De l Eleve Au Danseur

Canop-CNDP 2014 | Site Opra en actes Dossier De llve au danseur | 1

De llve au danseur : la formation des danseurs de lcole de danse de lOpra national de Paris

SCHUCH Productions 2013


Sommaire

I. Prsentation ........................................................................................................................ 4

II. tre apprenti danseur .......................................................................................................... 5

A. Des lves en apprentissage ........................................................................................ 5

1. Organisation de lcole ............................................................................................ 5

2. La vie en internat...................................................................................................... 7

3. Lesprit de lcole .................................................................................................... 8

B. Un parcours long et slectif ....................................................................................... 10

1. La vocation et lavenir ........................................................................................... 10

2. Une slection drastique .......................................................................................... 10

3. Les examens et concours........................................................................................ 11

4. Les aptitudes .......................................................................................................... 13

C. Les petits rats de lOpra sont-ils des artisans ou des artistes ? ................................ 15

1. Des corps entrans ................................................................................................ 15

2. Des corps contrls ................................................................................................ 16

D. Dimension artistique .................................................................................................. 18

1. La danse folklorique .............................................................................................. 18

2. La danse contemporaine......................................................................................... 18

3. Le mime ................................................................................................................. 19

4. Lexpression musicale ........................................................................................... 20

5. La danse de caractre ............................................................................................. 21

6. Interprter un rle et incarner un personnage ........................................................ 21

III. Dcouvrir lartiste que lon est ...................................................................................... 23

A. Grandir : la transformation des corps ........................................................................ 23

B. Le rapport fille/garon ............................................................................................... 24

C. Devenir autonome ...................................................................................................... 26

D. Entre intriorit et extriorit : se construire ............................................................. 27

IV. Histoire, art et littrature ............................................................................................... 30

A. Historique de lcole de danse .................................................................................. 30

B. Portraits du petit rat de lOpra ................................................................................. 34

C. Qui est la petite danseuse de Degas ? ........................................................................ 36

V. Ressources ........................................................................................................................ 40

A. Glossaire .................................................................................................................... 40

B. Bibliographie ............................................................................................................. 45

C. Sitographie ................................................................................................................. 46

D. Bibliothques spcialises et sites dinformations ddis la danse Paris ............. 46


E. Filmographie complmentaire ................................................................................... 47

VI. Vidos en bonus ............................................................................................................ 48

A. Documentaire Graines dtoiles ................................................................................ 48

B. Webdocumentaire De llve lartiste .................................................................... 49

VII. Crdits du dossier .......................................................................................................... 50


I. Prsentation

Dans le prolongement de la commmoration du tricentenaire de lcole de danse, retrouvez notre dossier pdagogique De llve au danseur : la formation des danseurs de lcole de danse de lOpra national de Paris . Il comprend :

Des extraits du documentaire Graines dtoiles ralis par Franoise Marie et produit par Schuch Productions, Arte France, lOpra national de Paris et NHK.

Des squences vido du webdocumentaire De llve lartiste ralis par Franoise Marie et produit par Schuch Productions avec le soutien dArte Live Web et du Centre national du cinma et de limage anime.

Un texte daccompagnement des modules vido et des pistes pour la classe pour les enseignants de tous niveaux rdigs par Emmanuelle Delattre-Destemberg, doctorante

en histoire luniversit de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Le tricentenaire de lcole de danse de lOpra national de Paris a t loccasion pour cette institution prestigieuse douvrir ses portes et de partager avec un large public ce qui fait sa singularit.

Franoise Marie a donc ralis en 2012, avec lautorisation dlisabeth Platel, directrice de lcole de danse de lOpra national de Paris, un documentaire, Graines dtoiles, cherchant saisir le quotidien de ceux que lon nomme les petits rats de lOpra . Ce documentaire, produit par Schuch Productions, Arte France, lOpra national de Paris et NHK, a t diffus sur Arte au printemps 2013 et se compose de six pisodes qui dveloppent les temps forts

dune anne lcole de danse.

