DRC2500_Mémoire de plaidoirie_APPELANTS ÉQUIPE 5 FINAL note de bas de page
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HAUTE COUR DE DERNIÈRE INSTANCE
En appel de la Cour d’appelde la Province de Québec
ENTRE: MOUVEMENT LAÏQUE QUÉBÉCOIS,
ALAIN SIMONEAU
APPELANT – demandeurs
ET: VILLE DE SAGUENAY
JEAN TREMBLAY
INTIMÉ - défendeurs
MÉMOIRE DE L’APPELANT
STÉPHANIE DESJARDINS
DIMITRI ST-JULIEN
DAVID LECLAIR
Procureurs de l’appelant
KONSTANTINA VATHIS
JOSEPH ZEIDAN
Procureurs de l’intimé
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REMISE DU MÉMOIRE
____________________DRC 2500 B – SÉMINAIRE DE PLAIDOIRIE _________________
NOMS DES ÉTUDIANTS: Stéphanie Desjardins ____________
Dimitri St-Julien________________
David Leclair ___________________
COTE ET SECTION DU COURS: DRC2500B______________________
NOM DU PROFESSEUR: M. Louis-Philippe Rouillard________
À une date déterminée par le doyen adjoint dans les sept semaines de la date de remise du
jugement aux étudiants, ces derniers doivent produire au greffe quatre exemplaires d'un
mémoire exposant leurs prétentions :
(une copie pour le greffe, une copie pour chaque membre de l’équipe adverse et une copie pour
le professeur)
MEMBRES DE L’ÉQUIPE ADVERSE :
1. Konstantina Vathis___________________________
2. Joseph Zeidan_______________________________
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TABLE DES MATIÈRES
PARTIE I
Exposé des faits
A) L’appel (Stéphanie) 1
B) L’historique des faits (David) 1
PARTIE II
Question en litige (Stéphanie) 4
PARTIE III
Argumentation 1) Le caractère religieux de la prière (Dimitri) 19
2) Le caractère discriminatoire du règlement (Dimitri)………………………….21
3) La présence d’objets religieux dans les salles du conseil municipal 16
4)
PARTIE IV
Décision demandée (Dimitri) 31
PARTIE V
Bibliographie 32
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1 Mémoire des appelants Exposé des faits
PARTIE I
EXPOSÉ DES FAITS
L’appel
Il s'agit d'un appel à la Haute Cour de dernière instance à l'encontre d'un jugement
majoritaire de la Cour d’appel du Québec rendu le 27 mai 2013, infirmant un jugement rendu par
l’honorable Michèle Pauzé du Tribunal des droits de la personne, le 9 février 2011, dans lequel il
avait conclu que les intimés Ville de Saguenay et Jean Tremblay avaient porté atteinte de façon
discriminatoire aux droits de l’appelant Alain Simoneau, et ce, contrairement aux articles 3, 4,
10, 11 et 15 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Il avait aussi déclaré inopérant et sans effet le Règlement VS-R-2008-40 (le «règlement»)
adopté par les intimés et ordonné aux intimés et aux membres du conseil municipal de l’intimée,
à ses officiers et préposés, de cesser de réciter la prière mentionnée au règlement, lors des
délibérations publiques du conseil municipal, et leur a enjoint de retirer dans chacune des salles
où se réunit le conseil tout symbole religieux, y comprit une statue du Sacré-Cœur et un crucifix.
Il avait finalement condamné solidairement les intimés à verser à l’appelant Alain
Simoneau 15 000$ pour des dommages moraux et 15 0009$ à titre de dommages punitifs avec
les intérêts en plus de l’indemnité additionnelle et les dépens, incluant les frais d’expert du
témoin Daniel Baril.
Historique des faits
M. Alain Simoneau est un citoyen de la Ville de Saguenay depuis 2003. Depuis 2006, il
s’intéresse à la politique municipale et c’est à ce moment qu’il commence à assister aux séances
du conseil de la ville ainsi qu’à regarder les séances diffusées sur la chaîne de télévision
communautaire.
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2 Mémoire des appelants Exposé des faits
Dans sa vie personnelle, M. Simoneau n’est d’aucune croyance religieuse, s’étant lui-
même déclaré athée à l’âge de 14 ans et ayant éventuellement expédié un acte d’apostasie au
diocèse de Montréal afin de rompre tous les liens qu’il avait avec la religion.
Lorsque M. Simoneau assiste aux séances du conseil de la Ville de Saguenay, il s’y
présente en avance afin de pouvoir choisir son siège et de consulter l’ordre du jour. La séance du
conseil débute lorsque le maire de la Ville de Saguenay, M. Jean Tremblay, rejoint les conseillers
déjà en place dans la salle. Tous les conseillers ainsi que le maire se tiennent alors debout devant
l’audience, puis le maire indique à cette dernière qu’il s’apprête à prononcer la prière du conseil.
Lors de sa récitation, certains citoyens choisissent de se lever, alors que d’autres préfèrent rester
assis. M. Simoneau ne se lève pas lors de la récitation, et personne ne lui aurait fait de
commentaires par rapport à cela.
M. Simoneau se dit ouvert d’esprit et accepte le fait que d’autres personnes puissent avoir
des convictions et croyances religieuses différentes de la sienne. Cependant, lors de la récitation
de la prière au conseil de la Ville de Saguenay, il ne peut s’empêcher de se sentir isolé, voir mis à
l’écart du fait que le conseil municipal affiche publiquement une croyance différente à la sienne.
M. Simoneau, qui est un intervenant fréquent au conseil lors de la période des questions,
demanda au maire s’il avait l’intention de cesser la récitation de la prière lors de l’ouverture des
séances du conseil lors de la période des questions de la séance du 4 décembre 2006. Le maire
refuse de porter la matière à réflexion, et affirme que la récitation de cette prière est issue de la
tradition du conseil et qu’elle resterait en place. M. Simoneau affirme alors son intention de
porter une plainte formelle devant la Commission des droits de la personne si le maire refuse de
cesser la récitation de la prière, ce à quoi le maire lui répond qu’il n’y a pas encore eu de plainte.
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3 Mémoire des appelants Exposé des faits
Suite à son intervention le 4 décembre 2006 et à l’inaction conséquente du maire, M.
Simoneau dépose une plainte à la CDPDJ le 22 mars 2007.
Les éléments combinés de son intervention lors de la séance du 4 décembre 2006, le
dépôt de la plainte à la CDPDJ ainsi que le processus judiciaire y étant rattaché ont causés à M.
Simoneau plusieurs inconvénients. Il est victime de menaces téléphoniques, y compris des appels
tard dans la nuit, est l’objet de propos désobligeants sur son lieu de travail puisqu’il est reconnu
par la clientèle, et affirme également se sentir constamment dévisagé.
M. Simoneau continue malgré tout de s’investir dans la politique municipale de la ville et
assiste toujours de façon régulière aux séances du conseil. Lors d’une de ses séances, le 19
décembre 2007, il est identifié par le maire, alors qu’il lui posait une question relative au plan
triennal d’immobilisation, comme étant le citoyen ayant déposé la plainte contre le conseil à la
CDPDJ. Le maire tient également des propos discriminatoires à son égard, se moquant de ses
croyances religieuses en l’invitant à aller fêter Noël.
D’autres incidents reliés à la plainte de M. Simoneau à la CDPDJ ont eu lieu.
Notamment, M. Simoneau retrouva dans son véhicule, après avoir eu recours aux services d’un
lave-auto, des petites croix en bois sur lesquels étaient inscrites des expressions telles que
« Simoneau», « le converti », « Simoneau, le catholique », « le citoyen d’abord ». Suite à ces
incidents, M. Simoneau allègue avoir éprouvé des difficultés à dormir. Il déplore également que
le processus judiciaire ait eu des répercussions négatives sur sa famille, en particulier sa
conjointe. Une des principales doléances de M. Simoneau consiste en ce que l’attitude du maire
l’ait forcé à dévoiler publiquement son incroyance religieuse.
Le conseil de la Ville de Saguenay adopte un règlement en novembre 2008 dans lequel
est inclut le texte de la prière officiel du conseil. Il y est également prévu qu’une période de deux
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4 Mémoire des appelants Exposé des faits
minutes aura lieu entre la fin de la récitation de la prière et l’ouverture officielle de la séance,
ajouté afin d’accommoder les citoyens qui, comme M. Simoneau, ne désire pas entendre la
prière. Ni le maire ni les conseillers n’ont consulté les citoyens à savoir si le règlement adopté en
novembre 2008 et se voulant être un accommodement leur convenait.
Durant la tenue du processus judiciaire, le maire de la Ville a tenue des propos devant des
journalistes à l’effet qu’il menait ce combat judiciaire pour le Christ, affirmant que cela lui
permettrait d’être orgueilleux auprès du Seigneur lorsqu’il ira au paradis. Ces affirmations ont
d’ailleurs été confirmées par la suite lors d’un interrogatoire devant le Tribunal des droits de la
personne le 24 février 2010.
Les audiences devant la CDPDJ ont lieu les 31 mars, 1er et 2e avril 2009. Suite à ces
audiences, la CDPDJ décide de ne pas porter la plainte devant un tribunal. M. Simoneau décide
alors de communiquer avec le Mouvement laïque québécois afin de demander à cet organisme
s’il pouvait assumer les frais d'un procès. Une entente est donc conclut entre M. Simoneau et le
Mouvement laïque québécois, et l’affaire est portée devant le Tribunal des droits de la personne.
