Dictionnaire des biographies (3). La France moderne, 1483-1815

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COLLECTION CURSUS ▲ LITTÉRATURE La Dissertation littéraire A. Preiss La Grammaire, tome I J. Gardes-Tamine La Grammaire, tome II J. Gardes-Tamine La Stylistique J. Gardes-Tamine La Poésie J.-L. Joubert Le Roman M. Raimond Le Théâtre M.-C. Hubert Histoire de la scène occidentale de l'Antiquité à nos jours M.-C. Hubert Le Théâtre latin F. Dupont Géographie et ethnologie en Grèce ancienne C. Jacob La Littérature française du XVI siècle J.-Y. Boriaud La Littérature française du XVII siècle J.-P. Landry, I. Morlin La Littérature française du XIX siècle P.-L. Rey La Nouvelle E. Lecarme, J. Lecarme Dictionnaire de critique littéraire J. Gardes-Tamine, M.-C. Hubert

▲ PHILOSOPHIE Les Méthodes en philosophie J. Russ Histoire de la philosophie tome 1 A. Baudart, et alii Dictionnaire de philosophie J. Russ, et alii

▲ HISTOIRE Introduction à l'histoire de l'Antiquité P. Cabanes La Religion grecque L. Bruit Zaidman, P. Schmitt Pantel Le Monde romain tardif ( I I I siècle ap. J.-C.) B. Lançon La Méditerranée antique M. Sartre, A. Tranoy La Méditerranée médiévale de 350 à 1450 G. Jehel Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance G. Comet, M.-C. Amouretti Société et mentalités dans la France moderne X V I siècle R. Muchembled Les Causes de la Révolution française M. Vovel/e Le Consulat et l'Empire (1799-1815) J.-P. Bertaud La Croissance économique de la France (1815-1914) A. Beltran, P. Griset La France de 1815 à 1848 J.-C. Caron Le Monde du travail en France (1800-1950) A. Dewerpe Les Relations internationales de 1871 à 1914 P. Milza Les États-Unis de l'indépendance à la Première Guerre mondiale J. Portes La France de la Belle Époque (1896-1914) D. Lejeune Les Causes de la Première Guerre mondiale D. Lejeune La France des années 20 F. Abbad La France des années 30 S. Berstein

L'Économie française (1914-1945) A. Beltran, P. Griset Les Causes de la Seconde Guerre mondiale Y. Durand La France dans la Seconde Guerre mondiale Y. Durand

Histoire politique de la France depuis 1945 J.-J. Becker Histoire de l'économie française depuis 1945 J.-F. Eck Histoire de la société française depuis 1945 D. Borne

L'Histoire et le monde depuis 1945 J. Dalloz La Décolonisation française C.-R. Ageron Les Relations internationales depuis 1945 M. Vaisse Les États-Unis de Truman à Bush J. Heffer

L'Angleterre de 1914 à 1945 R. Marx

L'Angleterre de 1945 à nos jours R. Marx

L'Allemagne de 1918 à 1945 A. Wahl

Histoire de la République fédérale d'Allemagne A. Wahl

Histoire du Japon (1868-1945) F. Abbad

Le Japon depuis 1945 J.-M. Bouissou L'Espagne au XX siècle G. Lemeunier, M.-T. Perez- Picazo

Les Crises économiques au XX siècle J. Néré Les Politiques économiques au XX siècle J.-P. Thomas

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Sous la direction de Jean-Maurice Bizière

Dictionnaire des biographies 3. La France moderne

1483-1815 Jean-Maurice Bizière

Jacques Solé

ARMAND COLIN

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Collection Cursus, série « Dictionnaires »

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, les courtes citations jus- tifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l'accord de l'éditeur. S'adresser au Centre français d'exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 43.26.95.35.

© Armand Colin Éditeur, Paris 1993 ISBN 2-200-21108-2

Armand Colin Éditeur. 103 boulevard Saint-Michel - 75240 Paris Cedex 05

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AVANT-PROPOS

C'est en voyant, année après année, des étudiants, qui s'engageaient dans des études supérieures sans posséder les éléments d'une culture historique de base, éprouver les pires difficultés pour acquérir un niveau de connaissances satisfaisant (expérience que je partage avec la quasi-totalité de mes collègues) que l'idée de cette collection de dictionnaires biographiques s'est imposée à moi.

Depuis longtemps, certes, la biographie a fait l'objet, de la part d'une partie de la profession historique, en France tout au moins, de critiques acerbes dont le contenu n'était d'ailleurs pas absent de présupposés idéologiques. La production de certains auteurs ne plaidait pas souvent en faveur du genre. J'avoue pourtant que je n'ai jamais partagé ce sentiment de prévention car la biographie présente plusieurs avantages. D'abord, elle nous rappelle que l'historien s'occupe des faits et gestes d'êtres vivants, même si ceux-ci ont physiologiquement disparu depuis plus ou moins longtemps. Il en résulte qu'elle apparaît comme un guide remarqua- blement révélateur permettant au néophyte de se familiariser d'une manière concrète, même si elle est sectorielle, avec les particularismes sociaux propres à une époque ou à un pays. Ce qui est vrai d'un individu l'est, à plus forte raison, de plusieurs centaines d'entre eux qui constituent comme autant de jalons et de points de repère sur les chemins de la connaissance de notre passé.

Cela nous ramène au présent ouvrage et à l'esprit qui a présidé à son élabo- ration. Il peut se résumer en trois principes qui sont ceux de la collection Cursus : — un objectif bien délimité n'excluant pas une certaine originalité ; — une volonté d'être complet sans être pesant; — un souci de commodité et de maniabilité à un prix compétitif.

Contrairement à certains dictionnaires historiques, le lecteur ne trouvera dans ces volumes que des biographies, mais cette spécificité nous a permis de combler certaines lacunes, notamment dans le domaine culturel. On trouvera donc ici tous les personnages qui ont marqué leur temps d'une manière ou d'une autre, depuis les premiers souverains mésopotamiens ou égyptiens jusqu'à Gorbatchev et Mitterrand, de même que Shakespeare, Descartes, Mozart, Einstein et Picasso, entre autres, y ont obtenu droit de cité. Le choix de recourir pour chaque volume à un petit nombre de collaborateurs éminents auxquels a été laissée la plus grande respon- sabilité quant à la gestion de leurs entrées et au contenu de celles-ci a permis de

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rompre dans une certaine mesure l'impression de monotonie à laquelle ce genre de travail échappe difficilement.

Pour ce qui est du second point, il est évident que nous n'entendons pas riva- liser avec les différentes biographies comportant plusieurs dizaines de volumes ou avec d'autres dictionnaires ou encyclopédies spécialisés, mais nous avons tenu, dans la mesure du possible, à accomplir un effort particulier dans trois directions : — couvrir tout d'abord, comme il vient d'être dit, les différents domaines des acti- vités humaines, et nos biographies concernent aussi bien l'histoire politique que l'histoire sociale, économique, culturelle ou religieuse ; — dépasser les frontières géographiques traditionnelles, et l'on verra par exemple que l'Orient occupe une place privilégiée dans les volumes consacrés à l'Antiquité et au Moyen Age et qu'il en va de même pour l'Amérique latine et le monde slave dans ceux traitant du XIX et du XX siècles ; — faire sortir de l'ombre, enfin, les représentants de quelques périodes négligées en général comme le haut Moyen Age ou, dans une moindre mesure, la France baroque.

Par ailleurs nous nous sommes souciés de la maniabilité et de la commodité : les dictionnaires sont habituellement des ouvrages lourds, encombrants, difficiles à consulter et, détail non négligeable, leur prix est souvent de nature à décourager les aspirations de nos étudiants. Le dictionnaire que nous proposons aujourd'hui s'intègre dans une collection d'un prix particulièrement abordable et la répartition des biographies en six volumes couvrant les différentes périodes de l'histoire permettra à chacun de se les procurer au fur et à mesure de ses besoins.

Nous espérons que tous, les étudiants fraîchement débarqués à l'Université ou dans les classes préparatoires comme les plus expérimentés, voire nos collègues professeurs des collèges et des lycées et, d'une manière plus générale, tous ceux qui s'intéressent à l'histoire, trouveront une aide précieuse dans l'impressionnante masse d'informations que nous avons réunie à leur intention. Cela dit, nous n'ignorons pas qu'à l'instar de tous les autres ouvrages de ce genre un dictionnaire a besoin d'une période de rodage avant de parvenir à son niveau d'équilibre et que, du fait de son statut particulier, il ne manquera pas de prêter, comme ses semblables, le flanc à la critique. Ainsi, dans la mesure où nous voulions autant que possible échapper à la fastidieuse litanie de faits et de dates, il a fallu choisir. D'autres noms auraient pu être légitimement retenus — je suis le premier à le reconnaître —, et comme dans toute entreprise de ce genre, il a pu se glisser quelques oublis ou erreurs regret- tables. Certaines opinions donneront matière à contestation. « Que d'hommes en un homme », écrivit un jour Michelet, alors dans près de deux mille !

Jean-Maurice Bizière

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A

AGUESSEAU Henri François d' (1668 1751). L'« Aigle du Parlement », admiré par Saint-Simon* pour ses qualités d'orateur et son érudition juri- dique, fut beaucoup moins à l'aise en politique où il subit plus les événements qu'il n'agit sur eux. Il naquit à Limoges où son père, qui s'occupa de son éducation, était alors intendant. En 1685, après un séjour en Languedoc, la famille retourna à Paris ; il y suivit alors les cours de Domat. Avocat du roi au Châtelet (1690), il devint avocat général au Parlement (1693), ce qui l'amènera à défendre fermement les thèses gallicanes à l'occasion de l'enre- gistrement du bref Cum alias concernant Fénelon* (1699). Marié à une Lefèvre d'Ormesson, puis procureur général (sept. 1700), on le trouve, nonobstant ses fonctions, parmi ceux qui s'op- posent au bref papal condamnant les Réflexions morales de Quesnel (1708) et à la publication de la bulle Unigenitus (1713) dont il prévoyait qu'« elle serait la croix, non seulement des théologiens mais des premiers magistrats du royaume ». Il fut favorable, en re- vanche, à l'édit sur les princes légitimés (juil. 1714).

