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Mai 2014 DON QUICHOTTE ou LE VERTIGE DE SANCHO D’après L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche de CERVANTES Traduction Aline SCHULMAN (Editions Points) ADAPTATION, MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE RÉGIS HEBETTE CONTACT DIFFUSION [box.prod] Sébastien LEPOTVIN | 06 28 22 72 52 | [email protected] Production C ie PUBLIC CHERI - Théâtre l’Echangeur Coproduction Centre Culturel André Malraux - Scène Nationale de Vandoeuvre-Les-Nancy Avec l’aide à la production de La Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France et de l’ADAMI Ministère de la Culture et de la Communication. L’Echangeur-Cie Public Chéri est conventionné par La Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France/Ministère de la Culture et de la Communication, le Conseil Régional d’Île-de-France, le Conseil Général de Seine-Saint-Denis, la Ville de Bagnolet.

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Mai 2014

DON QUICHOTTE ou LE VERTIGE DE SANCHO

D’après L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche de CERVANTES Traduction Aline SCHULMAN (Editions Points)

ADAPTATION, MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE RÉGIS HEBETTE

CONTACT DIFFUSION [box.prod] Sébastien LEPOTVIN | 06 28 22 72 52 | [email protected] Production Cie PUBLIC CHERI - Théâtre l’Echangeur Coproduction Centre Culturel André Malraux - Scène Nationale de Vandoeuvre-Les-Nancy Avec l’aide à la production de La Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France et de l’ADAMI Ministère de la Culture et de la Communication. L’Echangeur-Cie Public Chéri est conventionné par La Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France/Ministère de la Culture et de la Communication, le Conseil Régional d’Île-de-France, le Conseil Général de Seine-Saint-Denis, la Ville de Bagnolet.

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Mai 2014

TOURNÉE 2014 - 2015

Théâtre L’Echangeur, Bagnolet (93) Du 12 au 27 septembre 2014

Du lundi au samedi à 20h30, dimanche à 17h Relâche les mardis 16 & 23/09 et les mercredis 17 & 24/09 www.lechangeur.org Dieppe Scène Nationale (76)

Le 02 octobre 2014 à 20h http://www.dsn.asso.fr/ Comédie de Caen, CDN (14)

Du 13 au 17 octobre 2014 Le 13 à 20h30 Le 16 à 10h et 19h30 Le 14 à 10h et 20h30 Le 17 à 10h et 20h30 Le 15 à 10h et 19h30 http://www.comediedecaen.com Théâtre de la Vignette, Montpellier (34)

Du 04 au 06 novembre 2014 Horaires à préciser http://theatre.univ-montp3.fr/ CCAM André Malraux, Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy (54)

Du 06 au 09 janvier 2015 Horaires à préciser http://www.centremalraux.com/ TAPS, Strasbourg (67)

Du 13 au 16 janvier 2015 à 20h30 http://www.taps.strasbourg.eu Théâtre Jean Vilar, Bourgoin Jallieu (38)

Le 04 février 2015 à 20h30 Le 05 février 2015 à 14h30 http://www.bourgoinjallieu.fr/culture/theatre-jean-vilar

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Mai 2014

LA DISTRIBUTION

3

UNE CITATION DE GILLES DELEUZE

4

QUELLE LECTURE DU ROMAN ?

5

LA TRADUCTION

6

NOTRE ADAPTATION

7

NOTRE MISE EN SCENE

8

UN EXTRAIT DU TEXTE

11

MICHAËL CRAIG AN OAK TREE

12

NOS BIOGRAPHIES

13

LES COORDONNEES DU THEATRE ET DE LA COMPAGNIE LA REVUE DE PRESSE

15

16

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Mai 2014

©Christian Berthelot

Avec Pascal BERNIER, Marc BERTIN, Fabrice CLEMENT, Sylvain DUMONT

Adaptation, mise en scène et scénographie Régis HEBETTE

Collaboration à la dramaturgie Gilles AUFRAY

Conception lumière et régie générale Saïd LAHMAR

Conception son Marc Bertin, Fabrice CLEMENT, Sylvain DUMONT,

Costumes Delphine BROUARD

Accessoires sonores avec le concours de Benoît POULAIN

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Mai 2014

Don Quichotte, qu’est-ce que c’est ? C’est pas du tout un type

qui se trompe. C’est pas du tout le type qui a des

hallucinations, du moins il a des hallucinations mais c’est un

grand voyant, c’est un visionnaire. Ça ne l’empêche pas d’être

très drôle hein ! Tout ça c’est très drôle tout ce que je vous

raconte. Je sais pas si vous y êtes bien sensibles mais c’est

extrêmement drôle… un visionnaire.... Oui il est halluciné !

Évidemment quand on voit ce qu’il y a derrière les choses, on

est halluciné.

Gilles Deleuze, cours du 20.12.83

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QUELLE LECTURE DU ROMAN ?

Ce que Don Quichotte refuse (et avec lui Cervantès ?), c’est la séparation franche et définitive que

son époque s’apprête à opérer entre le vrai et le faux, entre le visible et l’invisible, entre le réel et

l’imaginaire.

En ce début de XVII ème siècle, le monde occidental bascule vers « L’âge de fer », le pragmatisme

rationaliste et l’efficacité. C’est contre ce nouvel ordre du monde, son assurance sans borne et « les

temps calamiteux » qu’il promeut, que le modeste seigneur Quesada décide de se faire armer

chevalier et de devenir Don Quichotte.

Est-ce par ingéniosité qu’il revêt l’apparence de la folie pour mener bataille contre la tristesse du

rationnel? Ou est-ce par folie véritable qu’il se lance à l’assaut d’un monde qu’il perçoit tout

autrement qu’il n’est ?

Ce qui déconcerte (voire affole) ceux qui croisent notre héros dans le roman, et tout autant le

lecteur, c’est précisément l’impossibilité devant laquelle ils se trouvent de distinguer ce qui relève

du trouble mental chez cet homme et ce qui résulte de sa volonté raisonnée. Mille deux cents pages

durant, Cervantès (et avec lui Don Quichotte ?) soutient que la frontière entre folie et raison est

indéterminable, mettant ainsi en échec l’ordre binaire du monde.

