DIDI HUBERMAN, Georges. Science Avec Patience.

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Images Re-vues hors-série 4 (2013) Survivance d'Aby Warburg ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Georges Didi-Huberman Science avec patience ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Georges Didi-Huberman, « Science avec patience », Images Re-vues [En ligne], hors-série 4 | 2013, mis en ligne le 30 janvier 2013, consulté le 15 novembre 2014. URL : http://imagesrevues.revues.org/3024 Éditeur : http://imagesrevues.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://imagesrevues.revues.org/3024 Document généré automatiquement le 15 novembre 2014. Tous droits réservés

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DIDI HUBERMAN, George. Ciência com paciência.

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  • Images Re-vueshors-srie 4 (2013)Survivance d'Aby Warburg

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    Georges Didi-Huberman

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    Georges Didi-Huberman

    Science avec patience1 Le 2 novembre 1918 soit lapproche dune capitulation allemande qui devait mettre fin

    au premier conflit mondial, laissant en Europe pas moins de neuf millions de morts et vingt etun millions de blesss, destropis, de traumatiss , quatre heures du matin, Aby Warburgfut admis durgence dans la clinique du docteur Arnold Lienau, Hambourg, aprs avoir revolver en main, hurlant, hors de lui menac la vie de ses proches et la sienne propre;on lui administra immdiatement toute une srie de substances mdicamenteuses telles quele Pantopon, le Tropfen ou le Veronal1. Mais il en fut de cette crise comme de la guerreelle-mme: ce ntait pas un pisode mais bien un processus, qui devait tenir lhistorien desimages entre les murs de diffrents asiles jusquen 1924. La guerre tait, certes, termine entant qupisode historique; mais la psychomachie mmorielle continuait, avec son poids dedouleurs toujours plus lourdes sur les paules de notre Atlas moderne. Heinrich Embden, lemdecin traitant de Warburg, dcrivait ainsi la chute de 1918:

    De graves symptmes semblent stre manifests dune manire relativementimmdiate lautomne 1918, sous leffet dimpressions produites par notresituation dsespre. (Jtais alors au front.) Comme je lai dj rapportoralement, il croyait quune gouvernante anglaise, amie de sa famille, qui taitreste Hambourg durant les premiers mois de la guerre, avait t lespionneen chef de Lloyd George et que lui, Warburg, serait par consquent renduresponsable de lissue malheureuse de la guerre et puni pour cela. Dune heure lautre, il sattendait une catastrophe (emprisonnement, etc.), et lagitationinhrente un tel complexe conduisit au premier fait marquant de sa psychose il menaa sa famille avec un revolver, pour la prserver du pire en la tuant puis son transfert la clinique. Ici, ses hallucinations, trs vives, ont eu un caractrepresque exclusivement menaant et angoissant. Les voix se tournaient contre luiet contre sa famille. Il entendait que lon tirait des coups de feu sur sa femme etrpondait dans une extrme agitation ses appels au secours. En outre, dlire deprjudice caractre physico-chimique: peur des mtaux et des objets de mtal, cause de linfluence lectrique; peur de lempoisonnement, parce que leau dubain contenait du sublim2 [chlorure de mercure].

    2 Lanamnse clinique rdige le 19 mai 1921 par Heinrich Embden ne laisse aucun doutesur le fait que ce dsastre psychique dAby Warburg se prsentait dabord comme un dsastrede la guerre:

    La guerre plongea W[arburg] dans une agitation dmesure (malos), en partie cause de ses sentiments patriotiques, levs et purs, en partie cause desrpercussions personnelles quelle provoquait en lui. Il eut trs tt une justeintuition des prils, aprs la bataille de la Marne. Il jouait avec lide de sengagercomme interprte, il en parlait beaucoup: Cest un poste o lon peut facilementprendre une balle. Prit des cours dquitation, se munit de bottes de campagneet de gutres, [] essaya, grce de vieilles relations, de travailler pour lapatrie, plus particulirement lInstitut allemand dHistoire de lArt, Florence.[] Pendant les annes de guerre, est devenu toujours plus agit. Assemblaune norme collection de journaux, lisant sept quotidiens, soulignant tout ce quiconcernait lactualit; tout cela fut catalogu, dans une gigantesque cartothque,par un groupe de collaborateurs. Par ailleurs, menait des recherches toujours pluspousses sur la superstition. Pour son principal projet scientifique, la survivancedes modes de pense antiques au Moyen ge, il stait consacr ltude delastrologie, etc. Alors, il glissa peu peu du point de vue de lhistorien versune demi-croyance, puis un comportement superstitieux. [] Il en tait venu se prendre pour un loup-garou. Il croyait ne pouvoir se soustraire des malheursimminents quen tuant sa famille et en se suicidant; il se saisit dun revolver, fut

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    facilement dsarm et, dans les premiers jours de novembre 1918, on le conduisit la clinique du docteur Lienau3.

    3 On sait quaprs les services psychiatriques de Hambourg et dIna, cest la clinique Bellevuede Kreuzlingen quAby Warburg finit par tre admis, le 16 avril 1921, et quil y suivit, sousla responsabilit de Ludwig Binswanger, une longue cure4 marque par la clbre confrencesur Le Rituel du serpent prononce devant un public de savants et de fous lissue delaquelle linterminable psychomachie aura pris le visage dune interminable gurison de lme,cette unendliche Heilung dont Davide Stimilli a voulu intituler sa remarquable dition delhistoire clinique dAby Warburg5. On sait aussi les difficults rencontres par les psychiatrespour nommer la souffrance dont lhistorien tait atteint : Binswanger pronona dabord undiagnostic de schizophrnie qui excluait toute reconstruction intellectuelle du patient ( jetiens quune reprise du travail scientifique est des plus improbable, crivait-il Embden le18 aot 19216), avant de se ranger lopinion mise par Emil Kraepelin, un diagnostic dtatmixte maniaco-dpressif agrment dun pronostic absolument favorable pour le retourau travail de la pense7.

