Dialogues en français

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Eugene IONESCO

Exercices de conversation et de diction pour tudiants amricains1. JEAN-MARIE, MARIE-JEANNEPersonnages : JEAN-MARIE, MARIE-JEANNE

JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE.

Bonjour, Marie-Jeanne. Bonjour, Jean-Marie. O allez-vous? Je vais en classe et vous? Je vais en classe. Ah, voil Philippe. O va-t-il si vite? Il se dirige vers le collge. Nous aussi, nous y allons, mais pas aussi vite que lui. Je suis en avance. Jai peur dtre en retard. Pourtant nous suivons le mme cours, nous devons y tre la mme heure. Alors, cest peut-tre moi qui suis en retard. Et moi en avance. Sommes-nous logiques? Je ne le pense pas. Cela ne fait rien, limportant cest dtre en bonne sant. Cest juste, il faut pouvoir rsister jusquaux vacances de lanne prochaine. Lanne prochaine est bien loin. Faut-il beaucoup de temps pour que le franais entre dans ma tte? Il faut vingt ans de travail pour une tte comme la tienne. En vingt ans, je peux oublier les leons des dix-neuf autres annes. Dans ce cas on te fera recommencer encore pendant vingt ans. Tu es un peu injuste. Nest-ce pas du bon franais que je parle en ce moment? Ce nest pas du vrai franais. Cest traduit de langlais.

2. SALUTATIONSPersonnages : MARIE-JEANNE, THOMAS

MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE.

Bonjour Thomas. (Il ne rpond pas.) Tu ne veux pas me dire bonjour? Pourquoi ne veux-tu pas me dire bonjour? Parce que je ne te connais pas. On dit bonjour mme des gens que lon ne connat pas. Dailleurs, tu me connais. Donc, tu peux me dire bonjour. Ah, oui, excuse-moi. Je te reconnais maintenant. Alors, je te dis bonjour. Comment vas-tu? Comment te sens-tu? Comment te portes-tu? Moi, je ne veux pas te dire bonjour, parce que je naime pas les gens qui ne me reconnaissent pas. Dis-le-moi quand mme. Je dis bonjour aux gens que je connais et aux gens que je ne connais pas. Je ne le dis pas aux gens qui ne me reconnaissent pas. Je ne leur parle mme pas. Quelle heure est-il? Il est midi moins le quart, Marie-Jeanne. Ah, non, il est midi 10... Pardon, midi et demi. Pourquoi nallons-nous pas djeuner sil est plus de midi? Parce que le professeur ne le sait pas. Il na qu regarder sa montre. Pourquoi ne la regarde-t-il pas? Il parle; il ne peut pas faire deux choses la fois : parler et regarder sa montre. Faut-il lui dire quil est midi pass? Il ne peut pas faire deux choses la fois, il peut encore moins en faire trois : parler, regarder sa montre, et tcouter. Moi, jen fais bien quatre : lcouter, lui, tcouter, toi, te parler, et avoir faim. Cest encore plus difficile que den faire trois. On pourrait lui faire faire cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt, vingt et une, trente, quarante, cinquante, soixante, soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt et une, quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf, cent, mille, un million, un million de choses la fois. Cest encore plus difficile que de faire deux choses la fois. Pourquoi?

THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS.

MARIE-JEANNE. THOMAS.

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MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS.

Tu es trop sot pour comprendre. Je ne suis pas sot, je suis myope. coute plutt ce quil dit. Jaime mieux apprendre compter en franais.

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3. AVOIR OU NE PAS AVOIR QUELQUE CHOSEPersonnages : THOMAS, MARIE-JEANNE, DICK

THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. MARIE-JEANNE. THOMAS. MARIE-JEANNE. DICK.

Bonjour, Marie-Jeanne, il est dj 2 heures de laprs-midi, je nai pas mang, jai faim. Moi, je nai pas faim, jai chaud. Moi, jai faim et jai chaud. Moi, jai chaud et jai froid parce que cest lt et que nous avons un t froid cette anne. Moi, jai faim, jai chaud, jai soif. Quand on a soif on a sommeil, alors jai sommeil. Moi, jai faim, jai chaud, jai froid, jai soif, jai sommeil et jai vingt ans. Il vaut mieux avoir vingt ans que davoir chaud, faim, froid, soif et sommeil. Moi, jai faim, jai chaud, jai froid, jai soif, jai sommeil, jai vingt ans la fois. Moi, je nai pas faim, je nai pas chaud, je nai pas froid, je nai pas sommeil, je nai pas vingt ans. Je nai besoin de rien mais jai mal partout. Tu as raison de navoir besoin de rien ni du reste. Non, il a tort. Non, il a raison, puisquil na besoin de rien. Non, il a tort puisquil a mal partout. En effet, il vaut mieux avoir sommeil.

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4. LA CLASSEPersonnages : DICK, THOMAS, AUDREY

DICK. THOMAS. DICK. AUDREY. DICK. AUDREY. DICK. AUDREY. THOMAS. DICK. THOMAS. AUDREY. DICK. AUDREY. DICK. THOMAS. DICK.

Bonjour, Thomas. Bonjour, monsieur. Ne mappelez pas monsieur . Appelez-moi Dick. Cest plus simple, Aprs tout, je ne suis pas beaucoup plus g que vous. Bonjour, Audrey. (A Dick.) Bonjour, monsieur. Ne mappelez pas monsieur . Appelez-moi Dick. Cest plus simple, Aprs tout, je ne suis pas beaucoup plus g que vous. Oh, si, monsieur ! Quel ge avez-vous? Moi, jai seulement dix-sept ans. Dans dix-sept ans, vous en aurez le double. Oui, dans dix-sept ans jaurai vingt-six ans. Ce nest pas vrai, monsieur, pardon, Dick. Dans dix-sept ans, Audrey aura trente-quatre ans. Vous tes trs fort en calcul mental. Mais Audrey est plus forte que vous en franais. Je peux la rattraper. Jai seulement un an de plus quelle. (A Thomas.) Je ne savais pas que vous aviez quinze ans. Voyons. Audrey. Dix-sept et quarante-neuf ne font pas quinze. Sauf si ce sont des moutons. Cest papa qui me la dit. (A Thomas.) Puisque vous savez si bien compter, numrez, je vous prie, les objets que vous voyez dans la classe. Quest-ce que cest quune classe? Une classe est un endroit o, je veux dire cest une pice dans laquelle, non, plutt, cest un ensemble dlves turbulents plac sous la direction dun matre. Cest aussi une salle o se donnent les cours, cest--dire : cest la fois plusieurs lves runis sous la direction dun matre qui leur enseigne quelque chose et cest aussi une salle. Une classe ne peut pas tre deux choses la fois. Est-ce que Audrey peut tre la fois une fille et un crocodile? Vous me posez des questions embarrassantes. Je vais tcher dy rflchir. numrez donc les objets que vous voyez dans cette salle de classe.