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5 Mémoire des appelants Questions en litige
PARTIE II
LES QUESTIONS EN LITIGE
1. Est-ce que la Cour d’appel a erré en droit en appliquant la norme de contrôle judiciaire de la
décision correcte, et sinon, a-t-elle erré dans son appréciation et des attitudes du maire en
excluant cet élément de son analyse?
Nous soutenons que la Cour a appliqué la norme de contrôle adéquate, mais qu’elle a erré à
l’étape de l’appréciation des attitudes du maire, en excluant complètement cet élément qui est au
cœur même de la règle de la neutralité de l’État.
2-La Cour a-t-elle erré en concluant à un caractère religieux négligeable de la prière, et
subsidiairement en écartant la prétention que la récitation d’une telle prière lors des séances du
conseil est discriminatoire?
Nous avançons que la Cour n’a su faire une analyse exhaustive de l’aspect religieux de la prière,
qui porte une atteinte non négligeable sur la base de la religion, entraînant du même fait l’aspect
discriminatoire du règlement.
3— Est-ce que la Cour a erré sur la question des signes religieux présents dans la salle lors des
séances du conseil en affirmant que ceux-ci n’avaient pas un caractère religieux et
discriminatoire?
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6 Mémoire des appelants Exposé des faits
Nous soutenons que les signes religieux présents lors des séances du conseil représentent des
symboles indissociables de la religion catholique, contrevenant ainsi à la règle de la neutralité de
l’État
4— La Cour a terré en ne tenant pas compte du caractère intentionnel et illicite de l’atteinte qu’a
subie l’appelant, et ainsi n’octroyant pas les dommages moraux et punitifs?
Nous prétendons qu’à travers les agissements de son représentant, l’État a délibérément entravé
la liberté de religion de l’appelant, permettant ainsi la réclamation de plein droit par M.
Simoneau de dommages moraux et punitifs.
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7 Mémoire des appelants Argumentation
PARTIE III
ARGUMENTATION
Les attitudes du Maire et la norme de contrôle judiciaire de la décision correcte
L’arrêt Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois est un arrêt de la Cour
d’appel (ci-après « la Cour »), qui statue, en appel du jugement Simoneau c. Tremblay, rendu par
Tribunal des droits de la personne (ci-après « le Tribunal »). Puisqu’il s’agit d’un tribunal
spécialisé, la Cour a d’abord eu à établir quelle était la norme de contrôle applicable en l’espèce.
La Cour a convenu que la norme de contrôle judiciaire à appliquer à la décision du
Tribunal en l’espèce était celle de la décision correcte. À la lumière des motifs soumis par la
Cour d’appel quant à l’appréciation de la norme de contrôle judiciaire à appliquer, nous sommes
d’avis que la Cour a effectivement appliqué la norme de contrôle judiciaire adéquate. Cependant,
nous considérons que la Cour a erré en droit lors de sa révision de la décision du Tribunal en
écartant certains éléments de preuves. Parmi les éléments fondamentaux écartés par la Cour
figurent les attitudes du maire Jean Tremblay. Cette omission de la Cour constitue une erreur de
droit qui se doit d’être rectifiée afin de respecter les principes établis en matière de révision
judiciaire par la norme de contrôle de la décision correcte. Les attitudes du maire dans sa
fonction d’élu municipal entraînent d’importantes considérations juridiques en droit public
québécois qui ne pouvaient être écartées. Cette omission de la part de la Cour vient donc vicier
une partie majeure de leur analyse quant à la neutralité de l’État et de ses représentants.
La norme de contrôle judiciaire de la décision correcte
La Cour fait l’analyse de la norme de contrôle judiciaire applicable aux paragraphes 35 à
37 de la décision contestée. Afin de supporter son analyse, la Cour se base sur une décision
récente de leur cour, Association des pompiers de Laval c. Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, dont l’analyse est elle-même basée sur la jurisprudence reconnue de
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8 Mémoire des appelants Argumentation
la Cour suprême. La Cour conclut son analyse en statuant que la norme de contrôle judiciaire
applicable en l’espèce est donc celle de la décision correcte1 :
[37] Ici, l'enjeu du pourvoi porte principalement sur le thème de la neutralité religieuse de l'État. Il s'agit d'une question d'importance pour le système juridique et pour laquelle le Tribunal ne possède pas une compétence exclusive. J'estime, compte tenu de la nature même de la question principale soulevée par cette affaire et des conséquences que sa réponse comporte, qu'il n'y a pas lieu de faire montre d'une déférence particulière à l'égard de l'expertise du Tribunal. C'est donc selon la norme de contrôle de la décision correcte que doit être tranché ce pourvoi.
Ainsi, comme nous l’avons précédemment mentionné, nous ne sommes pas en désaccord
avec l’appréciation de la Cour de la norme de contrôle judiciaire appropriée puisqu’elle entraîne
des répercussions en droit d’ampleur à justifier la substitution de la décision d’une cour
inférieure par celle d’une instance supérieure, comme confirmé par l’arrêt référence en matière
de contrôle judiciaire, l’arrêt Dunsmuir 2 :
[50] S’il importe que les cours de justice voient dans la raisonnabilité le fondement d’une norme empreinte de déférence, il ne fait par ailleurs aucun doute que la norme de la décision correcte doit continuer de s’appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit. On favorise ainsi le prononcé de décisions justes tout en évitant l’application incohérente et irrégulière du droit. La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.
Lorsqu’une cour effectue un contrôle judiciaire selon la norme de contrôle de la décision
correcte, elle se retrouve à ne faire preuve d’aucune déférence et substitue son jugement à celui
de l’instance inférieure. Ainsi, la cour effectuant la révision judiciaire se retrouve donc à devoir
1 Association des pompiers de Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA2 Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9
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9 Mémoire des appelants Argumentation
évaluer l’ensemble des éléments dont le juge de première instance a eu part afin d’y apporter sa
propre conclusion.
Les attitudes de M. le maire
Il fut amené à l’attention du Tribunal, et répété par la Cour d’appel, que le maire eu
démontré certaines attitudes en public, tant lors des assemblées générales de la Ville que devant
les médias. Il convient ici de rappeler quels étaient ses agissements, tels que rapportés dans le
jugement du Tribunal3 :
[88] Ré-interrogé le 24 février 2010 suite à une déclaration faite aux journalistes et rapportée par les médias, monsieur Tremblay admet avoir affirmé, concernant le présent procès, que:
« Ce combat-là, je le fais parce que j’adore le Christ. »
« Quand je vais arriver de l’autre bord, je vais pouvoir être un peu orgueilleux. Je vais pouvoir lui dire : « Je me suis battu pour vous; je suis même allé en procès pour vous ». Il n’y a pas de plus bel argument. C’est extraordinaire. »
[…]
[90] Invité par la procureure de la partie défenderesse à préciser le contexte dans lequel il avait fait cette déclaration, monsieur Tremblay a ajouté :
« Ce sont des choses que j’ai dites. Effectivement, si on insiste autant sur ça, c’est parce qu’on a la foi. C’est parce qu’on veut le manifester. C’est tout le conseil municipal qui est derrière moi. C’est bien entendu que ce n’est pas un combat strictement personnel. C’est tout le conseil municipal. Je suis mandaté. C’est parce que j’ai la foi et pour moi c’est la valeur la plus importante de toutes les valeurs que je peux avoir. »
[…]
[244] Ces symboles ont donc pour effet d’accroître le caractère religieux de l’enceinte où la prière est récitée. À ce titre, le Tribunal a également appris des témoignages du maire, du greffier et du directeur-général qu’ils font un signe de croix au début et à la fin de la prière. Le maire, qui prononce la prière au micro, la fait suivre de la formule
3 Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1
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10 Mémoire des appelants Argumentation
verbale « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. », ce qui ne se trouve pas dans le texte du règlement – à l’exception du mot « Amen »
Comme nous l’avons précédemment mentionné, la Cour a considéré ces attitudes dans
son jugement. Cependant, elle les a considérés comme de simples considérations subsidiaires en
n’y accordant aucune valeur probante. Avec égards pour la Cour, nous sommes d’avis qu’elle a
gravement erré en n’appréciant pas la valeur importante en droit public québécois de l’effet
juridique résultant de ces attitudes du maire, alors qu’elle en avait le devoir dans le cadre de son
contrôle judiciaire en utilisant la norme de contrôle de la décision correcte. Les attitudes du
maire en tant que représentant de l’État, en l’espèce de la Ville de Saguenay, sont au cœur même
de la notion de la neutralité de l’État.
De surcroît, nous estimons que la Cour est incohérente lorsqu’elle justifie son exclusion
des attitudes du maire. En effet, la Cour répète à plusieurs reprises que le maire a agi de manière
allant à l’encontre de la neutralité de l’État, et refuse néanmoins, sans motifs raisonnables, de
considérer les répercussions que de tels agissements ont en droit public québécois. Nous
exposerons d’abord les passages pertinents du jugement de la Cour avant de nous attarder
davantage sur la question 4 :
[148] D'abord, rappelons que l'enquête de la Commission portait essentiellement sur la question de la prière. Les intimés ont tenté d'utiliser l'attitude de M. le maire pour en définir la portée réelle. J'ai cependant exclu cette approche de mon analyse au motif que je la trouvais empreinte de trop de subjectivité, voire d'émotivité, préférant m'en tenir à l'opinion des experts Lefebvre et Bibeau.