Des passages indits de Graines dtoiles, composs de squences de danse et dinterviews, forment le webdocumentaire De llve lartiste, ralis par Franoise Marie et produit par Schuch Productions en 2013, avec le soutien dArte Live Web et du Centre national du cinma et de limage anime. Ce webdocumentaire est publi depuis avril 2013 sur le site Graines dtoiles Die Tanzschler der Pariser Oper dArte Live Web.

Les lves de lcole de Danse de lOpra national de Paris ont la chance de bnficier dune formation artistique considre par la communaut des danseurs comme la plus performante.

Ce sont des lves, gs de 8 18 ans, qui tmoignent des priodes cls de leur scolarit,

comme durant les rptitions dun spectacle, la prparation dun examen mais aussi des moments du quotidien, linternat ou dans la classe de franais. Le documentaire Graines dtoiles apporte un regard neuf sur cette cole cre au XVIIIe sicle et montre comment elle a su adapter ses structures denseignement pour maintenir sa force et son excellence tout en souvrant sur des expressions corporelles et artistiques contemporaines. La direction dlisabeth Platel constitue un tournant dans lhistoire de lcole de Danse, tant dans la prise en charge des enfants et des adolescents que dans la faon dont ils

seront guids. Limmersion durant une anne dans cette structure dexcellence participe comprendre comment, dans un parcours scolaire et artistique, des lves passionns et

dtermins sont guids pour trouver leur voie professionnelle.

Avec laimable autorisation de lOpra national de Paris.


II. tre apprenti danseur

A. Des lves en apprentissage

1. Organisation de lcole

Image extraite de la vido Une scolarit particulire du webdocumentaire De llve lartiste.


Entrer lcole de danse de lOpra

Lcole de danse de lOpra sintgre entre 8 et 13 ans. Institution gratuite depuis sa cration en 1784, elle accueille 95 % dlves franais et environ 5 % dlves venus de ltranger, essentiellement europens et asiatiques, attirs par la rputation dexcellence dun tablissement ouvert linternational.

tre admis lcole de danse constitue un rve pour tous ces lves et pour certaines familles. Les dispositions requises lentre sont trs prcises, car lcole recherche un type particulier dlve pour une scolarit qui savre intense, aussi bien sur le plan psychologique que physique.

Une double formation : scolaire et artistique

Lcole de danse de lOpra est organise autour de deux ples : le ple scolaire et le ple artistique.

Assurer une formation scolaire est une obligation lgale mais aussi une ncessit : tous les

petits rats de lOpra ne deviennent pas des danseurs professionnels. Dautre part, les danseurs daujourdhui sont des citoyens duqus et ouverts sur le monde qui les entoure.

Les lves de lcole suivent le socle commun impos par lducation nationale, de lcole primaire jusquau baccalaurat, dans la filire littraire. De mme, ils prparent le brevet des collges et les travaux personnels encadrs (TPE).

Ils profitent galement dun enseignement complmentaire en anatomie et en histoire de la danse. Au terme de leur scolarit, ils obtiennent le Diplme national suprieur professionnel

de danseur (DNSPD).


La recherche de la performance et de la sensibilit

Claude Bessy, directrice de lcole de danse de 1972 2004, fut lorigine dune prise de conscience de la ncessit assurer une double formation, intellectuelle et artistique, en

lanant le projet du complexe ralis et inaugur Nanterre en 1987. Aujourdhui, sous la direction dlisabeth Platel, les enfants sont amens dcouvrir et matriser la culture de la danse acadmique mais aussi sintresser dautres horizons artistiques. Il sagit de favoriser lclosion des personnalits de chacun et dalimenter une rflexion sur lart.

Sur le plan scolaire, elle impose des tudes mi-temps, plus flexible que des horaires

amnags, qui ont lieu les matines alors que les cours de danse ont lieu les aprs-midi.

Le ple artistique est totalement repens : il est organis de faon globale et llve y reoit une formation artistique complte :

danse classique*1 ;

danses de caractre* ;

danse contemporaine* ;

folklore ;

baroque (depuis 2013) ;

jazz ;

adage ;

musique et expression musicale ;

mime ;

gymnastique (pour les garons) ;

thtre.

