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De l’art-thérapie à la médiation artistique

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Martine Colignon

De l’art-thérapieà la médiation artistique

Quels professionnels pour quelles pratiques ?

Trames

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Conception de la couverture :Anne Hébert

Version PDF © Éditions érès 2015CF - ISBN PDF : 978-2-7492-4723-6Première édition © Éditions érès 2015

33, avenue Marcel-Dassault, 31500 Toulouse, Francewww.editions-eres.com

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Table des matières

IntroductIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1. MédIatIon et art-thérapIe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Fonctions de la médiation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Interpsychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

recherche d’ancrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Spécificité des missions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

une nouvelle articulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

enjeux de la médiation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

2. dISpoSItIFS IMplIquant une MédIatIon

graphIque et pIcturale

danS le chaMp du SoIn. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

l’animation thérapeutique ou « activités thérapeutiques ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

les médiations thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

psychothérapie médiatisée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

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les ateliers d’expression : l’artiste-intervenant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49l’art-thérapie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

3. art-thérapIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Soutenir les mouvements psychiques dans et par la création du patient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Images et retour d’un sentiment d’appartenance au monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63art-thérapie et psychanalyse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69aurore boréale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77qu’est-ce qu’une image ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81théo et la recherche de contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . 89processus de création . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93Faut-il savoir pour peindre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

4. entre art et clInIque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103quelques repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104Médiation dans le champ clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . 111la diagonale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112enveloppes symboliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

5. actIon SocIale et MédIatIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125Marie gabrielle : savoir pour sortir de l’exclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127Simon et la petite fille aux oiseaux. . . . . . . . . . . . . . . . 132

6. MédIatIon graphIque et pIcturale

et apprentISSage de la langue FrançaISe . . . . . . 139les chemins de l’apprentissage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144


Table des matières

le jardin secret de Jamila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146Médiation et transmission. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150

7. MédIatIon et reMobIlISatIon deS potentIelS

et deS reSSourceS de l’apprenant . . . . . . . . . . . . . . . . . 157Mariama et le rapace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157tâtonnements et découvertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

8. analySe deS FacteurS tranSverSeS

à la MédIatIon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167relation au savoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167vers une quête identitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173positionnements identitaires dans le groupe . . . 175temporalité : exclusion et création . . . . . . . . . . . . . . . . 179

concluSIon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

bIblIographIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191


Introduction

Les médiations artistiques sont utilisées dans dessecteurs de plus en plus vastes. À l’origine ancrées dansle champ de la clinique psychiatrique, elles s’étendentaujourd’hui aux secteurs psychopédagogique, social,psychosocial, médico-éducatif, gériatrique – pour n’enciter que quelques-uns. Face à l’utilisation tous azimutsde ces médiations, il est important de définir, pourchacun de ces secteurs, la place qu’elles occupent dansl’accompagnement et le soutien des personnes en souf-france. De plus, les nombreuses dénominations utiliséescomplexifient ce qui se joue entre intervenant et sujetdans des cadres trop souvent indifférenciés, entreclinique, culturel, occupationnel, éducatif et social. Onles nomme : « ateliers thérapeutiques à médiation artis-tique », « ateliers d’art-thérapie », « ateliers psycho-thérapeutiques médiatisés », « ateliers d’expressioncréative », « ateliers d’animation thérapeutique », etc.Est-on sûr de savoir et de comprendre, à partir de cestermes, quelle est la nature du travail engagé ? Quelle

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1. La médiation, en tant que discipline à part entière, n’apparaît qu’à la findu xxe siècle. En ce qui concerne les médiations thérapeutiques, rappelonsque les art-thérapeutes furent d’abord des professeurs de dessin dans lesannées 1960, notamment à l’hôpital Sainte-Anne où se développèrent lespremiers ateliers en France. Ces enseignants éprouvèrent par la suite lanécessité de se former à la psychanalyse. On ne parlait pas alors de médiationsthérapeutiques mais d’ateliers d’art-thérapie (peinture, dessin uniquement).

est la formation et quelle est la place des intervenants ?Quels en sont le dispositif et les objectifs ? En un mot,faut-il dissoudre toutes ces pratiques dans l’art-thérapie 1 ?