Mais Don Quichotte - outrepassant peut-être les intentions de son auteur, voire s’affranchissant de

lui - révèle aussi ce qui se cache derrière la séparation et l’opposition de l’imaginaire et de la réalité.

N’est-ce pas la perte de puissance de l’imagination au profit du réalisme que notre chevalier

entend combattre? Et n’est-ce pas pour venger cette défaite qui condamne les hommes à la

tristesse et l’inaction au nom du réalisme qu’il se lance à l’assaut de la réalité?

La destinée inouïe de Don Quichotte, qui depuis quatre siècles a suscité tant d’interprétations

contradictoires, prouve que la réalité se nourrit de « fictions » et qu’elle en a besoin pour se

réinventer.

Le monde est l’espace dans lequel les fictions cohabitent, se rencontrent et s’opposent. De quelle

fiction voulons-nous être les acteurs ? Voilà certainement une des questions que Don

Quichotte nous pose. La réalité n’est pas autre chose que la fiction du plus fort semble-t-il nous

dire, et notre époque, quoiqu’elle en dise, peinerait à démontrer le contraire... Don Quichotte

n’aurait en tout cas aucune peine à y trouver la trace de ces « enchanteurs » qui ont « le pouvoir (…)

de transformer ou de faire disparaître les choses à leur gré » et « de nous faire voir ce qui leur plaît ».

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Le Don Quichotte n’est pas une apologie du rêve, mais l’affirmation poétique du pouvoir de

transformation que recèle l’imaginaire des humains. Et comme le rappelle Juliette Chemillier dont le

texte « A propos de Quichotte » a contribué à éclairer notre parcours (revue Vacarme n° 6) : « Le

processus de la fiction est plus émancipateur, parce que plus productif, tout simplement, que le geste

castrateur du rappel à la réalité. «

Ce ne sont pas les idées de notre chevalier qui le rendent admirable, elles sont bien trop

paradoxales, et ce ne sont pas non plus ses combats, malgré son courage il s’y montre bien trop

souvent pathétique… Ce qui fait de Quichotte une figure troublante et (donc) dynamique, c’est sa

capacité à répondre « mot pour mot, fiction pour fiction » au discours dominant du monde qui

l’environne.

Ce qui force notre admiration, c’est cette détermination à interroger les signes qui permettent le

déchiffrement du monde pour tenter d’y déceler la moindre possibilité de le mettre en question et

cette inlassable volonté d’en produire de nouveaux pour le réinventer. Les armes véritables de Don

Quichotte quoi qu’il en dise, ne sont ni la lance, ni l’épée, mais bien plus certainement les mots.

C’est par eux qu’il est véritablement agissant. « Il n’y a pas de réalité indépendamment de ce qu’on

en dit. Nommer, c’est faire exister, voilà l’alchimie de la fiction. » En renommant les choses et les

êtres, en les rebaptisant Don Quichotte en reformule les conditions d’apparition, c’est-à-dire

d’existence.

LA TRADUCTION

La traduction d’Aline Schulman (ed. Point/Seuil) a rendu sa clarté, son humour et sa vivacité à une

œuvre que le poids des siècles -et peut-être le respect trop à la lettre des ses prédécesseurs-

avaient contribué à rendre difficilement lisible et en tout état de cause peu propice à sa

transposition à la scène. Elle a su notamment retrouver l’esprit de l’œuvre originale et redonner aux

dialogues le ton direct d’une oralité qui rend Don Quichotte à nouveau accessible.

Peut-être plus encore qu’une adaptation du roman de Cervantès, c’est une adaptation de la

traduction du roman par Aline Schulman que nous avons réalisée.

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NOTRE ADAPTATION

C’est autour de la relation entre Sancho et son maître que nous avons centré l’enjeu de notre

adaptation. Notre montage choisit de faire l’impasse sur tous les autres personnages du récit mais

il ne renonce en revanche ni à sa dimension épique ni à ses scènes emblématiques.

A travers les échanges entre Don Quichotte et Sancho, deux rapports au monde, deux rhétoriques

se confrontent ; une relation -plus symétrique qu’on ne pourrait le croire- se construit. En se

focalisant sur les seules figures de Don Quichotte et Sancho, notre adaptation met en lumière la

dimension dialectique de leur relation.

Sancho est celui qui maintient son maître en prise avec le réel et rend ainsi possible l’expression de

toute sa démesure : sans lui les aventures de Don Quichotte se seraient vite terminées. Mais sans

Don Quichotte elles n’auraient jamais commencé et Sancho n’aurait pas quitté son village.

L’un sans l’autre nos deux héros sont inaptes à l’aventure ; mais ensemble, en muant peu à peu

leurs antagonismes apparents en une complicité subtile, Don Quichotte et Sancho s’inventent une

destinée qui leur ouvrira les portes d’une immortelle renommée.

Notre adaptation élève ainsi Sancho au rang de protagoniste, à l’égal de son maître, mais elle

choisit aussi d’en faire le premier destinataire de leurs aventures : en acceptant l’invraisemblable

proposition de son maître, c’est à une expérience initiatique que Sancho Panza accède. Une

expérience qui le transformera.

« Don Quichotte ou le vertige de Sancho » est le récit de cette transformation.

© Christian Berthelot

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NOTRE MISE EN SCENE

Nous avons choisi de rendre compte de notre mise en scène à partir des problématiques du roman

qui ont le plus sensiblement influencé nos choix esthétiques et dramaturgiques. Présentées

séparément pour en faciliter la compréhension, ces problématiques sont en réalité organiquement

liées et demandent à être appréhendées comme telles. Elles peuvent revêtir à l’écrit un caractère

explicatif, voire didactique, que nous avons pris soin d’éviter à la scène.