THOMAS. DICK.

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THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS.

Je vois les pupitres, lestrade, la chaise, trois fentres, ma gauche, les mmes, votre droite, une porte qui se trouve devant moi et derrire vous. Ainsi, la mme chose peut se trouver dans deux endroits diffrents en mme temps. Continuez. Un professeur. O est donc le professeur? L, devant moi. Le professeur, cest vous. Cest exact. Je ne me voyais pas. Continuez. Il y a encore une craie, un tableau noir, des livres, des cahiers, des crayons, des stylos, des encriers, des crayons bille, une lampe, une ponge, un dictionnaire, une pendule et une lve, ma camarade, Audrey, et un lve : moi, Tom. Il y aussi quatre murs qui entourent la classe, un plancher sous nos pieds, un plafond au-dessus de nos ttes. Que fait-on dans une classe? Questions orales, questions crites, lecture voix haute, dictes, compositions, examens, chahut. Ce nest pas tout daccumuler des mots en vrac. Il faut en faire quelque chose. Quoi, monsieur? Que peut-on faire avec des mots, Audrey? Avec les mots, on peut faire des phrases. Croyez-vous que ce soit indispensable? Je le crois profondment. Alors, puisque vous le dsirez, je vais tcher de faire des phrases. Mais je naime pas en faire. Pourquoi naimez-vous pas faire des phrases? Parce que les phrases, ce sont des paroles emphatiques et vides. Cest crit dans le dictionnaire Larousse. Le dictionnaire Larousse dit aussi que les phrases sont des assemblages de mots prsentant un sens complet. Je ne suis pas daccord avec votre dfinition.

AUDREY. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. AUDREY. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. AUDREY. THOMAS.

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AUDREY. DICK. THOMAS. DICK.

Pourquoi nes-tu pas daccord avec ma dfinition? Pourquoi ntes-vous pas daccord avec sa dfinition? Parce que les phrases ne peuvent pas prsenter un sens complet tout en tant vides de sens. Vous nous crez des difficults. Si vous ne voulez pas faire des phrases avec les mots que vous devez apprendre aujourdhui, je vous donnerai une mauvaise note. Bien, Dick, je vais essayer. Le pupitre est dans le cahier. Le professeur est dans la poche du gilet de la montre. Le tableau noir crit la copie sur le matre. La craie efface lponge. Le corridor et la cour se trouvent sur la chaire et lestrade se trouve dans la rcration. La craie est au plafond, la fentre sur le plancher. Jouvre llve et la porte sassoit sur le banc. La clochette a trois coles. Le livre a quatre murs dont il est entour. Cependant, le dictionnaire na que trois fentres : une fentre anglaise et sept franaises. Les fentres se jettent par la porte, le collge, lcole, la colle sont dans la main du matre. Le matre crit sur la craie blanche avec le tableau noir. La rcration annonce la clochette. Je suis ce que vous tes; il nest pas ce que nous sommes; ils sont ce que tu es. Jai ce que tu as; il a ce quils ont, ils ont ce que nous navons pas. Assez, assez, cest faux, ce nest pas cela. Mon Dieu, Audrey svanouit. Thomas, aidez-moi, Audrey svanouit. Cest la chute.

THOMAS.

DICK. THOMAS.

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5. LA VISITE LHPITALPersonnages : PHILIPPE, JEAN-MARIE, LE GARDIEN

PHILIPPE. JEAN-MARIE. LE GARDIEN. JEAN-MARIE. LE GARDIEN.

Bonjour, docteur. Nous venons voir Mlle Audrey qui sest vanouie la fin de la premire leon de franais. Docteur, est-ce quelle va mieux? Nous ne pouvons pas continuer les leons sans elle. Il ny a pas de leons sans lves. Je ne suis pas mdecin. Je suis le Gardien. Cependant, je peux vous dire o vous allez trouver Mlle Marie-Jeanne. O donc allons-nous la trouver? Vous pouvez trouver cette pauvre demoiselle dans le btiment XII. Au fond de la cour. Vous navez qu suivre lalle, tout droit devant vous. Une fois arrivs, aprs le carrefour, prenez lalle de gauche. Lorsque vous aurez avanc de quatorze mtres cinquante centimtres environ, vous continuerez tout droit, jusqu ce que vous rencontriez une fontaine. Contournez la fontaine. Revenez sur vos pas, faites treize mtres, huit centimtres, deux millimtres, et vous prenez la petite alle de gauche. Ensuite, tournez droite, gauche, droite, gauche, droite, gauche. Puis vous essayez de marcher droit devant vous jusqu ce que vous vous trouviez prs dun banc vert sur lequel vous vous asseyez cinq minutes jusqu ce que le vertige passe. Si la peinture du banc est encore trop frache, ne vous asseyez pas. De l, face au couchant, vous vous avancez : votre gauche, vous apercevrez un sentier bord dglantiers; un second sentier bord de jasmin. Il ne faut prendre ni lun ni lautre. Vous en prenez un troisime, bord dun ct de jasmin et de quelques rares tulipes. Avancez, sans tourner la tte, ni droite ni gauche, en vous tenant bien au milieu du chemin, jusquau moment o vous rencontrerez un membre du personnel de lhpital, un malade, un touriste, un jardinier ou mon adjoint. Vous abordez cette personne, lui demandant sil sait et sil peut vous indiquer o se trouve le btiment numro XII. Si, pour une raison ou une autre, ignorance, mutisme, dbilit mentale, il ne peut vous donner les indications ncessaires, vous continuez jusqu ce que vous rencontriez une seconde, une troisime, une septime, une quinzime personne, capable de vous renseigner. Si vous avez la chance de rencontrer cette personne avant lheure de fermeture de lhpital, il est encore temps daller rendre visite votre amie souffrante. Sinon, revenez demain de bonne heure, avec un plan de notre parc et de lhpital. Je peux vous vendre le plan pour cinquante centimes et quatorze mille francs de pourboire. Quen pensez-vous, Jean-Marie? Achetons le plan. Nous reviendrons demain matin de trs bonne heure. Monsieur le Gardien, je veux bien acheter le plan. Il est un peu cher. Ne pourriez-vous pas nous faire une petite rduction? Payez-moi seulement le pourboire. Je rembourserai moi-mme sur les quatorze

PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. LE GARDIEN.

