Dossier de Presse VFOK3
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Les inégalités sociales de santé : un défi pour la médecine générale
Dossier de Presse
jeudi 6 juin 2013 Maison des Métallos, Paris 11°
Contacts presse :
Alexandra DELEUZE 0145 03 58 56 06 60 36 06 69
Gabrielle ISSAVERDENS
01 45 03 89 96 06 72 20 50 02
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ISS : un défi pour la médecine générale - 6 juin 2013
Sommaire I - Programme II - Edito de Claude Leicher III - Résumés des interventions et biographies IV - « Pourquoi des soins de santé primaires ? »
Isabelle Heymans. Santé conjuguée, juillet 2006. n°37, p. 19-115 V - Schéma « la ville, la vie, la mort dans Paris et ses banlieues »
Paysage socio-sanitaires sur le parcours du RER B Les inégalités de santé dans les territoires français. Etat des lieux et voies de progrès. E. Vigneron, Elsevier Masson, 2011
VI - Les colloques MG France VII - Présentation de MG France
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ISS : un défi pour la médecine générale - 6 juin 2013
I - Programme du colloque « Les inégalités sociales de santé : un défi pour la médecine générale »
Jeudi 6 juin 2013 de 9h30 à 13h - Maison des Métallos - Paris 11ème
9h30 Accueil et ouverture Les inégalités sociales de santé (ISS), état des lieux
• Jacques Battistoni • Dominique Lagabrielle
9h45 à 10h20
Les inégalités sociales de santé : Epidémiologie - Accès financier aux soins - Rôle du MG • Les difficultés financières à l’accès aux soins C Mady Denantes • Equité des soins : le généraliste peut devenir une partie de la solution C Hector Falcoff
10H20 à 11h
Les professionnels de santé face aux ISS : réalités de terrain – Cinq expériences concrètes (focus de 6 mn, 15 mn de débat) • ISS et ruralité C Philippe Marissal • Vous avez dit interculturel : récit au quartier de la Goutte d'Or C Agnès Giannotti • « Espace Ressource Santé » à Chambéry le Haut C Jean-Louis Correia • Professionnels de santé et animateurs de proximité au cœur des quartiers C Marie-Hélène Certain • Système d'information et équité des soins C Sophia Chatelard
11h Pause 11h10 à 12h
Les déterminants sociaux de la santé accessibles ou non à l’action des professionnels (focus de 15mn, avec 15 mn de débat) • Déterminants non accessibles : l’interpellation politique C Gladys Ibanez • Déterminants accessibles aux professionnels et expériences probantes C Florence Jusot • Perspectives pour l’évolution des pratiques professionnelles C Gladys Ibanez
12h à 13h
Les perspectives politiques – les revendications syndicales • Le point de vue d’un élu municipal C Alexandre Feltz • Le point de vue d’un expert en économie de la santé C Didier Tabuteau • Le point de vue du responsable syndical C Claude Leicher
13h Déjeuner
Animation F Dominique Lagabrielle, Jean-Jacques Cristofari
"Il faut plus d’égalité dans le système de santé, oui : mais plus encore, il faut de l’équité" Interview de Claude Leicher, président de MG France
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ISS : un défi pour la médecine générale - 6 juin 2013
II – Edito de Claude Leicher MG France prépare pour le 6 juin un colloque sur les Inégalités sociales de santé. Quelles sont les raisons qui ont poussé le syndicat à s’investir dans un secteur qui est plus social que médical ? L’erreur est de penser que les inégalités sociales de santé sont une problématique sociale pour laquelle le système de santé ne peut pas grand chose. On pourrait considérer qu’il faut s’occuper des raisons sociales, et qu’en attendant, il est inutile d’intervenir sur les conséquences en termes de santé. Nous pensons au contraire que le système de santé doit intervenir de façon active et prioritaire pour aider ces populations à accéder aussi à la prévention, au dépistage et aux soins, même si les raisons sociales existent, perdurent et doivent être traitées. Nous renforçons ce message de l’égal accès à la santé par la notion d’un accès équitable, c’est à dire d’une attention particulière aux inégalités sociales. La position sociale crée un handicap de départ dont les intervenants en santé doivent avoir conscience : le premier travail est donc celui de la sensibilisation des soignants, de l’Assurance Maladie et des décideurs. Si on raisonne par rapport à l’affaire Médiator, qui a provoqué entre 500 et 2 000 morts, les inégalités sociales de santé sont associées à une mortalité prématurée de 110 000 morts, 20% de la mortalité annuelle en France. La moitié est évitable, soit 55 000 morts par an, tous les ans ! En 10 ans, nous sommes à un demi-‐million de personnes décédées prématurément et pour lesquelles on aurait probablement pu intervenir, à condition de le faire précocement. Les facteurs de risque sont liés à des vulnérabilités socio-‐économiques, personnelles (rupture dans la continuité de la vie personnelle), culturelles et sociales (catégories socio professionnelles, position sociale etc.), qui peuvent conduire à des comportements à risques (par exemple : l’alcool ou le tabac), à des comportements de non participation (au dépistage) par méconnaissance ou par négligence. Repérer et intervenir précocement permet de développer des attitudes actives, précoces, continues permettant d’anticiper et d’aider ces personnes. MG France considère qu'au sein du système de santé, le médecin généraliste est un acteur susceptible d’intervenir de façon très précoce sur ces différents facteurs de risques en articulation avec le secteur social, pour établir une situation d’équité : porter plus d’attention sur des facteurs de risques, passer plus de temps, mettre plus d’énergie dans ses interventions, mieux s’articuler avec le secteur social pour prendre en charge des situations difficiles… L’objectif in fine, est de baisser la morbi mortalité, et d’éviter des décès prématurés. Est-‐ce que par rapport à ces questions complexes, vous souhaitez que les généralistes, et au-‐delà le corps médical, nouent un nouveau contrat social avec la société ? Ce que nous souhaitons c’est faire prendre conscience aux médecins qu’ils sont des acteurs possibles de cette lutte contre les ISS. Nous sommes dans un secteur dans lequel les interventions potentielles sont extrêmement productives en termes d’amélioration de la santé des populations concernées. Ce sont des populations dans lesquelles il y a beaucoup de pathologies, et des pathologies lourdes. Accompagner le sevrage du tabac par exemple, c’est une fois sur deux éviter le risque de décès d’un patient. Dans ce cadre, le contrat qui peut être noué commence par la sensibilisation aux inégalités sociales de santé et c’est la première raison pour laquelle nous organisons ce colloque. La deuxième raison, c’est que nous souhaitons dire à nos interlocuteurs institutionnels et politiques -‐ c’est-‐à-‐dire le gouvernement, l’Assurance Maladie, les représentants des usagers et toutes les personnes qui s’intéressent à ce sujet dans le secteur social -‐ que nous voulons être des acteurs, parmi d’autres, qui peuvent intervenir, à condition que l’on nous aide à mettre en place les conditions de ces interventions…
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Par exemple ? Il faut que nous puissions individualiser les situations dans lesquelles nous estimons qu’il y existe un risque par rapport à ce problème des inégalités sociales de santé. Individualiser un risque, cela veut dire que le médecin soit en mesure de réaliser un travail préalable de repérage des situations et des personnes auprès desquelles il souhaite intervenir. Nous souhaitons donc faire valoir auprès des pouvoirs publics, notre volonté de prendre une position d’intervention active, innovante, qui doit commencer par une phase de sensibilisation et de formation dans notre profession. Nous faisons de nouveau oeuvre de pionniers dans une dimension de "santé populationnelle" dans laquelle les pouvoirs publics nous disent qu’ils veulent placer la médecine générale à travers la Stratégie nationale de santé construite autour de la médecine de parcours. Le parcours de soins et de santé doit privilégier la réduction des ISS par l’intervention du médecin généraliste traitant. On déplace donc le curseur des soins curatifs habituels du médecin ou de la prise en charge des maladies dites chroniques vers d’autres types de prise en charge. Quels sont les moyens que vous souhaitez mettre en œuvre et comment cette approche va-‐t’elle s’articuler avec vos débats conventionnels en cours ? Bien évidemment, nous allons demander ici un travail différent aux généralistes intéressés parce que repérer une vulnérabilité sociale, faire une intervention plus ciblée et attentive auprès de ces populations, c’est du travail ! Il faut donc négocier les conditions dans lesquelles pourraient être rémunéré ce travail différent. Ce n’est pas facile car ce travail supplémentaire, pour les pouvoirs publics, n’a pas de rentabilité immédiate mais à long terme. Cela a été démontré dans d’autres pays qui ont déjà commencé à aborder ce sujet. Le tabagisme, par exemple, concerne plus les populations en situation d’ISS. Il fait partie de ces comportements à risques qui a des conséquences sanitaires extrêmement graves pour les populations concernées. Nous sommes bien dans une nouvelle façon d’appréhender le système de santé dans lequel on introduit cette dimension populationnelle. Tout ce travail mérite d’une part reconnaissance et d’autre part une rémunération. Les généralistes sont déjà au travail. Nous allons, lors du colloque du 6 juin, présenter des réalisations de médecins à des endroits aussi différents que Paris, Chambéry, qu’une zone rurale dans l’Ain. Elles sont mises en oeuvre, elles doivent être rémunérées. Il faut aussi simplifier le travail des médecins qui, pour faciliter l’accès aux soins, font du tiers payant et rencontrent des difficultés à se faire payer par certains régimes complémentaires. Il n’est pas normal que les généralistes aient du mal à récupérer les honoraires qui leur sont dûs. Dernière question qui me vient à l’esprit : le gouvernement avait projeté initialement de relancer une loi de santé publique courant 2013. On parle de 2014 maintenant. Est-‐ce que vous souhaitez faire inscrire ces questions dans la future loi de santé publique ? Nous sommes évidemment favorables à tout ce qui permettra une reconnaissance institutionnelle et réglementaire du travail de santé publique que réalisent les généralistes. Ce que nous souhaitons, surtout, c’est que dans cette loi de santé publique on mette au-‐dessus de tout le reste, le problème de la cohérence de la santé publique. Nous avons connu une accumulation de plans de santé publique, par pathologies ou par segments de population. Ils n'ont pas produit grand-‐chose au regard des sommes qui ont été investies. Nous souhaitons que le médecin généraliste traitant devienne le lieu et l’acteur de la cohérence de la santé publique. Faire des plans de santé publique dans lesquels on ne définit pas le rôle du médecin de soins primaires, alors qu'il est l’intervenant principal, est incohérent.
