Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ou ...

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HAL Id: hal-01070058 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01070058 Submitted on 6 Oct 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ou ductiles à partir de l’essai d’indentation Alain Iost To cite this version: Alain Iost. Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ou ductiles à partir de l’essai d’indentation. Revue de Métallurgie, 2013, pp.215-233. 10.1051/metal/2013065. hal-01070058

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Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ouductiles à partir de l’essai d’indentation

Alain Iost

To cite this version:Alain Iost. Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ou ductiles à partir de l’essaid’indentation. Revue de Métallurgie, 2013, pp.215-233. �10.1051/metal/2013065�. �hal-01070058�

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Alain IOST - Détermination de la ténacité de matériaux fragiles ou ductiles à partir de l’essaid’indentation - Revue de Métallurgie n°110, p.215-233 - 2013

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Détermination de la ténacité de matériauxfragiles ou ductiles à partir de l’essaid’indentation

A. Iost

Arts et Métiers ParisTech ; Laboratoire Mécanique, Surfaces, Matériaux & Procédés (MSMP),8 boulevard Louis XIV, 59046 Lille Cedex, Francee-mail : [email protected]

Mots-clés :Indentation ; ténacité ; rupture fra-gile ; rupture ductile ; mécaniquecontinue du dommage ; propriétésmécaniques

Résumé – les différentes méthodes qui utilisent l’essai d’indentation pour estimer la téna-cité sont revues et commentées. Pour les matériaux fragiles, les formules sont principale-ment basées sur la mesure des fissures formées par l’indenteur ou, si l’essai est instrumenté,sur les décrochements (pop-in) observés sur la courbe charge-déplacement. D’autres mé-thodes moins connues peuvent utiliser la mesure de l’ouverture en fond de fissure, uneéquivalence entre la longueur de fissure formée et l’accroissement de pénétration de l’in-denteur ou le clivage provoqué par une indentation proche du bord du matériau étudié.Pour les matériaux ductiles aucune fissure n’est visible à la surface, même pour les fortescharges appliquées. Dans ce cas la ténacité est reliée par la mécanique continue du dom-mage à un dommage critique mis en évidence par la diminution du module d’élasticitéavec l’augmentation de la profondeur d’indentation. Toutes ces méthodes permettent decalculer la ténacité avec une incertitude pouvant aller au maximum à 50 %.

Key words:Indentation; fracture toughness;brittle fracture; ductile fracture;continuum damage mechanics; me-chanical properties

Reçu le 7 Novembre 2012Accepté le 29 Mars 2013

Abstract – Fracture toughness evaluation of brittle or ductile materials by inden-tation testing. Micro and nanoindentation tests are widely used to evaluate the frac-ture toughness of brittle materials. The methods are principally based on the radial crackslength as a function of indentation load. More recently methods were developed in rela-tion with the pop-in observed on the loading portion of the load-displacement curve ininstrumented indentation, measurement of the crack opening displacement or chippinginduced by indentation near the edge of the material. For ductile materials a new inden-tation technique was recently introduced for estimating the fracture toughness, althoughno crack is observed. The critical indentation energy is related to the decreases of Young’smodulus measured by indentation and a model based on continuum damage mechanic. Inthis paper, we propose a retrospective of these different methods using principally sharpindenters. All these methods are attractive because of their simplicity and ease of imple-mentation. However, the uncertainties obtained for the measurement of toughness can besignificant and even reach 50%.

1 Introduction

Les céramiques, le verre, et les matériauxamorphes (verres métalliques) sont des ma-tériaux fragiles dont la rupture brutale seproduit sans déformation plastique préa-lable lors d’essais de traction ou de compres-sion. Cependant, on peut constater pour cesmêmes matériaux la formation d’une em-preinte permanente laissée lors d’un essaide dureté. Pour le saphir parfaitement recuit,Page et al. [1] montrent que le matériau se dé-forme d’abord de façon purement élastiquesous indentation (contraintes de Hertz) puis

que la contrainte augmente dans une zoneconfinée sous l’indenteur jusqu’à approcherla résistance théorique au cisaillement quiprovoque une déformation plastique parémission de dislocations. Ce dernier stadeest mis en évidence par une discontinuité(pop-in), sur la courbe force- déplacementen indentation instrumentée, consécutive audéplacement brutal de l’indenteur. L’obser-vation en microscopie électronique en trans-mission montre une forte densité de dislo-cations près du point de contact résultantde la pression de confinement très impor-tante induite par la zone de déformation

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élastique environnante [2]. La concentrationde contrainte associée aux dislocations peutêtre relaxée ensuite par la microfissuration.Un changement de structure peut égale-ment intervenir, par exemple pour le sili-cium et le germanium. Pour le verre, lazone de confinement provoque une densi-fication (donc une variation de volume quipeut être recouvrée par recuit) et une plas-ticité (c’est-à-dire une déformation irréver-sible à volume constant sous l’action descontraintes de cisaillement). Cette dernièrepeut être mise en évidence par l’observationde lignes de glissement ou la formationd’un bourrelet sur les bords de l’empreinte.Pour Rouxel et al. [3–5], la contribution re-lative de ces deux phénomènes dépend ducoefficient de Poisson du verre : la densi-fication peut contribuer jusqu’à 85 % de lavariation de volume pour la silice pour la-quelle ν = 0,15. En ce qui concerne les verresmétalliques, les tentatives pour expliquerla déformation plastique en faisant interve-nir des modèles de dislocations généraliséespar analogie aux structures cristallines ontéchouées [6]. La déformation en indentationest hétérogène et localisée dans des bandesde cisaillement sous l’action des contraintesdu même type. En-dessous de la tempéra-ture de transition vitreuse, Argon [7] émetl’hypothèse que la transformation s’effec-tue par cisaillements thermiquement acti-vés, qui débutent autour de régions de vo-lume libre sous l’action de la contrainteappliquée. Ces régions, d’une cinquantained’atomes, produisent une augmentation devolume libre en se transformant par cisaille-ment, et par conséquent un champ de défor-mation élastique qui propage la transforma-tion dans les éléments de matière adjacents.Les bandes de cisaillement sont visibles àla surface de l’échantillon et se traduisentsur les courbes d’indentation instrumentéepar de nombreux pop-in. Les mécanismes deplasticité dépendent de la vitesse de défor-mation [8], avec une transition entre des phé-nomènes localisés et une plasticité homo-gène relative à l’augmentation de la vitessede déformation. La déformation plastiquepeut également entraîner la formation d’unbourrelet sur les bords de l’empreinte. Dansce cas la dureté mesurée varie avec la profon-deur de pénétration, mais la dureté réelle qui

prend en compte le bourrelet dans le calculde la surface de contact, reste constante [9].De nombreux articles de revue décrivent lesessais de dureté [10–12], et dans la suite nousnous intéresserons exclusivement à son uti-lisation pour la détermination de la ténacité.

La ténacité, représentée par le facteurd’intensité de contrainte critique Kc, exprimela résistance d’un matériau à la propagationbrutale des fissures. Si σc est la contraintecritique pour laquelle un défaut de lon-gueur c se propage brusquement, alors selonGriffith [13] :

Kc = ασc√πc. (1)

Le facteur géométrique α vaut 1 dans lecas d’une fissure elliptique située au centred’une plaque de dimensions infinies.

Kc est relié à G, le taux d’énergie dispo-nible ou énergie libérée par unité de surfacelors de la propagation de fissure, aussi ap-pelée force d’extension de la fissure (Irwina montré que cette formule est valable pourtoutes les configurations de fissures).

Kc =√

2E′G (2)

avec E′= E module d’Young en contraintes

planes, et E′= E

1−ϑ2 en déformations planes.G, est égal à 2 fois l’énergie de surface, γs

pour une rupture fragile, et 2γs + γp pourune rupture ductile. Dans ce dernier cas,l’énergie de déformation plastique, γp, estnettement supérieur à l’énergie de surfacequi peut souvent être négligée.

La détermination de la ténacité à par-tir de l’équation (1) se fait classiquementà l’aide d’essais normalisés [14]. Ces essaisdestructifs nécessitent une quantité de ma-tière importante ; aussi de très nombreux tra-vaux sont effectués pour les remplacer pardes essais miniaturisés et plus simples, enparticulier l’essai d’indentation.

