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DOMAINE D'UTILISATION DU BÉTON NON ARMÉ POUR LES REVÊTEMENTS DE TUNNEL INTRODUCTION Le projeteur de tunnel rencontre de nombreuses difficultés pour dimen- sionner les revêtements de tunnels en béton, du fait: • de la nature des charges s'exer- çant sur la structure à construire; • du comportement de cette struc- ture en interaction avec le terrain qu'elle supporte. Différentes méthodes de calcul sont utilisées pour déterminer les sollici- tations que subissent les revête- ments, la plupart d'entre elles con- sidèrent le revêtement constitué d'un matériau élastique, tandis que la loi de comportement du terrain pourra être d'une complexité varia- ble II reste ensuite à réaliser la vérifi- cation, sous de telles sollicitations, des sections d'ouvrages, et en par- ticulier des sections en béton non armé, ce matériau étant largement utilisé dans les ouvrages souter- rains Dans cet article, nous examinerons d'abord le ou les domaines possi- bles d'application du béton non armé, d'une part, à partir du règle- ment qui régit le béton armé et d'autre part à partir des règles étrangères déjà existantes pour le béton non armé. Puis nous présentons des éléments de réflexion et de vérification des sections en béton non armé pour le cas des charges permanentes s'ap- pliquant à long terme sur la struc- ture (en excluant le cas des charges de construction à court terme). N'est abordé ici que l'aspect méca- nique relatif à l'emploi du béton non armé; les effets des autres phéno- mènes physiques tels que thermi- ques, hygrométriques étant implici- tement pris en compte dans la cons- truction des hypothèses de vérifica- tion. 1. LE CONTEXTE SPÉCIFIQUE DES REVÊTEMENTS DE TUNNEL 1.1. Constat des règles de l'art La plupart des revêtements de tun- nel «supportent». J. PÉRA I.G P.C. Inspection Générale O.A. M. DEFFAYET Ingénieur des T.P.E. Centre d'Etudes des Tunnels C. CHAPEAU Ingénieur I.N.S.A. - Ms Centre d'Etudes des Tunnels leur propre poids; • des contraintes normales et tan- gentielles au contact avec le terrain, résultant d'une interaction entre le revêtement et le terrain (contact parfait ou non, glissement, décolle- ment, etc ), l'effet de la pression hydrostati- que de l'eau souterraine à l'extra- dos, • des sollicitations thermiques et de retrait ; • des charges d'exploitation (sou- vent faibles) en voûte par suite de la pré- sence d'équipements suspendus, en radier, les charges mobiles routières ou ferroviaires; • les charges des fluides en galène, parfois sous pression. Les tunnels anciens sont réalisés en maçonnerie ou briques appareillées et, les tunnels plus récents en béton non armé (tout au moins en ce qui concerne la voûte et les reins), très exceptionnellement en béton armé (grandes portées) Les galènes des- tinées à des fluides sous pression, galène en charge d'E D F par exem- ple, sont au contraire systématique- ment armées 1 1.1 Les revêtements en maçonnerie Les voûtes de tunnels anciens en éléments de maçonnerie, pour autant que leur calage au terrain encaissant soit effectif, c'est-à-dire avec des appuis continus, fonction- nent très bien Les efforts normaux passent dans la partie centrale de la section du revêtement et main- tiennent l'ouvrage en compression. Les conditions de stabilité des voû- tes en maçonnene peuvent être étu- diées par des méthodes s'apparen- PRINCIPALES NOTATIONS UTILISÉES b largeur de la section de béton h . hauteur de la section de béton (épaisseur de la voûte) A aire de la section de béton Yu distance de l'axe neutre à la fibre la plus comprimée e . excentricité af rapport maximum admissible entre profondeur de fissure et hauteur de section R rayon de la voûte f résistance à la compression f ck résistance caracténstique du béton à la compression f t résistance du béton à la traction f cb résistance de calcul du béton à la compression E module d'élasticité r contrainte tangentielle a contrainte normale o c contrainte de compression °adm contrainte de compression admissible N . effort normal Nu effort normal ultime N adm , effort normal admissible M moment fléchissant V . effort tranchant P pression hydrostatique TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 103 - JANVIER-FÉVRIER 1991 9

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DOMAINE D'UTILISATION DU BÉTON NON ARMÉPOUR LES REVÊTEMENTS DE TUNNEL

INTRODUCTION

Le projeteur de tunnel rencontre denombreuses difficultés pour dimen-sionner les revêtements de tunnelsen béton, du fait:• de la nature des charges s'exer-çant sur la structure à construire;• du comportement de cette struc-ture en interaction avec le terrainqu'elle supporte.Différentes méthodes de calcul sontutilisées pour déterminer les sollici-tations que subissent les revête-ments, la plupart d'entre elles con-sidèrent le revêtement constituéd'un matériau élastique, tandis quela loi de comportement du terrainpourra être d'une complexité varia-bleII reste ensuite à réaliser la vérifi-cation, sous de telles sollicitations,des sections d'ouvrages, et en par-ticulier des sections en béton nonarmé, ce matériau étant largementutilisé dans les ouvrages souter-rainsDans cet article, nous examineronsd'abord le ou les domaines possi-bles d'application du béton nonarmé, d'une part, à partir du règle-ment qui régit le béton armé etd'autre part à partir des règlesétrangères déjà existantes pour lebéton non armé.Puis nous présentons des élémentsde réflexion et de vérification dessections en béton non armé pour lecas des charges permanentes s'ap-pliquant à long terme sur la struc-ture (en excluant le cas des chargesde construction à court terme).N'est abordé ici que l'aspect méca-nique relatif à l'emploi du béton nonarmé; les effets des autres phéno-mènes physiques tels que thermi-ques, hygrométriques étant implici-tement pris en compte dans la cons-truction des hypothèses de vérifica-tion.