    4 Ces dbats diagnostiques autour du cas de Warburg nous fournissent lindication quele problme de sa folie ne saurait tre rduit lobservation dun dfaut et saconceptualisation smiologique, bref son enchssement unilatral dans le cadre duntableau clinique. Il faut videmment prendre au srieux les approches psychopathologiques subtiles et comprhensives de Binswanger lgard de son patient, mais il faut galementrester lcoute du patient lui-mme en tant qutre pensant. Si Warburg a tant parl depsychomachies dans ses tudes dhistoire culturelle, ne faut-il pas aussi le prendre ausrieux de son dsastre psychique en tant que symptme dune tragdie de la culture qui sejouait au-del de lui, tout autour de lui, depuis le dbut de la Grande Guerre? On sait le rleconsidrable du concept de Denkraum dans luvre de Warburg: cet espace de la pensetour tour construit (dans les rsultats de sa science historique) et dtruit (dans les dcombresde la guerre), reconstruit (dans les images et les fiches de sa cartothque) et redtruit encore(dans leffondrement de novembre 1918)

    5 On saperoit ainsi, lire lhistoire clinique de Warburg, que pas un seul de ses motifsdlirants nest, en fait, sparable des grands paradigmes o sorganisait depuis longtemps sapense historique et philosophique. La folie de Warburg fut donc, dabord, un destin de sonDenkraum. Sa psychomachie, une lutte mene dans lespace de la pense entre les astraet les monstra, les constructions pour recueillir la multiplicit du monde et les explosionsde ce mme monde en millions de cadavres (la guerre relle) et en fantmes efficaces (laguerre dans lme). Ds le dbut de son internement psychiatrique, par exemple, Aby Warburgaura prouv une parent directe et lgitime avec le cas de Friedrich Nietzsche soignquelques annes plus tt par un certain Ludwig Otto Binswanger, loncle de son propremdecin Kreuzlingen8. Nous ne devrons donc pas craindre de reconnatre, lautre boutde ce processus, latlas Mnmosyne lui-mme comme un moment dcisif de cette grandepsychomachie tout la fois singulire et impersonnelle, ce remontage final dun Denkraumdsquilibr par les dsastres de la Grande Guerre.

    6 Ainsi, dans sa longue lettre de 1921 au personnel mdical de la clinique Bellevue un nomprdestin, semble-t-il , Aby Warburg crivait de lui-mme: Ma maladie consiste en ceque je perds la capacit de relier les choses daprs leurs simples rapports de causalit (da ichdie Fhigkeit, die Dinge in ihren einfachen Kausalittsverhltnissen zu verknpfen, verlierte),ce qui se reflte dans le domaine spirituel aussi bien que rel9 Bien quil soit, dans lasuite de cette phrase, question daubergines farcies dune manire indfinissable et dela surinterprtation dlirante qui en pourra rsulter , cest bien le logos mme et lpistmdu grand historien qui snoncent ici en toute lucidit. Mnmosyne nous montre bien, en effet,que le gnie de Warburg consistait justement en ceci quil tait capable de relier les imagespar-del leurs simples rapports de causalit.

    7 Il nest pas fortuit quen 1927, soit une poque dintense travail sur latlas Mnmosyne, AbyWarburg ait consacr un sminaire particulier au gai savoir inquiet de lhistorien. Or, il

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    voulut lincarner dans le binme constitu par Jacob Burckhardt et Friedrich Nietzsche, pour lefocaliser aussitt sur le point mme o linquitude se fait dsquilibre, savoir leffondrementpsychique de Nietzsche en 1889. Cest que, selon Warburg, les historiens ne sauraient trerduits au simple statut de chroniqueurs du temps qui passe: ils sont dabord des rcepteursdondes mnmiques (Auffnger der mnemischen Wellen), [] des sismographes trs sensibles(sehr empfindliche Seismographen) dont tremblent les fondations lorsquils doivent capterlonde et la transmettre; do le risque (Gefhrlichkeit) que comporte [cette] profession,celui dun effondrement pur et simple10. Devant ce danger ou cette inquitude fondamentale,Burckhardt se sera rempar dans une tour divoire faite de livres, dimages et de fiches(comme Warburg dans sa bibliothque); mais Nietzsche, dans la lumire de Turin, aura faitde cette inquitude un dsquilibre fatal, une chute dans la folie (comme Warburg dans sescrises).

    8 Lauteur de Mnmosyne concluait que Burckhardt est un voyant qui parvient demeurerfidle aux grandes lucidits des Lumires, tandis que Nietzsche est un visionnaire du typenabi, lancien prophte qui court travers rues, dchire ses vtements, se lamente et,parfois, entrane le peuple sa suite11. Il est ais de comprendre, en lisant ce sminairesubtilement autobiographique, que Warburg fut tout cela la fois : un voyant du tempsanim par une psychomachie constante des astra (en tant quhomme des Lumires, philologueprcis, collectionneur de livres, de fiches et dimages) avec les monstra (en tant quhommetragique, philosophe inspir, visionnaire hallucin des ondes mnmiques produites parles sismes de lhistoire). Voil pourquoi le rcit clinique dAby Warburg doit lui-mme selire selon la double optique des astra et des monstra, comme si lespace hallucinatoire de sesvisions dlirantes ntait que lexplosion clat devenu clatement dun espace de pensemalgr tout, sa propre vision de lhistoire. Cest--dire une version, mais dmonte, desa connaissance la plus authentique. Nietzsche navait-il pas, ds Aurore, thoris les vertusdune telle connaissance par la souffrance?

