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Droit Constitutionnel

TTTOOOMMMEEE III

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R E A L I S E P A R J E A N -C H R I S T O P H E WE R E N N E

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44LA NOTION DE C ONSTITUTION Intro-3

LLee ccoonnssttiittuuttiioonnnnaalliissmmee

1. Constitution matérielle

Le concept « constitution, fondement du droit public » renvoie à la notion de constitution matérielle. La constitution matérielle est un ensemble de règles de base essentielles au bon fonctionnement de l’état, et qui tentent de régir les organes de celui-ci et les relations entre l’état et le citoyen. Ces règles canalisent plus ou moins bien l’exercice du pouvoir. La définition matérielle de la constitution est applicable dans tous les Etats car justement la notion d’Etat implique justement qu’il n’y a pas d’anarchie mais ordre, permanence et continuité. La Constitution au sens matériel représente, en synthèse, la structure de l’Etat.

2. Constitution formelle

Quand on évoque le concept de « constitution formelle », ce n’est plus le contenu des règles mais la forme des règles qui importe. La Constitution formelle est un écrit (portant un nom spécifique ; ex. Constitution) et plus difficilement modifiable, plus rigide que la norme immédiatement inférieure à cet écrit.

A. Historique

Ce deuxième sens est un phénomène récent dans l’histoire des faits et des idées politiques. La valorisation de la Constitution formelle remonte en fait aux travaux des Lumières, qui privilégiait raison et poursuite du Bonheur. Les philosophes étaient en effet mal à l’aise face aux règles matérielles du fait qu’elles étaient trop irrationnelles (elles étaient en effet le fruit de l’histoire, des traditions, coutumières, partiellement écrites…). Ainsi, pensèrent-ils à une codification de ces règles dans un texte écrit, au sommet de la hiérarchie des normes, afin, notamment, de les éclaircir.

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44LA NOTION DE C ONSTITUTION Intro-4

B. Les premières Constitutions

Les deux premières Constitutions majeures, au sens formel du terme, sont les Constitution américaine de 1787 (qui régit toujours le système et la vie politique américains) et la Constitution française de 1791 (ineffective car de courte durée) et sont l’avènement de la rédaction des Constitutions.

C. L’importance grandissante de la Constitution formelle L’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 montre bien l’importance de cette mise par écrit. « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution », autrement dit, il est nécessaire d’avoir une Constitution pour nous rappeler où on en est, et ce dans un écrit clair. La constitution au sens formel a comme double objectif de garantir les libertés des citoyens, les droits de l’homme et de déterminer la séparation de pouvoirs dans le pays. Depuis le 18ème siècle, le constitutionnalisme 1, mouvement d’idées juridique et politique qui prône la rédaction des Constitutions, n’a jamais démenti son succès.

D. Les 4 vagues de l’élaboration de la Constitution 1ère vague Révolutions libérales du 19ème siècle (1830, 1848) – Ex. C° belge 2ème vague 1e guerre mondiale – Europe centrale et orientale > chute de

l’empire austro-hongrois, indépendance des pays 3ème vague 2nde guerre mondiale – Monde > phénomène de décolonisation car

chutes des empires coloniaux, internationalisme à indépendances des pays et « obligation » d’une Constitution rédigée.

4ème vague 1989 : effondrement URSS à fin tutelle soviétique sur les pays ; Les pays doivent élaborer de nouvelles constitutions car les précédentes différaient de l’optique occidentale.

E. Une exception : la Grande Bretagne

Les Lumières craignant l’obscurantisme, prônent des règles claires (la Raison l’exige - // rédaction code civil). Depuis, le monde entier possède sa Constitution écrite. Tous les pays ? Une exception, et pas des moindres ; la Grande-Bretagne : il n’existe pas de Constitution formelle en Grande-Bretagne. Une particularité due sans doute au pragmatisme, au traditionalisme du pays.

1 Le constitutionnalisme est un mouvement de pensée qui prône la rationalisation des pouvoirs par la rédaction de textes soustraits au vote de la majorité et qui juridiquement sont supérieurs à la loi (le problème du contrôle de cette supériorité à la loi a été résolu différemment par les pays et reste une question épineuse en Belgique)

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44LA NOTION DE C ONSTITUTION Intro-5

Chez nous, l’expression « constitution in law » signifie que le droit repose sur un texte spécial, un texte originaire. En Grande-Bretagne , il n’existe pas de norme supérieure à la loi. La constitution matérielle reprendrait ainsi les 3 normes suivantes : 1) la loi, règle suprême (supremacy of Parliament). Ainsi dans un traité de droit constitutionnel britannique, on y retrouverait des statutes (ou acts), des lois importantes (ex. Habeas Corpus de 1679, Bill of Rights de 1689, Parliament Act de 19112), fondamentales par leur substance, mais sans garanties. Ainsi, à la majorité simple, on pourrait abolir des garanties fondamentales contenues dans le Bill of Rights.3

2) Le common law, droit jurisprudentiel, règles d’origine judiciaire. Quelques exemples : l’immunité politique et judiciaire du souverain : « King can do no wrong » : le souverain ne peut être traîné devant les Tribunaux. Chez nous, cette règle se trouve dans la Constitution (article 88), en Grande Bretagne, elle découle du droit jurisprudentiel (les Tribunaux déclarent qu’ils n’ont pas juridiction) => sens matériel du texte. 3) les « conventions of the constitution », règles mi juridiques, mi politiques, non sanctionnables par les juridictions. Quelques exemples : 1/ Roi dans son Plt = Roi sanctionne et promulgue les lois. Mais peut-il s’abstenir ? Pas de droit écrit mais c’est une convention de la constitution, càd que c’est appliqué depuis tellement longtemps, que ça équivaut à une règle constitutionnelle. 2/ Lors d’élections, tel parti gagne. Mais qui sera le premier ministre ? De convention, le chef du parti.

Cette exception démystifie donc notre conception de la Constitution formelle. Un pays peut être démocratique et ne peut avoir de Constitution écrite. q Pourquoi ne l’ont-ils jamais élaboré ? Sans doute à cause de leur pragmatisme mais également au vu de l’Histoire politique britannique : des révoltes mais jamais de révolution au sens propre du terme (c’est-à-dire restructuration du pouvoir, refondation du pouvoir), contrairement au continent. Il y a toujours eu continuité. q Le modèle de WESTMINSTER (=modèle britannique) se retrouve-t-il

dans les pays du Commonwealth ? Durant la période de l’empire colonial (Australie, Inde, etc.), il y a été importé mais n’a pas subsisté. Car le modèle « suprématie du Parlement » est incompatible avec l’idée de fédéralisme (où il y a des lois et pas une loi). Et il n’a été possible qu’en Angleterre, ses anciennes colonies se fédéralisant.

2 cf. F. DEHOUSSE, Introduction au droit public, page 151 3 cf. F. DEHOUSSE, Introduction au droit public, page 139

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44LA NOTION DE C ONSTITUTION Intro-6

Toutefois, aujourd’hui, à l’intérieur même du pays, des mouvements forts veulent cette rédaction formelle. En effet, en dépit de la tradition, elle semble s’avérer de plus en plus nécessaire. L’Etat est membre de la CE (ce qui est +/- une hiérarchie des normes), du Conseil de l’Europe, de la Convention Européenne des Dts de l’Homme (règle supérieure à la Constitution) et est donc difficilement intégrable en GB. De plus, le pays veut donner plus d’autonomie à son territoire (ex. Ecosse).

F. Le constituant originaire et le constituant dérivé

La Constitution est un texte qui subsiste entre deux révolutions. La révolution donne la constitution. C’est le phénomène du constituant originaire, qui est celui qui déconstruit le pouvoir, celui qui établit la rupture, le « mystère de l’origine », le frère jumeau de l’idée juridique de la révolution. Par après, c’est le constituant dérivé , décrit dans la Constitution d’origine, et qui peut la modifier. En Belgique, « celui qui est habilité… » (titre 8 C°)

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44LA CONSTITUTION BELGE Intro-7

La Constitution Belge

1. Le constitutionnalisme en Belgique

Le constituant originaire vient de la Révolution4. La Constitution belge n’est donc pas une modalité de révision de la Constitution Hollandaise de 1815. La Constitution Belge date de la 1ère vague de constitutionnalisme. La Belgique n’étant pas un pays révolutionnaire, mais un pays plutôt calme, la Constitution actuelle connaît toujours le même soubassement que celle de 1831. Il n’y a pas eu de rupture juridique. La Constitution Belge est en effet l’une des plus vieilles Constitution du monde toujours d’application (même si elle a été amendée) mais il existe un problème d’interprétation car les « vieux » textes ne s’interprètent pas de la même manière que les « nouveaux ». Cette grande stabilité s’explique sans doute que la Constitution de 1831 était composée de textes brefs, similaires à ceux que l’on connaît aujourd’hui. Elle était bien rédigée. Ainsi, elle a fait le tour de l’Europe (on en trouve encore des traces dans les C°s de Grèce, Roumanie) car elle permettait un régime libéral et que le parlementarisme belge était plus pratique que le britannique.

2. Une grande stabilité pendant 140 ans.

De 1831 à 1970, la Constitution Belge a connu une très grande stabilité. En 1893, sont introduits le suffrage plural et, en contre-partie, une modification de la composition du Sénat pour le rendre plus démocratique. En 1920, ce sont le suffrage universel pur et simple masculin et une altération de la structure du Sénat qui sont introduits. Toutefois, la structure de la Constitution est pratiquement identique. Ces deux révisions rendent en fait un pays libéral, mais pas démocratique, démocratique. Les institutions ne sont pas touchées, exception faite du Sénat (qui au départ, était un corps de stabilité, réactionnel) Cette stabilité peut certainement s’expliquer par le fait que le peuple est calme et que le style de la Constitution est bref et flexible (sf. pour les élections), ce qui aura permit une interprétation évolutive qui entraînera une interprétation sociale.

4 cf. page 5 du syllabus

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44LA CONSTITUTION BELGE Intro-8

Un exemple : L’art 96§1 (>1831) : « Le Roi nomme et révoque ses ministres » signifie, d’un point de vue juridique, que l’acte formel de nomination d’un ministre est fait par le Roi. Cet article varie cependant d’interprétation selon que l’on est en 1831 (le Roi a plus de pouvoir qu’aujourd’hui) ou en 2000 (une convention de la Constitution entérine le choix des ministres par les partis)

3. Les révisions des 30 dernières années (70, 80, 88, 93)

L’objet prépondérant de ces modifications ne sont pas la forme de l’état, les rapports entre le Parlement et le gouvernement mais la transformation d’un état napoléonien (communes et provinces) en une fédération (petit nombre d’entités, de nature différentes, linguistiques et culturelles). La constitution belge a donc connu une grande stabilité pendant 140 ans et en une génération l’instabilité dans le domaine de la structure de l’Etat. Pourquoi ? Ce ne peut être la dualité linguistique car elle existe depuis l’origine (milieu du 19e – loi d’égalité 1898). En voici les raisons : − Question flamande. En 1920, le vote par les élites (francophones au Nord et au

Sud du pays) devient un suffrage universel pur et simple, ce qui entraîne une montée du mouvement flamand

− Lourde procédure de modification de la Constitution. La Modification de la Constitution est difficile et on a toujours voulu tout faire dans les règles, la Belgique a toujours été légaliste.

− Déconsidération de l’aile collaborationniste après la 1ère et la 2nde guerre mondiale, une déconsidération du mouvement flamand.

− Modifications constitutionnelles : La Construction d’un fédéralisme belge atypique, dont les mises en œuvres étaient difficiles => beaucoup de réticence et de conservatisme (il aura fallu 4 étapes – cf. Franklin Dehousse, Introduction au droit public,1998)

Les nouveaux textes de l’après 70 diffèrent de ceux de 1831. Nous sommes dans un monde juridique nouveau.

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44LA CONSTITUTION BELGE Intro-9

4. Changement de style pour la Constitution Les multiples révisions de l’après-70 changent le style de la Constitution. 2 tendances sont perceptibles à la lecture de celle-ci :

A. 1ère étape : les précisions Certains textes sont de plus en plus détaillés. Cette tendance à surcharger de détails et précisions la Constitution se ressent surtout à la lecture des « traités de paix ». Exemples :

Article 127§1, 2°concernant les compétences des ctés en matière d’enseignement (1988) Article 24 C° concernant l’enseignement en tant que droit et liberté (1988)

Ces précisions et détails sont une manière d’éviter que les Communautés dérivent. Les problèmes « chauds » sont ainsi réglés en détails par le constituant afin d’éviter de nouvelles polémiques.

B. 2ème étape : les principes Dans d’autres articles, nous trouvons seulement le grand principe. Des lois spéciales parachèvent l’œuvre de la Constitution. Exemple :

Article 39 (ancien 107quater) : les Flamands poussent l’idée des communautés, Bruxelles et les Francophones l’idée de régions. Comme il n’y a pas d’accord entre Francophones et Flamands, le texte consacré aux régions reste vague et peu précis. Les organes régionaux seront créés par une loi spéciale.

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44LA CONSTITUTION BELGE Intro-10

5. Les lois spéciales

A. Les lois spéciales et le bicéphalisme belge

Dans chaque groupe linguistique, il faut un quorum de présence à la majorité simple, une majorité de suffrage en faveur de l’adoption de la loi, et au total, 2/3 de suffrages positifs. (cf. article 4) Ces lois spéciales traduisent le dualisme politique fondamental qui existe en Belgique et introduit en 1970. Ces lois spéciales connaissent des avancées à chaque révision de la Constitution.

B. La difficulté de modifier la Constitution et les lois spéciales

Les modalités de révision de la Constitution sont inscrites à l’article 195. Cet article n’a jamais été modifié depuis 1831. Les deux chambres doivent d’abord procéder au vote d’une déclaration à majorité ordinaire, adoptée par le Roi. Les chambres sont dissoutes. Les chambres constituantes prennent place et modifient le texte au quorum de présence des 2/3 des députés et sénateurs votants en séance. Ils sont adoptés s’il y a majorité des 2/3. La Constitution est donc plus difficile à modifier que les lois spéciales. Toutefois, pour la loi spéciale, un groupe linguis tique peut bloquer en l’adoption. D’une part, il peut être plus difficile de modifier la Constitution (nombre d’étapes plus important, 2 législatures) mais d’autre part, la loi spéciale peut également être difficilement modifiable dans la mesure où c’est une procédure beaucoup plus fédérale, qui marque plus le dualisme.

C. La subordination de la loi spéciale à la Constitution

Toutefois, la loi spéciale dépend de la Constitution, cette dernière étant son point de rattachement théorique, intellectuel. Elle n’a donc pas un champs d’application illimité. D’un point de vue formel, il existe une hiérarchie entre la Constitution et les lois spéciales. Par exemple, la Constitution peut annuler le vote de la loi spéciale, le contraire étant bien évidemment impossible. S’est donc posé la question de savoir si la Cour d’Arbitrage pouvait ou non régler le conflit entre la loi spéciale et la Constitution. C’est elle-même qui y a répondu (arrêt Scholzen, t.1 doss.doc., page 20) en affirmant qu’une loi, qu’elle soit

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44LA CONSTITUTION BELGE Intro-11

facilement ou difficilement modifiable, restait une loi. La loi spéciale n’est pas un texte originaire, ce n’en est qu’un dérivé, qui peut donc être contrôlé. On doit en effet considérer que toutes les dispositions de la Constitution respectent le principe de légalité. Ce phénomène de déconstitutionalisation peut encore s’illustrer dans d’autres exemples, montrant encore l’importance grandissante des lois spéciales :

Article 127, concernant les compétences des communautés en matière d’enseignement et de culture. Ce dernier point (culture) a nécessité une loi spéciale afin de spécifier ce qu’on entendait par là. Article 128, concernant les matières personnalisables (traduction néerlandaise : attachées à la personne)

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-12

La Constitution Coordonnée Le nombre d’articles passe de 140 articles à 198 mais la constitution coordonnée n’est pas une nouvelle constitution. C’est un lifting, une remise en forme. Elle est effectuée en 1994 car le pays est secoué par la révision de 1993. L’avenir de la Belgi que semblait en effet incertain à de nombreux Belges. Cette constitution coordonnée est donc une sorte de « nouveau départ ».

1. Les clauses de coordination

L’article 198 décrit les clauses de coordination. Cette mise en ordre de la constitution se fait en trois étapes :

1. Un nouveau découpage, une adaptation de la numérotation. 2. Une mise en harmonie des mots utilisés.

Au fil du temps, le constituant avait manqué de cohérence dans les mots utilisés. Exemples :

Régions et Communautés : exécutif, mot peu valorisant, remplacé au fil du temps par gouvernement. Article 3 (1970) Région bruxelloise et en 1988, lors de la création de institutions de cette 3ème région, apparaît dans les articles 136 et 178 l’expression « Région Bruxelles-Capitale ». Cette différence subsiste toujours dans la mesure où les Francophones jugeaient l’affaire trop importante et ne voulaient pas changer le nom de baptême de la Région.

3. Mise en concordance des terminologies des trois langues nationales. En 1967, un texte en néerlandais a été établi suivi, bien plus tard, en 1991, d’une version allemande. L’article 189 en fait part. Quand les textes divergent, une concordance s’imposent.

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-13

2. Le caractère vieillot de certains articles Malgré cette coordination, notre Constitution reste une constitution du temps de Louis-Philippe, de la 1ère vague. Certains textes le prouvent :

1. article 21, al.2 mariage civil avant la bénédiction religieuse toujours

présent 2. En ce qui concerne les institutions, l’article 45 qui évoque la possibilité

d’ajournement des chambres, et qui avait valeur utile jusqu’à la fin du 19ème, est toujours présent

3. L’article 73 : le Sénat ne peut siéger sans que la Chambre ne siège également. C’était une manière d’éviter que le Roi ne s’appuie sur le Sénat face à la Chambre trop turbulente. De toute manière, l’article 73 est en porte-à-faux puisque le Sénat n’est plus conservateur et que, aujourd’hui, la séance parlementaire (article 44) dure toute l’année.

3. Les lacunes de la Constitution Coordonnée

La constitution évoque bien la possibilité de démission d’un gouvernement mais entre cette démission et le nouveau gouvernement, rien ne peut être trouvé. Les Constitutions modernes (ex. loi spéciale du 08.08.80) des communautés et des régions en donnent la solution littérale : ils doivent expédier les affaires courantes. Une quasi-lacune quant aux prérogatives du 1er ministre et son statut est également perceptible. Le texte originaire ne l’évoque même pas. Il apparaît pour la première fois en 1920 et aujourd’hui, on le retrouve trois fois (article 99al2, article 46, article 96) Un autre problème plus important se pose quant à la hiérarchie des normes. Deux textes-clés dans la Constitution à ce sujet : les articles 159 (concernant les normes inférieures à la loi) et 142 (contrôle lois par rapport aux normes supérieures). Mais nulle part, contrairement à d’autres constitutions, n’est évoqué la place du droit international. Le problème sera seulement (et jusqu’à présent, seulement) résolu par un arrêt de jurisprudence.

4. Innovations de la dernière révision (1993)

INTRODUCTION DES ARTICLES : 22 : respect de la vie privée 32 : transparence administrative

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-14

23 : droits économiques, sociaux et culturels 181§2 : reconnaissance (enfin !) de la laïcité

LE CONSEIL D’ETAT 160 : Conseil d’Etat enfin dans la Constitution (rappel : Le conseil d’Etat a seulement été créé en 1946 car mauvais souvenirs hollandais et napoléonien ; de 1946 à 1993 dans une loi rattachée à la Constitution)

5. Révisions de certaines dispositions depuis 1993

28.02.97 : révision article 59 sur l’immunité parlementaire, article qui n’avait pas été révisé depuis 1831 (> Agusta/Dassault) 11.04.97 : révision article 41 afin d’établir les organes des sous-communes (intracommunaux) 12.06.98 : révision article 103 sur la responsabilité pénale des ministres, article qui n’avait pas été révisé depuis 1831, si ce n’est de manière marginale en 1993. (> Agusta/Dassault) 20.11.98 : révision article 151, sur la nomination des juges du pouvoir judiciaire. (révision partielle en 1993) 11.12.98 : révision article 8 sur les droits politiques (dont le droit de vote est le prototype). La qualité de Belge est révisée afin d’obtempérer à un traité de la CE et à la directive qui la met en œuvre. (> Europe dans notre Constitution et l’Etat Belge doit ainsi s’y plier) 11.04.99 : loi peut prévoir consultations populaires au niveau communal et provincial (voir plus loin) 07.05.99 : révision article 150 sur les délits de presse soumis à la Cour d’Assises sauf en matière de délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie. Le but flagrant de ces révisions est de rénover les appareils judiciaire, politique. Elles s’éloignent totalement de la préoccupation fondamentale qui les animait jusque là : le fédéralisme, au profit d’une meilleure rencontre avec le citoyen. Avec l’article 198, le constituant aurait pu tout faire (même transformer le pays en pays totalitaire…) mais est resté sur la réserve.

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-15

6. La structure de la Constitution

TITRE Ier: DE LA BELGIQUE FÉDÉRALE, DE SES COMPOSANTES ET DE SON TERRITOIRE TITRE II: DES BELGES ET DE LEURS DROITS TITRE III: DES POUVOIRS

CHAPITRE Ier: DES CHAMBRES FÉDÉRALES Section Ière: De la Chambre des représentants Section II: Du Sénat

CHAPITRE II: DU POUVOIR LÉGISLATIF FÉDÉRAL CHAPITRE III: DU ROI ET DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Section Ière: Du Roi Section II: Du Gouvernement fédéral Section III: Des compétences

CHAPITRE IV: DES COMMUNAUTÉS ET DES RÉGIONS Section Ière: Des organes

Sous-section Ière: Des Conseils de communauté et de région Sous-section II: Des Gouvernements de communauté et de région

Section II: Des compétences Sous-section I: Des compétences des communautés Sous-section II: Des compétences des régions Sous-section III: Dispositions spéciales

CHAPITRE V: DE LA COUR D'ARBITRAGE, DE LA PRÉVENTION ET DU RÈGLEMENT DE CONFLITS

Section Ière: De la prévention des conflits de compétence Section II: De la Cour d'arbitrage Section III: De la prévention et du règlement des conflits d'intérêts

CHAPITRE VI: DU POUVOIR JUDICIAIRE CHAPITRE VII: DU CONSEIL D'ÉTAT ET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES CHAPITRE VIII: DES INSTITUTIONS PROVINCIALES ET COMMUNALES

TITRE IV: DES RELATIONS INTERNATIONALES TITRE V: DES FINANCES TITRE VI: DE LA FORCE PUBLIQUE TITRE VII: DISPOSITIONS GÉNÉRALES TITRE VIII: DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION TITRE IX: ENTRÉE EN VIGUEUR ET DISPOSITIONS TRANSITOIRES

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-16

7. Introduction à l’analyse de la Constitution Le TITRE I correspond, dans la plupart des Constitutions, aux libertés fondamentales. Chez nous, le constituant a jugé plus important la structure fédérale de la Belgique.

Remarquons que l’article concernant les communautés (article 2) se place juste avant celui concernant les Régions (article 3). Le protocole impose en effet que comme les communautés sont créées avant les Régions, l’article les concernant se place juste avant celui sur les Régions.

Le TITRE II, càd les articles 8 à 32, concerne les Belges et leurs droits.

Le TITRE III concerne les pouvoirs. C’est d’un plan déséquilibré qu’est constitué ce titre, comprenant les articles 33 à 166. Remarquons que les articles 33 à 41 sont situés hors chapitres. En réalité, le constituant a trouvé ces dispositions tellement importantes qu’elles commandent l’articulation en chapitres.

Le chapitre II – Du Pouvoir Législatif fédéral - concrétise la réforme législative de 1993. Le chapitre III – Du Roi et du gouvernement fédéral – présente les Chambres avant le Roi et le gouvernement, résidu d’une vieille déférence vis-à-vis du législatif (reprise du schéma de 1831) Le chapitre IV – Des communautés et des Régions – est sans doute le chapitre le plus original du titre. La structure du titre peut donc s’expliquer ainsi : fédéral puis institutions communautaires et régionales. Le chapitre est également plus cohérent que la version initiale qui « descendait » jusqu’à septies. Le chapitre VII – Du Conseil d’Etat et des Juridictions administratives – est un nouveau chapitre.

Le TITRE IV, consacré aux relations internationales, démontre d’un esprit de nouveauté. Ce titre regroupe 3 articles seulement. Pq ? en faire ressortir l’importance et que les relations internationales mettent en œuvre tant l’exécutif que les assemblées du fédéral et des fédérés. Les TITRES V (finances) et VI (force publique) montrent encore bien l’influence de 1831. Deux titres afin de montrer l’importance (à l’époque ? – les impôts du sang –contingent de l’armée- et de l’argent) de ces deux pôles et dont le vote du budget reste le contrôle par excellence de l’exécutif. Le TITRE VII concerne des dispositions générales. On retrouve des dispositions aussi variées que celles de l’article 191 qui fonde le principe du statut des étrangers en Belgique que celles de l’article 193 concernant le drapeau belge.

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44LA CONSTITUTION COORDONNEE Intro-17

Le TITRE VIII porte sur les modalités de révision de la Constitution. On y retrouve l’institution par le constituant originaire du constituant dérivé. Le TITRE IX porte sur des dispositions transitoires. C’est de la logistique en réalité. On y place toutes les dispositions transitoires qui par la force des choses allaient disparaître tôt ou tard. L’article II est entré en vigueur en 1995. Toutes ces dispositions ont un terme, elles sont donc appelées à disparaître graduellement. Attention, il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres dispositions transitoires (avec conditions) dans la constitution. Ex. articles 135 et 100 (cf. disposition transitoire V).

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Droit Constitutionnel

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R E A L I S E P A R J E A N -C H R I S TO P H E WE R E N N E

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TITRE I DDDEEESSS PPPOOOUUUVVVOOOIIIRRRSSS

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44LES ARTICLES INTRODUC TIFS ( 3 3 A 4 1 ) Des pouvoirs-20

Les articles introductifs (33à41)

Les articles 33 à 41 sont hors chapitres et sont censés guider la lecture des chapitres suivants. Ce sont les dispositions, applicables à l’ensemble du titre consacré aux pouvoirs, les plus importantes de la Constitution5.

1. Article 33 Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution. L’article date de 1831. C’est l’article le plus essentiel de la Constitution, la pierre angulaire. Cet article n’a jamais été modifié, même jamais été ouvert à révision.

2. Article 34 (LA BELGIQUE VERS LE HAUT) L'exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public. Cet article représente l’ouverture internationale de la Belgique. Il date de 1970 et souligne l’importance des relations internationales pour la Belgique. Pourquoi n’est-il donc pas dans le titre suivant ? Il est considéré comme l’un des fondements de l’Etat Belge.

3. Article 35 (LA BELGIQUE VERS LE BAS) L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même. Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.

Disposition transitoire La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du

5 N.B. Une constitution fédérale est une Constitution par associations.

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44LES ARTICLES INTRODUC TIFS ( 3 3 A 4 1 ) Des pouvoirs-21

nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale.

L’article est une présentation générale du fédéralisme belge vers le bas. Remarquons une fois encore la place des communautés par rapports aux Régions. Cet article qui est l’un des fondements du fédéralisme belge est un MENSONGE TOTAL, une illusion. En effet, l’article ne correspond donc pas à la réalité de ce qui s’est fait depuis 1980-1988. Jusqu’à présent, c’est l’autorité fédérale qui a les compétences résiduelles, et les communautés et les régions qui ont les compétences attribuées. Pour des raisons politiques et sous la pression des partis flamands, le résidu a voulu être donné aux entités fédérées en 1993. L’article présent dans la Constitution est une disposition transitoire. L’article 35 ne sera en vigueur que dans les termes de la loi spéciale mais la date de cette mise en vigueur ne pourra être antérieure à une nouvelle révision de la Constitution qui fixera les compétences exclusives de l’Etat fédéral. Hors, la dernière déclaration d’ouverture de la Constitution (1999) n’envisageait même pas de mettre en vigueur cet article. Le gouvernement DEHAENE était-il tellement sûr de remporter les élections ?

4. Article 36 Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat. L’article date de 1831. Cet article nous dit que nous sommes dans un régime parlementaire.

5. Article 37

Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution.

Cet article date de 1831, si ce n’est l’ajout du mot « fédéral ». Rédaction de l’article pour délimiter l’article 36.

6. Article 38

Chaque communauté a les attributions qui lui sont reconnues par la Constitution ou par les lois prises en vertu de celle-ci.

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44LES ARTICLES INTRODUC TIFS ( 3 3 A 4 1 ) Des pouvoirs-22

Cet article date de 1970. Les communautés, décrites à l’article 2, ont des compétences reconnues par la Constitution (enseignement, emploi des langues) ou par des lois (souvent des lois spéciales) ; L’article présente les attributions des communautés, et par ce fait, traduit la primauté des Communautés par rapport aux Régions dans le protocole constitutionnel et politique. Les compétences des communautés sont évoquées aux articles 127 à 133.

7. Article 39

La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.

C’est encore un exemple de DECONSTITUTIONNALISATION. Cet article concerne les Régions (ancien article 107 quater). La loi dont il est question ici est une loi à majorité spéciale. En ce qui concerne, les compétences régionales, la Constitution ne dit rien.

è Il y a une contradiction interne entre les articles 35 (les autres compétences) et 38/39 (compétences attribuées par la Constitution et/ou la loi).

8. Article 40

Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux. Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi.

Cet article montre que ces articles introductifs suivent en fait le plan de la Constitution. Celui-ci, datant de 1831, évoque le pouvoir judiciaire mais n’annonce pas les diverses juridictions.

9. Article 41

Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution.

La loi définit les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux pouvant régler des matières d'intérêt communal.

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44LES ARTICLES INTRODUC TIFS ( 3 3 A 4 1 ) Des pouvoirs-23

Ces organes territoriaux intracommunaux sont créés dans les communes de plus de 100.000 habitants à l'initiative de leur conseil communal. Leurs membres sont élus directement. En exécution d'une loi adoptée à la majorité définie à l'article 4, dernier alinéa, le décret ou la règle visée à l'article 134 règle les autres conditions et le mode suivant lesquels de tels organes territoriaux intracommunaux peuvent être créés.

Ce décret et la règle visée à l'article 134 ne peuvent être adoptés qu'à la majorité des deux tiers des suffrages émis, à la condition que la majorité des membres du Conseil concerné se trouve réunie.

Les matières d'intérêt communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la commune ou la province concernée. La loi règle les modalités et l'organisation de la consultation populaire.

Cet article montre l’importance croissante des provinces et des communes. Le §1 évoque les intérêts provinciaux et communaux. L’article a été modifié en 1997 (évocation des intracommunaux) et en 1999 en ce qui concerne la consultation populaire.

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44ARTICLE 3 3 Des pouvoirs-24

L’Article 33 & Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution.

1. Introduction et fondements de l’article

Cet article est le fondement ultime de la nation. C’est sans doute la seule phrase philosophique de la Constitution car les Belges sont assez pragmatiques, contrairement à d’autres Constitutions modernes où l’on trouve avant les articles un long préambule sur le pourquoi du comment. Une seule phrase introduit la Constitution : « Au nom du peuple belge, le Congrès national décrète… ». « tous les pouvoirs » entraîne une pluralité des pouvoirs, autrement-dit l’existence du principe de séparations des pouvoirs. Cet article nous dit en une phrase que c’est une révolution, que c’est une nouvelle constitution, que le Constituant rejoint les idées de 1789. Cet article pose un acte radical car la théorie ancienne (celle qui fondait la charte hollandaise) estimait que tous les pouvoirs venaient du Roi et que le Roi auto-limitait sa puissance, son pouvoir en accordant la Constitution ou charte. La Constitution attribue, ici, des pouvoirs LIMITES au Roi et à l’exécutif. S’il y a lacune, c’est le législateur qui a l es compétences résiduelles. Ce n’est pas le Roi qui fonde la Constitution mais la Constitution qui fonde le Roi (rappel de la prestation de serment du Roi : (…) Je jure d’observer la Constitution et les lois du peuple belge ».

2. La « Nation » et son analyse

1. NATION ET PEUPLE

Le mot « peuple » était considéré comme trop dangereux. Le constituant, en utilisant le mot « nation » voulait se référer à l’article 3 de la Constitution de 1789. De plus, le mot « nation » est beaucoup plus conservateur et évoque le concept de souveraineté nationale.

2. QUELLE NATION ?

Existe-t-il une nation belge ? Existe-t-elle encore ? Pour de plus amples renseignements, consulter F.PERRIN, L’Histoire d’une nation introuvable, ou

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44ARTICLE 3 3 Des pouvoirs-25

encore pour une réponse positive, J. STENGERS, Les racines du sentiment national en Belgique. Dans d’autres Constitutions fédérales, on ne retrouve pas le terme « nation ». Aux Etats-Unis, on parle d’union parfaite, en ex-Tchécoslovaquie, on parlait d’union indissoluble. Le mot nation évoque en lui -même une tradition unitariste, tradition bien traduite en droit positif, dans les constitutions fédérées.

3. Tous les pouvoirs émanent de la nation « Tous les pouvoirs émanent de la nation (…) ». La nation est la source des pouvoirs mais les pouvoirs n’y restent pas conformément à la Constitution. Dans l’article 33, on peut remarquer, en filigrane, le choix du système de démocratie représentative et l’interdiction d’un régime de démocratie directe. Le seul mot « nation » l’évoque déjà. La Constitution n’accorde aucun pouvoir au peuple, aucun moyen, aucune possibilité de démocratie directe. Des preuves ?

4. Hypothèses de référendums dans la Constitution

Pourrait-on introduire le mécanisme du référendum dans le cas :

q D’une Intervention dans la révision de la Constitution ? article 195 : aucun mécanisme incluant le peuple.

q Du législatif ? article 36

q D’un droit d’initiative pour adoption d’une loi ? Article 75 le droit

d’initiative uniquement pour les branches du pouvoir législatif.

q D’un acte de l’exécutif ? (ex. règlement sur centrales nucléaires) Article 37 : au Roi le pouvoir exécutif fédéral, tel que réglé dans la Constitution (articles 85 à 114)

q D’un assentiment à des traités européens, internationaux ? Titre 4,

article 167 §2,3 : assentiment par les Chambres, et au niveau des entités fédérées, par les Conseils.

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44ARTICLE 3 3 Des pouvoirs-26

Il y a scission dans l’opinion publique. L’Etat se demande comment rendre confiance aux citoyens. Comme il n’existe aucune possibilité d’introduire le référendum au niveau du fédéral, peut-être existe-t-il une possibilité de démocratie directe au niveau des communautés ? Impossible aussi, selon les articles 127, 128, 129. Le constituant avait décidé du système représentatif là aussi ! Au niveau des régions ? (article 39)La Constitution ne dit pas grand chose mais précise que ce sont des organes (donc pas le peuple) avec des mandataires élus. Presque toutes les possibilités de référendum au sens strict du terme sont fermées. Peut-être au niveau des communes et des provinces ?

5. Consultation populaire dans les provinces et les communes

Article 41§1 : Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution.

Dans l’état actuel des choses, toute forme de manifestation de l’idée de souveraineté populaire est exclue.

Toutefois, jusqu’ici nous avons surtout insisté sur le mode décisoire (référendum où le peuple décide).

Le peuple pourrait-il donner un avis qui ne lierait pas les autorités ? Les consultations populaires seraient-elle constitutionnelles ? Les auteurs divergent sur ce dernier point.

- Dans un avis de principe de 1985 (dossier de doc, t.1., p.117), le Conseil d’Etat , consulté à plusieurs projets de lois qui voulaient introduire divers types de consultations, a estimé grosso modo qu’en règle, ce que le peuple dit n’est pas décisoire de iure car ce n’est pas un référendum. Par contre, de facto, la consultation populaire, comme le référendum, lie le politique. C’est la thèse de la majorité de la doctrine, comme celle de J-Cl. SCHOLSEM.

- Selon d’autres juristes un peu hétérodoxes, l’avis du Conseil d’Etat est erroné. Il est nécessaire de distinguer le référendum de la consultation populaire. Il y a donc moyen d’introduire sans révision de la Constitution la consultation populaire.

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44ARTICLE 3 3 Des pouvoirs-27

De toute manière, en pratique, certaines communes interrogent leurs habitants. Selon le Conseil d’Etat, cette pratique – conforme à la Constitution ? - peut continuer à la condition que ce soit une consultation populaire qui ne lie pas juridiquement le Conseil, qui continue à décider.

La loi du 10.04.1995 sur la consultation populaire dans les communes et les provinces prévoit que soit le Conseil Communal, soit un certain nombre d’électeurs peuvent demander une consultation sur des sujets d’intérêts communs mais pour être conforme à la Constitution, les autorités communales doivent, même si le nombre de signatures est atteints, être libres et pourraient refuser de procéder à la consultation populaire. Ce sont des consultations octroyées.