1. LE CONTEXTE SPÉCIFIQUEDES REVÊTEMENTS DE TUNNEL

1.1. Constat des règles de l'art

La plupart des revêtements de tun-nel «supportent».

J. PÉRAI.G P.C.

Inspection Générale O.A.

M. DEFFAYETIngénieur des T.P.E.

Centre d'Etudes des Tunnels

C. CHAPEAUIngénieur I.N.S.A. - Ms

Centre d'Etudes des Tunnels

• leur propre poids;• des contraintes normales et tan-gentielles au contact avec le terrain,résultant d'une interaction entre lerevêtement et le terrain (contactparfait ou non, glissement, décolle-ment, etc ),• l'effet de la pression hydrostati-que de l'eau souterraine à l'extra-dos,• des sollicitations thermiques et deretrait ;• des charges d'exploitation (sou-vent faibles)• en voûte par suite de la pré-sence d'équipements suspendus,

— en radier, les charges mobilesroutières ou ferroviaires;• les charges des fluides en galène,parfois sous pression.Les tunnels anciens sont réalisés enmaçonnerie ou briques appareilléeset, les tunnels plus récents en bétonnon armé (tout au moins en ce quiconcerne la voûte et les reins), trèsexceptionnellement en béton armé(grandes portées) Les galènes des-tinées à des fluides sous pression,galène en charge d'E D F par exem-ple, sont au contraire systématique-ment armées

1 1.1 Les revêtementsen maçonnerieLes voûtes de tunnels anciens enéléments de maçonnerie, pourautant que leur calage au terrainencaissant soit effectif, c'est-à-direavec des appuis continus, fonction-nent très bien Les efforts normauxpassent dans la partie centrale dela section du revêtement et main-tiennent l'ouvrage en compression.Les conditions de stabilité des voû-tes en maçonnene peuvent être étu-diées par des méthodes s'apparen-

PRINCIPALES NOTATIONS UTILISÉES

b largeur de la section de bétonh . hauteur de la section de béton (épaisseur de la voûte)A aire de la section de bétonYu distance de l'axe neutre à la fibre la plus compriméee . excentricitéaf rapport maximum admissible entre profondeur de fissure et hauteur

de sectionR rayon de la voûtef résistance à la compressionfck résistance caracténstique du béton à la compressionft résistance du béton à la tractionfcb résistance de calcul du béton à la compressionE module d'élasticitér contrainte tangentiellea contrainte normaleoc contrainte de compression°adm contrainte de compression admissibleN . effort normalNu effort normal ultimeNadm, effort normal admissibleM moment fléchissantV . effort tranchantP pression hydrostatique

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tant au calcul à la rupture (Delbecq,1980) avec un matériau ayant uncomportement rigide jusqu'à un pa-lier parfaitement plastique, et un cn-tère de rupture en traction-com-pression, exprimé en figure 1 où fmest la résistance à la compressionsimple du matériau constitutif de lavoûte; il est supposé ne pas avoirde résistance à la traction.Pour les interfaces (joints ou fissu-res) le cntère est celui de Coulomb :

T < a tg ep.Ces hypothèses conduisent pourchaque section aux inégalités (1) et(2), que doit vérifier le triplet M, N,V pour que la voûte soit potentiel-lement stable sous le système decharge étudié

1 M I _h Nn

N (1 - N

V | s N tg <p

(1)

(2)

avec Nm = JSL A

ouYm

Ah

Vm

coefficient de réduction de larésistance à la compressionsimple (pris égal à 2,5 ou 3 sui-vant l'état des joints),aire de la section considérée,épaisseur de la section

La condition (1) signifie que l'effortnormal doit être positif (en compres-sion) et que le centre de pressionreste à l'intérieur de la section avecles conditions exprimées en figure2Cette approche des sollicitations estdite par l'extérieur et donne unecondition nécessairePour la rendre opérationnelle, il fautintroduire un coefficient supplémen-taire de sécurité (ou de rupture) del'ordre de 3 sur les rapports entreles charges (Delbecq, 1983) prenanten compte les inconnues relativesaux charges réelles et aux condi-tions d'appuisCette analyse de la stabilité est fon-dée sur l'effet d'arc généré dans lesrevêtements du fait de la forme etdu système de chargement II fautnoter que cet effet d'arc se produitaussi dans le terrain, ce qui permet,dans certaines conditions, de ré-duire la charge sur le revêtementdont le rôle est d'assurer à longterme l'équilibre du terrain.

112 Les revêtementsen béton non arméQuant aux revêtements de tunnelréalisés en béton non armé, on peutfaire le constat que l'absence d'ar-matures conduit extrêmement rare-ment à des dommages ou déténo-

t.

Figure 1 — Comportement des maçonneries

, T

a en compression ngide-plastique b cntère de rupture traction-compression

c. comportement ultime d'une section

Figure 2 — Domaine d'interaction pour une maçonnerie

N0,5 1

Figure 2 a — Domaine des sollicitations limites

Nm

avec e — \M\N

N > 0N m

2e

distance du pointd'application de N,à l'axe de la section

Figure 2 b — Effort normal limite

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ration de la qualité des ouvragesmettant en jeu la sécuritéToutefois on peut remarquer quecertaines conditions de mise enoeuvre défavorable du béton (dé-coffrage rapide, séchage violent,hors profils importants générant desvariations importantes d'épaisseurdu revêtement) produisent une fis-suration initiale (en clé notamment)Ce sont d'ailleurs sur ces fissuresque les phénomènes de retrait hy-draulique et thermique seront osten-sibles par le jeu de leurs lèvres,sans pour autant créer d'instabilitésmécaniques notables, le revêtements'apparentant dans ce cas plutôt àune structure par blocs comparableà une voûte en maçonnerieLa fissuration est préjudiciable vis-à-vis de l'action de l'eau (action deseaux agressives et des cycles degel-dégel) sur les composants dubéton, ce qui nécessite alors deschoix complémentaires portant surl'étanchéité, sur le dosage et la na-ture du cimentCes voûtes en béton non armé ontété souvent considérées soit commedes structures fissurées et disconti-nues pouvant être étudiées commedes voûtes en maçonnerie, soit com-me des structures supposées conti-nues avec un béton pouvant résis-ter à de faibles contraintes de trac-tion Nous examinerons les consé-quences de ces deux hypothèses

