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38 ELECTRONIQUES - N°18 Juillet-Août 2011 DOSSIER COUP DE FROID SUR LE SOLAIRE EN FRANCE , MAIS L’INNOVATION EST LÀ La filière photovoltaïque en France souffre des décisions gouvernementales prises en mars dernier. Mais, les atouts du pays demeurent : fabricants de cellules, de modules, équipementiers dynamiques et projets en R&D ambitieux. Quant à l’innovation, au niveau cellules et circuits, elle est plus que jamais d’actualité. E n instaurant en mars dernier un quota de puissance instal- lée de 500 MW par an et une baisse des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, le gouver- nement a jeté un coup de froid sur la filière du solaire photovoltaïque», rap- pelle Françoise Charbit, déléguée générale du pôle de compétitivité Tenerrdis dédié aux énergies renou- velables. Après la phase de consterna- tion, de protestations et de mise en garde à propos des risques de sup- pressions d’emplois massifs que ces mesures risquaient d’entraîner, la pro- fession s’organise pour sauver ce qui peut encore l’être. Car, même sans marché domestique actif, la filière photovoltaïque conserve des atouts, avec notamment des équipementiers dynamiques qui vendent des lignes de production aux usines de fabrication de cellules et de modules, pour la plu- part d'entre elles situées hors de l’Hexagone. Lemarchémondialprogresse de30%à40%paran « Le marché mondial du solaire photo- voltaïque croît de 30 % à 40 % par an et représente 5 % à 6 % de celui de l’auto- mobile. Nous nous trouvons face à un très fort appel et, dans ce cadre, les industriels français pourraient avoir du potentiel », souligne Pierre Juliet, chargé de mission Innovation au sein du pôle de compétitivité Tenerrdis. La France dispose en effet de forces en composants et équipements élec- triques (onduleurs, pilotes, contrôle- commandes) ainsi que des fabricants de cellules et de modules tels que Pho- towatt, MPO et Iris Solar. Et également de nombreux atouts en R&D avec beaucoup de projets qui gravitent autour de l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), basé en Savoie sur les rives du lac du Bourget, avec des équipes du CEA, du CNRS, de l’univer- sité de Savoie et du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment). Le projet Solar Nano Crystal, porté par PV Alliance, avait été retenu il y a deux ans par l’ex-AII (Agence de l’innova- tion industrielle) intégrée aujourd’hui au sein d’Oséo. Cette dernière avait accordé une aide publique de 46,5 mil- lions d’euros sur un montant total de dépenses de R&D de 190 millions d’eu- ros. Eric Laborde, directeur de PV Alliance, nous explique que « ce pro- gramme de R&D avance plus ou moins comme prévu, sauf sur les tâches liées au 1 er Fab-Lab qui a 8 mois de retard dûs à la défaillance de Faure Ingénie- rie. Les démonstrateurs n’ont pas encore été mis en place, mais nous avons des résultats très encourageants sur le silicium métallurgique avec un rendement de 16 % qui se situe au-des- sus de nos espérances ». Les rende- ments obtenus sont très proches de ceux de Sanyo, leader de la fabrication de cellules. En termes de position concurrentielle, la technologie issue du projet est donc d’un bon niveau. Reste à savoir si ce rendement pourra être conservé tout en diminuant les coûts de production de plusieurs dizaines de pourcents. « Tant qu’il n’y aura pas d’investissement industriel majeur et de marché national, cette réduction de coût ne sera pas possible », souligne Pierre Juliet. Autre inconnu : le devenir de Photo- watt, à Bourgoin-Jallieu, dans l’Isère. Seule unité de fabrication complète de panneaux photovoltaïques en France, de la fonte du silicium à la finition des panneaux solaires, elle vient d’être mise en vente par son propriétaire canadien Automation Tooling Systems Les nouvelles dispositions gouvernementales ont entraîné un sérieux coup de frein à l’essor du photovoltaïque en France, surtout dans le secteur résidentiel. J.-C. Rifflard/Ines

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DOSSIER

COUP DE FROID SUR LE SOLAIRE EN FRANCE, MAIS L’INNOVATION EST LÀLa filière photovoltaïque en France souffre des décisions gouvernementales prises en mars dernier. Mais, les atouts du pays demeurent : fabricants de cellules, de modules, équipementiers dynamiques et projets en R&D ambitieux. Quant à l’innovation, au niveau cellules et circuits, elle est plus que jamais d’actualité.