Nous nous sommes en effet efforcés de respecter l’esprit d’une œuvre qui refuse de séparer

culture savante et culture populaire, puissance comique et complexité philosophique, et qui

cherche à travers la présence de modèles hétérogènes à dépasser les catégories, mais aussi

l’ordre et les hiérarchies auxquelles elles conduisent.

La pauvreté de Don Quichotte.

Maintes fois évoquée par Cervantès, elle est consubstantielle à notre héros et à sa relation au

monde. Elle est le signe et la preuve de son désintérêt pour l’avoir et les biens matériels.

Cette pauvreté, qui est une constante dans notre parcours et notre rapport au plateau, était une

donnée initiale du projet. Nous avons, nous aussi, recherché une forme d’ascèse qui nous a conduit

à réduire le nécessaire à l’indispensable ; cette pauvreté n’est pas la marque d’un misérabilisme

mais le moyen d’accéder à une théâtralité qui ouvre l’imagination et fait de l’invention poétique

l’enjeu premier de la représentation.

Elle est aussi une recherche de simplicité et d’épure, notable pour ce qui est des costumes et de la

scénographie. Il n’y a pas de décor sur notre plateau mais des éléments scéniques qui évoquent

plus qu’ils ne représentent ; ils prennent une signification différente selon les situations, organisent

l’espace et permettent sa permanente reconfiguration.

La lumière du spectacle n’échappe pas à ce parti pris mais elle est toutefois marquée par une

recherche plus sophistiquée autour des jeux d’ombres notamment.

La mise en abîme.

Par ses commentaires et ses intrusions régulières, Cervantès est toujours présent dans le roman. Il

l’est d’autant plus qu’il prétend ne pas en être l’auteur. Il y aurait ainsi les aventures de Don

Quichotte d’une part, le texte écrit par un certain Sidi Ahmed Benengeli les relatant d’autre part, et

enfin les commentaires de Cervantès (à cela s’ajoute encore un quatrième niveau puisque Don

Quichotte découvre un plagiat de ses aventures dans une librairie de Barcelone…).

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La mise en abîme du récit est donc une donnée incontournable, inhérente à l’œuvre.

Nous lui avons cherché des correspondances au plateau en démultipliant la figure de Don

Quichotte: il y a ainsi trois Quichotte qui gravitent autour de Sancho notamment, pivot de notre

mise en scène.

Les Don Quichotte sont alternativement (et parfois simultanément) sujets du récit et producteurs

des signes qui accompagnent, commentent voire génèrent ce récit. Véritables démiurges, ils sont

en quelque sorte à la fois Don Quichotte et Cervantès : immergés dans l’aventure par moments, et

capables de s’en extraire à d’autres.

Cette multiplicité (le chiffre 3 évoquant l’infini..) est aussi source de jeu, de surprise, et de vertige…

car si les trois Don Quichotte sont sans aucun doute Don Quichotte, ils n’en sont pas moins

différents ; rendant ainsi la figure de notre héros plus insaisissable et complexe.

Pour Don Quichotte tout fait signe et tout signe est sujet à interprétation.

Nous avons fait nôtre ce credo de Don Quichotte et fait du jeu avec les signes, notamment

graphiques et/ou sonores, une constante de notre mise en scène. En figure accomplie de

l’universalisme et de la Renaissance, Don Quichotte est tour à tour peintre/illustrateur, bruiteur,

musicien, chanteur ou conteur… produisant du signe en abondance pour alimenter sa propre

fiction que l’on pourrait croire prioritairement destinée à Sancho…

On trouve ainsi à jardin : une table de bruitage équipée d’un dispositif électro-acoustique

sommaire : « animée » par les Quichotte, elle matérialise par le son nombre d’objets et de situations.

A cour : 3 parallélépipèdes noirs de deux mètres par deux, servent notamment de support aux

illustrations éphémères réalisées par les Quichotte ; peintes à l’eau, elles représentent un paysage,

un château… et disparaissent par l’enchantement de l’évaporation après quelques instants.

Ces Trois panneaux évoquent aussi possiblement par leur forme et leur disposition un livre

monumental ouvert, avec sa reliure en retrait. Ce même livre deviendra à son tour un théâtre dans

lequel Don Quichotte choisit de représenter certaines scènes pour Sancho.

La distorsion entre la chose et sa représentation.

Don Quichotte voit dans l’imitation le plus sûr moyen d’accéder à l’essence des choses. Il imite du

dedans, pour approcher « au plus près de la perfection de la chevalerie ». Il est cet homme paradoxal

qui ne triche ni avec lui-même, ni avec ses semblables mais qui, prenant le signe pour la chose,

engendre en permanence méprise et confusion.

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Cette incapacité à distinguer les ressemblances des différences, les choses des apparences, est le

sel du roman et de sa complexité. Pour nous, qui sommes au théâtre, elle est aussi source de

questionnement sur le pouvoir de la représentation, sur la vérité de l’illusion et la sincérité de ses

« mensonges ».

Mais cette confusion est également, et peut-être avant tout, une formidable matière à jeu. Dans

notre mise en scène, un cheval dessiné grandeur nature sur un panneau de bois à roulettes sera

tenu par Don Quichotte pour être Rossinante. Mais pour Sancho ce postulat n’a rien d’une évidence

et il pourra être momentanément accepté et tout aussi bien subitement refusé.

C’est à une lente et progressive initiation de Sancho à la poétique du théâtre que nous assistons.

Parce qu’on l’aura compris, c’est aussi des pouvoirs du théâtre et de la théâtralité que traite notre

mise en scène à travers le roman de Cervantès.

Don Quichotte lui-même nous conforte dans notre démarche déclarant, chapitre XI du volume II :

« Depuis l’enfance, je suis grand amateur de tréteaux, et, quand j’étais jeune, j’avais la passion du

théâtre ».

© Christian Berthelot

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SANCHO : Que le diable m'emporte, monsieur, il n'y a ici ni

géant, ni chevalier, ni tous ces gens que vous dites ; moi, du

moins, je ne les vois pas ; ça doit être encore une histoire

d'enchantement, comme les fantômes de la nuit dernière.

