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Droit International Privé Mr Train INTRODUCTION GENERALE Le monde est divisé en Etats souverains et chacun a son propre système juridique qui est lui-même un produit de l’histoire, de la culture du pays. Le DIP nait du fait que les hommes nouent des rapports par delà les frontières, c’est donc la science qui règlent ce problème de dépassement de la frontière. 1 er ex philosophique : En France, le contrat de mère porteuse est interdit par l’article 16-7 du code civil. Cette disposition est d’ordre public interne (on ne peut pas y déroger par contrat) mais ce n’est pas le cas dans tous les pays, par ex en Californie la pratique est licite et encadrée médicalement, sociologiquement et juridiquement : la CA de l’Etat de Californie consacre le processus. 1 er hypothèse : un couple californien a recours à cette pratique, puis ils viennent s’installer en France, est ce qu’on va reconnaitre leurs liens de filiation ? 2 ème hypothèse : un couple français ne peut pas avoir d’enfant par les voies naturelles, ils décident d’aller en Californie pour trouver une mère porteuse, ils l’obtiennent, leur enfant nait et ils retournent en France avec l’enfant et réclamer la reconnaissance de ce lien de filiation. La situation est ici différente de la 1 ère . La situation est aussi différente s’il s’agit de deux pays à l’intérieur de l’UE, il y a une confiance mutuelle donc une influence sur ce genre de question et plus généralement l’UE a de l’influence en DIP. 2 ème ex technique : Un français domicilié en France achète une BMW à un suisse domicilié en Suisse. Le 1

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INTRODUCTION GENERALE

Le monde est divisé en Etats souverains et chacun a son propre système juridique qui est lui-même un produit de l’histoire, de la culture du pays. Le DIP nait du fait que les hommes nouent des rapports par delà les frontières, c’est donc la science qui règlent ce problème de dépassement de la frontière.

1er ex philosophique : En France, le contrat de mère porteuse est interdit par l’article 16-7 du code civil. Cette disposition est d’ordre public interne (on ne peut pas y déroger par contrat) mais ce n’est pas le cas dans tous les pays, par ex en Californie la pratique est licite et encadrée médicalement, sociologiquement et juridiquement : la CA de l’Etat de Californie consacre le processus.1er hypothèse : un couple californien a recours à cette pratique, puis ils viennent s’installer en France, est ce qu’on va reconnaitre leurs liens de filiation ?2ème hypothèse : un couple français ne peut pas avoir d’enfant par les voies naturelles, ils décident d’aller en Californie pour trouver une mère porteuse, ils l’obtiennent, leur enfant nait et ils retournent en France avec l’enfant et réclamer la reconnaissance de ce lien de filiation. La situation est ici différente de la 1ère.La situation est aussi différente s’il s’agit de deux pays à l’intérieur de l’UE, il y a une confiance mutuelle donc une influence sur ce genre de question et plus généralement l’UE a de l’influence en DIP.

2ème ex technique : Un français domicilié en France achète une BMW à un suisse domicilié en Suisse. Le contrat est conclu et exécuté en Allemagne. Il se trouve que le véhicule est affecté d’un vice caché.Le demandeur en justice, le français, devant quel juge doit il agir soit en résolution de la vente soit en diminution du prix ? Français, Suisse ou Allemand ? Quel est le juge internationalement compétent ? La question est en réalité : Le juge français est il compétent pour connaitre de ce litige ? L’Allemand et le Suisse se poseront la même question. C’est ici la question de la compétence des tribunaux français dans les litiges internationaux.Le juge français est à supposer compétent, quelle est la loi qu’il va appliquer pour résoudre ce litige ? Droit interne français (1641 et suivants du code civil), suisse ou allemand, mélange des 3 ou encore un droit franco suisse ou franco allemand de la vente de marchandise, ou bien un droit mondial spécialement conçu pour les ventes de meuble ? Cette question est la question du conflit de lois, c’est le cœur du DIP.

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Supposons que le juge suisse est compétent puis qu’il ait condamné le vendeur suisse à des DI au profit de l’acheteur français. La question est de savoir si l’acheteur peut faire saisir le compte en banque de son vendeur dans une banque française ou est ce qu’il doit aller saisir les biens en Suisse où a été rendu le jugement ? Cette question est celle des effets en France des décisions de justice étrangère autrement dit la question de la reconnaissance et de l’exécution des jugements étrangers, c’est ce qu’on appelle l’exequatur.

Ce sont ces trois questions qui sont la théorie générale des conflits de loi et des conflits de juridiction, nous allons les étudier ce semestre.Le conflit de loi est la vocation concurrente de lois de pays différents à régir une même situation donc on parle du règlement d’un conflit de loi et cela consiste à identifier ou déterminer la loi ou les règles de droit plus généralement qui seront applicables à cette situation.Le conflit de juridiction c’est aussi la vocation concurrente de tribunaux de plusieurs pays à connaitre du litige. Le premier volet étant la compétence internationale du juge français en présence d’un litige international. Ex : article 2 du règlement Bruxelles 1 : le juge de l’Etat du domicile du défendeur est compétent. Cette règle est admise dans le monde entier. Le deuxième volet est les effets que produit en France un jugement étranger, ce jugement étranger peut avoir été rendu à propos d’un litige international mais il peut aussi avoir été rendu à propos d’un litige interne mais étranger.

Dans la tradition française, le DIP comporte d’autres matières. Le DIP en France comprend aussi le droit de la nationalité et le droit des étrangers.

La nationalité est l’appartenance juridique et politique d’une personne à la population constitutive d’un Etat. En France, le droit de la nationalité relève du droit public, on étudie qui est français, les conditions pour l’être, comment on l’acquiert, comment on la perd, les apatrides et les doubles nationaux. En DIP 1 on utilise beaucoup la nationalité, cela peut être l’élément d’extranéité (qui fait que la situation est internationale) et c’est aussi le facteur de rattachement du statut personnel (état, capacité, filiation, mariage, etc.).

Le droit des étrangers comprend les conditions de l’entrée sur le territoire français, du séjour et l’exercice par les étrangers des droits civils sur le territoire français. La matière est en partie absorbée par les droits et libertés fondamentaux.

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BIBLIOGRAPHIE

Bernard AUDIT, DIP, Economica 5ème édition 2008

Mrs BATIFFOL et LAGARDE, DIP, Tome 1, LGDJ, 1987

Dominique BUREAU et Oracia MUIR WATT, DIP, Tome 1, Puff collection Temis 2007

Yvon LOUSSAUARN, Pierre BOUREL et Pascal DE VAREILLES-SOMMIERES, DIP, Précis Dalloz, 9ème édition, 2007

Pierre MAYER, Vincent HEUZE, DIP, Montchrestien, Précis Domat, 8ème édition, 2004

M-NIDOYET et Jérôme DE JOUFFRE DE LA PRADEL, DIP, LGDJ, collection manuel, 2ème édition 2009

Thierry VIGNAL, DIP, Armand Collin, Collection U, 2005

Sandrine CLAVEL, hypercours, Dalloz 2009

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INTRODUCTION SUITE

I: L’OBJET DU DIP

Les trois questions évoquées sont spécifiques au DIP, elles ne se poseraient pas si notre acheteur et notre vendeur étaient tous les 2 français, domiciliés en France et qu’ils concluaient et exécutaient leurs contrats en France, ce serait une hypothèse interne et se serait le droit interne qui s’appliquerait. Donc le DIP suppose un élément d’extranéité, que dans les situations un élément rattache cette situation à un autre ordre juridique. On peut se demander s’il est possible d’imaginer un droit universel c’est à die rigoureusement le même dans tous les pays du monde. A ce moment là il n’y a plus de conflits de lois. A ce propos, influence de la construction de l’Europe sur le DIP. L’UE ne détruit pas les Etats, ils restent souverains à l’intérieur d’un ensemble régional. La France est souveraine intégré à une organisation et un ordre juridique supranational. Les Etats de l’UE ont renoncé à une partie de leur souveraineté, leurs droits sont encadrés par l’UE.

Donc dans une relation franco allemande, le droit communautaire s’impliquera de toute façon ? Est ce lui qui règlera le conflit ? En tout cas cet ordre juridique supra national va jouer un rôle. Dans certains domaines, les droits des Etats sont harmonisés, il y a un rapprochement des droits nationaux à travers l’UE. Dès lors que les droits allemands et français sont harmonisés, l’enjeu du conflit de loi est moins important que si les droits en conflit sont français et sud africain. La construction de l’Europe dans les domaines de compétence de la communauté réduit les enjeux du conflit de lois. Ceci étant dit, le conflit de lois subsiste et le fait que la relation soit intra communautaire ne modifie pas les questions posées, elles sont les mêmes mais parfois le droit communautaire donne des réponses différentes que pour les relations extra communautaires donc il se développe un DIP communautaire.

On peut donner une définition du DIP malgré tout. Le DIP est l’ensemble des règles spéciales applicables aux personnes privées impliquées dans les relations internationales.

1 : L’ensemble des règles spéciales

Ce que l’on entend par règles spéciales c’est que la règle de DIP ne prend pas forcément en charge le règlement intégral de la question posée et même au

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contraire, en principe la règle qui va donner la solution du litige est le droit interne d’un pays. La règle pure du DIP le plus souvent se limite à dire lequel des droits internes nationaux en présence va s’appliquer. Dans ce cours on va donc très rarement donner des solutions aux problèmes concrets mais au conflit de lois.

2 : L’ensemble des règles spéciales applicables aux personnes privées

Ici, on distingue le DIP du DI Public. Le DI Public règlement les relations entre les Etats ou les OI/Etats ou personnes publiques et non pas entre les personnes privées physiques ou morales.Historiquement en droit international privé, certains auteurs considéraient que le DIP n’était qu’une branche du droit international public. C’est ce qu’on appelait la doctrine universaliste. Cela voudrait dire que le droit international privé ferait partie des éléments communs à tous les Etats. Mais cette doctrine du XIXème n’a pas triomphé au contraire. La CIJ dans un arrêt du 12 juillet 1929, emprunts serbes et brésiliens, a déclaré que : « les règles du conflit de lois peuvent être communes à plusieurs Etats et même être établies par des conventions internationales ou des coutumes internationales et dans ce cas, avoir le caractère d’un vrai droit international régissant les rapports entre les Etats(…) ».Mais à part cela, il y a lieu de considérer que les dites règles de conflits font partie du droit interne. Cette thèse s’oppose à la thèse universaliste et on l’appelle la thèse particulariste qui signifie que chaque Etat a son propre DIP, ce qui le distingue fondamentalement du droit international public.Enfin, il peut y avoir parfois d’autres types de confusion : une personne privée peut se prévaloir de la CEDH par ex alors qu’à la base c’est une convention qui oblige les Etats entre eux. C’est un instrument de DI Public directement applicable aux personnes de droit privé.Donc, malgré ces points de contact et les progrès du droit de l’investissement, etc. il faut retenir l’idée que chaque Etat a son propre DIP, le DIP est un droit national. Parfois il existe des conventions internationales entre Etat qui ont pour objet d’unifier le DIP entre ces Etats là, d’unifier les règles de conflits de lois notamment. Ex : La convention de Rome du 19/06/1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qui va être remplacé par le règlement Rome 1 en décembre prochain, c’est une convention entre Etat européen, son objet est de fixer des règles de conflit de loi en matière contractuelle donc tous les Etats signataires ont les mêmes règles de conflit de lois en matière contractuelle mais ces Etats conservent chacun leur propre droit des contrats.

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De plus en plus de règles de conflits de lois sont élaborés au niveau communautaire.

3 : Les personnes privées impliquées dans les relations juridiques internationales

Permet de qualifier la situation d’internationale, c’est essentiel car c’est un préalable avant de déclencher les règles du DIP.La situation internationale est une situation qui comporte un élément d’extranéité, autrement dit il faut qu’elle soit en contact avec plusieurs ordres juridiques, c'est-à-dire le plus souvent plusieurs pays.Ex : En France, l’Alsace Moselle au cours des guerres est passée en France puis en Allemagne, etc. mais entre 1871 et 1919, c’était allemand et donc une grosse partie de son droit est issus du droit allemand. 90 ans après sa réintégration en France, il reste encore quelques spécificités. Mais ce n’est pas une situation internationale car les règles émanent d’un même souverain : la France.

Qu’est ce qu’un élément d’extranéité ?Ex : la nationalité étrangère d’une personne impliquée dans une relation juridique, son domicile à l’étranger, mariage célébré à l’étranger, contrat conclu ou exécuté à l’étranger, bien sur lequel porte le contrat soit localisé à l’étranger, fait dommageable a lieu à l’étranger.Ces éléments sont des critères juridiques d’extranéité mais il peut y avoir aussi un critère éco que l’on utilise essentiellement en matière contractuelle, c’est l’idée d’un flux et d’un reflux par delà les frontières (doctrine Matter fin des 20’s). Aujourd’hui, un litige est international lorsqu’il ne se dénoue pas économiquement dans un seul pays. Ex classique : si la sous traitance est conclue entre 2 français, que la prestation est accomplie en France, c’est un contrat juridiquement interne mais si l’entrepreneur doit intégrer cette prestation dans celle qu’il doit accomplir en Tunisie cela donne une dimension internationale au contrat qui rejaillit sur le sous contrat national : le sous contrat est internationalisé pour des raisons éco. Le critère éco est donc plus souple que le juridique.

Situations pour classification des différentes internationalités :- Contrat conclu en Allemagne entre un Suisse vendeur et un Français

acheteur. Juridiquement, il y a des éléments d’extranéité, économiquement aussi car flux de la voiture et du prix.

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- Un français épouse une italienne, pour l’Officier d’Etat civil français, l’élément d’extranéité c’est la nationalité de la femme, mais pour l’officier italien c’est la nationalité du mari : l’élément d’extranéité est la même pour les deux c’est la nationalité des époux.

- Deux italiens mariés en Italie domiciliés en France, s’ils divorcent en Italie l’élément d’extranéité pour le juge italien c’est le domicile des époux, pour le juge français s’ils divorcent en France l’élément d’extranéité est double c’est la nationalité des époux et le mariage en Italie. Ici, les éléments d’extranéités ne sont pas les mêmes suivant le juge saisi.

- Même situation sauf qu’ils sont domiciliés en Italie. S’ils divorcent en Italie c’est une situation interne italienne car aucun élément d’extranéité pour le juge italien mais si l’un des deux demande la reconnaissance en France du jugement de divorce on se retrouve devant une situation internationale devant le juge français étrangère pour le juge français.

- Deux français concluent, signent leur contrat et l’exécutent en France mais ils utilisent pour cela du papier chinois, de l’encre chinoise, des stylos et un conseiller juridique chinois. Ce contrat ne comporte pas des éléments d’extranéité juridique pertinents, ce contrat est interne.

a : Les extranéités objectives et subjectives

Est subjectivement internationale la relation qui présente un élément d’extranéité aux yeux de l’autorité saisie (Ex n° 3 précédent). On appelle For le pays du juge saisi donc la loi du For (lex fori) est la loi du pays du juge saisi. L’élément d’extranéité n’est pas le même selon le point de vue auquel on se situe et on peut même dans cette situation faire rentrer les exemples 3 et 4 alors qu’objectivement le n°4 est interne.Objectivement, la situation n’est internationale que si elle comporte intrinsèquement des éléments d’extranéité quelque soit le point de vue qu’on adopte : exemples 1, 2 et 3. Toute relation objectivement internationale l’est aussi subjectivement, le contraire est faux. L’exemple 5 est interne.

b : Relativité de l’extranéité

Une situation peut être internationale dans l’absolue mais le litige qui en résulte ne met pas forcément en cause les règles de DIP.Ex : 2 français domicilié en France concluent en France un contrat relatif à un véhicule de marque allemande. A priori ce contrat est interne. Admettons que le litige soit relatif à la validité du contrat, on appliquera le droit français. Par

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contre, admettons que le litige soit relatif à un vice caché du véhicule, le fabriquant est tenu responsable des vices cachés donc ici une question de DIP va se poser de compétence internationale du juge français et de la garantie du fabriquant allemand.En fonction de l’objet concret du litige une situation peut ou non poser une question de DIP alors que la situation est identique. Donc, quand on s’interroge sur l’internationalité d’une situation, les éléments d’extranéité suffisent dans la plupart des cas à qualifier la situation d’internationale mais à la marge il y a des situations où on doit détailler. Donc l’extranéité doit être appréciée de manière concrète selon la question posée au juge.

II : PROBLEMES DE METHODE DU DIP : LA REGLE DE CONFLIT DE LOIS

Il y a d’autres méthodes pour régler les situations internationales, pour gérer la diversité des systèmes juridiques et c’est ici l’objectif du DIP. Comment faire ?

- La solution la plus simple serait de supprimer le conflit de lois lui-même en élaborant un droit mondial. Dans certains domaines il n’y a lus ou peu de conflit de lois car la construction de l’UE tend à unifier les droits.

- Solidarité des compétences juridictionnelle et législative : dès lors que le juge français est saisi il applique son propre droit. Ici on supprime le conflit de lois mais pas le conflit de juridictions. Ceci existe en droit pénal international : dès lors que la compétence de la loi pénale française est admise, les juridictions françaises sont compétentes pour l’appliquer et réciproquement dans les cas où la compétence du juge pénal français est reconnue il est nécessaire que la loi française s’applique. Il n’y aurait donc qu’une règle de conflit de lois : la loi applicable est la loi du for. Mais, cette solution a un majeur inconvénient : soumettre une situation juridique à autant de lois différentes qu’il y a de juges compétents dans le monde. Cette solution aurait pour effet de généraliser les situations boiteuses. La discontinuité des systèmes juridique impliquerait la discontinuité des situations individuelles si on appliquait toujours la loi du for et donc pour préserver la continuité des situations juridiques individuelles donc la prévisibilité pour les individus on élabore des règles qui permettent de remédier à la discontinuité des ordres juridiques. Le DIP postule la dissociation des compétences juridictionnelle et législative : le juge français peut donc appliquer des droits étrangers et c’est pour ça que le DIP existe et ceci pour préserver la continuité des situations individuelles.

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- Méthode du DIP : reconnaitre l’existence d’un conflit de lois en présence d’une situation qui comporte un élément d’extranéité. Il y a deux grandes méthodes : directes et indirectes :

o Méthode indirecte : on élabore une règle qui ne tranche pas le litige au fond, c’est la caractéristique du conflit de lois, elle désigne la loi nationale qui donnera la solution au fond. Comment désigner la loi nationale ? La règle de conflit de lois va désigner la loi d’un Etat au moyen d’un critère de rattachement (appelé aussi un élément de rattachement ou facteur de rattachement) qui permet de localiser la situation c’est à dire il la rattache à un ordre juridique. Lequel ? Celui qui est le mieux à même de résoudre le problème, celui dans lequel la situation juridique a son siège, celui avec lequel la situation a les liens les plus étroits. Le conflit de loi a parfois été appelé science du rattachement, principalement géo en fonction de la nature de la question posée. C’est la finalité ultime du DIP : trouver la meilleure loi (rattachement objectif) pour la question posée. Ce critère de rattachement est choisi une fois pour toute : chaque domaine a sa règle de conflit.

Ex : le droit des personnes, état civil, capacité, extra patrimonial de la famille est appelé le statut personnel en DIP et celui-ci est soumis soit à la loi nationale soit la loi de la résidence habituelle.Le droit des biens est rattaché à la loi de situation des biens.Le contrat en DIP se traduit par : les parties choisissent la loi applicable : loi d’autonomie.

La responsabilité délictuelle : loi du lieu du délit, du fait dommageable.En fonction des différentes matières on leur fixe un rattachement qui leur convient.

o Méthode directe : consiste à élaborer une règle qui donne directement la solution à la question posée et qui est destiné spécifiquement aux relations internationales. Cette règles est appelée règle matérielle de DIP car elle donne direct la solution et spécifique à la situation internationale. Cette règle est différente dans son contenu de la règle interne qui a le même objet : si une règle matérielle de DIP existe en matière de vente internationale de marchandise n’est pas la même que la règle interne française.Il y a aussi les lois de police, ou lois d’application immédiate, qui sont des lois internes qui sont tellement importantes aux yeux du législateur national qu’elles s’appliquent impérativement même

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aux situations internationales sans se demander quelle est la loi désignée par la règle de conflit. Elle se distingue de la loi matérielle de DIP car c’est d’abord une loi interne qui s’étend à l’international.

Quand on parle des règles de DIP on vise toutes les règles.Puisque la matière concerne la matière internationale, les sources devraient être internationales. Le DIP est international par son objet et ses sources : c’est la thèse universaliste.Les particularistes ont une thèse inverse car selon cette thèse chaque Etat a ses propres règles de conflits de loi et de juridiction. Ces Etats édictent les règles en fonction de la conception de juridiction. Ici, aucune cohérence entre les sources et l’objet.Enjeu de ces deux thèses : dans la thèse universaliste tous les Etats auraient les mêmes règles de conflits de loi donc quelque soit la juridiction que l’on saisit puisque la règle de conflits de loi est la même. La loi nationale applicable au fonds du litige sera toujours la même donc gros avantage : harmonie internationale des solutions.

Mais ce n’est pas le cas dans toutes les matières donc selon le juge que l’on saisi, la solution du conflit de loi n’est pas la même car les deux pays n’ont pas la même règle de conflits.Ex : en droit français, la capacité juridique d’un individu est régie par la loi de sa nationalité. En DIP anglais, la capacité est régie par la loi du domicile de l’individu et non pas de sa nationalité. Cas pratique : un français est domicilié en Allemagne, un problème de capacité se pose. Si c’est devant le juge français, c’est la loi française qui s’applique mais si le juge anglais est saisi il appliquera la loi allemande.Ceci est la conséquence principale du fait que les Etats n’ont pas les mêmes règles de conflits : ceci donne lieu au « forum shopping » : le marché au juge compétent : si être incapable arrange le français, il va vérifier quelle loi le rend incapable entre le droit français et allemand et il va saisir le juge compétent qui l’arrange. Ce forum shopping n’est pas frauduleux mais peut le devenir si l’individu saisi un juge compétent uniquement dans le but de contourner une loi à laquelle il devrait être soumis. Ce forum shopping est du donc à ce 1er

facteur (règle de conflits différentes des Etats) et à un 2ème : chaque Etat fixe unilatéralement les règles de compétences de ses propres tribunaux. En conséquence de cela, pour tous les litiges de droit privé il y a plusieurs juges compétents. Ces deux facteurs cumulés rendent possibles le forum shopping ce qui rend très aléatoire le règlement des litiges internationaux.

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A la base, le DIP est particulariste mais ce n’est pas tout noir, le DIP a connu une phase d’internationalisation des sources et de communautarisation des sources aujourd’hui croissantes.

A : Les sources internes nationales

Depuis 20 ans, en droit privé français il y a des sources directes (loi, coutume) et indirectes (JP, doctrine). En DIP c’est la même chose car la règle de DIP que ce soit la règle de conflit de loi ou de juridiction sont des règles de droit et donc sont soumises à la hiérarchie des normes et à la répartition des sources entre les différents organes de l’Etat. Historiquement, la loi est une source assez faible en DIP, c’est surtout la JP qui a fait un plus gros travail de création des règles de conflit et un travail de systématisation fait par la doctrine. La doctrine a une grande importance car les auteurs ont systématisé les sources de JP. Il y a au contraire le droit de la nationalité et des étrangers où la matière est totalement législative et règlementaire. La coutume est dans les sources internationales.

1 : La loi

a : Conflits de loi

En 1804, dans le code civil il n’y a guère que l’article 3 qui contient des dispos de DIP. Le texte n’a pas bougé depuis mais en revanche ce qu’on lui fait dire aujourd’hui n’a plus rien à voir avec sa lettre.

Les tentatives en France de codification, en DIP aucune codification globale et donc la loi est intervenue ponctuellement pour édicter quelques règles de conflits à l’occasion de diverses lois notamment en droit de la famille.

- Ex : Loi 3/01/1972 relative à la filiation a posé des règles de conflits aux articles 311-14 à 311-18 (311-16 abrogée depuis) : la filiation est soumise à la loi de la nationalité de la mère.

- Ex 2 : Loi 11/07/1975 relative au divorce qui institue un article 310 qui est une règle de conflit de loi relative au divorce (devenu article 309).

- Ex 3 : Loi 28/10/1997 sur les régimes matrimoniaux qui a introduit des règles de conflits : articles 397-2 et suivants du code civil.

- Ex 4 : Loi 6/01/2001 sur l’adoption internationale qui ajoute les articles 370-3 à 5.

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- Ex 5 : Loi 12/05/2009, l’article 1 institue un nouvel article 515-7-11 : les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré (PACS) ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispos matérielles de l’Etat de l’autorité qui a procédé à son enregistrement sont soumis aux dispos matérielles de l’Etat. Selon le droit français, tout PACS conclu en France est soumis au droit français.

- Ex 6 : Loi 17/06/2008 qui réforme le droit de la prescription : introduit un nouvel article 2221 qui dispose que la prescription est régie par la loi applicable au droit substantiel qu’elle affecte.

- Ex 7 : dans le code de la consommation, règle de conflits relative aux clauses abusives : L132-1 à L135-1.

b : Conflits de juridiction

Dans le code civil, 2 articles 14 et 15 sont relatifs à des règles de compétence internationale du juge français. L’article 14 donne au demandeur français la possibilité de saisir le juge français quelque soit la localisation réelle du litige et selon l’article 15 tout demandeur peut saisir le juge français si le défendeur est français.En revanche, la question n’est évoquée qu’à l’article 92 du CPC et cela fait seulement référence à la compétence internationale du juge français. Il y a quand même depuis 1981 les articles 1992 jusqu’à 1507 qui règlementent l’arbitrage international. C’est la JP qui a tout fait ici.

2 : La JP

Puisque le législateur est intervenu peu et tard et de façon ponctuelle, c’est la JP qui a fait le travail. Depuis 1804, la CCass dégage des règles de conflit à partir de l’article 3 du code civil et aussi à partir de travaux doctrinaux, de droit comparé et de la simple logique juridique. C’est dans les 2/3 du 20ème siècle que la CCass a rendu les grands arrêts de la JP de DIP qui font encore aujourd’hui l’essentiel du DIP français. Il faut aussi ajouter les JP de la CJCE.

La doctrine a eu un rôle de proposition mais surtout un rôle de systématisation et d’organisation de la matière. Les manuels de DIP sont une pure construction doctrinale donc les auteurs ont été obligés de construire la matière à partir d’arrêts. Aujourd’hui, la doctrine joue encore un rôle essentiel en DIP. Il y a tous les ans à La Haye des cours donné par des profs de DIP : c’est une doctrine

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de droit international. Ici, il y a la revue critique de DIP et le Journal du droit international et la revue de l’arbitrage.

B : Les sources internationales

1 : Les traités ou conventions internationales (sources formelles)

a : Les traités en général

Le traité international est un accord conclu entre Etat et régie par le droit international qui crée des effets de droit entre les parties contractantes. Les parties sont des Etats ou des personnes publiques sujettes du droit international public. Il existe un traité des traités : Convention de Viennes sur le droit des traités du 23/05/1969 qui fixe les conditions de formation et les effets notamment l’interprétation des traités. Le traité oblige les Etats entre eux et donc en cas de violation du traité, l’Etat engage sa responsabilité internationale.

Les personnes privées ne sont pas exclues, en droit français le traité a un effet direct ce qui veut dire que les personnes privées peuvent s’en prévaloir devant le juge national sauf exceptions. Ex : Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20/11/1989, dans un arrêt du 10/03/1993, la CCass a refusé son application devant un juge judiciaire justement au motif que ce traité ne créait d’obligations qu’à la charge des Etats. La CCass a rectifié dans un arrêt du 14/06/2005 pour l’article 3-1 de la Convention de New York qu’elle considère d’application directe : devant le juge judiciaire on peut invoquer directement l’article 3-1 de la Convention de NY. Ce cas de la convention de NY des droits de l’enfant apparaissait exceptionnel.

a.1 : Classification

Les traités bilatéraux et qui comportent des règles de DIP et qui lient la France sont relativement nombreux en particulier dans le conflit de juridiction et plus spécialement en matière de reconnaissance et d’exécution des jugements. Beaucoup des traités d’entraides judiciaires ont été conclus entre la France et les anciennes colonies. Il y a certains de ces traités bilatéraux qui contiennent des règles de conflits de lois, plus particulièrement la Convention Franco Marocaine du 10/08/1981 qui fixe des règles de conflits de lois et des règles de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière de personne et de famille.

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Les traités multilatéraux permettent d’unifier les règles de DIP sur une base plus large (sauf le traité de Rome sur l’UE). Ces traités sont généralement négociés, élaboré et signé dans le cadre d’organisation internationale permanente. La plus importante est la conférence de La Haye de DIP. En France, une vingtaine de Convention de La Haye sont en pratique. Ex : 13/01/2000 sur la protection internationale des incapables majeurs. Ex2 : 11/06/2005 sur les clauses d’élection de for (clause attributive de juridiction ou clause prorogative de compétences = clause par laquelle les parties désignent le juge compétent). Ex 3 : 23/11/2007 protocole sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Ces trois conventions émanent de la conférence de La Haye. Depuis le 3/04/2007, l’UE est membre de la Conférence de la Haye et peut donc négocier des conventions donc si l’UE ratifie, tous les Etats membres sont liés. Autres institutions permanentes de plus en plus importantes : Commission Internationale de l’Etat Civil (CIEC) qui négocie des conventions relativement à l’état civil et la dernière en date est de 2007 sur la reconnaissance des partenariats enregistrés. Autres institutions : la Commission des Nations Unis pour le droit du commerce international qui a une vocation universelle, elle a été créée en 1956 et travaille à des instruments en DI et ces instruments n’ont pas tous vocation à devenir des conventions mais des lois types offerts aux législateurs nationaux dans certains domaines. La CVIM (Convention de Viennes du 11/04/1981 sur la vente internationale de marchandises entre pro) c’est du droit matériel de la vente internationale, cela comporte des règles matérielles, la convention contient donc un régime complet sur la vente internationale des marchandises entre pro. Enfin, dernière institution permanente : le Conseil de l’Europe avec la CEDH de 1950.En conclusion, des pans entiers du DIP relèvent des sources internationales mais il n’y a pas de système complet.

a.2 : Objectifs

D’une manière générale, la convention internationale permet l’unification du droit entre les pays signataires dans les limites de son champ d’application matériel. Mais, en matière de conflit de lois et de juridictions, cette unification des droits des parties signataires est spécifique.

En matière de conflit de lois, le traité international peut unifier deux types de règles distinctes. D’abord, c’est l’unification des règles matérielles ou substantielles des droits des pays signataires.

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Ex : convention de vienne sur la vente internationale de marchandise de 1980, ici, les pays signataires ont élaboré en commun un droit matériel de la vente internationale de marchandise et dans beaucoup de contentieux internationaux c’est donc le même droit international qui s’applique.Cela permet donc une grande sécurité juridique mais ce qui est plus intéressant c’est le deuxième type de règle qui peuvent être unifiés : les conflits de lois. Le traité peut avoir pour objet d’unifier leur règle de conflit de lois dans tel ou tel domaine. Ex : Convention de Rome de 1980 entre les pays membres de l’UE. Les droits ne sont pas ici unifiés mais les pays signataires ont les mêmes règles de conflits en matière de contrat et donc en présence d’un contrat international litigieux, que l’on saisisse le juge français ou espagnol ils auront la même règle de conflit de lois. Grace à cela on limite le forum shopping car il n’y a plus d’intérêt à aller saisir le juge espagnol plutôt que le juge françaisOn a des conventions à finalité soit matérielle soit conflictuelle en général.

En matière de conflit de juridictions, l’avantage essentiel du traité est double. En ce qui concerne la compétence internationale, le traité permet d’identifier ou de sélectionner un juge compétent parmi les pays signataires. En ce qui concerne l’exécution et la reconnaissance de décisions rendues à l’étranger, les conditions sont unifiées et cela favorise une égalité de traitement entre les 2 justices. 2ème avantage, en général les conditions sont assouplies : les Etats signataires en alignant les conditions de reconnaissance de jugement des autres pays signataires assouplissent leur condition donc les jugements circulent plus facilement. Dans l’UE, les conditions de circulation des jugements sont très souples.

Il existe des conventions internationales qui portent sur tous les sujets du DIP. Ex : Convention de la Haye de 2000 sur la protection des majeurs incapables. Toute la matière des majeurs incapables relève de la convention.

a.3 : Valeurs

Par rapport à la loi interne : Le droit français est moniste (un traité ratifié par la France s’applique directement en France sans qu’il soit besoin de le transposer dans une loi nationale). Le traité est supérieur à la loi interne qu’elle soit antérieure ou postérieure (CCass Jacques Vabres 1975 et Nicolo CE 1989). Il découle de cette supériorité une conséquence d’ordre procédural : le juge a le pouvoir d’exercer sur la loi interne un contrôle de conventionalité c'est-à-dire de la conformité de la loi française à la convention internationale liant la France. Au terme de ce contrôle, le juge français écartera la loi interne si elle

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est contraire au traité. Autre conséquence : dans l’ordre interne, la constitution prime sur le traité sauf pour le droit communautaire qui bénéficie d’un traitement de faveur. Enfin, le CE a décidé que si une loi ou une pratique contraire à un traité unissant la France à d’autre pays et que cette contrariété crée un préjudice alors le CE indemnise les personnes privées du dommage qu’elles ont subit du fait de la contrariété de la loi avec le traité.

Interprétation : Qui interprète le traité ? Pendant longtemps différence entre la CCass et le CE. La CCass autorisait le juge judiciaire à interpréter le traité dès lors que cela était nécessaire pour résoudre le litige soumis au juge. Au contraire, le CE lui-même refusait d’interpréter les conventions internationales. Pour le CE, c’était l’autorité qui avait conclu le traité qui avait le pouvoir de l’interpréter et en l’occurrence le gouvernement français. Le CE, dans l’arrêt GISTI du 29/06/1990 (grands arrêts n°80) a opéré un revirement de JP en disant que le juge administratif avait le pouvoir d’interpréter le traité et le CE a ajouté que le juge administratif n’était pas obligé d’interroger le gouvernement au préalable pour avis. La CCass l’a confirmé de façon explicite le 29/12/1995 BANQUE AFRICAINE DU DVLPMT (grand arrêt n°81) : le juge judiciaire a pouvoir d’interpréter le traité sans avoir à solliciter l’avis du gouvernement. Sur les méthodes d’interprétation, le juge doit utiliser les méthodes propres à l’interprétation des traités, ces règles sont fixées par le traité des traités (convention de vienne de 1969). Dans l’hypothèse où le traité a été interprété par le gouvernement, est ce qu’elle lie le juge ? Non si elle est unilatérale. En revanche, il arrive parfois que les parties signataires interprètent tous ensemble une dispo du traité ambiguë et cette interprétation est publiée au JO et à ce moment là cette interprétation fait corps avec le traité et s’y intègre. Enfin, certains traités sont interprétés par une autorité qui en a le pouvoir, c’est la CEDH qui interprète la CESDH et c’est la CJCE qui interprète les traités et instruments dérivés communautaires.

b : droit communautaire

b.1 : Intervention traditionnelle du droit de l’UE en DIP

Traditionnellement, le droit communautaire intervenait de 2 façons dans les sources du DIP. Le 1er mode partait du constat que l’UE est un espace privilégié pour négocier des instruments internationaux entre les Etats membres en matière de DIP. Ces instruments internationaux étaient ce qu’on appelait des conventions de l’UE (conclues entre pays membre selon une procédure prévue au traité). 3 conventions de l’UE élaborée :

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- Convention de Bruxelles du 27/11/1968 sur la compétence internationale et sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers. Cette convention est efficace et a inspiré d’autres conventions, elle est devenue un modèle.

- Convention de Bruxelles II du 28/05/1998 qui a le même objet que la précédente mais dans un domaine particulier de la désunion et la responsabilité parentale. Celle-ci aussi a été transformée en règlement de l’UE.

- Convention de Rome de 1980

L’UE, à l’occasion de directives sectorielles, posait des règles et parmi ces règles il pouvait y avoir une règle de conflits de loi. La plus connue est la directive des clauses abusives du 5/04/1993 et il y figurait une règle de DIP qui est aujourd’hui dans l’article L135-1 du code de la consommation. Il y a eu moins 9 directives postérieures à 1988 qui comportent une ou deux règles de conflits ponctuelles comme par exemple la directive « détachement des travailleurs dans l’UE » 1996/71 du 16/12/1996. Autre ex : directive 97/7 du 20/05/1997 sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Autre exemple : directive 2008/48 du 23/04/2008 sur le crédit à la consommation.

b.2 : Traité d’Amsterdam

EV en 1999 qui a apporté des modifications substantielles au traité des communautés. Entre autre, ce traité tendait à renforcer la coopération judiciaire en matière civile et commerciale. Cet objectif a été réitéré à la réunion de Tempere d’octobre 1999. Sur le plan institutionnel, ce traité a opéré un changement important : la coopération judiciaire en matière civile est passée du 3ème pilier (c'est-à-dire le pilier inter gouvernemental) au 1er pilier des compétences communautaires. Conséquence : compétence directe des institutions à savoir la commission, le conseil et le parlement européen. A la réunion de Tempere on a créé une expression qui est la mise en place progressive d’un espace de liberté, sécurité, justice (ELSJ). Ceci dit, pour que le parlement et le conseil puisse édicter des règles de DIP, il faut qu’ils respectent le traité donc deux conditions pour que l’instrument envisagé relève de la compétence du 1er pilier :

- Il faut que les règles édictées aient une incidence transfrontière- L’unification des règles de DIP des pays membres doit être justifiée par le

bon fonctionnement du marché intérieur.La commission européenne admet que la liberté de circulation des personnes suppose nécessairement l’unification des règles de DIP. Elle l’affirme sans

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l’expliquer « pour que les citoyens de l’union bénéficient de garanties juridiques équivalentes dans les différents états membre ». Les états ratifient cette compétence par leur silence.Il ya des raisons pragmatiques : la luttes contre le forum shopping (plus les lois sont unifié moins il ya de forum shopping), de plus, on considère qu’unifier les règles de DIP c’est adopter une position de compromis entre ne rien faire du tout et unifier les droit internes (ce qui est très difficile et long). Cette méthode permet de coordonner les règles.A partir de cette compétence nouvelle, le parlement et le conseil ont édicté 2 instruments :

- Le reformatage d’instruments existants : la convention de Bruxelles de 1968 a été transformée en règlement 44/2001 qu’on appelle convention Bruxelles 1. La convention Bruxelles 1 a été reformaté en règlement 1347/2000 dit Bruxelles 2 puis règlement 2201/2003 du 27/11/2003 appelée Bruxelles 2 bis. La convention de Rome de 1980 a été transformée en règlement CE 593/2008 du 17/06/2008 et on l’appelle règlement Rome 1.