Toutefois, la démocratie directe est dans l’air du temps. On a ainsi voulu modifier la loi d’avril 1995 en mai 1999 afin de permettre à un certain nombre de signataires de déclencher une consultation populaire mais, qui, elle, reste non liante.

Mais ce faisant, respectons-nous encore la Constitution et son caractère représentatif ainsi que la doctrine majoritaire ?

Après une longue réflexion, le législateur a décidé de mettre en vigueur la loi de 1999 après la révision de la Constitution ; art 41§5 : Les matières d'intérêt communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la commune ou la province concernée. La loi règle les modalités et l'organisation de la consultation populaire.

A fortiori, on pourrait organiser la consultation populaire à d’autres niveaux mais ce, après avoir révisé la Constitution et modifier les articles sur les Régions, Communautés, Etat fédéral.

6. Une tâche difficile

Ce mouvement en faveur de la démocratie directe est sans doute, aujourd’hui, facilité par l’adhésion du Premier Ministre à la « Burgerdemokratie ». Un paradoxe politico-juridique est qu’en 1995, lors de la déclaration de révision de la Constitution, on pouvait introduire dans le titre 3 de la Constitution le mécanisme de référendum (pas en ce qui concerne le titre 8 sur les modalités de révision de la Constitution). Toutefois, en mai 1999, Monsieur Dehaene, pensant revenir au gouvernement, avait fait voter une mini-déclaration de révision mais sans les dispositions de 1995. En effet, pour ne pas faire de « vagues » au sein de sa majorité, il s’en est tenu sur les dispositions sur lesquelles il y avait un véritable consensus au sein de celle-ci. Introduire ce genre de mécanismes dans la Constitution est donc une tâche difficile puisque alourdie d’une déclaration de révision avant la révision elle-même.

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44ARTICLE 3 3 Des pouvoirs-28

7. Pro et Contra de l’introduction du référendum en Belgique

PRO :

Comble le fossé entre la classe politique et le citoyen, réamorce la pente de la confiance, relégitime le pouvoir.

CONTRA :

�� Au niveau des traités et org° internationales et européennes qui priment les lois belges. Comment faire pour qu’une norme « populaire » ne soit pas contraire aux règlements, etc. de la Communauté Européenne ?

�� Si les référendum ou consultation populaire étaient envisagées au niveau fédéral et des lois, les Francophones devraient y réfléchir à deux fois. Les mécanismes de l’Etat sont déjà fragiles, pleins de compromis, la volonté populaire est irrésistible, et les Francophones, en minorité, risqueraient de perdre les compromis que nous avons déjà, comme la parité ministérielle etc., en faisant face à la majorité massive des Flamands.

�� Au niveau régional , on devrait sans doute faire face à des problèmes techniques dont on n’a pas idée. Les référendums devraient être dans les compétences des Régions pour qu’il y ait référendums régionaux. Il faudrait inventer des mécanismes pour que la Région ne soit pas tenter de prendre des décisions via la population sur des matières qui ne lui sont pas accordées. En effet, si tel était le cas, la Cour d’Arbitrage irait-elle jusqu’à sanctionner les décisions populaires ? C’est un sujet « chaud ».

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44ARTICLE 3 4 Des pouvoirs-29

L’Article 34 & L'exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public. ( 6)

1. Introduction

Cet article est la manifestation de l’ouverture internationale de la Belgique. Cet article ne déroge pas à l’article 33 mais en complète la seconde phrase. L’article n’est pas relatif à la source du pouvoir, qui reste la nation belge, mais cet article modalise l’exercice du pouvoir (mentionné à l’article 33).

2. Genèse de l’article

Il existait depuis 1952 (signature de la Belgique à la CECA) et 1953-1954 (essai d’instauration de la Communauté Européenne de Défense) un malaise constitutionnel. En effet, ces vastes délégations de pouvoirs aux communautés européennes étaient-elles conformes à la Constitution ? La solution apparaîtra – le temps constitutionnel est un temps long – 18 ans après. En 1970, on instaure cet article.

3. Un texte prudent

Le texte de cet article est prudent, voire timoré. L’expression « exercice de pouvoir » le démontre : le pouvoir émane de la nation ; c’est seulement l’exercice de ce pouvoir qui est attribué. Si la Belgique venait à se retirer de ces institutions, l’exercice de ce pouvoir reviendrait à son vrai propriétaire.

Ce sont des pouvoirs DETERMINES qui peuvent être exercés, l’exercice résiduel revenant à l’Etat Belge, solution mensongère de l’article 35. Ce sont donc des compétences ATTRIBUEES à la Communauté Européenne, ce qui ne pose pas de problèmes.

(…) par un traité ou par une loi : ce seront des traités en pratique.

(…) institutions de droit international public : en 1970, on pense à la Communauté Européenne et on estime que c’est une institution de droit international public. En réalité, la Constitution n’ose pas parler d’organisation supranationale. Elle ne le fera qu’en 1993 à l’article 169, dans l’article 8 récemment révisé.

6 L’article 34 est à mettre en parallèle avec l’article 33

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44ARTICLE 3 4 Des pouvoirs-30

4. Deux remarques

I. En 1970, plusieurs points, volets étaient évoqués. Certains ont réussi pratiquement immédiatement, d’autres non.

�� Le décret a force de loi et nécessité d’instances européennes plus lourdes, points introduits en 1970.

�� Participation des entités fédérées à la vie internationale, points introduits 23 ans plus tard, en 1993. Ce sont les articles 167, 168, 169 du Titre IV.

�� La hierarchie des normes entre droit national et droit international , point qui n’a pas réussi en 1970 ; le Constituant a plusieurs fois essayé de l’introduire dans la Constitution mais n’a jamais et toujours pas réussi. Ainsi, face à cette constatation, il est parfois plus intéressant d’observer ce que la Constitution n’a pas réussi à résoudre que ce qu’elle résout. La réponse est finalement venue de la jurisprudence (Cour de Cass, Cour d’Arbitrage, Conseil d’Etat : mais y-a-t-il cohérence ?)

II. Bien que la rédaction de l’article soit assez timorée, l’article 34 n’en est pas moins élastique et finalement très ouvert à l’Europe. Ainsi, lors de la signature du Traité de Maastricht, en 1992 habilitant les institutions à exercer de plus en plus de pouvoirs (émanant toujours de la nation belge), alors que dans de nombreux pays, la ratification à ce traité a nécessité des révisions en profondeur (ex. France), chez nous pas. On comprend ainsi l’intérêt d’écrire de façon aussi « mystérieuse », vague.

Il est toutefois nécessaire de faire ici une remarque. Même si pratiquement tous les articles du traité étaient parfaitement intégrés grâce à l’article 34, une exception – et de taille – était présente. Cette exception concernait la participation des étrangers aux élections communales, l’introduction d’une citoyenneté européenne. L’article 34 montrait ainsi ses limites et ne servait donc pas à grand chose. L’article 34 concerne l’exercice du pouvoir mais ici, c’est une modification des pouvoirs politiques (article 8b) réservés aux Belges. Il fallait donc réviser l’article 8 avant de ratifier le traité. Le premier ministre était contre, car le droit de vote était justement un problème politique chaud (notamment dans les Fourons). L’article 8 ne sera finalement pas révisé. Ce n’est qu’en décembre 1998, à la suite d’une condamnation de la Cour de Justice des Communautés Européennes, que les Chambres constituantes ont mis la Constitution en concordance avec les normes européennes.

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44ARTICLE 4 2 Des pouvoirs-31

L’Article 42 & Les membres des deux Chambres représentent la Nation, et non uniquement ceux qui les ont élus.

L’article 427 est le premier article hors-section du chapitre Ier sur les chambres législatives. Il date de 1831, tout comme l’article 33. Il a été révisé, mais de manière marginale, en 1993.

Il évoque aussi la souveraineté nationale et non populaire (dans laquelle, la légitimité du pouvoir vient uniquement des élections).

! L’article 42 ne dit pas que seuls les membres des deux Chambres représentent la nation. En effet, le Roi, les ministres, etc la représentent aussi.

(…) et non uniquement (…) : le mandat parlementaire est REPRESENTATIF et pas impératif. Entre deux élections, nous sommes esclaves. En effet, il n’y a pas de révocation – procédé de démocratie directe – quand l’élu ne respecte pas ses promesses.

En 1993, on instaure des collèges électoraux dépassant de loin ceux de la province.

* *

*

7 L’article 42 a été révisé en 1993, le texte antérieur était celui-ci : « Les membres des deux chambres représentent la nation, et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés ». Cette disposition faisait allusion aux provinces, ce qui est techniquement incompatible avec la réforme de l’état. Notamment au sujet du Sénat : les sénateurs élus directs vont l’être par deux grands collèges électoraux, l’un francophone, l’autre néerlandophone sur base de trois circonscriptions électorales, flamande, wallonne, et celle de Bruxelles-Hal-Vilvoorde (article 87bis Code Electoral) Ces trois circonscriptions dépassent les frontières provinciales, il a été nécessaire de modifier l’article42 en supprimant l’allusion aux provinces.

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44ARTICLE 4 3 Des pouvoirs-32

L’Article 43 & § 1er. Pour les cas déterminés dans la Constitution, les membres élus de chaque Chambre sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique néerlandais, de la manière fixée par la loi. § 2. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 2°, 4° et 7°, forment le groupe linguistique français du Sénat. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1°, 3° et 6°, forment le groupe linguistique néerlandais du Sénat.

1. Les communautés linguistiques

L’article 43 modalise l’article 42 et évoque le dualisme belge, tout comme l’article 34 évoquait le poids de l’Europe. L’article date donc de 1970.

Le premier paragraphe évoque clairement le caractère fédéral des deux Chambres. Il existe en effet deux cas où les députés ne représentent pas la nation mais la communauté linguistique à laquelle ils appartiennent :

1) article 54 : « procédure de la sonnette d’alarme » : Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d'un des groupes linguistiques et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi qu'elle désigne sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés. (…)à peu effectif

2) article 4, dernier alinéa : la loi à majorité spéciale : (…) à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et pour autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux tiers des suffrages exprimés. à importance grandissante.

Il existe également des cas où la Constitution ne pouvait pas appliquer le cas des communautés linguistiques mais où elle l’a quand même fait, notamment en vue de protéger la communauté linguistique minoritaire, la majorité d’une cté linguistique peut demander un conseil du Conseil d’Etat (ex. loi sur la CE)

En 1970, le Constituant a exclu le sénateur de droit. En 1993, à la suite de la réforme du Sénat, on a introduit l’alinéa 2.

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44ARTICLE 4 3 Des pouvoirs-33

2. Contradiction procédurale

Les §1 et §2 se contredisent ! Selon le §1, c’est une loi qui fixe la composition des communautés linguistiques.

Hors, c’est dans la Constitution, et plus précisément le §2, qui répartit qui, au Sénat, seront les membres de telle ou telle communauté linguistique.

3. Contradiction de fond

Le Constituant semble avoir complètement oublié le sénateur visé à l’article 67, 5°, à savoir celui envoyé par le Conseil de la Communauté Germanophone ?

Le §1 précise : tous les sénateurs élus alors que selon le §2, il y a un élu qui ne fait pas partie des groupes linguistiques.

4. Des groupes linguistiques déterminés par la loi

La loi évoquée au §1 fixera donc la répartition des députés dans tel ou tel groupe linguistique, vu que le §2 le fait déjà pour les sénateurs. Mais quelle loi ? serait-ce une loi à majorité spéciale ? C’est absolument impossible, vu que la loi à majorité spéciale nécessite des groupes linguistiques et que ceux-ci n’existent pas encore. Ce sera donc une loi ordinaire. Pour faire l’objet d’une loi spéciale, il faut une loi.

5. Loi du 03.07.718 sur la répartition en groupes linguistiques

Si on est élu dans un arrondissement flamand ou français, on appartiendra respectivement au groupe flamand ou français, quelque soit d’ailleurs la langue dans laquelle on a prêté serment. C’est le sol qui compte !

Une exception de taille toutefois : les 19 communes de Bruxelles et les 2 arrondissements de Hal et Vilvoorde dans lesquels vivent de nombreux francophones. Si on est élu dans ces arrondissements (situés sur le territoire flamand), il y aura une dérogation au principe de territorialité, ce sera la langue utilisée qui déterminera l’appartenance à tel ou tel groupe linguistique.

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8 Modifiée par l’article 100 de la loi du 16 juillet 1993.

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TITRE II LLLAAA SSSEEEPPPAAARRRAAATTTIIIOOONNN DDDEEESSS

PPPOOOUUUVVVOOOIIIRRRSSS

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44 INTRODUCTION Séparation des pouvoirs-35

Introduction Les deux aspects de la séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs peut être évoqué à deux niveaux.

1. C’est une maxime de science politique, un conseil aux faiseurs

de Constitution. Contrairement à ce qu’on croit généralement, Montesquieu

n’a jamais utilisé cette expression si célèbre. C’est ainsi qu’il évoque dans

son œuvre la séparation des pouvoirs : Tout Homme qui a du pouvoir est

tenté d’en abuser. Il faut qu’il trouve des limites. Il faut que par la

disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.

2. C’est un principe général de droit. La Cour de Cassation a souvent

invoqué le principe de séparation des pouvoirs. On peut donc en invoquer la

violation. C’est un principe combiné des différentes dispositions

constitutionnelles.

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44ORGANES DU POUVOIR Séparation des pouvoirs-36

Organes du pouvoir

Notre Constitution n’établit pas une séparation stricte mais plutôt souple des pouvoirs (c’est un régime parlementaire) mais le principe n’est pas transcrit dans la Constitution.

1. Pouvoir législatif Article 36 : Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat. Article 109 : Le Roi sanctionne et promulgue les lois. (=csqce de l’article 36) Article 75 : Le droit d'initiative appartient à chacune des branches du pouvoir législatif fédéral. Sauf pour les matières visées à l'article 77, les projets de loi soumis aux Chambres à l'initiative du Roi, sont déposés à la Chambre des représentants et transmis ensuite au Sénat. Les projets de loi portant assentiment aux traités soumis aux Chambres à l'initiative du Roi, sont déposés au Sénat et transmis ensuite à la Chambre des représentants.

2. Pouvoir Executif

Article 37 : Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution Article 106 : Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un ministre, qui, par cela seul, s'en rend responsable. Article 88 : La personne du Roi est inviolable; ses ministres sont responsables. Article 101§ : Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants. Aucun ministre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions émises par lui dans l'exercice de ses fonctions. Article 96 : Le Roi nomme et révoque ses ministres. Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment. Article 46 : Le Roi n'a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la majorité absolue de ses membres : 1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi, dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d'un successeur au Premier Ministre;2° soit adopte une motion de méfiance à l'égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas simultanément au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre.

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44ORGANES DU POUVOIR Séparation des pouvoirs-37

Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu'après un délai de quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion. En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses membres. La dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat. L'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours et des Chambres dans les deux mois.

è L’article 46 est la preuve que le régime de séparation des pouvoirs est bouclé vu que le Roi ou le gouvernement peut dissoudre les Chambres, contrairement aux USA.

3. Séparation des pouvoirs dans les entités fédérées

Si on regarde l’articulation des réglementations concernant les entités fédérées, on peut en conclure que l’Etat Belge les a créées à son image. Ainsi, nous retrouvons, dans les lois spéciales les concernant, des dispositions qui se rapprochent du droit fédéral et qui représentent également grosso modo un régime parlementaire. Quelques exceptions :

(1) Au niveau du fédéral : Le Roi nomme et révoque ses ministres.

Au niveau des fédérés : pas de chef d’état à modalités différentes (on s’écarte du modèle fédéral : article 122C° : Les membres de chaque Gouvernement de communauté ou de région sont élus par leur Conseil.

(2) Au niveau du fédéral : Dans un parlementarisme classique, responsabilité individuelle et collective du gouvernement. Réplique : droit de dissolution des assemblées. Les législatures ne sont donc pas à temps fixe mais peuvent être écourtées. Au niveau des fédérés : on s’est éloigné du parlementarisme classique et on s’est rapproché des provinces et des communes : article 117 : Les membres des Conseils sont élus pour une période de cinq ans. Les Conseils sont intégralement renouvelés tous les cinq ans. A moins qu'une loi, adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, n'en dispose autrement, les élections pour les Conseils ont lieu le même jour et coïncident avec les élections pour le Parlement européen.

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44COMPETENCES DES ORGANES Séparation des pouvoirs-38

Compétences des organes

1. Pouvoir législatif : plénitude de compétence

Chez nous, et même dans toute démocraties représentatives, on applique le Principe que le pouvoir législatif a les compétences résiduelles. Si un autre organe ne détient pas une compétence, c’est le pouvoir législatif qui est compétent. Son pouvoir est donc fixé négativement. La plénitude de compétence revient au pouvoir législatif.

Confrontons les articles 36, 37 et 105. Article 36 Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat. Article 37 Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution. Article 105 Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même.

Au vu de ces trois articles combinés, les compétences résiduelles au niveau fédéral vont au législatif.

Au niveau des régions et des communautés, on peut le déduire également par similitude, c’est le principe de symétrie (c’est d’ailleurs confirmé dans un texte) : c’est donc le pouvoir décrétal qui a les compétences résiduelles au niveau des fédérés.

A. Matières soustraites à sa compétence

Le pouvoir législatif n’a pas toutes les compétences ; ce serait un régime d’assemblées, c’est-à-dire un régime où existe un trop grande concentration du pouvoir. Le pouvoir législatif doit respecter les compétences du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire (ou plus largement les juridictions).

Exemples : A propos des traités: art 167 : § 1er. Le Roi dirige (…) ; art 167 : 2. Le Roi conclut (…) Qu’en conclure ? Les chambres ne peuvent pas s’occuper de cette compétence. A propos des fonctionnaires : article 107 : Le Roi nomme les fonctionnaires (avec contreseing)

Il faut cependant nuancer : Comme nous sommes dans un régime parlementaire, les actes de l’exécutif peuvent à tout moment être critiqués par la Chambre des représentants.

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44COMPETENCES DES ORGANES Séparation des pouvoirs-39

Le pouvoir judiciaire a des compétences exclusives / article 144 : Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.

èè CONCLUSION : les seules bornes du pouvoir législatif sont les compétences énumérées du pouvoir exécutif (avec une nuance par rapport aux critiques possibles de la Chambre des représentants) et celles des juridictions.

B. Matières ajoutées à sa compétence

Le domaine réservé à la loi

Il existe certains cas où la Constitution prévoit que le pouvoir législatif doit agir. Ce ne peut être que lui. Il existe ainsi une multitude de cas où la loi doit intervenir (c’est le domaine réservé par la Constitution à la loi ). La loi doit agir et ne peut pas habiliter le Roi, le gouvernement à le faire. Exemples :

Article 8 : La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile. La Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques, déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits.Par dérogation à l'alinéa 2, la loi peut organiser le droit de vote des citoyens de l'Union européenne n'ayant pas la nationalité belge, conformément aux obligations internationales et supranationales de la Belgique. (…)

Article 170 §1 : Aucun impôt au profit de l'État ne peut être établi que par une loi.

Article 191 : Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

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44COMPETENCES DES ORGANES Séparation des pouvoirs-40

2. Pouvoir Exécutif

A. Introduction

L’expression « exécutif » est un terme vieillot datant du 18ème siècle. On le retrouve dans les constitutions française de 1791 et américaine de 1787. En 1830, l’expression est utilisée afin de montrer au Roi qu’il n’est qu’un simple exécuteur, un suiveur s’il l’on s’en tient à l’étymologie du mot. En 1980, les Régions et des Communautés étaient choquées par l’emploi d’exécutif pour désigner leurs gouvernements. Depuis, on a changé cette expression au profit de la dénomination de gouvernement. Toutefois, le mot « exécutif » se retrouve encore à de multiples endroits de la Constitution.

B. Des pouvoirs énumérés

Le pouvoir exécutif a toujours des pouvoirs énumérés, ceux décrits au chapitre 3, section 3, articles 105 à 114 : Des compétences). Exemple : Les juges sont, en Belgique, selon l’article 151, nommés par le Roi. Le pouvoir exécutif prend plusieurs sortes de mesures :

1. des actes individuels (nomination, passation de contrats…) 2. des actes réglementaires (exécution budget, dépenses)

Les actes de l’exécutif ne sont pas seulement énumérés, ils sont aussi d’une infériorité juridique à la loi.

C. Le contrôle des actes du pouvoir exécutif

Le contrôle des actes de l’exécutif peut se faire de deux manières :

1. l’article 159: Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois, article qui depuis 1831 n’a jamais été modifié.

2. Depuis 1948, possibilité de recours en annulation des actes règlementaires devant la section administration du Conseil d’Etat.

è N.B. de science politique : on pourrait dire que la force de l’exécutif est contrebalancée par le statut juridique inférieur des actes de l’exécutif sur deux points : 1. les compétences énumérées et 2. les actes soumis au contrôle juridictionnel.

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44COMPETENCES DES ORGANES Séparation des pouvoirs-41

3. Le pouvoir judiciaire

Dans certains états, il existe un monisme de juridictions, c’est-à-dire un seul ordre de juridictions, comme aux U.S.A. où à la tête de toutes les juridictions se trouve la Cour Suprême.

En Belgique, il existe plusieurs ordres de juridictions. D’un côté, les Cours et Tribunaux (art.40). De l’autre, diverses juridictions spécifiques : les juridictions administratives (art 160-161), la Cour d’Arbitrage (art 142), cour constitutionnelle n’en portant pas le nom, la Cour des Comptes (art.180).

Article 40 : Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux. Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi.

Article 160 : Il y a pour toute la Belgique un Conseil d'État, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par la loi. Toutefois, la loi peut attribuer au Roi le pouvoir de régler la procédure conformément aux principes qu'elle fixe. Le Conseil d'État statue par voie d'arrêt en tant que juridiction administrative et donne des avis dans les cas déterminés par la loi.

Article 161 : Aucune juridiction administrative ne peut être établie qu'en vertu d'une loi.

Article 142 : Il y a, pour toute la Belgique, une Cour d'arbitrage, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par la loi. (…)

Article 180 : Les membres de la Cour des comptes sont nommés par la Chambre des représentants et pour le terme fixé par la loi. Cette Cour est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration générale et de tous comptables envers le trésor public. Elle veille à ce qu'aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu'aucun transfert n'ait lieu. La Cour exerce également un contrôle général sur les opérations relatives à l'établissement et au recouvrement des droits acquis par l'État, y compris les recettes fiscales. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l'État et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l'État est soumis à la Chambre des représentants avec les observations de la Cour des comptes. Cette Cour est organisée par la loi.

A propos des fonctions de l’appareil judiciaire.

La véritable séparation de pouvoir est certainement entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. En effet, les juridictions doivent nécessairement statuer sous peine de déni de justice. Elles doivent être saisies des litiges. Elles sont donc plus passives que les autres pouvoirs.

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44CO N C E P T I O N S D E L A SEPARATION DES POUVOIR S Séparation des pouvoirs-42

Conceptions de la séparation des pouvoirs

3 lectures de la Constitution

La séparation des pouvoirs est une grande idée de Montesquieu et qui a évidemment évolué avec le temps. Si on se base sur la chronologie de l’Etat Belge, 3 lectures de cette même constitution sont possibles.

A. Le Roi, la loi, la liberté (1830-1920)

Dans une première perspective, les pouvoirs législatif et exécutif, égaux, maintiennent l’équilibre. Le pouvoir du juge reste fort en retrait, conformément à la conception française du juge qui devait s’occuper des matières civiles et privées et non publiques.

B. Période classique du droit constitutionnel belge (1920-1970)

La loi monte en puissance et est légitimée par le suffrage universel. Ce même suffrage demande une autre Etat, une Etat beaucoup plus interventionniste. Ainsi, la loi va habiliter l’exécutif à faire certaines choses : les rapports entre le législatif et l’exécutif changent.

Le juge apparaît et commence à contrôler l’exécutif par rapport à la loi. Le juge sort tout doucement de sa réserve, s’appuie sur la loi et essaie de contrebalancer l’expansion politique du pouvoir exécutif.

En résumé, c’est la période d’une plus grande intervention judiciaire et culte de la légalité.

C. Période postmoderne (1970)

C’est la période du déclin de la loi . En 1970 : « Le décret a force de loi ». La Cour de Cassation rend un arrêt célèbre sur le rapport entre la loi et les normes supérieures à la loi tandis que le juge contrôle les actes de l’exécutif et la conformité de la loi face aux normes supérieures.

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TITRE III LLLEEE PPPOOOUUUVVVOOOIIIRRR LLLEEEGGGIIISSSLLLAAATTTIIIFFF

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44LA L OI DANS LA C ONSTITUTION Le pouvoir législatif-44

La Loi dans la Constitution

1. Introduction

A de multiples reprises, la Constitution se réfère à la loi. C’est la théorie du domaine réservé à la loi. Mais quand la Constitution emploie le mot « loi », qu’entend-t-on par ce mot ?

A. La loi formelle et matérielle

La loi formelle et matérielle est une loi par la forme (œuvre du pouvoir législatif fédéral) et qui contient des règles de droit (abstraite, générale et permanente)

Art 108 : Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. Et l’article 159

Ici, le mot « loi » désigne bien un acte provenant du pouvoir législatif et contient bien du droit. C’est l’interprétation de la loi la plus courante dans la Constitution.

B. La loi matérielle

Dans certaines dispositions relativement rares, le mot « loi » est pris dans un sens beaucoup plus large. C’est la loi matérielle. Par le mot « loi », on entend tout le droit belge écrit.

Article 10 : Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres. Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.

Dans le premier paragraphe, le mot « loi » comprend évidemment toutes les normes de droit belge.

Dans le second, il faut faire attention car c’est bien d’une loi matérielle et formelle qu’il s’agit (point A).

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44LA L OI DANS LA C ONSTITUTION Le pouvoir législatif-45

Article 26 : Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable.

Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police.

Les lois visées ici sont évidemment à prendre dans un sens très général car l’expression vise surtout les ordonnances de police, et éventuellement les ordonnances communales et provinciales.

Autre exemple : l’article 608 du Code Judiciaire.

c. La loi formelle

Dans certains cas un peu plus fréquent que ceux cités au point B, la loi peut avoir une portée purement formelle, c’est-à-dire que la forme de la loi visée est celle d’une loi mais dont le contenu est différent.

Article 74 : Par dérogation à l'article 36, le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi et la Chambre des représentants pour : 1° l'octroi des naturalisations; 2° les lois relatives à la responsabilité civile et pénale des ministres du Roi; 3° les budgets et les comptes de l'État, sans préjudice de l'article 174, alinéa 1er, deuxième phrase; 4° la fixation du contingent de l'armée.

Dans le premier cas, les lois de naturalisation ne sont évidemment pas des lois au sens propre mais bien des actes individuels, réservés au pouvoir législatif (Roi, gouvernement et la Chambre)

Dans le second, il est évident que le budget n’est pas une loi matérielle, ce n’est évidemment pas une loi permanente vu que le vote du budget est annuel. Est-ce une règle ? non, c’est une autorisation de dépenser concrète et limitée dans le temps.

Il existe également d’autres articles que la doctrine moderne analyse comme une loi purement formelle. Exemple, la loi visée à l’article article 167. Les Traités sont soumis à la loi d’assentiment, votée par les Chambres. La loi qui porte assentiment à un traité est une loi provenant des deux assemblées (cas où Sénat est sur pied d’égalité avec la Chambre des représentants) et c’est une loi purement formelle qui autorise l’application du traité dans l’ordre juridique interne.

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44LE DO M A I N E D E L A L O I Le pouvoir législatif-46

Le domaine de la Loi

1. Rapports entre la loi et le règlement

Selon l’idéal révolutionnaire, les lois sont parfaites. La loi est maîtresse dans son domaine. Le pouvoir de faire des règlements s’appuient sur 2 dispositions constitutionnelles, articulant les rapports entre la loi et le règlement : les articles 108 et 105.

A. Loi passive et Roi actif Article 108 : Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. La loi est passive, muette au sujet de l’exécutif. Elle ne fait pas d’allusion au Roi. Mais pour l’exécutif, l a loi nécessite des précisions. Le Roi peut se saisir de la loi (si toutefois elle est muette) et peut apporter des règlements de précisions d’exécution de la loi alors que la loi ne l’habilite en rien. Ces règlements restent toujours soumis à la loi.

B. Loi active qui habilite le Roi à prendre des arrêtés royaux

Article 105 : Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même. Article 37 : Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution. Si on le met en parallèle avec l’article 37, le Roi a des pouvoirs limités dans l’optique du Constituant, ces pouvoirs étant pris en vertu de la Constitution ou de lois portées en vertu de celle-ci. L’article 105 doit être interprété en ce sens : une loi habilite le Roi à venir compléter la loi (dans le cas par exemple d’une loi à indices). Dans certaines lois, ces habilitations peuvent être nombreuses. Ce genre de loi est ce qu’on appelle une loi-cadre, c’est-à-dire une loi qui contient les principes et que le Roi doit, dans un règlement, mettre en œuvre. (ex. environnement) Dans le contexte de la loi-cadre, en vertu d’un mandat exprès (ou mandat d’habilitation), le Roi reste subordonné à la finale de l’article 108.

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44LE DO M A I N E D E L A L O I Le pouvoir législatif-47

C. Les arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux

Imaginons que le législateur crée une entreprise publique et fixe les principes de l’organisation de celle-ci. Est-il possible que le Roi fixe les statuts de l’entreprise en dérogeant aux lois coordonnées sur les sociétés commerciales ? Ou que se passe-t-il si le législateur, en se fondant sur l’article 105, autorise le Roi à modifier toutes les lois pendant un certain délai et que passé ce délai, les actes ne peuvent plus être modifiés que par une loi ? Ou les ARPS sont-ils fondés sur des lois ? les lois d’habilitation des pouvoirs spéciaux peuvent-il se fonder sur l’article 105 de la Constitution ? La réponse à ces questions fut donnée, après de longues controverses, par un arrêt de la Cour de Cassation en 1974, l’arrêt LECOMPTE (cf. page 76 du dossier de documentation). « Attendu que l’article 105 de la Constitution permet qu’une loi portée en vertu de la Constitution étende le pouvoir d’exercice règlementaire du Roi au delà des limites fixées par la loi ». La réponse sera donc « oui » mais sauf en ce qui est réservé par la Constitution à la loi. Toutefois, l’interprétation de la Cour de Cassation est une fausse interprétation de l’article 105 car au départ l’article était une « clause de bouclage du pouvoir royal ». Cet arrêt fonde en Belgique la responsabilité des principes et grâce à cet arrêt, la loi peut délier le Roi de sa subordination.

2. Rapports entre la loi et le juge : la loi interprétative

A. l’interprétation judiciaire Le juge interprète la loi en principe, interprétation qui, en vertu du Code Judiciaire, a effet relatif par rapport au sujet traité MAIS la jurisprudence n’est pas une source de loi comme nous le dit fort clairement l’article 6 du Code Judiciaire et dont le but est de bannir les arrêts de règlements de l’Ancien Régime.

B. l’interprétation authentique

Article 84 : L'interprétation des lois par voie d'autorité n'appartient qu'à la loi. L’idée de cet article sera développée à l’article 7 du Code Judiciaire. La Constitution permet au législateur d’intervenir dans l’interprétation tout à fait

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générale et qui lie tous les juges lorsque qu’un point de droit n’est pas encore tranché. L’interprétation du législateur a valeur obligatoire.

C. Rétroaction de facto de la loi interprétative

Le danger d’une telle disposition vient d’un cas où le législateur manifesterait sa nouvelle volonté à travers la loi interprétative. La loi interprétative n’est pas une loi rétroactive ! Seulement, de facto, la loi interprétative qui s’incorpore à la loi interprétée a valeur rétroactive.910

D. Problème de la séparation des pouvoirs

Sens du mot « loi » dans l’article 84

La loi est à la fois matérielle et formelle. Il ne faut pas le prendre au sens large du terme. Toutefois, il existe une doctrine pour laquelle le mot « loi » est ici pris dans son sens matériel . En effet, certains auteurs pensent que l’idée sous-jacente de l’article est que l’auteur de la norme, quelqu’elle soit, est mieux placé que quiconque pour dire ce que la norme veut dire. (ex. Roi interprète les arrêtés royaux, la commune interprète les règlements communaux) Le danger d’une telle conception est d’en arriver à des modifications rétroactives intempestives. En 1980, on a inséré dans la Constitution une disposition qui est devenue l’article 133 de la Constitution et qui est relative au décret interprétatif. Article 133 : L'interprétation des décrets par voie d'autorité n'appartient qu'au décret. Il ne faut donc pas interpréter ici le terme « décret » au sens large car cela reviendrait à dire, comme le décret a force de loi, que le décret peut faire ce que la loi fait !

Principe de non-retroactivité

9 Cf. P. DELNOY, Cours de méthodologie juridique. 10 Ce qui donne lieu à une insécurité juridique qui ne peut se justifier que si elle met fin à une insécurité encore plus grave (cf. doss.doc., tome 1, page 54)

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Il y a également des lois qui sont rétroactives, bien que non interprétatives, Dans certaines constitutions, les lois rétroactives, ou encore théorie de la loi et du temps, sont prohibées. Chez nous, le principe de la non-rétroactivité de la loi n’est pas envisagé dans la Constitution. Le principe existe mais uniquement au niveau légal . Ce sont les articles 2 du Code Pénal et 2 du Code Civil. Ce n’est donc pas un principe constitutionnel. C’est donc un principe général dont la loi est la source. Le législateur peut donc y déroger. C’est un principe de sécurité juridique mais le législateur pourrait très bien d’un point de vue constitutionnel y déroger. Toutefois, ce principe s’impose à l’exécutif. La base de ce principe est la loi. Ce qui est contraire à la loi est soumis à la loi. Un arrêté royal ne peut pas être rétroactif. C’est l’exception d’illégalité, ce qui montre une nouvelle fois l’importance de l’article 108. Selon l’article 159, le Roi est lié par les lois, donc a fortiori par l’article 2 du Code Civil. 11 Il existe une seule matière où une loi rétroactive ne serait pas possible : le droit pénal. Il y a non-rétroactivité des infractions et des sanctions pénales plus fortes. La rétroactivité est dans cette matière non valide, non pas en raison de la Constitution, mais bien des traités internationaux – art 7 CEDH ; art 15 pacte ONU – qui imposent, par contre, le principe de rétroactivité de la loi la plus douce. De toute manière, si le législateur contrait ces dispositions, tout juge belge se refuserait d’appliquer la loi.

3. Place de la loi dans la hiérarchie des normes en Belgique

Le contrôle de la loi par rapport aux normes supérieures est la question centrale du droit constitutionnel. On peut certainement faire le parallèle entre l’évolution de cette question et l’évolution de l’interprétation de la séparation des pouvoirs en Belgique.

A. Sacralisation de la loi jusqu’en 1971

A la question d’un contrôle de conformité de la loi à la Constitution, la réponse, jusqu’en 1971, a été quasi-unanime : non ! Leurs arguments étaient :

11 cf. Doss.Doc, tome 1, page 52.

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- Article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen où l’on considère que la loi est l’expression de la volonté générale et qu’il n’y pas de contrôle des juges possible.

- Les juges ne sont pas élus, d’où une légitimité moins grande, argument

qui prévaudra surtout après 1920 et le suffrage uni versel.

- Art 159 : la Constitution n’envisage que les rapports entre la loi et les normes inférieurs à celle-ci. Si on raisonne a contrario, ce qui n’est pas dans la Constitution n’est pas. De plus, il s’agit ici d’une collaboration loi-juge pour paralyser le Pouvoir Exécutif.

- 2 influences importantes : celles de la France (avec son culte de la

souveraineté populaire) et de l’Angleterre (où il n’existe pas de Constitution écrite et donc pas de contrôle de la loi à la Constitution)

Ontologiquement, la Constitution est supérieure à la loi. A l’époque, tout le monde considère que le juge ne doit pas intervenir car c’est une matière hautement politique et uniquement politique. Il ne faut évidemment pas oublier que le contexte historique est très important. q Aux USA, il y a contrôle de constitutionnalité des lois par les juges

depuis l’arrêt MARBURY vs. MADISON (1803)12

q En 1950, la Cour de Cassation rend un arrêt WALEFFE13. Les juridictions ne peuvent pas dire que la loi est contraire à la Constitution mais les juridictions doivent interpréter la loi dans un sens conforme à celui de la Constitution. C’est donc un contrôle doux et sans censure. Les parlementaires jurant respect de la Constitution, on présume les lois constitutionnelles. Les juridictions, si elles ont une interprétation différente, doivent fléchir en vue de la conformité de la loi à la Constitution. S’il n’y parvient pas, la loi reste intouchable. C’est au législateur de la modifier, s’il y a lieu. Le juge sort ainsi de sa prudence tout en restant un peu en retrait. Cet arrêt est toujours en vigueur et est essentiel en droit constitutionnel.

q En Angleterre, les Anglais connaissent plus ou moins le même problème

avec l’idée de « supremacy of Parliament ». Les Anglais essaient de le fléchir en peu en conseillant au juge de fléchir dans le sens d’une interprétation plus conforme à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, par exemple.