QUICHOTTE : Comment ? Est-il possible, Sancho, que tu

n'entendes par les hennissements des chevaux, la sonnerie

des clairons, le roulement des tambours ?

SANCHO : Moi, monsieur, je n'entends que des moutons qui

bêlent.

QUICHOTTE : C'est la peur, Sancho, qui t'empêche de voir et

d'entendre comme il faut ; car elle a, parmi d'autres effets,

celui de troubler les sens et de faire que les choses paraissent

autrement qu'elles ne sont. Mais si ta frayeur est trop grande,

mets-toi à l'écart ; je saurai, à moi seul, donner la victoire au

camp que je soutiendrai.

Cervantès, (Don Quichotte, tome I, chapitre XVIII ; 1615)

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MICHAEL CRAIG-MARTIN, AN OAK TREE, 1973. Objet, eau et texte imprimé, 13 X 46 X 14 cm, National Gallery of Australia, Canberra.

Q. Pour commencer, pourriez-vous décrire ce travail ? R. Oui, bien sûr. Ce que j’ai fait, c’est changer un verre d’eau en un chêne adulte sans pour autant altérer les caractéristiques du verre d’eau. Q. Les caractéristiques ? R. Oui. La couleur, la sensation, le poids, la taille… Q. Voulez-vous dire que le verre d’eau est un symbole d’un chêne ? R. Non. Ce n’est pas un symbole. J’ai changé la substance physique du verre d’eau en celle d’un chêne. Q. Il ressemble à un verre d’eau. R. Naturellement. Je n’ai pas changé son aspect. Mais ce n’est pas un verre d’eau, c’est un chêne. Q. Pouvez-vous prouver ce que vous prétendez avoir fait ? R. Oui et non. Je prétends avoir maintenu la forme physique du verre d’eau et, comme vous pouvez le voir, c’est le cas. Cependant, puisqu’on recherche normalement l’évidence du changement physique en termes de forme changée, une telle preuve n’existe pas. Q. Avez-vous simplement appelé ce verre d’eau un chêne ? R. Absolument pas. Ce n’est plus un verre d’eau. J’ai changé sa substance réelle. Il ne serait plus Opport un de l’appeler un verre d’eau. Chacun pourrait l’appeler comme il le souhaite, mais cela ne changerait pas le fait qu’il s’agit désormais d’un chêne. Q. N’est-ce pas juste une manifestation du syndrome des «habits neufs de l’empereur» ? R. Non. Dans ce cas-là, les gens prétendaient voir quelque chose qui n’existait pas parce qu’ils ont senti qu’ils devaient le faire. Je serais très étonné que quelqu’un me dise voir ici un chêne. Q. A-t-il été difficile d’effectuer ce changement ? R. Aucun effort du tout. Mais cela m’a pris des années de travail avant que je réalise que je pourrais le faire. Q. Quand précisément ce verre d’eau est-il devenu un chêne ? R. Quand j’ai mis l’eau dans le verre. Q. Est-ce que ceci se produit chaque fois que vous remplissez un verre avec de l’eau ? R. Non, évidemment. Seulement quand j’ai l’intention de le changer en chêne. Q. Alors l’intention provoque le changement ? R. Je dirais qu’elle précipite le changement. Q. Vous ne savez pas comment vous faites ? R. Cela contredit ce que je crois savoir sur la cause et l’effet. Q. Il me semble que vous prétendez avoir accompli un miracle. N’est-ce pas le cas ? R. Je suis flatté que vous le pensiez. Q. Mais n’êtes-vous pas la seule personne qui peut agir de la sorte ? R. Comment pourrais-je le savoir? Q. Pourriez-vous apprendre à d’autres comment faire ? R. Non, ce n’est pas quelque chose que l’on peut enseigner. Q. Pensez-vous que changer un verre d’eau en chêne constitue une œuvre d’art ? R. Oui.

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Mai 2014

BIOGRAPHIES

Régis HEBETTE

En 1992, il fonde la cie PUBLIC CHERI avec laquelle il crée cinq de ses textes : « Intérieur gouffre »

1994 ; « Holà » 1996 ; « Populiphonia 2001 (Editions l’Espace d’un Instant) ; « Ex Onomachina »

2008 ; Onomabis repetito 2010. Il adapte et met en scène également des textes d’ Antonin Artaud

« Arto guerrier » 1998. En 2003 il met en scène « Anticlimax » de Werner Schwab, et en 2005

« Lisbeth est complètement pétée » d’ Armando Llamas. Il écrit et met en scène Bâ-ti-boum » une

pièce de théâtre musical jeune public qu’il concoit avec Jean-Louis Méchali. En 1996 il fonde le

théâtre l’Echangeur qu’il dirige depuis.

2010/2012 « Onomabis répétito » Théâtre l'Echangeur, Forum culturel - scène conventionnée de

Blanc Mesnil, Théâtre des bambous - scène conventionnée de Saint-Benoît de La Réunion.

2008/2010 « Ex Onomachina » Théâtre l'Echangeur, Théâtre de Bagneux, Nouveau théâtre - CDN

de Besançon, Théâtre de Baume-Les-Dames.

Gilles AUFRAY

Auteur dramatique, ses pièces sont éditées notamment à l’Harmattan, Lanzmann, Théâtrales, La

Fontaine, L’Amandier… et montées au Royaume Uni (Festival International de Kendal, Festival

d’Edimbourg, Londres...) et en France (La Passerelle Scène Nationale de St Brieuc, La Filature de

Mulhouse, Scène Nationale de Cavaillon, Théâtre du Nord à Lille, Scène Nationale de Narbonne…).