[149] Ensuite, je note que les intimés ont renoncé à s'adresser à la Cour supérieure pour obtenir les ordonnances en vue de faire cesser les attitudes engagées de M. le maire. Je crois toutefois qu'une cour de justice dûment saisie de cette question n'aurait pu demeurer insensible à certaines des manifestations publiques de ce dernier qui, à mon avis, contreviennent au devoir de réserve associé à une charge publique, risquant du coup, pour son détenteur, d'enfreindre la règle de neutralité applicable à l'appareil municipal.
4 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936
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11 Mémoire des appelants Argumentation
[150] Je pense ici au signe de croix fait par M. le maire et aux paroles qui accompagnent ce geste. Manifestement, il s'agit d'une attitude engagée qui remet en cause, du moins en apparence, la neutralité religieuse de la Ville et de celle de ses représentants. Cette conduite constitue une adhésion publique indéniable au catholicisme.
[151] D'ailleurs, M. le maire, loin de s'en cacher, a réitéré devant le Tribunal une déclaration faite au média en ces termes : « Ce combat-là [référence au procès qui se tenait devant le Tribunal], je le fais parce que j'adore le Christ. […] Quand je vais arriver de l'autre bord, je vais pouvoir être un peu orgueilleux. Je vais pouvoir lui dire : "Je me suis battu pour vous". Il n'y a pas de plus bel argument. C'est extraordinaire. »[66].
[152] Voilà des propos et un comportement qui témoignent d'une absence de réserve élémentaire de la part de celui qui occupe une fonction élective et participe sur une base quotidienne à la gouvernance de la Ville. Il me semble tout à fait inconvenant que des fonctions prestigieuses puissent être utilisées aux fins de promouvoir ses propres convictions personnelles sur le plan religieux. D'ailleurs, personne n'a soutenu devant cette Cour que les électeurs de la Ville de Saguenay avaient choisi leurs représentants pour leur foi avouée dans une divinité quelconque.
[153] Chose certaine, on ne saurait reprocher à un citoyen qui croit aux valeurs fondamentales consacrées par la Charte de se sentir atteint par les attitudes et les déclarations d'un élu dont on s'attend à ce qu'il s'acquitte de son mandat sans avoir à afficher ses convictions religieuses. Sur le plan de l'image, on ne peut autrement convenir qu'il s'agit ici d'un échec.
La Cour explique au paragraphe 148 de son jugement précité qu’elle exclut la prétention
à l’effet que l’attitude de M. le maire peut définir la portée réelle du règlement puisqu’elle
considère cette prétention « trop subjective, voire basée sur des critères d’émotivités ». Avec
respect, nous sommes d’avis que cette appréciation est erronée, puisqu’il s’agit d’une
appréciation personnelle des juges ne trouvant aucun fondement en droit. De plus, la
jurisprudence est favorable à la prise en considération des faits extrinsèques afin de déterminer le
caractère véritable d’une loi, tel qu’illustré dans le jugement de la Cour suprême R c.
Morgentaler, référence en droit constitutionnel canadien 5 :
5 R. c. Morgentaler, [1993] 3 RCS 463, p. 483
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12 Mémoire des appelants Argumentation
L'analyse du caractère véritable n'est cependant pas limitée à la teneur même du texte (voir, p. ex., le Renvoi relatif à la Loi anti-inflation, 1976 CanLII 16 (CSC), [1976] 2 R.C.S. 373, aux pp. 388 et 389). Par conséquent, la cour [TRADUCTION] «ne tient pas compte seulement des effets juridiques directs mais aussi des objets sociaux ou économiques que la loi vise à réaliser», de son contexte et des circonstances dans lesquelles elle a été votée […] Pour déterminer l'historique, le contexte et l'objet du texte législatif attaqué, la cour a le droit de se reporter aux types de preuve extrinsèque qui sont pertinents et qui ne sont pas douteux en soi […]
En effet, le principe du caractère véritable est issu du droit constitutionnel, et ce dernier
permet de déterminer quel est le but réel visé par une loi. Dans un contexte constitutionnel, ce
principe sert à identifier quel est le palier de gouvernement ayant compétence pour la rédaction
d’une loi. Le cas en espèce touchant de façon subsidiaire le domaine de la constitutionnalité, il ne
peut être écarté que la recherche du caractère véritable d’une loi a pour principe établit que
l’inclusion d’éléments extrinsèques permette d’en identifier son but véritable. Ainsi, la décision
de la Cour d’exclure les attitudes du maire Jean Tremblay selon la prétention que cette approche
serait trop subjective entrerait en conflit avec l’essence même de la recherche du caractère
véritable du règlement, puisque cette analyse fait abstraction d’éléments extrinsèques
d’importances capitales. De plus, nous considérons que la prétention de la Cour selon laquelle
cette approche serait trop subjective est douteuse, puisque le Tribunal et la Cour elle-même ont
reconnu, de manière objective, que les déclarations publiques du maire laissaient croire en un
manque de neutralité de sa part pouvant porter atteinte aux valeurs des citoyens.
La Cour a également mentionné qu’elle préférait prendre en considération les opinions
des experts Lefebvre et Bibeau tout en écartant les agissements du maire dans la sphère
médiatique et publique. Avec égards, et nous affirmons cela avec le plus grand respect pour
l’institution de la Cour d’appel, cela est représentatif des risques de l’ingérence d’une cour
d’instance supérieure sur l’appréciation des faits par la cour de première instance. Il est reconnu
dans le système judiciaire que le juge de première instance est généralement plus apte à apprécier
les faits au litige, puisque les auditions se sont tenues devant lui, ce pour quoi il est reconnu
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13 Mémoire des appelants Argumentation
comme étant le juge des faits. Le Tribunal agissant comme tribunal de première instance a ainsi
eu le privilège, contrairement à la Cour, de pouvoir apprécier les témoignages des experts
directement devant celui-ci, et ainsi donc de pouvoir en apprécier de manière plus précise la
valeur probante. Suite à l’examen de toute la preuve qui lui fut présenté, le Tribunal a jugé que
les témoignages des témoins experts Lefebvre et Bibeau n’étaient pas de la plus haute pertinence,
relevant même des contradictions au sein même du témoignage de l’expert Bibeau 6 :
[237] Dans la même foulée, l'expert Bibeau mentionne que l'objectif de la prière est de « mettre les conseillers dans le sérieux de leurs tâches». Il doute cependant que la récitation d'une prière puisse avoir sur monsieur Simoneau un quelconque effet négatif. La prière pourrait donc avoir un effet cognitif positif sur les conseillers ayant la foi, mais n'aurait éventuellement aucun effet cognitif négatif sur ceux qui, présents aux assemblées publiques, ne l'ont pas? Le Tribunal est à même de conclure par lui-même que ces deux assertions sont irréconciliables.
Avec déférence, nous estimons également qu’il soit douteux que les témoignages
d’experts aient, selon la Cour, prépondérance sur les propos tenus par le maire concernant la
prière. En effet, ces deux éléments opposent des interprétations issues de deux mondes
complètement différents. En leur qualité d’experts, les témoins Lefebvre et Bibeau ont analysé le
texte de la prière selon leur domaine d’études respectif, soit la théologie et l’anthropologie, afin
de conclure que cette prière en était une dite de « théisme moderne 7 . Le maire Jean Tremblay
quant à lui représente les citoyens de la Ville de Saguenay, tiens des propos publics entendus par
des citoyens provenant de toutes les sphères, possédant des connaissances académiques
différentes et n’étant bien évidemment pas tous des experts ni en théologie, ni en anthropologie.
Un autre élément à considérer est le libellé de la prière au sein du règlement de la Ville, auquel
se trouve le terme « Dieu » avec une lettre majuscule, et la définition de Dieu dans le Petit
Larousse se lit comme suit : « Dieu : […] (avec une majuscule) Dans les religions monothéistes,
6 Simoneau, supra, note 37 Ibid
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14 Mémoire des appelants Argumentation
être suprême, créateur de toute chose et sauveur du monde 8.» Comme le dit le professeur Pierre-
André Côté dans son ouvrage Interprétation des lois9 qui fut cité dans plusieurs jugements10 :
Comme on présume que l'auteur de la loi entend être compris des justiciables, c'est-à-dire de l'ensemble de la population régie par le texte législatif, la loi est réputée être rédigée selon les règles de la langue en usage dans la population.
En particulier, il faut présumer que le législateur entend les mots dans le même sens que le justiciable, que « monsieur tout-le-monde ». Dans la jurisprudence de droit statutaire, les références à ce justiciable type et au sens courant, ordinaire ou usuel des mots sont fréquentes. (…)
Le juge est censé connaître le sens courant des mots. Il est néanmoins pratique très courante de se référer aux dictionnaires de langue qui ont pour fonction de rendre compte des usages linguistiques d'une communauté à un moment donné.