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Nous souhaitons donc que l’on confie aux acteurs de soins primaires la responsabilité et les moyens pour mettre en place des politiques de santé publique populationnelles. Et, bien entendu, nous souhaitons que l'on assure la prise en charge des inégalités sociales de santé. Car elles recouvrent le champ quasiment entier de la santé publique : à la fois les cancers, les pathologies liées à l’alcool mais aussi toute la problématique du dépistage et de la prévention. Les pouvoirs publics savent que les indicateurs de santé publique se dégradent, que la pratique des examens de prévention n'est pas à la hauteur des enjeux du moment, en particulier dans des populations vulnérables sur le plan social. Nous sommes convaincus qu’il faut faire un effort particulier vis-‐à-‐vis de ces populations-‐là. Nous devons faire, je l’ai déjà dit, non seulement de l’égalité mais aussi de l’équité, c’est à dire faire plus d’efforts pour les populations les plus à risque. 5 Juin 2013
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III - Résumés des interventions et biographies A - Les inégalités sociales de santé (ISS) en France, état des lieux • Du constat épidémiologique des inégalités sociales de santé à lʼaction en faveur de la
médecine générale et des soins primaires dans le système de santé en France Jacques Battistoni - Dominique Lagabrielle
Les ISS se définissent comme le différentiel de morbi-mortalité selon les catégories socioprofessionnelles, les revenus ou le niveau dʼéducation. Il sʼagit donc dʼun constat épidémiologique croisant les données de santé avec la position sociale dʼune personne. En France, dans un système de santé classé pourtant n° 1 mondial par lʼOMS en 2008, les ISS sont de longue date anormalement élevées par rapport aux autres pays de lʼex-Europe des 15. Elles touchent principalement les hommes avec un écart dʼespérance de vie de 7 ans entre un ouvrier et un cadre à 35 ans et 110 000 décès prématurés avant 65 ans dont la moitié seraient évitables. Parce que ces différences sont graduellement croissantes selon toute la hiérarchie des positions sociales, la seule lutte contre lʼexclusion sociale ne pourra réduire les ISS. Ce constat épidémiologique pousse à agir pour promouvoir une société moins inégalitaire et conforte le syndicat dans son interpellation à réorganiser le système de santé en redonnant sa place à la médecine générale et aux soins primaires. Biographie de Jacques Battistoni Médecin généraliste dans la banlieue de Caen (14) Maître de stage à la faculté de médecine de Caen Animateur du pôle de santé dʼIfs regroupant plus de 30 professionnels de santé Elu à l'URML de Basse-Normandie depuis 2000 Secrétaire général de MG France Biographie de Dominique Lagabrielle
Médecin généraliste à St Martin dʼHères, banlieue de Grenoble (38), en cabinet de groupe. Animateur dʼun pôle de santé interprofessionnel rassemblant une équipe de soins primaires de 20 professionnels (7 médecins généralistes, 7 infirmiers, 4 kinésithérapeutes, une diététicienne, une psychologue). Ce pôle de santé porte le projet dʼun exercice regroupé (maison de santé ou centre de santé) en Zone Urbaine Sensible (ZUS). Maître de stage universitaire, il a conduit plusieurs travaux de recherche sur les inégalités sociales de santé et les soins primaires. Chargé de mission ISS pour MG France, membre de la commission conventionnelle Inégalités Sociales de Santé, il est également chef de projet « Inégalités sociales dʼaccès aux soins de prévention » pour MG Form.
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B - Les inégalités sociales de santé : Epidémiologie - Accès financier aux soins - Rôle du MG • Des difficultés financières d'accès aux soins à l'action en pratique clinique pour
réduire les ISS (Mady Denantes) « En 2013, en France, certains patients nʼont pas accès aux soins pour des raisons financières. » Installée depuis plus de 20 ans dans un quartier populaire de Paris, Mady Denantes sʼinquiète de lʼaugmentation de ces renoncements aux soins dans sa patientèle. Elle est témoin du glissement dʼune assurance maladie solidaire (chacun cotise selon ses revenus et chacun reçoit selon ses besoins) vers une assurance complémentaire non solidaire (chacun reçoit selon ce quʼil a cotisé). Dans sa maison de santé, certains de ses patients renoncent aux soins. Elle livre des témoignages authentiques, reflets dʼune pratique quotidienne. Des familles qui perdent leur travail et du même coup lʼassurance complémentaire qui allait avec le travail. Des familles ne pouvant sʼoffrir une assurance complémentaire « haut de gamme », choisissent une assurance complémentaire « bas de gamme » qui, bien que grevant beaucoup leurs revenus, ne prend pas toujours en charge certains soins qui leurs sont essentiels. Certains de ses patients sont victimes de refus de soins ou victimes de dépassements impressionnants. « Les problèmes dʼaccès aux soins ne sont pas la première cause des inégalités sociales de santé, mais elles y participent. Nous en sommes témoins tous les jours dans nos cabinets médicaux. » Biographie de Mady Denantes Médecin généraliste, Paris 20ème Maître de stage universitaire et chargée dʼenseignement à lʼUniversité Pierre et Marie Curie (UPMC) Présidente du CMGE-UPMC (collège des médecins généralistes enseignants de lʼUPMC Membre du COMEGAS (collectif des médecins généraliste pour lʼaccès aux soins) Présidente du pôle de santé des Envierges et membre de la future maison de santé Pyrénées Belleville
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• Equité des soins : le généraliste peut devenir une partie de la solution (Hector Falcoff) Lʼégalité de lʼaccès financier aux soins est indispensable mais insuffisante. Les besoins de santé se distribuent selon un gradient social : ils sont plus importants chez les patients des groupes sociaux plus défavorisés. Lʼéquité des soins vise à délivrer des soins proportionnels aux besoins, afin de réduire autant que possible la part « soins dépendante » des inégalités sociales de santé (sans se leurrer : la réduction des inégalités sociales de santé passe essentiellement par la réduction des déterminants sociaux de la santé). En consultation, le médecin généraliste peut contribuer à lʼéquité des soins de différentes manières :
- par lʼévaluation systématique des risques liés à la situation sociale et professionnelle des patients (y compris les obstacles à lʼaccès aux soins) ; impliquant le recueil systématique des informations sur la position sociale et de les noter dans leur dossier
- par la mise en œuvre dʼaction de prévention, de dépistage et une prise en charge protocolisée des pathologies chroniques pour limiter le risque dʼoubli lié au caractère non prioritaire de ces soins pour certains patients ; sʼil fallait sélectionner les thèmes de prévention : intervenir plutôt sur ceux qui contribuent aux inégalités sociales de santé (alcool, tabac, obésité…)
- par lʼassistance aux patients pour comprendre leurs problèmes et les accompagner autant que
possible dans leur parcours dans le système de santé, ce qui implique, dʼune part, de pouvoir passer plus de temps avec ceux qui ont des besoins plus importants (par exemple les patients qui ont un niveau dʼéducation plus faible), dʼautre part, de disposer de ressources suffisantes (travailleurs sociaux, réseaux, programmes dʼéducation thérapeutique de proximité, médiateurs en santé, coordinateurs de cas…)
- par la facilitation à lʼaccès aux traitements, aux examens complémentaires, et aux soins
secondaires et tertiaires (les obstacles peuvent être financiers, sociaux, culturels) En dehors de la consultation, le médecin généraliste peut encore travailler à lʼéquité des soins :
- en développant les compétences nécessaires pour mieux communiquer avec des personnes de milieux socio-culturels différents du sien
- en mettant en œuvre une démarche dʼamélioration continue de la qualité basée sur la mesure dʼindicateurs de santé stratifiés selon la position sociale (vérifier que les soins ne sont pas délivrés selon des gradients sociaux « pro riches », le cas échéant appliquer des mesures correctives).