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mille francs, les cinquante centimes la direction. PHILIPPE. LE GARDIEN. JEAN-MARIE. LE GARDIEN. PHILIPPE. Daccord, monsieur le Gardien. Voici les quatorze mille francs en billets tout neufs de la Banque de France. Merci, monsieur, demain. Au revoir, demain matin. Salut. Elle me revient cher, cette visite lhpital. Combien de leons de franais dois-je donner pour rentrer dans mes frais? Jaugmenterai les honoraires de mes leons.

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6. LA VISITE LHPITAL (le lendemain)Personnages : PHILIPPE, LE GARDIEN, JEAN-MARIE, X, AUDREY

PHILIPPE.

Bonjour, monsieur le Gardien-chef. Nous sommes dj venus hier. Nous reconnaissez-vous? Nous venons voir Audrey qui sest vanouie la fin de la dernire leon de franais. Ce ntait pas moi. Il tait trop tard. Vous avez vu le gardien de nuit, moi, je suis le gardien de jour. Nous sommes venus en voiture et avec un plan dtaill des jardins et des btiments de lhpital. Bon. a va. Guidez-vous donc daprs votre plan. Vous navez pas besoin de moi. Roulez doucement dans les alles. Allons, Jean-Marie, lisez le plan pendant que je conduis, donnez-moi les indications ncessaires. Bien, suivez tout droit. Voici le carrefour. Prenez lalle gauche. Avancez, tournez, arrtez, avancez, foncez tout droit. Ralentissez. Contournez la fontaine. Faites machine arrire. Arrtez. Tournez. Recommencez tout. Faites de nouveau machine arrire. Vous avez trop recul. Avancez de nouveau. Faites gauche, droite, droite, gauche, gauche, tout droit, machine arrire, appuyez sur le champignon, freinez, ne freinez pas, contournez, voici le banc vert, entrez dedans, renversez-le. Bravo, cest fait. gauche. Prenez ce chemin; non, prenez le chemin parallle, a y est, nous sommes sur la bonne route. Tenez bien votre droite, tournez gauche. Braquez. Nous y voici. Merci, Jean-Marie. Descendons. Fermez bien la portire. Attention, pas trop fort. Vous avez dj abm ma dernire voiture. Je ferai attention. Oh, excusez-moi, Philippe, votre carrosserie est en morceaux. Nous nous cotiserons pour acheter une autre voiture. Vous tes terrible, Jean-Marie. Ne pleurez pas. Ne vous laissez pas accabler par les remords, cherchons le mdecin, le chef de clinique, pour lui demander dans quelle salle nous pouvons trouver Marie-Jeanne. Tiens, le voil qui avance vers nous. Bonjour, docteur, pouvez-vous nous dire Je ne suis pas le docteur, je suis une infirmire. Excusez-moi, madame. Non, pas madame, mademoiselle. Excusez-moi, mademoiselle. Ah, voici quelquun. Bonjour, docteur. Pardon, je ne suis pas le docteur. Je suis la porte du btiment principal. Entrez,

LE GARDIEN. PHILIPPE. LE GARDIEN. PHILIPPE. JEAN-MARIE.

PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE.

JEAN-MARIE. X. JEAN-MARIE. X 1. JEAN-MARIE. X 2.

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entrez. JEAN-MARIE. X 3. JEAN-MARIE. X 4. JEAN-MARIE. X 5. JEAN-MARIE. X 6. JEAN-MARIE. X 7. JEAN-MARIE. X 8. JEAN-MARIE. X 9. JEAN-MARIE. X 10. JEAN-MARIE. X 11. JEAN-MARIE. X 12. X 13. X 14. JEAN-MARIE. LE DOCTEUR. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur, Je suis lescalier qui mne au premier tage. Montez, montez. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis la rampe de lescalier. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je ne suis que le palier. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis une table dopration. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis le bistouri du chirurgien. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis la salle de consultation. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis le dortoir rserv aux malades. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je ne suis quune pauvre ventouse. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis la feuille de temprature. Bonjour, docteur. Je ne suis pas le docteur. Je suis le thermomtre. Je suis le lit du malade. Je suis son oreiller. Bonjour, docteur. Je ne suis plus le docteur, jai donn ma dmisssion.

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JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE.

Ah, voici Marie-Jeanne dans son lit. Je ne suis pas Marie-Jeanne, je ne suis pas l. Jai quitt lhpital il y a quinze jours.

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7. DIVERSPersonnages : PHILIPPE, JEAN-MARIE, MARIE-JEANNE

PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. PHILIPPE.

Dites-moi, Jean-Marie, que doit faire un bon lve? Un bon lve doit arriver crire vite et lencre et il doit arriver lheure. Que signifie arriver lheure? Jarrive lheure quand il est trop tt Non, je suis lheure quand il est trop tard. Monsieur, cest faux. On est lheure quand on est ni en avance ni en retard. Je croyais quon tait lheure quand on tait la fois en avance et en retard. Voyons, Jean-Marie, aujourdhui, tes-vous venu en avance ou en retard, trop tt ou trop tard? Avez-vous d attendre longtemps avant dentrer ou est-ce que cest moi qui ai d vous attendre longtemps ainsi que je le fais tous les jours, tous les matins, tous les ans, en pleurant? Pour ne pas tre triste, monsieur, vous devriez voyager souvent, parler toujours, bien danser tous les soirs et sentir bon. Quand on danse trop on sent mauvais parce quon transpire. Alors, il est prfrable de chanter. Marie-Jeanne peut chanter, car elle chante juste. Non, elle chante faux.

MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. PHILIPPE. JEAN-MARIE.

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8. LE MALHEUR DES SOPHISMESPersonnages : PHILIPPE, THOMAS

PHILIPPE. THOMAS.

Quavez-vous fait, Thomas, hier aprs-midi? Hier, 16 heures, la fin des cours, je suis rentr chez mois, Je ny ai pas trouv ma mre. En ce moment, elle accompagne mon pre qui fait un voyage daffaires. Ainsi donc, lui non plus, je ne lai pas trouv. Vous tes logique, Thomas. Mais je ny ai pas trouv ma femme non plus. Votre femme ntait pas la maison? Elle ne pouvait pas tre la maison. Comment se fait-il? Na-t-elle pas lhabitude de vous attendre? Peut-tre estelle venue votre rencontre par un autre chemin que celui que vous prenez habituellement. Elle tait galemant dans limpossibilit de venir ma rencontre. Pourquoi donc? Cest que je ne suis pas mari. Cela vaut mieux, je craignais quelle ne ft malade.

PHILIPPE. THOMAS. PHILIPPE. THOMAS. PHILIPPE.