Ainsi, il n’est pas déraisonnable d’envisager qu’un citoyen de la Ville de Saguenay lisant
la prière contenue dans le règlement, en l’interprétant selon les termes courants et ayant
connaissance des propos tenus publiquement par le maire, croit que la prière soit exclusivement
une prière catholique, écrite et récitée par un catholique, pour des catholiques. Et même si nous
gardions l’avis des experts selon lequel il s’agit d’une prière de théisme moderne, cela
n’empêche pas le fait qu’elle n’englobe que les trois religions monothéistes, ce qui a pour effet
d’exclure toutes les autres religions ainsi que les non-croyants et les athées.
Avec égards, il nous est donc permis de douter de la pertinence de la part de la Cour
d’écarter les attitudes du maire quant aux intentions de la prière et du règlement contenant cette
dernière au profit des témoignages des témoins experts. En l’occurrence, la Cour rejette un
élément sur lequel à la fois le Tribunal et la Cour elle-même sont en accord, à savoir que les
attitudes du maire portent atteinte à la règle de la neutralité de l’État, tout en accordant une
8 Le Petit Larousse, 2008, sub verbo « dieu »9 Pierre-André CÔTÉ, Interprétation des lois, 3e édition, Les Éditions Thémis, (1999), pp. 330-33110 Services de santé du Québec c. Compagnie d'assurance Standard Life, 1996 (QC CA), Sherbrooke (Ville) c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2729, 2010 (QC CSE), Cesari c. Très-Saint-Rédempteur (Municipalité), 2004 (QC CS)
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15 Mémoire des appelants Argumentation
grande importance à des témoignages que le Tribunal, devant qui ces derniers ont eu lieu, en a
rejetés la crédibilité. Pour ces raisons, nous estimons que la Cour a erré en refusant d’accorder
une quelconque importance aux attitudes du maire.
Quoique, toujours avec pleine déférence, et à la lumière des éléments précédemment
présentés nous ne pouvons tout simplement souscrire à la décision de la Cour d’exclure de son
analyse l’attitude du maire alors qu’il était titulaire d’une charge publique de représentation de la
Ville, nous ne pouvons nier que la Cour patauge en pleine incohérence dans les paragraphes 149
à 153, précités. En effet, il est difficile de ne pas y voir là de graves contradictions de la part de la
Cour entre l’exclusion des éléments concernant le maire et les motifs qu’elles exposent à ces
fins. Il ne serait pas exagéré de croire que si la Cour avait à siéger en appel d’une décision de la
Cour supérieure du Québec effectuant une révision judiciaire d’un tribunal administratif dans
laquelle des paragraphes similaires s’y seraient trouvés, qu’elle aurait jugé ces conclusions
comme étant manifestement déraisonnables.
Au paragraphe 149 de leur jugement, la Cour mentionne que nous avons renoncé, alors
que nous aurions pu de plein droit, saisir la Cour supérieure afin de faire cesser les attitudes
engagées du maire. Toujours selon la Cour, cela aurait été possible puisqu’elle-même considère
que ces attitudes sont contraires au devoir de réserve des représentants de l’État, qui sont
titulaires d’une charge publique. À ce titre, le guide de l’éthique dans la fonction publique 11 est
clair et supporte sans équivoque les allégations de la Cour. Dans ce même paragraphe, la Cour
soutient expressément qu’une telle contravention au devoir de réserve vient compromettre la
neutralité, à travers son représentant, de l’État, un concept applicable au niveau municipal. Bien
que la Cour ait parfaitement raison quant à son affirmation qu’il eût été possible de saisir la Cour
supérieure afin de faire cesser les agissements du maire, nous ne pouvons en voir la pertinence
quant à leur motivation d’écarter lesdites attitudes de leur analyse. En effet, considérant que les
questions en litige sont des questions juridiques d’une grande importance pour l’entièreté du
droit québécois, ce qui d’ailleurs tant à confirmer la décision de la Cour de procéder en révision
judiciaire par la norme de contrôle de la décision correcte, la simple question des attitudes du
maire ne peut être isolée de l’ensemble du problème. Ces attitudes, bien qu’ayant la capacité en 11 Ministère du Conseil exécutif du gouvernement du Québec, L’éthique dans la fonction publique québécoise, 2003
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16 Mémoire des appelants Argumentation
soi de choquer et même de constituer une atteinte aux droits des citoyens garantis par la Charte,
ne sont en fait qu’un élément parmi tant d’autres faisant état de l’aspect discriminatoire de la
prière et de son règlement ainsi que des objets.
En effet, dans l’hypothèse où le maire aurait reçu ordonnance par la Cour supérieure de
cesser de se comporter de la sorte, il n’y aurait eu aucune répercussion sur la question de la
neutralité religieuse de l’État et du maire, son représentant. Il en aurait simplement résulté que le
maire cesse d’afficher publiquement ses convictions religieuses, sans pour autant effacer le tort
préalablement causé ni atténuer de quelque façon que ce soit le caractère discriminatoire de la
prière tenue aux séances du conseil de la Ville. S’il semble, suivant une analyse des termes
exacts de la Cour dans ce paragraphe, qu’il s’agissait là simplement d’une prise en considération
de cette possibilité d’un recours légal pour faire cesser ce genre de sorties publiques du maire,
par exemple pour des causes ultérieures similaires où un maire afficherait dans la sphère
publique des attitudes susceptibles d’enfreindre les droits fondamentaux garantis par la Charte à
ses citoyens, il est indéniable qu’une telle explication n’a aucune pertinence afin de justifier
l’exclusion des attitudes du maire dans l’analyse de la Cour.
La Cour poursuit son raisonnement au paragraphe 150, où elle soutient clairement que les
attitudes du maire vont à l’encontre de la neutralité qui est exigée de l’État. Avec respect, la Cour
souffre ici terriblement en cohérence, puisqu’elle expose de manière non équivoque son opinion
par rapport aux attitudes du maire, une opinion qui de plus est soutenue par le droit québécois,
tout en ayant préalablement indiqué au paragraphe 148 qu’elle jugeait que les prétentions
données aux attitudes du maire afin de déterminer le sens réel du règlement étaient empreintes de
subjectivité, poussant même l’audace à les qualifier de prétentions émotives. Nous sommes donc
en présence d’une Cour qui, dans l’espace de trois paragraphes, vient justifier une intervention en
droit de sa part, pour des motifs concis ne laissant aucun doute sur sa position quant aux
répercussions en droit que posent les attitudes du maire, mais qui néanmoins écarte la question
de son analyse selon une justification entrant en contradiction directe avec ses propres
conclusions. Nous jugeons donc ici qu’il s’agissait d’une erreur grave de la Cour de refuser de
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17 Mémoire des appelants Argumentation
considérer dans sa révision judiciaire des éléments de droit étant abondamment étayé en
jurisprudence, et par-dessus tout soutenus par cette même Cour.
Cour cite au paragraphe 151 une sortie publique du maire dans laquelle ce dernier
affirmait se battre pour, en quelque sorte, mériter sa place au paradis et pouvoir même agir avec
orgueil devant Dieu. Elle poursuit au paragraphe suivant en mentionnant une fois de plus qu’un
tel comportement enfreint carrément le devoir de réserve d’un élu représentant sur une base
quotidienne sa ville. Nous tenons à faire une certaine distinction avant de poursuivre. Il nous
appert en effet primordial de distinguer entre la représentation dite « normale » de celle
présentement en cause. En effet, il est impératif de rappeler que le maire était régit par les
responsabilités d’un titulaire de charge publique en plus d’avoir été spécifiquement nommé par
résolution du conseil de la Ville de Saguenay afin de représenter cette dernière durant le
processus suivant la plainte initiale de M. Simoneau devant la Commission 12 :
[103] Par ailleurs, monsieur Brassard précise que c'est en réponse à la décision de la CDPDJ d'examiner les allégations de discrimination portées à l'encontre de la Ville et de son maire qu'une résolution a été adoptée par le conseil de la Ville de Saguenay lors de la séance ordinaire du 7 mai 2007 et dans laquelle il est prévu que:
« la Ville de Saguenay désigne officiellement son maire, monsieur Jean Tremblay afin de la représenter dans les phases du processus du traitement des plaintes […] devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et cela tant devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec que devant le Tribunal des droits de la personne ».
Ainsi, il ne fait aucun doute quant à la nature du lien qui rattache le maire à la Ville,
surtout qu’en plus de son rôle quotidien de maire il en a été déclaré représentant officiel confirmé
par résolution du conseil de la Ville dans le cadre de la plainte sur la prière lors des séances du
conseil. Cette distinction vient donc écarter toute ambigüité pouvant persister par rapport à
l’étendue de la représentation de l’État par un élu municipal. L’attitude du maire se désignant lui-
même comme un « guerrier de la foi » suite à la plainte à propos de la récitation de la prière au
conseil ne laisse planer aucun doute quant à son intention véritable. Il déclare «faire ce combat
12 Simoneau, supra, note 3
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18 Mémoire des appelants Argumentation
pour le Christ», admettant ainsi de manière tacite que la prière du Conseil de la Ville en est une
catholique. Le Tribunal a bien fait de relever ses déclarations et de les considérer lors de son
analyse13 puisqu’elles jettent un regard éclairé sur la question même du sens à donner à la prière,
et par conséquent au règlement de la Ville. Il est donc inconcevable, selon nous, que la Cour
puisse avoir écarté de son analyse en révision judiciaire cet élément fondamental de la question
de la neutralité de l’État.