Dans les paragraphes suivants nous al-lons revoir les différentes méthodes utiliséespour estimer la ténacité par l’essai d’inden-tation. Historiquement, ce dernier utilise lalongueur des fissures formées dans des ma-tériaux fragiles, tandis que des travaux ré-cents proposent de caractériser la ténacitéindépendamment de cette mesure de ces fis-sures pour des matériaux ductiles.

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Tableau 1. Paramètres géométriques relatifs aux principaux indenteurs pyramidaux utilisés. dreprésente la diagonale de l’empreinte pour un diamant Vickers, et le côté de l’empreinte pour lesindenteurs à base triangulaire. Le diamant Berkovich initial correspond à la même surface indentéeque le diamant Vickers pour une profondeur de pénétration, identique. En nanoindentation onutilise la surface projetée (la dureté est égale à la pression moyenne de contact), et les angles ontété modifiés pour que celle-ci soit équivalente à celle de la pyramide à base carrée.Table 1. Geometrical specifications for pyramidal indenters.

indenteur Θ◦ Aire projetée (h2c) Aire de contact (h2

c) d/h Volume (h3c )

Vickers 68 24,504 26,428 7,001 8, 168Berkovich initial 65,0333 23,969 26,440 7,440 7,990

Berkovich modifié 65,27 24,495 26,968 7,521 8,165Coin de cube 35,2644 2,598 4,500 2,449 0,866

2 Détermination de la ténacitéde matériaux fragiles

2.1 Méthodes basées sur la mesurede la longueur des fissures

Nous nous limiterons ici aux indenteurs py-ramidaux pointus : Vickers, Berkovich oucoin de cube, caractérisés par l’angle Θ quefait une face par rapport à une normale à labase. Pour l’essai Vickers, la dureté HV estle rapport de la charge appliquée, P, sur lasurface de contact calculée à partir de la dia-gonale de l’empreinte résiduelle. En nanoin-dentation (indenteurs Berkovich et coin decube) on considère la surface projetée calcu-lée à partir de la profondeur de pénétrationmaximale hc. Les paramètres géométriquespour ces trois types d’indenteurs sont indi-qués dans le Tableau 1.

On savait depuis longtemps qu’un es-sai de dureté effectué sur un matériau fra-gile provoquait la formation de fissures prèsde l’empreinte résiduelle, et de nombreusestentatives avaient été effectuées pour relierla ténacité à la formation de ces fissures. Ce-pendant les véritables débuts de la méca-nique de la rupture ne datent que du débutde la deuxième guerre mondiale [15], et sesconcepts n’étaient pas suffisamment établispour que les résultats soient fiables, d’autantplus que la dispersion des résultats expéri-mentaux était trop grande.

Palmqvist, le premier à tenter une ap-proche scientifique [16, 17], effectua sur descermets à base de carbure de tungstène etde cobalt des essais de dureté Vickers, sousdes charges croissantes, jusqu’à l’apparitionde fissures pour une charge critique PK etune profondeur de pénétration de l’inden-

teur hk. Il définit un paramètre de ténacitéSK qui correspond au travail fourni par l’in-denteur pour provoquer la fissuration :

SK =

∫ hK

0Pdh =

∫ dK

0HV

d2

2 cos 22◦17

(3)

ouSK =α

HVP3/2

K en Kg m. (4)

Cette « ténacité » est corrélée à la résistance àla rupture en flexion pour des carbures pos-sédants différents pourcentages en cobalt.Nous verrons dans les paragraphes suivantsque le travail fourni pour former la fissuresera utilisé pour calculer le facteur d’inten-sité de contrainte critique de matériaux, queces derniers soient fragiles ou ductiles. Maisentretemps, les principes de la mécanique dela rupture ont été établis (les premières va-leurs de la ténacité de ces carbures ont étéobtenues 15 ans plus tard [18–20]), et l’ins-trumentation de l’essai d’indentation a per-mis de calculer cette énergie de façon plusprécise.

Au-delà du seuil d’initiation de fissure,Palmqvist établit une relation linéaire entrela charge appliquée et la longueur, l, de lafissure (Fig. 1) :

P = wl + P0 (5)

relation qui dépend fortement des condi-tions de préparation de la surface.

Le comportement linéaire sera confirmépar Exner [21] qui montre également que P0

dépend des contraintes résiduelles de com-pression engendrées par le polissage. Aprèsdes polissages successifs avec des papiersabrasifs de plus en plus fins pour éliminer lacouche écrouie, P0 = 0.

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Fig. 1. Les différentes géométries de fissuresen indentation Vickers (gauche) ou Berkovich(droite).Fig. 1. Different geometries of cracks produced byVickers (left) or Berkovich (right) indenters.

Viswanadham et al. [22] ainsi quePeters [23], constatant que l’unité de w dansl’équation (5) est la même que celle de laforce d’extension de la fissure, proposent larelation de proportionnalité suivante :

w = αG = αK2

c

E′(6)

avec α une constante déterminée de façonempirique.

Warren et Matzke [24] ainsi queNiihara [25] développent de façon indépen-dante des modèles empiriques pour relier w(appelée souvent ténacité de Palmqvist) à laténacité :

Kc = β (Hw)1/2 . (7)

Pour Niihara les 4 fissures semi-elliptiquessont indépendantes, et la constante β fonc-tion du rapport E/H : β = 0,0246(E/H)1/2,alors que pour Shetty et al. [26] les fissuresrestent ouvertes après retrait de l’indenteurgrâce aux contraintes résiduelles créées parla zone plastique, et β est fonction du coef-ficient de Poisson et de l’angle de l’inden-teur soit β = 0,0889 pour WC-Co, valeuranalogue à celle trouvée empiriquement parWarren et Matzke. Après comparaison de cesdifférentes formules, Spiegler et al. [27] re-commandent celle de Shetty et al., qui per-met d’obtenir la ténacité de WC-Co avec unécart maximal de 20 % par rapport aux ré-sultats obtenus par les méthodes classiques.

Une deuxième approche dans le calcul dela ténacité à partir des fissures formées parindentation (Fig. 1) est due à Lawn, Evans,Charles et co-auteurs qui étudient des ma-tériaux vitreux ou céramiques bien plus fra-giles que le carbure de tungstène, et pourlesquels la forme des fissures est différente.De nombreuses publications de ces auteurssont en particulier disponibles sur le site du“National Institute of Standards and Techno-logy’s” (NIST) : http://www.msel.nist.gov/lawn/Publications/Publication_List.htm

En se basant sur les conditions de Griffith(l’augmentation de l’énergie de surface cor-respond à la diminution de l’énergie mé-canique totale nécessaire à la propagationdes fissures) Lawn et Fuller [28,29] montrentque :

GE = αP2/c3. (8)

Le facteur d’intensité de contrainte cri-tique est ensuite introduit par Lawn etMarshall [30, 31] :

Kc = χrPc−3/2. (9)

La détermination de la constante χr a faitl’objet de très nombreux travaux basés surdes considérations théoriques, ou plus sou-vent sur des corrélations avec des valeursde ténacité obtenues par les techniques clas-siques de mécanique de la rupture. Les for-mules utilisées peuvent considérer égale-ment la forme des fissures formées pendantl’indentation ainsi que la dureté et le moduled’Young. Les fissures radiales qui se formentaux coins de l’indenteur à cause des concen-trations de contrainte peuvent être de typeMédian (M) ou Half-Penny si elles se déve-loppent en arc de cercle au-dessous de l’em-preinte. Quatre fissures partent des coinsde l’empreinte de dureté pour un diamantVickers (trois pour un diamant Berkovich)et sont visibles en surface. Si elles se dé-veloppent uniquement aux coins de l’em-preinte et ne se propagent pas sous cette der-nière, elles sont dites de type Palmqvist (P)(c’est le cas en particulier des matériaux as-sez tenaces, tels que le carbure de tungstène).La forme des fissures dépend également dela charge appliquée. Généralement les fis-sures de type Palmqvist se transforment entype Médian quand la charge augmente.D’après Niihara et al. [32] les fissures sontde type M si c/a � 2, et de type P si l/a � 2,5

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ou c/a � 3,5, a étant la distance entre le centreet l’extrémité d’une arête de l’empreinte. Lanature des fissures peut être différenciée em-piriquement en traçant la variation de leurlongueur en fonction de la charge appliquée :c varie comme P2/3 pour le type M, et commeBP + DP1/2 pour le type P.