Biographie de Hector Guillermo Falcoff
Médecin généraliste Paris 13ème, dans un cabinet de groupe de 8 généralistes accueillant des internes Président de lʼAssociation pour le développement du pôle de santé Paris 13ème sud-est Professeur associé de médecine générale au Département de Médecine Générale de la Faculté Paris Descartes Coordonnateur des activités de recherche et dʼamélioration de la qualité de la Société de Formation Thérapeutique du Généraliste (SFTG) Co-coordonnateur du Comité dʼInterface INSERM Médecine Générale. Membre du CA du Collège de la Médecine Générale
Membre du bureau de lʼEuropean Association for Quality in General Practice/Family Medicine (Equip)
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C - Les professionnels de santé face aux ISS : réalités de terrain
5 expériences concrètes • ISS et ruralité (Philippe Marissal) A lʼinitiative du PABAT (Pays dʼAccueil du Bugey, Avenir et Tradition), un diagnostic local de santé a été lancé sur notre territoire rural par lʼObservatoires Régional de Santé (ORS). Cette analyse montre une surmortalité globale et notamment prématurée, due aux maladies cardiovasculaires et au diabète, au suicide et aux addictions. Devant ces constats, les professionnels médecins ont créé une maison médicale. Les élus locaux ne se sont pas emparés de ce projet, laissant les libéraux sʼorganiser. La légitimité des libéraux à sʼinvestir dans une réponse à ce diagnostic local nʼest pas reconnue. Les médecins ont choisi de sʼengager dans la prise en charge type Asalée avec une infirmière de santé publique et secondairement par la constitution dʼun pôle de santé afin dʼessayer, au quotidien, dʼapporter un petit plus à ce territoire rural, ni très loin, ni très proche des grands centres urbains : Lyon, Genève, Grenoble, Chambéry et Annecy. Biographie de Philippe Marissal
Médecin généraliste en milieu rural, à Artemare (01) Il a exercé seul pendant 17 ans avant de créer en 2004, une maison de santé intégrée depuis à un pôle de santé accueillant en son sein une infirmière du dispositif Asalée Référent Asalée Rhône-Alpes Maitre de stage universitaire à la faculté de médecine de Lyon • Vous avez dit interculturel : récit au quartier de la Goutte d'Or (Agnès Giannotti)
« Au-delà du simple fait de soigner nos malades, ce que nous visons cʼest lʼamélioration de la santé et du bien-être de chacun dʼentre eux et de tous. Lʼidée généralement répandue est que pour ce faire, nous devons éduquer nos patients : leur apprendre à être à lʼheure au rendez-vous, à être observants, à faire leurs suivis régulièrement. Quel sujet est plus en vogue que lʼéducation thérapeutique ?
Mais nʼest-ce pas aussi à nous, médecins, dʼapprendre de nos patients ? De nous adapter à leurs contraintes, à leur mode de vie ; de comprendre lʼimage quʼils se font de leur maladie, de leurs traitements ; de répondre à leur préoccupation première même si elle est différente de la nôtre ?
La démarche interculturelle demande à chacun de faire un pas vers lʼautre. Mieux se comprendre pour progresser ensemble et les médecins généralistes sont au cœur de cette interaction. »
Si les migrants illustrent particulièrement bien la distance qui peut séparer soignants et soignés, ils ne sont que la partie émergée dʼune problématique générale : chaque patient a son histoire propre, sa culture familiale, ses expériences de vie. Pour un médecin généraliste, améliorer chaque colloque singulier fait progresser le suivi de lʼensemble de sa patientèle et peut lui permettre de travailler à réduire les ISS.
La pierre angulaire est la construction dʼun discours commun tenant compte aussi bien des représentations et des demandes du patient que de la logique médicale et des préoccupations de santé publique. Cʼest le socle dʼune relation thérapeutique sur laquelle peut sʼédifier un parcours de soins et de santé cohérent. Cʼest cette démarche que le Dr Agnès Giannotti, médecin généraliste dans le quartier de la Goutte dʼor va tenter de vous faire appréhender au travers de lʼhistoire de lʼun de ses patients.
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Biographie de Agnès Giannotti
Médecin généraliste dans le quartier de la Goutte dʼOr à Paris depuis 1990 Présidente de MG 75 et déléguée régionale adjointe de MG France pour lʼIle de France Représentante MG France à la Commission Conventionnelle Inégalités Sociales de santé Engagée depuis 20 ans au sein de lʼassociation URACA (Unité de Réflexion et dʼAction des Communautés Africaines) qui intervient dans le domaine de la santé communautaire auprès des populations africaines en France et en Afrique, et lutte contre le sida.
• « Espace Ressource Santé » à Chambéry le Haut (73) : de l'accès aux droits jusqu'à
l'Education Thérapeutique du Patient (ETP) dans sa langue d'origine (Jean-Louis Correia) Un cabinet médical (né en 1978 dans un quartier populaire classé ZUS) a été le promoteur du regroupement des professionnels libéraux du secteur au sein dʼun pôle de santé pluriprofessionnel (ENMR). Objectifs : une meilleure prise en charge par coordination accrue entre professionnels (soignants et travailleurs sociaux), une offre de soins innovante destinée à augmenter les compétences des patients pour des choix plus éclairés. Pour impliquer tous les acteurs autour de ce projet, le pôle a participé au portage dʼun Diagnostic Local de Santé : problématiques de santé connues… mais : étaient présentes autour de la table, pour y répondre, toutes les énergies : libéraux impliqués localement dans la santé publique, élus, DDCSPP, ARS … Une expérimentation : le dispositif IMPACT Il sʼagit dʼune offre de soins innovante pour situations médico-sociales complexes portant sur lʼaccès aux droits et aux soins et visant à aider l'individu à prendre soin de lui, à être acteur de sa santé comme il l'entend avec ses propres priorités.
Cet « accompagnement santé » peut prendre plusieurs formes (individuelle, collective, activités ludiques avec les soignants, les autres usagers) en un lieu unique : lʼEspace Ressource Santé (ERS) où se crée du lien pour agir ensemble. Biographie de Jean-Louis Correia
Médecin généraliste à Chambéry Le Haut, en cabinet de groupe
Secrétaire du pôle de santé de Chambéry nord http://pole-de-sante-chambery-nord.fr
Actif dans plusieurs associations et regroupement de professionnels des secteurs de la santé et du social, il a participé au Diagnostic Local de Santé du territoire et au développement de différents réseaux de santé en Savoie.
