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FICHE technique Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 37 Détection de l’instabilité génétique (instabilité microsatellitaire) F. Marguet*, A. Lamy*, F. Le Pessot*, J.C. Sabourin* Environ 15 % des cancers colorectaux (CCR) spora- diques (1) présentent un défaut du système de répa- ration de bases qui entraîne des non-réparations des erreurs de l’ADN polymérase se traduisant par un phénotype microsatellite instable (MSI). Cela est dû à une altération du système Mismatch Repair (MMR). Les tumeurs ayant ce phénotype MSI sont déficientes pour le système MMR (dMMR) ; les autres tumeurs sont proficientes pour le système MMR (pMMR) et ont un phénotype microsatellite stable (MSS). G G Indications Le test REplication Error (RER) permet de mettre en évidence ces phénotypes (MSI ou MSS) en comparant les microsatellites de l’ADN tumoral (présents dans les cellules cancéreuses) aux microsatellites présents dans l’ADN des cellules normales. Il existe 2 principales indications à ce test. Première situation : le clinicien suspecte un syndrome de Lynch (syndrome de prédisposition héréditaire au cancer) en s’appuyant sur des critères cliniques (critères d’Amsterdam) [2] : 3 cas liés au 1 er degré de CCR et/ou de cancer de l’endomètre et/ou de l’intestin grêle et/ou de l’uro- thélium (prouvés histologiquement), – répartis sur 2 générations, – dont 1 est survenu à un âge inférieur à 50 ans. Dans cette indication, le test RER est prescrit par le clinicien ou le généticien qui suit le patient. Deuxième situation : il s’agit d’un patient atteint d’un CCR de stade II avec des facteurs de mauvais pronostic : dans ce cas, il a été démontré que la chimiothérapie adjuvante à l’aide de 5-FU n’était pas indiquée pour les patients atteints d’un CCR MSI (3) . G G Réalisation du test RER Le principe du test repose sur la comparaison des microsatellites de l’ADN de la tumeur avec ceux du tissu sain. Ces microsatellites correspondent à des séquences répétées d’acides nucléiques (sous forme de mono- ou de dinucléotides), peuvent être codants (exoniques) ou non codants (introniques) et sont localisés préfé- rentiellement dans les régions microsatellitaires des chromosomes (d’où leur nom). Ces séquences répé- tées représentent des zones difficiles à répliquer par l’ADN polymérase : cela explique que les microsatellites soient le siège préférentiel des erreurs de réplication de l’ADN 1 . En pratique, ce test est réalisé par analyse comparative du tissu tumoral et du tissu sain d’un patient : les zones correspondantes, préalablement sélectionnées par un pathologiste, sont grattées sur des lames blanches coupées à partir des blocs de tissus fixés et inclus en paraffine. Bien évidemment, ces 2 tissus sont recueil- lis dans 2 tubes différents (car l’intérêt du test est de comparer les profils microsatellitaires du tissu sain par rapport au tissu tumoral). En l’absence de tissu sain présent dans l’échantillon à tester (ou si celui-ci est trop “mélangé” avec la tumeur), il est possible d’utiliser un ADN normal de référence. Comme pour tout test moléculaire tissulaire, il est nécessaire d’indiquer le pourcentage de cellules tumorales qui seront ana- lysées dans l’échantillon tumoral (seuil de sensibilité analytique). 1. Les microsatellites introniques sont le siège du polymorphisme géné- tique : il existe un allèle maternel et un allèle paternel, qui peuvent être de taille différente (on retrouvera ces 2 allèles au niveau de toutes les cellules normales de la personne testée). Ce polymorphisme des allèles microsatellitaires est d’ailleurs à la base de “l’empreinte génétique” qui caractérise chaque individu et qui est utilisée en médecine légale. C’est également ce polymorphisme qui impose de bien comparer l’ADN tumoral à l’ADN du tissu sain ! * Laboratoire de génétique somatique des tumeurs, département de pathologie, pôle de biologie, CHU de Rouen.

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 37

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013 37

Détection de l’instabilité génétique (instabilité microsatellitaire)F. Marguet*, A. Lamy*, F. Le Pessot*, J.C. Sabourin*

Environ 15 % des cancers colorectaux (CCR) spora-diques (1) présentent un défaut du système de répa-ration de bases qui entraîne des non-réparations des erreurs de l’ADN polymérase se traduisant par un phénotype microsatellite instable (MSI). Cela est dû à une altération du système Mismatch Repair (MMR). Les tumeurs ayant ce phénotype MSI sont déficientes pour le système MMR (dMMR) ; les autres tumeurs sont proficientes pour le système MMR (pMMR) et ont un phénotype microsatellite stable (MSS).

GGIndications

Le test REplication Error (RER) permet de mettre en évidence ces phénotypes (MSI ou MSS) en comparant les microsatellites de l’ADN tumoral (présents dans les cellules cancéreuses) aux microsatellites présents dans l’ADN des cellules normales.Il existe 2 principales indications à ce test.• Première situation : le clinicien suspecte un syndrome de Lynch (syndrome de prédisposition héréditaire au cancer) en s’appuyant sur des critères cliniques (critères d’Amsterdam) [2] :– 3 cas liés au 1er degré de CCR et/ou de cancer de l’endomètre et/ou de l’intestin grêle et/ou de l’uro-thélium (prouvés histologiquement),– répartis sur 2 générations,– dont 1 est survenu à un âge inférieur à 50 ans.