- Des instruments dans de nouveaux domaines : Règlement 1346/2000 du 29/05/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, ce règlement traite à la fois du conflit de juridictions et de lois. Règlement 1896/2006 du 12/12/2006 qui institue une procédure européenne d’injonction de payer. Règlement 864/2007 du 11/07/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, c’est Rome II. Règlement 1393/2007 du 13/11/2007 relatif à la signification et notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extra judiciaires. Règlement 4/2009 du 18/12/1008 relatif à la compétence, la loi applicable et la reconnaissance des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires étant entendu que ce règlement est associé avec le protocole de La Haye du 23/11/2007.

b.3 : Autres influences indirectes du droit de l’UE sur le règlement du conflit de lois

- Peut être qu’à terme il n’y aura plus de conflit de lois en Europe si toutes les règles sont unifiées. En matière contractuelle, un code commun a échoué, il est devenu cadre commun de référence pour élaborer un jour un cadre européen des contrats.

- Est-ce que le traité de l’UE se substitue aux règles du DIP ? C’est la question du principe d’origine en DIP plus connu sous le nom du plombier polonais : idée que le plombier polonais pourrait venir travailler

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en France sous le régime polonais du travail ce qui permettrait aux entreprises polonaises de sous payer ses salariés et cela coulerait nos entreprises françaises. La question se pose car en Europe on a les grandes libertés de circulation et dans leur domaine matériel les Etats membres ne peuvent pas par leur loi ou pratique poser des entraves à ces grandes libertés sauf exception justifiée pour des raisons d’intérêt général. Certains communautaristes ont estimé que derrière ces grandes libertés il y avait une règle de conflits cachée qui aurait désigné la loi du pays d’origine. Mais ce n’est pas vrai. La règle de conflit caché voudrait dire que la loi applicable à une activité est la loi du pays d’origine.

- Il y a toujours des règles de conflits dans le domaine des grandes libertés qui doivent respecter le traité. L’article 12 du traité qui prohibe toutes discriminations à raison de la nationalité, si une règle de conflit produit une conséquence discriminatoire elle sera jugée illégale selon le traité.Ex : Arrêt CJCE 1996 : en droit allemand il existait une règle de conflit : les personnes employées dans les ambassades à l’étranger étaient soumis au droit allemand à condition qu’ils aient la nationalité allemande. Les autres étaient soumis au droit local. Mme BOUKALFA était belge et était embauché en Algérie. La CJCE a dit que cette règle de conflit spécial allemand était contraire au principe de non discrimination à raison de la nationalité.

- La loi désignée par le règle de conflit : cette loi interne applicable doit elle aussi respecter les grandes libertés et donc si un Etat a édicté des règles qui constituent des entraves non justifiées et que la règle de conflit désigne la loi de cet Etat alors il y a un problème qui sera résolu de la façon suivante : on n’appliquera pas les règles de la loi applicable qui sont contraires aux libertés. On appelle ça le test de compatibilité avec les grandes libertés. En DIP communautaire à chaque fois qu’on règle un conflit de loi on doit vérifier que la loi applicable n’est pas contraire aux grandes libertés.

c : CEDH

La CESDH du 4/11/1950 s’applique systématiquement devant les juridictions des Etats membres du Conseil de l’Europe. La CEDH s’impose aux juges des pays membres. Elle consacre des droits fondamentaux qui se revendiquent universels et donc on doit se demander s’ils sont soumis au conflit de lois. Ce n’est pas le cas ils n’échappent pas au conflit de lois mais en revanche, un peu comme le test de compatibilité, la loi désignée par la règle de conflit ne doit pas provoquer un résultat contraire à un droit de l’Homme consacré par la

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Convention. Ici, on est dans une technique plus traditionnelle du DIP qui est l’exception d’ordre public international On peut aussi faire un rapprochement avec le droit communautaire : si une règle de conflit d’un pays membre du conseil de l’Europe provoque des discriminations, on pourrait considérer que cette règle de conflit est contraire à la CEDH.

2 : Les sources internationales informelles

a : JP des juridictions internationales permanentes

En DIP, on a l’habitude de citer deux arrêts de la CIJ qui remplace la Cour Permanente de Justice Internationale. Le rôle de cette cour en DIP est très faible.

Arrêt 12/07/1929 : affaire des emprunts serbes et brésiliens : Le DIP est principalement de source nationale ou interne et subsidiairement de source internationale.

Arrêt BOLL du 28/11/1958 : La CIJ reconnait aux Etats la faculté de faire prévaloir leurs lois internes absolument impératives même lorsqu’en vertu de la règle de conflits une loi étrangère est applicable.

b : Droit spontané

Concerne le droit du commerce international c'est-à-dire les contrats internationaux en matière commerciale. La lex mercatoria (la loi des marchands) est composée d’usages du commerce international et à côté de ces usages, les PGD (du droit des obligations contractuelles, dans une conception plus large, la lex mercatoria inclut également les conventions internationales de droit matériel). Le droit spontané né de la pratique, des usages ou de la réflexion. Les conventions internationales ne sont pas du droit spontané.

Les PGD sont dégagés à partir d’une analyse de droit comparé, on recherche le tronc commun des droits des contrats dans le monde. On n’exige pas une unanimité mais au moins une grande majorité. On utilise parfois une autre méthode qu’on appelle le darwinisme juridique. Appliquée au droit elle consiste à opérer les règles les mieux adaptées au besoin du commerce international, ici on n’a pas besoin de vérifier que la règle est partagée.Ex : la règle de la mitigation of damages (l’obligation de minimiser son dommage) n’est pas admise par le droit français, pourtant elle est admise au

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titre de la lex mercatoria et appliquée par les arbitres internationaux même si le droit français est applicable.Ce darwinisme international permet de dépasser la règle nationale. Au titre des règles contractuelles universellement admise au contraire (force obligatoire du contrat, devoir de bonne foi, réparation intégrale du préjudice prévisible). Ici, les arbitres du commerce international, la doctrine, les juridictions internationales ont un rôle à jouer car c’est eux qui dégagent les PGD.

Les usages doivent avoir une certaine pérennité, qu’ils soient répétés dans le temps le plus largement possible et peuvent accéder au rang de coutume. Ces usages en DI font l’objet de codification privée, un de ces organismes est la chambre de commerce internationale (CCI). La Cci a codifié par ex les incoterms, ce sont des règles internationales dégagées par la pratique des termes commerciaux notamment dans les ventes et transports maritimes. La CCI a aussi codifié ce qu’elle a appelé les règles et usances uniformes relatives au crédit documentaire ou encore aux garanties contractuelles. Ce sont des usages, leur codification privée facilite leur connaissance par les commerçants, leur utilisation fréquente et à force qu’elles soient utilisées elles sont érigées en coutume : c’est une règle de droit qui s’applique automatiquement comme si elle était écrite comme complément du droit applicable et le plus souvent à titre supplétif. Ceci étant, on se demande toujours à partir de quel moment un usage devient une coutume ? Un critère beaucoup utilisé c’est lorsque l’usage est reçu par une juridiction étatique ou arbitrale en tant que norme supplétive de volonté. A côté de cela il y a d’autres sources privées dans le commerce international mais il faut les distinguer des usages.

Ce sont les règles modélisées. Certaines sont élaborées par la pratique, c’est le cas des contrats types, par ex : la fédération internationale des ingénieurs conseil (FIDIC) propose une multitude de contrats types en matière de construction immo et génie civil. La CCI propose aussi des modèles de contrats notamment de contrats d’agence commerciale. Ici, ils ne sont obligatoires que si les parties les utilisent.Autre catégorie de règles modélisées par la doctrine par ex les principes uni droits applicables aux contrats commerciaux internationaux. Ces principes unis droit datent de 1994 et révisés en 2004, ils n’ont en principe aucune force obligatoire par eux-mêmes mais dans l’arbitrage international il est largement admis que les parties peuvent s’y référer. Pas de force obligatoire sans la volonté des parties.

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PARTIE 1 : LES CONFLITS DE LOIS

Surgit quand plusieurs pays sont concernés. Il faut que chacun des ordres juridiques aient vocation à régler la question posée. Dissociation entre compétences judiciaires et législatives contrairement au droit pénal international et sauf exceptions. Deux grandes méthodes sont possibles pour régler un tel conflit de lois : directe et indirecte mais cette présentation est sommaire. En réalité, il y a des solutions intermédiaires (des règles de DIP qui empruntent à la méthode directe en injectant de l’indirect, ou au contraire).

CHAPITRE PRELIMINAIRE : Formation historique du DIP

§1 : Antiquité (Grèce et Rome antiques)

Le DIP se résumait à une question de nationalité. Tout le problème est celui de la condition des étrangers. L’étranger n’est pas sujet de droit donc il n’existe pas de rapports juridiques protégés par la loi et garantis par le juge entre un citoyen et un étranger. Et donc les seuls rapports juridiques qui existent sont entre les citoyens. Ceci dit il existait quand même deux moyens de faire du commerce juridique international :

- le patronage (sponsoring aujourd’hui) : consiste à placer l’étranger sous la surveillance, la protection d’un citoyen local et à ce moment là via ce citoyen local l’étranger peut faire du commerce juridique protégé par la loi locale.

- Conclure des traités entre cité (accord inter-ci, aujourd’hui international) : traité isopolitie : ils assurent aux citoyens des deux cités la jouissance des mêmes droits aux citoyens dans l’autre cité et réciproquement.

Il est inconcevable qu’un tribunal applique une autre loi que la sienne qui est seule juridique. Pour chaque ordre juridique il n’y a qu’une seule loi : la sienne. Donc pas de conflit de lois : c’est la personnalité des lois. Les deux compétences juridictionnelles et législatives sont indissociables.

Dans la Rome antique, c’est le même point de départ et donc il y avait de nombreux pays conquis qui avaient leurs propres droits et coutumes. L’empire romain ne voulait pas leur imposer la loi romaine mais on ne pouvait pas leur dénier tout droit. Donc juste milieu : Il s’agit de conflits de lois internes à l’empire romain. Dans ce contexte, c’est la compétence juridictionnelle qui est

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la plus importante et la résolution du conflit de lois en dépend. Dans les provinces, les juridictions locales ne sont compétentes que pour les litiges entre pérégrin (habitants des régions conquises) et ils appliquent le droit local. Les litiges mixtes dans les provinces entre un romain et un pérégrin sont soumis à la juridiction des gouverneurs et ici on peut affirmer que le droit local n’est pas ignoré par le gouverneur.A Rome même, le prêteur pérégrin est compétent sur les litiges entre pérégrins et mixtes. Entre pérégrins d’une même cité il applique leur droit local (droit étranger). Entre pérégrins de coté différente et dans les litiges mixtes (pérégrin/romain) le prêteur ne faisait pas de conflits de lois, il cherchait des règles universelles, fondées sur la raison, la logique. Petit à petit de cette JP se dégage le jus gentium (droit des gens).

§2 : Moyen Age : l’école italienne et française : la théorie des statuts (ou l’école statutaire)

Cette école statutaire nait en Italie au 11ème siècle et sera continué par les français. Le contexte de l’Italie du nord : souveraineté allemande : c’est le droit romain qui s’applique en Allemagne donc aussi à l’Italie du Nord. Mais chaque cité italienne avait sa propre loi notamment en matière commerciale et ces lois s’appelaient des « statuts » et c’est à cause du commerce intense entre cité que le problème de conflits de loi est apparu et que les auteurs italiens ont du imaginer des règles pour régler ces problèmes. Ils ont trouvé dans le droit romain les prémices d’un système de conflits de lois et se sont servis d’une méthode habituelle à l’époque et aujourd’hui : l’opposition, le plus souvent binaire. Jusqu’au 14ème, l’école italienne travaille, et deux auteurs BARTOLE et BALDE font une synthèse :

- La 1ère opposition est faite entre le fond et la procédure. Selon eux, la procédure est régie par la loi du for et le fond par la loi locale.

- La 2ème opposition est les statuts perso qui disposent relativement aux personnes ou qu’elles soient/ et les statuts réels qui disposent relativement aux choses situées sur le territoire.

- BARTOLE et BALDE ont imaginé la distinction contrat/délit. Le contrat est régit par la loi du lieu où il est conclu tandis que le délit est régit par la loi du lieu où il survient.

Ce sont des règles de conflits et la théorie de BARTOLE et BALDE n’est pas constitutive d’un système complet des règlements d’un conflit de lois.

BARTOLE reconnait qu’un tribunal peut appliquer un statut étranger mais sauf si ce statut étranger est odieux (qui ne peut pas sortir de ses frontières), c’est

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ce qu’on appelle l’exception d’ordre public international aujourd’hui qui permet au juge d’écarter la loi étrangère désignées par la règle de conflit si elle est contraire aux valeurs fondamentales de l’ordre juridique français. BARTOLE, au titre des statuts odieux donnait comme ex l’incapacité des femmes d’être héritières.

§3 : 16ème/18ème : école française et hollandaise

A : Ecole française : DUMOULIN et D’ARGENTRE

DUMOULIN dessine une 3ème catégorie : le statut (loi) dont l’application dépend du choix des parties. DUMOULIN était un juriste consulte et des époux l’avaient consulté pour savoir quelle était la loi applicable au régime matrimonial. Pour DUMOULIN, le régime matrimonial comme le contrat tiennent leur autorité non pas de la souveraineté du législateur mais de la volonté des parties et la conséquence de cette source du contrat c’est que les parties peuvent choisir le statut qui leur convient le mieux. DUMOULIN ajoute que le choix peut être express ou tacite.

D’ARGENTRE a eu un autre apport sur la méthode. Il a voulu systématiser le règlement du conflit de lois. Pour lui, le DIP est un instrument politique. Il reprend la distinction statut perso/statut réel mais en fait la suma divisio c'est-à-dire une division globale qui couvre toutes les questions de droit privé. Les statuts ou coutumes réelles sont territoriales mais aucune autre loi ne peut s’appliquer à ces lois. De l’autre côté, les statuts ou coutumes perso sont extra territoriales, elles peuvent s’appliquer en dehors du pays dont elles émanent. Ce système est sensé couvrir toutes les questions. En réalité, derrière cette théorie il ne faut pas négliger l’objectif politique : il prône l’application la plus fréquente possible du statut réel. En cas de doute il faut qualifier réel et pas perso. Donc on se retrouve avec deux questions perso : l’état et la nationalité.

B : Ecole hollandaise : la COMITAS

Parfois traduit par « courtoisie internationale ». Les hollandais du 17ème et 18ème

reprennent la théorie des statuts mais lui ajoutent la théorie de la courtoisie internationale ou de la convenance réciproque des nations. Dans cette théorie, l’application d’une loi étrangère ne peut pas être imposée au souverain mais celui-ci peut y consentir par courtoisie ou convenance envers l’autre souverain à charge de réciprocité. Ils reprennent ici l’idée de BARTOLE.

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§4 : Le 19ème : MANCINI et SAVIGNY

A : MANCINI

Il réagit contre le territorialisme et la courtoisie.

Contre le territorialisme : même si on prend les statutaires les plus précis, jusqu’à MANCINI, tous les rattachements sont territoriaux. Même en matière de personne le rattachement est territorial. MANCINI change tout ça. En outre, chez certains statutaires cela est un gout pour les nationalistes. MANCINI est au contraire internationaliste : tous les Etats doivent être égaux en souveraineté et tous leurs intérêts également. MANCINI s’oppose aussi à la théorie de la COMITAS, cette égalité entre les Etats le conduit à considérer que l’application d’une loi étrangère par un souverain est une obligation et non une convenance qui résulte du DI public. A partir de cette critique, MANCINI développe le personnalisme : consiste à donner la primauté à la nationalité. Pour MANCINI c’est le fondement du droit des gens, de la coutume internationale. Chaque nation est définie par une communauté de caractère : climat, culture et histoire fondent une nation. MANCINI déduit que le droit privé est perso et national et comme tel il dit accompagner la personne même en dehors de sa patrie. Il ajoute que chacun peut réclamer de toute souveraineté étrangère en sa qualité d’homme et au nom du principe de nationalité la reconnaissance et le respect de son droit privé national. Ce qui compte chez lui c’est que dans de nombreux pays de tradition romano germanique le statut perso est régit par la loi de la nationalité et non pas par la loi du domicile.

B : SAVIGNY

Contemporain de MANCINI. C’est lui qui a créé le système sur lequel repose entièrement le système qui est en vigueur aujourd’hui en France et de tous les pays de tradition romano germanique. Dans son traité de droit romain de 1859 : Jusqu’à lui et y compris MANCINI le DIP s’analyse en un conflit de souveraineté : des souverains qui se bagarrent leur citoyens et la soumission d’une personne à la loi, au juge d’une autorité publique est une manifestation du pouvoir de ce souverain. Tout le monde était jusqu’ici souverainiste. Pour lui le conflit de lois n’est pas un conflit entre souveraineté. Puisqu’il s’agit de rapport privé international on doit le situer au niveau des intérêts privés et non plus des Etats. Les intérêts qui doivent être pris en compte sont les intérêts des

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parties et non des Etats qui ont édictés les lois. Changement important de perspective mais qui se manifestent dans une approche de méthode nouvelle. SAVIGNY a une faiblesse : il raisonne pour les pays de tradition romaniste et chrétienne et voit dans ceux-ci une communauté juridique. A partir de ce constat, il considère qu’une situation internationale ancrée dans cette communauté juridique doit être confiée à un ordre juridique national dans une idée de répartition des questions litigieuses entre les ordres juridiques. L’application d’une loi interne ne constitue pas une satisfaction donnée à l’Etat, c’est le moyen d’appliquer à ce rapport juridique la loi la plus convenable, la mieux adaptée en fonction de la nature de ce rapport juridique : « il faut assigner à chaque catégorie de rapport de droit un siège déterminé d’après sa nature ». Donc idée de localisation du rapport de droit.Le système de Savigny consiste à répartir les questions litigieuses entre les ordres juridiques.Il réalise une synthèse du droit et établie un ordre (personne, litige, droit de la famille).A partir de Savigny, dès lors que le DI tend à résoudre des questions qui se posent dans le cadre de relation internationale entre personne privée, Savigny a placé le droit international au niveau des intérêts privés et cela a amené un changement de perspective.

§5 : Le XXème

Chaque droit national se développe indépendamment des autres et dans le même temps le commerce et le commerce juridique se développe. Aujourd’hui on parle de mondialisation mais ressurgissent des conflits de civilisation dans notre 21ème siècle. Savigny, privatiste, était aussi universaliste : il se situait au niveau de la communauté de droit des Etats partageant la chrétienté et le droit romain. Mais chaque ordre juridique national se développe dans son coin. En outre, la réalité des choses montre que la réalité de Savigny est réductrice. Donc réaction particulariste au niveau du DIP. EN France, on a BARTIN, et KAHN en Allemagne. BARTIN, dans ses études, prône le particularisme comme théorie : « les règles de conflit sont des règles nationales comme chaque pays au même titre que les institutions de droit interne dont elles circonscrivent le domaine dans l’espace car les règles de conflit de lois ne sont pas autre chose que la projection des institutions internes sur le droit international ».

Postérieurement, dans la 2ème moitié du siècle, avec BATIFFOL le particularisme est maintenu mais il l’assouplit. Cette thèse est maintenue en ce qui concerne

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la qualification aujourd’hui en DIP, pour le reste on est passé à une perspective de coordination des systèmes. Le particularisme radical favorise le forum shopping donc on trouve un juste milieu. Aujourd’hui nous sommes en plein héritage de BATIFFOL et dans notre début de 21ème, le DIP est particularisme et se mettant à la coordination des systèmes.1er phénomène : retour en force des intérêts des Etats, les Etats reviennent sur la scène du DIP. On voit depuis quelques années une multiplication des lois de police, internationalement impératives, qui véhiculent des intérêts de l’Etat et l’Etat impose leur application relative dans les situations internationales et notamment contractuelles alors que le contrat est en principe la chose des parties. L’UE cherche aussi à imposer un droit européen impératif, lequel vient contrarier, modérer le règlement classique du conflit de lois dans les relations privées.2ème phénomène : recherche de flexibilité de la méthode conflictuelle et donc techniquement cela se traduit par un affinement des méthodes de rattachement dans le cadre de la règle de conflit de lois, par une montée en puissance du principe de proximité dans le règlement du conflit de lois, et aussi par l’apparition de nombreuses clauses d’exception dans les règles de conflit de lois.3ème phénomène : influence croissance des droits et libertés fondamentaux qui viennent contrarier le règlement traditionnel du conflit de lois.

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TITRE 1 : Le pluralisme des méthodes

CHAPITRE 1 : La règle de conflit

La règle de conflit de lois a pour fonction de rattacher le rapport de droit à un ordre juridique, de le localiser. Son objet est d’identifier l’ordre juridique national avec lequel la situation a objectivement les liens les plus significatifs et ce rattachement à tel ou tel ordre juridique est fait en fonction de la nature du rapport de droit considéré. Dans cette optique, la règle de conflit de lois est d’abord bilatérale (section 1), il existe toutefois des règles de conflits dites unilatérales (section 2). Ensuite, il existe désormais des règles de conflit qui sont à cheval entre la méthode directe et la méthode indirecte, on les appelle les règles de conflit à caractère substantielle ou coloration substantielle ou coloration matérielle (section 3). Enfin, on verra les tendances actuelles de la règle de conflit (section 4).

Section 1 : La règle de conflit bilatérale

Elle peut être considérée comme la règle de conflit de droit commun, principale, la plus répandue en droit français. C’est la règle qu’on appelle aussi « savinienne » ou « bartino-savinienne ». Si on parle de règle de conflits on parle de règle de conflit de lois bilatérales. Cette règle de conflit relie les situations internationales à un ordre juridique en fonction de leur nature. On peut dire que la règle de conflit bilatérale dit quels droits s’appliquent à telles situations.

§1 : Structure de la règle de conflit bilatérale

La règle de conflit bilatérale est une règle de droit. Vue de loin, la structure e la règle de conflit est la même que celle de toutes les règles de droit français :

- Un présupposé- Un effet juridique

Si le juge doit résoudre une question de droit de tel type (ex : si le juge doit se prononcer sur l’existence d’un lien de filiation) alors il doit appliquer la loi désignée par tel élément (ex : alors il doit appliquer la loi de la nationalité de la mère). « L’élément » est appelé « élément ou facteur ou critère de rattachement ». Autrement dit, la règle de conflit définit une catégorie qui réunit des questions de droit d’un certain type et elle affecte cette catégorie d’un rattachement. Donc chaque catégorie a son critère de rattachement. Donc

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cela permet d’identifier la loi qui régira cette catégorie. Précisions sur les catégories et les rattachements possibles (2 éléments du conflit de loi).

Les catégories sont en DIP très larges, par ex la « catégorie fond »/ »catégorie procédure ». Mais la « catégorie fond » est elle-même divisée en sous catégorie qui correspond aux personnes, biens, contrats, délits, successions, régimes matrimoniaux, faillites, etc.

1er ex : statut personnel individuel et familial (droit extrapatrimonial) : le rattachement de principe de cette catégorie c’est la nationalité, mais à l’intérieur il y a la capacité civile, les conditions de fonds du mariage, les effets personnels, le divorce, la filiation naturelle ou adoptive, etc. Toutes ces questions particulières faisant l’objet d’une règle de conflit spécifique. Cet éclatement de la catégorie « statut personnel » est ancienne.2ème ex : Plus récemment on a assisté à l’éclatement d’une catégorie qui est la responsabilité délictuelle ». Le règlement Rome 2 sur la loi applicable aux obligations extra contractuelles prévoit une règle générale et des règles spéciales. La règle générale est ancienne : la loi applicable aux délits est celle du lieu où le dommage survient. Le règlement institue une série de règles spéciales, d’abord pour la «faute précontractuelle », « la concurrence déloyale, « responsabilité du fait des produits », « responsabilité du fait de grève », « atteintes à l’environnement », « droit de propriété intellectuel » et bientôt « atteintes à la vie privée ». On peut se demander si la règle générale trouvera à s’appliquer souvent. Ces règles spéciales ne dérogent pas à la règle générale, parfois elles se bornent à préciser le rattachement. Par ex pour la concurrence déloyale, l’article 6 du règlement précise ce qu’est le lieu du dommage qui est bien le rattachement de la règle générale : c’est le lieu dans lequel ou auquel les relations de concurrence ou les intérêts des consommateurs sont affectés. C’est une règle de précision. D’autres règles spéciales dérogent à la règle générale par ex l’article 7 sur la responsabilité environnementale donne un choix à la victime entre la loi du lieu du dommage et la loi du fait générateur du dommage si ces deux lieux sont différents, pour favoriser au max les dommages environnementaux.

A côté de ces catégories on identifie aussi des catégories transversales, qui peuvent s’étendre entre plusieurs catégories. Ex : la forme des actes juridiques obéit à une règle « opus regit actum » : « le lieu régit l’acte » : la loi du lieu de fixation de l’acte fixe les conditions de forme de l’acte. Cette règle vaut en matière contractuelle, de testament et de mariage alors que ces trois actes sur le fonds obéissent à des règles de conflit très différentes. Mais en ce qui

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concerne leur forme, la règle de conflits est la même. C’est donc une catégorie transversale.

Le rattachement : il y a 3 procédés de rattachement :- En fonction du sujet de droit : c’est pour l’essentiel le statut personnel.

Ex : la filiation. On parle ici de loi personnelle et en DIP français c’est la loi de la nationalité

- En fonction de l’objet : c’est le statut réel, le droit des biens, c’est donc la question de la loi applicables aux droits réels principaux et accessoires. Rôle considérable en matière immo.

- En fonction de la source de droit : on reprend la distinction acte/fait juridique. Pour les actes, c’est la loi d’autonomie (choix de la loi). Pour les faits juridiques, c’est la loi du lieu de sa survenance.

§2 : Caractère de la règle de conflit bilatérale pure

A : Caractères traditionnels

Par ex : la loi applicable à la responsabilité délictuelle est celle du lieu où le dommage survient.Elle définit une catégorie à laquelle est attaché un rattachement. Elle est bilatérale, cela signifie que sa mise en œuvre conduit à désigner indifféremment en fonction de la situation soumise au juge ou à l’interprète soit la loi française, soit une loi étrangère. Cette bilatéralité implique les deux autres caractères traditionnels de la règle de conflits savinienne, elle est abstraite, cela signifie que le juge ou l’interprète qui la met en œuvre n’examine pas le contenu des lois en présence. Le juge vérifie seulement où est survenu le dommage. Il en déduit automatiquement que c’est l’une ou l’autre qui s’applique. Le caractère abstrait peut se ramener au caractère mécanique, sans examen du contenu des lois. A ce caractère abstrait s’ajoute un 3 ème, le caractère neutre. Puisque le juge n’examine pas le contenu des lois, la règle de conflit ne s’intéresse pas au résultat final, c'est-à-dire au régime de la responsabilité délictuelle par exemple. En d’autres termes, la règle de conflit ne poursuit pas d’objectifs substantiels, elle n’a de finalité que de répartition des matières entre les ordres juridiques donc elle est abstraite et neutre. Elle est donc dénuée de tout nationalisme. Chaque système juridique est réputé égal, avoir des mérites égaux à tous les autres pour résoudre telle ou telle question de droit : respect des autres systèmes juridiques.

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B : Exigences contemporaines de la règle de conflits de lois : flexibilité versus prévisibilité

Les objectifs généraux du DIP sont de réaliser la balance des intérêts privés sans négliger ceux des Etats. La fonction de la règle de conflit n’est donc plus politique, elle est technique.

Que sont les intérêts des parties ? Leur intérêt c’est la continuité des situations individuelles malgré l’existence d’ordre juridique distinct et séparé par des frontières souveraines. Donc, à cette continuité on associe l’idée de prévisibilité qui favorise la continuité et permet aux personnes privées de savoir à l’avance quelle loi sera applicable au cas où il y aura un litige. Cela suppose que les catégories sont bien définis et les rattachements également ainsi que bien adaptés. Les intérêts des Etats sont plutôt la protection de leur ressortissant, la cohésion sociale et le rattachement à la loi nationale en matière de statut personnel est un outil de traitement unitaire des français.A part la protection des ressortissants français, il y a également l’exception d’ordre public et les lois de polices, ces règles que l’Etat impose de façon absolue dans les relations internationales sans tenir compte de la loi qui serait désignée par la règle de conflit.

Actuellement, tendance à la flexibilité et montée du principe de proximité. Le principe de proximité se traduit de 2 manières, d’abord il est un des objectifs généraux de la règle de conflit, cet objectif c’est d »identifier l’ordre juridique qui a les liens les plus significatifs avec la question. Cette proximité sera souvent géographique (ex : loi du lieu où le dommage survient : loi la plus proche du délit géographiquement). La proximité peut aussi être intellectuelle ce qui est le cas du rattachement de droit personnel à la nationalité. Plus techniquement, le principe de proximité monte en puissance en laissant une marge de manœuvre plus importante au juge pour identifier au cas par cas la loi qui a les liens les plus étroits. L’un des procédés utilisés est la clause d’exception : article 4 règlement Rome 2 §1 : la loi applicable a une obligation non contractuelle est celle du pays du lieu du dommage. §2 : Toutefois, lorsque l’auteur du fait dommageable et la victime ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment du dommage la loi de ce pays s’applique. C’est une 1ère

clause d’exception que la JP avait déjà imaginé. Mais l’article 4 contient un §3 qui est une autre clause d’exception : s’il résulte de l’ensemble des circonstances que la fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au §1 et §2, alors, la loi de cet autre

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pays s’applique. Cet article 4§3 pose lui aussi une exception mais elle n’est pas du même type que la précédente car dans le §2 l’exception est identifiée et le juge n’a pas le choix, on appelle cela « une clause d’exception fermée » qui établit elle-même le rattachement plus significatif que normal. Dans le §3 la clause d’exception est dite « ouverte » car elle prévoit que le rattachement ordinaire et même exceptionnel sera écarté dans telle circonstance mais elle s’arrête là : elle n’identifie pas le nouveau rattachement et laisse au juge une marche de manœuvre. Ici, la règle est flexible : elle tend à identifier l’ordre juridique qui a concrètement le lien le plus significatif avec telle situation.

Il y a des sous catégories de plus en plus nombreuses mais il n’empêche que l’article 4 reste une règle bilatérale pure, elle est abstraite et neutre, il n’est pas question du contenu des lois en présence. On reste sur le terrain du rattachement objectif. La règle de conflit bilatérale a été critiquée car elle est bilatérale et parce qu’elle est abstraite et neutre, ces caractéristiques qui en font la beauté donnent aussi des arguments détracteurs.

Section 2 : La règle de conflit unilatérale

§1 : Définition

Une critique consiste à dire qu’une règle de conflit qui émane d’un ordre juridique devrait se limiter à définir le champ d’application de lois de cet Etat. En aucun cas, une règle de l’Etat A devrait pouvoir dire dans quel cas la règle de l’Etat B s’applique, or c’est le cas de la règle de conflit bilatérale. Pour les partisans de l’unilatéralisme, ceci est contraire au principe de souveraineté. Seul l’Etat devrait avoir le pouvoir de dire dans quel cas sa loi s’applique. Cette conception unilatéraliste est reliée à l’appréhension du DIP comme un conflit de souveraineté. L’unilatéralisme en général consiste à raisonner en termes de champ d’application dans l’espace des lois (et non pas en termes de répartition des questions entre ordres juridiques ce que fait le bilatéralisme). La règle de conflit unilatérale définit le champ d’application dans l’espace de la loi française, de la loi du for et seulement de cette loi. Exemple : article 3 alinéa 3 du Code civil. Cet article dispose : « les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant à l’étranger ». Cette règle est une règle de conflit. Elle est unilatérale parce qu’elle délimite le champ d’application dans l’espace de la loi française. Cette règle ne se préoccupe pas de la vocation d’autres lois à régir les questions d’état et de capacité. Cette règle a été bilatéralisée par la jurisprudence, elle n’existe plus en tant que telle bien qu’elle soit dans le Code civil.

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§2 : Difficultés liées à ces règles de conflit bilatérales

Lorsqu’on adopte la thèse unilatéraliste, on reconnaît à tous les Etats le pouvoir de délimiter le champ d’application de leur propre loi unilatéralement.

- Première hypothèse : la loi du for est applicable. Imaginons que deux lois sont en conflit, deux lois veulent s’appliquer à la même situation. On a un conflit de lois alors qu’on a déjà utilisé la règle de conflit de loi. Puisque c’est unilatéraliste, la loi du for va l’emporter, si c’est le juge français, il appliquera la loi française, si c’est le juge allemand il appliquera la loi allemande.

- Seconde hypothèse : le juge français est saisi et il constate que deux lois étrangères revendiquent leur application, mais aucune des deux n’est la loi du for. La mise en œuvre des règles de conflits des différents Etats considérés ne permet pas de trancher le conflit de lois, on se retrouve face à un conflit positif, c'est à dire qu’il y a trop de lois qui veulent s’appliquer. Le juge français devra définir quelle loi a le meilleur titre à s’appliquer.

- Troisième hypothèse : le conflit négatif. On peut imaginer des cas dans lesquels aucune loi ne revendique son application, puisque les règles de conflit unilatérales de chaque Etat en cause fixent des critères qui ne sont pas réunis en l’espèce.

Donc l’unilatéralisme respecte à la lettre les souverainetés, mais il crée des difficultés dans sa mise en œuvre concrète. La règle de conflit bilatérale ne se heurtera jamais à ces difficultés, elle désigne toujours une loi et une seule loi. Elle sélectionne, c’est son gros avantage.

§3 : Applications en droit positif de l’unilatéralisme

L’unilatéralisme à la marge du DIP : Exemple : ce qu’on appelle le droit public international (le droit fiscal, douanier ou le droit de la nationalité). Dans ces matières-là, seul l’intérêt de l’Etat compte. C’est lui qui définit quelles situations sont soumises à son impôt. Ici la souveraineté prime. Ici l’Etat fixe le champ d’application de la loi française. Le droit pénal international est dans le même esprit. Le Code pénal français définit le champ d’application de la loi pénale française dans l’espace, jamais il ne définit comme applicable une règle de droit pénal étranger. Le droit de la sécurité sociale est aussi fortement teinté d’unilatéralisme. Dans le domaine de la détermination de la compétence des tribunaux dans les litiges internationaux, l’unilatéralisme est très

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important. Le juge est un organe de l’Etat et il n’y a donc que l’Etat qui puisse définir les cas dans lesquels le juge français peut intervenir. Il n’est pas concevable qu’un Etat fixe la compétence du juge d’un autre Etat. Le droit communautaire peut fixer la compétence des juges des différents Etats membres.

L’unilatéralisme dans le DIP : La bilatéralisation de l’article 3 alinéa 3 date d’un arrêt BUSQUETA du 13 juin 1814 (grand arrêt n°1). La règle de cet arrêt est devenue : « l’état et la capacité des personnes sont soumis à la loi de la nationalité de l’intéressé ». Article 3 alinéa 2 du Code civil : « les immeubles, même ceux possédés par de étrangers, sont régis par la loi française ». Cette règle est devenue : « les immeubles sont régis par la loi du lieu de leur situation ». La règle ne définit plus seulement le champ d’application de la loi française, elle est bilatéralisée dans le sens où elle se sert du critère pour désigner tantôt la loi française tantôt la loi étrangère. Article 309 du Code civil (ex 310 issu d’une loi de 75 sur le divorce) : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française : Lorsque l’un et l’autre époux sont français, Lorsque l’un et l’autre époux sont domiciliés en France. Lorsque le juge français est compétent et qu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente. ». C’est une règle qui manifestement privilégie l’application de la loi française. On ne peut pas bilatéraliser parce que si on bilatéralise les deux premiers alinéas, si on a deux personnes de même nationalité qui vivent à l’étranger, il y a deux lois qui s’appliquent. En plus le troisième alinéa est typiquement de la technique unilatéraliste puisque le juge français compétent est appelé à vérifier si un juge étranger est compétent.

Dans le DIP français d’aujourd’hui, il reste très peu de règles unilatérales. Elles ont été bilatéralisées. À part la règle de conflit de 75, lorsque le législateur édicte des règles de conflit, elles sont le plus souvent bilatérales. Parce que le droit français a opté pour la règle de conflit bilatérale comme règle de conflit de droit commun. Dans le conflit de loi, l’unilatéralisme se manifeste principalement dans les lois de police, parfois dans les règles matérielles. En revanche, l’unilatéralisme est très présent dans le conflit de juridictions.

Section 3 : La règle de conflit à caractère substantiel

Il s’agit ici de critiquer le caractère abstrait et neutre de la règle de conflit bilatérale. La loi est désignée sans considération de son contenu, c’est une désignation mécanique selon un critère de rattachement. Le juge ne doit pas

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examiner le contenu des lois pour mettre en œuvre la règle de conflit bilatérale. C’est un des postulats de base du DIP : présumer que les ordres juridiques nationaux ont des mérites égaux. Ne pas porter de jugements à priori sur leur mérite, une présomption d’égalité entre les systèmes juridiques. Ce qui fait que la règle bilatérale est une règle internationale sur le plan philosophique. La règle de conflit de lois est là pour répartir et non pas pour poursuivre un objectif substantiel. Mais la critique du caractère neutre a gagné en ce sens que dans la deuxième moitié du XXème sans remettre en cause le caractère bilatéral de la règle, est née une tendance forte qui continue aujourd’hui qui consiste à énoncer des règles de conflits qui ont un double objectif. Le premier objectif est de tenir compte des liens les plus significatifs des ordres juridiques avec le cas d’espèce. Le second objectif est de tenir compte des résultats sur le fond que produira l’application des lois en concurrence. On injecte une préoccupation substantielle à la fonction purement mécanique de répartition de la règle de conflit. On a parlé de substantialisation de la règle de conflit. Cette substantialisation a pris différentes formes.

§1 : Principes de référence

Si la loi du lieu du dommage est moins protectrice de la victime que la loi de la résidence de celle-ci alors on applique cette dernière loi. La phrase est formulée de telle sorte qu’on appliquera la loi la plus favorable à la victime. Elle renvoie à la loi interne la plus favorable à la victime, donc elle poursuit un objectif substantiel qui est la protection de la victime.

