DITES 33 ! version finale - Le Proscenium

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DITES 33 ! COMÉDIE OMÉDIE OMÉDIE OMÉDIE AUTEURS : NICOLAS BOUCHEREAU, FLORENCE DELAUNAY , P ASCAL GÉRAULT , FRÉDÉRIC P AYRAUDEAU.

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DITES 33 !

CCCCOMÉDIEOMÉDIEOMÉDIEOMÉDIE

AUTEURS : NICOLAS BOUCHEREAU, FLORENCE DELAUNAY,

PASCAL GÉRAULT, FRÉDÉRIC PAYRAUDEAU .

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PERSONNAGES : Docteur Armand Lebon Anne-Sophie Lebon née de Hautecloque, sa femme Solène Lebon, leur fille Ghislaine, secrétaire médicale Patricia Lecornu, une patiente hypocondriaque Manuel Pereira Da Costa , un patient. Faible dominé par sa femme Maria Sanchez Da Costa Pereira, sa femme Jean-Eudes Depattre de Massigny, Militaire Thomas Bercy, inspecteur du fisc

Résumé :

Anne-Sophie rêve d’organiser un beau mariage.

Armand rêve d’être un artiste et d’amuser les enfants.

Solène, elle, rêve de romantisme, de poésie, et de liberté.

Jean-Eudes, quant à lui, rêve de se marier.

Ghislaine, incorrigible sentimentale, rêve de son patron… depuis 20 ans !

Thomas rêve d’amour et en attendant, il contrôle…

Patricia rêve d’un monde aseptisé…

Manuel et Maria rêvent d’avoir un enfant et ont besoin d’aide.

Tous ces rêveurs vont se croiser sous les yeux d’Oscar.

Lui, il ne dit jamais rien. Et pourtant, il y aurait de quoi… Il pourrait parler de golf, du chien qui perd ses poils, de billets qui passent de la caisse au sac à main, d’une armée de rats, de matériel médical américain, de sites de rencontres, du temps qu’il faut prendre pour agrandir une famille, de psychologie de magazine, du pouvoir attractif de

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ACTE I Scène 1- Armand, Anne-Sophie. 1

Ouverture du rideau sur le cabinet du docteur Armand Lebon. 2

Il est vide, on entend un bruit de clefs et de porte. 3

Eclairage de la scène. 4

Le docteur Lebon entre, déguisé en clown : perruque, nez rouge, veste et chaussures, avec un 5

club de golf à la main. 6

Il se précipite et commence à enlever et cacher ses vêtements de clown. 7

Armand enlève rapidement ses vêtements de clown en parlant à Oscar le squelette. 8

Armand : Hou là là ! Avec les bouchons j’ai cru que je n’arriverai jamais, hein oscar ! Pardon, tu 9

ne peux pas savoir. A ton époque il n’y avait pas de bouchons bien sûr. Surtout tu n’en parles 10

pas à Anne-Sophie ! (à Oscar) Motus et bouche cousue. Oui, enfin toi bouche cousue, ça va 11

pas être facile, mais chut. Elle ne comprendrait pas. Un médecin qui fait le clown pour amuser 12

des enfants à l’hôpital… Allons dépêchons-nous avant qu’elle n’arrive. 13

Anne-Sophie (Voix off) : Armand ? (plus fort) Armand ? C’est toi ?... Armand ! 14

Armand : Oui ! C’est moi. on me confirme que c'est moi 15

Anne-Sophie (Voix off) : Où es-tu ? Réponds que diable ! 16

Armand : Je suis là ma chérie, je suis là (Il se dépêche de ramasser comme il peut ses affaires 17

et de se changer). 18

Anne-Sophie : Où, là ? 19

Armand (Ayant fini de cacher ses affaires et s’asseyant à son bureau, reprenant son souffle) : 20

hou la la s'adressant à Oscar quoi le nez Ah oui le nez Mais ici au cabinet. en soufflant 21

d'aise 22

Anne-Sophie : Encore, tu as un problème de transit ? 23

Armand (S’interrogeant à haute voix) : Comment ça de transit ? 24

Anne-Sophie (Entrant dans la pièce) : Mais si tu es encore aux cabinets, c’est que tu as un 25

problème de transit, non ? 26

Armand : Au cabinet médical, Anne-Sophie, mé-di-cal. Enfin, je veux dire dans la salle de 27

consultation. 28

Anne-Sophie : Ah enfin ! Je te cherche depuis des heures. Où étais-tu ? 29

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Armand : Mais ma chérie comme tous les jours à cette heure-ci, à mon cours de golf bien sûr. 30

Anne-Sophie entre : Mais où as-tu rangé tes affaires ? Tu me caches quelque chose n’est-ce 31

pas ? 32

Armand : Mais, mais non voyons ! 33

Anne-Sophie : Ne me mens pas Armand, tu sais que je finis par tout savoir. 34

Armand (Inquiet): Ah !!!! 35

Anne-Sophie : Oui. Tu ne veux pas que l’on te voit jouer. 36

Armand (Soulagé): Oui c’est cela, je ne suis pas encore très au point. 37

Anne-Sophie : Cachotier va ! (Sourire gêné d’Armand) Quelle est la liste des clients 38

aujourd’hui ? 39

Armand : Des patients Anne-Sophie, des patients, pas des clients. 40

Anne-Sophie : Ah oui ! Des patients ou des clients, quelle importance… 41

Armand : Enfin Anne-Sophie, je soigne des gens pour essayer de les guérir. Je ne vends pas 42

de la santé. 43

Anne-Sophie : Heureusement que tes talents de médecin nous permettent de revoir tes 44

patients. Il ne manquerait plus que tu les guérisses. Ils seraient assez ingrats pour ne pas 45

revenir. 46

Armand : Mais enfin Anne-Sophie ! La médecine est un art et non un commerce. 47

Anne-Sophie : Eh bien fais en sorte que ton art se monnaie car j’ai repéré une petite robe et un 48

manteau en ville de toute beauté. Tu sais Armand, cette robe chasuble de chez Dior (Armand 49

se moquant des explications)… Allez je file… Ah j’oubliais, ce soir nous recevons les Depattre 50

De Massigny. C’est une très belle famille, une branche noble. Ce serait un excellent parti pour 51

Solène. 52

Armand : Comment ça un excellent parti ! Tu n’es pas en train d’imaginer… 53

Anne-Sophie : Allons Armand, je n’imagine rien. Je crée des situations voilà tout. Il est temps 54

pour Solène d’entrer dans le monde. C’est une très jolie jeune fille et j’espère que je vais enfin 55

pouvoir récolter le fruit de l’éducation qu’elle a reçue. 56

Armand : Mais… 57

Anne-Sophie : Ne proteste pas Armand. Si je n’étais pas là… Heureusement que j’ai de 58

l’ambition pour deux dans cette maison… Allez je file… 59

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Anne-Sophie sort en prenant de l’argent en liquide à plusieurs reprises. 60

