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SALLINGER De Bernard-Marie Koltès Mise en scène Catherine Marnas Du mardi 20 novembre au vendredi 7 décembre 2012 Du mardi au samedi à 20h, dimanche 2 à 16h Relâche les lundis et dimanche 25 novembre Salle Koltès Dossier d’accompagnement pédagogique COPRODUCTION & CRÉATION Avec les comédiens de la troupe du TNS Contact Relations publiques : Quentin Bonnell Tel : 03 88 24 88 47 [email protected] Site internet : www.tns.fr Réservations : 03 88 24 88 24

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SALLINGER De Bernard-Marie Koltès Mise en scène Catherine Marnas

Du mardi 20 novembre au vendredi 7 décembre 2012 Du mardi au samedi à 20h, dimanche 2 à 16h Relâche les lundis et dimanche 25 novembre Salle Koltès

Dossier d’accompagnement pédagogique

C O P R O D U C T I O N &

C R É A T I O N Avec les comédiens de la troupe du TNS

Contact Relations publiques : Quentin Bonnell • Tel : 03 88 24 88 47 • [email protected]

Site internet : www.tns.fr • Réservations : 03 88 24 88 24

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Théâtre National de Strasbourg

Sallinger 2

© Gregory Crewdson

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Sallinger 3

Où donc y a-t-il encore des cœurs qui battent, du sang qui coule ?

Où y a-t-il des yeux qui brillent?

Anna

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Théâtre National de Strasbourg

Sallinger 4

Sallinger

De Bernard-Marie Koltès Mise en scène Catherine Marnas

Assistant à la mise en scène Julien Duval • Scénographie Carlos Calvo Lumières Michel Theuil • Création sonore Madame Miniature, Lucas Lelièvre Costumes Dominique Fabrègue assistée de Édith Traverso Maquillages Sylvie Cailler

Avec Muriel Inès Amat (TNS) Anna (sœur du Rouquin et de Leslie) Marie Desgranges (TNS) Carole (veuve du Rouquin) Fred Cacheux (TNS) Leslie (frère du Rouquin) Antoine Hamel (TNS) Le Rouquin Franck Manzoni (Cie Parnas) Al (le père) Olivier Pauls (Cie Parnas) Henri (confident de Leslie) Cécile Péricone (TNS) June (confidente de Carole) Bénédicte Simon (Cie Parnas) Ma (la mère)

Du mardi 20 novembre au vendredi 7 décembre 2012 Du mardi au samedi à 20h, dimanche 2 à 16h Relâche les lundis et dimanche 25 novembre Salle Koltès

Co-production Théâtre National de Strasbourg et Cie dramatique Parnas Soutien en production Théâtres en Dracénie | Draguignan (83) • Le Théâtre National de Strasbourg est subventionné par Le Ministère de la culture et de la communication • La Compagnie dramatique Parnas est subventionnée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC PACA), la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Conseil Général des Bouches du Rhône, la Ville de Marseille

> Les décors et les costumes ont été réalisés par les ateliers du TNS.

New York, 1964. Un jeune homme, le Rouquin, le grand frère « génial » vient de se suicider, laissant ses proches dans le désarroi le plus total. Alors que sa famille interroge sa mémoire et essaie de combler le vide avec des mots, son spectre vient les hanter. Tableau d'une Amérique angoissée à la veille de la guerre du Vietnam, la pièce sonne tel un combat où chacun s'efforce de donner un sens à la violence inéluctable.

Théâtre en pensées avec Catherine Marnas

et ses invités &

projection du documentaire BERNARD-MARIE KOLTÈS :

COMME UNE ÉTOILE FILANTE de François Koltès, 1997, 46’

Lundi 3 décembre à 20h TNS, Salle Gignoux

Du théâtre à l’écran

À LA RENCONTRE DE FORRESTER de Gus Van Sant, 2001, 114’

Dimanche 25 novembre à 16h au Cinéma Star

Tarif spécial 5,50 € sur présentation de la carte

d’abonnement du TNS ou d’un billet pour Sallinger

C O P R O D U C T I O N &

C R É A T I O N Avec les comédiens de la troupe du TNS

Bord de plateau

à l’issue de la représentation Mercredi 5 décembre

Sallinger est publié par les Éditions de Minuit, 1995

Conversation de la Librairie Kléber

avec l’équipe artistique &

lecture de lettres de Koltès

Samedi 1er

décembre à 11h

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Théâtre National de Strasbourg

Sallinger 5

SOMMAIRE

Sallinger, pièce annonciatrice de l’œuvre de Koltès

A/ L’auteur 1. Bernard-Marie Koltès (1948-1989) p.6 2. Un écrivain de théâtre p.7 3. La langue koltésienne p.9

B/ Genèse de la pièce 1. JD Salinger (1919-2010), « attrapeur de rêves » p.10

Extrait de L’Attrape-cœurs p.11 2. Sallinger, retour sur cette commande avec Bruno Boëglin p.12 3. Avant-propos de l’auteur p.13

C/ La pièce 1. Présentation de la pièce p.14 2. De Salinger à Sallinger : extraits d’un travail dramaturgique p.15 3. Extraits p.18

Le Sallinger de Catherine Marnas

A/ La mise en scène de Catherine Marnas 1. Note d’intention p.20 2. Catherine Marnas, une force impitoyable p.22

B/ Les coulisses de la création 1. Photos de répétition p.23 2. Éléments de décors p.25 3. Confection des costumes p.27

C/ L’équipe artistique

Annexes

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Sallinger 6

A/ L’auteur

« Pour ma part, j'ai seulement envie de raconter bien, un jour, avec les mots les plus simples, la chose la plus importante que je connaisse et qui soit racontable, un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits, n'importe quoi qui

soit un bout de notre monde et qui appartient à tous. »

Extrait d’un entretien accordé à Jean-Pierre Hàn au cours de l’été 1982.

1. Bernard-Marie Koltès (1948 – 1989)

Né le 9 avril 1948 dans une famille bourgeoise de Metz, Bernard-Marie Koltès est ancré dès sa jeunesse dans la révolte (à l’image de celle de Jean Genet) ; et s’initie à la musique de Jean-Sébastien Bach avec l’organiste Louis Thiry. Il est élève pensionnaire durant la guerre d’Algérie (« L’Algérie semblait ne pas exister et pourtant les cafés arabes explosaient et on jetait les Arabes dans les fleuves… » Entretien avec Michel Genson, 1988). En 1968, il voyage aux États-Unis et au Canada, s’installe à Strasbourg en 1969, où il assiste à une représentation de Médée (de Sénèque mise en scène par Jorge Lavelli) avec Maria Casarès. Il rencontre Hubert Gignoux, alors directeur du Théâtre National de Strasbourg, qui lui propose d’intégrer l’École du TNS ; il y entre en section « régie ». Il commence alors à écrire pour le théâtre. Entre 1970 et 1973, il écrit et monte ses premières pièces : Les Amertumes (d’après Enfance de Gorki), La Marche (d’après Le Cantique des cantiques), Procès Ivre (d’après Crime et châtiment de Dostoïevski), ainsi que L’Héritage (que Maria Casarès lit pour la radio) et Récits morts. Parallèlement, il fonde sa troupe de théâtre, « le Théâtre du Quai ». En 1973-1974, après un voyage en URSS, il s’inscrit au parti communiste et suit les cours de l’école du PCF dont il se désengagera en 1978. En 1976, il achève un roman (publié en 1884), La Fuite à cheval très loin dans la ville, influencé par le réalisme magique des romans latino-américains. En 1977, Bruno Boëglin crée Sallinger à Lyon, qui déplait fortement à Koltès, refusant alors la publication du texte. De son côté, il met en scène un long monologue écrit pour Yves Ferry, La Nuit juste avant les forêts au festival off d’Avignon. En 1978-79, il voyage au Nigeria, puis en Amérique latine, où il écrit Combat de nègre et de chiens ; l’année suivante, au Mali et en Côte d’Ivoire. En 1979, il rencontre Patrice Chéreau qui, à partir de 1983, créera au Théâtre Nanterre-Amandiers la plupart de ses textes. En 1981, la Comédie-Française lui commande une pièce qui deviendra Quai Ouest, et le théâtre Almeida de Londres celle qui deviendra Dans la solitude des champs de coton. En 1983, Chéreau inaugure sa première saison aux Amandiers par la création de Combat de nègre et de chiens (avec Michel Piccoli et Philippe Léotard). Quai Ouest suivra en 1986 (avec Maria Casarès, Jean-Marc Thibault, Jean-Paul Roussillon, Catherine Hiegel, Isaach de Bankolé...). En 1984, il écrit pour Chéreau, Nickel Stuff, scénario inspiré par John Travolta. En 1988, après avoir traduit pour Luc Bondy Le Conte d’hiver de Shakespeare, il écrit Le Retour au désert, pièce aussitôt créée par Chéreau au Théâtre du Rond-Point à Paris (avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli). En 1988, il écrit Roberto Zucco, personnage conçu à partir de l’histoire réelle du tueur Roberto Succo. La pièce est diffusée sur France Culture (Nouveau répertoire dramatique de Lucien Attoun) et créée en 1990 par Peter Stein à la Schaubühne de Berlin. Lors de la création française par Boëglin, au TNP-Villeurbanne en 1991, une polémique éclate, la pièce est même interdite à Chambéry. En 1989, au retour d’un ultime voyage en Amérique Latine, il rentre à Paris où, à 41 ans, il meurt du sida. Il est enterré au cimetière Montmartre. Bernard-Marie Koltès, dont les textes sont traduits dans une trentaine de langues, et joués dans une cinquantaine de pays, est aujourd’hui reconnu dramaturge français le plus joué à l’étranger.

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Théâtre National de Strasbourg

Sallinger 7

2. Un écrivain de théâtre « Un authentique écrivain »

L’itinéraire de Bernard-Marie Koltès ne saurait se concevoir sans que l’on souligne l’importance de ses années d’apprentissage à Strasbourg, sans que l’on mette en exergue ses relations avec Hubert Gignoux, un des pères de la décentralisation théâtrale en France. À l’époque de sa rencontre avec Koltès, Hubert Gignoux dirigeait le TNS ; il remarqua le jeune homme en 1970 lorsque celui-ci mit en scène Les Amertumes. Ce fut le début d’un long compagnonnage. Hubert Gignoux fit entrer Koltès à l’école du TNS en section « régie », et l’incita ensuite à ne se consacrer qu’à l’écriture.

« Quand il a bien voulu me faire lire ses premiers textes, il aurait fallu que je fusse bien aveugle pour ne pas voir d’emblée que Bernard était un authentique écrivain. Sans, pour autant, discerner s’il était davantage un écrivain de théâtre ou un romancier (je me suis longtemps posé la question et je m’interroge encore aujourd’hui). Mais puisqu’il semblait choisir la première voie j’ai pensé que la meilleure manière de l’aider c’était de compléter son inspiration naturelle, dont je n’avais pas à me mêler, par une réflexion sur la composition dramatique et ses règles objectives, si elle en avait. D’attirer son attention, non pas tant sur la psychologie des personnages que sur l’arrangement des situations et la clarté des enjeux, dussé-je avoir l’air de lui parler de « cuisine » et de « recettes ». Après quelques réactions vives, il a reconnu que le seul rôle utile que je pouvais jouer auprès de lui, c’était de contredire ainsi ses dispositions spontanées. Il devait apprendre, notamment, que le plus beau développement d’idées ou d’images (et Dieu sait s’il en était capable) pouvait détourner ou obstruer le cours de l’intrigue, du récit, et qu’il fallait parfois y renoncer à leur profit. Je ne lui demandais pas d’imiter des conventions mais simplement de les connaître et de juger s’il pouvait en tirer quelque chose qui fît « passer » au mieux ce qu’il avait à dire et qui devait être entendu. Je lui ai su gré du sens artisanal et, à mon égard, de la générosité avec lesquels il a su supporter cette pédagogie de contremaître. Je n’étais rien de plus auprès de lui. Non moins exemplaire son comportement lorsque l’École du TNS vécut son Mai 68, avec un peu de retard sur Paris. On pourrait croire que ce rebelle absolu sauta sur l’occasion de rejeter toute contrainte d’apprentissage et de discipline, en faveur du spontanéisme en vogue. Bien au contraire : aucun étudiant, pendant cette période troublée, ne se montra plus calme, plus ponctuel, plus zélé que lui. Comme agacé par une agitation qui lui semblait vaine, il renchérissait même sur l’application et la déférence. C’est qu’il ne se trompait pas de contestation. Il portait en lui la véritable et n’en supportait pas la parodie superficielle. Plus tard, tandis que les meneurs du désordre se révéleraient des fruits secs ou se fondraient dans la norme, il écrira Quai ouest et Roberto Zucco. Je ne sais pas si je l’ai utilement conseillé mais je suis sûr qu’il m’a beaucoup appris. »

Hubert Gignoux Texte initialement écrit pour Séquence, revue du TNS de Jean-Louis Martinelli

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Sallinger 8

Des personnages traversés par diverses forces

« L’ensemble d’un individu et l’ensemble des individus me semblent tout constitués par différentes “puissances“ qui s’affrontent ou se marient, et d’une part l’équilibre d’un individu, d’autre part les relations entre les personnes sont constitués par les rapports entre ces puissances. Dans une personne, ou dans un personnage, c’est un peu comme si une force venant du dessus pesait sur une force venant du sol, le personnage se débattant entre deux, tantôt submergé par l’une, tantôt submergé par l’autre. On a donné parfois à l’une le nom de Destin, mais cela me paraît trop schématique – et trop facile ! Dans les rapports entre les personnes, c’est un peu comme deux bateaux posés chacun sur deux mers en tempête, et qui sont projetés l’un contre l’autre, le choc dépassant de loin la puissance des moteurs. Bien au-delà d’un caractère psychologique petit, changeant, informe, il me semble y avoir dans chaque être cet affrontement, ce poids plus ou moins lourd qui modèle avec force et inévitablement une matière première fragile – et le personnage est ce qui en sort, plus ou moins rayonnant, plus ou moins torturé, mais de toute façon révolté, et encore et indéfiniment plongé dans une lutte qui le dépasse. »

Bernard-Marie Koltès Extrait d’une lettre à Hubert Gignoux, Strasbourg, le 7 avril 1970

Ecrire pour le théâtre

« Avant, je croyais que notre métier, c’était d’inventer des choses ; maintenant, je crois que c’est de bien les raconter. Une réalité aussi complète, parfaite et cohérente que celle que l’on découvre parfois au hasard des voyages ou de l’existence, aucune imagination ne peut l’inventer. Je n’ai plus le goût d’inventer des lieux abstraits, des situations abstraites. J’ai le sentiment qu’écrire pour le théâtre, « fabriquer du langage », c’est un travail manuel, un métier où la matière est la plus forte, où la matière ne se plie à ce que l’on veut que lorsque l’on devine de quoi elle est faite, comme elle exige d’être maniée. L’imagination, l’intuition ne servent qu’à bien comprendre ce que l’on veut raconter et ce dont on dispose pour le faire. Après, ce ne sont plus que des contraintes (écrire dans la forme la plus simple, la plus compréhensible, c’est-à-dire la plus conforme à notre époque), des abandons et des frustrations (renoncer à tel détail qui tient à cœur au profit de telle ligne plus importante), de la patience (si je mets deux ans pour écrire une pièce, je ne crois pas que la seule raisons en soit la paresse). » […] « J’aime bien écrire pour le théâtre, j’aime bien les contraintes qu’il impose. On sait, par exemple, qu’on ne peut rien faire dire par un personnage directement, on ne peut jamais décrire comme dans le roman, jamais parler de la situation, mais la faire exister. On ne peut rien dire par les mots, on est forcé de la dire derrière les mots. Vous ne pouvez pas faire dire à quelqu’un : « Je suis triste », vous êtes obligé de lui faire dire « Je vais faire un tour […]».