12 Cf. F.DEHOUSSE, Introduction au droit public, page 205. 13 Cf. doss.doc, tome 1, page 53.

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B. Arrêt LESKI du 27 mai 1971 : contrôle de conventionnalité des lois (cf. tome 1 de documentation, page 4) C’est sans doute l’arrêt le plus important de la Cour de Cassation et la révolution matérielle de la Constitution la plus importante que le pays ait jamais connu. C’est un grand tournant dans l’histoire juridique : la loi n’est plus sacrée. Cet arrêt ne résout pas un problème de contrôle entre la loi et la Constitution mais entre la loi et certaines normes internationales. Mais voyons d’abord comment la jurisprudence réglait ce problème avant 1971.

L’arrêt SCHIEBLE (1925) : conflit entre deux lois (cf. tome 1, page 3) La position de la jurisprudence est très clairement illustrée par cet arrêt de la Cour de Cassation et restera défendue jusqu’en 1971. Lisons l’article 67 : (…) Ces traités n'ont d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des Chambres (…) : le traité est adopté dans une loi d’assentiment => le conflit devient un conflit entre deux lois. C’est donc le principe de « la loi postérieure est meilleure que l’antérieure ». Ainsi, si le traité est contraire à une loi antérieure et que le traité est suffisamment précis et contraignant, le traité, voté dans une loi d’assentiment, suspend (il peut être dénoncé) les effets de la loi antérieure. L’arrêt SCHIEBLE est relatif au Traité de Versailles (signé en 1919 et approuvé dans une loi) et à une loi relative aux biens des ressortissants des pays vaincus à la guerre et adoptée par le Législateur en 1921. Le problème est que SCHIEBLE assure que la nouvelle loi viole le Traité de Versailles. Pour la Cour de Cassation, c’est un conflit entre une loi antérieure et une loi postérieure : la loi postérieure l’emporte. C’est donc un arrêt dualiste. On ne peut jamais remettre en cause une loi postérieure même si contraire au traité. Ainsi, même si la loi postérieure viole le Traité, la Cour de Cassation appliquera la loi postérieure : ce n’est pas au juge de veiller au respect des obligations belges au niveau international.

L’arrêt LESKI (1971) 1970 est vraiment une date charnière. Comme nous l’avons dit plus haut, le temps constitutionnel est un temps long. Ainsi, en 1950, il y ratification à la CEDH, signatures des traités CECA et CEE. Dans le même temps, ces organisations mettent sur pied des juridictions pouvant condamner la Belgique.

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44LE DO M A I N E D E L A L O I Le pouvoir législatif-52

20 ans plus tard, l’arrêt LESKI est l’occasion pour la Cour de Cassation, de changer son fusil d’épaule. C’est donc un problème de transport de lait en poudre qui va être l’étincelle mettant en œuvre un tout nouveau dispositif juridique. Le traité de Rome prohibait toute taxe d’importation. La Belgique avait, évidemment, prélevé des taxes et fut condamnée par la Cour de la CEE. La législation prend des mesures pour se remettre en ordre, abrogeant ainsi les taxes sur le lait en poudre mais décide que ce qui a été perçu jusqu’à ce moment est acquis à l’Etat irrévocablement et qu’aucun recours n’est possible. La Cour de Cassation change alors sa doctrine sur les relations traités/lois et affirme dans son arrêt que c’est le droit international qui prime sur la loi. Le conflit devient un conflit entre norme internationale et norme interne. La conception devient moniste : le droit international domine tout le droit interne. Enfin, relativisons… ce n’est pas tout le droit international, mais le droit international conventionnel (celui des Traités, enfin !) et quand ces traités contiennent les précisions suffisantes pour être appliqués par le juge. L’arrêt LESKI aboutit ainsi à un régime pratiquement équivalent à celui de l’article 159 pour les lois face aux traités. Les effets de l’arrêt sont donc un contrôle incident, concret, dans l’application et n’entraîne pas l’annulation de la norme contestée. La Cour de Cassation a voulu rendre un arrêt de principe. L’article 34 venait d’être adopté et l’arrêt réglait donc le problème d’un conflit entre le Traité de Rome et la loi belge. Mais la Cour de Cassation ne se fonde pas uniquement sur l’article 34 et ratisse nettement plus large, englobe tous les autres textes directement applicables (comme la CEDH). Après 1971, on se retrouve face à une hiérarchie des normes où une étrange distorsion règne. Imaginons qu’une loi viole par exemple le secret des lettres et correspondance tel que établi à l’article 8 de la CEDH et à l’article 29 de la Constitution. Le juge pourra déclarer recevable toute demande fondée sur violation de l’article 8 de la CEDH et même écarter la loi mais ne pourra pas si on se fonde sur l’article 29 !

C. Arrêt Lecompte de 1974 : contrôle de constitutionnalité des lois

Entre 1970 et 1974, c’est donc une grande innovation qui s’introduit dans le système juridique belge. Le juge belge peut écarter les lois belges si elles sont contraires à des dispositions de droit international directement applicables. De plus, en 1970, on écrit que le décret a force de loi.

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44LE DO M A I N E D E L A L O I Le pouvoir législatif-53

L’arrêt LECOMPTE parachève finalement l’arrêt LESKI en 1974. La question qui se pose est : Comment une loi peut-elle habiliter le Roi à abroger une loi ? Car c’est contraire à l’article 108 in fine. Normalement, la Cour de Cassation aurait du s’en tenir à déclarer qu’elle ne s’occupait pas de la constitutionnalité des lois mais elle répond qu’Attendu que l’article 105 de la Constitution permet qu’une loi portée en vertu de la Constitution étende le pouvoir d’exercice règlementaire du Roi au delà des limites fixées par la loi. Le mot « permet » n’est évidemment pas passé inaperçu. Si la Cour de Cassation dit que la Constitution permet que la loi fasse ceci, rien n’empêche qu’elle déclare un jour qu’elle déclare que la Constitution ne permette pas cela. L’arrêt LECOMPTE est très mal accueilli au Palais de la Nation. Certains parlementaires allèrent même jusqu’à faire une proposition de loi stipulant que la Cour de Cassation n’avait aucun pouvoir de constitutionnalité ! Heureusement, cette proposition n’a pas abouti. Finalement, l’arrêt LECOMPTE ne sera que du bois mort sur le plan de la constitutionnalité des lois. Dans d’autres – rares – arrêts, la Cour de Cassation osera encore l’expression permet mais n’emploiera jamais la forme négative. Si la Cour de Cassation avait osé l’employer en 1974, la Cour d’Arbitrage ne serait sans doute jamais née. On aurait fait l’économie d’une nouvelle juridiction. On aurait eu un contrôle par les juridictions à la fois par rapport au droit international et par rapport à la Constitution. Une solution équilibrée s’impose. Finalement, une nouvelle juridiction est créée en 1980, une cour constitutionnelle mais avec des compétences réduites. Au départ, elle ne s’occupait que des règles de partage des compétences, puis en 1988, la surveillance des principes d’égalité et l’enseignement. CONCLUSION 1. Tout juge peut écarter la loi par rapport au droit international

sauf le juge de la Cour d’Arbitrage. 2. Aucun juge ne peut écarter la loi par rapport à (certaines

dispositions de) la Constitution sauf la Cour d’Arbitrage.

* *

*

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44ORGANISATION DU P OUVOIR LE G I S L A T I F : L E PA R L E M E N T Le pouvoir législatif-54

Organisation du pouvoir législatif : le Parlement

1. Composition

A. Avant 1995

Composition Le Parlement est composé de deux chambres. En 1830, le Constituant crée un bicaméralisme pour satisfaire les grandes puissances, la Chambre unique étant de toute façon trop proche de Jean-Jacques Rousseau, trop proche de l’idée de souveraineté populaire, ce qui fait peur. De toute manière, le bicaméralisme est plus proche des idées de Montesquieu. Le Sénat sera essentiellement aristocratique et la Chambre basée sur des élections directes, ce qui correspond bien aux enseignements de Montesquieu. Jusqu’en 1970, le nombre de députés évoluait avec l’évolution de la population. En 1970, on fixe le nombre de députés à 212 pour éviter que les Flamands n’envahissent les bancs de la Chambre.

Le Sénat et son évolution

Les sénateurs viennent d’élections directes avec un cens élevé. Le nombre de sénateurs est de moitié celui des députés. Les législatures diffèrent également : pour le Sénat, ce sont des législatures de 8 ans, renouvelable par moitié tous les 4 ans. Peu à peu, de nouvelles catégories de sénateurs apparaissent : en 1893, ce sont les sénateurs provinciaux (finalement supprimés en 1993) et en 1920, les sénateurs cooptés, afin de répondre à une démocratisation de la vie politique belge. Ce qui fait dire à certains que « le Sénat n’est plus nuisible, il est devenu inutile ». Le Sénat échappe à toutes les révisions mais prend de plein fouet celle de 1993. La révision de 1993 prévoit des modifications quant à la composition du Sénat mais également quant à son rôle.

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44ORGANISATION DU P OUVOIR LE G I S L A T I F : L E PA R L E M E N T Le pouvoir législatif-55

Le double-mandat

En 1970, on instaure le système de la double-casquette (ou double-mandat) : les députés et une partie des sénateurs (ceux élus directement) cumulent leurs rôles avec un rôle dans les Conseils des Communautés. Ainsi, de 1970 à 1993/95 (95 étant la date de mise en œuvre de la révision de 1993), les 212 députés et 106 sénateurs élus directs vont composer par répercussion et vers le bas les Conseils des Communautés et Régions françaises et flamandes. Ce qui permet une économie de personnel politique. Mais en 1993/95, on y met un terme car dans un état fédéral, c’est un système ascendant qui doit exister et non descendant comme ça a été pratiqué jusqu’ici (l’Etat Fédéral envoie des députés et sénateurs dans les entités fédérées) De plus, c’est un système fort peu pratique. Pour les représentants, c’est un agenda quasi complet tout le temps, et un risque permanent était que si la législature prenait fin, c’était également la fin de celles dans les Communautés et les Régions.

B. Après 1995

On décide donc de supprimer le système du double-mandat. Il avait certes beaucoup de défauts mais avait un avantage non négligeable, à savoir épargner les élus. Ce système supprimé, on doit diminuer le nombre d’élus fédéraux. « La cure d’amaigrissement » est devenue nécessaire, d’autant plus que les compétences de l’Etat fédéral avaient, elles aussi, beaucoup diminué. On assiste cependant à une cure deux poids, deux mesures. Le nombre de députés passe de 212 à 150 (article 63), le nombre de sénateurs de 184 à 71(article 67 et 72), dont 40 élus directs, 21 envoyés par les Communautés et cumulant toujours les fonctions au sein des pouvoirs législatifs fédéral et fédéré, 10 cooptés, et 1 voire plusieurs de droit.

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44ORGANISATION DU P OUVOIR LE G I S L A T I F : L E PA R L E M E N T Le pouvoir législatif-56

2. Compétences du Sénat

A. Avant 1995

De 1830 à 1993/1995, on est face à un bicaméralisme parfait. A l’origine, sauf détails, les deux chambres ont les mêmes compétences, sur le plan normatif, politique (contrôle des ministres et activité gouvernementale), budget. Les compétences du Sénat n’ont jamais été vraiment modifiées. S’il y avait blocage législatif, une navette indéfinie circulait entre les deux chambres. En 1993, on envisage de modifier le bicaméralisme. La modification du Sénat serait une sorte de couronnement de la réforme. Plusieurs idées se mettent en place et 2 objectifs se distinguent. Le Sénat devait devenir une chambre de réflexion, et qui parachèverait l’œuvre de la Chambre des Représentants dans certains cas et, dogme de tous les traités de droit constitutionnel, le Sénat devrait représenter les entités fédérées. Ce deuxième aspect un échec. C’est ainsi que le Sénat devint une chambre de réflexion.

A. Après 1995

Compétences financières Le Sénat n’a plus aucun rôle, enfin presque. Selon l’article 77, qui présente les compétences sur pied d’égalité des deux chambres, et l’article 174, la loi du budget est une loi monocamérale prise par la Chambre des Représentants et le Sénat ne s’occupe plus que de son budget, de sa dotation. Tout le pouvoir financier est concentré dans les mains d’une Chambre, ce qui est une excellente chose. Article 174 : Chaque année, la Chambre des représentants arrête la loi des comptes et vote le budget. Toutefois, la Chambre des représentants et le Sénat fixent annuellement, chacun en ce qui le concerne, leur dotation de fonctionnement. Toutes les recettes et dépenses de l'État doivent être portées au budget et dans les comptes.

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44ORGANISATION DU P OUVOIR LE G I S L A T I F : L E PA R L E M E N T Le pouvoir législatif-57

Compétences politiques

Avant 1993 , le Sénat pouvait mettre en cause la responsabilité des ministres. Maintenant, il n’a plus aucune compétence de ce type. Article 101 : Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants. C’est une bonne chose : le Sénat va donc devenir une assemblée de sages.

Compétences normatives

Pour la Constitution Selon l’article 195, le Sénat intervient toujours dans la révision de la Constitution. L’article 195 n’ayant jamais été révisé, c’est donc un rôle ancien qui lui est octroyé. Le Sénat conserve ses compétences pour la norme supérieure. En matière de lois Avant 1995, il n’existait qu’un seul type de lois (exception faite des lois spéciales). Après la réforme de 93/95 (où le Sénat, on ne cesse de le rappeler, connaît une chute vertigineuse de ses compétences), 3 types de lois sont à distinguer. Les lois :

1) visées à l’article 74 sont des lois strictement monocamérales, où le Sénat disparaît, est mis hors course, est hors du pouvoir législatif.

2) visées à l’article 78 et qui est la procédure de droit commun

d’adoption des lois. Le projet de loi doit être déposé en 1ère lecture à la Chambre des Représentants. S’il le désire, le Sénat peut évoquer le projet, peut apporter quelques amendements, et le renvoyer devant la Chambre. La navette entre les deux chambres est cette fois limitée et la Chambre a toujours le dernier mot (c’est un bicaméralisme inégalitaire) Le Sénat conserve son droit d’initiative, dans les matières visées aux articles 78 à 80. (cf. page 111 et 112 du syllabus)

3) visées à l’article 77, soit une énumération de cas où subsiste le

statu quo (navette indéfinie, projet du gouvernement présenté devant n’importe quelle Chambre, droit d’initiative, etc.) L’article 77, al.2 indique une loi spéciale pourra augmenter le nombre de matières bicamérales14.

La deuxième Chambre d’un état fédéral devrait être plus forte (ex. Suisse, dans une moindre mesure, l’Allemagne) mais qu’est-ce que le Sénat a finalement gagné ?

14 Dorénavant, la Chambre et le Sénat seront compétents pour présenter en alternance les candidats aux Cours Supérieures, au Conseil d’Etat et la Cour d’Arbitrage.

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En matière de traités Dans cette matière, on a conservé un bicaméralisme parfait (article 77) Article 75§3 : le Sénat a droit à avoir la première lecture Article 142§2 : le Sénat se donne son avis sur les conflits d’intérêts venus entre les différents pouvoirs législatifs.

ð Le rôle fédéral du Sénat est mis en exergue.

* *

*

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-59

Les élections

1. Capacité électorale et Système électoral

A. Evolution du droit des suffrages en Belgique

1831 à 1893 Régime censitaire : notre Etat est un régime libéral et non une

démocratie 1893 à 1914 Suffrage universel tempéré par le vote plural

25 ans, et votes supplémentaires pour les ‘intellectuels’, les pères de famille, etc.

1918 / 1920 A Loppem, avant toute révision, on accorde le suffrage universel masculin (tout le monde a payé le prix du sang) ; En 1920, constitutionnalisation du suffrage universel masculin.

1948 Suffrage universel pur et simple 1981 Abaissement de l’âge électoral à 18 ans 1988 Suppression de la condition de domicile de 6 mois dans la

même commune 1998 Modification de l’article 8 ; extension du droit de vote à

certains étrangers (CE) et pour certaines élections (communales et européennes)

D’autres projets traînent encore aujourd’hui, tel l’abaissement de l’âge électoral et une nouvelle extension du droit de vote aux étrangers.

B. Evolution des scrutins

1831-1900 Scrutin majoritaire 1900 - Scrutin proportionnel article 62§2 pour la Chambre article 68§1 pour le Sénat

Le scrutin proportionnel est arrivé en Belgique pour une raison politique : les catholiques, en 1900, ne voulaient pas des socialistes et voulaient ainsi sauver le parti libéral. Ce scrutin a été constitutionnalisé en 1920.

Le scrutin proportionnel est fort remis en cause aujourd’hui mais il a énormément d’avantages, comme celui de refléter la

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-60

société au plus près. Les inconvénients sont : les gouvernements de coalition, moins grande visibilité de la politique.

Le modes de scrutin et de suffrage appartiennent dans certains pays au Législateur, il est donc plus aisé de les modifier. Evidemment, en Belgique, ce n’est pas le cas, le scrutin proportionnel ayant été constitutionnalisé en 1920. Au niveau fédéral, il se trouve dans la Constitution et au niveau des Régions et des Communautés dans les lois spéciales.

C. Dispositions internationales sur les élections 2 textes fort importants ayant une forte incidence sur le mode électoral :

q article 3 du 1er Protocole additionnel à la CEDH. Ce texte doit d’ailleurs être interprété comme s’il était d’application directe.

q Article 25 du Pacte ONU, texte plus précis (pour une fois !) que celui de

la CEDH (volonté du peuple doit être organisée, etc.)

D. Qui est électeur ?

Article 61 : Les membres de la Chambre des représentants sont élus directement par les citoyens (=nationalité) âgés de dix-huit ans(=âge) accomplis et ne se trouvant pas dans l'un des cas d'exclusion(=hors condition d’exclusion) prévus par la loi. Chaque électeur n'a droit qu'à un vote.

Article 67§1 : § 1er. Sans préjudice de l'article 72, le Sénat se compose de septante et un sénateurs, dont : 1° vingt-cinq sénateurs élus conformément à l'article 61, par le collège électoral néerlandais; 2° quinze sénateurs élus conformément à l'article 61 (…) Cas d’exclusion (articles 6 à 9bis du Code Electoral ):

> CODE CIVIL : incapables, minorités prolongées, … > CODE PENAL : personnes indignes (suspension ou interdiction de vote spécifiés dans code pénal)

q Avant 1988 : condition de domiciliation (article 61)

Pour être électeur, il fallait être domicilié dans la même commune depuis 6 mois (1 an avant 1920). Cette condition était là pour exclure les vagabonds, les ouvriers (qui voyageaient beaucoup).

q 1988 : suppression de cette condition

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-61

En 1988, cette condition a été supprimée afin de - permettre aux habitants de Fourons15 et de Comines-Warneton d’aller

voter en dehors de leur domicile pour les élections législatives et européennes, et ce, afin de permettre un apaisement fouronnais (il y avait en effet quelques problèmes au niveau des régions et des communautés durant la période de la double-casquette16)

- permettre aux ressortissants belges de voter à l’étranger (extension de suffrage). Une fois cette condition supprimée, on pouvait un jour accorder le droit de vote à ces derniers ; c’est la loi du 18.12.98 qui concrétisera cette vue pour les élections législatives et la loi sera mise en œuvre pour les élections de 1999. La procédure est cependant très complexe et seuls 14 ressortissants ont voté sur les milliers qui sont à l’étranger. Cette possibilité n’alla pas sans problèmes : en effet, le vote pour les ressortissants à l’étranger est volontaire. Le Conseil d’Etat fronce ainsi les yeux car le législateur n’a pas respecter la Constitution qui rend le vote obligatoire. C’est donc un tour de passe : le vote n’est obligatoire que lorsque le belge a l’étranger a fait les démarches pour s’inscrire.

E. Le vote est obligatoire Depuis 1920, le vote est égal (chaque Belge a une voix) et secret (comme spécifié dans le pacte ONU). Le vote est également obligatoire (article 62§3), ce qui est rare. Les autres pays imposant le vote sont le Grand Duché du Luxembourg et la Grèce. Les autres pays ont soit renoncé, soit ne l’ont jamais connu. Le vote obligatoire est instauré en Belgique depuis 1893 pour une raison politique : obliger les modérés à aller voter. Cette obligation de vote est une particularité de la Belgique et à long terme difficile à maintenir. Un argument en faveur du vote obligatoire prédomine pour l’instant : selon les sociologues, ce sont les couches de la population les moins instruites qui n’iraient pas voter : c’est donc une condition élémentaire de la démocratie. JC. SCHOLSEM pense, lui, que cette obligation est peu conciliable avec l’harmonisation européenne (ex. pour les ressortissants, le vote n’est pas obligatoire et pour les étrangers européens non plus) Toutefois, tous les partis francophones ont intérêt à ce vote obligatoire (mar quer l’attention des électeurs se révélerait une entreprise nettement plus difficile) De plus, les sanctions pour ceux qui ne vont pas voter ne sont pas vraiment importantes : une réprimande paternelle du juge, des amendes, déchéance du droit de vote.

15 Fourons élisait des députés et sénateurs wallons. 16 article 89bis du Code Electoral

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-62

F. Eligibilité

Article 64 : Pour être éligible, il faut : 1° être Belge; 2° jouir des droits civils et politiques; 3° être âgé de vingt et un ans accomplis; 4° être domicilié en Belgique. Aucune autre condition d'éligibilité ne peut être requise.

Article 69 : Pour être élu ou désigné sénateur, il faut : 1° être Belge17;2° jouir des droits civils et politiques; 3° être âgé de vingt et un ans accomplis;4° être domicilié en Belgique.

=> Il faut donc, pour être éligible, être Belge, pouvoir être électeur et ne pas avoir eu de condamnations pénales qui privent du droit d’éligibilité (articles 30,31,32,33 CP)

Avant 1993, il y avait une différence d’éligibilité entre la Chambre et le Sénat. A la Chambre, la condition d’âge était d’avoir 21 ans, au Sénat, 40 ans.

En 1993, suppression de cette différence, certains membres du Sénat faisant partie du Conseil des Communautés. Ainsi, les conditions d’éligibilité sont devenues les mêmes dans les communautés et au Sénat.

Aucune autre condition d’éligibilité ne peut être requise : d’habitude, on trouve dans la constitution des cas réservés à la loi (domaine réservé à la loi) mais ici, c’est un cas de domaine réservé à la Constitution (la loi est prohibée, tant la matière est importante et que les 4 conditions sont suffisantes)

2. Le déroulement des opérations électorales

A. Formation d’une liste d’électeurs dans chaque commune

La liste des électeurs est réalisée par le collège des bourgmestre et échevins. Si il y a contestation, on s’adresse au collège (ici, en tant qu’institution administrative). En effet, un recours, dit populaire, peut être formé par tout électeur domicilié dans la circonscription contre tout autre électeur. S’il y a appel, recours devant la Cour d’Appel (articles 18 à 27 du Code Electoral)

La liste doit être dressée 80 jours avant la date prévue des élections ou l’arrêté royal de dissolution.

17 Etre Belge avant 1991, il s’agissait d’être Belge de naissance ou d’avoir reçu la grande naturalisation. L’expression Belge de naissance est une expression technique que l’on retrouve dans l’article 5 du Code de la nationalité.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-63

B. Périodicité des élections législatives Les législatures sont de 4 ans maximum pour la Chambre (article 65) et pour le Sénat (article 70). Des élections antici pées peuvent avoir lieu dans les cas suivants : 1.- dissolution prononcée par l’exécutif (article 46) 2.- vote d’une déclaration de révision de la Constitution (grande majorité des

cas de législature écourtée et très fréquente) (article 195)

3.- vacance du Trône : si le roi est mort et qu’aucun héritier n’est présent, les chambres pourvoient à la régence, jusqu’à renouvellement de celles-ci, les nouvelles élisant le nouveau Roi (article 95)

Par contre, pour les Régions et les Communautés, ce sont des législatures à terme fixe (5 ans).

C. Choix des candidats

q Les candidats doivent être parrainés. (article 116 Code Electoral) - par 3 mandataires (parlementaires (même sortants)) - signatures d’électeurs.

q La liste déposée ne doit pas être incomplète.

q Les partis peuvent se grouper par listes

q Les partis représentés au Parlement, peuvent protéger leurs logos, etc.

D. Bureau principal de la circonscription18 Ce Bureau met sur pied les élections et juge de certaines conditions d’éligibilité (âge, déchéance et suspension de l’éligibilité) et exerce ainsi un certain contrôle. Pour aller contre les décisions du BP, il y a un recours devant la Cour d’Appel mais le délai est tellement court qu’il est impossible d’aller devant la Cour d’Appel.

3. Processus électoral belge

18 et du Collège (pour le Sénat)

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-64

A. Division du pays en circonscriptions électorales

Le collège et la circonscription électoraux

Il est nécessaire de distinguer collège électoral et circonscription électorale afin de lever toute ambiguïté sur ces deux mots. à Un collège électoral est l’ensemble des électeurs, domiciliés dans une circonscription, l’ensemble de toutes les personnes dont les suffrages sont rassemblés pour arriver à un certain résultat. (article 62, réglé par la loi) à Une circonscription électorale est le territoire sur lequel le collège électoral doit voter. (article 63§2,3,4) Toutefois, dans certains cas, ceux domiciliés dans une circonscription électorale peuvent appartenir à l’un ou l’autre collège électoral. Avant 1988, une circonscription électorale = une province. En 1988, ce système est supprimé parce que :

q à court terme, la ballade des Fouronnais (cf. page 61). Ces derniers sont en effet hors de la province de Liège et vont y voter (pour les législatives et les européennes)

q à long terme, le Brabant va peut-être se diviser. Dès lors, existera-t-il un collège transprovince ou collège transcendant les provinces, etc. ?

Les modalités de l’article 63§2

Population circonscription ./. diviseur fédéral = nombre de sièges à pourvoir par circonscription

Explications 150 sièges sont à répartir à la Chambre des représentants (clichage, fixation du nombre de députés ; avant, évolution avec la population) Le diviseur fédéral est obtenu en divisant population du royaume ./. 150 (càd. 10 000 000 ./. 150 = 66.666) Le nombre de sièges à pourvoir par circonscription : population circ° ./. 66.666 = nombre de siège acquis.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-65

Le problème est que généralement le chiffre ne tombe pas juste. C’est ainsi qu’on applique le système d’attribution des restes : la méthode des plus grands restes. Il est à remarquer que la population n’est pas toujours la même. Un recensement décennal (le prochain est en 2001) est effectué. (article 63§3) Ainsi pour la Chambre , avant 1993 30 circonscriptions (212 dép.) après 1993 20 circonscriptions (150 dép) dont 10 pour les Flamands (80 d.) 9 pour les Wallons (48 d.) 1 pour Bxl -Hal-Vilvoorde (22 dép.) Pour le Sénat, avant 1993 21 circonscriptions (106 sén.) après 1993 3 circonscriptions (!) (40 sén élus dir.)

Répartition linguistique

Pour rappel, les gens élus en Région Flamande appartiennent au groupe linguistique néerlandais, quelque soit la langue du serment (id. pour les Fr) Depuis la loi du 20 juillet 1971, Bruxelles-Hal-Vilvoorde connaît un régime particulier : c’est la langue du serment qui prime. Pour le moment, sur les 22 députés de la circonscription, 11 sont flamands, 11 francophones. Les groupes linguistiques sont donc constitués ainsi : 91 (80+11) pour les Flamands, 59 (48+11) pour les Wallons, soit 39 % de la représentation fédérale. Il est encore une fois nécessaire de préciser que les proportions peuvent changer. Après le recensement, la répartition des sièges peut changer, contrairement aux chiffres du Sénat, qui eux sont immuables.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-66

B. Répartition des sièges entre les listes

Imaginons 120 000 voix à répartir en 4 sièges. à 120 000 voix ./. 4 sièges à pourvoir = 30 000 voix pour un siège Parti NbVoix Siège(s) A 60 000 2 B 30 000 1 C 30 000 1

Méthode du plus grand reste

Le siège à pourvoir va au parti qui a le plus grand excédent de voix non représentées. Parti NbVoix Siège(s) A 65 000 2 + 5000 voix non représentées B 35 000 1 + 5000 voix non représentées C 20 000 0 + 20 000 voix non représentées à a le siege

Méthode de la plus forte moyenne de représentation par électeurs Si A avait un siège supplémentaire (càd 3 sièges), combien d’électeurs seraient représentés en moyenne ? A 65 000 / 3 21 666 B 35 000 / 2 17 500 C 20 000/ 1 20 000 => Siège a celui qui a la plus forte moyenne d’électeurs à siège à A.

Système d’Hondt

A B C 1 65 000 1 35 000 3 20 000 2 37 500 2 17 500 10 000 3 21 600 4 11 600 6 000

Il existe encore d’autres systèmes comme le système IMPERIALI (// système d’HONDT mais division par 1 ;1,5 ;2 ;…) favorables aux grands partis.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-67

L’apparentement19

En 1920, on perfectionne la proportionnelle. On permet l’apparentement entre les listes des différentes circonscriptions électorales. Au niveau des bureaux, on arrête les calculs avant les décimales. Au niveau provincial, on refait tous les calculs => les résultats provinciaux décident du nombre de sièges octroyés. Pour bénéficier de l’apparentement, il faut au moins un certain nombre d’électeurs dans une circonscription, ce qui favorise la proportionnelle mais permet également d’éliminer les petits partis.

q L’APPARENTEMENT ET SES DERIVES

Dans le Brabant, il existe 3 circonscriptions, Hal, Vilvoorde et Nivelles. Dans les deux premières, flamandes, on vote VU mais à Nivelles aussi, car certains flamands y sont venus s’y établir. => 1 sénateur de la VU, par le biais de l’apparentement, allait donc représenter Nivelles et donc faire partir du groupe linguistique francophone et allait, par le biais du double-mandat, être membre du Conseil régional wallon et du Conseil Communautaire Francophone. Ces derniers ne l’ont pas vu de cet œil et ont déclaré cette arrivée impromptue comme illégale et illégitime, en violant ainsi manifestement l a loi. Le sénateur va trouver le juge des référés justifiant que les assemblées posaient un acte illégal, une décision personnelle. Le juge des référés devrait lui permettre de siéger mais il s’incline devant la décision des assemblées en prétextant l’article 48 : Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet. Les deux assemblées sont donc souveraines quant à la régularité de ses membres. Ce sont donc l’illégalité et l’illégitimité qui l’ont remporté. Finalement, en 1987, le législateur estime que l’apparentement est beaucoup trop large et décide de le restreindre. Ainsi, pour les francophones, l’apparentement se fera avec Nivelles, pour les Flamands avec Louvain, ce qui sera formellement inscrit dans le code électoral à l’article 132 : en principe, l’apparentement est limité à la province mais dans le cas du Brabant, il y a dérogation à ce principe et l’apparentement peut dépasser la province.

En conclusion, l’apparentement est une méthode compliquée dans son application et qui tente de ménager petites et grandes circonscriptions.

19 cf. J.BEAUFAYS, Cours de science politique, page 88 : Dans le cadre de la représentation proportionnelle, dans chaque circonscription, chaque liste a un solde de voix inutilisé. L’ apparentement est une technique d’utilisation des restes. Il consiste – pour cette utilisation – en un regroupement de listes sœurs à travers plusieurs circonscriptions. En totalisant leurs restes, elles peuvent espérer obtenir un ou plusieurs mandats qui n’auraient pas été attribués lors du partage à l’intérieur des circonscriptions parce qu’aucune liste n’aurait atteint le nombre de voix requis à cette effet. Telle est schématiquement la notion d’apparentement en Belgique.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-68

C. Les sièges, mais pour qui ?

Les électeurs peuvent voter de deux manières : 1. en case de tête : les électeurs montrent ainsi qu’ils sont d’accord avec

l’ensemble de la liste du parti. 2. en votant par préférence pour un ou plusieurs candidats effectifs et même

suppléants. Il est toutefois interdit de voter en panaché. Si tous les Belges votaient par case de tête, et qu’il y ait 3 sièges pour le parti, les 3 premiers de la liste siègeraient. Si tous les Belges votaient par préférence, les 3 candidats ayant le plus de voix dans un même parti siègeraient. Evidemment, ces cas de figure sont impossibles dans la réalité. La proportion est de 50-60% en case de tête, le reste en préférence. N.B. : ces proportions diffèrent en peu dans les élections communales. En Belgique, on applique l’effet dévolutif de la case de tête, c’est-à-dire :

q si un candidat, par ses propres forces, arrive au chiffre d’éligibilité, il siège, le chiffre d’éligibilité étant l’ensemble des bulletins divisé par le nombre de siège +1. Par exemple, le chiffre d’éligibilité est de 25 000 voix dans le cas de 100 000 bulletins et de 3 sièges disponibles (100 000 ./. 4)

q pour les autres sièges, le premier cas de figure étant assez rare, on

applique la case de tête, c’est-à-dire qu’on donne au premier de la liste le nombre de voix pour le chiffre d’éligibilité, s’il reste des voix au second et ainsi de suite.

Le système est assez critiqué à l’heure actuelle. Aux élections législatives (c’est sensiblement différent aux communales : les gens votent plus par préférence), le premier cas de figure est plutôt rare, et donc les gens ont l’impression de ratifier le choix du parti. Il existe aujourd’hui de nombreux projets pour amoindrir, voire supprimer l’effet dévolutif de la case de tête. Quelques remarques :

q On peut supprimer l’effet dévolutif sans supprimer la case de tête q Le citoyen s’en remettrait aux autres pour le choix des candidats. q Ceux qui seraient élus seraient ceux avec le plus de voix de préférences q Les liens entre le politique et le citoyen sont trop distendus, c’est une

bonne manière pour le citoyen d’avoir plus de maîtrise sur ses élus et une approche de démocratie directe.

Il existe cependant des inconvénients.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-69

q Si le deuxième de la liste est une personne peu médiatique mais que le

parti l’a mis à cette place car il estime que c’est un homme de dossier et que c’est un bon politique, avec la suppression de l’effet dévolutif de la case de tête, les Hommes de dossiers disparaissent et c’est la voie pour des campagnes plus médiatiques, personnelles.

q De plus, les rapports (déjà assez tendus au sein du parti) risqueraient de devenir encore pire.

q Finalement, est-ce si intéressant ? D’autres voudraient carrément supprimer la case de tête. Comment classerait-on alors ? Pour les élections communales, le gouvernement était divisé. Un compromis a finalement abouti : on coupe en deux le « réservoir » de l’effet dévolutif. Ainsi si un parti récolte 100 000 vo ix :

100 000 voix pour voir la force du parti 50 000 voix sont attribuées.

Se pose également la question de savoir qui doit faire la sélection des candidats. Le parti ? Qui ?

D. Distinction entre inéligibilité et incompatibilité

Inéligibilité 20 Si une personne n’est pas belge, n’a pas 21 ans, n’a pas ses droits civils et politiques, etc. = quelque chose de grave. C’est d’ailleurs pour cela que l’article 64 précise que c’est un domaine réservé à la constitution. L’inéligibilité peut être contestée, le bureau principal de circonscription/de collège (jugeant de certaines conditions d’inéligibilité comme l’âge, la jouissance des droits civils et politiques) assurant un rôle de prévention plutôt que de guérison en filtrant les candidatures. Reste du système de Westminster (supremacy of Parliament), ce sont la Chambre et le Sénat qui jugent des conditions d’éligibilité et veillent à la bonne marche des élections. En France, par contre, c’est le Conseil Constitutionnel qui s’en charge. Si une personne inéligible est élue, son élection est nulle.

20 Le concept d’inéligibilité signifie qu’une personne est dans de telles conditions que son élection ne peut valablement se dérouler. Il manque une condition d’éligibilité. Si l’élection avait cependant lieu, elle serait nulle.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-70

Incompatibilités L’élection ne sera pas nulle. Si une incompatibilité résulte de deux élections (2 postes sont incompatibles), il y aura abandon d’un des deux mandats. Si l’on prête serment comme parlementaire, on perd directement la qualité de l’autre mandat. Ces incompatibilités, dont le régime est très complexe, sont réglées :

Par la Constitution :

article 49 : On ne peut être à la fois membre des deux Chambres. Article 119 (disposition nouvelle de 1993) : Le mandat de membre d'un Conseil est incompatible avec celui de membre de la Chambre des représentants. Il est en outre incompatible avec le mandat de sénateur visé à l'article 67, § 1er, 1°, 2°, 6° et 7° (donc exception faite des sénateurs de communautés ayant toujours la « double casquette »)

àà La double casquette de l’ancien système est bannie (il est interdit de siéger dans les entités fédérées et à l’Etat fédéral, ce qui est chose normale, finalement)

Mais le régime des incompatibilités est beaucoup plus complexe et la législation grouille de celles-ci.

Par la législation :

NON CUMUL DE MANDATS ELECTORAUX

- interdiction d’être membre d’un Conseil provincial et membre d’une des

chambres du Parlement - interdiction d’être membre du Parlement Européen et membre d’une des

deux chambres

EXCEPTION Il n’y a pas d’incompatibilités entre les niveaux communal et fédéral , afin que les parlementaires puissent garder « contact » avec la population (permanence, etc.)

