Bouga… Azfiminoche… Azfluch… Gludi… Albicrouchni…

Guichetier, toujours assis, complètement fou, criant en même temps que le client saute etparle : Aaaahhh… Aaaahhh… Aaaahhh…

(Cela verse dans l’hystérie et dure bien 10 secondes. Vers la fin, le client devra placer unefois le mot : "Ubidoukavodimoulinafruxopitagrussobliz". Puis noir et silence.)

(Facultatif : Lumière. Un scientifique en blouse blanche s’avance au devant de la scène ets’adresse au public.)

Scientifique, sur un ton sérieux : Voilà. Comme vous avez pu le constater, la frontière estmince entre l’humour du second degré et l’humour au premier degré, le premier degrépouvant facilement passer pour du second degré, et réciproquement. Il semble d’autrepart que la progression soit asymptotique avec un pic de maximum d’effet comique versle 48ème degré, ce que d’ailleurs de nombreuses expériences en laboratoire ont confirmé.Pour la suite du spectacle et dans le souci de nous adapter à l’écart-type moyen duspectateur d’aujourd’hui, nous nous appliquerons à ne pas dépasser le 8ème degré. (Puis,en en faisant un peu trop :) En vous remerciant de votre attention, nous vous prions decontinuer à passer une agréable soirée. (Il sort de scène. Noir.)

Le guichetier, le client et le scientifique pourront être indifféremment hommes ou femmes.

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PUB "FPROUKA"

Voix off (ou orateur) : Suite à de nombreuses plaintes enregistrées lors de nos cinqdernières représentations, la publicité sur les dragées "Fprouka" contre lesballonnements a été supprimée de notre spectacle. Nous nous excusons auprès de notrecher public pour le désagrément causé.

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INTERMEDE MUSICAL

Voix off : Intermède : Concert pour flûte, guitare et tam-tam.

(Lumière. Face au public sont assises trois personnes, avec de gauche à droite : la flûtiste,le guitariste, le joueur de tam-tam (un gros tam-tam africain). La flûtiste commence et joueavec application une jolie mélodie très douce. Au bout d’une vingtaine de secondes, leguitariste égrène des accords qui accompagne de façon mélodieuse la flûte. Vingt secondesplus tard, le joueur de tam-tam se met à taper fortement la mesure, avec contretemps etpetits roulements. Cela contraste avec le jeu musical délicat qui avait cours jusqu’alors. Letam-tam couvre totalement les deux autres instruments mais les musiciens continuentimperturbablement et avec application. Noir au bout de vingt secondes. Silence.)

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BARNABE LA GROSSE GRENOUILLE

(Les comédiens sont déguisés en animaux. Les déguisements peuvent être très simples(masques en papier, …) ou très sophistiqués (costumes complets). L’essentiel est qu’ilssoient bien caricaturaux, de façon à s’adresser aux grands enfants qui sont en chacun denous. Bien travailler la gestuelle. Tout au long du sketch, les comédiens garderont leursdémarches et accents ridicules (car exagérés) d’animaux et joueront de façon beaucouptrop appuyé. Les interactions avec le public sont les bienvenues. Tout doit être mauvais.)

Voix off, ton clinique : Aliment télévisuel pour nos chères petites têtes blondes.

(Lumière. Décor enfantin d’une cour de ferme. Les objets sont simplissimes et de couleursvives.)

Voix off, comme s’adressant à des enfants : Le matin se lève sur la ferme de tanteEglantine. Les animaux peu à peu se réveillent et vaquent à leurs occupations. Mais,…voyons cela de plus près !

(Barnabé la grosse grenouille, le souffle court, entre en sautant à pieds joints, à pas lourdset résonnants. Le comédien en fait un peu trop et regarde bêtement le public. Il s’arrêtedevant un râteau trônant comme par hasard au milieu de la scène. En posant doucementle pied dessus et tout en regardant avec un air entendu le public, il fait celui qui se leprend dans le bas ventre : "Hoouu ! …". (Le comédien essayera dans une certaine mesurede faire croire au public qu’il s’est réellement fait mal aux "parties" sans faire exprès.). Onentend alors des rires. (Soit par bande son, soit des comédiens rigolent en coulisses :Emettre des rires de plus en plus bêtes au fur et à mesure de l’avancement du sketch.)Entre alors Alfred le gentil lapin, sautant aussi à pieds joints et à pas lourds etrésonnants.)

Alfred le gentil lapin, avec l’accent gentillet du lapin : Bonjour Barnabé, comment vas-tu ?

Barnabé la grosse grenouille, plié en deux et se tenant les "roubignolles", la voixdéformée par la douleur : …Je vais bien… Merci Alfred… (Rires.)

Alfred : Ce qu’il faut le matin Barnabé, c’est se lever du bon pied. (Rires.)

Barnabé, susurrant avec peine : Oui… C’est sûr… (Rires.)

Alfred, regardant sa montre : Oh ! Il faut que j’y aille. Mes parents vont être inquiets.(Rires.) Au revoir Barnabé.

Barnabé, se tenant les bijoux de famille, la voix toujours déformée par la douleur : Oui, aurevoir Alfred… (Alfred sort. Puis, regardant au loin, Barnabé poursuit, toujours dans lamême position et avec la même voix :) Tiens, voilà Clarisse, l’aimable bécasse.

Clarisse, une femme déguisée donc en bécasse, qui entre, marchant et parlant cruchementcomme une bécasse : Bonjour Barnabé, comment vas-tu ?

Barnabé, les mains toujours sur les valseuses, grimaçant de douleur : Je vais bienClarisse… Merci. (Rires.)

Clarisse, tout en se pomponnant : Ooohh… Quelle belle journée Barnabé. Que comptes-tu faire aujourd’hui ?

Barnabé, les mains toujours sur les castagnettes et la voix étranglée : Je ne sais pasClarisse… Peut-être que j’irais piquer une tête dans la mare de Norbert, le charitablecochon.

Clarisse : Oh… En voilà une bonne idée Barnabé.

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Barnabé, la voix toujours étranglée : Oui. (Rires.)

Clarisse : Et bien à tout à l’heure Barnabé.

Barnabé : Oui, à tout à l’heure. (Clarisse sort.)