Ponton et Rawlings [33–35] comparentces formules pour des matériaux dont lesfacteurs d’intensité de contrainte critiquesont connus et concluent que la plupart des19 équations étudiées à l’époque (aujour-d’hui il en existe une cinquantaine) donnedes résultats en accord avec les bonnes va-leurs à 30 % près.

La formule la plus utilisée est cellequ’Antis et al. [36] ont obtenue par cor-rélation avec des essais de mécanique dela rupture classiques (DCB) pour 16 maté-riaux (verres, céramiques, silicium, alumine,carbure de tungstène) de facteurs d’intensitéde contrainte critique compris entre 0,74 et12 MPa

√m :

Kc = (0,016± 0,004) (E/H0)1/2 Pc−3/2. (10)

Cette formule est établie selon l’hypothèseque les fissures du type Half-Penny seforment pendant la décharge, au-dessous del’indenteur, sous l’action du champ résiduelde contraintes en tension qui maintient lesfissures en équilibre à la valeur de la forced’extension de la fissure critique. Elle estconsidérée valable pour les fissures bien dé-veloppées, que celles-ci soient de type M ouP, avec une incertitude proche de ±25 %.En fait, en tenant compte de l’intervalle deconfiance à 95 % utilisé, cette l’incertitudedevient ±50 %, ce qui signifie que deux ma-tériaux, ayant le même facteur d’intensité decontrainte critique, peuvent avoir un Kc me-suré par indentation variant d’un facteur 3,c’est-à-dire un rapport entre la longueur desfissures de 2.

Pour un diamant Berkovich les valeursrapportées pour la constante varient de0,026 [37] à 0,0319 [38] au lieu de 0,016pour l’essai Vickers. Il est également pos-sible d’utiliser un indenteur en forme decoin de cube (CC), d’angle au sommet plusaigu, qui provoque donc plus aisémentune fissuration grâce à la concentration decontraintes plus élevée. Selon Pharr [39] quiconstate une incertitude d’environ ±40 %

pour l’équation (10) en prenant 0,036 commevaleur de la constante, la charge pour pro-voquer la fissure est d’un à deux ordres degrandeur plus petit, et parfois même plus :de 0,5 à 1,5 mN pour le quartz fondu et undiamant CC contre 1000 à 1500 mN pour undiamant Vickers. La dispersion plus grandes’explique par le fait que plus l’indenteurest pointu : plus la répartition des hétérogé-néités joue un rôle important car le volumeindenté est plus petit. Kruzic et al. [40] fontremarquer que la dispersion doit être bienplus grande encore, puisque la corrélationeffectuée pour déterminer la constante esteffectuée avec un nombre plus réduit de ma-tériaux que celui utilisé par Antis et al. pourétablir l’équation (10). Toujours pour un dia-mant CC, Scholz et al. [41] vérifient que laformule utilisée permet d’obtenir une esti-mation correcte avec des rapports c/a aussipetits que 1,2, mais à condition de considérerdes valeurs de la constante beaucoup plusfaibles : 0,022 pour le quartz et 0,026 pourle saphir. Dans ce cas il est cependant dou-teux que les conditions de la mécanique élas-tique linéaire de la rupture soient respectées,puisque la taille des fissures peut être pluspetite que la zone de déformation plastique.

Selon Gong [42], l’incertitude dans la dé-termination de la ténacité à partir de la me-sure de longueur des fissures est liée aufait que la dureté dépend de la charge ap-pliquée. Il faut donc remplacer H0 dans laformule (10) par la dureté mesurée pour lacharge qui a provoqué la formation de lafissure,ce qui revient à introduire la taille del’empreinte correspondante :

Kc = 0,046 (EH)1/2a2c−3/2. (11)

Gong montre qu’effectivement le rapporta2/c3/2 ne dépend pas de la charge appliquée,ce qui n’est pas le cas pour la relation P/c3/2,et donc que l’utilisation de (11) diminue ladispersion des résultats.

Une autre façon de diminuer cette dis-persion consiste à exprimer le rapport E/Hen fonction des énergies de déformation to-tales et élastiques mesurées à partir de lacourbe force déplacement en indentationinstrumentée [43] :

HE= k

wu

wt(12)

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avec wt =∫ hm

0 Pdh et wu =∫ hm

hpPdh, hm étant

le déplacement de l’indenteur pour la chargemaximum et hp le déplacement résiduelaprès retour élastique. Le gain de préci-sion s’avère particulièrement important avecles matériaux pour lesquels un bourrelet seforme sur les côtés de l’empreinte pendantl’essai (pile-up). Cheng et Cheng [43] font ce-pendant remarquer que la formule (12) doitêtre corrigée d’un facteur faisant intervenirle coefficient d’écrouissage du matériau, no-tamment lorsque le rapport H/E est faible.En combinant les équations (9) et (12), Zhanget al. [44] obtiennent :

Kc = λ( wt

wu

) 12

Pc−32 . (13)

La constanteλ, calibrée à partir de matériauxconnus (silice fondue, verre de sodium, py-rex, Si (111)), est voisine de 0,0695 pour undiamant en coin de cube. Nul besoin dans cecas de tenir compte de la variation de duretéavec la charge, ce qui rejoint les préconisa-tions de Gong.

L’équation (10) est adaptée pour les fis-sures de type P par Laugier [45] :

Kc = 0,0143(

la

)−1/2 ( EH0

)2/3

Pc−3/2. (14)

Le coefficient est de 0,022 pour un diamantBerkovich, et 0,057 pour un coin de cubed’après [37].

Il est également possible d’estimer lescontraintes résiduelles, σr, qui vont égale-ment contribuer au développement des fis-sures en traçant la variation de Kc en fonctionde√

c [46, 47] :

Kc = (0,016)( E

H0

) 12

Pc−32 ± ϕσrc

12 . (15)

Les signe + et – correspondent respective-ment à des contraintes de compression et detraction ; la constante ϕ, voisine de 1 est sou-vent prise égale à 2/

√π. En fait une valeur

plus précise est donnée par :

ϕ = 1,12√π

e/c

(3π/8) + (π/8) (e/c)2 (16)

où e est la profondeur de la fissure ra-diale. Malzbender [48] a montré que cetteconstante varie entre 0 et 1,46 en fonction

de la forme des fissures. Si celles-ci sontparfaitement semi-circulaires, alors e = c,et ϕ = 1,26. Il faut cependant remarquerqu’une variation de la ténacité mesurée enfonction de la charge appliquée peut ne pasêtre due aux contraintes résiduelles, mais àun artefact de mesure. La formation d’unbourrelet sur les bords de l’empreinte ou lavariation de dureté avec la charge, peuventfaire en sorte que l’on trouve une ténacitésupérieure pour les fortes charges et lesgrandes longueurs de fissures. Notons éga-lement que, pour certains matériaux céra-miques, la ténacité apparente dépend de lalongueur de la fissure (courbe R en méca-nique de la rupture classique), et dans ce casla mesure de la ténacité par indentation selonles méthodes précédentes n’est pas adaptée.

Par contre, cette mesure devient possibleà condition de considérer l’écartement desfissures. Fett et al. [49, 50] calculent l’ouver-ture de fissure, δ, causée par l’applicationde la charge pendant un essai Vickers. Unesolution approchée est donnée par :

δtip = Ktipδ′

K′4√

cπE′

avec :

δ′

K′= A

(1 − r

c

) 12

+ B(1 − r

c

) 32

+ C(1 − r

c

) 52

(17)

A =π2

( ca

) 12

; B = 0,011 + 1,8197 ln( c

a

);

C = −0,6513+ 2,121 ln( c

a

)pour 2,5 < c

a < 10.La signification de δ, a, c et r est donnée

sur la Figure 2.Cette méthode permet de calculer la té-

nacité en mesurant l’écartement des fissuresen AFM. Si on utilise uniquement le premierterme du développement limité, l’ouvertureen fond de fissure devient :

δtip =

√8π

Ktip

E′√

c − r,

ce qui correspond à la relation d’Irwin [15].Pour les fissures courtes, Schneider et

Fett [51] montrent que la constante de l’équa-tion (10) diminue quand le rapport c/a tendvers 1, ce qui confirme les résultats précé-dents trouvés par Scholz et al. [41].