    Ltre profondment souffrant jette sur les choses, du fond de son mal, unregard dune pouvantable froideur: tous ces petits enchantements trompeurs aumilieu desquels les choses baignent habituellement lorsquelles sont contemplespar lil dun bien-portant ont disparu pour lui: il gt lui-mme sous son propreregard, sans charme et sans couleur. supposer quil ait vcu jusque-l dansquelque dangereuse rverie, le suprme rappel la ralit de la douleur constituele moyen de larracher cette rverie : et peut-tre le seul moyen. [] Lamonstrueuse tension de lintellect qui veut tenir la douleur en respect fait quetout ce quil regarde dsormais sclaire dune nouvelle lumire ; et lindicibleattrait quexercent toujours les nouveaux clairages est souvent assez puissant pourmettre en chec toutes les tentations du suicide et pour faire paratre hautementdsirable ltre souffrant de continuer vivre12.

    9 Cette faon si vitale de comprendre le savoir du souffrant pourrait, sans peine, sappliquerau cas dAby Warburg. Lorsque en lui le sismographe eut explos, les ondes mnmiquesnavaient plus transiter par livres, images et fiches interposes: elles venaient directementbouleverser son me, sa vision et tous les membres de son corps. Elles le dfiguraient pourcela, sans doute. Mais les traces monstrueuses quelles laissaient sur sa vie consciente nentaient pas moins les traces dune guerre relle et impersonnelle quil ne faisait, aprs tout,que subir et convertir en monstra. Warburg Kreuzlingen fut en ce sens un tre du duende,dans lacception prcise, dionysiaque et spectrale, que devait lui donner Federico Garca Lorcaen le dpouillant de toute protection des Muses13. Clio ntait plus l, en effet, pour assurerWarburg dune clart du rcit. Dans le dsordre temporel disparates, caprices ou dsastres qui lagitait alors, il tait le jouet des rinyes plutt que des Muses, de Dionysos plutt quedApollon, du pathos plutt que du logos. Chacun de ses astra, ses constellations de pense,se dcomposait mis en pices et rvl en mme temps sous ses figures grouillantesde monstra.

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    10 Par exemple, ce qui avait justifi lexceptionnelle et clbre prcision philologique de Warburg le bon Dieu gt dans le dtail se trouva, aprs 1918, livr lexagration paranoaquela plus incontrlable, ce quHeinrich Embden nomma une susceptibilit excessive (bermige Empfindlichkeit) pour les dtails : Il revtait des choses bnignes dunesignification aigu, gigantesque, en en faisant une question de principe14 (eine scharfeund groartige prinzipielle Einkleidung). Dans le mme temps, son profond respect dessingularits ce principe pistmologique si fcond dans son uvre , alli au leitmotiv dela survivance, lui faisait voir une me dans chaque chose, si modeste ft-elle: Chaque petitpois, chaque pomme de terre, chaque haricot est lme dun homme15. Faon dtre rattrappar cet animisme quil avait si souvent tudi dun point de vue anthropologique, des Grecsanciens jusqu la Renaissance en passant par les Indiens Hopi. Plus de Muses, donc, mais desPsychs partout: cest ainsi que Binswanger, le 2 juillet 1921, consigne dans ses notes queWarburg sagite, le soir, lorsque des papillons de nuit, attirs par la lumire, volettent danssa chambre. A peur quils ne soient tus par le gardien et nen dort pas pendant des heures;fait part de sa douleur aux papillons16. Et, en date du 10 aot:

    [Warburg] sest invent un culte avec les petits papillons de nuit qui volettentdans sa chambre la nuit. Il les appelle petites btes qui ont une me(Seelentierchen), il peut sentretenir avec elles pendant des heures. Est trsproccup parce que son petit papillon na rien manger; veut lui donner dulait, lui rapporte de sa promenade une feuille de tilleul. Est malheureux quand lepetit papillon sen va. Le cherche alors partout. Est heureux de retrouver un autrepetit animal. Il leur parle de la faon suivante: Petit papillon, le professeur teremercie de pouvoir bavarder avec toi, puis-je te dire toute ma douleur (darf ichdir all mein Leid klagen), pense un peu, petit papillon, le 18 novembre 1918, jaieu si peur pour ma famille que jai pris mon revolver et que jai voulu la tuer, etmoi avec. Tu sais, parce que les bolcheviques arrivaient17.

    11 Mais, au grand thoricien des polarits, on ne pouvait manquer dattendre que toute choseverst dans son contraire. Binswanger se dit lui-mme impressionn, chez Warburg, par lecontraste frappant entre, dun ct, son tendre respect des plantes, des animaux et des objetsinanims (particulirement des emballages, comme ceux des chocolats, quil ne fallait pasjeter) et, dun autre ct, son agressivit intellectuelle, sa brutalit sadique durant les phasespsychotiques18. Cette violence qui, toujours plus loin des Muses, le faisait ressembler Saturne cest--dire Chronos, le Temps dvorant ses enfants. Mme Fritz Saxl, dansses notes sur Kreuzlingen, se laissera aller la comparaison: Cest un rude pre saturnien19(ein harter Saturn-Vater). Cette immense force ngative fit hurler Warburg des heures durant il y perdit dfinitivement son timbre de voix et frapper autrui avec, prcise Binswanger,une force colossale20 (kolossale Krfte), tel Atlas menant seul sa guerre contre tous lesdieux de lOlympe.