Extraits d’un entretien accordé à Jean-Pierre Hàn au cours de l’été 1982

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3) La langue koltésienne

« Je ne sais plus, bien sûr, ce que je te disais exactement, à propos de mon texte, dans la lettre que je t’ai écrite en Italie, car je ne me souviens plus de toutes les remarques que tu m’avais faites. Ce dont je suis sûr, cependant, c’est que, à mon avis, si tu veux le comprendre, et, au-delà de cela, si tu veux un jour comprendre tous ceux, ou certains de ceux qui ne parlent pas le même langage que toi (et on ne peut quand même pas toute sa vie ne comprendre et ne parler qu’à son “monde” à soi, qui est si petit !), il faut se rendre compte que, en général, plus la chose à dire est importante, essentielle, plus il est impossible de la dire : c’est-à-dire : plus on a besoin de parler d’autre chose pour se faire comprendre par d’autres moyens que les mots qui ne suffisent plus. » (Bernard-Marie Koltès, Lettre à sa mère, Paris, septembre 1977)

Une foi en la fiction La première caractéristique du théâtre de Koltès, ce qui le rend immédiatement séduisant, c’est sa foi en la fiction. Presque toutes ses pièces mettent en scène le monde d’aujourd’hui, racontent une histoire, offrent une action dramatique, voire une progression – tout ce dont le « nouveau théâtre » des années 50 semblait avoir sonné le deuil. Ce classicisme pourtant n’est qu’apparent. Koltès n’est pas un auteur « dramaturgiquement correct » Comme le savent tous ceux qui ont pris la peine de pénétrer dans l’œuvre, les problèmes que pose sa forme sont multiples et nouveaux : ainsi de ces espaces prétendument conformes à l’unité de lieu1 mais qui sont en fait d’insolubles casse-tête pour les metteurs en scène (comme le hangar de Quai Ouest qu’il faudrait pouvoir voir de l’extérieur, de l’intérieur, de près, de loin, de côté, etc.) ; ainsi de ces personnages dont le « roman » est si lacunaire que les trous de leur biographie finissent par devenir plus significatifs que ce qu’on sait d’eux ; ainsi de ces longues répliques dans lesquelles les protagonistes feignent de s’expliquer mais qui leur servent en réalité à masquer leurs véritables objectifs ; ainsi de ces intrigues dont les péripéties les plus marquantes, les retournements les plus lourds de conséquences, loin d’éclairer les enjeux de chacun, ouvrent bien souvent des « question(s) posée(s), et non résolue(s) » : bref, tout ce qui paraît s’inspirer d’une forme classique est détourné, subverti, on aurait presque envie de dire : perverti. Non, Koltès n’est pas un auteur « dramaturgiquement correct ». [...] Ellipses et énigmes On l’a dit : Koltès aime raconter des histoires. Au moment où il se fait connaître, vers la fin des années soixante-dix, ce n’est pas là chose si courante pour un « auteur contemporain ». Beaucoup de dramaturgies s’inscrivent alors dans la lignée de Beckett et parient plutôt sur une exténuation de la fiction. Plus nombreux encore sont ceux qui se réclament, explicitement ou non, du brechtisme et de ses avatars : la « fragmentation » du récit et la déconstruction de la fable sont pour eux un passage obligé. En cette « ère du soupçon », l’intention avouée de Koltès de produire dans ses pièces des « métaphores de la vie », de faire de la scène un microcosme, paraît incongrue, voire désuète, pour ne pas dire franchement régressive. Son théâtre, pourtant, prend acte lui aussi d’une inadéquation entre la forme dramatique classique – où les événements s’enchaînent et se lient dans une relation de cause à effet pour aboutir à un dénouement lourd de sens – et l’opacité du monde et de l’homme contemporains. Mais ce n’est ni par l’éclatement de la forme ni par l’hétérogénéité du style que Koltès va s’efforcer de ressaisir leur complexité ; c’est par la construction singulière de chacune de ses pièces, par la subtilité de leur structure qu’il prend au piège l’énigme du réel.

Anne-Françoise Benhamou Paru dans Théâtre Aujourd’hui, n°5 ; CNDP, 1996

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B/ Genèse de la pièce

La pièce Sallinger est le fruit d’une rencontre entre théâtre et littérature, entre des comédiens et un écrivain de théâtre : en 1977 le metteur en scène Bruno Boëglin invite Bernard-Marie Koltès à écrire un texte autour du romancier américain Jerome David Salinger à partir d’un travail d’acteurs. Retour sur les inspirations de Koltès.

1. JD Salinger (1919-2010), « attrapeur de rêves » Le silence de Salinger signe sa cohérence ultime : écrire pour le plaisir, écrire pour soi seul – des romans, des cahiers – sans publier, sans accorder d'entretien, sans sacrifier sa vie aux jeux du monde. Tel est le paradoxe de cet écrivain immensément populaire, qui a fait le pari qu'une poignée de personnages – Holden Caulfield, Esmé, Zooey, Seymour ou Daumier-Smith – défendrait à jamais son humour et ses tyrannies. Un demi-siècle de silence, depuis sa dernière publication en 1965 jusqu'à sa mort sur une colline boisée de Cornish dans le New Hampshire, le 27 janvier 2010. Misanthrope et ascète, chicaneau à ses heures, Salinger s'est voulu auteur énigmatique, malgré la divulgation de lettres intimes et la parution, en 1998 et en 2000, de deux livres dévoilant sa vie privée ou, comme il se décrit lui-même, « un homme dans ce monde mais pas de ce monde ». C'est à New York, le 1er janvier 1919, que naît Jerome David Salinger. Après l'académie militaire de Valley Forge en Pennsylvanie, il entame des études universitaires à Columbia, dans l'atelier d'écriture du rédacteur du magazine Story qui publie sa première nouvelle en 1940 (The Young Folks), avant qu'il soit mobilisé dans le 12e régiment d'infanterie. Ensuite, de manière sporadique, ses nouvelles paraissent dans le Saturday Evening Post, Esquire, Harper's Magazine, et touchent d'emblée un public assez large. Mais c'est grâce au New Yorker en 1947 qu'il remporte un énorme succès avec « Un jour rêvé pour le poisson-banane », première du recueil Neuf Nouvelles (1953). Un texte dont le titre a un charme accrocheur, dont le ton illustre l'art des ruptures et des mystères. La nouvelle s'ouvre par une conversation téléphonique, séquence où excelle Salinger, qui fait jongler répétitions, non-dits, rythmes, coupures et saccades, avec en contrepoint la plage, la petite Sybil qui joue et nage avec Seymour à la poursuite de leur chimère, le poisson-banane. Tout est là : l'enfant, l'angoisse à fleur de peau, une poésie légère. La guerre ? Elle existe en filigrane, à travers de simples allusions – Seymour lisait des poèmes en Allemagne et laisse son carnet intime de pilote, Esmé rencontre un soldat américain dans un salon de thé. Alors que Salinger a servi dans le contre-espionnage de 1942 à 1946 et a débarqué en Normandie à Utah Beach le 6 juin 1944, qu'il aime l'uniforme et roule en Jeep toute sa vie, il préfère réinventer l'adolescence au travers de ses nouvelles et de son roman L'Attrape-cœurs (The Catcher in the Rye), dédié à sa mère, qui paraît à Boston en 1951. Franny et Zooey, « film dramatique en prose », fait la couverture du magazine Time en septembre 1961 avant même sa parution triomphale ; le savoureux Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers suivi de Seymour, une introduction sort en 1963 ; Hepworth 16, 1924, nouvelle épistolaire, clôt le tout en 1965. C'est l'ovation et Salinger devient l'idole des jeunes et des classes libérales aisées. L'impertinence, les formules à l'emporte-pièce, un rythme à saute-mouton séduisent : le succès ne se dément pas puisque L'Attrape-cœurs se vend aujourd'hui au rythme de 250 000 exemplaires par an. Voilà qui assure, dès 1953, à Salinger la possibilité de faire retraite dans l'isolement et la spiritualité, entre bouddhisme zen et hindouisme vedanta, dans « une paix merveilleuse ».

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Sallinger 11

[…] Les lecteurs apprécient ses histoires en circuit fermé de la tribu Glass, « une famille de prodiges psychotiques » dont chacun à son tour prend le contrôle d'une nouvelle, menée avec humour et brio, décapant les conduites frelatées. Par son mélange de fugue, d'alcool, de sexe, d'errance dans la grande ville, L'Attrape-cœurs, qui marque le début d'une nouvelle représentation de l'adolescence, revendique à la fois l'égotisme, la sincérité et une parenté avec le possédé de Gérasa évoqué dans l'Évangile de Marc. Le titre original, emprunté à un poème de Robert Burns, prend forme dans la rêverie pastorale d'Holden Caulfield, seize ans, avec sa vision d'un champ de seigle où s'achève la chute d'enfants tombant d'une falaise, métaphore du passage à l'âge adulte. Si l'œuvre amuse, on voit aussi en elle les germes et les incarnations d'une résistance américaine. Salinger a toujours opposé un refus au monde du cinéma (Wilder, Spielberg ou Brigitte Bardot), lui l'amateur de Laurel et Hardy et des Marx Brothers, de même qu'à ses éditeurs, à l'exception des transcriptions en braille. Calé entre Fielding et W. C. Fields, ce brillant conteur, taquiné par « a Muse de la Joie totale », idéaliste meurtri, demeure un « attrapeur de rêves ».

Liliane KERJAN, Encyclopaedia Universalis

Extrait de L’Attrape-cœurs

CHAPITRE 5 […] Alors je me suis mis en pyjama et robe de chambre, j’ai enfoncé ma casquette sur ma tête et j’ai attaqué la foutue dissert’. L’ennui, c’est que j’arrivais pas à penser à une pièce ou une maison à décrire comme Stradlater avait dit. Je raffole pas de décrire les pièces ou les maisons. Donc voilà ce que j’ai fait, j’ai parlé du gant de base-ball de mon frère Allie. C’était un bon sujet de description. Vraiment bon. Mon frère Allie avait un gant de base-ball pour joueur gaucher. Parce qu’Allie était gaucher. Ce qui prêtait à description c’est qu’y avait des poèmes écrits sur les doigts et partout. À l’encre verte. Mon frère les copiait sur son gant pour avoir quelque chose à lire quand il était sur le terrain et qu’il attendait que ça redémarre. Maintenant il est mort, mon frère. Il a eu une leucémie, il est mort quand on était dans le Maine, le 18 juillet 1946. Vous l’auriez aimé. Il avait deux ans de moins que moi mais il était dans les cinquante fois plus intelligent. Il était super-intelligent. Ses professeurs écrivaient tout le temps à ma mère pour lui dire quel plaisir ça leur faisait d’avoir Allie dans leur classe. Et c’était pas du baratin. Ils le pensaient pour de vrai. Non seulement Allie était le plus intelligent de la famille mais en bien des façons il était le plus chouette. Il se mettait jamais en rogne. Les rouquins, on dit qu’ils se mettent en rogne facilement, mais Allie jamais. Je vais vous dire le genre de rouquin que c’était. J’ai commencé à jouer au golf quand j’avais à peine dix ans. Je me souviens d’une fois, l’année de mes douze ans, je plaçais la balle sur le tee et j’ai eu comme l’impression que si je me retournais je verrais Allie. Je me suis retourné. Et tout juste, il était là, assis sur son vélo, de l’autre côté de la clôture —y avait cette clôture qui entourait le terrain — et il était là, à cent cinquante mètres de moi environ qui me regardait faire. Voilà le genre de rouquin que c’était. Bon Dieu, On a jamais vu un môme aussi chouette. […]

Traduit de l’américain par Annie Saumont

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Théâtre National de Strasbourg

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2. Sallinger, une commande d’auteur