Dans cette indication, le test RER est prescrit par le clinicien ou le généticien qui suit le patient.• Deuxième situation : il s’agit d’un patient atteint d’un CCR de stade II avec des facteurs de mauvais pronostic : dans ce cas, il a été démontré que la chimiothérapie adjuvante à l’aide de 5-FU n’était pas indiquée pour les patients atteints d’un CCR MSI (3) .

GGRéalisation du test RER

Le principe du test repose sur la comparaison des microsatellites de l’ADN de la tumeur avec ceux du tissu sain. Ces microsatellites correspondent à des séquences répétées d’acides nucléiques (sous forme de mono- ou de dinucléotides), peuvent être codants (exoniques) ou non codants (introniques) et sont localisés préfé-rentiellement dans les régions microsatellitaires des chromosomes (d’où leur nom). Ces séquences répé-tées représentent des zones difficiles à répliquer par l’ADN polymérase : cela explique que les microsatellites soient le siège préférentiel des erreurs de réplication de l’ADN1. En pratique, ce test est réalisé par analyse comparative du tissu tumoral et du tissu sain d’un patient : les zones correspondantes, préalablement sélectionnées par un pathologiste, sont grattées sur des lames blanches coupées à partir des blocs de tissus fixés et inclus en paraffine. Bien évidemment, ces 2 tissus sont recueil-lis dans 2 tubes différents (car l’intérêt du test est de comparer les profils microsatellitaires du tissu sain par rapport au tissu tumoral). En l’absence de tissu sain présent dans l’échantillon à tester (ou si celui-ci est trop “mélangé” avec la tumeur), il est possible d’utiliser un ADN normal de référence. Comme pour tout test moléculaire tissulaire, il est nécessaire d’indiquer le pourcentage de cellules tumorales qui seront ana-lysées dans l’échantillon tumoral (seuil de sensibilité analytique).

1. Les microsatellites introniques sont le siège du polymorphisme géné-tique : il existe un allèle maternel et un allèle paternel, qui peuvent être de taille diff érente (on retrouvera ces 2 allèles au niveau de toutes les cellules normales de la personne testée). Ce polymorphisme des allèles microsatellitaires est d’ailleurs à la base de “l’empreinte génétique” qui caractérise chaque individu et qui est utilisée en médecine légale. C’est également ce polymorphisme qui impose de bien comparer l’ADN tumoral à l’ADN du tissu sain !

* Laboratoire de génétique somatique des tumeurs, département de pathologie, pôle de biologie, CHU de Rouen.

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L’ADN des 2 tissus est ensuite extrait en utilisant un kit ou un automate.L’étape suivante consiste à amplifier les régions génomiques d’intérêt par PCR. Pour cela, au CHU de

Rouen, un panel de référence comportant 7 marqueurs microsatellitaires monomorphes est utilisé (BAT25, BAT26, BAT40, NR21, NR22, NR24 et NR27), associé à un panel de 4 marqueurs microsatellitaires polymorphes

Figure 1. Test RER positif correspondant à un phénotype MSI avec instabilité

des microsatellites tumoraux (en bleu) par rapport à ceux du tissu sain (en vert) :

il existe un décalage des 2 profils obtenus.

Figure 2. Test RER négatif correspondant à un phénotype MSS avec stabilité

des microsatellites tumoraux (en bleu) par rapport à ceux du tissu sain (en vert) :

les courbes obtenues pour chaque microsatellite sont parfaitement superposées.

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(D2S123/AFM093xh3, D5S346/LNS, D17S250/MFd et TGFβ RII).Après migration des produits d’amplification au moyen d’un séquenceur automatique, le profil (poids molé-culaire) de chacun de ces microsatellites provenant du tissu sain est superposé à celui provenant du tissu tumoral. Dans le cas d’une instabilité microsatellitaire, il y a apparition de microsatellites de tailles différentes au niveau de la tumeur : le système de réparation des mésappariements de bases ne fonctionnant plus, une ou plusieurs bases sont “ajoutées” (insertions) ou “sous-traites” (délétions) à la séquence d’ADN microsatelli-taire. On parle alors d’instabilité d’un microsatellite si le tissu tumoral ne s’aligne pas sur le tissu sain pour ce marqueur microsatellitaire. Il est établi qu’il faut au moins 2 marqueurs microsatellitaires instables pour que la tumeur soit considérée comme de phénotype MSI (figure 1) ; la tumeur est alors dMMR. Dans le cas contraire (superposition parfaite des 2 profils), la tumeur a un phénotype MSS (figure 2) et est pMMR.