§2 : Rattachements en cascade ; alternatifs ; cumulatifs

Le rattachement alternatif : Très courant, beaucoup plus que le principe de préférence. Le rattachement alternatif d’un point de vue grammatical se traduit par la conjonction de coordination : « ou » ou alors « soit ». Article 9 de la Convention de Rome, ou 11 du règlement Rome I. Cet article est relatif à la forme du contrat : « un contrat conclu entre des personnes qui se trouvent dans un même pays est valable quant à la forme s’il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond ou de la loi du pays dans lequel il a été conclu. Si les deux personnes se trouvent dans des pays différents, on ajoute une troisième loi : la loi du fond, la loi du pays où se trouve l’une des personnes ou la loi du pays où se trouve l’autre personne.». Cette règle favorise la validité formelle du contrat parce que le contrat peut satisfaire l’une des lois ou l’autre. Il suffit qu’il satisfasse les conditions de l’une ou de l’autre et il est valable en la

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forme. La convention de la Haye du 5 octobre 1961 sur la forme des testaments est rédigée comme celui de la Convention de forme, mais il y a 8 lois possibles. « Le contrat est valable en la forme s’il est écrit» est une règle de droit matérielle. En revanche si je dis : « la donation est valable en la forme si la loi du lieu de conclusion de la donation le dit », c’est une règle de conflit et si j’ajoute « ou la loi de situation des parties » c’est une règle de conflit à rattachement alternatif.

Le rattachement cumulatif : Le rattachement cumulatif est la même technique mais à l’envers, au lieu que ce soit un « ou » ce sera un « et ». Exemple en droit anglais, Double action hability rule. Diffamation par voie de média à l’étranger mais à partir de l’Angleterre. La victime sera indemnisée si la loi anglaise et la loi du lieu du dommage retiennent cette solution. Donc ici, on exige que les conditions de deux lois soient cumulativement réunies, donc c’est défavorable à la victime.

Le rattachement en cascade : Il faut bien distinguer le rattachement alternatif ou cumulatif d’une part et le rattachement en cascade d’autre part. Article 311-14 du Code civil relatif à l’établissement du lien de filiation. Cette règle de conflit issue d’une loi de 72 prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant, si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant. Ici on tient compte de l’hypothèse dans laquelle le premier rattachement ne peut pas être mis en œuvre. Il n’y a pas de faveur spéciale à l’égard de la filiation. C’est un rattachement en cascade qui ne manifeste pas particulièrement de faveur ou de défaveur à l’égard de la filiation. C’est simplement une technique de rattachement qui permet de palier la défaillance d’un critère de rattachement principal.

§3 : Rattachement à la loi plus familière

Une loi est choisie spécialement pour favoriser une partie : Article 5§3 de la Convention de Rome qui est devenu article 6§1 du règlement. Cet article est relatif à la loi applicable aux contrats de consommation conclus entre un professionnel et un consommateur. Cette règle de conflit nous dit qu’à défaut de choix des parties, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle.

§4 : Options de législation

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C’est le législateur lui-même qui dans la structure de la règle de conflit institue une faveur pour telle personne ou pour telle solution. La structure de la règle permet directement d’atteindre un objectif voulu. Ici l’option de législation est différente, on donne explicitement un choix de lois à une personne. Article 311-16 alinéa 2 du Code civil, la légitimation par autorité de justice. Cet article a été abrogé. Cet article donnait le choix au requérant entre sa loi personnelle et la loi personnelle de l’enfant. Donc le requérant devait choisir la loi la plus favorable à la légitimation. Article 7 du règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations extra contractuelles. Cet article concerne les atteintes à l’environnement. La victime de l’atteinte à l’environnement a le choix entre la loi du lieu du dommage et la loi du lieu où s’est produit le fait générateur, le fait de pollution. De façon explicite, on donne à l’une des parties une option de législation, à cette partie de faire le bon choix.Ce sont les différentes manifestations de la méthode indirecte.

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CHAPITRE 2 : Les règles matérielles du DIP

Dans ce chapitre, on passe à la méthode directe. Le principal représentant est les règles matérielles de DIP. La règle matérielle se distingue de la règle de conflit parce qu’elle donne directement la solution à la question posée. Si on veut distinguer la règle matérielle des règles de conflit à coloration substantielle, la règle matérielle donne la sanction et les conditions. Les règles matérielles de DIP se distinguent des règles matérielles par une seule raison, c’est qu’elles sont spécialement destinées aux relations internationales. Après avoir vu les lois de police, on verra comment les distinguer des règles matérielles. Convention de Vienne du 11 avril 1980 (CVIM). C’est la méthode qui consacre le mieux la spécificité de la relation internationale. Lorsqu’on met en œuvre une règle de conflit de loi, on va appliquer à une situation internationale une loi interne.

Section 1 : Diversité des règles matérielles

Les règles matérielles sont diverses d’abord quant à leurs sources. Deux sources sont possibles : - nationale- convention internationale

En matière de transport, que ce soit par fer, par avion ou par mer, l’essentiel du régime des transports internationaux relèvent de conventions internationales. La plus connue est la convention de Varsovie de 1929 sur le transport aérien. Les propriétés incorporelles (brevet, marque), c’est les unions de Paris et de Berne de 1883, 18886. En matière de crédit, la convention de Genève de 1930 sur la lettre de change et le billet à ordre et celle de 1931 sur le chèque. La vente, il s’agit de la CVIM.En matière d’affacturage, on a une convention de 1988. Ce sont de matières économiques pour l’essentiel. Convention de Washington de 1973 sur la forme du testament international. Cette convention unifie le droit matériel de la forme des testaments donc elle édicte des règles de forme en matière testamentaire.

Le second critère de diversité est relatif au domaine d’application en termes d’unification du droit. La plupart des conventions internationales ne posent des règles que pour les relations internationales. La Convention de 1930 sur les effets de commerce et sur le chèque, cette convention a comme particularité

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qu’elle emporte une uniformisation totale. L’unification est totale en ce sens qu’elle concerne aussi bien les rapports internationaux que les rapports internes.

Section 2 : Règles matérielles et conflit de lois

La règle matérielle donne directement la solution à la question posée. Le premier réflexe quand il y a une règle matérielle est qu’on n’utilise pas la règle de conflit de loi. Mauvais réflexe. En réalité, il faut se poser la question suivante : dès lors que la situation est couverte par une règle matérielle de DIP, est-ce que le juge l’applique directement ou est ce qu’il doit mettre en œuvre la règle de conflit et la règle de conflit désigne sa loi ?

§1 : Source nationale

A : Source législative

Il n’y a pas de règle matérielle de source législative.

B : Source jurisprudentielleLe domaine de l’arbitrage international et notamment la réglementation de la convention d’arbitrage international. C’est un contrat par lequel les parties décident de soumettre leur litige à une personne privée, en excluant du même coup la compétence du juge étatique. Elle est régie par un ensemble de règles matérielles qui concernent son existence, ses conditions de formation, ses effets, etc. Tout son régime est composé de règles matérielles.Arrêt du 2 mai 1966, GALAKIS : Cet arrêt décide que dans les relations internationales, l’Etat a la capacité de conclure une convention d’arbitrage. Alors que dans l’ordre interne, l’article 2060 du Code civil interdit à l’Etat de compromettre sauf exception. La jurisprudence élabore une règle qui dit exactement le contraire de la règle interne, mais on considère que la règle interne n’est pas adaptée au commerce international. Pour les besoins du rayonnement commercial de la France, on édicte une règle qui valide les clauses d’arbitrage.Ces règles s’appliquent directement, dès lors que le juge français est saisi d’une question qui touche à l’arbitrage, il applique les règles matérielles élaborées par la jurisprudence depuis 1963. Le juge français ne met pas en œuvre une règle de conflit de loi qui renverrait à la loi française. Il ne se demande même pas si l’arbitrage en question a un rapport avec la France. Cette solution est

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assez critiquée en droit comparé. Il ne faut pas considérer qu’il n’y aurait pas intérêt à passer par le conflit de loi. Dès lors qu’il existe une règle matérielle de DIP, elle coexiste avec la règle interne. Il est possible d’envisager la règle de conflit. La jurisprudence française en décide autrement en matière d’arbitrage.

§2 : Source internationale

La CVIM. La convention elle-même fixe les conditions de son application. Selon son article 1, lorsque le vendeur et l’acheteur résident dans des pays différents et tous les deux signataires de la convention alors la règle matérielle s’applique directement. En revanche, si une des deux parties est ressortissante d’un Etat non signataire, alors le juge met en œuvre la règle de conflit et si la règle de conflit désigne la loi d’un pays signataire alors la convention de Vienne s’applique. Si c’est un pays non signataire, c’est le droit de la vente interne de ce pays qui s’appliquera, sauf si ce pays a lui-même des règles matérielles en matière de vente internationale.

Hypothèse d’une convention internationale existante, une règle est interprétée différemment en France et en Allemagne. S’il y a des différences d’interprétation la loi n’est plus vraiment uniforme. Article 34 de la convention sur la lettre de change. Le juge français est saisi, la convention est applicable. Ici appliquer directement la règle matérielle consisterait pour le juge français à appliquer l’interprétation française de l’article 34. Si on décide d’appliquer la règle de conflit de loi et qu’elle désigne la loi allemande, c’est le même article mais interprété différemment qui s’appliquerait. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation, elle a décidé qu’on devait mettre en œuvre la règle telle qu’interprétée par le juge dont la loi est désignée par la règle de conflit. Donc ce n’est pas parce qu’il y a une règle matérielle qu’on exclut la règle de conflit de conflit de lois.

Section 3 : Place des règles matérielles dans le DIP français

Les règles matérielles ont une place relativement importante en droit économique international. Cette place importante est un signe d’une place encore plus importante dans l’avenir. On peut se poser la question de savoir si les règles matérielles peuvent déborder le cadre des relations économiques. C’est plus difficile de l’imaginer. Autant il est aisé pour les Etats de se mettre d’accord sur des règles en matière de contrat, autant il restera difficile de se mettre d’accord sur des règles communes en matière de personnes, parce que

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ce sont des matières intimement liées à l’histoire, à la culture et à la religion de la population. En Europe, certains domaines sont unifiés, d’autres sont harmonisés. Les règles matérielles ont beaucoup augmenté en volume dans la seconde moitié du XXème, la règle de conflit a connu à cette époque là de grosses critiques. On a parlé de la crise du conflit de lois. Dans le domaine économique, il y avait une part de vrai, mais, en matière de contrat, il reste des règles de conflit de lois. En réalité, ces partisans des règles matérielles sont partisans de l’élaboration d’un ordre juridique non étatique sectorisé, dont fait partie la lex mercatoria. En réalité, les partisans de cet ordre juridique transnational s’attaquaient à la règle de conflit de loi, mais ils visaient en fait le droit étatique tout court. Ils sont partisans du dépassement de l’échelon étatique comme échelon de réglementation. Aujourd’hui, l’idée de la crise du conflit de lois a été abandonnée. Aujourd’hui, on accepte la coexistence de différentes méthodes.

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CHAPITRE 3 : Les lois de police

Elle est visée à l’article 3 alinéa 1 du Code civil : « les lois de police obligent tous ceux qui se trouvent sur le territoire ». Mais la notion de la loi de police du Code civil n’est pas celle du DIP. Les lois de police du DIP sont une création doctrinale française essentiellement, et on la retrouve dans la littérature anglo-américaine. La loi de police est aussi appelée loi d’application immédiate ou loi d’application nécessaire. On peut aussi parler de règle ou de loi internationalement impérative.

Section 1 : Notion

Définition relativement vague des lois de police : « C’est la loi interne dont l’observation y compris dans les relations internationales est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays qui l’édicte » : Définition de M. Franceskakis. La définition est floue. C’est une question de degré d’importance de la loi. Certaines lois de police défendent des intérêts catégoriels. Or un intérêt catégoriel, est-ce un intérêt politique, social ou économique ?

Définition de la CJCE qui a été reprise dans le règlement Rome I : « c’est une disposition nationale dont l’observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, économique ou sociale de l’Etat, au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci ». Dans cette définition, il y a deux éléments. Il y a un élément de contenu et un élément de méthode. L’élément de contenu est la sauvegarde de l’intérêt économique, politique et sociale. L’élément de méthode est l’application immédiate de la loi de police sans passer par la règle de conflit.

Comment identifie-t-on une loi de police ? Il n’y a pas dans les textes français des dispositions qui diraient que la présente loi est internationalement impérative. Il appartient au juge de qualifier les règles ou les lois de loi de police, en fonction du but poursuivi par la loi. Aujourd’hui on parle plus volontiers d’intérêts sociétaux, c'est à dire qui intéresse la société. Ces intérêts sociétaux sont soit directement collectifs (par exemple le droit de la concurrence) soit ce sont des intérêts collectifs que l’on protège à travers des intérêts individuels ou sectoriels (par exemple la protection du consommateur, il ne faut pas oublier que derrière les consommateurs il y a le marché).

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Le règlement des funérailles est une loi de police. Les lois relatives à la représentation des salariés sont des lois de police (CE, 29 juin 1973, Compagnie des wagons lits). Le régime matrimonial primaire est une loi de police, article 212 et s. du Code civil français (arrêt Cresso du 20 octobre 1987). Les mesures d’assistance éducatives : article 375-1 du Code civil. CIJ, arrêt Bol de 1958. L’indemnisation des victimes d’infraction par les CIVI (commissions d’indemnisation des victimes d’infraction) : 3 juin 2004.L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 fixe à trois mois le délai de prescription des délits de presse. Cour de cassation, 19 octobre 2004. Arrêt du 31 janvier 2007, Sociale : les dispositions relatives au statut des journalistes professionnels. Les dispositions relatives à l’indemnité de rupture au profit de l’agent commercial. CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar. Il s’agit à priori d’une loi de police communautaire. La chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 novembre 2000 a dit le contraire. Le droit de la concurrence est globalement une loi de police. Les dispositions protectrices du sous-traitant issues de la loi du 31 décembre 1975 et notamment l’article 12 qui institue la fameuse action directe en paiement au profit du sous traitant et directement dirigée contre le maître de l’ouvrage. (Chambre mixte, 30 novembre 2007).Un grand débat existe sur le droit de la consommation et notamment les dispositions protectrices des consommateurs. Certains arrêts laissent entendre que certains articles du Code de la consommation sont des lois de police, mais la Cour de cassation ne le dit pas expressément. Sur la qualification globale ou article par article du Code de la consommation en loi de police, il y a débat. Comme c’est une matière grandement communautaire, le dernier mot viendra de la CJCE.

La méthode est le deuxième élément de la définition de la loi de police. C’est le point essentiel. La loi de police peut être appelée loi d’application immédiate dans ce cas. La loi s’applique immédiatement donc indépendamment de la règle de conflit, sans égard à la règle de conflit, elle s’applique quelle que soit la loi qui serait désignée par la règle de conflit. La loi de police déroge à la règle de conflit. La loi de police ne tolère pas l’intermédiation de la règle de conflit. Il faut être dans le champ d’application matériel de la loi de police. Il faut que la situation ait un lien avec le pays. On n’applique pas une loi de police française à un litige qui ne concerne absolument pas la France.

L’applicabilité immédiate qui est le trait caractéristique de la loi de police n’est pas toujours exprimée de façon très explicite par la jurisprudence qui parfois applique une règle française alors que selon la règle de conflit une autre loi aurait dû s’appliquer, on en déduit que la loi française est de police. Dans une

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période plus récente, la Cour de cassation est plus explicite. Arrêt du 3 juin 2004 sur les CIVI. La loi sur es CIVI déroge à la règle de conflit en matière délictuelle et elle ajoute ainsi que le caractère d’une loi d’application nécessaire qui exclut l’application d’un droit étranger.

Section 2 : Mise en œuvre

§1 : Conditions de mise en œuvre

A : Les lois de police du for

Par loi de police du for, il faut comprendre la loi de police du juge saisi. Pour nous c’est la loi de police française, mais aussi la loi de police de source communautaire. Comme par exemple, les articles 81 et 82 du traité qui sont relatifs au droit de la concurrence.- Première condition de mise en œuvre : la question posée au juge doit

entrer dans le champ d’application matériel de la loi de police.- Seconde condition, qui est moins facile à vérifier, est que la situation doit

présenter des liens étroits avec le territoire français.

Dès lors que ces deux conditions sont réunies, il n’y a pas d’autre condition, la loi de police doit s’appliquer. Le juge est tenu de l’appliquer et il doit la relever d’office. C’est une nécessité d’appliquer cette loi parce que les intérêts qu’elle protège sont supérieurs à l’intérêt général en DIP qui consiste à localiser la situation à rattacher la situation au pays qui présente avec elle des liens significatifs. Dès lors qu’une loi de police d’origine communautaire est en cause, on devrait considérer qu’il suffit que le territoire d’un Etat membre soit concerné même si ce n’est pas le juge de cet Etat membre qui est saisi. On doit pouvoir établir une concordance exacte entre la source de la loi de police et l’existence des liens avec le territoire. La question est le critère du lien. Comment vérifie t-on le lien ? La seule saisine du juge français n’est pas un lien suffisant. Il faut trouver des critères. En matière de droit de la concurrence, si le marché français est affecté le lien existe. En matière de protection des personnes comme le consommateur ou le salarié, on va prendre des critères plus adaptés aux personnes comme la nationalité, le domicile, la résidence.

B : Les lois de police étrangères

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En principe, on ne devrait pas appliquer les lois de police étrangères. Mai il faut distinguer deux situations.- la loi de police mexicaine fait partie de la loi désignée par la règle de

conflit. Lorsque la loi de police fait partie de la lex contractus (la loi du contrat) alors elle s’applique naturellement.

- situation dans laquelle la loi de police étrangère ne fait pas partie de la loi désignée par la règle de conflit.

En principe, le juge n’a pas l’obligation d’appliquer les lois de police étrangères, mais on ne le lui interdit pas non plus. La possibilité est admise, mais en France c’est doctrinal, la Cour de cassation ne l’a jamais dit. Rome I, article 9 : paragraphe sur les lois de police du for, ce paragraphe dit que le juge doit appliquer les lois de police du for. Et il y a un autre paragraphe pour les lois de police étrangères, il est prévu une faculté pour le juge d’appliquer les lois de police étrangères en tenant compte notamment de la nature et de l’objet des dispositions impératives étrangères et les conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non application. Par exemple, si le juge français veut appliquer une loi de police mexicaine et il se rend compte qu’en faisant cela ça violera une loi de police française, il n’acceptera pas la mise en œuvre de la loi de police mexicaine. A l’inverse s’il n’y a pas de loi de police française et que le jugement rendu par le juge ne pourra être appliqué qu’au Mexique, si le juge français rend un jugement qui ne tient pas compte des lois de police mexicaine, alors le juge mexicain risque de ne pas reconnaître le jugement. Donc le juge français pourrait être incité à appliquer la loi de police mexicaine pour que son jugement ait une efficacité internationale. Le règlement Rome I a un peu évolué sur le sujet, dans un sens plutôt défavorables à l’application des lois de police étrangères. Seules les lois de police du lieu d’exécution du contrat peuvent être prises en compte et à condition que ces lois de police rendent l’exécution du contrat illégale. Le règlement Rome I a réduit l’influence des lois de police étrangères.

§2 : Limites communautaires à l’application des lois de police nationales

Dès lors que l’application d’une loi de police d’origine nationale constitue une entrave aux principes de libre circulation alors le fait que ce soit une loi de police n’exclut pas le test de compatibilité avec le droit communautaire. Dans le cas où la loi de police ne passe pas le test de compatibilité on la prive d’efficacité. Depuis une série d’arrêt de la CJCE, et surtout depuis l’arrêt ARBLADE du 23 novembre 1999, les libertés de circulation au sien de l’espace communautaire surpassent les lois de police.

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CHAPITRE 4 : la méthode de la reconnaissance

Cette méthode en principe s’applique dans le domaine du conflit de juridictions et plus particulièrement pour le deuxième volet du conflit de juridiction c'est à dire l’accueil en France de jugements étrangers. Cette méthode a tendance dans les dernières années à s’étendre au-delà de ce domaine initial. Cette méthode consiste à poser unilatéralement des conditions d’accueil en France d’un acte dont la régularité est acquise dans son pays d’origine. La différence avec le conflit de lois est que quand on met en œuvre une règle de conflit de lois, on se demande si l’acte est valable au moment de sa formation.Quels types d’actes ? Des actes qui font intervenir une autorité publique, comme le mariage, voire des actes purement privés. On va édicter des règles permettant de reconnaître ce droit en considérant qu’il est régulièrement constitué dans son pays d’origine. Il y a quelques exemples de cette méthode dans des conventions internationales : Convention de la Haye de 1978 qui impose aux Etats parties à la convention de reconnaître les mariages régulièrement célébrés dans les autres Etats parties, Convention de la Haye de 1985 qui pose les mêmes règles mais en matière de trust, Convention de la commission internationale de l’état civil de 2007 qui pose également les mêmes règles, c'est à dire impose aux Etats parties de reconnaître un partenariat enregistré régulièrement enregistré dans son pays d’origine. Aucune de ces conventions n’est valable en France. En présence d’une convention internationale, la méthode de la reconnaissance simplifie beaucoup la résolution des problèmes liés aux rapports internationaux de droit privé, elle permet aux parties d’avoir la garantie que leur mariage ou leur trust ou leur partenariat enregistré sera reconnu dans les autres pays. Puisque les Etats ont conclu une convention internationale, ils ont édicté des règles minimales de validité du mariage, c'est à dire des règles qui leur conviennent à tous. Dès lors qu’il n’y a pas de convention internationale, les Etats n’ont pas pu poser des conditions minimales. Donc admettre la méthode de la reconnaissance veut dire qu’on répute convenable à priori les règles du pays d’origine sans exercer de contrôle selon la règle de conflit de lois. Si on généralisait la méthode de la reconnaissance, on pourrait faire du shopping dans le monde entier pour son statut personnel. Ça favoriserait une disponibilité quasiment totale du statut personnel. D’où un certain nombre de restrictions posées par la doctrine.

Le domaine de la méthode de la reconnaissance : Ce que certains auteurs ont appelé l’administration publique du droit privé, c'est à dire principalement le

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droit de la famille et des personnes, le mariage, le partenariat enregistré, les actes civils. Une autorité publique intervient donc cette autorité publique vérifie selon ses propres conditions si un certain nombre de conditions sont remplies, si un certain nombre d’exigences sont satisfaites. Il y a une sorte de confiance réciproque. En dehors de l’intervention d’une autorité publique, la méthode de la reconnaissance semble impossible parce que le contrat n’est pas un acte qui se cristallise dans un pays de façon évidente. La loi de conclusion du contrat n’est pas significative. En l’état de la doctrine française, tous les auteurs excluent du domaine de la reconnaissance tous les actes purement privés.

Les conditions : Il y en a deux types. - La première concerne la compétence de l’autorité publique du pays

d’origine. Il faut poser des conditions suffisamment strictes. Le juge français pourrait contrôler le caractère sérieux de la compétence de l’autorité étrangère.

- La deuxième condition qui pourrait être posée par le juge français toucherait à la conformité à l’ordre publique international français. Ce qui pourrait permettre de déclencher l’exception d’ordre public international, ce sont les effets concrets que le droit régulièrement acquis à l’étranger produirait en France.

L’influence de l’UE : Dans l’UE, il existe un principe de reconnaissance mutuelle qui s’applique principalement aux jugements, aux décisions de justice qui circulent d’un Etat membre à l’autre. Il existe également les libertés de circulation et notamment la liberté de circulation des personnes. Avec les personnes qui circulent librement devrait aussi circuler librement leur statut personnel. S’ajoute encore la citoyenneté européenne qui est acquise à tous les citoyens de n’importe quel Etat membre et qui garantit une continuité de la situation des personnes sur tout le territoire de l’UE. À cela s’ajoute une certaine proximité des droits des Etats membres. L’ensemble de ces caractéristiques milite en faveur d’une admission plus aisée de la méthode de la reconnaissance. Donc c’est une méthode profondément libérale.

CHAPITRE 5 : Solutions du droit positif français dans les principaux statuts

Le mot « statut » évoque la loi.

Section 1 : le statut personnel

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Capacité, conditions de fond du mariage, effets extrapatrimoniaux du mariage, filiation, etc. Le statut personnel inclut le statut personnel individuel et familial, c'est à dire le droit extra patrimonial de la famille. - Règle n°1 : l’état et la capacité des personnes sont régis par la loi

nationale de l’intéressé.- Règle n°2 : les conditions de fond du mariage sont régies par la loi

nationale de chaque époux. Il s’agit de l’âge, de la qualité du consentement, l’aptitude physique, la nécessité et les modalités de l’autorisation des parents pour les mineurs, l’absence d’obstacle au mariage comme l’existence d’un mariage précédent.

- Règle n° 3 : les effets extrapatrimoniaux du mariage. Les effets du mariage sont soumis à la loi nationale commune des époux, s’ils sont de nationalité différente à la loi du domicile commun, s’ils ont ni domicile ni nationalité commune, à la loi du for. Il s’agit d’une part des rapports personnels des époux, c'est à dire des rapports non pécuniaires que sont le devoir d’assistance, de cohabitation, de fidélité et de respect. Ça exclut l’obligation alimentaire entre époux qui relève d’une autre règle de conflit (convention de la Haye de 1973). Les effets du mariage recouvrent une autre réalité qui est le statut personnel de la personne mariée, c’est la question de savoir si l’épouse doit oui ou non porter le nom de son mari.

- Règle n°4 : l’établissement de la filiation par le sang est régi par la loi nationale de la mère. Si la mère n’est pas connue, par la loi nationale de l’enfant.

Les avantages de la nationalité sont que la nationalité est stable, alors que le domicile est plus variable et la résidence habituelle encore plus. Donc le rattachement à la nationalité a paru au droit français plus conforme à la nécessaire permanence du statut personnel.L’autre avantage est la certitude. Chaque Etat fixe de façon extrêmement précise et stricte les conditions d’attribution et de perte de sa nationalité.Enfin l’attachement sentimental, c'est à dire culturel à la loi de sa nationalité de son origine. Le risque est une possibilité de communautarisation de la société. C’est particulièrement sensible dans des pays de forte immigration comme la France ou l’Allemagne. La loi de la résidence habituelle ou du domicile favorise l’intégration. La résidence habituelle ou le domicile a un autre avantage qui est la prévisibilité. Le rattachement à la nationalité pose de réelles difficultés. Exemple : pour le mariage, lorsque les deux époux ont une nationalité différente, en ce qui concerne la formation du mariage on peut appliquer distributivement à chaque époux la loi de sa nationalité. Dans

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certains cas, on appliquera cumulativement les deux lois. En revanche pour les effets du mariage, c’est envisageable de les soumettre à deux lois différentes, donc on applique la loi du domicile commun des époux. Les apatrides n’ont pas de nationalité, donc il n’y a pas de loi de la nationalité. Dans ce cas, il y a des conventions internationales auxquelles la France est partie, elles fixent leur rattachement à la loi du domicile. La difficulté est les doubles nationaux. Lorsque l’une des nationalités est celle du for, elle prime. En revanche s’il s’agit de deux nationalités étrangères au for, le juge saisi doit recherche la nationalité la plus effective.

Section 2 : Le statut réel

- Règle n°5 : Les droits réels mobiliers et immobiliers sont régis par la loi de situation du bien qu’ils ont pour objet. La loi applicable est la « lex rei sitae ». Cette loi du lieu de situation du bien ne s’applique qu’au droit réel lui-même. En ce qui concerne le transfert de la propriété donc le transfert du droit réel, ce transfert peut être soumis à une autre loi. Le transfert par contrat de vente ou de donation, c’est la loi applicable au contrat qui régira la question du transfert du droit réel.

Pourquoi ce lien de rattachement ? C’est une très vieille règle de conflit presque universellement admise en matière immobilière. Cette règle est pratique car il suffit de regarder où est le bien et tout de suite on sait quelle est la loi applicable. Ensuite c’est conforme à la nature du droit réel, qui est le droit de la personne sur une chose. Enfin c’est efficace et prévisible et le rattachement à la loi du lieu réalise un bon équilibre entre les intérêts des personnes privées et les intérêts des Etats. Les personnes privées, on pense ici surtout aux tiers. Le droit réel est opposable erga omnes. Il est donc utile qu’il soit soumis à la loi du lieu pour que tous les tiers puissent connaître quel est le contenu des droits de tel propriétaire, usufruitier, etc. C’est également une loi qui garantit les intérêts de l’Etat. C’est une justification propre aux immeubles qui sont un morceau de territoire, il est donc naturel voire impératif que ce soit la loi de l’Etat qui détermine quels droits on peut avoir sur son propre territoire. Pour les meubles, il y a des difficultés. Le droit français maintient la règle pour les meubles. Le problème se pose pour les biens incorporels. Puisque c’est incorporel, ça n’a pas de corps donc c’est situé nul part. Donc on localise fictivement ce bien. Pour le brevet, ce sera le lieu du dépôt du brevet, pour la marque : le lieu d’enregistrement. Certains pays étrangers ne mettent pas les meubles et les immeubles dans le même sac, ils soumettent les meubles

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au statut personnel conformément à l’adage : « les meubles suivent la personne ».

Section 3 : Le statut des actes juridiques

(Substance des actes : choix de la loi, localisation du contrat à défaut de choix). On parle ici du fond des actes, pas de la forme.

- Règle n°6 : La loi d’autonomie : le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ici le facteur de rattachement est la volonté, elle est la transposition dans l’ordre international de l’autonomie de la volonté qui sous-tend le droit des contrats. Elle s’étend aux régimes matrimoniaux (cf Dumoulin). Elle est reprise en droit positif dans l’article 3 de la Convention de Rome et dans l’article 3 du règlement Rome I.

La forme du choix : Le choix peut être express. Il peut également être tacite. Quand une volonté est tacite, il faut rechercher les critères qui permettent de l’induire de certains éléments factuels objectifs. Exemple : un choix tacite peut résulter des stipulations contractuelles, par exemple si dans le contrat des articles du Code civil sont cités, on considérera que le droit français dans son ensemble a été choisi. Le choix d’un juge peut être également un indice du choix de la loi de ce juge. Les circonstances de la cause : une relation d’affaires dans la durée entre deux personnes et systématiquement les parties choisissent la même loi. Un jour, elles concluent un contrat en urgence et n’ont pas le temps de choisir la loi applicable. On considérera que tacitement, elles ont choisi la loi qu’elles avaient choisie habituellement pour les contrats antérieurs. Hypothèse du groupe de contrats : des contrats intimement liés les uns aux autres, mais la loi n’est désignée que dans l’un d’eux, on considérera que cette loi s’appliquera à l’ensemble des contrats.

Objet du choix : Le plus important est que les parties peuvent choisir une loi qui n’a aucun rapport avec le contrat. Si le contrat est interne et non pas international, les parties ne peuvent pas l’internationaliser par le choix de la loi. Lorsque le contrat est international, les parties peuvent choisir n’importe quelle loi du monde, mais ce sera toujours sous réserve des lois de police du for. Le contrat international en DIP français est nécessairement soumis à la loi d’un Etat : Arrêt messagerie maritime du 21 juin 1950, grand arrêt n°22. C'est à dire que les parties ne peuvent pas choisir par exemple la lex mercatoria, sauf lorsqu’elles ont recours à l’arbitrage international. Le règlement Rome I fait timidement évoluer les choses. Il autorise les parties à soumettre leur contrat à

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des règles de droit qu’elles ont choisies, mais il précise dans les considérants du règlement que oui pour les conventions internationales, pour le futur droit européen des contrats, mais non pour la lex mercatoria.

La portée de ce choix de loi : Les parties peuvent procéder au dépeçage du contrat. Ça veut dire soumettre le contrat à plusieurs lois par morceau. C’est autorisé sous réserve du maintien de la cohérence du contrat. Les parties peuvent modifier leur choix tant qu’elles veulent, jusque devant le juge.Lorsque les parties n’ont pas choisi de loi, il fait retourner à la méthode traditionnelle du conflit de lois qui permet de localiser le contrat. On va donc localiser le contrat en un lieu et c’est la loi de ce lieu qui s’appliquera. C’est la raison pour laquelle on parle de règle dualiste en matière contractuelle. La liberté de choix peut être rangée dans le chapitre subjectivisme, c'est à dire pouvoir de la volonté alors que la deuxième partie de la règle de conflit qui tend à localiser le contrat doit être rangé dans le chapitre objectivisme.Avant l’entrée en vigueur de la convention de Rome, donc 1991 en France, la jurisprudence française n’était pas limpide, mais une tendance avait été dégagée. La loi applicable au contrat était celle du lieu de son exécution. La convention de Rome retient une solution différente qui est intégrée dans l’article 4§2 de la convention : la loi applicable au contrat est la loi de la résidence habituelle du débiteur de l’obligation caractéristique au moment de la conclusion du contrat (Règle n°6). L’obligation caractéristique est celle qui en droit interne permet de qualifier le contrat. L’obligation caractéristique est la contre-prestation du prix. Ça veut dire que l’obligation caractéristique du contrat de vente est l’obligation de transférer la propriété ; dans le contrat d’entreprise, c’est l’obligation de réaliser la prestation promise. Dans le contrat de bail, c’est l’obligation de mettre à disposition le bien. Dans le contrat de dépôt, c’est l’obligation de restituer le bien. Certains contrats n’ont pas d’obligation caractéristique comme l’échange. Dans ce cas, on ne peut pas identifier le débiteur de l’obligation caractéristique. Dans ce cas, on renvoie à la loi qui a les liens les plus étroits. Le règlement Rome I adopte une autre méthode que la règle générale, il concrétise cette règle générale. Il détaille. Enfin dans la convention comme dans le règlement, il y a une clause d’exception : « lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays (…), la loi de cet autre pays s’applique ». Cette clause permet au juge de faire primer le principe de proximité. Dans un arrêt du 6 octobre 2009, la CJCE a confirmé le jeu de cette clause d’exception.

Section 4 : Le statut des faits juridiques

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- Règle n°7 : La responsabilité civile en cas de délit ou de quasi délit est soumise à la loi du lieu du délit. « Lex loci delicti ». On appelle les délits est les quasi délits des faits dommageables.

Les faits profitables sont des quasi-contrats qui sont également soumis à la loi du lieu du fait profitable. La responsabilité a une fonction réparatrice. Elle tend à rétablir l’équilibre entre des patrimoines qui a été rompu à la suite d’un évènement plus ou moins fortuit. La loi réalise un bon équilibre entre les intérêts des personnes et les intérêts de l’Etat. D’un point de vue psychologique, on considère que l’on adapte son comportement au lieu où l’on se trouve. L’auteur du dommage s’attend à la punition du droit du lieu où il se trouve. C’est une idée de proximité et de prévisibilité. Pour l’Etat, cette loi du lieu du délit lui assure une unité de traitement, de régime, des atteintes aux biens, aux personnes qui se sont déroulées sur son territoire, y compris si c’est un juge étranger qui est saisi. Difficulté de la flèche de VEULTE, hypothèse dans laquelle un archer décoche une flèche qui traverse la frontière et blesse quelqu’un de l’autre côté de la frontière. Dans cette hypothèse les éléments constitutifs du délit, le fait et le dommage sont dissociés dans l’espace. Quand les éléments constitutifs du délit ne se situent pas dans le même pays, la règle de conflit se trouve un peu désarmée. Aujourd’hui, les délits que l’on appelle complexe donc qui sont dissociés géographiquement sont extrêmement nombreux et notamment les délits de presse et particulièrement les délits par voie d’internet. Avant l’entrée en vigueur de Rome II, le droit français considérait que les lois des deux pays avaient une égale vocation à s’appliquer. C’était au juge au cas pas cas d’identifier laquelle des deux avait les liens les plus étroits, les plus significatifs, donc une relative imprévisibilité pour les parties. Le règlement Rome II dit dans son article 3 que c’est la loi du lieu du dommage qui s’applique quel que soit le lieu du fait générateur : c’est la « lex damni » et non pas la « lex actus ».

Section 5 : Le statut des formes

Ici aussi la règle de conflit peut s’exprimer dans sa version latine « locus regis actum » : le lieu régit l’acte c'est-à-dire les conditions de forme du contrat sont soumises à la loi du lieu de sa conclusion, c’est la règle traditionnelle. Elle est justifiée par la commodité car les parties à l’acte sont sensé connaitre la loi du lieu où ils se réunissent pour signer et conclure le contrat, et favorise la sécu juridique mais également tend à favoriser la validité en la forme. Pour favoriser la validité en la forme des actes juridiques on a rendu cette règle facultative en

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ce sens que le contrat est valable en la forme s’il satisfait les conditions de forme posées par la loi du lieu où il est conclu mais aussi s’il satisfait à la loi qui régit le contrat au fond. C’est un signe de faveur qui atteint son paroxysme dans la convention de la Haye sur la validité des formes du testament. C’est la règle traditionnelle pour la forme des contrats mais il y a d’autres actes juridiques.On peut considérer que la règle est générale et s’applique à tout acte juridique et notamment aux mariages. Les conditions de forme du mariage sont soumises à la loi du lieu où le mariage a lieu. Important : contrairement au contrat, le rattachement n’est pas facultatif ou alternatif, il n’y a qu’une loi qui puisse valider un mariage ne la forme, c’est celle du lieu de célébration.

Ce qui est difficile en matière de forme c’est définir la catégorie. Qu’est ce qui est de la forme en DIP ? La solennité (forme exigée à peine de nullité) est une forme au sens du DIP : confirmation CCass 23/01/2001 à propos d’une donation, le code civil impose la forme notariée ad validitatem or en l’espèce donation faite à Nice sous seing privé donc nulle.Autre type de forme : forme habilitante par ex l’habilitation d’un incapable, les conditions du pouvoir d’un dirigeant social pour engager la personne sociale. Ce type de condition de forme ne relève pas de la catégorie forme en DIP, c’est la loi applicable au fond qui s’appliquera à ces formes là. Idem pour les mesures de publicité par ex pour les besoins du transfert de propriété d’un immeuble, c’est la loi du fond, en matière immo c’est la loi du lieu de l’immeuble.Enfin, il y a la forme mode de preuve. La charge de la preuve et les présomptions relèvent de la loi du fond. Pour l’admissibilité des modes de preuve, concurrence entre la loi du for, la loi du fond et la loi du lieu de conclusion. L’administration c'est-à-dire la possibilité pour le juge d’avoir un expert, d’entendre un témoignage, etc. c’est la loi du for.