113 Les conditions d'appuiL'approche développée ici n'estpossible qu'en supposant la conti-nuité des contacts terrain/revête-ment, c'est-à-dire en supposant uneinteraction entre le terrain et lerevêtement sur la totalité de la cir-conférence, si cette condition auxlimites de l'ouvrage est grandementstabilisatrice, son approche théori-que et numérique est complexe etc'est elle qui rend difficile le dimen-sionnement des ouvrages souter-rains Cette condition conduit• d'une part à une uniformisation dela distribution des charges s'appli-quant sur le revêtement,• d'autre part à maintenir un étatstable de toutes les sections, toutdéplacement du revêtement géné-rant une réaction du terrain renfor-çant bien souvent l'effort normal etdonc l'effet d'arcCette condition d'appui stabilisa-trice reste à apprécier par l'ingé-nieur Elle est remplie dans la plu-part des casa. S'il existe un bon collage du re-vêtement au terrain A titre d'illus-tration on peut évoquer la règle deCouplet (voir figure 3) pour les voû-tes en maçonnerie qui définit unecondition d'appui satisfaisante si

(R + h) Cos p > Rc'est-à-dire si la corde AB se situeà l'intérieur de l'épaisseur de lavoûte

b. Si le rapport de flexibilité entrele terrain et le revêtement permetde maintenir les sections de revê-tement en compression centréeA partir des formulations analyti-ques existantes pour les tunnels cir-culaires le balayage du champ devariation des caractéristiques deterrain et des données géométri-ques a permis de dégager certainesconditions nécessaires pour garan-tir la stabilité de la structure souschargement de terrainSoith l'épaisseur constante du revête-

ment,R le rayon moyen du revêtement.Et, Er les modules «élastiques» res-

pectivement du terrain et durevêtement à la même date,

K le rapport entre la plus faiblecontrainte principale initiale, oucharge, et la plus forte

Les conditions de stabilité suivantes• limitation des déplacements rela-tifs du revêtement,• sensibilité réduite de la variationdes paramètres géométrique et mé-canique sur le résultat de la flexion,• effort normal restant à l'intérieurde la section,se traduisent par

(1) —L x (——J , rapport carac-

téristique borné inférieurement enfonction (figure 4)a. du rapport des charges K,b. des conditions d'application del'effort normal dans la section tra-duite par e/h,c. des conditions d'interaction (glis-sement tangentieï ou adhérence to-tale entre le revêtement et le ter-rain)

(2) Si K < 0,5, on doit de plus véri-fier que Et/Er > 0,003Dans le cas de pression d'eau im-portante à l'extrados du revêtement,il faut s'assurer que les mouvementsrelatifs terrain-revêtement ne con-duisent pas à un décollement durevêtement, pouvant remettre encause l'action stabilisatrice des ap-puis

1.2. Déterminationdes sollicitationsLa vérification de chaque section debéton du revêtement repose sur lacomparaison des sollicitations appli-quées et des sollicitations admissi-blesLa détermination des sollicitationsappliquées reste, on vient de levoir, difficile dans le cas des ouvra-ges souterrains, étant donné l'incer-titude qui règne sur les efforts exer-cés par le terrain, et la complexitédes phénomènes d'interaction revê-tement/terrain mis en jeu II appar-tient au concepteur de choisir leshypothèses couvrant les cas de char-ges extrêmes probablesLes méthodes courantes sont néces-sairement simplificatrices, on distin-guera (d'après l ' A F T E S GTn°7, 1982)a La méthodedes réactions hyperstatiquesCette méthode figure très fréquem-ment dans les notes de calculL'approche est du type «structure»c'est dire que le revêtement estanalysé seul, hors du contexte en-caissant , le terrain n'est présent quesous forme d'une pression exercée,et de ressorts à raideur variablesimulant l'interactionb La méthode du solide compositeLe calcul se fait par une analyse dumilieu, discrétisé en éléments finis

vide

maçonnerie

Figure 3 — Condition d'appui stabilisatrice pour les voûtes en maçonnerie(règle de Couplet)

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a Cas de la décharge élastique du terrain en interaction avec le revêtement par adhé-rence totaleb Cas général d'un revêtement en interaction avec un terrain avec glissement tan-gentiel au contactFigure 4 — Conditions d'appui stabilisatrices pour un revêtement circulaire élastique

Les interactions terrain/revêtementsont prises en compte mais la diffi-culté réside dans la simulation ducomportement réel de l'interfaceCe type de calcul est réalisé dansle cas des projets plus complexes.Quelle que soit la méthode utilisée,le revêtement est considéré, dans laquasi-totalité des cas, comme unmatériau élastique, non fissuré. Cesdeux hypothèses très importantessont sous-entendues dans le calculdes sollicitations (M, N et V) au sensde la résistance des matériaux

1.3. Influence de la fissuration

En pratique, la fissuration du béton,de quelque nature qu'elle soit, en-gendre une redistribution des sol-licitations dans le revêtement; lasection fissurée, du fait de la petiterotation permise, va être soulagéeet soumise à des sollicitations plusfaibles, qu'équilibrera la partie com-primée de la section, sous réservede la qualité des appuis évoquée en1.1.3.Ainsi, la démarche qui consiste àvérifier que la partie comprimée dela section fissurée est apte à repren-dre les sollicitations calculées initia-lement avec l'hypothèse d'un revê-tement élastique, non fissuré, nousplace d'emblée du côté de la sécu-rité.