GGImmunohistochimie

Si la présence d’un phénotype MSI est avérée en biolo-gie moléculaire, une extinction d’une des protéines du système MMR est recherchée en immunohistochimie (IHC). Cette extinction traduit une mutation du gène correspondant, ce qui permet ensuite de le cibler pour l’analyse en génétique. Le système MMR est constitué principalement par 4 protéines : MLH1, MSH2, PMS2 et MSH6. Celles-ci fonctionnent en tandem (MLH1-PMS2 et MSH2-MSH6) et, en cas de mutation (inactivatrice) de l’une d’elles, le binôme n’est plus efficace et “s’éteint” en IHC. Le signal IHC de ces protéines est nucléaire et l’on recherchera systématiquement le signal normal des 4 protéines dans le tissu sain (stroma ou tissu de voisi-nage) par rapport à l’extinction nucléaire d’un binôme dans les noyaux tumoraux (figure 3). MSH2 et MLH1 étant les 2 gènes les plus fréquemment mutés dans un syndrome de Lynch, l’extinction du signal orientera la recherche d’une mutation constitutionnelle vers

Figure 3. Extinction IHC du signal nucléaire pour le binôme MLH1/PMS2 (en haut),

avec positivité nucléaire de l’autre binôme MSH2/MSH6 (en bas) : noter que, pour MLH1/PMS2,

les cellules du stroma conservent le marquage nucléaire.

MLH1 PMS2

MSH6MSH2

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Il s’agit d’un document destiné à la formation des médecins sur l’utilité clinique du test du cancer du sein Oncotype DX et ne devrait pas être délivré aux patients. Genomic Health et Oncotype DX sont des marques déposées par Genomic Health, Inc. © 2012 Genomic Health, Inc. Tous droits réservés. GHI10031_0113_FR_F

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l’un de ces gènes en première intention. Si aucune mutation n’est retrouvée, l’autre partenaire (MSH6 ou PMS2) sera à son tour analysé. La réalisation conjointe de ces 2 techniques (IHC et biologie moléculaire) est donc tout à fait pertinente dans le diagnostic de syndrome de Lynch (4, 5).Dans le cas d’une tumeur sporadique, le phénotype MSI est lié à la méthylation du promoteur de MLH12 : l’extinction du binôme MLH1-PMS2 sera donc retrou-vée en IHC.Il existe une très bonne corrélation entre l’IHC et le test RER (6) : certaines équipes préfèrent même n’utiliser que l’IHC des protéines MMR, qui est plus rapide, facile à réaliser et moins coûteuse que le test RER.

GGModalités pratiques de l’immuno­histochimie

Différents clones antiprotéines MMR sont commercia-lisés, en particulier :– MLH1 : clone M1 (Roche-Ventana), référence 790-4535 ;

– PMS2 : clone EPR3947 (Roche-Ventana), référence 760-4531 ;– MSH2 : clone G219-1129 (Roche-Ventana), référence 760-4265 ;– MSH6 : clone 44 (Roche-Ventana), référence 790-4455. Ces anticorps peuvent être utilisés sur un automate comme celui de Roche-Ventana, BenchMark XT, avec le protocole CC1 standard.

GGConclusion

Dans le cadre d’une tumeur apparaissant dans un contexte de prédisposition familiale aux cancers, la présence d’un phénotype MSI, associée à l’extinction IHC d’une des 4 protéines du système MMR, permet de confirmer la suspicion clinique de syndrome de Lynch et de cibler le gène à screener ensuite en génétique constitutionnelle. Dans le cas d’un CCR sporadique de stade II avec des facteurs de mauvais pronostic, la présence d’un phéno-type MSI évitera au patient une chimiothérapie à base de 5-FU, inefficace.

2. Dans cette situation, il existe également une mutation V600E du gène BRAF dans environ 60 % des cas. Cette mutation peut donc être recherchée pour orienter vers la nature sporadique de la lésion tumorale.

1. Zaanan A, Meunier K, Sangar F, Fléjou JF, Praz F. Microsatellite instability in colorectal cancer: from molecular oncogenic mechanisms to clinical implications. Cell Oncol 2011;34:155-76.

2. Vasen HF, Watson P, Mecklin JP, Lynch HT. New clinical criteria for hereditary nonpolyposis colorectal cancer (HNPCC, Lynch syndrome) proposed by the International Collaborative group on HNPCC. Gastroenterology 1999;116:1453-6.

3. Sargent DJ, Marsoni S, Monges G et al. Defective mismatch repair as a predictive marker for lack of efficacy of fluorouracil-based adjuvant therapy in colon cancer. J Oncol 2010;28: 3219-26.

4. Shia J. Immunohistochemistry versus microsatellite instability testing for screening colorectal cancer patients at risk for hereditary nonpolyposis colorectal cancer syndrome. Part I. The utility of immunohistochemistry. J Mol Diagn 2008;10:293-300.

5. Zhang L. Immunohistochemistry versus microsatellite instability testing for screening colorectal cancer patients at risk for hereditary nonpolyposis colorectal cancer syndrome. Part II. The utility of microsatellite instability testing. J Mol Diagn 2008;10:301-7.

6. Lindor NM, Burgart LJ, Leontovich O et al. Immunohistochemistry versus microsatellite instability testing in phenotyping colorectal tumors. J Clin Oncol 2002;20:1043-8.

R é f é r e n c e s