Barnabé, se redressant peu à peu et reprenant doucement une voix normale de grenouille(c’est à dire émettant de temps à autre des coassements), se parlant à lui-même et par làmême au public : Alfred le gentil lapin et Clarisse l’aimable bécasse doivent se retrouverdans le poulailler à l’insu de Norbert le charitable cochon, le mari de Clarisse. Or il estde notoriété publique dans toute la basse-cour qu’Alfred et Clarisse entretiennent desrelations pour le moins intimes. Que se passerait-il si Norbert apprenait sa malheureuseinfortune ? Irait-il jusqu’à faire appel à Ghislain, l’épouvantable canard ? (Barnabé lagrosse grenouille sort en sautant à pieds joints. Tout cela est très mauvais et lescomédiens jouent comme des pieds.)

(Au bout de quelques secondes, les têtes de Alfred et Clarisse apparaissent de derrière lesrideaux et de chaque côté de la scène ; Ils inspectent les lieux et s’assurent qu’il n’y apersonne aux alentours. Enfin, ils s’avancent au milieu de la scène.)

Clarisse, amoureuse, prenant les pattes d’Alfred : Oh mon doux lapin, enfin seuls.

Alfred, idem : Oh Clarisse, ma bécasse, comme je suis content de te voir. (Ils se serrentdans les «bras», tant bien que mal (à cause des éventuels costumes), et se séparent. Toutcela est pathétique.) Espérons que Norbert le charitable cochon n’en saura rien. J’aicroisé tout à l’heure Barnabé la grosse grenouille et il n’avait pas l’air normal. (Rires.)

Clarisse : Oui, moi aussi je l’ai trouvé bizarre. (Rires.) D’autant plus qu’il m’a dit qu’ilirait piquer une tête dans la mare de Norbert.

Alfred : Méfions-nous ! Il ne s’agirait pas que Norbert puisse croire que nous avons euquelque relation que ce soit. (Puis, regardant vers les coulisses :) Attention ! Le voilàjustement !

(Alfred et Clarisse s’éloignent précipitamment l’un de l’autre et essayent de prendre un airdétaché. Norbert le charitable cochon entre sur scène avec une démarche et un accentcochon (émissions périodiques éventuelles de grognements ou de "groins-groins").)

Norbert, surpris en voyant Clarisse : Oh ! Bonjour Clarisse. Que fais-tu ici ?

Clarisse, gênée : Oh rien Norbert. (Rires.) Je ne faisais rien. (Rires.)

Norbert, suspicieux : Tu es sûre Clarisse ? Tu n’as pas l’air tout à fait normale ?

Clarisse, cruchement gênée : Oh non Norbert, je t’assure (rires), il ne s’est rien (pause,rires) passé. (Rires très longs, très gras et très forts.)

(Silence. Norbert, de plus en plus suspicieux, regarde les coulisses d’où viennent les rires.)

Norbert, à Clarisse : Tu es sûre ? (Rires. Norbert tourne vivement la tête vers les coulisses.Les rires s’arrêtent. Silence. Puis, à Clarisse :) Mais que fait Alfred ici ? (Rires.)

Le comédien jouant Norbert, aux coulisses, excédé : Bon, ça va. Ça suffit maintenant !

Alfred, à Norbert : Je ne faisais qu’accompagner Clarisse à la mare. Il n’y a vraiment pasanguille sous roche. (Un commencement de rire très gras se fait entendre, vite arrêté parun mouvement de tête excédé de Norbert vers les coulisses.)

Norbert, jouant très mal, faisant le rassuré mais regardant les coulisses : Ah bon ! Jecommençais à croire qu’on me cachait quelque chose (dit-il en grande partie auxcoulisses). Me voilà rassuré. Et bien rendez-vous à la mare. (Norbert sort.)

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Clarisse : Norbert semble se douter de quelque chose. Je me demande si Ghislainl’épouvantable canard n’y est pas pour quelque chose. Cachons-nous Alfred et nous ensaurons plus. (Ils vont se cacher (très mal) derrière un élément du décor ; Cela peut être unmuret, un puits, une carriole,…)

(Entre Ghislain, l’épouvantable canard.)

Ghislain, tout en marchant en canard et parlant au public, avec bien sûr l’accent canard(émissions éventuelles de "coin-coin") : Bonjour les enfants ! (Le public hue Ghislain.) Jeme demande ce que peut bien manigancer Barnabé la grosse grenouille. Je l’ai vu sortiret il n’avait pas un air très catholique. (On entend alors un commencement de rire trèsgras vite arrêté par un bruit de lutte dans les coulisses. Un instant perturbé, Ghislainl’épouvantable canard poursuit :) Méfiance… Restons sur nos gardes. (Il va se cacher (trèsmal) derrière un autre élément du décor que Alfred et Clarisse.)

(Personne ne bouge, cela dure bien 20 secondes. Ghislain, n’y tenant plus, sort de sacachette.)

Ghislain : Mais enfin ! Qu’est-ce qui se passe là ? C’est à qui de parler ?

Alfred, sortant de sa cachette et entraînant Clarisse derrière lui : Le voilà ! Ne le laissonspas s’échapper ! (Ils se ruent sur Ghislain, qui tombe à terre, et le rouent de coups.)

Ghislain : Aïe ! Aïe ! Arrêtez ! Pas maintenant ! Aïe !

(Barnabé la grosse grenouille entre précipitamment sur scène.)

Barnabé : Arrêtez ! … (Il s’interpose.) Arrêtez, ce n’est pas maintenant qu’il faut lefrapper !

Alfred, Clarisse, ensemble : Barnabé !

Barnabé, très mauvais dans le jeu, essayant de rattraper et de faire comprendre l’erreurcommise (texte sauté) : …Oui, c’est moi, la grosse grenouille… Lorsque je suis supposéapprendre la tragique méprise, je dois accourir sauver Ghislain,… l’épouvantable canard.(Silence durant bien dix secondes, on sent que Alfred et Clarisse réfléchissent. Puis ils seremettent à frapper Ghislain.)

Ghislain, souffrant quand même réellement des pseudos faux coups que lui portent sescollègues comédiens : Aïe ! Aïe ! Aïe !

Barnabé, toujours très mauvais, reprenant le cours normal du jeu : Arrêtez ! Ce n’est pasGhislain le coupable. (Norbert entre alors.)

Norbert : C’est moi…

Alfred : Norbert !

Ghislain, faiblement, toujours à terre : Norbert !

Clarisse : Barnabé ! Euh… Non… Norbert !

Norbert, jouant très mal : …Oui, c’est moi, le charitable cochon… C’est moi qui a piégé lamare, après que j’eusse appris ma malheureuse infortune. Mais je le regrettemaintenant... Alfred le gentil lapin est le bienvenu dans ma mare et peut venir barboteravec Clarisse, ma femme, l’aimable bécasse… (Un temps. Puis, emphatique :) On ne peutrien contre l’amour.