En instaurant en mars dernier un quota de puissance instal-lée de 500 MW par an et une baisse des tarifs de rachat de

l’électricité photovoltaïque, le gouver-nement a jeté un coup de froid sur la filière du solaire photovoltaïque», rap-pelle Françoise Charbit, déléguée générale du pôle de compétitivité Tenerrdis dédié aux énergies renou-velables. Après la phase de consterna-tion, de protestations et de mise en garde à propos des risques de sup-pressions d’emplois massifs que ces mesures risquaient d’entraîner, la pro-fession s’organise pour sauver ce qui peut encore l’être. Car, même sans marché domestique actif, la filière photovoltaïque conserve des atouts, avec notamment des équipementiers dynamiques qui vendent des lignes de production aux usines de fabrication de cellules et de modules, pour la plu-part d'entre elles situées hors de l’Hexagone.

Le�marché�mondial�progresse�de�30�%�à�40�%�par�an« Le marché mondial du solaire photo-voltaïque croît de 30 % à 40 % par an et représente 5 % à 6 % de celui de l’auto-mobile. Nous nous trouvons face à un très fort appel et, dans ce cadre, les industriels français pourraient avoir du potentiel », souligne Pierre Juliet, chargé de mission Innovation au sein du pôle de compétitivité Tenerrdis. La France dispose en effet de forces en composants et équipements élec-triques (onduleurs, pilotes, contrôle-commandes) ainsi que des fabricants de cellules et de modules tels que Pho-towatt, MPO et Iris Solar. Et également de nombreux atouts en R&D avec

beaucoup de projets qui gravitent autour de l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), basé en Savoie sur les rives du lac du Bourget, avec des équipes du CEA, du CNRS, de l’univer-sité de Savoie et du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment).Le projet Solar Nano Crystal, porté par PV Alliance, avait été retenu il y a deux ans par l’ex-AII (Agence de l’innova-tion industrielle) intégrée aujourd’hui

au sein d’Oséo. Cette dernière avait accordé une aide publique de 46,5 mil-lions d’euros sur un montant total de dépenses de R&D de 190 millions d’eu-ros. Eric Laborde, directeur de PV Alliance, nous explique que « ce pro-gramme de R&D avance plus ou moins comme prévu, sauf sur les tâches liées au 1er Fab-Lab qui a 8 mois de retard dûs à la défaillance de Faure Ingénie-rie. Les démonstrateurs n’ont pas encore été mis en place, mais nous avons des résultats très encourageants

sur le silicium métallurgique avec un rendement de 16 % qui se situe au-des-sus de nos espérances ». Les rende-ments obtenus sont très proches de ceux de Sanyo, leader de la fabrication de cellules. En termes de position concurrentielle, la technologie issue du projet est donc d’un bon niveau. Reste à savoir si ce rendement pourra être conservé tout en diminuant les coûts de production de plusieurs dizaines de

pourcents. « Tant qu’il n’y aura pas d’investissement industriel majeur et de marché national, cette réduction de coût ne sera pas possible », souligne Pierre Juliet.Autre inconnu : le devenir de Photo-watt, à Bourgoin-Jallieu, dans l’Isère. Seule unité de fabrication complète de panneaux photovoltaïques en France, de la fonte du silicium à la finition des panneaux solaires, elle vient d’être mise en vente par son propriétaire canadien Automation Tooling Systems

Les nouvelles dispositions gouvernementales ont entraîné un sérieux coup de frein à l’essor du photovoltaïque en France, surtout dans le secteur résidentiel.