La Cour d’appel conclut en admettant qu’un citoyen « croyant aux valeurs de la
Charte »14 serait justifié de sentir que son maire aurait enfreint ses droits fondamentaux garantis
par celle-ci. Elle ajoute même que l’image du maire n’est nullement appropriée. Il en est ici
même de l’essence de notre argumentation selon laquelle la Cour a erré dans son appréciation
des éléments extrinsèques constitués des attitudes du maire dans son analyse du caractère
véritable de la prière et du règlement municipal venant cimenter sa récitation lors des séances du
conseil. Il est en effet inconcevable que les Juges puissent à la fois admettre que le maire enfreint
les règles de neutralité imputables aux titulaires de charge publique, tout en considérant ces
réflexions comme de simples notions subsidiaires de leur analyse et donc leur accorder une
importance si minime qu’elle décide d’en faire une complète abstraction.
Comme nous l’avons précédemment mentionné, nous sommes d’avis que la Cour a fait
preuve de justesse en reconnaissant que la révision judiciaire par la norme correcte s’appliquait
en l’espèce, mais qu’elle a cependant erré dans son application de celle-ci pour les motifs que
nous avons présenté. De ce fait donc, nous exigeons que les attitudes du maire soient prises en
considération dans votre analyse en appel de la décision de la Cour puisqu’elles sont
indissociables en droit du devoir de neutralité de l’État et du respect des valeurs fondamentales
contenues dans la Charte.
13 Simoneau, supra, note 314 Saguenay (Ville de), supra, note 4
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19 Mémoire des appelants Argumentation
Le caractère religieux de la prière
Nous soumettons que la Cour d’appel a erré en statuant que la neutralité de l’État autorise
la récitation de la prière municipale avant les assemblées publiques du conseil municipal. Elle a
omis de définir la notion de prière ainsi que le contexte dans lequel elle est exercée. Par ailleurs,
elle n’a pas pris soin de considérer la suprématie de l’article 2 a) de la Charte canadienne des
droits et libertés15 (ci-après « Charte canadienne ») tout en interprétant trop largement la notion
de conservation du patrimoine religieux et culturel.
Tout d’abord, la Cour d’appel s’est efforcée d’attribuer la prière à un unique type de
religion. Considérant que la prière ne semble pas se rattacher à une religion particulière, la Cour
est arrivée à la conclusion que celle-ci ne porte pas une atteinte discriminatoire aux libertés de
conscience et de religion garanties par la Charte.16 Toutefois, elle admet qu’elle est conforme à
une doctrine théiste moderne.17 Cette doctrine affirme l’existence d’un être supérieur comme
étant la cause du monde.18 Celle-ci s’inscrit en totale contradiction avec l’incroyance de
l’appelant en quelconque divinité. Puisqu’elle est récitée avant les assemblées du conseil
municipal de Saguenay, elle vient entraver la liberté de religion de l’appelant.
L’expression de cette doctrine est caractérisée par la prière. Elle s’exerce à travers un
rituel par lequel on s’adresse à une divinité ou à ses intercesseurs.19 Ainsi malgré le fait qu’il soit
athée, l’appelant est soumis à chaque réunion municipale à cet appel divin. Au sacrifice d’une
exclusion physique, il doit se soustraire à cette manifestation doctrinale. Tel qu’inscrit au libellé
de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne20 cette exclusion mène à une
discrimination fondée sur la religion et viole la liberté de conscience. Cette exclusion exercée par
l’État ne peut être justifiée puisque selon nous, protéger un ensemble de principes religieux sans
15 Charte canadienne des droit et libertés, partie I de la Loi de constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11, art. 2 a)
16 Saguenay (Ville de), supra, note 317 Ibid 18 Petit Larousse, 2008, sub verbo « théiste »19 Ibid, sub verbo « prière »20 Charte des droits et libertés de la personne, LRQ 1985 c C-12
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20 Mémoire des appelants Argumentation
accorder la même protection aux autres croyances « a pour effet de créer une inégalité
destructrice de la liberté de religion dans la société. »21
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de
détruire ou de compromettre ce droit.22
De surcroit, la Cour d’appel soutient que les valeurs exprimées par la prière litigieuse
sont universelles et ne s’identifient à aucune religion en particulier.23 Nous estimons qu’il ne
s’agissait pas de relier la prière à une religion particulière, mais d’établir le caractère religieux de
celle-ci comme l’a fait précédemment le Tribunal des droits de la personne. En l’occurrence;
nous soumettons que le mot « Amen » inscrit à la fin de la prière vient renforcer son caractère
religieux. En effet, ce terme renvoi à la conclusion de divers rites, rituels, cérémonies et prières
consacrées à l’adoration d’une divinité religieuse juive ou chrétienne.24 Faisant écho à la prière
récitée dans l’enceinte du conseil municipal cette finale vient clore l’appel divin. Or cette
sollicitation divine contrevient directement au principe de neutralité bienveillante retenue par la
Cour d’appel qui reprend les propos de José Whoerling : « La neutralité bienveillante se traduit
par le respect de toutes les religions, placées entre elles sur un pied d'égalité, sans que soit
encouragée ni découragée toute forme de conviction religieuse ou de conviction morale se
rattachant de près ou de loin à l'athéisme ou à l'agnosticisme. »25
21 Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 742-743
22 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11, art. 10 23 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par 8824 Petit Larousse, 2008, sub verbo « Amen »25 José Woehrling, « Quelle place pour les religions dans les institutions publiques ? », dans Jean-François
Gaudreault Desbiens (dir), Le droit, la religion et le raisonnable, Montréal, Éditions Thémis, 2009. 115 à la page 127
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21 Mémoire des appelants Argumentation
À tort, la Cour d’appel conclu que la laïcité ne bénéficie pas des protections accordées
par la Charte. Elle ajoute que le principe de neutralité de l’État implique que tout ce qui est
associé à une forme d’expression religieuse doit demeurer en subordination à la liberté de
religion et de conscience protégée par la Charte. Avec toute déférence pour opinion contraire, il
s’avère que la neutralité religieuse de l’État sert à préserver les croyances et convictions de tous
et chacun y compris l’athéisme :
Historiquement, la foi et la pratique religieuses sont, à bien des égards, des archétypes des croyances et manifestations dictées par la conscience et elles sont donc protégées par la Charte. La même protection s'applique, pour les mêmes motifs, aux expressions et manifestations d'incroyance et au refus d'observer les pratiques religieuses.26 (Nos soulignements)
Nous soumettons que la Cour d’appel par son interprétation a commis une erreur de droit
flagrante. En effet, en raison de la neutralité religieuse, l’État ne doit ni favoriser, ni défavoriser
aucune conviction religieuse et respecter toutes les positions religieuse y compris celle de n’en
avoir aucune.27
Avec respect, nous soumettons qu’il est incohérent que d’un côté l’État transmettre par la
prière certains principes teintés d’une connotation religieuse tout en respectant l’incroyance de
l’appelant. Tandis que nous gardons en têtes ces éclaircissements, regardons attentivement la loi
habilitante concernant la prière litigieuse.
Le caractère discriminatoire du règlement
Nous rallions notre voix à celle du tribunal du droit de la personne qui a invalidé le
règlement municipal en raison de la connotation religieuse de la prière qu’il imposait au citoyen. 26 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 123
27 S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7 par. 32
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22 Mémoire des appelants Argumentation
Tout comme le juge Dickson dans l’arrêt Big M. Drug Mart, nous sommes d’avis que la Charte
protège non seulement les droits fondamentaux des citoyens canadiens de l’exercice manifeste de
pouvoir arbitraire gouvernemental mais aussi des :
[…] formes de contrôle qui permettent de déterminer ou de restreindre les possibilités d'action d'autrui. La liberté au sens large comporte l'absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l'ordre, la santé ou les mœurs publiques ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui, nul ne peut être forcé d'agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.28 (Nos soulignés)
Par conséquent; nous soumettons avec égard que le règlement édicter par la ville de
Saguenay viole délibérément le deuxième volet de la liberté de religion ou de conscience soit le
droit de ne pas se voir contraint d’agir contrairement à ses convictions.29
Par son caractère coercitif, le Règlement VS-R-2008-40 mène volontairement à une
exclusion. En effet, celui-ci a pour effet de soustraire physiquement de la salle du conseil municipal
les citoyens ayant des croyances contraires à celles invoquées dans la prière contestée. Reprenons
son dernier paragraphe : « Afin de permettre aux membres du conseil et du public qui ne
souhaitent pas assister à la récitation de la prière de prendre place dans la salle, le président de
l’assemblée déclare la séance du conseil ouverte deux minutes après la fin de la récitation de la
prière. »30
Alors, tout citoyen exerçant son droit le plus simple d’assister aux réunions du conseil
municipal mais qui ne partage pas les croyances diffusées par la prière est confronté entre 2
choix. Ou bien, il se soumet à l’encontre de ses convictions personnelles ou il dévoile carrément
ses croyances en s’excluant de l’assemblée.