(Alfred et Clarisse tombent dans les bras l’un de l’autre. Barnabé congratule chaudementNorbert qui joue le modeste. Ghislain, allongé toujours par terre, applaudit faiblement desdeux mains.)

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Voix off, pendant le tableau final : Euh… Et oui les enfants ! Ça se passe comme ça dansla ferme de tante Eglantine. La morale est sauve. Qu’importe les lois du mariage, l’amourest le plus fort. Alfred le gentil lapin et Clarisse l’aimable bécasse peuvent enfin barboterlibrement dans la mare sous l’ il charitable de Norbert le cochon... Ghislainl’épouvantable canard a servi d’exutoire et paie les pots cassés, et euh… Barnabé lagrosse grenouille peut être fier du devoir accompli. (Musiquette enfantine. Noir.)

Alfred, Ghislain ou Norbert pourront être joués par des comédiennes, mais on gardera lesmêmes prénoms pour les animaux qui resteront donc de sexes masculins. (Note del’éditeur :) Des excuses publiques seront d’ailleurs demandées à l’auteur pour levocabulaire employé.

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PUB "FRICTOALGUEPLUS" 1

Voix off 1 : Nous tenons à informer notre cher public que la publicité qui va suivre aréellement été diffusée sur les chaînes françaises durant l’été 2004.

(Lumière. Quatre personnes sont assises par deux, comme dans un avion, face à un côtédes coulisses. Il y a notamment un couple de personnes relativement âgées et bien soustout rapport. Au bout de quelques secondes, on entend, venant du côté des coulisses versoù les "passagers" regardent, des gémissements d’une femme, à priori et sans conteste entrain de faire l’amour. Les gémissements vont peu à peu crescendo jusqu’à des crisstridents et hystériques signifiant l’orgasme. A cet instant, un jet de pétales de fleurs estprojeté des coulisses sur la scène. (L’idéal est de souffler les pétales dans un tuyau.) Unevoix off s’élève alors :)

Voix off 2, différente de celle de l’introduction de la pub : Vous avez pu observer là l’effetde notre shampooing régénérant aux pigments diffracteurs de lumière. (Venant descoulisses, une femme entre sur scène face aux passagers en secouant voluptueusement sachevelure.)

Voix off 2 : Oui, avec "Frictoalgueplus" aux huiles essentielles de Burnier, vous aurezplaisir à renouveler l’expérience, pour que vos cheveux retrouvent l’éclat qu’ils avaientavant qu’ils ne le perdent.

(La femme du couple âgé s’adresse alors à une hôtesse de l’air qui vient d’entrer.)

Femme passager : Dites-moi, je pourrais aussi en avoir un petit peu ? (Noir.)

Nota : Bien exagérer les cris de la femme en coulisses.

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IMPORTANCE DE LA GESTUELLE

(En fonction de l’endroit où est jouée la pièce, il est vivement recommandé de remplacer le"loukoum" par une spécialité locale ou nationale connue de tous. Par exemple, la "bugne"pour la région lyonnaise.)

Voix off : Nous allons maintenant aborder l’importance de la gestuelle au théâtre…

(Lumière. Une femme entre sur scène en levant les bras et en prenant un ton sigrandiloquent qu’il en est ridicule. L’expression vocale et la gestuelle sont presquenormales mais le jeu théâtral est mauvais, trop appuyé.)

Femme 1 : Ciel ! Qu’ai-je vu là, sous mes yeux ! Barnabé et Josette, devant le garde-manger, en train de manger nos loukoums.

Homme 1, entrant sur scène, lui aussi très mauvais : Non, vous ne rêviez pas. Je les aivu moi (z)aussi, bâfrant goulûment devant notre garde-manger. Que n’aurais-je penséque vous fussiez (z)aussi (z)ici à contempler ce sinistre spectacle ! (Une autre femme entrealors.)

Femme 2 : Vous fûtes (z)aussi les malheureux témoins de cette honteuse orgieculinaire ? Non je vous dis, nous ne devons pas tolérer pareils abus en notre saintedemeure.

Une voix, en coulisses, gueulant dans un porte-voix : C’est bon, arrêtez ! (L’orateurapparaît, le porte-voix à la main (ce peut être le même orateur que celui du début de lapièce, mais aussi à contrario un autre). Il se poste face au public et s’adresse à celui-ci. Lescomédiens retournent en coulisses.)

Orateur, ton sérieux : Pour bien comprendre l’importance de la gestuelle au théâtre,nous allons reprendre la scène, mais avec des comédiens handicapés de cette fonctionessentielle et qui ne savent pas doser leur gestuelle. Nous verrons alors que le discoursthéâtral perd toute sa force et que les effets sont annihilés. (Il retourne en coulisses, ducôté opposé à celui des comédiens.)

Orateur, gueulant dans le porte-voix : C’est bon, allez-y !

(Les comédiens exagèrent outrancièrement leur gestuelle. Les didascalies sont, dans cettepartie, indicatives et les comédiens pourront improviser dans l’exagération en fonction deleurs talents de mimes.)

Femme 1, entrant sur scène, les bras levés et tout tendus vers le ciel : Ciel ! Qu’ai-je vulà, sous mes yeux ! Barnabé et Josette, devant le garde-manger (faisant de grandsmoulinets avec les bras tendus pour désigner le garde-manger), en train de manger nosloukoums.

Homme 1, entrant sur scène, faisant furieusement non de la tête : Non, vous ne rêviezpas. (Tendant les bras et les doigts vers les coulisses :) Je les ai vus moi (z)aussi, bâfrantgoulûment (se tapant le ventre avec les deux mains) devant notre garde-manger. Quen’aurais-je pensé que vous fussiez (z)aussi (z)ici à contempler (il fait les gros yeux) cesinistre spectacle ! (Une autre femme entre alors.)

Femme 2 : Vous fûtes (z)aussi les malheureux témoins (elle met les mains devant sesyeux pour imiter des jumelles) de cette honteuse orgie culinaire ? Non je vous dis (faisantfurieusement non de la tête), nous ne devons pas tolérer pareils abus en notre saintedemeure.

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Orateur, en coulisses, gueulant dans le porte-voix : Arrêtez ! (L’orateur apparaît, le porte-voix toujours à la main. Il se reposte face au public. Les comédiens retournent encoulisses.)