Cette ouverture artistique a plusieurs vocations :

sensibiliser ces jeunes lves plusieurs disciplines afin dveiller leur gnie artistique et crateur ;

trouver leur profil artistique. Sils ont tous en commun une passion pour lexpression corporelle et la danse acadmique, il est certain quils ne sont pas tous disposs devenir des toiles de lOpra.

La globalit de la formation dispense leur permet donc un apprentissage dexcellence les disposant intgrer les meilleures compagnies du monde.

Elle est organise en six divisions correspondant six niveaux : la sixime division forme

les jeunes enfants aux fondamentaux de la danse acadmique comme les six positions et le

principe de l en-dehors , tandis que la premire division prpare les adolescents affronter leur future vie professionnelle lOpra ou dans les compagnies trangres.

Le passage dune division lautre est sanctionn par un examen de fin danne. Cependant, les lves doivent de faon continue prouver quils sont aptes rester au sein de lcole et faire face une exigence et une pression de chaque instant.

tre lve lcole de danse de lOpra senvisage comme une prparation dathlte de haut niveau. Cest pourquoi, une attention particulire est faite au bien-tre physique et psychologique des enfants.

1 Les termes accompagns dun astrisque renvoient au glossaire.


2. La vie en internat

Image extraite de la vido Les cauchemars du webdocumentaire De llve lartiste.


La vie Nanterre est aussi une vie dinterne. Les lves bnficient, depuis la mise disposition des btiments conus par Christian de

Portzamparc, de conditions propices leur russite.

Avant 1987, les petits rats de lOpra devaient rentrer chez eux ou chez leur correspondant, le soir, aprs les cours de danse ou aprs les spectacles. Ils bnficient aujourdhui dune structure qui les accueille aprs les activits de la journe. Autour despaces communs de vie comme le foyer, les lves disposent de chambres, dune bibliothque et despaces de dtente dont un parc de 900 m

2. Si quelques lves ne sont pas pensionnaires, la grande majorit

passe lanne scolaire dans ces murs et ne revient chez elle que quelques week-ends et durant les vacances.

Cette bulle peut parfois tre difficilement vcue et fait intgralement partie de la gestion que

chaque lve doit avoir de lui-mme. Certains lves, aptes sur le plan artistique, abandonnent

lcole pour des raisons affectives. Pour grer cette difficult supplmentaire, en particulier pour les plus jeunes, le parrainage favorise des liens damiti ou des repres au sein de lcole. Chaque arrivant est parrain par une petite mre ou un petit pre qui vient du Corps du ballet ou de lcole. Une des spcificits de cette cole rside dans la relation de matre disciple, du professeur llve mais aussi du parrain avec son filleul dans laquelle la tradition orale trouve toute sa force.

La transmission orale est fondamentale dans lesprit de lcole et lexistence du parrainage est un des rouages du lien trs fort qui unit lcole au Corps de ballet.

Linternat est aussi un des lieux de la mixit, contrairement aux cours de danse classique. Cest donc un espace de rencontres des deux sexes, dchanges interculturels o les sujets abords sont aussi ceux des jeunes daujourdhui.

Pour aller plus loin

Documentaire Graines dtoiles pisode 3 : Les progrs


3. Lesprit de lcole

Le style franais

Image extraite de la vido Paroles de matres du webdocumentaire De llve lartiste.


Lors de laccueil des lves, lactuelle directrice de lcole, lisabeth Platel, dfinit ce que sont la danse et le style de lOpra national de Paris. Le discours inaugural de la directrice a pour vocation dduquer parents et enfants lesprit de lcole, premire tape dans le processus dacculturation des lves et de leurs familles. Lesprit de lcole se dcline autour de deux axes principaux : le style et lesprit.