à Certains voudraient étendre les incompatibilités (ce n’est pas sérieux de cumuler à l’infini : les agendas sont surchargés, il y a confusion d’intérêts) tandis que d’autres voudraient les restreindre (nous, parlementaires, devons retrousser nos manches, garder le contact avec la population) avec évidemment des arguments d’ordre financier.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-71

IDEE DE SEPARATION DES POUVOIRS

Est incompatible avec un mandat de parlementaire, q un membre de l’ordre judiciaire, q un membre du Conseil d’Etat, q un juge de la Cour d’Arbitrage, q un membre de la Cour des Comptes (qui travaille pour la

Chambre) ! L’article 51 de la Constitution, qui n’est pas une incompatibilité, interdit le fait d’avoir une fonction salariée pour l’Etat (sauf ministres) et un mandat de parlementaire à afin de laver toute personne de suspicion Article 51 : Le membre de l'une des deux Chambres nommé par le Gouvernement fédéral à toute autre fonction salariée que celle de ministre et qui l'accepte, cesse immédiatement de siéger et ne reprend ses fonctions qu'en vertu d'une nouvelle élection.

FONCTIONNAIRES ET PARLEMENTAIRES : LA LOI DU 6 AOÛT 1931

Article 7 : dans le même ordre d’idées que l’article 51 de la Constitution, il n’est pas du tout incompatible d’être décoré ou anobli par le Roi tout en étant parlementaire, seulement si c’était le cas pendant une législature, c’est la fin du mandat jusqu’à de nouvelles élections. Cet article a un effet préventif : on ne décore pas les députés et les sénateurs pendant la législature afin de préserver leur indépendance. Article 5 : en principe, sauf exceptions, il y a un délai d’attente d’un an avant que le parlementaire ne puisse être nommé à une fonction publique dans l’Etat. à L’article 51 est un peu désuet parce que la loi du 6 août 1931 a étendu très largement les incompatibilités à tous les fonctionnaires de l’Etat. Mais revenons aux incompatibilités au sens strict du terme. En 1930 , on veut un assainissement de la vie politique. L’idée de l’article 5 était qu’on voulait éviter qu’un fonctionnaire soumis au ministre puisse interpeller le ministre en tant que député. Mais ce procédé a quelques désavantages : en effet, dès qu’il prête serment, le parlementaire perd sa qualité de fonctionnaire, mais si par après il est désavoué (par exemple), que fait-il ? Le système était donc un peu trop rigide et excluait de la vie politique tous les fonctionnaires.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-72

En 1987 , l’article 1 de la loi de 1931 a été modifié et contient une formule beaucoup plus souple : le fonctionnaire qui prête serment est mis en congé politique (qui expire à la fin de son mandat politique)

MINISTRES ET PARLEMENTAIRES : L’ARTICLE 50 DE LA C° Avant 1893 , les ministres cessaient de siéger et reprenaient leurs sièges après leurs ministères. En 1893 , cette disposition a été abolie et on en est arrivé à un régime parlementaire à la britannique où la grande majorité des ministres sont députés et sénateurs et continuent à y siéger. En 1993 , cette disposition a une nouvelle fois été modifiée et est inscrit dans la Constitution un article 50. Article 50 : Le membre de l'une des deux Chambres, nommé par le Roi en qualité de ministre et qui l'accepte, cesse de siéger et reprend son mandat lorsqu'il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre. La loi prévoit les modalités de son remplacement dans la Chambre concernée. Ce n’est pas une incompatibilité à proprement parler qui est introduite mais une autre technique. Avant cette disposition, il n’y avait aucun problème pour les députés/sénateurs nommés ministres. Désormais, ils ne peuvent plus siéger mais reprennent leur mandat de parlementaire quand celui de ministre a été mis fin par le Roi. Le suppléant du député/sénateur-ministre est éjecté. C’est une sorte de suspension de mandat. C’est la technique du siège éjectable.

q Pourquoi avoir rompu avec l’Ancien Système ? C’est une demande anti-cumul d’ECOLO-AGALEV qui en est responsable. La question posée par ces parlementaires était Est-ce bien raisonnable que le ministre vote la confiance pour lui-même ? Les ministres, dotés d’un mandat parlementaire, vont peu siéger de toute façon. Ces deux éléments ont convaincu le Constituant, et par ce fait, ont rapproché le pays du système français.

q Comment le remplacement se fait ? Cf. article 1bis de la loi du 6 août 1931

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-73

E. 3 réflexions sur le caractère « honnête » des élections

Les sondages préélectoraux

Nous sommes dans un environnement extrêmement communicationnel. Faut-il donc tolérer les sondages préélectoraux ? La communication de ce genre de sondage est-elle fiable ? Pour rappel, les sondages des élections du 8.10.00 annonçaient un recul du VL-BL au nord, alors que les résultats en furent tout autres. Selon les politologues, les sondages peuvent avoir des effets pervers : 1.- Si X va gagner alors je vote X aussi 2.- Si Y gagne, alors je vote X pour contrebalancer Où est l’avis du citoyen dans tout ça ? la loi du 18.07.1985 y répond en interdisant la publication des sondages électoraux avant toute élection quelconque, but très louable du législateur pour protéger la libre-expression du citoyen. Seulement au-delà de cette intention louable, il y avait un problème d’entrave à la liberté de la presse. Etait-ce compatible avec la liberté d’expression, exprimée dans l’article 10 de la CEDH ? Le Conseil d’Etat a finalement décidé (cf. doss.docs., tome 2, page 123) qu’une telle prohibition de communication de l’information était sans justification. L’article de la loi a donc été abrogé. Toutefois, il faut bien admettre que si la loi existait toujours aujourd’hui, comment la ferait-on fonctionner avec le monde internetarisé dans lequel nous vivons ? quelles sont les limites du droit finalement ?

Le problème du financement des partis

Les élections coûtent de l’argent. Ainsi naissent des amitiés insistantes, proches, certaines frôlant la corruption, les autres la dépassant. (ex. aff.Agusta-Dassault) La Belgique a toujours été réticente à régler le problème du financement des partis et les dépenses électorales. En 1989, proposition de loi signée par tous les partis démocratiques. Son objectif est double : en finançant les partis et en restreignant les frais de dépenses électorales, on veut assurer l’indépendance financière des partis – ainsi, ils ne seront plus obligés de demander des dons pas très purs – et assurer une certaine égalité réelle afin de rendre la compétition plus fair-play.

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44LES ELECTIONS Le pouvoir législatif-74

La loi de 1989 a été étendue à toutes les élections du Royaume. Elle comporte deux grands volets. 1/ Quant au financement des partis.

q Le financement devient récurent (ils sont payés par trimestre) sur base fixe + une certaine quantité de francs par vote valable. Le système diffère du français où ce sont uniquement les campagnes qui sont financées.

q Le financement est subordonné à une série de conditions 21 (il faut un député et un sénateur, un rapport de réviseur d’entreprises, des comptes complets), celles-ci étant contrôlées par une commission parlementaire de contrôle.

q Les partis peuvent recevoir des dons privés. En effet, le financement purement public peut être un peu anesthésiant, pervers : on ne demande plus l’ardeur des membres. Ils peuvent donc continuer à demander des cotisations moyennant un enregistrement de ces dons privés, sauf les dons des entreprises, depuis 1993 (avec sanctions à la clef)

à Le législateur a donc fait un virage : avant, il incitait à des donations ; maintenant, elles sont admises moyennant certaines limites dont l’exception des dons des personnes morales.

2/ Quant aux restrictions des dépenses électorales.

Le législateur fixe des montants globaux. Ces montants connaissent depuis peu une décroissance :

q on demande des campagnes plus sobres q on impose un plafond pour les campagnes ainsi que des restrictions q on interdit l’utilisation de certains objets comme les bics etc.

La commission de contrôle est une preuve que le législateur n’ est pas encore parvenu à se départir de son ancien préjugé westminstérien de suprématie du Parlement (parlement impose des restrictions et c’est lui qui contrôle si elles sont bien appliquées). La commission de contrôle, composée paritairement de sénateurs et de députés, joue un peu le rôle du braconnier-garde-chasse. Cette commission peut suspendre les dotations si le parti a dépassé son volume de dépenses, si le candidat id., si le candidats utilise des gadgets. Elle est juge et partie (si une sanction était prise, la victime hurlerait que c’est un règlement de compte, que la décision a été prise pour des raisons non objectives). Tout

21 Chaque parti qui a au moins un député ou un sénateur a droit à 3.000.000 de FB plus 10FB par vote valable en sa faveur aux dernières élections. Le versement de ces subsides implique un contrôle. Ces sommes doivent être versée à une association sans but lucratif (ASBL). Les comptes de cette association devront être soumis à un réviseur d’entreprise. Les comptes et le rapport du réviseur seront analysés par une commission de contrôle instituée au sein du Parlement.

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dépassement, irrégularité, ne sont pas sanctionnées de la peine supérieure (à savoir la déchéance de mandat) Peut-on espérer que ce sera le cas ? N.B. Les partis qui sapent les bases de la démocratie (le VL-BL par ex.) Est-ce normal que nous financions via les impôts le VL-BL ? Pour avoir des dotations, le parti, en plus des dispositions précédentes, devait pour le 31.12.95 inclure une disposition dans leurs statuts où il s’engage à respecter les droits et libertés garanties par la CEDH (nb. Pourquoi pas ceux de la Constitution : preuve supplémentaire que les normes internationales surplombent le droit belge) et ses protocoles additionnels. C’était donc une exigence de garantie démocratique dans les partis. Ce qu’ils ont évidemment tous fait au plus vite. 4 ans plus tard (loi du 4.02.99, cf. doss.docs, addendum, page 14) à quelques mois des élections de juin 1999, on se rend compte que le message de 1995 n’est pas bien passé. Un mécanisme de contrôle a donc été instauré (dont les 5 membres peuvent saisir le Conseil d’Etat, chambre bilingue, en montrant qu’un parti montre son hostilité aux dispositions de la CEDH) qui peut restreindre les dotations. Il faut toutefois noter que l’arrêt du Conseil d’Etat peut être soumis à la cassation (respect de la légalité)

ð Tandis que le contrôle du financement des partis est un contrôle maison, le problème relatif aux partis et à la garantie de démocratie étant tellement aigu, on n’a pu éviter de juridictionnaliser le problème. A terme, tout devrait être juridictionnalisé (Cour des Comptes devrait s’occuper du financement des partis)

Il est à noter que cette loi ne s’occupe que de la procédure. Depuis, une pluie d’amendements, de critiques est tombée et en octobre 2000, on attend toujours les arrêtés royaux d’exécution de cette loi. Mais où est donc la lutte contre l’extrême droite (à part d’un point de vue médiatique)

Les Hommes et les Femmes dans le monde politique

La loi du 24.05.94 (à nouveau modifiée) établit une répartition équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de partis. Ainsi selon l’article 117b du Code Electoral, le nombre de candidats d’un même sexe ne peut excéder les 2/3 de la liste complète et du nombre maximum de suppléants. Ainsi, si un parti féministe voulait se lancer dans l’aventure de la politique, la loi le permet aisément (seulement 2/3 du nombre normal de candidats et c’est tout)

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Il faut respecter le quota imposé sinon le Bureau Principal , chargé de la vérification des listes, l’écarterait. C’est le problème de la discrimination positive ou à rebours. Quand le Conseil d’Etat a vu ce projet de lois (cf. doss.docs, t2, pages 62 et ss.), il a déclaré que même si le principe était louable, il violait les principes fondamentaux d’égalité individuelle, qu’il touchait au droit d’éligibilité. Pourquoi ne tenterions-nous pas la chose avec des moyens plus proportionnés, par exemple une prime pour ceux qui respecteraient le quota. Le Conseil d’Etat n’a finalement pas été entendu, la loi a été votée mais on pense déjà à la perfectionner (la loi est quand même un peu hypocrite, les listes unisexes étant tout de même possibles) Il faut l’améliorer. De nombreuses critiques se font entendre : certains estiment que c’est humiliant pour ceux qui bénéficient de cette faveur. Le Conseil Constitutionnel français a eu le même problème que le Conseil d’Etat en 1982, la loi ayant été votée à la quasi-unanimité. Le conseil l’a déclaré contraire à la Constitution (viole le principe d’égalité, mais surtout l’idée de souveraineté populaire, l’indivisibilité de la république). En 1999, la Constitution a finalement été révisée. Révision qui porte sur l’article 3 de la Constitution française relative à la souveraineté populaire : la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Finalement, c’est encore une fois le parlement qui l’a remporté.

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Le Sénat

1. Introduction

Le Sénat est une institution particulièrement complexe. Il l’a toujours été, et ce depuis au moins 1893 avec l’arrivée des sénateurs provinciaux. En 1993, le Sénat est devenu encore plus complexe et peu transparent.

Il est défini dans les articles 67 et suivants qui sont des articles beaucoup trop longs et trop précis (on peut ici faire un parallèle avec l’article 151 beaucoup trop précis et relatif à la nomination des juges) La composition du Sénat est définie dans l’article 67§1 de la Constitution. Article 67: § 1er. Sans préjudice de l'article 72, le Sénat se compose de septante et un sénateurs, dont : 1° vingt-cinq sénateurs élus conformément à l'article 61, par le collège électoral néerlandais; 2° quinze sénateurs élus conformément à l'article 61, par le collège électoral français; 3° dix sénateurs désignés par le Conseil de la Communauté flamande, dénommé Conseil flamand, en son sein; 4° dix sénateurs désignés par le Conseil de la Communauté française en son sein; 5° un sénateur désigné par le Conseil de la Communauté germanophone en son sein; 6° six sénateurs désignés par les sénateurs visés aux 1° et 3°; 7° quatre sénateurs désignés par les sénateurs visés aux 2° et 4°. § 2. Au moins un des sénateurs visés au § 1er, 1°, 3° et 6°, est domicilié, le jour de son élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Au moins six des sénateurs visés au § 1er, 2°, 4° et 7°, sont domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Si quatre au moins des sénateurs visés au § 1er, 2°, ne sont pas domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, au moins deux des sénateurs visés au § 1er, 4°, doivent être domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

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2. Les sénateurs de droit

Sans préjudice de l’article 72(…). L’article 72 introduit le concept de sénateurs de droit. Article 72 : Les enfants du Roi ou, à leur défaut, les descendants belges de la branche de la famille royale appelée à régner, sont de droit sénateurs à l'âge de dix-huit ans. Ils n'ont voix délibérative qu'à l'âge de vingt et un ans. Ils ne sont pas pris en compte pour la détermination du quorum des présences. Cet article existe depuis 1831. A l’origine, le Constituant l’avait instauré pour familiariser le successeur à la Couronne à la vie politique belge. Mais en 1993, cet article se comprend-t-il encore ? le Constituant avait quelques hésitations et envisageaient par exemple l’instauration d’un député de droit. Il a donc gardé cette institution du 19e siècle, il a fini par maintenir la figure de ces sénateurs de droit. Le fait qu’il y ait encore des sénateurs de droit est une preuve supplémentaire que le Sénat n’est pas une chambre fédérale. L’article a été modifié en 1991 à la suite de la suppression de la loi salique consacrant que seuls les enfants masculins pouvaient prétendre à la Couronne. Ainsi, les 3 enfants du Roi Albert II ont prêté serment et font donc partie du Sénat. De toute façon, ils sont peu présents et ne font que de grands discours de temps en temps.

3. Une égalité fictive : proportionnalité et pas égalité

71 sénateurs FR FL GER élus directs 15 25 1

de communautés 10 10 cooptés 4 6 29 41 Alors que pour la chambre, seul le chiffre global est fixé (212 députés – le nombre de circonscriptions variant selon le recensement décennal), le Sénat connaît quelque chose de beaucoup plus rigide : les chiffres sont préfixés (on ne tient pas compte de l’évolution de la population) Dans le cas des sénateurs des communautés, on a essayé de donner l’impression qu’il y avait une égalité entre les deux communautés. C’est fort une impression car au total, il y a 41 flamands contre 29 francophones. Il n’est donc pas du tout fédéral dans sa conception (à l’inverse par exemple des Etats-Unis) En réalité, c’est la population qui est représentée au prorata de leur importance.

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58 % de Flamands contre 41 % de Francophones, ce qui correspond plus au moins à la répartition dans la population (40% de Francophones - // à la Chambre : 61% contre 39%) L’égalité des sénateurs de communautés est un peu fictive (1 sénateur pour 266.000 habitants) et même si les flamands sont un peu sur-représentés, le Sénat est le reflet presque exact des deux communautés.

4. Les sénateurs élus directs

A. 2 groupes linguistiques et le sénateur de la communauté germanophone

Art 43§2 : § 1er. Pour les cas déterminés dans la Constitution, les membres élus de chaque Chambre sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique néerlandais, de la manière fixée par la loi. § 2. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 2°, 4° et 7°, forment le groupe linguistique français du Sénat. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1°, 3° et 6°, forment le groupe linguistique néerlandais du Sénat. Le sénateur de la Communauté Germanophone pose problème quant à la division en groupes linguistiques. Il est un peu comme un électron libre n’appartenant à aucun groupe linguistique. Article 4 : Les limites des quatre régions linguistiques ne peuvent être changées ou rectifiées que par une loi adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des Chambres, 1* à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et pour autant que le 2* total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux tiers des suffrages exprimés. Le sénateur germanophone n’intervient donc pas dans le premier point (1*) mais bien dans le second (2*)

B. Organisation des élections des sénateurs Les sénateurs élus directs sont élus sur une (très) grande base. Il y a 2 collèges qui élisent 15 et 25 sénateurs. Art 68 : § 2. Pour l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, le vote est obligatoire et secret. Il a lieu à la commune, sauf les exceptions que la loi détermine.

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§ 3. Pour l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, la loi détermine les circonscriptions électorales et la composition des collèges électoraux; elle détermine en outre les conditions auxquelles il faut satisfaire pour pouvoir être électeur, de même que le déroulement des opérations électorales. La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 3° à 5°, à l'exception des modalités désignées par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, qui sont réglées par décret par les Conseils de communauté, chacun en ce qui le concerne. Ce décret doit être adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Conseil concerné soit présente. Le sénateur visé à l'article 67, § 1er, 5°, est désigné par le Conseil de la Communauté germanophone à la majorité absolue des suffrages exprimés. La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6° et 7°. Pour rappel, les circonscriptions sont des territoires, les collèges composés de personnes. Il n’y a que deux collèges ; la loi évoquée ici est l’article 87bis du Code Electoral qui présente les 3 circonscriptions électorales (1 flamande pour tous les arrondissements flamands sauf Hal et Vilvoorde, 1 wallonne pour tous les arrondissements wallons, et le centre du pays, idem qu’à la Chambre, à savoir les 19 communes de Bruxelles et les arrondissements flamands Hal et Vilvoorde.) COMMENT RECONCILIER LES 2 COLLEGES ET LES 3 CIRCONSCRIPTIONS ? Si on habite Nivelles ou Virton, on vote pour une liste de 15 personnes; si on habite Oostende pour une liste de 25 noms ; pour la Région de Bruxelles, on applique le principe de personnalité : il y a donc liberté de choix et en fonction de son vote, on se rattache soit aux Francophones soit aux Flamands. C’est un élément essentiel de l’équilibre belge consacré dans une loi ordinaire. Il est à noter que certains arrondissements flamands (qui ne bénéficient pas du régime linguistique spécial) peuvent se rattacher aux Francophones (ex. Fourons votent à Obel donc se rattachent aux Francophones) Une remarque : si on se présente devant un collège francophone par exemple, le candidat doit attester que l’on est d’expression francophone ou allemande. Si il ne présente pas cette attestation, le Bureau Principal écarte le candidat. Un recours est possible devant le Conseil d’Etat. Il est ainsi étonnant de devoir affirmer son expression linguistique et selon Jean-Claude SCHOLSEM, le législateur a rajouté, bien que ce soit négligeable, une clause d’éligibilité. Les élections des sénateurs élus directs coïncideront toujours avec celles des députés. Article 70§2 : L'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, coïncide avec les élections pour la Chambre des représentants.

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5. Les sénateurs désignés

A. La composition politique du Sénat dépend des élections directes

Article 68 § 1er. Le nombre total des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7°, est réparti au sein de chaque groupe linguistique en fonction du chiffre électoral des listes obtenu à l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, suivant le système de la représentation proportionnelle que la loi détermine. à Exemple : Tableau d’Hondt Chiffre électoral PRL PS ECOLO PSC 1 5 4 3 3 15 2 3 3 3 1 10 3 1 2 / 1 4 9 9 6 5 29 Après les 15 premiers sièges attribués, on continue le tableau d’Hondt, on continue les quotients pour les 10 sièges suivants. Il y a une vraie élection pour les 15 premiers. Ainsi après le vote, nous savons que X ou Y sont élus mais nous savons aussi que le PS aura 3 sénateurs de communautés, sans toutefois savoir qui. L’électeur ne les désigne pas mais c’est le parti qui les désigne. C’est la même chose pour les 4 sénateurs cooptés suivants. (…) Pour la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 3° et 4°, sont uniquement prises en considération les listes sur lesquelles au moins un sénateur visé à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, est élu et pour autant qu'un nombre suffisant de membres élus sur ces listes siège, selon le cas, au sein du Conseil de la Communauté flamande ou du Conseil de la Communauté française. à Cette éventualité posera peu de problèmes. Pour la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6° et 7°, sont uniquement prises en considération les listes sur lesquelles au moins un sénateur visé à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, est élu. (suite de l’article pages 79 et 80)

à Cette proposition renforce-t-elle ou atténue-t-elle le principe de la représentation proportionnelle au sénat ? Pour avoir un sénateur coopté, il faut au moins un élu direct, donc le Constituant a voulu, par cette condition, atténuer la représentation proportionnelle. EN SYNTHESE 1/ 3 circonscriptions, 2 collèges

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2/ on élit 1 des 15/25 sénateurs et en plus, 3/ on vote pour un parti à la composition du Sénat dépend uniquement vote des électeurs lors des élections directes : 14 ne sont pas élus directement mais indirectement , par l’intermédiaire du parti. § 3, al.2 La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 3° à 5°, à l'exception des modalités désignées par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, qui sont réglées par décret par les Conseils de communauté, chacun en ce qui le concerne. Ce décret doit être adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Conseil concerné soit présente. à Une loi spéciale peut venir dire qu’un décret des Conseils des Communautés, un décret spécial, peut régler certaines modalités. C’est la première fois que l’idée d’un décret spécial apparaît dans la Constitution. C’est une figure d’autonomie constitutive ou organisationnelle. Ce texte de la Constitution a été mis en oeuvre dans l’article 51 de la loi spéciale du 8 août 1980. Par des décrets votés au niveau des conseils de la Communauté francophone par exemple, on pourrait affirmer que la désignation ne se fait plus par le Conseil de la Communauté mais bien par les conseils de la Région Wallonne et par le groupe francophone de la Région Bruxelles-Capitale. èè Le sénat bicéphale reflète une Belgique double. èè Le sénat est avant tout communautaire et ne reflète pas une Belgique à trois composantes.

B. Bruxelles et le Sénat En 1993, une place a été faite pour Bruxelles dans le Sénat. C’est ce qui est évoqué à l’article 67 §2. Article 67§2 : (…)§ 2. Au moins un des sénateurs visés au § 1er, 1°, 3° et 6°, est domicilié, le jour de son élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Au moins six des sénateurs visés au § 1er, 2°, 4° et 7°, sont domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Si quatre au moins des sénateurs visés au § 1er, 2°, ne sont pas domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, au moins deux des sénateurs visés au § 1er, 4°, doivent être domiciliés, le jour de leur élection, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Le sénateur flamand représente 2,5 % de la population flamande à Bruxelles. On impose un quota aux francophones mais plus importants : 6 sénateurs bruxellois

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francophones (ce qui correspond aux 20% de la population francophone de Belgique et habitant Bruxelles). Ces 6 sénateurs sur 29 sont une preuve supplémentaire que le Sénat est loin d’être une chambre fédérale et souligne une nouvelle fois le goût pour la proportionnalité. Les sénateurs bruxellois représentent plus ou moins 1/10 du Sénat, ce qui correspond au 1/10 de la Belgique (+/- 1.000.000 d’habitants à Bruxelles)

C. La province du Luxembourg et le Sénat

Comme le Sénat s’est retrouvé fort amaigri après 1993, la province du Luxembourg a déclaré que s’il ne s’y trouvait pas, ce serait la fin de la Belgique. Il faut savoir qu’avant 1993, avec l’institution des sénateurs provinciaux, le Luxembourg était sur-représenté. Afin de satisfaire à leur demande, on a introduit dans le Code Electoral un article 211 précisant qu’il y avait lieu de conserver au moins un sénateur luxembourgeois, ce qui, somme toute, est assez inconstitutionnel.

D. Le problème des mandats

Article 70 : Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, sont élus pour quatre ans. Les sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6° et 7°, sont désignés pour quatre ans. Le Sénat est renouvelé intégralement tous les quatre ans. L'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1° et 2°, coïncide avec les élections pour la Chambre des représentants. à Le texte tourne autour du pot. En fait, le texte ne veut pas résoudre un problème à savoir la durée des mandats des sénateurs de communautés. En effet, en 1999 eurent lieu les élections des Régions et des Communautés mais aussi celles de la Chambre des Représentants et du Sénat. Hors, la durée des mandats est différente. Article 117 : Les membres des Conseils sont élus pour une période de cinq ans. Les Conseils sont intégralement renouvelés tous les cinq ans. A moins qu'une loi, adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, n'en dispose autrement, les élections pour les Conseils ont lieu le même jour et coïncident avec les élections pour le Parlement européen à En 2003, le Sénat sera intégralement renouvelé. Mais en 2004, même s’il n’y aura pas d’incidence sur la composition politique du Sénat – qui sera fixée en 2003 –, il y aura peut-être des problèmes avec les personnes désignées. Imaginons qu’une personne désignée en 2003 comme sénateur de communauté ne se représente pas ou perde son mandat à une nouvelle personne. Mais s’il garde son mandat, y aura-t-il continuation ou une nouvelle désignation ?

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Le problème n’est toujours pas résolu mais il n’est pas essentiel.

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-85

Le statut des parlementaires

1. Qualification juridique

Article 39 : La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa. Article 116 : § 1er. Les Conseils sont composés de mandataires élus. § 2. Chaque Conseil de communauté est composé de membres élus directement en qualité de membre du Conseil de communauté concerné ou en qualité de membre d'un Conseil de région. Sauf en cas d'application de l'article 137, chaque Conseil de région est composé de membres élus directement en qualité de membre du Conseil de région concerné ou en qualité de membre d'un Conseil de communauté. à Ces deux articles sont évidemment pensés dans une conception de souveraineté nationale (article 42). Article 42 : Les membres des deux Chambres représentent la Nation, et non uniquement ceux qui les ont élus. à Ainsi tout procédé de destitution est prohibé par la Constitution Belge, ce qui est exprimé beaucoup plus clairement dans l’article 27 de la Constitution française : tout mandat impératif est nul.

2. Statut financier

A. Indemnisation

1831 : Aucune indemnisation

Les députés étaient remboursés de leurs frais mais les sénateurs ne voulaient rien (ils étaient fort riches et refusaient d’accepter cette aumône publique)

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-86

1921 : indemnités annuelles

Article 66 : Chaque membre de la Chambre des représentants jouit d'une indemnité annuelle de douze mille francs. Article 71 : Les sénateurs ne reçoivent pas de traitement. Ils ont droit, toutefois, à être indemnisés de leurs débours; cette indemnité est fixée à quatre mille francs par an22. A l'intérieur des frontières de l'Etat, les sénateurs ont droit au libre parcours sur toutes les voies de communication exploitées ou concédées par les pouvoirs publics. à Si on lit ces articles, on pourrait croire que la Constitution est en complet décalage avec la réalité politique. à Les sénateurs se sont battus pour ne pas avoir d’indemnités (finalement ont quand même eu des indemnités des débours)

Traitement voté par les chambres Le traitement des parlementaires oscille aujourd’hui entre 2 400 000 et 2.500.000 francs bruts. Pourquoi cette précision : bruts ?

B. Impôts Jusqu’en 1995, les parlementaires, sur l’idée du Ministre des Finances, considérait que la moitié de cette somme était des frais professionnels, ce qui est une méthode plus que contestable. La loi du 7 avril 1995 effectue un retour vers la vertu fiscale. La fonction de parlementaire est une professionnelle comme les autres et est taxée comme les autres. Les frais de campagnes et les ristournes ne sont pas déductibles

C. Sanctions pour non-assiduité Est-ce normal qu’un député soit payé pleinement alors que c’est un carotteur ? La Chambre a pris des mesures mais à titre isolé (il n’en est rien pour le Sénat) depuis le 1 mai 1994. Si le député n’est pas assidu (absent de trop de votes par exemple), il y aura des retenues sur son traitement.

22 On parle ici en francs-or

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-87

Des retenues ont été faites et, bizarrement, les parlementaires sont devenus nettement plus assidus.

D. Problèmes de certains cumuls La loi du 11 mai 1999 ajoute une disposition à la loi de 1931 relative aux cumuls. Elle pénalise le cumul de mandats dans la fonction publique. Le traitement de ces personnes est ainsi rabotté, plafonné, tout ça dans le but de garantir l’assiduité des parlementaires.

E. Libre-parcours Article 66 : Chaque membre de la Chambre des représentants jouit d'une indemnité annuelle de douze mille francs. A l'intérieur des frontières de l'Etat, les membres de la Chambre des Représentants ont droit au libre parcours sur toutes les voies de communication exploitées ou concédées par les pouvoirs publics. Une indemnité annuelle à imputer sur la dotation destinée à couvrir les dépenses de la Chambre des représentants peut être attribuée au Président de cette assemblée. La Chambre détermine le montant des retenues qui peuvent être faites sur l'indemnité à titre de contribution aux caisses de retraite ou de pension qu'elle juge à propos d'instituer. Article 71 : Les sénateurs ne reçoivent pas de traitement. Ils ont droit, toutefois, à être indemnisés de leurs débours; cette indemnité est fixée à quatre mille francs par an. A l'intérieur des frontières de l'Etat, les sénateurs ont droit au libre parcours sur toutes les voies de communication exploitées ou concédées par les pouvoirs publics. à Ce sont des problèmes périphériques mais importants. Il y a une différence nette entre le mandat parlementaire du 19e trusté par des gens avec des moyens et à temps partiel (session de 40 jours) et l’activité parlementaire actuelle où les traitements bruts sont certes confortables mais sont surtout incertains (réélection ?) et où l’activité parlementaire est devenue une activité professionnelle. Il faut absolument garantir l’indépendance des parlementaires vis-à-vis du parti. Car même s’ils sont autonomes (c’est une profession libérale), ils font des sacrifices de temps importants.

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F. Transparence

Obligation annuelle de déposer la liste des mandats à la Cour des Comptes

La loi du 2 mai 199523 a comme objectif la transparence de la situation professionnelle et patrimoniale des parlementaires mais pas uniquement ceux-ci et a donné lieu à des campagnes électorales agitées à quelques semaines des élections. Elle vise également les ministres, les bourgmestres, les gouverneurs de provinces, les chefs de cabinet etc. soit environ 6.000 personnes sont couvertes par cette loi. Une loi spéciale analogue a été établie en 1995 en ce qui concerne les conseillers communautaires etc. Chaque année, ils sont dans l’obligation de faire une déclaration publique de leurs mandats et fonctions autant privés que publics, en somme dire qui ils sont. Ils doivent également préciser si leurs différents mandats sont rémunérés ou non (mais pas en préciser le chiffre). Toutes ces informations sont centralisées annuellement à la Cour des Comptes et publiées au Moniteur Belge. C’est un objectif extrêmement louable du législateur et qu’il convient de souligner.

Obligation épisodique de déposer une déclaration de patrimoine à la Cour des comptes

Lors de l’entrée en fonction, les élus doivent remettre sous enveloppe scellée un compte rendu de leur patrimoine, de tous leurs biens (on fait comme quand quelqu’un est mort). La même enveloppe est réclamée lors de la sortie de fonction. Cette enveloppe est accessible au juge d’instruction quand il y a poursuite d’une infraction en rapport avec le mandat.

à Ces lois sont régulièrement appelées les lois vertueuses de 95. Mais elles posent des principes et leurs mises en œuvre sont compliquées : c’est la loi qui va les fixer. Depuis, on a essayé de les élaborer mais le dernier document parlementaire relatif à ce propos date de février 2000. Ce projet doit être muselé quelque part. Le législateur est certes revenu à la vertu mais a visé très voire trop large. De ce fait, il ne tient pas ses promesses (// partis liberticides).

23 à mettre en parallèle avec la loi du 7 avril 1995 sur le statut fiscal

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-89

3. Immunités parlementaires

A. Introduction

Deux articles essentiels, les articles 58 et 59, établissent un régime dérogatoire au droit commun en faveur des parlementaires. Article 58 : Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. à L’article 58 est une disposition de droit substantiel pénal qui établit une véritable impunité, une véritable irresponsabilité pénale des parlementaires. Certaines infractions ne sont pas punies quand elles sont commises par des parlementaires. Article 59 : Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, en matière répressive, être renvoyé ou cité directement devant une cour ou un tribunal, ni être arrêté, qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie. Sauf le cas de flagrant délit, les mesures contraignantes requérant l'intervention d'un juge ne peuvent être ordonnées à l'égard d'un membre de l'une ou l'autre Chambre, pendant la durée de la session, en matière répressive, que par le premier président de la cour d'appel sur demande du juge compétent. Cette décision est communiquée au président de la Chambre concernée. Toute perquisition ou saisie effectuée en vertu de l'alinéa précédent ne peut l'être qu'en présence du président de la Chambre concernée ou d'un membre désigné par lui. Pendant la durée de la session, seuls les officiers du ministère public et les agents compétents peuvent intenter des poursuites en matière répressive à l'égard d'un membre de l'une ou l'autre Chambre. Le membre concerné de l'une ou de l'autre Chambre peut, à tous les stades de l'instruction, demander, pendant la durée de la session et en matière répressive, à la Chambre dont il fait partie de suspendre les poursuites. La Chambre concernée doit se prononcer à cet effet à la majorité des deux tiers des votes exprimés. La détention d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre ou sa poursuite devant une cour ou un tribunal est suspendue pendant la session si la Chambre dont il fait partie le requiert. à Ici, c’est un problème de procédure qui est réglé. Les faits sont punissables mais la procédure pénale est modifiée en vue de protéger l’action parlementaire.

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B. L’article 58 : le freedom of Speech des Britanniques

L’article 58 date de 1831. Il n’a jamais été modifié ni même sujet à proposition de loi. C’est un article qui établit, dans certains cas, l’impunité des parlementaires. Ce qui serait punissable pour nous ne l’est pas dans le chef des parlementaires car on veut leur garantir une liberté totale de parole. L’article couvre à la fois les recherches et les poursuites pénales et ratisse très large. Sa ratio legis en a d’ailleurs fait qu’on l’applique également en droit civil (on ne peut pas réclamer des dommages et intérêts même s’il on estime que les propos d’un parlementaire nous ont lésés d’une manière ou d’une autre). C’est donc une certaine conception de la séparation des pouvoirs. Il faut toutefois faire remarquer que ce n’est valable que pour tout ce qui est vote et opinion dans l’exercice de ses fonctions. Si le parlementaire fait des propos injurieux lors d’un meeting de son parti, il tombe sous la coupe du droit commun. L’article couvre la liberté de la tribune, les propositions de lois, ce que le parlementaire a pu dire lors de commissions d’enquête, à propos de celles-ci mais encore lors de questions parlementaires. La doctrine et la jurisprudence ont précisé cet article. Jusqu’en 1993/95, l’article ne bénéficiait qu’aux parlementaires. L’article a été étendu à d’autres personnes : q article 120 : les parlementaires wallons (selon la règle de symétrie) q article 101§2 : aucun ministre ne peut être poursuivi ou rechercher pour des

opinions etc. Cette extension est plus difficile à comprendre. Pourquoi le Constituant croit bon d’établir un régime dérogatoire au droit commun aux ministres ? La raison n’est pas évidente et est à chercher dans l’article 50 de la Constitution. Précédemment à l’article 50, dans le régime antérieur, la grosse majorité des ministres étaient parlementaires et quand les ministres répondaient aux questions parlementaires, ils étaient ainsi à égalité, tous les deux étant couverts par le freedom of speech. A l’article 50, le Constituant déclare que le ministre ne peut plus être parlementaire, il a cru que le ministre serait déforcé face au parlementaire et c’est la raison de l’introduction de l’article 101§2. D’ailleurs, il est à souligner que seul le mot opinion apparaît (il n’y a pas vote vu que le ministre n’est plus parlementaire). Problème : Quand le ministre est-il en fonction ? Tout le temps ?

q article 124 : article réservé aux gouvernements des régions et des Communautés. Le système du siège éjectable n’est pas une obligation, il ne sont pas tenus de suivre la règle de l’article 50 MAIS dans le cadre de leur autonomie constitutive (article 49 §2 de la loi du 8 août 1980), il peuvent introduire un système comparable. C’est dans CE CAS-LA (et uniquement celui-là) que l’article 58 peut être étendu. Le constituant a toutefois fait une erreur de logique : il a inscrit « pour leurs votes et opinions ». Pour le mot « opinions » aucun problème mais pour « votes » il doit être précisé ceci : si les ministres continuent à voter, c’est qu’ils sont restés parlementaires, donc qu’ils ne rentrent pas en compte dans l’extension de l’article 58 !!