Orateur, embarrassé, regardant le public avec méfiance : …Il semble que le public n’aitpas compris la démonstration. Nous… allons reprendre la scène, mais… sans aucunegestuelle cette fois.

(Cette fois, les comédiens entrent sur scène raides comme des piquets, les bras collés lelong du corps (lorsqu’ils se tournent, c’est le corps entier ou le buste qui pivotent par àcoups), seules leurs bouches bougent. Les discours quant à eux restent expressifs.)

Femme 1 : Ciel ! Qu’ai-je vu là, sous mes yeux ! Barnabé et Josette, devant le garde-manger, en train de manger nos loukoums.

Homme 1 : Non, vous ne rêviez pas. Je les ai vu moi (z)aussi, bâfrant goulûment devantnotre garde-manger. Que n’aurais-je pensé que vous fussiez (z)aussi (z)ici à contemplerce sinistre spectacle.

Femme 2 : Vous fûtes (z)aussi les malheureux témoins de cette honteuse orgieculinaire ? Non je vous dis, nous ne devons pas tolérer pareils abus en notre saintedemeure.

Orateur, en coulisses, gueulant dans le porte-voix : Stop !

(L’orateur revient face au public.)

Orateur, regardant le public et très contrarié par la réaction de celui-ci : Bon, je vois… Ilsemble que la démonstration ne soit pas encore assez convaincante. Nous allons doncmieux argumenter notre propos… (Noir.)

(Lumière. Les comédiens sont couchés par terre sur le dos, au hasard et les bras collés lelong du corps. Ils parlent à tour de rôle en regardant le plafond.)

Femme 1 : Ciel ! Qu’ai-je vu là, sous mes yeux ! Barnabé et Josette, devant le garde-manger, en train de manger nos loukoums.

Homme 1 : Non, vous ne rêviez pas. Je les ai vu moi (z)aussi, bâfrant goulûment devantnotre garde-manger. Que n’aurais-je pensé que vous fussiez (z)aussi (z)ici à contemplerce sinistre spectacle !

Femme 2 : Vous fûtes (z)aussi les malheureux témoins de cette honteuse orgieculinaire ? Non je vous dis, nous ne devons pas tolérer pareils abus en notre sainte…(Elle est interrompue par le metteur en scène qui entre précipitamment sur scène.)

Metteur en scène, faisant de grands gestes vers la régie : Stop ! Arrêtez ! Remettez leslumières. (Les comédiens restent couchés et le regardent parler. Le metteur en scènes’adresse au public.) Suite à de nombreuses plaintes accusant l’auteur d’abuser lespectateur et la SACD en répétant indéfiniment le même texte, la direction du théâtre adécidé de stopper ici et donc de raccourcir de plus de 80 % la durée du sketch. Nousprions nos spectateurs de bien vouloir nous en excuser. Des poursuites judiciairesseront engagées contre l’auteur afin d’obtenir des dommages et intérêts. (Noir.)

L’orateur et le metteur en scène pourront être indifféremment homme ou femme.

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PUB "FRICTOALGUEPLUS" 2

Voix off 1 : Et maintenant, dans le cadre de la journée nationale des handicapés deFrance (remplacer par le pays dans lequel se joue la pièce), une publicité spéciale pour lesaveugles.

(La scène reste dans le noir et on ne voit aucun comédien. On entend, venant du côté descoulisses, des gémissements d’une femme, à priori et sans conteste en train de fairel’amour. Les gémissements vont peu à peu crescendo jusqu’à des cris stridents ethystériques signifiant l’orgasme. Une voix off s’élève ensuite.)

Voix off 2, différente de celle de l’introduction de la pub : Vous avez pu entendre là l’effetde notre shampooing régénérant aux pigments diffracteurs de lumière. (Pause) Oui, avec"Frictoalgueplus" aux huiles essentielles de Burnier, vous aurez plaisir à renouvelerl’expérience, pour que vos cheveux retrouvent l’éclat qu’ils avaient avant qu’ils ne leperdent.

(Une spectatrice-comédienne dans le public s’adresse alors à une ouvreuse qui se tientdans les travées.)

Spectatrice : Dites-moi, je pourrais aussi en avoir un petit peu ?

Nota : Bien exagérer les cris de la femme en coulisses.

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LA PORCHERIE

Personnages :

Marc : Gros dur brut de coffrage, n’a pas inventé la poudre.Philippe : Homme déguisé en femme, visiblement homosexuel.Sophie : Bimbo très cruche, n’a visiblement pas inventé le fil à couper le beurre,loin de là. Poitrine avantageuse bien mise en valeur.Mireille : La moins bête, mais obsédée par l’ordre, le ménage et la propreté.

(Ne pas hésiter à bien typer les personnages.)

Voix off, ton exalté : Bienvenue à notre 159 ème épisode de… "La Porcherie" (dit de façontonitruante). (Jingle ridicule, pataud ou loufoque.)

Voix off, sur un ton plus calme : 54 célébrités sont réunies au départ dans une porcherie.Les meilleures d’entre elles y resteront 25 semaines. Leur sort est entre vos mains.Aujourd’hui, il ne reste plus que :(Les comédiens se tiennent debout sur le devant de la scène dans une pose ridicule etsouriante pendant qu’un faisceau de lumière les éclaire à l’énoncé de leur prénom.)

- Marc,- Philippe,- Sophie,- et Mireille.

Pour voter, c’est très simple. Frappez un (un faisceau éclaire Philippe, pas souriant dutout) pour que Sophie reste dans la porcherie. Frappez deux (un faisceau éclaire Sophie,pas souriante non plus) pour que Philippe reste dans la porcherie.Aujourd’hui, plus que jamais, la tension est à son comble : Qui craquera en premier ?

(Lumière sur la porcherie, Marc est couché sur le dos et tient sur lui un gros cochon rose enpeluche. Il crie : "Aaahhh… ". Mireille, en blouse de ménage, frappe le cochon avec untorchon en disant, en continu : "Tu vas le lâcher, sale bête ! Allez, lâche-le ! Lâche-le ! …".Au choix du metteur en scène : des cris de cochon seront diffusés ou non par bande son.)

Philippe, en regardant la scène, au bord de la crise de larmes : Oh mon Dieu, sauvezMarc ! Faites qu’il ne lui arrive rien !

Sophie, le consolant, le prenant par les épaules : Ne t’inquiète pas Philippe, c’est unmauvais moment à passer. Barnabé a toujours été lunatique. Ça ne va pas durer bienlongtemps.