2. DÉVELOPPEMENTSPOSSIBLESA PARTIR DU BAEL 83

Le BAEL 83 précise, dès le premierarticle (article A i l ) que les cons-tructions en béton non armé restenten dehors du domaine d'applicationdes règles qu'il définit.L'ensemble des remarques faitesprécédemment au chapitre 1, ontsitué le cas particulier des tunnelsau sein des structures en général etmontré qu'en raison d'un certainnombre de facteurs favorables, unrevêtement en béton, non armé,pouvait être stable, au même titrequ'un revêtement en maçonnene.La démarche proposée ici vise àretenir les valeurs réglementairesdéfîmes par le BAEL (résistance ca-ractéristique), et ses concepts fon-damentaux (loi de comportement dubéton, règles des pivots) pour lesappliquer au cas des revêtementsde tunnels, tout en s'appuyant surles règles de l'art.Il est alors possible de définir ledomaine d'utilisation d'une sectionde béton non armé et le niveau desollicitations, à partir duquel les ar-matures deviendront nécessaires;au-delà de la frontière calculée, leBAEL s'applique totalement commedans le cas de toute structure enbéton armé.

2.1. Optimisation de l'emploid'une section de béton non armé

2.1.1. Condition de non-ùagihtéL'article A 4.2. du fascicule 62 duC.C.T.G. (BAEL 83) introduit lanotion de non fragilité qui tend àprotéger les structures d'une rup-ture brutale et imprévisible en pro-posant une section minimale d'acierà mettre en place.En tunnel, sous réserve de la con-tinuité et de la qualité des appuisà l'amère du revêtement et envertu des principes énoncés en1.1.3. qui font état de l'hyperstaocitéde la structure, garantissant la sta-bilité même s'il y a un léger endom-magement du béton, l'applicationde la règle de non-fragilité n'appa-raît plus indispensable.La principale conséquence est alorsla non-obligation de ferrailler lessections même partiellement ten-dues telles qu'on en trouve en voûteou en rein (sollicitations en flexioncomposée)

212. Principes de vérificationL'ensemble des conditions spécifi-ques rencontrées dans le cas cou-rant des tunnels conduit donc àretenir, pour le revêtement un bétonnon armé auquel sera étendu leprincipe des états limites défini parle BAEL. Cela peut se réaliser dedeux manières• soit en prenant en compte, dansla vérification, la résistance à latraction du béton (ce principe a étéretenu dans le code américainA C.l. 318 1), en supposant le revê-tement non fissuré;• soit en recherchant l'équilibre dela section de béton en admettant,dans une certaine mesure, l'ouver-ture de fissures (analogie avec lanorme allemande D I N. 1045).Chacune de ces deux hypothèsesconduit à définir différents domai-nes de sollicitations admissiblespour la section de béton non armé.De plus, la construction de cesdomaines admissibles peut se faireen s'appuyant soit sur la notion decapacité ultime de la section (étatlimite ultime), soit sur celle de limi-tation des contraintes appliquées(état limite de service).Ce sont ces différents cas qui sontmaintenant développés.

2.2. Capacité ultimede la section (état limiteultime de résistance)

2.2.1. Cas avec prise en comptede la résistance à la tractiondu bétonL'article A 2.1.12. du BAEL définit lavaleur de résistance à la traction dubéton :

f, = 0,6 + 0,06 fck

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fck est la résistance caractéristiquedu béton à la compression.La limite ultime des sollicitationssupportables par la structure seconstruit en considérant les diffé-rents schémas de déformations ulti-mes. Chaque position limite passepar un des trois pivots A, B, G re-présentés sur la figure 5. Le pivotA situe l'intensité de l'allongementunitaire limite du béton. Ramener cepivot à 0, c'est définir le domainedes efforts pour lesquels la sectionest entièrement comprimée. Les pi-vots B et C correspondant à des dé-formations de 0,35 et 0,2% sous con-trainte de compression sont explici-tés dans le BAEL.

2%, 3.5%.

Traction Compression

Figure 8 — Position des pivots A, B et C.Cas E.L.U. avec traction

222 Cas avec fissuration admiseL'approche dans ce cas est identi-que à celle figurant dans la normeallemande D I N 1045 Le béton nepossède aucune résistance à la trac-tion et de ce fait, la fissuration se faitjusqu'à l'axe neutre de la sectionsollicitée (figure 6 a)11 est possible de limiter la profon-deur de fissuration à un certainpourcentage de la section otf, afinde conserver une partie active encompression suffisamment large.Celle-ci reprendra à elle seule lessollicitations exercées La frontièrelimite pour les sollicitations se cons-truit à partir des pivots A, B et C telsque représentés en figure 6 bRemarqueLa nonne DIN 1045 repose sur lesmêmes hypothèses, en considérantaf = 0,5. Le palier fcb est situé àune valeur réglementaire voisine de0,78 fck.Le développement du calcul con-duit à- Nu = hb fcb (1-2e/h), etla profondeur de fissure est égaleà: h - Yu = (2/17) (21 e - 2 h).La condition imposée sur la profon-deur des fissures (a/ = 0,5) conduità une excentricité maximale 25 h/84ce qui est voisin de 0,3 h.La norme préconise d'appliquer uncoefficient de sécurité global de 2,5sur l'effort normal ultime pour cal-culer l'effort normal admissible:

Nadm = NU/2,5

Figure 6 a. — Etats de déformationet de contrainte dans la section fissurée

2%o

Figure 6 b — Position des pivots.Cas E.L.U. avec fissuration possible

2.3. Limitation des contraintes(état limite de service)

Le deuxième aspect du problème aété utilisé dans le développementdu code américain AGI 318 1 11 estdu type «Workmg stress critena»pour lequel, les contraintes en ser-vice sont comparées aux contrain-tes limites supportables par le maté-riau, par opposition aux critères dutype «Strength critena» pour les-quels les sollicitations supportéessont comparées aux sollicitationslimites supportables par la structure(D I N 1045 et état limite ultime)