Même si 1977 est aussi l'année où Koltès compose le monologue La Nuit juste avant les forêts, il est possible de considérer Sallinger comme une première pièce : une création « initiale », sinon initiatique, dans la mesure où elle contient et les thèmes, et les formes, et les atmosphères, et le rythme unique des mots auxquels le poète ne cessa ensuite de revenir, toujours se décalant, et affinant d'œuvre en œuvre son art de l'ellipse, de l'énigme, du catapultage de solitudes juxtaposées. À l’instar de son ultime personnage, Roberto Zucco, pour lequel Koltès change en « Z » la première lettre du nom du criminel Succo dont la trajectoire l'avait inspiré, il ajoute – remettant son ouvrage à Boëglin – un « l » à l'orthographe de Salinger, s'affirmant d'entrée à une latitude autre que celle de l'auteur de L'Attrape-cœurs. Le metteur en scène Bruno Boëglin, qui « commande » cette pièce et en présente la première mise en scène à Lyon en 1977, raconte leur rencontre. « J’avais lu La nuit juste avant les forêts du Nicaragua, premier titre, puis j’avais lu le roman La Fuite à cheval puis je l’avais rencontré... Ça s’est fait vraiment comme ça...pas plus compliqué. Il y a eu des réunions... où on parlait beaucoup de Salinger, pas beaucoup de son écriture, pas du tout, pas du tout ce que j’avais fait moi avant, comme comédien ou metteur en scène, pas du tout le trajet des autres personnes qui étaient mêlées à l’aventure

1... »

« Nous lui avons passé une commande d’auteur (en 1977, ce n’était pas une démarche courante, ni encouragée par le Ministère comme aujourd’hui…). Je lui avais proposé de suivre un travail d’acteurs que nous allions faire sur un romancier que j’adore, J.D. Salinger, puis de nous écrire un texte à partir de là, sur ce qu’il aurait vu ou sur autre chose, sur ce qu’il voulait : en lui donnant carte blanche. Il est donc resté avec nous trois mois, à l’issue desquels nous avons créé un premier spectacle, Lectures américaines, impressions d’acteurs. Il regardait, sans rien dire. Puis il s’est retiré et nous a apporté Sallinger, inspiré très librement par l’ensemble de l’œuvre. Quand je pense aujourd’hui à la manière dont j’ai monté ce texte, je suis horrifié ! J’avais fait des coupures (il y avait beaucoup de longs monologues), ce que Bernard avait admis, mais j’avais aussi ajouté un personnage avec du texte, ce qui l’avait mis en fureur

2… »

« Quand il m’a donné le manuscrit

3,...je me disais c’est pas possible j’y arriverai pas...Il y avait huit ou neuf

monologues qui faisaient quatre ou cinq pages et dedans était contenu absolument – je ne suis pas un spécialiste des textes de Bernard – mais, était contenu absolument tout ce qui allait devenir son œuvre d’écrivain de théâtre

1 ».

À la lecture de Sallinger, on peut comprendre le besoin qu’éprouva Bruno Boëglin de « recadrer » la pièce ; car même si elle emprunte quelques situations au romancier américain

4 les véritables clés de ce texte superbe se trouvent dans

la suite de l’œuvre de Koltès : la dérive dans la ville du jeune Leslie ressemble moins à la fugue du héros adolescent de L’Attrape-cœur qu’à la déambulation ambiguë du Client de la Solitude ; et la violence avec laquelle sont décrits les rapports familiaux autour d’un fils en quête de lui-même – père déchu plein de mépris pour ses enfants, mère et sœur possessives jusqu’à l’étouffement, ambivalence absolue de tous les affects et impossibilité et s’extraire des liens du sang – évoque par avance la situation catastrophique de Charles dans Quai Ouest et le combat que mèneront Zucco et la Gamine contre leur famille… Bref, nous sommes en plein Koltès, et la couleur américaine de l’ensemble n’y change rien : la guerre de Corée et celle du Vietnam jouent ici exactement le même rôle que la guerre d’Algérie dans Le Retour au désert et la mystérieuse campagne coloniale à laquelle Rodolphe a participé dans Quai Ouest ; elles servent de révélateur à l’état véritable du monde : la lutte à mort des êtres les uns contre les autres. […]

D’après Mathilde La Bardonnie, pour Libération Et Anne-Françoise Benhamou, dans Théâtre Aujourd’hui, n°5 ; CNDP, 1996

1. Entretien de Bruno Boëglin avec François Koltès en 1997 pour le film documentaire Comme une étoile filante (voir les rencontres au tour du spectacle p.36) 2. « Des histoires de famille », entretien avec Bruno Boëglin, propos recueillis par A.-F. Benhamou, Alternatives théâtrales, n°35-36, art.cit. 3. Si Koltès remet un manuscrit à Boëglin, il renie dès sa première mise en scène son texte, s’opposant fermement à toute publication et faisant même disparaître les rares exemplaires. La pièce est ainsi éditée à titre posthume, en 1995. Elle a depuis été traduite en allemand, anglais, italien et turc. 4. Notamment aux récits L’Attrape-cœur ; Franny et Zooey ; Dressez haut la poutre maîtresse et à la nouvelle « Un jour rêvé pour le poisson banane » (in Nouvelles).

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3. Avant-propos de l'auteur

Quel élément spectaculaire peut produire un comédien travaillant jusqu'à l'extrême sa subjectivité à partir d'un matériau qui est l'extrême contraire : une œuvre romanesque ? « Impressions d'acteurs » : qu'est-ce qu'une lecture et qu'en reste-t-il lorsqu'on s'est détaché du souvenir de l'œuvre ? Quel est le souvenir final ? Est-ce un personnage, un rapport, une absence de rapports, le tableau d'un élément vital, ou même rien de tout cela, quelque chose de beaucoup plus essentiel, qui a touché au plus profond le comédien, et qu'il veut, par ce spectacle, transmettre ? Totale liberté de l’acteur, et soumission totale à ce qui fait la force et l'existence d'une œuvre qu'on a aimé. Lecture américaine est une première étape à la fois dans l'approche de l'œuvre de Salinger, dans la définition de ce qu'est une impression de lecture et, enfin, comme il s'agit de comédiens, dans l'investigation du pouvoir et des limites du théâtre pour les dire. L'œuvre de Salinger n'a rien de théâtral : c'est un objet littéraire, bien construit pour être lu, – mais il y a, en cela et en faisant partie, le drôle d'air avec lequel il le montre, le ton qu'il prend pour dire tout cela – et c'est ce ton-là qui est théâtral. Une « adaptation » de la longue histoire de famille que raconte Salinger, c'est un projet absurde. Tenter de porter sur scène ce drôle d'air qui fait de cette histoire quelque chose de profondément poétique, c'est un beau sujet de spectacle, c'est comme si, en réalité, l'œuvre de Salinger était un morceau de littérature dont parle un comédien. (...)

Bernard-Marie Koltès Extrait des programmes du Nova Théâtre à Lyon

18 octobre 1977 et 21 mars 1978

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C/ La pièce

1. Sallinger : présentation de la pièce

Un jeune homme, le Rouquin, s’est tué en laissant derrière lui une famille inconsolable et une jeune veuve éplorée qui se disputent sa mémoire. Le suicidé, en quelques apparitions énigmatiques (est-ce un spectre ou une pure hallucination des survivants ?) tente en insultant les uns et les autres d’empêcher qu’on s’arrange avec sa mort. En vain : tous se drapent dans leur deuil. Cette histoire de famille lourde d’affectes et de rancœurs tombe bientôt en panne la rencontre attendue de Carole, la veuve avec sa belle-famille tourne court et les deux confrontations du Rouquin et de Leslie, son frère cadet, ne débouchent sur aucune révélation. Alors se produit une déchirure dans la trame de la fiction : Al, le père, qu’on n’avait vu jusque là que mutique, abruti d’alcool, reparaît devant le rideau de scène et interrompt la représentation pour annoncer joyeusement aux spectateurs que « l’Amérique mobilise ». Les petites histoires s’ouvrent d’un coup sur la grande : la guerre du Vietnam brutalement survenue fait déferler le refoulé de la première partie. On comprend alors que le Rouquin s’est tué à son retour de la guerre de Corée tandis que l’imminence de la conscription porte à l’incandescence le malaise des jeunes gens. Tirant les conclusions de son vécu d’exclusion, Henry, le « confident » de Leslie, choisit de se jeter d’un pont plutôt que de partir pour le Vietnam, tandis qu’Anna, sa sœur, sombre volontairement dans la folie. Après une dernière apparition du mort dans une scène fantasmatique où il accueille violemment son frère sur un champ de bataille, la pièce s’achève par un flash-back étrange : Carole et sa « confidente », au moment où elles fuient le théâtre, « revoient » le suicide du Rouquin, sans que le mystère de son geste soit pour autant levé, comme si Koltès invitait in fine le spectateur à interpréter lui-même l’événement.

Anne-Françoise Benhamou Paru dans Théâtre Aujourd’hui, n°5, CNDP, 1996.

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2. « De Salinger à Sallinger », par Jean-Marc Lanteri Le texte qui suit est tiré d’un travail dramaturgique effectué pour la compagnie Boomerang-Michel Didym à l’occasion de la mise en scène de Sallinger par Michel Didym (création du spectacle au théâtre de l’Hippodrome, scène nationale de Douai, 15 janvier 1999) et a également fait l’objet d’une communication aux journées d’étude « Bernard-Marie Koltès : un théâtre littéraire » organisées les 13 et 14 novembre 1998 à l’université de Paris X-Nanterre par Christophe Triau.

[…] Il existe dans l’œuvre de Salinger plusieurs constellations familiales : celles des nouvelles qui brassent de multiples personnages […], celle de L’Attrape-cœurs (famille Caufield, cdlr) qui forme un univers romanesque relativement autonome, celle des chroniques de la famille Glass auxquels appartiennent strictement le roman Franny et Zoey, ainsi que les nouvelles « Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers » et « Seymour, une introduction », mais les trois sous-ensembles s’interpénètrent comme dans une comédie humaine non-systématique. L’une des neuf nouvelles notamment, « Le jour rêvé pour le poisson-banane », décrit le suicide de Seymour. […] Ce qui relie la famille Glass à la famille Caufield, […] c’est la légende complexe d’un frère mort. D’une part, Seymour, l’aîné des Glass, dont le suicide va peser de manière à la fois formatrice et traumatisante sur les autres enfants. D’autre part, Allie, le frère d’Holden dans L’Attrape-cœurs, mort d’une leucémie en 1946, et dont le souvenir obsède Holden. C’est lui qui est rouquin et fournit au personnage de Koltès son sobriquet – qui est aussi son seul nom connu. Des recoupements immédiats sont possibles pour ce qui est des modèles salingériens des personnages de Sallinger : Ma fait évidemment songer à Bessie Glass, Al à Les Glass que l’on en voit pratiquement jamais dans l’œuvre du romancier. Leslie, comédien, tient à la fois de Zoey et d’Holden ; Anna fait penser à Franny mais aussi à Phoebé, la sœur d’Holden dans L’Attrape-cœurs. Henri est directement issu d’un personnage nommé Ackley dans L’Attrape-cœurs. De toute la famille Glass, Koltès a indiqué en filigrane ce qui constitue sa tare la plus remarquable, ses dons, ses surdons précisément. Tous les enfants Glass […] sont des surdoués, à l’image d’un autre personnage, Teddy, le héros de la neuvième nouvelle, qui porte son nom. Dans son immense talent, sa connaissance des vies antérieures, Teddy va jusqu’à prédire par boutade sa propre mort, […] mais celle-ci survient effectivement dans les circonstances décrites quelques minutes plus tard… Chez Koltès, le motif du surdon est moins accusé, il sert surtout de ligne de démarcation, voire d’exclusion, entre la famille du Rouquin et Carole. C’est sans doute cette outrecuidance d’enfant prodige que Carole stigmatise lorsqu’elle s’en prend à la famille du Rouquin et souhaite elle aussi « être écrite ». En ceci, sa réaction fait songer à celle du petit clan de la fiancé dans Dressez haut la poutre maîtresse : « les auditeurs se partageaient en deux camps, deux camps étrangement passionnés : ceux qui tenaient les Glass pour une bande de petits prétentieux insupportables qu’on aurait dû noyer ou passer à la chambre à gaz dès leur naissance et ceux pour qui ils étaient de jeunes savants ». Koltès semble jeter un voile de suspicion sur le leitmotiv du surdon dans l’œuvre du romancier. Peut-être parce qu’il y décèle l’empreinte du narcissisme de son auteur. Peut-être aussi parce que le surdon est une sorte de machine pittoresque, typique d’une Amérique fière d’elle-même, quasi gamine, que Koltès s’efforce de stigmatiser puisque Sallinger […] comporte une charge extrêmement forte contre l’impérialisme et le colonialisme américain. La pièce date de 1977, au moment où la sale guerre du Vietnam est encore dans les esprits (Koltès milite, rappelons-le, entre 1974 et 1978 au parti communiste). Dans cette optique, le surdon devient dans la bouche même du rouquin […] un simple « pouvoir de dérapage ». Le surdon est à certains égards un parangon du conformisme américain, tandis que le pouvoir de « dérapage » est pouvoir de subversion, sans pittoresque. […] Le suicide du Rouquin peut aussi s’interpréter comme une forme de suprême dérapage, un acte ambigu, volontaire-involontaire, en tout cas inexpliqué.