THOMAS. PHILIPPE. THOMAS. PHILIPPE.

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9. LE BON ET LE MAUVAIS TEMPSPersonnages : PHILIPPE, MARIE-JEANNE, JEAN-MARIE

Les trois personnages parlent au tlphone, chacun ayant son rcepteur. Philippe, le professeur, est dans la classe. Jean-Marie et Marie-Jeanne sont, chacun, dans leur maison. Ils se tlphonent. PHILIPPE. Personne en classe. O sont mes lves? Sont-ils lglise? Je ne crois pas. Ce nest pas dimanche. Sont-ils dans une autre classe o ils seraient entrs par mgarde? Certainement pas. On les aurait conduits ici, dans ma classe. Personne ne les a vus dans les btiments de lcole. Ils ne sont certainement pas venus lcole ce matin. Ils doivent tre chez eux, la maison. Je vais leur tlphoner All ! All ! All ! Cest vous, Marie-Jeanne? Non, ce nest pas moi. Ah, si, cest moi ! Jai rpondu que ce ntait pas moi car je croyais que ce ntait pas vous. Cest ennuyeux, le tlphone de Jean-Marie est occup. Je vais tlphoner Marie-Jeanne. Puisquelle nest pas lcole elle doit tre chez elle ou bien ailleurs, je ne sais o. Avant de tlphoner je ne sais o, je vais tlphoner chez elle. All ! All ! Personne. (Il raccroche.) (Au tlphone, Marie-Jeanne.) Cest bien moi. Pourquoi ntes-vous pas alle lcole, aujourdhui? Et vous? Le tlphone de Marie-Jeanne est occup. Je vais encore essayer de tlphoner chez Jean-Marie. Je ne suis pas all en classe parce quil fait froid, parce quil pleut, parce quil neige, parce quil gle, parce quil y a du brouillard, parce que le ciel est gris, parce quil vente et quil grle. All, all, personne non plus. Moi, je ne vais pas lcole parce quil fait trop chaud, le soleil brle, je nai pas de chapeau, jai peur dattraper une insolation. Le tlphone de Jean-Marie nest toujours pas libre. Je ne peux tout de mme pas faire la classe tout seul. Il me faut des lves, morts ou vivants. Je les prfre vivants. Ils doivent se tlphoner lun lautre. moins que chacun ne tlphone un autre interlocuteur. Pourquoi ne sont-ils pas venus lcole? Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid, il ne pleut pas, le soleil ne tape pas trop fort sur les crnes. Il y a tout juste un peu de brouillard. Je vais prendre ma voiture et je vais aller les chercher chez eux. Chez qui dabord? cruelle indcision.

MARIE-JEANNE. JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. PHILIPPE.

JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. PHILIPPE. JEAN-MARIE.

PHILIPPE. MARIE-JEANNE. PHILIPPE.

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JEAN-MARIE. MARIE-JEANNE. PHILIPPE.

Nous irons lcole lanne prochaine. Quand il fera moins froid. Il est clair que cest un temps sombre. Nous irons lcole lanne prochaine, quand il fera moins chaud. Cest dsagrable daller lcole quand le temps est chaud. All, le garage? Faites venir la voiture dans la cour du collge. Cest triste davoir de pareils lves.

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10. VACANCESPersonnages : DICK, THOMAS, AUDREY

DICK. THOMAS. DICK. THOMAS.

Bonjour, mon cher Thomas. Avez-vous pass de bonnes vacances? Je nai pas pass de trop bonnes vacances. Audrey et moi, nous sommes partis ensemble, pour aller en France. Alors, vos vacances ont d tre bien agrables. Pas tellement, Dick. Audrey a habit chez son arrire-grand-mre, en France, et moi, jai d loger chez le notaire dun ami de mon oncle, Paris. Ainsi, Audrey et moi, nous tions spars. Paris, ce nest pas la France. Combien de temps tes-vous rest Paris? Je ne suis pas rest longtemps Paris. Je me sentais trop seul. Je me suis tellement ennuy que jai d abrger mes vacances. Jai pass l-bas une partie seulement de mes vacances. Combien de temps exactement? Exactement, soixante-dix-sept ans. Ce nest pas beaucoup. Vous navez donc pas vu Audrey du tout pendant tout ce temps? Si, mais rarement. Elle habitait trop loin. Je la rencontrais seulement tous les jours, le matin, au petit djeuner, midi, au djeuner, laprs-midi, au goter, quelquefois entre le goter et le dner, ensuite au dner, et puis au cinma ou au thtre, aprs dner. Elle ne pouvait pas venir plus souvent car elle habitait loin Neuilly, et moi Paris, et puisque Paris nest pas la France, elle devait demander un visa sur son passeport chaque fois quelle venait me voir Paris. Et vous-mme, Thomas, vous nalliez pas rendre visite Audrey dans sa province lointaine? Si. Mais seulement tout le reste du temps en dehors des heures du petit djeuner, du djeuner, du goter et du dner. tes-vous idiot, Thomas? Si jtais idiot, parlerais-je le franais? Certainement pas. Quest-ce qui vous a le plus frapp Paris? Personne naurait os me frapper. Jaurais rpondu par un direct amricain dans le nez, ou par un gauche dans la mchoire de celui qui aurait essay de me frapper. Jai reu seulement un coup de pied au derrire, de la part du notaire de mon oncle.

DICK. THOMAS.

DICK. THOMAS. DICK. THOMAS.

DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS.

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DICK. THOMAS.