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• Professionnels de santé et animateurs de proximité au cœur des quartiers (Marie-Hélène Certain) Cette famille nombreuse habite dans un logement insalubre... Cette femme a 3 heures de transport par jour en plus d'un travail fatigant... Il habite seul et noie son isolement dans l'alcool et le tabac... « Pour nous généralistes, ces mots décrivent des situations habituelles et quasi quotidiennes. Parce que nous connaissons les patients et leur environnement, nous hiérarchisons et agissons pour ces patients qui pourtant ont besoin de plus dans un système cloisonné entre le soin et le social. Professionnels de santé et animateurs de quartiers, des coopérations possibles ? » Dans la ville des Mureaux (78), une action synergique se réalise entre professionnels du soin primaire et acteurs du social et de lʼanimation dans les quartiers avec lʼappui de lʼAtelier Santé Ville (ASV). LʼASV, volet santé des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) vise à mettre en place dans les quartiers populaires des actions dʼinformation et dʼéducation à la santé pluri partenariales pour des publics fragilisés. En voici 2 exemples :
Lʼamélioration de la connaissance du corps féminin et de lʼaccès au dépistage des cancers du col utérin et du sein Le travail sʼest attaché à mettre en mot, en atelier collectif, ce que le dépistage suscite sur les représentations des femmes quant au rapport à leur corps. Lʼanimation est réalisée dans les maisons de quartier et les centres sociaux par des professionnels de santé (médecin généraliste ou infirmière) et des animatrices médiatrices de la communauté. Cette action, impulsée par lʼASV a objectivement amélioré la participation au dépistage : augmentation du nombre de frottis et de mammographies sur la ville. Lʼéducation des patients diabétiques Les patients diabétiques, souvent poly pathologiques, sont recrutés par leur médecin généraliste traitant. Le programme éducatif (entretiens individuels et ateliers collectifs) est réalisé au sein dʼun espace de quartier. Lʼadhésion des patients, le bouche à oreille, lʼintégration des actions santé à la dynamique associative ont encouragé lʼimplication des professionnels de santé. Le plus souvent, les interventions des ASV se font sans les professionnels de santé libéraux, tant les « cultures » et les modalités de travail sont différentes entre le système dit « libéral » et les systèmes institutionnels. Lʼexemple des Mureaux montre comment un partage de carnet dʼadresses et une coopération entre les acteurs du médical et du social dʼun territoire de proximité participent à la lutte contre les inégalités sociales de santé. Biographie de Marie-Hélène Certain
Médecin généraliste en quartier populaire, Les Mureaux (78) Co-porteur du projet de maison de santé pluridisciplinaire et pôle de santé sur la ville des Mureaux Vice-présidente de MG France Vice-présidente du Collège de Médecine Générale Conseillère municipale Les Mureaux
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• Système d'information et équité des soins (Sophia Chatelard) « Il est nécessaire de connaître la position sociale des patients pour distribuer les soins de façon adaptée. » Partant de ce constat, des médecins généralistes sensibilisés aux égalités sociales de santé dans leur pratique quotidienne et des chercheurs se sont constitués en groupe de travail. Le but était de produire un document de recommandations à destination de tous les médecins généralistes. Après 1 an de travail, de bibliographie et de réflexion, ce document intitulé "Pourquoi et comment enregistrer la situation sociale d'un patient en médecine générale ? " a vu le jour. La recommandation principale est que chaque dossier de patient devrait comporter, outre l'âge, le sexe et l'adresse, une information sur la couverture sociale, la situation par rapport à l'emploi et les capacités de compréhension. Le recueil systématique de ces informations permettrait une prise en charge adaptée à la situation de chaque patient, mais aussi de décrire une patientèle selon de nouveaux critères afin, par exemple, d'évaluer la qualité des soins en termes d'équité. Biographie de Sophia Chatelard Médecin généraliste collaboratrice à St Martin dʼHères (38) Chef de clinique au département de Médecine Générale de l̓ université de Grenoble Membre du pôle de santé interprofessionnel de St Martin dʼHères A publié plusieurs travaux sur la caractérisation sociale des patients en soins primaires et les compétences psychosociales des professionnels à développer en vues de réduire les ISS Secrétaire générale de lʼassociation des jeunes chercheurs français en médecine générales (FayGP) En charge des relations internationales "juniors" pour le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), au sein de Vasco da Gama Movement (WONCA Europe working group for new and future General Practitioners) qui regroupe des jeunes médecins Européens (juniors : 5 ans après la thèse) D - Les déterminants sociaux de la santé accessibles ou non à l̓ action des professionnels • Déterminants non accessibles : lʼinterpellation politique (Gladys Ibanez)
Quʼest ce qui détermine notre état de santé ? Dʼaprès un rapport récent de lʼHSCP*, il existe probablement trois grands facteurs.
Dʼune part les politiques sociales et économiques dʼun pays. Par exemple, lʼacquisition dʼun niveau dʼétudes suffisant permet dʼinfluencer nos connaissances sur la santé et les styles de vie « protecteurs ». Il permet aussi de se protéger du chômage, dʼaméliorer lʼestime de soi, de sʼintégrer plus facilement dans la société.
De façon similaire, les choix politiques qui favorisent lʼaccès à lʼemploi, de bonnes conditions de travail, des revenus corrects et un cadre de vie « sain » sont des éléments fondateurs de nos états de santé.
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Ensuite, il y a le rôle du système de soins. Une bonne organisation du système de soins doit permettre un accès sans contrainte aux médecins généralistes, aux spécialistes, aux soins dentaires, aux examens de santé, etc. Nos représentations vis à vis de lʼoffre de soins ne doivent pas être « erronées » et les professionnels de santé doivent assurer la même qualité du soin pour tous.
Enfin, le troisième facteur est celui de nos comportements de santé : fumer, boire en excès, manger de façon déséquilibrée, etc. sont des comportements nocifs qui peuvent nuire directement à notre santé.
* Moleux M., Sclaetzel F., Scollon C. Les inégalités sociales de santé : déterminants sociaux et modèles dʼaction. HSCP. Mai 2011 Biographie de Gladys Ibanez Médecin généraliste à Villejuif (94), au centre de santé Pierre Rouques Maitre de Conférences à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, titulaire dʼun master 2 Recherche (M2R) En fin de doctorat dʼépidémiologie sur la santé psychologique des femmes enceintes et le développement de lʼenfant. Travaux de recherche en cours sur les facteurs sociaux et sur les inégalités sociales de santé soins primaires, notamment « Le recueil de la position sociale du patient en médecine générale, et à la mise en place dʼune intervention pour réduire les inégalités sociales de santé en médecine générale ». (avec les Drs Denantes et Falcoff) Présidente de la SFTG Recherche (Société de Formation Thérapeutique du Généraliste) Membre du comité dʼinterface INPES / médecine générale.
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• Déterminants accessibles aux professionnels et expériences probantes (Florence Jusot) Les inégalités sociales de santé ont de nombreux déterminants et sont largement construites en amont du système de soins. Pourtant, comme le rappelle la Commission des Déterminants Sociaux de lʼOMS dans son rapport en 2008, lʼéquité dʼaccès aux soins est une condition nécessaire pour réduire les inégalités de santé. Peut-on mener des actions pour réduire les inégalités sociales de santé dans le système de soins sʼappuyant sur le secteur des soins primaires ? Parmi les nombreux déterminants des inégalités de santé, quels sont ceux sur lesquels le médecin généraliste agir ? Comme la population a un contact régulier avec son médecin généraliste, sʼappuyer sur ce dernier semble être un moyen de garantir lʼaccès universel aux soins, et plus largement de conduire lʼensemble des patients à une meilleure gestion et prise en charge de leur santé. Atteindre ce dernier objectif suppose dʼaider les patients à réduire leurs comportements à risques et développer des comportements préventifs. En cas de maladie, les acteurs de soins primaires paraissent bien placés pour faciliter une bonne utilisation du système de soins par le patient, notamment des soins secondaires. De même, ils peuvent également favoriser une bonne observance des traitements et prescriptions ainsi que lʼapprentissage de la vie avec la maladie. Pour jouer ce rôle, le médecin généraliste doit connaître les inégalités sociales et dʼaccès aux soins et comprendre leurs causes, afin de prendre ces éléments en compte dans sa pratique. Il sʼagira notamment de connaître les causes sociales de renoncement aux soins et rupture dʼépisodes de soins, lʼétendue des barrières financières, lʼimportance de la complémentaire santé et aux droits. Il sʼagira enfin pour le médecin généraliste de repérer les situations sociales difficiles qui peuvent être source de problèmes de santé telles que les situations professionnelles difficiles, les ruptures familiales et situation dʼisolement, ou encore les épisodes de précarité. Biographie de Florence Jusot
Professeur en Sciences Economiques à lʼuniversité de Rouen Chercheur au sein de divers organismes : - CREAM - Centre de Recherche en Economie Appliquée à la Mondialisation) - LEDa-LEGOS - Laboratoire dʼEconomie de Dauphine - IRDES - Institut de Recherche, Documentation en Economie de la Santé - INED - Institut National d'Etudes Démographiques Vice-présidente du Collège des Economistes de la Santé en charge des activités scientifiques et internationales Membre du groupe de travail sur les inégalités sociales de santé du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP)
Ses recherches proposent une analyse économique et économétrique des inégalités de santé. Elle sʼintéresse aux fondements et à la définition des politiques à mettre en œuvre pour améliorer lʼéquité en santé, et plus particulièrement au rôle joué par les systèmes de santé et lʼaccès à lʼassurance santé sur lʼaccès aux soins.