En février 1717, il succéda à Voysin comme chancelier et l'une de ses premières décisions fut de prononcer la dissolution de la chambre de justice prévue pour faire rendre gorge aux trai- tants trop gourmands. La chancellerie y gagna l'hôtel de Bourvalais, symbole exemplaire des rapports existant entre la justice et l'argent. Opposé au système de Law* au nom de principes moraux et jugé trop mou avec le Parlement, il fut prié de laisser les sceaux à d'Argenson* (janv. 1718) et de se retirer à Fresnes où Law ira lui- même le chercher quand l'entreprise commencera à péricliter (juin 1720).

Son second passage aux affaires

l'amena à se renier à propos de la bulle Unigenitus dont il approuva l'enregis- trement (sept. 1720), ce qui ne l'empêcha pas de repartir pour Fresnes après un différend avec Dubois* (mars 1722). Il ne fut rappelé qu'en août 1727 par Fleury*, et encore les sceaux furent-ils confiés à Chauvelin* jusqu'en 1737. Pendant cette période, il s'occupa surtout de législation (ordonnances sur les donations, 1731, les testaments, 1735, les substitutions, 1747) et rappela, le cas échéant, le Parlement à la discipline (1732). En 1746, il signa le privilège de l' Encyclopédie. La fin de son existence fut marquée par de nom- breux deuils familiaux et il demanda à être déchargé de ses fonctions (nov. 1750) quelques semaines avant sa mort, le 5 février 1751.

AIGUILLON Emmanuel Armand de Vignerot, duc d' (1720-1788). Le défenseur convaincu du pouvoir mo- narchique, qui s'illustra d'abord sur les champs de bataille et dont les démêlés avec les parlements entraînèrent la disparition de ceux-ci, traîne la répu- tation d'avoir été lié aux jésuites et au parti dévot et protégé aussi bien par Marie Leszcynska que par la Du Barry* Ce descendant de Richelieu*, d'abord connu sous le nom de comte d'Agénois, vaut pourtant mieux que cela.

Entré aux mousquetaires noirs en 1737, il sera colonel du régiment de Brie-Infanterie dès 1739. L'année suivante, après avoir épousé la fille du comte de Plélo tué sous les murs de Dantzig en 1734, il participa à la guerre de Succession d'Autriche durant laquelle il fut blessé à plusieurs reprises et s'illustra notamment dans la défense de Gênes sous les ordres de son oncle, le duc de Richelieu. A la mort de son père en 1750, il devint duc d'Aiguillon et pair de France et acheta au duc de Chaulnes la charge de commandant en

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chef en Bretagne, province alors en pleine effervescence pour cause de ving- tième, car fort pointilleuse sur le respect du pacte de 1532 conclu avec Fran- çois I par lequel elle ne payait que les subsides consentis par ses Etats et enregistrés par son parlement. Arrivé en 1753, il fut d'abord plutôt bien accueilli et il se lança dans une poli- tique d'urbanisation et de construction de routes. Au début de 1756, devant la menace anglaise, il fit armer le littoral et constitua une milice garde- côtes. Devenu lieutenant général des armées du roi, il repoussa les Anglais à Saint-Cast (sept. 1758).

Tout se gâta avec la campagne dirigée contre les jésuites, dont l'un des principaux meneurs était le procureur général du Parlement La Chalotais, et avec la mise en œuvre de la politique financière de Silhouette et de Bertin* qui déchaîna les oppositions locales. Il fut alors accusé d'abus de pouvoir par le parlement de Rennes tandis que La Chalotais était emprisonné à Saint- Malo comme auteur de libelles ano- nymes injurieux pour le roi (1765). Après la démission du Parlement (rétabli en 1769) et le rappel de d'Aiguillon (1768), celui-ci, sûr de son bon droit, demanda à être jugé par la cour des pairs (en l'occurrence le parlement de Paris qui n'en demandait pas tant!). L'épreuve de force devait tourner à l'avantage du roi qui fit casser la procédure (juin 1770), congédia Choiseul* (déc. 1770) et soutint la réforme Maupeou* (fév. 1771).

Au mois de juin 1771, d'Aiguillon fut nommé aux Affaires étrangères. Il y mena une politique à l'économie compatible avec l'état financier du pays, c'est-à-dire qu'il laissa faire le premier partage de la Pologne (janv. 1772) mais favorisa le coup d'Etat de Gustave III (août 1772). On le vit aussi cabaler contre Maupeou. En janvier 1774, après la disgrâce de Monteynard,

il obtint le portefeuille de la Guerre mais la mort de Louis XV (mai 1774) signifia la fin de sa carrière politique et il donna sa démission le 6 juin. Exilé de la Cour, il devait passer ses dernières années avec son épouse à Paris ou dans ses châteaux de Véretz et d'Aiguillon où la Du Barry vint parfois leur rendre visite.

ALBRET Jeanne III d' (1528-1572). Règne : 1555-1572. Avec Louise de Savoie* et Catherine de Médicis*, c'est l'une des grandes princesses politiques dont l'action a marqué en France l'histoire du XVI siècle. Agrippa d'Aubigné* a pu écrire qu'« elle n'avait de femme que le sexe, l'âme entière était aux choses viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires et le cœur invincible aux grandes adversités ». Née à Saint-Germain-en-Laye le 7 jan- vier 1528, c'était la fille unique de Marguerite d'Angoulême* et d'Hen- ri II d'Albret (1503-1555), roi de Navarre, ou tout au moins de ce qu'il en restait depuis 1512. Mais les Albret possédaient en plus le Béarn, les comtés de Foix et de Périgord, la vicomté de Limoges et des enclaves en Gascogne. Ils commandaient en fait la frontière sud-ouest du royaume. Enlevée à sa mère, Jeanne fut élevée au Plessis-les- Tours et promise par François I au duc de Clèves (1541). Après avoir manifesté son opposition à cette union, qui devint sans objet après la défaite du duc devant Charles Quint (1543), elle fut sommée par Henri II* de choisir entre François de Guise* et Antoine, chef de la branche cadette des Bourbon et premier des princes du sang, né en 1518. C'est lui qu'elle préféra (1548) quoique de fortune re- lativement modeste (duché de Ven- dôme, comté de Soissons, terres en Picardie, Flandre et Anjou). Ils devaient avoir quatre enfants dont deux survécurent, le futur Henri IV* et

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Catherine (1559-1604) qui épousera le duc de Bar.

Devenue reine de Navarre (mai 1555), elle s'engagea progressivement dans la voie du protestantisme, d'abord personnellement puis, poussée par Calvin*, officiellement à partir de 1560. Elle devint dès lors la protectrice des réformés français mais elle ne parvint pas à retenir son mari qui, après de nombreuses tergiversations, préféra revenir au catholicisme après la mort de François II (déc. 1560). Doté d'une lieutenance générale du royaume plus honorifique que réelle et séparé de son épouse, il combattit dès lors les huguenots avec Guise et Montmoren- cy* et fut tué au siège de Rouen (17 nov. 1562). Après la mort de son époux, elle se consacra à ses États, dont elle assura la survie entre la France et l'Espagne, mais également au dévelop- pement du protestantisme dont elle s'affichait ouvertement comme la pro- tectrice : incident de Mâcon (1564), conférence de Nérac (1565), interdic- tion du catholicisme dans ses États (1567). Elle se porta au secours des huguenots à l'automne 1568 et imposa son fils comme chef militaire, du moins en théorie, après la défaite et la mort de Condé* (1569). Elle eut une part importante dans les négociations qui conduisirent à la paix de Saint-Ger- main (août 1570). Rongée par la phtisie qui devait l'emporter, elle consacra ses dernières forces, après un ultime séjour en Béarn (automne 1571), à la conclu- sion du mariage d'Henri avec Margue- rite de Valois (1553-1615). Elle mourut le 9 juin 1572 alors qu'elle venait d'arriver à Paris pour l'organisation des noces.

ALEMBERT Jean Le Rond d' (1717- 1783). Physicien, astronome, mathé- maticien dont l'œuvre considérable représente une transition entre le sys- tème newtonien et celles de Lagrange

et de Laplace*, il fut aussi un intel- lectuel engagé par le rôle qu'il joua dans l'aventure de l' encyclopédie et par le combat incessant qu'il mena en faveur des valeurs philosophiques. Fils de Mme de Tencin et du chevalier Destouches, il doit son nom au fait qu'il fut abandonné par celle-ci sur les marches de l'église Saint-Jean-le-Rond et recueilli par la femme d'un vitrier, Mme Rousseau, chez qui il demeurera pendant quarante-huit ans. Grâce à son père qui pourvut à ses besoins, il fréquenta le collège des Quatre-Nations (1730-1735). Devenu bachelier, il fit des études de droit et de médecine avant de se consacrer aux mathéma- tiques. Remarqué par Clairaut, il entra à l'académie des Sciences comme associé astronome adjoint en 1742.