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Koltès et Salinger se rejoignent parfaitement par contre pour ce qui est de décrire la famille comme une structure tentaculaire et captatrice. […] Entité dévoratrice, la famille est un organisme qui semble conjuguer la plus grande nocivité et la plus grande fragilité. L’essentiel des interventions de Ma tourne autour de la question familiale. L’histoire « avec moralité » qu’elle raconte à la demande de la famille est une mise en abîme, sous la forme d’un western un peu délirant, des risques que court l’entité familiale. Le couple même ne peut que se dissoudre dans la famille. […] Dans « Dressez haut la poutre maîtresse », Boo boo développe à l’encontre de Muriel le même mépris qu’Anna développe vis-à-vis de Carole. La première traite Muriel de « nullité » et Anna qualifie Carole de « grosse poule ». Dans « Le jour rêvé pour le poisson-banane », Seymour se suicide pendant son voyage de noces. […] Dans Sallinger, Carole est elle aussi impuissante à conjurer le suicide du Rouquin. Qu’elle s’endorme à la fin de la pièce, qu’elle n’assiste pas à la reconstitution de son suicide indique sans doute son incapacité à entendre et comprendre cette étrange oraison funèbre, qui prend la forme d’un monologue téléphonique. Koltès rejoint JD Salinger sur un point tout à fait essentiel : l’ambivalence que tous ses personnages entretiennent avec cette figure qui est leur noyau attractif. Chez Koltès, l’ambivalence procède du changement d’état du personnage. Le Rouquin mort est devenu agressif, la mort agit sur lui comme une sorte de révélateur. Leslie s’étonne qu’il parle de manière aussi grossière. Carole corrobore ses dires, faisant l’éloge de sa délicatesse. À quoi June ne croit rien, car selon elle, les rouquins « tapent facilement ». Le Rouquin, sort de la géhenne pour refuser sa propre légende. De figure tutélaire qu’il était, objet de regret, de nostalgie et de tendresse, il va devenir un vecteur de mort, de conflit et de destruction. Même réversibilité inquiétante chez le romancier américain, Seymour est une légende ressassée, un objet de fascination absolu, en même temps qu’une puissance perverse, un éducateur malfaisant. Dans Franny et Zoey, Franny, la plus jeune des sept enfants entre en dépression. Conséquence lointaine de l’éducation de ses aînés, qui l’ont gavée d’ouvrages mystiques. Seymour a donc agi à l’encontre de ses cadets un peu comme un gourou irresponsable et manipulateur vis-à-vis de ses adeptes. […] Le Rouquin et Seymour ont encore un autre point commun : la guerre. La guerre qui est l’équivalent dans la sphère sociale de ce qu’est la famille dans la sphère individuelle : une puissance d’enfermement. Une première constatation tout à fait élémentaire s’impose pour ce qui est du parallèle à dessiner entre Koltès et Salinger : jamais JD Salinger n’est intervenu à propos du Vietnam ou de la Corée. La seule guerre présente dans l’œuvre du romancier américain, c’est la seconde guerre mondiale. Il semble qu’au moment où survient la guerre de Corée, JD Salinger est déjà impliqué dans un trajet individuel et mystique qui le coupe du réel en tant qu’individu et détourne son œuvre de toute relation avec l’histoire immédiate. Sallinger de Koltès a pour arrière-plan toutes les guerres coloniales de l’Amérique. Le Rouquin prétend avoir connu la Corée […] tandis qu’Henry se suicide pour échapper au Vietnam. Leslie fait la navette historique entre ces deux suicidés dont les morts dessinent un tragique trait d’union entre les deux époques. Le dramaturge et le romancier se rejoignent pourtant dans l’emploi systématique de l’ironie et de la dérision. […] Salinger a connu la drôle de guerre de 45, du point de vue d’un Américain. Dans le passage du roman au théâtre, de JD Salinger à Koltès, l’ironie cède la place au burlesque, voire à la bouffonnerie. […] On retrouve dans Sallinger le guerrier en maillot de corps, réduit à l’inaction, à l’alcoolisme, à la drogue, au sexe, par une armée insaisissable. La guerre du Vietnam fut une atroce drôle de guerre. On sait que sur le théâtre des opérations, un appelé américain combattait une dizaine de jours par an en moyenne, et que son cadre de vie reconstituait, avec une précision quasi ridicule, les conditions de séjour aux Etats-Unis. Même nourriture, même quotidien, mêmes produits de consommation, même musique. Et aucune curiosité pour le pays lui-même. […] Mais la pièce de Koltès porte au-delà de la satire. Dès le début, tous les personnages se disputent la mémoire du Rouquin et débattent de son identité. […] Le Rouquin est par delà la mort un guerrier, guerrier nonchalant et inactif, mais guerrier absolu. Tous les personnages sont donc sommés de se positionner par rapport à la guerre comme ils ont dû se positionner par rapport au Rouquin.

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Sans jamais s’affronter directement, le père et la faille, Al et Anna, incarnent les deux positions extrêmes, le pacifisme et le bellicisme. Ils dessinent la grande cassure idéologique de l’Amérique, l’évolution des mentalités dans les années 60 qui commence avec l’anticommunisme belliciste et s’achève dans le pacifisme hippie, ils sont les projections théâtrales des faucons et des colombes. Mais Anna a le pacifisme dépressif tandis qu’Al a le bellicisme plutôt joyeux. Leslie, figure témoin que nous accompagnons dans sa quête du Rouquin des scènes III à X, louvoie donc, au cours de sa recherche, entre ces deux bornes […]. Dans la scène IX, la structure dramatique reflète bien l’influence rivale de ces deux pôles. […] Ses actes de violence destructrice – il arrache les rideaux, frappe son père, casse les vitres – sont littéralement encadrés, cernés par les deux entités antagonistes et leurs monologues respectifs. Le cruel paradoxe est que Leslie n’a que la violence domestique pour manifester contre la guerre. En détruisant l’appartement, il prouve qu’il est mûr pour le champ de bataille. En s’attaquant au décor familial, il croit peut-être lutter contre la tyrannie mais il joue du balai pour ses futurs supérieurs, il fait place nette pour le théâtre des opérations. Avec une douceur possessive, avec sa diplomatie empoisonnée, Al a tôt fait d’envoyer Leslie aux armées. D’ailleurs, si Leslie est réceptif au militarisme du père (et à celui de son frère), c’est qu’il n’est déjà plus un esprit lucide. Cet esprit lucide et pacifique dont Anna implore l’intervention, mais « la dernière intelligence », celle du Rouquin sans doute ; « s’est depuis longtemps fait sauter la tête à coups de revolver ». Leslie n’est pas un ange. Il y a beaucoup de cruauté dans la manière dont il traite Henri, « le plus insignifiant copain de son répertoire téléphonique ». Leslie est cruel envers Henry, de manière tout à fait lucide, délibérée et pernicieuse. La relation entre Leslie et Henry rappelle celle qui unit Holden et Ackley dans L’Attrape-cœurs. Pour camper Henry, Koltès a repris du personnage d’Ackley une de ses manies répugnantes dont JD Salinger l’affuble. Il tripote constamment sa face pleine de boutons. […] L’insurrection de Leslie va donc tourner rapidement à la soumission, parce que, quoiqu’il en proteste par ses actes adolescents, il est, comme le Rouquin, déjà du côté du père belliqueux. À Anna non plus, la révolte ne réussira pas. Elle va finir en clinique comme Leslie finira sur le champ de bataille. Il faut choisir entre la guerre et la mort, entre la guerre et la folie. […] La dramaturgie de Koltès, à l’image d’Anna, n’est « ni heureuse, ni tragique » ou les deux à la fois et elle opère donc un subtil et curieux mélange des genres. Les pères y sont donc pitoyables et ridicules, comme ceux des comédies, mais ils conservent les pouvoirs destructeurs des pères de tragédie ! Ainsi faut-il […] camper, avec Al, un Thésée doublé d’un Géronte, un fantoche avec un commandeur, un clown ostentatoire et un assassin tapi dans l’ombre. Car ce monologue de la scène VII, ordre de mobilisation pour des générations entières, prend incontestablement des accents clownesques. Al note à plusieurs reprises que ses jambes ont un mouvement compulsif. Cette compulsion, c’est évidemment le trait du démon, c’est le sabot du diable qui se démène mais c’est aussi le geste mécanique du clown. Al est dominé par des forces qui le dépassent, il joue aussi à faire croire qu’il l’est. Il est à la fois le diable et le possédé, la marionnette et le manipulateur. […] Comme souvent chez Koltès, c’est finalement la génération parentale qui survit tandis que celle des enfants périclite. Le Rouquin est déjà mort, Henry se suicide, Anna devient folle et va s’ensevelir dans une clinique, Leslie se blesse, mais la dernière vision de Ma et d’Al parait contraster totalement avec ces destinées : « De l’eau jusqu’aux chevilles, entre le cercueil vide, un grand tas de cigarettes, un grand tas de bouteilles de whisky, Ma et Al, tendres et précautionneux, dansent sans bruit. » […]

D’après Jean-Marc Lanteri, « De Salinger à Sallinger », In Théâtre/Public n°148, juillet 1999, p. 88-94

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3. Extraits

II. […] LESLIE (s'arrêtant brusquement de marcher). — Parfois, il me vient l'envie d'aboyer, de sortir mon flingue et de tirer là-dedans, il me vient l'envie bizarre de casser les vitres, de sauter par la fenêtre, et de courir dehors jusqu'à ce qu'il se trouve quelqu'un sur mon chemin, quelqu'un que je prendrais par le bras, que je secouerais un peu pour lui faire perdre son air ahuri ; quelqu'un que je m'approprierais pour toute la soirée; quelqu'un à toucher (il palpe), à sentir (il renifle) ; quelqu'un à qui dire : « Ne craignez rien, laissez-vous faire ; vous avez en face de vous un être qui veut seulement entendre une autre respiration, écouter un autre cœur qui bat ; j'ai cassé toutes les vitres et sauté par la fenêtre pour pouvoir toucher un autre être ; c'est un désir qui me prend certains soirs comme ce soir. Vous n'avez en face de vous qu'un esprit trop profond pour rester seul et enfermé. » (Temps) Ainsi, quand le Rouquin est mort. Prenez votre frère préféré, enfin, le préféré de tous parce qu'il est supérieur à tous ; pas supérieur parce qu'il est mort – ne nous croyez pas si naïfs –, supérieur dès son vivant, le Rouquin ; supérieur comme il sera difficile de vous le faire comprendre. En un mot – comprenez si vous le pouvez, comprenez si vous le voulez –, le Rouquin, c'était la tête la plus étrangement faite, la plus particulière que l'on a jamais connue. (Temps) Voici pour commencer : vous l'emmenez voir un spectacle, un ballet par exemple ; et, en sortant, vous lui demandez comment il a trouvé ; tout le monde lui demandait comment il avait trouvé, et arrêtait de respirer jusqu'à ce qu'il réponde, à cause de cette tête si étrangement faite. Eh bien, il ne vous dira ni ceci ni cela, jamais ce que vous attendez. Il vous dit sans hésiter combien de fois le danseur étoile a posé le pied sur le sol, et le nombre total de pas de chacun des danseurs. C'est tout ce que vous en tirerez. Mais il y a mieux que cela : si vous voulez le mettre à l'épreuve, vraiment, vous lui demandez à bout portant le carré d'un nombre de vingt-cinq chiffres ; on l'a fait, des gens l'ont fait, les gens adorent mettre les gens à l'épreuve ; eh bien, lui, il ferme les yeux vingt-cinq secondes, et vous demande ensuite : « Tu veux que je t'énonce le résultat en commençant par la droite ou par la gauche ? » Voilà quel frère particulier je veux vous faire comprendre, quel frère particulier on peut perdre du jour au lendemain, ce qui plonge tout le monde dans ce drôle d'état où chacun s'enferme dans une pièce en tirant les rideaux, et reste toute la nuit dans le vague ; sauf moi. Moi, je ne suis pas celui qui reste dans le vague – enfin, je ne suis pas le type à rester longtemps dans une pièce, seul. […] III. […] LESLIE. – Tu ne veux pas te réchauffer ? Depuis le temps que tu veilles, tu dois avoir froid. (II s'assied, ôte ses chaussures, ses chaussettes, lui lance les chaussettes.) Enfile ça. Si on a chaud aux pieds, on a chaud partout. ROUQUIN. – S'ils se posent sur ma tête, leurs pattes s'enfonceront. Rien ne la protège, bon dieu, tu le sais bien. Entre la cervelle et les cheveux, je n'ai rien d'autre que la peau. Il n'y a chez moi que cette petite peau qui protège la tête. Tu ne le diras à personne, t'as compris. Tout le monde voudrait mettre sa main sur ma tête; et leur saloperie de main s'enfoncerait dans la cervelle. (Il gémit, se protège à nouveau la tête de ses deux mains, délicatement posées.) Le Rouquin s'assied à distance, face à Leslie. ROUQUIN (plus calme). – Tu vois les lumières qui flottent, autour de nous ? Est-ce qu'elles étaient là, avant que j'arrive ? Est-ce qu'elles étaient là, avant que j'ouvre les yeux ? (Il ferme les yeux.) Est-ce qu'elles sont encore là, si je ferme les yeux ? Et si tu fermes les yeux aussi ? Ferme les yeux. (Leslie ferme les yeux.) Est-ce que maintenant encore, les lumières flottent, ailleurs que dans notre tête ? (Leslie ouvre brusquement les yeux et regarde le Rouquin. Pour la première fois, les yeux du Rouquin sont, grand ouverts, fixés sur les yeux de Leslie.) Et si tu étais une lumière qui flotte dans ma tête, et que j'étais une lumière qui flotte dans la tienne ? LESLIE. – Tu ne peux pas trouver un vrai jeu ? Le vol des oiseaux emplit le ciel, couvre les voix, fait lever la tête au Rouquin, qui met deux doigts dans sa bouche. Le Rouquin se met à siffler, colériquement, impérativement, un long sifflet modulé et précis. Les oiseaux s'arrêtent un instant, planent en rond au-dessus du pont, et, d'un coup, disparaissent au loin. LESLIE (admiratif). – Je ne connais pas quelqu'un, le Rouquin, qui soit plus écouté que toi.