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COUP DE FROID SUR LE SOLAIRE EN FRANCE, MAIS L’INNOVATION EST LÀ

(ATS) qui l’avait acquise en 1997. En cause, les pertes récurrentes de cette usine. Lors de l’exercice 2010-2011, les résultats de Photowatt affichaient une chute opérationnelle de 25,6 millions d’euros, et la société canadienne sou-haite donc réaliser cette vente avant la fin de l’année. Selon le profil et la natio-nalité du repreneur, celle-ci ne sera pas sans impact sur l’évolution de la filière photovoltaïque en France.Pendant ce temps, le marché asiatique progresse à un rythme quasi exponen-tiel, et l’Europe perd de son influence. Le chinois Suntech, leader mondial, a annoncé une implantation aux Etats-Unis, tandis que l’allemand Q-Cells, acteur également très significatif, réa-lise l’essentiel de sa croissance locale-ment. En France, des forces existent en amont de la filière avec des lignes pilotes, mais c’est le contexte régle-mentaire qui freine le développement du marché. Aussi, les industriels fran-çais ont-ils tendance à regarder les opportunités à l’international. Identi-fiée comme l’une des technologies-clés

à l’horizon 2015, la technologie photo-voltaïque n’est plus soutenue par les pouvoirs publics. « Nos décideurs poli-tiques font l’inverse de ce qu’ils préco-nisent », se lamente un acteur du sec-teur. Les installations françaises ont totalisé 400 MW en 2010 et nous devrions être au même niveau en 2011.

2012�sera�une�année�noire��en�FranceQuant à 2012, ce devrait être une année noire avec une baisse de 50 %. A côté de cela, la production annuelle mondiale était de 40 GW en 2009 et a crû de 16,6 GW en 2010 (+ 40 %). La production de Suntech atteint 1,2 GW par an, celle de Sanyo et de Q-Cells, 1 GW par an. Selon l’Epia, l’association européenne du photovoltaïque, la pro-gression annuelle du marché mondiale serait au minimum de 15 GW par an (dans le cas où l’on continuerait dans les conditions de marché actuelles sans coup de pouce particulier des instances gouvernementales) et de 30 GW par an (dans le cas de poli-

tiques fortement incitatives).Lors des journées collaboratives sur le thème du solaire organisées par le pôle Tenerrdis, les 13 et 14 avril dernier, les industriels ont d’ailleurs convenu que le marché du solaire reste croissant et qu’il présente toujours de grandes opportunités malgré les freins obser-vés dans certains pays, notamment en France et en Italie. Les fabricants fran-çais d’équipements pour la production de photovoltaïque ont un fort potentiel de croissance. Tout comme les toujours discrètes Adixen, ECM Technologies, Irysolar, Komax, Alliance Concept, Ardeje, IBS, Vincent Industrie, Checkup Solar qui sont autant d’entre-prises accompagnées par les pôles de compétitivité Capenergies, Derbi et Tenerrdis. Sur un modèle proche des Allemands, les équipementiers photo-voltaïques français visent des marchés à forte valeur ajoutée, accompagnés de services (maîtrise des procédés, délais, qualité, service après-vente, formation des opérateurs).Par ailleurs, des équipementiers élec-triques, des grands groupes, des PME et des start-up travaillent conjointe-ment avec des centres de recherche pour proposer de nouvelles solutions destinées à améliorer la performance, l’optimisation et la sécurité des instal-lations solaires. C'est le cas en particu-lier de Schneider Electric, Ainelec, Nexans, Greenercos, EHW research, Fleet Technology, VersaPlast et A Raymond.

JACQUES�MAROUANI

SOITEC INVESTIT FORTEMENT DANS LE PHOTOVOLTAÏQUE

> Grâce à une récente levée de fonds de 150 millions d’euros, Soitec, spécialiste du SOI (silicium sur isolant) et du photovoltaïque à concentration, entend investir dans les secteurs de l’énergie solaire et des LED. Le groupe envisage en effet un investissement pluriannuel cumulé de 250 Me dont 100 Me sur l’exercice 2011–2012. > Ainsi, quelque 150 millions de dollars (105 Me) serviront à financer l’installation d’une nouvelle usine

de modules solaires dans la région de San Diego (Californie).> Environ 20 Me seront dédiés à augmenter jusqu’à 80 MW la capacité du site de production de modules photovoltaïques de Fribourg (Allemagne) ainsi qu’à moderniser ce site.> La mise en place en France d’une ligne pilote de développement d’une cellule solaire à haut rendement devrait mobiliser 60 Me.

C’est ici, à l’Ines, près des rives du lac du Bourget, que sont nés beaucoup de projets de R&D dans le domaine du solaire photovoltaïque.