    12 Cette violence saturnienne ou titanesque ntait, videmment, que lautre face dune terreur detous les instants. Warburg ne voyait une me dans chaque chose que parce quil voyait une morten chaque chose ou en chaque image: effet dune guerre ou dun meurtre obsidional disposantses poisons, ses complots, ses armes fatales et ses cadavres tout autour de lui. Warburg, Kreuzlingen, ce fut dabord Saturne hant par langoisse davoir dvor ou de devoirdvorer sa propre famille, avant dtre mis mort son tour: dans les pralines il suspectaitla chair de son frre dont il prouvait lhorreur quelle passe dans son ventre puis finisse dansles toilettes; cest pourquoi, crit Binswanger, il laisse ncessairement un reste chaque foisquil mange quelque chose. Si par mgarde il mange un de ces restes, il est extrmementmalheureux et se lamente davoir dvor lun de ses enfants21 (jammert, eines seiner Kinderverzehrt zu haben). Toute chose, tout aspect deviennent alors les instruments dun mensongeet dun danger: le pain suisse (Brli) semble Warburg si suspect quil rclame des galettesazymes; la fleur devient menaante, le th nest quune dcoction de sang humain ou le philtreimagin par quelque clique antismite; le poisson contient son propre fils et, depuis sonassiette, limplore en ces termes: Pre, ne me mange pas (Vater, du wirst mich doch nicht

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    essen); son gteau danniversaire, le 13 juin 1922, est fait avec quelque chose de bien pireque le sang humain22.

    13 Tel fut ltat de guerre que simaginait Warburg Kreuzlingen. Comme la guerre, toutesituation recelait un danger. Comme la guerre, toute information tait fausse par lemensonge et la propagande (lun de ses grands thmes de recherche entre 1914 et 1918). Ainsi, le beurre est de la graisse de mouche, le pain nest pas du pain ; les preuves de sonarticle sur Luther sont fausses; le chou fris est la cervelle de son frre, les pommesde terre sont les ttes de ses enfants, la viande est la chair des membres de sa famille; lesarticles de journaux sur la nomination de son frre au rang de docteur honoris causa sont desmensonges; et Warburg de scander toutes ces suspicions en imprcations, en galimatias et ennologismes de toutes sortes23. Ce qui ne lempche pas de consigner au jour le jour, en bonsuperstes, tous les lments de sa psychomachie (cest le matriel, encore indit, des carnetsde Kreuzlingen conservs au Warburg Institute de Londres). Aussi se montre-t-il trs agitlorsquon lui retire le gros paquet de lettres quil avait jusqualors gardes avec lui, parmilesquelles certaines datent du temps o il tait chez le docteur Lienau, ainsi quun journal,entirement dchir, datant de cette poque galement24.

    14 Linterminable guerre psychique de Warburg aprs 1918 fut une guerre pathologique, sansdoute : elle rpondait son destin personnel ou sa petite histoire, par exemple lorsquilfit de sa relation amoureuse avec la gouvernante anglaise de la famille un motif dlirant deculpabilit politique sur son propre rle dans la dfaite allemande25. Mais cette guerre tait,aussi, en phase sismographique avec la grande histoire, par exemple lorsque Binswangerraconte, en 1922, que son patient se montre trs perturb par la mort de Rathenau [et] croit(hlt) que son frre est trs en danger26. En employant le verbe halten, qui dabord signifietenir et maintenir, Binswanger vitait subtilement de suggrer que son patient taitpossd par une simple croyance dlirante: il aura peut-tre su que le groupuscule politiquequi avait assassin Walter Rathenau, le 24 juin 1922, sapprtait en effet tuer Max Warburgquelques jours plus tard27.

    15 On comprend alors que lauteur de Mnmosyne fut en effet ce quil admirait chez Nietzsche:un sismographe trs sensible et un voyant du type nabi. Capable, ce titre, desouffrir follement, de voler en clats. Mais demeurant, dans ce pathos mme, lcoutedes mouvements impersonnels et souterrains, des basses continues de lhistoire objective.Quand Warburg voit dans le jardin de Kreuzlingen des caisses remplies de chairhumaine ou des terrains amnags afin denterrer vivants des hommes28, il ne fait quedplacer et rapprocher de lui jusqu lincorporation une ralit historique partout visiblelors de la Grande Guerre ; lorsquil imagine sa bibliothque en flammes29, il ne fait queprsager le destin que les nazis hambourgeois voulurent prcisment rserver, en 1933, laKulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg; lorsquil seffraie de colonie pnitentiaire30(Verbrecherkolonie), il se situe quelque part entre une fiction de Strafkolonie la Kafka etla future ralit des camps de concentration nazis laquelle il est difficile de ne pas songerlorsque, tissant le motif rcurrent de la haine antismite, Warburg en vient croire que levieux bois que lon brlait tait les membres de sa famille31. Quand il parle dune politiquede catastrophe (Katastrophenpolitik), on ne sait plus trop sil accuse les mdecins autour delui ou bien les dirigeants de lEurope tout entire32.

    16 Lhistoire clinique dAby Warburg ne nous intresserait pas si elle ntait quun pisodepurement subjectif, un simple dfaut dans son espace de pense. Mais elle est bien plusque cela. Elle se dveloppe dune faon dialectique, toujours sur deux plans htrognes,conflictuels, qui ne cessent pourtant de se recroiser: le non-savoir et le savoir, le pathos etle logos, lhistoire personnelle et lhistoire tour court. Cest ainsi quil faut comprendre lagrande psychomachie de Warburg. Ne nous tonnons pas quil souffrit longtemps dusentiment davoir une tte de Janus [et] affirmait en prouver une sensation trs nette33. Kreuzlingen, son tat aura le plus souvent t qualifi doscillatoire (hufiger schwankt)par Binswanger: Pendant des heures, il peut tre aimable, calme, sympathique, avoir uneconversation brillante sur des thmes scientifiques, faire de lesprit avec -propos; et soudain,

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    tout se renverse, il entre dans un tat dagitation terrible, dune intensit quon navait plusobserve depuis longtemps, il use des expressions les plus grossires et devient agressif34.Tour tour il argumente et invective, raisonne et vocifre, travaille et se lamente, classe sespapiers et jette tout par-dessus bord, sapaise et se r-angoisse, se met crier pour finir sur unjeu de mots extraordinairement spirituel35. Son entourage aura longtemps cru que cette guerrenaurait pas de fin.