Armand : Et ma comptabilité ?!!... Un jour on aura des soucis avec nos comptes. 61

Anne-Sophie : Mais ne te tracasse pas. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucun souci. S’il faut 62

déclarer le peu que tu gagnes, avec tous mes frais, alors là, on ne s’en sortirait plus. (En 63

reprenant de l’argent) Ah, j’oubliais la monnaie pour le parcmètre. 64

Armand : En effet cela t’évitera de prendre une prune. 65

Anne-Sophie : Cela ferait déjà un fruit par jour. (Protestation d’Armand) Mais je plaisante ! 66

Figure-toi que j’ai téléchargé une application sur mon Smartphone qui me prévient quand 67

l’heure de parcmètre est dépassée… 68

Armand (Peu attentif) : Ah oui ? 69

Anne-Sophie : Et tu sais comment elle s’appelle ? Parking sonne ! C’est amusant non ! Pour 70

la femme d’un médecin, parking sonne !... 71

Armand (En mimant les tremblements) : Très très amusant… 72

Anne-Sophie sort du cabinet. 73

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Scène 2 – Armand, Ghislaine. 75

Armand est à son bureau où il peut discuter avec Oscar. Il est rêveur. 76

Armand : Parking sonne ! T’entends ça Oscar ! Non mais vraiment, où on va ? 77

Ghislaine entre dans le cabinet. 78

Ghislaine (d’une voix suave): Bonjour docteur Lebon, le bon docteur Lebon. 79

Armand : Bonjour Ghislaine. 80

Ghislaine a pris les rendez-vous le matin pour l’après midi car ce jour le cabinet est ouvert 81

uniquement l’après-midi 82

Ghislaine : Vous allez bien docteur, votre cours s’est bien passé ? Vous avez bien « putté » ? 83

Armand : Je vous demande pardon Ghislaine ? 84

Ghislaine : C’est comme ça qu’on dit au golf, « putter ». Non ? 85

Armand : Ah oui oui, pour putter j’ai putté. Avouez Ghislaine que c’est une expression bizarre. 86

Putter une balle pour un faire un trou. Alors que dans la nature c’est l’inverse .... Hein 87

Ghislaine ? 88

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Ghislaine : Comment ça ? 89

Armand : Mais enfin Ghislaine, dans la nature, c’est le trou de balle qui fait putter… 90

Ghislaine : Ah ! Oui, oui. 91

Armand : reprenant son sérieux Maintenant annoncez-moi les rendez-vous de l’après midi. 92

Ghislaine : C’est la pleine saison de la gastroentérite docteur, et cette année semble être une 93

bonne année, une excellente année (à adapter en fonction). Il faut dire que toutes les 94

conditions sont réunies : froid, humidité, et nourriture pas terrible… 95

Armand : Allons Ghislaine ! Ne confondez pas gastroentérite et gastronomie.la racine 96

étymologique est identique Il s’agit en l’occurrence d’une épidémie et pas d’un millésime. 97

Ghislaine : Oui docteur vous avez raison. Mais chaque année elle revient à heure fixe. Comme 98

le Beaujolais nouveau, sauf que ceux qui y goutent dégustent vraiment ! (Elle rit.) 99

Armand : Allons Ghislaine un peu de sérieux ! C’est un cabinet médical ici, pas un cirque. Bon, 100

à part ça on a quoi au menu ? Ah vous voyez, vous me faites dire des bêtises. 101

Ghislaine : Alors… Nous avons Mme Lecornu. 102

Armand : Encore ! Elle est déjà passée hier. 103

Ghislaine : Et elle repassera demain. Ah ça ! Si la carte de fidélité existait, elle serait vite 104

remplie avec elle. 105

Armand : Mais enfin Ghislaine ! Elle est hypocondriaque. 106

Ghislaine : Elle a peur des chevaux ? 107

Armand : Non ! Elle a peur d’être malade. Elle est malade d’être malade. 108

Ghislaine : Pour être malade ça elle l’est. Et ça s’appelle comment déjà ? 109

Armand : Hypocondriaque. De hypo et … C’est du grec. 110

Ghislaine : Vous m’auriez dit du latin… C’est du pareil au même… 111

Armand : Bref ! Qui d’autre ? 112

Ghislaine : Un couple. M et Mme Sanchez, Ramirez, je ne sais plus. 113

Armand : Merci Ghislaine. Et c’est tout ? 114

Ghislaine : Plus tous ceux qui viendront en courant sans rendez-vous... 115

Armand : En courant ? 116

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Ghislaine : Je devrais dire « en courante », à cause de la gastro. (Elle rit). 117

Armand : Enfin Ghislaine, on est au cabinet… rire encore plus 118

Ghislaine continue de rire. 119

Armand : Médical Ghislaine, cabinet mé-di-cal ! Et puis allez donc faire mon petit café. 120

Ghislaine : Ah oui ! Le petit qu’a fait dans sa culotte… 121

Armand : Allons Ghislaine ! En pleine épidémie de gastro ! Evitez-nous ces allusions 122

graveleuses et scatologiques. 123

Ghislaine sort. 124

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Scène 3 – Ghislaine, Patricia, Armand. 126

Ghislaine arrive avec le café et annonce la première patiente. 127

Ghislaine : Mme Lecornu ! 128

Patricia (Elle entre en trombe dans le cabinet très énervée, haletante): Ah docteur, docteur ! Je 129

ne me sens pas bien. Je ne me sens vraiment pas bien, pas bien du tout. En fait, je me sens 130

mal, très mal. Je crois bien que c’est la fin ! (en montrant le squelette) J’ai mal là, et là, et là 131

aussi, et peut-être là, et encore là. Ah non, pas là. Mais ça va pas tarder. Bref, docteur : (Sur 132

l’air de Serge Lama) je suis malade, complètement malade ! 133

Armand : Je ne soigne pas les lamas, moi madame. (Reprenant son sérieux) Bien ! Calmez-134

vous, je vais vous ausculter. (Il pose le stéthoscope sur le front)Dites 33. 135

Patricia : Vous le posez sur le front ? 136

Armand (se rendant compte de son erreur): Ah ! Oui. (Cherchant une excuse) C’est tout 137

nouveau, c’est une nouvelle méthode. Cela nous vient des states, des Etats-Unis d’Amérique. 138

Patricia : C’est rassurant si ça vient des States ! 139

Armand (En s’amusant) : Oui, madame Lecornu, ceci n’est pas un stéthoscope ordinaire. C’est 140

un State Hoscope Américain. (Reprenant son explication loufoque) Vous voyez Madame 141