Et pourquoi donc? Il sest fch. Je lui ai dit quil y avait davantage de myopes Paris qu New York, alors il sest mis en colre, il ma donn un coup de pied, l, pour mieux voir , ma-t-il dit. Thomas, dcidment, vous tes idiot. Non, je ne suis pas idiot. Si vous continuez de minsulter, je quitte la classe, je choisis un autre professeur et je ne vous paye pas mes leons. Bien, bien, daccord, vous ntes pas idiot, vous ntes quun imbcile. Alors, a va, je reste. Dites-moi, quavez-vous vu Paris? Je nai pas vu grand-chose parce que javais faim, alors jai vu seulement des assiettes au restaurant, et javais soif, alors jai vu seulement des verres au bistrot, aprs javais sommeil, alors je voyais mon lit et les draps; pas beaucoup, car je mendormais trop vite, javais les yeux ferms, je voyais seulement en rve. Le reste du temps, je regardais Audrey, elle venait si peu me voir, jen profitais donc, mais ce ntait pas nouveau car javais dj vu souvent Audrey New York et elle navait pas chang de visage Paris, ni mme Neuilly. Je nai vu que des myopes qui eux ne pouvaient pas me voir car ils taient trop loin. Tiens, justement, Audrey arrive. Bonjour, Audrey. Bonjour, Dick, bonjour, Thomas. Avez-vous pass de bonnes vacances Neuilly, o vous habitiez? Je ne logeais pas Neuilly, mais au centre de Paris, prs de lOpra. Je me suis beaucoup promene, jai vu des expositions de peinture, le Louvre, jai t aux Tuileries, au Luxembourg, au thtre, je suis tombe dans les gouts, bref, je me suis bien amuse, parce que jtais seule et je ne demandais lavis de personne. Thomas prtend quil vous a vue tous les jours, pendant les vacances. Il se trompe. Il a voyag avec ma sur jumelle, il croyait que ctait moi. Pourtant, ma sur jumelle ne me ressemble pas tout fait. Entre elle et moi, il y a quelques petites diffrences; moi, jai un petit nez en lair, ma sur a un long nez aplati; ma sur a les yeux noirs, moi jai les yeux bleus; ma sur est rousse, moi je suis blonde; ma sur mesure deux mtres quatre-vingt-dix centimtres, moi je mesure un mtre soixante-huit centimtres, ma sur Excusez-moi de vous interrompre. Pouvez-vous mexpliquer comment il se fait que Thomas ne se soit pas aperu de ces diffrences?

DICK. THOMAS. DICK. THOMAS. DICK. THOMAS.

DICK. AUDREY. DICK. AUDREY.

DICK. AUDREY.

DICK.

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AUDREY. DICK. AUDREY.

Il ne sen est pas aperu pour deux raisons : dabord, ces diffrences ne sont pas grandes; ensuite, Thomas est trs myope. Je men doutais. Il a un si mauvais accent en franais. En anglais aussi.

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11. AU THTREPersonnages : PHILIPPE, JEAN-MARIE

PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE.

Bonjour, Jean-Marie. Bonjour, monsieur. Vous ne me demandez pas do je viens. Je ne vous le demande pas, car je le sais : vous venez de Paris o vous avez pass une partie de vos vacances. Comment savez-vous que jai t Paris? Cest vous-mme qui me lavez dit, hier soir, quand je vous ai rencontr la gare. Excusez-moi, javais oubli. Au moins, est-ce que vous avez appris le franais? Non, je nai pas pu lapprendre. Les Parisiens parlent trs mal le franais. Ils le font sans doute exprs car ils doivent connatre la langue. Avez-vous vu, avez-vous fait ou bien avez-vous vu et fait des choses intressantes? En avez-vous entendu aussi? Je nai pas fait grand-chose et je nai rien entendu dintressant puisque je nentends rien, mais jai vu de trs belles choses. Quest-ce que vous avez vu? O avez-vous t? Je suis all au thtre. Dcrivez et racontez-moi cela. Comment tait-ce? Je me trouvais dans une grande salle avec des fauteuils rouges, lorchestre. Des deux cts de la salle, jai vu des baignoires. Au-dessus, jai vu les balcons, le poulailler, plus haut encore, au milieu du plafond, il y avait un lustre norme qui clairait la salle. Pour arriver ma place jai dabord achet un billlet, jai dpos mon pardessus au vestiaire, jai travers un couloir circulaire, enfin, conduit par louvreuse, je suis arriv ma place. Et sur la scne, quavez-vous vu? Je nai rien vu sur la scne. Vous navez pas vu la pice? Quelle pice? Une pice, joue par des acteurs qui sont des personnages portant des costumes ou nen portant pas.

PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE.

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JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE. PHILIPPE. JEAN-MARIE.

Je nai pas vu cela. Il ne devait pas y avoir seulement les dcors. Je nai pas vu de dcors non plus. Que sest-il donc pass? On a frapp les trois coups, trs fort, il a fait nuit dans la salle. On a frapp encore trois coups, trs fort. Le lustre na pas rsist. Il est tomb du plafond sur les ttes des spectateurs qui taient derrire moi. Heureusement, les fauteuils ont pris feu. Alors, jai pu voir clair. Ctait trs joli, il y avait des flammes partout, beaucoup de cadavres. Les pompiers ont arrivs. Ils nous ont fait prendre des douches. Je me suis bien amus. Jai beaucoup applaudi. Le lendemain, la place du thtre, il y avait un peu de cendre.

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12. AGENCE DE VOYAGESPersonnages : LE CLIENT, LEMPLOY, LA FEMME

LE CLIENT. LEMPLOY.

Bonjour, monsieur. Je voudrais deux billets de chemin de fer, un pour moi, un pour ma femme qui maccompagne en voyage. Bien, monsieur. Je peux vous vendre des centaines et des centaines de billets de chemin de fer. Deuxime classe? Premire classe? Couchettes? Je vous rserve deux places au wagon-restaurant? Premire classe, oui, et wagons-lits. Cest pour aller Cannes, par lexpress daprs-demain. Ah Cest pour Cannes? Voyez-vous, jaurais pu facilement vous donner des billets, tant que vous en auriez voulu, pour toutes directions en gnral. Ds que vous prcisez la destination et la date, ainsi que le train que vous voulez prendre, cela devient plus compliqu. Vous me surprenez, monsieur. Il y a des trains en France. Il y en a pour Cannes. Je lai dj pris, moi-mme. Vous lavez pris, peut-tre, il y a vingt ans, ou trente ans, dans votre jeunesse. Je ne dis pas quil ny a plus de trains, seulement ils sont bonds, il ny a plus de places. Je peux partir la semaine prochaine. Tout est pris. Est-ce possible? Dans trois semaines Tout est pris. Dans six semaines Tout est pris. Tout le monde ne fait donc que daller Nice? Pas forcment. Tant pis. Donnez-moi alors deux billets pour Bayonne. Tout est pris, jusqu lanne prochaine. Vous voyez bien, monsieur, que tout le monde ne va pas Nice. Alors, donnez-moi deux places pour le train qui va Chamonix Tout est pris jusquen 2020 Pour Strasbourg

LE CLIENT. LEMPLOY.

LE CLIENT. LEMPLOY.

LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT.

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LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LEMPLOY. LE CLIENT. LA FEMME. LE CLIENT. LEMPLOY.