Ines

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Les fabricants de semi-conduc-teurs le savent bien : en période de surproduction, seule l’inno-vation technologique permet

de maintenir des marges correctes tout en gagnant des parts de marché. Ce constat, les fournisseurs de cellules photovoltaïques sont en train de le réa-liser. Après des années de course aux capacités de production, il s’agit désor-mais de se montrer imaginatif afin d’augmenter le rendement des cellules pour pouvoir se démarquer sur un mar-ché surpeuplé. En 2010, alors que 18 GW de cellules solaires ont été ven-dus dans le monde, les capacités de production atteignaient en effet 28 GW… Et la baisse des subventions européennes devraient encore accélé-rer ce phénomène, faisant chuter le prix moyen des modules d’au moins 15 %, selon Yole Développement.

Le�silicium�cristallin�flirte��avec�les�20�%�de�rendementLa course au rendement touche autant les fournisseurs de cellules à bas coût, fabriquées à partir de silicium mono-cristallin et plafonnant autour de 17 à 18 %de rendement, que les promoteurs de technologies plus coûteuses et exo-tiques dépassant les 20 %. En la matière, chaque point de rendement gagné à coût égal peut s’avérer un avantage décisif sur le marché. Que l’on parle de couches minces, de sili-cium monocristallin, de silicium poly-cristallin ou de matériaux plus rares, les solutions permettant d’augmenter le rendement sont déjà connues pour avoir été longuement étudiées au niveau des laboratoires de recherche. Mais elles commencent tout juste à être implantées au niveau industriel : passage à des tranches de silicium de type N dotées de performances plus stables dans le temps, augmentation de la pureté des matériaux de base, implantation d’ions avec un meilleur contrôle du type et de la profondeur des dopants, contacts électriques dis-posés à l’arrière de la cellule et non plus à l’avant afin d’optimiser la sur-face utile exposée, etc.

SunPower vient par exemple d’at-teindre un rendement de 22,4 % avec des panneaux 333 W et 327 W équipés de ses cellules à technologie Maxeon. Celles-ci bénéficient pour cela de contacts à l’arrière (et, sur ces pan-neaux, d’un revêtement antireflets). L’idée, au fond, est la même qu’avec les capteurs d’image Cmos dit BSI (backside illumination) : optimiser la surface exposée en reléguant de l’autre côté du substrat les contacts électriques. Une technologie similaire a été déve-loppée par l’allemand Q-Cells, qui vient d’atteindre un rendement de 19,5 %avec des cellules en silicium polycristallin – un record selon le fabri-cant. Q-Cells utilise pour cela un subs-trat silicium épais de 180 µm, métallisé et passivé avec les nanocouches fonc-tionnelles (diélectrique, contacts) situées à l’arrière, pour atteindre un fill factor de 76,7 %. « Ce sont des amélio-rations individuelles apportées à chaque étape de la fabrication des cel-lules qui nous ont permis d’en porter le rendement de 18,45 à 19,5 % », explique Peter Waver, vice-président de Q-Cells. Lui aussi actif sur le marché du silicium polycristallin, Mitsubishi a récemment atteint un rendement de 19,3 %avec des cellules de 15 cm de côté et épaisses de 200 µm, en rédui-sant de 4 %les pertes résistives entre

CAPTEURS

Cellules solaires : quand la surproduction mène à l’innovation

la tranche et les électrodes. Autre adepte des technologies PERC (Passi-vated Emitter and Rear Cell), Bosch Solar Energy voit ses cellules en sili-cium monocristallin culminer à un ren-dement de 19,6 %. Prévues pour cet été, ces cellules bénéficieraient en outre d’un coefficient de température amélioré (grâce à une tension de cir-cuit ouvert élevée), ce qui améliore son comportement sous une luminosité réduite. L’innovation touche égale-ment les petites cellules, destinées à améliorer l’autonomie d’appareils por-tables comme les télécommandes, les appareils photos numériques, les PC portables, les lecteurs multimédia por-tables, les mini-PC, les podomètres et même les jouets. Sharp a ainsi lancé des panneaux en silicium monocristal-lin d’une surface de 14 et 27 cm² qui se distinguent par un rendement attei-gnant 16,5 %, soit un tiers de plus que la génération précédente du japonais. Ces modèles présentent par ailleurs une épaisseur de seulement 0.65 mm et des poids respectifs de 1,8 et 3,6 g. Qui plus est, une structure particulière des cellules permet à ces panneaux de rester opérationnels même en cas de brisure des cellules. Ce critère est par-ticulièrement important pour une uti-lisation dans les appareils nomades, souvent sujets aux chutes.Une autre astuce permettant d’aug-