Lecornu, votre cerveau est un peu comme un disque dur qui garderait en mémoire toutes les 142

informations de votre corps. Et moi je me branche sur votre disque dur. 143

Patricia : Ils sont forts ces Américains… 144

Armand : (En replaçant le stéthoscope sur le front.) Dites 33. 145

Patricia : Mais pourquoi 33 docteur ? 146

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Armand : C’est ( cherchant une explication plausible) le code d’accès. Dites 33. 147

Patricia (Admirative) : Oh ça alors ! (En détachant les syllabes) Tren-te-trois. 148

Armand : Encore. 149

Patricia (En détachant les syllabes) : En-core. 150

Armand : Pardon ? 151

Patricia (En détachant les syllabes) : Pardon. 152

Armand : Mais non Mme Lecornu ! Dites uniquement 33 ! Vous brouillez l’écoute. Respirez, 153

maintenant. (Patricia respire bruyamment.) Ne respirez plus. (Patricia s’exécute au risque de 154

s’étouffer. Armand oublie de lui dire de respirer normalement, il s’en aperçoit enfin.) Mais 155

respirez, Madame Lecornu. Vous n’allez quand même pas me faire un malaise au cabinet ! 156

Patricia : Enfin, vous me porteriez les premiers secours, non ! Vous êtes docteur quand 157

même ! 158

Armand : Mais justement madame Lecornu, imaginez que vous ayez un malaise au cabinet… 159

Pour vous cela ne change rien, vous avez toujours votre malaise. Mais pour moi, c’est 160

embêtant si je n’arrive pas à … 161

Patricia (Le coupant) : A me guérir, c’est bien ça ? Alors docteur ! Ne me cachez rien ! C’est fini 162

n’est-ce pas ? Il me reste combien temps docteur ? Dites-le moi (dans un cri ou un râle) ! Dites-163

moi ! J’en ai pour combien ?... Répondez-moi sans détour… Pour combien ?... 164

Armand : 23. 165

Patricia : Pardon ? 23 de tension, mais c’est affreux ! 166

Armand : Mais non, vous en avez pour 23 euros de consultation. 167

Patricia : C’est tout ? Et pour 23 euros, j’ai quoi comme maladie docteur ? 168

Armand : Ce que vous voulez Madame Lecornu, ce que vous voulez comme maladie. (lui 169

tendant le Vidal) C’est le catalogue, consultez-le Madame Lecornu. Il y a des nouveautés cette 170

année. ( en liquide comme d'habitude ) 171

Patricia paie et s’apprête à sortir, vexée, au moment où entre Anne-Sophie. 172

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Scène 4 – Anne-Sophie, Armand. 174

Anne-Sophie : Bonjour Mme Lecornu, ça va ? (Regard interrogatif et plaintif de Patricia) Ah 175

ben non évidemment, ça ne va pas … Bonne journée quand même, et à très très vite. 176

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Patricia sort. 177

Anne-Sophie (S’adressant à son mari): Ah ! Voilà une bonne cliente Armand, fidèle et pas 178

compliquée. L’important n’est pas de savoir ce qu’elle a, mais de savoir la garder malade le 179

plus longtemps possible pour qu’elle revienne souvent. Au fait Armand, sais-tu ce qu’elle a ? 180

Armand : En médecine lorsque l’on ne sait pas, on dit que c’est psychologique. Pour Mme 181

Lecornu c’est psychologique !... Mais, déjà revenue ma chérie ? Le magasin était fermé ? 182

Anne-Sophie : Non. J’avais oublié ma carte de fidélité. 183

Armand : Ah oui. Je me disais aussi. 184

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Scène 5 – Solène, Armand, Anne-Sophie. 186

Entrée de Solène. 187

Solène : Bonjour tout le monde. 188

Armand : Bonjour ma chérie. 189

Anne-Sophie : Ah Solène ! Ma chérie, ma perle. Tu tombes bien ! Ce soir nous recevons les 190

Depattre de Massigny. 191

Solène : Qui ça ? 192

Anne-Sophie : Enfin Solène, les Depattre de Massigny … Les DE-PATTRE-DE-MA-SSI-GNY 193

qui descendent… 194

Armand (La coupant) : Des escaliers ? (Il éclate de rire.) 195

Anne-Sophie : Mais non, des Depattre et des Massigny. Je t’en prie Armand, ne plaisante pas, 196

c’est important. 197

Solène : Et alors ? En quoi cela me concerne tes 2 pattes ? 198

Anne-Sophie : DE-PATTRE, ma chérie, DE-PA-TTRE ! Cela te concerne au plus haut point. 199

Ton père et moi nous voudrions te présenter leur fils, Jean-Eudes… 200

Armand : Surtout ta mère. 201

Anne-Sophie : Voyons Armand ! 202

Solène : Me présenter Jean-Eu… Comment déjà ? 203

Anne-Sophie : Jean-EUUUDES. Solène, tu le fais exprès ou quoi ? 204

Solène : Encore un fils à papa boutonneux et niais ?! 205

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Anne-Sophie : Mais pas du tout ! 206

Solène : Ah oui, alors il est comment physiquement ? 207

Anne-Sophie : Il est …il est … militaire ! 208

Solène : C’est pas ce que je te demande, maman, physiquement, il est comment ?C’est 209

important. 210

Anne-Sophie : Important, important. Ce n’est pas l’essentiel, regarde ton père. 211

Solène : Oh maman ! Pour moi, c’est important. Donc il est comment ? 212

Anne-Sophie : Physiquement, il est militaire… Il est physiquement militaire. 213

Solène : Ah ! Je vois… Et pourquoi dois-je le rencontrer ? 214

Anne-Sophie : Mais pour le voir, tout simplement, discuter ensemble, échanger, comme le font 215

les jeunes de votre âge. 216

Solène : Ca, du mien, peut-être, mais sûrement pas du sien. 217

Anne-Sophie : Solène ne sois pas insolente ! Il a l’âge de la sagesse, voilà tout. 218

Solène : Ah oui ! Et ça veut dire quoi ? Que je suis de la revue (Elle mime le salut militaire et le 219

garde à vous et se met à bouder.) ?! Un physique de militaire et l’âge de la sagesse… Une 220

gueule cassée quoi ! 221

Anne-Sophie : Enfin ma chérie ! C’est pour ton bien. N’est- ce pas Armand ? (Ce dernier est 222

absent) Armand ?... 223

Armand : Ah oui. Si ta mère le dit. 224

Anne-Sophie : N’est-ce pas, Armand ! 225

Armand : Oui ! Tout à fait (En faisant un clin d’œil à sa fille.). 226

Anne-Sophie : Ah ! Si je ne m’occupe pas de tout dans cette maison… Je compte sur toi 227

Solène pour être à la hauteur de ton éducation. A tout à l’heure. 228

Anne-Sophie sort. La fille et son père restent ensemble dans le cabinet. 229

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Scène 6 – Armand, Solène. 231