2,3 1, Cas avec prise en comptede la résistance à la tractiondu bétonL'article A 4 5.2. du BAEL 83 limiteà 0,6 fcjj la compression admissibledans le béton. Considérons une rè-gle du même type pour la tractionen limitant celle-ci à 0,6 ft.La frontière limite des sollicitationsse calcule directement en considé-rant l'ensemble des distributions decontraintes limites. Celles-ci sont li-néaires et passent par l'un ou l'autredes 2 pivots A ou B représentés enfigure 7.RemarqueLe code américain AGI 318.1 (1983)repose sur les mêmes hypothèses etconsidère les contraintes ultimessuivantes (les notations reprises icisont celles du code américain):— pour la flexion .— aCif = q> . f'c en compression,— <rfi/ = 0,418 (p. ï/F^en traction;

• pour la compression d'effort nor-mal: <rcn = 0,6. <p. f'c.<p est égal à 0,65 et î'c est voisin defck + 3,3 MPa.Thonier (1989) propose une relationvoisine: fc = 1,06 fck.Le développement du calcul (Gnû-sen, 1986) nous conduit à:

= Min 0,6 f c

1/hb + 0,6 e/a0.418

e/a - 1/hboù a = bh2/6.Le code introduit une notion d'ex-centricité minimale de 0,1 h et uncoefficient de sécurité tel que:

Nadm =Nu,1,63

Ajoutons qu'une norme modifiée(«Modified Strentgh Design»), dutype «Strength Critena », analogue àla norme allemande, a été dévelop-pée par la suite. Elle repose sur lesmêmes valeurs réglementaires. Ona alors.

Nuz = bh (0,85 FJ (1 - 2 e/h)pour e > 0,1 h.

Nu2 = 0,8 h (0,85 /ypour e < 0,1 h.

Le calcul des efforts normaux ad-missibles se fait de la même façonqu'avec la norme DIN 1045

= Nu2/2,5.

0.6 fck

Figure 7 — Cas de la distributionlinéaire des contraintes. Traction active

2.3.2. Cas avec fissuration admiseCe dernier cas est envisagé avecl'hypothèse d'une résistance nulle àla traction, d'une distribution li-néaire des contraintes de compres-sion dans la partie comprimée, etd'une limitation de la profondeurdes fissures à ath; l'enveloppe dessollicitations limites se bâtit par rota-tion du diagramme limite autour despivots A et B tels que définis sur lafigure 8.

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0.6 fck

Figure 8 — Cas de la distributionlinéaire des contraintes

avec fissuration de la section

2.4. Comparaison des domainesde sollicitations limitesLes figures 9 a, 9 b et 9 c rassem-blent, pour un cas donné (h = 0,4m et fck = 30 MPa), les différenteszones de sollicitations limites, défî-mes selon les normes ou hypothèsesprésentées dans ce chapitreL'effort N et le moment fléchissantM sont calculés par intégration surla hauteur de la section des con-traintes et des moments élémentai-res

N =h/2

-h/2h/2

b o (x) dx

M = / b x a (x) dx3 -h/2

et l'excentricitée = | M 1 / N

Les contraintes résultent• soit d'une distribution linéaire (àl'état limite de service),• soit d'une distribution paraboliquerectangle calculée à partir d'un étatde déformation linéaire (à l'état limi-te ultime)La figure 9 a représente les domai-nes limites déterminés à partir duBAEL dans le cas de l'état limite ul-time ( E L U ) , l'hypothèse que l'onfait sur la traction (active ou non), ousur la fissuration (possible ou non),influe sur l'étendue de ces domai-nes En pointillés, figurent, à titred'information, la zone à l'intérieur delaquelle la section est entièrementcomprimée, ainsi que les courbesobtenues par un calcul BAEL régle-mentaire lorsqu'est mise en placeune quantité donnée d'acier AsLa figure 9 b représente les mêmesdomaines dans le cas «Etat limite deservice» Les différentes hypothèsessont analysées ainsi que l'influencede la mise en place d'une sectiond'acierLa figure 9 c nous montre les domai-nes admissibles calculés selon lesnormes allemande ou américaineA ce stade, la comparaison directedes différentes méthodes est trèsdélicate et cela pour deux raisons1. Les pondérations sur les chargesne sont pas identiques

Figure 9 — Représentation des domaines limites

Nu (MN)7.5 -•

Etat Limite Ultime

B -;

4.5

Limita BAEL selonta section d'acier As

1.5-

Figure 9 a — Cas de l'état limite ultime (E.L.U.)

Etat Limite de Service

4.5 •;

Limites BAEL selonla sccnon d'acier As

1.5 ••

h/maxFigure 9 b — Cas de la distribution linéaire des contraintes (E.L.S.)

Na;Jm (MN)

7.5 -•

Hypothèses de calculb = 1 mh = 0,40 mfck = 30 MPa

4.5 - •

1.5-

. 1

Figure 9 c — Cas des normes américaine et allemande

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• en figure 9 a, selon la procédureBAEL-E L U , les sollicitations sontcalculées à partir d'efforts pondérés(article A 3 3 du fascicule 62 duC C T G ) En particulier un coeffi-cient de 1,35 est appliqué sur lescharges permanentes Les domai-nes représentés constituent ainsiune limite ultime pour des sollicita-tions pondérées,• en figures 9 b et 9 c, la pondéra-tion est de 1, nous avons donc af-faire à une limite s'appliquant à dessollicitations non pondérées2. Les coefficients de sécurité nesont pas identiques si les normesétrangères, après le calcul de Nu,utilisent un coefficient de sécuritéde 2,5 pour trouver Nadm, ce n'estpas le cas des développements is-sus du BAELCes deux raisons expliquent le faitqu'on trouve, sur les schémas 9 a,9 b et 9 c, des ordonnées différen-tes (Nu pour le cas E L U , Nadm,pour les normes étrangères et N[impour le cas E L S )L'ensemble de ces remarques fontl'objet du chapitre suivant, danslequel seront précisés l'utilisationdes coefficients de pondérationainsi que le rôle des coefficients desécurité Ce n'est qu'après cetteétape que pourra être clairementexplicité l'effort normal admissibleNadmOn peut cependant noter (figures9 a et 9 b) à partir de l'allure descourbes que l'hypothèse de fissura-tion du béton permet de faire tra-vailler davantage les sections quecelle de résistance à la traction maisque son domaine est limité par laprofondeur maximale des fissuresexprimé par OfhPar contre l'hypothèse de résis-tance à la traction permet de re-prendre de plus fortes flexions dansle cas de petits efforts normaux etprolonge la capacité de travail dubéton non armé mais dans des pro-portions bien plus faibles que lebéton armé même au minimum ré-glementaire de ferraillage