Les années qui suivirent furent extrê- mement fécondes. Successivement parurent un Traité de dynamique où il énonce le « principe de d'Alembert » qui lui apporta la consécration (1743) ; un Traité de l'équilibre et du mouvement des fluides (1744) qui aboutira en 1752 au « paradoxe de d'Alembert »; des Réflexions sur la cause générale des vents (concours de l'académie de Berlin, 1746) où il développa l'étude du calcul aux dérivées partielles ; des Recherches sur la précession des équinoxes [...] dans le système newtonien (1749) et d'autres sur différents points importants du système du monde (1754-1756); sans compter les publications comme celle sur l'équation des cordes vibrantes (1747) où il fournit le premier exemple d'une équation d'onde avec sa solution générale.

A partir de 1745, il se lança avec Diderot* dans le projet de l' Encyclopédie dont il assuma la codirection pour la partie scientifique. C'est à lui qu'échut la responsabilité de rédiger le Discours préliminaire paru au début du premier volume en 1751 et où il associait pro- grès social et progrès des connaissances. Lié à Voltaire*, il se signala également

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par des articles polémiques d'inspi- ration antireligieuse, dont celui sur Genève (1757) auquel Rousseau* crut bon de répondre, qui firent de lui l'un des chefs du parti philosophique bien qu'il se fût retiré de l'entreprise en 1759 après un différend avec Diderot. Ce rôle fut même amplifié par son action au sein des académies car il fut élu en 1754 à l'Académie française dont il devint le secrétaire perpétuel (1772). On retrouve ce même esprit dans son Essai sur les gens de lettres et sur les grands (1759) où il oppose les vertus du talent et du travail aux privilèges de la nais- sance. En relation avec son œuvre scientifique, il développa une théorie de la connaissance inspirée de Locke et de Condillac* où il distinguait les sciences empiriques et les sciences physico-mathématiques dont les pro- priétés, au concept d'attraction près imposé par les faits, peuvent être retrouvées par un raisonnement déduc- tif à partir des principes fondamentaux auxquels ils ont été ramenés. Habitué des salons de Mme Geoffrin et de Mme du Deffand, il suivit Mlle de Lespinasse, dont il fut l'ami, à partir de 1764. D'esprit indépendant et bien qu'en relation avec Frédéric II et Catherine II, il refusa leurs proposi- tions. Il mourut le 29 octobre 1783 d'une maladie de la vessie.

ALENÇON François, Hercule, duc d' (1554-1584). Quatrième fils d'Hen- ri II* et de Catherine de Médicis*, il naquit à Saint-Germain-en-Laye le 15 mars 1554. Petit, noiraud, contre- fait, corrompu, jaloux et dévoré d'am- bition, ce mal aimé « qui n'est que guerre et que tempête en son cerveau » passa sa courte existence à se lancer dans des aventures censées compenser les frustrations liées à sa naissance tardive. Alors que sa mère envisageait de le marier à Elizabeth d'Angleterre (1533-1603), il participa au siège de La

Rochelle (1573) et se trouva au centre des intrigues politiques après la mort de son frère Alexandre (le futur Henri III*), qu'il détestait, pour la Pologne d'autant que la santé de Charles IX donnait des inquiétudes. Sa tentative de fuite à Sedan avec Henri de Navarre coûta la vie (voir Le Rouge et le Noir) à son favori La Mole (avr. 1574). Après la mort du roi (mai), il adopta une attitude ouvertement hostile à l'égard d'Henri III, réunit autour de lui les mécontents et les « politiques » et s'enfuit de la Cour (sept. 1575). Allié aux protestants, il imposa à sa mère sous la menace de troupes étrangères l'accord de Champigny (nov.), confir- mé par la paix de Monsieur (août 1576) qui lui donnait en apanage la Touraine, l'Anjou et le Berry avec le titre de duc d'Anjou. Les années suivantes, en dépit de la répugnance du roi, le verront de plus en plus impliqué dans les affaires des Pays-Bas où il espérait se tailler une principauté à la faveur des troubles. Après un premier essai infructueux (1578-1579) et une nou- velle tentative auprès d'Elizabeth (août 1579), il obtint Cambrai (oct.). Les États généraux lui ayant offert la souve- raineté des Pays-Bas (traité du Plessis- les-Tours, sept. 1580), il tenta de gagner l'appui de son frère en jouant les médiateurs avec les protestants (paix de Fleix, nov.) et franchit la frontière sans grand succès. Il ne fut pas plus heureux pour son ultime tentative au- près d'Elizabeth (nov. 1581). De retour en Flandre, il entra à Anvers (févr. 1582) mais, manquant de moyens, il ne parvint pas à s'imposer. L'aventure se termina dans le sang après l'assaut manqué de l'armée de Biron* appelée à la rescousse (janv. 1583). Obligé de rentrer en France, il ne tarda pas à mourir des suites de la tuberculose, à Château-Thierry, le 16 juin 1584, ouvrant ainsi la route du trône au protestant Henri de Navarre.

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AMBOISE Georges, cardinal d' (1460- 1510). « Cœur et conseil » du duc d'Orléans, il fut pour le meilleur (ses qualités d'administrateur) et le pire (l'aventure italienne) le confident et le conseiller de celui qui allait devenir Louis XII*. Né à Chaumont-sur- Loire, il appartenait à une vieille famille de l'aristocratie qui revint en grâce après la mort de Louis XI, ce qui lui valut l'évêché de Montauban (1484). Il s'attacha alors au duc d'Or- léans au moment où celui-ci s'opposait à Anne de Beaujeu* et en subit les conséquences mais, ayant œuvré à la réconciliation générale des membres de la famille royale, il obtint l'archevêché de Narbonne (1492) qu'il échangea contre celui de Rouen, nettement plus rémunérateur (1493). Il y favorisa le retour à la normale comme lieutenant général en Normandie et se fit cons- truire le château de Gaillon. A l'accession de son protecteur sur le trône (avr. 1498), il joua le rôle de prin- cipal ministre s'occupant en priorité de l'annulation du mariage du roi et de son union avec Anne de Bretagne* (janv. 1499), ce qui lui valut le chapeau de cardinal. Il fit ensuite promulguer la grande ordonnance judiciaire de Blois (mars) et se préoccupa, par ailleurs, de nouer les relations diplo- matiques indispensables (traités d'Etaples, juil. 1498 avec l'Angleterre ; de Blois, févr. 1499 avec Venise) pour assurer le succès de l'entreprise ita- lienne qui allait désormais occuper le plus gros de son temps en le forçant à effectuer d'incessantes allées et venues de part et d'autre des Alpes. C'est ainsi qu'en 1500, il fut lieutenant général en Milanais où il installa une nouvelle administration après la prise de Ludo- vic Sforza. Devenu légat du pape en France (1501), ce qui lui permit de remettre de l'ordre chez les réguliers, il fut moins heureux en favorisant la reconquête de Naples fondée sur

l'imprécis traité de Grenade avec l'Espagne (nov. 1500) et ne parvint pas à se faire élire au siège pontifical (1503), tenu en échec par le cardinal della Rovere qui, devenu pape sous le nom de Jules II (1503-1513) allait se jouer des Français. On le trouve également maintenant des relations avec Philippe le Beau et tentant de conclure avec Maximilien le mariage de Claude de France et du futur Charles Quint (1500-1558) en échange du Milanais, ce qui aboutira au traité de Blois (sept. 1504) vite devenu caduc (mai 1506). Il fut naturellement de l'expédition punitive contre Gênes (févr.-avr. 1507), de l'entrevue de Savone avec Ferdinand et sa seconde épouse Ger- maine de Foix (juin) et de la formation de la ligue de Cambrai (déc. 1508) où il put constater que Marguerite d'Autriche était femme à « se prendre au poil et au cheveu » avec lui. Epuisé par tant d'efforts, il put encore assister à la victoire d'Agnadel (mai 1509) mais mourut à Lyon le 25 mai 1510.

ANGO Jean (1481-1551). Né à Dieppe et fils d'un marchand rouennais qui avait armé le premier bateau français connu à atteindre Terre-Neuve (1508), Ango incarne bien l'âge d'or de la marine normande dont les ambitions, faute d'être suffisamment soutenues par le pouvoir monarchique, restèrent trop souvent à l'état de promesses. A la tête d'une flotte de vingt à trente navires, il devint rapidement l'un des principaux armateurs locaux, s'occu- pant aussi bien de la pêche à la morue, et pour cela il devint contrôleur du magasin à sel, que du trafic avec la Flandre ou la Castille et passant de la navigation pacifique à la course lorsque la situation internationale l'exigeait. C'est ainsi que Fleury, un marin de Honfleur qui travaillait pour lui, inter- cepta aux Açores la flotte qui ramenait du Mexique les trésors amassés par

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Cortés (1523) et qu'en 1530, il se lança dans une opération de représailles contre les Portugais. Contestant le traité de Tordesillas de 1494 et ardent partisan de la liberté des mers, réunis- sant autour de lui des marins et des savants, il finança la première tentative de Verrazano à la recherche du passage du Nord-Ouest (1523) qui devait l'amener à l'embouchure de l'Hudson ainsi que la seconde dont le navigateur ne devait pas revenir (1526). Il organisa également le voyage des frères Parmentier vers la Chine pour tenter de briser le monopole portugais sur l'Extrême-Orient (1529) mais l'expé- dition ne put dépasser Sumatra. Notable de sa cité, vicomte (1521), membre de la municipalité (1527), s'intéressant aussi à la banque, mécène faisant travailler des artistes italiens à son hôtel sur le port et à son château de Varengeville, il accueillit lors de son tour de France (1532) François I qui le nomma capitaine de la ville et du château (1534) puis lieutenant de l'amiral de France (1536), Chabot, qui tout en investissant dans ses entre- prises, n'hésitait pas à faire payer très cher sa protection. Après avoir accu- mulé une énorme fortune, il dut consentir de grosses avances qui ne lui furent pas remboursées pour l'équi- pement de la flotte destinée à attaquer l'Angleterre sous le commandement d'Annebaut (1544), et mourut très appauvri au château de Dieppe en 1551.