Solène va vers le squelette et lui caresse la main en rêvant, un peu triste. 232

Armand : Si tu veux qu’Il devienne ton amoureux ma chérie, j’ai peur qu’il ne soit un peu 233

tard… Pas vrai Oscar ! Cela dit, il fait aussi un peu gueule cassée lui. 234

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Solène : Oui, mais c’est pas pareil. Au moins, lui il n’est pas obligé de rencontrer des gens. 235

Armand : Ah ça, il n’est pas embêtant. Toujours de bonne humeur et il sourit tout le temps. 236

Mais tu as l’air bien songeuse ma petite Solène. Tu as des soucis ? 237

Solène : Non. Enfin, je ne sais pas. 238

Armand : Tu peux me parler tu sais. Je suis lié par le secret médical. 239

Solène : Oui, je sais mon petit papa. Mais je ne sais pas trop ce qui m’arrive. 240

Armand : Oh là là ! En médecine quand on ne sait pas, on dit que c’est psychologique. Mais 241

dans ton cas, c’est peut être autre chose. Tu veux que l’on en parle ? 242

Solène : C’est maman et son diner. J’ai l’impression qu’elle veut me caser. Et moi j’ai besoin 243

de liberté, pas de cases… 244

Armand : Tu sais ma chérie, Jean-Jacques Rousseau disait : « la liberté de l’homme consiste à 245

ne jamais faire ce qu’il ne veut pas ». Et moi j’ajoute : « et à toujours faire ce que sa femme lui 246

demande ». 247

Solène : Ah oui ? Sa femme peut-être, mais pas sa mère. Et toi papa, ta liberté c’est où ? 248

Armand : Si tu savais ! 249

Solène : Si je savais quoi ? 250

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Scène 7 – Ghislaine, Armand, Solène. 252

Ghislaine entre et annonce la visite d’un autre patient. 253

Ghislaine : Un monsieur demande à voir le docteur. 254

Armand : Solène, ma chérie, peux-tu nous laisser ? Le travail tu comprends… 255

Solène : Mais bien sûr mon papounet, à tout à l’heure. 256

Solène sort. 257

Armand : Vous pouvez le faire entrer Ghislaine. Et vous pourrez me ramener le courrier après 258

ce monsieur. 259

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Scène 8 – Jean-Eudes, Armand. 261

Jean-Eudes entre en uniforme, impeccable, très strict. 262

Il se présente à Armand au garde à vous, un bouquet de fleurs à la main. 263

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Jean-Eudes zozote. 264

Jean-Eudes : Jean-Eudes Edmond Constant Philémon Depattre de Massigny, lieutenant au 265

troisième régiment de dragons, quatrième unité, première section. Pour vous servir. 266

Armand (Se prêtant au jeu et se mettant lui aussi au garde à vous) : Armand Lebon, docteur en 267

médecine,diplomé de la faculté de Montpellier ancien interne des hôpitaux de Colmar, tarif 268

conventionné, secteur 2. Pour vous guérir. En quoi puis-je vous être utile ? 269

Jean-Eudes : Madame Lebon, que j’ai rencontrée au rayon lingerie des Galeries Lafayette… 270

Armand (Amusé) : Vous fréquentez le rayon lingerie des Galeries Lafayette vous ? 271

Jean-Eudes : Oh monsieur Lebon ! En tout bien tout honneur ! J’avais besoin de chaussettes. 272

Armand : Je vous écoute, que me vaut le plaisir de votre visite ? 273

Jean-Eudes : Madame Lebon m’a dit que je pourrais rencontrer votre fille Solène. 274

Armand (Cherchant une excuse pour sa fille) : Ah oui, mais malheureusement Solène est 275

souffrante et elle est partie se reposer. 276

Jean-Eudes : Quel dommage ! Madame Lebon m’avait dit… 277

Armand : Madame Lebon n’est pas médecin, et moi je préfère que Solène se repose. Il serait 278

préférable de différer ce rendez-vous. Voilà ! Je ne vous retiens pas. Vous devez avoir une 279

multitude de choses à faire. 280

Jean-Eudes : Oui bien sûr. Puis-je vous demander de lui donner ces quelques fleurs ? 281

Armand : Mais bien entendu. Je ne vous raccompagne pas, j’attends des patients. 282

Jean-Eudes s’incline en claquant des talons, et sort. Armand fait de même. 283

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Scène 9 – Armand, Ghislaine. 285

Armand (Appelant par la porte) : Ghislaine, vous pouvez venir mon petit ? 286

Ghislaine (Voix off): J’arrive, j’arrive tout de suite. 287

Ghislaine entre dans le cabinet, Armand lui tend tout de suite les fleurs. Réaction gênée et 288

amoureuse de Ghislaine. 289

Armand (Sans la regarder) : Prenez ces fleurs, Ghislaine. 290

Ghislaine (Au bord de l’extase) : Oh merci docteur. Je vais rougir. Quelle délicate attention. Oh 291

mais il ne fallait pas. C’est trop. Mais pourquoi ? 292

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Armand : Pour mettre dans la salle d’attente, voyons. 293

Mine défaite de Ghislaine qui sort, et revient aussitôt avec le courrier dans les mains. Ghislaine 294

jette le courrier nonchalamment sur le bureau, Armand la regarde, étonné de ce comportement, 295

Ghislaine se reprend aussitôt. 296

Ghislaine (Sur un ton adouci) : Voilà le courrier docteur. 297

Armand : Voyons ce que nous avons… (Il énumère les différents ouvrages.) Il faudrait quand 298

même qu’Anne-Sophie arrête de mettre ses abonnements au nom du cabinet. Un jour on aura 299

des histoires avec ça. 300

Ghislaine : Et playboy docteur, c’est à quel usage ? Et pour qui ? 301

Armand : Ah ne vous méprenez pas Ghislaine ! Cet ouvrage, sous son air un peu léger j’en 302

conviens est destiné à maintenir mes connaissances en anatomie. Ca change tellement vite ! 303

Tous les mois un nouveau modèle, il faut se tenir au courant. Et rassurez-vous Ghislaine, je ne 304

lis pas ces articles odieux et concupiscents. Je m'interresse uniquement aux planches 305

anatomiques. 306

Ghislaine : (Pas dupe) Oui bien sûr, de l’anatomie… 307

Armand : tout en regardant le magasine A ce propos Ghislaine, vous connaissez la différence 308

entre un chirurgien et un playboy ? 309

Ghislaine : Non. 310

Armand : (En riant) Le chirurgien ampute les jambes, alors que le playboy enjambe les P…. 311