Pour mieux se différencier, les fabricants de cellules photovoltaïques misent sur l’innovation technologique, qu’il s’agisse de silicium cristallin, de matériaux plus exotiques rendus abordables par la concentration optique ou de films minces.

L’allemand Q-Cells vient d’atteindre un rendement de 19,5 % avec des cellules en silicium polycristallin.

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menter le rendement des cellules photovoltaïques consiste à concentrer les rayons lumineux incidents, à la manière des micro-lentilles utilisées avec les capteurs d’images. L’objectif est ici d’obtenir des rendements théo-riques supérieurs à 40 %(même si, le plus souvent, on se contente de tutoyer les 30 %) tout en maintenant les coûts dans des limites commercialement acceptables. Tout en sachant que les matériaux optiques sont bien moins onéreux que ceux de la cellule elle-même.

La�concentration�optique��rend�abordables�les�matériaux�photosensiblesUn des problèmes à résoudre, lorsqu’on a recours à ces concentrateurs optiques, réside dans l’évacuation de chaleur. Emcore, par exemple, parvient à limiter à 40 °C l’élévation de la tem-pérature au niveau du panneau à concentrateur (par rapport à la tempé-rature ambiante) grâce à un système innovant de dissipation passive, pour ses panneaux de troisième génération affichant un rendement de 27 à 28 %. Autre contrainte : la tolérance à l’angle incident des rayons lumineux est ici fortement réduite par les lentilles (± 0,7 ° chez Emcore), et nécessite d’équiper le panneau d’un système de suivi du soleil performant. L’américain Solar Junction vient, lui, d’atteindre 43,5 %avec sa technologie de cellules multijonctions à concentration. Finan-cée en partie par le DOE (1), sa tech-nologie dite A-SLAM vaut surtout par sa structure ajustable. L’épaisseur des différentes couches de matériaux pho-tosensibles peut en effet être adapté à l’application, c’est-à-dire à l’optique choisie et au lieu de déploiement, afin d’optimiser l’absorption de l’ensemble du spectre lumineux au sein de la cel-lule. Solar Junction vante également l’efficacité de ses tunnels de concen-tration optique, qui serait avérée jusqu’à des concentrations dépassant les 1 000 x, là où nombre de technolo-gies concurrentes atteignent leur pic d’efficacité entre 300 x et 400 x.Une approche similaire à celle de Soi-tec, qui a aussi développé des cellules solaires multijonctions (ici GaInP/GaI-nAs/Ge), chaque type de cellules empi-lées étant destiné à convertir une cer-taine partie du spectre du soleil (ondes courtes, ondes moyennes, rayonne-ment infrarouge). Rappelons que ce type de matériaux sophistiqués était jusqu’ici limité par son coût aux appli-

cations telles que les satellites. Avec l’ajout de concentrateurs optiques (technologie Concentrix chez le fran-çais) qui permettent de réduire la sur-face photosensible, il devient envisa-geable de les utiliser dans des applications « civiles » à fort volume. Même son de cloche chez Solaria. Plu-tôt que d’utiliser des cellules « pleines » classiques où toute la surface (ici du silicium cristallin) est intrinsèquement sensible à la lumière, l’américain a recours à un panneau constitué de petits éléments sensibles non joints, encapsulé sous une couche optique redirigeant tous les rayons incidents vers une cellule photosensible. Résul-tat : à puissance égale, une cellule de Solaria utilise deux fois moins de maté-riaux semi-conducteur et s’avère donc moins coûteuse qu’une cellule tradi-tionnelle.Objets de recherches depuis de lon-gues années, les substrats en couches minces promettent, eux, non pas d’aug-menter le rendement par rapport au silicium cristallin, mais de réduire le coût des cellules de manière significa-