28 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 9529 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Ville de Laval, 2006 QCTDP 17 par. 117
30 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par. 22
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23 Mémoire des appelants Argumentation
Rappelons que « l’alinéa 2 a) [de la Charte canadienne] a pour objet d’assurer que la
société ne s’ingèrera pas dans les croyances intimes profondes qui régissent la perception qu’on
a de soi, de l’humanité, de la nature et, dans certains cas, d’un être supérieur ou différent. »31 Or,
en raison de son caractère coercitif le règlement contribue indirectement à stigmatiser l’appelant
en le forçant à dévoiler son opinion religieuse différente de celle de la majorité :
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
a) liberté de conscience et de religion;b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;c) liberté de réunion pacifique;d) liberté d’association.32
Cela contrevient à l’objectif constitutionnel l’article 2 a) de la Charte qui se traduit par la
protection des « minorités religieuses contre la menace de la tyrannie de la majorité ».33
N’oublions pas que par la nature de son rôle, l’État a une « obligation de neutralité religieuse
garante de la tolérance individuelle ou collective, préservatrice de la dignité de chacun et de
l’égalité de tous. »34
Avec égard pour l’opinion de la Cour d’appel, nous estimons qu’elle a erré en voulant
démontrer que l’appelant souhaitait bannir tout symbole religieux du patrimoine culturel
québécois.35 En l’espèce, il s’agit de déterminer si la municipalité de Saguenay a ou non
contrevenu à la neutralité de l’État en soumettant l’appelant à une prière comportant une
connotation religieuse.
31 R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, par. 97
32 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art. 233 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 9634 Congrégation des témoins de Jéhovah de St- Jérôme-Lafontaine c. Village Lafontaine 2004 CSC 48 par. 65
35 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par 98
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24 Mémoire des appelants Argumentation
Nous constatons qu’en aucun cas l’état ne saurait au nom de la majorité religieuse
imposer sa propre conception de ce qui est bon et vrai aux citoyens qui ne partagent pas le même
point de vue.36
La charte a pour but de protéger les citoyens canadiens des tentatives d’ingérence de l’état
dans leur vie privée. Par sa suprématie, elle ne peut être écartée pour des motifs culturels ou
patrimoniaux.
D’ailleurs, nous mentionnons que la Cour Suprême a repris les propos de La Cour
européenne des Droits de l’Homme afin de confirmer en 2009 que la liberté de conscience et de
religion protège les droits fondamentaux des « athées, agnostiques, des sceptiques et des
indifférents. »37
Avec respect, nous considérons que « l’état ne peut imposer directement une croyance ou
une pratique par voie législative »38 afin d’obliger l’appelant à se conformer à des principes
religieux allant à l’encontre de ses croyances, celui-ci contrevient au « droit fondamental de
chacun de choisir la façon dont il entend vivre sa religion ou son absence de croyance
religieuse.»39
Dans une affaire présentant des faits semblables au dossier à l’étude, le Tribunal des
droits de la personne a déclaré inopérant le règlement municipal concernant la récitation de la
prière avant les assemblées législatives. Le Tribunal a pris soin de rappeler que l’État ne peut
imposer par des mesures législatives des valeurs religieuses contrevenant au respect de l’égalité
de tous en faisant siens les propos du juge Dickson40 :
Elle [la loi] fait appel à des valeurs religieuses enracinées dans la moralité chrétienne et les transforme, grâce au pouvoir de l'état, en droit positif
36 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 9637 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 R.C.S. 567, par. 9038 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 R.C.S. 567, par. 92
39 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 R.C.S. 567, par. 9240 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Ville de Laval, 2006 QCTDP 17 par. 203
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25 Mémoire des appelants Argumentation
applicable aux croyants comme aux incroyants. Le contenu théologique de la Loi est un rappel subtil et constant aux minorités religieuses canadiennes des différences qui les séparent de la culture religieuse dominante.41 (Nos soulignements)
Force-nous ait de constater qu’au nom de la préservation du patrimoine culturel et
religieux la Cour d’appel à écarter le principe de la séparation de l’État et de la religion.
Cependant, n’oublions pas que cette scission ne s’est faite du jour au lendemain :
[…] Ainsi, au moment de la Confédération, en 1867, le concept de neutralité religieuse impliquait principalement le respect des confessions chrétiennes. Les règles constitutionnelles que l’on retrouvait notamment, à l’origine, dans l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 au sujet des droits scolaires illustrent cette réalité.
Depuis ce temps l’apparition et l’influence croissante de nouvelles conceptions philosophiques, politiques et juridiques sur la société ont graduellement dissocié les fonctions de l’Église et de l’État situant davantage la vie religieuse dans le domaine de la vie privée des individus. Sans exclure les religions et les Églises de la sphère des débats publics, cette évolution nous a amenés à situer davantage la vie religieuse et les choix qu’elle implique dans le domaine de la vie privée des individus ou des associations volontaires […]42
Avec respect, nous soumettons que depuis 1982 «la Charte reconnaît à tous les Canadiens
le droit de déterminer, s’il y a lieu, la nature de leurs obligations religieuses et l’État ne peut
prescrire le contraire. »43 Ainsi avec son règlement, la municipalité de Saguenay contrevient
volontairement au principe de la neutralité de l’État tout en brimant la liberté de conscience et de
religion. En effet, «imposer une pratique religieuse par une mesure qui a force de loi serait
contraire au droit fondamental de chacun de choisir la façon dont il entend vivre sa religion ou
son absence de croyance religieuse »44
41 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 97
42 R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 par. 13543
44 Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, [2009] 2 R.C.S. 567, par. 92
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26 Mémoire des appelants Argumentation
Il ressort qu’à travers l’État, la majorité ne peut contraindre les individus à adopter certains
principes religieux par un règlement municipal. Ni en raison du passé ni en invoquant l’alliance
révolue entre l’État et la religion; la majorité ne saurait directement ou indirectement s’ingérer dans
les croyances personnelles de l’individu. De manière générale, l’État a une obligation de neutralité
afin de respecter les croyances de chacun.
Tout comme exprimé par la Cour Suprême dès 1955 nous croyons que :
Dans notre pays, il n'existe pas de religion d'État. Personne n'est tenu d'adhérer à une croyance quelconque. Toutes les religions sont sur un pied d'égalité, et tous les catholiques comme d'ailleurs tous les protestants, les juifs, ou les autres adhérents des diverses dénominations religieuses, ont la plus entière liberté de penser comme ils le désirent. La conscience de chacun est une affaire personnelle, et l'affaire de nul autre. Il serait désolant de penser qu'une majorité puisse imposer ses vues religieuses à une minorité. Ce serait une erreur fâcheuse de croire qu'on sert son pays ou sa religion, en refusant dans une province, à une minorité, les mêmes droits que l'on revendique soi-même avec raison, dans une autre province.45
Nous soumettons respectueusement que la Cour d’appel est allée trop loin dans son
interprétation de l’article 27 de la Charte :
27. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.
Ainsi, la Cour d’appel se prononce en évoquant que la neutralité de l’état ne saurait
justifier une laïcité tous azimuts.
[98] Est-ce que ce concept dans son sens large signifie que toute référence à des normes de conduite d'origine morale doit être en rupture avec les repères historiques d'une société, y incluant ses traditions religieuses? Je ne le crois pas. Tout d'abord, il existe des indications sérieuses qui permettent d'écarter la thèse de la laïcité tous azimuts.46
45 Chaput v. Romain [1955] R.C.S. 834, p.5
46 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par 98
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27 Mémoire des appelants Argumentation
Avec respect, nous trouvons qu’en faisant état des principes constitutionnels et des
symboles religieux couramment répandus dans l’espace public qu’elle s’écarte de la question
qui lui est soumise. Nous tenons à rappeler qu’elle aurait dû rendre sa décision selon une
rigoureuse analyse contextuelle au lieu de se prévaloir d’exemples abstraits. Bien que l’avis des
experts soit indispensable à une solution complète, nous estimons qu’il faut tenir compte de
l’opinion publique. En ce sens : est-ce qu’une personne sensée pourrait arriver à la conclusion
d’une crainte raisonnable de partialité de la part de l’État en raison qu’il favorise un groupe de
religions au détriment des autres croyances dans l’optique où une municipalité impose par
règlement la récitation d’une prière avant le début de chaque assemblé publique?
Avec déférence, nous sommes certains que cette situation mène à une crainte
raisonnable de partialité de la part du public. Comme expliqué précédemment; la prière
prononcée dans l’enceinte d’une institution d’État renvoi à une certaine connotation. Cette
crainte de partialité soulève des questionnements de la part du citoyen au principe de la
neutralité de l’État. Dans un premier temps, pour les motifs illustrés précédemment la prière
litigieuse renvoie à une certaine connotation religieuse. Alors que dans un deuxième temps, le
règlement municipal dictant le libellé de la prière contrevient sciemment aux valeurs
fondamentales de libertés de conscience et de religion protégées par la Charte.
Nous rappelons que le public doit avoir confiance dans le processus décisionnel
municipal puisque les décisions prises à travers le conseil s’appliquent directement au citoyen.
La neutralité religieuse de l’état s’inscrit dans le but de la remise en question des institutions
démocratiques. En se substituant à la décision du Tribunal des droits de la personne, la Cour
d’appel a manifestement erré dans l’appréciation contextuelle de la question qui lui était
soumise.