ANJOU François, duc d' voir ALENÇON François, duc d'.

ANNE d'Autriche (1601-1666). La naissance tardive de son fils, le futur Louis XIV*, marque une rupture dans la vie d'Anne d'Autriche. Auparavant, épouse frustrée de Louis XIII*, elle avait été l'un des éléments principaux du groupe qui intrigua contre la poli-

tique de Richelieu*. Une fois mère, elle devint pour l'amour de son fils, et avec l'aide de Mazarin*, l'un des plus fermes appuis du pouvoir royal et de l'expansion française.

C'était une infante espagnole, fille aînée de Philippe III et de Marguerite d'Autriche. Elle naquit à Valladolid le 28 septembre 1601. D'apparence sédui- sante, elle manquait de finesse et son éducation n'avait pas été très poussée. Elle était pieuse et plus tard elle protégera Vincent de Paul* et fera édifier le Val-de-Grâce (1624). En avril 1611, elle fut promise à Louis XIII dans le cadre de la politique des mariages espagnols. Elle l'épousa à Bordeaux (25 novembre 1615) et l'union fut consommée afin de ver- rouiller l'alliance des deux grandes puissances catholiques qui semblait primordiale à Marie de Médicis*. Les deux adolescents furent alors séparés et Louis ne retrouva son épouse, et encore après bien des simagrées, qu'en janvier 1619. Elle en garda de la haine pour sa belle-mère mais il semble que pendant les trois années suivantes le couple ait eu une vie à peu près normale.

Elle eut alors la malchance de tomber sous la coupe de la veuve de Luynes*, devenue la duchesse de Chevreuse, qui avait été nommée surintendante de sa maison et qui fut l'une des égéries les plus endiablées des complots auxquels la haute noblesse s'adonna jusqu'à la Fronde. Cela commença par le scan- dale Buckingham, le bel Anglais venu chercher Henriette de France ayant profité de l'absence de Louis XIII, malade, pour déclarer un peu trop fougueusement sa flamme (été 1625). Ensuite, elle poussa la reine à participer à la cabale de l'« aversion au mariage » de Gaston d'Orléans* dont certains voulaient faire son mari après la mort du roi. Mme de Chevreuse fut bannie (elle partit pour la Lorraine) et Anne

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sérieusement admonestée par son époux, ce qui n'était pas fait pour resserrer les liens du ménage. Délaissée par Louis XIII, qui lui préférait ses favoris, et demeurant en contact avec son amie, elle se laissa aller à intriguer avec les partisans de l'alliance espa- gnole, ce qui alimenta les rumeurs de divorce pendant les années suivantes. On frôla de peu la rupture en août 1637 quand, en pleine guerre, elle dut confesser qu'elle entretenait une corres- pondance avec ses frères Philippe IV et le cardinal-infant. Le 5 septembre elle donna le jour à Louis Dieudonné, puis à un second fils, Philippe, le 21 septembre 1640. Le sort de ses en- fants l'amena à se rapprocher de Riche- lieu*, notamment lors de la conjuration de Cinq-Mars. Après la mort du car- dinal (décembre 1642), Louis XIII, qui sentait sa fin prochaine, fit part, le 20 avril 1643, des dispositions qu'il prenait pour assurer sa succession. Méfiant, il imposait à Anne la présence d'un Conseil de régence.

Quatre jours après la mort du roi, elle se fit accorder par le Parlement « l'administration libre, absolue et entière des affaires du royaume » et, contrairement aux espoirs de ses anciens amis qui protestèrent par la cabale des Importants, elle s'en remit pour gouverner à Mazarin à qui une tendre amitié l'attachait. Pendant la Fronde, elle eut bien besoin de son habileté (journée des barricades, août 1648), mais il n'aurait rien pu faire sans son soutien. Elle s'enfuit à Saint- Germain pour protéger ses enfants (janvier 1649). Quand le cardinal préféra prendre du recul à Bruhl (février 1651), elle appliqua à merveille ses directives pour envenimer les rela- tions entre Condé*, Gondi* et le Parlement tandis qu'en septembre Louis XIV était déclaré majeur. Infa- tigable, elle se rendit avec lui à Poitiers à la poursuite de Condé et, comme

leurs troupes étaient insuffisantes, ils furent rejoints par Mazarin et Tu- renne* avec des renforts, ce qui ralluma pour quelque temps la révolte à Paris. Après la fuite de Condé et le second exil de Mazarin, qui revint en février 1653, elle fit une entrée triomphale dans la capitale avec le jeune roi (octobre 1652). L'heure était venue pour elle de s'effacer mais elle savoura un dernier triomphe quand son fils, qui l'aimait profondément, épousa sa nièce Marie-Thérèse en juin 1660. Elle mourut au Louvre, le 20 janvier 1666.

Anne de BEAUJEU (1461-1522). « La moins folle femme du monde, car de sage je n'en sais point », disait d'elle son père Louis XI (1423-1461-1483) dont elle était la fille aînée survivante (et de Charlotte de Savoie). Après avoir failli épouser Charles le Téméraire et eu un faible pour le futur Louis XII*, elle fut mariée à Pierre de Beaujeu, cadet de la branche aînée des Bourbons (1474), général et homme de confiance du souverain, apanagé du comté de Clermont et du Beaujolais, possesseur d'une partie des biens de Jean d'Ar- magnac (1473), et né en 1438! C'est à lui qu'en 1482 fut confiée la lieute- nance générale du royaume et, avec Anne, il devait assurer la régence et le gouvernement pour le compte du jeune Charles VIII* de 1483 jusqu'en 1491. Leur pouvoir ayant été confirmé par les Etats généraux de 1484, ils s'occu- pèrent de sauver l'œuvre du défunt menacée par la Guerre folle menée par les grands féodaux conduits par Louis d'Orléans et de régler la succession du duc François II de Bretagne. Ils impo- sèrent par les armes aux Bretons et aux féodaux une solution conforme aux intérêts français par la victoire de Saint- Aubin-du-Cormier (juil. 1488) suivie du traité du Verger (août) qui devait conduire au mariage de Charles VIII et d'Anne* (déc. 1491) et à la disgrâce

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du couple, le jeune monarque s'étant débarrassé de l'impérieuse tutelle qui ne cessait de peser sur lui.

Après s'être réconciliés avec leurs adversaires grâce à l'entremise de Georges d'Amboise*, les Beaujeu se retirèrent dans leurs domaines où Pierre avait hérité de son aîné en 1488 des duchés de Bourbonnais et d'Au- vergne, des comtés du Forez et de l'Isle-Adam et des gouvernements du Languedoc et de la Guyenne. Après la mort de son mari (1503), Anne veilla jalousement sur ses intérêts patrimo- niaux et maria leur fille Suzanne (née en 1491) à son cousin Charles de Montpensier*, désormais chef de la branche aînée de la maison de Bourbon (1505) (pour préserver l'intégrité de son domaine elle avait obtenu qu'en cas d'extinction de la branche masculine les apanages ne reviennent pas à la couronne). La mort sans enfant de Suzanne (1521) entraîna les premières réclamations de Louise de Savoie* sur l'héritage mais elle défendit avec fermeté les droits de son gendre en faveur de qui elle testa avant de s'éteindre dans son austère château de Chantelle le 14 novembre 1522.

Anne de BRETAGNE (1477-1514). Les hasards de la diplomatie du temps firent de « la bonne duchesse » l'unique double reine de France de l'époque moderne. Née à Nantes le 25 janvier 1477, elle était la fille aînée de François II Montfort et de Marguerite de Foix. Comme la succession du duc posait problème, les États de Bretagne reconnurent à ses filles le droit d'hériter (1486), ce qui eut pour effet d'attirer les postulants et d'entraîner la Bretagne dans les règlements de compte auxquels se livraient les Beaujeu* et les grands féodaux français. La défaite de Saint- Aubin-du-Cormier (juil. 1488) et le traité du Verger qui s'ensuivit (août) donnaient à la France un droit de

regard sur le mariage des duchesses bretonnes ; un droit d'autant plus fort que François II disparaissait aussitôt. Anne en fit l'expérience quand, sous la pression des armes, malgré des renforts anglais et castillans, elle dut renoncer à épouser l'archiduc Maximi- lien et se trouva mariée à Charles VIII* (Langeais, 6 nov. 1491) dont elle n'arriva pas à avoir d'enfants viables. Après la mort de celui-ci (avr. 1498), comme il était prévu que dans ce cas elle épouserait son successeur, elle devint la femme de Louis XII (Nantes, 8 janv. 1499) après l'annulation de son mariage avec Jeanne de France. Elle en eut deux filles, Claude (1499-1524) qui épousera le futur François I et Renée (1510-1575) qui épousera Hercule d'Este, duc de Ferrare.

Intelligente et énergique, aimant le faste, protégeant les lettres et les arts, elle donna un grand éclat à la Cour et, conservant le gouvernement de son duché, elle fit preuve d'une parfaite loyauté à l'égard de son mari qui devait parfois subir les sautes d'humeur de « sa bretonne ». Il ne lui accorda pas pour autant la tête du maréchal de Gié (1504) qu'elle pour- suivait de sa rancune et découragea ses espoirs de marier Claude au futur Charles Quint (1500-1558), fondés sur le traité de Blois (sept. 1504), quand sa mauvaise santé rendit cruciale la question de sa succession et du destin de la Bretagne dans l'intérêt national (testament de mai 1505 et Etats de Tours de mai 1506). De manière inat- tendue, elle mourut prématurément avant lui à Blois le 9 janvier 1514. Après elle, la Bretagne passa à sa fille puis, après la mort de celle-ci, au fils aîné de François I François (1518- 1536) et c'est seulement en 1532 que les États locaux, moyennant la garantie de certains avantages, prononcèrent l'union réelle et perpétuelle du duché au royaume.