Le style de lcole franaise de danse tel quil slabore depuis la fin du XVIIe sicle se distingue par la finesse du mouvement, un travail sur lpaulement et une recherche de la rigueur dans lexcution des pas : le bas de jambe se singularise par la vitesse dexcution notamment dans les exercices de batterie. Ce style se reconnat la sobrit et llgance de lallure o leffort nest jamais visible. Les chorgraphes trangers y voient une qualit dexcution incomparable qui permet aux danseurs dinterprter tous les rpertoires, aussi bien classiques que contemporains.

Dans lpisode 5 du documentaire Graines dtoiles, un chorgraphe invit est impressionn par ladaptation extrmement rapide des lves face un nouveau langage chorgraphique. Un des lves trangers de lcole, originaire de Hong Kong, tmoigne de cette alliance unique entre la prcision technique et le port de tte la franaise .

Il y a quelque chose dun peu pompeux dit lisabeth Platel dans le style de lOpra : sans doute, lhritage royal du ballet de cour* et du ballet daction*du XVIe au XVIIIe sicle. La tradition est un des principes sans cesse rpts : respecter les anciens , tre conscient

dappartenir une institution historique.

tre lve de lcole de danse, cest donc avant tout un honneur.

Cette notion dhonneur va de pair avec celle de la discipline. La rvrence, obligatoire ds quun lve rencontre un adulte dans lenceinte de ltablissement, est un geste compltement intgr qui se dfinit autant par la politesse quil induit, que par le respect dont il tmoigne envers les adultes et linstitution quils incarnent.


En classe

Ne pas hsiter aller sur le site Ressources pdagogiques du chteau de Versailles o les

documents pdagogiques pour les enseignants sont trs riches en particulier sur le thme du

roi dansant.

Il sera donc intressant de mettre en lumire le style franais dont il est question ici avec des

reprsentations des ballets de Louis XIV accompagnes des arguments du livret de certains

ballets comme Le Ballet royal de la nuit.

La transmission orale

Lesprit de linstitution se caractrise par le regard quil porte sur le pass comme source de lexcellence. Mais il ne faut pas se tromper : mme si la technique enseigne sappuie sur les principes des deux derniers sicles, elle nen demeure pas moins en constante volution.

Le but de lcole est justement de parvenir transmettre oralement lexprience du pass, grce aux anciens danseurs mobiliss au service des gnrations futures, tout en les

poussant se dpasser. De mme, la danse acadmique demeure le fondement de lexistence de lcole, mais lenseignement de la danse contemporaine ou linvitation de chorgraphes trangers, loccasion des spectacles annuels de lcole, favorisent une ouverture sur la modernit des courants et des styles daujourdhui.

Ainsi, dfinir lesprit de lcole, cest montrer comment linstitution combine la fois la solidit dune transmission orale relaye par des professeurs qui ont tous, dans leur grande majorit, bnfici de lenseignement lOpra national de Paris, tout en cherchant tre lcoute de linnovation artistique daujourdhui. Les techniques voluent, et lOpra national de Paris favorise louverture aux chorgraphes contemporains loccasion de la prparation des spectacles annuels de lcole. Ce savant mlange cre une alchimie propre lOpra que chaque rouage du systme rappelle au quotidien.

En classe

On pourra comparer lAcadmie royale de danse et de musique avec dautres institutions qui maintiennent des traditions fortes tout en cherchant souvrir sur de nouvelles techniques et de nouvelles formes dexpression artistique comme lcole Boulle, lcole des arts et mtiers. Dans ces coles, la tradition orale et lapprentissage sont au cur de lenseignement. Elles demeurent des coles prestigieuses sur le plan national et international.

En classe

partir dune photo du dbut du XXe sicle et dune photo dune classe actuelle, remettre en perspective la question de lapprentissage et du travail des enfants entre la rvolution industrielle au XIX

e sicle et aujourdhui. Il est ainsi possible dorienter les problmatiques

lies au parcours professionnel.

Dans une autre approche, il est envisageable dinterroger le rapport au corps que ces danseurs entretiennent : la norme esthtique volue tout comme le regard que les socits posent sur

ces corps.