    17 Et cependant, comme on le sait, Aby Warburg aura fini par quitter Kreuzlingen, sa coloniepnitentiaire et par recouvrer la raison, retrouver sa chre bibliothque pour se lancerdans lultime grand projet de sa vie, latlas dimages Mnmosyne. Mais il en est de cemiracle et de cette gurison individuelle comme de la guerre et de la psychomachieculturelle o Warburg stait dbattu avec tant dnergies douloureuses : leur temporalitnest pas rductible celle dpisodes historiques aisment situables. Ce miracle etcette gurison ont subi, de la part des historiens, nombre de simplifications, voire demythifications biographiques et mthodologiques. Dun ct, Ernst Gombrich na vu dansMnmosyne quune solution limpasse o demeurait Warburg son retour de la folie36: celui qui ne savait plus quoi dire, il ne restait, en somme, qu reclasser les images desa photothque. Faon de mconnatre la teneur heuristique, ouverte et thoriquement sinovatrice, du projet de Mnmosyne. Dun autre ct, latlas dimages est apparu commelincarnation mme du miracle de gurison : une manire de sauvetage quil faudraitporter au crdit de Fritz Saxl, puisque celui-ci, accueillant son matre peine rentr de lasile,organisa une fte en disposant, dans la salle de lecture de Hambourg, quelques panneauxqui rsumaient en images les thmes fondamentaux de la recherche warburgienne37.

    18 Il est sans doute ncessaire dtablir une chronologie de Mnmosyne, en reprant par exempleles mentions du projet dans ce document tonnant quest le Tagebuch, le journal de laKulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg, tenu plusieurs mains entre 1926 et 192938.Et, bien sr, de distinguer les trois principales versions que connut llaboration du projet,demeur inachev la mort de Warburg39. Mais je voudrais poser ici un autre genre dequestions : quel espace de pense latlas Mnmosyne invente-t-il exactement? Quel destinrserve-t-il linquitude foncire de la mthode warburgienne et au dsquilibre profondqui en rsulta entre 1918 et 1924 ? Le dsquilibre, chez Warburg, fut tellement li linquitude cest--dire la mthode elle-mme quon est en droit de douter du caractreunilatralement salvateur de Mnmosyne dans lconomie de sa pense. Latlas Mnmosynene signe pas une sortie de linquitude ou une rassurance tranquille de la recherchescientifique. Bien au contraire, il constitue la gniale reformulation de cette inquitudemme, sa recomposition pratique et thorique, sa reconduction sous de nouvelles formes, sonremontage. Il porte en lui, vivace, cette connaissance du souffrant quincarne bien le titanAtlas (au plan mythologique) et dont Nietzsche aura fait la pointe de toute pense (au planphilosophique). Quelles seraient, pour finir, les leons politiques dune telle inquitude devantlhistoire voue au dsquilibre de toute chronique?

    19 On sait quun moment fondamental, dans la psychomachie de Warburg pour revenir dudsastre o la Grande Guerre lavait plong, fut la confrence prononce Kreuzlingen en1923 sur le rituel du serpent des Indiens Hopi40. Les notes cliniques de Ludwig Binswanger,tmoin de lvnement et son habile accompagnateur, nous apparaissent ici fort prcieusesdans la mesure o le psychiatre, comme on sait, fut un vritable thoricien du savoirpathique et un observateur attentif du style dtre de chacun de ses patients41. Le 10 mars1923, il note chez Warburg un tat agit, furieux, violent; le 12 mars, Fritz Saxl arrive deHambourg pour aider le savant dans la prparation de sa confrence; le 18 mars, fin de lacure dopium. Elle na apport aucun apaisement. Le patient tait aussi mal quauparavant;mais, grce la prsence de son assistant, Warburg devient plus calme [et] travaille assezrgulirement sa confrence; il nen demeure pas moins lhomme la tte de Januspuisque, llaboration de son travail avan[ant] bien [], ltat desprit fondamentalementdlirant demeure42.

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    20 La confrence eut finalement lieu le 21 avril 1923. Binswanger en aura fait pour lui-mme un rsum plutt sommaire, prfrant noter ce qui le frappait dans le style ou laprsentation mme du discours tenu : la surprenante matrise intellectuelle allie undynamisme de largumentation, cependant dsquilibre par le timbre cass de la voixde lorateur ; la grande quantit de connaissances [prsentes] dune manire un peudsordonne; et, surtout, le fait que le patient sest beaucoup souci de la mise en scnedes images (Inszenierung der Lichtbilder), en sorte que la confrence elle-mme tait plusune causerie rattache au matriau photographique43 (Photomaterial). Entre deux crises ou entre dinnombrables missions de cris , Aby Warburg trouvait donc dans une certaineprsentation visuelle la possible table dorientation de sa pense, ce que Binswanger notegalement un moment o il observe justement lapprhension psychique de lespace chezson patient:

    4 juin [1924]. Transfert la Villa Maria. [Warburg] stait peu peu habitu lide de ce dmnagement, mais [] le plus difficile est pour lui de shabitueraux nouvelles pices, particulirement la salle de bains. [] Il lui faut dsormaismettre la prsente salle de bains en accord avec celles dIna et de Parkhaus, ce quilui pose les pires problmes. Il est dj trs difficile de reconstruire en mmoire(in der Erinnerung zu rekonstruieren) la salle de bains de Parkhaus. Le patientest galement trs troubl, dans les autres lieux, par la nouvelle organisation delespace; il est proprement dsorient (eigentlich desorientiert), car, par exemple,laxe de la table est dispos diffremment par rapport la fentre, si bien que, dela fentre, il doit faire dautres mouvements pour rejoindre la table, etc. Pose surla table des objets qui ont une rsonance affective, des livres, des images, parcequils facilitent son orientation (die Orientierung erleichtert). Ainsi, quand il lit,il regarde en cachette ces objets qui lui apportent un certain apaisement. Pourcette raison, on ne peut lui faire passer son habitude de transporter partout sesaffaires44.