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Anne de FRANCE : voir Anne de BEAUJEU.

ARGENSON René-Louis de Voyer, marquis d' (1694-1757). Un marquis rouge ! Ce fils aîné de Marc-René (1652-1721), lieutenant général de police en 1697, fut surnommé « la Bête » pour son manque de grâce dans les antichambres versaillaises. Grand barbouilleur de mémoires et homme à bonnes fortunes, il fut plus un idéo- logue, certains diront un esprit chimé- rique, qu'un homme politique. Son Journal est un document remarquable sur la haute société française de la première moitié du XVIII siècle.

Né le 18 octobre 1694, il fréquenta le collège Louis-le-Grand, où il eut Voltaire* pour condisciple, jusqu'en 1709. Conseiller au Parlement (1715), il entra en 1720 au Conseil d'Etat et partit l'année suivante comme inten- dant du Hainaut et de Cambrésis. A son retour à Paris (1725), il fréquenta le club de l'Entresol de l'abbé Alary et fut remarqué par Chauvelin* qui appréciait ses qualités et voulut « l'empêcher de tourner à l'abbé de Saint-Pierre ». La disgrâce de son protecteur en 1737, l'année où il rédigea son Traité politique qui exposait ses vues sur le nouvel ordre européen, le força à ronger son frein et ce n'est qu'en novembre 1744 qu'il fut appelé aux Affaires étrangères. Il n'y resta que trois ans et, voulant mettre ses idées en pratique alors qu'on était en pleine guerre de Succession d'Autriche, il y sema un certain trouble. Son rêve était de protéger les Provinces-Unies contre l'Angleterre, les pays de la Baltique contre la Russie, l'Allemagne contre les Habsbourg et l'Italie de la tutelle austro-espagnole. Mais il ne put empê- cher l'élection de François de Lorraine à l'Empire (septembre 1745). Il se fit berner par le roi de Sardaigne (décembre 1745) et il échoua l'année

suivante dans un projet de paix avec l'Angleterre et les Provinces-Unies.

Renvoyé sans éloge, sans pension et sans exil le 10 janvier 1747, il eut alors tout loisir de se consacrer à la réflexion politique d'où sortiront ses Considéra- tions sur le gouvernement de la France qui ne seront publiées qu'en 1764. Il y prône un despotisme éclairé respectant les droits de l'individu, la liberté écono- mique, la tolérance religieuse, le recours à des assemblées élues, et pimenté de considérations favorables à la suppression de la noblesse héréditaire et des privilèges du clergé. On y apprend également que l'inégalité découle de la propriété individuelle et que les terres ne doivent apparte- nir qu'à ceux qui les cultivent. Comme quoi Rousseau* n'a rien inventé!

ARGENSON Marc-Pierre de Voyer, comte d' (1696-1764). Frère cadet du précédent, il fut titulaire du secrétariat d'Etat à la Guerre de 1743 à 1757. Réussissant l'exploit d'être à la fois soutenu par le parti dévot et de recevoir la dédicace de l' Encyclopédie, cet homme habile ne devait pas résister, cependant, à la conjonction de la haine de la Pom- padour* et du canif de Damiens. Après avoir fréquenté le collège Louis-le- Grand et y avoir rencontré Voltaire* avec qui il resta en relation, il devint avocat du roi au Châtelet en 1717. La suite de sa carrière fut celle d'un enfant du sérail : offices de conseiller au Parlement (avec dispense) et de maître des requêtes (1719), avant d'occuper les importantes fonctions de lieutenant général de police qu'il quitta un temps pour l'intendance de Touraine. Sié- geant au conseil de Commerce, devenu conseiller d'Etat, nommé au Grand Conseil, il se vit confier, en plus, la surintendance des finances de la famille d'Orléans qu'il transmit à son frère en 1741 alors que, depuis l'année précé-

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dente, il était intendant de la généralité de Paris.

En 1743, il succéda à Breteuil à la Guerre au beau milieu du conflit lié à la Succession d'Autriche. A la suite de la retraite de Broglie et de l'affaire de Dettingen (mai 1743), il dut se consa- crer immédiatement à la réorganisation de l'armée tirant, entre autres, des milices provinciales les grenadiers royaux. Après la disgrâce de Maure- pas* (avril 1749), il récupéra le dépar- tement de Paris où il eut à mater des émeutes au début de 1750 et il apparut avec Machault*, dont il combattait la politique financière, comme l'un des principaux ministres. Il s'occupa d'améliorer les fortifications, ouvrit la carrière des armes aux officiers rotu- riers (1750) et créa l'Ecole militaire de Paris destinée à recevoir des jeunes nobles peu fortunés (1751). Bien que Louis XV* ait apprécié ses services et malgré la guerre qui recommençait, il fut congédié sèchement en février 1757 et exilé dans son château des Ormes près de Châtellerault où il put se consacrer entièrement à sa passion de bibliophile. Son neveu, le marquis de Paulmy, devait lui succéder pendant quelques mois.

ARNAULD Antoine (1612-1694). « C'est quasi confesser le nom de Dieu que de confesser le nôtre » dira sa sœur Jeanne (mère Agnès), et parmi les Arnauld, Antoine mérita le surnom de « grand ». La famille, qui avait tâté du protestan- tisme, était de bonne souche et origi- naire d'Auvergne. Antoine I le grand-père, était monté à Paris où il était devenu le procureur de Catherine de Médicis*. Il était revenu au catho- licisme avec son fils Antoine II après le massacre de la Saint-Barthélemy (1572) et avait été anobli (1577). Antoine II, le père (1560-1619), était devenu avocat au Parlement. Royaliste ardent, protégé d'Henri IV* et gallican

convaincu, il avait prononcé un célèbre Plaidoyer pour l'université de Paris contre les jésuites (1594) dont il était l'adversaire implacable. De son mariage avec Catherine Marion, fille d'un avocat général au Parlement, il avait eu vingt enfants. Dix survivront, qui tous, à une exception près (Simon qui choisira le métier des armes), se destineront à la religion ou seront liés à l'aventure de Port-Royal et du jansénisme dont ils formeront, sinon le noyau fondateur, du moins l'élément moteur. Il y aura pendant un temps douze Arnauld dans le monastère et six parmi les « Mes- sieurs » dans le voisinage ! La rencontre des Arnauld et de Port-Royal, abbaye de cisterciennes, avait eu lieu en 1599 quand Antoine II avait réussi à faire nommer sa seconde fille, Jacqueline (mère Angélique, 1591-1661), alors âgée de huit ans, comme coadjutrice de l'abbesse à laquelle elle succéda en 1602. Sept ans plus tard, elle décidait de rompre avec le monde et de revenir à l'austérité de la règle primitive, ce dont son père fit les frais lors de la fameuse journée du guichet (25 sep- tembre 1609). Antoine III n'était pas encore né : il ne verra le jour que trois ans plus tard, le 6 février 1612.

Orphelin de père à sept ans, il envi- sagea d'abord une carrière juridique mais, sur les instances de sa mère et de Saint-Cyran*, ami de son frère aîné, Arnauld d'Andilly, il opta pour des études de théologie. Docteur en 1641, il fut ordonné prêtre la même année. En 1643, son livre De la fréquente communion auquel Saint-Cyran avait apporté la dernière main avant de mourir, eut un retentissement extra- ordinaire et réactiva des polémiques mal éteintes. Attaquant les jésuites, partisans d'une dévotion aisée où la communion était, par excellence, le remède du péché, Arnauld estimait que, par son essence même, la communion exigeait que l'on changeât

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de vie au préalable. Suivant l'ensei- gnement de son mentor, en resserrant les liens entre la foi et la morale, il donnait à la direction de conscience un rôle fondamental dans la pratique reli- gieuse.

Après avoir publié deux Apologies défendant les thèses de l'Augustinus, il sauva le jansénisme à la suite de la promulgation par Innocent X en 1653 de la bulle Cum occasione déclarant héré- tiques cinq propositions de Jansen sur la corruption de la nature humaine, l'efficacité de la grâce et le libre arbitre. Il soutint, en effet, que les dites propo- sitions ne se trouvaient pas dans l'ouvrage et en excipa la distinction du droit et du fait notamment dans sa Lettre à une personne de condition et sa Seconde lettre à un duc et pair, écrites à la suite de l'attitude d'un vicaire de J.-J. Olier* qui refusait l'absolution au duc de Liancourt s'il ne rompait pas avec Port- Royal. Condamné par la Sorbonne, il passa alors le relais à Pascal* qui, par ses Provinciales, fit passer avec le succès que l'on sait le débat du plan de la théo- logie à celui de la morale. En 1661, Arnauld adopta une position moins en flèche à propos du Formulaire qu'il proposa aux religieuses de Port-Royal de signer en y joignant une clause expli- cative. De plus, malgré la persécution de 1664, il œuvra pour trouver une solution de compromis entre les jansé- nistes, le pouvoir et la papauté qui aboutit à la « paix clémentine » à partir de 1668.