Philippe, criant à Sophie, dans ses larmes : Barnabé, Barnabé ! … Il n’y en a que pourBarnabé ici… Et moi ? Qu’est-ce que je suis moi ? Est-ce que je ne vaux pas mieux quece sale porc ? Est-ce que je n’ai pas un c ur, moi ?

Sophie, cruche : Mais si, toi aussi tu as un c ur. Mais il faut la comprendre cette pauvrebête, ça fait 160 jours qu’elle nous supporte. (Pendant ce temps, Marc continue à sedébattre sous le cochon.)

Philippe : Oui et bien moi je n’en peux plus…

Marc, toujours sous le cochon, n’en pouvant plus : Bon, vous allez rester longtempscomme ça à me regarder laisser piétiner par cette sale bête.

- 40 -

Philippe, prenant le taureau par les cornes, ton et gestuelle efféminés : Puisque c’estcomme ça, je vais prendre les choses en main. (Philippe prend le cochon entre ses deuxmains et va le jeter en coulisses. Il revient.) Voilà, mon petit Marcou, il ne t’embêtera plus.

Sophie, hystérique, regardant dans les coulisses : Barnabé ! … Barnabé ! … Tu as jetéBarnabé dans la cuisine.

Mireille : Ça fera toujours un cochon de moins.

Sophie, toujours hystérique : Mon petit Barnabé ! … (Elle va rejoindre Barnabé encoulisses.)

Marc, tout en se relevant : On va le bouffer son Barnabé. Il y a vraiment un moment queça me démange.

Philippe, outré, toujours efféminé : Marc ! On ne bouffe pas, on mange. Même si ça tedémange.

Marc, regardant Philippe, incrédule, air bête : Hein ? …

Mireille : Bon, c’est pas tout, mais va falloir reprendre le ménage. C’est une vraieporcherie ici.

Sophie, revenant avec Barnabé dans les bras : C’est pour ça qu’il faut respecterBarnabé. On n’est pas chez nous ici, on est chez lui. (Elle pose délicatement Barnabédans un coin de la pièce.)

Marc : Chez lui, chez lui… On est chez nous ici, et comme c’est une porcherie on a ledroit de rien ranger et rien nettoyer.

Mireille, complètement hystérique : C’est pas parce qu’on vit dans une porcherie qu’ilfaut vivre dans la merde ! … (puis, découragée :) Je n’en peux plus. Ça fait 23 semainesque je m’évertue à donner un peu de dignité à cet endroit que je ne supporte plus. (Petitsilence.)

Marc : Bon. J’ai quelques petites choses à m’occuper moi. (Il sort côté cuisine)

Sophie, s’approchant de Mireille et l’entourant de son bras pour la consoler : Il ne faut past’en faire Mireille. Tu es un exemple pour nous tous. Tu as toujours su faire en sorte degarder propre cette porcherie, et c’est pas une mince affaire… C’est pour cela que je net’ai jamais nominé.

Mireille, se tournant vers Sophie, criant : Mais je veux être nominée, tu m’entends, jeveux être nominée. Depuis le début je veux être nominée.

Sophie, imperturbablement cruche : Courage Mireille. Tu sais, ce qui est important, c’estd’être entouré des êtres qu’on aime et qui nous aiment.

(A cet instant, Marc entre sur scène et montre, en le tenant par deux doigts, un lapin enpeluche teint en rose fuchsia.)

Marc : J’ai trouvé ça dans la machine à laver.

Sophie, criant et se prenant la tête entre les deux mains : Aaaaahhh ! … Christobald ! ! !

Marc, montrant maintenant avec l’autre main une guêpière (ou une nuisette) rose fuchsiaaussi : J’ai aussi trouvé ça ! (Sophie est effondrée et regarde Christobald, la tête entre lesmains.)

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Mireille, remise de son découragement momentané, réprimandant Philippe qui est touthonteux : Et voilà, tout le linge est foutu. C’est la deuxième fois qu’une de tes affairesdéteint. Tous nos pyjamas sont déjà vert pomme, et maintenant ce sont nos bleus detravail qui sont rose fuchsia !

Philippe, honteux : …Je suis désolé,… mais je jure que le lapin ce n’est pas moi… (puis,efféminé :) Même si un lapin rose c’est beaucoup plus joli.

Marc, lâchant théâtralement le lapin qui tombe par terre : Mais il est mort !

Sophie, regardant son lapin : Aaaahhh ! …

(Sophie se précipite vers christobald et le prend dans ses bras.)

Mireille, criant à Marc : Non mais ça va pas, je viens de passer la serpillière !

Marc : Ça va, ça va. (petit silence, puis à Philippe :) Tu viens Philippe, on va aller traire lesvaches.

Philippe, ton et gestuelle efféminés : J’arrive. Ça me changera,… de m’essayer auxtétines. (Ils sortent côté cour (côté opposé à la cuisine).)

Sophie, très cruche, posant religieusement Christobald sur la petite table du salon"porcherie" : Mon pauvre Christobald. Tu auras un enterrement comme jamais tu n’en asconnu : dans la dignité et le recueillement.

(Marc traverse la scène de la cour vers la cuisine.)

Marc : J’ai oublié de prendre un seau. (Il disparaît.)

(Mireille s’approche de Sophie et s’agenouille à côté d’elle.)

Mireille, parlant avec douceur à Sophie : Je pense que ça serait bien que tu enterresChristo… bill… balle… Enfin… Ton lapin quoi ! Ça serait bien que tu l’enterres dehors, etpas ici… comme… Gaétan (en désignant une croix tombale dans un coin de la scène).

Sophie, bêtement, prenant délicatement Christobald dans ses mains : Oui, tu as raison.Comme ça il aura droit à un service funèbre digne de la vie de lapin qu’il a vécu.

(A ce moment là, Philippe entre sur scène et montre dans chaque main les morceaux d’unhérisson en peluche coupé en deux par le milieu.)

Philippe : J’ai trouvé ça sous la tondeuse à gazon.

Sophie, projetant Christobald en l’air sous l’effet de surprise, encore plus hystérique :Aaaaaahhhh ! ! … Arthuuur ! …

Philippe, faisant allusion à Mireille : D’ailleurs ici, il n’y a qu’une seule personne àutiliser la tondeuse. (efféminé :) Moi, j’ai bien d’autres choses à tondre. (Il met les deuxmorceaux d’Arthur dans les mains de Mireille. Mireille, honteuse, baisse la tête.)

Sophie, éplorée, à Mireille, et après avoir pris les morceaux d’Arthur dans ses mains :C’est toi Mireille ?

