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Méthodologie I Technologie I Sémiologie Classe Préparatoire aux Grandes Écoles Arts & Design - Cours T. Machuron - Ésaab Nevers. Calligraphie & peinture chinoise. dossiers thématiques Définitions : La calligraphie est, étymologiquement, l’art de bien former les caractères d’écriture manus- crite. Ce mot provient des radicaux grecs κάλλος (kállos, « beau ») et γραφεĩν (grapheîn, « écrire »). Calligraphie et civilisations : Presque toutes les civilisations qui pratiquent l’écriture ont développé un art de la calligraphie. Toutefois, certaines d’entre elles l’ont élevé à un statut spécial en fonction des contextes historiques ou philosophiques particuliers. Cela peut amener à un questionnement sur l’usage même du mot « calligraphie » lorsqu’il est appliqué à des cultures non gréco-romaines. Par exemple, la notion de « beau » n’apparaît pas dans le mot japonais qui est traduit en Occident par «calligraphie», le mot japonais 書道 (shodo) signifie « la voie de l’écrit » et ce concept de « voie » renvoie à un univers davantage boudd- hique que purement esthétique. Parler de « calligraphie » dans le cas des écrits des grands maîtres ou des moines boudd- histes est même un contresens dans la mesure où cet acte représente pour eux un dépassement de la dualité du beau et du laid (concept de « voie »). Par ailleurs la place de cet art en Asie a été très différente de sa place en Occident, puisque l’apprentissage de l’art du trait était la base de la formation classique du peintre en Asie, dans des civilisations qui ne séparent pas la lettre et le dessin, le mot et l’image, le corps et l’esprit, le matériel et le spirituel. Dans plusieurs civilisa- tions orientales la calligraphie fait partie des sciences occultes, hiérurgie (la pensée, le pinceau, le trait et l’idée philosophique sont indissociables). Elle est aussi en Occident l’art des moines copistes, mais aussi de grands calligraphes chargés de contribuer au prestige des souverains et de l’aristocratie. En cela le travail des calligraphes était plus dans la recherche d’une exécution parfaite servant la gloire de leurs commanditaires, qu’une quête purement « esthétique », notion toute contemporaine. La calligraphie en Chine : La tradition veut que les caractères chinois aient été inventés par Cang Jie (~2650). Ses compositions étaient fondées sur l’observation de la nature, c’est pourquoi on disait qu’il avait deux paires d’yeux. Une autre tradition fait remonter l’inven- tion des caractères à Fuxi, le légendaire premier empereur. Quoi qu’il en soit, le fait est que l’art du trait a existé avant la fabrication des premiers pinceaux, gravé sur des carapaces de tortue dont il reste aujourd’hui quelques spécimens. Le calligraphe est un lettré qui a la connaissance approfondie des textes spirituels et littéraires de sa culture; il utilise toujours ce que la tradition a appelé «les quatre trésors du lettré»: bâton d’encre, pierre à encre, papier et pinceau. Ce ne sont pas

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Méthodologie I Technologie I SémiologieClasse Préparatoire aux Grandes Écoles Arts & Design - Cours T. Machuron - Ésaab Nevers.

Calligraphie &peinture chinoise.

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Définitions :

La calligraphie est, étymologiquement, l’art de bien former les caractères d’écriture manus-crite. Ce mot provient des radicaux grecs κάλλος (kállos, « beau ») et γραφεĩν (grapheîn, « écrire »).

Calligraphie et civilisations :Presque toutes les civilisations qui pratiquent l’écriture ont développé un art de la calligraphie. Toutefois, certaines d’entre elles l’ont élevé à un statut spécial en fonction des contextes historiques ou philosophiques particuliers. Cela peut amener à un questionnement sur l’usage même du mot « calligraphie » lorsqu’il est appliqué à des cultures non gréco-romaines. Par exemple, la notion de « beau » n’apparaît pas dans le mot japonais qui est traduit en Occident par «calligraphie», le mot japonais 書道 (shodo) signifie « la voie de l’écrit » et ce concept de « voie » renvoie à un univers davantage boudd-hique que purement esthétique. Parler de « calligraphie » dans le cas des écrits des grands maîtres ou des moines boudd-histes est même un contresens dans la mesure où cet acte représente pour eux un dépassement de la dualité du beau et du laid (concept de « voie »).

Par ailleurs la place de cet art en Asie a été très différente de sa place en Occident, puisque l’apprentissage de l’art du trait était la base de la formation classique du peintre en Asie, dans des civilisations qui ne séparent pas la lettre et le dessin, le mot et l’image, le corps et l’esprit, le matériel et le spirituel. Dans plusieurs civilisa-tions orientales la calligraphie fait partie des sciences occultes, hiérurgie (la pensée, le pinceau, le trait et l’idée philosophique sont indissociables).

Elle est aussi en Occident l’art des moines copistes, mais aussi de grands calligraphes chargés de contribuer au prestige des souverains et de l’aristocratie. En cela le travail des calligraphes était plus dans la recherche d’une exécution parfaite servant la gloire de leurs commanditaires, qu’une quête purement « esthétique », notion toute contemporaine.

La calligraphie en Chine :La tradition veut que les caractères chinois aient été inventés par Cang Jie (~2650). Ses compositions étaient fondées sur l’observation de la nature, c’est pourquoi on disait qu’il avait deux paires d’yeux. Une autre tradition fait remonter l’inven-tion des caractères à Fuxi, le légendaire premier empereur. Quoi qu’il en soit, le fait est que l’art du trait a existé avant la fabrication des premiers pinceaux, gravé sur des carapaces de tortue dont il reste aujourd’hui quelques spécimens. Le calligraphe est un lettré qui a la connaissance approfondie des textes spirituels et littéraires de sa culture; il utilise toujours ce que la tradition a appelé «les quatre trésors du lettré»: bâton d’encre, pierre à encre, papier et pinceau. Ce ne sont pas

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des «objets», mais le prolongement du corps et de l’esprit du maître ou artiste qui agit dans «la voie».