3. PROPOSITIOND'UNE MÉTHODE DE VÉRIFICATION

Les calculs usuels ne tiennent pascompte des effets des retraits hy-grométriques et thermiques du bé-ton qui sont importants en tunnelsOn assiste le plus souvent à unretrait différentiel entre l'intrados etl'extrados même si des précautionssont prises pour limiter les courantsd'air pendant le séchage du bétonLe retrait thermique est relative-ment plus élevé en tunnel que pourles autres ouvrages à l'air libre dufait que la chaleur se dissipe lente-ment du côté du terrainC'est pourquoi le constat d'une fis-suration d'espacement aléatoire dueà ces phénomènes est souvent fait

sur les revêtements de tunnel enbéton non armé (cf chapitre 1)Pour l'ensemble de ces raisons,l'hypothèse de considérer le bétonnon armé comme un matériau nerésistant pas à la traction est rete-nue pour une vérification à l'étatlimite ultime (de rupture) définissantle maximum de capacité portanteOn rejoint ainsi les hypothèses del'analyse des voûtes en maçonneriemais en prenant en compte• une loi de comportement pour lebéton, issue du BAEL,• une profondeur de fissurationthéorique limitée pour garantir lastabilité de la structureParmi les hypothèses envisagées auchapitre 2, les remarques ci-dessusnous conduisent à retenir le cas del'analyse à l'état limite ultime derésistance avec fissuration, dévelop-pée au paragraphe 2 2 2

3.1. Développementde la méthode proposéeRécapitulons les hypothèses présen-tées en 2 2 2 (figure 10)• une distribution parabolique sim-plifiée (rectangle équivalent) descontraintes dans la section,• une déformation maximale de0,35% en flexion et de 0,2% en com-pression simple,• la contrainte de palier plastiqueest

f = 0.85 fckcb ~ 1,5 '

• la fissuration ne dépasse pas uneprofondeur de afhLe développement du calcul nousdonne

a. b.10 2%, 3J%.|0 fcb

Nu = leq fcb

avec leq = 1721

Yu

(leq = longueur du rectangle équi-valent, figure 10)

e = 1742

Yu

soite - 4 + 17a h

42d'où Nu = bh fcb ( 1 - 2 e/h)

pour 0 < e < (4 + 17 af) 42

La norme allemande fixe af = 0,5,mais il est sans doute des cas oùune valeur plus grande de oif peutêtre considérée sans préjudice pourla structure (en cas de présenced'une feuille d'étanchéité par exem-ple)Nu correspond à la limite ultimepour des sollicitations calculéesselon la procédure BAEL-E L U , eten particulier, en utilisant les pon-dérations sur les actions, défîmesselon l'article A 3 3 du BAEL

Figure 10Hypothèses sur la distribution:a. des déformationsb. des contraintes

En ouvrage souterrain, il n'est pasaisé de déterminer les charges ap-pliquées, leur estimation résulted'approches semi-empiriques ouimplicites (résultats de l'interaction)pour lesquelles il demeure toujoursune marge d'incertitude provenantnotamment des lois de comporte-ment du terrain, des contraintesdans le massif encaissant, donc del'estimation des déformations IIpeut paraître illusoire de les multi-plier par un coefficient de pondéra-tion précisAussi, proposons-nous, comme ils'agit de charges permanentes,d'estimer au mieux les charges ap-pliquées, sans pondération, et d'ac-croître la sécurité en limitant lacapacité du matériau, le coefficientde 1,35 est reporté directement surl'effort normal admissible comme lefont les procédures des normesétrangèresDe plus, au sens de l'article A 4 2 2du BAEL, un coefficient de 1,2 seraappliqué, il prend à la fois encompte une limitation supplémen-taire des efforts normaux dans lebéton non armé et l'incertitude surla valeur de l'excentricité calculéeAinsi

gadm =Nu

1,35 x 1,2 soit

= 0,62 bh fcb (1 - 2 e/h)

avec fcb = °'85 f<*cb 1,5pour e < (4 + 17 ctf) h/42

Remarques1. Lorsque e < 2 h/21, la sectionest entièrement comprimée et lepivot C (à 0,2%) s'applique Lescoefficients de sécurité sont utilisésde la même façon2. e = I M I/N est calculé defaçon classique, c'est-à-dire avec unrevêtement à comportementlinéaire, élastique sous chargementde service, en supposant la sectionnon fissurée, et sans utihser de pon-dération sur les charges3. La valeur la plus commune de afest 0,5 Dans la pratique, il convient

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de s'assurer que la partie non fissu-rée de section est suffisammentlarge pour que le béton conserveses propriétés (au moins 5 fois lediamètre maximal des agrégats).