    21 On comprend alors que, dans cette psychopathologie de lespace visuel dont Binswangeraura, quelques annes plus tard, tent de ressaisir toutes les donnes sur le planphnomnologique45 , Aby Warburg ne pouvait accorder son attention une chose quen lareliant dautres choses affines pour former une constellation dans laquelle il pouvait retrouverune orientation pour sa pense. Do cette habitude de transporter partout ses affaires, qui,une fois de plus, apparente lauteur de Mnmosyne au titan Atlas, la figure du Juif errant ou celle du chiffonnier benjaminien mais un chiffonnier accumulant manuscrits, fiches etphotographies pour tenter de recueillir le morcellement du monde par plans de pense ou parplanches, par tables dorientation interposs.

    22 Plans de la pense ou tables dorientation : cest donc cela quil fallait Warburg pourne pas sombrer tout fait dans les disparates du monde, les caprices de limagination oules dsastres de lhistoire. Cest bien cela quil lui fallait pour engager victorieusement sapsychomachie des astra et des monstra. Les tables dorientation comme dj les foiesdivinatoires babyloniens, la carte cleste de lAtlas Farnse ou, bientt, les planches mmesde latlas Mnmosyne auront t pour Warburg ce que son inquitude elle-mme exigeait,mthodiquement, pour ne pas sombrer tout fait dans le chaos. Je ne vois que chaos devantmoi (ich sehe nur Chaos vor Augen), crivait-il le 7 avril 1924, quelques jours avant unevisite dErnst Cassirer qui le rorienta et grce laquelle il put sentir renatre en lui quelquechose comme une puissance de libration (Befreiung) lgard du trouble psychique46.

    23 Une table dorientation, au sens divinatoire du terme, suppose la circulation constante desespaces malfiques et bnfiques, donc des moments mlancoliques (chutes dans le temps)et maniaques (triomphes sur le destin): pars hostilis dun ct, pars familiaris de lautre. Ilsagissait pour Warburg, entre 1918 et 1924, de faire retourner le disque ou la table de lapremire vers la seconde, ft-ce dans un mouvement o il fallait en repasser, fatalement, par lesmauvaises cases du destin. Pars hostilis: ce sont, par exemple, les interrogations paranoaquesde Warburg lorsquil demande, arrivant tout juste Kreuzlingen, de quoi il est accus47. Pars

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    familiaris: ce sera, de retour Hambourg, linterrogation elle-mme pense comme lthospar excellence du chercheur:

    Voil bien une question dthos scientifique (eine Frage des wissenschaftlichenEthos): a-t-on lambition de susciter de la part des tudiants le point dexclamationde ladmiration ou le point dinterrogation de la modestie48 (Fragezeichen derSelbstbescheidung)?

    24 Un autre exemple de cette dsorientation (funeste) et de la rorientation (bnfique) duDenkraum warburgien concerne, justement, la fonction mmorative des images. Warburg,assistant une confrence de Binswanger Kreuzlingen, prend quelques notes furtivesqui drivent trs vite vers ses propres enjeux de psycho-historien . Il crit : Imageet signe (Bild und Zeichen) puis, aussitt : Slection phobique de la fonction de lammoire en images (phobische Auslese der Funktion des Bildgedchtnisses), motif quisera encore, dans le texte introductif de Mnmosyne, en 1929, le point focal de toute sarflexion sur la polarisation terreur et attrait, monstra et astra des images49. Lesfragments autobiographiques crits par Warburg Kreuzlingen portent tous tmoignage decette capacit des images mmorielles fonctionner alternativement comme pars familiaris etpars hostilis: grce Darwin puis Hegel, Warburg aura dcouvert le principe fondamentaldune immanence de la loi (Immanenz des Gesetzes) qui fut aussi le moteur irrationnel detoutes ses hallucinations phobiques, de ses images dmoniaques et de ce quil appelle, un moment, ses esprits ou dames pst-pst50 (Pst-Pst Damen). En Warburg, donc, lesavant avait bien compris la double fonction culturelle des images astra et monstra sansquil lui ft jamais garanti, comme patient, dchapper cette oscillation mme dont il avait,depuis lenfance, prouv toute la puissance:

    Jai conserv de cette priode [une fivre typhode contracte lge de sixans] les images qui me venaient dans les hallucinations fbriles, et par leurnettet elles mimpressionnent comme autrefois. [] De ce temps me viennent lapeur suscite par lincohrence et la force disproportionne des souvenirs visuels(unproportioniert zusammenhangslose Bildererinnerungen) ou des sensationsolfactives et auditives, langoisse qui fait natre le chaos, et la tentative dinstituerun ordre intellectuel dans ce chaos (intellektuell Ordnung in dieses Chaos zubringen) cette tragique tentative infantile (tragische Kindheitsversuch) delhomme pensant commena donc trs tt pour moi51.