Mireille, honteuse : Oui Sophie. Excuse-moi. (Marc, entre-temps, revient de la cuisine, unseau à la main.) Mais t’en fais pas, c’est en allumant la tondeuse dans la remise : Il estmort dans son sommeil. (Sophie contemple tristement les restes d’Arthur.)

(Philippe va ramasser Christobald et le donne à Sophie.)

Philippe : Tiens, ton Christoballe. Ne le laisse pas traîner. Moi je dis toujours qu’il nefaut rien laisser traîner, on ne sait jamais qui peut arriver par derrière. (Sophie,effondrée, regarde dans ses mains Christobald et les morceaux d’Arthur. Silence.)

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Mireille : Bon. C’est pas tout, mais il faut aller préparer le repas. (Elle se lève et va encuisine.)

(Silence, Marc réfléchit, puis ose dire à Sophie :)

Marc : Maintenant qu’ils sont morts, tu veux pas qu’on les cuisine ?

Sophie, outrée, criant : Non mais ça va pas ! Ce sont des êtres vivants qui ont un c ur,contrairement à vous tous !

Marc, osant lancer : Justement, ils sont plus vivants. (Silence, Sophie fusille du regardMarc.)

Marc, résigné : Bon, je sens qu’on va encore bouffer des radis.

Philippe : Marc !

Mireille, revenant de la cuisine et montrant avec les deux mains le corps et la tête séparésd’un canard en peluche, furieuse : Qui a fait ça ?

Sophie, complètement hystérique : SATURNIN ! ! ! …

(Sophie reste pétrifiée. Mireille, inquisitrice et tout en montrant les restes de Saturnin,regarde Marc et attend une réaction de sa part. Marc n’en mène pas large.)

Marc, au bout de quelques secondes, se défendant, bourru : …Ben quoi… Y en a marre debouffer que des radis ou des navets.

Philippe, outré : Marc ! On ne bouffe pas, on mange. Que cela soit un canard ou unradis.

Mireille, explosant, furieuse, et réprimandant Marc : C’est pas une raison pour toutsouiller. Faudrait peut-être penser à nettoyer ! Je l’ai trouvé sur la planche à pain. Il y adu sang partout.

Sophie, horrifiée : AAAHHH ! ! …

Marc, bougon : C’est pas de ma faute, il se débattait. Il fallait que je trouve quelque chosepour le coincer.

Sophie : AAAAHHHH ! ! ! …

Mireille, craquant complètement et jetant de rage les morceaux de Saturnin dans le seaude Marc : Et bien t’as qu’à le bouffer ton canard !

Philippe : Mireille !

Sophie : AAAAAHHHHHH ! ! ! ! … …

Mireille, à bout : J’en ai marre de cette porcherie. (Elle s’effondre en larmes.) Qu’est-ceque j’ai fait pour mériter ça ? Pourquoi n’ai-je jamais été choisie pour quitter ces lieuxinfects et répugnants ? (Silence. Mireille est prostrée. Sophie est hébétée. Marc fait celuiqui en a vu d’autres. Philippe fait mine d’avoir la tête ailleurs.)

Philippe, pas très à propos : C’est toujours comme cela avec les animaux, ils sonttoujours là où on ne les attend pas. (Sophie et Marc tournent la tête vers Philippe. Noir.)

(Scène finale : Les 4 comédiens sont assis en ligne face au public. C’est le confessionnal.Un faisceau de lumière les éclaire à tour de rôle alors qu’ils s’adressent au public.)

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Marc : Ce qu’il lui faut à Sophie, c’est un homme, un vrai. D’ailleurs, je vois bien que jel’attire. C’est physique. C’est pour ça que j’ai voté contre Philippe… Mais je vais quandmême le bouffer son cochon. Il faut que j’le bouffe avant d’être éliminé.

Philippe : J’aime bien Marc, c’est le seul ici qui me considère comme l’être sensible queje suis. Je sens qu’une réelle affinité commence à naître entre nous.

Sophie, bien cruche : Ici, le seul être qui a vraiment un c ur, c’est Barnabé. C’est uncochon mais il ne pense pas qu’au sexe.

Mireille : Je ne veux plus être une célébrité. Il y a malentendu, c’est une erreur, uneterrible méprise. (Puis, criant, au bord des larmes :) Pourquoi ne me laisse-t-on paspartir ? (Noir.)

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PUB "FRICTOALGUEPLUS" 3

Voix off : Et maintenant, dans le cadre de la promotion des handicapés de France(remplacer par le pays dans lequel se joue la pièce), une publicité spéciale pour lessourds.

Lumière. Quatre personnes sont assises par deux, comme dans un avion, face à un côtédes coulisses. Il y a notamment un couple de personnes relativement âgées et bien soustout rapport. Au bout de quelques secondes, un grand panneau est montré au public àpartir des coulisses vers où les passagers regardent. Il y a marqué dessus, en lettres deplus en plus grosses : "Oh oui ! Oh oui ! Oh oui ! Oh ouiiiiii ! …Aaaaaaaahhhhhh ! ! ! …… ". Quelques instants plus tard, un jet de pétales defleurs est projeté des coulisses sur la scène. (L’idéal est de souffler les pétales dans untuyau.) Puis le panneau est retiré. Une femme entre alors sur scène face aux passagers ensecouant voluptueusement sa longue chevelure. Un autre panneau est montré à bout debras à partir des coulisses, en gros caractères gras : "Frictoalgueplus de Burnier".

La femme du couple âgé se lève alors et s’adresse en langage des signes à une hôtesse del’air qui vient d’entrer. Par force gestes, elle lui montre le panneau et essaye de lui fairecomprendre qu’elle prendrait bien aussi un petit peu de "Frictoalgueplus". L’hôtesse luirépond en langage des signes. Noir au bout de plusieurs secondes.

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ABECEDAIRE

(En fonction de l’endroit où est jouée la pièce, il est vivement recommandé de remplacer le"loukoum" par une spécialité locale ou nationale. Cette spécialité devra être saupoudrée desucre glace et connue de tous les spectateurs. Par exemple, la "bugne" pour la régionlyonnaise.)

Voix off, ton sérieux : Abécédaire des différents types d’effets comiques au théâtre…Scène une : le coupable démasqué malgré lui.