Pascal BERNIER

Collabore à la cie PUBLIC CHERI et au Théâtre l’Echangeur depuis 1996. Comédien dans les mise

en scène de Régis Hebette : « Arto Guerrier » 1998 ; « Populiphonia » 2001 ; « Anticlimax » 2004 ;

« Lisbeth est complètement pétée » 2006 ; « Ex Onomachina » 2008 ; « Onomabis Repetito 2010. il

a par ailleurs travaillé avec Alain Brugnago et Didier Stéphant.

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Mai 2014

Marc BERTIN

Rejoint la cie Public Chéri à l’occasion de la reprise d’Onomabis Repetito en 2011 ; Issu du Groupe

Tchang’ de Didier Georges Gabily, il a notamment travaillé avec Alexis Forestier/Les Endimanchés,

le Théâtre des Lucioles, Jean-François Sivadier…

Fabrice CLEMENT

Collabore à la cie Public Chéri et au Théâtre l’Echangeur depuis leur origine. Comédien, notamment

dans les mise en scène de Régis Hebette : « Holà » 1996 ; « Arto Guerrier » 1998 ; « Populiphonia »

2001 ; « « Ex Onomachina » 2008 ; « Onomabis Repetito 2010. Il a par ailleurs travaillé avec

Dominique Dolmieu, Sylvie Haggaï, Gilles Sampieri.

Sylvain DUMONT

Collabore à la cie PUBLIC CHERI et au Théâtre l’Echangeur depuis leur origine. Comédien,

notamment dans les mise en scène de Régis Hebette : « Intérieur Gouffre » 1994 ; « Holà » 1996 ;

« Arto Guerrier » 1998 ; « Populiphonia » 2001 ; « Anticlimax » 2004 ; « Lisbeth est complètement

pétée » 2006 ; « Ex Onomachina » 2008 ; « Onomabis Repetito » 2010. Il a par ailleurs travaillé

avec Vincent Colin, Gilles Sampieri.

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Mai 2014

59, AVENUE DU GENERAL DE GAULLE – 93170 BAGNOLET 01 43 62 71 20

www.lechangeur.org

CONTACT DIFFUSION [box.prod] Sébastien LEPOTVIN | 06 28 22 72 52 | [email protected]

CONTACT ADMINISTRATION ET PRODUCTION Thomas CLEDE | 01 43 62 82 49 | [email protected]

CONTACT TECHNIQUE

Saïd Lahmar | 06 09 47 35 93 | [email protected]

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Mai 2014

LA REVUE DE PRESSE [ SEPT-OCT 2013]

Anne QUENTIN, La Scène, N°71 | Décembre, janvier, février 2014

Grâce à la très belle traduction d’Aline Schulman, Régis Hébette a pu concentrer l’œuvre en

quelques scènes, misant la pauvreté des moyens scéniques pour garder l’essence brute de l’épopée.

Laura PLAS, Les 3 Coups, art . du 17/10/13

(…) l’adaptation théâtrale se révèle très pertinente. Pour un peu, on dirait que l’oeuvre de Cervantès a

été faite pour la scène.(…) Régis Hébette convoque cette imagination du spectateur, et déjoue le

piège naturaliste (…) la mise en scène a quelque chose d’éminemment ludique (…)

Marie-José SIRACH, L’Humanité, art. du 7/10/13

(…)Régis Hebette présente un Don Quichotte audacieux, drôle et aussi facétieux que l'original. Un

enchantement pour tous les sens. (…)De toutes les contraintes nées de la nature du récit, Régis

Hebette a su se jouer avec une rare intelligence et un plaisir contagieux. (...) la mise en scène, à

l'instar du roman, réinvente l'art de l'illusion(…)

Véronique KLEIN, Médiapart, art. du 7/10/13

Une traduction limpide et pleine d’humour, qui rend l’œuvre totalement accessible (…)

Une mise en scène prodigieuse d’invention et de finesse (…)

Martine SILBER, Blog Marsupilamima, art. 2/10/13

En s'appuyant sur la traduction d'Aline Schulman (éd. points), sur son "oralité" , Régis Hébette a pu

donner du premier des romans fleuves (1200 pages), une version courte, claire, humoristique, légère

et pourtant d'une grande force.

Véronique HOTTE, Théâtre du blog, art. du 29/09/13

Un moment de théâtre et de franches hallucinations, dispensateur d’images issues de la mémoire

collective et qui ont la capacité de peupler à satiété notre imaginaire.

Christiane PASSEVANT, Divergences 2, art. du 29/09/13

Cette nouvelle version du Don Quichotte de Cervantes est absolument captivante, d’abord grâce au

texte — actualisé, proche, drôle et touchant —, par la mise en scène brillante, rythmée et riche en

trouvailles originales, enfin par le jeu des comédiens, littéralement possédés par leur personnage.

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Mai 2014

Anne QUENTIN, La Scène, N°71 | Décembre, janvier, février 2014

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Mai 2014

Laura PLAS, Les 3 Coups, article du 17 octobre 2013

Le galop de l’imagination Par Laura Plas La compagnie Public chéri relève heureusement le défi de mettre en scène « Don Quichotte ». L’adaptation exhibe en effet la théâtralité du texte, sa verve et son humour grâce une mise en scène pleine d’idées et des interprètes tous excellents. Franchement, on se rendait au Théâtre de l’Échangeur bien curieux. Une adaptation de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte

de la Manche ? Allait-on jouer de taille et d’estoc dans le texte ? Comment porter à la scène cet incroyable roman ? Quelle

folie ! Sans doute, mais on sait que Cervantès créa justement ses personnages à l’époque où la raison s’imposait au

détriment de l’imagination (la « folle du logis » [1]), et le calcul au détriment du désintéressement. Don Quichotte est peut-

être donc un autre éloge de la folie (2), l’éloge d’une lecture de la réalité que rejettent la majorité des ânes bâtés.

Et puis, l’adaptation théâtrale se révèle finalement très pertinente. Pour un peu, on dirait que l’oeuvre de Cervantès a été

faite pour la scène. D’abord, on y retrouve le duo maître valet de la comédie. Il y a du Sganarelle, du Zanni, du Matti dans

Sancho, et Don Quichotte semble un lointain cousin de Dom Juan. Simplement, le premier s’enivre de son imagination

tandis que le second joue de celle des femmes. Ensuite, on comprend que toutes les aventures de l’hidalgo n’ont de sens

que si Sancho est là. Sans ce spectateur, le théâtre de l’imagination ferme ses rideaux.