    25 La mmoire serait donc tout la fois ce qui fixait Warburg la part funeste desirrmissibles monstra et ce qui lui permettait de viser la part bnfique des astra dans unetentative dautolibration par le souvenir (Selbstbefreiungs-Versuch durch die Erinnerung)de [ses] tentatives dclaircissement (Aufklrungsversuche) en matire de psychologie dela Renaissance et dhistoire culturelle en gnral52. Cest en ce sens que le sjour Kreuzlingen ne fut pas seulement une parenthse dans la folie, mais bien une constructionou une reconstruction, une rorientation de la folle puissance des images sur le destin deshommes prouve, comme jamais auparavant, dans le travail men Hambourg entre 1914et 191853. La correspondance change entre Ludwig Binswanger et Aby Warburg aprs leretour de celui-ci Hambourg54 et jusqu sa mort nous permet de mieux saisir encore cetravail de rorientation dont le rsultat nest autre que latlas Mnmosyne lui-mme, ce grandrecueil de tables dorientation: des tables ou des planches pour refaire ce que la guerreavait dfait et pour comprendre la grande psychomachie occidentale selon le jeu destinalde la pars hostilis des images et de leur capacit venir, malgr tout, jouer pleinement leurrle dans la pars familiaris de notre pense.

    26 Binswanger commente dabord avec justesse le sens mme de lanamnse intellectuelle deWarburg comme un prolongement de son anamnse pathique conduite Kreuzlingen:Ce que vous me dites des dveloppements de votre travail ma beaucoup intress, crit-il lhistorien le 28 dcembre 1925. Et il prcise aussitt : Cette manire de tracer unarc de cercle en arrire (dieses Bogenschlagen nach rckwrts) reprsente aussi une tension

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    vers lavant55 (ein Aufstreben nach vorwrts). Warburg confirmera en ces termes: Jainormment faire, ma productivit intellectuelle me donne un grand dsir dentreprendre(unternehmungslustig), au point que ma trs chre psych commence retisser fidlement lesfils des dernires ides que javais avant la guerre56. En juin 1927, Warburg ritrera cettepense: lautomne, jespre retourner en Italie pour achever une srie dtudes que laguerre avait interrompues57.

    27 Mais ces tudes auront, nous le savons, pris un tour inattendu quoique prvisible. Uneorientation ou, plutt, une prsentation nouvelles: cest, en 1926, une exposition destine aucolloque des orientalistes allemands [] en relation avec la troisime dition de Sternglaubeund Sterndeutung de Boll tendue un projet datlas qui devrait montrer la migrationdes symboles astraux et ncessite pour cela toute une logistique photographique laPhotoclark du Dr. Jantsch, dUberlingen, [qui] permet dobtenir en peu de temps une quantitnorme dimages, sans avoir besoin de ngatifs de verre , tout cela pour rendre visiblescertaines considrations sur la psychologie des images58 . Ce travail nest autre queMnmosyne, dont Warburg confiera bientt Binswanger quil commence repousser seslimites initiales et rend son achvement problmatique, le psychiatre rpondant alors marque dadmiration ou dinquitude? que ce nouveau projet de Warburg ressemble untravail monstrueux59 (eine horrende Arbeit!).

    28 Horrend: horrifique, terrifiant mais, aussi, norme, considrable, formidable.Pourquoi si terrifiant? Parce que le projet inhrent Mnmosyne nest autre quune histoirede fantmes pour grandes personnes commence dans lhorreur de la Grande Guerre,passe de linquitude au dsquilibre puis la folie de son auteur, et qui devait se finirpar le cauchemar annonc de la victoire des fascismes en Europe (fig. 43-44). Pourquoi siformidable? Parce que Mnmosyne aura eu pour ambition de remonter un monde dmontpar les dsastres de lhistoire, den renouer les fils mmoriels par-del ses pisodes, denrenouveler la cosmographie intellectuelle, comme si la sphre porte par le titan mythologique,dans lAtlas Farnse, dtruite par les temps modernes, devait tre entirement recompose,redessine nouveaux frais par ce voyant du temps que fut Aby Warburg60.

    29 Ce nest pas un hasard si le vocabulaire employ par lhistorien des images, au retour deKreuzlingen, suggrait une rponse de la pense cette dislocation du monde quereprsentait la guerre ses yeux. Que sont donc les armes de la pense contre celles de la luttemilitaire que les hommes ne cessent de mener contre eux-mmes? Warburg parla souventde sa bibliothque dont lentre sornait dune inscription en grec, MNEMOSYNH, pourMnmosyne comme dune citadelle de livres61 (Bchertrutzkasten). En 1927, dans untexte autobiographique o le traumatisme de la Grande Guerre affleurait encore, il voulut jouersur les deux mots arsenal et laboratoire62. Il y ritra son ide dune citadelle pour lapense. Mais ce ntait pas une tour divoire referme sur ses propres triomphes drudition,comme laurait voulu un savant positiviste ou idaliste : plutt un dispositif exprimentalfaisant du Denkraum warburgien quelque chose comme un laboratoire capable de sinventer,en permanence, des appareils pour voir le temps luvre dans les paroles, les images et lesgestes humains.