Section 6 : Les régimes matrimoniaux

Règle de conflit dualiste :1) Les parties peuvent choisir la loi applicable à leur régime matrimonial.2) A défaut de contrat de mariage ou de choix express d’un régime légal

national, la loi applicable est celle de la 1ère résidence habituelle commune des époux.

Section 7 : Les successions

2 règles de conflits différentes :

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1) Les successions immo sont régies par la loi du lieu de situation de l’immeuble. L’immeuble a une force d’attraction importante.

2) Les successions mobilières sont régies par la loi du dernier domicile du défunt.

On rattache la succession mobilière à la dimension perso de l’opération et non pas à la dimension réelle de l’opération.

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TITRE 2 : Mise en œuvre de la règle de conflit

D’une part elle définit une catégorie et d’autre elle affecte à cette catégorie un rattachement. Le raisonnement que l’on appelle conflictualiste ou conflictuel se décompose en 3 temps :- Il faut identifier la catégorie dans laquelle on va classer la question posée

au juge : opération de qualification (chapitre 1). On a donc une règle de conflit.

- Mettre en œuvre la règle de conflit, plus précisément le critère de rattachement. On identifie quelle sera la loi nationale applicable au problème (chapitre 2).

- On applique cette loi. Si la loi est étrangère, elle peut être évincée sur le fondement de l’ordre public internationale c'est-à-dire en raison du fait que son application produirait des conséquences contraires aux valeurs fonda du for (chapitre 3)

Enfin, il y a des complications d’ordre temporel (chapitre 4).

CHAPITRE 1 : La qualification

La règle de conflit de loi est une règle de droit, elle s’impose donc en tant que tel au juge. Le juge est tenu par les règles de droit mais la règle de conflit n’est pas nécessairement relevée d’office par le juge. Schématiquement, le juge doit appliquer d’office la règle de conflit dans les matières où les parties n’ont pas la libre dispo de leur droit, statut perso (matière indispo). Dans les autres matières qui donnent lieu à des droits dispos, le juge peut appliquer d’office mais il n’est pas obligé. Il devient obligé de mettre en œuvre la règle de conflit si l’une des parties le demande. En pratique, il suffit que les parties se taisent et le juge pourra appliquer la loi française. Pour l’instant on fait abstraction de cet aspect procédural pour s’intéresser à la situation idéale.

Qualification = Coller une étiquette juridique sur des faits, c’est déterminer la nature d’une situation de fait ou d’une question de droit afin de la rattacher ou de la classer dans une catégorie typique. Cette 1ère démarche de la qualification, on peut la décomposer en 2. Il faut d’abord définir la question posée et classer la question ainsi définie.

Section 1 : Définition de la question posée : l’objet de la qualification

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§1 : Principe

En droit interne, on qualifie les faits. En DIP c’est plus complexes car certaines institutions de droit étranger ne sont pas connues du droit français ou sont très différentes de celles du droit français de telle façon que l’on peut douter de la qualification d’une institution qui n’est pas connue du droit français. Le Trust ne rentre pas de façon évidente dans une catégorie du droit français.En principe, on qualifie la question de droit posée au juge. Qu’est ce que c’est ? Ce sont les faits + les prétentions du demandeur et défendeur.Ex : fait= je suis victime d’un accident de la circulation. Prétention : je demande la réparation du préjudice. Le dommage subit est il réparable ? Si oui à quelles conditions ? Et si les conditions sont réunies combien je gagne ?Dans certaines hypo, il y a des difficultés.

§2 : Difficultés

Ex classique : une des parties fait une demande qui procède direct d’une règle ou d’une institution du droit étranger : affaire BARTHOLO CA Alger 24/12/1889 (grand arrêt n°9) : Deux époux anglo/maltais domiciliés en Algérie. Le mari meurt, l’épouse demande le bénéfice de la quarte du conjoint pauvre en particulier bénéfice sur un immeuble située en Algérie. Or, la quarte du conjoint pauvre est une institution spé du droit anglo/maltais qui n’existe pas en droit français. Problème au niveau de la qualification : est ce que c’est dans la catégorie régime matrimoniaux ou succession ? L’enjeu est important car si c’est catégorie régime matrimoniaux, c’est la loi maltaise qui s’applique, 1er

domicile des époux. Au contraire, si cela relève de la catégorie succession immo, c’est la loi du lieu de l’immeuble donc la loi française. Il faut qualifier la quarte du conjoint pour la classer dans la catégorie du for alors même que l’institution n’existe pas en France donc il faut faire un travail d’adaptation. Pour cela, il faut étudier la structure de cette quarte. En l’espèce, la cour d’Alger considère que cela relève des régimes matrimoniaux car selon elle l’esprit de la quarte du conjoint pauvre est de répartir entre les époux ce qu’ils ont acquis pendant leur vie commune donc on est bien dans un mécanisme de régime matrimonial. Et donc « la qualification en DIP consiste à placer l’étoffe juridique étrangère dans les tiroirs du système national » (MELCHIOR).

2ème type de difficulté plus fréquent : le plaideur pose une question en termes généraux or cette question pour les besoins du DIP doit être décomposé en sous question car les questions qui se succèdent relèvent de catégories différentes.

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Ex : une dette de loyer d’un appartement d’habitation se transmet elle au cousin du locataire décédé ? Plusieurs questions : la dette de loyer d’éteint elle au décès du locataire ? Cette question sera tranchée par la loi de la dette en l’occurrence la loi du contrat de location donc du lieu de l’immeuble. La dette est elle transmissible par principe ? C’est toujours la loi du contrat qui répondra à cette question. Puis, le cousin succède t il ? Ici, c’est la loi applicable à la succession qui le dira, une obligation contractuelle étant un meuble c’est la loi de la succession mobilière.

Section 2 : Classement de la question dans une des catégories du for

§1 : Méthode

C’est la question de la loi applicable à la qualification, selon quelle loi qualifie t on ?

A : DIP national

La qualification d’une question de droit peut être différente dans les systèmes juridiques en présence c'est-à-dire en conflit.Ex : la prescription extinctive d’une obligation, en droit français c’est une question de fond. En droit anglais, la prescription est une question procédurale et en matière de procédure c’est aussi la loi du for comme en droit français. Donc si on a un contrat franco/anglais, les droits sont en conflit, quelle qualification doit on retenir ? Fond ou procédure ?Ex2 : Affaire CARASLANIS 12/06/1955 (grand arrêt n° 25) : un grec orthodoxe et une française se marient en France devant le maire et sans cérémonie religieuse puis le mari prétend que le mariage est nul car en droit grec la cérémonie religieuse est une condition de fond du mariage. L’épouse rétorque que c’est une condition de forme, en droit français la célébration à l’église et devant le maire est seulement une condition de forme.La solution à cette question : selon quelle loi qualifie t on ? Il faut qualifier « lege fori », c'est-à-dire selon la loi du for et non pas « lege causae » c'est-à-dire la loi de la cause. Pourquoi doit-on qualifier selon la loi du for ? D’abord une raison logique, la qualification est la 1ère étape du raisonnement, c’est la qualification qui permet de classer dans une catégorie qui permettra de désigner le droit applicable donc on ne peut pas mettre la charrue avant les bœufs en soumettant la qualification à la loi applicable qu’on ne connait qu’à la dernière étape. Pour qualifier, le juge n’a qu’un seul système juridique

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pertinent : c’est le sien. Autre raison juridique : la règle de conflit est une règle de droit, la question de la qualification est une question d’interprétation de la règle de droit, de son domaine, il est donc naturel que le juge français interprète une loi française selon le droit français. C’est BARTIN, le particularisme, qui a démontré la pertinence de la qualification lege fori : avant l’identification de la loi applicable il faut et on ne peut que qualifier selon la loi du for, la loi étrangère n’intervient pas à ce stade.

B : DIP communautaire

Il prône des interprétations autonomes, uniformes donc pour les besoins de la mise en œuvre des règles de conflit d’origine communautaire (Rome 1 et Rome 2) les qualifications sont autonomes qui essaient de se concilier avec les qualifications des Etats membres. Parfois, les notions sont définies dans les textes eux-mêmes. Quand ça n’est pas le cas, c’est l’interprète des textes communautaires qui se prononce donc la CJCE qui a un rôle important en matière de qualification pour la mise en œuvre des règles de conflit européenne. En outre, dans les derniers règlements, les préambules prônent une interprétation uniforme entre les différents instruments.Ex : qualification communautaire différente de la qualification du droit français pour les besoins de l’article 5 §1 de Bruxelles 1, c’est le juge compétent en matière contractuelle. Dans le cadre de la mise ne œuvre de cette règle de conflit, la CJCE a du définir la notion de contrat comme « un engagement librement assumé d’une partie envers une autre » : CJCE 17/06/1992 JACOB HANDTE. En vertu de cette définition, la CJCE a estimé que l’action directe du sous acquéreur à l’encontre du fabricant n’était pas de nature contractuelle alors qu’en France cette action directe est de nature contractuelle.

§2 : Solution

On transpose aux relations internationales les qualifications internes. Il faut une souplesse. Il y a deux types de problèmes à résoudre, on est parfois confronté à une absence de catégorie ou au contraire à un conflit de catégorie.

Absence de catégorie : la question de droit s’adosse sur une institution sue nous ne connaissons pas. Ex : union polygamique n’est pas un mariage au sens du droit français. On assouplit les catégories du for raisonnablement. Il faut rechercher dans l’institution étrangère le noyau dur de la catégorie du for et le moyen le plus utile est de rechercher la fonction de l’institution étrangère. Donc sur la fonction de l’union polygamique, elle remplit une fonction sociale

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comparable à celle du mariage c'est-à-dire institué une cellule familiale constituée par des liens pérennes entre les époux et entre les parents et les enfants. Donc on classe le mariage polygamique dans la catégorie mariage. Si les 2 époux sont de nationalité qui admettent le mariage poly, selon la règle de conflit française ce mariage sera valable.

Conflit positif : Exemples :- Le Trust : transfert de propriété de certains biens par le constituant au

trustee à charge pour ce dernier de gérer les biens pour le compte d’un tiers qui est le bénéficiaires. La particularité étant que les biens sous trust ne peuvent être saisis ni par les créanciers du constituant ni par les créanciers du trustee. Parfois le trust a un but successoral, celui qui va mourir transfert la propriété des biens à une personne qui le gère pour les futurs héritiers. Dans certains pays, cela peut constituer une fraude notamment fiscale car droit de succession évité, fraude aussi pour héritiers réservataires. Mais le trust n’est pas forcément successoral, cela peut être purement éco d’ordre contractuel qui consiste pour ce cas là à affecter une partie de son patrimoine à telle activité éco, on est donc plus proche d’une société commerciale. En fonction de la fonction, on classera le trust dans la catégorie succession ou dans la catégorie commerciale et la règle de conflit sera différente.

- Arrêt SILVIA 25/06/1957 (grand arrêt 29) : question de conflit de catégorie que l’on s’est posé qui est maintenant réglé. Une femme italienne fait une donation à son frère d’un bien indivis situ » en Tunisie puis se ravisant, demande l’annulation de la donation pour grave dépression nerveuse au moment de la donation. Question : la dépression nerveuse est elle une cause de nullité du contrat ? Catégorie en conflits : vice du consentement (loi du contrat), incapacité (loi de la nationalité) ? Dans une loi de 1968, le législateur a édicté un article 489 du code civil placé dans le chapitre des majeurs incapables qui dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d’esprit : l’insanité d’esprit est une cause d’incapacité et non pas une cause de vice du consentement. Mais question posée avant 1968 et c’était discuté par les civilistes. L’arrêt SILVIA qualifie la grave dépression nerveuse à une incapacité naturelle, qui n’existe pas en droit interne, derrière cette expression soucis de la CCass de rattacher l’insanité d’esprit à un état permanent et donc cela la conduit à la rattacher à l’incapacité ce qui implique l’application de la loi de la nationalité. En DIP vertu de permanence et stabilité car Mme Silvia a donné ou conclu des contrats avec plusieurs personnes peut être, l’avantage de soumettre la sanction de l’insanité d’esprit à la loi

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nationale c’est que la solution sera la même pour 10 contrats conclus dans 10 Etats différents : c’est la loi italienne qui dira si la dépression nerveuse est cause de nullité du contrat. Ceci entraine une conclusion sur la qualification : on doit choisir de classer la question de droit dans une catégorie plutôt qu’une autre en fonction de la nature de cette question mais aussi en fonction du rattachement affecté à la catégorie que l’on choisit dans un but, celui de classer la question dans la catégorie à laquelle est affectée le rattachement qui lui convient le mieux. C’est la finalité du DIP du conflit de loi : soumettre les questions aux lois les mieux adaptées en fonction de leur nature.

Jusqu’ici on s’est intéressé à la qualification préa. Il y a une autre qualification : qualification en sous ordre. La qualification en sous-ordre intervient après avoir sélectionné la règle de conflit. Un juge français est saisi d’une rupture de pourparler entre un Français et un Allemand. L’auteur de la rupture est la partie française. La victime de la rupture, la partie allemande subit son préjudice en Allemagne. Le juge français est saisi. Conformément aux catégories du droit français, il qualifie cette situation de fait dommageable, donc on est dans la catégorie délit. C’est la qualification qui sert à sélectionner la règle de conflit. Si on se réfère à Rome II, c’est aussi la catégorie délit. Il met en œuvre la règle de conflit délictuelle qui désigne la loi du lieu du délit et plus précisément la loi du lieu du dommage. C’est donc la loi allemande qui est désignée comme applicable à ce litige. C’est ici qu’intervient la qualification en sous-ordre. La qualification en sous-ordre signifie qu’on va traiter la question de cette responsabilité éventuelle de la partie française selon les qualifications du droit allemand. Or, en droit interne allemand, la faute précontractuelle donne lieu à une responsabilité de type contractuel. Le juge français va appliquer à ce litige le droit allemand de la responsabilité contractuelle. Il aura qualifié en sous-ordre le régime applicable selon les qualifications du droit interne allemand alors qu’en amont du raisonnement, il aura sélectionné la règle de conflit selon la loi du for. La qualification en sous-ordre se fait lege causae.

Rome II ne remplace pas une convention internationale, c’est une création du droit communautaire. Ce règlement s’applique aux délits survenus après le 11 janvier 2009. Pendant quelques années, il faut connaître les deux.

CHAPITRE 2 : Mise en œuvre du rattachement

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Nous avons passé la qualification, on a classé la question dans une catégorie, maintenant, il faut mettre en œuvre le critère de rattachement que prévoit cette catégorie pour désigner la loi applicable. Le critère de rattachement peut renvoyer à deux pays donc à deux lois. Il existe des difficultés techniques de mise en œuvre du rattachement. Au stade de la mise en œuvre du rattachement, il y a une institution problématique qui est le renvoi.

Section 1 : Position du problème : le conflit de rattachements

Qu’est ce que le renvoi ? Le renvoi apparaît comme une anomalie dans le raisonnement conflictuel par rapport à ce qu’on a appris et compris jusqu’à aujourd’hui. Mais cette anomalie est justifiée pour des raisons pragmatiques. Le renvoi vient d’une donnée qu’on appelle le conflit de rattachement. C'est à dire deux pays donc deux systèmes de DIP différents retiennent la même qualification pour une question donnée mais ils adoptent des rattachements différents.Exemple : Les droits de deux enfants sur le compte bancaire de leurs parents décédés. C’est un problème de succession mobilière. En France, la loi applicable est celle du dernier domicile du défunt. La règle de conflit allemande désigne la loi nationale du défunt. Cette situation peut donner lieu à deux types de conflit de rattachement.

A : Premier cas : le conflit positif de rattachement

L’hypothèse est la succession mobilière d’un allemand résidant en France et décédé en France. Si le juge français est saisi, il applique sa règle de conflit qui désigne la loi de dernière résidence du défunt donc la loi française, il applique donc le droit français des successions. Si le juge allemand est saisi, il applique sa propre règle de conflit qui désigne le droit allemand. C’est une situation qui donne lieu au forum shopping parce que les enfants vont essayer de saisir le juge qui va désigner la loi qui leur sera le plus favorable. L’objectif à terme du droit communautaire est d’unifier le droit des Etats membres.

B : Deuxième cas : le conflit négatif

C’est l’hypothèse de fait qui change.Question de la succession mobilière d’un français domicilié en Allemagne. Si le juge français est saisi, il appliquera la loi allemande. Si le juge allemand est saisi, il appliquera la loi française. Selon le juge saisi, il va appliquer une loi

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différente, chaque juge va appliquer la loi de l’autre pays. Non seulement, il y a du forum shopping mais en plus le juge va devoir appliquer une loi étrangère. C’est dans cette hypothèse que l’on met en place le renvoi. Ça signifie qu’on va tenir compte de la règle de conflit du droit désigné par notre propre règle de conflit. C'est à dire dans cet exemple : le juge français est saisi, la règle de conflit désigne la loi allemande, on va demander à la règle de conflit allemande ce qu’elle en pense, or la règle de conflit allemande désigne la loi française. Si on accepte ce renvoi, le juge français appliquera la loi française. Si on n’accepte pas ce renvoi, on ne se préoccupe pas de ce que dit la règle de conflit allemande et on applique la loi allemande des successions.Le droit français accepte le renvoi comme mécanisme d’une manière générale.

Section 2 : Admission du renvoi en DIP français

C’est une anomalie parce que la règle de conflit est conçue pour identifier quelle est la loi la plus appropriée pour régler une question de droit.

§1 : Mécanisme du renvoi

A : Renvoi au premier degré

Le DIP français admet ce renvoi depuis l’arrêt FORGO du 24 juin 1878, grand arrêt n°7 : Il s’agissait d’une succession mobilière d’un Allemand qui avait vécu en France pendant 63 ans jusqu’à sa mort, mais qui n’avait jamais été admis à domicile en France (il fallait un décret ministériel pour être domicilié en droit en France). FORGO était domicilié en France en fait et domicilié en Allemagne en droit. Or, la règle de conflit française soumettait la succession mobilière à la loi du domicile de droit, donc la loi allemande, tandis que la règle de conflit allemande désigne la loi du domicile de fait, donc la loi française. La Cour de cassation dans cet arrêt raisonne en trois étapes :- La règle de conflit française désigne la loi allemande- La Cour de cassation constate que la règle de conflit allemande désigne

le droit français- La Cour de cassation décide qu’il faut accepter le renvoi fait par le

système allemand à la loi française.

Par la suite, la Cour de cassation a admis le renvoi dans plein d’autres domaines, principalement dans le statut personnel : la capacité, la filiation, en matière de successions mobilières ou immobilières.

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Cela signifie que l’ordre juridique désigné par la règle de conflit française désigne lui la loi française et on dit que le droit français accepte le renvoi.

B : Renvoi au deuxième ou nième degré

Ici l’ordre juridique qui est désigné par la règle de conflit du for ne renvoie pas à la loi du for mais à une autre loi, à la loi d’un troisième pays.Exemple : le juge français est saisi de la capacité d’un Anglais domicilié au Danemark. La règle de conflit française désigne la loi nationale donc le droit anglais. On interroge la règle de conflit anglaise qui désigne la loi du domicile de l’individu, donc la loi danoise. À partir de là, il y a deux possibilités :- La loi danoise désigne elle aussi la loi du domicile, donc la loi danoise. Ici

on dit que la loi danoise accepte le renvoi, parce que la règle de conflit danoise retient le même rattachement que la règle de conflit anglaise. Le juge français appliquera donc la loi danoise.

- La règle de conflit danoise ne renvoie pas à la loi du domicile, mais renvoie par exemple à la loi de la nationalité. On a appelé ça le jeu de miroirs voire le tennis international. Dans cette hypothèse, il faut trouver une solution. Ici, on renonce au mécanisme de renvoi lui-même. Quand on renonce au mécanisme du renvoi, on s’en tient à la solution prônée par la règle de conflit du for qui désigne la loi anglaise. Le juge français appliquerait la loi anglaise.

La Cour de cassation a admis ce renvoi au deuxième degré d’abord implicitement dans un arrêt DE MARCHI du 7 mars 1938 (grand arrêt n°16). Ensuite la Cour d’appel de paris l’a admis explicitement. Dans un arrêt du 21 mars 2000, la Cour de cassation l’a admis explicitement dans lequel elle énonce : « la loi successorale en matière immobilière est celle du lieu de situation des immeubles sous réserve du renvoi éventuel opéré par la loi étrangère de situation de l’immeuble (il faut comprendre par la règle de conflit du système juridique de situation de l’immeuble) à une autre loi et spécialement à celle du for ». La Cour de cassation accepte explicitement le mécanisme du renvoi. Il faut accepter tous les renvois, au premier degré, au second, voir au troisième.

Peut-il y avoir un renvoi au-delà du deuxième degré ? Dans l’absolu oui. Mais en pratique, ça devrait être extrêmement rare et de fait, il n’y a pas d’exemple jurisprudentiel. Car même si les Etats ne retiennent pas tous le même rattachement, en droit comparé, il n’y a quand même pas dix rattachements possibles pour une même catégorie. Par catégorie, il y a deux ou trois

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rattachements possibles. Ce mécanisme est admis par beaucoup de pays. Les différents pays l’admettent de manière plus ou moins large.

C : Caractère obligatoire

Le renvoi s’impose au juge. Par conséquent, le juge français doit vérifier les règles de conflit du droit désigné par la règle de conflit du for. Si la règle de conflit de la loi étrangère retient le même rattachement que la règle française, il n’y aura pas de renvoi. Au contraire si la règle de conflit de la loi étrangère désignée par la règle de conflit française ne retient pas le même rattachement, il risque d’y avoir renvoi. La Cour de cassation ne contrôlera pas la bonne application par le juge français de la règle de conflit étrangère.

§2 : Justification du renvoi

Après l’arrêt FORGO, la doctrine s’est déchaînée contre le renvoi et notamment Bartin. Pour lui, le renvoi était un abandon de souveraineté parce que si la France prend la peine d’édicter des règles de conflit en choisissant des règles de rattachement qui conviennent à la matière, à quoi ça sert d’interroger la règle de conflit étrangère ? C’est renier la règle de conflit française juste après l’avoir mise en œuvre. C’est reconnaître que la règle de conflit française ne règle pas le conflit. On a répondu à Bartin qu’en réalité, il ne s’agit pas d’appliquer la règle de conflit étrangère. On s’est donc rassuré en disant que c’était la règle de conflit du for qui prenait en considération les règles de conflit étrangère. Au nom d’abord de la coordination des systèmes et ensuite au nom de la simplification, on accepte de faire ça.

A : Renvoi au deuxième degré

Un auteur allemand a démontré l’intérêt du renvoi en prenant un exemple dont il était très fier. Tellement fier, qu’il l’a appelé le « rocher de bronze » de Raape : Un Oncle et sa nièce de nationalité suisse tous les deux se marient en Russie où ils sont domiciliés. Les deux tourtereaux sont tranquilles parce que le juge russe appliquera la loi russe à la validité de ce mariage car la règle de conflit russe désigne la loi du lieu de célébration pour les conditions de forme et de fond du mariage. Même chose pour la règle de conflit suisse. La loi russe admet le mariage entre oncle et nièce. Les époux se retrouvent installés en France. Le juge français est susceptible d’être saisi un jour ou l’autre, la règle de conflit française désigne la loi nationale des époux pour les conditions de fond du mariage. La loi suisse annule ce mariage pour inceste. À partir de là, Raape

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dit que si le juge français est saisi et qu’il n’applique pas le mécanisme du renvoi, il va appliquer la loi suisse et le mariage des deux époux sera nulle. Donc c’est contraire à la continuité des situations individuelles. C’est contraire à l’harmonie internationale des solutions. Si le juge français admet le mécanisme du renvoi, il met en œuvre le mécanisme qui désigne la loi suisse, la loi suisse désigne la loi russe, si le français admet le renvoi, le mariage reste valable. Donc le renvoi au deuxième degré est une espèce de succès d’année à l’unification des règles de conflit. Grâce au renvoi, on coordonne des systèmes qui sont différents, on parvient à la même solution que si les règles de conflit étaient les mêmes.

B : Renvoi au premier degré

La Cour de cassation a dit dans un arrêt SOULIE du 9 mars 1910 que c’est pour des questions de commodité. La Cour de cassation dit qu’il n’y a que des avantages à accepter le renvoi au premier degré, c'est à dire appliquer la loi française alors que la règle de conflit française désignait une autre loi. Deuxième avantage, la Cour de cassation contrôlera sa bonne application. Troisième avantage, elle a un lien avec le litige. La preuve : la règle de conflit étrangère la désigne. Mais, la règle de conflit française ne la désignait pas puisqu’elle désignait une loi étrangère. Donc d’après les conceptions du for, les liens entre la loi française est le litige sont moins importants que ceux de la loi étrangère, mais un lien existe quand même puisque la règle de conflit étrangère le dit. La Cour de cassation est pragmatique, c’est plus commode d’appliquer la loi du for.Il est apparemment illégitime de privilégier la loi du for, puisque le DIP n’est pas là pour privilégier une loi. On considère que la loi du for a toujours vocation à s’appliquer. Il y a d’autres occasions, d’autres raisons de préférer la loi du for. Le DIP est une matière pragmatique qui dit : il faut répartir les questions, mais si on a une occasion d’appliquer la loi du for, saisissons-la.Autre justification du renvoi. Arrêt du 11 février 2009, dans le cadre d’une succession mobilière et immobilière internationale. « Le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles. » Cet attendu est doublement intéressant. D’abord, il montre que la Cour de cassation utilise le renvoi pour simplifier : le renvoi oui mais si ça permet d’utiliser une autre loi pour toute la succession. Ensuite, la Cour de cassation dit que « le renvoi ne peut être admis que si » donc elle pose une restriction. On n’accepte plus de façon générale le mécanisme du renvoi, on ne l’accepte

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plus par principe, la Cour de cassation poserait une condition supplémentaire. Il faudrait que ça produise un certain résultat, en l’espèce l’unification de la loi applicable à la succession mobilière et immobilière. On verra si la Cour de cassation continue dans cette voie, si elle étend cette condition à d’autres catégories.

Section 3 : Domaine du renvoi

Depuis 1878, le renvoi est admis en principe. Le renvoi est le principe. En pratique, il est exclu dans de nombreux domaines. Sa réalité en droit positif n’est pas si importante que ça. On pourrait dire que le domaine des exceptions est plus large que le domaine du principe. D’une manière générale, on peut fixer un critère qui est très large et souple pour identifier les matières exclues : le renvoi est exclu lorsqu’il n’est pas conforme au sens, au fondement de la règle de conflit.

§1 : Exclusion du renvoi dans le domaine de la loi d’autonomie

C’est du droit positif. En matière de contrat et de régimes matrimoniaux, c’est-à-dire les deux matières dans lesquelles les parties peuvent choisir la loi applicable, le renvoi est exclu, pour des raisons de bon sens. Les parties choisissent une loi à leur contrat qu’elles estiment la mieux adaptée. Les parties s’intéressent à la loi substantielle, elles ne choisissent pas les règles de conflit d’un pays. Lorsque les parties au contrat ne choisissent pas la loi applicable, il y a une règle de conflit subsidiaire qui permet de localiser le contrat au lieu avec lequel il entretient les liens les plus étroits. Dans ce cas, on pourrait accepter qu’on admette le renvoi, mais on l’exclut aussi.

§2 : Exclusion du renvoi dans le domaine des règles de conflit reposant sur un fondement de proximité ?

Si la règle de conflit demande au juge de localiser le rapport de droit dans le pays avec lequel il entretient les liens le plus étroit. Si on accepte le renvoi dans ce cas, on méconnaît l’objectif de la règle de conflit puisque par hypothèse la règle de conflit consiste à rechercher le pays le plus proche. La Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur cette question, tout ceci est doctrinal. La proximité ne supporte pas le renvoi.

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§3 : Exclusion du renvoi dans le domaine de la règle locus regit actum ?

Avant l’entrée en vigueur de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, on distinguait deux cas. Elle a mis en place la règle de conflit alternative. Avant la convention de Rome, le renvoi était exclu s’il avait pour conséquence d’accroître les exigences de forme, c'est à dire s’il renvoyait à une loi plus sévère sur la forme. Quand le renvoi se faisait vers une loi moins sévère sur la forme, on l’acceptait. C’était un renvoi in favorem qui était conforme à la finalité de la règle de conflit, à son sens. Aujourd’hui, le renvoi est expressément exclu en matière contractuelle par la Convention de Rome (article 15) et par le règlement (article 20) qui la remplace. Le renvoi est exclu par ces deux textes que ce soit pour le fond ou pour la forme. Le renvoi au deuxième degré permet l’harmonie des solutions. Cette anomalie même justifiée a un domaine assez étroit parce qu’elle est exclue dans le domaine de la loi d’autonomie, parce qu’on considère que quand les parties choisissent une loi elles choisissent la loi matérielle.Le renvoi est exclu lorsque la règle de conflit est fondée sur un principe de proximité. Le renvoi est exclu si la règle de conflit prescrit au juge d’appliquer la loi du pays qui a les liens les plus étroits. Dans ce cas, le juge va rechercher quelle est loi qui a les liens les plus étroits. Une fois qu’il a trouvé cette loi, il a respecté à 100% la règle de conflit. En revanche, si la règle de conflit est basée sur un principe de proximité, mais qu’elle pose une présomption (la loi qui est présumée avoir les liens les plus étroits…), à ce moment, le renvoi peut être envisagé dans la mesure où il pourrait permettre de désigner une loi qui a des liens encore plus étroits.

§4 : Exclusion du renvoi dans le domaine des règles de conflit à caractère substantiel

En présence d’une règle de conflit à caractère substantiel, l’auteur de la règle de conflit poursuit un but substantiel. Par conséquent, cet objectif pourrait être déjoué par le renvoi.Exemple de la loi applicable à la forme du contrat. Si on interrogeait les règles de conflit de ces lois, elles pourraient renvoyer à un ordre juridique plus sévère en matière de forme. Donc le but de l’auteur de la règle de conflit qui est de faciliter la validité formelle, risquerait d’être méconnu. On s’est demandé si on ne pouvait pas admettre le renvoi in favorem, c'est à dire un renvoi qui désignerait une loi encore plus favorable à la validité formelle du contrat. En réalité non parce que dans la règle de conflit à finalité substantielle, l’auteur de

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la règle poursuit un objectif mais pas à n’importe quel prix. Si on admettait le renvoi in favorem, on irait au-delà de la faveur voulue par le législateur. Donc on y renonce également. Pour les règles de conflit substantiel, c’est à l’auteur de la règle de choisir l’étendue de la faveur ou de la défaveur. Si on admettait le renvoi, on contrarierait l’auteur de la loi.

§5 : Exclusion expresses

Cette catégorie n’exclut pas les précédentes. Il peut y avoir des exclusions expresses qui sont justifiées par ailleurs par les raisons données dans les autres paragraphes. Mais dans ces cas, l’auteur de la règle de conflit a prévu expressément qu’il n’y aura pas de renvoi.

A : Dans les conventions internationales et dans les règlements européens

Exemple de formulation de l’exclusion du renvoi : article 15 de la convention de Rome : « Lorsque la présente convention prescrit l’application de la loi d’un pays, elle entend les règles de droit en vigueur dans ce pays à l’exclusion des règles de droit international privé ». Dans le règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, le renvoi est exclu dans les mêmes termes. On peut considérer que le renvoi est toujours exclu dans les règlements européens. La loi d’un pays s’entend la loi du pays à l’exclusion des règles de DIP.Dans les conventions de la Haye, l’exclusion du renvoi est moins explicite : les conventions de la Haye définissent la loi applicable comme « la loi interne de l’Etat signataire ». Pourquoi ? Parce qu’elles unifient les règles de conflit. Dès lors que les règles de conflit sont unifiées entre Etats membres ou entre Etats parties, il ne peut plus y avoir de renvoi puisque tous les Etats ont la même règle de conflit avec le même critère de rattachement.D’autre part, pour des raisons de simplicité, les conventions internationales préfèrent exclure le renvoi.

B : Autres cas

Exemple jurisprudentiel : la jurisprudence exclut le renvoi pour l’article 311-14 du Code civil qui désigne la loi applicable en matière de filiation. Dans un arrêt du 11 mai 1976, la jurisprudence dit que cet article contient une désignation directe et impérative de la loi applicable. Cette décision a été critiquée. En l’absence de justification, on a critiqué en disant que dans ce cas le renvoi

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pourrait être utile. Le rattachement à la loi de la mère est un bon rattachement, mais il arrive en pratique que la mère ait une nationalité et que l’enfant et le père prétendu (en cas de recherche de paternité) aient la même nationalité tous les deux, donc une nationalité différente de celle de la mère. Dans ce cas, on a dit que cette loi de la nationalité commune de l’enfant et du père prétendu, était plus proche, donc on aurait pu permettre le renvoi à la nationalité commune de l’enfant et du père. Depuis 1976, il n’y a pas eu d’autre arrêt sur ce sujet. Peut être que la jurisprudence serait plus cool maintenant.

Conclusion : Les matières où le renvoi est exclu peuvent être classées en trois catégories : soit en raison de la liberté laissée aux parties de choisir la loi, soit en raison de la nature de la règle de conflit, son fondement, l’objectif qu’elle poursuit, en un mot son sens, soit en raison de la volonté de l’auteur de la règle ou de l’interprète de la règle. Mis à part ces matières où le renvoi est exclu pour des raisons de fond, parce que le législateur ou le juge l’ont voulu, le renvoi reste juridiquement, théoriquement, le principe en dip français et trouve son domaine d’épanouissement dans les matières où la règle de conflit repose sur un fondement de souveraineté, c'est à dire d’emprise du pouvoir de l’Etat sur les hommes ou les territoires.

Section 4 : Le renvoi de qualification

Le renvoi de qualification n’est pas admis en droit français.

§1 : Position du problème

Une même question de droit (faits + prétentions) peut répondre à des qualifications différentes dans les différents pays. La célébration du mariage devant une autorité religieuse. En droit français, c’est une condition de forme du mariage, mais dans d’autres pays c’est une condition de fond. Selon les systèmes juridiques, il y a des variations dans les qualifications. Quand les deux ou trois systèmes juridiques en cause retiennent des qualifications différentes, on a un conflit de qualification. On a vu que ce conflit de qualification en droit français est résolu par la qualification lege fori, ce qui signifie qu’on ne se préoccupe pas des qualifications retenues par les autres pays concernés au stade de la sélection de la règle de conflit. Au stade du rattachement, on tient compte des rattachements retenus par les autres pays.

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§2 : Exclusion du renvoi de qualification

La qualification lege fori signifie que l’on rejette le renvoi de qualification. Dans un arrêt du 3 mars 1994, la Cour d’appel de Paris a exclu le renvoi de qualification à propos de la prescription en matière de responsabilité contractuelle. Le contrat était soumis à la loi anglaise. Or selon la loi anglaise, la prescription est une question de procédure. Or la procédure est soumise à la loi du for, à la loi du juge saisi. Si on avait admis le renvoi de qualification, ça voulait dire que le juge français acceptait la qualification du problème retenue par le juge anglais donc il aurait appliqué la loi française. La CA de Paris a dit non pas de renvoi de qualification, donc le juge français a appliqué la loi anglaise. La Cour de cassation a confirmé cette solution. Arrêt du 11 janvier 1997.Exemple : la responsabilité précontractuelle. Une société allemande et une société française négocient un contrat. Aux fins de la négociation, la société allemande a révélé un secret industriel à la société française, avec évidemment une obligation de confidentialité souscrite par la société française pendant la période de négociations. La société française rompt brutalement les négociations et divulgue le secret en Allemagne. La société allemande saisit le juge français et demande réparation de son préjudice du fait de la rupture et du fait de la divulgation d’un secret industriel sur son territoire. Admettons que le règlement Rome II n’est pas applicable. On est en droit international privé français et allemand antérieur à l’entrée en vigueur de Rome II. Le juge français qualifie de délit. Il sélectionne la règle de conflit délictuelle qui se rattache au lieu du délit. La loi du lieu du délit est la loi allemande : d’abord parce que le dommage est subi en Allemagne, ensuite parce que la divulgation a eu lieu en Allemagne. Mise en œuvre de la loi allemande, la loi allemande considère que c’est du contractuel. Donc le juge français va appliquer la loi allemande de la rupture précontractuelle.S’il y avait eu renvoi de qualification, le début du raisonnement serait le même. Le juge français qualifie de délictuelle, il prend la règle de conflit qui désigne le droit allemand. Si on admettait le renvoi de qualification, on interrogerait la qualification allemande or elle est contractuelle. Le juge français continuerait le raisonnement selon la qualification allemande, mise en œuvre de la règle de conflit allemande qui désigne la loi du débiteur de l’obligation caractéristique. Donc la qualification, selon le droit allemand, continuée par la mise en œuvre de la règle de conflit allemande conduirait à l’application du droit français dans cet exemple. Donc le juge français aurait appliqué le droit français. Si on avait admis le renvoi de qualification, on aurait pu le justifier par les mêmes raisons que le renvoi de rattachement, mais la jurisprudence française ne l’a pas admis.

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§3 : Quels remèdes au défaut de coordination des systèmes liés à la qualification lege fori ?

Les qualifications du DIP dépendent directement du droit interne.

A : Premier remède utopique : des qualifications universelles

Ça supposerait une étude titanesque de droit comparé d’où on dégagerait des catégories uniformes dans le monde entier.

B : Second remède : les qualifications régionales qu’on appelle autonomes

Dans le cadre de l’UE, les règlements Rome I et II pourraient être interprétés par la CJCE comme tous les règlements européens sur renvoi préjudiciel. Quand il y a une juridiction qui est compétente pour interpréter la règle de conflit régionale, c’est elle qui donnera la définition de la qualification autonome. À terme la CJCE définira toutes les catégories qui sont affectées d’une règle de conflit européenne. C’est plus difficile quand il n’y a pas de juridiction et notamment pour les conventions de la Haye. Les conventions de la Haye unifient les rattachements, mais ne se prononcent jamais sur les qualifications, parce que la qualification vient du droit interne. Même lorsque les règles de conflit sont unifiées, il peut toujours y avoir des différences d’un pays à un autre, qui sont dues non pas au rattachement mais à la qualification. C'est à dire que les Etats pourront donner des domaines différents aux règles de conflit qui sont par ailleurs unifiées. En général dans ces conventions internationales, il y a des dispositions floues dans lesquelles on demande aux Etats de faire un effort d’interprétation uniforme. Parfois, certaines questions, grâce à l’instrument international, font l’objet d’une qualification uniforme. Exemple : la culpa incontraendo. La faute précontractuelle dans les pays de droit civil et plutôt latin, c’est de la responsabilité délictuelle, alors qu’en Allemagne et dans les pays qui ont subi l’influence du droit allemand, c’était la qualification contractuelle. Avec le règlement Rome II, ce conflit de qualification est supprimé en Europe, puisque le règlement Rome II énonce explicitement que la faute précontractuelle entre dans son domaine donc le domaine des règles de conflit délictuelles. Pour le juge allemand, ça implique un changement de qualification.