tive. Contrairement aux matériaux en

couches minces utilisés précédemment (comme le silicium amorphe et le tellu-rure de cadmium ou CdTe), dont le ren-dement était souvent limité à environ 10 %, le CIGS (Cuivre Indium Gallium Selenide) promet, lui, des rendements proches du silicium monocristallin. Nanosolar vient ainsi de faire certifier un rendement de 13,9 %avec sa tech-nologie CIGS propriétaire. Celle-ci repose sur l’impression de feuilles d’aluminium bon marché au moyen d’encres à nanoparticules, un procédé économique qui illustre bien ce qu’il est possible d’obtenir avec les couches minces. Nanosolar devrait d’ailleurs porter sa capacité de production à 115 MW dès cet automne et lancer la production en volume de cellules à 11 %et 12 %de rendement, contre

10 %aujourd’hui. Mais, en dépit des progrès du CIGS, le CdTe constitue, pour l’heure, un bon compromis – c’est notamment la technologie choisie par First Solar, premier producteur mondial de cellules solaires devant Q-Cells, Sharp et Suntech (2) – avec un coût infé-rieur à 1 $/W, une moindre dépendance à l’ensoleillement (coefficient de tem-pérature inférieur au silicium cristallin) et une empreinte carbone très réduite.Le CdTe enregistre d’ailleurs lui aussi des progrès constants : en témoignent les récents travaux du laboratoire fédé-ral suisse Empa qui, à partir d’un film CdTe fabriqué par DuPont, a conçu une cellule solaire dont le rendement atteint 13,8 %.

Films�minces�:�un�coût�réduit,�de�meilleurs�rendementsL’Empa n’en est pas à son coup d’es-sai : il avait déjà présenté il y a quelques semaines un record en matière de rendement de cellules CIGS flexibles, avec un rendement attei-gnant 18,7 %. « Ce record comble presque totalement leurs « lacunes d’efficience » par rapport aux cellules solaires en silicium polycristallin ou aux cellules solaires CIGS sur verre », estime Ayodhya Tiwari, qui dirige les travaux portant sur le photovoltaïque au sein du centre de R&D helvète. La réduction des pertes par recombinai-son a été rendue possible par l’amélio-ration de la structure des couches de CIGS, du procédé de déposition à basse température et du dopage de sodium in situ dans la dernière phase de la déposition.De son côté, le silicium amorphe n’a pas dit son dernier mot. Parmi ses atouts figurent évidemment le coût de fabrication (il requiert cent fois moins de silicium que pour une cellule en sili-cium cristallin) et sa capacité à fabri-quer des panneaux solaires transpa-rents, utilisables comme fenêtres et toits. Enfin, parmi les technologies exotiques en cours de développement, on retiendra le rendement de 11,1 %obtenu par Sharp avec ses cel-lules solaires exploitant une fonction photocatalytique du titane oxydé : une technologie économique, car ne néces-sitant pas de silicium et permettant de fabriquer des panneaux solaires à l’aide d’un simple processus d’applica-tion et de thermodurcissement.

FRÉDÉRIC�RÉMOND

(1) United States Department of Energy.

(2) Source : iSuppli (ventes 2009).

Fabriqué par DuPont, ce film CdTe a permis au laboratoire suisse EMPA de concevoir une cellule solaire d’un rendement de 13,8 %.

EM

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Il est notoire que les performances des installations solaires photovol-taïques (PV) sont tributaires des conditions ambiantes et fortement