Profitant de la vogue dont allait jouir alors Port-Royal et partisan de l'ou- verture du christianisme au monde moderne et à toutes les formes de culture, il devint l'une des célébrités du moment. Reçu à la Cour, il publia en collaboration avec Nicole une Perpé- tuité de la foi de l'Eglise catholique touchant l'eucharistie qui ne pouvait déplaire par son contenu antiréformé. Cepen- dant, après la mort de la duchesse de

Longueville (1679) et le raidis- sement de la politique religieuse de Louis XIV*, Arnauld, sentant sa liberté de pensée compromise, préféra se réfugier aux Pays-Bas puis dans les Provinces-Unies d'où ses attaques contre les protestants le forcèrent de partir. Après avoir séjourné quelque temps à Liège, il s'installa à Bruxelles où il vécut dans une retraite laborieuse. Jouissant d'un immense prestige, il entretint une volumineuse correspon- dance et rédigea de nombreux ouvrages témoignant de son augustinisme huma- niste (ses Œuvres publiées de 1775 à 1783 font 45 volumes) qui entraient en France clandestinement. Il mourut le 8 août 1694 et fut inhumé à l'église Sainte-Catherine mais son cœur fut transporté à Port-Royal des Champs.

AUBIGNÉ Théodore-Agrippa d' (1552- 1630). Né à Saint-Maury près de Pons le 8 février 1552, il appartenait à une famille de noblesse ancienne mais pauvre dont les sympathies penchaient pour la Réforme. Ayant perdu sa mère à sa naissance, il fut un enfant prodige lisant le latin, le grec et l'hébreu et qui contempla les têtes coupées des cons- pirateurs d'Amboise (mars 1560). Après que son père fut mort criblé de dettes, il partit pour Genève puis, à partir de 1568, prit les armes pour défendre la cause protestante, chantant au passage les charmes de Diane Salviati. Après avoir échappé de justesse à la Saint-Barthélemy, il lia son sort à Henri de Navarre*, son ancien camarade de jeux, lors de son séjour forcé à la Cour d'où il s'enfuit (févr. 1576) avant de le retrouver à Nérac (1578-1579) et de participer à la « guerre des amoureux » (1579-1580), acquérant une certaine notoriété dans les opérations de siège. Maniant la plume comme la rapière, il avait déjà à cette époque commencé ses Tragiques, gigantesque « épopée du calvinisme

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chantée sur le ton inouï d'Ezéchiel » publiée en 1616. Après avoir épousé Suzanne de Lezay (1583), il devint maréchal de camp (1586), gouverneur de Maillezais (1587) mais, appartenant au clan des huguenots purs et durs, il condamna l'abjuration de son roi (juil. 1593) et les compromis de l'édit de Nantes (avr. 1598). Boudant sur ses terres, il y entama son Histoire univer- selle, œuvre torrentielle reposant sur une abondante documentation qui paraîtra à partir de 1616. Elle aura les honneurs du bourreau et il ne faut bien sûr y rechercher aucune trace d'objec- tivité. La politique procatholique de Marie de Médicis* et de Luynes* ne pouvait que le rejeter dans l'opposition armée. En 1620, après avoir été condamné à mort, il dut se réfugier à Genève. Il s'y remaria, y poursuivit ses activités littéraires, écrivit l'histoire de sa Vie mais sa personnalité excessive lui valut quelques ennuis avec les auto- rités. Il y mourut le 9 mai 1630. Il est le grand-père de la future Madame de Maintenon*.

B

BABEUF François-Noël, dit Gracchus (1760-1797). Né à Saint-Quentin le 23 novembre 1760, il était issu d'une famille pauvre. Il commença à tra- vailler à quatorze ans à la construction du canal de Picardie avant de s'initier au droit féodal chez un notaire feudiste et de se mettre à son compte à Roye. Lecteur passionné de Rousseau* et de Mably, il discerna vite l'origine des maux de la société dans la propriété privée de la terre et, dès 1785, il soumit à l'académie d'Arras un plan de fermes collectives. Deux ans plus tard, il lui proposait l'étude des conditions d'une égalité parfaite où tout serait possédé en commun. En 1789, il publia un projet de réforme fiscale dans son

Cadastre perpétuel. Il conduisit l'année suivante un mouvement de révolte contre les impôts indirects, qui lui valut d'être emprisonné un moment à Paris. Il était alors proche des partisans de la démocratie directe. Son Correspondant picard dépassait même leurs revendica- tions par un programme agraire radical lié à la notion populaire d'un minimum vital. Administateur de district dans la Somme en 1792, il dut fuir dans la capitale à la suite d'une lourde condamnation pour faux en écriture et y devint secrétaire de la commission des subsistances de la Commune. Retrouvé par ses ennemis, il passa en prison les six premiers mois de 1794.

Babeuf fut d'abord un thermidorien décidé puis, à l'automne, devint, par le journalisme et l'organisation clan- destine, un militant antigouverne- mental. Arrêté au début de 1795 et envoyé à Arras, il avait désormais mis au point son programme d'élimination de la propriété privée. Transféré à Paris à la fin de l'année, il se rapprocha d'anciens partisans de Robespierre* et fut libéré après l'échec du coup de Vendémiaire. Ayant désormais adopté le surnom de Gracchus, il reprit la parution de son Tribun du Peuple qui rencontra un certain succès vite refroidi par la publication du Manifeste des Plébéiens (nov. 1795) où il développait un programme d'inspiration commu- niste. Après la fermeture du club du Panthéon (févr. 1796), Babeuf monta avec quelques anciens montagnards (Maréchal, Buonarotti) une organi- sation secrète chargée de renverser le régime et d'établir à sa place une dictature provisoire qui préparerait une société utopique (Manifeste des Egaux). La dénonciation du complot entraîna l'arrestation de Babeuf et de ses amis (mai). A la suite d'un procès monté en épingle par le Directoire pour effrayer les possédants, il fut condamné à mort par la Haute Cour et exécuté à

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Vendôme le 26 mai 1797. L'historio- graphie marxiste a consacré d'émou- vantes hagiographies à cet inoffensif mythomane dont les rêves ont été appliqués depuis 1917 avec le succès que l'on sait.

BAILLY Jean Sylvain (1736-1793). Né à Paris le 15 septembre 1736, il fut élevé au Louvre, où son père gardait les tableaux du roi, et eut une excel- lente éducation. Il aurait aimé être écrivain mais il se tourna finalement vers les sciences et se livra à une série d'observations astronomiques qui lui valurent d'être reçu à l'Académie des sciences en 1763. Ses travaux ultérieurs lui conférèrent une réputation considé- rable et lui ouvrirent les portes de nouvelles académies. Ses Eloges des grands hommes du passé montrent en lui le partisan d'une monarchie éclairée honorant le talent. Il démasqua le char- latanisme de Mesmer, s'occupa des problèmes d'assistance et refusa de collaborer à une Encyclopédie, trop poli- tisée à ses yeux.

Elu premier député de Paris aux Etats généraux, le 12 mai 1789, doyen du Tiers le 3 juin, président de l'Assemblée nationale le 17, il s'illustra le 23 en rétorquant au marquis de Dreux-Brézé que la « nation assemblée ne pouvait recevoir d'ordre ». Elu triomphalement maire de Paris le 15 juillet, il accueillit Louis XVI* le 17 juillet mais ne tarda pas à se montrer dépassé par les événements, ce qui lui valut des critiques de toutes parts. Obéissant aux ordres de la Cons- tituante, il commit une erreur fatale le 17 juillet 1791. Dans l'atmosphère enfiévrée qui suivit le retour de Va- rennes, il proclama la loi martiale et donna l'ordre de disperser par la force une manifestation assemblée sur le Champ-de-Mars, ce qui fit des morts et des blessés. Il décida de démissionner et remit sa charge à Pétion (nov.).

Refusant de partir pour Londres, il s'installa à Nantes d'où les événements le chassèrent durant l'été 1793. Alors qu'il tentait de se réfugier chez son collègue Laplace*, il fut arrêté à Melun (sept.). Après avoir témoigné au procès de Marie-Antoinette*, il fut jugé pour avoir « étouffé la voix du Peuple » et exécuté dans des conditions particuliè- rement sadiques au Champ-de-Mars le 12 novembre.

BARBIER Edmond (1689-1771). Contrairement au duc de Croÿ ou à d'Argenson qui nous décrivent de l'intérieur la vie de la Cour et des puis- sants, l'intérêt du Journal de Barbier vient de ce qu'il nous restitue de manière irremplaçable l'image que l'on pouvait en avoir, à la même époque, dans la bourgeoisie parisienne.

Il était né rue Galande, le 16 janvier 1689, dans une famille de juristes dont les membres, depuis plusieurs généra- tions, exerçaient les professions d'avo- cats ou de procureurs. Il ne manqua pas de suivre la tradition et se fit recevoir en 1708 comme avocat au Parlement. C'est peu de temps après que ce célibataire endurci, de la vie privée duquel on ne sait à peu près rien, se mit à noter les faits dont il était témoin, les nouvelles et les rumeurs de la ville, les anecdotes que lui racon- taient amis et collègues. En 1718, il commença à faire un résumé des années précédentes et s'astreignit à contresigner chaque soir, avec une minutie d'entomologiste, mais non sans esprit critique, les événements qui avaient attiré son attention. Lié aux milieux parlementaires, mais sans indulgence particulière à l'égard de leurs prétentions, il nous restitue par petites touches et sans jugements de valeur préconçus, les sujets qui nour- rirent pendant des lustres les conver- sations des Parisiens. Après sa mort, son exécuteur testamentaire, Barbier

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d'Aincreville, conseiller-clerc au Parlement, hérita des sept énormes volumes bourrés de documents qui furent publiés au milieu du siècle dernier sous le titre de Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718- 1763) ou journal de Barbier.