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Section 5 : le problème de la question préalable

Le problème de la question préalable est une autre hypothèse dans laquelle on se demande s’il faut tenir compte des règles de conflit étrangères.

§1 : Position du problème

Exemple : une question de validité d’une adoption est posée au juge français. En droit français, la validité de l’adoption est soumise à la loi de l’adoptant. Les adoptants sont brésiliens donc application de la loi brésilienne. En appliquant la loi brésilienne, le juge français se rend compte qu’elle pose une condition préalable à la validité d’une adoption, cette condition préalable est l’absence d’enfant légitime. Selon le droit brésilien, on ne peut pas adopter si on a déjà des enfants légitimes. Donc le juge français va devoir vérifier si oui ou non il y a déjà des enfants légitimes. C’est une question préalable nécessaire à la résolution de la question principale.Quelle est la règle de conflit pertinente pour identifier la loi qui va trancher la question préalable : la règle de conflit du for ou bien la règle de conflit de la loi désignée pour trancher la question principale ?Il y a un souci d’harmonie des solutions. Si on veut privilégier au maximum l’harmonie des solutions, il faut interroger la règle de conflit de la loi désignée pour trancher la question principale. Parce que si on tient compte de cette règle de conflit, on se met dans la peau du juge brésilien. Le juge français jugerait comme aurait jugé le juge brésilien donc il y a une harmonie internationale de solutions car si la question est un jour posée devant le juge brésilien, elle sera jugée selon la même loi. La jurisprudence dit non. Elle dit non la règle de conflit est celle du for. Arrêt DJENANGI du 22 avril 1986, Civile 1. « S’il appartient à la loi successorale de désigner les personnes appelées à la succession et de dire notamment si le conjoint figure parmi elles et pour quelle part, il ne lui appartient pas de dire si une personne a la qualité de conjoint ni de définir selon quelle loi doit être appréciée cette qualité ». La loi successorale est la loi applicable à la succession et désignée par la règle de conflit française. Cette loi va désigner les personnes appelées à la succession et dire notamment si le conjoint est successible et quelle part lui revient. Mais la loi applicable à la succession n’est pas applicable à la qualité du conjoint, c’est un problème de domaine. La dernière partie répond au problème de la question préalable. La qualité de conjoint est la question préalable. Ce n’est pas la loi applicable à la succession qui va trancher la question préalable. On ne tient compte des règles de conflit étrangères que dans le cadre du conflit de rattachement.

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CHAPITRE 3 : Application et éviction de la loi étrangère

C’est la dernière étape du raisonnement, le juge va trancher le litige sur le fond en application de la loi désignée par la règle de conflit au terme du raisonnement examiné jusqu’à présent. On ne s’intéressera qu’à la loi étrangère et son application car quand la règle de conflit désigne la loi française, la résolution du litige ne présente pas de spécificité particulière par rapport au droit interne. Qui peut être amené à appliquer la loi étrangère ? Le juge et d’autres autorités peuvent être amenées à interroger le droit étranger par ex l’officier d’Etat civil devrait vérifier que la loi nationale des époux permet de se marier, une commission de surendettement peut avoir à vérifier si la créance d’une banque étrangère est valable selon la loi applicable à cette créance. Nous raisonnerons à propos du juge car dans la majorité des cas la question est posée au juge et même si cette question est posé à quelqu’un d’autre et qu’il y a une difficulté, c’est encore devant le juge que la question se posera. L’hypo sera que le juge français applique des dispos matérielles d’un droit étranger.

Section 1 : Application de la loi étrangère : aspects procéduraux

C’est la spécificité de cette section : aspects procéduraux du règlement du conflit de lois. 2 aspects. Comment le juge français fait pour appliquer la loi interne étrangère alors qu’il ne la connait pas ? Ces questions touchent à la preuve du contenu de la loi étrangère, à l’office du juge, à l’équivalence entre la loi française et la loi étrangère. Il faut d’abord s’interroger sur le statut procédural de la règle de conflit elle-même : est-elle obligatoire pour le juge ou les parties ? Ce sont les aspects procéduraux de la mise en cause du système de conflits de loi.Questions distinctes. En pratique, les fluctuations de la JP ont reliés pendant certaines années ces eux questions. Depuis 2005, il semble qu’on puisse à nouveau sur le plan pratique clairement distinguer les 2 même s’il y a des passerelles entre les 2.

§1 : Mise en cause du système de conflit (statut procédural de la règle de conflit) : caractère obligatoire de la règle de conflit

Pour apprécier le caractère obligatoire de la règle de conflit, il faut le faire vis-à-vis des parties et du juge.

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A : L’autorité de la règle de conflit à l’égard du juge

Le juge est il tenu d’appliquer la règle de conflit ?

1 : Cas dans lequel une partie invoque la règle de conflit ou une loi étrangère

Ici, comme en droit commun, le juge doit toujours répondre aux questions qui lui sont posées. Donc le juge devra répondre à la question de savoir si la loi étrangère s’applique ou non donc il doit consulter et mettre en œuvre la règle de conflit pour vérifier si la loi étrangère invoquée par une partie est bel et bien applicable et il devra ensuite ‘appliquer. Quand une partie l’invoque, le juge doit appliquer la règle de conflit. L’invocation de la loi étrangère par une partie peut être faite valablement en appel alors que la partie se serait tue en 1ère

instance.

2 : Cas où aucune partie n’invoque pas une loi étrangère

C’est la question principale et la plus difficile qui est celle de l’obligation pour le juge de relever ou non d’office la règle de conflit. Grands arrêts 32 à 34 et 74 à 78.

a : solution du droit positif

La JP française a évolué de façon chaotique sur cette question depuis 50 ans. Même si aujourd’hui les choses semblent s’être stabilisées, il est utile de rappeler les 4 étapes précédentes :- Arrêt BISBAL du 12/05/1959 : la CCass énonce que le juge peut appliquer

d’office la règle de conflit. Ce n’est qu’une faculté donc s’il ne le fait pas il ne peut pas être censuré par la CCass. Procéduralement, le litige est interne pour le juge même si la situation est internationale dans sa substance. La loi française étant apte à régler toute question de droit privé elle a une vocation subsidiaire à s’appliquer.

- Renversement total de tendance dans les arrêts REBOUH et SCHULE les 11 et 18 octobre 1988 : les juges doivent appliquer la règle de conflit. Dans ces arrêts il s’agissait dans le 1er de 311-14 et dans le 2ème de successions. Plus tard dans un arrêt du 4/10/1989 DE BAAT, la solution a été confirmée en matière de contrat. Le fondement de cette JP d’après la

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CCass est l’article 3 du code civil et l’article 12 du CPC qui dispose que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

- Arrêt COVECO du 4/12/1990 : la CCass commence à compliquer les choses. Le juge n’est pas tenu de mettre en œuvre d’office la règle de conflit dans une matière qui n’est soumise à aucune convention internationale et où les parties ont la libre disposition de leur droit. Cet arrêt pose deux critères à l’application d’office :

o La source de la règle de conflit : si cette source est une convention internationale, le juge doit relever d’office.

o Lorsque les parties n’ont pas la libre disposition de leur droit, le juge doit relever d’office, quand la règle de conflit est de source nationale.

Si on combine ces deux critères, il n’y a qu’un cas dans lequel le juge n’est pas tenu de relever d’office : en matière de droit disponible et en l’absence de convention internationale. Jusqu’en 1999, ces deux critères ont subsistés et un de ces deux critères a été attaqué par la doctrine (la source) : certes le traité est supérieur à la loi interne mais cette supériorité n’a d’intérêt que quand le traité est en conflit avec la loi interne or ici, il ne s’agit pas de trancher un conflit en terme hiérarchique de norme mais de s’interroger sur les devoirs du juge et donc de ce point de vue, la source de la règle de conflit n’a pas d’intérêt. Quand une norme internationale est en vigueur, elle s’intègre au droit français. Mais cette norme internationale sur le plan procédurale ne se distingue pas de la norme de source nationale autrement dit les auteurs disaient que la distinction quant à la source n’est pas justifiée. La CCass finit par entendre les critiques.

- Arrêts MUTUELLE DU MANS et BELAID du 26/05/1999, la CCass a supprimé le critère de la source. Désormais, l’application d’office a pour seul critère la libre dispo des droits. Avec ce nouvel état de la JP, tout le problème devient de définir quels sont les droits dispo et indispo.

En principe, sont indispo les droits extra patrimoniaux et donc sont dispo tous les autres. Précision : un droit indispo est un droit que l’on ne peut pas céder, auquel on ne peut pas renoncer, c’est un droit sur lequel la volonté individuelle n’a pas d’influence. Nos droits extra patrimoniaux sont en dehors du champ de notre propre volonté ceci pour nous protéger. Le droit patrimonial est celui qui peut être exprimé en valeur monétaire alors que le droit extra patrimonial ne peut pas. Liste approximative des droits indispo : état civil pour l’individu, relations perso entre les individus pour les droits familiaux notamment

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l’autorité parentale ou le droit de garde, entre les adultes époux c’est les effets perso du mariage comme la communauté de vie et le devoir de fidélité (statut perso individuel et familial), certains droits de la personnalité (droit au nom, à l’intégrité physique, à l’honneur, au respect de sa vie privée, droit moral de l’auteur, etc.). Tendance lourde en droit privé moderne à l’accroissement du rôle de la volonté dans le statut perso qui tend à rendre plus dispo des droits qui jusqu’à présent n’étaient pas dispo et au contraire il y a une intervention de plus en plus importante de l’Etat à travers l’ordre public dans les matières traditionnellement dispo par ex en droit de la conso, du travail, des contrats, etc. La frontière est de plus en plus floue. Le droit européen tend à rendre dispo des matières qui ne l’étaient pas auparavant.

b : conséquences sur les devoirs du juge

Quand il relève d’office obligatoirement pour les droits dispo et s’il le veut pour les droits indispo, il doit respecter les principes du contradictoire et le faire respecter (article 16 du CPC) : il doit inviter chaque partie et lui laisser le temps de se prononcer.Le juge doit relever d’office, 4 cas :- Si une partie invoque, le juge doit appliquer la règle de conflit. S’il ne le

fait pas son jugement sera cassé pour violation de la loi sous réserve de l’exception d’équivalence c'est-à-dire l’hypo dans laquelle l’application dans l’espèce concrète de la loi française conduit au même résultat identique que l’application de la loi étrangère normalement applicable.

- Les parties n’invoquent pas mais l’élément d’extranéité est dans le débat c'est-à-dire que l’une des parties invoque cet élément d’extranéité comme un fait mais sans invoquer la loi étrangère : le moyen est dans le débat. Le juge ne peut pas ignorer l’élément d’extranéité, l’internationalité de la situation. Ici on retombe sur la distinction de base, si les droits sont dispo il fait ce qu’il veut, si les droits sont indispo il doit relever d’office.

- Rien dans le dossier ni dans les débats ne laisse supposer que le litige est international. Ici, on ne peut pas reprocher au juge d’avoir appliquer la loi française. A supposer que la situation soit internationale, elle est au plan du contentieux purement interne sur le plan procédurale même si sur le plan substantiel c’est international. La vocation ici de la loi française est pleine et entière et donc le juge qui l’aura appliqué ne sera pas censuré.

- L’élément d’extranéité n’est pas dans le débat mais il apparait dans les pièces de la procédure. C’était le cas de l’un des deux arrêts du

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26/05/1999 BELAID, le litige était relatif à une action en recherche de paternité engagée par la mère contre le père supposé et la mère s’était fondée sur le code civil et le juge avait statué en droit français. Ni la mère ni le père n’avait invoqué d’élément d’extranéité mais dans le dossier il apparaissait que la mère avait une carte de résident, elle était donc étrangère et donc le juge aurait du être vigilent, vérifier la nationalité de la mère et puisqu’on était en matière de droit indispo, soulever d’office la règle de conflit (311-14). Cela implique une vigilance de la part du juge dans les matières où les parties n’ont pas la dispo des droits.

B : L’autorité de la règle de conflit à l’égard des parties

Idem pour les parties ? Est-ce qu’elles sont liées par la règle de conflit ou peuvent elles s’accorder contra la règle de conflit ?

1 : Admission de l’accord procédural

Les parties peuvent s’accorder sur l’application d’une loi autre que celle désignée par la règle de conflit : c’est l’accord procédural (article 12 alinéa 3 du CPC : le juge ne peut pas changer la dénomination ou le fondement juridique quand les parties en vertu d’un accord express et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les questions et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat).Conditions :- Seulement en matière de droit dispo : les obligations délictuelles dans un

arrêt HORO du 1/04/1988, pour les obligations contractuelles dans arrêt 4/10/1989 et surtout arrêt HANNOVER 6/05/1997 qui définit l’accord procédural « pour les droits dont elles ont la libre dispo les parties peuvent s’accorder sur l’application de la loi française du for malgré l’existence d’une convention internationale ou d’une clause contractuelle désignant la loi compétente ; un tel accord peut résulter des conclusions des parties invoquant une loi autre que celle qui est désignée par un traité ou le contrat lui-même ». précision : en matière contractuelle, comme en matière de régime matrimonial, les parties peuvent choisir la loi applicable et changer leur choix y compris devant le juge donc en matière contractuel, l’accord procédural se confond avec l’accord procédural. En matière de droit indispo, la règle de conflit lie le juge et les parties.

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- Quelque soit la source de la règle de conflit, les parties peuvent y déroger

- L’accord procédural peut être express, tacite et même supposé alors que l’article 12 alinéa 3 vise un accord express. Accord supposé : déduit du comportement des parties, les parties ont toutes les 2 plaidé en droit français et elles considèrent donc que le droit français est applicable.

2 : Sur quelles lois peuvent s’accorder les parties ?

Quelles lois peuvent faire l’objet d’un accord ? La CCass si qu’on ne peut conclure un accord procédural que sur l’application de la loi française. Est-ce justifié de limiter ? NON, ce n’est pas justifié, c’est théorique, le DIP postule l’égalité des lois ce qui devrait impliquer une disponibilité d’accord procédural sur n’importe quelle loi. OUI, c’est justifié de limiter à la loi française car le juge n’est pas un self service à la dispo des parties. Par ailleurs, au départ l’esprit de l’accord procédural est en réalité une facilité procédurale, la situation est internationale mais les parties oublient d’invoquer la loi étrangère. Le silence des parties rendait interne sur le plan contentieux une situation substantiellement internationale. Enfin, si on ouvre l’accord procédural à toute loi étrangère cela permet indirectement aux parties de choisir la loi applicable dans toutes les matières dispo alors que seule le contrat et le régime matrimonial peuvent faire l’objet d’un choix de loi anticipé. Donc les arguments pragmatiques contre l’extension procédural à d’autres loi que la loi française sont plus forts que les théoriques.La CCass dans arrêt du 26/05/1999 STE DELTA reprend l’attendu de l’arrêt HANNOVER mais elle remplace la formule maladroite « la loi française du for » par « une loi autre » et donc elle semble dire que l’accord procédural est ouvert pour toutes les lois. Depuis il n’y a pas d’exemples en JO depuis 10 ans et en pratique, l’accord procédural porte sur la loi français car les parties omettent d’invoquer l loi étrangère volontairement ou non.

Conclusion §1 : mise à jour : dans des arrêts récents la CCass a confirmé ce que l’on vient de voir mais dans une même hypo où des époux marocains ont divorcé en France. La situation de fait souligne ce qu’on vient de voir. Epoux marocains résidant en France et divorçant en France. 2 séries d’arrêts : accord procédural tacite, le juge applique le droit français. Dans la 1ère série, sur le prononcé du divorce, matière indispo, la CCass censure les juges du fonds car s’agissant de droit indispo le juge devait relever d’office la règle de conflit en

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l’occurrence elle est dans la convention franco marocaine du 10/08/1981 qui désigne pour le divorce la loi de la nationalité commune des époux et à défaut de nationalité commune la loi de leur domicile commun. Cette 1ère série d’arrêt confirme 3 chose : du caractère obligatoire de la règle de conflit pour le juge pour les droits indispo, impossibilité d’un accord procédural quand les droits sont indispo car la CCass casse un arrêt contre la volonté des parties, quant à l’office du juge et son devoir de vigilance dans une des affaires l’épouse était de nationalité marocaine mais le mari n’avait pas invoqué cela mais la CCass constate que la nationalité marocaine du mari ressortait des pièces du dossier d’appel donc le juge découvrant cet élément d’extranéité aurait du interroger la règle de conflit et la loi marocaine aurait du s’appliquer. Dans un autre arrêt, toujours 2 époux marocains, même situation, l’épouse fait appel seulement sur la prestation compensatoire et c’est ce litige qui st remonté jusqu’à la CCass. L’objet du litige emporte 2 conséquences : la convention franco marocaine ne s’applique pas car ne s’intéresse qu’aux effets perso de la dissolution du lien du mariage et la matière étant dispo les époux pouvaient s’accorder même tacitement sur le droit français et comme la matière est dispo le juge n’avait pas à relever d’office la règle de conflit.

§2 : Condition de la loi étrangère (statut procédural de la loi étrangère)

Nous ne nous préoccupons plus de la règle de conflit, on a un juge français qui doit appliquer une loi étrangère. Problème pour le juge français : connaitre le droit étranger. On dit que le juge français ne peut pas dire le droit étranger. Le juge français doit se contenter de dire ce qu’il en est du droit étranger en pratique tel que la juridiction étrangère l’interprète. Ces 2 éléments combinés expliquent que le droit étranger obéit au régime procédural d’un fait. 1ère

conséquence : contenu du droit étranger doit être prouvé. 2ème conséquence : devant le juge français il a un statut de fait sous réserve de la dénaturation du droit étranger.

A : preuve du contenu de la loi étrangère

4 questions qui se posent : la charge de la preuve, les modes de preuve, la sanction du défaut de preuve et les cas d’équivalence de la loi étrangère avec la loi française.

1 : La charge de la preuve

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Qui doit établir la teneur du droit étranger ? On va revenir sur les évolutions de JP antérieures pour mieux comprendre l’intérêt du droit positif.

a : Evolution de JP

Répartition du juge et des parties en fonction de la nature des droits : dans la JP antérieure à 2005, la charge de la preuve était déterminé par la nature des droits et le critère était le même que celui applicable en matière de relevé d’office de la règle de conflit à savoir donc pour les droits indispo il incombait au juge d’établir la teneur du droit étranger notamment dans un arrêt DRISS ABOU du 1/07/1997. Pour les droits dispo c’était aux parties d’établir la teneur du droit étranger dont relevait l’arrêt AMERFORD du 16/11/1993 (grand arrêt 82) : « il incombe à la partie qui prétend que la mise en œuvre du droit étranger désigné par la règle de conflit de loi, conduirait à un résultat différent de celui obtenu par l’application du droit français, de démontrer l’existence de cette différence par la preuve du contenu de la loi étrangère qu’elle invoque ».

De cette JP et de cette distinction entre les 2 droits, résultait 2 difficulté, la 1ère

est réglée par AMERFORD relative au droit dispo, c’était de savoir laquelle des deux parties devaient rapporter la preuve. Dans un 1er temps, dans l’arrêt LOTOUR du 25/05/1948 (grand arrêt 19), la preuve incombe à la partie dont la prétention est soumise à la loi étrangère et non pas à la partie qui invoque cette loi. Par ex ici, le demandeur demandait la réparation de son préjudice issu d’un accident de la circulation entre français en Espagne sur le fondement d’une responsabilité sans faute, le défendeur opposait le droit espagnol qui invoque une responsabilité avec faute. Cette 1ère difficulté est réglée par AMEROFRD car fait peser la charge de la preuve sur la partie qui invoque le droit étranger ce qui est d’une part plus simple et d’autre part plus juste sur le plan de l’équité procédurale.

Une deuxième difficulté qui a perduré un moment et qui révèle le lien qui existe entre les deux questions que l’on étudie à savoir d’une part l’autorité de la règle de conflit et la preuve de la loi étrangère d’autre part. 2 questions théoriquement distinctes mais dont certaines évolutions de JP mélangent. Distinctes car si on ajoutait l’arrêt AMERFORD aux arrêts contemporains de celui-ci, pour les droits dispo la partie qui avait intérêt à l’application de la loi étrangère devait prouver que l’application de cette loi produisait un résultat différent que l’application du droit français. On mettait la charrue avant les bœufs : la preuve du droit étranger qui normalement est une question postérieure au relevé d’office ou non de la règle de conflit devenait une

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question déterminante du déclanchement de la règle de conflit. La JP réalisait involontairement de fait une confusion entre les 2 questions. Ce lien fait par AMERFORD entre la preuve du contenu de la loi et le déclanchement de la règle de conflit a été critiqué car ce sont deux questions différentes et surtout le déclanchement de la règle de conflit est antérieure à la question de la preuve du contenu de la loi. La JP a entendu cette critique. Sur ce problème du contact entre les 2 questions, la JP a commencé à les régler dans un arrêt du 23/01/2003 qui décidait s’agissant de droit dispo : le juge ne doit mettre en œuvre la règle de conflit et appliquer la loi étrangère qu’elle désigne que si ce droit étranger est invoqué par une partie et si le plaideur soutient que l’application de cette loi conduirait à un résultat différent. Cette solution résultait aussi du 13/11/2003. Différence avec AMERFORD : dans l’arrêt AMERFORD la CCass disait que le plaideur devrait démontrer que le contenu de la loi étrangère était différent que la loi française, on devait rapporter la preuve de la loi étrangère jusqu’à son contenu alors que dans cet arrêt de 2003 il suffit que le plaideur soutienne le résultat différent : il n’a pas à démontrer le contenu de la loi étrangère. Mais que doit faire le plaideur ? On a parlé d’invocation circonstanciée. Ici, à nouveau les deux questions sont distinguées car il n’y a plus besoin de prouver le contenu de la loi étrangère pour déclencher l’obligation pour le juge d’invoquer la règle de conflit. C’est plus cohérent. La JP ultérieure a maintenu cette exigence d’invocation circonstanciée pour les droits dispo et on est donc revenu à de la cohérence tout en ayant un souci pratique et pragmatique : il faut l’invoquer sérieusement.

b : Droit positif actuel

Pour ce qui concerne la preuve du contenu de la loi étrangère, la répartition entre le juge et les parties ne se fait plus en fonction de la nature des droits. Elle se fait désormais selon un autre critère. Il y a eu une unification de la charge de la preuve du contenu de la loi étrangère : on ne distingue plus les droits dispos des droits indispos. Cette unification s’est fait dans l’arrêt ITRACO de la chambre commerciale du 28/06/2005 et AUBIN de la 1ère civile du même jour (grands arrêt 82 et 83) : il incombe au juge français qui reconnait applicable un droit étranger d’en rechercher soit d’office soit à la demande d’une partie qui l’invoque la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu. Il résulte de cet attendu dense 2 points :- 1er point : que les droits soient dispos ou indispos peu importe dès lors

que le juge a considéré qu’une loi étrangère était applicable, il a l’obligation d’en rechercher la teneur. Précision relative au droit dispo :

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la partie qui invoque le droit étranger doit préciser en quoi cela aura une conséquence sur l’issue du litige.

- 2ème point : cela ne signifie pas pour autant que les parties n’ont aucune charge, qu’elles sont passives. C’est au juge de diriger les opérations de recherche de la loi étrangère. Il va demander aux parties d’établir la preuve de tel aspect par ex car il estime que c’est à leur portée. De son côté il va aussi travailler sur la preuve de la loi étrangère.

Le fait que l’obligation lui incombe a pour conséquence que le juge ne peut pas se contenter de preuves approximatives et en cas de carence des parties le juge doit palier cette carence. C’est une obligation de moyen pour le juge.

2 : Modes de preuve du contenu de la loi étrangère

Pour les parties, tout l’intérêt du statut de fait de la loi étrangère. Un fait se preuve par tous moyens, la preuve est libre. Classiquement, la preuve est rapportée par le certificat de coutume étrangère fourni par une partie. Quel est son auteur ? Cela peut être une ambassade, un consulat, le plus souvent c’est un juriste étranger à qui on demande de faire état de son droit sur tel point, un juriste français qui atteste d’une connaissance particulière en droit étranger, etc. Le certificat livre un état objectif du droit étranger avec les textes, les arrêts et l’interprétation qui découle de cette JP étrangère. Il doit être traduit en français. Le juge n’est pas lié par ce certificat (=affidavit) et heureusement car bien souvent chaque partie produit son propre affidavit qu’il a commandé à deux personnes différentes qui ont chacun leur thèse.Moyens concrets du juge : il peut utiliser ses connaissances perso, avoir recours à un expert juridique, avoir recours au bureau de droit européen et de droit international du ministère des affaires étrangères qui est chargé de mettre en œuvre la convention de Londres du 7/06/1968 qui lie une vingtaine de pays du conseil de l’Europe et qui s’intitule « la convention européen sur l’information sur le droit étranger ». Ici dans cette dernière possibilité, le système est irréprochable. En pratique, ce n’est quasi pas utilisé. C’est le système des affidavits contradictoires qui sont le plus utilisés.Dans l’UE, il existe le réseau judiciaire européen (RJE) qui institue un réseau qui se traduit par un intranet de juge à juge. Ils peuvent ainsi se poser des questions sur leur droit, créé le 28/05/2001par une décision de la commission. Récemment, la commission a confirmé que le réseau devait notamment être utilisé pour l’échange d’info sur les droits des pays de l’UE. A terme on peut envisager un net progrès en la matière.

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3 : Sanction du défaut de preuve

Quand on ne peut pas établir la teneur du droit étranger, on parle de défaillance de la loi étrangère et Procéduralement cela se traduit par une exception de défaillance de la loi étrangère qui justifie l’application de la loi française en raison de sa vocation subsidiaire à régir toute situation de droit privé. Pendant un temps, on se demandait s’il fallait distinguer selon la cause de la défaillance de la loi étrangère, 2 cas :- Des cas d’impossibilité objective : on appliquait la loi française.- Si la défaillance de la loi étrangère était due à la défaillance de la partie

qui devait trouver on déboutait la partie. Solution injuste car inégalité, pouvait provoquer un déni de justice.

Maintenant on ne fait plus cette distinction, on applique la loi française.

4 : Exception d’équivalence

Ici aussi l’exception d’équivalence permet de valider rétrospectivement l’application du droit français, application erronée par ex. Qu’est ce que l’équivalence ? Selon la CCass, l’équivalence entre la loi appliquée et celle désignée par la règle de conflit signifie que la situation de fait constatée par le juge aurait les mêmes conséquences juridiques en vertu de ces deux lois : 13/04/1999 CIE ROYALE BELGE. Autre ex le 11/07/1988 : la loi vietnamienne sur la reconnaissance d’enfant naturelle équivalente à la loi française, etc. En l’espèce, la situation de fait donnait le même résultat avec les deux droits, ce n’est pas une équivalente globale mais dans le cas précis d’espèce.A quoi sert cette équivalence ? Le juge échappe à la censure de la CCass considérant que cette équivalence entre la loi appliquée et celle que le juge aurait du appliquer justifie la décision intervenue en application du droit français. Donc cette idée de justification est rétrospective.L’exception d’équivalence fonctionne dans tous les domaines y compris donc dans les matières indispos. On a ici un arrêt du 28/01/2003 où la CCass évoque une équivalence substantielle entre la loi israélienne applicable et la loi française appliquée à tort à propos des mesures relatives aux enfants consécutivement à un divorce.L’arrêt CIE ROYALE BELGE a fait entrer la notion d’équivalence dans la théorie générale du conflit de loi, c’est devenu une donnée fondamentale dans l’aspect procédural. Finalement à quoi ça sert de se prendre la tête avec la règle de conflit si une fois sur deux c’est équivalent ? L’exception d’équivalence ne remet pas en cause le raisonnement conflictuel, d’ailleurs pour la mettre en œuvre il faut que le raisonnement conflictuel ait été mené jusqu’à son terme,

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ceci dit il faut reconnaitre qu’en pratique elle assouplit l’exigence d’application de la règle de conflit, c'est-à-dire principalement dans les droits indispos et dans les droits dispos quand une partie invoque la loi étrangère. On comprend mieux l’idée d’AMERFORD et des arrêts de 2003.

B : Contrôle de la CCass sur l’application de la loi étrangère

La CCass ne contrôle pas l’interprétation de la loi étrangère par le juge français : 16/03/1999 MOUREAU mais aussi 3/06/2003 : le juge du fonds avait fait une application littérale d’un texte sénégalais relatif au délai de prescription de l’action en nullité d’une vente lequel n’avait pas reçu d’application de JP au Sénégal et le juge avait procédé à un examen contradictoire du certificat de coutume traduit. La CCass n’a pas contrôlé que cette interprétation était la bonne. Ici, c’est une autre manifestation de ce que la loi étrangère est un fait.La CCass ne contrôle pas les faits sauf dénaturation notamment en matière de contrat : réserve de la dénaturation. Quand le juge du fond commet une erreur manifeste de compréhension d’un texte clair il sera censuré pour dénaturation de la loi étrangère : arrêt 1/07/1997 AFRICA TOUR. Autre cas de dénaturation : quand le juge ajoute au texte ou au contraire oublie des dispositions. Hypo proche de la dénaturation : question de la motivation de la décision du juge du fonds quant à la preuve du contenu : la cassation sera prononcée pour manque de base légale : LAVAZZA 24/11/1998 : la CA avait indiqué dans son arrêt qu’elle avait statué sur l’extrait d’un texte monégasque produit par une partie. Ici, c’est un problème de défaillance du juge dans son obligation d’établir la teneur du droit étranger.

Résumé section 1 : On va distinguer le régime procédural de la règle de conflit et de la loi étrangère selon que la nature des droits (dispo ou indispo) a une influence ou non sur le régime applicable.1er cas : le régime procédural de la loi étrangère varie en fonction de la nature des droits litigieux (dispo ou indispo).- En présence de droit indispo le juge est tenu :

o D’appliquer d’office la règle de conflit ce qui implique une obligation de vigilance quant aux éléments d’extranéité figurant dans le dossier même s’ils n’ont pas été mis dans le débat.

o De passer outre l’éventuel accord procédural.

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- En présence de droit dispo le juge peut relever d’office la règle de conflit mais il n’y est pas tenu, il en est même empêché si les parties concluent un accord procédural (normalement sur la loi du for). Il doit mettre en œuvre la règle de conflit si l’une des parties invoque expressément une loi étrangère et soutient sérieusement que son application produira un résultat différent de l’application de la loi du for.

2ème cas : le régime procédural constant de la loi étrangère (qui ne dépend pas de la nature des droits dispos ou indispos). Dans tous les cas, il y a 5 points :- ITRACO ET AUBAIN- Le juge doit faire état de ses recherches, diligences dans sa décision

(c’est un souci de motivation de sa décision) sous peine de cassation pour manque de base légale ou défaut de motivation

- Si le juge manque à ses obligations relatives soit à la mise en œuvre de la règle de conflit soit à l’établissement de la teneur du droit étranger, sa décision échappe à la censure en cas d’équivalence

- L’impossibilité d’établir la teneur du droit étranger conduit à l’application de la loi du for au titre de sa vocation subsidiaire

- La CCass ne contrôle pas l’interprétation du droit étranger par le juge du fond sous réserve de sa dénaturation

Le régime procédural de la loi étrangère pour une part dépend de la nature dispo ou non des droits et pour une autre part ne dépend pas de cette nature.

Section 2 : L’éviction de la loi étrangère : mise à l’écart de la loi étrangère

L’hypo de départ est celle d’une loi étrangère désignée par la règle de conflit comme étant applicable, son contenu est établi. Le juge français doit en vertu de la règle de conflit appliquer cette loi et au lieu de l’appliquer il l’évince et il lui substitue la loi française qui d’une manière générale a une vocation subsidiaire à régir toute rapport de droit privé. Pourquoi évince t il la loi étrangère ? Il ne s’agit pas d’une défaillance de la loi étrangère. Ici, on peut l’appliquer et le juge refuse de l’appliquer. Ce refus d’application d’abord ne peut être qu’exceptionnel car il consiste à ne pas mettre en œuvre la règle de conflit, c’est un manquement à la règle de conflit. Donc il faut de sérieuses raisons pour que le juge refuse d’appliquer cette loi étrangère désignée par la règle de conflits, elles sont de deux ordres (ces raisons) :- La contrariété de la loi étrangère à la l’OP international c'est-à-dire aux

valeurs fondamentales du for.

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- La fraude à la loi : les ou une partie a commis une fraude à la loi c'est-à-dire qu’elle a contourné son esprit tout en se conformant à sa lettre.

Nous verrons ces deux fondements.

§1 : L’exception d’OP international (OPI)

Pourquoi l’exception puisqu’on oppose l’OPI à l’application d’une loi étrangère ? Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’on peut écarter la loi étrangère. L’OPI est l’OPI français.Le refus d’application de la loi désignée par la règle de conflit tient ici à son contenu. En quoi est-il en cause ? Le résultat de son application serait contraire aux valeurs fondamentales du for, à l’OPI, et le fait que le résultat de l’application de la loi étrangère au cas ‘espèce produise des conséquences inacceptables justifie que l’on écarte la loi étrangère. On comprend bien ici le caractère exceptionnel. Le postulat du DIP est d’admettre une égalité de tous les droits de tous les pays du monde, cette présomption implique qu’on ne juge pas les droits étrangers et donc ça ne peut être qu’exceptionnel de déroger à ce postulat. L’exception d’OPI marque la limite de ce postulat, certains ont dit que l’exception d’OPI c’est la limite de la tolérance à l’égard des lois étrangères. C’est la 1ère fois dans le raisonnement du DIP que l’on tient compte du contenu de la loi étrangère. L’exception d’OPI peut également faire obstacle à la reconnaissance d’un jugement étranger de la même façon qu’elle fait obstacle à l’application d’une loi étrangère.

A : Notion d’OPI

Ce sont des développements communs aux conflits de loi et de juridiction.

1 : Fonction

C’est une fonction essentielle : on ne peut pas se passer de l’exception d’OPI. En effet, l’OPI a pour fonction d’éliminer les lois étrangères qui heurtent les valeurs essentielles fondamentales et intangibles c'est-à-dire ces valeurs auxquelles le for n’est pas prêt à renoncer quitte à ne pas donner effet jusqu’au bout à la règle de conflit de lois.3 types de ces valeurs decrescendo :- La plus haute, issue de l’arrêt LAUTOUR de 25/05/1948 qui vise pour

définir l’OPI les principes de justice universels considérés dans l’opinion française comme doués de valeur internationale absolue. On ne veut donc pas y renoncer même si on accepte que des lois étrangères

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puissent résoudre une question soumise au juge français. Mais dans leur définition, les principes de justice universels sont des principes que nous autres français considérons comme universels. Par exemple, la liberté individuelle c'est-à-dire la prohibition de l’esclavage ou la lutte contre la corruption ;

- 2ème catégorie de valeurs incluses dans l’ordre public : les fondements politiques, sociaux de la civilisation française. Ex : la monogamie, la laïcité, la liberté de conscience, la non discrimination, l’égalité des sexes, l’indisponibilité du corps humain par rapport aux maternités de substitution, l’interdiction de l’expropriation sans indemnités, etc.

- On trouve d’autres valeurs que l’OPI a pour fonction de protéger, constitué de certains politiques législatives que le législateur a à cœur de défendre voire de promouvoir. Ex : le droit ou l’accès au divorce après 1884, après 1975 le divorce par consentement mutuel, le caractère compensatoire ou indemnitaire des dommages et intérêts (d’où le rejet des dommages et intérêts punitifs), etc. Il s’agit encore une fois de défendre des valeurs que l’ordre juridique français juge essentiel au fondement de la société française.

L’OPI est une réaction allergique contre une loi étrangère qui méconnaitrait ces valeurs et donc ce n’est pas une notion facile à établir précisément. C’est flou mais indispensable. L’OPI est là pour corriger le défaut de la règle de conflit, s’assurer que l’ordre juridique français n’est pas mis en danger par la loi étrangère. C’est une soupape de sécurité. L’officier d’Etat civil écartera la loi étrangère applicable de célébrer un mariage polygame au nom de l’OPI pour éviter que ne soit célébré en France un mariage qui est totalement contraire aux valeurs fondamentales françaises. L’OPI a cette fonction de dernier recours contre les lois étrangères. Chaque pays a son propre OPI.

2 : Contenu

On cherche des éléments de la définition du contenu : le contenu est incertain et variable.

a : Contenu incertain

L’OPI on ne sait pas le définir mais on sait le reconnaitre. La difficulté c’est que se sont des valeurs fondamentales du for, certaines figurent dans des textes mais pas nécessairement, cela peut être des PGD ou même des valeurs non exprimées mais qui sont quand même au fondement de notre société.

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Alors on cherche des repères :- L’OP interne qui n’est pas non plus précisément défini. Rôle à l’article 6

du code civil : on ne peut déroger par conventions particulières aux lois qui intéressent l’OP et les bonnes mœurs. Donc l’OP interne est ces lois auxquelles on ne peut pas déroger. S’oppose à une règle supplétive, que la volonté peut écarter ou aménager. Problème : la référence à l’OP interne n’est pas très utilisée pour définir l’OPI car l’OP interne qui assure la cohésion interne de la société n’est pas directement concerné lorsque la situation n’est pas entièrement localisée en France. Ex : les lois de droits des personnes sont d’OP interne, conditions de fonds du mariage et notamment l’âge pour se marier : l’engagement d’un enfant à ne pas se marier avant 21 ans serait nul car déroge à une disposition d’OP. Mais dans l’OPI si la loi nationale de l’un des époux fixe la majorité à 21 ans cette loi désignée par la règle de conflit sera appliquée et donc le juge français refuserait de célébrer ce mariage si la personne a 20 ans. Au contraire, admettons que la loi de la nationalité de la femme l’autorise à se marier à 12 ans, ici, l’OPI français risque d’intervenir car cette loi est contraire aux valeurs fondamentales de protection de l’enfant. A travers ces exemples on voit qu’une matière d’ordre public dans l’ordre interne peut être régie par des lois étrangères différentes de la nôtre à condition que ces lois ne soient pas contraires à des dispos fondamentales : on ne peut pas déduire du caractère impératif d’une règle dans l’ordre interne son caractère impératif dans l’ordre international : l’OPI est plus tolérant que l’OP interne. Moyen mnémotechnique pour se rappeler cette idée : l’OP interne fait un grand cercle et à l’intérieur il y a un plus petit cercle qui est l’OPI qui est plus étroit : « tout ce qui est d’OPI est d’OP interne, mais tout ce qui est d’OP interne n’est pas nécessairement d’OPI ». La référence à l’OP interne nous donne cette 1ère indication.