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Fig. 2. Définition des paramètres d’ouverture defissure pour l’essai Vickers.Fig. 2. Vickers parameters for C.O.D. measurements.

2.2 Méthodes ne nécessitantpas la mesure de la longueurdes fissures (matériaux fragiles)

Dès 1967, Frank et al. [52] établissentune relation entre le facteur d’intensité decontrainte critique, la force appliquée, etl’amorçage de la fissure. Cette relation estétablie en dureté Hertzienne puis en du-reté Vickers [28, 30, 53]. La fissure, qui peutêtre mise en évidence par émission acous-tique [54], apparaît dès que le défaut atteintune taille critique fonction de Kc et H. Au-delà, le défaut se propage jusqu’à la rupture.

En contact sphère – plan, le contact élas-tique est décrit par les contraintes de Hertzqui augmentent avec la charge appliquéejusqu’à la valeur critique ; la fissure se pro-page alors sous forme d’un cône.

Avec un indenteur pointu, la déforma-tion qui précède la fissuration est élasto-plastique. Tenant compte de la similarité,le champ de contrainte est indépendant dela charge appliquée ce qui implique la pré-sence d’un défaut critique à l’interface entreles zones de déformation plastique et élas-tique pour former la fissure. En évoquantles conditions d’équilibre de Griffith ces au-teurs obtiennent comme charge d’initiationde fissure :

Pc = βK4

c

H3 . (18)

La constante β est évaluée à 1,6 × 104 àpartir de corrélations effectuées sur diffé-rents matériaux, alors que sa valeur théo-rique pour une fissure de type Médian estde 2,2 × 104 (avec H en GPa, Kc en MPa

√m

et P en N) [36]. Ultérieurement, Lawn etMarshall [55] introduisent dans cette for-mule le rapport E/H :

K4c = P0β

(A2

0/δ0

)(cotθ)2/3 H3/E (19)

avec A0 = 3/4 et δ0 = 1200.

La dispersion des résultats est, en par-tie, fonction de l’hétérogénéité du matériau.Les mesures de dureté caractérisent un vo-lume réduit par rapport aux essais classiquesde mécanique de la rupture, et sont doncplus sensibles à la répartition des défauts auvoisinage de l’empreinte. Plus récemmentMikowski et al. [56] reprennent cette mé-thode en nanoindentation instrumentée etintroduisent un traitement statistique pours’affranchir de la dispersion des résultats.En indentation instrumentée, il est parfoispossible d’observer des discontinuités sur lacourbe force-déplacement pendant la miseen charge. Ces accidents sont appelés pop-in (le même terme est utilisé pour les essaisconventionnels de mécanique de la ruptureet correspond alors à une propagation in-stable de la fissure).

Pour calculer Kc, Mikowski et al. sug-gèrent plusieurs améliorations :

– Le seuil d’initiation de fissure, Pc, est ca-ractérisé à partir de la première discon-tinuité observée sur la courbe charge –déplacement.

– Une mesure plus précise de ce seuil estobtenue en traçant la variation du rap-port dP/dh en fonction de P1.

– Une étude statistique (Weibull à deux pa-ramètres) sur 25 essais permet de calculercette charge critique avec une probabilitéde 50 %.

– La ténacité est calculée à partir de laformule (18) en prenant la même va-leur de la constante pour l’indenteurBerkovich que celle utilisée pour l’inden-teur Vickers [37].

Les résultats obtenus par cette méthodesont en bon accord avec ceux utilisant laformule (10).

Pour Field et al. [58], le pop-in est as-socié à un changement de mode de pro-pagation de la fissure. Dans le cas où iln’est pas possible de mesurer la longueurdes fissures formées (celles-ci étant trop pe-tites), ils proposent un modèle associant lapropagation à un écartement des lèvres dela fissure δcod en mécanique de la rupture

1 (Morris et al. [57] proposent plutôt de mettreen évidence le pop-in en représentant la variationdu rapport de la complaisance sur la variation ins-tantanée de pente de la courbe force-déplacementen fonction du déplacement).

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classique (CTOD : Crack Tip Opening Dis-placement en anglais) :

δcod = 2hex cotgϕ tg30◦ (20)

où ϕ est l’angle entre les faces de l’indenteuret hex l’augmentation de pénétration due àla fissuration : hex = hm – ht avec hm lemaximum de pénétration avec pop-in et ht

le maximum de pénétration sans pop-in.Field et al. établissent alors une relation

entre la longueur de fissure, c, et l’augmen-tation brusque de profondeur de pénétra-tion de l’indenteur :

c =√

2hm +

(Q

E′

HM− √2

)hex. (21)

Puis ils dérivent l’équation précédente :

dcdhx= Q

E′

HM− √2 =

dc

dP2/3

dP2/3

dhx. (22)

Le premier terme correspond à une rela-tion linéaire entre la longueur de fissure etla force appliquée élevée à la puissance 2/3(Eq. (9)), et le deuxième terme est l’inverse dela même relation en remplaçant la longueurde fissure par l’augmentation de profondeurde pénétration produite par la fissuration.

En utilisant un diamant en coin de cubeet en mesurant la longueur des fissures aumoment du pop-in, Field et al. montrentque ces deux relations sont linéaires et per-mettent de calculer Q. Les valeurs obtenuespour la silice fondue et le carbone vitreuxsont du même ordre de grandeur (respecti-vement 4,55 et 4,91) et l’hypothèse est faiteque la valeur de Q serait indépendante dumatériau. Il serait donc possible de calculerKc sans avoir besoin d’imager les fissures,ce qui pose le plus souvent de grandes dif-ficultés à cause de la taille réduite de cesdernières. Ces résultats sont confirmés parScholz et al. [41] qui obtiennent Q = 3,95pour le quartz fondu et 3,08 pour le saphir,matériau pour lequel le pop-in est faible-ment marqué et difficile à quantifier. Cetteméthode semble permettre de calculer le fac-teur d’intensité de contrainte critique avecune incertitude de 30 %, incertitude com-parable à celle obtenue avec les autres mé-thodes utilisant l’essai d’indentation.

Une adaptation récente d’une méthodeplus ancienne permet également de se dis-penser de mesurer la longueur des fissures.

Fig. 3. (a) Représentation schématique del’écaillage produit par indentation et (b) de lavariation de P/h3/2

ben fonction de c/hb. Le maxi-

mum de cette courbe obtenue à partir d’essaiseffectués à des distances variant de 0,2 à 2 mmdu bord est utilisé par Chai et Lawn [64] pourcalculer la ténacité du matériau.Fig. 3. (a): Schematic of chip formation by edge in-dentation. (b): Plot of P/h3/2

b as function of the relativecrack size obtained for data for hb in the range 0.2 to2 mm (from [64]. The maximum, PF is used to calculatethe toughness (Eq. (22)).

Un choc exercé près du bord d’un maté-riau fragile peut provoquer un écaillage.Des études empiriques pour le choix de laforce à appliquer, la distance de l’impact aubord du matériau, l’inclinaison de la direc-tion du choc par rapport à la surface . . .ont permis à l’homme du néolithique detailler des outils pour la chasse. Le méca-nisme de formation de ces écailles conchoï-dales a été étudié par Cotterell et al. [59] enmécanique de la rupture, en assimilant lapierre taillée à une éprouvette DCB (DoubleCantilever Beam). Si on remplace le percu-teur par un indenteur, le même effet peutse produire (Fig. 3a). Les analyses succes-sives de Mac Cormick [60], Morrell [61],Gogotsi [62, 63], et leurs co-auteurs utilisantdifférentes formes d’indenteurs (Rockwell,Vickers, Cône, Knoop, Berkovich) montrentdes relations linéaires entre la charge critiqued’écaillage, PF, et la distance, hb, du point in-denté au bord de la surface, ainsi qu’avec lesdimensions de l’écaille. Gogotsi [62] observeégalement que la pente PF−hb est proportion-nelle à la ténacité pour les différents verreset céramiques étudiés.