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Le Rouquin s'est levé. Il plisse ses yeux myopes, recule un peu en boitillant. ROUQUIN (furieux). – Tu sais bien que ce n'est pas vrai. Tous, vous me détestez. Partout, on me déteste ; à l'école on me fait des grimaces, à la maison vous me faites vos sales sourires, dans la rue on me tend des pièges. Partout, tout le monde, toi et les autres, vous me mettez à part. Je le sais bien, moi : ceux comme moi, tous les détestent. Qu'ils crèvent, vous dites, qu'ils crèvent, ou qu'ils rentrent dans le rang. Et moi je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas. IX Le grand salon, aux rideaux tirés. Leslie est allongé, un oreiller sur la tête. Ma et Al sont à leurs places habituelles. Anna est assise, appuyée contre le canapé où repose Leslie. Rien ne bouge, personne ne parle, tout le monde a les yeux mi-clos. Seule Anna chantonne. Puis cesse de chantonner. ANNA. - Tu veux un mouchoir, Ma ? (Temps.) Cette maison est pleine de gens qui n'arrêtent pas de pleurer ;il y a toujours une histoire pour vous faire gémir ; et, entre deux histoires, on fait le pont, un pont de larmes et de plaintes, où l'on ne sait pas trop pourquoi on pleure. (Temps.) Tu n'arrêteras jamais de pleurer, Ma ? (Temps. Bas, à Leslie :) Accroche-toi à moi, Leslie : moi, je ne pleure pas. J'attends de voir, je ne fais rien à l'avance, j'économise pour quand cela sera absolument nécessaire. Regarde Ma : pas d'économie, pas de temps perdu, tu as tout à l'avance ; elle a son air de drame qu'une fois pour toutes elle s'est mis sur la figure, et maintenant il y reste. Quand donc l'a-t-elle pris pour la première fois ? Vieille histoire, sans doute plus vieille que nous ; je ne l'ai jamais connue autrement, il me semble. En tout cas, elle est toujours prête, c'est commode ; plus même besoin de mouchoir ; à force de le porter par tous les temps, sur le visage, son air de drame est devenu sec. Accroche-toi bien, Leslie : les larmes qu'on verse sur toi sont sèches, ce sont des larmes de l'esprit, abstraites, métaphoriques. D'ailleurs, tout ici n'est-il pas abstrait, métaphorique, spirituel ? Où donc y a-t-il encore des cœurs qui battent, du sang qui coule ? Où y a-t-il des yeux qui brillent? Je suis dans une maison où les hommes sont couchés, et où les femmes, le regard voilé, regardent par la fenêtre l'impasse, déserte comme un cimetière. (Se penchant davantage sur Leslie :) Lorsque j'étais petite, j'avais un compagnon, invisible, à mes côtés ; je fermais doucement la porte derrière moi pour le laisser passer, je couchais au bord du lit pour lui laisser la place ; souvent il me parlait en se penchant sur moi. D'abord c'était un animal, au corps chaud et la tête recouverte de longs poils. Je lui disais : « Petit animal mon ami, prends-moi sur ton dos, emporte-moi loin, pour toujours ; conduis-moi dans ces pays lointains où les nègres font des feux et dansent toute la nuit, où les yeux bridés cachent plein de mystères ; emporte-moi là-bas sur ton dos, je veux être leur reine. » Et lui me répondait, tout bas, penché sur moi : « Oui, je t'y amènerai, patience, petite amie. » Lorsque j'étais plus grande, c'est devenu un étranger, botté, aux cheveux longs, la chemise entrouverte, et je posais en secret ma tête sur sa poitrine : « Bel étranger, prends-moi, lui disais-je tout bas, tire-moi par la main, entraîne-moi hors d'ici, dans ces rues éloignées de New York la nuit, dans les quartiers interdits, au cœur de Manhattan que je veux découvrir et dont je veux être reine ; je veux descendre dans la rue, traverser les carrefours, franchir tous les ponts, découvrir chaque bar, pénétrer les sous-sols, parcourir avec toi la Quarante-deuxième rue, la Cinquième avenue, et leur crier à tous : délivrez-moi des miens ; ils se perdent dans les étoiles, là-bas, au fond de l'impasse. » Et toujours il se penchait sur moi, et murmurait tout bas : « Oui, je te délivrerai, patience, ma belle amie. » (Plus penchée encore sur Leslie :) Les femmes rêvent de fuir et les hommes le font. Vive la guerre, Leslie. Tu reviendras hâlé, sombre, et l'allure guerrière comme les femmes vous aiment ; tu reviendras fan, plein de gestes assurés, plein de cette science mâle que les femmes admirent. Tandis que moi, plus voilée que jamais, je poserai mon front tout contre la fenêtre, et je regarderai l'impasse déserte comme un cimetière.

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A/ La mise en scène de Catherine Marnas

1. Note d’intention

Sallinger est sans doute la pièce la plus atypique dans l’écriture de Koltès ; elle est, en quelque sorte, un hybride entre La Fuite à cheval très loin dans la ville et La Nuit juste avant les forêts. On sent vraiment l’influence du roman, c’est frappant notamment dans les didascalies, qui vont bien au-delà des indications scéniques et s’apparentent à de vrais passages de narration. Au départ, pour Koltès, il y a l’invitation de Bruno Boëglin à assister au travail qu’il fait avec des comédiens sur l’auteur américain Jerome David Salinger — avec un seul l — et à écrire un texte à partir de cela. Koltès connaît déjà bien l’écriture de Salinger. Il y a des auteurs qui, même s’ils ne se rencontrent jamais dans la vie, sont liés par des thématiques ou des ambiances, et se répondent de toute évidence. C’est le cas ici, car il y a de vrais « obsessions » communes : tous deux s’intéressent à cette période bien précise qu’est le passage à l’âge adulte, avec toutes les interrogations, les renoncements, les liens fraternels qui s’affirment ou se brisent. C’est un âge effrayant, lumineux et sombre à la fois, où l’on doit « trouver sa place », ce qui renvoie de fait à une grande solitude, et à son propre rapport à la mort. Tout cela, on le retrouve ensuite dans toutes les pièces de Koltès ; Sallinger cristallise tout ce qui fera son œuvre par la suite. Il y a une énergie folle dans cette écriture, quelque chose qui trace son chemin de manière impitoyable, presque comme si les personnages étaient traversés par les mots qui leur arrivent par flots. On a l’impression par moments qu’ils pourraient ne plus s’arrêter. C’est ce que j’appelle « la langue du débordement » : ils sont débordés par leur inconscient. Au début des prises de parole, on pourrait penser que l’on va se retrouver dans un rapport classique au langage, mais très vite, quelque chose « bascule », il y a une dilatation du temps qui s’opère, comme si tout ce qui se dit pourrait être en réalité contenu dans le temps bref d’un échange de regards, qui là se trouve étiré à l’extrême… C’est une pièce très « nocturne », dans ses ambiances en général, mais aussi parce que ce qui est dit ne pourrait pas se dire de jour. C’est une plongée dans l’inconscient, voire l’inavouable. On passe sans arrêt de choses concrètes à une totale déformation de la réalité, dans la langue comme dans l’alternance des lieux. Il y a un glissement qui s’opère entre la cellule familiale, son salon « ordinaire » avec ses meubles, ses rideaux, vers un univers vaste et qui tient du « fantastique ». Et il n’existe pas de frontière entre ces deux mondes, le passage de l’un à l’autre se fait dans une forme de continuité, comme dans les rêves… Cette continuité déconnectée du réel, il faut bien sûr en rendre compte dans la mise en scène. Ne pas envisager la pièce comme une succession de scènes avec une alternance de lieux, trouver une forme de fluidité, comme un long parcours accidenté dans cet univers urbain nocturne… Ce qui est étonnant, c’est que le personnage du « Rouquin », qui est mort, semble plus ancré dans la réalité que tous les vivants autour. Il passe son temps à « engueuler » les vivants, comme s’il souhaitait les réveiller. Quasiment jusqu’à la fin, on pourrait se dire qu’il n’est qu’une « vision », une projection que chacun des personnages se crée pour tenter de répondre à sa propre interrogation sur ses raisons de vivre, et « comment »… Mais il y a la scène où on le découvre sur un champ de bataille. C’est un moment clé. C’est la seule scène où la guerre, qui est le sujet central, est abordée de manière frontale. Le reste du temps, il y a quelque chose de l’ordre de la fuite. Comment vivre dans un monde où la guerre est possible ? Là encore, on en revient à la propre histoire de Jerome David Salinger, qui est aussi célèbre pour ses écrits que par sa vie de reclus. Soldat durant la Seconde Guerre mondiale, Salinger a été un des premiers à entrer dans les camps de concentration libérés. Il est revenu totalement traumatisé par ce qu’il a vécu. Alors, bien sûr, le personnage du Rouquin, qui s’est suicidé après avoir été démobilisé, nous ramène au contexte qui est celui de la pièce où l’action se situe en 1964, à la veille de la guerre du Vietnam. Pour moi, la pièce met en évidence ce profond décalage entre la jeune génération actuelle et celle des années 70. C’est une période de l’histoire qu’on n’a pas beaucoup analysée : ce que j’appelle le moment du « non ». Toute une génération se mobilise dans un mouvement de révolte pacifiste. A mon sens, on n’a pas

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pris la mesure de cette désobéissance, dont il ne subsiste aujourd’hui plus que des symboles : les jeunes continuent à arborer sur leurs tee-shirts les icônes des années Flower power, mais, au delà de ça, qu’en reste-t-il au juste ? C’est cette puissance-là qui est fascinante dans la pièce : celle du « non ». D’une fantastique pulsion de vie, même si paradoxalement cette pulsion prend naissance dans la mort du Rouquin. C’est un personnage qui est décrit comme « ultra brillant », le fils prodige de la famille. Mais après la guerre, il est transformé et semble hanté par une question : suis-je normal ? Et sa femme comme sa mère lui renvoient aussi le fait qu’il est « inadapté ». Mais là encore, cette question contient évidemment son contraire : est-ce lui qui est inadapté au monde ou le monde qui est inadapté à ses aspirations, ses rêves ? Ce « non » est d’autant plus vital qu’il est loin d’être admis, y compris par la génération précédente, qui se réfugie derrière la notion de continuité pour justifier ce qui peut s’apparenter à un « Œdipe inversé » : on dit toujours que les fils veulent tuer les pères. Mais les pères rêvent aussi la mort des fils. C’est frappant dans la pièce, cette scène ou Al, le père, qui a lui même fait la guerre, semble trouver « normal » que son fils la fasse à son tour… Et puis il y a ce « coup de fil », à la fin de la pièce… on ne sait pas à qui parle le Rouquin, à la fois un « ange de la mort », mais on peut aussi penser qu’il s’agit d’un psychiatre. Il pose cette question : pensez-vous qu’aujourd’hui, là, maintenant, je suis un être normal ? Et ce qu’il entend semble être à l’origine de son suicide… Koltès se sert de la jeunesse de ses personnages pour, en quelque sorte, réhabiliter la colère. Quand il est question de deuil, le chagrin interdit la colère, peut-on penser, alors il inverse les choses : c’est le Rouquin qui est porteur de vie. D’ailleurs, c’est une chose dont nous avons beaucoup parlé avec Dominique Fabrègue, qui crée les costumes. Je lui disais que je souhaitais des « couleurs assombries ». Et ça lui a tout de suite évoqué les tambours, dont on « assombrit » parfois le son en déposant un tulle dessus… Du coup, ça a été le point de départ pour imaginer des corps dont les contours sont floutés par des sortes de voiles, ce qui créé d’emblée un trouble de la vision. Seul le Rouquin est « net ». Et j’ai voulu aussi qu’il ait les cheveux longs, ce qui évoque à la fois les images christiques et le look des jeunes dans les années 70… Il s’agit pour nous de parler de deuil, et d’un rapport de fuite qui « s’enkyste »… Et je suis persuadée que la pièce peut permettre de crever les abcès. Elle semble être construite à base de parcours solitaires, mais qui en réalité se répondent, se font écho, se complètent. Il n’y a pas de scène « de groupe ». Mais c’est comme si des filins étaient tendus en parallèle sur une même structure, et que des équilibristes se lançaient dessus en même temps… Pour parvenir au bout du parcours solitaire que chacun doit effectuer, il faut déployer ses « antennes » et percevoir les « vibrations » des autres… Dans le processus de travail, c’est pareil : pour pouvoir faire entendre les solitudes, il faut être d’autant plus ensemble. Le fait de réunir deux troupes, celle du TNS et la mienne, me paraît, en ce sens, une évidence. Les troupes sont déjà composées de parcours solitaires qui doivent trouver un lien, un liant, et la réunion des deux troupes bouscule cela aussi. Il faut, à la base de plusieurs solitudes, travailler à (re)composer une famille. Solitude/Troupe/Famille… Tout un parcours qui rejoint presque, voire à l’envers, celui de la pièce. Nous travaillons donc à faire se déployer nos « antennes » et à créer une « famille »… Les séances de travail physique tous ensemble nous aident beaucoup à cela : trouver un langage commun de gestes, de mots… La pièce parle beaucoup de deuil, mais aussi et avant tout d’élans de vie. Et il est capital de ne pas faire abstraction de cette ironie désespérée, cet humour que contient le texte. Aller au-delà des solitudes pour partager ce qui peut être libérateur, comme une « caresse de consolation »…

Catherine Marnas Propos recueillis par Fanny Mentré le 19 octobre 2012

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2. Catherine Marnas : une force impitoyable par Michel Corvin Professeur honoraire à l'Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle (Institut d'Études Théâtrales)