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-91

C. L’article 59

Introduction

L’article 59 a été modifié en 1997. Il est nécessaire de comprendre la genèse de l’article : le texte a quand même perduré pendant 166 ans (de 1831 à 1997) et a été ouvert à révision en 1995 pour être révisé en 1997. C’est ce que l’on pourrait appeler une modification postmoderne (c’est-à-dire une modification postérieure à la réforme de 1993 où la révision ne concerne plus la réforme de l’Etat mais concerne les « affaires »).

La version ancienne de l’article 59 La version ancienne, comme tous les textes anciens d’ailleurs, est plus courte. Article 45 (article 59 Constitution Coordonnée) : Aucun membre de l’une ou de l’autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ou arrêté en matière de répression, qu’avec l’autorisation de la Chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit. Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de l’une ou de l’autre Chambre durant la session qu’avec la même autorisation. La détention ou la poursuite d’un membre de l’une ou de l’autre Chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa durée, si la Chambre le requiert. Alinéa 1 : SESSION / POURSUITE - La chambre est en session et un des parlementaires est poursuivi – autorisation de la Chambre pour levée immunité parlementaire. Alinéa 3 : POURSUITE / REQUIERT – hypothèse où la Chambre est hors-session : poursuite libre sans aucune formalité – la chambre concernée prend une initiative et demande si veut suspendre poursuite. C’est encore une certaine conception de la séparation des pouvoirs qui est mise en évidence ici. C’est une guerre politique sur le plan pénal, le parlement étant faible face au pouvoir judiciaire. La révision de cet article fut très difficile car la protection pénale des parlementaires était mise en cause. Pourquoi y a-t-il eu chute du système ? 1) La session, au 19e siècle, était très brève (au moins 40 jours). Ainsi les

régimes présentés aux alinéas 1 et 3 étaient équilibrés. Bientôt, le Parquet ne peut plus employer le régime de l’alinéa 3 que durant une période très courte (les 2 mois entre les chambres dissoutes et la nouvelle Chambre) à Il y a déséquilibre car l’alinéa 1 - qui demande l’autorisation – s’applique aujourd’hui dans 90% des cas.

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-92

2) « poursuivis » : une interprétation large à ce propos pose problème. Prenons

comme point de comparaison l’article 58 (poursuivis ou recherchés). POURSUITE : il y a acte de contrainte, par exemple lorsque le juge d’instruction convoque une personne pour l’interroger comme coupable présumé, suspect, pour confrontation, perquisitions, écoutes téléphoniques. RECHERCHE : procédure pénale, le parquet recherche de rassembler les éléments de l’infraction (indices etc.) – pas d’acte de contrainte. Quand le Parquet estime qu’il y a lieu d’effectuer perquisitions, interrogations, etc., l’assemblée doit mettre dans la balance d’un côté le bon fonctionnement de l’assemblée et dans l’autre l’idéal démocratique d’une justice égale pour tous. Comment le fait-elle en pratique ? Le dossier de l’infraction lui est présenté mais il est évidemment maigre, composé uniquement d’éléments d’infractions, le suspect n’ayant pu être interrogé étant donné que le Parquet n’a pas eu d’actes de contraintes.

3) Dans les années 80 et 90, le monde devient de plus en plus médiatique et

même si la levée de l’immunité parlementaire n’est pas une indice de culpabilité (le Parquet entame des poursuites et vérifie s’il y a culpabilité ou non), un harcèlement médiatique pesait sur l’homme politique. Il y a de la part des médias et de la population un plaisir sadique de voir les puissants tomber (bad thinking). Les politiques commencent alors à penser que la levée de leur immunité est un acte juridictionnel et commencent à se défendre de plus en plus sur le fond, à l’aide de plaidoiries d’avocats, établissent beaucoup de mémoires, thèses pour une procédure qui au départ visait à protéger la Chambre.

La version postmoderne de l’article 59

L’article 59 a donc été largement modifié en 1997. Autant l’ancien article plaçait la barre de la protection parlementaire en amont au mot poursuivis et à l’autorisation de la Chambre pour la levée de l’immunité parlementaire, autant le nouvel article place la barre très largement en aval : les assemblées n’interviendront plus que quand il y aura arrestation ou citation devant un Tribunal de fond. Il protège moins le parlementaire, certains voulant même abroger l’article. q L’alinéa 1 présente donc un nouveau principe (sauf en cas de flagrant délit) q L’alinéa 2 déclare qu’on peut poursuivre mais ce doit être un haut magistrat

qui doit prendre la décision, à savoir le premier président de la Cour d’Appel (peur des petits juges)

q L’alinéa 3 : s’il y a perquisition ou saisie, le président de l’assemblée ou un

de ses délégués doit assister à celle-ci (// perquisition dans un bureau d’avocats : le bâtonnier doit être présent)

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44LE S TATUT DES PARLEMENTAIRES Le pouvoir législatif-93

q L’alinéa 4 : peur du harcèlement judiciaire. Les parlementaires ne peuvent

pas être cités directement. Le monopole de l’action est réservé au Ministère Public ou aux autres agents compétents (les particuliers ne peuvent pas le faire)

q L’alinéa 5 : la réforme est difficile, elle nuit, enlève des privilèges à ceux

qui en bénéficiaient. Ainsi, une mesure apaisante transparaît dans cet article. S’il y a poursuites (qui pour rappel peuvent se faire maintenant sans autorisation de la Chambre), le Constituant a permis, repris sans doute par la hantise du petit juge, au parlementaire de tirer la sonnette d’alarme et de demander à la chambre d’arrêter les poursuites (la Chambre écoute l’opprimé et votes des 2/3)

q L’ alinéa 6 : = système hors session (// alinéa 3 de l’article ancien) ; entre la

dissolution et la réélection, durant 2 mois donc, la prison est possible. L’initiative appartient à la Chambre.

à Les alinéas 2,3,4,5 sont des modalisations de l’article 1.

* *

*

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44L’ORGANISATION DES C HAMBRES Le pouvoir législatif-94

L’organisation des chambres

1. Fonction juridictionnelle du Parlement

La base de cette fonction est l’article 48 qui s’enracine dans la tradition britannique (supremacy of Parliament). Les différentes fonctions du Parlement sont de veiller à la régularité des opérations électorales et de procéder à la vérification a priori des conditions d’éligibilités de ses membres. Il sera donc juge de la validité de ses composantes. Article 48 : Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet.

A. Régularité des opérations électorales Le Parlement veille donc à la régularité des opérations électorales. En France, tout le contentieux électoral est déposé au Conseil Constitutionnel. En Allemagne, c’est le Bundestag qui s’en charge mais un recours est possible devant la Cour Constitutionnelle. En Belgique, ce type de problèmes aura tendance, au fil du temps, à se trouver sur la table de la Cour d’Arbitrage.

B. Vérification a priori des conditions d’éligibilité C’est un cercle vicieux qui se dégage de cette fonction. En effet, qui vérifie qui ? En fin de compte, ce sont les non-vérifiés qui les autres. // Elections provinciales, // Régions et Communautés : cf. article 31, loi 08.8.80

2. Règlement des assemblées

Article 60 : Chaque Chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel elle exerce ses attributions. Dans la hiérarchie des normes, un règlement n’est pas une loi adoptée par les Chambres. Le règlement n’est pas sanctionné par le Roi. C’est un règlement d’ordre interne qui ne règle que la situation des parlementaires et n’a pas d’effets vis-à-vis des tiers. Toutefois, même s’il est purement interne, le règlement doit respecter la Constitution. Mais qu’est ce qui nous assure qu’il le respecte ? Rien

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44L’ORGANISATION DES C HAMBRES Le pouvoir législatif-95

pour l’instant. Dans certaines constitutions, il existe un contrôle constitutionnel des règlements (en France, Vè république). Ici, la Cour d’Arbitrage n’est pas compétente au niveau des règlements des assemblées. Ainsi on assiste à des conséquences étranges. Selon l’article 195, pour la révision de la Constitution, il faut un quorum de présence des 2/3 (100 députés présents) et une majorité des 2/3 (càd 2/3 des 100 députés présents en faveur de la révision) Selon le règlement de 1893 à 1920/21, il fallait 2/3 de « oui » par rapport au total des « oui », « non » et « abstentions » de l’ensemble des votants. En 1970, HEYSKENS estime que la manière dont a été faite l’interprétation des 2/3 rend la tâche difficile car ceux qui s’abstiennent sont pris en compte pour la majorité des 2/3. Par « majorité », on entend plus de oui que de non (et ce sans tenir compte des abstentions) à il convainc la Chambre et le Sénat de modifier leurs règlements en fonction. Il est ainsi plus facile d’obtenir une révision de la Constitution, les abstentions comptant pour le quorum de présence. Mais cette interprétation peut avoir des conséquences absurdes : si sur un quorum de 100 présents, 2 votent oui et 1 non, il peut y avoir révision de la Constitution.

3. Le serment

Le parlementaire entre en fonction après sa prestation de serment. « Je jure d’observer la Constitution » est son serment, par ailleurs très bref (c’est le même pour les conseillers régionaux et des communautés). C’est un serment moins élaboré que celui des fonctionnaires (qui jurent obéissance aux lois et fidélité au Roi). Dans le cas des parlementaires, pas d’obéissance aux lois puisqu’ils les font, et pas de fidélité au Roi, puisqu’ils le critiquent (enfin plutôt ses ministres) Le serment parlementaire a eu un poids, prétexte à la Cassation quand évoque une interprétation conforme à la Constitution, lors de l’arrêt WALEFFE. La Cour de Cassation déduit du serment une présomption de constitutionnalité des lois et c’est ainsi que la Cour de Cassation interprète les lois en fonction du serment.

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44L’ORGANISATION DES C HAMBRES Le pouvoir législatif-96

4. Les présidents des Chambres Article 52 : A chaque session, chacune des Chambres nomme son président, ses vice-présidents, et compose son bureau Les présidents ne sont pas élus pour toute la législature. Pour le moment, ce sont DE DECKER au Sénat et DE CROWE à la Chambre. Les présidents des assemblées sont réélus tous les ans (en principe). En droit, les parlementaires pourraient agir différemment. Il est également à noter que les présidents appartiennent généralement à la majorité gouvernementale, ce qui est un peu « tristounet ». Ils ont un certain poids. Après les élections, lors de la grille d’Hondt, entrent en compte également des postes de présidents des assemblées (car sont des contrepoids à telle ou telle majorité gouvernementale) Les postes de vices-présidents sont attribués dans le respect des forces des partis politiques (ex. selon la grille d’Hondt, c’est un VLBL qui devait avoir la vice-présidence et il l’a eu)

5. Débats publics

Article 47 : Les séances des Chambres sont publiques. Néanmoins, chaque Chambre se forme en comité secret, sur la demande de son président ou de dix membres. Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

Chaque chambre se forme en comité secret : en réalité c’est plutôt rare.

La fixation du budget, la levée d’une immunité parlementaire, la procédure parallèle contre les ministres, tous ces points ne sont pas en séance publique. Les médias sont autorisés ou non à être présents, choix à la discrétion du Président (qui a de plus en plus tendance à accepter pour une meilleure transparence)

En ce qui concerne la publicité écrite, on dispose :

q d’un compte rendu analytique, rapide, non corrigé et unilingue

q des annales parlementaires, remaniées, corrigées, et contenant les interventions des orateurs dans leurs langues respectives. On ne peut toutefois pas en tirer si la loi a été votée ou non, ou encore si il y a vice de conformité de la loi.

La constitutionnalité de la loi ne peut pas être soulevée devant une juridiction judiciaire. Par la promulgation, le Roi rend la loi inattaquable.

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44L’ADOPTION DES L O I S Le pouvoir législatif-97

L’adoption des lois

1. Types de majorités

A. Majorité de droit commun

Cette majorité est requise quand le texte n’en requiert pas une autre. Article 53 : Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf ce qui sera établi par les règlements des Chambres à l'égard des élections et présentations. En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée. Aucune des deux Chambres ne peut prendre de résolution qu'autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

à Pour la Chambre des représentants, par exemple, il faudra 76 membres sur 150 en séance pour pouvoir voter quoique ce soit. Imaginons qu’il y ait 30 oui, 20 non et 26 abstentions. Il n’y a jamais eu d’ambiguïtés on a toujours décidé que c’était la majorité absolue des suffrages (y’a-t-il plus de oui que de non ?) et non de présence.

B. Majorité constitutionnelle Article 195 : Le pouvoir législatif fédéral a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne. Après cette déclaration, les deux Chambres sont dissoutes de plein droit. Il en sera convoqué deux nouvelles, conformément à l'article 46. Ces Chambres statuent, d'un commun accord avec le Roi, sur les points soumis à la révision. Dans ce cas, les Chambres ne pourront délibérer si deux tiers au moins des membres qui composent chacune d'elles ne sont présents; et nul changement ne sera adopté s'il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

L’interprétation de cet article est la même que celle illustrée au point A (+ cf. chapitre précédent)

Article 86 : A défaut de descendance de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, le Roi pourra nommer son successeur, avec l'assentiment des Chambres, émis de la manière prescrite par l'article 87. S'il n'y a pas eu de nomination faite d'après le mode ci-dessus, le trône sera vacant.

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44L’ADOPTION DES L O I S Le pouvoir législatif-98

Article 87 : Le Roi ne peut être en même temps chef d'un autre État, sans l'assentiment des deux Chambres. Aucune des deux Chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages.

C. Majorité spéciale « nouveau style » (1970) Article 4 dernier alinéa (…) Les limites des quatre régions linguistiques ne peuvent être changées ou rectifiées que par une loi adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des Chambres, à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et pour autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux tiers des suffrages exprimés.

D. Majorités exprimées aux articles 46 et 96

1° MOTION DE MEFIANCE : on s’éloigne du droit commun . La chambre des représentants va voter la motion de méfiance à la majorité absolue de ses membres, ce qui rend cette majorité encore plus difficile à obtenir. Ce ne sont plus 76 membres en séance qui sont exigées mais 76 qui votent la motion.

Article 46 : Le Roi n'a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la majorité absolue de ses membres : 1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi, dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d'un successeur au Premier Ministre; 2° soit adopte une motion de méfiance à l'égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas simultanément au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre. Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu'après un délai de quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion. En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses membres. La dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat. L'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours et des Chambres dans les deux mois. Article 96 : Le Roi nomme et révoque ses ministres. Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PRE -PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-99

La naissance des lois A. La phase pré-parlementaire

1. Introduction L’initiative législative n’appartient pas au peuple. Selon l’article 75, il appartient à chacune des branches du pouvoir législatif : le Roi (gouvernement) et les assemblées (Chambre des Représentants et Sénat).

Article 75 : Le droit d'initiative appartient à chacune des branches du pouvoir législatif fédéral. Sauf pour les matières visées à l'article 77, les projets de loi soumis aux Chambres à l'initiative du Roi, sont déposés à la Chambre des représentants et transmis ensuite au Sénat. Les projets de loi portant assentiment aux traités soumis aux Chambres à l'initiative du Roi, sont déposés au Sénat et transmis ensuite à la Chambre des représentants.

Lorsque le texte est déposé par le gouvernement, on dit que c’est un projet de loi , quand il est déposé par des députés/sénateurs, on dit que c’est une proposition de loi . Il faut cependant nuancer : un projet de loi est un texte adopté par une branche du pouvoir législatif (en effet, si un texte a été adopté par une assemblée, c’est une proposition de loi qui devient projet de loi dès lors qu’elle est transmise dans une autre chambre). Le nombre de propositions de lois est assez important mais la « mortalité prénatale » l’est également. Ainsi, 90% des textes adoptés sont d’initiative gouvernementale et non parlementaire. Pourquoi la mortalité est-elle si élevée pour les propositions de lois ? Les propositions de lois peuvent parfois être :

q d’un but purement médiatique, sans aucun espoir, juste pour contrer la politique gouvernementale.

q Techniquement déficientes car elles sont élaborées par des parlementaires seuls (alors que le gouvernement est assisté d’une multitude de conseils)

q De bonnes idées, la proposition de loi peut porter le nom du parlementaire. Le gouvernement rédige alors un texte parallèle et on publiera ainsi le projet de loi émanant du gouvernement.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PRE -PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-100

Mais attention, ce n’est pas parce que la mortalité de ces propositions de lois est forte qu’elles ne servent à rien. De nombreuses lois sont d’origine parlementaire. Citons pour mémoire la loi de 1989 sur le financement des partis et la limitation des dépenses électorales, ou encore les lois sur l’avortement et l’euthanasie.

2. Initiative gouvernementale

A. Avant-projet de loi

L’avant-projet de lois est le texte qui existe avant la signature royale par arrêté royal et qui précède le dépôt aux assemblées. Il peut être rédigé par le ministre, l’administration ministérielle, le cabinet du ministre, le centre d’étude d’un parti, les hobbies, les bureaux d’avocats spécialisés, etc. Il est soumis à deux formalités :

B. Une formalité politique : délibération en Conseil des Ministres L’avant-projet doit être discuté en Conseil des Ministres. C’est ce qu’on appelle une règle constitutionnelle coutumière car ce principe n’existe pas dans la loi.

q Raison technique de ce procédé : concerne souvent plusieurs ministères. q Raison politique de ce procédé : les gouvernements étant de coalition, il

est nécessaire d’avoir l’accord du Conseil des Ministres afin que chacun puisse vérifier les initiatives et les remarques des autres membres du gouvernement.

Ex. L’avant-projet sur le snellrecht a d’autres répercussions que celles au Ministère de la Justice. C’est donc essentiel qu’il soit discuté au Conseil, notamment avec le Ministre de l’Intérieur.

C. Une formalité juridique : l’avis du Conseil d’Etat obligatoire

Tous les avant-projet doivent toujours être soumis à l’avis de la section législation du Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat devient ainsi le conseiller juridique du gouvernement et des assemblées. Il décortique le texte sous toutes ses coutures (est-il conforme à la Constitution, au droit international directement applicable, au droit européen ? ; abroge-t-il d’autres textes, y a-t-il nécessité d’établir une concordance entre les textes en 2 langues ?) Mais la frontière entre analyse juridique et analyse d’opportunité est parfois fort floue, fort étroite. Finalement, l’avis du Conseil d’Etat est une mine d’arguments pour critiquer le texte du gouvernement.

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Exceptions

1. Certaines lois formelles : les projets de lois consacrés au budget, aux

comptes, au contingent de l’armée, qui finalement ne sont pas du droit. Ces blocs de lois sont tout à fait soustraits à l’avis du Conseil d’Etat. Mais il faut souligner que ce ne sont pas toutes les lois formelles qui y sont soustraites. Par exemple, la loi d’assentiment aux traités est soumis à l’avis du Conseil d’Etat. Cette première exception est donc une exception partielle, relative. (article 3, §1er)

2. Cas d’urgence (article 3, §2) : mais même dans les cas d’urgence, le

Conseil d’Etat devra rendre un avis (mais à rendre dans les 3 jours et est restreint). Le gouvernement recourt souvent à ces « cas d’urgence spécialement motivés » car : q plus rapide q le Conseil d’Etat n’a pas le temps d’analyser en profondeur q l’avis du Conseil d’Etat est restreint. L’avis du Conseil d’Etat est limité à deux choses : q problèmes de compétences entre les différentes entités : il faut prévenir

les excès de compétence même dans l’urgence. q Résolution de la question de savoir si la loi est du type article 74, 77 ou

78 Les conflits de compétence

Le Conseil d’Etat peut déceler dans un texte législatif des excès de compétence. C’est l’hypothèse évoquée à l’article 3§3 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat qui évoque les différentes hypothèses où le Conseil d’Etat peut être saisi. « Lorsque le Conseil d’Etat décèle un excès de compétences fédérales (employé ici dans le sens règles du fédéralisme) », le texte est renvoyé au Comité de Concertation créé par l’article 31 de la loi du 9 août 1980. Le Comité de Concertation intervient pour tenter de prévenir ou de régler des problèmes non juridiques mais on le retrouve dans énormément de cas où il règles des problèmes juridiques. Il est composé de 6 ministres fédéraux (parité) et 6 ministres fédérés. Article 3§4 des l. c. sur le C.d’E. : dans les 40 jours, le Comité de Concertation donne son avis motivé s’il y a excès de compétences. Si oui, il demande au gouvernement de modifier le texte ou de déposer des amendements pour supprimer ces excès de compétence. Mais attention ce n’est qu’un avis. L’entité coupable doit corriger l’erreur. C’est au consensus que le Comité doit déclarer s’il y a ou non excès de compétences. Si le consensus n’est pas atteint, l’avant-projet continue. A

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PRE -PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-102

tout le moins, les articles 3, §2,3,4 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat pourraient constituer un frein à un texte contraire. La prévention de ces excès de compétences s’appuie sur l’article 141.

Article 141 : La loi organise la procédure tendant à prévenir les conflits entre la loi, le décret et les règles visées à l'article 134, ainsi qu'entre les décrets entre eux et entre les règles visées à l'article 134 entre elles.

Mais les mécanismes préventifs valent ce qu’ils valent : qui sera en définitive juge de l’excès de compétence ? ce sera sans aucun doute la Cour d’Arbitrage.

D. Signature par le Roi de l’avant-projet et dépôt aux assemblées

L’avant projet devient avec la signature du roi un projet de loi. Lorsque le texte est déposé sur le bureau d’une des chambres de l’assemblée, il contient également l’avis du Conseil d’Etat, le projet, l’avant-projet (c'est-à-dire le texte sur lequel a travaillé le Conseil d’Etat et les ministres : ainsi on voit si le gouvernement a pris en considération ou non l’avis du Conseil d’Etat ; en effet, parfois le gouvernement répond au Conseil d’Etat qu’il n’est pas d’accord etc. ) et l’exposé des motifs. Si le projet est un projet « article 74 » ou si c’est un projet « normal » (article 78) où le bicaméralisme est atténué, il est déposé à la Chambre. Si c’est un projet « bicaméralisme à l’ancienne » (article 77), le gouvernement a le choix. Il faut toutefois noter une exception. Un projet type 77 est réservé au Sénat : c’est la finale de l’article 75, c'est-à-dire le projet de loi portant assentiment aux traités. En effet, depuis 1993, le Sénat se spécialise en matière internationale afin de compenser ce qu’il avait perdu lors de cette révision.

3. Initiative parlementaire

Le Sénat garde donc l’initiative dans le domaine international (article 75). Les propositions de lois connaissent plus ou moins le même cheminement que les avant-projets. Ainsi, après un avis négatif du Conseil d’Etat, le Comité de concertation intervient également. Il existe cependant des divergences sur deux points.

A. La prise en considération

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PRE -PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-103

Théoriquement, la phase préliminaire existe pour qu’un texte soit discuté mais la prise en considération, en pratique, est quasi-automatique. Il existe toutefois des exceptions à cette pratique (selon certains Traités) :

q quand la proposition est manifestement anticonstitutionnelle q quand elle soulève des problèmes politiquement dangereux (ex.

amnistie)

B. L’avis facultatif du Conseil d’Etat

Pour les propositions de lois, le filtre du Conseil d’Etat est beaucoup moins étanche, beaucoup moins automatique. Pourquoi est-ce si différent du cas des avant-projets ? La raison théorique est que les propositions se doivent de rester libres : il faut respecter les assemblées. La raison pratique est qu’il y a tellement de propositions (qui ont peu de chances d’aboutir d’ailleurs) que ça alourdirait inutilement la section législation du Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat peut être consulté dans 5 cas : 1. article 2§1 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat : le président de

l’assemblée saisir le Conseil d’Etat. C’est un pouvoir discrétionnaire. 2. article 2§2 : 1/3 de membres de l’assemblée le demande. C’est une arme

intéressante pour l’opposition. C’est un moyen de protection des minorités. Mais cet article pose un problème constitutionnel. Il est contraire à l’article 53.

Article 53 : Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages, sauf ce qui sera établi par les règlements des Chambres à l'égard des élections et présentations. En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée. Aucune des deux Chambres ne peut prendre de résolution qu'autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

3. article 2§3 : la majorité d’un groupe linguistique le demande. Le président de

l’assemblée est obligé de saisir le Conseil d’Etat. C’est un moyen de protection des groupes linguistiques. Mais cet article pose, lui aussi, un problème constitutionnel. Il est contraire à l’article 43.

Article 43 : § 1er. Pour les cas déterminés dans la Constitution, les membres élus de chaque Chambre sont répartis en un groupe linguistique français et un groupe linguistique néerlandais, de la manière fixée par la loi. (…)

Mais ici ce cas n’est pas déterminé dans la Constitution.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PRE -PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-104

4. Article 2§4 : quand il y a conflit de compétence entre assemblées. La frontière entre lois de type article 74, 77, 78 est fort floue. Si le texte émane du gouvernement, même en cas d’urgence, le Conseil d’Etat intervient. Mais les assemblées ? Ce sont elles qui doivent demander au Conseil d’Etat de le déterminer.

5. Article 4 : le ministre peut d’autorité demander un avis du Conseil d’Etat sur une proposition de loi.

Ces 5 cas sont donc des exceptions tandis pour l’avant-projet, l’avis est obligatoire.

* *

*

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-105

B. La phase parlementaire

1. Travail au sein d’une assemblée

A. Examen à la Commission parlementaire compétente

Il est plus facile de travailler en commission car en séance plénière, il y a rarement d’éléments nouveaux. La recherche en terme juridique se fait donc là.

Composition Le gros du travail, à savoir discuter d’un texte, se passe en commission. Le texte est renvoyé en commission. A la tête de cette dernière, on désigne un président (qui peut être de l’opposition) et on désigne des rapporteurs par projet. +/- 20 membres la composent, élus à la proportionnelle.

Les types de commissions Il existe des commissions fixes, permanentes (// Conseil des Ministres), des présentations à plusieurs commissions réunies (2 commissions se réunissent), des commissions spéciales, ad hoc.

Est-il préférable une commission à huit-clos ou publique ?

En principe, les débats se faisaient à huit-clos mais la Chambre a inversé la règle (le Sénat, plus conservateur, ne l’a pas encore mise en vigueur). Les séances sont donc, en principe, publiques. Mais le huit-clos peut se justifier. Le travail y sera certainement plus approfondi à l’abri des journalistes, l’opposition et la majorité travaillant et discutant plus franchement. Ce n’est pas le désir du secret qui les anime quand certains réclament le huit-clos. Toutefois, la publicité des commissions compense l’absentéisme des séances publiques, de plus en plus désertées. Vis-à-vis des médias, ça a évidemment un effet catastrophique.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-106

Leur travail : article 76 al.2 Article 76 : Les Chambres ont le droit d'amender et de diviser les articles et les amendements proposés. Ce travail peut évidemment se faire en commission également. Les ministres ont également le droit d’amendement (article 100§1) : ex. le gouvernement est pressé de voir voter un projet de loi et par la suite, une pluie d’amendements gouvernementaux tombe sur le projet lui-même.

B. Séance plénière

En séance plénière et publique, il y a

1. discussion générale 2. vote article par article (article 76 al. 1) 3. vote global de la loi (article 55)

Il est à noter que si nous sommes dans le cas d’un bicaméralisme à l’ancienne (c'est-à-dire un type de loi article 77) : la procédure est à recommencer dans l’autre chambre.

2. La procédure de la sonnette d’alarme

Il existe un mécanisme belge connu dans le monde entier ( !!). C’est la figure de la sonnette d’alarme qui est parfois empruntée dans certaines constitutions (ex. celle de Bosnie). C’est un accident de parcours dans l’adoption de loi. Article 54 : Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d'un des groupes linguistiques et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi qu'elle désigne sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés. Dans ce cas, la procédure parlementaire est suspendue et la motion est déférée au Conseil des ministres qui, dans les trente jours, donne son avis motivé sur la motion et invite la Chambre saisie à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition éventuellement amendés. Cette procédure ne peut être appliquée qu'une seule fois par les membres d'un groupe linguistique à l'égard d'un même projet ou d'une même proposition de loi. Ce procédé date de 1970, c'est-à-dire lors du déclin de l’économie wallonne et quand les wallons se rendent compte qu’ils sont une minorités et qu’ils demandent des armes, des protections qui subsistent toujours aujourd’hui. Il en existe trois : 1. les lois spéciales (de plus en plus utilisées : la Constitution multiplie les cas)

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-107

2. la parité au gouvernement 3. la sonnette d’alarme, qui finalement n’a jamais été utilisée sauf dans un

cas : elle a été « tirée » une fois, un peu bêtement d’ailleurs, en 1985 au sujet du sort de l’Université de Mons. Le gouvernement ne s’est finalement jamais prononcé sur ce problème car il est tombé avant d’avoir pu dire un mot à cause de l’affaire du Heysel.

Cette institution ne sert pas mais elle n’est pas inutile car tapie dans l’ombre, elle a malgré tout un effet dissuasif. Le Conseil des Ministres est, si elle tirée, dans une sale situation. Il a 30 jours pour donner son avis. Il doit soit donner sa démission s’il sent qu’il n’y parviendra pas, soit amender afin de parvenir à un équilibre. Ce texte date de 70 et ça se sent. Il fait référence aux communautés. Mais lesquelles : les 3 communautés (flamande, française et germanophone) ou aux 2 communautés linguistiques. A la lecture du texte, on se rend compte qu’on est dans une conception encore une fois purement dualiste et que les germanophones passent, une fois de plus, sous la table. Il est à souligner que l’article 42 est incomplet : en effet, en plus de la nation, les représentants représentent également leur communauté linguistique. Article 42 : Les membres des deux Chambres représentent la Nation, et non uniquement ceux qui les ont élus.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-108

3. Compétences des assemblées : le nouveau bicaméralisme

A. Introduction Pour rappel, dans certains cas, le Sénat a sauvé sa peau (article 77), dans d’autres le Sénat garde le pouvoir du « premier mot », le droit d’initiative et perd le pouvoir du dernier (articles 78, 79, 81).

B. Article 74 : Spécialités de la chambre

Les spécialités de la Chambre sont énumérés à l’article 74.

Article 74: Par dérogation à l'article 36, le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi et la Chambre des représentants pour : 1° l'octroi des naturalisations; 2° les lois relatives à la responsabilité civile et pénale des ministres du Roi; 3° les budgets et les comptes de l'État, sans préjudice de l'article 174, alinéa 1er, deuxième phrase; 4° la fixation du contingent de l'armée.

Article 36 : Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat.

C. Article 77 : bicaméralisme strict

Article 77 : (…) Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, peut désigner d'autres lois pour lesquelles la Chambre des représentants et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité.

La finale du texte affirme donc que la Chambre et le Sénat sont sur le même pied d’égalité. On assiste encore une fois à ce phénomène de déconstitutionalisation. Finalement, le législateur n’est jamais intervenu mais pourrait très bien le faire.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-109

Analysons l’article. La Chambre et le Sénat sont sur pied d’égalité pour :

1. groupe 1 : dispositions inutiles et mal écrites

1° la déclaration de révision de la Constitution et la révision de la Constitution;

C’est l’article 195. Pourquoi donc le répéter ? On est dans le titre consacré au pouvoir législatif et on parle révision de la Constitution.

2° les matières qui doivent être réglées par les deux Chambres législatives en vertu de la Constitution;

Pourquoi l’intégrer dans l’article vu que « en vertu de la Constitution ». De plus, il est mal situé dans la Constitution. De plus, dans le cas de la nomination d’un régent par exemple, les 2 chambres ne sont pas sur pied d’égalité, elles siègent en chambre réunie.

4° les lois à adopter à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, ainsi que les lois prises en exécution de celles-ci; Si l’article 4 le signale, pourquoi le répéter ?

2. groupe 2 : Dispositions dont les intérêts en jeu sont importants

3° les lois visées aux articles 5, 39, 43, 50, 68, 71, 77, 82, 115, 117, 118, 121, 123, 127 à 131, 135 à 137, 140 à 143, 145, 146, 163, 165, 166, 167, § 1er, alinéa 3, § 4 et § 5, 169, 170, § 2, alinéa 2, § 3, alinéas 2 et 3, § 4, alinéa 2, et 175 à 177, ainsi que les lois prises en exécution des lois et articles susvisés; C’est une longue énumération des lois prévues par la Constitution (domaine réservé à la loi ) où le Sénat reste sur pied d’égalité avec la Chambre. Ex. Article 43 où qui définit les lois prises en vertu de la division en groupes linguistiques.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-110

3. groupe 3 : Dispositions relatives au droit international et annexes

5° les lois visées à l'article 34; En pratique, ce ne sont pas des lois mais des traités. 6° les lois portant assentiment aux traités; Le Sénat a droit à la première lecture. 7° les lois adoptées conformément à l'article 169 afin de garantir le respect des obligations internationales ou supranationales; Si la Belgique est condamnée alors que ce sont les communautés ou les Régions qui ont procédé à une mauvaise exécution d’une obligation internationale, une loi peut venir se substituer à la mal action de ces dernières. 10° les lois portant approbation d'accords de coopération conclus entre l'État, les communautés et les régions. Cette disposition vise les lois d’approbation, d’accord de coopération conclu entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions. Ces accords de coopération ne sont pas des traités mais y sont fort parallèles. Ce sont des conventions situées dans l’ordre interne et par lesquelles l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions s’entendent en ce qui concerne l’exercice de leurs compétences. Comme pour les traités, ces accords sont soumis à approbation par loi ou par décret.

4. groupe 4 : Dispositions relatives à l’organisation du pouvoir judiciaire

8° les lois relatives au Conseil d'État; 9° l'organisation des cours et tribunaux; En principe, les juridictions restent fédérales.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-111

D. Articles 78, 79, 81 : le nouveau bicaméralisme

L’article 78 et l’article 79 : Initiatives du gouvernement ou de la Chambre

q ARTICLE 78

Article 78 : Dans les matières autres que celles visées aux articles 74 et 77, le projet de loi adopté par la Chambre des représentants est transmis au Sénat. A la demande de quinze de ses membres au moins, le Sénat examine le projet de loi. Cette demande est formulée dans les quinze jours de la réception du projet.

Ce principe est une règle résiduelle. Soit les membres du Sénat n’ont aucune réaction, le Sénat n’évoque pas le projet de loi et le projet retourne à la Chambre des représentants où il est voté, et ensuite soumis à la promulgation royale, soit il évoque le projet. Il convient de faire un parallèle ici avec l'article 75 § 2.24 Le Sénat peut, dans un délai ne pouvant dépasser les soixante jours : − décider qu'il n'y a pas lieu d'amender le projet de loi; − adopter le projet après l'avoir amendé. Si le Sénat n'a pas statué dans le délai imparti ou s'il a fait connaître à la Chambre des représentants sa décision de ne pas amender le projet de loi, celui-ci est transmis au Roi par la Chambre des représentants. Si le projet a été amendé, le Sénat le transmet à la Chambre des représentants, qui se prononce définitivement, − soit en adoptant, − soit en rejetant en tout ou en partie les amendements adoptés par le Sénat.

Si la Chambre des représentants rejette les nouveaux amendements, l’article 79 nous renseigne sur ce qui se passe alors.

q ARTICLE 79

Article 79 : Si, à l'occasion de l'examen visé à l'article 78, dernier alinéa, la Chambre des représentants adopte un nouvel amendement, le projet de loi est renvoyé au Sénat, qui se prononce sur le projet amendé. Le Sénat peut, dans un délai ne pouvant dépasser les quinze jours : -décider de se rallier au projet amendé par la Chambre des représentants; -adopter le projet après l'avoir à nouveau amendé. Si le Sénat n'a pas statué dans le délai imparti ou s'il a fait connaître à la Chambre des représentants sa décision de se rallier au projet voté par la Chambre des représentants, celle-ci le transmet au Roi.

24 Sauf pour les matières visées à l'article 77, les projets de loi soumis aux Chambres à l'initiative du Roi, sont déposés à la Chambre des représentants et transmis ensuite au Sénat.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-112

Si le projet a été à nouveau amendé, le Sénat le transmet à la Chambre des représentants, qui se prononce DEFINITIVEMENT, soit en adoptant, soit en amendant le projet de loi. C’est une hypothèse particulière évoquée ici. Le Sénat a amendé et la chambre propose de nouveaux amendementsC’est une sorte de partie de ping-pong qui commence. Le projet de loi retourne sur la table du Sénat où : − soit il laisse passer le délai e t le projet est transmis au Roi ; − soit il se rallie aux amendements de la Chambre et le projet est transmis au Roi − soit il ré-amende et le texte passe entre les mains de la Chambre qui se prononce

définitivement sur le projet. Le Sénat peut mettre son grain de sel mais la Chambre l'emporte toujours.