3.2. Comparaisonavec une distribution linéairedes contraintesLa méthode retenue suppose unedistribution parabolique simplifiée(rectangle équivalent) des contrain-tes dans la partie non fissurée de lasection.Examinons, à titre de comparaison,le cas particulier d'une distributionlinéaire des contraintes.Les hypothèses seraient alors cellesdu paragraphe 2.3.2., c'est-à-dire:• limitation de la contrainte à oc;• fissuration ne dépassant pas uneprofondeur de otfh.Le calcul nous conduirait à:

e = h/2 - Yu/3

et N H - °c 'Yucl "adm ~ o , soit

N.adm = - 2e/h)

pour __ < e < —— (1 + 26 6

et Nadm =

pour e

bh1 + 6e/h

h6

OG est défini réglementairement(E.L.S.) comme égal à 0,6 fck. Uncoefficient de sécurité supplémen-taire de 1,2 sera appliqué commeprécédemment. Aucune pondéra-tion ne sera appliquée sur les ac-tions :

d'OÙ Or, =0,61,2 fck = 0,5 fck

et Nadm = 0,375 bh fck ( 1 - 2 e/h)h " - -S- '

bh

pour < e s 2<x f)

= 0,5 fck 1 + 6 e/h

pour e £

La valeur e = | M | / N sera identi-que à celle calculée en 3.1. Elle estissue du calcul préalable des solli-citations dans la structure.

3.3. Comparaison des domainesde sollicitations admissiblesLe calcul des sollicitations M et N sefaisant, sur la base des réservesémises au 3.1. et 3.2., sans pondé-ration sur les charges, il est possi-ble de comparer directement lesdomaines de sollicitations admissi-bles définies selon les normesétrangères et selon les extensions

du BAEL proposées pour le bétonnon armé (voir figure 11).On constate que les différents do-maines sont très proches et que laméthode proposée ici (E.L.U. avecfissuration possible) est validée parcomparaison aux résultats des mé-thodes étrangères. La frontière dudomaine d'utilisation se bâtit à par-tir d'un effort normal admissible, etd'une excentricité maximale déter-minée par la profondeur de fissura-tion admise.

3.4. Vérification à l'effort tranchant

La justification vis-à-vis de l'efforttranchant V se fait dans un deuxiè-me temps. Dans la mesure oùl'effort normal N est admissible, ilfaut s'assurer que:

V < Max

où:

Nf .P '0,051,35

(1 - a) bh fck

f est le coefficient de frottementutilisé dans la règle des couturesgénéralisées (habituellement / =1)

P est un coefficient de sécurité vis-à-vis des incertitudes sur les sol-licitations calculées. On pourraretenir p ^ 3.

Le second terme est prépondérantsi N est faible et est issu des condi-tions de l'article A.5.2.2. du BAELrelatives aux dalles ainsi que deshypothèses du paragraphe 3.1.

e - • b h r

.4

.35•• \x

.2 - •

N adm

'<*

£(o< /j/m'fe de service

Etat Limite Ultime

Modified Slrcnlgh Desifyi

TT *———*~tt-*———•ll.^J t(f?)

TT

Figure 11 a — Domaines des sollicitations admissibles.Représentation dans le plan (e, N)

, N adm

.6 -•

Etat Umite Ultime

Modified Strtnlgh Design

Figure 11 b — Domaines des sollicitations admissibles.Représentation dans le plan (M, N)

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3.5. Cas particulierdes sections soumisesà de très faibles sollicitationsDans le cas des tunnels construitsau rocher de bonne qualité, le revê-tement a bien souvent un simplerôle de support d'étanchéité etd'élément participant, aux bonnesconditions d'exploitation, et au finide l'ouvrageLes sollicitations subies, qui résul-tent alors simplement de l'effet dupoids propre du revêtement sonttrès faibles, il est possible, qu'encertains points (clé en particulier),un effort normal et un moment flé-chissant très faibles tous deux, con-duisent cependant à une excentri-cité supérieure à l'excentricitélimite définie dans le cadre de laméthodeDans de tels cas, la stricte applica-tion des hypothèses définies en 1 3(c'est-à-dire la vérification de la sec-tion sous les sollicitations détermi-nées par un calcul élastique de lastructure non fissurée) conduit à sur-évaluer de façon très importante lessollicitations de flexion subies par lasection par rapport à celles quiapparaissent après amorce de fissu-rationEn effet, sous conditions de la qua-lité des appuis (paragraphe 1 1 3 ) ,l'apparition d'une petite fissure varéduire instantanément le momentfléchissant et maintenir ou augmen-ter l'effort normal, l'excentricité di-minuera par conséquent Ce phéno-mène est d'autant plus sensible queles sollicitations sont faiblesEn conclusion, le cas des faibles sol-licitations (N inférieur à 0,02 bhf^ doit faire l'objet d'une étudespécifique, de façon à apprécierréellement la redistribution des sol-licitations liée à la fissuration Lavérification des sections seraensuite réalisée sur la base des sol-licitations ainsi évaluées

3.6. Cas particulier d'une sectionen présence d'une pressionhydrostatique à l'extrados (fig 12)L'ensemble de l'étude qui précèdea supposé que le revêtement étaitdisposé soit dans un milieu sec, soitavec présence d'étanchéité Si lapression hydrostatique est impor-tante, elle influe sur le comporte-ment de la section fissurée de béton(Fera, 1990)On suppose le béton étanche et lafissure non traversante (limitée àafh)La fissuration s'arrête quand, à l'ex-trémité de la fissure, la contrainte laplus faible dans la solution non fis-surée est égale à la pression hydro-statique PSoit a, le pourcentage fissuré de lasection considéréeLe moment fléchissant M et l'effortnormal N initiaux se trouvent modi-

fiés par la présence de la pressionP Par rapport au milieu de la sec-tion totale, on a

M1 = M + P bh2a (1 - a)

N' = N - P b a h

En exprimant que, dans le domainelinéaire, la contrainte de compres-sion en fond de fissure est égale àP, nous obtenons