BARBIN Claude (?) Il est dommage que la vie de Barbin soit si mal connue. Elle nous en apprendrait davantage sur ce parti composite gravitant autour de Marie de Médicis* et ayant choisi de défendre le pouvoir royal contre les appétits des grands après la mort d'Henri IV*. Originaire de la Brie et fils du capitaine de Melun, il devint procureur du roi dans cette ville. La proximité de Fontainebleau l'amena à fréquenter les milieux de la finance et de la Cour. Il devint courtier du ban- quier F. Gondi adjudicataire du bail général des aides, et caution du fermier général Th. Robin pour les gabelles. Il s'était également insinué dans les faveurs de la Galigaï et avait connu Richelieu*, dont il protégera les débuts, chez les Bouthillier*. Devenu intendant de la reine, dont il devint l'un des prin- cipaux conseillers, il eut tout de suite une grande influence sur elle et sut lui insuffler l'énergie nécessaire lors de la rupture des princes avec la Cour (1614).

Après le traité de Loudun (mai 1616), il fit partie, avec Mangot et Richelieu qu'il présenta à Concini*, du triumvirat appelé à succéder aux « barbons » et il remplaça Jeannin* comme contrôleur des finances. Per- sonnalité la plus affirmée de la nouvelle équipe, il sut d'abord désarmorcer la menace constituée par Condé* qu'il fit embastiller en septembre. Il s'attaqua ensuite au problème financier mais l'assassinat du favori (avril 1617) empêcha cet homme énergique, adroit en affaires et plutôt honnête, de donner toute sa mesure. Emprisonné, malgré les protestations de Marie qui le

réclamait auprès d'elle, il fut condamné à la prison à vie (août 1618) mais obtint de partir en exil en Franche-Comté. Il devait y finir ses jours, Richelieu, revenu au pouvoir, n'ayant répondu que par de bonnes paroles aux sollici- tations de son ancien protecteur.

BARNAVE Antoine Pierre (1761-1793). Né à Grenoble le 22 octobre 1761, il était issu de la haute bourgeoisie protes- tante. Fils d'un juriste local, il devint avocat au parlement du Dauphiné en 1783. Il participa avec vigueur à l'action de ce corps contre la monarchie en 1788 puis, au cours de l'été, joua un grand rôle, aux côtés de Mounier*, comme animateur du tiers état à l'assemblée de Vizille. Elu l'année suivante aux Etats généraux, il devint vite un des membres les plus impor- tants de l'Assemblée nationale. Aux côtés de Du port et des Lameth, il y dirigea la faction de gauche, partisane de limiter les pouvoirs du monarque. En octobre, il rompit pour cette raison avec Mounier, semblant bien moins heurté que lui par les « bavures » insé- parables des révolutions. Il fut à l'apogée de sa puissance et de sa popu- larité en 1790 quand il présida la Cons- tituante en mars et s'y imposa par ses dons d'orateur. Il dominait aussi le club des Jacobins. Mais outre ses opposants de la droite constitutionnelle dirigée par Lafayette*, il se heurta bientôt à de vives critiques de la part des démo- crates malgré ses attaques contre Mirabeau*. Elles s'appuyaient sur ses positions favorables au pouvoir des colons dans les îles et, au printemps 1791, Barnave fut particulièrement visé par les décisions de l'Assemblée inter- disant à ses membres d'être ministre pendant les deux ans suivant la session, ou de se représenter aux prochaines élections. Il cessa, par ailleurs, d'assister aux séances des Jacobins où son influence avait fortement diminué.

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Il fut pourtant chargé d'accompagner la famille royale lors de son retour de Varennes. Il s'attacha alors à défendre la Couronne beaucoup plus fortement qu'auparavant et entra dans une cor- respondance secrète avec la reine. Il craignait sans doute sincèrement les dangers de la déstabilisation politique pour l'avenir de la France et de la Révolution. Il tenta donc une réconci- liation autour du roi de tous les monar- chistes et crut pouvoir en persuader l'Europe par l'intermédiaire de Marie- Antoinette. Il comprit, avant la fin de l'année, la vanité de ses espoirs et rentra en Dauphiné, politiquement fini, au début de 1792. Après le 10 août, on trouva, dans les papiers du roi, un « plan », sans doute assez inof- fensif, qu'il avait concerté avec les membres du « triumvirat ». Il n'en fallait pas plus pour le faire empri- sonner par la Législative. Dédaignant les possibilités de franchir la frontière, il écrivit, au cours de ces mois de retraite et de détention, une Introduction à la Révolution française dont Jaurès a fait grand cas, parce qu'elle reliait les trans- formations politiques intervenues à la fin du XVIII siècle à l'ensemble de l'évolution économique et sociale pré- cédente. Transféré à Paris début novembre 1793, il y fut jugé par le Tribunal révolutionnaire devant lequel il se défendit avec dignité et prononça son dernier discours qui ne put natu- rellement pas lui éviter la guillotine. Il fut exécuté le 29 novembre 1793.

BARRAS Nicolas, vicomte de (1755- 1829). Né à Fos-Amphoux, le 30 juin 1755, il était d'une noble famille provençale. Cadet au régiment de Languedoc à seize ans, il partit pour Pondichéry en 1775. Il s'y battit contre les Anglais puis quitta l'armée et vint à Paris mener une vie de débauche. La Révolution l'enthousiasma et le sortit de son inaction. Il en devint un militant

décidé et s'affilia aux Jacobins. Elu député du Var à la Convention, il passa d'abord assez inaperçu et vota la mort du roi. Envoyé en mars 1793 en mis- sion dans le Midi en proie à l'agitation, il y réprima avec ardeur les fédéralistes et les royalistes à Marseille et à Toulon où il fit la connaissance de Napoléon Bonaparte*. Rappelé à Paris, il attendit avec impatience la chute de Robes- pierre* à laquelle il contribua militai- rement le 9 Thermidor.

Il figura, par la suite, parmi les prin- cipaux dirigeants de la Convention qu'il présida en février 1795. Il lui rendit l'ultime service d'écraser, au début d'octobre, avec l'aide de Bona- parte, l'émeute royaliste du 13 vendé- miaire. Le mois suivant, il fut à la fois réélu député et élu Directeur, poste qu'il garda jusqu'à la fin du régime. Il y exerça une grande influence sur l'histoire intérieure et extérieure de la France, orientant son action dans le sens de la préservation de l'héritage révolutionnaire tel que le concevaient les thermidoriens. C'est ainsi qu'il présida, le 4 septembre 1797, au coup du 18 Fructidor qui sauva la Répu- blique du royalisme en violant la cons- titution. Avide et aimant profiter de tous les avantages annexes procurés par le pouvoir, « le roi Barras » eut de nombreuses maîtresses, dont Joséphine de Beauharnais qu'il céda à Bonaparte, et tira d'énormes profits des marchés militaires ou des négociations diploma- tiques. Au cours des deux dernières années du Directoire, Barras louvoya entre les menaces jacobine et royaliste, restant en place au milieu de la désin- tégration du régime. Bien que ses sympathies personnelles allassent plutôt du côté des anciens jacobins, il semble qu'il ait établi des contacts secrets avec Louis XVIII. Il fut de peu de poids face au coup de Brumaire qui l'amena à démissionner et à disparaître de la vie politique. En disgrâce pendant tout

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le Premier Empire, il ne fut pas proscrit, après Waterloo et vécut paisi- blement ses dernières années en travaillant à ses Mémoires. Il mourut à Chaillot le 29 janvier 1829.

BARTHÉLEMY François, marquis de (1747-1830). Né à Aubagne le 20 oc- tobre 1747, il était d'origine modeste et fut élevé par son oncle, le célèbre auteur du Voyage du jeune Anacharsis en Grèce. Sa bonne éducation et la protection du duc de Choiseul le firent entrer dans le service diplomatique. Il fut successivement secrétaire d'ambas- sade en Suède en 1768, à Vienne en 1775 et à Londres en 1784. Son loya- lisme envers la monarchie lui valut d'être nommé ambassadeur en Suisse à la fin de 1791. Après le 10 août, quoique dénué de sympathie pour le nouveau régime républicain, il demeura son représentant officieux. Il lui procura des avantages économiques tout en protégeant les émigrés et favo- risant les intérêts suisses à Paris. Après la Terreur, son autorité fut beaucoup plus grande et il devint une sorte de ministre de fait des Affaires étrangères. Il représenta la France aux négociations avec la Prusse en 1795 et signa à ce titre le traité de Bâle en avril. Il procura des traités analogues avec l'Espagne en juillet et l'Etat de Hesse-Cassel en août.

Il resta à son poste après l'installation du Directoire bien que ne partageant pas une bonne partie de ses vues en matière extérieure. La victoire élec- torale des royalistes en avril 1797 entraîna son élection comme Directeur deux mois plus tard. Favorable à la paix avec l'Angleterre, il fut arrêté en septembre par ses collègues radicaux, comme conspirateur, et déporté en Guyane. Il s'en évada pour Surinam, puis l'Europe, et s'installa à Hambourg en août 1799. Retourné en France après Brumaire, il fut nommé sénateur, chevalier de la Légion d'honneur et

comte en 1808. Président du Sénat en mars 1814, il prononça la déposition de Napoléon Grand officier de la Légion d'honneur sous la Restau- ration, il fut, après les Cent-Jours, ministre d'Etat en 1815, marquis en 1818 et pair de France jusqu'à sa mort survenue à Paris, le 3 avril 1830. Il avait commencé ses Mémoires, qui vont jusqu'en 1819, dès 1799.