Catherine Marnas, metteur en scène de Koltès…. Des souvenirs remontent, vifs comme une blessure. Souvenir de la représentation de L’Héritage créé au théâtre des Abbesses en 1997 : beauté incisive des images, découpées comme dans un tableau de Zurbaran, science de la lumière, richesse d’invention des plans et des volumes dans un espace presque constamment obscur, retour lancinant d’une musique grinçante et saccadée, torsion des corps, danses dionysiaques forcenées, tout cela a gravé dans nos mémoires l’image d’une force impitoyable : celle d’un Koltès qui combat contre des ombres dans l’ambivalence d’une volonté exacerbée de solitude et du besoin compulsif d’échange : par l’amour, l’amitié, voire la simple conversation. Mais de simple conversation, il ne peut être question dans L’Héritage où toute parole dégénère immédiatement en violence, en intolérance, en souffrance infligées et reçues. Force impitoyable aussi et surtout de Catherine Marnas qui se collette à cette famille impossible avec la précision d’un chirurgien des âmes, capable d’arracher du plus profond des êtres l’indicible de leurs obsessions : le cancer qui les ronge, tous et chacun, à des niveaux et à des titres divers, il a mûri et, en ce jour particulier de la mort du père, il explose à travers des personnages qui n’en sont, pour ainsi dire, que l’enveloppe ; leur mal-être intime la déchire pour la convulsionner et l’affoler. On pourrait se dire que c’était là un exercice expressionniste de haute volée et que le metteur en scène tendait à l’extrême les ressorts hystériques de ses comédiens. Il faut bien davantage apprécier la maîtrise d’une artiste qui menait à la limite du supportable le déchaînement des force noires, non pas pour un déballage anarchique d’excès en tout genre, mais pour un jeu de pure et exigeante théâtralité. Que va-t-elle faire du nouveau Koltès qu’elle monte ? Sallinger est écrit comme un roman qui exige, ou bien beaucoup d’imagination pour rendre compte d’espaces irréalisables au théâtre avec son mélange déraisonnable de réel et de rêve, de passé et de présent, de quotidien et de boursouflé ; ou bien une grande maîtrise du jeu, à telle enseigne qu’un seul acteur (« le rouquin ») puisse, par les seuls moyens de ses gestes et de sa voix, faire partager, avec sa versatilité et son immaturité, ses multiples prises de vue sur la vie : jeune homme mais encore enfant, imprévisible en adulte et inconséquent, mixte de légèreté et de violence, de grâce juvénile et de rudesse. Qui exige de la finesse et de l’humour, en somme ? De la finesse il en faut, de la part du metteur en scène, pour rendre compte, sans les édulcorer (ou les ridiculiser) des complexités inattendues de personnages qui naviguent entre l’héroïsme de paumés de films de série C et la niaiserie de midinettes ou de figurines stéréotypées ; des situations à cheval sur le quotidien le plus plat et le fantastique le plus cinématographique ; d’une langue qui combine les vulgarités avec des images fulgurantes et des coulées de poésie à rendre jaloux un Genet (je dis Genet car l’univers de Koltès, par bien des points, est voisin de celui de l’inclassable Genet). L’humour ? Il est indispensable pour garder en face de ce monde faussement mais volontairement américain, tel que perçu par un amateur assidu de films noirs et de S.F., une distance qui sauvegarde l’essentiel : une plongée dans une méditation existentielle sur le sens – et le temps – de la vie. Vie assez insignifiante pour qu’on y mette fin brutalement par un coup de roulette russe, assez fondamentale aussi pour que nous soyons saisis d’amitié, voire de tendresse, pour ce monde de roman-photo : il dresse devant nous un portrait décalé et subtil, tout en demi-teintes, des enjeux de l’existence. Finesse et humour – qui s’allient avec son talent à aller jusqu’au bout de ses idées et de ses images –, ce sont précisément les qualités que j’ai eu le plaisir d’apprécier, de très longue date, dans toutes les mises en scène de Catherine Marnas. C’est dire combien je me réjouis d’avance de cette nouvelle entreprise.

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B/ Les coulisses de la création

1. Photos de répétition

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2. Éléments de décors

La scène est traversée par une passerelle, d’une hauteur variable.

Sous la passerelle, un rideau noir, tombant jusqu’au sol, est tantôt plié/déplié sur toute la longueur du plateau (de jardin à cour),

ne laissant alors apercevoir plus qu’une ligne métallique.

Une scénographie pensée par Carlos Calvo pour des personnages sur le fil.

Tous ces éléments ont été conçus à l’atelier de

construction de décors du TNS (Illkirch).

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Construction du fauteuil de All

Un élément du mobilier du domicile de la famille revêt dans la pièce une grande importance : le fauteuil en cuir, dans lequel All passe la plupart de son temps. Voici ce qu’en dit Koltès dans les indications scéniques : Le grand salon, aux rideaux tirés, est éclairé par petites zones bien délimitées – un fauteuil de cuir avec un lampadaire, une commode avec une lampe colorée, la fenêtre avec une applique –, tout le reste étant dans la pénombre. […] A la surface de l’immense fauteuil de cuir flottent un chapeau, une bouteille, et le dessus d’un verre. Perdu au milieu, Al hoche la tête, regarde à droite et à gauche, pousse un profond soupir, et se sert un nouveau verre qu’il boit très vite. Puis, il tente de se redresser, adresse un immense sourire alentour, et se laisse à nouveau absorber dans les profondeurs. Debout, près de la fenêtre, Anna se tient immobile. Parfois, pourtant, elle soulève légèrement le rideau, regarde un temps dehors, perplexe ; puis hausse les épaules et laisse retomber le rideau. […]

Ainsi, les accessoiristes du TNS ont réalisé un fauteuil littéralement capable d’ « absorber dans [ses] profondeurs » l’acteur interprétant All.

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3. Confection des costumes Si le plateau est souvent très sombre, de par les tissus noirs et un faible éclairage (fidèle à la didascalie « tout le reste étant dans la pénombre »), les costumes sont faits de tissus de couleurs recouverts de tulle, faisant des personnages des sources de lumières et de vie. Dominique Fabrègue, costumière sur ce spectacle, travaille auprès de Catherine Marnas depuis plus de vingt ans. À la première lecture de Sallinger, c’est la notion de deuil porté par chaque personnage qu’elle a souhaité travailler dans la réalisation des costumes. Elle a décidé non pas d’habiller tous les personnages de noir, mais de partir de tissus de couleurs vives telles que le turquoise ou le pourpre —que Catherine Marnas et elle-même apprécient particulièrement—, et de les recouvrir de tulle afin de les assombrir, « d’étouffer » leur éclat, à l’aune des personnages ternis par la tristesse de l’évènement. La doublure de tulle atténue la couleur et rend les silhouettes assez floues, donnant aux vivants une allure quasi-fantomatique. Quant au Rouquin, c’est le seul dont le costume n’est pas recouvert de tulle, et ainsi celui qui apparait le plus vif. Dominique Fabrègue, assistée de Édith Traverso, ont réalisé les costumes aux ateliers de couture du TNS.

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C/ L’équipe artistique

CATHERINE MARNAS • METTEUR EN SCÈNE, DIRECTRICE ARTISTIQUE Détentrice d’une maîtrise de Lettres Modernes et d’un D.E.A. de Sémiologie théâtrale, Catherine Marnas s’est formée à la mise en scène auprès de deux grands noms du théâtre contemporain, Antoine Vitez (1983–1984) et Georges Lavaudant (1987-1994). En parallèle, elle fonde la COMPAGNIE DRAMATIQUE PARNAS dédiée presque exclusivement au répertoire contemporain. Animée par un souci constant de travailler une matière toujours en prise avec le monde, elle s’attache à faire entendre l’écriture d’auteurs comme Dubillard, Copi, Frisch, Py, Pasolini, Rebotier, Valletti... Quelques « classiques du XX

e siècle » jalonnent son parcours, tel que Brecht ou encore des auteurs

de référence – sans cesse à interroger – que sont Molière, Shakespeare, Tchekhov. Bernard-Marie Koltès est son auteur fétiche. Elle met en scène plusieurs de ses textes en France et à l’étranger, ouvrant de nouvelles perspectives dans l’œuvre de Koltès. Catherine Marnas revendique un théâtre « populaire » et « généreux », où la représentation théâtrale se conçoit comme un acte de la pensée et source de plaisir. Artiste associée de 1994 à 2012 à La passerelle, scène nationale de Gap et des Alpes du Sud et de 2005 à 2012 aux Salins, scène nationale de Martigues, la direction artistique du futur pôle théâtre de la Friche Belle de Mai lui sera confiée en 2013. Installée à Marseille depuis 1997, la Compagnie PARNAS est impliquée très fortement et au quotidien dans ses activités en Région Provence-Alpes-Côte-D’azur. Elle s’appuie sur une troupe de comédiens permanents rejoints par d’autres compagnons fidèles comme le scénographe, la costumière, le créateur son… Sa volonté de confronter son théâtre à l’altérité, son goût des croisements, la curiosité du frottement avec d’autres cultures emmènent régulièrement Catherine Marnas et sa Compagnie dans de nombreuses aventures à l’étranger, en Amérique latine et en Asie. Depuis son entrée dans le théâtre, Catherine Marnas a toujours conjugué création, direction, transmission et formation de l'acteur. Elle anime des stages professionnels et intervient en milieu scolaire. Elle a été professeur d’interprétation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris de 1998 à 2001 et enseigne à l’École régionale d’acteur de Cannes (ERAC).

1986 Création de la compagnie 1991 Implantation en PACA 1994 à 2012 Artiste associée à LA PASSERELLE, scène nationale de Gap 1997 Installation sur Marseille 1998 à 2001 Professeur d’interprétation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris 1999 Grand Prix national du Ministère de la Culture, catégorie « jeune talent » des Arts du Spectacle Vivant 2005 à 2012 Artiste associée au THÉÂTRE DES SALINS, scène nationale de Martigues 2006 Professeur Honoraire de l’Académie Centrale de Pékin 2009 Installation à la Friche Belle de Mai Perspectives 2013 Directrice artistique du pôle théâtre «Friche Belle de Mai

En savoir plus www.parnas.fr

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JULIEN DUVAL • ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE Julien Duval intègre l’ERAC à 17 ans. Là, il apprend le travail d’acteur aux côtés de Christian Rist, Serge Valletti, Alain Gautré, Michelle Marquais ou Hermine Karagheuz entre autres, et se frotte à Claudel, Brecht, Racine, Calderòn, Kleist, Motton, la commedia ou encore le clown. Au cours de sa formation, il foule les planches du Théâtre de l’Odéon (Sainte Jeanne des abattoirs, Alain Milianti), de La Criée (Marat-Sade, Simone Amouyal), du Gymnase et de l’Aquarium (L’Île de Dieu, Catherine Marnas) ou du Théâtre de le Bastille (L’Œuvre à faire, Alain Neddam). Fin 2000, il sort de l’école, et après avoir mis en scène Cité des Oiseaux de Bernard Chartreux, il devient l’assistant de celui-ci. Il poursuivra la mise en scène en montant Les Eaux et Forêts de Marguerite Duras et Or c’était le printemps. En tant que comédien, il a travaillé avec Renaud-Marie Leblanc, Michel Froelhy, René Loyon, Jean-Louis Vuillermoz ou Anne-Marie Channelière. Il évolue également devant les caméras de Jean-Pierre Améris, Gilles Bannier, Didier Le Pêcheur, Fabrice Gobert, Laurence Katrian, etc. Il est aussi dirigé par Bruno Podalydès sur la lecture d’un scénario de Jacques Tati. Il entretient aujourd’hui une collaboration étroite avec Catherine Marnas, qui l’a dirigé dans de nombreux spectacles (Faust, Sainte Jeanne des abattoirs, Vengeance Tardive, Le Retour au désert, Le Banquet fabulateur, Lignes de faille, etc.). Il a déjà été son assistant sur La Nuit juste avant les forêts (Koltès). Par ailleurs, il joue dans Villa Olga de Catherine Zambon mis en scène par Alexandra Tobelaim et mettra en scène Alpenstock de Rémi de Vos en 2013. CARLOS CALVO • SCÉNOGRAPHIE Après un parcours comme responsable du groupe de théâtre à l’université à Mexico, il étudie la scénographie à l’Institut del Teatro de Barcelone et la régie générale à l’ISTS (Avignon). Il a réalisé de nombreuses scénographies de spectacles au Mexique, en Espagne et en France. Il a également mis en scène Intento enèsimo (1994), Poca Madre (1999), Les Quatre Jumelles dans le triptyque de Copi créé à Mexico (2002). Depuis 2001, il est le scénographe de tous les spectacles de Catherine Marnas. MICHEL THEUIL • LUMIÈRES Il rencontre le monde du spectacle vivant à la fin des années soixante-dix et s’oriente rapidement vers le travail de la lumière. Il collabore régulièrement aux créations de Catherine Marnas et a conçu la lumière de 80 pièces de théâtre pour Christiane Véricel, Gilles Bouillon, Pierre Ascaride, Bruno Castan, Alain Terrat, Catherine Zambon… En lyrique, plusieurs metteurs en scène lui ont confié la lumière de 60 opéras. Il est, depuis 1999, enseignant à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT). MADAME MINIATURE • CRÉATION SONORE Elle obtient la Médaille d’or de la classe de Composition acousmatique au Conservatoire national de région de Lyon en juin 1987 et le Prix de la critique dramatique en 1998. Elle réalise des créations sonores et musicales pour le théâtre (Laurent Gutman ,Georges Lavaudant, Catherine Anne, Marianne Groves, Charles Tordjman, Daniel Mesguich ,Catherine Marnas, Michel Fau, Frédéric Constant, Joel Jouanneau ,Laurent Delvert ,Eric Elmosnino, Patrick Pineau, Daniel Gimenez Cacho , Tonio Serrano...), la danse (Maryse Delente, Michel Kéléménis...) et le film documentaire (André S. Labarthe , Jean Marie Barbe...). LUCAS LELIÈVRE • CRÉATION SONORE Il étudie le son en BTS cinéma/audiovisuel avant d'intégrer l'École supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg. Dans le cadre de sa formation, il travaille notamment avec Claude Régy, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil et Gildas Milin. En 2009, il entame une collaboration avec Madame Miniature à l’occasion de la création Lignes de faille mis en scène par Catherine Marnas. Il réalise par la suite la création sonore des spectacles Ce qui évolue, ce qui demeure de Howard Barker mis en scène par Fanny Mentré, de Amédée de Côme De Bellescize, et d'un projet de fiction radiophonique et théâtrale, Radio femmes fatales, Une étrange aventure de Jo Preston, écrit et dirigé par Maya Boquet.

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DOMINIQUE FABRÈGUE • COSTUMES Elle a créé les costumes de la plupart des pièces de Dominique Bagouet. Elle a collaboré également avec Odile Duboc, Mathilde Monnier, Hervé Robbe, les carnets Bagouet… Elle travaille aussi pour le théâtre avec Claude Régy, Catherine Marnas… « Plasticienne du vêtement », elle expose régulièrement sur son travail singulier du costume en un morceau.

ÉDITH TRAVESO • ASSISTANTE AUX COSTUMES Historienne de l’art, spécialisée en architecture contemporaine, elle est également ingénieur culturel et a eu une première carrière dans la recherche et la sensibilisation au domaine du bâti et du cadre de vie. Ensuite, elle a suivi une formation de modéliste à l’Institut International de Couture et de Création de Marseille. Elle a parallèlement et depuis toujours créé et réalisé, « en amateur », des modèles de vêtements. Depuis 2003, elle travaille avec la costumière Dominique Fabrègue pour les costumes de plusieurs spectacles et elle conçoit et réalise des costumes pour la Compagnie Parnas.