La calligraphie chinoise est le fondement de l’art chinois au sens moderne du terme, la beauté visuelle des idéogrammes, la technique sur laquelle elle s’appuie et les enjeux plastiques qui y sont liés incarnent l’ensemble des préceptes métaphy-siques de la culture chinoise. Elle est devenue un art majeur.

L’écriture chinoise est une transcription de la langue chinoise, et des mots qui la composent, mais elle n’est pas pour autant phonétique. En général, il faut deux racines monosyllabiques pour composer un mot, et par conséquent deux ca-ractères (sinogrammes). Toutes les racines sont monosyllabiques, chaque signe représente une idée et la langue écrite peut être lue dans toutes les langues de la Chine. Néanmoins, un nombre écrasant de sinogrammes intègrent une dimension phonologique, en ce sens qu’ils reposent sur la ressemblance phonique de deux mots différents. Ainsi, le caractère qui veut dire maman s’inspire de celui qui transcrit le mot ma (cheval). On nomme parfois ces caractères, qui sont majoritaires, des «phonologogrammes».

Si la langue graphique codifiée existe depuis 4 000 ans, les idéogrammes de la langue classique chinoise existent depuis presque 3 000 ans (vie siècle avant Jésus-Christ) et c’est vers 210 avant Jésus-Christ que Li Sseu déclarait : « Dans l’écriture d’un caractère, ce n’est pas seulement la composition qui importe, c’est aussi la force du coup de pinceau. Faites que votre trait danse comme le nuage dans le ciel, parfois lourd, parfois léger. C’est seulement alors que vous imprégnerez votre esprit de ce que vous faites et que vous arriverez à la vérité. »

La calligraphie est la forme d’art la plus caractéristique de l’aire culturelle chinoise, et les styles de peinture tra-ditionnels en sont directement issus. Elle est à l’origine même de l’art au sens occidental du terme, la création plastique étant indissociable des visées utilitaires de l’écriture.

Cet art s’est également beaucoup développé au Japon, de nombreux caractères appelés «kanji» (mot japonais signifiant littéralement «écriture des Han» et désignant les idéogrammes) étant communs aux deux langues. Mais en raison du fait que grammaticalement le japonais est totalement différent de la langue chinoise, les Japonais ont été obligés de créer deux alphabets syllabaires : «hiragana» et «katakana». La calligraphie s’est donc implantée au pays du soleil levant aussi fermement qu’en Chine, sur la base de la copie des textes bouddhistes, de la poésie et de la littérature également. En rai-son de la présence de ces deux syllabaires, la calligraphie japonaise doit ses lettres de noblesse à la calligraphie au pinceau fin, tandis que la calligraphie chinoise aura toujours tendance à privilégier des traits plutôt charnus. La différence dans la fabrication des pinceaux entre ces deux pays tient compte de cela, même aujourd’hui dans le cadre d’une fabrication artisanale totalement à la main.

La calligraphie n’existe pas sans l’art de la gravure des sceaux (en japonais tenkoku 篆刻). De même que pour les encres et pigments (pour la peinture), l’artiste grave lui-même son sceau. Une œuvre peut contenir de 1 à 7 sceaux différents.

La meilleure position pour calligraphier est au sol, avec une feutrine. L’apprentissage de la calligraphie en Asie est la base de la peinture qui est un art très particulier du trait. En cela la formation classique de l’artiste en Asie diffère de celle en Occident. La notion de «couleur» n’est également pas la même. Pour un occidental, l’encre est «noire», ce qui, en réalité, n’est pas le cas : les encres de qualité (en bâton) ont toutes des nuances de couleurs.

Les outils :

La calligraphie extrême-orientale a pour outils les « quatre trésors du lettré » :

- le pinceau de calligraphie chinois ou japonais. Le manche est différent, la composition des poils également ;- le papier traditionnel chinois, appelé « papier de riz » car le papier traditionnel chinois le plus utilisé contient de la paille de riz, en plus de l’écorce de fusain vert ou d’orme. Ce papier est appelé en chinois xuan zhi (en japonais sen-shi ou gasen-shi). Le papier japonais ne contient jamais de paille de riz 6.- le bâtonnet d’encre ; La composition des encres chinoises et japonaises n’est pas la même.- la pierre à encre: l’artiste fabrique ainsi son encre lui-même. Utiliser de l’encre chimique (préfabriquée et vendue en bou-teille), même lorsqu’on débute dans cet art, est une erreur.

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Dans la calligraphie chinoise, il existent 8 traits fondamentaux, qui servent à composer des symboles simples appelés clés, et ces clés, assemblées, composent les Sinogrammes.L’ordre de traçage des traits est d’une importance incontournable dans l’écriture chinoise et dépend du caractère tout en respectant certaines règles. On trace les traits du haut vers le bas, de gauche à droite, les traits verticaux, puis les traits horizontaux.

Voici le symbole «yǒng», qui signifie «éternité», et qui contient les 8 traits fondamentaux.

En réalité, lors du tracé de ce caractère, les traits 2, 3 et 4 sont tracés sans que le pinceau soit relevé. Il en est de même pour les traits 5 et 6.

Les traits ne sont pas tracé sans subtilités. Un point n’est pas le simple résultat du contact bref du pinceau sur le support. Le pinceau fait des crochets à l’intérieur des points et des traits.

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