Dans la mise en scène de Régis Hébette, Sancho incarnerait donc le paradoxe du spectateur. De fait, il a beau dénoncer

les fictions de son maître, il en est suffisamment prisonnier pour ne pas y renoncer. À la fin de la pièce, c’est Don

Quichotte qui quitte d’ailleurs le plateau, lui reste. Par quel prodige un homme si sensé, si prosaïque même, peut-il croire

ce que lui montre Don Quichotte ? Sûrement par la magie qui fait que le spectateur, voyant des formes dessinées sur un

tableau, accepte de faire comme s’il s’agissait d’une forêt, d’un palais…

Avoir les yeux pour voir tout le jeu du théâtre

Régis Hébette, justement, convoque cette imagination du spectateur, et déjoue le piège naturaliste. C’est pourquoi on ne

conseille la représentation qu’à ceux qui ont les yeux pour découvrir dans les signes tout le jeu du théâtre. Voici un

plateau vide : d’un côté, des panneaux, de l’autre, une sorte d’établi de luthier. Mais la musique crée des ambiances et des

attentes plus grandes qu’un décor, et les formes évanescentes esquissées sur les tableaux ne sont pas seulement

suggestives et belles, mais elles montrent la fragilité des perceptions.

On dira que tout cela risque d’être un peu austère. Mais la mise en scène a au contraire quelque chose d’éminemment

ludique. On cavale, comme à la foire sur des chevaux en bois, on retrouve le frisson du héros face aux méchants sur une

musique de western. Potache, on parodie un chant religieux. On joue encore à faire imaginer. D’ailleurs, les structures qui

font penser à des tableaux de classe ou le canasson dessiné à son revers révèlent cette part d’enfance. Ajoutons que

dans l’espace presque vide du plateau, les mots peuvent s’épanouir. On entend la verve de la nouvelle traduction d’Aline

Schulman. On se réjouit du choc que font les petits proverbes de Sancho avec les grandes phrases de son maître. On rit

enfin du franc-parler de Sancho.

Mais ce travail ne serait rien sans les interprètes, tous impeccables. Pour le prix d’un Don Quichotte, en voilà trois : comme

dans un rêve, dans un délire schizophrénique. L’un peint, les autres jouent de la musique, mais tous composent un Don

Quichotte fragile et magnifique. Ils font le portrait d’un homme dont on se demande s’il n’a pas fait le choix conscient de

l’illusion. Sancho, tout aussi savoureux, a quant à lui un visage qui reflète une multitude d’émotions et de réflexions. Il y a

donc bien de quoi céder au vertige de la représentation.

Laura Plas (1) L’expression est du philosophe Malebranche. (2) Le premier étant celui d’Érasme.

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Mai 2014

Marie-José SIRACH, L’Humanité article du 7 octobre 2013

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Mai 2014

Véronique KLEIN, article du 7 octobre 2013 Don Quichotte même si on ne l’a pas lu, et c’est mon cas, on sait que c’est un type qui

s’attaque à des moulins, qu’il est maigre, à cheval accompagné d’un valet rondouillard qui, lui, est à dos

d’âne. On sait aussi que c’est un roman de l'auteur espagnol Cervantès, de plus de mille pages écrit

dans une langue du 16eme siècle. Alors aller au théâtre en voir une représentation ? On doute : ça va

être long, on ne comprendra rien… sauf à aller au Théâtre L’Echangeur à Bagnolet et à se laisser

emporter dans l’univers halluciné de « Don Quichotte ou le vertige de Sancho ».

C’est à partir de la traduction d’Aline Schulman que le metteur en scène Régis Hebette a adapté ce Don

Quichotte. Une traduction limpide et pleine d’humour, qui rend l’œuvre totalement accessible. Une mise

en scène prodigieuse d’invention et de finesse, avec pour commencer l’idée de démultiplier la figure de

Don Quichotte :Trois Quichotte, trois frères, pour faire tourner la tête d’un Sancho entraîné bon gré

malgré dans un voyage qui se révèlera véritable parcours initiatique vers les portes de l'errance comme

liberté suprême .

Droits dans leurs mocassins, les Quichotte Fabrice Clément, Marc Bertin et Sylvain Dumont, sont aussi

émouvant que drôle. Ils chantent leurs déboires façon Tri Yann , jouent de la mandoline, du pipeau , des

percussions, tombent avec grandeur, toujours sublimes dans la chute. Ils inventent sans cesse le

monde, comme pour se convaincre qu’il vaut la peine d’être vécu, face à un Sancho Panza, homme sans

éducation, mais plein de bon sens qui use ses espadrilles à courir derrière son maître et pose les vraies

questions du type: Qu'est-ce qu’on mange ?( Pascal Bernier superbe en Candide).

Deux tréteaux et une planche font une excellente table de mixage pour DJ experts en galop de cheval à

dix doigts. Un panneau en bois sur lequel un cheval est dessiné à la craie, et l’un des Quichotte dont on

ne voit que le buste nous transportent dans un western désopilant. Les jeux d’ombres et les éclairages

de Saïd Lahmar renforcent les effets d’échelle.

Régis Hebette trouve ici matière à affirmer son talent à faire un théâtre Arte Povera, où l’économie de

moyens est acte politique. Quichotte ne produit rien, héros de la décroissance, il s’autoproclame

chevalier et va se battre contre des moulins, non pas parce qu’il et fou mais pour nous dire l’insensé des

armées, de l’argent, des hommes. Sur un grand panneau noir, il peint à l’aide d’un pinceau plein d’eau la

forêt dans laquelle il va se perdre. Quelques minutes plus tard elle s’est évaporée. Don Quichotte ou le

vertige de Sancho » : un rêve éveillé.