impactées par de multiples causes : les phénomènes d’ombrage, l’hétérogé-néité des caractéristiques des panneaux solaires, le vieillissement de ceux-ci… Les pertes énergétiques souvent dis-proportionnées, et les conséquences sur le coût système, ont entériné la mise sur le marché de circuits d’optimi-sation de la puissance disponible.Un panneau solaire photovoltaïque résulte de l’agencement en série (mais aussi en parallèle afin de sommer les courants) de multiples cellules PV indi-viduelles. Ainsi, une installation solaire résidentielle de quelques kilowatts sera typiquement charpentée autour de modules de 200 W incorporant cha-cun quelque 72 cellules.Si le but avoué est de convertir le rayonnement solaire en électricité exploitable à une quelconque fin, à la différence d’une alimentation tradi-tionnelle, un panneau solaire, dont la caractéristique courant-tension est intimement liée à celle de son élément de base, ne produit ni une tension constante, ni un courant constant.Il existe toutefois un couple courant-tension, spécifique au panneau solaire considéré, pour lequel la puissance extraite est maximale. En fonction de l’ensoleillement (l’irradiance en W/m²) et de la température ambiante, la posi-tion de ce point est fluctuante. En conséquence, une électronique adap-tée faisant tourner un algorithme de poursuite se révèle d’une grande uti-lité. A défaut, une baisse plus ou moins drastique du rendement est à anticiper.A titre d’exemple, si l'on considère le cas d’une application de stockage de l’électricité produite par les panneaux solaires dans des batteries, ces der-nières vont fixer la tension de fonction-nement du système au gré de leur état de charge. De ce fait, la maîtrise de la position du point de fonctionnement optimal n’est pas assurée.

Un tel principe de recherche du point de puissance maximum est universel-lement connu sous le nom de MPPT (pour Maximum power point tracking). Les applications d’injection d’énergie sur le réseau électrique, de charge de batterie ou de commande de moteur en tirent le plus grand bénéfice.

Obtenir�le�maximum�du�panneau�solaireLa technique MPPT est mise en œuvre de différentes façons, plus ou moins complexes en fonction de la précision exigée. Selon la topologie, elle peut aussi être appliquée à l’ensemble des panneaux solaires d’un dispositif ou à chacun de ses éléments. L’approche distribuée, plutôt que centralisée (au niveau d’un onduleur), est intéressante en ce sens qu’elle permet de maximi-ser l’énergie extraite de chaque module solaire, indépendamment des performances affichées par ses voisins, a fortiori lorsque l’un d’entre eux est sujet à une défaillance.Ainsi, avec le SPV1020, à destina-tion notamment des installations PV disposées sur les toits des habitations, STMicroelectronics prône l’approche distribuée.Concrètement, le SPV1020 prend la forme d’un convertisseur DC-DC syn-chrone avec commutateurs Mosfet intégrés, dont la mission est d’élever la

ÉNERGIE

La gestion optimale des panneaux solaires suscite la demande en circuits dédiésLes panneaux solaires photovoltaïques sont sujets à de nombreux aléas susceptibles de dégrader fortement le rendement énergétique. Désormais, la mise en œuvre de topologies permettant de tirer le meilleur d’eux-mêmes en toutes circonstances, quelle que soit l’application, de l’onduleur jusqu’au chargeur de batterie, s’impose.

faible tension produite par un panneau solaire à un niveau suffisant pour être exploité par un onduleur situé en aval.L’algorithme MPPT embarqué s’ap-puie sur la méthode dite de « pertur-bation et observation » (perturb & observe). Celle-ci consiste à réaliser des mesures de puissance avant et après modification imposée des condi-tions opératoires. Initialement, la ten-sion et le courant sont déterminés et une puissance calculée. Ensuite, une perturbation est introduite sous la forme d’une légère augmentation ou diminution de la tension PV. L’obser-vation de cet effet sur la puissance de sortie du panneau indique alors la direction à adopter pour la prochaine itération. L’algorithme MPPT contrôle ici le rapport cyclique du signal PWM

< Le SPV1020 de STMicroelectronics permet d’appliquer à chaque panneau solaire la méthode de recherche du point correspondant au maximum de puissance. Cette approche distribuée optimise le rendement énergétique de chaque module solaire, indépendamment des performances affichées par ses voisins.

≥ Avec la famille SolarMagic, National Semiconductor dispose d’un catalogue étoffé de circuits intégrés entrant dans la réalisation de micro-onduleurs, d’optimiseurs de puissance DC-DC et de contrôleurs de charge de batterie à partir de panneaux solaires.