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    Notes

    1 A. Lienau, 1918-1919, p. 213-214.2 Cit par L. Binswanger, 1921-1924, p. 61-62.3 Ibid., p. 89-90.4 Cf. M. Diers, 1979, p. 5-14. K. Knigseder, 1995, p. 74-98. G. Didi-Huberman, 2002, p. 363-413.5 A. Warburg, 1923, p. 55-133. D. Stimilli, 2005, p. 7-52.6 Cit par D. Stimilli, 2005, p. 9.7 Ibid., p. 15.8 Ibid., p. 19-25.9 A. Warburg, 1921-1924, p. 187.10 A. Warburg, 1927b, p. 21.11 Ibid., p. 21-22.12 F. Nietzsche, 1881, p. 94.13 F. Garca Lorca, 1930, p. 919-931.14 Cit par L. Binswanger, 1921-1924, p. 61 (cf. galement p. 86).15 Ibid., p. 120.16 Ibid., p. 97.17 Ibid., p. 100.18 Ibid., p. 180.19 F. Saxl, 1922-1923, p. 222.20 L. Binswanger, 1921-1924, p. 77.21 Ibid., p. 145-146.22 Ibid., p. 91, 93, 96-97, 120 et 129.23 Ibid., p. 74-77 et 106-110.24 Ibid., p. 84.25 Ibid., p. 88.26 Ibid., p. 129.27 Cf. R. Chernow, 1993, p. 228-229.28 L. Binswanger, 1921-1924, p. 99 et 101.29 Ibid., p. 105.30 Ibid., p. 133.31 Ibid., p. 137.32 Ibid., p. 158.33 Ibid., p. 85.34 Ibid., p. 138.35 Ibid., p. 68, 82-85, 138-143, 173-180.36 E. H. Gombrich, 1970, p. 285.37 Cf. N. Mann, 2002, p. VII-VIII. D. McEwan, 2004, p. 110-112. M. Grazioli, 2006.38 A. Warburg, 1926-1929, p. 126-127, 147-148, 167-170, 245-255, 326-338, 434-437, 543-555, etc.39 M. Warnke, 2000, p. VII-X. Cf. S. Fssel (dir.), 1979. D. Bauerle, 1988, p. 65-142. M. Koos, W.Pichler, W. Rappl et G. Swoboda (dir.), 1994. P. van Huisstede, 1995, p. 130-171. T. Spinelli et R. Venuti(dir.), 1998. M. Centanni et K. Mazzucco, 2002, p. 166-238. K. Mazzucco, 2002a, p. 55-84. Id., 2002b,p. 85-165. M. Centanni et A. Ferlenga (dir.), 2004.

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    40 A. Warburg, 1923, p. 55-133. Cf. F. Saxl, 1929-1930, p. 149-161. C. Naber, 1988, p. 88-97. U. Raulff,1988, p. 59-95. K. W. Forster, 1991, p. 11-37. F. Janshen, 1993, p. 87-112. J. L. Koerner, 1997, p. 9-54.B. Cestelli Guidi et N. Mann (dir.), 1998. P.-A. Michaud, 1998, p. 169-223. U. Raulff, 1998, p. 64-74. G.Careri, 2003, p. 41-76. B. Cestelli Guidi, 2003, p. 163-192. U. Raulff, 2003. C. Severi, 2003, p. 77-128.Id., 2004, p. 21-86. B. Cestelli Guidi, 2004, p. 523-568. C. Bender, T. Hensel et E. Schttpelz (dir.),2007. E. Schttpelz, 2007, p. 187-216.41 Cf. P. Fdida, 1970, p. 7-37.42 L. Binswanger, 1921-1924, p. 154-155.43 Ibid., p. 156-157.44 Ibid., p. 176-177.45 Id., 1933.46 A. Warburg, 1921-1924, p. 206 et 214.47 Ibid., p. 183-187.48 L. Binswanger et A. Warburg, 1924-1929, p. 253 (lettre du 23 dcembre 1925).49 A. Warburg, 1921-1924, p. 199. Cf. id., 1929, p. 38-44.50 Id., 1921-1924, p. 195-198 et 203.51 Ibid., p. 189-190.52 Ibid., p. 204.53 Cf. G. Didi-Huberman, 2002, p. 363-390. B. Gockel, 2007, p. 117-134.54 Cf. U. Raulff, 1991, p. 55-70.55 L. Binswanger et A. Warburg, 1924-1929, p. 257-258 (lettre du 28 dcembre 1925).56 Ibid., p. 274 (lettre du 16 dcembre 1926).57 Ibid., p. 280 (lettre du 18 juin 1927).58 Ibid., p. 263-266 (lettre du 6 octobre 1926).59 Ibid., p. 286 (lettre du 1er aot 1927) et 292 (lettre du 18 juillet 1928).60 Cf. C. Bologna, 2004, p. 281-282. E. Tavani, 2004, p. 121-143.61 L. Binswanger et A. Warburg, 1924-1929, p. 252 (lettre du 23 dcembre 1925).62 A. Warburg, 1927a, p. 175-183.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Georges Didi-Huberman, Science avec patience, Images Re-vues [En ligne], hors-srie 4|2013, mis en ligne le 30 janvier 2013, consult le 15 novembre 2014. URL: http://imagesrevues.revues.org/3024

    propos de l'auteur

    Georges Didi-HubermanPhilosophe et historien de lart, enseigne lcole des Hautes tudes en Sciences Sociales (Paris). Il asjourn Rome (Acadmie de France), Florence (Villa I Tatti-Harvard University Center for ItalianRenaissance Studies), Londres (Institute of Advanced Study, Warburg Institute). Il a enseign dansde nombreuses universits trangres (Johns Hopkins, Northwestern, Berkeley, Courtauld Institute,Berlin, Ble). Il a reu deux prix de lAcadmie des Beaux-Arts (Paris), le prix Hans Reimer de laAby-Warburg-Stiftung (Hambourg), le Premio Napoli (Naples), le prix Humboldt (Berlin)... Il a dirigplusieurs expositions, dont LEmpreinte au Centre Georges Pompidou (Paris, 1997), Fables du lieu auFresnoy-Studio national des Arts contemporains (Tourcoing, 2001), Atlas au Museo Nacional Centrode Arte Reina Sofa (Madrid, 2010) et rcemment Histoires de fantmes pour grandes personnesau Fresnoy avec Arno Gisinger.Il a publi une quarantaine douvrages sur lhistoire et la thorie desimages, notamment, pour les plus rcents : La Ressemblance par contact. Archologie, anachronismeet modernit de lempreinte (Minuit, 2008); Quand les images prennent position. Lil de lhistoire, 1(Minuit, 2009). Remontages du temps subi. Lil de lhistoire, 2 (Minuit, 2010); Atlas ou le gai savoirinquiet. Lil de lhistoire, 3 (Minuit, 2011); corces (Minuit, 2011); Peuples exposs, peuplesfigurants. Lil de lhistoire, 4 (Minuit, 2012).

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