SYLVIE CAILLER • MAQUILLAGES Sylvie Cailler a rencontré Catherine Marnas à l’époque où elle était assistante de Georges Lavaudant. Depuis, elle réalise les maquillages de

la plupart de ses créations et l’accompagne également sur certains projets internationaux (Mexique).

Sylvie Cailler travaille régulièrement sur les créations de Georges Lavaudant mais aussi pour Bob Wilson, Frédéric Fisbach, Krzysztof

Warlikowski.

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Les comédiens MURIEL INÈS AMAT (TNS) • ANNA (sœur du Rouquin et de Leslie) Apres des études au Conservatoire national de Région de Bordeaux et au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (promotion 1994), Muriel Inès Amat joue dans de nombreux spectacles, dont Le Sang de Jean Vauthier mis en scène par Gérard Laurent et La Nouvelle mandragore du même auteur dans la mise en scène de Jean-Louis Thamin en 1990. Elle commence un compagnonnage avec Laurent Laffargue en 1992 avec L’Épreuve et La Fausse Suivante de Marivaux (1997), et le poursuit avec Dépannage de Pauline Sales (1999), Le Songe d’une nuit d’été, Othello et Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare (2000/2002/2004) et Terminus de Daniel Keene (2002). Elle joue dans Les Trois Mousquetaires d’après Alexandre Dumas mis en scène par Jean-Marie Lecocq et Anatole d’Arthur Schnitzler mis en scène par Louis-Do de Lencquesaing (1995). Elle joue également dans L’Éloge du Cycle (Tour de France de Gilles Costaz) mis en scène par Anne-Marie Lazarini et René Loyon (1997) ; dans deux mises en scène de Emmanuel Demarcy-Mota : Tanto Amor Desperdiçado (Peines d’amour perdues) de Shakespeare (2007/2008) et Casimir et Caroline de Horvath (2008/2010). Au cinéma, elle tourne sous la direction de Pierre Grange (En mai fais ce qu’il te plaît), Nicole Garcia (L’Adversaire), Étienne Chatillez (La Confiance règne). Elle participe a plusieurs courts-métrages dont Politiquement correct de Pierre Grange, Lartigue expose de Bernard Blancan, Heures sup de Mark Eacersall et Cap Nord de Sandrine Rinaldi. Elle joue dans Un Paysage sur la tombe de Fanny Mentré mis en scène par l’auteur (1994-1996). Sous la direction de Julie Brochen, elle joue dans Penthésilée de Kleist (1998) puis Hanjo de Mishima (2005/2006). Depuis septembre 2009, Muriel Inès Amat est comédienne de la troupe du TNS. Elle incarne Varia dans La Cerisaie de Tchekhov et Elvire dans Dom Juan de Molière mis en scène par Julie Brochen. Elle est La Mère de Hoik dans Ce qui évolue, ce qui demeure de Howard Barker mis en scène par Fanny Mentré en 2011. En 2012, elle joue sous la direction conjointe de Julie Brochen et Christian Schiaretti dans la deuxième partie de Graal Théâtre : Merlin l’enchanteur de Florence Delay et Jacques Roubaud. MARIE DESGRANGES (TNS) • CAROLE (veuve du Rouquin) Après une formation au CNSAD (1992 /1995) sous la direction notamment de Madeleine Marion, Daniel Mesguich, Stuart Seide, elle rencontre Julie Brochen avec laquelle elle entamera un véritable compagnonnage : La Cagnotte de Labiche (1994), Penthésilée de Kleist, Le Décameron des femmes d’après Voznesinskaya (1998), L’Histoire vraie de la Perichole d'après Offenbach (2006), Hanjo de Mishima (2007) et le reprise de La Cagnotte au TNS en 2009. Elle travaille également sous la direction de Pierre Diot dans Hortense a dit « J’m’en fous ! » de Feydeau, avec Robert Cantarella dans Oncle Vania de Tchekov (1996) et Le Marchand de Venise de Shakespeare (2000) ; avec Bernard Sobel dans Zakat de Babel (1997) et a plusieurs reprises avec Gerard Watkins auteur et metteur en scène de Suivez-moi (1999), Dans la forêt lointaine (2001), Icône (2004) et sous la diction de Simon Abkarian Titus Andronicus de Shakespeare et de Véronique Bellegarde Cloud tectonics de Rivera (2003). Elle joue Guenièvre avec Jorge Lavelli dans Merlin de Tankred Dorst, puis Phèdre de Sénèque au Théâtre des Amandiers sous la direction de Julie Recoing et elle rejoint le groupe Incognito pour Le Cabaret des Utopies (2010). Au cinéma, elle tourne avec Bertrand Tavernier dans Laissez-passer (2000), Dante Desarthe dans Cours toujours, Pascal Lahmani dans Terre promise et Monsieur Bourel, Charlotte Erlih dans Eaux troubles (2008), Louis Becker dans Les papas du dimanche (2011). A la télévision, elle tourne avec Cathy Verney dans Hard, Thierry Petit, Fabrice Cazeneuve, Jacques Renard, Philippe Triboit, Christian Faure… Marie Desgranges est également chanteuse du groupe « Marie et Les Machines » ; elle compose des chansons pour les « Sea girls » et la musique pour le théâtre, notamment pour Dans la foret lointaine de Gérard Watkins. Elle est comédienne de la troupe du TNS depuis septembre 2011. Elle joue plusieurs rôles dont celui de Viviane dans la deuxième partie de Graal Théâtre : Merlin l’enchanteur de Florence Delay et Jacques Roubaud mis en scène conjointement par Julie Brochen et Christian Schiaretti et reprend le rôle de Mathurine dans Dom Juan de Molière (version frontale) mis en scène par Julie Brochen. Au cinéma et à la télévision, elle travaille sous la direction de Philippe Garel Baisers de secours, de Maurice Frydland Un été alsacien, de Michel Favart Les Deux Mathilde, de Didier Bourdon Bambou et de Benoit Jacquot Les Faux-Monnayeurs d’après Gide. FRED CACHEUX (TNS) • LESLIE (frère du Rouquin) Formé au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (promotion 98), il débute sur scène en 1999 dans Les Colonnes de Buren, texte et mise en scène de Alexandre Semjonovic, puis se produit la même année dans Le Decameron de Boccace mis en scène par Jean Boillot, La Tête dans les nuages de Delaruelle mis en scène par Jean Bouchaud et Alors, Entonces, atelier franco-mexicain dirigé par Catherine Marnas. En 2000, il joue dans Le jour se lève, Léopold de Valletti mis en scène par Jacques Nichet, Le Corps et la Fable du ciel de Supervielle mis en scène par Marc Le Glatin, Loué soit le progrès de Gregory Motton mis en scène par Lukas Hemleb et dans Guybal Velleytar de Witkiewicz mis en scène par David Maisse, puis en 2001 dans deux spectacles dirigés par Anne Alvaro : L'Île des esclaves et L'Épreuve de Marivaux. La même année, il chante, danse et joue dans le spectacle musical de Laurent Pelly C'est pas la vie ? Entre 2002 et 2007, il travaille sous la direction de Isabelle Janier (Roméo et Juliette de Shakespeare), Jorge Lavelli (Le Désarroi de M. Peters de Miller), Dominique Léandri

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(L'Ombre de la vallée de Synge), Vincent Primault (Pourquoi mes frères et moi on est parti de Hédi Tillette de Clermont Tonnerre), Alain Françon (Ivanov de Tchekhov, E. Roman dit de Danis). Sous la direction de Julie Brochen, il joue et chante dans L'Histoire vraie de la Périchole d'après Offenbach (Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence), puis au Festival d'Avignon 2007 dans L'Échange de Paul Claudel. Depuis septembre 2009, il est comédien de la troupe du TNS. Il y interprète Iacha dans La Cerisaie de Tchekhov (repris à l'Odéon-Théâtre de l'Europe), Dom Carlos dans Dom Juan de Molière mis en scène par Julie Brochen ; et Slee dans Ce qui évolue, ce qui demeure de Howard Barker mis en scène par Fanny Mentré en 2011. En 2012, il joue sous la direction conjointe de Julie Brochen et Christian Schiaretti dans la deuxième partie de Graal Théâtre : Merlin l’enchanteur de Florence Delay et Jacques Roubaud. Également metteur en scène, il crée la comédie anglaise de Jez Butterworth, Mojo, puis Port du casque obligatoire de Klara Vidic. En 2008, il met en scène, produit et joue avec David Martins un spectacle pour jeune public Mammouth Toujours !, et récemment L'Histoire du tigre de Dario Fo. ANTOINE HAMEL (TNS) • LE ROUQUIN Formé au sein du Conservatoire national supérieur d'art dramatique, il reçoit parallèlement une formation musicale auprès d'Alain Zaepfel, Vincent Leterme et Françoise Rondeleux. Durant ses trois années de formation, il joue dans Prométhée enchaîné de Eschyle et La Nuit des Rois de Shakespeare mis en scène par Andrzej Seweryn a la Comédie-Française, La Manie de la villégiature de Goldoni mis en scène par Muriel Mayette, Les Labdacides autour de Sophocle mis en scène par Joël Jouanneau, Je danse comme Jésus sur le vaste océan autour de Musset mis en scène par Catherine Hiégel, Le Chant du cygne de Mario Gonzales, Un Songe de Shakespeare mis en scène par Georges Lavaudant. À sa sortie, il joue dans Célébration et Le Monte-Plats de Harold Pinter mis en scène par Alexandre Zeff, Variations-Martin Crimp dans le cadre de la 12

e édition de « Paroles d'acteurs » organisé par l'ADAMI et mis en scène par Joël Jouanneau.

Sous la direction de Julie Brochen, il joue dans Brecht, Eisler, Weill, Le Condamné à mort de Genet, L'Histoire vraie de la Périchole d'après La Périchole de Jacques Offenbach (Festival d'Aix-en-Provence de juillet 2006), L'Échange de Claudel, la reprise de La Cagnotte de Labiche au Festival international de Séoul, Dom Juan de Molière et la deuxième partie de Graal Théâtre : Merlin l’enchanteur de Florence Delay et Jacques Roubaud co-mis en scène par Christian Schiaretti (2012) Il est comédien de la troupe du TNS depuis septembre 2011. Il interprète Hergood et Il Signor dans Ce qui évolue, ce qui demeure de Howard Barker mis en scène par Fanny Mentré en 2011. Il se produit aussi dans des courts et des moyens métrages tels que Enculées de Laetitia Masson et Ma Belle Rebelle de Jean-Paul Civeyrac (Talents Cannes 2006-ADAMI), ainsi que dans des pièces radiophoniques diffusées sur France Culture (La Décennie rouge de Michel Deutsch, Les Nouvelles Confessions de William Boyd, Peter Pan de J.-M. Barrie). A la télévision, il travaille avec Alain Tasma et Christophe Douchand (Les Bleus-saisons 3 et 4), Stéphane Clavier (L'Épervier) et reçoit le prix d'interprétation masculine du Festival de Luchon 2010 pour Quatre garçons dans la nuit réalisé par Edwin Bailly et avec Rodolphe Tissot dans la série Ainsi soient-ils qui a reçu le prix de la meilleure série française en 2012. FRANCK MANZONI (Cie Parnas) • AL (le père) Franck Manzoni s’est formé à l’École Jacques Lecoq, au Cours Saskia Cohen-Tanugi, à l’École du Théâtre national de Chaillot et au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Au théâtre, il a joué, entre autres, sous la direction de Jean-Marie Villégier, Hubert Colas, Yan Duffas, Jean Lacornerie, Gildas Milin, Ludovic Lagarde, Georges Lavaudant, Jacques Lassalle... Franck Manzoni travaille depuis 1997 avec Catherine Marnas. Comédien permanent de la Compagnie Parnas, il a joué dans L’Héritage (Koltès), Célibat (Tom Lanoye), Femmes, Guerre, Comédie (Brasch), Fragments Koltès (Koltès), Le Naufrage du Titanic (Enzensberger), La Jeune Fille aux mains d’argent (Py), Conte sur le pouvoir (Pasolini), Eva Peron (Copi), Faust, ou la tragédie du savant (montage de textes), Les Chiens de conserve (Dubillard), Sainte Jeanne des abattoirs (Brecht), Vengeance tardive (Rebotier), Le Retour au désert (Koltès), Le Crabe et le Hanneton (montage de textes), Le Banquet fabulateur (montage de textes), Lignes de faille (Huston). Franck Manzoni est assistant à la mise en scène de Catherine Marnas pour un projet réalisé avec des comédiens Khmers au Cambodge L’Affaire de la rue Lourcine (Labiche) et aussi pour le spectacle des 3

e année de l’ERAC L’Île de Dieu (Motton).

En 2008, pour la première fois, il passe à la mise en scène avec un texte de Jules Laforgues, Hamlet ou les suites de la piété filiale. L’année suivante, toujours dans le cadre des relations tissées avec le Centre culturel français de Phnon Pemh (Cambodge), il met en scène des comédiens Khmers dans La Jeune Fille, le diable et le moulin (Py). Au cinéma, il a joué sous la direction de Cédric Klapisch (Chacun cherche son chat), Yves Angelo (Les Âmes grises), Dante Desarthe, Marie Vermillard. Pour la télévision, Frank Manzoni a joué sous la direction de Philippe Lefebvre, Olivier Panchot, Josée Dayan, Didier Lepêcheur et Christophe Douchand.