B. Un parcours long et slectif

1. La vocation et lavenir

Image extraite de la vido Projeter sa vie du webdocumentaire De llve lartiste.


Ces tmoignages montrent avec force la dtermination des lves qui nont quune envie et quun seul dsir : celui de faire carrire dans le monde de la danse. Cette carrire se projette dabord lOpra, rve de chacun de ces apprentis ; dautres, conscients de la difficult que cela reprsente, savent que dautres voies sont possibles.

2. Une slection drastique

Entrer lcole de danse ncessite de franchir une premire slection sur dossier o lon inspecte les critres physiques : le rapport entre le poids et la taille est tudi avec minutie et

est indicatif.

Filles

8 ans : min 1 m 32 22 kg, max 1 m 35 25 kg






Garons

8 ans : min 1 m 34 25 kg

9 ans : min 1 m 38 28 kg

10 ans : min 1 m 40 31 kg

11 ans : min 1 m 45 37 kg

12 ans : min 1 m 50 40 kg

13 ans : min 1 m 55 45 kg

Source : Le site de lOpra national de Paris


Puis dans un second temps, une audition value les aptitudes physiques des enfants. Les

lves sont ensuite mis en situation dans le cadre dun cours de danse o la technique dtermine ladmissibilit au stage.

Lpreuve du stage

Ltape de ladmissibilit se poursuit dans le cadre dun stage de mise en situation dapprentissage, dune dure de six mois (pour les 8-11 ans) un an (pour les 11-13 ans), au terme duquel les lves postulants passent un concours dadmission.

Cette phase de slection saccompagne dun bilan mdical. En effet, linstitution ne peut admettre des lves qui prsentent des pathologies ou des malformations que lactivit sportive intensive exacerberait. Tous les enfants sont ainsi troitement surveills sur le plan

mdical durant toute leur scolarit.

Entrer lcole de danse relve donc dune slection drastique.

3. Les examens et concours

Image extraite de la vido Le Temps des preuves du documentaire Graines dtoiles, pisode 6, de 00:52 02:16.

SCHUCH Productions - ARTE France - Opra national de Paris 2012

Si cette slection se rvle rigoureuse, elle ne fait que prsenter un avant-got de la srie

dexamens et de concours que franchissent les lves puis les danseurs du Ballet de lOpra. Chaque fin danne est sanctionne par un examen entranant le passage ou lexclusion de lcole.


Se dpasser au quotidien

Image extraite de la vido La Rentre du documentaire Graines dtoiles, pisode 1, de 17:38 19:31.


Lmulation que cre la slection dlves de talent ou aux capacits remarquables permet ces lves de se dpasser. Mme sils nouent des amitis trs fortes durant leurs annes lcole, il nen demeure pas moins, quarrivs au terme de leur scolarit, ils vont devoir se mesurer au concours dentre du Corps de ballet. Ce moment, la fois redout et attendu, a longtemps t anticip. Les familles ont cet gard un rle non ngligeable car elles esprent

la russite de leur enfant dans ce projet exigeant. Dautre part, la danse tant une discipline de la rigueur et du dpassement, les lves sont confronts sans cesse leur propre

remise en question.

Le concours pour entrer dans le Corps de ballet de lOpra

Image extraite de la vido LOpra dabord du webdocumentaire De llve lartiste.


Le dernier pisode du documentaire Graines dtoiles expose :

les examens de passage dune division lautre ;

le concours de fin danne de la premire division.


De 16 18 ans environ, les lves les plus gs de lcole prsentent le concours de recrutement interne du Corps de ballet de lOpra. Extrmement slectif, il ne recrute chaque anne que quelques danseurs.

Dans le documentaire, les postes pourvoir ne sont quau nombre de quatre. Sur des classes dune petite dizaine dlves, seule une infime partie parvient intgrer le Corps de ballet comme stagiaire. lissue du concours interne, une fille et un garon sont retenus. LOpra organisera donc un concours de recrutement externe pour pourvoir les postes vacants

auxquels les lves de lcole pourront galement se prsenter. Parmi les nombreuses sources de recrutement, figure le Conservatoire national suprieur de musique et de danse de Paris

do sont issues certaines danseuses toiles comme lisabeth Platel. Ltranger constitue galement une autre source de recrutement, comme cest le cas de lArgentine Ludmila Pagliero, entre en 2003 dans le Corps de ballet, puis nomme toile en 2012.