En 2007, Chai et Lawn [64] approfon-dissent cette méthode en considérant l’en-dommagement produit par une indentation

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Vickers située à environ 1 mm du bord dumatériau étudié. La force, comprise entre 50et 300 N, est appliquée avec une vitesse de1 N s−1 jusqu’à ce que l’écaillage se produise.Ils vérifient que les dimensions de l’écaille,D et c (Fig. 3a), varient de façon linéaireavec la distance hb du bord à laquelle l’in-dentation est faite pour tous les matériauxde l’étude. La transparence du verre per-met de suivre la variation de la taille de lafissure avec la charge imposée. Le produitPh−3/2

b varie d’abord de façon linéaire avecla taille relative de la fissure (ln c/hb) puis at-teint un maximum, PFh−3/2

b à partir duquella fissure devient instable et débouche à lasurface (Fig. 3b).

L’équation (23) est obtenue par analogieavec l’équation (10). La constante β = 9,3 ±1,3 est indépendante du matériau avec unécart maximum par rapport à la valeur réellede ±25 %.

Kc =1β

PFh−3/2b . (23)

Les résultats du calcul de la ténacité avecles équations (10) et (23) sont en bon ac-cord, mais la seconde présente l’avantage dene pas avoir à mesurer les fissures formées,puisque seule la valeur de PF est utilisée.

Notons également que cet essai peut êtreutilisé pour mesurer l’adhésion de films duc-tiles déposés sur un substrat fragile [65].

2.3 Méthodes énergétiques

Les méthodes énergétiques sont principale-ment utilisées pour déterminer la ténacité defilms minces et fragiles, pour lesquels troisphénomènes peuvent être observés lors del’essai d’indentation instrumenté :

1. Une fissure circulaire se forme dans lerevêtement autour de l’indenteur puisse propage rapidement jusqu’au substratsi le film est suffisamment mince. Depetites discontinuités, généralement peuvisibles, viennent perturber la courbeforce-déplacement.

2. Le revêtement se soulève. Cette délami-nation ne provoque pas de pop-in maisseulement une augmentation de la pentede la courbe de variation de la duretéavec la charge appliquée.

3. Le revêtement s’écaille et se séparedu substrat entraînant un déplacementbrusque de l’indenteur qui est visible surla courbe charge-déplacement. Ce dépla-cement est horizontal si la courbe est en-registrée en charge imposée, et verticaldans le cas d’un déplacement imposé. Ledéplacement est utilisé pour déterminerla ténacité du revêtement à partir des va-riations d’énergie mesurées.

Si on néglige la chaleur dissipée, le fluage etles transformations de phase (par exemplel’amorphisation du germanium [66]) le tra-vail, wT, des forces appliquées par l’inden-teur est transformé en énergie de déforma-tion plastique Up, en énergie de déformationélastique Uel, et en énergie dissipée par larupture Urupt :

wT =

hmax∫0

Pdh = Up +Uel +Urupt. (24)

La quantité d’énergie irréversible dissipéedans un cycle, Uir = Up + Urupt, est reliée àsurface comprise entre les courbes de chargeet de décharge.

En 1997, Li et al. [67] décrivent les pre-miers cette démarche énergétique illustréeschématiquement sur la Figure 4 pour unindenteur en coin de cube. La courbe enre-gistrée en charge imposée est OABDE ; lesparties AC et CB sont extrapolées pour unemeilleure compréhension. L’écaillage se pro-duit au point A et se traduit par un dépla-cement rapide AB, puis le déplacement del’indenteur se poursuit avec l’augmentationde la charge. L’énergie emmagasinée dans lematériau serait l’aire OCF si la fissure ne seproduisait pas, mais à cause de celle-ci, cetteénergie est OABF. La différence, c’est-à-direl’aire ABC, correspond à l’énergie de pro-pagation de fissure Urupt. Pour une fissurecirculaire de rayon Cr Li et al. en déduisentla ténacité du revêtement d’épaisseur t :

Kc =

√E′Urupt

Arupt=

√E′

2πCr

Urupt

t. (25)

L’année suivante Li et al. [68] obtiennentdes résultats similaires avec un indenteurconique.

Pour den Toonder et al. [69] l’énergie derupture n’est pas l’aire ABC, bien que celle-ci

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Fig. 4. Courbe d’indentation en charge impo-sée montrant le déplacement brutal de l’inden-teur causé par l’écaillage du film. Les lettresdélimitent les domaines utilisés pour calculerl’énergie de fissuration.Fig. 4. Load-displacement curve showing the effect offilm chipping in controlled-load experiment. Letters Ato H correspond to the limits of the different area usedto calculate the dissipated energy.

permette d’estimer correctement la ténacité.Ils modélisent les courbes de charge et dedécharge par des lois puissance, et montrentque la véritable énergie de rupture est com-prise entre deux limites : l’une inférieurecorrespond à un comportement purementélastique, et l’autre supérieure à un com-portement totalement irréversible (respecti-vement les aires OAB et ABFG sur Fig. 4).Puisque ces essais sont effectués à chargeimposée, l’indenteur ne trouve pas de résis-tance et se déplace brusquement pour pé-nétrer dans le substrat lors de la rupturedu film. Pour Michel et al. [70] il faut sous-traire de l’aire ABFG l’énergie de déforma-tion plastique du substrat (aire BHGF) et lavariation d’énergie pour l’écaillage est doncl’aire ABH. Sur la Figure 4, la courbe OB cor-respond au chargement partiel du substrat.Ces trois variantes de calcul sont comparéespour un dépôt CVD de carbone amorphe dé-posé sur un substrat de silicium monocris-tallin [70]. Les résultats sont assez proches :3,3 ; 2,9 ; et 3,7 MPa

√m respectivement pour

les méthodes de Michel, Li et den Toonder,soit une différence inférieure à 30 % entre lesvaleurs extrêmes.

Une difficulté rencontrée lors del’interprétation de ces essais tient au faitque l’énergie irréversible est ici la sommede l’énergie de rupture et de l’énergie de

déformation plastique du substrat. Pourcette raison Warren et Wyrobek [71] préco-nisent de travailler en déplacement imposé,conditions expérimentales pour lesquelles lachute brutale de force appliquée corresponduniquement à la formation de la fissure,sans influence du substrat. Par analogieavec les travaux de den Toonder et al. Chenet Bull développent cette approche en calcu-lant les énergies minimale et maximale defissuration en déformation imposée [72, 73]et modifient également les bornes propo-sées par den Toonder pour les essais encharge imposée. Pour éviter le changementde comportement élasto-plastique aprèsrupture du film, Chen et Bull [74] proposentégalement d’utiliser des charges aussifaibles que possible, bien que les fissuresplus petites soient difficilement observablesen microscopie électronique en balayageou en AFM ; la microscopie électronique entransmission devrait donner des résultatsplus fiables.

Devant la difficulté pour séparer les éner-gies irréversibles de déformation plastiqueet de rupture, Malzbender et With [75] pré-sentent une nouvelle méthode expérimen-tale qui consiste à effectuer une série d’essaisd’indentation avec des charges appliquéescroissantes. Pour chaque courbe, la varia-tion d’énergie irréversible wIR est calculéeà partir de la différence entre les courbesde charge et décharge. La valeur de cetteénergie est ensuite tracée en fonction de lacharge appliquée (Fig. 5). La déformationplastique, la formation des fissures latéralespuis la délamination provoquent une aug-mentation de l’énergie proportionnelle à lacharge appliquée, alors que l’écaillage pro-voque une variation brutale. C’est cette der-nière variation de l’énergie, Uc, qui est utili-sée pour calculer la ténacité (Eq. (25)). Cetteméthode peut également s’appliquer à l’es-sai de rayage [76].