- Dans la Constitution française, les règles constitutionnelles doivent exprimer des valeurs importantes des l’ordre juridique français. Certaines sont d’OPI par ex l’interdiction de l’expropriation sans indemnités (norme issue de la DDHC de 1789) mais toutes les dispos de la Constitution ne sont pas automatiquement qualifiable d’OPI. Ce sera au cas par cas.Le plus utile pour définir l’OPI c’est de se référer à des conventions internationales liant la France et notamment la CEDH qui énonce des libertés et des droits fondamentaux et par conséquent le lien avec les valeurs fondamentales du for semble direct. On ne peut pas non plus considérer que toute la CEDH est d’OPI mais les valeurs défendues

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permettent de donner des indications sur des valeurs fondamentales. Certaines valeurs de la CEDH ont été expressément qualifié d’OPI, ex : article 6§1 le droit au procès équitable qui implique au 1er chef un droit d’accès effectif au juge. Dans un arrêt PORDEA du 16/03/1999, la CCass a jugé que la caution judiciaire très élevée (25 000 livres sterlings) que le demandeur devait verser en début de procédure pour garantir les frais de justice, caution qui est un pré requis pour accéder au juge, vu le montant cela privait le justiciable d’un accès effectif au juge au sens de l’article 6§1 de la CEDH. Le droit à la vie familiale a pu être utilisé par la CCass et la CEDH pour écarter des lois nationales qui interdisaient l’adoption. Donc se référer à une convention internationale est donc utile car exprime des valeurs fondamentales.On peut aussi avoir recours à d’autres conventions comme la convention de NY du 20/11/1989 sur les droits de l’enfant qui insiste sur l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les domaines où il est concerné. Par ex, une loi étrangère qui refuse des subsides (argent) à un enfant parce qu’il est naturel (conçu hors mariage) et non pas légitime est contraire à l’OPI : CCass 3/11/1988. Une loi étrangère qui refuserait une indemnité à une femme qui se voit imposer le divorce serait contraire à l’OPI. Sur l’égalité des époux, une loi qui consacrerait une discrimination contre l’épouse au moment de la liquidation patrimonial du couple serait contraire à l’OPI.Les traités de l’UE ont également une influence sur la définition de l’OPI français. Ex : en droit de la consommation, la CJCE aura de plus en plus à interpréter les dispos soit directement communautaire soit nationales. Donc, la CJCE sera amené à qualifier d’OP telle ou telle dispo de telle ou telle directive et donc cette qualification retenue par la CJCE s’intègrera naturellement à notre OPI.

On peut utiliser donc des repères pour identifier le contenu mais ce ne sont que des repères, il n’y a pas automaticité.

b : Contenu variable

C’est une notion à la dispo du juge à l’occasion d’un procès et donc c’est souhaitable que ce soit une notion souple pour laisser au juge une marge d’appréciation. Ceci dit, la variabilité ne dépend pas que du juge. Cette variabilité de l’OPI est double : temporelle et spatiale.

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Variation temporelle : l’OPI français évolue dans le temps, il bouge, il change. Sur certaines matières il devient de plus en plus tolérant alors que sur d’autres il aura tendance à se raidir. Techniquement on parle de l’actualité de l’OPI qui signifie simplement que la conformité de la loi étrangère à notre OP ou sa non-conformité s’apprécie au moment même où le juge statue. L’OPI évolue en même temps que la loi interne française. L’OPI n’est pas le décalque de l’OP interne mais quand le droit français évolue, l’OPI évolue, idem pour les mœurs.Ex du divorce : avant 1884, une loi étrangère admettant le divorce aurait été jugée contraire à l’OPI. Après 1884, une loi étrangère qui interdisait non pas le divorce mais le relâchement du lien conjugal était jugée contraire à l’OPI, ex dans grand arrêt PATINO de 1963. Parallèlement, jusqu’en1975, une loi étrangère qui aurait admis de façon trop laxiste le divorce par consentement aurait pu être considérée comme contraire à l’OP. Après 1975 c’est le contraire : 1/04/1981 I DE P : une loi qui méconnait le consentement mutuel est jugé contraire à l’OPI.Autre ex : le mariage homo est prohibé dans l’ordre interne mais il y a quand même le PACS depuis 1980, le mariage homo est admis dans d’autre pays voisins donc on ne peut plus dire qu’il est certain qu’un mariage homo est contraire à l’OPI français.Les maternités de substitution […]. Récemment, dans un arrêt du 17/12/2008, la CCass ne s’est prononcée directement mais elle avait l’occasion de se prononcer sur le caractère contraire ou non à l’OPI or dans cet arrêt la CCass n’a rien dit, elle n’a pas affirmé que le contrat de mère porteuse était contraire à l’OPI. LA Cour de renvoi nous dira ce qu’elle en pense. Ce cas montre à la fois la différence nette entre l’OPI et l’OP interne et illustre aussi la variabilité dans le temps de, l’OPI qui sur ce sujet s’assouplit comme sur d’autres en même temps que le droit interne s’assouplit. Parfois, l’assouplissement de l’OPI peut conduire à l’assouplissement de l’OP interne. Par ex, le sénat a remis un rapport qui propose d’autoriser la maternité de substitution à certaines conditions très strictes donc on en accepterait l’idée alors cela facilitera la reconnaissance de maternité de substitution régulière à l’étranger.

B : Conditions de l’exception d’OPI

1 : Méthode d’appréciation de la contrariété à l’OP

Qu’est ce qui doit être apprécié ? Qu’est ce qui doit être contraire à l’OP ? Est-ce que c’est la loi étrangère elle-même ou le résultat de l’application de la loi au cas d’espèce ? Fait-on une appréciation in abstracto ou une appréciation in concreto ? La réponse est claire en principe : on procède à une appréciation in

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concreto donc on vérifie que le résultat en l’espèce de l’application de la loi étrangère est ou non contraire à nos valeurs. Pourquoi ? L’OPI est une soupape de sécurité, l’OPI sert à protéger le for contre des solutions inacceptables mais il ne sert pas à porter un jugement de valeur sur la loi étrangère : on ne juge pas la loi mais le résultat au cas d’espèce. Ex théorique : une loi nationale qui confie les enfants au père en cas de divorce, cette loi est contraire à nos valeurs comme l’égalité des époux et en amont à l’égalité des sexes mais si en l’espèce s’il est de l’intérêt de l’enfant d’être confié à son père alors l’application de cette loi étrangère scandaleuse n’est pas scandaleuse car conforme au droit de l’enfant. Si le juge français estime que la mère était capable de s’occuper de son enfant alors il dirait que cette loi est contraire à l’application de l’OPI. En effet, il faut relativiser et on constate dans la JP une tendance dans certains domaines à une approche un peu in abstracto c'est-à-dire qu’on considère que certaines institutions du droit étranger sont par elle-même irréductiblement contraires à nos valeurs et quelles que soit l’application au cas d’espèce ça ne passe pas. Ex pour les répudiations musulmanes : la JP tend à les condamner en elle-même et non pas au travers des conséquences qu’elles produisent sur les droits de la femme dans telle ou telle espèce.

2 : La relation avec le for

D’une manière générale on peut affirmer que le juge n’évince la loi étrangère au profit de la loi du for que si le for est en cause c'est-à-dire que l’application de la loi étrangère produirait sur la société française la conséquence que nous jugeons inacceptables. Dès lors que le juge français est saisi, le lien avec le for suffit. Cette dimension spatiale dans l’OPI au départ se traduit traditionnellement par une distinction entre d’une part la constitution de droits en France et d’autre part la reconnaissance en France de droits régulièrement constituée à l’étranger. S’ajoute aujourd’hui un autre critère : le critère de proximité qui se traduit par un OP de proximité

a : Distinction entre effet atténué de l’OPI

Résulte de l’arrêt RIVIERE du 17/04/1953 (grand arrêt 27) : « la réaction à l’encontre à une dispo contraire à l’OP n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit de laisser produire en France les effets d’un droit acquis sans fraude à l’étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du DIP français » (cette dernière condition n’étant plus d’actualité). La distinction issue de cet arrêt est

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faite en fonction du lieu de naissance ou de constitution du droit litigieux. Donc on distingue l’effet plein et l’effet atténué.

a.1 : L’effet plein d’OPI

On pourrait parler de la réaction normale de l’OPI.Cela vise quelles hypo ?- Elle vise d’abord la création proprement dite d’un droit en France c'est-à-

dire devant le juge français. Ex : un divorce, l’adoption d’un enfant qui créent une situation juridique.

- Il faut préciser une sous catégorie qui consiste pour le juge à examiner à posteriori la validité d’une situation créée en France. Ex : mariage polygamique célébré en France par un officier d’Etat civil qui ne savait pas que le mari avait déjà une autre femme.

- Le juge ne fait que consacrer une situation juridique qui existe c'est-à-dire qui n’a pas besoin pour être créée de l’intervention du juge, cette situation existe virtuellement mais elle n’est que révélée. Ex : reconnaissance d’un lien de filiation entre un enfant et un adulte, il existait dès l’origine mais n’était pas révélé.

a.2 : L’effet atténué d’OPI

Interviendra dans d’autres situations :- La reconnaissance de jugements régulièrement acquis à l’étranger. Dans

le jugement étranger ont été consacré des droits au profit ou au détriment d’une partie par ex une répudiation ou un divorce.

- La reconnaissance d’un droit qui n’est pas issu d’un jugement mais d’un acte privé ou d’aucun acte comme par ex le mariage polygamique régulièrement célébré dans un pays qui l’admet ou la reconnaissance d’un lien de filiation issu d’une maternité de substitution régulièrement conduite à l’étranger.

Remarques sur la distinction effet plein/effet atténué :- Cette appellation « effet atténué » est trompeuse. En principe, l’OP

n’intervient pas du tout dans le cadre de la reconnaissance en France de droits régulièrement acquis à l’étranger.

- Ce système de l’arrêt RIVIERE peut s’avérer dangereux au regard de la protection des valeurs fondamentales du for que protège l’OPI. En effet, il pourrait être assez facile pour des individus de se rendre à l’étranger en vue de créer le rapport de droit qu’ils ne pourraient pas créer en

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France (car l’OP interviendrait dans sa forme pleine) et revenir en France pour se prévaloir de ce droit en invoquant l’effet atténué de l’OP. On a vu ça notamment à propos des répudiations, on a parlé de tourisme de répudiation. Ce genre de pratique n’est pas une fraude à la loi, on a parlé de fraude à l’intensité de l’OP : le plaideur malin utilise la différence entre l’effet plein et atténué de l’OP pour obtenir un droit qu’il n’aurait pas pu obtenir en France.

- Il est possible que la situation régulièrement créée à l’étranger produise des conséquences concrètes sur le territoire français. Ex : on reconnait sur le fondement de l’effet atténué de l’OP un mariage homo régulièrement effectué en Espagne, si l’un décède et a eu d’un 1er lit des enfants, admettra t on que le 2nd époux vienne en concurrence des enfants à la succession ?

Le système de l’arrêt RIVIERE est internationaliste, il est prêt à faire taire l’OP du for devant des situations régulièrement créées à l’étranger qui n’aurait pas pu être créées en France. Ces défauts persistent mais ont été corrigé par un concept : l’OP de proximité.

b : Le critère de proximité

Notion allemande ancienne et intégré dans le DIP allemand. En France, elle n’était pas intégrée, c’est RIVIERE qui fixait l’incidence de la situation de proximité avec le for sur la réaction de l’OP. Cette notion a été introduite dans la JP il y a 15 ans mais depuis elle monte en puissance. Qu’est ce que ça veut dire ? Plus le lien avec le for est étroit, plus la réaction de l’OPI est exigeante. On a donc une réaction variable alors que dans RIVIERE on a soit tout soit rien. C’est donc particulièrement bien adapté à la notion d’OPI car permet à l’OP une variabilité dans sa réaction.

Critères de proximité ? L’OP de proximité s’est surtout développé dans le statut perso et c’est la nationalité française ou la résidence en France d’une ou des parties. Et donc s’il n’y a pas de français qui ne réside pas en France, l’OP va intervenir de façon modéré alors que si tout le monde est français et vit en France l’OP va être sévère. En l’état du droit positif, ce critère de proximité s’ajoute à RIVIERE, on raisonne encore selon le lieu de constitution des droits. De quelle façon ça s’ajoute ?- 1er cas : constitution de droit en France : En principe ici le critère de

proximité devait jouer dans les deux sens, soit plus de sévérité soit moins.

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Ex : arrêt 3/11/1988 ZAHIA, la CCass a estimé qu’une loi étrangère qui ne permet pas d’établir un lien de filiation naturelle n’est pas contraire à l’OPI, la CCass montre une relative ouverture à l’égard des droits étrangers.Arrêt LATOUZ 10/02/1993, la CCass dit le contraire, qu’une telle loi est contraire à l’OPI « si elle a pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France du droit d’établir sa filiation ».10/05/2006, un enfant exerçait une action en recherche de paternité à l’encontre d’un homme français mais l’enfant lui-même n’était pas français et ne résidait pas en France. La CCass a décidé que la loi étrangère qui ne connait pas la filiation naturelle n’était pas contraire à l’OPI.Dans l’arrêt ZAHIA il n’était pas question de la nationalité de l’enfant, en critère on intègre le critère de proximité et en 2006 on considère que la loi étrangère n’est pas contraire à l’OPI car l’enfant n’est pas français et ne réside pas en France. On voit ici comment s’est intégré dans le système français le critère de proximité.

- 2ème cas : reconnaissance en France d’un droit acquis régulièrement à l’étranger : si on intègre le critère de proximité c’est pour faire intervenir l’OPI alors qu’il est sensé ne pas intervenir. Le critère de proximité atténue l’effet atténué, c’est un retour en arrière. Sévérité accrue.Ex du mariage polygamique qui ne peut en aucun cas être célébré en France, l’OP intervient de façon pleine, il ne peut pas non plus être célébré dans le consulta ou l’ambassade d’un Etat qui l’admet. C’est l’effet plein de l’OP qui joue. S’il a été régulièrement célébré à l’étranger il sera reconnu en France si le statut personnel des époux l’autorise (nationalité qui autorise le mariage polygamique) : arrêt CHEMOUNI 28/01/1958 (grand arrêt 30). Intervention de l’OP de proximité : si l’une des parties est française la conception française de l’OPI s’oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l’étranger par celui qui est encore l’époux d’une français produise ses effets à l’encontre de celle-ci. Ici, OP atténué et OP de proximité qui commence à se montrer le bout du nez : arrêt BAAZIZ 2 6/07/1988.Ex des répudiations : on part d’abord de l’effet atténué de l’OP à savoir une répudiation régulièrement annoncé à l’étranger est reconnu en France sur le fondement de l’effet atténué de l’OP : arrêt RHOBI 3/11/1983 (grand arrêt 63). La CCass a reconnu des fraudes notamment arrêt 9/07/2003 où elle a constaté que la répudiation régulièrement prononcée à l’étranger avait été recherché uniquement pour faire obstacle à la procédure de divorce engagée par l’épouse en France.

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Depuis ROHBI, la JP a eu une attitude plus sévère, elle a d’abord invoqué l’absence de garantie procédurale suffisante pour l’épouse en particulier dans des hypo où l’épouse n’est pas là et ne peut pas s’opposer (non conforme au procès équitable) : 1/06/1994 et 12/07/2001. Un autre fondement utilisé par la JP pour ne pas reconnaitre la répudiation a été de dire que le plus souvent l’épouse avait reçu des prestations compensatoires très faibles voire inexistantes : 16/07/1992. Ici, JP qui ne raisonne pas encore en terme de proximité puis qui fait une appréciation in concreto c'est-à-dire que dans une hypo où la femme serait présente, où elle pourrait s’opposer, où elle recevrait une prestation suffisantes la CCass aurait accepté la répudiation. Il y a eu un double virage fondé sur des aspects différents dans 5 arrêts du 17/02/2004 (grands arrêt 64) : ce que reproche la CCass au regard de l’OPI c’est que la répudiation est unilatérale, elle invoque donc le principe d’égalité des époux qui est proclamé par le protocole 7 du 22/11/1984 à la CEDH et ce principe est jugé d’OP et appliqué aux époux et notamment à la dissolution du lien conjugal. 3 remarques :

o on voit ici que ce qui motive la CCass c’est le caractère unilatéral de la répudiation, en soit ce mode de dissolution du mariage est contraire à l’OPI car il méconnait le principe d’égalité des époux et donc ici on glisse vers une appréciation in abstracto. Cette analyse est confirmée dans arrêt 4/11/2009 où la CCass reprend l’attendu, les moyens du pourvoi reprochaient soit explicitement soit implicitement à la CA d’avoir fait une appréciation in abstracto de l’OPI : conforme qu’on est dans un cas d’appréciation in abstracto de l’OP.

o Pour les répudiations marocaines il existe une convention franco marocaine du 10/08/1980 dans laquelle il était prévu qu’une répudiation à la marocaine valait divorce. En dépit de la convention franco marocaine, la CCass dit non aux répudiations unilatérales depuis 2004.

o Dans ces arrêts de 2004, lien de proximité avec la France. Soit tous les 2 résidaient en France, soit la nationalité de l’épouse (lien de proximité). Donc à la fois le critère de proximité et à la fois l’égalité des époux est un droit de l’Homme issu de la CEDH. En pratique une situation telle sera très rare.

C : Les effets de l’exception de l’OPI

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La loi étrangère est évincée : c’est l’effet négatif. L’effet positif c’est l’effet de substitution d’une autre loi.Quelle loi substitue t on ? On applique toujours la loi française quand on a évincé une loi étrangère.Dans quelle mesure on substitue la loi française ? En principe, on ne substitue la loi française que dans la stricte mesure nécessaire car n’écarte que les dispos de la loi étrangère contraire à l’OP. Mais c’est l’approche théorique, dans certains cas on substitue totalement, ex dans l’arrêt PATINO du 15/05/1963 (grand arrêt 38) on avait jugé la loi étrangère contraire à l’OPI car elle n’admettait aucun relâchement du lien conjugal. Ici, on a été obligé d’écarté totalement la loi étrangère. Il faut retenir que la substitution se fait dans la mesure où c’est nécessaire.

D : Exception d’Op et lois de police

On compare avec l’OP car l’idée de base est la même : s’assurer que certaines législations ou valeurs seront respectés quoi qu’il arrive car elles sont jugées essentielles par le for.

Historique sur l’OP : On a découvert l’Op quand on a découvert le conflit de loi c'est-à-dire quand les juges ont acceptés d’appliquer des lois étrangères. Au 14ème siècle, les italiens et notamment BARTOLE distingue les statuts favorables et les statuts odieux (contraire à l’OPI) il cite pour ex l’incapacité pour les femmes mariées d’être héritières. Au 17ème, BOUILLER en France évoque des coutumes exorbitantes du droit commun donc même idée. Les hollandais subordonnent l’application de la loi étrangère au respect des intérêts généraux et nationaux du juge saisi. L’idée est donc là. On s’intéresse ensuite à la fonction de l’OP : aujourd’hui il a une fonction d’éviction, il sert à écarter une loi étrangère mais ce n’est pas dans cette fonction qu’on l’a d’abord identifié, on s’en est d’abord servi comme un critère de rattachement. C’est MANCINI au 19ème qui a inventé ça. Pour lui ; certaines lois italiennes sont absolument indispensables et doivent s’appliquer en toutes circonstances y compris dans les relations internationales. Ce qui est intéressant c’est que dans la conception de MANCINI l’impérativité de la loi interne est un critère de son application dans l’ordre international et donc la loi interne impérative intervient immédiatement à la manière des lois de police d’aujourd’hui. Celui qui a inventé l’OP d’exception c’est BARTIN en faisant une analyse de JP et doctrine il a isolé le rôle spé de l’OP dans les relations internationales, il a inventé le mécanisme d’exception à l’application des lois étrangères normalement compétentes. Aujourd’hui, à partir des 50’s la notion d’OPI de BARTIN en tant

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qu’exception s’est imposée mais dans le même temps les lois de police sont apparues et ont été admises dans le DIP français. Ce qui diffère entre les lois de police et l’OP critère de rattachement de MANCINI c’est que pour ce dernier c’était des blocs entiers de la loi italienne qui étaient impératifs alors que les lois de police sont des législations ponctuelles qui interviennent au coup par coup et qui sont internationalement impérative car elles protègent un intérêt sociétal clairement identifié. Dans le DIP français il y a les deux méca : exception d’OP et lois de police qui défendent tous les deux l’OP différemment. Sur le plan méthodologique la différence est nette.

Les mécanismes sont différents : la loi de police s’applique de façon immédiate sans passer par la règle de conflit (impérativité positive). Au contraire, l’exception d’OP intervient à posteriori. Ce n’est qu’au stade de l’application concrète de la loi étrangère que l’exception d’OP va éventuellement réagir. C’est un mécanisme proportionné à son but c'est-à-dire qu’elle n’écarte la loi étrangère que si ses résultats concrets sont inadmissibles alors que la loi de police ne se préoccupe pas de la loi étrangère.Sources différentes : la loi de police est nécessairement dans un texte législatif, c’est une loi impérative interne dont l’importance est telle qu’il faut aussi la rendre impérative dans l’ordre international.Contenus différents : On pourrait se dire que les lois de police forment un noyau dur de l’OPI. Mais ce n’est pas si sur car le plus souvent les lois de police sont en matière éco et si elle ne faisait pas l’objet d’un texte il n’est pas certain qu’on pourrait les rapprocher d’une valeur fonda du for. La loi de police, il faut que le législateur manifeste un intérêt particulier à l’égard de telle ou telle politique législative éco souvent conjoncturelle par ex le droit à indemnisation de l’agent commercial en cas de rupture de son contrat n’est pas une valeur fonda mais une valeur éco. Quand un texte est de police en revanche on peut considérer qu’une loi étrangère qui lui serait contraire pourrait être écartée au nom de l’exception d’OP.

§2 : La fraude à la loi

A : Notion

Il faut le distinguer du forum shopping qui consiste à choisir un juge compétent dont la règle de conflit désignera une loi favorable : c’est le demandeur en justice qui exerce le forum shopping. Ce n’est pas une fraude, c’est une conséquence qu’on peut certes regretter mais c’est une conséquence de la pluralité d’une part des systèmes de conflit de lois d’autre part du fait que

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chaque Etat, sauf convention internationale, fixe unilatéralement les règles ou les chefs e compétence de ces juridictions. Le forum shopping peut dégénérer en fraude procédurale, ex des répudiations quand l’époux que sa femme avait assigné en France aux fins des divorces, fait un voyage au pays et répudie sa femme uniquement pour se prévaloir de cette répudiation dans le divorce français. Quand le but d’une partie qui exerce le forum shopping est uniquement de se prévaloir ensuite dans son pays du jugement obtenu à l’étranger alors il peut y avoir fraude procédurale. La fraude à la loi ne consiste pas à jouer sur la diversité des systèmes juridiques contrairement à la fraude procédurale. La fraude à la loi se situe à l’intérieur d’un système de conflit de loi et consiste à jouer sur le facteur de rattachement. Pour que soit constitué une fraude à la loi il faut un élément intentionnel et un élément matériel.

1 : Elément subjectif : l’intention frauduleuse

La fraude à la loi n‘est pas spé au DIP, comme en droit interne la fraude consiste à monter une opération objectivement licite, conforme à la loi, qui ne se révèle illicite qu’aux vues du comportement de l’individu, du but qu’il poursuit au travers de l’opération objectivement licite. Ex simple : la cause illicite en droit des contrats : le contrat est régulier, l’objet est licite mais le but poursuivi par l’une des parties est illicite voire immorale. En DIP, la fraude consiste à modifier l’élément de rattachement avec en vue la modification de la loi applicable. Mais en soit ce n’est pas frauduleux. Ex : si je déplace un meuble pour le soumettre à une autre loi ce n’est pas frauduleux mais en revanche ce qui le serait c’est de déplacer le bien officiellement dans un autre pays et de le ramener en douce en France pour que mon droit de propriété soit soumis au droit étranger alors que le bien est localisé en France. Il faut que le rattachement soit modifié artificiellement, modifié sans que l’individu n’ait l’intention d’accepter toutes les conséquences de la modification. Ex CCass 18/03/1878 (grand arrêt 6) PRINCESSE DE BOFFREMONT : les époux BOFFREMONT sont français et séparés de corps mais à cette époque il n’y a pas de divorce, Mme veut épouser un autre Prince BIBESCO, elle va résider en Saxe et acquiert la nationalité saxonne. Or, en droit saxon des époux catho séparés de corps sont réputés divorcés donc la princesse se remarie à Berlin. Le 1 er mari l’assigne en nullité du 2nd mariage, les juges du fonds accueillent sa demande. La CCass est saisi et approuve les juges du fonds sur le fondement suivant : la Princesse avait demandé et obtenu la nationalité saxonne non pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs qui en découlent et non pas pour s’établir en Saxe définitivement mais dans le seul but d’échapper à l’indissolubilité du mariage en droit français en vue d’un 2nd mariage. La différence que la CCass a

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consacrée par rapport aux juges du fonds : le 2ème mariage est inopposable au 1er mari.

2 : L’élément objectif

C’est le critère de rattachement modifié. Encore faut il qu’il soit modifiable. Pour le contrat interne, une fraude pourrait consister à le soumettre à une loi étrangère pour l’internationaliser artificiellement pour échapper aux règles impératives de droit interne française. Cette situation est appréhendée par la convention de Rome et le règlement Rome 1 dans l’article 3§3 : le contrat est disqualifié, il n’empêche pas l’application des règles impératives internes françaises, donc ce n’est pas un véritable choix de loi.Autre cas : modification de la qualification, on change ainsi la règle de conflit et le rattachement : affaire CARON du 20/03/1985 : Mr CARON français avait un immeuble en France mais vivait aux USA. Avant son décès, il cède l’immeuble à une société immo américaine dans laquelle il détient des actions : il transforme son immeuble en action dans une SCI. Or, en droit français, les actions dans une société sont des meubles, en conséquence la succession relève en DIP français de la loi du dernier domicile du défunt et non pas de la loi du lieu de l’immeuble. Il avait fait ça car le droit américain ne connait pas la réserve héréditaire (en France on ne peut pas déshériter certaine personne). Les juges du fonds y ont vu une fraude à la loi : CARON avait transformé son immeuble en meuble uniquement dans le but de contourner la réserve héréditaire en droit français. Donc, la fraude a été privée d’effet.

B : Sanction de la fraude

Règle générale du droit privée : la fraude est sanctionnée par sa propre inefficacité. On fait produire tous ses effets à la loi que la partie voulait éviter. En DIP on prive d’effet la loi à laquelle les parties s’étaient volontairement et frauduleusement soumise. Ce n’est pas toujours aussi simple, dans l’affaire BOFFREMONT, pourquoi la CCass prononce l’inopposabilité du 2nd mariage à l’époux français ? Il est difficile pour le juge français d’annule le mariage qui a des effets en Allemagne. Ce qui compte c’est de priver d’efficacité l’acte obtenu par fraude mais dans les limites du droit français. Dans l’affaire CARON il suffit d’écarter la loi américaine et de lui substituer la loi française et donc les héritiers ont leur part réservataire sur l’immeuble en France.Plus généralement, si la fraude vient d’un fait par ex le déplacement d’un fait, il suffit de l’ignorer : on fait comme si le meuble n’avait pas bougé. En revanche si la fraude s’est matérialisé par un acte par ex le mariage l’inopposabilité est la

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meilleure sanction car elle est adaptée à l’objectif poursuivi c’est à dire priver d’efficacité la fraude à l’égard seulement des personnes à qui cette fraude fait grief.

C : Incidence du droit communautaire

Il ne s’agit pas d’une influence directe sur la fraude à la loi au sens strict. Il s’agit plutôt d’une influence indirecte, médiate, qui est le résultat de la primauté dans le marché intérieur des grandes libertés. En matière de droit des sociétés par ex plusieurs arrêts de la CJCE CENTROS du 9/03/1999, UBERSEERING du 5/11/2002 et du 30/09/2003 INSPIRE ART. Pour le dernier : 2 personnes résidant au PB et souhaitant créer une société avec une activité au PB vont créer leur société au RU alors qu’elles n’avaient aucunement l’intention d’exercer une quelconque activité en Angleterre. Condition de formation des sociétés plus souple au RU qu’au PB. Puis, elles créent un établissement secondaire au PB. Les autorités hollandaises exigeaient l’inscription au RCS local sous une mention « société étrangère de pure forme ». Cette qualification avait des conséquences : informer les tiers du fait que cette société n’avait pas son siège au PB et certaines dispos du droit hollandais s’appliquait notamment sur la responsabilité des administrateurs. Donc se sont des garanties pour les tiers. La CJCE s’oppose à cette exigence hollandaise sur le fondement d’une entrave à la liberté d’établissement. En DIP commun, les exigences des PB étaient au contraire légitimes. Ce qui est intéressant ici c’est que la CJCE réserve la fraude, approuve l’attitude des individus sous réserve de fraude, mais estime que le fraude n’est pas constituée ni même présumée du seule fait que c’est délibérément pour échapper aux contraintes du pays de l’activité que les associés ont fixé le siège statutaire en Angleterre dans le but de profiter ensuite de la liberté d’établissement. Le droit communautaire et les libertés de circulation sont tellement défendues par la CJCE que la création d’une situation extra communautaire permet de se prévaloir des grandes libertés qui permettent de choisir la loi la plus favorable pour ensuite se prévaloir de la régularité de la situation dans un autre pays. La notion de fraude à la loi se réduit énormément et il n’y a aucune précision sur la fraude au droit communautaire.

CHAPITRE 4 : Le facteur temps

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On rattache des situations en présence d’un conflit de loi dans l’espace et donc le temps et la règle conflit rajoute un 2ème conflit sur le conflit de loin dans l’espace : le conflit de loi dans le temps. 2 règles fondamentales du droit français en matière de conflit de loi dans le temps :- La non rétroactivité de la loi (article 2 du code civil) qui s’impose au juge,

c’est une principe d’OP mais pas constitutionnel donc le législateur peut y déroger expressément.

- Applicabilité immédiate de la loi nouvelle aux situations en cours avec une exception en matière contractuelle la loi ancienne c'est-à-dire en vigueur au moment de la conclusion du contrat survit et régit donc les effets du contrat en cours même postérieurement à l’EV de la loi nouvelle. Et donc à cette exception il y a une exception : la loi ancienne survit sauf si la loi nouvelle est d’OP ou d’intérêt général auquel cas elle s’applique immédiatement.

En DIP, le conflit de loi dans le temps peut intervenir de 3 façons différentes :- La règle de conflit du for peut changer- La loi désignée par la règle de conflit change- Le rattachement change par le fait du temps

Section 1 : Le changement de la règle de conflit du for

Question récente car jusqu’en 1972 il n’y avait pas de règles de conflits de source législative, source JP seulement. Or, les revirements de JP ne donnent pas lieu à conflit de lois dans le temps. Comme la loi qui n’a pas bougé est interprété par la CCass elle est considérée avait toujours été considéré comme ça dans la JP donc ça donne un effet rétroactif. A partir de 1972 et avec l’EV de conventions internationales, la question s’est posée. Les propositions étaient doctrinales. Soit on applique les règles du droit transitoire à savoir on applique immédiatement aux situations en cours les nouvelles règles de conflit de lois sauf en matière contractuelle où on laisse subsister les règles de conflit anciennes sur les contrats en cours sous réserve d’intérêt général. 2ème

possibilité : on applique aux règles de conflit les dispos transitoires que le législateur a prévu pour les règles matérielles. Les juges du fonds ont évoqué pour la 2ème solution : l’application de la règle de conflit nouvelle, les règles transitoires que le législateur avait posé pour les dispos matérielles des lois de 1972 et 1975. Finalement la CCass dans un arrêt ORTIZ du 13/01/1982 (arrêt 62) a choisi pour l’application des principes du droit commun du conflit de droit commun dans le temps. Il s’agissait de l’article 310 du code civil qui est devenu

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309 qui pose la règle de conflit en cas de divorce. Option ferme de la CCass en faveur des PGD transitoires.

Nuances à deux points de vue :- En ce qui concerne l’application immédiate de la nouvelle règle de conflit

aux situations non contractuelles en cours, la règle peut être modérée voire écartée car elle peut changer radicalement la situation et contrarier ou contredire la prévisibilité dans certains domaines notamment en matière de régimes matrimoniaux. Si une règle de conflit change le critère de rattachement, les deux époux changent du jour au lendemain de régime matrimonial.

- A propos des dispos d’OP ou d’intérêt général qui s’appliquent immédiatement même au contrat en cours, cette exception ne peut pas à priori se poser dans le domaine du conflit de loi car une règle de conflit nouvelle ne touche pas au fond donc on ne peut pas voir dans la règle de conflit transparaitre un intérêt général ou d’Op qui justifierait qu’elle s’applique immédiatement au contrat en cours. Les PGD transitoires sont simplifiés.

Ce qu’on vient de dire concerne la règle de conflit bilatérale classique en revanche certains auteurs considèrent que lorsque la règle de conflit est à coloration substantielle alors elle devrait obéir aux règles transitoires prévues pour les dispos matérielles de la loi.

Section 2 : Le changement de la loi désignée par la règle de conflit

Principe : c’est à la loi désignée par la règle de conflit de régler elle-même son propre conflit de lois dans le temps et donc de dire si la loi nouvelle étrangère s’applique immédiatement, etc. C’est le cas à la fois pour le droit substantiel et étranger mais aussi pour les règles de conflits étrangères. La CCass l’a décidée dans un arrêt LEPPERT (grand arrêt 87) du 3/03/1987 et récemment dans un arrêt du 17/12/2008 à propos d’un droit transitoire étranger de l’application des mesures transitoires prévue par le nouveau code marocain de la famille du 4/02/2004. La CCass a dit dans ce dernier arrêt au juge français qui devait appliquer le droit marocain de se conformer au droit transitoire prévu par le code marocain.

Dans sa mise en œuvre il peut y avoir des difficultés :

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- On pourrait envisager dans des cas extrêmes d’écarter les règles transitoires étrangères au nom de l’exception d’OPI notamment si la loi étrangère prévoit une application rétroactive de la loi civile.

- L’application de la nouvelle loi étrangère qui se veut applicable en vertu des règles de conflit de lois dans le temps étrangères peut poser un problème dans l’hypo où la situation, les parties ont perdu tout contact avec le pays en question dont la loi avait vu naitre la situation. C’est la théorie de la pétrification de la loi étrangère : étude d’une situation concrète : hypo des régimes matrimoniaux de ressortissants d’Europe de l’Est qui sont venus en France il y a longtemps sans esprit de retour et en application de la règle de conflit française il faudrait appliquer aux régimes matrimoniaux la loi de leur ancien pays. Est-ce raisonnable d’appliquer la nouvelle loi étrangère alors que les époux n’ont plus aucun lien avec le pays ? Certains ont répondus non et ont dit qu’on a qu’à appliquer la vieille loi, celle sous l’empire de laquelle ils se sont mariés. Problème : cette loi ancienne n’est même plus en vigueur dans le pays considéré donc ça semble difficile d’appliquer une loi qui n’es plus en vigueur dans son pays. Arrêt 18/09/2002 : époux roumains mariés en Roumanie en 1941, à l’époque le régime matrimonial roumain était la séparation de biens. En 1950, ils émigrent en France et acquièrent la nationalité française en 1963. En 1954, le droit roumain change et le régime matrimonial légal devient la communauté. Les juges du fonds appliquent la convention de Genève de 1951 qui concerne les réfugiés, cette convention oblige les Etats à respecter les droits acquis en matière perso et familiale et donc ils appliquent aux roumains le régime de la séparation : application d’une loi qui n’est plus en vigueur. La CCass casse car la convention de Genève dénie la qualité de réfugié à ceux qui ont acquis la nationalité du pays d’accueil et donc il faut résonner selon le droit commun du conflit de loi dans le temps de la loi étrangère et choisir ou non la pétrification, la CCass choisit l’application de la nouvelle loi.

Section 3 : Le conflit mobile

C’est un changement de la situation de fait qui a évolué avec le temps. Le critère de rattachement ne change pas mais la situation change de telle façon que le critère de rattachement désigne une autre loi. Il faut préciser que certaines règles de conflit règlent le problème en posant un critère temporel qui permet donc d’éviter le conflit mobile par ex l’article 311-14 en matière de filiation. Parfois la règle de conflit est implicite par ex en matière délictuelle. A

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part ces hypo dans lesquelles la règle de conflit prévoit la solution, la difficulté est de savoir si on applique l’ancien lieu ou le nouveau. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de solution ferme, cela dépend de la règle de conflits. Puisque la fonction de la règle de conflit est d’identifier la loi la plus appropriée, il faut faire une analyse règle de conflit par règle de conflit. Ceci dit, cette règle qui n’en est pas une, la CCass a rendu 2 arrêts significatifs. En matière de divorce c’est le domicile des époux au moment de l’introduction de la requête du divorce qui a été retenu donc le domicile actuel : 17/07/1980 et JP constante depuis. En matière de statut réel pour les biens, dans un arrêt DIAC 8/07/1969 (grand arrêt 48) la CCass a aussi jugé que c’était la loi du lieu actuel du bien qui s’applique et non pas la loi du lieu où se trouvait le bien lorsque la sureté conventionnelle avait été constituée. Si on devait dégager une règle générale on pourrait dire que c’est le lieu actuel qui est pris en compte par la CCass pour mettre en œuvre la règle de conflit quand il y a eu un changement de l’élément de rattachement.