Par exemple dans le champ du soin, ceux qui s’intitulent« ateliers d’art-thérapie » ou « ateliers thérapeutiquesmédiatisés » s’apparentent souvent, dans le meilleurdes cas, à des ateliers d’expression artistique ou à desateliers d’animation. Dans ces deux occurrences, lesprofessionnels n’ont parfois aucune pratique artistique,ni de formation à l’animation thérapeutique.Tentant laplupart du temps d’apporter de nouvelles alternativesaux thérapies classiques, ils reposent la question desmodalités de prise en charge des patients qui y sontorientés. D’abord envisagées comme dernier recours,il est évident que ces thérapies par l’art viennent deplus en plus apporter de réels bénéfices dans un parcoursde soin souvent long. Toutefois, la question de leur visi-bilité, en termes d’impact et d’évaluation, reste timide.Il est important par conséquent de réfléchir à ce querecouvre chacune de ces médiations. De plus, le faitque ces ateliers se démultiplient amène une difficulté,voire une confusion de leurs enjeux au regard de lamission de la structure dans laquelle ils ont lieu. Ils


Introduction 9

peuvent être très éloignés du soin – même s’ils tendentvers lui. Peut-on néanmoins en réduire l’importance etles bienfaits ? Cette dernière remarque est au cœur dela réflexion qui doit être menée, afin de définir unchamp d’intervention et des modalités d’accompagne-ment clairs. Il est important de revisiter ce vocable de «médiation thérapeutique » qui s’invite dans des dispo-sitifs allant de l’utilisation d’un objet médiateur à desmodalités relationnelles s’appuyant sur d’autresvecteurs. Cela interroge dans le même temps la questionde l’orientation, à savoir qui la détermine et selon quelscritères.

Dans cet ordre d’idée, il est donc primordial de mettreen lumière le rôle de la médiation en tant que telle,mais aussi celui de l’art, tous deux devant produire dusens et dégager de nouvelles perspectives pour le sujetmais aussi pour les équipes professionnelles. Pluslargement, il est impératif de revisiter la tendanceactuelle à utiliser la médiation artistique dans deschamps qui débordent la clinique, pour en dégager lesintentions et cerner la place qu’elle peut ou doitprendre dans les différents secteurs professionnels quivont être abordés.

Dans tous ces contextes professionnels, utiliser l’artcomme soutien n’engage pas de facto une prise encharge en art-thérapie. L’introduction d’une médiationartistique n’instaure pas nécessairement une alliance.Nous devons par conséquent considérer ce qui sous-tend cette action, ainsi que la demande subjective dessujets ne voulant pas entendre parler de thérapie maisde soutien et d’écoute.



Par rapport aux champs que je vais aborder, nous devonsnous demander si ce sont les mêmes professionnels quidoivent exercer, dans des dispositifs différents ; c’est-à-dire des professionnels formés à l’utilisation d’unemédiation artistique ou à l’art-thérapie. Nous voyonstoutefois d’emblée que cette question n’a de sens quepar rapport à la fonction même de la médiation dont onattend souvent hélas des effets immédiats, pour desobjectifs parfois trop précis. Tenter de répondre à toutesces questions nécessite donc de reprendre, cadre aprèscadre, dispositif après dispositif, la visée et les effetsattendus d’une médiation non verbale. C’est avec pourappui ma propre expérience professionnelle de cesquinze dernières années, dans des secteurs allant duchamp psychopédagogique, social, psychosocial auchamp clinique, que j’aborderai l’ensemble de ces ques-tions. Précisons que, pour chacun de ces champs, c’estla place et le rôle de la médiation graphique et picturalequi sont considérés au sein d’ateliers proposés à desadultes. Selon ma conception, le socle est commun àtoutes les médiations : modelage, éciture, arts de lascène, musique…

Avant même d’aborder les particularités de l’art-thérapie, il nous faut définir ce qu’est la médiationartistique et clarifier les pratiques d’accompagnementl’utilisant. De l’animation thérapeutique à la psycho-thérapie médiatisée, de manière transversale, je poseraila question de l’objet en tant que médiateur : objet ouespace de relation, espace intermédiaire ou premièreétape vers la poursuite d’un travail d’introspection.Plus largement, il sera question de la place et de lafonction de l’art dans les secteurs du soin, du social et