Nakonechna et al. [77] proposent unevariante de cette méthode qui ne néces-site qu’un seul essai. Le travail irréver-sible d’indentation est tracé en fonctionde P, et sa première variation brusquecorrespond à l’énergie de rupture. PourChen et Bull [72, 78] les nombreux accidentsvisibles sur cette courbe perturbent les résul-tats et ces auteurs préfèrent tracer le travail

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Fig. 5. Variation en fonction de la charge appli-quée de l’énergie irréversible dissipée pendantl’écaillage (d’après [75]).Fig. 5. Schematic of irreversibly dissipated energy wIR,as a function of the peak load during indentation(from [75]).

Fig. 6. Variation du travail en indentation avant(OA) et après (DX) écaillage du film (selon [78]).L’énergie correspondante à la fissuration et uti-lisée pour calculer la ténacité, est la différencedes segments CD et AB.Fig. 6. Schematic of the extrapolated total work versusdisplacement before and after cracking (from [78]).

total, obtenu à partir de la surface située sousla courbe charge-déplacement, en fonctiondu déplacement (Fig. 6). La courbe enregis-trée est OADX, et les parties AC et DB sontextrapolées pour une meilleure compréhen-sion. AB représente la différence de compor-tement élasto-plastique du matériau avantet après rupture, et CD la différence de com-portement due à la fissure englobant les va-riations d’énergie élasto-plastique et de rup-ture. La différence des segments CD-AB estassociée à l’énergie de rupture par écaillage.

Zhang et Zhang [79] reconsidèrent ré-cemment les résultats publiés par six au-teurs utilisant la méthode énergétique, etconstatent que la longueur des paliers me-surés sur les courbes force-déplacement cor-respond curieusement à l’épaisseur du re-vêtement dans le cas où les duretés du filmet du substrat sont du même ordre de gran-deur. Ce fait est corroboré par l’observationdes micrographies associées sur lesquelles lesubstrat semble visible. Que le contact entrel’indenteur et le substrat soit perdu au pointA de la Figure 4 et retrouvé en B ne per-met pas de relier ces deux points de façonlinéaire ; l’indenteur chute brusquement enA jusqu’à ce qu’il atteigne le substrat et peutmême, comme l’ont fait remarquer Chen etBull, pénétrer dans ce dernier si le revête-ment est moins dur que le substrat. Dansce cas la longueur du palier est plus faibleque l’épaisseur du revêtement. Puisque l’in-denteur se déplace librement sans rencon-trer de résistance entre A et B, il ne fournitpas de travail et ce palier ne peut représen-ter l’énergie de rupture. L’énergie nécessaireà provoquer l’écaillage est entièrement em-magasinée dans le matériau au point A et en-tièrement libérée en ce point contrairementaux hypothèses précédentes. Il semble doncdifficile de pouvoir calculer la ténacité desrevêtements de façon fiable.

3 Méthodes ne nécessitantpas la mesure de la longueurdes fissures (matériauxductiles)

Les différentes méthodes de calcul de la téna-cité par indentation présentées ci-dessus ontété revues par différents auteurs [73, 80–82].Elles supposent toutes la formation de fis-sures sous l’action de la contrainte exercéepar l’indenteur, qu’il soit ou non nécessairede les mesurer. Elles ne sont donc valablesque pour les matériaux fragiles. Pour la rup-ture à faciès ductile qui se produit par amor-çage, croissance et coalescence de cavités àl’intérieur du matériau, aucune fissure n’estcréée par l’essai d’indentation et, bien sûr, iln’y a pas de pop-in enregistré sur la courbede charge.

Les essais mécaniques classiques(traction, mécanique de la rupture) sontdestructifs et nécessitent pour les seconds

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l’usinage d’éprouvettes normalisées dedimensions d’autant plus importantes quela limite d’élasticité est faible puisque lataille de la zone plastique, proportionnelleà (Kc/Rp)2, doit être petite devant celles del’éprouvette et la longueur de la fissure. Àl’opposé, on développe de plus en plus desmicromécanismes (MEMS) et la tendanceexpérimentale va vers la miniaturisationdes essais. Il est bien établi actuellement quel’essai de dureté bille instrumenté permet detracer la courbe de traction monoaxiale se-lon une erreur en moyenne inférieure à 5 %pour les matériaux étudiés [83]. L’analysede l’évolution des propriétés mécaniques enfonction des cycles de fonctionnement peutpermettre par mesures in-situ de prévoirla durée de vie résiduelle de composantsindustriels [84]. Les précautions à prendreconcernent principalement la déterminationprécise de la surface de contact entre la billeet le matériau à cause du bourrelet ou del’enfoncement de matière dans la zone envi-ronnante [85]. Le fait d’ignorer le bourreletformé peut entraîner une erreur de 60 %sur la surface de contact (indentation avecun cône de l’aluminium d’après Habbabet al. [86], le bourrelet supportant la chargeappliquée [87, 88].

En 1989 Haggag dépose un brevet pourun ensemble expérimental composé d’unappareil portable de macrodureté instru-menté, d’un logiciel associé et d’une métho-dologie (Automated Ball Indentation Tech-nique : ABI) destinée à déterminer lespropriétés mécaniques de matériaux duc-tiles [89, 90]. Les essais sont effectués avecune bille en carbure de tungstène de dia-mètre, D = 2R, compris entre 0,254 et1,59 mm et des charges pouvant atteindre2 kN. Des indentations sont répétées aumême endroit avec des charges croissantes.

Les déformations plastiques et lescontraintes vraies sont calculées par le mo-dèle de Tabor [91] :

εp = 0,2 dp/D = sin γ (26)

σt = 4P/π d2pδ. (27)

Le diamètre résiduel de l’empreinte dp, ledemi-angle de contact entre l’indenteur et lematériau γ, et le paramètre δ, fonction de

la taille de la zone plastifiée sont estimés àl’aide de relations empiriques.

Remarque : l’expression (26) fait que ladéformation équivalente maximale est infé-rieure à 0,2. Aussi Ahn et Kwon [92]. Pro-posent de la remplacer par :

ε =α√

1 −(

acR

)2

(ac

R

)= α tanγ. (28)

La constante α = 0,14 est déterminée parsimulations en éléments finis indépendam-ment du matériau utilisé [93].

Le rayon de contact réel, ac =√

2Rhc − h2c,

est fonction de la profondeur de pénétrationhc. Il prend en considération la formationéventuelle d’un bourrelet autour de l’em-preinte (ce dernier est mesuré par profilo-métrie après indentation, le retour élastiquede l’empreinte dans le plan étant considérécomme négligeable [94]) et permet de corri-ger des imperfections de sphéricité de l’in-denteur [95]. Parmi les causes d’erreur re-vues en particulier par Menèik et Swain [96],il faut aussi noter celles associées à l’étatde surface (rugosité) et à l’expérimenta-tion (complaisance du système, dérive ther-mique . . .).

À chaque cycle d’indentation corres-pondent une contrainte et une déformationéquivalente, donc un point de la courbe detraction qui peut ainsi être tracée dans lebut de calculer la limite d’élasticité et lecoefficient d’écrouissage. De nombreux ar-ticles publiés par Haggag et ses co-auteursmettent en évidence le fait que les résultatsobtenus par cette méthode pour les aciersferritiques ou austénitiques, les aciers irra-diés, les soudures . . . sont en très bon ac-cord avec les essais conventionnels de trac-tion monoaxiale ou de fluage. Les écarts sontinférieurs à 10 % pour la limite d’élasticitéet à 6 % pour la résistance maximale. Cesarticles sont accessibles sur le site d’Advan-ced Technology Corporation : http://www.atc-ssm.com/library.html

Pour un indenteur sphérique, Haggaget al. [97] développent ensuite uneapplication pour caractériser la résistanceà la rupture par l’intermédiaire du para-mètre « Indentation Energy to Fracture »(IEF), analogue à la « ténacité de Palmqvist »

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Sk (Eq. (3)) :

wIEF =

∫ hf

0Pm (h) dh (29)

avec

Pm = 4P/πd2p; et d = 2

√(Dh − h2) (30)

Pm est la pression moyenne de contact en du-reté bille, et hf la profondeur d’indentation àlaquelle la contrainte provoque le clivage.

Constatant que la courbe force-déplacement est linéaire, P = Sh, cetteéquation devient :

wIEF =Sπ

ln( D

D − hf

)· (31)

La méthodologie développée par Haggagest décrite dans [97] :

– La ténacité est interprétée comme la ca-pacité du matériau à se déformer sousl’action d’un champ de contraintes.