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• Perspectives pour lʼévolution des pratiques professionnelles (Gladys Ibanez) Lʼaction des professionnels de santé est un levier essentiel dans la réduction des inégalités sociales de santé. Toutefois, lorsque les autres déterminants sociaux ne sont pas suffisamment pris en compte, il un phénomène injuste émerge, et ce, dans toutes les sociétés : lorsque la position sociale est meilleure, la santé est meilleure !
Le médecin généraliste doit être en mesure de fournir des soins de qualité, adaptés aux besoins de chacun, évalués et valorisés. Cela nécessite de développer de nouvelles compétences en consultation, de pouvoir prendre en compte une personne dans sa globalité et sa complexité, de sʼintéresser aux facteurs sociaux, professionnels, psychologiques.
Il faut également promouvoir une bonne qualité relationnelle pour pouvoir aider le patient sur le plan médical mais aussi lʼaider à évoluer dans le parcours de soins.
Les trois grandes familles des déterminants de santé sʼinfluencent régulièrement. Un exemple récent montre comment les médecins généralistes ont tiré une sonnette dʼalarme sur la réglementation laxiste des pouvoirs publics vis à vis de la pollution de lʼair élevée à Paris (en accord avec les données de la science et les recommandations de lʼOMS*). Lʼintérêt est double car en plus dʼun impératif éthique, le contexte économique de la France renforce la nécessité dʼune implication de tous les acteurs afin de préserver lʼétat de santé de lʼensemble de la population.
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E - Les perspectives politiques – les revendications syndicales • Le point de vue dʼun élu municipal (Alexandre Feltz)
Des diagnostics locaux de la métropole strasbourgeoise confirment lʼexistence dʼISS et dʼITS (Inégalités Territoriales de Santé) :
-‐ une sur-morbidité (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers) et une surmortalité prématurée dans les trois communes qui, au sein de la communauté urbaine (476 000 habitants), concentrent les bénéficiaires des minima sociaux
-‐ des taux dʼobésité infantile variant de 1 à 4, selon les quartiers, sur la ville de Strasbourg (276 000 habitants), avec une prévalence pouvant atteindre jusquʼà 30 % dans certains quartiers populaires
-‐ lʼoffre de soins sur la collectivité est inversement proportionnelle aux besoins : jusqu'à 6 fois moins de MG et 20 fois moins de spécialistes dans les quartiers dʼhabitat social
Lʼurgence de réduire ces inégalités impose un engagement politique volontariste permettant :
-‐ un accompagnement et une facilitation dans la mise en place de maisons urbaines de santé, en lien avec les ateliers santé ville et le contrat local de santé
-‐ la prescription de « sport santé sur ordonnance » par plus de 100 MG aux patients en difficultés sociales (diabétiques, obèses, malades cardiovasculaires)
-‐ la mise en place par la ville dʼune prise en charge coordonnée de lʼobésité infantile dans trois quartiers
Ces expériences préfigurent un nouveau mode de structuration des soins de santé primaires, en réseau territorial à lʼéchelle de chaque quartier strasbourgeois (20 à 40 000 habitants), intégrant :
-‐ une maison urbaine de santé -‐ des équipes de soins primaires -‐ un projet de santé en lien avec les besoins spécifiques de la population
Biographie dʼAlexandre Feltz Médecin généraliste à Strasbourg (67) dans un cabinet de groupe depuis 1993 Vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg Conseiller municipal délégué de la ville de Strasbourg en charge de la santé, depuis 2008 Président de la Maison des Adolescents Président de conférence de territoire de santé Vice-président du conseil de surveillance des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
Coprésident du comité dʼorientation des ateliers santé ville Président du Syndicat MG Alsace, branche alsacienne de MG France Elu à lʼUnion Régionale des Médecins Libéraux dʼAlsace (depuis 2006) Maître de stage universitaire à la Faculté de médecine de Strasbourg
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• Le point de vue dʼun expert en économie de la santé Biographie de Didier Tabuteau
Conseiller dʼEtat, responsable de la Chaire santé de Sciences Po Professeur associé et co-directeur de lʼinstitut « Droit et santé » à lʼUniversité Paris-Descartes Rédacteur en chef de la revue Les tribunes de la santé, SEVE Didier Tabuteau a notamment publié : - Les contes de Ségur, les coulisses de la politique de santé (1988-2006), Ophrys, 2006 - Dis cʼétait quoi la Sécu ? Lettre à la génération 2025, LʼAube 2009, éd. de poche 2010
Il a également publié ou coordonné des ouvrages universitaires parmi lesquels : - La sécurité sanitaire, Berger-Levrault, 1994-2002 - Traité de santé publique, avec Gilles Brücker et François Bourdillon, Flammarion, 2004-2007 - Droit de la santé, PUF, Thémis, 2007 - Rapports 2008 et 2011, Office de Prospective en Santé, Ed. de santé, Presses de Sciences Po, 2008, 2011 - Code européen de la santé, Editions de santé, 2009 - Traité dʼéconomie et de gestion de la santé, avec Pierre-Louis Bras et Gérard de Pouvourville, Editions
de santé, Presses de Sciences Po, 2009 Publications récentes
- Que-sais-je ? La santé publique, avec Aquilino Morelle, PUF, 2010 - A la santé de lʼoncle Sam, regards croisés sur le système de santé américain et français, avec Victor
Rodwin, éditions Jacob Duvernet, 2010 - Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire, avec André Grimaldi, François Bourdillon, Frédéric
Pierru, Olivier Lyon-Caen, éditions Odile Jacob, 2011
• Le point de vue du responsable syndical Biographie de Claude Leicher Médecin généraliste libéral à Etoile sur Rhône, un village de 4 500 habitants dans la Drôme (26). Après la création de son cabinet en 1985, le Dr Leicher est co-fondateur du Centre 15 de la Drôme en 1990, premier Centre 15 cogéré entre Samu, médecins pompiers et médecins généralistes dans lequel il intervient comme médecin libéral régulateur de 1990 à 2000. Il crée en 2003 une Maison de Santé Pluridisciplinaire (MSP) quʼil partage aujourdʼhui avec 3 autres généralistes, des infirmières, des orthophonistes, dentiste, kinésithérapeute, podologue, diététicienne. En 1992, Le Dr Leicher crée les premiers séminaires Urgences Pratiques et Régulations pour MG Form. Depuis le 12 décembre 2009, le Dr Leicher est président de MG France, premier syndicat des médecins généralistes dont il était membre du bureau et élu national du comité directeur depuis 1997. Il est membre de / du : - la délégation MGF de la commission nationale paritaire (convention nationale des médecins), - la délégation MGF au sein de lʼUNPS - HCAAM, Haut conseil pour lʼAvenir de lʼAssurance Maladie - CA de lʼAssociation de gestion agréée France AGA - Commission de nomenclature CHAP, et de lʼobservatoire de la CCAM jusquʼen 2010 - élu en 1994 puis 2000 aux Unions régionales des Médecins Libéraux de Rhône Alpes
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IV - Les Soins de santé primaires – Article dʼIsabelle Heymans Santé Conjuguée, juillet 2006, n° 37, p.19-115.
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Brève définition des soins desanté primaires
Par soins de santé primaires, nous entendonsles soins de premier niveau, c’est-à-dire leniveau du système de soins qui est la ported’entrée dans le système de soins, qui offre dessoins généralistes, globaux, continus, intégrés,accessibles à toute la population, et quicoordonne et intègre des services nécessaires àd’autres niveaux de soins (Macinko 2003).
Une définition plus complète des missions dessoins de santé primaires est proposée plus loin.
Il nous parait essentiel à ce stade de s’accordersur les mots pour disposer d’un langagecommun mais aussi pour sortir de jugementsde valeur mal à propos. La confusion soins depremière ligne / soins de santé primaires faitpartie de ces difficultés.