L’article 81 : Initiative du Sénat

Article 81 : Si le Sénat, en vertu de son droit d'initiative, adopte une proposition de loi dans les matières visées à l'article 78, le projet de loi est transmis à la Chambre des représentants. Dans un délai ne pouvant dépasser les soixante jours, la Chambre se prononce définitivement, soit en rejetant, soit en adoptant le projet de loi. Si la Chambre amende le projet de loi, celui-ci est renvoyé au Sénat, qui délibère selon les règles prévues à l'article 79. En cas d'application de l'article 79, alinéa 3, la Chambre statue définitivement dans les quinze jours. A défaut pour la Chambre de décider dans les délais prescrits aux alinéas 2 et 4, la commission parlementaire de concertation visée à l'article 82 se réunit dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel la Chambre aura à se prononcer. En cas de désaccord au sein de la commission, la Chambre doit se prononcer dans les soixante jours.

Le Sénat donne ici le premier coup de raquette. C’est l’hypothèse où c’est du Sénat qu’émane la proposition de loi. Mais c’est tout de même la Chambre des représentants qui a le pouvoir du dernier mot.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-113

E. Quelques réflexions sur ce nouveau mécanisme

a. Quant à la complexité relative du nouveau mécanisme

− d’un point de vue juridique, il est certainement plus complexe quant aux concepts appliqués et à la forte distinction entre les articles 74, 77, 78

− d’un point de vue politique, il est certainement plus simple : le Sénat peut se décharger de projets dont il ne veut pas s’occuper (corvées – ex. contrôle politique, budgétaire) et peut ainsi se concentrer sur des législations de base, dont beaucoup sont d'origine gouvernementale. Toutefois, il a peu de temps25 pour les étudier. Il y a donc une contradiction.

b. Le constituant n'imagine pas le refus du projet Il existe un accord sous-entendu sur le fond. De plus, la Chambre est considérée comme une Chambre de sages. Toutefois, les amendements permettent de quasi refuser le projet tellement on le modifie.

c. Le bicaméralisme à l'ancienne: le gouvernement en ébullition. La moitié devant la Chambre, l'autre devant le Sénat. La seconde assemblée allait très vite pour la forme : il y a gain de temps. Ce mécanisme s'applique toujours pour les projets évoqués à l'article 77, mais plus pour ceux évoqués à l'article 78 vu que dans ce cas, la Chambre doit être saisie en premier.

d. Les commissions parlementaires de concertation (articles 80 et 82) Article 83 : Toute proposition de loi et tout projet de loi précise s'il s'agit d'une matière visée à l'article 74, à l'article 77 ou à l'article 78. L'article 82 établit une commission parlementaire de concertation (il s'agit d'une exception, ce genre de commission étant généralement prévu par les règlements des assemblées). Il s'agit de régler un conflit de compétence entre les deux chambres et peut allonger les délais.

25 Les articles 80-82 introduisent une commission parlementaire qui peut allonger les délais. Cf. infra, page 114.

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44LA NAISSANCE DES LOIS : PHASE PARLEMENTAIRE Le pouvoir législatif-114

Article 80 : Si, lors du dépôt d'un projet de loi visé à l'article 78, le Gouvernement fédéral demande l'urgence, la commission parlementaire de concertation visée à l'article 82 détermine les délais dans lesquels le Sénat aura à se prononcer. A défaut d'accord au sein de la commission, le délai d'évocation du Sénat est ramené à sept jours et le délai d'examen visé à l'article 78, alinéa 3, à trente jours. Article 82 : Une commission parlementaire de concertation composée paritairement de membres de la Chambre des représentants et du Sénat règle les conflits de compétence survenant entre les deux Chambres et peut, d'un commun accord, allonger à tout moment les délais d'examen prévus aux articles 78 à 81. A défaut de majorité dans les deux composantes de la commission, celle-ci statue à la majorité des deux tiers de ses membres. Une loi détermine la composition et le fonctionnement de la commission ainsi que le mode de calcul des délais énoncés dans les articles 78 à 81. La commission parlementaire peut donc restreindre ou allonger des délais

§ Remarques

Il existe des délais alors que le Sénat est censé être une Chambre de réflexion ; La commission est composée d'un nombre égal de sénateurs et de députés (article 3 loi du 06.04.95). Si le gouvernement demande en urgence, la commission peut réduire les délais ; S'il y a de compétence entre types de lois, les chambres elles-mêmes décident le type de projet : le Constituant aurait pu juridictionnaliser le problème mais il a préféré rester fidèle à la souveraineté du Parlement; Il est à noter toutefois que le Conseil d'Etat peut donner son avis (article 2§4 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat) mais il reste que c'est la Commission qui tranche ; A défaut de majorité dans les deux groupes (11 sénateurs et 11 parlementaires) ou à défaut de majorité des 2/3, le texte ne dit pas ce qui se passe.

§ Avis du Conseil d'Etat Le Conseil d'Etat connaît une procédure a priori : le problème de la constitutionnalité formelle. Ex. On est devant une loi procédure article 78, la loi doit être conforme à la Constitution. On considère que c'est une loi bicamérale imparfaite. Certains trouvent que c'est une loi bicamérale parfaite et que ça viole donc le principe d'égalité car toutes les lois doivent être votées selon une procédure particulière. Et bien, ce problème de procédure ne peut être soulevé car la promulgation royale purge de tout vice.

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e. Les projets mixtes

L'article 83 impose que toute proposition de loi et tout projet de loi précise s'il s'agit d'une matière visée à l'article 74, à l'article 77 ou à l'article 78. Hors souvent, les lois mêlent des objets divers. Qu'en est-il des projets mixtes ? Faut-il suivre la procédure article 77 ou la procédure article 78 ?

q 2 projets de lois ? Ce procédé ne servirait pas à la clarté car certains projets de lois doivent être lus ensemble.

q 1 seul projet avec des dispositions votées selon l'article 77 et d'autres selon l'article 78 ? ce serait contraire à la Constitution

q Comme l'article 77 est plus exigeant, une absorption de la procédure de l'article 77 ? Mais certains trouvent que le Sénat a dès lors un trop grand rôle.

q Mêler l'article 77 et l'article 78 selon un critère accessoire et principal ? Ce serait trop subjectif.

Ce problème rend ce genre de décisions peu transparentes. Le constituant ne s'en était malheureusement pas rendu compte en 1993.

F. les lois budgétaires

Article 174 : Chaque année, la Chambre des représentants arrête la loi des comptes et vote le budget. Toutefois, la Chambre des représentants et le Sénat fixent annuellement, chacun en ce qui le concerne, leur dotation de fonctionnement. Toutes les recettes et dépenses de l'État doivent être portées au budget et dans les comptes.

A partir de 1995, on assiste à une rationalisation en matière financière. C'est une matière monocamérale dans les mains de la Chambre. Ce sont des lois purement formelles : annuelles, sans contenu normatif, et précisant des dépenses concrètes.

Historique Jusqu'en 1921, la Chambre avait la priorité de lecture. En 1921, suppression de l'article car le Sénat, entre-temps, est devenu démocratique (suppression de iure). De facto, cependant, la Chambre avait toujours la primeur (mais le Sénat avait un droit de lecture aussi). En 1995, c'est la fin du bicaméralisme et l'on retourne à une spécialisation plus rude et dont le Sénat sort totalement : monocaméralisme.

Particularités des lois budgétaires

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Elles ne sont pas soumises à l'avis du Conseil d'Etat et pas soumises à la procédure de la sonnette d'alarme.

Difficultés quant aux objectifs Il doit être voté à temps. Jusqu'en 1970, il était voté le 2ème mardi de novembre. En 1970, il a été avancé au 2ème mardi d'octobre pour permettre le vote à temps du budget (La rentrée parlementaire se fait de plus en plus tôt : article 44 26)

Structure des documents budgétaires

Voies et moyens Le budget doit être voté avant le 31 décembre car il contient une phase sacrée à savoir permettre de prélever les impôts. S'il n'est pas voté, le prélèvement est impossible (article 17127). Cette disposition est assez ringarde et date de l'époque où le Roi-gouvernement était à genoux devant la Chambre. S'il y avait crise et que le budget des voies et des moyens n'était pas voté, on recourrait en urgence à la loi des finances avec les crédits provisoires (an passé reporté), emprunts et impôts.

Le budget de dépenses

Jusqu'en 1990, les budgets devait être présenté devant les assemblées. Certains étaient faits avant le 31 décembre, mais pour la plupart, ils étaient présentés en cours d'année (pour des durées variant de 3, 6, 9 à 12 mois). C'étaient des budgets séparés et le retard était chronique. Les dépenses de l'Etat étaient par conséquent financés par les crédits provisoires (anciens crédits reportés) alors qu'ils auraient dû être exceptionnels (ex. anciens crédits divisés par 12, ensuite multipliés par le nombre de mois) Une première réforme eut lieu en 1989 dans une loi d'initiative parlementaire et qui regroupe dans un budget général les dépenses. A cette époque, l'Etat belge se débarrasse des budgets difficiles à gérer (ex. l'enseignement). Tandis que les budgets antérieurs étaient fort (trop?) détaillés, le budget global est conçu en termes plus généraux : on ne vote plus que les gros points et non les détails.

26 Article 44 Les Chambres se réunissent de plein droit, chaque année, le deuxième mardi d'octobre, à moins qu'elles n'aient été réunies antérieurement par le Roi. Les Chambres doivent rester réunies chaque année au moins quarante jours. Le Roi prononce la clôture de la session. Le Roi a le droit de convoquer extraordinairement les Chambres. 27 Article 171 Les impôts au profit de l'État, de la communauté et de la région sont votés annuellement. Les règles qui les établissent n'ont force que pour un an si elles ne sont pas renouvelées.

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Une deuxième réforme eut lieu en 1996 (loi du 19 juillet 1996) Avant cette réforme, la Chambre et le Sénat examinait les voies et moyens et le budget général de dépenses mais les deux assemblées sont composées de personnes qui travaillaient également ailleurs, ce qui donnait lieu à de nombreux retards, en partie à cause, de cette double lecture fort exigeante et à la double-casquette. Dès lors en 1996, on procéda à une simplification (plus de double-casquette et le Sénat n'intervient plus). Les avantages de cette réforme sont que seule la Chambre s'en occupe et que l'on a reculé la date du dépôt (avant 30/09) au 31 octobre, ce qui a pour conséquence qu'il y a plus de temps de préparation et que les projections sont plus fiables.

* *

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C. La phase post-parlementaire

1. La sanction royale Le Roi est une branche du pouvoir législatif, en vertu de l’article 36. Selon l’article 109 de la Constitution Coordonnée, la sanction royale (avec contreseing ministériel) manifeste l’intervention du Roi dans le pouvoir législatif. Article 109 : Le Roi sanctionne et promulgue les lois. La sanction royale se trouve en tête de la loi, et cet acte parachève l’œuvre législative.

A. Le Roi peut-il laisser passer un certain temps avant de sanctionner une loi ?

La Constitution ne dit pas qu’il y a un certain délai à respecter. Léopold II laissait d’ailleurs souvent traîner certaines lois. Aujourd’hui, ce qu’il faisait paraît inconcevable : si la loi tardait à être sanctionnée, le ministre responsable serait certainement interpellé.

B. Le Roi peut-il refuser de sanctionner une loi ?

q Le Roi et ses ministres ? Oui, car ils sont une branche du pouvoir législatif. Mais s’ils étaient hostiles à une loi, ils auraient eu maintes occasions de l’éliminer avant. Les cas où des gouvernements refusent de sanctionner une loi sont ainsi plutôt rares mais ça peut arriver, comme par exemple, quand les assemblées votent une loi, qu’arrive une crise gouvernementale éclate et que la nouvelle majorité soit hostile à la loi votée.

q Le Roi à titre personnel ? La réponse constitutionnelle à cette question est non car le Roi agit toujours avec ses ministres. L’hypothèse d’un tel cas fut posée le 3 avril 1990 lorsque pour des raisons éthiques personnelles, le Roi Baudouin refusa de sanctionner la loi sur l’interruption volontaire de grossesse mais il a toujours été question que le processus démocratique se poursuive. La solution fut

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trouvée en combinant les articles 93 et 90. Le Conseil des Ministres, se substituant ainsi au Roi, a sanctionné et promulgué la loi. Ce qui a évidemment donné lieu à un ébranlement dans la population et en 1993/1995, l’article 109 fut ouvert à révision. Le but de la déclaration de révision de cet article était d’éviter de répéter de tels événements et apporter une réponse structurelle à cette question. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Depuis, on n’en parle plus. C’est encore une fois la politique de l’autruche qui transparaît.

2. La promulgation royale Alors que la sanction royale est le dernier acte législatif, la promulgation est le premier acte du processus exécutif. La promulgation authentifie la loi et la rend exécutoire (le Roi donne l’ordre d’exécuter la loi). La promulgation se trouve en bas de page et donne la date de la loi (est concomitante à la sanction) La loi n’est pas encore obligatoire après sa promulgation car n’est pas publiée au Moniteur Belge, mais les administrations peuvent commencer à travailler sur les arrêtés d’exécution.

3. La publication : la loi du 31 mai 1961 L’article 190 de la Constitution porte que la loi doit être publiée au Moniteur Belge pour être obligatoire. Article 190 : Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d'administration générale, provinciale ou communale, n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi. Comme pour la sanction et la promulgation, il n’y a pas de délai de publication. Une fois la loi publiée, la loi est en principe obligatoire le 10ème jour qui suit celui de sa publication au Moniteur Belge. Ce délai ressort de l’article 4 , al.2, de la loi du 31 mai 1961. La loi publiée au Moniteur Belge pourrait fixer une autre date d’entrée en vigueur : q Elle pourrait laisser la date de son entrée en vigueur dépendre d’un arrêté

royal. q Elle pourrait fixer sa mise en vigueur plus tard que le dixième jour q Elle pourrait fixer sa mise en vigueur le jour même de sa publication q Elle pourrait même décider qu’elle entre en vigueur à une date antérieure à

sa publication puisque le principe de non-rétroactivité de la loi est un principe légale et non un principe constitutionnel. Toutefois, elle ne pourrait pas le faire en matière pénale.

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4. Le rôle politique du Parlement Les assemblées ont un rôle politique. Ce rôle, ces moyens de contrôle politiques sont parfois envisagés de manière explicite par la Constitution (ex. vote du budget, commission d’enquête etc.) mais parfois pas envisagés tels quels par la Constitution et découlent des règlements des assemblées ou encore de la pratique constitutionnelle. Il existe 3 instruments de contrôle, les questions parlementaires, les interpellations, le droit d’enquête ainsi que 2 nouveaux mécanismes, de ce qu’on appelle le parlementarisme rationalisé, à savoir ceux évoqués aux articles 46 et 96.

A. Les questions parlementaires

Ce mécanisme n’est pas évoqué dans la Constitution (parfois dans certaines constitutions modernes). C’est un moyen de contrôle important à la disposition de la Chambre et du Sénat. Ce mécanisme est réglementé dans les règlements des assemblées. Ces questions peuvent être écrites ou orales. Questionner c’est chercher à savoir de manière en principe neutre28. Elles ne sont pas en principe agressives. La question est en principe adressée au ministre compétent et non à l’ensemble du Gouvernement. Les questions parlementaires sont riches en enseignement. D’après le Règlement des Assemblées, les questions ne peuvent servir à obtenir des consultations juridiques ou des renseignements mais en pratique, c’est souvent leur but. Ces questions et réponses sont publiées dans le Bulletin des questions et réponses.

B. L’interpellation

Interpeller c’est questionner de manière agressive, la voix pleine de reproches. Elles cherchent à mettre en cause la responsabilité de la personne interpellée. Les interpellations s’adressent parfois à un ministre29 mais le plus souvent à l’inverse des questions à l’ensemble du gouvernement (en réalité question plus générale au premier ministre cherchant à mettre en cause la responsabilité collective). Les interpellations sont la voie royale de mise en cause de la responsabilité ministérielle. L’interpellation entraîne le dépôt d’une motion et d’un vote sur celle-ci. Il existe 5 types de motions :

28 C’est là que réside la grande différence avec l’interpellation. 29 La responsabilité individuelle n’est pas explicitée, on la déduit des articles 88 (inviolabilité du Roi), 104 (contreseing ministériel) et 100, al.2 (Chambres peuvent requérir la présence d’un ministre)

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1.- la motion de confiance : c’est la motion la plus positive. Après l’interpellation et les réponses qu’elle a entraîné, les parlementaires ont-ils oui ou non encore confiance. 2.- la motion pure et simple (ou ordre du jour pur et simple). Les députés ont entendu les réponses du ministre et nous avons jugé que l’interpellation et les réponses qui en ont résulté ne sont pas assez importantes pour faire un vote de confiance. C’est un peu la conclusion de Ponce Pilate : on fait comme si de rien n’était, et continuons l’ordre normal des travaux. Le vote de cet ordre du jour met fin à l’interpellation. 3.- la motion de recommandation (vient souvent de l’opposition) : on recommande au ministre d’agir dans tel ou tel sens. 4.- la motion de méfiance et la motion de méfiance constructive (article 9630) : le vote extrêmement hypothétique d’une telle motion entraînerait l’obligation pour le Gouvernement de présenter sa démission au Roi. En effet, quand ces motions sont déposées contre le gouvernement et votées à une certaine majorité – majorité absolue des membres de la Chambre des représentants), elles entraînent certains effets juridiques.

La plus fréquente est sans conteste la motion pure et simple car elle possède d’immenses avantages : la mise au vote intervient en premier lieu et elle ressoude la majorité. En effet, quand la question est délicate et que la majorité est plus ou moins scindée, cette motion permet à cette fraction de ne pas désavouer l’interpellation et de sauver le gouvernement.

30 cf. infra, page 120 du syllabus.

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C. Le droit d’enquête parlementaire

Ce mécanisme est évoqué dans la Constitution mais de manière lapidaire à l’article 56. Article 56 : Chaque Chambre a le droit d'enquête.

Le but de ce droit d’enquête est de leur confier un instrument (l’enquête) qui leur permettra de mieux légiférer, de mieux connaître le fonctionnement de l’administration pour mieux la gérer (sans s’adresser au ministre) et le pouvoir judiciaire.

Le droit d’enquête est accordé aux deux Chambres fédérales et aux Conseils, selon l’article 40 de la loi du 8 août 1980.

On n’évoque pas, dans l’article, une loi. Ce mécanisme aurait très bien pu être introduit dans le règlement interne des assemblées mais pour qu’il soit efficace – pour imposer des obligations à des tiers – , il se devait d’être imposé à des tiers : le règlement ne pouvait pas suffire. Il fallait donc recourir à une loi : la Chambre a donc voté une loi particulière propre à l’enquête qu’elle prévoyait de mener (ex. enquête sur les élections de Bastogne, etc.)

En 1880, on vote la loi du 3 mai 1880 qui prévoit de manière générale les modalités d’exercice de ce droit d’enquête (qui fut modifiée par la loi du 30 juin 1996).

Les commissions d’enquête sont assez rares jusqu’aux années 80, où là on assiste à une envolée de ces commissions (ex. commission d’enquête parlementaire sur l’incident du Heysel, tueries du Brabant, sur le Rwanda et les 10 paras morts en 1994, dioxine, et dans un avenir proche sur la mort de Lumumba31) Avec ce nombre croissant d’enquêtes, on passe d’un excès à un autre. Elles sont beaucoup trop nombreuses, posent énormément de problèmes car interfèrent avec le pouvoir judiciaire. Lorsque la Commission d’enquête se penche sur des faits qui pourraient faire l’objet d’une enquête judiciaire, elle joue un rôle qu’elle n’a pas le droit de jouer : elle interfère avec l’enquête judiciaire (ex. affaire Transnuklear 32sur le transport des déchets nucléaires)

Loi du 3 mai 1880 sur le droit d’enquête parlementaire33

q Article 1 § 2 Cet article exprime la méfiance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir législatif. L’article a été adopté après les frictions lors de la commission parlementaire sur le grand banditisme qui a débauché sur la Commission des Tueries du Brabant. Aucune sanction n’est prévue pour éviter cette entrave.

31 On peut se poser la question de savoir où est l’intérêt pour la Chambre et le Sénat de procéder à une telle enquête. Cette enquête ne l’aidera pas à mieux contrôler le gouvernement, etc. 32 cf. doss.doc, tome 1, page 125 33 cf. doss.doc., tome 1, page 134

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q Article 1, § 3, 4, 5 Cet article évoque ici les possibilités de les sanctionner pénalement. Les parlementaires sont en présence d’informations qu’ils doivent garder secrètes (article 458 CP). Le problème relève de l’article 58 de la Constitution qui consacre l’irresponsabilité parlementaire. Il y a donc opposition entre la nécessité du secret des infos recueillies et la manière de s’exprimer librement. Selon l’article 3§4 ce sont la Chambre et le Sénat qui prévoit des sanctions. Ces sanctions sont évoquées à l’article 55bis du Règlement de la Chambre des Représentants34 et à l’article 70bis du Règlement du Sénat35.

§ L’article 55bis RCR pose que quand il y a viol du secret lors de commissions parlementaires, le responsable n’est plus membre de la dite commission et perd jusqu’à 20% de ses indemnités pendant 3 mois. Il y a tout de même possibilité pour le parti de le faire remplacer.

§ L’article 70 RS pose une gradation dans les types de sanctions possibles : il peut s’agir d’un avertissement, d’un blâme, ou d’une exclusion de la Commission d’enquête. Le processus est plus complexe qu’à la Chambre.

q Article 2, §1,2,3 et Article 4

Ces textes évoquent les pouvoirs de la commission ayant effet d’obligation pour les tiers (mesures d’instruction, magistrats sous l’autorité du Président, saisies, etc.)

q Article 4 § 5 Si l’on a besoin de renseignements dans un dossier administratif, l’administration devra le lui donner. S’il a besoin d’un dossier judiciaire, le pouvoir judiciaire pourra filtrer les informations et ne pas tout lui donner, moyennant une raison motivée. Au cas où, le pouvoir judiciaire refusera, un recours est possible devant le Président de la Cour de Cassation et le président de la Cour d’Appel.

q Article 6 Le président de la commission a la politique de la séance.

q Article 8, §1 Cet article évoque les cas où une personne non parlementaire, tel expert, traducteur, etc., assiste aux travaux de la Commission. La violation du secret professionnelle serait dans ce cas, punie pénalement.

q Article 8§2 Les témoins, experts, etc. sont soumis à la Commission d’enquête (// juge d’instruction)

34 cf. doss.doc, tome 1, page 136. 35 cf. doss.doc, tome 1, page 142.

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q Article 8§3

Tout un chacun peut être témoin. La question s’est posée de savoir si, lors de la Commission consacrée au Rwanda, les membres du cabinet du Roi pouvaient être interrogés. La réponse fut non.

q Article 8 §5, 9 Les témoins sont tenus de dire la vérité et sont tenus de comparaître sous peine d’amende ou d’emprisonnement. Le témoin devant la Commission parlementaire peut refuser de répondre s’il est tenu par le secret professionnel. S’il n’y est pas tenu dans la vie de tous les jours, et s’il répond qu’il ne veut pas répondre (normalement tout témoin a droit au silence) entraînerait l’attention du pouvoir judiciaire sur ce problème, car s’il n’avait rien à se reprocher, n’aurait-il pas parlé ? certaines déclarations sont d’ailleurs parfois transmises au juge d’instruction et on a estimé que la procédure pénale était nulle car ils avaient avoué lors de la commission parlementaire et que, selon une disposition du Pacte ONU, le témoignage contre soi-même est interdit.

q Article 13

La commission relate ses travaux dans un rapport public. Le rapport est un acte posant des remarques quant aux responsabilités politiques, et uniquement politiques (il ne peut s’agir de responsabilités disciplinaires, ministérielles, etc.), ce qui pose problème à la lecture du rapport Dutroux (notamment avec des responsabilités disciplinaires d’un membre de la justice de Bruxelles).

D. Le problème de la responsabilité ministérielle et parlementaire

La responsabilité collective est la responsabilité du gouvernement dans son ensemble devant le Parlement. La responsabilité individuelle est la responsabilité politique d’un ministre, d’un secrétaire d’Etat pris individuellement devant le Parlement. Ces responsabilités ne sont pas explicitement consacrées dans la Constitution. On peut toutefois les déduire de l’article 88. Article 88 : La personne du Roi est inviolable; ses ministres sont responsables.

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Période antérieure à 1993 2 types de responsabilités sont mises en causes devant le parlement. En pratique :

A. responsabilité collective du gouvernement : le gouvernement belge ne tombe pas suite au vote de la motion de méfiance ou du refus de confiance. Comme ce sont, en majorité, des gouvernements de coalition, s’ils tombent, c’est parce qu’ils implosent.

B. Responsabilité individuelle du gouvernement : la conclusion est

fort similaire à celle du point A, un ministre ne tombant généralement pas après le vote d’une motion de méfiance. En pratique, lorsque un ministre quitte le gouvernement, c’est que c’est le parti qui lui a demandé car il n’a plus la confiance des électeurs. Si le premier ministre est d’accord, le ministre peut démissionner. Sinon, si le premier ministre s’y oppose, le parti du 1er ministre se ligue contre les autres partis de la coalition, ce qui risque d’aboutir à une implosion du gouvernement. Le premier ministre peut également décider s’il y a lieu de faire démissionner un ministre, le parti pouvant couvrir le ministre évoqué.

Donc, avant 1993, les ministres sont rarement mis en cause devant le Parlement. Quelques exemples : Johann Van De Lanotte et Stéphane Declerck démissionnent suite à l’évasion de Dutroux, Louis Tobback suite à la mort d’une jeune réfugiée : s’il y a démission, c’est que les ministres s’estiment responsables. Ou encore récemment, Pierre Chevalier, secrétaire d’Etat démissionne car pèse sur lui une éventuelle responsabilité pénale. Dans tous ces cas, le Parlement n’intervient pas de manière formelle.

Période postérieure à 1993 : 2 nouvelles réformes. A. Le Sénat ne joue plus aucun rôle dans la responsabilité ministérielle et

gouvernementale.

Article 101§1er : Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants. Article 100§2 : La Chambre des représentants peut requérir la présence des ministres. Le Sénat peut requérir leur présence pour la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi visés à l'article 77 ou d'un projet de loi visé à l'article 78 ou pour l'exercice de son droit d'enquête visé à l'article 56. Pour les autres matières, il peut demander leur présence.

à le Sénat a une moins grande prise sur les ministres : demander et non requérir.

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B. L’introduction de mécanismes de parlementarisme rationalisé (articles 46, 96) Ce sont des mécanismes qui ont pour but de stabiliser le gouvernement, d’en faire un gouvernement de législature, et de stabiliser le Parlement, et par là même en faire un parlement de législature. Il est à noter que les articles 96 et 46 ne concernent que la responsabilité collective du gouvernement. Ils s’inspirent du système allemand, dit de la « méfiance constructive ». Le parlement fait part de sa méfiance de manière constructive. En 1980, sont introduits ces mécanismes pour les Communautés et les Régions, mais ils sont loin d’être identiques aux mécanismes fédéraux. De même, le système allemand n’est pas réellement identique à celui que nous connaissons en droit belge.

L’article 96.

Article 96 : Le Roi nomme et révoque ses ministres Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment. L’alinéa 2 de cet article est entré en vigueur lors du premier renouvellement des Chambres, suite aux élections du 21 mai 1995. Il s’agit d’une limitation au pouvoir royal de nommer les ministres, porté dans l’alinéa premier. Cet alinéa 2 porte également une obligation juridique de démissionner car prévoit deux cas où le gouvernement fédéral se doit de le faire : 1.- cas où la Chambre (majorité absolue des membres : 76) adopte une motion de méfiance constructive36. 2.- cas où la Chambre, à la même majorité, rejette une motion de confiance déposée par le gouvernement. Dans ce cas, la Chambre doit voter dans les 3 jours à la même majorité absolue le nom du successeur au 1er ministre. C’est ce qu’on appelle communément : « le rejet de confiance constructif ».

36 Une motion de méfiance constructive est une motion de méfiance qui présente, par la même occasion, un successeur au premier ministre.

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Dans ces deux hypothèses, le gouvernement DOIT démissionner (obligation juridique). Avant 1993, il n’existait pas de cas où le gouvernement se devait de le faire. Dans ces deux hypothèses, le Roi doit nommer le successeur proposé37,38. Cet article sera rarement appliqué car il ne correspond pas à la pratique belge. La Belgique connaît des coalitions (ex. gouvernement actuel avec 6 partis) et connaît par la même occasion une majorité de parlementaires aussi. Le vote d’une méfiance constructive supposerait un renversement d’alliances au sein de la majorité. Ce genre de tractations est fort lourd, se saura et le gouvernement démissionnera bien avant le dépôt de la motion. En plus, une crise politique de cette ampleur devrait être résolue dans les trois jours et chez nous, c’est plutôt rare (la plus longue durera 100 jours) Le gouvernement 39 tombe rarement suite au Parlement or, selon l’article 96§2, il doit jouer un rôle. L’adoption de cet alinéa 2 ne va donc pas limiter le pouvoir royal de nommer les ministres : q Le successeur est plutôt un formateur qu’un premier ministre. Il est vrai

toutefois que le formateur devient, en Belgique, premier ministre, une fois le gouvernement formé ;

q L’article n’envisage pas le cas où ce formateur échouerait dans la formation gouvernementale.

L’article 46.

Article 46 : Le Roi n'a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la majorité absolue de ses membres : 1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi, dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d'un successeur au Premier Ministre; 2° soit adopte une motion de méfiance à l'égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas simultanément au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre. Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu'après un délai de quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion. (…) (…) En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses membres.

37 C’est en cela qu’il s’agit d’une limitation au pouvoir royal. Avant, de manière formelle, le Roi était libre de choisir le premier ministre tandis qu’aujourd’hui, il est obligé de nommer celui proposé. Ce dernier ne devenant premier ministre que quand il aura formé son gouvernement. 38 Il s’agit également de la deuxième apparition de l’expression « premier ministre » dans la Constitution, la première se trouvant à l’article 99§2 . 39 Le gouvernement est peut-être tombé 4 fois à cause du Parlement depuis la seconde guerre mondiale.

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La dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat. L'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours et des Chambres dans les deux mois. L’article 46 40 est une restriction au pouvoir royal 41 de dissoudre les assemblées fédérales. Ce nouvel article 46 est également entré en vigueur après le premier renouvellement des Chambres des élections législatives du 21 mai 1995. Entre 1993 et 1995, il s’agissait de la disposition transitoire V-b (b- Le Roi a le droit de dissoudre les Chambres simultanément et l'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours et des Chambres dans les deux mois.)

q Historique Au 19ème siècle, la possibilité de dissoudre les Chambres était un acte du pouvoir royal. Si le Roi voyait un conflit entre le gouvernement et les assemblées, il procédait à une dissolution afin de résoudre complètement le conflit, et faisait appel au peuple par le biais des élections. Puis peu à peu, le pouvoir royal s’affaiblit et passe entre les mains du premier ministre (qui demandait au Roi de dissoudre les Chambres). C’était une dissolution sans aucune conditions mais en pratique,

− lorsque le gouvernement était en fonction, il démissionnait le lendemain des élections législatives sous réserve d’une acceptation officieuse d’abord, officielle ensuite du Roi.

− Lorsque le gouvernement était démissionnaire, et que les

tractations en cours aboutissaient à une impasse, la seule issue possible était de procéder à de nouvelles élections afin qu’une nouvelle majorité soit dégagée.

q Il existe plusieurs cas de dissolution :

A. dissolution à l’anglaise (« euthanasie »).

Le but de cette dissolution, sollicitée au Roi par les ministres, est d’anticiper les élections dans le but de choisir en fonction de la majorité en place la date des élections. Cette pratique fut souvent utilisée en Angleterre mais est difficilement envisageable en Belgique (comme ce sont des gouvernements de coalitions, l’accord entre les partis est plus difficile à obtenir et des dissensions sont possibles) mais cette pratique fut suivie par les deux gouvernements Dehaene. Il s’agissait d’une

40 Cet article est l’ancien article 74 et selon lequel, le Roi pouvait dissoudre les assemblées fédérales sans aucune condition mais il n’est jamais arrivé qu’une seule soit dissoute et l’autre non. 41 Il ne faut pas oublier qu’aucun acte du Roi n’est valable sans contreseing ministériel.

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technique assez particulière. En 1992, le gouvernement Dehaene est bien installé, les élections devant se dérouler normalement en automne 95. Finalement les chambres furent dissoutes et les élections eurent lieu en mai. La technique utilisée fut celle-ci : il y eut vote d’une déclaration de révision de la Constitution (article 195) et il y eut donc, à cette occasion, dissolution de plein droit des assemblées au printemps 1995. Cette dissolution à l’anglaise fut également utilisée en 1999 pour coupler les élections législatives avec les élections européennes et régionales, toujours par le biais de la déclaration de révision de la Constitution.

B. Cas d’une crise gouvernementale avec démission préalable et

impossibilité de trouver une solution de rechange.

Le Roi nomme un nouveau formateur mais il lui est difficile de trouver une majorité. La seule solution possible est de procéder à la dissolution des Chambres, décision prise par le Roi et le premier ministre. Une autre possibilité est celle du cas où le gouvernement est démissionnaire et que les tractations échouent. On utilise la dissolution alors qu’avec deux jours supplémentaires, une majorité aurait pu être dégagée. C’est donc un rôle important que le premier ministre (et le Roi) jouent.

C. Il n’existe pas de droit de dissolution pour les Régions et les

Communautés.

q Hypothèses d’impasse Le premier projet ne prévoyait que ces deux cas42. Mais la pratique belge parlementaire posait quelques problèmes. Deux hypothèses d’impasse :

1) cas où la Chambre des Représentants présenterait une motion de méfiance et où 140 représentants siègent dans l’hémicycle et que 74 députés votent cette motion. La majorité y est sur les membres présents MAIS pas 76. Le gouvernement reçoit donc un blâme, il n’est pas juridiquement obligé de démissionner. S’il le fait, et que les tractations échouent, ce cas devient un cas de gouvernement démissionnaire. La dissolution n’est donc plus possible car il faut que la motion de méfiance soit votée à la majorité absolue. Le gouvernement doit-il se représenter alors devant le Parlement afin que ce dernier revote une motion de méfiance ?

2) le gouvernement implose, les nouvelles tractations échouent, la Chambre ne peut être dissoute (les cas de rejet de confiance ou de motion de méfiance ne sont pas possibles vu que le gouvernement implose)

q Ajout d’un troisième alinéa.

42 A et B, C n’étant qu’une remarque.

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Le gouvernement pourra, grâce à cet ajout, dans les 2 cas décrits précédemment, demander à la Chambre d’accepter de se dissoudre elle-même. Ce seront donc les cas les plus fréquents, les gouvernements de coalition implosant régulièrement. Dans ce cas, la dissolution de la Chambre des Représentants entraîne la dissolution du Sénat et entraîne deux garanties : 1.- ce sera la fin des dissolutions à l’anglaise intempestives. 2.- la Chambre se prononcera sur la fin de sa législature et ne se dissoudra pas de manière intempestives43 Le gouvernement deviendra donc nettement plus stable. Tout cela n’étant évidemment que de la théorie. De plus, on recourt fréquemment à la dissolution par l’article 195 depuis une dizaine d’années. En conséquence, la possibilité de l’article 46 risquent de peu s’appliquer si on continue de dissoudre par le biais d’une déclaration de révision de la Constitution. Le droit constitutionnel a en effet du mal à appréhender la politique (articles 96 et 46 sont des références gratuites, quand s’appliqueront-elles ?) De plus, depuis l’adoption de ces articles en 1993, les gouvernements n’ont jamais été aussi stables alors que ces articles avaient été écrits afin de contrer les grandes instabilités du monde politiques des années 70-80.

q Effets de la dissolution sur les activités parlementaires

Dans l’hypothèse des chambres dissoutes de plein droit, ou dans l’une des hypothèses évoquées à l’article 46, les nouvelles chambres reprennent-t-elles les travaux antérieurs ? la réponse se trouve dans la loi du 3 mars 1977 (modifiée par la loi du 5 mai 1999). L’article 2 de cette loi stipule que le travail effectué ne « sert à rien » et on n’impose pas aux nouveau députés de reprendre les travaux non avenus. L’alinéa 2 de ce même article précise qu’une loi peut désigner les projets de lois non aboutis et considérés comme toujours pendants.

43 En 1977 avec le gouvernement Tindemans, où plusieurs membres du Rassemblement Wallon quittent l’équipe gouvernementale, ce qui a donné lieu à des frictions chez les députés RW, entraînant finalement la dissolution de la Chambre des Représentants, ce qui avait été interprété comme un coup d’état de la part du Premier Ministre.