– À proximité, et en avant du point decontact entre l’indenteur et le matériautesté, une bille de petit diamètre gé-nère des concentrations de contraintes(et de déformations) similaires au champde contraintes en tête de fissure. (Bienque les contraintes soient de compres-sion, on considère qu’elles sont équivalentesaux contraintes de traction pour un essaistatique).

– Pour les aciers ferritiques, et dans les do-maines de rupture fragile ou de transi-tion, la contrainte de clivage est sensible-ment indépendante de la température.

– L’énergie de déformation en essai billeest reliée à l’énergie de rupture mesuréepar l’essai Charpy. La contrainte limitepour l’essai ABI est proportionnelle à lacontrainte critique de rupture en tractionou en mécanique de la rupture.

Byun et al. [98] précisent ensuite :

– Pour un matériau ductile, on doit sup-poser une fissure imaginaire induite parla contrainte afin de déterminer le pointcritique de déformation qui correspondà la rupture.

Ces derniers auteurs reconsidèrent l’équa-tion (29) en introduisant les coefficients Aet m de la relation de Meyer ainsi que la

pression maximum de contact à la chargecritique. Celle-ci est fonction de la pressionmoyenne atteinte pour la contrainte critiqueσf : Pmax = μP f

m. Le coefficient μ est voi-sin de 1,1 selon une simulation aux élémentsfinis. L’équation (29) devient :

wIEF =2A2D2

πS

(πσf

4A

) 2m−2m−2 · (32)

L’énergie totale de rupture est la sommed’un terme athermique w0, qui est le mi-nimum d’énergie de rupture à basse tem-pérature, et d’un terme wT fonction de latempérature :

wf = w0 + wT. (33)

Le dernier terme fait intervenir uniquementla déformation élasto-plastique et corres-pond donc à wIEF d’où l’expression de laténacité [99] :

Kc =√

2E (w0+wIEF). (34)

Cette méthode permet de tracer Kc en fonc-tion de la température pour des essais ABIeffectués entre l’ambiante et –200 ◦C.

Pour Lee et al. [100, 101] cette méthoden’est valable que pour les matériaux dont laténacité est inférieure à 10 MPa

√m. Ils pro-

posent donc en 2006 une nouvelle méthodo-logie basée sur l’essai bille et la mécaniquecontinue de l’endommagement. Comme latriaxialité des contraintes créée par l’inden-teur est du même ordre de grandeur quecelle qui existe en fond de fissure lors d’unessai conventionnel de mécanique de la rup-ture (comprise entre 2 et 3), ils en déduisentque l’énergie d’indentation par unité de sur-face, à une certaine profondeur de pénétra-tion, peut être reliée à l’énergie nécessairepour initier une fissure. Il convient alors dedéfinir un critère d’initiation de fissure parindentation.

Par analogie aux équations (3) et (27),l’énergie 2 wf nécessaire à la formation dedeux nouvelles surfaces est calculée à partirde la courbe force déplacement :

2wf = limh→h

∫ h

0

4π d2

f

P dh. (35)

La profondeur critique d’initiation de la rup-ture, h, est associée à un endommagement

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critique qui n’est pas une fissure visible. Leeet al. [100, 101] introduisent alors la variabled’endommagement D, suivant laquelle ledommage peut être décrit comme une ré-duction progressive de la surface qui résisteà la contrainte dans un volume élémentairereprésentatif δV :

D =δS0

δS(36)

où δS0 est la surface qui correspond aux dé-fauts (des microcavités ou des microfissures)dans le plan δS. Si D = 0 aucun dommage nese produit, si D = 1 le volume δV est séparéen deux parties de part et d’autre de la sur-face δS. Le dommage critique D < 1 caracté-rise l’initiation d’une fissure macroscopique.

La notion de mécanique de l’endomma-gement continu date des premiers travauxde Murzewski [102] et Kachanov [103] avecl’introduction d’une variable continue pourreprésenter la dégradation progressive dumatériau avant la rupture catastrophique.Cet endommagement progressif produit uneperte de résistance en termes de déforma-tion et de durée de vie résiduelle. Ces tra-vaux ont été popularisés en particulier parChaboche [104] et Lemaitre [105] et revus ré-cemment par Ambroziak et Kłosowski [106].

Lemaitre [95] décrit différentes évalua-tions de l’endommagement :

– Mesure directe des défauts par ob-servation micrographique mentionnéeprécédemment.

– Variation de la densité : dans le casd’un comportement purement ductile,les défauts ont la forme de cavités sphé-riques dont le volume augmente avecl’endommagement :

D =

(1 − ρρ

)2/3

· (37)

– Évolution du cycle d’hystérésis en fa-tigue oligocyclique :

D =

(1 − ε

∗p

εp

)1/N

· (38)

– Variation de la dureté Vickers :

D =(1 − H

H∗)· (39)

– Variation du module d’Young :

D =(1 − E

E

)· (40)

Pour cette dernière évaluation du dom-mage, Lemaitre et Dufailly [108] pro-posent d’effectuer des essais de tractionrépétés avec des charges croissantes. Lemodule d’Young décroît quand la défor-mation augmente. Il est mesuré dans lapartie du retour élastique en éliminant20 % des points pour les parties supé-rieures et inférieures de la courbe.

Pour les matériaux métalliques ductiles,la rupture est précédée d’une déformationplastique importante, et l’endommagementdu matériau est consécutif à la générationet au développement de micro défauts quidiminuent la densité. Ceux-ci sont généréssoit à partir de la surface (rugosité, striesd’usinage . . .) soit dans le volume (inclu-sions). La déformation plastique augmenteégalement les contraintes résiduelles et letaux de dislocations qui deviennent alorsmoins mobiles. Il s’ensuit une diminution dumodule d’Young. Yang et al. [109] étudientl’influence de ces différents facteurs, et ob-servent en nanodureté la diminution du mo-dule d’Young près d’un joint de grain. Plu-sieurs auteurs avaient déjà mentionné le faitque le module d’élasticité calculé par inden-tation diminue lorsque la charge appliquéeaugmente [110] ou que ce module dépendaitdu taux de porosité du matériau [111].

Pour Morris et al. [57] cet effet étaitdû à la formation des fissures alorsque pour Mukhopadhyay et Paufler [112]il s’expliquait en partie par la naturedifférente de la proche surface. Tasanet al. [113, 114] montrent que l’essai d’inden-tation (Berkovich) peut être un meilleur esti-mateur du dommage que l’observation mi-crographique des défauts.

La méthode originale proposée par Leeet al. [100, 101] pour déterminer la ténacitéde différents aciers est schématisée sur laFigure 7 et comporte les essais suivants :

– Des essais de dureté bille instrumen-tée sont effectués avec des profondeursd’indentation croissantes, par paliers de10 μm, jusqu’à 150 μm. Pour chacunedes courbes le module d’élasticité est

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Fig. 7. Méthode de Lee et al. [101] pour lecalcul de la ténacité : a- détermination de lafraction volumique de cavités correspondantà l’initiation de la fissure. b- Cette valeur estfixée à 0,25, ce qui correspond à un dommagede 0,48. c- En représentation bilogarithmique,le module d’Young mesuré par indentation va-rie linéairement en fonction de la profondeurindentée. Cette courbe est extrapolée pour lesplus grandes profondeurs de pénétration et lemodule d’Young critique (E = 0,48E) permetde trouver la profondeur critique d’indentationcorrespondante. d- La profondeur critique est laborne supérieure de l’intégrale permettant decalculer l’énergie de rupture puis la ténacité.Fig. 7. a- Determination of the critical void volumefraction f . b- Calculation of the critical damage, D,from the void volume fraction. c- Determination ofthe critical penetration depth, h, from the linear rela-tion between damage Young modulus and indentationpenetration depth. d- Toughness calculation.

calculé sur la partie du retour élastiqueselon la méthode d’Oliver et Pharr [115],et sa variation est tracée en fonction de laprofondeur de pénétration.