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DEUXIEME PARTIE : CONFLITS DE JURIDICTION

2 volets de juridiction : la compétence internationale du juge français et l’effet en France des jugements, décisions de justices rendus à l’étranger. Sur ces deux volets, il y a deux régimes distincts qui procèdent de deux sources différentes à savoir d’une part le droit français de source nationale qui résulte pour l’essentiel de la JP et le droit communautaire qui façonne un deuxième régime distinct du 1er. La répartition entre ces eux régimes dépend du domicile du défendeur : lorsque le domicile du défendeur est situé dans un Etat membre de l’UE, c’est le droit communautaire qui s’applique. Dans tous les autres cas, alors c’est le droit français commun qui s’applique.

Notion de conflit de juridiction :La pluralité des systèmes juridiques nationaux donnent lieu à des conflits de lois, plusieurs lois sont susceptibles de régir la question posée : la règle de conflit dénoue cette concurrence en attribuant compétence à l’une des lois en présence pour telle question. La règle de conflit de lois sélectionne une loi nationale parmi un certain nombre de lois nationales concurrentes.Le conflit de juridiction se pose en termes différents, ce n’est pas bien adapté à la réalité du problème. Raisons : la méthode du conflit de juridictions ou les règles qu’on applique dans ce domaine n’ont pas pour objet d’opérer un choix ou de sélectionner un ordre juridictionnel parmi plusieurs ordres juridictionnels différents. D’ailleurs, la méthode du conflit de juridictions n’est pas bilatérale. La démarche en matière de compétence de juridiction français et de reconnaissance des jugements étrangers est unilatéraliste. Cela s’explique par deux raisons :- Il n’existe pas de véritable conflit et on peut le vérifier dans les deux

volets.En matière de compétence internationale du juge français : quand le juge français est saisi d’une demande, il vérifie simplement que les règles françaises de compétences l’autorisent à connaitre de ce litige. Si la réponse est oui, il se déclare compétent et il ne se demande pas si un autre juge pourrait lui aussi se déclarer compétent. Chaque juge n’examine que ses propres règles de compétence. Si plusieurs juges sont saisis, il y a un vrai conflit dans ce cas là. Ici on parle de conflit de procédures, c’est un cas de litispendance ou de connexité internationales. Et dans ce cas là il y a des véritables règles de conflits c'est-à-dire qui tranchent et disent lequel de ces deux juges sera effectivement compétent. Si les règles françaises de compétence ne lui

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donne pas compétence, il se déclare incompétent, il décline sa compétence et là non plus il ne se préoccupe pas du fait de savoir si d’autres juges se déclareront compétents sauf un cas très rare que l’on verra appelé le risque de déni de justice.En matière de reconnaissance en France des jugements étrangers : quand le juge français est saisi d’une demande tendant à voir reconnaitre en France un jugement obtenu à l’étranger, la question qui lui est posé est de savoir si ce jugement peut produire des effets sur le territoire français. C’est une question franco française : il n’y a pas de conflits. Il existe donc une règle de reconnaissance des jugements étrangers, c’est une règle française qui pose des conditions.

- Nous sommes ici devant les tribunaux or un tribunal est un organe de l’Etat et exerce le pouvoir ou l’autorité judiciaire. Or, ce pouvoir relève de la souveraineté de l’Etat. Par conséquent, il n’y a que l’Etat qui puisse dire dans quels cas ces organes sont compétents. Il y a une exception : les traités internationaux : si plusieurs Etats concluent un traité sur la compétence des tribunaux, les pays parties peuvent se mettre d’accord sur des règles de compétences qui permettent de sélectionner un juge parmi les Etats parties. Même résultat que la règle de conflit de lois bilatérale. Mais ici aucune atteinte à la souveraineté car les Etats ont conclus un traité.

Pour les deux volets du conflit de juridiction il y a un droit commun français et un droit conventionnel issu de traité internationaux notamment un grand nombre de conventions bilatérales (conventions de coordination judiciaire entre deux Etats) mais le plus souvent elles sont limitées aux effets dans un pays des jugements rendus dans l’autre et réciproquement. Il peut y avoir aussi des conventions multilatérales dont la principale était la convention de Bruxelles du 27/09/1968 sur la compétence internationale et les effets des jugements et la convention de Lugano conclue en 1989 qui étend les solutions de la convention de Bruxelles aux pays membres de l’ELE. La Convention de Bruxelles a été remplacé par le règlement 44/2001 du 22/12/2000 avec quelques modifications. La convention de Lugano a été adaptée.

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TITRE 1 : Le droit commun

CHAPITRE 1 : La compétence internationale des juridictions françaises : la compétence directe

Notion de compétence internationale directe : en droit interne, on distingue la compétence territoriale (ratione loci= à raison du lieu) et la compétence d’attribution (ratione materiae=à raison de la matière).Dans les relations internationales, il s’agit de compétence territoriale à 1ère vue, on se demande quel est le juge compétent internationalement et non pas en fonction de la matière litigieuse. Cette 1ère impression est à préciser. En réalité la question se pose autrement : l’ordre juridictionnel français est il compétent ? Il s’agit bien quand même d’un critère géo de savoir quel est le juge internationalement compétent. On peut résoudre la complexité en disant que la compétence internationale du juge français attrait au pouvoir de juger des tribunaux français. En toute hypo, ce qui compte ici c’est que les règles fixant la compétence internationale des juges français dans les litiges internationaux se limitent à la compétence générale, c'est-à-dire le juge français entend qu’il représente l’Etat français. Deuxième étape qui concerne la compétence spé ou interne et ici il s’agit de la compétence d’attribution et de la compétence proprement territoriale à l’intérieur de la France et cette compétence ne sera vérifiée que dans un 2ème temps.

La question préa est de savoir en principe si l’ordre juridictionnel français a le pouvoir de juger par principe tous les litiges internationaux de droit privé impliquant toute personne. La réponse à cette question est oui mais ça n’est pas parce que l’ordre juridictionnel français a pour principe compétence qu’il a pour tous les cas compétence : encore faut il que soit satisfait des critères de compétences qui permettent au juge français de se saisir de tel ou tel litige. Nous verrons ensuite le régime des règles des compétences c'est-à-dire si elles sont obligatoires dérogeables et si oui comment.

Section 1 : L’existence et les limites du pouvoir de juger les litiges internationaux

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Seul l’Etat peut délimiter l’intervention de ces juridictions, cette règle de principe découle du principe de la souveraineté et de ce principe découle la règle et ses limites.

§1 : Le pouvoir de juger

Le pouvoir de juger précède les cas de compétences, il est général mais ce pouvoir de juger ne peut être exercé par les juridictions françaises que dans les cas où la loi française autorise le juge à se prononcer. Conséquence de cette subordination à la compétence : le juge français n’a pas le pouvoir de prêter main forte à la puissance publique étrangère et il n’a pas le pouvoir de juger les autres Etats.Question principale : le pouvoir des juridictions françaises de juger des litiges entre étrangers. En effet, il y a dans les textes français deux seules dispos sur la compétence internationale des juridictions françaises : articles 14 et 15 et du code civil. L’article 14 permet au demandeur français de saisir un tribunal français, le juge français est compétent quand le demandeur est français. L’article 15 prévoit que les tribunaux français sont compétents quand le défendeur est français. Pendant longtemps la JP a lu ces articles comme une exception à l’incompétence des tribunaux français dans les litiges internationaux : le juge français n’était compétent que si l’une des parties au litige était française. Pour les litiges entre étrangers, nos juridictions se déclaraient incompétentes. Il a fallu attendre le 21/06/1948 que le 1er arrêt PATINO : la CCass admet en général la recevabilité des demandes formées par des étrangers. Il faut attendre l’arrêt SHEFFEL du 30/10/1962 (grand arrêt 37) pour que la CCass affirme le principe suivant lequel l’extranéité des parties n’est pas une cause d’incompétence des juridictions françaises. La CCass a inventé des règles de compétence.

§2 : Immunités de juridictions et d’exécution

A : Notion d’immunité et ses sources

Notion : Traditionnellement, en vertu d’une règle coutumière internationale, les chefs d’Etat, les diplomates et par extension les Etats eux-mêmes puis leurs émanations (les ministères, etc.) bénéficient d’une immunité de juridiction c'est-à-dire d’une faculté, d’un privilège qui leur permet de se soustraire aux juridictions des Etats étrangers. Ils bénéficient également d’une immunité d’exécution qui leur permet de soustraire leurs biens à toutes mesures de contraintes sur le territoire d’un Etat étranger : impossibilité de saisir les biens

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d’un Etat sur un territoire étranger. Aujourd’hui, dans le DI moderne, ces immunités profitent aux organisations internationales nombreuses. Fondement de cette règle : courtoisie internationale et principe de souveraineté : tous les Etats étant souverains et égaux il n’est pas possible que les juges d’un Etat jugent les autres Etats.

Sources : En ce qui concerne les diplomates et les agents consulaires ils ont des immunités explicitement énoncée dans des conventions de Viennes du 18/04/1961 et du 24/04/1963. Ces conventions protègent ces agents et certains de leur personnel à raison de leur fonction pour assurer l’indépendance totale sur le territoire des Etats, des ambassades et des consulats. Cela comporte une liberté de mouvement avec la fameuse valise diplomatique qui ne peut pas être ouverte par les forces de police et une immunité civile sauf pour les actions réelles immo et pour les successions et ils bénéficient d’une immunité pénale. Des conventions internationales ou un accord de siège prévoient les immunités en tant que personnes morales mais elles profitent aux fonctionnaires de ces institutions. En revanche, les immunités des Etats étrangers et de leurs émanations ainsi que des chefs d’Etat bénéficient d’immunité mais qui n’ont pas fait l’objet de convention internationale. Par conséquent, leur source reste coutumière. La CCass quand elle applique les immunités soit elle vise la coutume internationale (ex : arrêt 13/03/2001) soit elle vise les principes de droit international régissant les immunités des Etats étrangers (ex : arrêt 6/07/2000).

B : Portée des immunités

1 : Caractère absolu ou relatif de l’immunité

Pendant longtemps les immunités furent absolues c'est-à-dire qu’elles étaient attachées à la personne qui en bénéficiait et elle lui profitait quelque fut l’acte accompli. Il faut distinguer deux situations, d’une part les souverains et chefs d’Etat et agents diplomatique et d’autre part les Etats et leurs émanations.Les souverains et chef d’Etat étranger : Aujourd’hui encore leur immunité est absolue pendant le temps de leur fonction au moins. Pour les agents diplomatiques, ils bénéficient également d’une immunité attachée à leur personne à condition qu’ils soient accrédités par l’Etat étranger (ambassadeur, conseillers, attachés, secrétariat, etc.).Etats et leurs émanations : l’immunité est devenue relative, évolution pendant le 20ème siècle qui a vu les Etats intervenir de plus en plus dans le commerce international lui-même.

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Cette évolution du rôle de l’Etat sur la scène internationale a entrainé une relativisation de l’immunité de juridiction en tout cas : elle n’est pas seulement attachée à la personne, elle est attachée aussi aux actes accomplis par cette personne.

L’immunité de juridiction ne bénéficie aux Etats et à leurs émanations qu’autant que l’acte qui donne lieu aux litiges constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l’intérêt d’un service public : arrêt 25/02/1969 STE LEVANT EXPRESS TRANSPORT (grand arrêt 69). On en déduit que l’Etat et ses émanations ne bénéficient pas de l’immunité de juridiction quand il s’agit d’un acte relevant d’une activité commercial et de tout acte qui en relèvent pas de l’exercice de prérogative de puissance publique ou dans l’intérêt d’un service public. L’acte de puissance publique fait référence à un critère objectif alors que le critère de l’intérêt du service public touche à la finalité de l’activité : l’activité a pour finalité l’intérêt d’un service public alors qu’elle peut ne pas relever d’un acte de puissance publique et donc en vertu de ce critère, un organisme public indépendant voir une société privée peut bénéficier de l’immunité si elle démontre deux choses : d’abord qu’elle agit pour le compte de l’Etat et ensuite que son activité est dans l’intérêt d’un service public : 23/11/2004. De la même façon pour l’immunité d’exécution, seuls les biens qui n’ont pas été affectés à une activité privé sont protégés par l’immunité d’exécution : 14/03/1984 EURODIF et 1/10/1985 SONATRACH (grands arrêt 63 et 63). Ex JP : 25/01/2005 : l’Etat du Congo opposait son immunité d’exécution à son créancier pour des sommes dues au titre des charges de copropriété. Cet immeuble appartenait à l’Etat du Congo pour loger du personnel diplomatique mais la CCass a considéré que ces créances se rapportaient à une opération habituelle de gestion de droit privé. Le plus souvent, la question se pose pour des comptes bancaires, il faut se demander à quel type d’activité sont affectés les comptes. Ici, on peut relever un point important : les comptes bancaires des Etats sont présumés affectés à une activité publique mais c’est une présomption simple donc le créancier peut renverser la preuve. Au contraire les émanations des Etats notamment les entreprises d’Etat supportent la présomption inverse : les fonds sont présumés affectés à une activité privée et c’est à l’émanation de prouver le contraire. Précision : cette immunité d’exécution ne vise à protéger leur bénéficiaire que des saisies proprement dites de leur bien. L’immunité ne fait pas obstacle à l’exéquatur mais fait obstacle pour le créancier de mettre en œuvre ce titre exécutoire.

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Une partie de la JP semble changer de critère, certains arrêts s’orientent vers la notion d’insaisissabilité de certains biens. On raisonne sur les biens eux-mêmes. Certains sont insaisissables car nécessaires aux activités de puissance publique des Etats.

Les immunités ne concernent que les activités et les litiges qui en résultent qui mettent en cause l’activité de puissance publique de l’Etat ou de son émanation ou d’une activité en faveur ou dans l’intérêt d’une puissance publique. Quand l’Etat agit dans ce cadre il bénéficie de l’immunité de juridiction. Arrêt 8/07/2009 : une ambassade licencie un agent admin qui était chargé d’accueillir le public et d’enregistrer les naissances, mariages, décès, en résumé une fonction subalterne, cette personne n’avait aucune responsabilité dans l’exercice du service public consulaire. Cette personne était demanderesse à l’action et dans ce cadre l’ambassade ne peut pas opposer son immunité de juridiction car le rapport litigieux n’entrait pas dans l’exercice de la puissance publique, n’était pas dans l’intérêt de puissance publique.

2 : Compatibilité de l’immunité avec le droit d’accès au juge (6§1 CESDH)

L’article 6§1 inclut également un droit à l’exécution du jugement. L’exécution du jugement se rapporte à l’immunité d’exécution. Arrêt 14/10/2009 : était en cause la ligue des Etats arabes qui a conclu avec la France un accord d’établissement du 26/11/1997, cet accord réduit le champ de l’immunité d’exécution. En vertu de cet accord, l’immunité est exclue pour les conséquences des conventions passées pour l’activité du bureau français et pour les accidents causés par un véhicule du bureau. Dans le cadre d’un accord d’établissement, l’Etat français et l’organisation internationale peuvent prévoir un champ d’application non conforme à la JP de la CCass : aucun critère d’activité de puissance publique ou dans l’intérêt de puissance publique. En l’occurrence dans l’arrêt la convention dont était issue la créance était étrangère à l’activité du bureau mais selon les termes de l’accord alors que les créanciers bénéficiaient d’un autre moyen pour obtenir l’exécution de la condamnation l’immunité d’exécution a pu être invoqué par le bureau de la ligue prive les créanciers de l’exécution de leur jugement : aucune contrariété au droit d’exécution du jugement. 2 raisons : accord entre la France et la ligue arabe claire et la CCass considère que les créanciers avaient un autre moyen d’obtenir l’exécution de la condamnation et pouvait contourner l’immunité d’exécution.

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On retrouve ce raisonnement en matière d’immunité de juridiction. On distingue les organisations internationales et les Etats étrangers.Pour les OI, la question de leur immunité de juridiction se pose dans les litiges face à leur salarié. Le point de départ c’est que la CEDH a reconnu que l’immunité de juridiction de ces OI était légitime car elle garantit leur bon fonctionnement et leur indépendance par rapport aux Etats. En réalité la CEDH exerce son contrôle sur le caractère proportionné ou disproportionné de l’immunité de juridiction par rapport à l’objectif poursuivi qui est d’assurer le bon fonctionnement et l’indépendance par rapport aux Etats. Dans deux arrêts du 18/02/1999 la CEDH a décidé que l’immunité de l’OI était une atteinte à l’article 6§1 au droit d’accès au juge si les salariés n’ont pas une voie alternative leur permettant de faire valoir leur droit de façon effective. La CEDH n’exclut pas que cette voie alternative puisse être interne à l’OI elle-même. La CCass était traditionnellement assez réticente pour exercer ce contrôle de compatibilité entre l’immunité de juridiction et l’accès au juge : 14/11/1995 et 28/10/2003 montrent que même 4 ans après l’arrêt de la CEDH la CCass avait quelque peine à exercer le contrôle que lui suggérait la CEDH, mais c’était la 1ère

chambre civile spécialisée en DIP. La chambre sociale dont l’orientation travailliste est évidente a moins de scrupules et dans un arrêt du 25/01/2005 elle a admis l’idée qu’on puisse confronter les deux notions : la banque africaine de développement avait licencié le salarié et lui opposait son immunité de juridiction : la CCass a considéré que la banque ne pouvait pas opposer cette immunité dès lors qu’aucune action interne à l’institution n’était prévue assurant une procédure contradictoire au cours de laquelle les salariés peuvent faire valoir efficacement leurs droits. Depuis cet arrêt, d’autres ont été rendus par cette même chambre et c’est à elle que revient la mise en balance de l’immunité de juridiction et l’article 6§1.Pour les Etats étrangers, la CEDH est dans la même ligne, elle a aussi admis la légitimité de l’immunité de juridiction des Etats et également qu’il pouvait y avoir dans l’exercice de cette immunité une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge et dans ce cas l’immunité de juridiction est privée d’effets. La CEDH ne l’a pour l’instant admis qu’en principe : aucune application. Arrêt 21/11/2001 mettait en cause un particulier agissant contre un Etat pour des faits de tortures. 20/10/1987 la victime d’une nationalisation sans indemnité s’est vue opposer l’immunité de juridiction. Les victimes du travail forcé en Allemagne pendant la 2nde GM, recours contre l’Allemagne et elle a pu invoquer son immunité de juridiction : 16/12/2003 et 2/06/2004. Même si la CCass ne s’est pas prononcée en l’espèce de fait l’Etat allemand avait mis en place un système d’indemnisation spécifique ouvert aux victimes du travail forcé.

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3 : Régime des immunités

L’immunité de juridiction est un privilège accordé à une personne en raison de sa qualité et aussi à raison de la nature des actes qu’elle passe. L’immunité peut faire l’objet d’une renonciation et comme toute renonciation elle doit être non équivoque : 2 possibilités : soit elle est express donc il faut que le titulaire de l’immunité exprime sa renonciation à l’immunité (pour les agents diplomatiques la renonciation doit être express), soit elle est tacite à condition qu’elle soit non équivoque ici c’est une question d’appréciation, ex : quand l’Etat ou l’OI ou l’émanation est demandeur en justice, ex2 : si l’Etat est défendeur et qu’il ne soulève pas in limine litis son immunité, ex 3 : si l’Etat conclu une convention d’arbitrage il renonce à l’immunité de juridiction devant les juridiction étatique qui contrôlent l’arbitrage. Arrêt CHREITHON c/ QUATAR du 6/02/2000 dans lequel la CCass estime que la conclusion par l’Etat d’une clause d’arbitrage emporte renonciation non seulement à l’immunité de juridiction et d’exécution. Cela ne remet pas en cause l’insaisissabilité de certains biens affectés par l’Etat à une mission de service public.

Section 2 : L’étude des règles de compétence du juge français dans les contentieux internationaux

Observations liminaires : Nous sommes dans l’instance directe c'est-à-dire l’instance dans laquelle le juge juge le litige entre les parties en fait et en droit, il tranche entre des prétentions antagonistes relatives à des droits substantiels que ceux-ci soient patrimoniaux ou extra patrimoniaux. Il existe une instance indirecte c’est l’instance en reconnaissance et en exécution d’un jugement étranger où ici le juge ne juge pas le litige entre les parties mais il juge le jugement étranger, il vérifie que le jugement étranger satisfait à certaines conditions de régularité.Les règles de compétence attribuent compétence aux tribunaux du for et ces règles de compétence sont fondées sur l’existence d’un lien de proximité entre le tribunal et le litige. Cette proximité peut être purement territoriale mais aussi perso c'est-à-dire fondée sur la nationalité des individus partis au procès. Cette démarche est une démarche de localisation déjà rencontrée en conflit de loi. Dans le conflit de lois la localisation est fonction de la nature du rapport de droit et le rattachement à telle ou telle loi est recherchée en fonction de l’avantage, de l’intérêt qu’il y a à appliquer cette loi.Pour le conflit de juridictions les raisons sont plus prosaïques. Les objectifs de la localisation du litige sont de deux ordres : d’abord pour ce qui est de la proximité perso il s’agit ici de protéger les français contre des justices

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étrangères dont on se méfie ou dont on pense qu’elles n’offriront pas les garanties procédurales qu’offre la justice française : conception souverainiste. Pour des raisons de proximités, la proximité matérielle c’est la commodité pour les parties d’accéder matériellement au tribunal compétent. Du point de vue du juge un autre facteur peut être pris en considération : la proximité du juge avec les données matérielles du procès, accès aux preuves. Parfois, ce facteur de proximité est orienté, on veut protéger une partie et donc on donne comme critère de compétence la résidence de cette partie, c’est le cas pour le consommateur, le salarié, l’assuré réputée comme partie faible. On permet à ces 3 individus de saisir leur tribunal, celui de sa résidence même s’il est demandeur. Ces deux types de règles correspondent aux deux types de règles du droit français de la compétence internationale en droit commun.

Il existe des règles de compétence que la JP a dégagée après l’arrêt SHEFFLE : on les appelle les règles ordinaires de compétence c'est-à-dire qui ne sont pas fondées sur la nationalité, celles-ci étant fondées comme extraordinaires.

§1 : Les règles ordinaires de compétence internationale (non fondées sur la nationalité)

A : Extension à l’ordre international des règles de compétence interne

1 : Principe

Ce principe d’extension des règles internes à l’ordre international résulte de l’arrêt SHEFFLE du 30/10/1962 (grand arrêt 37) : la CCass a affirmé que les juridictions françaises pouvaient juger de litiges entre étrangers donc la CCass s’affranchissait des articles 14 et 15 du code civil. A partir du moment où on admettait que le juge français puisse trancher des litiges entre étrangers, plus de règle de compétence dispo sauf article 14 et 15 fondée sur la nationalité des parties. Il fallait donc inventer une règle de compétence : elle a décidé que la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne : l’extension à l’ordre international des règles internes de compétence. Ceci pour identifier la compétence internationale ou générale de l’ordre juridictionnel français : une fois que l’ordre juridictionnel français aura été déclaré compétent il faudra appliquer les règles françaises. Ce principe s’applique indépendamment de la nationalité des parties, il faut cependant qu’il y ait des liens entre la France et le litige et ces liens on les tire des critères de compétence territoriale interne qui figurent dans le CPC.

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2 : Application

Depuis l’arrêt SHEFFLE on sait que la compétence internationale des juges français est dans le CPC et le COJ. Ces codes posent des règles internes de compétence aux articles 33 et suivants. Plus précisément de 33 à 41 ce sont les compétences d’attribution. Ce qui nous intéresse sont les articles 42 et suivants qui posent des règles de compétence territoriale.

Article 42 : règle de compétence de principe qui est admise dans tous les pays du monde. Le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défendeur. Donc dans l’ordre international ça veut dire que le juge français est internationalement compétent si le défendeur est domicilié en France.Article 42 alinéa 2 vise l’hypo d’une pluralité de défendeurs, s’il y a plusieurs défendeurs le demandeur a le choix entre les tribunaux des lieus de leur domicile respectif : c’est la compétence dérivé et c’est applicable à l’ordre international.Article 43 : précise ce qu’est le domicile. Pour les personnes physiques domicile ou à défaut résidence. Si personne morale, soit c’est le lieu du siège de la société soit le lieu d’établissement de l’établissement secondaire ou de la filiale, etc. dont l’activité est à l’origine de la demande. C’est la théorie des gares principales.Article 44 : en matière réelle immo la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente. Compétence exclusive selon le DIP de la juridiction du lieu de l’immeuble.Article 45 : en matière de succession le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défunt étant précisé qu’en doit français c’est aussi le lieu d’ouverture de la succession. Compétence aussi exclusive.Article 46 : pose des chefs de compétence optionnels c'est-à-dire le défendeur peut saisir soit le tribunal du domicile du défendeur (article 42) soit :- En matière contractuelle la juridiction du lieu de la livraison effective de

la chose ou de l’exécution de la prestation de service.- En matière délictuelle la juridiction du lieu où est survenu le fait

dommageable ou où a été subi le dommage.- En matière d’aliments ou de contributions aux charges du mariage,

juridiction du lieu où demeure le créancier.Article 1070 CPC : juridiction en matière de divorce est celui du lieu de la résidence de la famille, si les époux résident séparément le tribunal du lieu où réside le parent qui a l’autorité parental sur les enfants, dans les autres cas

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celui de la résidence de l’époux défendeur. On tient compte de la résidence au jour de la demande.

Il faut lire ces règles en disant : l’ordre juridictionnel français est compétent si… C’est bien une règle unilatérale, d’attribution de la compétence dans certains cas aux tribunaux français et uniquement.

3 : Exception

On n’étend pas les règles internes à l’ordre international lorsque la règle interne ne peut pas convenir à l’ordre international. Dans ce cas, on l’adapte. Exemple : en matière de voie d’exécution pour les saisies exécution et les saisies conservatoires selon la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992. En général, en DIP, de telles mesures ne peuvent être exercées sur le territoire français que par des organes agissant soit au nom de l’Etat français soit sur délégation de l’Etat français ou plus fréquemment en pratique sur habilitation. C’est le cas des huissiers de justice qui sont habilités à exercer le pouvoir de contrainte. Donc il faut un organe agissant sur habilitation de l’Etat. Par ailleurs, ces mesures de contrainte sont toujours exercées sous le contrôle des juridictions françaises. Ce principe de territorialité des voies d’exécution découle directement du droit international public en vertu duquel un Etat ne peut exercer sa puissance de contrainte que sur son propre territoire et non pas sur le territoire des autres Etats souverains. La Cour de justice l’a décidé dans un arrêt LOTUS du 7 septembre 1927. Cette territorialité des mesures d’exécution forcée influe directement sur les règles de compétence internationale des juges français en la matière. Dans l’ordre interne, le décret de 92 prévoit dans son article 9, qui est une disposition générale, que le créancier peut saisir soit le juge de l’exécution du domicile du débiteur soit le juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure. L’article 211 du même décret concerne uniquement la saisine du juge de l’exécution pour lui demander l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire. Cet article désigne comme seul juge compétent le juge de l’exécution du domicile du débiteur. Dans l’ordre interne, cela convient, c’est une mesure de protection du débiteur. Mais dans l’ordre international, cela ne peut pas convenir parce que pour la compétence du juge français seul compte le lieu de la mesure elle-même. Par conséquent dans l’ordre international, on n’a pas étendu l’article 211. Dans l’ordre international, le juge de l’exécution est compétent sur le fondement de la présence en France du bien qui est l’objet de la saisie conservatoire. Ça a deux conséquences :

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- Un huissier français ne procéderait jamais à une saisie conservatoire sur le fondement d’un jugement anglais

- Le juge français n’autorisera jamais à procéder à une saisie sur un compte en Angleterre.

B : Règles autonomes

Autonome veut simplement dire que les règles ne dérivent pas des règles internes. Elles sont spécifiques à l’ordre international et elles ont été dégagées par la jurisprudence.

Première règle : règle selon laquelle l’exequatur des jugements étrangers relève exclusivement de la compétence des tribunaux français. Règle de bon sens. Seul le juge français peut conférer la force exécutoire sur le territoire français à un jugement étranger. La question ne se pose même pas dans l’ordre interne. La question en se pose que dans l’ordre international.Second exemple : en théorie, (très rare en pratique), la compétence internationale du juge français fondé sur le risque de déni de justice. La notion de déni de justice est difficile à cerner. C’est une notion un peu fourre tout dont les contours ne sont pas très précis. On peut distinguer deux grands sens différents. Un premier sens qui vaut dans l’ordre interne et en droit international public et un autre qui vaut en DIP.

En droit interne : Article 4 du Code civil. Le juge français ne peut pas se retrancher derrière le silence, les lacunes de la loi pour refuser de juger. Le juge français doit juger même si la loi ne prévoit rien. Le juge qui ne juge pas, selon l’article 4 du Code civil, peut être poursuivi comme coupable de déni de justice. C’est une faute personnelle du magistrat. Ça fait l’objet d’une responsabilité pénale du magistrat et ça peut donner lieu à l’engagement de la responsabilité de l’Etat puisque le juge est un organe de l’Etat donc s’il commet une faute l’Etat est responsable. Sous l’influence de la CEDH notamment, la notion de déni de justice a tendance à s’élargir et à s’objectiver. Désormais ce n’est plus la faute uniquement du magistrat qui est en cause, c’est le disfonctionnement de la justice, du système judiciaire qui peut donner lieu à déni de justice. Le cas le plus fréquent est l’absence de délai raisonnable. Lorsque la justice est trop longue ça peut engager la responsabilité de l’Etat.

En DI public, c’est la même chose. Le déni de justice dans l’ordre international consiste pour un Etat à administrer la justice à l’égard d’un étranger de façon

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fondamentalement injuste ou inappropriée. Le disfonctionnement de la justice à l’égard de l’étranger est apprécié au regard des instruments internationaux que sont la CEDH ou le pacte sur les droits civils et politiques de l’ONU de 1966. Le déni de justice est un disfonctionnement de la justice qui engage la responsabilité de l’Etat que ce soit en droit interne ou en droit international public. L’Etat ayant manqué à son obligation d’assurer une protection juridictionnelle effective aux justiciables, que ces justiciables soient ses propres ressortissants ou des ressortissants étrangers.

En DIP, c’est totalement autre chose. En DIP, le déni de justice n’a pas du tout la même fonction. Il s’agit ici d’attribuer, de reconnaître, une compétence aux juridictions du for de façon exceptionnelle, dans des cas où les juridictions du for ne sont pas compétentes selon les autres critères de compétence. Ici, il faut rapprocher le déni de justice de la question de l’accès au juge. Dans l’ordre interne, les règles de compétences territoriales tendent à répartir les compétences de façon harmonieuses selon les juridictions. Dans l’ordre interne, il y a toujours un juge compétent.Dans l’ordre international, chaque Etat fixe ses propres règles de compétence donc, en pratique, la conséquence de cet unilatéralisme est que très souvent pour un même litige plusieurs juges de plusieurs Etats différents sont compétents. Mais on peut imaginer au moins sur le plan théorique des hypothèses dans lesquelles il y aurait un conflit négatif. Dans ce cas, il y aurait déni de justice parce que l’individu ne pourrait pas accéder à un juge. C’est pour éviter un tel risque que l’on admet ce qu’on appelle aussi le for de nécessité, c’est-à-dire la compétence internationale du for en cas de déni de justice.

Dans quels cas peut-on admettre cette compétence fondée sur le risque de déni de justice ? Ce sont des conditions restrictives. Tous les pays ne l’admettent pas. Dans l’ensemble les pays de droit civil l’admettent, pas ceux de Common law. D’abord, il faut toujours un lien avec le for. Par hypothèse, c’est un lien qui n’est pas un critère de compétence, c’est un lien ténu et quelconque avec la France, mais qui doit quand même être réel. Seconde condition : le demandeur doit rapporter la preuve qu’aucune autre juridiction n’est compétente dans le monde (rarissime en pratique et même purement théorique) ou qu’aucune juridiction n’est en pratique saisissable. Par exemple si le pays du juge compétent est en guerre. Les services publics sont totalement désorganisés. Traditionnellement, on ne tient pas compte de la solution au fond que donnerait le juge étranger. La Cour de cassation l’a décidé plusieurs fois et notamment dans un arrêt du 11 juin 2002. Le demandeur devant le juge

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français prouvait qu’en l’occurrence, le juge algérien était compétent mais qu’en vertu de la règle de conflit de lois algérienne et de la loi applicable algérienne, il allait être exproprié sans indemnité. Donc on peut considérer que ce jugement algérien ne pourrait pas être reconnu en France car contraire à l’ordre public international français. La Cour de cassation considère que ce n’est pas suffisant pour attribuer compétence au juge français sur le fondement du risque de déni de justice. Le demandeur doit véritablement prouver qu’il ne peut pas accéder au juge étranger. S’il peut y accéder, même s’il démontre que le juge étranger va donner une solution scandaleuse, tant pis pour lui. Un cas récent et particulièrement significatif : 1er février 2005, NIOC c/ Israël : Le litige opposait une entreprise publique iranienne à l’Etat d’Israël. La partie iranienne était demanderesse. Le seul juge compétent était le juge israélien. Or la Cour suprême israélienne avait rendu un arrêt dans lequel elle affirmait que l’Iran était un ennemi d’Israël. En application de cette décision de la Cour suprême israélienne, les avocats israéliens refusaient de représenter l’entreprise iranienne devant les juges israéliens. De façon très concrète, l’entreprise iranienne ne pouvait pas accéder au juge israélien parce qu’elle ne pouvait pas être représentée. La Cour de cassation a décidé que le juge français était compétent sur le fondement d’un risque de déni de justice et la Cour a considéré qu’il y avait un lien avec le for qui était très faible mais suffisant.Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a semblé glisser vers une autre notion du déni de justice, en incluant le résultat prévisible de l’action à l’étranger. Il était question d’une jeune femme nigériane qui avait été employée par son patron nigérian « sans manifestation personnelle de volonté », ce qu’il faut traduire par elle était une esclave. Or cette jeune femme et son « employeur » étaient en France. La jeune femme en profite pour saisir le conseil des Prud’hommes de Nice qui se reconnaît compétent. La chambre sociale l’approuve dans un arrêt du 10 mai 2006 : « l’ordre public international s’oppose à ce qu’un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales françaises et évincer l’application de la loi française dans un différent qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un salarié placé à son service sans manifestation personnelle de volonté et employée dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle ». Il n’y a aucune référence au déni de justice. Il y a seulement une référence à l’ordre public international qui n’est pas utilisé dans sa fonction normale d’éviction. C’est un mécanisme défensif, or ici, l’ordre public international est utilisé non pas pour évincer la loi nigériane mais pour fonder positivement la compétence du juge français et de la loi française au passage. Cet usage de l’ordre public international n’est pas admis en principe en droit français, donc la plupart des auteurs se sont dit

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qu’en réalité c’est une application large du déni de justice. C'est à dire qu’il y a un lien avec la France qui est que la personne se trouve en France avec son « employeur ». Traditionnellement, l’impossibilité d’avoir accès au juge compétent, qui est le juge nigérian, n’était pas démontrée. Il n’était pas démontré que le juge nigérian ne pouvait pas être saisi. La justice française se dit que le système judiciaire nigérian n’aurait peut être pas condamné cette fausse relation de travail ou si la petite avait saisi le juge nigérian, il lui serait arrivé des malheurs. C’est une impossibilité d’avoir accès au juge nigérian qui tient compte du contexte dans lequel cette jeune femme se situait dans son pays d’origine. Ici, on pourrait parler d’un déni de justice élargi, c'est à dire un déni de justice matériel qui inclut le résultat prévisible d’une action intentée devant le juge étranger compétent. C’est compatible avec l’interprétation de l’article 6§1 de la CEDH.

§2 : Règles de compétence fondées sur la nationalité (articles 14 et 15 du Code civil)

L’article 14 du Code civil vise l’hypothèse dans laquelle la personne française est demandeur. Le juge français est compétent. Il s’agissait de protéger les Français contre les tribunaux étrangers. L’article 15 vise l’hypothèse dans laquelle le Français est défendeur. Ici, dans l’esprit des législateurs de 1804, c’était une espèce de contrepartie à l’article 14. C’était une faveur faite à l’étranger. On autorisait la personne étrangère à venir en France pour poursuivre un français. Pendant très longtemps, la jurisprudence a interprété ces articles de façon très différente. L’article 15 a été interprété par la jurisprudence comme un droit du défendeur français à être jugé en France et non pas comme une possibilité ouverte au demandeur étranger. Il y avait une conséquence radicale : le défendeur français jugé à l’étranger pouvait se prévaloir de la violation de l’article 15 devant le juge français qui contrôlait le jugement étranger. On appelle ça la compétence exclusive indirecte. C’est un arrêt du 23 mai 2006 PRIEUR, qui a mis fin à cette jurisprudence. Même chose pour l’article 14, dans un arrêt FERCO METAL du 22 mai 2007, la Cour de cassation a dit que l’article 14 était facultatif et qu’il ne conférait pas une compétence exclusive indirecte à l’encontre de la compétence d’un juge étranger déjà saisi. Donc aujourd’hui on peut repartir du sens initial des articles 14 et 15 qui sont des privilèges de juridiction.

A : Champ d’application

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L’étendue Rationae personae. C'est à dire quant à la personne. Ces articles profitent à ceux qui ont la nationalité française ou les sociétés dont le siège social est en France et aux réfugiés résidant en France. L’article 14 profite également aux étrangers domiciliés en France dans les limites du champ d’application du règlement Bruxelles I. c’est-à-dire que c’est un domaine d’application très étroit. La nationalité française s’apprécie au moment de l’introduction de l’instance, peu importe si la personne change de nationalité après. C’est la partie à l’instance qui compte, le demandeur à la procédure pour l’article 14 et le défendeur pour l’article 15. C'est à dire que ce n’est pas la personne qui était partie aux rapports de droit litigieux. C’est notamment le cas du cessionnaire d’une créance. Exemple : Créance entre un Anglais et un Américain. Ce dernier cède sa créance à un français qui bénéficie de l’article 14. Il est partie à la procédure et non pas au contrat initial. Sur le plan théorique, il faut réserver la fraude. Celui qui aurait acquis la nationalité française uniquement pour se prévaloir des articles 14 et 15 ne pourrait pas s’en prévaloir. Mais c’est une réserve assez théorique.

L’étendue rationae materiae, c'est à dire par rapport à la matière. Les articles 14 et 15 au départ ne visent que les contrats. La Cour de cassation a étendu les privilèges. Arrêt Weiss du 27 mai 1970, (GA 49) qui a consacré la solution. Les articles 14 et 15 ont une portée générale s’étendant à toute matière sauf les actions réelles immobilières et les demandes relatives à des voies d’exécution pratiquées hors de France.