Selon la Cour d’appel, l’atteinte subie par l’appelant est négligeable ou insignifiante.47
Elle a jugé que l’effet de la prière du présent litige était de la même nature que ceux de
références théistes dont regorge l’espace public telle la croix du Mont-Royal. Tout comme la
47 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par. 115
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28 Mémoire des appelants Argumentation
Cour suprême, nous considérons que cette atteinte doit être examinée en « regard du contexte qui
lui est propre pour déterminer si l’entrave est plus que négligeable ou insignifiante. »48
Contrairement à ce que la cour d’appel a conclu, nous trouvons que l’atteinte est non
négligeable. Avec respect, basons-nous sur certains faits que la cour d’appel a négligé de
considérer. À chaque réunion; le règlement municipal soumet l’appelant à des principes religieux
contraires à sa croyance personnelle. Il ne peut s’y échapper à moins d’une exclusion physique
volontaire. Cependant, cette exclusion mène à un dévoilement non désiré de l’incroyance de
l’appelant. N’oublions pas qu’en raison de l’insistance du maire sur la personne de l’appelant
que celui-ci a subi du harcèlement téléphonique et fait l’objet de propos déplacés de la part des
citoyens.
En conclusion; la Cour d’appel a commis plusieurs erreurs de droit. Afin d’infirmer le
jugement du Tribunal des droits de la personne, elle a cherché à attribuer la prière problématique
à un unique type de religion sans définir précisément les mots qui la composent. Elle a omis de
tenir compte de la Charte canadienne pour lui préférer la notion de préservation du patrimoine
culturel et historique. Pour les motifs expliqués précédemment, nous sommes d’avis que la Cour
d’appel a erré de part et d’autre en reversant la décision du Tribunal des droits de la personne.
48 Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 par. 60
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29 Mémoire des appelants Argumentation
La présence d’objets religieux dans les salles du conseil municipal
Nous soutenons, avec respect, que le juge de la Cour d’appel a erré en droit en concluant
que la présence de signes religieux dans l’enceinte du conseil municipal ne compromets pas la
neutralité de l’État et qu’il n’existe objectivement pas de conflit véritable entre les convictions
morales de notre client, Alain Simoneau, et la présence de ces objets.49
Les circonstances de ce litige permettent de constater que notre client est effectivement
victime de discrimination en vertu de la protection du droit à l’égalité prévu à l’article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne. En effet, la qualification du caractère non religieux
du crucifix et de la statue du Sacré-Cœur présents dans deux des salles où se tiennent les
assemblées du conseil municipal se base uniquement sur les témoignages des deux experts des
intimés. Selon nous, il faudrait plutôt prendre en considération l’ensemble des circonstances
entourant la présence de ces objets et leurs effets.
D’autre part, la Cour d’appel conclu que la présence de ces objets relève du patrimoine
historique de la société. Avec égards, nous sommes en désaccord avec cette conclusion. Nous
croyons que la présence de ces objets n’est pas suffisamment ancrée dans l’histoire de la Ville de
Saguenay pour être qualifiée ainsi.
Le caractère discriminatoire des signes et symboles
Avec respect pour l’opinion contraire, nous ne croyons pas que le Tribunal des droits de la
personne ait attribué une portée excessive aux signes religieux et ne sommes pas d’avis que
l’article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne justifie la présence de ces objets. En
effet, nous considérons que, par la présence des objets religieux dans les salles, notre client est
victime de discrimination.
49 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois 2013 QCCA 936, au para 156
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30 Mémoire des appelants Argumentation
Tel que mentionné dans la décision du Tribunal des droits de la personne, l’individu qui
allègue une atteinte discriminatoire à sa liberté de conscience ou de religion doit démontrer qu’il
subit une distinction, exclusion ou préférence, fondée sur un motif interdit (énumérés à l’article
10), ayant pour effet de détruire ou de compromettre l’exercice en pleine égalité de cette liberté.50
En l’espèce, notre client subit clairement une distinction, voir une exclusion par rapport à la
présence des objets religieux dans les salles du conseil municipal. En effet, Alain Simoneau
n’adhérant à aucune religion ressent nécessairement une distinction établie entre les catholiques
et les autres. Comme mentionné précédemment, le même droit à la liberté de conscience et de
religion s’applique aux non-croyants. Le sentiment d’absence de neutralité de l’État provoqué
par les symboles religieux présents dans les salles compromet le droit de M. Simoneau d’exercer
en pleine égalité ses convictions de non croyant en étant forcé à assister à une observance
religieuse à laquelle il ne croit pas. La Cour d’appel a d’ailleurs décrit la liberté de religion dans
sa forme négative, en se référant à Brun, Tremblay, Brouillet51, comme suit :
[59] La liberté de religion existe sous deux formes distinctes. […] La seconde se révèle sous une forme négative en ce qu’il est interdit d’imposer par la coercition ou la contrainte une restriction dans le choix d’agir selon sa conscience ou encore d’imposer un choix religieux.
[60] Dans sa forme négative, la liberté de religion consacre le principe de la séparation de la religion et de l’État, ce qui inclut les différents organismes par lesquels s’exerce l’action gouvernementale.52
Dans le cas présent, nous sommes en présence de cette forme négative de la liberté de
religion dans laquelle l’État est un acteur principal qui tente d’imposer sa façon de concevoir la
religion. Nous ne sommes pas d’avis que le Québec doive faire preuve de neutralité absolue.
Toutefois, lorsque l’espace mis en cause en est un public, au sens où les citoyens sont amenés à
participer à la vie politique et que des décisions importantes y sont prises, il est primordial que
50 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois 2013 QCCA 936, aux para 195 et 19651 Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p.1077.52 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois 2013 QCCA 936, par. 59 et 60
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31 Mémoire des appelants Argumentation
l’État, représenté par le maire et la municipalité dans le cas présent, fasse preuve de complète
impartialité, notamment au niveau de la religion mais aussi de tous les autres domaines.
De plus, un citoyen qui ne partage pas les mêmes croyances religieuses que celles
prônées par le maire et ses conseilleurs sera moins enclin à vouloir s’impliquer activement dans
l’arène politique puisqu’il sentira qu’il n’y a clairement pas sa place. Il est donc important que la
politique soit séparée de la religion.
La Commission Bouchard Taylor s’est penchée sur la question de la laïcité au Québec.
On peut lire dans le rapport que le fait pour l’État d’adopter une religion particulière ou même un
ensemble de religion aurait un effet néfaste puisque cela a pour conséquence de faire une
distinction entre cette religion privilégiée et les autres :
Les rapports entre le pouvoir politique et les religions sont complexes et variés dans les démocraties libérales modernes. Ces démocraties, même celles qui continuent, souvent symboliquement, de reconnaître une Église officielle, vivent néanmoins sous ce que l’on peut appeler un « régime de laïcité ». Dans une société à la fois égalitaire et diversifiée, l’État et les Églises doivent être séparés et le pouvoir politique doit demeurer neutre envers les religions. Suivre la tradition de la chrétienté et établir aujourd’hui un lien organique entre l’État et une religion particulière feraient des adeptes des autres religions et de ceux qui sont sans religion des citoyens de second rang. Une démocratie moderne exige donc que l’État soit neutre ou impartial dans son rapport aux différentes religions. Il doit aussi traiter de façon égale les citoyens qui adhèrent à des croyances religieuses et ceux qui ne le font pas ; il doit, en d’autres termes, être neutre quant aux différentes visions du monde et aux conceptions du bien séculières, spirituelles et religieuses auxquelles les citoyens s’identifient. Les sociétés contemporaines, on le sait, sont marquées par le pluralisme des valeurs et des finalités de l’existence. La question de la laïcité doit donc être abordée dans le cadre plus large de la nécessaire neutralité de l’État quant aux valeurs, aux croyances et aux plans de vie choisis par les citoyens dans les sociétés modernes.53
53 Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Fonder l’avenir : le temps de la conciliation, rapport, Gérard Bouchard et Charles Taylor, Québec, 2008, page 132
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32 Mémoire des appelants Argumentation
En l’espèce, la présence du crucifix et du Sacré-Cœur ne démontre pas un État impartial
qui traite toutes les religions (ainsi que l’absence de religion) au même pied d’égalité. Au
contraire, ces objets ne représentent que la partie de la population qui peut s’identifier comme
catholique. La Commission Bouchard Taylor apporte toutefois une nuance à ce principe. Selon le
rapport, certaines manifestations religieuses seraient acceptées comme patrimoine religieux :
Toutefois, certaines pratiques ou certains symboles peuvent trouver leur origine dans la religion de la majorité sans pour autant contraindre véritablement ceux qui ne font pas partie de cette majorité. C’est le cas des pratiques et symboles qui ont une valeur patrimoniale plutôt qu’une fonction de régulation. La croix du mont Royal, par exemple, ne signifie pas que la ville de Montréal s’identifie au catholicisme et n’exige pas des non-catholiques qu’ils agissent à l’encontre de leur conscience ; il s’agit d’un symbole qui témoigne d’un épisode de notre passé. Un symbole religieux est donc compatible avec la laïcité lorsqu’il s’agit d’un rappel historique plutôt que le signe d’une identification religieuse de la part d’une institution publique.54
Identification religieuse ou patrimoine historique?