Ghislaine : Oh docteur ! Vous êtes coquin ! Vous sembliez bien rêveur pourtant quand je suis 312

entrée… 313

Armand : C’est Solène. Elle a grandi non ! C’est une jolie jeune fille à présent. Elle semble 314

soucieuse. Elle ne vous a rien dit ? Vous êtes un peu sa confidente, non ? 315

Ghislaine : Oh moi docteur, je suis comme Oscar. J’entends tout, mais je ne raconte rien. 316

Armand : Sauf qu’avec Oscar, on arrive à voir à travers. Alors qu’avec vous… 317

Ghislaine : Vaut mieux donner envie que pitié… pas vrai ? 318

Armand : Mais pour Solène ? 319

Ghislaine : Elle est peut-être amoureuse !... 320

Armand : Comment ça amoureuse ! Mais elle peut pas être amoureuse voyons elle est trop 321

jeune ! Elle ne peut pas être amoureuse ! 322

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Ghislaine : Mais si pourquoi pas ? Il n’y a pas d’âge pour ça. (Regard coquin vers le docteur.) 323

Armand : Ah ça non ! En tout cas sûrement pas de ce Jean-Eudes ! 324

Ghislaine : Tiens, c’est quoi ce courrier du ministère des finances ? 325

Armand : Du ministère des finances ? Faites voir. (Armand ouvre le courrier fébrilement et le 326

lit.) 327

-« Monsieur … en vertu du code des impôts … et que depuis le 06 mai 2012 le changement 328

c’est maintenant … Vous avez été tiré au sort pour être contrôlé… Nous ne doutons pas que 329

votre comptabilité ne souffre d’aucune inexactitude et que ce contrôle ne sera qu’une simple 330

formalité. Nous vous remercions de réserver le meilleur accueil au représentant qui se 331

présentera à votre cabinet. » hausser le ton de la voix au cours du monologue 332

Là Oscar, je crois que l’on a un os !… Evidemment, toi tu as l’habitude. Mais un contrôle fiscal ! 333

Ghislaine, un contrôle fiscal ! Je suis foutu moi ! Vous vous rendez compte, un contrôle fiscal ! 334

Ghislaine : C’est quoi les symptômes du contrôle fiscal docteur ? 335

Armand : Ca commence toujours par des mots, d’abord légers sans importance, puis ces mots 336

deviennent plus insistants, plus inquisiteurs, puis après les lettres de plus en plus sèches, et 337

enfin les chiffres de plus en plus gros. 338

Ghislaine : Ah oui, c’est comme le jeu des chiffres et des lettres. Il faut trouver le bon mot et le 339

bon compte. 340

Armand : Sauf que pour moi ce sera des maux de tête, et c’est mon compte qui sera bon ! 341

Vous allez me ressortir tous les documents comptables du cabinet depuis dix ans. 342

Ghislaine : Ca promet ! 343

Armand : Ca promet surtout d’être violent ! Vous savez Ghislaine, le contrôle fiscal est au 344

médecin ce que la hernie discale est au malade. Au début, tout se passe bien, puis un jour on 345

se retrouve coincé, et c’est douloureux ! Et après, les opérations, les opérations… 346

Ghislaine : Ah bon, il y a des opérations ? 347

Armand : Mais oui, Ghislaine, des opérations d’addition, et même de multiplication. Et après 348

l’opération il faut rééduquer. Ah là là ! Un contrôle discal… 349

Ghislaine : Non docteur, fiscal. 350

Armand : Oh oui fiscal ! J’ai déjà mal au dos. 351

Il sort en répétant fiscal en se tenant le dos. 352

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RIDEAU 354

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ACTE II 356

Scène 1- Ghislaine seule. 357

Le rideau s’ouvre. Ghislaine prépare le café, et en attendant, feuillette les magazines. Elle 358

s’assoit dans le fauteuil du docteur. 359

Ghislaine : « Modes et travaux, Marie Claire, Lui, Elle, Nous deux, ….le nouveau détective ? 360

Ah c’était pour leur oncle Bernard qui est décédé, ils auraient pu annuler l’abonnement. Mais 361

c’est vrai que les économies ici, ils connaissent pas... Play Boy ! (l’air moqueur) Ah, c’est 362

vrai…. les cours d’Anatomie ! 363

Elle s’assoit sur la table d’auscultation, jambes croisées et fait un test, prenant le public à 364

témoin. 365

Ghislaine : Alors, un psycho-test, j’adore. « Êtes-vous amoureuse de votre patron ? ». 366

Question 1 : Que faites-vous dès que vous arrivez au travail ? A : vous allez au WC, B : Vous 367

prenez un café C : Vous préparez le café de votre patron. Réponse C ! Évidemment, ça fait 20 368

ans ! Question 2 : Votre patron ne vous a pas augmenté depuis longtemps, A) Vous faites avec, 369

c’est la crise. Mouais….B) vous vous vengez en lui déclenchant un contrôle fiscal ! Quoi, mais, 370

c’est pas moi !!! C) Vous lui pardonnez. Bah, C), quand on aime….on pardonne. Question 3 : 371

Que pensez-vous de la femme de votre patron ? A) Vous voudriez être à sa place. Non, surtout 372

pas, avec sa culotte de cheval ! B) Vous voudriez la tuer ? Ah, pourquoi pas (prenant le coupe 373

papier) ? Je l’aime pas, avec ses manières, sa façon de rabaisser Armand, ah si elle était là, je 374

la, je la (Anne-Sophie entre, elle repose le coupe papier discrètement). 375

376

Scène 2 - Ghislaine, Anne-Sophie, Armand. 377

Anne-Sophie (Sur un air un peu appuyé) : Bonjour, Bonjour Ghislaine, comment allez-vous ? 378

Ghislaine : Ah c’est gentil de prendre des nouvelles ! 379

Anne-Sophie : Ah vous savez, mes parents m’ont appris à toujours dire bonjour aux petites 380

gens, sinon … ils se vexent. 381

Ghislaine sort, vexée en marmonnant. 382

Anne-Sophie prend des sous dans la caisse, trie le courrier et les magazines. 383

Anne-Sophie : Je prends quelques billets pour payer la manucure et l’esthéticienne… Après 384

tout, c’est pour te plaire que je fais tout ça Armand. J’espère que tu en es conscient. De toute 385

façon, tu as monté ce cabinet avec l’argent de papa… Il est juste que j’en prenne un peu. C’est 386

une forme de retour sur investissement en quelque sorte. Et moi, je sauvegarde mon capital. 387

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Armand (Inquiet) : D’ailleurs chérie, il faudrait que je te parle de quelque chose… 388

Anne-Sophie : Ah mes magazines, très bien. Oh, on a encore oublié de faire annuler 389

l’abonnement de ton oncle Bernard au Nouveau détective. Lui qui a été tué par des voyous il y 390

a plus de 10 ans, il serait temps… 391

Armand (Inquiet) : D’ailleurs chérie, il faudrait vraiment que je te parle… 392

Anne-Sophie (Voyant une lettre des impôts) : Qu’est-ce que c’est que... ça ? 393

Armand (Inquiet) : Oui, ma chérie, je voulais… 394

Anne-Sophie : Ministère des finances… code des impôts… le changement c’est maintenant… 395