Cest pris. Pour Orlans, Lyon, Toulouse, Avignon, Lille Tout est pris, pris, pris, dix ans lavance. Alors, donnez-moi deux billets davion. Je nai plus aucune place pour aucun avion. Puis-je louer, dans ce cas, une voiture avec ou sans chauffeur? Tous les permis de conduire sont annuls, afin que les routes ne soient pas encombres. Que lon me prte deux chevaux. Il ny en a plus. ( sa femme.) Veux-tu que nous allions pied, jusqu Nice? Oui, chri. Quand je serai fatigue tu me prendras sur tes paules. Et vice versa. Donnez-nous, monsieur, deux billets pour aller pied jusqu Nice. Entendez-vous ce bruit? Oh, la terre tremble. Au milieu du pays un lac immense, une mer intrieure vient de se former. Profitez-en vite, dpchezvous avant que dautres voyageurs ny pensent. Je vous propose une cabine de deux places sur le premier bateau qui va Nice.

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13. APHORISMESPersonnages : 1RE VOIX, 2E VOIX, 3E VOIX, 4E VOIX, CHUR

PREMIRE VOIX. CHUR. PREMIRE VOIX.

Le bon est meilleur que le pire. Le pire est moins bon que le bon. Le moins bon est aussi mauvais que le pire. En hiver, les jours sont plus courts quen t. Un homme vivant parle beaucoup plus quun homme mort. Il bouge davantage aussi, mais sil refuse de marcher, il ne bouge pas plus quun homme mort. Cependant, il a plus de vie; car un homme mort nen a plus du tout. Il est vrai quun vivant est plus vif quun mort. Mais il y a des vivants plus vifs que dautres vivants qui le sont moins. Est-ce quil y a des morts plus morts que dautres morts? Est-ce quil y a des vivants moins vivants que dautres vivants? Les vivants plus vivants sont ceux qui sont les moins morts : les potes, par exemple, car ils ont plus dinspiration que la majorit des gens qui ne sont pas plus mauvais pour cela. Les vivants saperoivent quen hiver il fait moins chaud quen t; quen automne il pleut plus quen t; que ce printemps-ci, il fait meilleur que le printemps dernier, que le ciel est plus clair, cest--dire moins nuageux. Gnralement, cest au printemps ou en t que les hommes, les femmes, les enfants, les oies, les arbres, les fleurs, le ciel, le soleil, la pluie sont amoureux, bien plus quen hiver ou en automne. Cest parce quils sont moins occups car ils ont plus de beau temps. Ils travaillent moins. Quand on travaille, on est plus mort que vif. Cest faux. Les morts ne travaillent pas, et ils sont moins vivants et moins vifs que nous. Quen savez-vous? Vous ntes pas plus renseign que nous.

QUATRIME VOIX. CHUR. PREMIRE VOIX.

TROISIME VOIX.

CHUR.

PREMIRE VOIX. DEUXIME VOIX. CHUR. TROISIME VOIX. PREMIRE VOIX.

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14. LEON SUR LA POLITESSEPersonnages : LE MONSIEUR, LA DAME, LE 1ER CHAUFFEUR, LE 2E CHAUFFEUR, LA PASSANTE, LAGENT

LE MONSIEUR. LA DAME. 1er CHAUFFEUR. 2e CHAUFFEUR.

Oh, madame, pardon et mille excuses, si je viens de vous heurter au passage. Je ne lai pas fait exprs. La faute est la cohue. Vous ai-je fait mal? Pas du tout, monsieur, ce nest rien, ne vous excusez pas et ne me demandez pas pardon, vous mavez tout juste un peu frle du coude. (Au deuxime chauffeur.) Alors quoi, tu ne sais donc pas conduire? Espce dasperge, tas failli entrer dans ma voiture avec ta trottinette. (Au premier chauffeur.) Pourquoi me tutoyez-vous, Monsieur? Je ne vous connais pas. Tu viens de la gauche, je viens de la droite. Cest moi de passer. On nest pas chez les Engliches. Tu ne connais pas le code de la route. Pardessus le march, tu discutes. a ne connat mme pas le code de la route et a discute. O donc est-ce que tas eu ton permis de conduire? Las-tu trouv dans une pochette-surprise? Et toi, dans la poubelle aux ordures? Au bistrot du coin? Dans la salade de betteraves? Dans les champignons? On voit que tu as hrit de ton grand-pre son permis de pousser la brouette. Je ne lai mme pas touche, ta bagnole. Non, mais tu aurais pu, tte de lard. Crtin! Pourriture! Gteux! Carotte gele! ( la dame.) Oh madame, madame, je vois que vous plissez, Je vous ai fait mal. Avouez-le. Ah! je suis impardonnable, madame, madame. Ce nest rien, je vous assure, il marrive de plir, sans raison, de temps autre. Madame, oh madame, vous avez mal au pied! Vous aurais-je cras lorteil? Non, monsieur, quimaginez-vous donc? Je me le suis cras moi-mme par distraction. Madame, oh, madame, je maperois que je viens denfoncer ma canne dans votre il. Pardon; que je suis maladroit! Pas du tout, monsieur, cest mon parapluie. (Au deuxime chauffeur.) Je vais te casser la gueule!

1er CHAUFFEUR.

2e CHAUFFEUR. 1er CHAUFFEUR. 2e CHAUFFEUR. 1er CHAUFFEUR. 2e CHAUFFEUR. LE MONSIEUR. LA DAME. LE MONSIEUR. LA DAME. LE MONSIEUR. LA DAME. 1er CHAUFFEUR.

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2e CHAUFFEUR. UNE PASSANTE. LE MONSIEUR. LA DAME. LE MONSIEUR. UNE PASSANTE. LAGENT.

(Au premier chauffeur.) Je vais tapprendre vivre! Au secours! la police! Ils se tuent! ( la dame.) Oh, madame, votre il est crev. Oh, madame, je vous ai vraiment fait mal oh, madame, vous vous vanouissez. Pas du tout, je rve, je fais semblant. Mon Dieu, elle svanouit. Elle tombe dans les pommes. (Aux passants.) Aidez-moi la soutenir et appelons lambulance. Empchez les deux chauffeurs de se battre, ils vont se tuer! ( la Passante.) Mlez-vous de ce qui vous regarde, madame, sinon je vous arrte.

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15. LE FUTURPersonnages : LA DEMOISELLE, LE VENDEUR

LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR.