B : Effets

Ils rendent compétent l’ordre juridique français dans des hypothèses où il n’y a pas de critère de compétence ordinaire. Donc par hypothèse, il n’y a pas de critère géographique désignant un tribunal en France. Donc il est difficile d’identifier quel est le tribunal spécialement compétent. Le critère tenu est très vague puisqu’il s’agit de la bonne administration de la justice. Il y a trois possibilités en gros :- Soit le domicile du demandeur pour l’article 14- Soit le cas échéant la proximité avec la frontière du pays de l’autre

partie, mais dans le cadre de Bruxelles I, les privilèges sont exclus- Paris car Paris est central

C : Caractères

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a : Le caractère subsidiaire

Les articles 14 et 15 ne s’appliquent qu’en l’absence d’un chef ordinaire de compétence en France ou déni de justice. La Cour de cassation l’a décidé dans un arrêt Cognac and Brandies du 19 novembre 1985, (GA 68).

b : Le caractère facultatif

C’est ce qui a le plus changé avec les arrêts PRIEUR et FERCO METAL. Le juge doit tenir compte des articles 14 et 15 s’ils sont invoqués. Le juge n’a pas de pouvoir discrétionnaire sur la mise en œuvre des articles 14 et 15. Si personne ne les invoque, le juge français peut les relever d’office, mais il n’est pas obligé. Le caractère facultatif est surtout pour les parties. Les immunités de juridiction sont des privilèges de juridiction. Les articles 14 et 15 sont des privilèges de juridiction accordés à des français. Et comme tout privilège, ils sont susceptibles de renonciation. Il faut qu’elle soit non équivoque et elle peut être expresse ou tacite. La renonciation expresse peut prendre deux formes. D’abord, le plus sûr est un accord des deux parties. Par exemple : la conclusion d’une clause attributive de juridiction, clause par laquelle les parties choisissent le juge compétent. Ou la conclusion d’une clause d’arbitrage. La renonciation expresse peut aussi être unilatérale. Devant le juge étranger, le Français accepte la compétence du juge étranger et renonce à son privilège. La renonciation tacite était très compliquée avant l’arrêt Prieur. Si devant le juge étranger le Français n’invoquait pas l’article 15, alors on considérait qu’il y avait renoncé. Mais le problème est qu’il y avait quand même beaucoup d’exceptions et que la jurisprudence était particulièrement indulgente avec les défendeurs français à l’étranger qui n’avaient pas invoqué leur privilège. En revanche, si le défendeur français invoquait l’article 15 et que le juge étranger s’en moquait alors le jugement n’était pas reconnu en France. Avec l’arrêt PRIEUR, la méconnaissance de l’article 15 par le juge étranger n’est plus une cause de refus d’exequatur. Donc on n’a plus besoin de se demander si le Français y a renoncé ou pas. En ce qui concerne l’article 14, depuis l’arrêt FERCO METAL, si un tribunal étranger est saisi par le français ou par l’étranger sans fraude, c'est à dire pas dans le but d’écarter la compétence du juge français, le français ne peut pas invoquer l’article 14 devant le juge français. En revanche, les conditions de la renonciation à l’article 14 sont restées égales. Il faut que cette renonciation soit non équivoque. Arrêt du 1er juillet 2009 : un français saisit un juge français. Le premier juge puis la Cour d’appel se déclarent incompétents au motif que le français avait déclaré à l’expert judiciaire qu’il avait l’intention d’intenter une action aux Etats Unis. La Cour de cassation

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estime que ce n’est pas suffisant pour qu’il y ait renonciation non équivoque. En réalité, pour l’article 14, la renonciation tacite la plus sure est lorsque le français lui-même saisit un juge étranger. Les articles 14 et 15 protégeaient trop les français, ça favorisait une certaine mauvaise foi surtout pour l’article 15. Aujourd’hui, on regrette de moins protéger les Français.

Section 3 : Le régime de la compétence juridictionnelle

Les règles que l’on vient d’examiner ne sont pas impératives. Globalement, elles peuvent être aménagées par les parties à certaines conditions.

§1 : Les clauses relatives à la compétence juridictionnelle

A : La clause d’élection du for ou attributive de juridiction

On connaissait la clause de choix de loi dans un contrat, on peut également choisir le juge compétent. Dans l’ordre interne, l’article 48 du CPC limite beaucoup la validité de ces clauses puisqu’elles ne sont valables que dans les contrats entre commerçants. Elles ne sont pas valables dans les actes mixtes. Mais dans l’ordre international, la Cour de cassation a supprimé cette condition de commercialité du rapport juridique. Dans un arrêt du 17 décembre 1985, (GA72), SORELEC. Dans un arrêt du 22 octobre 2008, MONSTER CABLE, la Cour de cassation a décidé que la présence de lois de police applicables au fond du litige n’empêchent pas les parties d’insérer une clause de juridiction en faveur d’un juge étranger, même s’il y a un risque que le juge étranger en question ne tiennent pas compte de nos lois de police. Donc la volonté de la Cour de cassation de favoriser l’efficacité de la clause de juridiction dans l’ordre international est une volonté certaine.

La clause attributive de juridiction est très utile, elle donne aux parties une grande prévisibilité et surtout aucun autre juge que le juge élu n’est compétent. Par conséquent la clause attributive de juridictions permet de régler les problèmes liés à la pluralité de juges compétents, d’où l’intérêt d’en favoriser l’efficacité maximale. Les conditions positives sont très souples : il suffit que le litige soit international donc que le contrat soit international. Les parties peuvent désigner un juge sans rapport avec le litige. Une condition négative : la clause attributive de juridiction est privée d’efficacité si elle fait échec à la compétence impérative d’une juridiction française, notamment en matière immobilière pour les immeubles situés en France. Ces clauses de juridictions sont interdites pour le domaine du statut personnel.

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B : La convention d’arbitrage

Par une convention d’arbitrage, les parties soumettent leur litige à une personne privée, un tiers indépendant et impartial en lui donnant la mission de trancher leur litige. Donc l’arbitre en droit est un juge privé. Il a le pouvoir de juger. En revanche, il n’a pas le pouvoir de contrainte. Il n’y a que le juge qui ait le pouvoir de contrainte. On dit que l’arbitre a la juris dictio (dire le droit) mais il n’a pas l’imperium. Cela implique que la sanction arbitrale a l’autorité de chose jugée comme un jugement étatique, en revanche, elle n’a pas la force exécutoire contrairement à un jugement étatique. Pour avoir force exécutoire, une sentence arbitrale doit avoir l’exequatur. Dans l’ordre interne, la convention d’arbitrage est admise dans les matières disponibles. Elle est possible dans les matières patrimoniales et interdite dans les matières extrapatrimoniales. Le juge français a construit tout un régime applicable à la convention d’arbitrage internationale qui est construit de règles matérielles de DIP, sur l’existence, la validité, les conséquences de l’arbitrage international. Ces règles matérielles ont un trait caractéristique incontestable qui est qu’elles sont favorables à l’efficacité de la convention d’arbitrage. Encore plus favorables que pour les clauses attributives de juridictions. Le trait distinctif entre les deux est que les clauses de juridictions ne font qu’aménager la compétence des juridictions étatiques qui existent déjà, d’ailleurs on parle de clauses prorogatives de compétences. Ces clauses jouent avec des compétences qui existent. La convention d’arbitrage a un effet beaucoup plus radical. Elle écarte carrément le juge étatique. Dès qu’il y a une convention d’arbitrage, le juge étatique n’est plus compétent pour statuer le fond du litige. Donc on fait sortir le litige de la sphère étatique.

Les sanctions de l' incompétence du juge français : Lorsque le juge français est compétent, il ne pourra pas se soustraire à cette compétence, contrairement au juge anglais en général qui fait usage d'un certain mécanisme qui est le forum non convienience qui signifie «Le Forum qui ne convient», lorsque le juge anglais estime qu'un autre juge est mieux placé que lui pour juger du litige, alors il pourra se dessaisir, contrairement au juge français. De plus, l'exception d'incompétence posée au juge français devra être posée in limine litis.

CHAPITRE 2 : Les effets des décisions de justice étrangère

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Comme la loi étrangère, le jugement étranger est une norme que l' ordre juridique français peut être amené à reconnaître, il ne peut pas l' ignorer, cette règle générale est encore plus vrai en France, car le jugement étranger crée une situation ou qu'il consacre une situation, autrement dit, il modifie la situation juridique des parties au litige, et par conséquent, il est tout à fait essentiel que cette modification consacrée dans un pays puisse être reconnue dans d' autres, qu'elle puisse donc circuler afin d' éviter que les personnes concernées n'aient à saisir tous les juges des pays dans lesquelles elles circulent. Exemple: un jugement de divorce prononcé à l'étranger devra être invoqué par l'un des 2 ex époux qui souhaite se remarier. Le second mariage en France suppose que l' officier d' état civil accepte le jugement de divorce prononcé à l' étranger: on tient pour acquis l' état de droit tel qu'il résulte de ce jugement étranger pour pouvoir ensuite lui faire produire des effets= c'est la reconnaissance.Concernant l'exécution, si on veut faire saisir en France les biens d'un débiteur en vertu d'une décision étrangère, il faudra en obtenir l'exécution, c'est à dire recourir à la force publique à savoir aux voies d'exécution, pour cela il sera nécessaire d'obtenir l'exequatur qui consiste pour un juge a donner à une décision la force exécutoire.

Section 1 : Les conditions d'efficacité des jugements étrangers

Les jugements visés sont ceux pris dans les rapports privés bien sûr, il ne s'agit pas des jugements rendus par des tribunaux administratifs étrangers, ni une juridiction pénale, on est en matière de rapports entre personnes privées. Pendant longtemps, la défiance de la justice française à l' égard de la justice étrangères, cette défiance a conduit à réviser les jugements étrangers, donc le juge français devait réviser la décision étrangère; Dans un arrêt du 18 Avril 1819, PARKER, dans cette affaire, le juge français vérifiait si lui-même, juge français aurait donné la même solution au litige, mais véritablement la même solution au litige, en fait et en droit. Si c'était le cas, alors il accordait l’exequatur, si ce n'était pas le cas, alors il n'accordait pas l'exequatur et il re jugerait l'affaire: c'était donc très exigeant et cela montré qu'on n'avait peu d'égard envers a justice étrangère. Puis des conventions internationales sont intervenues pour régler le problème. Ensuite dans un arrêt du 09 Mai 1900, DEWRET, on a abandonné le système de la révision pour les jugements d'état et de capacité des personnes seulement. Pour ces jugements là, on avait juste avoir des conditions de régularité. Puis, dans un arrêt du 07 janvier 1964, MUNZER, on a étendu les conditions de validité précédentes à tous les types de jugement. Cet arrêt proclame d'une manière générale l'abandon des révisions au fond des jugements étrangers. Il n'y a plus donc de révision. Cependant une

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précision doit être faite, cette absence de révision ne signifie pas que le juge français n'a aucun regard sur la décision. Cela signifie simplement qu'on ne refuse pas l'exequatur au seul motif que le juge français n'aurait pas retenu la même solution. Mais bien sûr, ces conditions, des critères vont être posés par la suite avec la jurisprudence de façon précise pour la reconnaissance des jugements étrangers.

§1 : Condition d'ordre procédural

A : Vérification de la compétence internationale directe

On a élaboré une règle spécifique comportant 2 conditions afin de contrôler la compétence indirecte du juge. Dans un arrêt SIMITCH du 06 Février 1985, la cour va énoncer très clairement cette règle spécifique: «La compétence indirecte est satisfaite si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux.» Une 3ème condition est venue s' ajouter: il ne faut pas que cette compétence du juge étranger soit, en outre, contraire à une compétence exclusive du for, notamment en matière de droits réels immobiliers, de contrats de travail ou d' assurance, et également, en présence d'une clause attribuant compétence au juge français. A ces 3 conditions là, la compétence du juge étranger est satisfaite. Autre condition selon l'arrêt MUNZER, après la compétent internationale indirecte du juge: c'est la conformité de la régularité de la procédure suivie devant le juge étranger.

B : Conformité de la régularité de la procédure suivie devant le juge étranger

C'est l'arrêt BACHIR du 04 Octobre 1967 qui pose que le contrôle de la procédure suivie devant le juge étranger c'est en réalité le contrôle du respect des droits de la défense, c'est la notion de procès équitable. Aujourd'hui on parle du respect de l'ordre public procédural international. On trouve à ce titre, l'égalité des armes ainsi que l'assignation délivrée en temps utiles et dans des conditions permettant au défendeur de pouvoir défendre ses intérêts correctement pour s'organiser. Cependant, la loi de procédure du lieu où le jugement étranger a été rendu a comme même un mot à dire. Le jugement dont la reconnaissance et l'exécution sont sollicités en France doit avoir force exécutoire aussi dans son propre pays.

§2 : Les conditions d'ordre substantiel

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A : Conformité du jugement étranger au règlement français du conflit de loi

La 1ère que l'on note pour mémoire, c'est la conformité du jugement étranger aux règles de conflit de lois françaises. Mais cette condition a été supprimée par un arrêt du 20 Février 2007, CORNELISSEN. Avant cet arrêt, le juge français devait vérifier que la loi appliquée par le juge étranger aurait été applicable selon la règle de conflit de loi française. Autrement dit, il fallait que la règle de conflit de loi étrangère soit la même que la règle de conflit française ou en tout cas, qu'elle conduise au même résultat. C'était donc une condition assez exigeante. De ce fait, pendant des décennies, on a assoupli cette condition en estimant que si la loi appliquée produisait un résultat équivalent à la loi désignée par la règle de conflit française, alors on reconnaissait le jugement.

B : Conformité du jugement étranger à l'ordre public international français

Autre condition issue de l'arrêt MUNZER: c'est la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international française. Cette condition fait double emploi avec les droits de la défense. Mais qu'est -ce que l'ordre public de fond? Le contenu de l'exception est le même pour le conflit de loi et pour le conflit de juridiction qui s'apprécie au moment où la reconnaissance du jugement étranger est demandé. Mais ici, on confronte un jugement, et non pas l'application d'une loi, donc l'appréciation ici doit être vraiment IN CONCRETO, donc on apprécie les conséquences de ce jugement sur le territoire français. En principe, on est dans l'effet atténué de l'ordre public. De plus, il y a une spécificité de l'ordre public international dans la reconnaissance du jugement étranger: c'est la question de la motivation du jugement étranger. Le juge français contrôle l'existence d'une motivation du jugement étranger et non pas son contenu. Si cette existence fait défaut, alors il peut y avoir contrariété avec l'ordre public international, sauf si on présente au juge des éléments extérieurs au jugement qui se substituent à la motivation défaillante. Cela devient le seul critère substantiel du jugement étranger en fait, car dans là le jugement étranger ne pourra plus être contrôlé que sous l'angle seulement de l'ordre public et cela depuis 2007 ce qui donne à cette réserve d'ordre public un rôle nouveau. Concernant l'absence de décision incompatible, cela peut être rattaché à l'ordre public international. L'absence d'une décision française incompatible est une condition de l'exequatur. La règle est la suivante un jugement étranger ne peut pas reconnu, ni exécuté, s'il est incompatible avec

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un jugement français, même postérieur: cela provient d'un arrêt du 27 Avril 2004.

C : Absence de fraude

Enfin, la dernière condition posée par l'arrêt MUNZER, c'est l'absence de fraude. Avant l'arrêt de 2007, il s'agissait à la fois de fraude à la loi et de fraude procédurale. Depuis, cet arrêt CORNELISSEN de 2007, il n'est question que de la fraude procédurale. La fraude procédurale consiste à se constituer artificiellement un chef de compétence juridictionnelle à l'étranger afin de pouvoir, soit engager une procédure là-bas qui gênera la procédure en France, soit obtenir un jugement à l'étranger dont on viendra ensuite se prévaloir en France.Dans la nouvelle formulation de l'arrêt CORNELISSEN, il reste donc comme conditions à vérifier sur un jugement étranger 3 conditions qui sont:

- La compétence du juge étranger- L'absence de contrariété à l'ordre public de procédure et de fond- Enfin, l'absence de fraude procédurale

Section 2 : Les manifestations de l'efficacité

On distingue les cas dans lesquels, l'exequatur est nécessaire et des cas dans lesquels cet exequatur n'est pas nécessaire.

§1 : Cas dans lesquels l'exequatur est nécessaire

Pour faire procéder à des mesures d'exécution forcée en France, l'exequatur est nécessaire. Mais ensuite, on constate qu'il y a plusieurs degré, on va rechercher l'effet que l'on veut donner au jugement: soit un effet de droit, soit un effet de fait. Pour les effets de droit, cela dépend des jugements.

A : L'effet de droit sans exequatur: en fonction du type de jugement

On distingue 2 types de jugements: les jugements extra patrimoniaux et les jugements déclaratifs.

1 : Les jugements extra patrimoniaux

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Ces jugements portent sur l'état des personnes: la filiation, le divorce etc. Ces jugements sont dits constitutifs car ils créent un droit. Ces jugements là on un effet dit de plano en France que l'on traduit par un effet de plein droit que 'on doit préciser. Cet effet de plano concerne les jugements constitutifs depuis un arrêt BEKLEY du 28 Février 1860. L' effet de plano ne signifie pas que le juge ne contrôle pas la régularité du jugement étranger, simplement, on n'est pas obligé de faire une instance spéciale en exequatur, devant le juge de l' exequatur. Donc, n' importe quel juge pourra vérifier. Exemple; un juge aux affaires familiales est saisi d'un divorce et un des époux présente un jugement de divorce à l'étranger, à titre incident, ce juge là pourra statuer sur la régularité du divorce prononcé à l'étranger, donc il est inutile ici de recourir au juge de l'exequatur, c'est tout ce que veut signifie l'effet DE PLANO: la régularité d'un jugement peut être vérifiée même en dehors d'une procédure d'exequatur. Si on veut obtenir l'exécution forcée d'une partie du jugement, dans ce cas là il faudra procéder à l'exequatur, il faudra donc aller devant un autre juge spécialement pour obtenir l'effet exécutoire.

2 : Les jugements patrimoniaux

Ces jugements patrimoniaux sont déclaratifs, ils constatent l'existence d'un droit et le consacre. Ils ne peuvent pas être contrôlés par un autre juge que le juge de l'exequatur.

B : Effets de fait sans exequatur: pour tout jugement

Cela concerne donc tous les types de jugements, qu'ils soient déclaratifs ou constitutifs. Indépendamment de l'exequatur, un jugement étranger produit principalement 2 effets de faits dont on peut se prévaloir devant le juge française:

- Le 1er effet, c'est la force probante, le juge française peut s'appuyer sur des éléments de fait ou de preuve constatés par le juge étranger. Donc, le jugement étranger peut être invoqué comme mode de preuve. Le juge français peut aussi trouver dans le jugement étranger le contenu de la loi étrangère qu'il doit appliquer.

- Le 2ème effet, c'est l'effet de titre. Ici, le juge français ne tient pas tellement compte du contenu du jugement, mais il tient compte du fait que ce jugement existe. Exemple: la loi de 1991 sur les voies d'exécution permet de procéder à une saisie-conservatoire sans autorisation sur le fondement d'un jugement étranger, non revêtu de l'exequatur.

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§2 : L'instance en exequatur

Cette instance en exequatur permet d'obtenir la force exécutoire qui est utile dans tous les cas où souhaite obtenir une mesure forcée. Cette instance en exequatur a pour objet le jugement étranger et non pas le litige tranché par le jugement. Cette instance a un résultat simple: elle consiste pour le juge français à apposer en dernière page du jugement la formule exécutoire qui donnera donc force exécutoire au jugement sur le territoire français et qui permettra donc des saisies-exécutoire. Le juge exclusivement compétent sera le TGI statuant à juge unique, ce n'est pas le président du TGI, cela provient de l'article 311-11 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire. Si le défendeur est domicile en France, il faudra alors saisir le TGI du lieu de son domicile ou bien encore le TGI du lieu d'exécution de la mesure de contrainte: cela donne une option pour le demandeur. Si le défendeur n'est pas domicilié en France, alors il faudra saisir le juge du lieu d'exécution de la mesure, ou bien encore le TGI de Paris. Quant aux résultats de cette instance spécifique, on ne pourra rien demander au juge, autre que l'exequatur, c'est tout. Le juge peut aussi accorder partiellement l'exequatur si le jugement peut être divisé. Une fois l'exequatur accordée, le jugement étranger aura alors exactement les mêmes effets qu'un jugement français. Par contre, si le juge n'accorde pas l'exequatur, la seule possibilité qui reste est de refaire un procès en France afin d'obtenir les effets recherchés.

Section 3 : Les conflits de procédures et de décisions

§1 : Le conflit de procédure pendante: la litispendance et la connexité

On est pendant le procès. Ces notions viennent du droit interne. Il s'agit des articles 100 et 101 du code de procédure civile qui s'applique aussi en DIP. Si le même litige est pendant (litispendance donc), devant 2 juridictions de même degré, également compétentes, la juridiction saisie en second devra se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. Elle peut aussi le faire d'office si aucune partie ne demande rien. La connexité figurant à l'article 101 concerne les affaires portées devant des juridictions distinctes qui ont un lien tel, qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble. Ici, les juridictions peuvent se dessaisir au profit de l'autre. Ce qui distingue les 2 c'est une question de degré, dans la litispendance le litige est identique et il est

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soumis à 2 juges différents, il y a tripe identité: identité d'objet, de cause et de parties, c'est donc rigoureusement du même litige. Alors que la connexité c'est plus souple, il s'agit bien de 2 litiges distincts, le juge a donc un large pouvoir d'appréciation, c'est donc facultatif.Dans l'ordre international, la même distinction existe. L'hypothèse dans laquelle un même litige peut avoir 2 ou même plusieurs juges compétents est une hypothèse fréquente dans l'ordre international puisque chaque État fixe unilatéralement les chefs de compétence de ses tribunaux, donc cela est normal. Mais ce qui gène dans l'ordre international, est que le juge international française devra se dessaisir au profit d'un juge étranger en fait. D' ailleurs, la cour de cassation, pendant longtemps refusait la litispendance en affirmant que l' exception de litispendance n'est pas reçue en France à raison d'une instance à l'étranger selon un arrêt du 01 Décembre 1969. Mais dans un arrêt du 26 Novembre 1974, la cour de cassation va affirmer le contraire en disant que l'exception de litispendance était admise en droit commun français. Il est admis que le jugement étranger soit susceptible d'être reconnu en France: le juge français doit anticiper sur le caractère régulier du jugement étranger qui n'est pas encore intervenu. Le juge français devra vérifier que la compétence internationale du juge étranger n'était pas frauduleuse. On demande donc au juge d'anticiper.

Concernant l'exception de connexité, elle est admise encore plus difficilement dans l'ordre international parce que l'objectif est seulement de bonne administration de la justice: il n'y a pas identité de parties, d'objet et de cause ici. A l'intérieur d'un État, c'est normal. Dans un arrêt du 29 Juillet 1999, la cour de cassation a limité la connexité aux hypothèses dans lesquels les liens entre 2 litiges, le juge ne peut se dessaisir que si le lien entre les litiges est de nature à créer une contradiction de décision entre les 2 juridictions. Donc là aussi, le juge doit faire une anticipation afin de se demander si les jugements qui seraient rendus seront contradictoires ou pas. Lorsque le risque de contrariété n'est pas réglé par une litispendance ou une connexité, on peut donc se retrouver avec 2 jugements.

§2 : Le conflit de décisions

C'est une des conditions d'exequatur: le jugement étranger ne peut pas être reconnu et être vêtu de l'exequatur s'il est incompatible avec un jugement français, même si ce jugement français est postérieur au jugement étranger: cela provient d'un arrêt du 27 Avril 2004. Cette décision constitue un revirement par rapport au droit antérieur parce que, traditionnellement, on

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considérait que c'était le 1er jugement rendu qui prévalait, que ce jugement rendu soit français ou étranger. Donc, avec ce revirement, la cour de cassation reconnaît la supériorité du jugement français sur le jugement étranger ce qui est critiquable.

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TITRE 2 : Le droit communautaire: compétence et exécution des jugements en Europe

L'intégration judiciaire passe par la construction d'un Espace Judiciaire Européen. Au moment du chapitre sur les sources, on a vu les principaux textes sur l'espace judiciaire européen, donc il faudra aller regarder ce chapitre. Le principal texte de l'espace judiciaire européen c'est le règlement BRUXELLES 1 concernant les décisions civiles et commerciales. Ce règlement est au cœur du système de reconnaissance et d'exécution des décisions de justice en Europe. Le règlement BRUXELLE 2 concerne également la compétence et l'exécution mais il porte sur le divorce et ses conséquences, de ce fait il relève du DIP spécial. BRUXELLES 1 a 2 volets: l'exequatur et la reconnaissance. A terme, la coopération très étroite entre les États membre mutera vers la création d'un espace judiciaire unique, l'Europe sera une espace judiciaire intégré et unique.

CHAPITRE PRELIMINAIRE : Champ d'application du règlement BRUXELLES I et de la convention

Section 1 : Champ d'application dans le temps

Le règlement de BRUXELLES s'applique aux instances introduites avant le 01 Mars 2002, celles introduites avant ne sont couvertes que par la convention de BRUXELLES.

Section 2 : Champ d'application matériel

Le règlement BRUXELLES 1 s'applique en matière civile et commerciale, quelque soit la nature de la juridiction. Donc, il exclut les matières fiscales, administratives, les matières douanières aussi. Il existe aussi des matières civiles qui sont exclues: l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux ainsi que les successions. De même, la faillite est exclue du règlement de BRUXELLES 1 puisqu'elle ait l'objet d'un autre règlement, de même pour la sécurité sociale qui est exclue du règlement BRUXELLES 1 ainsi que l'arbitrage qui relève tous les 2 des droits nationaux seulement.

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Section 5 : Prorogations volontaires de compétence (articles 23 et 24 du règlement)

Le règlement B1 en vise deux types : la prorogation expresse et un cas de prorogation tacite de compétence donc sans manifestation expresse des parties (article 24 du règlement) qui consiste dans la comparution volontaire du défendeur sans contestation de compétence du tribunal saisi. Les parties tacitement par cette attitude s’accordent sur la compétence du juge saisi. Il faut préciser que le défendeur doit soulever in limine litis l’incompétence du juge saisi, s’il ne le fait pas il y a prorogation tacite au sens de l’article 24. La prorogation de compétence expresse ou tacite ne peut pas tenir en échec une compétence exclusive de l’article 22.

§1 : Champ d’application de l’article 23 de B1

L’article 23 s’applique à deux conditions cumulatives :- L’une des parties au moins est domiciliée dans un Etat membre- Le tribunal désigné dans la clause doit être un tribunal d’un Etat membre- Le contrat doit être international : condition jurisprudentielle. Si le

contrat est interne et que les parties désignent un juge étranger alors dans ce cas c’est le droit de chaque EM qui sera applicable.

Dans les autres cas l’article 23 ne s’applique pas. Quand il s’applique l’article 23 pose des conditions de validité de la clause. L’article 23 prévoit des hypothèses particulières. Si aucune partie n’est domiciliée dans un EM et qu’un tribunal d’un EM est désigné la clause produit quand même des effets limités prévus par l’article 23 lui-même. Le principal effet est le suivant : les tribunaux des autres EM ne peuvent pas connaitre l’affaire tant que les tribunaux des Etats non désignés ne se prononcent pas. En revanche, si c’est la deuxième condition qui n’est pas satisfaite : si la clause vise le tribunal d’un Etat tiers non membre, l’article 23 n’est pas applicable car B1 ne peut pas imposer des règles de compétences à des juges non membres de la communauté. Chaque juge national devra appliquer son DIP national pour décider si cette clause est valable ou non. La seule chose que l’on peut affirmer c’est que le juge d’un EM ne doit pas donner effet à cette clause si elle contredit l’article 22 de B1.

§2 : Conditions de validité

A : Conditions de forme

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Initialement, dans la convention de Bruxelles de 1968, la forme écrite était exigée ou alors elle pouvait être orale si elle était confirmée par écrit par l’une des parties et non contestée par l’autre. Aujourd’hui, les conditions de forme sont plus souples qu’initialement, l’article 23 prévoit 4 formes acceptables :- L’écrit signé par les parties qui contient lui-même la clause ou bien qui

fait référence à un doc qui contient la clause. Ce doc peut être notamment des conditions générales de vente. Par écrit le règlement entend tout écrit y compris électronique à condition qu’il permette de consigner durablement le document.

- La clause verbale confirmée par écrit par l’une des parties- Forme conforme à une habitude entre les contractants- Forme admise dans un domaine restreint en matière de commerce

internationale : il suffit que la forme soit admise selon un usage du commerce. Précision : chaque commerce a son usage, on présume que les parties connaissent les usages s’ils sont fréquents et largement diffusés dans le secteur commercial considéré.

B : Conditions de fonds

Article 23 peu précis, il ne pose qu’une condition positive : la clause doit concerner les litiges nés ou à naitre d’un rapport de droit déterminé entre deux parties. Condition classique non dite exigée dans tous les droits. Il faut préciser que dans certains domaines notamment dans les contrats qui impliquent une partie faible il y a des règles particulières de fonds qui sont destinées à protéger la partie faible. On déduit de ce silence d’abord que le tribunal désigné n’a pas besoin d’avoir un lien avec le litige. Problème sur le consentement des parties : chaque Etat va appliquer son DIP commun à cette question par ex en droit français les clauses attributives de juridiction dans l’ordre international sont valables si la clause est rédigé en caractère suffisamment apparent et lisible mais elle n’a pas besoin d’être rédigé dans la langue du destinataire. Les clauses attributives de juridictions n’ont pas d’effet sur les compétences exclusives de l’article 22.

§3 : Effets de la clause

Mis à part le fait qu’elle ne peut pas faire échec à une compétence exclusive il faut vérifier la portée d’une clause d’élection de for. Si elle respecte les compétences exclusives, la compétence du juge élu est exclusive à condition qu’on soit dans le champ d’application de l’article 23.

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Portée interne de la clause d’élection de for : les parties ont pu soumettre seulement certains types de litiges à ce juge, si leur volonté est clairement exprimée dans ce sens le juge doit respecter cette volonté. En principe la clause se transmet à toute personne qui vient au droit de l’un des contractants par tous les mécanismes de transmission.

Section 6 : Les compétences protectrices d’une partie faible

La convention puis le règlement B1 dans ses sections 3, 4 et 5 prévoient des règles spéciales en matière de contrat de travail, de conso et d’assurance. Ce sont des règles de compétence spéciales d’une part elles dérogent aux règles générales et d’autre part désignent le tribunal spécialement compétent.Traits caractéristiques généraux : pour chacun des 3 contrats, le règlement prévoit un système complet qui est autonome par rapport au système du règlement. Ce système mis en place par les 3 sections est comparable au système général de B1 : il s’agit d’une combinaison entre l’article 2 de B1 et des règles optionnelles ou dérogatoires avec 4 points principaux :- le défendeur doit être domicilié dans un EM- la compétence de principe revient aux tribunaux de l’Etat du défendeur :

article 2 B1- les for exorbitants sont exclus (articles 14 et 15 du code civil)- le demandeur a une option entre la règle générale et les règles spéciales

Système conçu dans sa structure comme le système général de B1 mais qui s’applique aux 3 parties faibles. Autre point commun de ces compétences spé : leur substance. Leur contenu favorise la partie faible de telle façon que la protection de la partie faible ne se situe pas seulement dans le droit matériel. Caractère contraignant de ces compétences spéciales : un jugement qui serait rendu en violation des compétences spéciales ne sera pas reconnu dans un autre EM, c’est une conséquence semblable à celle de l’article 22. Elles ne sont pas à proprement parlé des compétences exclusives car on peut y déroger.

§1 : Le consommateur

Articles 15 à 17 du règlement.

A : Champ d’application matériel

Quant à la personne : l’article 15 s’applique aux contrats conclus pour un usage pouvant être considéré comme étranger à l’activité pro. Donc c’est la notion de

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conso qui est défini ici. La JP a eu l’occasion de préciser que le contrat qui est conclu dans la perspective d’une activité pro future n’était pas protégé. Cette définition est la même que dans le règlement R1 sur la loi applicable au contrat qui prévoit aussi des dispos protectrices du conso sur le terrain du droit applicable. La définition du contrat de conso est la même dans B1 et R1. Définition non éloignée du droit français interne. Réserve : en droit communautaire selon la CJCE le conso est nécessairement une personne physique : 22/11/2001. En droit français dans certaine loi les personnes morales également peuvent être admises au rang de conso et donc protégé par les dispos protectrices de la partie faible.

Quant au contrat : les ventes à tempérament d’objets mobiliers corporels ainsi que les crédits liés, tous les autres contrats avec une condition que le professionnel exerce ses activités dans l’EM du conso ou bien qu’il dirige ses activités par tous moyens vers le pays du conso.

B : Règles de compétence : article 16 du règlement

Ces règles de compétence varient selon la personne du demandeur. Quand c’est le conso qui est demandeur, il peut saisir à son choix soit les tribunaux du lieu du domicile du professionnel ou bien son propre juge. Quand c’est le pro qui est demandeur il ne peut saisir que le tribunal du lieu du domicile du conso. Cet article déroge également à l’article 5§1.

C : Dérogations possibles à ces règles de compétences spé et protectrices du conso

Article 17 du règlement prévoit des règles particulières pour la clause attributive de juridiction, s’ajoute à l’article 23. Dans un contrat de conso, la clause d’élection de for n »’est possible que si :- elle est postérieure à la naissance du litige, ou- si elle permet d’élargir les options déjà offerte au conso par l’article 16,

ou- le professionnel et le conso étaient domiciliés dans le même Etat au

moment de la conclusion du contrat et ont désigné les tribunaux de cet Etat. A condition que la clause soit valable dans le droit interne de l’EM considéré.

L’article 17 ne dit rien sur les conditions de forme donc il faut appliquer l’article 23 mais exclure la forme issue d’un usage du commerce international et la

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relation d’usage entre les parties. Il reste donc l’écrit ou la clause orale confirmée par l’une des parties à l’écrit.

§2 : Le contrat de travail

Articles 18 à 21 du règlement.Initialement dans la convention de Bruxelles de 1968 aucune dispo spé n’existait pour le contrat de travail donc le contrat de travail relevait de l’article 5§1. Dans arrêt du 26/05/1982 IVENEL, la CJCE décide que l’obligation qui sert de base à la demande de l’article 5§1 était pour le contrat de travail l’obligation pour le travailleur d’accomplir son travail autrement dit c’est ce qu’on appelle l’obligation caractéristique du contrat. Solution différente de l’arrêt de BLOOS pour tous les contrats. Quand l’Espagne et le Portugal sont entrés dans l’UE en 1988 il y a eu une convention de San Sébastien de 18989 qui a ajouté dans l’article 5§1 une option spé pou le contrat de travail et une clause d’élection de for. B1 les a modifié : les articles 18 et suivants constituent un système autonome qui peut être extrait de B1 et ici aussi comme pour l’article 17 il faut distinguer selon la personne du demandeur. Si l’employeur est demandeur, il doit saisir les tribunaux du domicile du salarié. Si le travailleur est demandeur il peut saisir les tribunaux du domicile de l’employeur ou le tribunal du lieu de l’accomplissement habituel du travail ou dernier lieu d’ accomplissement habituel du travail ou à défaut de lieu habituel de travail le lieu de l’établissement d’embauche ou dans l’hypo d’un détachement temporaire le tribunal du lieu de détachement (directive 96/71).L’article 21 prévoit des règles semblables à celles du consommateur c'est-à-dire la clause postérieure au litige ou la clause qui accroit les options du travailleur.

Section 7 : La compétence pour les mesures provisoires ou conservatoires

L’article 31 du règlement permet à un tribunal d’un EM de se prononcer sur une mesure provisoire ou conservatoire alors même qu’il n’est pas compétent sur le fond du litige en vertu du règlement. Ceci dit, les parties peuvent demander au juge du fonds de prendre les mesures provisoires, c’est donc au choix du demandeur de la mesure provisoire de choisir le juge du fond ou le juge de l’article 31.

Champ d’application matériel : Il y a un cas exclu du domaine de B1 mais dans lequel l’article 31 est quand même applicable : en matière d’arbitrage : lorsque le fond du litige relève de la compétence d’un arbitre, l’article 31 est quand

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même applicable : CJCE VAN UDEN du 17/11/1998. La CJCE a également dégagé une notion autonome de mesure provisoire et conservatoire il s’agit de mesures destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée aux juges du fonds : CJCE 26/03/1992. La CJCE a aussi accepté l’article 31 au référé provision à condition que le remboursement sous garantie.

Critères de compétence : l’article 31 n’en donne pas, il prévoit seulement la faculté pour le juge non compétent sur le fond d’intervenir pour des mesures provisoires. Il renvoie donc au droit national. Conformément au principe de contrainte des mesures provisoire, il faut que les biens objet de la mesure soient situés sur le territoire du juge saisi ou en tout cas qu’il y ait un lien de rattachement réel entre l’objet des mesures sollicités et la compétence territoriale de l’Etat du juge saisi.

CHAPITRE 2 : La reconnaissance et l’exécution des décisions

L’objectif de la convention de Bruxelles de 1968 était sur ce terrain de simplifier les formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l’exécution réciproque des décisions de justice. Confiance mutuelle entre les EM : la CJCE quand elle rend des décisions relatives à B1 vise ce principe souvent. La confiance mutuelle veut dire que les jugements rendus dans les 27 pays sont dignes de confiance et donc il en découle sur le plan juridique un assouplissement des conditions de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers : articles 32 à 56 du règlement. Changement procédural entre la convention et le règlement. A terme, la volonté de l’UE est de créer un vrai espace judiciaire qui se traduirait par une suppression pure et simple de toute procédure de reconnaissance des jugements étrangers. Le TEE (titre exécutoire européen) pour les créances incontestées.

Section 1 : Champ d’application

Quel jugement ? Le critère est nécessairement différent que celui de la compétence directe : toute décision rendue dans un EM (Etat d’origine de la décision) que la compétence du juge soit fondée sur le règlement ou quand elles sont applicables sur ses règles de compétences internationales de droit commun dont la reconnaissance et l’exécution sont sollicitées dans un autre Etat membre appelé Etat d’accueil.

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