Si l’on observe un système de santé à partir del’offre de services, on doit pouvoir y releverdes niveaux d’offre de soins : à sa base, leniveau primaire, non segmenté, ni par âge nipar sexe ni par type de problèmes ni par organe
Pourquoi des soins de santé primaires ?Isabelle
Heymans,médecin de santé
publique, membrede la cellule
politique de laFédération des
maisonsmédicales.
Extrait deHeymansIsabelle,
Argumentairepour un système
de santé fondésur des soins de
santé primaires etpour le soutien au
développementde centres de
santé intégrés,Fédération des
maisonsmédicales et des
collectifs de santéfrancophones,
Vereniging vanWijkgezond-heidscentra,juillet 2005.
Que faut-il entendre par soins de santéprimaires, comment en apprécierl’impact sur la santé des populationset quelle lecture peut-on faire dumanque de ressources qui leurs sontallouées.
Mots clefs : politique de santé,
soins de santé primaires,
système de santé, santé publique.
ni par capacité financière des usagers. Ce niveauprimaire est censé pourvoir répondre à 90 %des problèmes de santé d’une population nonsélectionnée du tout venant. Ensuite le niveausecondaire, niveau de référence, et finalementle niveau tertiaire, celui de la médecine de hautetechnologie (hôpitaux universitaires). Ces deuxderniers niveaux sont par définition spécialiséset donc segmentés.
L’autre angle d’observation est celui de la de-mande, du lieu où le patient prend contact avecle système et dépose son problème. Ce lieu serala première ligne. Particulièrement dans notrepays où l’accès aux différents niveaux n’est paséchelonné et donc libre, la première ligne pourrase situer à beaucoup d’endroits, y compris dansle niveau secondaire et même tertiaire : lesservices d’urgence en sont un exemple, maisun Brussels menopause center aussi.
Le rôle des soins de santé primaires ne doit pasêtre défini isolément mais en relation avec lesautres constituants du système de santé. Lessoins primaires et secondaires, généralistes etspécialisés, ont tous des rôles importants. Ilsne sont pas mutuellement exclusifs maisnécessaires au système. Toutefois, les avancéestechnologiques, l’amélioration de l’éducationet de la formation, les changements de besoinsliés à la transition épidémiologique, les change-ments sociaux et de mode de vie accroissentles besoins en soins de santé primaires, etappellent à une organisation telle que ces soinsprimaires soient dans la plus grande majoritédes cas la première ligne.
Un système de santé basé surdes soins de santé primairesest plus efficace, plus efficientet de meilleure qualité
! Le point de vue des organisationsinternationales
Les soins de santé primaires sont devenus en1978 l’une des politiques clés de l’Organisationmondiale de la santé lors de l’adoption de ladéclaration d’Alma-Ata et de la stratégie de la« santé pour tous en l’an 2000 » (OMS 1978).
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Ainsi, entre autres, l’Organisation mondiale dela santé a émis dans la Lubljana Charter onReforming Health Care, parmi ses principesfondamentaux, la nécessité pour les systèmesde santé européens d’être orientés vers les soinsde santé primaires et de permettre, à travers cessoins primaires, d’assurer la promotion de lasanté, l’amélioration de la qualité de vie, laprévention et le traitement des maladies, laréhabilitation, la prise en charge des douleurset les soins palliatifs, la participation despatients dans la prise de décision concernantleur santé, l’intégration et la continuité dessoins, en tenant compte du contexte culturelspécifique (OMS 1996).
Dans son Rapport sur la santé dans le monde2003 – Façonner l’avenir, l’Organisation mon-diale de la santé encourage fortement à uneimportante évolution vers le modèle de sys-tèmes de santé basés sur les soins de santéprimaires. Ce rapport fait état du fait que vingt-cinq ans après la déclaration d’Alma-Ata, nom-breux sont ceux qui dans le monde de la santéestiment essentiel de privilégier les soins desanté primaires pour une progression équitablede la santé. L’Organisation mondiale de la santéconsidère que les soins de santé primaires cou-vrent des principes-clés dont : l’accès universelaux soins, la couverture en fonction des besoins,l’engagement à garantir l’équité en matière desanté dans le cadre d’un développement orientévers la justice sociale, la participation commu-nautaire à la définition et à l’exécution desprogrammes de santé, l’adoption d’approchesintersectorielles de la santé.Citons : « L’expérience montre que les meil-leurs résultats sont obtenus dans des systèmesde santé dotés de services de soins de santéprimaires intégrés et efficaces, probablementparce qu’ils permettent d’assurer des serviceslongitudinaux plus complets et coordonnés ».
L’OECD Economic surveys - Belgium 2005(OECD 2005), après analyse de la situationbelge en matière de santé, émet ces recom-mandations : « le Gouvernement devrait vigou-reusement encourager les patients à prendrepour principe de consulter leur médecin géné-raliste en premier lieu (sauf en cas d’urgence) ;il devrait pour cela ne pas rembourser les fraismédicaux des patients qui n’ont pas été référéespar leur généraliste ».
Pour l’OCDE, l’absence d’échelonnement enBelgique conduit à une utilisation inadéquatedes ressources médicales par les patients. Lestentatives actuelles d’augmenter les incitants àpasser par le médecin généraliste ne sont passuffisamment fortes. L’augmentation de laresponsabilité des généralistes par l’ajout durôle de gate keeper, induit par l’échelonnement,doit être rétribué. La nécessité d’un systèmeintégré de soins de santé est explicitée, avec unrôle pivot pour le généraliste. Outre ce rôle degate keeper, le rôle de coordination des proces-sus de soins à long terme et le fait d’être lapremière source de contact pour le patient et safamille sont aussi reconnus. Par l’exemple del’octroi de guidelines adéquats, l’OCDE cite lanécessité pour le système de donner aux généra-listes les moyens nécessaires pour assurer leurrôle grandissant.
Au sujet du financement des soins de santéprimaires, nous citerons encore ce rapport del’OCDE (OECD 2005) qui offre un bon résuméde ce qui se passe en Belgique : « En Belgique,les médecins sont payés à l’acte. Ce mode derémunération incite les praticiens à gonfler levolume d’actes par la réalisation de services etprescriptions inutiles. (...) Un système à la capi-tation peut inciter les praticiens à sous-traiterleurs patients, à référer plus rapidement ensecond ligne ou à sélectionner les personnesavec un faible risque de maladie. En réponseaux impasses des deux modes de paiement,certains pays évoluent vers un système depaiement plus complexe qui combine une partiefixe (capitation ou salaire) avec un paiement àl’acte pour certaines interventions spéci-fiques ».
Lors de la conférence informelle de l’Unioneuropéenne Shaping the EU Health community,à Den Haag les 7-9 septembre 2004, pas moinsde 440 experts en soins de santé, provenant desvingt-cinq états membres de l’Union euro-péenne, se sont réunis pour émettre ensembledes recommandations qui ont été exprimées auxministres de la Santé des pays concernés. Parmices recommandations, il était question de lahaute priorité des soins de santé primaires etde la santé publique dans le développement dessystèmes de santé. Il était aussi fait état de lanécessité de postposer le plus possible la dépen-dance des personnes âgées, par la promotion
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de la santé et le maintien autant que possiblede la santé, ce qui nous semble bien être desmissions qui peuvent le mieux, au sein dusystème de soins, être prises en charge par dessoins de santé de premier niveau (VanBennekom 2004).
! Les preuves dans la littératurescientifique
Si l’on recherche dans la littérature scientifiqueinternationale, on peut aussi trouver des argu-ments objectifs en faveurs du développementdes soins de santé primaires.
Starfield et Shi (Starfield 2002) ont classé treizepays industrialisés de plus de cinq millionsd’habitants d’après le niveau d’importanceaccordé aux soins de santé primaires dans leursystème de santé, et les ont comparés pour desindicateurs de la santé de la population, ainsique pour le coût des services de santé. Lesauteurs ont observé que plus le système a uneforte orientation vers des soins primaires, plusles coûts de l’ensemble des services de soinsde santé sont bas. L’impact d’une orientationen faveur des soins primaires est aussi positifsur divers indicateurs de santé de la population,et ce particulièrement dans les premières annéesde vie de la population. Un impact positif semarque également pour les personnes âgées,mais sera plus sensible à l’importance dufinancement global du système de santé et dela coordination entre première et deuxièmeligne, qui doivent permettre des référencesefficaces aux services spécialisés et plus techni-ques en cas de besoin.