Introduction 11

des apprentissages, ceux-ci déterminant des modalitésparticulières d’accompagnement qui s’appuient sur legroupe, sur l’activité créative ou sur les processus decréation. Bien que l’objet artistique soit au cœur deleur pratique, les médiations thérapeutiques et lapsychothérapie médiatisée doivent être distinguées. Ilm’apparaît donc nécessaire de prolonger notreréflexion en dégageant ce qui relève du travailpsychique et des processus de création dans lesquelss’engage le sujet, cela à partir d’une image sur laquelleil s’appuie ou qu’il fait naître.

Introduire l’art au sein d’une pratique de soin ou d’ac-compagnement nécessite son appropriation et saconnaissance, que ce soit d’un point de vue historiqueou processuel. Chacun doit donc s’interroger sur cequ’il représente pour lui et en quoi il l’implique dans larelation à l’autre. Nous verrons, à travers certainesvignettes cliniques, toute l’importance que nous devonsaccorder à cette question.

L’art-thérapie est une médiation non verbale. Nousdevons par conséquent imaginer et dégager uneapproche du même type. De manière paradoxale– puisque la verbalisation y est primordiale –, lapsychanalyse nous donne des repères pour accéder àun niveau de compréhension et d’échange, à partir dumonde vivant des images. Celles-ci font partie de laquête identitaire et plus largement d’une refonte dulien avec le savoir qui y participe fondamentalement.C’est pourquoi je reprendrai ce dernier point danschacun des champs abordés, puis de manière trans-versale.



La place accordée à une action dite de « bas seuil »,pour répondre à la souffrance psychosociale de certainssujets, reposera la question de l’espace qui se dessineentre atelier d’expression et soutien psychologique.Nous verrons alors combien il est fondamental de distin-guer un espace relationnel inscrit dans une missionglobale de soin, d’autres espaces qui eux sont proposésavec une volonté de participer à un allègement de ladétresse, sans imposer un lieu thérapeutique qui seraitd’emblée rejeté.

L’espace d’apprentissage enfin, sur lequel je vais m’ap-puyer, repose la question de la relation au savoir dansun dispositif qui le place au cœur de ces objectifs. Uneplace particulière est donnée à la créativité en tant quelevier fondamental de l’apprentissage, ce qui ne sauraitêtre coupé d’un fonctionnement psychique et des ques-tions identitaires que nous avons abordées dans d’autressituations d’accompagnement et de soutien.

Les histoires et les vignettes cliniques qui sont rappor-tées permettront d’éclairer les liens et les divergencesde cadre, de postures et d’interventions professionnelles.Elles ne sont en aucun cas illustratives, mais tentent desoulever des questions qui leur sont parfois transversalesà partir du moment où se rencontrent deux subjectivités.J’effectuerai donc des allers-retours propres à montrerque certains objectifs et modalités de soutien peuventse croiser, voire se superposer. Cela pour rappeler detoujours veiller à ne pas occuper une place profession-nelle inadaptée, qui viendrait un peu plus flouter desrepères sur lesquels doivent pouvoir compter cespersonnes.


Introduction 13

La prise en charge d’un sujet peut effectivement fairese rejoindre des problématiques transverses qui, si ellessont entendues et comprises, ne doivent pas cependantmener le professionnel au-delà des limites de ses compé-tences et de sa mission. Pour chacun des dispositifsévoqués, la manière dont le professionnel fait fonc-tionner l’objet médiateur en détermine les circonstanceset les objectifs. Il ne saurait y avoir une hiérarchisationde ces formes de prise en charge, mais la recherched’un environnement le plus propice à guider le sujetvers un dépassement de ses difficultés.


1

Médiation et art-thérapie

Sous le terme générique d’accompagnement, il est diffi-cile de comprendre aujourd’hui qui fait quoi et pourquels objectifs. Les glissements de fonction profession-nelle, la difficulté de ne pas s’écarter d’une missionface à des situations ingérables (le plus souvent à traiterdans l’urgence), les cadres proposés, qui fonctionnentavec des équipes pluridisciplinaires, tendent à renforcerles zones d’ombre des pratiques professionnelles. À celas’ajoute un emploi des vocables médiation et art-thérapie dans toutes sortes de dispositifs, sans que soitposé et argumenté clairement ce qui s’y joue. Ce nesont pourtant pas de simples rubriques, chaque dispositifa un contenu et une valeur, dont il faut mesurer la portée.Il se met en place dans un cadre précis, se réfère à desconcepts ou utilise des outils spécifiques (terme parti-culièrement affectionné aujourd’hui).