– Le matériau est découpé suivant un planpassant par l’axe de l’indenteur, et lesdéfauts dans ce plan sont examinés enmicroscopie électronique à balayage. Enfonction de la profondeur d’indentationon observe des cavités qui se formentpuis coalescent pour former des micro-fissures de quelques μm.

– Si on considère que les cavités de rayon rsont uniformément réparties suivant unlibre parcours moyen l, leur densité est4πr3/3l3, et le dommage D :

D =π(

43π

)2/3 f 2/3; ou f =43π

(π)3/2 D3/2 (41)

– La profondeur d’indentation critique del’équation (35), est évaluée à partir dudommage critique D calculé par rap-port à la fraction volumique critique dedéfauts [116–118]. La coalescence descavités intervient quand leur fraction vo-lumique atteint une première valeur cri-tique, et la rupture se produit pour unedeuxième valeur. Le taux de 0,25 a été cal-culé numériquement par Anderson [119]pour l’initiation des fissures dans les ma-tériaux ductiles, et le dommage critiquecorrespondant est D = 0,48.

– Pour vérifier cette fraction critique de dé-fauts volumiques, des essais de tractionrépétés sont effectués simultanément surles mêmes matériaux. Les éprouvettessont soumises à charges croissantes et lemodule d’élasticité est tracé en fonctionde la déformation plastique. Cette varia-tion du module d’Young est convertieen dommage puis en fraction volumiquede cavités équivalente (voir [100] pour ladescription des différentes étapes) et elledonne une valeur f comprise entre 0,25et 0,27 selon les matériaux.

– En indentation, le module d’Young dé-croît fortement en fonction de la pro-fondeur d’indentation : de 200 000 MPaà environ 120 000 pour une profondeurde pénétration de 150 μm. Sa valeur cri-tique est calculée en multipliant le mo-dule maximum (celui du matériau consi-déré comme n’étant pas endommagé)par 0,48. Cette dernière étant plus faibleque la plus petite valeur expérimentale,elle est estimée par extrapolation de lacourbe E en fonction de h, qui est linéaireen représentation bilogarithmique, pourdonner la profondeur d’indentation cor-respondante.

– Une fois cette valeur h connue, wf est cal-culé avec l’équation (35) puis la ténacitéavec l’équation (34) dans laquelle w0 = 0et wf = wIEF.

– Des essais de mécanique de la ruptureclassiques (CTOD) sont effectués. Les ré-sultats obtenus par les deux méthodesvarient en fonction du matériau entre 250et 400 MPa

√m et sont en très bon accord

(moins de 10 % d’écart).

Ce travail est relativement méconnu puisqueseulement 30 articles (base Scopus) citent

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ces auteurs en août 2012, soit 6 ans aprèssa parution originale. Parmi les utilisateurs,Ghosh et Das reprennent la valeur de0,48 pour le dommage critique afin de dé-terminer la ténacité d’aciers HSLA-80 etHSLA-100 [120] en fonction de divers tauxd’écrouissage préalables. Cette méthode estégalement utilisée pour des échantillons depetite taille, telles les zones soudées pourlesquelles les essais classiques ne peuvents’appliquer [121].

Les travaux ultérieurs concernent prin-cipalement la recherche d’un nouveau cri-tère d’endommagement. À partir des tra-vaux de Bonora et al. [122,123], He et al. [124]montrent théoriquement que celui-ci dé-pend de la déformation à rupture en trac-tion, εf :

D(E)= −4,4

πεf

ln(

2πE

) . (42)

Ce paramètre est validé pour l’acier SS 302et l’alliage d’aluminium AA 5052, puis uti-lisé pour calculer la profondeur d’indenta-tion critique à partir du module d’Youngobtenu par indentation Berkovich avec descharges comprises entre 0,1 et 2 N. La téna-cité est calculée ensuite pour ces mêmes ma-tériaux [125], ainsi que pour l’alliage d’alu-minium AA 7050 [126] à l’aide des équa-tions (34) et (35).

De nombreuses applications de la mé-canique continue du dommage associée àla variation de module d’Young pendantl’essai d’indentation sont possibles : calculde la ténacité de revêtements ductiles [127],étude de l’influence des traitements ther-miques [128] ou de la déformation plas-tique [126], emboutissage et courbes limitesde formage [129] . . .

4 Conclusion

Depuis les années 1970, les essais d’inden-tation ont permis d’estimer la ténacité dematériaux fragiles à partir de la longueurdes fissures formées. Au début des années1980 [130, 131], grâce à la mise au point dedispositifs de nanoindentation, on a pu ap-pliquer des forces de l’ordre du μN et ainsiobtenir des déplacements de quelques nmtout en enregistrant la courbe correspon-dante, ce qui, à la fin des années 1990 a abouti

à de nouvelles méthodes dites énergétiquesbasées sur les accidents provoqués par les di-vers endommagements sur la courbe charge-déplacement. Ces méthodes nécessitent éga-lement la mesure de longueur des fissureset sont donc adaptées aux seuls matériauxfragiles. C’est plus récemment (2006) que laténacité a pu être estimée pour les matériauxductiles en relation avec la mécanique conti-nue du dommage en utilisant la diminutiondu module d’Young comme indicateur d’en-dommagement.

Par rapport aux essais conventionnels demécanique de la rupture, l’indentation pré-sente un certain nombre d’avantages maisaussi des inconvénients :

– Cette méthode non destructive n’uti-lise qu’une faible quantité de matière.Rapide, pouvant être effectuée à diffé-rentes températures et à différentes vi-tesses de déformation, elle se prête bienà des évaluations statistiques. Mais lesmesures sont locales et les dispersionspeuvent être très importantes en fonctionde l’hétérogénéité du matériau. Des mé-thodes probabilistes doivent y être asso-ciées pour le calcul des structures.

– Comparé à un essai CTOD, l’essai pa-rait simple. Ce manque de complexitédissimule en fait un grand nombre defacteurs susceptibles de venir perturberla mesure, en particulier dans le cas defaibles charges appliquées : influence dela rugosité, de l’état de surface (pré-sence de couche de contamination oud’oxydes, surface écrouie par le polis-sage, contraintes résiduelles), formationd’un bourrelet sur les bords de l’em-preinte (variation de la dureté avec lacharge appliquée), influence des condi-tions expérimentales (calibration, imper-fections de l’indenteur, complaisance dela machine, dérive thermique . . .).

– Certaines formules présentées sont em-piriques ou estimées par corrélationentre essais d’indentation et essais clas-siques. Les facteurs de proportionnalitéqui en sont déduits dépendent donc desmatériaux pour lesquels les corrélationsont été effectuées.

– Les méthodes énergétiques, baséessur les singularités observées sur lacourbe de charge-déplacement, font

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actuellement l’objet de controverses surla manière de calculer l’énergie deformation de fissure. L’influence descontraintes résiduelles à l’interface entrele dépôt et le substrat est également malmaitrisée.

– Bien qu’il reste à définir de façon plus ri-goureuse le dommage critique, l’associa-tion de la mécanique continue du dom-mage et la nano (ou micro) indentationsemble un outil prometteur pour déter-miner la ténacité de matériaux ductileset l’évolution de ces propriétés avec lesprocédés de fabrication.

Quel que soit le matériau, massif ou revêtu,fragile ou ductile, il existe des méthodes ba-sées sur l’essai d’indentation qui permettentd’estimer Kc avec une incertitude générale-ment de l’ordre de ±30 %. En dépit de sesdéfauts actuels, et les critiques justifiées re-latives au sens physique et la dispersion desrésultats [40, 132, 133], cet essai s’avère ir-remplaçable dans le cas où il n’existe pasd’autre solution alternative [134]. Il est ac-tuellement le seul qui permet d’estimer laténacité de précipités de petites dimensionsou de zones de soudure, et il s’avère d’un ap-port indispensable dans le souci d’améliorerla fiabilité des matériaux. L’essai de duretéinstrumenté, non destructif et portable, peutêtre utilisé pour calculer la durée de vie ré-siduelle de structures telles que les canali-sations, les réservoirs sous pression ou lescuves de centrales de réacteurs nucléaires.Nul doute qu’il est appelé à se développerdans les années qui viennent, combiné parexemple à des essais de traction ou de SmallPunch Test.

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