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TITRE IV LLLEEE PPPOOOUUUVVVOOOIIIRRR EEEXXXEEECCCUUUTTTIIIFFF

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Organes du pouvoir exécutif

1. Introduction

A. Les termes « exécutif » et « gouvernement »

Le mot « pouvoir exécutif 44 » est traditionnel en Belgique. Etymologiquement, « exécuter » signifie « suivre ». Cette terminologie date de la Constitution américaine de 1787 et de la Constitution française de 1791 dans le but intentionnel de minimiser le rôle du Roi. Le gouvernement apparaissait toutefois comme une sorte de lapsus dans les anciens articles 36 et 103. En 1831, en effet, le gouvernement comme unité n’existait pas. Toutefois, il est devenu un terme courant et les Communautés et les Régions se sont insurgés contre l’expression « exécutif » au profit de « gouvernement ».

B. La monarchie

Certains pays restent fidèles à la monarchie mais ce sont des cas aujourd’hui plutôt exceptionnel (elle est même parfois réintroduite, comme en Espagne). En terme de science politique, l’opposition entre monarchie et république n’a plus du tout la même résonance psychologique et politique qu’elle avait au 19ème siècle, époque à laquelle la monarchie signifiait tradition et république synonyme de liberté et d’innovation. Notre monarchie est à la base élue, choisie par le Congrès National et finalement imposée par l’Europe. La monarchie, contrairement à d’autres pays, n’a pas construit la Belgique (comme en Angleterre) mais jouit d’un assez large consensus dans la population et joue une grande part dans la sensibilité belge : c’est certainement un des derniers bastions de l’unité belge avec Bruxelles et la dette publique. La monarchie est une monarchie représentative et constitutionnelle par l’article 33. Tous les pouvoirs, y compris le Roi, représentent la Nation.

44 Le pouvoir exécutif n’a de réalité que juridique : ce sont les mêmes personnes, le Roi et les ministres, qui constituent à la fois le pouvoir exécutif et qui constituent l’une des trois branches du pouvoir législatif.

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2. le Roi

A. L’évolution du pouvoir royal depuis 1831

Le déclin de l’action personnelle du Roi a été graduelle et il convient d’en retenir quelques dates.

1831 – 1893 : régime dualiste

La monarchie a été plus ou moins imposée à la Belgique par l’Europe quant au système et à la personne. Certains constituants avaient en tête une monarchie purement décorative (une sorte de « république décorée ») et quand Léopold Ier a vu la Constitution, il n’avait pas de mots assez durs pour la caractériser. Elle était beaucoup trop libérale pour lui. Mais en réalité, le régime a été nettement moins républicain que certains le souhaitaient 45. Toutefois, au fil du temps, le pouvoir royal, forte sous Léopold Ier et Léopold II, s’amoindrit au fil du temps. Elle évolue de manière graduelle. C’est l’avantage d’une Constitution non écrite, ou plutôt, dans notre cas, d’une Constitution écrite mais trop floue (// Grande-Bretagne).

1893 et 1920 : le suffrage universel entraîne la particratie

Les choses ont commencé à changer réellement à partir de 1893, lors de l’instauration du suffrage universel tempéré par le vote plural. Léopold II, pressentant le rôle grandissant des Assemblées et des partis et que ça implique la fin de l’égalité Roi et Loi, essaie d’introduire un référendum pour pouvoir avoir un accès direct au peuple afin de contrer le pouvoir grandissant des Assemblées et des partis. C’est une intuition typique de Léopold II quant aux rapports de forces. En 1919, avec l’avènement du suffrage universel pur et simple, l’évolution s’accélère. Depuis cette époque, on peut remplacer l’article 96§1, en fait et non en droit, par « Les partis nomment et révoquent leurs ministres, sous réserve d’une opposition royale ». En effet, le Palais peut s’opposer à ces nominations et révocations dans des circonstances exceptionnelles.

45 Il est clair que la Constitution a été écrite dans une optique dualiste, également appelée optique orléaniste. Il s’agissait d’une optique dans laquelle il existait potentiellement une tension entre, d’une part, les Chambres et, d’autre part, le Roi et ses ministres. C’est ainsi que la Constitution a été interprétée par Léopold Ier et Léopold II qui aimaient à se réserver certains domaines telles que la défense et les affaires étrangères. En d’autres termes, alors que certains membres du Congrès, dont Lebeau, rêvaient tout haut d’une monarchie républicaine, les premières années de la Belgique montrèrent que le régime était beaucoup moins républicain qu’ils ne le voulaient.

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La question royale Après la seconde guerre mondiale, se pose la question royale. Une commission chargée de traiter ce sujet rend un avis en 1949 tout en décrivant l’Etat actuel du droit et tente de redéfinir le pouvoir royal, fort contesté depuis la 2nde guerre mondiale.

Traces juridiques de la déférence des ministres au Roi

1.- Lorsque le Roi meurt, il est de coutume que les ministres donnent leur démission afin de respecter l’esprit de l’article 96. C’est évidemment une courtoisie constitutionnelle.

2.- Une équipe gouvernementale en coalition se présente unie aux élections afin de continuer l’expérience commune et bénéficie d’un raz de marée aux élections. Il est évident que le Roi reconduira la coalition mais il est de coutume que si le gouvernement n’a pas démissionné avant, le premier ministre présentera la démission du gouvernement au Roi, toujours par déférence.

B. La transmission du pouvoir royal

L’article 85 al.1 : hérédité des pouvoirs constitutionnels du roi

Cette question est réglée par la Constitution à l’article 85. L’alinéa 1er de l’ancienne version portait que « Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle46, légitime 47 de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe Cobourg, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture 48, et à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance ». Cette disposition fut modifiée en 1991. Jusque là régie par la loi salique à résonance macho, peut être retrouvée dans la première des dispositions transitoires au titre IX49 de la Constitution.

46 Exclusion de l’adoption 47 Exclusion des enfants illégitimes 48 Par ordre de naissance 49 Disposition transitoire I du Titre IX : Les dispositions de l'article 85 seront pour la première fois d'application à la descendance de S.A.R. le Prince Albert, Félix, Humbert, Théodore, Christian, Eugène, Marie, Prince de Liège, Prince de Belgique, étant entendu que le mariage de S.A.R. la Princesse Astrid, Joséphine, Charlotte, Fabrizia, Elisabeth, Paola, Marie, Princesse de Belgique, avec Lorenz, Archiduc d'Autriche-Este, est censé avoir obtenu le consentement visé à l'article 85, alinéa 2. Jusqu'à ce moment, les dispositions suivantes restent d'application. Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. Sera déchu de ses droits à la couronne, le prince qui se serait marié sans le consentement du Roi ou de ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution. Toutefois, il pourra être relevé de cette déchéance par le Roi ou par ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution, et ce moyennant l'assentiment des deux Chambres.

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La nouvelle disposition est la suivante : Article 85 : Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture. Sera déchu de ses droits à la couronne, le descendant visé à l'alinéa 1er, qui se serait marié sans le consentement du Roi ou de ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution. Toutefois il pourra être relevé de cette déchéance par le Roi ou par ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution, et ce moyennant l'assentiment des deux Chambres.

L’article 85 al.2 : autorisation du Roi pour les mariages des Princes et Princesses.

L’article 85 s’occupe ainsi du mariage des Princes et des Princesses. Ce texte est un apport de 1893, il n’était pas à l’origine dans la Constitution. Léopold II, autoritaire, n’admettait pas que les Princes et les Princesses se marient sur des coups de cœur. Le mariage avait, pour lui, un enjeu politique. L’article a souvent été interprété comme la prérogative de chef de famille au Roi. Toutefois, l’autorité du Roi était exercée pour les mariages nobles quelque soient les liens de familles entre la famille royale et les familles princières. Par exemple, Baudouin a consenti au mariage de son frère, mais ce, à titre personnel et sans contreseing ministériel, ce qui a entraîné un erratum dans le Moniteur Belge quelques jours plus tard. Par après, ce problème ne se posera pas. De plus, quoique la Constitution ne le mentionne pas, le mariage du Roi est un acte politique et est soumis à accord gouvernemental.

Article 86 : à défaut de successeur

Article 86 : A défaut de descendance de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, le Roi pourra nommer son successeur, avec l'assentiment des Chambres, émis de la manière prescrite par l'article 8750. S'il n'y a pas eu de nomination faite d'après le mode ci -dessus, le trône sera vacant.

Cette disposition n’a que peu d’intérêt pratique. Les successeurs possibles (à savoir Philippe, Astrid, les enfants d’Astrid et finalement Laurent) sont assez nombreux.

50 Article 87 : Le Roi ne peut être en même temps chef d'un autre État, sans l'assentiment des deux Chambres. Aucune des deux Chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages C’est un type d’assentiment qui est prévu : la majorité spéciale ancien modèle, c'est-à-dire la majorité pour modifier la Constitution, à savoir un quorum des 2/3 dans les 2 chambres et une majorité de 2/3 de votes dans les 2 Chambres.

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C. Décès du Roi

L’abdication n’est pas dans la Constitution mais l’interrègne (entre la mort du Roi et la prestation de son successeur) s’y trouve et même de manière très précise.

Article 90 : A la mort du Roi, les Chambres s'assemblent sans convocation, au plus tard le dixième jour après celui du décès. Si les Chambres ont été dissoutes antérieurement, et que la convocation ait été faite, dans l'acte de dissolution, pour une époque postérieure au dixième jour, les anciennes Chambres reprennent leurs fonctions, jusqu'à la réunion de celles qui doivent les remplacer.

A dater de la mort du Roi et jusqu'à la prestation du serment de son successeur au trône ou du Régent, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en conseil, et sous leur responsabilité.

La constitution est ici très méticuleuse. Le délai est très court (10 jours, typique de 1831) et pendant cette période, on apprête la prestation de serment du futur roi. Pendant cette période, les ministres ont ses pouvoirs, remplacent collectivement le Roi et ce, sous leur responsabilité. C’est ce qui évoqué à l’article 90§2 (c’est d’ailleurs l’une des rares fois où l’on utilise l’expression « au nom du peuple belge »). Le fait d’insister sur ce bref délai n’est fortuit, c’est que l’article a été utilisé51 mais dans un tout autre contexte et pour un autre délai ( !) à savoir quatre ans.

D. Régence

Article 94

Article 94 : La régence ne peut être conférée qu'à une seule personne. Le Régent n'entre en fonction qu'après avoir prêté le serment prescrit par l'article 91.

Article 91 : Le Roi est majeur à l'âge de dix-huit ans accomplis. Le Roi ne prend possession du trône qu'après avoir solennellement prêté, dans le sein des Chambres réunies, le serment suivant : "Je jure d'observer la Constitution et les lois du peuple belge52, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire.".

Article 92 : régence pendant que le Roi est mineur

Article 92 : Si, à la mort du Roi, son successeur est mineur, les deux Chambres se réunissent en une seule assemblée, à l'effet de pourvoir à la régence et à la tutelle.

51 Cf. page 133 du syllabus : analyse de l’article 93 52 Deuxième cas où l’expression « lois du peuple belge » apparaît.

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Article 95 : vacances du Trône

Article 95 : En cas de vacance du trône, les Chambres, délibérant en commun, pourvoient provisoirement à la régence, jusqu'à la réunion des Chambres intégralement renouvelées; cette réunion a lieu au plus tard dans les deux mois. Les Chambres nouvelles, délibérant en commun, pourvoient définitivement à la vacance.

Article 93 : impossibilité de régner

Article 93 : Si le Roi se trouve dans l'impossibilité de régner, les ministres53, après avoir fait constater cette impossibilité, convoquent immédiatement les Chambres. Il est pourvu à la tutelle et à la régence par les Chambres réunies. Cet article est a été essentiel dans son application durant l’histoire constitutionnelle de Belgique. Il y a une distanciation flagrante entre l’utilisation qui a été faite de ce texte et l’intention originaire du Constituant. L’intention originaire est à mettre en parallèle avec la folie du Roi Georges III. Ce texte était donc écrit dans l’intention de pallier à ce cas de figure, en faisant constater l’impossibilité de régner par les ministres afin de pourvoir à la tutelle et à la régence. L’article a donc été écrit dans un schéma médical. De plus, l’indisponibilité envisagée ici est de longue durée. C’est donc une carence médicale de longue durée (le nombre d’actions à faire en est la preuve). Là où il y a lacune de la Constitution, c’est qu’aucun article n’envisage une indisponibilité de quelques heures.

2 Applications dans un sens différent de l’article 93 au fil de l’histoire. L’article 93 a été appliqué 2 fois au cours de l’histoire mais ce, jamais pour les raisons d’être de l’article.

53 Deuxième apparition de l’expression « ministres » depuis 1831.

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1/ Impossibilité physique et politique de régner (ALTG et question royale)

Durant LA SECONDE GUERRE MONDIALE, le Roi et les ministres sont en désaccord total face à l’invasion de la Belgique. Le roi considère qu’il doit rester en Belgique soutenir son armée, tandis que les ministres s’envolent vers la France, puis vers l’Angleterre. Il y a donc dissociation des branches du pouvoir exécutif qui doivent rester unies. Les ministres, à Londres, prennent un arrêté sur base de l’article 93 et déclarent le Roi en impossibilité de régner. Normalement, selon l’article, les ministres auraient dû désigner un régent, ce qui fut impossible car les chambres ne pouvaient être réunies. Dès lors, que se passe-t-il lorsque le Roi fait défaut et que le successeur n’a pas prêté serment ? Les ministres exercent les pouvoirs du Roi. Ainsi, les ministres ont audacieusement lié les articles 93 et 90. Ils sont à la fois le pouvoir législatif et le Roi. Ils ont ainsi pris à Londres des actes, des arrêtés-lois de temps de guerre, actes qui dans la forme ne respectent pas le pouvoir législatif mais sont de nature législative. La base constitutionnelle de ces ALTG pose problème après la seconde guerre mondiale. Des personnes sont arrêtées sur base de ces arrêtés-lois, et ces dernières présentent des recours judiciaires devant la Cour de Cassation54, ce qui donnera lieu à l’arrêt Leemans 55 qui affirme que l’interprétation des ministres était régulière, logique (ou analogique ?) Le 28 mai 1940, il y a donc constatation de l’impossibilité de régner du Roi et cette situation perdure jusqu’au 20 septembre 1944 (date où le territoire est libéré et que les troupes allemandes refluent). C’est à ce moment que l’exécution complète de l’article 93 est réalisée : le régent, le Prince Charles, prête serment. L’impossibilité de régner existe toujours car les troupes allemandes ont entraîné avec elles le Roi Léopold III. En mai 1945, c’est la chute du Reich : la situation se modifie. Le problème de la continuation de la régence se pose car le Léopold III n’est plus en impossibilité de régner mais sillonne Autriche et Suisse pour ses vacances et que son comportement suscite de grandes controverses. Aucun gouvernement, où tous les membres admettent le retour du Roi au trône, ne peut se former sous sa houlette.

54 Remarque : Il faut savoir que pendant la PREMIERE GUERRE MONDIALE, un problème semblable s’était posé mais nettement plus facile. Le Roi et ses ministres étaient ensemble mais les Chambres n’avaient pas la possibilité de se réunir, la seule branche libre du pouvoir législatif avait donc continué à exercer. La Cour de Cassation avait également donné une réponse positive à ce problème. (Arrêt GEUBELLE, cf. doss.doc, tome 1, page 68) 55 Cf. doss.doc, tome 1, page 69.

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Jusqu’en mai 1945, c’était l’impossibilité physique de régner qui était d’application. A partir de mai 1945, c’est l’impossibilité politique de régner qui est d’application, la régence devant donc perdurer. Les ministres font donc constater l’impossibilité de régner, selon les modalités de la Constitution. Mais qui constate la fin de cette impossibilité ? Normalement, tout juriste raisonnable dirait que tout qui constate le début constate la fin (parallélisme des formes) mais le problème est que les ministres ne veulent pas. Finalement, il font voter la loi du 19 juillet 1945, où le gouvernement « refile » le problème dans le camp des chambres (résolution des chambres réunies) Cette loi est manifestement anticonstitutionnelle car les Chambres ne sièges qu’en chambre réunie que quand la Constitution l’impose. Les assemblées, non plus, ne sont pas pressées de voter la fin de l’impossibilité de régner, le pays étant fort divisé, et veulent transmettre ce problème à quelqu’un d’autre, le peuple. La loi du 10 février 1950 instaure donc une consultation populaire, qui a pesé lourd, la majorité globale en faveur du retour du roi étant de 74 %56. Les résultats globaux seront pris en compte et par la loi du 20 juillet 1950, les chambres constatent la fin de l’impossibilité de régner du Roi. Le premier août 1950, le Roi déclare qu’il est prêt à renoncer à exercer son pouvoir et le 09 août 1950, l’exercice est attribué par les Chambres au Prince Royal Baudouin (l’expression « prince royal » n’a pas de sens, elle n’a été utilisée que pour amoindrir l’humiliation de Léopold III). Le 16 juillet 1951, Léopold III abdique et le 17 juillet 1951, Baudouin prête serment.

2/ Impossibilité morale de régner Le 3 avril 1990, un second cas d’application de l’article 93 se pose, une nouvelle « entourloupe ». L’impossibilité de régner est étendue à l’impossibilité morale de régner au mépris de la Constitution. Le Roi s’oppose à promulguer et sanctionner la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Il considère toutefois qu’il ne s’agit pas d’un veto de sa part et écrit une lettre au Premier Ministre afin qu’il trouve une solution efficace. Le Roi s’est donc mis en impossibilité de régner tout seul. Les ministres simulent la mort du Roi (article 90) et prennent sa relève. Ils signent la loi et constatent la fin de l’impossibilité de régner du Roi (il n’y a donc pas eu de désignation d’un régent). Comment ont-ils appliquer la fin de l’impossibilité du règne (loi du 19 juillet 1945) ? Les chambres l’ont constaté en chambre réunie dans un décret (terme spécifique aux chambres réunies) alors qu’elle était manifestement anticonstitutionnelle.

56 Avec une forte majorité en Flandre et une faib le opposition en Wallonie et à Bruxelles.

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Article 197 : aucun changement des pouvoirs constitutionnels du Roi pendant la régence.

Article 197 : Pendant une régence, aucun changement ne peut être apporté à la Constitution en ce qui concerne les pouvoirs constitutionnels du Roi et les articles 85 à 88, 91 à 95, 106 et 197 de la Constitution. La dernière clause de l’article est une clause de non-révision de l’article. L’article trouve son fondement en 1831 mais était toutefois plus ferme : il interdisait toute révision de la Constitution pendant une régence. Il fut d’application jusqu’en 1984. Cet article est « bizarre » car 1.- les pouvoirs viennent de la nation 2.- c’est une monarchie républicaine 3.- les pouvoirs du Roi sont ceux décrits dans la Constitution 4.- le Roi jure de respecter la Constitution. On a considéré malgré tout que la Constitution était un pacte avec une famille et que si la famille était déforcée, il y avait un risque. C’est évidemment une conception rétrograde, dépassée. En 1984, le Constituant rajoute une clause dangereuse (en effet, le rythme de révisions est beaucoup plus élevé et il y a restriction des dispositions non susceptibles de révision)

E. Le Roi, chef d’un autre Etat

Article 87 : Le Roi ne peut être en même temps chef d'un autre État, sans l'assentiment des deux Chambres. Aucune des deux Chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages C’est ce qu’on pourrait appeler une « ruse de l’histoire ». C’est l’hypothèse où le Roi veut devenir chef d’un autre Etat. Quand cette disposition fut introduite, en 1831, son but était de pouvoir offrir la couronne au Duc de Nemours, héritier de la couronne de France. Son père a finalement refusé l’offre qui lui était faite sous la pression des grandes puissances. L’objectif, tardif, de cet article sera mis en œuvre avec le Congo.

F. Fixation de la liste civile Article 89 : La loi fixe la liste civile pour la durée de chaque règne. La liste civile est la liste des emplois civils au service de la couronne et à la charge du budget. La constitution déroge ici à un principe fondamental de la politique budgétaire, qui doit être annuelle, et ce, pour empêcher les Chambres de manifester

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leur hostilité en réduisant la liste. Même lors d’instabilités, la liste ne peut être changée pendant un règne. Toutefois, lors des perturbations monétaires de 1926, on a violé la lettre de la Constitution pour péréquater partiellement la liste civile. Aujourd’hui, 250 millions de francs sont indexés pour la Couronne, et en ce compris, les frais de salaire, la sécurité sociale, les dispositions fiscales etc. La chambre vote également la dotation pour la famille royale. C’est un acte volontaire. La constitution ne l’impose en effet pas. Il est à noter que la liste civile est un budget et que d’un point de vue technique, elle sert également à régler un éventuel contentieux avec le Roi. En effet, on n’assigne pas le Roi lui-même (article 41 Code Judiciaire) mais l’intendant ou l’administrateur de la liste civile.

F. 2 articles fondamentaux à la fonction royale : les articles 88 et 106 La Constitution coordonnée a mis d’un côté tout ce qui a attrait à la personne royale et de l’autre tout ce qui concerne gouvernement et compétences de l’exécutif mais dans certains cas, le découpage a été mal fait. Ces deux textes par exemple se devaient de rester accolés car ils s’expliquent l’un l’autre. Mais la Constitution Coordonnée renvoie l’article 106 dans la section 3 du Titre alors qu’il ne traite pas de compétences mais de la manière dont les compétences doivent être faites. Ces deux articles doivent être lus à la suite l’un de l’autre afin qu’ils soient cohérents. Article 88 : La personne du Roi est inviolable; ses ministres sont responsables. Article 106 : Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contresigné par un ministre, qui, par cela seul, s'en rend responsable. 2 règles s’en dégagent.

1ère règle : Inviolabilité de la personne du Roi

C’est une tradition en terme juridique, c’est également l’équivalent du « King can do no wrong ». 2 aspects à cette formule :

a) aspect juridique : il n’existe pas d’action pénale contre le Roi. L’action civile est possible mais alors dirigée contre l’intendant de la liste civile. Cette règle ne bénéficie qu’au Roi.

b) aspect politique : qui est traduit par l’adage « on ne peut découvrir la

Couronne ». Notre exécutif a 2 branches : le Roi, irresponsable, et le gouvernement, responsable et la structure constitutionnelle veut qu’on ne puisse jamais connaître l’influence respective des deux branches. Les

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ministres ne peuvent donc pas découvrir la Couronne, dire que sur telle décision, le Roi avait telle ou telle opinion. Ce principe est partiellement retranscrit dans la Constitution, à l’article 10257.

2ème règle : Une contrepartie, le contreseing

Dans une Constitution étrangère, si l’on veut avoir une idée des pouvoirs propres du chef de l’Etat, la plupart du temps un président, on regarde :

a) si le président est élu par les assemblées ou par le peuple. Dans ce dernier cas, le pouvoir de fait est plus important. Chez nous, dans une monarchie, la légitimité démocratique est fort basse puisque ce sont les liens du sang qui désignent le chef de l’Etat.

b) ce que le président peut faire seul. Chez nous, c’est la règle du

contreseing qui s’applique. Quand le président peut faire beaucoup d’actes de ce type, sans contreseing, c’est qu’il a beaucoup de pouvoirs juridiques et que nous sommes face à un régime semi-présidentiel ou présidentiel.

Chez nous, quels sont les pouvoirs propres du Roi ? ils sont nuls en tant que pouvoirs juridiques, ce qui explique son inviolabilité. La règle du contreseing, pensée en terme juridique, est étendue à tous les actes du Roi (allocutions télévisées : dans la pratique, ce sont des discours personnels mais comme ont souvent une portée politique, ce type de discours est soumis au premier ministre qui peut éventuellement le changer ; présence ou non à tel mariage ; rentre-t-il de vacances ou non quand tel problème se présence)

G. Réflexions

Le Roi n’a pas de pouvoir de décision. Ce qui ne signifie pas qu’il n’a pas de pouvoir, il a quand même une très grande influence. D’un point de vue rousseauiste, c'est-à-dire s’il l’on est un démocrate pur, cette influence gène car elle n’est pas justifiée par un principe démocratique. D’un point de vue « montesquieuiste », c’est-à-dire la recherche de l’efficacité du pouvoir, la royauté belge présente la particularité de concentrer un pouvoir affectif, symbolique (d’ailleurs, ce n’est pas un pur hasard s’il l’on appelle le

57 « En aucun cas, l'ordre verbal ou écrit du Roi ne peut soustraire un ministre à la responsabilité. »

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Roi par son prénom, et si l’on s’occupe (enfin c’est une question de point de vue) de sa vie affective). Mais il y a un pouvoir de disjonction entre un pouvoir fort évidé, celui du Roi, et le pouvoir réel, à savoir celui du gouvernement. Selon un auteur anglais, la monarchie anglaise présente l’avantage qu’on peut applaudir le Roi en tant que symbole et huer le premier ministre.

Le rôle du Roi est important mais difficile.

Dans un pays fédéral et où le fédéralisme est assez centrifuge, le rôle de symbole du Roi est important mais fort difficile. Article 96§1 : Le Roi nomme et révoque ses ministres. Le Roi n’a aucun contrôle ni aucune action sur les exécutifs, les gouvernements des Communautés et des Régions. La coutume veut que le Roi puisse s’exprimer et, moyennant l’accord du gouvernement, exprimer ses idées propres sur les grands problèmes de société. Mais dès lors, se pose une nouvelle question : le découpage des compétences des Régions et des Communautés s’applique-il au Roi vu qu’il y a obligation du contreseing et qu’il fait partie du pouvoir exécutif fédéral ?

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3. Les ministres

A. Conditions et nomination

a. Il faut être Belge (1831)

Article 97 : Seuls les Belges peuvent être ministres.

b. Il ne faut pas être membre de la famille royale (1831) Article 98 : Aucun membre de la famille royale ne peut être ministre. Cet article irait de soi aujourd’hui, il n’aurait pas été intégré dans la Constitution.

c. Les ministres sont nommés par le Roi (1831)

Article 96§1er : Le Roi nomme et révoque les ministres.

d. Le nombre de ministres (1993) Article 99: Le Conseil des ministres compte quinze membres au plus. Le Premier Ministre éventuellement excepté, le Conseil des ministres compte autant de ministres d'expression française que d'expression néerlandaise. Pourquoi le Constituant, à savoir Monsieur Dehaene, a-t-il fait passer cette disposition ? Le premier ministre répond : « c’est le chiffre idéal » car il faut dégraisser l’Etat Belge, les assemblées et être attentifs à la non-pullulation du nombre des ministres. Comme par hasard, c’est un chiffre impair. La parité est en effet de mise, le premier ministre éventuellement excepté. En gros, ça revient à dire 7 ministres francophones et 8 flamands. On peut émettre des doutes quant à l’opportunité de tels choix. En effet, est-ce si important ? si des problèmes apparaissaient, on serait vite limités. On peut ici faire un parallèle avec la loi spéciale du 08.08.80 dont l’article 63 fixe des plafonds au nombre des membres du gouvernement mais dont l’alinéa 4

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précise que dans le cadre de l’autonomie constitutive, les Communautés et les Régions peuvent par un décret augmenter le nombre maximum des ministres. Pourquoi est-ce si rigide dans la Constitution alors qu’au niveau fédéré, le plafond est facilement modifiable (décret voté à la majorité des 2/3).

e. Remplacement d’un parlementaire qui devient ministre fédéral (1993)58 Article 50 : Le membre de l'une des deux Chambres, nommé par le Roi en qualité de ministre et qui l'accepte, cesse de siéger et reprend son mandat lorsqu'il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre. La loi prévoit les modalités de son remplacement dans la Chambre concernée. En 1993, cette nouvelle disposition relative aux incompatibilités entre un mandat de ministre et d’autres mandats (ex. mandat du pouvoir judiciaire) est introduite. Cette nouvelle disposition est purement fonctionnelle et temporaire. Elle traite de l’incompatibilité entre un mandat de parlementaire et un mandat de ministre pour éviter la non-assiduité des personnes visées et qu’elle ne vote la confiance en elle-même. Les parlementaires nommés ministres sont remplacés. Mais par qui ? Selon la loi du 6 août 1931 (article 1bis) : les élus directs par leurs suppléants, les sénateurs cooptés par une nouvelle désignation, les sénateurs de communautés n’étant pas visés par la loi parce qu’un membre de lu Conseil de la Communauté et qu’une loi de 1980 prévoit cette incompatibilité entre la fonction de conseiller communautaire et de ministre fédéral. Commentaires sur la finale de l’article 1bis : « … » ; X à député à ministre à Elections à Réélection de X

(pdt qu’il est ministre, remplacé par son suppléant) Toutefois, le gouvernement n’est pas constitué immédiatement après les élections. Après les élections, le gouvernement doit expédier les affaires courantes en attendant son remplacement par le nouveau. Dans ce cas, il y a cumul dans ce cas.

Comme le ministre ne peut plus être parlementaire, sans dans le cas précédent, l’article 101§259 a été introduit afin que les ministres, eux aussi, puissent bénéficier d’immunité et les mettre sur un pied d’égalité avec les parlementaires.

58 voir page 72 du syllabus pour un complément d’informations. 59 Aucun ministre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions émises par lui dans l'exercice de ses fonctions.

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B. Démission et formation du gouvernement

a. Remarques préliminaires

A propos de l’exécutif des entités fédérées

Les ministres belges sont ceux nommés par le Roi. Comme le Roi n’intervient pas dans la nomination ou la démission des membres des exécutifs des entités fédérées, on ne peut pas considéré, juridiquement, ces personnes comme des ministres. L’expression ne couvre dès lors pas les membres des exécutifs communautaires et régionaux. Preuves :

article 122 : Les membres de chaque Gouvernement de communauté ou de région sont élus par leur Conseil. article 124 : Aucun membre d'un Gouvernement60 de communauté ou de région ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions.

Pas d’investiture de l’assemblée

En Belgique, les ministres le sont dès qu’ils sont nommés par le Roi et qu’ils ont prêté serment. Il n’y a donc pas d’investiture de l’assemblée. Le premier ministre présente au sein de l’assemblée la déclaration gouvernementale et demande une motion de confiance.

b. Introduction aux règles

Ces règles sont de nature coutumières, de vieilles pratiques ou encore de nouvelles règles. La règle de base est l’article 96§1, disposition inchangée de 1831 à 1993, modifiée en 1993, avec l’ajout d’un §2. Un article 46 a également été introduit en 1993. Dans quelle mesure ces deux nouvelles dispositions modifient-t-elles la pratique de formation et de démission du gouvernement ?

60 C’est l’appellation authentique : ce sont des membres du gouvernement de communauté ou de région.

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b.1. Démission d’un gouvernement et nomination d’un autre

Après les élections

On procède à de nouvelles élections dans les 3 cas suivants.

• fin de la législature normale (article 65 61) • dissolution (article 46 62) • dissolution sur base de l’adoption de la déclaration de révision de la

Constitution (article 195 63) Dans ces différents cas, il est de coutume, si le gouvernement n’a pas démissionné avant (ex. lors des dernières élections), que le premier ministre offre au souverain la démission du gouvernement, le lundi suivant les élections. Le Roi accepte par un communiqué du Palais, le gouvernement expédie alors les affaires courantes. Le Roi détient alors un rôle plus important qu’à l’accoutumée. Il doit, en effet, consulter en vue de former un nouve au gouvernement. Ce sont ce que dans la pratique constitutionnelle on appelle les consultations d’usage. Si le résultat des élections est clair, le roi nomme un informateur, qui continue son travail, puis un formateur. Il est à noter que le Roi n’est pas prisonnier de quelque procédure contraignante que ce soit, ainsi il peut très bien nommer plusieurs informateurs, parfois même des médiateurs, des négociateurs, etc.

61 Article 65 Les membres de la Chambre des représentants sont élus pour quatre ans. La Chambre est renouvelée tous les quatre ans. 62 Article 46 Le Roi n'a le droit de dissoudre la Chambre des représentants que si celle-ci, à la majorité absolue de ses membres : 1° soit rejette une motion de confiance au Gouvernement fédéral et ne propose pas au Roi, dans un délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion, la nomination d'un successeur au Premier Ministre; 2° soit adopte une motion de méfiance à l'égard du Gouvernement fédéral et ne propose pas simultanément au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre. Les motions de confiance et de méfiance ne peuvent être votées qu'après un délai de quarante-huit heures suivant le dépôt de la motion. En outre, le Roi peut, en cas de démission du Gouvernement fédéral, dissoudre la Chambre des représentants après avoir reçu son assentiment exprimé à la majorité absolue de ses membres. La dissolution de la Chambre des représentants entraîne la dissolution du Sénat. L'acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les quarante jours et des Chambres dans les deux mois. 63 Article 195 Le pouvoir législatif fédéral a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne. Après cette déclaration, les deux Chambres sont dissoutes de plein droit. Il en sera convoqué deux nouvelles, conformément à l'article 46. Ces Chambres statuent, d'un commun accord avec le Roi, sur les points soumis à la révision. Dans ce cas, les Chambres ne pourront délibérer si deux tiers au moins des membres qui composent chacune d'elles ne sont présents; et nul changement ne sera adopté s'il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

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Crise gouvernementale pendant une législature

3 hypothèses sont possibles.

q Article 96, al.2 64 Il y a une crise gouvernementale et la Chambre des Représentants vote une motion de méfiance constructive ou rejette la confiance au gouvernement, ce qui met fin à la crise vu que c’est le seul cas où le gouvernement doit juridiquement démissionner. L’article date de 1993 et aucune expérience n’a jusqu’ici pu être montrée. De toute façon, les chances de voir appliquer ce principe chez nous sont assez faibles.

q Article 46, 1ère strate 65

La chambre des représentants vote à la majorité de ses membres une motion de méfiance mais ne fait pas œuvre positive, c'est-à-dire sans proposer le nom du successeur au premier ministre. Juridiquement, le gouvernement n’est pas obligé de démissionner. En pratique, deux solutions sont possibles.

o Soit le 1er ministre demande la dissolution des Chambres au Roi.

Le roi peut difficilement refuser car en ne donnant pas un nom au successeur du premier ministre, la Chambre savait planer au-dessus de sa tête la menace de nouvelles élections.

o Soit le gouvernement veut démissionner, ce qui ne donnera pas

nécessairement lieu à des élections mais peut-être à une nouvelle équipe gouvernementale.

La probabilité de voir s’appliquer cette disposition est nettement plus forte que dans le cas précédent mais les ministres vont rarement l’objet de motion de méfiance ou de rejet de confiance.

q Article 46, al. 2 : la démission spontanée Cette disposition est celle qui correspond le mieux à la réalité belge. C’est le cas d’une implosion gouvernementale. Le premier ministre va présenter sa démission au Roi. Le Roi, dans ce cas, garderait le rôle qu’il a toujours eu (le schéma de 1831 transparaît : quand les ministres disparaissent, le Roi apparaît). Le Roi peut mettre sa décision en suspens pendant 48 heures, le temps que la situation décante. Toutefois, après ce délai, il doit :

64 Article 96§2 Le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre des représentants, à la majorité absolue de ses membres, adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre, ou propose au Roi la nomination d'un successeur au Premier Ministre dans les trois jours du rejet d'une motion de confiance. Le Roi nomme Premier Ministre le successeur proposé, qui entre en fonction au moment où le nouveau Gouvernement fédéral prête serment. 65 Cf. note 59.

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o Soit refuser la démission. Hors il y a ici un paradoxe, le roi ne peut agir sans contreseing ministériel. Ainsi, le Roi refuse avec l’accord de celui qui demande la démission. Dès lors,

§ Soit l’équipe retravaille, tente de se ressouder. § Soit le Roi (et son premier ministre) ressoude l’équipe

mais pas de manière définitive. Ils participent à l’élaboration du budget et autres lois importantes et prévoient de préparer une déclaration de révision de la Constitution. Le gouvernement prépare alors son « enterrement ».

o Soit accepter la démission par un communiqué du Palais. Le Roi

charge dès lors de l’expédition des tâches courantes et commence à chercher, à consulter afin de trouver une majorité alternative.

§ S’il réussit, une nouvelle équipe gouvernementale se met

sur pied en cours de législature (le Roi ne le fera évidemment pas si la législature expire dans l’année)

§ S’il n’y parvient pas, de nouvelles élections ont lieu. Ici, il

convient de prêter attention car les choses ne se passent pas comme d’habitude. L’article 46 in fine 66 entre en jeu. Si la situation décrite se produisait, le premier ministre, même démissionnaire, demanderait, selon son approbation politique, à procéder à de nouvelles élections.

Si le gouvernement a implosé, que le premier ministre présente sa démission au Roi et que ce dernier accepte, dans ce cas la dissolution est possible mais après que le Roi (et son premier ministre) se soit assuré qu’il n’y a pas de coalition alternative. Comment peut-il s’en assurer ? Il faut l’assentiment 67, l’accord à la majorité absolue de ses membres de la Chambre des Représentants pour qu’il y ait ces nouvelles élections. Le roi (premier ministre) demande à la Chambre si la dissolution est réellement la seule solution. L’article 46, 2e strate jouera dans la grande majorité des cas et, même s’il a rogné quelque peu le pouvoir royal, il a surtout rogné celui du premier ministre.