Ce passage du documentaire est particulirement touchant, car il rvle plusieurs aspects des

sacrifices et de linvestissement mis en uvre par ces adolescents : la comptition entre les danseurs, leur solidarit face la pression et au risque dchouer, leffondrement dun rve pour dautres tous ces aspects sont visibles.

Le march du travail est extrmement concurrentiel et obtenir son intgration au sein du

Corps de ballet de lOpra signifie aussi avoir un emploi de danseur professionnel. Dautres lves, attrists par leur chec, savent nanmoins que leur place nest pas forcment lOpra. Ils pourront intgrer dautres compagnies.

En classe

Lexprience de lexamen et des concours lOpra peut tre mise en relation avec dautres examens de type scolaire ou dautres types de concours (baccalaurat, brevet des collges). Il serait intressant de montrer que lcole de Danse de lOpra sinscrit dans un systme denseignement spcifique la France. Les coles dont lentre est sur concours ne sont pas rares : lcole normale suprieure, Polytechnique, lcole des Mines, Centrale, etc. Comment, dans le cadre de la prparation et du parcours au sein de ces coles, les lves :

grent-ils leur faon de travailler ? grent-ils leurs angoisses face lchec ? comment la comptition et lmulation sont des moteurs de la russite ? (voir aussi le paragraphe sur le dpassement de soi).

Il sagit ici de montrer les faons dont les jeunes grent leurs angoisses et leur stress.

4. Les aptitudes

Des capacits physiques

La question des aptitudes savre une affaire trs prcise lOpra national de Paris. Quels sont les critres sur lesquels linstitution fait reposer son choix ?

Les aptitudes reposent sur des capacits physiques et une harmonie des diffrentes

parties du corps. Une ligne doit se dessiner au regard de lensemble du corps.


Cest ainsi que deux fillettes expliquent quavoir un beau pied , cest avoir un coup de pied qui prolonge la ligne de la jambe. Cette dernire doit tre longue, ses muscles allongs,

tmoignant dun travail fait dans la longueur et non dun travail fait dans la force et dans le sol , faonnant des muscles ramasss. Il y a, dans lensemble des exercices du milieu ou la barre, une recherche constante de hauteur, darien. Il faut, selon les professeurs, toujours chercher tre au-dessus de sa pointe, le bassin ouvert et rentr sur lui-mme. La

danseuse doit caresser lespace quelle occupe et non sappuyer dessus. Les danseurs, sils prennent appui au sol pour les sauts et les ports, rpondent aussi aux mmes exigences de

rendre le mouvement arien et non cras dans le sol.

Des capacits intellectuelles

ces caractristiques physiques, sajoutent des capacits intellectuelles tout autant recherches par linstitution. Ainsi, dans lpisode 2 de Graines dtoiles, Wilfried Romoli arrte un cours et se fche aprs ses lves qui narrivent pas comprendre quun geste se pense avant de sexcuter.

La comprhension du geste fait partie du savoir que chaque lve doit cultiver et

approfondir. La formation des danseurs nest pas seulement une formation technique et artistique. Elle fait appel lintelligence et au sens du mouvement. Dans lpisode 2 du documentaire Graines dtoiles, il est question du sens du ET dans le temps du mouvement. Ce passage peut sembler mystrieux pour celui qui est extrieur la scne.

Pourtant, il permet de souligner comment le danseur doit intellectualiser le mouvement dans

son contexte corporel et musical. Les cours de Scott Alan Prouty vont dans ce sens.

Comment exprimer une intention avec un mouvement ou un regard ? Comment tre

subtil avec son corps et, qui plus est, musicalement ?