Bonjour, monsieur. Bonjour, mademoiselle, que dsirez-vous? Je voudrais macheter un visage, avec tous les accessoires indispensables. Pour quand vous le faudra-t-il ? Je voudrais lavoir demain. Cest un peu court. Je vais faire de mon mieux. Voulez-vous un nez? Quen ferai-je? quoi me servira-t-il? Il vous servira vous moucher. Je ne pourrais donc pas me moucher sans nez? Alors vous men prparerez deux, un nez en trompette, un autre en colimaon avec escalier. Je vais vous prparer aussi des yeux. Combien? Croyez-vous que je vais en avoir vraiment besoin? quoi me serviront-ils? Sont-ils si chers? Rien nest plus cher. Il vous en faudra au moins deux. Il vous seront ncessaires pour cligner, cest--dire, vous en fermerez un, pendant que vous sourirez de lautre. Saurai-je le faire? Ne vais-je pas me tromper? Ne confondrai-je pas un il avec lautre et vice versa? Je me contenterai dun seul il, ainsi je ne vais pas le confondre avec lautre. Si vous en perdez un, il ne vous en restera plus. Je vous en prparerai deux, tout de mme, pour demain. Je les mettrai de chaque ct du nez, ou, plutt, ce sont vos deux nez qui encadreront vos yeux. Serai-je belle ainsi? Vous serez trs belle. Mais vous aurez aussi une bouche. Une bouche? quoi pourrai-t-elle mtre utile? Elle vous sera utile si vous savez vous en servir. Vous apprendrez. Avec la bouche vous parlerez, vous embrasserez, vous respirerez, vous mangerez, vous mcherez, vous casserez vos dents, vous boucherez les trous. Je saurai faire tout cela? Il me faudra beaucoup de temps avant que je ne connaisse le fonctionnement de la bouche qui mangera, une bouche qui

LA DEMOISELLE.

LE VENDEUR.

LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR.

LA DEMOISELLE.

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embrassera, une bouche qui mchera, une bouche qui marchera, une bouche qui bouchera. LE VENDEUR. LA DEMOISELLE. LE VENDEUR. O les mettrez-vous? Vous naurez pas de place sur le visage. Mon visage sera-t-il si petit que cela? Oui, mademoiselle, une seule bouche vous suffira, car ce sera la bonne bouche que vous aurez. Quand vous aurez besoin dune seconde bouche vous irez la trouver chez le boucher. Quand jaurai le visage, est-ce que je vais pouvoir me marier? Pas encore. Il vous faudra aussi un front, deux oreilles pour dormir et un menton, simple ou double, un menton pour mentir votre mari.

LA DEMOISELLE. LE VENDEUR.

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16. AU MARCHPersonnages : MARIE-JEANNE, THOMAS, LE BOULANGER ET AL.

MARIE-JEANNE. THOMAS.

Enfin, te voil! Je mimpatientais. Pourquoi viens-tu si tard au march, o astu tran? Je nai pas tran. Voici ce qui mest arriv. Jarrive chez le Boulanger, je lui dis : Bonjour, monsieur le Boulanger. Je voudrais trois ctes dagneau, une entrecte, une escalope de veau, un morceau de buf bouilli. Vous vous trompez, monsieur, la viande ne sachte pas chez le boulanger, mais chez le boucher. Cest au bout de la rue. Vous pouvez prendre le mtro. Non, jaime mieux me promener. Bonjour, monsieur le Boucher, je voudrais pour quarante-quatre francs de jambon et trente-deux livres de lard fum. Je nen vends pas. La viande de porc sachte chez le charcutier. Bonjour, monsieur le Charcutier. Puis-je avoir un kilo de sucre, trois grammes de sel, du pain dpice? Monsieur, si je ne mabuse on vous a mal dirig. Toutes ces denres se trouvent chez lpicier. Bonjour, monsieur lpicier, avez-vous des cachets daspirine? Oui, jen ai. Vous me surprenez! Cela mtonne. Cest tout fait normal, je ne suis pas picier, je suis pharmacien. Alors, monsieur, vous allez pouvoir me renseigner : o se vendent ou o sachtent les melons? Les melons sachtent ou se vendent chez le chapelier. Attention! Je me vends chez le chapelier quand je suis en cuir, en feutre ou en paille. Quand je suis lgume, je machte chez le marchand de fruits. Et comment vous mange-t-on? Je me mange avec du sucre.

LE BOULANGER. THOMAS. LE BOUCHER. THOMAS. LE CHARCUTIER. THOMAS. LE PHARMACIEN. THOMAS. LE PHARMACIEN. THOMAS. LE PHARMACIEN. LE MELON. THOMAS. LE MELON.

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17. CHEZ LE DOCTEURPersonnages : MARIE-JEANNE, LE DOCTEUR

MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR. MARIE-JEANNE.

Bonjour, Docteur. Bonjour, mademoiselle. De quoi vous plaignez-vous? De rien. Moi, je suis optimiste. Je suis aussi journaliste. Je viens faire une enqute. Mon journal me prie de vous demander quelles sont les maladies les plus frquentes que vous soignez. Cest pour une statistique. Cest trs vari. Parmi tant de malades qui viennent me voir, il y en a qui ont le cur gros, dautres qui ont le ventre creux, dautres leurs jambes leur cou. Dautres clatent ou explosent. Dautres se tordent. Il y en a qui sont plis en quatre. Il y en a dautres qui on a cass les pieds. Dautres ont la rate dilate. Certain nont plus de cur; ils sont curs. Dautres ont le sang qui ne fait plus quun tour; de la moutarde qui leur est monte au nez; dautres on leur a tourn la tte. Plusieurs voient rouge, ou tout en noir. Les uns ont les nerfs en boule ou fleur de peau; nombreux sont ceux qui ont la gueule de bois ou mal aux cheveux; il faut les leur couper en quatre. Il y a les maniaques qui tirent tout par les cheveux. Beaucoup sont sur les genoux quand ils nont pas le cur bris. Dautres encore sont pourris et corrompus. Je ne peux rien faire pour ceux qui sont crevs. Il y a les gonfls sans compter les intouchables. Il y a ceux qui se lvent du pied gauche, celles qui ont un pied anglais, les pieds dans le plat, les pieds de nez; tous ceux-l doivent retomber sur leurs pieds pour repartir de bon pied. Jai des patients qui ont du nez, dautres qui nen ont pas. Je soigne des personnes qui ont un poil dans la main, ou qui ont leur ide derrire la tte, ou qui la perdent, qui nont pas les yeux en face des trous. Jai des malades mentaux qui ont le fou rire, des vicieux qui lchent les bottes, qui boivent la tasse, ou qui se font du mauvais sang, quand ils ne cassent pas leur pipe. Il y a ceux qui ont froid aux yeux et ceux qui sont tout feu tout flamme, sans compter les ttes brles, ceux qui sont consums par la passion. Je reois aussi les monstres, les faux frres, les personnes qui versent les larmes de crocodile, ou qui ont la tte de bois, un cur de glace, un cur de pierre, les yeux plus gros que le ventre, le cur sur la main, une langue de vipre tes-vous aussi vtrinaire? Trs peu. On ne peut gurir les nes et les chameaux. Cependant, je soigne les petits rats de bibliothques et les oies blanches. Soignez-vous les goutteux? Cest leur faute : ils boivent la goutte tous les matins. Je leur donne des gouttes. Et ceux qui ny voient goutte? Je leur fais des transfusions car ils nont pas une goutte de sang dans les veines; je leur donne du sang froid, du sang chaud, cest selon.