Il faut relativiser les articles 46 et 96. Les critiques souvent formulées à leur égard prétendent qu’elles diminuent les prérogatives royales. Mais soyons honnêtes, cela ne change pas grand chose.

66 Cf. note 59 67 Attention, ne pas confondre avec l’assentiment aux traités.

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Démission et formation du gouvernement dans les textes

a) le Roi accepte la démission du premier ministre dans un communiqué du Palais. Ce texte est souvent présenté de la manière suivante : « Le Roi a reçu le premier Ministre, a accepté sa démission et a chargé le gouvernement d’expédier les affaires courantes ».

b) La mise en place du nouveau gouvernement n’est possible qu’après la

publication au Moniteur Belge de 3 arrêtés royaux, 3 actes juridiques de la même date.

a. Le premier ministre contresigne l’arrêté royal de nomination de

son successeur. Cet arrêté porte souvent le nom de « Arrêté de courtoisie » et est le dernier acte du premier ministre. Mais il s’agit plus que de la courtoisie, l’arrêté royal manifeste de la continuité de l’Etat.

b. Le nouveau premier ministre contresigne l’acte par lequel le Roi accepte officiellement la démission de son prédécesseur.

c. Le nouveau premier ministre contresigne la nomination des autres

ministres et secrétaires d’Etat.

Mais que se passe-t-il juridiquement entre le communiqué du palais et ces trois arrêtés royaux ?

b.2. Un gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes

Une contradiction majeure peut être constatée ici entre 2 impératifs importants. Le premier impératif qui apparaît est que le gouvernement a démissionné et qu’il ne peut, normalement, pas prendre d’initiative. Le gouvernement ne peut normalement plus rien faire. Le second impératif impose qu’on ne peut pas aller jusqu’à cette dernière proposition. Il y a en effet le grand principe de la continuité de l’Etat et des services publics. Comment les concilie-t-on ?

Que (ne) peut-il (pas) faire ?

Afin de pallier à cette contradiction, on recourt à la notion d’affaires courantes, c'est-à-dire les affaires nécessaires et urgentes.

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Le gouvernement peut donc, dans certains cas, continuer les affaires courantes. C’est un concept important de droit constitutionnel mais ne se trouve pas dans la Constitution. Il est toutefois évoqué à l’article 73§2 de la loi spéciale de 1980. Cette notion est une notion jurisprudentielle. Pendant longtemps, toutefois, on a considéré que le fait que le gouvernement démissionnaire ne pouvait plus s’occuper des affaires courantes selon un principe de déontologie gouvernementale. Le Roi a dès lors un rôle à jouer : s’il estime que le ministre va trop loin, il peut refuser sa signature. Dans un arrêt du 14 juillet 1975, relatif à l’affaire des cadres linguistiques de la CGER 68, aujourd’hui Fortis, le Conseil d’Etat a franchi un pas : les affaires courantes ne sont pas seulement une question de fair-play mais également une notion juridique. Ainsi, le Conseil d’Etat peut annuler l’acte d’un ministre qui dépasserait le cadre des affaires courantes69. Le Conseil d’Etat a depuis rendu de multiples arrêts sur ce sujet. Mais le problème des affaires courantes n’est pas uniquement l’affaire du Conseil d’Etat, les avocats, eux aussi, sont touchés. Ainsi, après la démission d’un gouvernement, on peut questionner tout juge quant à la conformité de l’arrêté royal pris dans le cadre des affaires courantes à la Constitution. Les juridictions peuvent ainsi statuer sur ce que peut ou non faire le gouvernement.

Que sont les affaires courantes ?

Les affaires courantes sont de trois types. A. Les affaires banales (ex. engagement de personnes, etc.) ; il est peu

pensable que le Parlement aurait soulevé ce genre de problème pendant la législature donc on ne s’en occupe pas.

B. Les affaires en cours Ces affaires sont qualifiées de délicates. C’est le cas d’un arrêté royal préparé et où la prise de décision entre les ministres est réalisée. Il y a démission du gouvernement mais cette affaire est en cours, le gouvernement peut-il l’achever ?

C. Les affaires urgentes. Imaginons que des perturbations importantes, une action collective de sécurité à laquelle la Belgique adhère. L’importance et l’urgence des enjeux ne devraient-elles pas permettre au gouvernement d’agir au mieux ?

b.3. Le gouvernement démissionne le lundi après les élections

Si le gouvernement offre sa démission le lundi après les élections (il arrive aux élections sans avoir démissionné), un délai de 40 jours lui est octroyé pour ce faire.

68 Cf. doss.doc., tome 1, page 185. 69 C’est une preuve supplémentaire de l’importance grandissante de la judiciarisation de la vie politique. C’est ce que J.C. Scholsem appelle la troisième lecture de la Constitution, lecture faite à partir de 1970.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-152

Quelle est la situation juridique entre la date de dissolution des assemblées et le 40ème jour (lundi des élections) du délai ? Quels sont les cas possibles où le gouvernement ne démissionne pas avant les élections ? Il en existe trois.

q L’arrivée « normale » au terme de la législature q L’hypothèse évoquée à l’article 46, 1e strate, cas peu plausible. q Et, surtout, le grand cas en pratique : hypothèse de l’article 195.

Pendant cette période, plusieurs thèses différentes existent mais la thèse du Conseil d’Etat prévaut. Certains estiment que le gouvernement garde tous ses pouvoirs tant qu’il n’a pas démissionné, hypothèse somme toute logique car le lundi des élections, le 40ème jour donc, le Roi, après la démission du gouvernement, le charge des affaires courantes. Dès lors, s’agit-t-il d’affaires courantes ou d’affaires prudentes ? Le Conseil d’Etat a tranché la question mais peu clairement dans un arrêt Berckx70. Plus tard, la section législation – le conseiller juridique du gouvernement – , suivie par la section administration, a décidé, dans un arrêt 71, d’assimiler totalement la période de dissolution sans démission du gouvernement à une période d’affaires courantes. Il n’y a donc pas lieu de faire une distinction juridique entre affaires courantes et affaires prudentes. Toutefois, il est à noter que se présenter aux élections sans avoir démissionner est un atout politique certain mais qui n’entraîne pas de conséquences sur un plan politique dès lors que les Chambres sont dissoutes.

70 Cf. doss.doc, tome 1, page 187 71 Cf. doss.doc, tome 1, page 189

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-153

C. Structure du gouvernement

a. Les différents types de ministres

Les ministres d’Etat ne sont pas des ministres Cette expression est un titre honorifique. Les Ministres d’Etat ne sont en rien des ministres, ils sont honorés par le Roi et dès lors, ne peuvent contresigner aucun acte du Roi. Ils sont censés avoir rendu service à l’Etat et servent de conseiller à la monarchie. En effet, une institution coutumière – mais existe-t-elle encore ? –, le Conseil de la Couronne qui rassemble tous les ministres d’Etat et ce, dans des circonstances graves, afin qu’ils donnent des conseils au Roi. La dernière réunion de cette institution eut lieu en 1960 sur des questions relatives à l’indépendance du Congo.

Les ministres de droit commun

Ce sont des hommes politiques. Ils sont membres du Conseil des ministres et sont chefs de départements (le ministre de l’Intérieur est le chef du département de… l’intérieur !)

Les ministres sans portefeuille

Ce sont de « vrais » ministres qui engageaient leur responsabilité politique mais ne voulaient pas de département. Ces ministres ont surtout exercé pendant l’entre-deux-guerres mais aujourd’hui, avec la limitation du nombre de ministres à 15 (article 99§1), il y a peu de chance qu’on y ait recours aujourd’hui.

Les Premier et vice-premiers ministres Le premier ministre n’existe pas au 19ème siècle. C’est une objection constitutionnelle : le Roi nommait ses ministres et tous étaient en couronne autour de lui ; aucun ne se mettait en avant. En 1920, le premier ministre apparaît et dès 1929, ses tâches augmentent tellement qu’il n’est plus attaché à aucun département. La constitution reste toutefois assez elliptique, allusive quant à ce dernier. Le terme y apparaît pour la première fois, presque par hasard, à propos de la parité linguistique des ministres (article 99§2). Le terme y figure également dans deux autres textes de 1993 (articles 46 et 96), presque par hasard également. Le premier ministre a un rôle tout de même conséquent et de manière générale, il

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-154

q Enfante le gouvernement. En effet, le formateur devient généralement le premier ministre (il existe toutefois quelques exceptions à ce principe)

q Elabore la déclaration de politique gouvernementale q Est barre de tous les événements q « Enterre » le gouvernement

La personnalité du premier ministre compte énormément. W. Martens, par exemple, était considéré comme un « notaire », J.L. Dehaene a instauré un régime quasi-présidentiel et s’est occupé beaucoup de politique internationale, et G. Verhofstadt est une personne ouverte mais quelque peu chaotique. Chaque premier ministre impose ainsi ses marques. Les vices-premiers ministres représentent les différentes tendances du gouvernement. Il n’y a pas de base constitutionnelle à leur existence et l’expression apparaît seulement dans l’arrêté royal de nomination.

Les secrétaires d’Etat

La base constitutionnelle de leur existence est dans l’article 104. Article 104 Le Roi nomme et révoque les secrétaires d'État fédéraux. Ceux-ci sont membres du Gouvernement fédéral. Ils ne font pas partie du Conseil des ministres. Ils sont adjoints à un ministre. Le Roi détermine leurs attributions et les limites dans lesquelles ils peuvent recevoir le contreseing. Les dispositions constitutionnelles qui concernent les ministres sont applicables aux secrétaires d'État fédéraux, à l'exception des articles 90, alinéa 2, 93 et 99.

q Historique Pendant la seconde guerre mondiale, le gouvernement de Londres, en vertu de la fiction combinée de l’interrègne et de l’impossibilité de régner, concentrait en ses mains tous les pouvoirs. Afin de pouvoir faire face à cette masse de travail, ils auraient dû nommer de nouveaux ministres. Toutefois, il était difficile pour eux de prendre cette initiative tant il jugeait que c’était une étroite prérogative royale. Ils ont dès lors qualifié de secrétaires d’état72 des hauts fonctionnaires. Dans les années 1960, la taille du gouvernement explose, allant jusqu’à 36 membres. Il y a donc eu nécessité d’établir une hiérarchie au sein du gouvernement. Ainsi furent créés les secrétaires d’Etat, « ministres »

72 Cette appellation nous vient de l’Angleterre où, à côté du cabinet ministériel (Downing Street), existent dans le gouvernement fort étendu britannique des , existent dans le gouvernement fort étendu britannique des young ministers, jeunes ministres, ne faisant pas partie du cabinet mais bien du gouvernement. Il s’agit d’un apprentissage pour des jeunes politiques de talent.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-155

adjoints au ministre. Ce qui est une objection constitutionnelle en vertu du principe d’égalité entre les ministres. En 1970, une nouvelle disposition, l’article 104, relative à ces secrétaires d’Etat est introduite. C’est d’ailleurs l’une des rares dispositions de la révision de 1970 qui ne soit pas communautaire. Il est d’autant plus intéressant qu’on peut observer un changement, certes minime, mais non moins significatif. En 1831, le constituant écrit « Le Roi nomme et révoque ses ministres », proposition impérative, il doit le faire. En 1970, il écrit « Le Roi nomme et révoque les secrétaires d’Etat fédéraux » et vu qu’ils sont adjoints aux ministres, il les nommes s’il le veut. C’est une proposition déclarative 73 dans ce cas.

q L’article 104 § 2 et l e Conseil du gouvernement

Les secrétaires, membres du gouvernement fédéral, ne font pas partie du Conseil des ministres mais bien du conseil du gouvernement, institution rare mais qui existe. Il est réuni surtout afin d’élaborer la déclaration gouvernementale ou encore pour enterrer le gouvernement. Mais il reste que les secrétaires d’Etat sont subordonnés à la tutelle du ministre.

q L’article 104 § 3 et les conditions du contreseing

Le roi inscrit dans un arrêté royal les cas où les secrétaires d’Etat reçoivent le pouvoir de donner, seuls, leur contreseing et d’engager ainsi leur responsabilité politique (ex. projets de lois, arrêté de règlement avec 2 contreseings, celui du ministre et du secrétaire d’état)

q L’article 104 § 4 et ses exceptions Quand on lit « ministres » dans la Constitution, on peut remplacer l’expression par « secrétaires d’état » car le même régime juridique leur est appliqué. Il existe toutefois quelques exceptions notables : les articles 90§2, 93, vieilles dispositions, et surtout l’article 99, de 1970, sur la parité au Conseil des ministres74, l’une des rares dispositions de 1970 sans impact communautaire.

Remarque : Les commissaires de gouvernement : Institution ambiguë créée par Guy Verhofstadt. Ce ne sont ni des fonctionnaires, ni des secrétaires d'Etat. Ils sont de nature ambiguë car s'il l'on suit l'article 51, ils devraient cesser de siéger. Y a-t-il respect de la Constitution ? En partie, leurs fonctions étant temporaires mais la réponse reste fort dubitative.

73 Un peu de grammaire de temps en temps, ça ne fait pas de mal. 74 Il est à noter que comme les Flamands nous ont « accordé » la parité au Conseil des ministres, et comme ils sont plus nombreux, les secrétaires d’Etat ne sont pas soumis à ce régime de parité. C’est pour cela que le secrétaires d’Etat flamands sont plus nombreux que les Francophones.

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b. Le Conseil des Ministres

Le Conseil des Ministres se réunit tous les vendredis. Il y a un fossé entre la vision juridique du Conseil des Ministres75 et son importance politique. Le Conseil des Ministres apparaît dans la Constitution dans les 5 articles suivants :

q à la mort du Roi (article 90) q pour constater l’impossibilité de régner (article 93) q à propos de la parité au sein de celui-ci (article 99) q à propos des secrétaires d’Etat qui n’y siègent pas (article 104) q à l’article 5476

Compétences

1. une coutume constitutionnelle veut que le Conseil d’Etat soit une simple instance d’avis. Dans l’entre-deux-guerres, une distance s’est faite par rapport à cette vision théorique. D’ailleurs, aujourd’hui, quand le Conseil des Ministres annonce ses décisions, il ne parle plus d’avis mais de décisions prises.

2. Prérogatives juridiques : lois qui donnent compétence juridique au Conseil

des Ministres. q Lois exigeant que l’arrêté royal pris par habilitation en vertu de ces lois

doive être délibéré en Conseil des Ministres. Ces lois sont d’ailleurs peut-être anticonstitutionnelles.

q Le but politique de cette prérogative est que les avant-projets de lois soient discutés en Conseil des ministres et que chaque aile de la coalition puisse donner son avis sinon annulable ou exception d’illégalité.

q Loi sur la Cour des Comptes : si cette dernière refuse une dépense car la trouve illégale, le Conseil des Ministres peut ordonner la mise sous réserver (lui ordonne de payer) et au pire, la contraindre.

Le reste vient de coutumes constitutionnelles. Il n’est toutefois pas évident de distinguer pratique, coutume, juridique.

75 Il est également à noter que l’expression diffère parfois dans la Constitution. Entre le Conseil des Ministres et les ministres réunis en Conseil, il y a nuance. 76 Article 54 Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d'un des groupes linguistiques et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi qu'elle désigne sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés. Dans ce cas, la procédure parlementaire est suspendue et la motion est déférée au Conseil des ministres qui, dans les trente jours, donne son avis motivé sur la motion et invite la Chambre saisie à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition éventuellement amendés. Cette procédure ne peut être appliquée qu'une seule fois par les membres d'un groupe linguistique à l'égard d'un même projet ou d'une même proposition de loi.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-157

Par exemple, l’obligation pour les projets de lois d’être délibérés en Conseil des Ministres est du droit coutumier. Par contre, dans la gestion de son département, le ministre peut juger opportun de se pourvoir en cassation contre une décision. Mais que se passe-t-il dès lors que le pourvoi porte sur une matière délicate et qu’il a un impact politique ? Dans la pratique, on délibère la question en Conseil des Ministres mais il n’existe aucune coutume constitutionnelle l’imposant. C’est le risque d’avoir une Constitution « coutumière77 ».

Le mode de délibération : le consensus

Le Conseil des Ministres délibère selon le consensus, évoqué, non pas dans la Constitution, mais à l’article 69 de la loi spéciale du 8 août 1980 qui décrit le fonctionnement des gouvernements de région et de communauté selon la procédure du consensus, suivie au Conseil des Ministres. Le consensus implique que tous les problèmes doivent être évoqués ensemble, qu’il n’y a pas de vote (sinon à quoi servirait une coalition) mais il est certain qu’il n’y a pratiquement jamais unanimité. C’est une unanimité de façade. En conseil des Ministres, on pèse le pour et le contre et on réfléchit à ce qui va se décider est globalement positif78. Il est nécessaire également qu’il y ait une solidarité entre les ministres. Toute décision prise, le ministre contraire doit en principe fermer son « expression ». D’ailleurs, soit il s’incline, soit il démissionne (règle de base du régime parlementaire). Tant que les décisions sont globalement positives, les ministres doivent rester soudés. S’il n’y a pas consensus entre eux, 3 hypothèses se présentent. 1. le ou les ministres qui marquent leurs dissensions présentent leurs

démissions. Si le gouvernement peut continuer à travailler, il le fera mais amputé d’une de ses ailes.

2. le gouvernement n’a plus la majorité au Parlement. Des dissensions

s’élaborent au sein du gouvernement et il implose. 3. les ministres marquent leurs dissensions mais ne quittent pas le

gouvernement (ce cas s’est présenté deux fois avec en 1977, le RW, et en 1980, le FDF). Comme la constitution le dit, Le roi nomme et révoque ses ministres. Dès lors, le premier ministre a demandé au Roi de révoquer les mauvaises têtes (qui de toute manière n’étaient pas nécessaires à la majorité gouvernementale). Comble de l’hypocrisie : dans l’arrêté royal, il était inscrit démission a été accordée à… , alors qu’ils ne l’avaient même pas demandé.

77 « coutumière » est entendu ici comme très floue ce qui peut donner lieu à la flexibilité qu’on lui connaît mais également à des incertitudes. 78 Expression du communiste Marchais (Fr)

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Parité linguistique : article 99, alinéa 2

Dans la révision de 1970, ce qui frappe le plus est la mise sur pied de mécanismes paritaires (L.S., sonnette d’alarme, les 2 communautés définies, parité au conseil des ministres) : les assemblées sont dépassées par l’exécutif, ce qui entraîne la demande de parité au conseil des Ministres et qui va garantir au mieux la représentation francophone. Dès lors, en 1993, lors de la réforme du Sénat, les francophones veulent en faire un sénat fédéral avec parité des membres ; les Flamands refusent estimant qu’ils avaient déjà accordé la parité au Conseil des Ministres. Le nombre des ministres est impair, ce qui n’est évidemment pas un hasard. La parité est d’application, exception faite du premier ministre79. Ce qui peut donner lieu à quelques situations surréalistes. Ex. Le gouvernement donne sa démission au Roi et expédie les affaires courantes. Un hasard fait que 2 autres ministres doivent démissionner, mais à titre individuel cette fois. L’article 99 impose au gouvernement de retrouver dans les meilleurs délais la parité au sein du Conseil des Ministres. En pratique, dans un tel cas, on promulguera les secrétaires d’Etat fédéraux. Ex. Que se passe-t-il dans le cas où un des ministres est bilingue (de famille mixte, par exemple) ou qu’un autre est germanophone ? On observe ici un dogme belge. Il n’y a pas de sous-nationalité pour la population mais bien dans la Constitution, voire ici un caractère ethnique.

79 Les deux derniers premiers ministres francophones étaient Vanden Boynans (gouvernement de 116 jours, en 78/79) et Leburton (en 73-74 pour un gouvernement de 575 jours)

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c. Responsabilité gouvernementale

Responsabilité politique collective

Cette responsabilité est à peine évoquée dans la Constitution. Les ministres sont responsables mais devant qui ? Ce système a toutefois fonctionné. En 1831, la Constitution est très elliptique à ce propos. En 1993, on distingue la responsabilité politique du gouvernement de l'individuelle. On essaye de "rationaliser" (cf. articles 46 et 96). De plus, cette responsabilité s'exerce devant la Chambre, ce qui est, ici, une vraie rationalisation.

Responsabilité politique individuelle

La responsabilité individuelle est quant à elle évoquée à l'article 101, al.1, article qui conserve le vieux schéma de 1831, et à l'article 100, où la Chambre peut requérir la présence de membres du gouvernement et le Sénat demander. En conclusion, seule la Chambre exerce la responsabilité politique à titre individuel. q "On ne veut pas de vous"

La responsabilité individuelle n'est ni civile, ni pénale, ni disciplinaire, ni morale : c'est une responsabilité politique et uniquement politique. C'est dire "on ne veut plus de vous". "Je n'aime pas les Hommes qui n'ont pas de chances" (Napoléon) q Entre rationalité et irrationnalité Cette responsabilité politique individuelle est à la fois rationnelle et irrationnelle. Irrationnel dans le sens où s'il y a trop de problèmes, le gouvernement se décharge sur un bouc-émissaire. Rationnel également car le fait de ne pas avoir fait une chose met en péril son autorité (ex. évasion de Dutroux) En théorie, la Chambre des Représentants pourrait voter une motion de méfiance (ministres responsables devant l'opinion publique, représentée par la Chambre des Représentants). q Du "refus de démissionner" … En 1980, les ministres sont indéboulonnables (ex. Nothomb et le Heysel). En effet, à cette époque, la mentalité de la société différait. Si le ministre était mis en cause, il en appelait à son parti et si ce dernier couvrait le ministre, le refus de démission mettait le gouvernement entier en péril.

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q … A "démission sur démission" Depuis l'affaire Dutroux et les "dysfonctionnements", on assiste à une recherche éperdue de la vérité. Le climat social a fortement changé et les ministres, au contraire des années 1980, démissionnent assez rapidement. Déjà, des critiques s'élèvent. Ils démissionnent trop (en réalité, les ministres subissent à la fois la pression des autres membres du parti et des pressions plus fortes afin de combler la population). Toutefois, après avoir démissionné, ils retrouvent leurs sièges de parlementaires et attendent le prochain gouvernement.

Système de responsabilité juridique spéciale des ministres : article 103

L'article 103 existe depuis 1831 et n'a jamais été modifié ni ouvert à révision avant 1995. Il a finalement été révisé le 12 juin 1998. L'ancien système perdura donc pendant 167 ans 80. Il fallait départager les zones d'influence du juge et du politique. Il est à noter que les révisions des articles 59 et 103 sont des révisions convergentes évoquant une réflexion politique, la mutation de l'équilibre du pouvoir et un retour partiel au droit commun. Article 103 Les ministres sont jugés exclusivement par la cour d'appel pour les infractions qu'ils auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions. Il en est de même des infractions qui auraient été commises par les ministres en dehors de l'exercice de leurs fonctions et pour lesquelles ils sont jugés pendant l'exercice de leurs fonctions. Le cas échéant, les articles 59 et 120 ne sont pas applicables. La loi détermine le mode de procéder contre eux, tant lors des poursuites que lors du jugement. La loi désigne la cour d'appel compétente, qui siège en assemblée générale, et précise la composition de celle-ci. Les arrêts de la cour d'appel sont susceptibles d'un pourvoi devant la Cour de cassation, chambres réunies, qui ne connaît pas du fond des affaires. Seul le ministère public près la cour d'appel compétente peut intenter et diriger les poursuites en matière répressive à l'encontre d'un ministre. Toutes réquisitions en vue du règlement de la procédure, toute citation directe devant la cour d'appel et, sauf le cas de flagrant délit, toute arrestation nécessitent l'autorisation de la Chambre des représentants. La loi détermine la procédure à suivre lorsque les articles 103 et 125 sont tous deux applicables. Aucune grâce ne peut être faite à un ministre condamné conformément à l'alinéa premier qu'à la demande de la Chambre des représentants. La loi détermine dans quels cas et selon quelles règles les parties lésées peuvent intenter une action civile. Disposition transitoire Le présent article n'est pas applicable aux faits qui ont fait l'objet d'actes d'information ni aux poursuites intentées avant l'entrée en vigueur de la loi portant exécution de celui-ci. Dans ce cas, la règle suivante est d'application : la Chambre des représentants a le droit de mettre en accusation les ministres et de les traduire devant la Cour de cassation. Cette dernière a seule le droit de les juger, chambres réunies, dans les cas visés dans les lois pénales et par application des peines qu'elles prévoient. La loi du 17 décembre 1996 portant exécution temporaire et partielle de

l'article 103 de la Constitution reste d'application en la matière.

80 Il convient ici de remarquer que l'article 59 sur la levée de l'immunité parlementaire et ouvert à révision en 1995, modifié en 1997, a une durée de vie de 166 ans.

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q Disposition transitoire de l'article 103 L'ancienne disposition se trouve presque mot pour mot dans la disposition transitoire de l'article 103 al.2, qui date de 1831 : "Jusqu'à ce qui lui soit pourvu par une loi, la Chambre des Représentants aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre et la Cour de Cassation pour le juger en caractérisant le délit et en statuant la peine". La loi doit donc fixer procédure, délits et peines. Cette disposition constitutionnelle originaire est une abomination : le pouvoir discrétionnaire est évidemment contraire aux principes de base du droit pénal et à l'article 7 de la CEDH (légalité des peines et des délits) En 1993, on a modifié la seule disposition transitoire. Il y a 7 ans, le Constituant en modifiant cette disposition, voulait la garder vu qu'on la mettait en concordance avec les principes pénaux. L'ancien article 90 est ambigü. En 1831, le régime de la responsabilité politique devant la Chambre n'était pas évident. La différence entre les deux régimes était assez floue. q 2 applications 1/ L'article n'est pas vraiment applicable. Auparavant, si un ministre de la guerre perdait une bataille, la Chambre des Représentants l'accusait et la Cour de Cassation le jugeait. (Affaire Chazal : le ministre de la guerre se bat en duel avec un parlementaire) Toutefois, ce genre de problème de responsabilité, on s'en moque : il n'y eut pas (ou peu) d'application de l'ancien article 90. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que même si cet article est une vieille hallebarde, tout peut arriver (cf. le nombre d'enquêtes parlementaires qui a décollé depuis l'incident du Heysel) comme nous allons le voir ci après. 2/ Finalement, fin des années 1980, avec la loi sur le financement des partis, on change de donne. Le problème n'est plus de perdre ou gagner des guerre mais de ramasser des fonds. Ainsi la Cour de Cassation a rendu quelques arrêts célèbres à ce sujet (Affaire I.N.U.S.O.P. 81, Affaire Agusta-Dassault 82, Affaire Agusta-Dassault II 83). Le problème est revenu ainsi à l'avant-plan de l'actualité. Les affaires mettent en lumière que les institutions ne s'usent que lorsqu'on s'en sert.

81 Cf. doss.doc, tome 1, page 159 82 Cf. doss.doc, tome 1, page 164 83 Cf. doss.doc, addendum, page 16

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-162

q Défauts

q Le régime de l'ancien article 90 est imparfait : il fait appel à la loi, qui ne fut jamais écrite car (1) politiquement gênant (2) techniquement peu aisé. La Cour de Cassation va donc juger sans lois et sera donc gênée par la procédure. A ce propos, d'ailleurs, la Belgique a été condamnée par la CEDH pour avoir négligé d'avoir une procédure équitable dans ce cas-là.

a) Un ministre fait une infraction mais a des coauteurs, complices,

etc. à La Cour de Cassation n'aurait pas pu faire autrement que de les traiter tous ensemble.

b) La Cour de Cassation est une bonne juridiction mais les

conseilleurs ne s'occupent que peu des faits, ce sont en réalité de purs juristes et sont donc un peu décalés. Ce qui peut être un problème quand il s'agit de juger au fond des affaires.

c) La Chambre accuse : c'est bon pour les infractions théâtrales mais

aussi non, qui va instruire le dossier ? Le parquet ? Mais la demande d'autorisation à la Chambre impliquerait des dossiers vides et des critiques à l'encontre du Ministère Public, du style Le ministère public cherche à abattre l'homme médiatiquement.

Toutefois en 1993, le Constituant envisage tout de même de la mettre en œuvre la disposition vu qu'il modifie la disposition transitoire afin qu'elle soit conforme aux principes pénaux. On révise par la même occasion l'article 125 afin de rendre applicable ce régime aux membres des gouvernements des Régions et des Communautés. Ce régime montre finalement ses vices en 1996 avec le dossier "Di Rupo". Dès lors, 2 lois d'application de l'article 103 furent votées et en 1998, on considère le dossier mûr pour enfin réviser l'article. Cette révision eut lieu le 12 juin 1998. L'article exige des lois d'application comme dans l'ancienne disposition. Le vote de ces lois est rapide : il s'agit de lois monocamérale pour l'article 103 et spéciale pour l'article 125. Ce qui est intrigant à remarquer, c'est que la loi d'application de l'article 103 est une loi visée à l'article 74, al.2 et que la loi d'application de l'article 125 est une loi spéciale : tout ce qui concerne les entités fédérées est important, d'où l'utilisation des lois spéciales. Il est à noter que l'article 103 en vigueur depuis juin 1998, les affaires en cours devant la Cour de Cassation ne pourront pas en bénéficier : on ne change pas en effet les règles en cours de partie.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-163

q Structure globale

1. On ne s'écarte du droit commun que si vraiment c'est nécessaire (principes de légalité et d'impartialité)

2. On se rapproche du régime de l'article 59 et on déplace le filtre politique vers l'aval. La Chambre n'accusera plus les ministres, autorisera seulement certains actes.

3. Il existe cependant quelques différences par rapport à l'article 59 : a. L'article 103 peut s'appliquer pour des gens qui ne sont

plus ministres, dans certains cas. L'article 59 ne peut s'appliquer que quand les personnes visées sont parlementaires, et seulement quand ils sont en session.

b. Pas de juridiction particulière : on suit la procédure de droit commun ; c'est la cour d'appel qui est indiquée dans la Constitution.

c. Article 59 est self-sufficient et l'article 103 nécessite des lois d'applications.

q Alinéa 1

§1. Les ministres sont jugés exclusivement par la cour d'appel pour les infractions qu'ils auraient commises dans l'exercice de leurs fonctions . Il en est de même des infractions qui auraient été commises par les ministres en dehors de l'exercice de leurs fonctions et pour lesquelles ils sont jugés pendant l'exercice de leurs fonctions. Le cas échéant, les articles 59 et 120 ne sont pas applicables. Il y a donc un critère matériel (dans…) et un critère temporel (pendant…). Hypothèses visées : q un ministre commet une infraction dans l'exercice de ses fonctions à

n'importe quel moment de l'instruction : régime de l'article 103 applicable.

q S'il la commet hors de l'exercice de la fonction de ministre, l'article 103 n'est pas applicable sauf s'il est ministre au moment de l'instruction. S'il démissionne, il n'est plus couvert par l'article.

q Les infractions commises ne sont pas des délits de vie privée, certaines infractions commises dans le cadre de la fonction de ministre comme celles citées aux articles 101§284.

q Il est à noter que les articles 59 et 120 ne s'appliquent pas. Exemple: Une personne commet une infraction (critère matériel). Dans le futur, elle n'est plus ministre, redevient parlementaire, et est donc, par ce fait, couvert par l'article 59. L'infraction est découverte. On va lever toutefois l'immunité parlementaire car dans ce cas là la protection de l'article 103 exclut celle de l'article 59.

84 Article 101§2 Aucun ministre ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions émises par lui dans l'exercice de ses fonctions.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-164

q Alinéa 2

§2. La loi détermine le mode de procéder contre eux, tant lors des poursuites que lors du jugement. C'est une loi monocamérale (// article 125, al.2)

q Alinéa 3

§3. La loi désigne la cour d'appel compétente, qui siège en assemblée générale, et précise la composition de celle-ci. Les arrêts de la cour d'appel sont susceptibles d'un pourvoi devant la Cour de cassation, chambres réunies, qui ne connaît pas du fond des affaires.

C'est donc la Cour d'Appel, désormais compétente (en réalité c'est surtout celle de Bruxelles). Toutes les décisions sont susceptibles d'un pourvoi en cassation. Auparavant, c'était la Cour de Cassation qui jugeait au fond les ministres. On reprochait à la Belgique de ne pas permettre un deuxième jugement (aujourd'hui, le Constituant ne le permet pas plus : la Cassation n'est pas une seconde instance de jugement; cf. article 14§5 Pacte ONU qui impose la possibilité d'un appel – il est à noter que la Belgique a introduit une réserve à ce sujet) Remarque : les articles 111 et 147,§2

Article 111: Le Roi ne peut faire grâce au ministre ou au membre d'un Gouvernement de communauté ou de région condamné par la Cour de cassation, que sur la demande de la Chambre des représentants ou du Conseil concerné. Au moment de la révision de l'article 103, en 1993, le Constituant n'a pas pris la révision de réviser ces deux articles qui permettent à la Cour de Cassation de juger au fond à il y a, une nouvelle fois, contradiction dans la Constitution. Finalement, le 1er ministre a déclaré ces articles dans la nouvelle déclaration de révis ion de la Constitution et l'article 147,§2 a été révisé le 16 mai 2000 (MB 27 mai 2000 pour biffer (…) sauf jugement des ministres) Article 147 : Il y a pour toute la Belgique une Cour de cassation. Cette Cour ne connaît pas du fond des affaires.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-165

q Alinéa 4

§4. Seul le ministère public près la cour d'appel compétente peut intenter et diriger les poursuites en matière répressive à l'encontre d'un ministre. C'est le pendant presque exact de l'article 59, al.4 : Pendant la durée de la session, seuls les officiers du ministère public et les agents compétents peuvent intenter des poursuites en matière répressive à l'égard d'un membre de l'une ou l'autre Chambre.

q Alinéa 5

§5. Toutes réquisitions en vue du règlement de la procédure, toute citation directe devant la cour d'appel et, sauf le cas de flagrant délit, toute arrestation nécessitent l'autorisation de la Chambre des représentants. C'est évidemment un filtre, un filtre vers l'aval, mais un filtre tout de même. Toute citation directe nécessite l'autorisation de la Chambre. C'est l'équivalent de l'article 59, al.1 mais ce parallèle n'est pas parfait, il existe des divergences :

q Article 59 : renvoi par juge d'instruction q Article 103 : réquisition en vue du règlement de la procédure =

demande du Ministère Public devant la Chambre des Représentants ; la chambre des mises décidera oui ou non de renvoyer et si le Procureur Général demande le non-lieu, le constituant exige l'autorisation de la Chambre des Représentants. La chambre des mises pourra tout de même décider de renvoyer, malgré la demande du Procureur général.

o Afin d'éviter les dérapages, c'est seulement dans les cas où

il manque d'indices sérieux, ou qu'il y volonté manifeste du Parquet, que la Chambre des Représentants refusera son autorisation.

o Si la Chambre des Représentants refuse son autorisation, il

y a blocage définitif si l'infraction se déroule quand la personne concernée est toujours ministre:la personne sera toujours couverte par l'article 103 ; il y a blocage en suspens si l'infraction se déroule hors de son statut de ministre.

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44LES ORGANES Le pouvoir exécutif-166

q Alinéa 6

§6. La loi détermine la procédure à suivre lorsque les articles 103 et 125 sont tous deux applicables. C'est d'un langage hermétique. Hypothèse où les critères matériel et temporel seraient réunis et que le ministre fédéral aurait commis une infraction, il serait couvert par l'article 103, s'il a été membre du gouvernement fédéral et des gouvernement des Régions ou des Communautés, s'il est poursuivi dans ce cas-là, c'est le régime matériel qui l'emporterait sur le temporel et donc que ce serait l'article 103 qui le couvrirait et non l'article 125.

q Alinéa 7

§7. Aucune grâce ne peut être faite à un ministre condamné conformément à l'alinéa premier qu'à la demande de la Chambre des représentants.

q Alinéa 8

§8. La loi détermine dans quels cas et selon quelles règles les parties lésées peuvent intenter une action civile. Ce dernier alinéa est certainement le plus important. C'est l'exercice de l'action civile. La loi visée ici est une loi d'application monocamérale, celle visée à l'article 74 qui doit porter sur la responsabilité civile et pénale des ministres. Mais cette loi ne règle rien sur la responsabilité civile, hors la doctrine estime que, comme il n'y a pas de loi la réglementant, il y a lacune. S'il y a infraction et en même temps faute civile (ex. dommage), la doctrine est que la responsabilité civile devant être réglée par la loi, et que la loi n'existe pas, sa responsabilité civile ne peut être mise en cause et il n'y aura pas de dommages et intérêts. S'il y a faute civile mais pas d'infraction par un ministre dans l'exercice de ses fonctions, la responsabilité personnelle tombe dans le champs d'application de l'article 103. Dès lors, pas de loi, pas de recours de la victime contre le ministre, ce qui est contraire à l'article 6 CEDH.

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