(Lumière. Il y a un petit meuble à nourriture au milieu de la scène. Une tête apparaît dederrière les rideaux, elle scrute la scène ainsi que le public. Une fois rassuré qu’il n’y apersonne aux alentours, le visiteur entre avec grande précaution et s’avance trèsprudemment jusque devant le petit meuble qu’il ouvre. Il a le dos tourné au public, aussi onne voit pas ce qu’il trifouille dans le meuble. Au bout de quelques secondes, un autrepersonnage entre et s’adresse à celui qui a toujours le dos tourné au public.)

Deux, parlant fort, théâtralement : Et bien alors, que fais-tu devant notre garde-manger ?Ne serais-tu pas en train de manger nos loukoums ?

("Un" se retourne, d’énormes traînées de sucre glace partent de son menton jusqu’auventre.)

Un, sérieux, mentant effrontément : Non, pas du tout. Je vérifiais que tout était en ordre.(Noir au bout de quelques secondes.)

("Un" sera habillé de couleur sombre (ainsi que les suivants) afin que le sucre glace se voitbien. (En réalité, on pourra par exemple utiliser de la farine.) Important : "Un" ne doit pasparler la bouche pleine ; seul le sucre glace sur son vêtement doit être le témoin de sonmensonge.)

Voix off : Scène deux : de la force de la répétition dans le comique de situation.

(Lumière. "Un" est face au garde-manger et tourne le dos au public. "Deux" arrive.)

Deux, parlant fort, théâtralement : Et bien alors, que fais-tu encore devant notre garde-manger ?

("Un" se retourne, toute sa figure, son poitrail, son ventre et ses bras sont blancs de sucreglace ; C’est bien pire qu’à la scène précédente.)

Un, convaincu, mais pas forcément convaincant : Rien, je ne faisais rien.

Deux : Crois-tu me convaincre comme cela ? Alors que je t’ai vu tourné face au garde-manger.

Un, après un temps, hésitant : …Oui… Je crois… (Noir après quelques secondes.)

Voix off : Scène trois : le principe de "maximisation".

(Lumière. "Un" est toujours face au garde-manger, mais cette fois il est couvert de la têteaux pieds de sucre glace, de dos comme de face. "Deux" entre et s’arrête, interloqué.Silence, il regarde durant de longues secondes "Un" qui est toujours tourné face au garde-manger. "Un" finit par se retourner timidement et, voyant "Deux", prend un air détachécomme si de rien n’était.

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(Par exemple, "Un" peut se mettre à faire mine de siffloter tout en regardant dans toutes lesdirections. Il est important de bien jouer en fonction des réactions du public ; Les mimiquessont les bienvenues.) Puis, lorsque le public a fini par se calmer et ne rie plus, "Deux" prendla parole.)

Deux : Que faisais-tu devant notre garde-manger ?

Un, innocemment et interrogatif, se montrant du doigt : Moi ?

Deux, toujours sévère et théâtral : Oui… Toi ! …

Un, gêné et hésitant : Et bieeen… jeuh… (Sa parole reste suspendue, de même que samain, en l’air.)

Deux : …Ne serais-tu pas en train de manger nos loukoums ?

Un, très hésitant, les mots sortent difficilement : …Mmmmoui… Enfin eueuh… je crois…(Noir.)

Voix off : Scène quatre : tel est pris qui croyait prendre.

(Lumière. "Un" est toujours face au garde-manger, dos au public, et avec toujours du sucreglace de la tête aux pieds. "Deux" apparaît, mais cette fois il est lui aussi couvert de sucreglace de la tête aux pieds. Silence.)

Deux, au moment adéquat, en épelant bien : Que fais-tu devant notre garde-manger ?

("Un" se retourne. "Un" et "Deux" se regardent de longues secondes avant que "Deux" ne sedécide à poursuivre. De même que pour la saynète précédente, jouer les mimiques enfonction de la réaction du public.)

Deux : Et bien alors, qu’as-tu à répondre ?

Un, hésitant et gêné : Et bien… Je regardais que tout était en ordre.

Deux : Et tu penses que je vais te croire ?

Un : Et bien oui, regarde toi-même (tout en désignant le garde-manger).

("Deux" s’approche et regarde dans le garde-manger. Un autre personnage arrive alorsdans leur dos.)

Trois, exempt sur lui de sucre glace : Et bien alors, que faites-vous devant notre garde-manger ? ("Un" et "Deux" se retournent tout honteux et coupables.) Ne seriez-vous pas entrain de manger nos loukoums ? (Noir au bout de quelques secondes.)

Voix off : Scène cinq : Apport récurrent d’un représentant de la force publique dans lerenforcement des mécanismes comiques.

(Lumière. Les trois personnages de la scène précédente sont face au garde-manger (et doncdos au public), dans le même état d’ensucrement. Celui qui est exempt de sucre glace setient au milieu. Une dizaine de secondes se passent. Arrive alors sur scène un policier, quis’arrête, interloqué par le spectacle.)

Policier, après un temps, théâtralement : Et bien alors, ne serais-je pas en train de vousprendre en flagrant délit de vol de loukoums ? (Les trois gourmands se retournent. Celuidu milieu a maintenant de grosses traînées de sucre glace qui partent du menton auventre.)

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Trois, après un temps : …Non, pas du tout. Nous étions en train de vérifier que tout étaiten ordre.

Policier : Et vous croyez que je vais vous croire, alors que de nombreux indices laissentà penser que vous n’êtes pas blancs comme neige ?

Deux, innocemment : Non… Quels indices Monsieur l’agent ?

Policier : Je pense notamment au fait que vous êtes incapables de me dire où vous étiezvendredi il y a deux semaines à 17h34 très précisément.

Trois, bêtement, après un temps de réflexion : …C’est vrai, ça !

Policier, encore plus bête : Aussi, je vous demande de ne pas quitter cette pièce, tant quecette histoire ne sera pas tirée au clair. (Noir.)

Voix off : Scène six : Importance de la remise en cause des fondements légaux dans lecomique de situation.

(Lumière. Nos quatre personnages sont tournés face au garde-manger dans le même étatd’ensucrement qu’à la fin de la saynète précédente. Le policier a le buste carrément insérédans ledit garde-manger alors que les autres le regardent. Un ecclésiastique (ou unereligieuse) entre alors et reste coi de longues secondes devant le spectacle affligeant offertpar nos quatre compères.)

Ecclésiastique : La gourmandise est un péché capital pour tout honnête hommesoucieux de faire respecter les lois.

(Le policier, surpris dans ses uvres, se retire précipitamment et tant bien que mal, coincéqu’il est, du garde-manger. Il se redresse, toute sa tête (bouche, figure et casquettecomprise) est blanche de sucre glace.)