Véronique klein

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Mai 2014

Martine SILBER, article du 2 octobre 2013

Marsupilamima http://marsupilamima.blogspot.fr/

On est loin avec ce Don Quichotte des super productions qui se jouent dans les grandes salles, les grands festivals, on

revient presque au théâtre de tréteaux, celui auquel on assistait dans les foires, sur les places, au coin des rues. C'est

d'ailleurs comme cela que le roman de Cervantès est devenu un best-seller populaire en son temps, il était lu devant les

foules illettrées.

En s'appuyant sur la traduction d'Aline Schulman (éd. points), sur son "oralité", Régis Hébette a pu donner du premier des

romans fleuves (1200 pages), une version courte, claire, humoristique, légère et pourtant d'une grande force.

Trois Quichotte (Marc Bertin, Fabrice Clément et Sylvains Dumont) et un seul Sancho (Pascal Bernier) pour leur faire face.

Les Quichotte brossent littéralement le décor, l'animent, mettent en musique, accessoirisent avec ce qu'ils ont sous la

main, trois fois rien et une seule épée pour trois.

Et un Sancho formidable mais bien seul...

Qu'est-ce qui fait courir Don Quichotte? Trois mots: l'argent, la gloire...et l'amour. Comme tous les héros. Il a choisi dit-il

pour ce faire les armes et non les lettres, mais en dépit de tout son courage, c'est avec des mots qu'il affronte le monde.

Mais quel monde? Il ne le voit pas comme son fidèle second, Sancho, celui qui a les yeux en face des trous et voit les

choses comme elles sont. Sancho qui se désole de voir son maître à terre, blessé, battu, moulu, brisé, humilié par la réalité

et qui se relève toujours et encore pour fendre l'invisible.

Le monde de Don Quichotte est une vue de l'esprit, d'un esprit malade ou pas. Le monde du

Quichotte est irréel, imaginaire, magique, fou, perdu dans la nuit des temps. Car il y a bien longtemps en ce début du XVIIe

siècle qu'il n'y a plus de "chevaliers errants", plus d'ensorcellements (quoique cette tradition là soit encore bien vivace

même aujourd'hui). Malheur à Don Quichotte, le chevalier à la triste figure, né trop vieux dans un monde trop jeune,

l'homme qui rêve en marchant.

Sancho a beau tenter de le tirer vers le sol, vers les moutons et les moulins, vers la normalité, il s'y casse les dents. Le

serviteur, terrien, paysan, père de famille, qui s'est laissé tenter par les promesses impossibles à tenir, qui s'est vu roi d'un

archipel, a vite compris qu'il ne tirerait rien de ces aventures. La misère, voilà ce qu'ils partagent. Rien à manger, pas

même un lit pour dormir. Que des plaies et des bosses.

Mais au fond peu importe les combats contre les chimères, l'important ici, ce sont les mots, les échanges entre le

Quichotte visionnaire et Sancho, le matérialiste. Il y a le maître qui divague, certes, mais il est le maître, sûr de lui,de ses

pouvoirs, de son courage, et il y a le serviteur, bien obligé de le suivre, mais qui n'y croit plus, pas même à cette potion

magique qui guérirait au moins les plus physiques de leurs maux. Le serviteur qui s'en prend plein la gueule et qui n'y peut

mais. Le serviteur qui écarquille les yeux, qui panse,qui console, qui ne sait plus s'il doit composer avec la folie du maître

ou s'y opposer.

Cette gravité du propos repose comme il se doit sur une drôlerie irrésistible, celle du texte, celle de l'histoire, celle de la

mise enscène et celle bien sûr des comédiens.

Martine Silber

ex journaliste au Monde ‐ journaliste sans journal avec obsession pour le théâtre

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Mai 2014

Véronique HOTTE, article du 13 septembre 2013

Don Quichotte ou le vertige de Sancho, d’après L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche de Miguel de Cervantès, traduction

d’Aline Schulman, adaptation, mise en scène et scénographie de Régis Hébette.

Un voyant, un visionnaire, un prophète qui ne voit pas ce qui est mais ce qui devrait être, qui accumule les échecs et essuie des

catastrophes successives, tel est bien Don Quichotte enclin à ses chères hallucinations, chevalier à la Triste Figure, dont aimait à

parler Gilles Deleuze..

Jamais ce Matamore qui s’ignore ne désarme, il s’oppose seul à la folie du monde qui va selon les intérêts privés. À Sancho qui se

plaint de ne voir ni géants, ni chevaliers, mais soupçonne plutôt chez son maître une histoire d’enchantements, fantômes et

bêlements de moutons, Quichotte rétorque : « C’est la peur, Sancho, qui t’empêche de voir et d’entendre comme il faut ; car elle a

parmi d’autres effets, celui de troubler les sens et de faire que les choses paraissent autrement qu’elles ne sont. »

Régis Hébette a senti une même passion pour cet être d’exception, toujours gentiment moqué quand il conviendrait de lui rendre

raison. Le chevalier conseille même à Sancho de se mettre à l’écart de la bataille, et il saura seul donner la victoire au camp qu’il

soutient. Que l’on soit lecteur de l’œuvre ou spectateur, ou que l’on soit un compagnon qui, dans le roman de Cervantès croise le

héros, impossible de distinguer entre le trouble mental et la volonté raisonnée chez le chevalier de roman : « Mille deux cents pages

durant, dit Hébette, Cervantès soutient que la frontière entre folie et raison est indéterminable, mettant ainsi en échec l’ordre binaire

du monde ». Depuis quatre siècles, la destinée de l’œuvre est inouïe: elle a suscité tant d’interprétations contradictoires, que la

réalité à laquelle la raison nous demande de revenir, ne se nourrit que de fictions nécessaires à sa perpétuelle réinvention. Don