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avec une précision de 0,2 %.Sans la mise en œuvre de cette fonc-tion, la société évalue entre 10 % et 20 % la perte énergétique qui en résulte, alors même qu’une petite par-tie de la surface du panneau solaire est dans l’ombre.Une autre voie consiste à implanter l’algorithme MPPT dans un processeur. Un choix adopté par NXP Semiconduc-tors dont le MPT612, dévolu aux appli-cations PV, est architecturé autour d’un cœur Risc 32 bits, de type ARM7TDMI-S. Une partie matérielle dédiée à la mesure de tension et de courant simplifie la conception finale et accélère le temps de développe-ment. Le composant agit ici sur le com-mutateur externe à partir d’un signal généré par un algorithme de poursuite propriétaire.Le MPT612 trouvera son juste emploi dans une large palette d’applications qui nécessitent la mise en œuvre de la fonction MPPT. Il sera ainsi utilisé en conjonction avec un convertisseur DC-DC pour aider à extraire le maxi-mum de puissance d’un panneau solaire ou dans un micro-onduleur effectuant la conversion DC vers AC.

Des�panneaux�solaires��plus�«�intelligents�»De son côté, National Semiconductor est, depuis trois ans, fortement impli-quée dans le photovoltaïque avec une gamme complète de composants (contrôleurs MPPT, régulateurs de ten-sion, pilotes de Mosfet, capteurs…) réservés à cet écosystème. Ceux-ci sont réunis sous la bannière SolarMagic.Des conceptions de référence pour la réalisation de micro-onduleurs, de convertisseurs DC-DC à rendement soigné et de contrôleurs de charge de batterie à partir de cellules solaires sont aussi mises à disposition.Avec son chipset SM3320 et la mise en œuvre d’une méthode MPPT originale, la société confine l’électronique, naguère concentrée dans la partie onduleur, au niveau du panneau solaire lui-même afin de le rendre plus « intelligent ». Cette politique donne l’assurance d’un rendement énergé-tique correct, en dépit des multiples facteurs pénalisants précédemment mentionnés, tout en garantissant pour l’utilisateur un meilleur retour sur investissement.Les circuits SM3320 sont réunis sur une carte de 127 x 89 x 12 mm, pour un poids de 180 g, qui trouvera place dans la boîte de jonction du panneau solaire.

Hormis les installations de forte puis-sance fournissant un appoint d’énergie après transformation en courant alter-natif, de nombreuses applications non reliées au réseau électrique sont aujourd’hui susceptibles de tirer profit des évolutions des technologies PV. Les systèmes d’éclairage public à LED,

la commande de moteurs de ventila-teurs ou de pompes à eau en sont quelques exemples. En pra-tique, un système de stockage d’énergie dans une batterie est retenu afin d’alimen-ter la charge lorsque l’énergie solaire n’est plus suffisante.Avec la montée en puissance des appa-reils alimentés par l’intermédiaire de batteries rechargées

par des panneaux solaires minia-tures, l’électronique portable suscite aussi une forte demande en circuits d’optimisation. Dans ces différents domaines, les ténors de l’analogique

se retrouvent en première ligne.Ainsi en est-il de Texas Instruments dont le bq24650 est un contrôleur à découpage pour la charge, à partir d’un panneau solaire 5 V-28 V, d’une batterie d’accumulateurs de différents types. Un algorithme MPPT élémentaire, opé-rant par régulation de la tension d’en-trée, est employé. Le circuit réduit alors automatiquement le courant de charge de telle façon que le point cor-respondant au maximum de puissance soit atteint.Opérant à partir d’un panneau solaire dont la tension à vide est inférieure à 40 V, le LT3652 de Linear Technology vise les mêmes applications que le bq24650. Comme lui, il s’accommode de multiples chimies d’accumulateurs (Li-ion/Li-pol, LiFePO4, plomb-acide, NiMH/NiCd), alors que la boucle de régulation de la tension d’entrée réa-lise la fonction MPPT.Pour faciliter la tâche du concepteur, la société propose une solution complète sous la forme d’un module (LTM8062) en boîtier LGA de 9 x 15 x 4,3 mm, inté-grant le LT3652 et les composants dis-crets environnants.

PHILIPPE�CORVISIER

≥ Présentée par Future Electronics Solutions lors du salon Intersolar 2011, cette plate-forme de référence, composée d’une carte onduleur mettant en œuvre le principe MPPT et d’une carte contrôleur, vise à simplifier la conception d’un micro-onduleur pour panneaux solaires jusqu’à 200 W.

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