Comment ça tiré au sort pour un contrôle ? Alors là, Armand, Bravo ! Tiré au sort, nous qui ne 396

gagnons jamais rien à la tombola annuelle des médecins généralistes du canton ! Et là, bingo ! 397

Le gros lot ! Ca tombe sur toi ! 398

Armand : comme on dit Malheureux au jeu, heureux en amour… Enfin, pas toujours ! 399

Anne-Sophie : Pardon ? 400

Armand : Non Anne-Sophie, je disais on n’a pas de veine mon amour. 401

Anne-Sophie : Pas de veine, pas de veine ! Elle est bonne celle-là !Quand je pense que tu 402

voulais devenir angiologue, mais qu’est-ce que ça veut dire, mais c’est pas possible ! Tiré au 403

sort ! (Elle cache l’argent dans sa poche nerveusement). Mes tableaux… Mes bibelots… Oh ! 404

Mes lolos ! 405

Se tenant la poitrine, elle sort. 406

Armand (En mimant la poitrine de sa femme): Parce que ça aussi ça a été mis sur le compte 407

du cabinet… 408

409

Scène 3 – Armand, Ghislaine, Maria, Manuel. 410

Ghislaine entre et fait entrer les deux patients, elle se met derrière le bureau. 411

Ghislaine : Docteur, votre premier rendez-vous est arrivé. 412

Armand (Sur un ton enfantin) : Et qui c’est ? 413

Ghislaine (Montrant Maria) : Monsieur Manuel Pereira da Costa. 414

Maria : Non, moi ché Madame. 415

Ghislaine : Oupsh, pardon, ça doit être la moustache. Alors monsieur manuel Pereira da Costa 416

et … 417

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Maria : …Maria Shanchez da coshta Pereira. 418

Armand : Cha va chamais rentrer dans les cages de la feuille de soins de la chécu… Bon allez, 419

reprenons notre sérieux, qu’est-ce qui vous amène, messieurs dames ? 420

Maria : Je crois qué mon mari, il a beshoin d’un redressement dichcal. 421

Armand (Enervé) : Un redressement fiscal ? 422

Ghislaine (De loin) : Discal, docteur, discal. Non redressement discal, dans – le - dos. 423

Manuel : Voui, parche que on n’arrive pas à avoir d’enfant, alors… 424

Armand : C’est peut-être un problème congénital ? 425

Manuel : Doctor, Maria elle dit que c’est pas congénital, c’est quand j’ai trop bu. 426

Maria (Dominatrice) : TU, n’arrives pas à me faire un enfant. Alors, on se demande chi ché pas 427

un problème de dos quand on quand on… 428

Armand : Ah vous pensez d’abord au dos vous ? Bon on va voir ça, installez-vous. 429

Ils s’assoient l’un a côté de l’autre sur la table. 430

Armand (Prend son stéthoscope et le pose sur le front de Manuel) : Dites 33 ! 431

Maria : 33 ! 432

Armand (Prend son stéthoscope et le pose sur le front de Maria) : Dites 33 ! 433

Manuel : 33. 434

Armand : Et ben ça promet pour la suite… (À Manuel) Vous avez souvent mal au dos ? 435

Manuel : Vouis très chouvent, churtout quand je suis au pied du mur et que je me lève. 436

Armand : Ah je vois. Vous n’en pouvez plus. Vous êtes au bout du rouleau. 437

Manuel : Non, pas au bout du rouleau. Je suis au pied du mur, je chuis machon. 438

Armand (A Manuel) : On va vérifier les réflexes. 439

Il tape sur le genou de Manuel, le bras de Maria se lève automatiquement. 440

Armand (Surpris, vers le public) : Tiens donc ? 441

Il tape sur le coude de Maria, le genou de Manuel se lève. 442

Armand : Je vois, vous avez un problème de cubitus. 443

Maria : De coubitouche ? 444

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Ghislaine (De loin) : Non de tibia, docteur. 445

Armand : Ah oui de tibia, je les confonds toujours ces deux-là. Il vous faudrait peut-être… 446

Ghislaine : Une piqûre anti-inflammatoire peut-être ? 447

Armand : Vous avez raison, c’est bien ça. C’est une excellente idée. Il faut aller en préparer, 448

vous me donnez un coup de main ? 449

Ghislaine : Oh oui docteur. 450

Ils sortent. 451

452

Scène 4 - Maria, Manuel, Patricia. 453

Patricia, entrant brutalement, sans se rendre compte que le doc n’est pas là. 454

Patricia : Docteur ! Docteur ! Docteur ! Rendez-vous compte, ce matin, j’ai trouvé un cheveu 455

sur mon oreiller ! Je me suis dit ça y est je vais devenir chauve… je me suis dit que ça pouvait 456

être une réaction médicamenteuse, du coup j’ai sorti tous mes médicaments pour vérifier, et là, 457

… rien, j’ai rien trouvé. Je me suis dit que ce n’était pas normal de ne rien trouver. A notre 458

époque, avec la science, on trouve toujours une maladie. On la soigne pas, mais on la trouve. 459

Du coup je viens vous voir pour… Elle se retourne et voit les Sanchez. 460

Manuel et Maria : Bonchour madame, le docteur il est pas là. 461

Patricia (Enervée) : Ah, Ah bon. Mais il n’est pas encore parti en vacances au moins, j’ai 462

besoin de lui aujourd’hui, et même, tout de suite, mon état pourrait s’aggraver très vite ! Et vous 463

vous venez pourquoi ? (Inquiète) Vous n’êtes pas contagieux au moins ? 464

Maria : Nous on vient pour faire un bébé… 465

Patricia : Et vous avez besoin du docteur pour ça ? 466

Patricia s’assoit au bureau. 467

Maria : Ben oui ché compliqué, Manuel il a mal au dos. 468

Manuel : Ché a force de porter de lourdes charges. 469

Maria : Chout, té toi, c’est de ta faute, un point ché tout. 470

Manuel : Mais ma petite caille, tu ché bien que je t’aime et que je ferai tout pour te rendre 471

heureuge. Il ne manque plus qu’un bébé qui te rechemblerait pour combler ma vie de bonheur. 472