Quichotte ou le vertige de Sancho porte bien son nom: c’est le point de vue du valet, hébété le plus souvent, hagard encore, mais

ferme sur sa saine raison, qui ne cesse de mettre en question les frasques successives de son maître. A l’allure plébéienne, le pas

lourd et la diction un peu lente et paysanne, il est pourtant porteur au second degré, de la raison du spectateur qui assiste aux

extravagances de Quichotte

La représentation est un feu d’artifices scénique et scénographique, flirtant avec l’ »installation » et la performance. La mise en

scène joue avec les effets sonores et artisanaux en tout genre: la flûte, le violon, le bar à sons et à bruits radiophoniques, les

chansons médiévales a capella, mais utilise aussi le dessin et la peinture sur fresque à partir de larges feuilles de papier encadrées:

paysages montagneux, châteaux du Moyen-Âge, esquisses du chevalier qui disparaissent au profit d’autres. La monture Rossinante

a droit à un cadre personnel quand il s’agit de la lancer au galop, Quichotte en selle, hissé sur un escabeau, et Sancho s’essoufflant

derrière à pied. Humour, ironie et distanciation : les Quichotte, trois chevaliers à la triste figure, s’échangent les rôles, les répliques et

les scènes. Un chœur de nobles chevaliers à la belle chemise blanche, le regard élevé et digne, interprété par des comédiens joyeux,

fanfarons de belle envergure, se contentant d’un rien pour accessoire de théâtre, un sac, des chaussures à même la peau, jouant la

folie avec les honneurs. Un moment de théâtre et de franches hallucinations, dispensateur d’images issues de la mémoire collective

et qui ont la capacité de peupler à satiété notre imaginaire. Avec, dirigés à la baguette, Pascal Bernier, Marc Bertin, Fabrice Clément

et Sylvain Dumont, tous unis derrière la bannière de Don Quichotte…

Véronique Hotte

Page 24: DON QUICHOTTE ou LE VERTIGE DE SANCHO · Mai 2014 DON QUICHOTTE ou LE VERTIGE DE SANCHO D’après L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche de CERVANTES Traduction Aline

Mai 2014

Christine PASSEVANT, article du 29 septembre 2013

On pourrait dire que la première partie est la rencontre des Don Quichotte et de Sancho qui se retrouve happé dans une

quête qui le fascine. Les sons et la gestation du décor s’élaborent sous les yeux du public, tandis que trois Don Quichotte

dévoilent sur scène trois facettes d’un même personnage dont la complexité oscille entre utopie, folie et résistance.

Apparaît Sancho qui, s’il est étonné et semble tout d’abord dubitatif, n’en est pas moins fasciné par l’univers

fantasmatique qu’il découvre. Candeur et bon sens pratique… Son discours, souvent étonné par les prouesses

métaphoriques de Don Quichotte, reflète la sagesse avec force proverbes que le chevalier errant réfutent en les taxant de

cécité ou de crainte.

Cette nouvelle version du Don Quichotte de Cervantes est absolument captivante, d’abord grâce au texte — actualisé,

proche, drôle et touchant —, par la mise en scène brillante, rythmée et riche en trouvailles originales, enfin par le jeu des

comédiens, littéralement possédés par leur personnage.

La mise en scène de Régis Hébette guide le public dans l’élaboration théâtrale à scène ouverte, démontant les « trucs »

tout en les incluant dans le spectacle. On y croit… Les images et les sons se bousculent. On rit pendant l’extraordinaire

scène de cavalcade sur Rossinante, dessinée sur un panneau de bois et accompagnée par la bande son concoctée en

direct. Est-ce une allusion aux Monthy Python Sacré Graal lorsque Don Quichotte chevauche la jument, avec en fond

sonore, un son préfigurant le trot ou le gallop des chevaux ? On est ému-e aussi par l’espoir quelque peu désespéré d’un

Don Quichotte qui tente de se surpasser en attaquant des fantasmes…

Fantasmes ? Peut-être est-ce une autre réalité ? Don Quichotte « est un visionnaire. [selon Gilles Deleuze en 1983] Il est

halluciné ! évidemment quand on voit ce qu’il y a derrière les choses, on est halluciné. » Et n’en demeure pas moins

l’attaque verbale et virulente de Don Quichotte qui s’en prend à l’hypocrisie et à l’allégeance, notamment à celle des

chevaliers courtisans. Don Quichotte ou le vertige de Sancho, c’est aussi donner au serviteur l’égalité avec son maître. Les

rapports s’inversent dans l’évolution des personnages au fur et à mesure de la quête.

Un texte magnifique pour un voyage réel ou imaginaire de Don Quichotte, qui transcende les êtres et les objets pour les

relier à sa quête de la vérité et de la liberté. Sur scène, face à un Sancho tour à tour bavard et muet lorsqu’il est pris de

vertige et n’exprime plus son étonnement que par des mimiques, il y a trois Don Quichotte, un philosophe, un rêveur et un

passionné… Et pour accompagner l’histoire épique, une bande son surprenante, faite par des instruments improbables,

jouée par les Don Quichotte devant un Sancho médusé et transporté dans un monde onirique. Le son tient un rôle

important dans la pièce, donnant une résonance parfois mystique, parfois drôle, souvent décalée pour accentuer une

impression d’irréalité ou d’hyper réalité, c’est selon.

Il est vrai que, comme le remarque Régis Hébette, « La destinée inouïe de Don Quichotte, qui depuis quatre siècles a

suscité tant d’interprétations contradictoires, prouve que la réalité se nourrit de “fictions” et qu’elle a besoin pour se

réinventer. » Et d’ajouter : « la réalité n’est pas autre chose que la fiction du plus fort [semble dire Don Quichotte] et notre

époque, quoiqu’elle en dise, peinerait à démontrer le contraire… Don Quichotte n’aurait en tout cas aucune peine à y

trouver la trace de ces “enchanteurs” qui ont “le pouvoir […]

de transformer ou de faire disparaître les choses à leur gré” et “de nous faire voir ce qui leur plaît”. »

Un pouvoir plus que jamais apte à faire disparaître ou transformer la réalité.

Christine Passevant