Un mental dacier

Pour rpondre lensemble de ces exigences, les lves doivent tre mentalement trs solides. Par exemple, le documentaire montre une situation classique laquelle les danseurs doivent

faire face : le risque de blessure. Dans ce cas trs prcis, un remplaant est nomm et a ainsi

lopportunit de paratre sur scne.

Face lexigence quotidienne et lloignement de la famille, les lves doivent se grer eux-mmes. Ils doivent puiser une force intrieure pour faire face aux moments de solitude ou de

dcouragement. Il arrive que certains lves abandonnent, non pas en raison dventuelles inaptitudes, mais en raison dun apprentissage trs exigeant. Au final, peu dlves rpondent lensemble de ces critres physiques, intellectuels et mentaux.


C. Les petits rats de lOpra sont-ils des artisans ou des artistes ?

1. Des corps entrans

La mtamorphose des corps

Ds leur entre lcole, les corps se transforment par des exercices de musculation, ncessaires pour raliser des ports, des quilibres ou des sauts. Les filles et les garons

ne sont pas soumis aux mmes pratiques.

Les jeunes garons se plient, par exemple, lpreuve des pompes. La musculation des bras, du torse et des cuisses prpare aux ports, aux quilibres et aux sauts. Le professeur des

petites divisions, Bertrand Barena, ajoute une vertu la pratique des pompes qui pourrait tre

juge physiquement prouvante : la responsabilisation des lves face aux exercices proposs.

Cent pompes par jour toute lanne, et vous obtiendrez un corps impeccable dit-il dans le documentaire.

Les garons sont donc entrans comme de vrais athltes o chaque exercice est pens

pour dvelopper telle ou telle partie du corps mais aussi le corps dans sa globalit. Par

exemple, la ceinture abdominale doit tre renforce et dveloppe pour tous les exercices de

lever de jambes, dquilibre, de sauts, car la force et la tenue sont avant tout une question dabdominaux, depuis les fessiers jusquau torse. La souplesse et la rapidit dexcution sont travailles galement de la sixime la premire division.

La rptition de leffort au quotidien constitue donc le principal moteur de la progression de chacun. Ainsi, les corps masculins se dveloppent, les muscles fins denfant laissent place des corps athltiques et endurants. Loin des images dhommes effmines, force est de constater que lentranement des danseurs fait deux des sportifs de haut niveau. Cet entrainement spcifique rpond aux nouveaux besoins du Ballet et de ses rpertoires, lesquels

repoussent toujours plus loin les limites du corps.

Les pointes

Du ct des filles, lapprentissage commence par les rudiments du langage acadmique avant de monter sur pointes. Les pointes ne se pratiquent gnralement pas avant lge de 10-11 ans, pour des raisons physiques mais aussi de musculature et de matrise technique. Les

chevilles et les abdominaux doivent tre suffisamment renforcs pour danser sur pointes, la

pression exerce sur la cheville lorsquune danseuse saute sur sa pointe quivalant dix fois son poids. Cest notamment pour cela que les danseuses doivent faire attention leur poids et disposer dun systme musculaire permettant de verrouiller les diffrentes parties du corps soumises ces fortes pressions.

Les pointes, en dehors dune technique qui leur est propre, constituent une des fascinations pour la danseuse. Sur pointes, la danseuse tourne, glisse sur le sol comme si ses pieds

nexistaient plus : les pointes lui confrent une dimension irrelle ou de rve clbre dans le ballet romantique. Mais pour devenir ces danseuses quelque peu impalpables, les petits rats de

lOpra entament un long travail pour faire des pointes un prolongement delles-mmes.

Le travail qui a alors t mis en place entre 8 et 10 ans est totalement rinvesti avec le passage

sur pointes. Le coup de pied trouve alors tout son sens. Il permet de passer de la demi-

pointe la pointe, en passant par-dessus le chausson. Grce la musculature des chevilles, de


labdomen et du dos, mais aussi par la tenue des bras et du buste, les jeunes filles sont dans la capacit de prolonger les exercices sur pointes. Ce passage dlicat saccompagne des conseils aviss des professeurs qui, comme leurs lves, ont connu cette transition.