Maria : Tou parles, tout parles, mais c’est quand même de ta faute. 473

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Patricia : Je vois, je vois. Je crois que je sais ce qu’il vous faut. Vous allez prendre prolifon, 8 474

fois par jour, en espaçant les prises de 6 heures quinze minutes, sinon ça ne marche pas, 475

croyez-moi, j’ai déjà essayé. Quant à vous, Madame, vous devriez prendre du Ploufragan 3000, 476

les lundi, mercredi et vendredi. Pour compléter, le mardi, le jeudi et le samedi, vous ferez une 477

cure de Quantussi 1000. 478

Maria : Quantouchi ? Ché pour le transit intechtinal ? 479

Manuel : Mais non, Quantussi 1000, c’est pour quand tu simules… 480

Patricia : Oui c’est à peu près ça…Et si ça ne marche pas, revenez me voir, voilà ma carte. 481

Elle les reconduit à la porte et court sur la table d’auscultation en gémissant. 482

Patricia : Ah ! Ah ! J’ai mal, j’ai mal ! 483

484

Scène 5 - Armand, Patricia. 485

Armand rentre, avec la secrétaire qui pose quelque chose 486

sur le bureau et repart au secrétariat. 487

Armand : Voilà, voilà ! 488

Il ne fait pas attention, il fait la piqûre de Manuel à Patricia. 489

Patricia : Aïe. Vous croyez que ça va marcher ? 490

Armand : Oui, oui, ça c’est fait ! (Il se rend compte de son erreur, reste hébété quelques 491

secondes, puis se reprenant.) Je vous fais une feuille de soins tout de suite. 492

493

Scène 6 – Anne-Sophie, Patricia, Armand. 494

Entrée d’Anne-Sophie 495

Anne-Sophie (A Patricia) : Bonjour madame Lecornu, excusez-moi de vous déranger, j’ai des 496

affaires de la plus haute importance à régler avec mon mari. 497

Patricia : Faites donc, j’ai tout mon temps. 498

Anne-Sophie : Armand, je ne retrouve pas la seringue de fortifiant pour les poils du chien que 499

j’avais mis dans le frigo. Elle est orange. Tu ne l’aurais pas vue quelque part ? 500

Armand, s’apercevant de sa bévue, cache la seringue. 501

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Anne-Sophie : Ah, je voulais aussi te dire que Jean-Eudes Depattre de Massigny est vraiment 502

impatient de rencontrer Solène. Ah ça ! Il serait vraiment un bon parti tu sais. 503

Armand : Oui, je sais. Il est passé hier avec des fleurs. 504

Anne-Sophie : Avec des fleurs et tu ne m’as rien dit ? 505

Armand : Je n’allais pas évoquer cela devant ses parents pendant le diner, et puis de toute 506

façon, Solène était sortie, il ne l’a pas vue. 507

Anne-Sophie : Bon, ce n’est que partie remise. Elle ne perd rien pour attendre. Elle finira par le 508

rencontrer qu’elle le veuille ou non. (Plus bas) Et puis, euh, a propos du contrôle… j’ai caché 509

les tableaux dans la benne à bordure, et je vais prendre aussi le Picasso. 510

Armand : Mais c’est une reproduction, il est signé Picasseau E-A-U et il n’a aucune valeur. 511

Anne-Sophie : Oh pour le fisc, Picasso E-A-U ou O, c’est toujours phonétiquement Picasso ! 512

Alors on ne sait jamais. Les vases de Sèvres sont enterrés sous les géraniums, et j’ai mis les 513

bronzes chinois dans le caveau du cimetière, j’avais d’abord pensé aux toilettes, mais je 514

n’arrivais pas à les couler. Je vais refiler les clés du bateau au voisin. Je l’attends de pied 515

ferme, ce contrôleur. 516

517

Scène 7 – Ghislaine, Thomas, Armand, Anne-Sophie, Patricia. 518

Ghislaine entre. 519

Ghislaine : Excusez-moi de vous déranger, mais monsieur Bercy, le dernier patient est arrivé 520

pour son rendez-vous. 521

Thomas : Bonjour Docteur, je viens pour un contrôle. 522

Armand pousse Patricia et installe Thomas sur la table, stéthoscope sur le front. 523

Armand : Dites 33. 524

Thomas : Excusez-moi, il doit y avoir un malentendu, je viens pour un contrôle… fiscal. 525

Anne-Sophie : Ah ! Vous êtes déjà là… je vous laisse, je dois… régler... quelques détails. 526

Elle sort précipitamment. 527

Thomas : Je me présente. Thomas Bercy, du ministère des finances à Bercy (essayant de faire 528

de l’humour) Thomas Bercy de Bercy. 529

Armand (ne comprend pas) : ??? 530

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Thomas : Laissez tomber, c’est de l’humour. Je vais essayer d’aller vite. Vous avez dû recevoir 531

un courrier du ministère annonçant ma venue. Je suppose que votre comptabilité est exempte 532

de tout reproche et que vous n’avez rien à cacher. Et vous connaissez la devise de notre 533

Ministre : « A l’impôt, cible, on est tenu. » 534

Armand : Absolument monsieur Bercy. 535

Thomas : Alors monsieur Lebon, rien de caché ? Rien mis de côté ? Tout est clair et net ? 536

Armand (Troublé) : Fout à tait, tout est nair et clet. (Se reprenant) Tout à fait, tout est clair et 537

net. 538

Thomas (Fouinant dans les dossiers) : Parfait. Je n’en doutais pas. Je ne vais donc pas rester 539

longtemps. Ce ne sera pour vous qu’une simple formalité. Toutefois, en cas de contestation, je 540

dois vous informer… 541

Armand : Ah ? Ca arrive que l’on conteste ? 542

Thomas : Parfois ! Mais ce n’est pas conseillé. En cas de contestation, les bureaux des 543

recettes sont ouverts de 9 h à midi et de 14 h à 16 h , à l’exception des dimanches et jours 544

fériés, du samedi après-midi, et de l’après-midi du dernier jour ouvrable précédant le 26 de 545

chacun des 11 mois et du dernier jour ouvrable de décembre. 546

Armand : Comme ça, c’est clair M. Bercy ! Et si tout est clair, comme c’est le cas, on peut 547

espérer sans doute une baisse d’impôt à l’horizon ? 548

Thomas : Docteur, l’horizon est une ligne imaginaire qui recule au fur que l’on avance… Il me 549

faudra un endroit où m’installer, une prise de courant pour mon portable et une connexion 550

internet… et bien sûr toutes vos archives, factures, documents comptables, etc, depuis 10 ans. 551

Armand défaille. 552

Patricia : Docteur, vous n’êtes pas bien, bougez pas, j’ai du Tout-tranquille 500. 553

Elle lui fait avaler de force le comprimé, réaction médicamenteuse et physique immédiate : 554

Armand a l’air de planer. 555

Pendant ce temps, Thomas s’installe dans un coin sur une desserte et commence à pianoter 556

sur son portable. 557

558

Scène 8 - Jean-Eudes, Armand, Patricia, Thomas. 559

Jean-Eudes entre, en grand uniforme avec le même bouquet de fleurs. 560

Jetant un coup d’œil dans la pièce, il file s’agenouiller au pied d’Armand, montrant Patricia. 561