FONCTIONS DE LA MÉDIATION

La médiation désigne d’abord une fonction sociale,qui consiste à aider un individu à percevoir et à inter-préter son environnement. Le médiateur aide le sujet àen reconnaître et à en sélectionner des caractéristiquesphysiques ou sociales, qui touchent directement sonexpérience présente et passée. Il s’agit dans un secondtemps de faciliter leur réorganisation. Les stimuli d’unenvironnement donné vont ainsi pouvoir retrouver desliens et du sens pour l’individu qui les perçoit. Horsdu champ psychopathologique, un décalage importantentre perception et interprétation du milieu dans lequelvit le sujet peut naître de représentations inadéquates,de codes non acquis, ou encore d’un retrait socialimportant. La médiation doit permettre d’élargir unéventail d’options, afin que le sujet puisse considérerles informations que le sujet recueille sous un autrejour et donc les interpréter différemment.

Cette dimension de la médiation nous intéresse, parexemple, au regard d’actions opérant dans le champ desapprentissages de la langue française auprès d’un publicde femmes cumulant diverses difficultés, ou inscritesplus largement dans une action de lutte contre les exclu-sions, en faveur d’hommes et de femmes en déshérence.

Dans le cadre de ces deux missions, l’utilisation de lamédiation non verbale ne définit pas de facto une priseen charge en art-thérapie, comme le laissent supposercertaines actions se développant dans ces secteurs. Ilapparaît toutefois que l’écoute et le soutien du profes-sionnel opèrent à un autre niveau, et impliquent, dans


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certains contextes, sa nécessaire formation sur le versantpsychologique. La notion de soin doit alors être revisitéeparallèlement à celle de la souffrance que déposent cespersonnes, là où elles le peuvent et quand elles lepeuvent, sans tenir compte nécessairement de la missiondu professionnel auquel elles s’adressent. C’est biencette question qui doit donner du sens à leur accompa-gnement, et non le contraire. La demande du sujetcomme son absence de demande doivent éclairer le cadredans lequel il pourra accepter de s’inscrire. C’est là déjàun premier écueil, qui concerne directement les projetsintroduisant une médiation artistique, car l’art est loind’être intégrable dans des logiques de survie. L’art n’estpas un remède immédiat, il engage des processus lentset peu spectaculaires. De plus, il est nécessaire dedépasser certains freins et résistances liés à la représen-tation commune de l’art comme « récréation » oudomaine fermé et réservé (malgré les expositions quicherchent à le rapprocher du plus grand nombre).

Ces remarques désormais posées en toile de fond,rapprochons-nous du terme médiation. Il ne s’agit pasd’un arbitrage dans une situation conflictuelle, mais durôle et de l’espace qu’impose l’emploi de moyens artis-tiques, à des fins de découverte et d’apprivoisementd’un lieu imaginaire, personnel et singulier.

INTERPSYCHOLOGIE

Utiliser l’art dans le soutien ou le soin du sujet souffrantsuppose un espace intermédiaire, qui le protège de l’im-médiateté par des moyens non verbaux. La médiation,