Nous sommes d’avis que la Cour d’appel a erré en concluant que la présence du crucifix et
du Sacré-Cœur «sont pour une partie importante de la population dépouillés de leur connotation
religieuse que leur présence relève essentiellement d’un patrimoine culturel historique
n’interférant nullement avec la neutralité de la Ville»55.
Nous reconnaissons l’importance pour une nation comme le Québec de protéger sa culture et
ses valeurs ancestrales, même en ce qui a trait à l’héritage religieux de nature catholique.
Toutefois, nous sommes d’avis que, en vertu du principe de la neutralité de l’État et afin d’éviter
toute crainte de partialité, l’État doit complètement de distancier de la religion lorsqu’il est
question de prendre des décisions d’intérêt public.
54 Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Fonder l’avenir : le temps de la conciliation, supra, note 55, page 152
55 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois 2013 QCCA 936, au para 125
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33 Mémoire des appelants Argumentation
D’abord, nous sommes d’avis que la Cour d’appel a erré dans l’interprétation du rapport de la
Commission Bouchard Taylor. En effet, bien qu’ils aient cité le même paragraphe que celui cité
précédemment56, nous considérons qu’il est impossible d’avoir une idée globale du sujet sans lire
ce qui se trouve dans le reste du texte. Ainsi, après avoir reconnu la possibilité que des pratiques
ou des symboles soient acceptées en tant que patrimoine religieux, le rapport amène ensuite une
précision :
Il faut cependant éviter que des pratiques qui constituent dans les faits une forme d’identification de l’État à une religion – la plupart du temps celle de la majorité – soient maintenues sous prétexte qu’elles ne comporteraient plus aujourd’hui qu’une valeur patrimoniale. Pensons ici aux prières tenues au début des séances d’un conseil municipal ou au crucifix accroché au-dessus du fauteuil du président de l’Assemblée nationale du Québec. Ce crucifix, installé par Maurice Duplessis en 1936, laisse entendre qu’une proximité toute spéciale existe entre le pouvoir législatif et la religion de la majorité. Il paraît préférable que le lieu même où délibèrent et légifèrent les élus ne soit pas identifié à une religion particulière.57
Aussi,
D’abord, bien que nous reconnaissions la compétence des experts Lefebvre et Bibeau, nous
croyons que la Cour d’appel a eu tort de conclure, comme les experts l’ont expliqué, que les
objets ne sont pas de nature religieuse.
…
Ensuite, nous sommes d’avis que la Cour a erré dans son interprétation des recommandations
de la Commission Bouchard Taylor. En effet, bien que certains passages du rapport soient cités
56 Saguenay (Ville de) c. Mouvement laïque québécois 2013 QCCA 936, au para 11857 Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Fonder l’avenir : le temps de la conciliation, supra, note 55, pages 152 et 153
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34 Mémoire des appelants Argumentation
dans le jugement de la Cour d’appel, nous croyons que l’interprétation de ces passages n’a pas
prit en considération l’ensemble du rapport.
Finalement, nous ne pouvons adhérer à la conclusion de la Cour d’appel selon laquelle les
objets religieux relèvent du patrimoine historique puisque, en plus des éléments mentionnés
précédemment,
à la nature historique des objets religieux présents dans les deux salles. En plus de tout ce qui
précède, nous sommes d’avis qu’une tradition historique de l’ampleur
… (expliquer rapport et ce qu’on en retient)
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35 Mémoire des appelants Argumentation
Les dommages moraux et punitifs
Par ailleurs, nous sommes d’avis que la cour d’appel a erré en ne tenant pas compte du caractère
intentionnel et illicite de l’atteinte qu’a subie l’appelant. Avec respect, nous prétendons qu’à
travers les agissements de son représentant, l’État a délibérément entravé la liberté de religion de
l’appelant. À ce sujet, la Charte québécoise permet au tribunal d’octroyer à l’auteur du préjudice
intentionnel des dommages et intérêts punitifs.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à
des dommages-intérêts punitifs.
Ainsi tout comme la Cour suprême, nous considérons qu’il y a une atteinte intentionnelle
lorsque le résultat du comportement fautif est souhaité. Il suffit que « l’auteur ait une volonté de
causer des dommages ou qu’il ait en connaissance des conséquences immédiates et naturelles ou
du moins extrêmement probables que cette conduite pourrait engendrer. »58
Soulignons que lors de la séance du conseil municipal du 4 décembre 2006 que l’intimé a
inutilement dévoilé que l’appelant avait porté plainte à la Commission au sujet de la prière.59 Par
la suite, l’appelant a reçu des appels téléphoniques menaçants qui ont d’ailleurs mené le
procureur aux poursuites criminelles et pénales à conclure que la preuve était suffisante pour
intenter contre Jaques Tremblay des poursuites concernant l’infraction prévue à l’article 327 (3)
du Code code criminel.60 De plus, signalons que Pierre Bergeron a été reconnu coupable en
instance criminelle de harcèlement téléphonique contre l’appelant.61 Mentionnons aussi qu’après
avoir retenu les services d’un lave-auto que l’appelant a retrouvé des petites croix dans son 58 Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand [1996] 3 R.C.S. 211 par. 159 Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1, par. 32160 Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1, par. 32561 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par. 325
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David Leclair
véhicule sur lesquelles il était inscrit : « Simoneau le converti », « Simoneau le catholique » et «
le citoyen d’abord ».62 Avec déférence pour opinion contraire, nous voilà devant le résultat d’une
tentative volontaire de la majorité de soumettre l’appelant à la religion dominante. Ou du moins
de perturber l’appelant tant psychologiquement que moralement sur l’unique raison de son
incroyance.
Comme expliqué précédemment, le maire Tremblay a justifié ses agissements devant les
médias ainsi que devant les juges de la Cour d’appel en donnant une forte dimension religieuse à
son comportement. Notons qu’ils ont eux-mêmes reconnu que le maire par sa conduite a entrainé
le résultat que nous connaissons :
[157] Cela dit, je n'ai pas raison de croire que M. Simoneau a agi de manière abusive en tentant de mettre de l'avant ses convictions morales. Il s'est buté à un maire qui a vu dans les revendications de l'un de ses citoyens l'occasion de mener en son nom personnel et au nom de la Ville « un combat ». En ayant ce mauvais réflexe, M. le maire a polarisé inutilement les positions respectives des parties.63 (Nos soulignements)
Rappelons qu’à l’origine qu’aucune législation ne prévoyait la prière. En 2008,
l’adoption du Règlement VS-R-2008-40 a eu pour effet de modifier la prière initiale tout en lui
conférant un caractère législatif. Tout comme le Tribunal, nous considérons que le maire
Tremblay était raisonnablement en mesure de prévoir les répercussions sur l’appelant.64 Nous
convenons qu’il souhaitait entrainer un « résultat intentionnel ».65 En effet, celui-ci a créé un
effet de stigmatisation par le reste des citoyens en le dénonçant publiquement comme l’auteur de
la plainte concernant la prière. De surcroit, en privilégiant un ensemble de croyances au
détriment de la neutralité religieuse par l’habilitation de la récitation de la prière litigieuse par
règlement, la municipalité de Saguenay a contrevenu expressément à la neutralité de l’État. Le
maire Tremblay a aussi démontré qu’il souhaitait causer une atteinte discriminatoire à la liberté
62 Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1, par. 32663 Ville de Saguenay c. Mouvement laïque québécois, 2013 QCCA 936, par. 15764 Simoneau c. Tremblay, 2011 QCTDP 1, par. 33365 Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand [1996] 3 R.C.S. 211 par. 117
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de conscience de l’appelant en déclarant ouvertement qu’il menait un combat religieux en tant
que représentant de l’État.
38 Mémoire des appelants Décision demandée
PARTI IV
DÉCISION DEMANDÉE
POUR TOUS CES MOTIFS, l’appelant prie cette Honorable Cour d’accueillir son appel,
d’infirmer le jugement de la Cour d’appel, de rejeter l’action de l’intimé et de rétablir la décision
du Tribunal des droits de la personne rendu le 9 février 2011, le tout avec dépens, tant devant
cette Cour qu’en Cour d’appel.
Ottawa 19 novembre 2013.
Procureur de l’appelant
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39 Mémoire des appelants Bibliographie
PARTIE V
BIBLIOGRAPHIE
CETTE BIBLIOGRAPHIE EST UN EXEMPLE. EFFACE LA CE N’EST PAS À
NOUS !!!!!
Jurisprudence :
-BMW Canada inc. c. Automobiles Jalbert inc., 2006 QCCA 1068
-Houle c. Banque canadienne nationale, 1990 CSC 58, [1990] 3 RCS 122
-Parkway Pontiac Buick Inc. c. General Motors du Canada Itée., 2012 QCCA 618
-Slush Puppie Canada inc. c. Alimentation Couche-tard inc., 2004 QCCS 15335
Doctrine :
-Beaudoin, Jean-Louis et Pierre-Gabriel Jobin avec la collaboration de Nathalie Vézina,
Beaudoin et Jobin : Les obligations, 6e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2005
-Luelles, Didier et Benoît Moore, Droit des obligation, Montréal, Édition Thémis, 2006
- Beaudoin, Jean-Louis et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd.,
Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007
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