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Jean-Eudes : Monsieur, Moi, Jean-Eudes-Edmond-Constant-Philémon Depattre de Massigny, 562

lieutenant au troisième régiment de dragon, quatrième unité, première section. Pour vous servir. 563

Armand (Sous l’effet du médicament) : Ah oui que puis-je pour vous ? 564

Jean-Eudes : Monsieur Lebon j’ai l’honneur de vous demander la main de mademoiselle, ici 565

présente. 566

Patricia (Sous le charme) : Moi, moi, mais, je, je… 567

Jean-Eudes (Solennellement) : Oui vous. Ah vous ressemblez tellement à votre môman que je 568

vous aurai reconnue les yeux fermés entre 1000 femmes. Dès que votre môman m’a parlé de 569

vous, j’ai su de suite que l’amour avait sonné la charge, et s’il fallait partir au combat le sabre à 570

la main… 571

Armand : Le sabre à la main mon cousin !! 572

Jean-Eudes : … Pour conquérir votre cœur, j’enrôlerais mon régiment tout entier pour vous 573

servir, Mademoiselle. Ah quand je vois vos yeux… 574

Armand (En chantant Dany Brillant) : Je suis amoureux !! 575

Jean-Eudes : Quand j’entends ta voix… 576

Armand : Je suis fou de toi !! 577

Thomas Bercy : Et ça fait de belles rimes, ça ferait une belle chanson. C’est brillant ! 578

Armand : Mais, excusez-moi, Jean-Eudes, mademoiselle n’est pas ma fille, c’est juste une 579

cliente, euh une patiente. Vous vouliez sans doute parler à Solène. 580

581

Scène 9 - Anne Sophie, Jean-Eudes, Armand, Patricia, Thomas. 582

Anne-Sophie entre. 583

Jean-Eudes s’agenouille précipitamment devant Anne-Sophie. 584

Jean-Eudes : Madame, moi Jean-Eudes-Edmond-Constant-Philémon Depattre de Massigny, 585

lieutenant au troisième régiment de dragon, quatrième unité, première section pour vous servir, 586

ai l’honneur de vous demander la main de votre fille. 587

Anne-Sophie (Ravie) : Jean-Eudes c’est un honneur, mais il faudrait aussi le demander à 588

Solène. Ecoutez Jean-Eudes, vous permettez que vous appelle Jean-Eudes ? 589

Jean-Eudes : Bien sûr Jolie môman, je veux dire future belle môman. 590

Anne-Sophie : Flatteur, allons attendre dans le salon, je vais aller chercher Solène. 591

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Jean-Eudes sort heureux accompagné d’Anne-Sophie. 592

Armand : Non mais il n’est pas bien ce garçon ! 593

Patricia : Il sait parler aux femmes lui, et puis un militaire c’est rassurant. 594

Thomas (En levant les yeux des dossiers) : C’est surtout moins compliqué que votre 595

comptabilité. 596

Armand (S’adressant à Patricia) : Vous êtes encore là vous, c’est 23 euros. 597

Patricia : En liquide comme d’habitude ? 598

Armand : Enfin Mme Lecornu, comment ça comme d’habitude, par carte vitale ou par chèque 599

uniquement, qu’est ce que cela veut dire Mme Lecornu ? 600

Patricia : Ah bon ! Par chèque alors ? 601

Elle s’exécute et sort. 602

Armand (A Thomas) : Vous vous rendez compte M. Bercy, en liquide ! Imaginez ça pour tous 603

mes patients… 604

Thomas : Oh mais Monsieur Lebon, je ne l’imagine pas, je le devine, je le subodore à travers 605

vos comptes, soyez-en sûr. 606

Armand blêmit et Anne-Sophie entre. 607

Scène 10 – Anne-Sophie, Armand. 608

Anne-Sophie : Eh bien Armand tu en fais une tête, c’est la demande en mariage de Jean-609

Eudes qui te réjouit ? Cache ta joie. 610

Armand : Non c’est la demande de redressement qui arrive. S’il y avait un impôt sur la 611

connerie, les élus s’autofinanceraient et il n’y aurait plus de déficit. 612

Thomas : Je vous demande pardon ? 613

Armand : Je disais à ma femme « à l’impôt-cible on est tenu », et vite. 614

Anne-Sophie : Chaque chose en son temps. Où est Solène ? Je ne la trouve nulle part dans 615

la maison et Jean-Eudes attend au salon. (Elle l’appelle) Solène ? 616

617

Scène 11 – Solène, Anne-Sophie, Armand. 618

Solène (En entrant) : Oui, qu’est ce ? 619

Anne-Sophie : Solène ma petite Solène, ton père et moi… 620

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Armand : Surtout ta mère. 621

Anne-Sophie : Armand enfin, ma petite Solène nous avons une grande nouvelle pour toi. 622

(Interrogation de Solène) Jean-Eudes est là. 623

Solène : Ah oui. 624

Anne-Sophie : Et il est là pour te demander de l’épouser. 625

Solène : Quoi, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? (Thomas lève la tête des dossiers) Mais 626

maman il n’en est pas question. 627

Anne-Sophie : Mais ma chérie Jean-Eudes, qui a rendu d’excellents services… à la nation et 628

qui… est un très beau parti. Je dois avouer que je ne pensais pas qu’il tomberait aussi vite 629

sous ton charme, mais… 630

Solène : Mais quoi, tu ne crois quand même pas que je vais épouser comme ça un garçon que 631

je ne connais pas et qui… (cherchant ses mots) Souffre, comme dit papa, d’une altération 632

majeure des fonctions cognitives supérieures. 633

Anne-Sophie : Comment ça, il souffre d’une altération majeure des fonctions cognitives 634

supérieures ? Ca veut dire quoi Armand ? 635

Armand : Ca veut dire qu’il est con. 636

Thomas : Ca doit être contagieux, mon chef a les mêmes symptômes. 637

Anne-Sophie : Ah bravo Armand ! Ca suffit Solène, tu rencontreras Jean-Eudes que cela te 638

plaise ou non ! 639

Solène : Et bien non ! (Elle sort en claquant la porte.) 640

Anne-Sophie : Mais Armand dis quelque chose ! 641

Armand : Mais, je vais aller lui parler. Occupe-toi de Jean-Eudes. 642

Scène 12 – Jean-Eudes, Armand. 643

Jean-Eudes (Entrant d’un coup) : Elle est pas arrivée Solène ? 644

Armand : Je dirais même qu’elle est repartie ! 645

Jean-Eudes : Ah bon, c’est que je stresse moi en attendant. 646

Armand : Oh mais c’est pas bon le stress pour un militaire. Je vais vous examiner. Dites 33. 647

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