Policier : Pas du tout mon Père (ou "ma S ur", si c’est une religieuse), je vérifiais que nuln’avait osé profaner ce saint garde-manger.

Ecclésiastique : J’en suis fort aise, mais je doute fort que vous n’ayez succombé à latentation… (Le policier est honteux.) Puisse le Seigneur avoir pitié de vous. (Silence dequelques secondes pendant lesquelles personne ne bouge. Noir.)

Voix off : Scène sept : Avilissement des critères d’intégrité dans l’éclatement de toutesles références morales.

(Lumière. L’ecclésiastique se tient, seul sur scène, debout immobile face au public. Un sacen papier recouvre totalement sa tête, du sucre glace lui coule du sac sur les épaules. Aumoment adéquat, une voix off (Dieu) s’élève :)

Dieu : Et bien Don Nouillot, n’étais–tu pas en train de manger des loukoums ?

Don Nouillot, le sac toujours sur la tête, parlant vers le haut à Dieu : Non, pas du tout. Jem’isolais afin de mieux communier avec vous, mon Seigneur.

Dieu, courroucé : Ne blasphème pas, Don Nouillot, ou tu auras affaire à ma colère divine.

Don Nouillot : Je ne blasphémais pas mon Seigneur. Je souhaitais juste avoir un peud’intimité à vos côtés.

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(Mi-lumière sur la scène, petite musique de fond type interlude. Le comédien jouantl’ecclésiastique reste au milieu de la scène, le sac toujours sur la tête et ne sachant quefaire, car il attend une réplique qui ne vient pas.)

Voix off : Nous nous excusons auprès de nos spectateurs, mais, jugeant le sketchdevenant trop con, la direction du théâtre a demandé une interruption immédiate.

(Au bout de quelques secondes, on entend dans les coulisses :)

Voix du directeur, furieux : Qui c’est qui a écrit ça ? Il est où ?

Voix 1, craintive : …Je ne sais pas.

Voix 2 : …Je crois qu’il est dans la salle Monsieur le Directeur.

Voix du directeur, autoritaire : Allez m’le trouver !

(Les trois comédiens du début du sketch sortent promptement des coulisses sur la scène etdescendent dans les travées. Ils cherchent activement l’auteur indélicat parmi lesspectateurs. Un des comédiens finit par le trouver et l’attrape par le bras.)

Un, aux autres et au directeur : Je l’ai trouvé, il est là ! Venez vite, il a pas l’air commode.

Auteur, très véhément, à la limite de l’hystérie : Non mais ça va pas, vous êtes fous !Qu’est-ce qui vous prend ?

(Les trois comédiens emmènent de force l’auteur qui résiste tant qu’il peut.)

Auteur : Non ! Vous n’avez pas le droit ! Vous n’avez pas le droit de traiter les auteurscomme ça. C’est scandaleux. (Les trois comédiens l’entraînent jusque sur scène etl’assoient de force sur une chaise. Le directeur du théâtre entre alors et lit l’acted’accusation.)

Directeur : André Veyrignac, auteur sans succès de quatre pièces de théâtre, né le 12février 1960 à Clamart dans les Hauts-de-Seine, vous êtes reconnu coupable deblasphèmes, d’atteinte à l’ordre moral et à la sécurité de l’état, d’incitation à lapornographie et à la débauche, de vulgarité et de grossièreté caractérisées, le toutcouronné par un égocentrisme exacerbé. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Auteur, scandalisé : Mais c’est faux, tout ça ce ne sont que des élucubrations. Je n’aijamais…

Directeur : Taisez-vous ! (Il reprend sa lecture :) En conséquence de quoi vous êtescondamné à subir la pauvreté affligeante de vos propres écrits. (Il s’adresse auxcomédiens qui entourent l’auteur :) Mesdames (et/ou "Messieurs") les bourreaux, veuillezfaire appliquer la sentence. (Deux comédiens saisissent l’auteur par les bras etl’emmenent au centre de la scène.)

Auteur : Non ! Vous n’avez pas le droit ! C’est anticonstitutionnellement abusif. C’estinhumain.

(On le place debout face au public et on lui recouvre entièrement la tête avec le sac enpapier que portait l’ecclésiastique.)

Directeur, aux comédiens : Donnez-lui un texte ! (Un comédien met dans les mains del’auteur le texte de la pièce et en donne un autre au directeur.)

Directeur, lisant le texte : Et bien Don Nouillot, n’étais-tu pas en train de manger desloukoums ?

Directeur, à l’auteur : Allez-y ! Lisez !

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(L’auteur met le texte devant ses yeux, mais bien évidemment, à cause du sac, il ne voitrien. Silence.)

Directeur : Allez, on se dépèche. Je n’ai pas que ça à faire moi !

(L’auteur se résoud à réciter le texte de mémoire.)

Auteur, parlant vers le plafond, pas très sûr de lui : Euh… Non, je ne crois pas… euh…Je m’isolais… afin de pouvoir mieux… euh… vous comprendre, je crois, euh… monSeigneur.

(Silence.)

Directeur, calmement : Vous n’êtes pas l’auteur. Vous êtes un comédien. Un auteurconnaît par c ur ses écritures.

(Long silence.)

Auteur, toujours la tête dans le sac : Mais c’est n’importe quoi, je n’ai pas écrit ce quevous venez de dire. C’est complètement débile… C’est vous, qui n’êtes pas le directeur etqui êtes comédien.

Directeur : Taisez-vous ! Ça suffit ! Vous êtes condamné pour imposture. Vous êtesbanni de la troupe. (Puis aux comédiens :) Emmenez-le !

Auteur, se laissant entraîner (avec ou sans sac sur la tête) : Je crois rêver… Ils m’auronttout fait ! …(Il disparaît. Silence.)

Un, au directeur : Vous croyez qu’on a eu raison Monsieur le Directeur ? Il avait l’airtellement sincère.

Directeur, grave : …A la télévision comme au théâtre, il est parfois bien difficile de savoiroù se situe la réalité. Le plus souvent tout est écrit et il n’y a pas toujours de "message".Mais, ce que le spectateur (il regarde maintenant le public) comprend et retient dépendpour beaucoup de la façon dont les choses sont mises en scène et… exprimées. (Tous lesautres comédiens regardent le public. Noir.)

Tous les personnages, sauf Dieu, pourront être indifféremment hommes ou femmes. Onadaptera alors si besoin les noms et autres petits détails grammaticaux. Le directeur serale même comédien que celui de "Expression émotionnelle".