1 - NPbh (1 - 6e/h)

a =

Pbh

Remarques1. Il n'y a donc pas de fissure enprésence d'eau si a < 0,c'est-à-dire 6M - Nh + Pbh2 < 0(ce qui correspond à une contraintesur la fibre extrême plus grandeque P)2. Il y a rupture totale si a & 1,c'est-à-dire 2M - Nh + Pbh2 > 0Dans ce cas général, la contraintede compression sur l'arête la pluscomprimée vaut

2N

= PPbh - a - 1

13. A ce stade la vérification pourraêtre une vérification en contrainte(paragraphe 32) c'est-à-dire quel'on s'assurera que oc < 0,5 fck etque la section résiduelle de largeur(1 - a) h est apte à reprendre lesefforts de cisaillement

t t t I t Pt t t t t

Figure 12 — Allure de la distributiondes contraintes en présenced'une pression hydrostatique

à l'extrados

3.7. Résuméde la démarche à suivre

La méthode de vérification propo-sée ici peut être décomposée enplusieurs étapesa. Calcul des sollicitations M, N etV dans chaque section de bétonPour ce faire, la structure est sup-posée élastique et continue (non fis-

surée) et les charges ne sont paspondéréesb. La valeur de e = | M | / N estutilisée pour calculer Nadn, pour laformuleNadm = 0,35 bh fck (1 - 2 e/h).

c. N est comparé à Nadm

Cas 1 si N > Nadm, la section debéton doit être redimensionnée(augmentation de h), ou un ferrail-lage est nécessaire (application duBAEL)

Cas 2 si N < Nadm, l'excentricitédevra être comparée à l'excentri-cité limite e lim

e lim = (4 + 17 Of) h/42où ctfh est la profondeur maximaleautonsée des fissuresSi e < e lim, la section est satisfai-santeSi e > e lira, il faudra envisagerdeux sous-cas selon la valeur réellede N1 Si N & 0,02 bh feh, la section oula géométrie de la structure serontrevues, ou la section sera ferraillée2 Si N < 0,02 bh f^, la section estsoumise à de très faibles sollicita-tions, et une analyse complémen-taire, avec prise en compte de lafissuration dans le calcul des solli-citations M et N réellement exer-cées est à envisagerd. L'effort tranchant V est comparéà l'effort tranchant maximal admis-sible explicité en 3 4e. En cas de présence d'eau souspression au contact direct avec lerevêtement, et en l'absence defeuille d'étanchéité, la vérificationsera conduite comme indiqué en 3 6

4. EXEMPLE D'APPLICATION

La figure 13 présente un exemplede vérification à la flexion des sec-tions d'un revêtement de tunnelimplanté en terrain tendre On no-tera la mise en évidence des zonesnécessitant un ferraillage

5. CONCLUSION1. La recherche d'une méthode devérification des revêtements de tun-nel, adaptée à la spécificité de telsouvrages, conduit à prendre encompte les interactions qui existententre béton et terrain encaissantDans la mesure où le rapport deflexibilité entre revêtement et ter-rain n'est pas trop faible, l'hypers-taticité de la structure, créée par lacontinuité des appuis à l'extradosde la voûte, constitue un élémentfavorable, permettant une adapta-tion de la structure au milieu encais-sant, et une redistribution des effortsrenforçant la stabilité de l'ouvrage

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frontière du domaine dessolîtatatioas admissiblespour le Mton non armé

Figure 13 —Exemple d'applica-tion. Cas d'un ter-rain tendre(E = 200 MPa).Représentation desdifférentes zonesde sollicitationsdans le revêtement

II était nécessaire d'intégrer cetteparticularité rencontrée en tunneldans la méthode de vérification dessections en béton non armé2. Pour ce faire, la méthode propo-sée• s'appuie sur les principes fonda-mentaux du BAEL,• utilise certaines hypothèses spéci-fiques et en particulier la non appli-cation des conditions de non fragi-lité défîmes par le BAEL,• reste voisine des fondements desrèglements utilisés pour le bétonnon armé en Allemagne et auxUSA3. La construction du domaine dessollicitations admissibles repose surdeux idées fortes• la possibilité de tolérer dans lessections non armées, une fissurationpouvant atteindre une profondeurmaximale afh (le coefficient oifrecommandé est 0,5 mais il est àexaminer selon le contexte),• la limitation de l'effort de com-pression dans la partie non fissuréede la sectionCe type de calcul retient pour lebéton, une résistance à la tractionnulle car les retraits thermiques ethygrométriques provoquent, à longterme, une fissuration aléatoire, nonmaîtrisable par le projeteur, de cefait, un revêtement s'apparente à

une structure en maçonnerie, nepouvant être jugée stable qu'enprésence d'un effort normal4. Le développement de la métho-de de calcul prend en compte larésistance caractéristique du bétonà la compression, et la courbe ré-glementaire effort-déformation défi-nie par le BAELNéanmoins, d'une part, un coeffi-cient de sécurité supplémentaire de1,2 est introduit pour pallier l'incer-titude régnant sur la valeur exactede l'excentricité, d'autre part, lecoefficient de pondération de 1,35utilisé dans le BAEL, pour les char-ges permanentes, est reporté sur lacapacité limite de la section Unetelle procédure est mieux adaptéeau cas des tunnels pour lesquelsl'estimation des charges appliquéesau revêtement est un problème dif-ficile, car elle résulte de l'interac-tion avec le terrainLes zones de sollicitations admissi-bles, calculées par la méthode pro-posée ainsi que par les normesétrangères, sont tout à fait compara-bles et constituent un outil rapide devérification des sections de bétonnon armé5. L'effort tranchant sera vérifié parcomparaison à une valeur limitedépendant du niveau de compres-sion de la section

6. La présence d'une pression hy-drostatique conduit à une vérifica-tion complémentaire des sectionsfissurées.Z. Le cas des faibles efforts (tunnelau rocher) nécessite une approcheplus précise de l'excentricité pre-nant en compte cette fois la fissura-tion pour déterminer les sollicita-tions réelles dans les sections durevêtement.

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