Parmi les quinze caractéristiques utilisées pourdonner un score aux pays étudiés, il ressort quetrois caractéristiques liées au système de santéet deux caractéristiques liées aux pratiques desoins primaires distinguent plus particulière-ment les pays les moins performants en termesde soins de santé primaires. Les caractéristiquesliées au système et insuffisamment rempliesdans les pays moins performants sont : ladistribution équitable des ressources, unecouverture assurantielle universelle, et uneparticipation financière personnelle directefaible ; les caractéristiques liées aux pratiquesde soins primaires sont l’offre de services glo-baux et intégrés (compréhensive primary care
services), et orientés sur les familles. D’aprèsStarfield et Shi, une réforme du système desanté qui, en plus d’accorder une importanceplus grande aux soins de santé primaires, sepencherait en priorité sur ces caractéristiques,devrait contribuer à une meilleure santé globale,et à un moindre coût.
Une étude similaire réalisée sur dix pays en1991 (Starfield 1991) concluait également à unimpact positif de soins primaires développés.Il y était en outre indiqué que les résultats desservices de soins de santé sont aussi influencéspar la présence et la performance d’autresservices sociaux, et d’un système d’éducationpublique adéquat.
D’après ces deux études, la Belgique se situeparmi les pays les moins bien cotés pour la placelaissée aux soins de santé primaires.
Toujours d’après Starfield (Starfield 2005), lenombre de médecins généralistes en activitéinfluence positivement les indicateurs de santé,alors qu’une fois dépassé un certain seuil, lenombre croissant de spécialistes a un effetnégatif. Les soins de santé primaires améliorentaussi l’équité des services de santé. Un systèmede santé fondé sur des soins de santé primairessoutenus serait donc plus équitable, plusefficace et plus efficient.
D’après B. Starfield, les acteurs de soins desanté primaires permettent une prise en chargeadéquate des demandes de première ligne, avecune référence après évaluation de la nécessité,par opposition aux spécialistes dont le métierest de rechercher « les zèbres parmi les che-vaux ». Les acteurs de soins primaires per-mettent donc de limiter les examens techniquesinutiles. Les soins de santé primaires permettentaussi une approche globale des différentes co-morbidités présentées par les patients en prenanten compte les particularités sociales, familiales,psychologiques, culturelles de la personne. Lesspécialistes ont pour fonction de se focalisersur des pathologies liées à des sphères précisesde la médecine et de bien les maîtriser. Si lesdeux métiers sont complémentaires, les patientsont énormément besoin de la fonction desynthèse et de suivi des généralistes. Enfin, lessoins de santé primaires sont les mieux placéspour être des observatoires de la santé globale
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de la population, et pour déterminer les besoinsles plus fréquents et les plus importants.
Macinko et al. (Macinko 2003) ont égalementétudié les données de l’OCDE de 1980 à 1998pour étudier la contribution des soins de santéprimaires sur des indicateurs de santé. Leurétude leur permet d’observer que l’importanceaccordée aux soins de santé primaires est inver-sement associée à la mortalité toutes causesconfondues, à la mortalité prématurée pourasthme, bronchite, emphysème, pneumonie,pathologie cardio-vasculaire et maladie cardia-que. L’auteur conclut qu’un système de soinsprimaires solide et des caractéristiques depratique telles que la régulation géographiquede l’offre, la continuité, la coordination, l’orien-tation vers la communauté sont associés avecune meilleure santé de la population.
Les auteurs observent également qu’au fil detoutes ces années, peu de pays ont amélioré lesbases essentielles de leur système de soinsprimaires, et cela s’avère vrai pour la Belgique,qui garde depuis 1980 le même score, parmiles plus bas.
La liste est longue de références biblio-graphiques arrivant elles aussi à une corrélationentre développement des soins de santé pri-maires, meilleurs résultats pour les indicateursde santé (morbidité et mortalité), meilleuresatisfaction des usagers et moindre coût pourles systèmes de sécurité sociale. Citons, auniveau européen, le rapport de synthèse duHealth Evidence Network (HEN), un servicede l’Organisation mondiale de la santé Europe,publié sur base d’une recherche bibliographiqueétendue (plus de cent références) ou encore lerapport European Primary care, édité par leGezondheidsraad néerlandais en 2004 (Gezond-heidsraad 2004) qui fait aussi état d’une longuerecherche bibliographique montrant les plusgrandes efficacité et efficience des systèmes desanté basés sur des soins primaires soutenus.
! La satisfaction des patients
La même étude du Health Evidence Network(HEN 2004) rapporte que, excepté auRoyaume-Uni (probablement pour des raisonsde trop faible budget global alloué au systèmede santé), le niveau de satisfaction est plus élevé
dans les pays qui présentent des soins de santéprimaires importants. Ainsi, le Danemarkprésente le meilleur taux de satisfaction de lapopulation au sujet des soins de santé, satis-faction attribuée à la grande accessibilité dessoins de santé primaires délivrés dans ce pays.Mais la satisfaction des patients dépend aussidu type de services offerts par les soins de santéprimaires : mode de délivrance des soins, acces-sibilité en dehors des heures de bureau, médecintraitant identifié, continuité, prévention.
Une enquête réalisée par Test santé (Test santé2000) auprès d’un échantillon représentatif dela population belge, apporte comme infor-mations, que :
• 95 % des personnes ont déjà un médecintraitant, et 75 % le même depuis plus de cinqans. Parmi les 5 % sans généraliste attitré,plus de la moitié seraient prêts à se limiter àun seul généraliste, soit spontanément, soits’il y a un incitant financier.
• 90 % des personnes interrogées sont favo-rables à un dossier médical centralisé, et par-mi eux, 92 % trouvent que c’est le généralistequi doit être le détenteur de cette tâche. 87 %trouvent que les spécialistes devraient êtreobligés d’envoyer les résultats et rapportsd’examen au généraliste détenteur du dossier.
• L’échelonnement obtient moins d’adhésion.Toutefois, un certain nombre de patientsretourneraient chez le généraliste pour lepremier contact s’il y avait un avantage finan-cier à le faire. On doit remarquer dans lescommentaires de cette enquête, le manque deconnaissances de la population quant auxactivités tant curatives que préventives quipeuvent être avantageusement réalisées enmédecine générale.
Ces informations montrent bien que pour lapopulation aussi, le généraliste, acteur centraldes soins de santé primaires est très important.Ce n’est donc pas de là que doivent s’expliquerdes résistances au développement de soins desanté primaires comme base et fondement duservice à la population en matière de soins desanté.
D’après le même article faisant état d’une en-quête auprès de généralistes, ceux-ci consi-dèrent l’inscription de tous les patients chez un
Pourquoi des soins de santé primaires ?
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médecin de leur choix comme une priorité pourla réorganisation des soins de première ligne.Ce qui signifierait que l’opinion de beaucoupde généralistes ne correspond pas à ce quecertaines voix dans la profession veulent laisserentendre.
Mais alors, pourquoi nedéveloppe-t-on pas plus lessoins de santé primaires ?
C’est la question que se pose le Health EvidenceNetwork (HEN 2004) : malgré l’amoncellementde preuves en faveur des soins de santéprimaires, l’allocation des ressources, dans lamajorité des pays, favorise toujours les hôpitauxet les soins spécialisés.
Cela s’expliquerait en partie, d’après ce rapport(HEN 2004), par la perception de ce que sontles soins de santé primaires, de ce qu’ils ont àoffrir : les décideurs politiques, tout commebeaucoup de professionnels de la santé, lesvoient comme une activité de bas niveau, avecun effet faible sur la mortalité et la morbidité,et comme ayant surtout un rôle de triage pourl’accès aux hôpitaux, plutôt que de considérerleur contribution effective et positive au gainde santé.
Cette inefficience dans l’allocation des res-sources a pourtant des implications pour l’é-quité et l’efficience des services. Cela pourraitexpliquer pourquoi la dépense publiquecroissante pour le système de soins n’amélioreni l’équité d’accès ni les résultats de façonproportionnelle, et a moins d’impact sur le statutmoyen de santé que ce qui pourrait être attendu.Il semble donc que les politiques, les profes-sionnels de la santé, et la population, doiventencore être mieux informés sur le concept desoins primaires et sur les bénéfices qu’ilspeuvent apporter.
En Belgique, les soins de première ligne et lamédecine générale qui en est le pivot sont encrise depuis plusieurs dizaines d’années. Cesmétiers du social et de la santé, pourtant fonda-mentaux, font l’objet d’un désamour tant desprofessionnels que des pouvoirs publics :conditionnement de la formation, absorption de
l’ensemble des soins par les deuxième et troi-sième niveaux (hôpitaux et services universi-taires), faible intérêt politique souligné dansplusieurs études internationales, attributionsfinancières dérisoires pour les missions impar-ties théoriquement aux soins primaires.