par les moyens de l’art, permet de différer ce qui pourraits’apparenter à un passage à l’acte. Elle joue le rôle defiltre et de protection, par les détours qu’elle implique,permettant au sujet de trouver ses propres cheminsd’accès à ses émotions et à ses affects, en limitant lesrisques inhérents à toute nouvelle expérience. C’est uncatalyseur, qui peut induire de nouveau du désir. C’estaussi un révélateur, au sens photographique du terme,et un perturbateur. Créer procure un temps suspenduentre deux réalités, sociale et personnelle, qui va aiderle sujet à passer de la perception à l’interprétation et del’interprétation à la représentation par des moyensformels. L’acte créatif permet en effet de différer l’actedans le temps, pour y inscrire ou y faire naître laréflexion sur celui-ci à partir de traces réelles, quipeuvent d’ailleurs être éphémères (traces peintes, voix,gestes dansés…). Cette forme de médiation aide parconséquent à agir sur des comportements qui, pourcertains, sont reliés à une certaine violence, c’est-à-direde s’en distancier pour en comprendre les mécanismesou les enjeux. Elle participe, par l’introduction d’unobjet tiers, le média, à l’invention d’un espace et d’untemps particuliers. Ce lieu, à inventer, conduit le sujetà explorer une nouvelle temporalité, une nouvelledimension, dans laquelle l’objet artistique, au cœur dela médiation, offre des possibilités mais aussi des résis-tances. C’est cette confrontation qui peut faciliter l’in-tégration d’éléments de la réalité pour trouver commentles mettre en résonance avec son propre monde interne.Ce lieu est nécessaire en tant qu’espace facilitant ladécouverte, mais aussi en tant qu’espace pouvant aiderà recréer des liens, souvent coupés pour certains, sans


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altérer ce qui est du ressort des affects et du vécu anté-rieurs du sujet. Les étapes, propres aux processus decréation, peuvent dans le même sens participer à lareconstitution d’identités fragmentées. La médiationintroduit un temps pour soi, puis un temps pour l’autre.Elle aide par conséquent à retrouver des voies decommunication interne, puis en relation avec le monde.

RECHERCHE D’ANCRAGE

Ce temps, décroché du temps social, peut s’étirer ou secontracter en fonction de ce que supporte la personne.Il peut être neutre (ne rien faire pour apprivoiser despeurs, se sentir sujet dans l’opposition, ne rien pouvoirfaire…) ou objectivé (mise en dynamique par l’actecréatif : faire pour découvrir, faire pour apprendre, fairepour se sentir exister). L’entrée dans des processus créa-tifs suppose une intention et donc la possibilité d’agir.Cette capacité à concrétiser quelque chose est un facteurde changement, notamment du regard que peut porterle sujet sur son environnement, et plus particulièrementsur les aspects sensibles, sensoriels et affectifs, quientrent en résonance avec son monde intime. La produc-tion artistique s’inscrit et inscrit alors le sujet dans letemps. Elle devient un point de repère, qui va pouvoirensuite autoriser un déploiement de l’activité, cognitive,corporelle et psychique, tendant vers une évolutiondynamique. La trace inscrite en temps réel porte unprojet, au travers duquel peuvent être de nouveau envi-sagés l’initiative, la persévérance et, par conséquent, lesentiment d’efficacité personnelle.



1. D.W. Winnicott, Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975.

Un dispositif de médiation n’assure pas en lui-mêmesa fonction ; il ne suffit pas à l’intervenant de déciderd’instaurer un tel contexte d’accompagnement pourqu’il soit opérant. La fonction médiatrice doit êtrecoconstruite, « trouvée-créée1 » au sein d’une relationintersubjective : sujet/intervenant ou sujet/thérapeute.Le média y est partagé et partageable, s’il peut êtreinvesti par les deux personnes concernées de qualitéset de pouvoirs qui lui sont propres et qui vont participerdirectement à la médiation. C’est pourquoi l’intervenantdoit en connaître les particularités et les effets. Ce n’estpas, de ce fait, un objet individuel mais un objet identifiéde part et d’autre qui va devenir support d’échange.Parce qu’il est concret et qu’il a des qualités propres,cet objet/support de la relation va opérer un déplacementdes relations intersubjectives vers des modalitésd’échange moins frontales. Il s’agit donc, par des voiesdétournées, de ne pas placer le sujet devant ses propresdéfenses mais de lui permettre de découvrir d’autresoptions comme voies possibles de transformationpsychologique et cognitive. Cela passe d’abord par l’ac-ceptation que la personne possède un certain savoir,notamment sur l’équilibre recherché et l’espace dontelle a besoin pour aller vers un mieux-être. C’est cesavoir qui doit être rappelé en premier lieu, tout ensachant que le sujet ne peut pas encore l’entendre et lefaire sien. L’intervenant, activant les qualités propres àla médiation, doit proposer un lieu suffisamment sécu-risant pour que la personne puisse se risquer à seremettre en mouvement.


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