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OLIVIER PAULS (Cie Parnas) • HENRI (confident de Leslie) Olivier Pauls a suivi sa formation de comédien à l’Entrée des Artistes à Paris (LEDA, Yves Pignot) et à l’École du TNS (Théâtre National de Strasbourg). Au théâtre, il a joué sous la direction de Jean-Marie Villégier, Jean-Louis Hourdin, Catherine Dasté, Marco Baliani, Catherine Marnas, Nordin Lahlou, avant d’intégrer la compagnie Parnas avec laquelle il travaille de façon permanente depuis 2004. Avec Catherine Marnas, il joue dans Les Chiens de Conserve de Rolland Dubillard, Lilith, Sainte Jeanne des Abattoirs de Bertolt Brecht, Vengeance Tardive de Jacques Rebotier, Le Temps suspendu, Le Crabe et le Hanneton, Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, Happy end de Michèle Sigal, Le Banquet fabulateur, Il Convivio, Usted Esta Aqui de Barbara Colio, Lignes de faille de Nancy Huston. Au sein de la compagnie Parnas, il joue dans Hamlet de Jules Lafforgues mis en scène par Franck Manzoni qu’il assiste également dans sa mise en scène de L’Avare à Phnom Penh (Cambodge). En parallèle, Olivier Pauls a suivi une formation musicale (piano et chant), notamment à la Bill Evans Academy à Paris. Entre 1984 et 2003, il met en scène plusieurs spectacles avec des enfants et des adolescents musiciens et chanteurs. En 1998, il met en scène les Yiddishs Papas et Mamas à Strasbourg. En 2008, il met en scène Oscar et Moi (danse) pour la compagnie Le Nomade Village aux Salins (Martigues), La Dernière Contrebasse à Las Vegas avec l’Ensemble Télémaque (Montévidéo, Marseille). En 2009, Desperate Singers, toujours avec Télémaque, au théâtre des Bouffes du Nord à Paris. En 2010, il participe à « Buk » avec un groupe de jazzmen emmené par Christophe Leloil sur des textes de Charles Bukowsky à l’Alcazar de Marseille. Depuis 2009, il organise à Marseille au sein d’un collectif d’artistes, un événement festif semestriel : « Le Bouillon Marseillais ». CÉCILE PÉRICONE (TNS) • JUNE (confidente de Carole) Formée au Cours Florent puis à L'École du Théâtre national de Chaillot, elle entre en 2002 au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris. A sa sortie, elle joue Quartett de Heiner Müller sous la direction de Félicité Chaton et Olivier Coulon au Théâtre de la Vignette à Montpellier. Elle joue sous la direction de Gloria Paris dans Filumena Marturano de Eduardo de Fillippo (Théâtre de l'Athénée, 2006), puis plusieurs textes écrits et mis en scène par Jean-François Mariotti : Gabegie (studio de l'Ermitage et Théâtre du Rond-Point, 2007/2008), Une Histoire du monde (studio de l'Ermitage, 2008), Gabegie Grand Guignol (Montreuil et Ciné Théâtre 13, 2009). Elle travaille pour la première fois sous la direction de Julie Brochen en 2005 à partir d'extraits du Condamné à mort de Jean Genet et de Baal de Bertolt Brecht présentés à l'Auditorium du Louvre. Elle la retrouve l'année suivante pour la création de L'Histoire vraie de la Périchole d'après Offenbach au festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence, puis en 2008 pour incarner Lechy dans L'Échange de Claudel. Depuis septembre 2009, Cécile Péricone est comédienne de la troupe du TNS. Elle incarne Charlotta Ivanovna dans La Cerisaie de Tchekhov mis en scène par Julie Brochen en avril 2010 et joue dans la deuxième partie de Graal Théâtre : Merlin l’enchanteur de Florence Delay et Jacques Roubaud co-mis en scène avec Christian Schiaretti (2012). Elle interprète également Hoik dans Ce qui évolue, ce qui demeure de Howard Barker mis en scène par Fanny Mentré en 2011. BÉNÉDICTE SIMON (Cie Parnas) • MA (la mère) Durant sa formation – Cours Florent, Conservatoire national de Bordeaux (section professionnelle), Cours de Annie Noël (Paris) – elle participe à plusieurs créations à Bordeaux (Compagnie Fartov et Belcher) et avec Annie Noël à Paris (Compagnie du Sapajou) . Très vite, elle décide de s’engager dans le travail de la Compagnie du Marché aux Grains, dirigée par Pierre Diependaële et implantée à Bouxwiller en Alsace. Pendant huit ans, elle joue dans toutes les créations de la compagnie, notamment dans Le Double Café d'après Carlo Goldoni et Rainer Werner Fassbinder, Maîtres et valets (montage de textes du XVIII

e siècle), We'll Shake d'après Troïlus et Cressida de William Shakespeare,

Comédies françaises (pièces en un acte de Eugène Labiche et Georges Feydeau), La Vie est rêve de Pedro Calderon de la Barca. Elle joue aussi sous la direction de Pierre Voltz (Polyeucte de Pierre Corneille), Francisco Moura (Le Marin de Fernando Pessoa), Lakis Karalis (Oresteia d'après Eschyle), Nicole Yani (L'Éloge de la rage d'après Antigone de Henri Bauchau), Yan Duffas (Psychée de Molière), Franck Manzoni (Hamlet ou les suites de la piété filiale de Jules Laforgue), Michel Piquemale (Le Roi David de Arthur Honnegger), Thierry Machuel (Une femme de parole de Sophia de Mello Breyner). Elle travaille avec la Compagnie Parnas depuis 2005. Avec Catherine Marnas, elle joue dans Lilith (montage de textes), Sainte Jeanne des abattoirs de Bertolt Brecht, Vengeance tardive de Jacques Rebotier, Le Crabe et le Hanneton (montage de textes), Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, Happy end de Michèle Sigal, Il Convivio (montage de textes), Lignes de faille de Nancy Huston. Elle est également assistante à la mise en scène à ses côtés pour le spectacle Si un chien rencontre un chat (textes de Bernard-Marie Koltès).

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Annexes

1. Tournée 2013 de Sallinger Martigues, Théâtre Les Salins, le 11 janvier 2013 Gap, Théâtre La Passerelle, le 15 janvier 2013 Miramas, Théâtre de la Colonne, le 31 janvier 2013 Alès, Le Cratère, le 2 février 2013 Cavaillon, Scène nationale, le 5 février 2013 Draguignan, Théâtres en Dracénie, le 12 février 2013

2. Autres mises en scène de Sallinger 2012 : Paul Desveaux Après la création de sa version de La Cerisaie pour l'édition 2010 d'Automne en Normandie, Paul Desveaux revient cette année avec une mise en scène du Sallinger de Bernard-Marie Koltès, issue d'une collaboration avec le Teatro San Martín de Buenos Aires et montée avec le concours des acteurs argentins. Projet né, selon les mots de Paul Desveaux, d'une « rencontre amoureuse » avec le texte, la pièce rend subtilement hommage aux influences cinématographiques américaines de son auteur en convoquant en filigrane l'univers des films noirs. Théâtre 71, Malakoff, 7e Festival d'Automne en Normandie 2009 : Véronique Bellegarde : lecture-spectacle Dans le cadre de la Biennale Bernard Marie Koltès (en 2009 la ville de Metz, avec le soutien des collectivités locales et territoriales et de l’ensemble des partenaires de la cité, a célébré le vingtième anniversaire de la disparition de Bernard-Marie Koltès) 2008 : Erika von Rosen Théâtre Les Halles, Sierre (Suisse), du 04 au 16 mars 2008. Reprise Théâtre Interface, Sion (Suisse) du 28 mars au 1er avril 2008 Théâtre de Corbeil-Essonnes (France) 11 et 12 avril 2008. 2005 : Michal Sieczkowski Théâtre Przestrzen Wymiany Dzialan Arteria, Varsovie (Pologne) Traduction : Barbara Grzegorzewska 2003 : Elisabeth Chailloux Création au Théâtre des Quartiers d'Ivry, Ivry-sur-Seine 1999 : Jean-Christophe Saïs Après des débuts comme comédien, il monte Sallinger de Bernard-Marie Koltès au théâtre des Feuillants à Dijon (dans le cadre du Festival Théâtre en mai), puis à Paris en coproduction avec le Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis, le Théâtre national de Dijon, La Halle aux Grains, scène nationale de Blois, et L'Athanor, scène nationale d'Albi. En 2002, il enchaîne avec Quai Ouest, toujours de Bernard-Marie Koltès, en coproduction avec le Théâtre National de Strasbourg, le Théâtre de la Ville à Paris, le Théâtre national de Toulouse, le Théâtre des Treize Vents, le Centre Dramatique National de Montpellier et L'Athanor, scène nationale d'Albi.

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« J'ai l'impression que si l'œuvre de Koltès est aussi puissante aujourd'hui, c'est qu'elle touche à la mythologie de la mort. Or, le véritable thème de Sallinger c'est précisément la mort.» Jean-Christophe Saïs, Magazine littéraire n°395, févier 2001 1999 : Michel Didym Création au Théâtre des Abbesses, Paris (Théâtre de la Ville – Cie Boomerang) 1998 : Thierry de Peretti Création au Marché des Blancs-Manteaux, Paris 1996 : Anne-Françoise Benhamou Création au Centre Dramatique National d’Orléans 1977 : Bruno Boëglin Création mondiale. Théâtre de l’Eldorado, Lyon

3. Bibliographie de Bernard-Marie Koltès

Parution aux Éditions de Minuit

Les Amertumes (théâtre, 1970), 1998

La Marche (théâtre, 1970), 2003

Procès Ivre (théâtre, 1971), 2001

L’Héritage (théâtre, 1972), 1998

Récits morts. Un rêve égaré (théâtre, 1973 ; pièce à partir de laquelle sera tourné le film La Nuit perdue, 1973), 2008

Des voix sourdes (pièce radiophonique, 1974), 2008

Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet (adaptation d’après Shakespeare, 1974), 2006

La Fuite à cheval très loin dans la ville (roman, 1976), 1984

Sallinger (théâtre, 1976-77), 1995

La Nuit juste avant les forêts (théâtre, tapuscrit de Théâtre Ouvert, 1977), 1988

Nickel Stuff (scénario, 1984), 2009

Combat de nègre et de chiens (théâtre, 1979), 1990

Quai Ouest (théâtre, 1981-85), 1985

Dans la solitude des champs de coton (théâtre, 1981-87), 1987

Tabataba (théâtre, 1986), 1990

Prologue et autres textes (roman inachevé, 1986, suivi de deux nouvelles, 1978), 1991

Le Conte d’hiver (traduction de la pièce de Shakespeare), 1988

Le Retour au désert (théâtre, 1988), 1988

Roberto Zucco (théâtre, 1988), 2000

Une part de ma vie (entretiens recueillis de 1983 à 1989), 1999

Lettres, 2009

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Rencontres autour du spectacle

DU THÉÂTRE À L’ÉCRAN

À LA RENCONTRE DE FORRESTER De Gus Van Sant 2001, 114’ Jamal est un jeune homme noir prometteur qui vit dans le Bronx entre parties de basket-ball et œuvres littéraires. Sa vie bascule, lorsqu'à la suite d'un pari, il entre dans l'appartement de William Forrester, auteur du roman du siècle Avalon Landing couronné du Prix Pulitzer. L'écrivain a cessé d'écrire, après ce premier roman. À partir de là, une véritable relation d'amitié va lier Jamal et William, qui va aider le jeune Jamal à affiner son écriture, ce dernier redonnant goût à la vie à William, qui était devenu très solitaire au fil des ans.

• Dimanche 25 novembre à 16h au Cinéma Star

Tarif spécial : 5,50 € sur présentation de la carte d’abonnement du TNS ou d’un billet Sallinger.

CONVERSATION À LA LIBRAIRIE KLÉBER avec l’équipe artistique

& LECTURE de lettres de Bernard-Marie Koltès par les comédiens

• Samedi 1er décembre à 11h Librairie Kléber

Entrée libre

THÉÂTRE EN PENSÉES DISCUSSION autour de SALLINGER avec Catherine Marnas et un membre du Département Arts et spectacles de l’UdS accompagnées de plusieurs invités (détails dans le Journal du TNS novembre-décembre) & PROJECTION du documentaire BERNARD-MARIE KOLTES : COMME UNE ÉTOILE FILANTE De François Koltès, 1997, 46’

• Lundi 3 décembre à 20h TNS, Salle Gignoux

Entrée libre

BORD DE PLATEAU

À l’issue de la représentation

• Mercredi 5 décembre

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Dans le même temps

TOBOGGAN Texte et mise en scène Gildas Milin

Dates du mardi 13 au vendredi 30 novembre 2012 Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche 25 à 16h Relâche les lundis et dimanche 18 Salle Gignoux

ANDRÉ POMARAT LIT VICTOR HUGO

En partenariat avec la Librairie Kléber Passionné de Victor Hugo et de sa langue, le comédien André Pomarat revisite la poésie de ce monument de la littérature française en six lectures tout au long de la saison. Ce « parcours Hugo » s’inscrit exclusivement dans la période de son exil à Jersey et Guernesey du 11 décembre 1852 au 5 septembre 1870, où il rentre en France, après son refus de deux amnisties et après la mort de Napoléon III.

• MARDIS 23 octobre La Légende des siècles, 13 novembre Les Tables tournantes, 4 décembre Les Châtiments, 15 janvier Le Gibet, 5 février La Fin de Satan et Dieu à 19h à la Librairie Kléber LUNDI 4 mars La Légende des siècles à 20h au TNS

Entrée libre • Réservation obligatoire au 03 88 24 88 00 En décembre

AU BOIS LACTÉ De Dylan Thomas Mise en scène Stuart Seide

Dates du jeudi 13 au vendredi 21 décembre 2012 Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche 16 à 16h Relâche lundi 17 Salle Koltès

ACCUEIL

Bord de plateau à l’issue de la représentation • Mardi 18 décembre

Séance spéciale

• Audiodescription Vendredi 21 décembre

COPRODUCTION ET CRÉATION AU TNS

Bord de plateau à l’issue de la représentation • Jeudi 15 novembre

Théâtre en pensées avec Gildas Milin • Lundi 26 novembre à 20h au TNS

Du théâtre à l’écran BATTLE ROYALE de Kinji Fukasaku, 2001, 114’

• Dimanche 18 novembre à 16h au Star 5,50€ sur présentation de la carte d’abonné

ou du billet du spectacle