Nous faisons le constat de l’existence en Belgi-que de modèles multiples de dispensation dessoins primaires. Sans orientations clairementdéfinies par la politique, les dispensateursindividuels ou collectifs poursuivront chacun,c’est logique et compréhensible, leurs propresobjectifs. Ces modèles peuvent soit convergersi on les organise dans ce sens, soit camper surdes positions inconciliables.
Faute de ces choix, nous craignons que le sec-teur « ambulatoire » général ne se trouve confi-né à remplir par défaut les tâches abandonnéespar le secteur hospitalier ; les services deproximité se tariront et les soins à domicile sestructureront uniquement par rapport à lagestion des flux à l’hôpital. En terme quantitatif,sur le plan financier, on assisterait à l’accrois-sement de la tendance inflatoire actuelle, et enterme qualitatif, sur le plan humain, on hypothé-querait la prise en compte des individus dansleur globalité et l’humanisation des structuresde soins.
L’Organisation mondiale de la santé, dans sonRapport sur la santé dans le monde 2003,
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déclare que si la qualité des soins dépend dansune certaine mesure des caractéristiquesindividuelles du personnel soignant, les niveauxde performance sont bien davantage fonctionde l’organisation du système de soins de santéoù s’effectue le travail. Pour l’Organisationmondiale de la santé, reconnaître que la qualitédes soins de santé est essentiellement liée ausystème est le premier pas vers l’améliorationtant du déroulement que des issues des soinsde santé.
Pourquoi des soins de santé primaires ?
References
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!
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ISS : un défi pour la médecine générale - 6 juin 2013
St Rémy les Chevreuses
Gif sur Yvette Bures-sur-Yvette
Orsay
Palaiseau Massy-Verrières
Antony Bourg-La-ReineBagneux
Port-RoyalSt Michel N.D.
Châtelet-Les Halles
Gare du Nord
La Plaine-Stade de France
La Courneuve-Aubervilliers
Le BourgetDrancy
Le Blanc-Mesnil VillepinteCDG1 (Tremblay en France)CDG2 (Dammartin-en-Goëlle)
A quelques kilomètres de distance,
le risque moyen de m
ourir, à âge égal, varie du sim
ple au double.
L'indice Comparatif de mortalité des femmes est ainsi de 70 dans le VIème arrondissement aux alentours de la station Port Royal (-30 %
par rapport à la moyenne régionale) quand il est de 128 à La Plaine Saint-Denis ou au Blanc-Mesnil. En moins d'un quart d'heure de trajet, le risque de mourir une année donnée augmente ainsi de 82 %
entre les arrondissements les plus aisés de Paris et le quartier du Stade de France.Pour les hommes on passe d'un indice de 76 à Port-Royal à un indice de 125 àSaint-Denis et de 132 à La Courneuve, soit un risque accru de 74 %
!
Dans le même temps d'un quart d'heure, le revenu moyen par Unité de Consommation passe de 37 000 euros autour de la station du Luxembourg à moins de 10 000 euros à La Courneuve tandis que la proportion de personnes non ou faiblement diplômés dans la population adulte passe de moins de 20 %
à presque les trois-quarts.
Or, ce sont là des déterminants reconnus de l'état de santé. Par leur concentration même, ils dessinent des paysages socio-sanitaires tranchés que l'on ne soupçonne guèretandis que le RER B parcourt les 70 km de sa ligne.
La Ville, la Vie, la Mort dans Paris et ses banlieues
au long du RER B
+18 %+11%
+2%
+28%+15%
+24%+15%
+28%
+7%
-13%
-17%
-15%
-4%
-17%
-31%-35 %
-32%-9%
-30%
Indices Comparatifs de Mortalitépour la période 2005-2008(base 100 = Ile de France)La surface des barres est proportionnelleà la population des communes.
-18%
+5%
La Marne
La Seine
© E.Vigneron/NFT 2010
Source des données : INSERM SC8 et INSEE-RP 2008
Calculs et mise en form
e : NFT 2010
Les médecins libéraux au long de la ligne B du RER
Commune de STATION du RER B Généralistes *
Spécialistes*Bures-sur-Yvette
11,4
12,9
Antony
14,7
29,6
Bourg-la-Reine
12,3
29,7Bagneux
8,0
6,9Arcueil-Cachan
6,2
4,7
Laplace
6,8
2,1
Denfert-Rochereau
13,7
27,5Port Royal
19,8
53,4Luxembourg
20,3
68,5
Gare du Nord
11,5
13,8La Plaine-Stade de France
9,0
10,7La Courneuve-Aubervilliers
5,9
1,6Sevran-Beaudottes
8,8
3,1
* nombre de médecins pour 10 000 habitants
V – Schéma « La ville, la vie, la mort dans Paris et ses banlieues au long du RER B »
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ISS : un défi pour la médecine générale - 6 juin 2013
VI - Les Colloques de MG France
Depuis 2012, MG France organise environ 2 fois par an des colloques. Trois colloques ont eu lieu à ce jour :
-‐ Femmes médecins : les chemins de la parité (janvier 2012) -‐ Les soins de premier recours en questions (avril 2012) -‐ Les médecins généralistes pour la santé des femmes (octobre 2012)
Ces colloques sont à la fois une vitrine, un porte-voix et un outil de communication pour :
-‐ Mettre en avant, à travers différentes thématiques, lʼaction et les propositions de MG France aux professionnels de santé, les leaders dʼopinions, aux institutions, à la presse professionnelle et grand public
-‐ Elargir la « surface de MG France » et nouer des relations privilégiées avec différents partenaires, en fonction des thèmes
-‐ Développer des relations avec la presse professionnelle et grand public Le colloque « Les chemins de la parité » a été moteur dans la constitution du groupe « MG Femmes » au sein de MG France, et la réflexion sur la féminisation de notre corps professionnel, et sa représentation. Le groupe MG Femmes a dʼailleurs été reçu récemment par Mme Marisol Touraine. Le colloque « Premier recours » sʼest déroulé dans le cadre de la campagne aux élections présidentielles. Il sʼadressait en priorité aux économistes de la santé, aux parlementaires et représentants des principaux partis politiques (tous représentés à la tribune). Le colloque « Santé des femmes », prototype de « colloque métier thématique » a lui permis de :
-‐ Faire le point sur le rôle du médecin généraliste pour la santé des adolescentes et le suivi de la femme enceinte, avec des experts MG France, des jeunes médecins et des membres du Collège de la médecine générale
-‐ montrer des expériences concrètes dʼorganisation territoriale par des professionnels des soins primaires
-‐ Formuler des messages adaptés à une communication interne et externe -‐ Créer des affiches pédagogiques à lʼattention des adolescents sur le rôle du MG traitant ou encore le
parcours de santé Vous pouvez trouver les Actes de ces colloques ainsi que les affiches sur le site www.mgfrance.org
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VII - MG France
MG France, Fédération Française des médecins généralistes, est le premier syndicat professionnel de médecins généralistes. Il a pour mission de défendre les intérêts de la profession tout en contribuant à l'amélioration de l'accès aux soins et à la qualité de notre système de santé. Créé en 1986 par la fédération de 46 syndicats départementaux de médecins généralistes, MG France est reconnu représentatif depuis 1989. Formation médicale continue, coordination des soins, maîtrise médicalisée, informatisation, Option référent, protection sociale tels sont les domaines dans lesquels MG France s'est investi. Syndicat dʼinnovation, MG France est à lʼorigine des maisons médicales de garde, des maisons de santé pluridisciplinaires, la régulation médicale des appels de PDS, lʼalignement des droits maternités des femmes médecins sur le régime général, la reconnaissance de la spécialité médecine générale et lʼapplication du CS, la formation médicale continue indemnisée, le forfait médecin traitant. Syndicat de réflexion et de propositions, MG France a présenté dans le cadre des élections présidentielles un « Contrat pour lʼavenir de la médecine générale » contenant 10 mesures immédiates pour mettre en place lʼinvestissement nécessaire sur les soins primaires, étayé de trois fiches porteuses de propositions pour :
• faciliter lʼaccès aux soins et à la santé • lʼattribution de missions de santé publique aux médecins généralistes • lʼorganisation territoriale des soins.
MG France est un syndicat créé par des généralistes pour des généralistes. Tous les membres ont une activité professionnelle, y compris, statutairement les membres du bureau national et le président.