LE DOCTEUR.

MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR. MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR. MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR.

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MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR. MARIE-JEANNE. LE DOCTEUR.

Et sil ny a pas de donneurs de sang? On leur donne du sang de navet. Est-ce que les transfusions reviennent cher vos patients? a ne leur cote que les yeux de la tte.

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18. AU RESTAURANT PARISPersonnages : THOMAS, LE GARON

THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON.

Garon! Oui, monsieur. Que dsirez-vous? Je voudrais manger. Djeuner ou dner? Attendez. Je vais regarder lheure. Il est 1 heure. Cest--dire, 13 heures. Je voudrais donc djeuner. Je me doutais bien que vous dsiriez prendre un repas. Vous ntes pas venu au restaurant pour quon vous coupe les cheveux, en deux, en trois, en quatre. Ni pour quon vous lave la tte. Ni pour vous confesser, ni pour quon vous arrache la dent de sagesse avec ou sans anesthsie Ma dent de sagesse na pas encore pouss. ni pour prendre un bain de soleil, un bain de jouvence, ni pour que lon vous psychanalyse, ni pour passer votre baccalaurat Jai dj mon baccalaurat. ni pour enseigner ni pour que lon vous enseigne ce que sont la matire, lantimatire, latome, les protons, les neutrons, les lectrons ou autres particules comme les msons que lon trouve dans les rayons cosmiques Je nai pas pour moi tout seul une maison, jai lou seulement une chambre dans un appartement Jtais sr que lauteur de ce dialogue allait faire ce jeu de mot lamentable, facile et de mauvais got Vous ntes pas venu non plus ici pour nous dcrire les tableaux que vous avez vus au muse du Louvre, ou au muse dArt moderne. Vous ntes pas venu non plus pour prorer, vaticiner ou prophtiser. Je nai pas encore t au muse du Louvre. Je ne suis pas all non plus au muse dArt moderne. Je my rendrai certainement un de ces jours, car cest pour cela que je suis venu Paris, Je suis amricain, un tudiant amricain. Je suis venu Paris dans lintention dapprendre la langue franaise dont on ma dit que ce qui la caractrisait ctait sa prcision et sa logique. Monsieur, je nai pas de temps perdre. Ne seriez-vous donc venu que pour regarder dans les assiettes des autres? Dans ce cas, je vous prierai de vouloir bien vous lever de table et quitter le restaurant. Regardez la queue quil y a la porte. Mais je suis venu ici pour djeuner ainsi que je vous lai dj dit.

THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON.

THOMAS. LE GARON.

THOMAS.

LE GARON.

THOMAS.

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LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS.

Que voulez-vous manger? Des mets. Je ne sais pas lesquels. Voici la carte. Consultez-la. Je ne comprends pas, cest crit en caractres gothiques. Excusez-moi. Cette carte est destine aux touristes allemands du Moyen ge et dge moyen. En voici une autre en caractres latins. Merci, Garon! Cependant, vous navez pas mis le couvert. Et cela, quest-ce que cest? Ceci est une fourchette. Je ne lavais pas remarque. Excusez-moi, je suis myope. Mais une fourchette ne fait pas le couvert. Et cela, droite de votre assiette? Ah, oui, cest un couteau. Je ne lavais pas remarqu. Excusez-moi, je suis myope. Mais cela ne fait pas le couvert. Cela, quest-ce que cest, ct du couteau? Ah, oui, ceci est une cuillre, je ne lavais pas remarque. Excusez-moi, je suis myope. Devant mon assiette, il y a un petit rcipient transparent. Je suppose que cest un verre. Vous ntes donc pas si myope que a. Il y a aussi une salire et un poivrier. Le poivre est dans la salire et le sel est dans le poivrier. Cest lhabitude de la maison. Cela na pas dimportance. Jpicerai lenvers. Voulez-vous une serviette? Non, merci. Je messuie la bouche avec les doigts et les doigts avec mon mouchoir. Le mouchoir nest pas fait pour cela. Bref, dites-moi : quels plats choisissezvous? Voulez-vous le menu du jour? Non. Je voudrais, pour commencer, avoir des crudits et du pt de campagne, ensuite, comme entre, une omelette au lard; comme plat de rsistance, je voudrais des tripes la mode de Caen, une choucroute alsacienne, un coq au vin, un cassoulet toulousain, une pote bourguignonne, une fondue savoyarde, une bouillabaisse comme Marseille, non, la bouillabaisse ce sera pour ce soir, des truffes prigourdines, une poularde de Bresse. Quels fromages dsirez-vous?

LE GARON.

THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS.

LE GARON.

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THOMAS.

Je voudrais un plateau de fromages compos de roquefort, bleu dAuvergne, cantal, carr de lEst, camembert, brie de Melun, livarot, pont-lvque. Si jai encore faim, je prendrai du fromage de chvre et du gruyre. Et comme dessert que prendrez-vous? Je voudrais bien essayer des crpes bretonnes de sarrasin; un souffl au Grand Marnier, des confitures, des fruits, une glace la vanille, une glace au chocolat. Quels fruits? Des poires, des pommes, des pches, des bananes, des fraises, des cerises et des framboises. Nous navons plus que des prunes, monsieur. Donnez-moi des prunes. Je maperois que nous navons plus rien de tout ce que vous avez command. Nous pouvons vous servir des petits pois et du pain sec. Je naime pas les petits pois ni le pain sec. Des haricots verts et du pain sec. Je naime pas non plus les haricots verts, ni le pain sec. De la salade de feuilles mortes? Cest tout ce quil nous reste. Donnez-moi de la salade de feuilles mortes avec une bouteille de beaujolais, une de bordeaux, une de sancerre. Nous navons plus de vin non plus, monsieur. Alors, je boirai du Coca-Cola la moutarde de Dijon. (Se retournant pour transmettre la commande.) Chef, une salade de feuilles mortes au Coca-Cola pour monsieur. Bien sucre, la salade. Sans huile et sans vinaigre, avec un gros morceau de pain sec. ( Thomas.) On dit : avec du pain sec, sil vous plat. Du pain sec, sil vous plat. ( Thomas.) Bien, vous serez servi, monsieur.

LE GARON. THOMAS.

LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON. THOMAS. LE GARON.

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