BAYARD Pierre Terrail, seigneur de (env. 1476-1524). « Sans peur et sans reproche », il entra de son vivant dans la légende comme parangon des vertus chevaleresques. C'est dire que, contrai- rement à un Gaston de Foix il fut davantage un homme du passé que de l'avenir, moins un grand stratège qu'un guerrier à la bravoure hors du commun, capable d'exploits individuels exceptionnels dont la litanie émaille le récit du « Loyal Serviteur » (1527), sans doute son secrétaire Jacques de Mailles. Né vers 1476 à Pontcharra près de Grenoble, il eut l'éducation approximative d'un enfant noble (il savait à peine signer son nom) et devint page du duc de Savoie qui le donna à Charles VIII A partir de 1495 (Fornoue), pendant près de trente ans, son destin sera lié à celui des guerres d'Italie. On le trouvera donc sous le règne de Louis XII à la conquête du Milanais (1499-1500), rompant des lances à Naples (« combat des Onze », févr. 1503 ; duel avec Sotomayor ; pont du Garigliano, nov. ; défense de Gaète, déc.), au siège de Gênes (1507), à Agnadel (1509). Il s'illustra naturel- lement dans la lutte contre la Sainte Ligue, à la reprise de Bologne (févr. 1512) et de Brescia, où il fut blessé, puis à Ravenne (avr.). Moins heureux en Artois à Guinegate (août 1513), il fut fait prisonnier mais refusa d'entrer au service de Henri VIII (1491-1509- 1557). Nommé lieutenant général en Dauphiné (mars 1515), il connut son

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jour de gloire à Marignan (sept.) où François I lui demanda de l'armer chevalier mais le laissa ensuite en semi- disgrâce. Il se fit remarquer à nouveau en forçant avec Montmorency Charles Quint à lever le siège de Mézières (sept. 1521). Après avoir protégé Grenoble d'une attaque de brigands, il repartit alors en Italie sous les ordres de l'inca- pable Bonnivet et mourut symboli- quement des suites d'une arquebusade en protégeant la retraite de l'armée au passage de la Sesia, le 30 avril 1524.

BAYLE Pierre (1647-1706). Représen- tant significatif de la « crise de la cons- cience européenne », Bayle passa sa vie en quête de certitudes. Il y déploya une force de travail et une érudition peu communes et aboutit à une conclusion pleine de scepticisme mettant en doute la tradition religieuse et prônant la tolé- rance ; son œuvre reposait sur une documentation immense à laquelle les philosophes des Lumières viendront puiser leur argumentation.

C'était le fils d'un pasteur du Carla, près de Foix, qui lui apprit le latin et le grec. Après des études au collège protestant de Puylaurens, il s'enfuit chez les jésuites à Toulouse où il se convertit au catholicisme (1669) mais, une fois bachelier ès arts, il retourna à la foi de son père (1670). Devenu relaps, il dut gagner Genève où il étudia la théologie et s'ouvrit au cartésianisme avant d'être engagé comme précepteur (1674). Il partit ensuite à l'académie protestante de Sedan où il enseigna de novembre 1675 à juillet 1681, date où elle fut fermée sur ordre de Louis XIV Bayle se réfugia à Rotterdam (octobre 1681) où il reprit son enseignement. En 1682, il publia des Pensées diverses sur la comète dans lesquelles, sur le mode ironique, il démontrait la primauté du libre examen et de l'esprit critique sur la dictature de la tradition, et invitait les

chrétiens à épurer leurs pratiques reli- gieuses. L'ouvrage, qui eut plusieurs éditions, lui apporta la renommée. La même année, il se livra à une Critique générale de l'histoire du calvinisme du jésuite Maimbourg qui faisait des protestants des rebelles en puissance.

De mai 1684 à février 1687, quand la maladie le contraignit à renoncer, il publia sur le modèle du Journal des Savants, un mensuel, Les Nouvelles de la République des Lettres, qui le mit en relation avec les intellectuels européens. Entre-temps, indigné par les persécu- tions antiprotestantes et la mort en prison de son frère Jacob, il écrivit en 1686 deux ouvrages polémiques, Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis-le-Grand et le Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d'entrer » dans lequel il exposait les droits de la « conscience errante » et prônait la tolérance aussi bien pour les chrétiens que pour les juifs et les musulmans et même les athées, ce qui dépassait les limites de ce que les esprits les plus éclairés pouvaient alors supporter. Il était plus conformiste sur le plan politique et il demeura soumis à l'autorité royale contrairement à Jurieu qui présentait la guerre de la Ligue d'Augsbourg comme une croisade antidespotique. La publication en avril 1690 d'un Avis aux réfugiés sur leur prochain retour en France entraîna entre les deux hommes une polémique furieuse qui se termina par la destitution de Bayle (octobre 1693).

Il utilisa ses loisirs forcés à rédiger son chef-d'œuvre, le Dictionnaire histo- rique et critique dont la première édition parut sous son nom en 1696 (2e édition augmentée de près de moitié en 1701) et dans lequel il divisait son propos en deux parties : « L'une purement histo- rique, un narré succinct des faits ; l'autre est un grand commentaire, un mélange de preuves et de discussions où je fais entrer la censure de plusieurs

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fautes. » Chaque article comprenait les certitudes (minces), les incertitudes et les mensonges où son érudition et son humour faisaient mouche. C'était de loin la plus importante tant par son volume que par son contenu. Il en découle deux impressions d'ensemble : la première c'est que l'histoire de l'hu- manité est une succession d'abomina- tions ; la seconde c'est que les croyances humaines sont un tissu de contradic- tions devant lesquelles on ne peut manifester qu'un grand scepticisme. Miné par les efforts et la phtisie, Bayle mourut à Rotterdam le 28 décembre 1706.

BEAUMARCHAIS Pierre Augustin CARO de, (1732-1799). Entre mille et une activités, cet aventurier doué, remuant, processif et sans scrupule, a aussi touché au théâtre, donnant en passant avec Le Mariage de Figaro une pièce emblématique qui est peut-être la comédie la plus réussie du répertoire français.

Il était né Caron, parisien et fils d'un horloger qui l'initia à son métier. A vingt-deux ans, il inventait une montre à échappement, ce qui lui ouvrait les portes de la Cour. En 1755, il acheta la charge d'un contrôleur-clerc d'office de la maison du roi et, l'année sui- vante, il épousa sa veuve (mûre et riche) : le voici seigneur de Beaumar- chais. Devenu veuf à son tour, il enseigna la harpe aux filles de Louis XV et entra en contact avec Paris-Duverney qui eut vite fait de reconnaître ses talents. En 1761, il acheta une charge de secrétaire du roi qui l'anoblit et, en 1763, le voici lieu- tenant général des chasses aux baillage et capitainerie de La Varenne du Louvre. Les années suivantes furent celles du voyage en Espagne (1764- 1765) où, sous couvert de venger l'honneur de sa sœur Lisette, il se livra à des trafics pas très nets. Au retour,

il commit dans le genre larmoyant et bourgeois alors en vogue deux pièces, Eugénie (1767) et Les Deux Amis (1770).

Il se remaria en 1768 avec une seconde veuve qui mourut à son tour en 1770 quelques mois après Paris- Duverney à propos de la succession duquel il intenta un procès au duc de la Blache. Débouté en première instance et en appel, il lança contre le conseiller Goezmann quatre Mémoires (1773-1774) d'autant mieux accueillis par l'opinion parisienne qu'ils sont drôles et que son adversaire appartenait à la juridiction substituée par Maupeou au Parlement. Il en résulta une condamnation pour Goezmann et un blâme pour Beaumarchais que l'on pria en haut lieu de se faire oublier. Il fut ainsi chargé de missions secrètes à Londres, à Amsterdam, à Nurem- berg, en Autriche. Mille affaires l'occu- pèrent ensuite dont la création d'une société des auteurs dramatiques, la publication des œuvres complètes de Voltaire à Kehl pour cause de censure, qui lui coûta une fortune, et surtout la fourniture clandestine d'armes et de munitions aux insurgés américains pour le compte du gouver- nement français. Il fut naturellement réhabilité par le Parlement réinstallé (1776) et gagna finalement son procès contre la Blache. Entre-temps, il avait fait donner à la Comédie-Française son premier chef-d'œuvre d'une folle gaieté, Le Barbier de Séville (1775).

Il atteignit la gloire littéraire avec Le Mariage de Figaro. Terminée en 1781, la pièce n'obtiendra l'autorisation d'être jouée, après de multiples péri- péties qui tinrent Paris en haleine, que le 27 avril 1784. Ce fut un triomphe qui fit de l'auteur l'héritier de Voltaire auquel il rendit hommage et dont il avait transposé sur la scène la verve iconoclaste. Le succès n'assagit pas notre homme qui rompit des lances avec Mirabeau à propos de la

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« Que d'hommes en un homme ! », disait Michelet. De fait, les biographies constituent comme autant de chemins indispensables à tous ceux que l'His- toire intéresse pour partir à la rencontre d'une époque ou d'un pays. Conçu autour de cette idée par un groupe de spécialistes réunis sous la direc- tion de J.-M. Bizière, le Dictionnaire des biogra- phies a l'ambition de présenter un véritable Who's who de ceux qui ont marqué, d'une manière ou d'une autre, l'histoire du monde de l'Antiquité à nos jours. Bien que réunissant une masse impres- sionnante d'informations, avec une attention toute spéciale à l'égard des personnalités appartenant à l'Orient, au monde slave ou à l'Amérique latine, ce dictionnaire est publié en six volumes consacrés à chacune des grandes périodes du passé, ce qui en fait un outil de travail à la fois maniable et adapté aux besoins de chacun.

Tome 1 : L'Antiquité Tome 2 : Le Moyen Âge Tome 3 : La France moderne Tome 4 : Le Monde moderne T ome 5 : Le XIX siècle T ome 6 : Le XX siècle

Jean-Maurice Bizière, professeur à l'université Pierre- Mendès France de Grenoble a traité des biographies relatives aux XVII et XVIII siècles. Jacques Solé, professeur à l'université Pierre-Mendès France est l'auteur des biographies concernant le XVI siècle, la Révolution et l'Empire.

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