Danser sur pointe savre plus difficile que danser sur ses appuis au sol. Cest un quilibre, des sensations et des repres qui sont retrouver.

2. Des corps contrls

Des corps surveills et soigns

Image extraite de la vido Le regard de linfirmire du webdocumentaire De llve lartiste.


Les corps au travail sont aussi des corps surveills mdicalement.

Comme pour nimporte quel autre sport de haut niveau, lentranement intensif ncessite une quipe veillant au bien-tre et la sant des enfants. Sous limpulsion dlisabeth Platel, lcole sest dote de professionnels de sant : une infirmire, un mdecin, un kinsithrapeute, un ditticien assurent cette surveillance mdicale.

Le premier point concerne lvolution du squelette. Soumis un exercice intense, le corps est mis rude preuve : entorse, tirement, fracture de fatigue, contracture font partie des

risques du mtier. Les soins adquats sont alors dispenss et les lves mis au repos doffice. La perspective de la profession de danseur ne peut se concevoir sans la garantie dun corps en tat de supporter une activit physique intense.

Par ailleurs, les lves ont recours individuellement et ponctuellement aux mdecines douces :

sophrologie, yoga, massage, ostopathie. Ils apprennent couter et panser leur corps, ce

dont ils ont besoin pour conserver leur capital sant durant toute leur carrire.

Lquilibre alimentaire

De mme, latelier nutritionnel est l pour que les lves apprennent se plier une certaine hygine de vie :

manger de faon quilibre ;


shydrater ;

dormir.

Ces fondamentaux doivent tre adopts pour lensemble de leur carrire. La question alimentaire reste centrale dans la surveillance mdicale. Des cas danorexie peuvent survenir, en particulier chez les jeunes filles. Une tension dlicate se joue, en effet, au passage

de ladolescence, moment o le corps se transforme inluctablement. Cest pourquoi, linfirmire insiste sur la ncessit dune surveillance particulire.

Ces questions qui touchent aussi bien au mdical quau psychologique sont prises beaucoup plus au srieux depuis la polmique au dbut des annes 2000 qui avait secou lOpra. Cest pourquoi lencadrement des lves de Nanterre est trs resserr en amont (ducation) et en aval (surveillance mdicale).

La croissance des corps

La taille est galement examine durant toute la croissance osseuse des lves.

Lexercice physique de la danse soumet le corps des tensions quil est impratif de contrler.

Si le contrle mdical est indispensable pour garantir la bonne sant des lves, il est aussi

question, travers les divers passages linfirmerie, de contrler que ces corps correspondent toujours la norme de lOpra, du point de vue de la taille et du poids. Chez les garons plus encore, la croissance excessive peut entraner de graves dsquilibres

troublant le centre de gravit. Cest pourquoi, la surveillance mdicale se double dune surveillance psychologique.

En classe

Mettre en relation les rflexions sur le corps en EPS et en philosophie, avec le travail de

Georges Vigarello et les travaux fondamentaux de Michel Foucault2 (la mcanique du corps,

le corps surveill, redress, contrl).

En classe

La sant, approche multidisciplinaire

Les enseignants dhistoire-gographie, de sciences et vie de la Terre et de littrature peuvent semparer de cet axe notionnel pour dgager des problmatiques autour des questions suivantes :

la nutrition dans le dveloppement humain ; les orgies alimentaires en littrature, lexemple de Gargantua ; les dsquilibres alimentaires dans le monde : de la sous-nutrition la malbouffe.

2 Voir bibliographie.


D. Dimension artistique

1. La danse folklorique

Image extraite de la vido Danser ensemble du webdocumentaire De llve lartiste.


Cet extrait expose une des disciplines de la danse traditionnelle appele aussi danse

folklorique .

Le professeur explicite trs clairement que les danses folkloriques appartiennent une forme

dexpression corporelle trs structurante pour ces lves, que ce soit dans le rinvestissement en danse classique quen danse contemporaine.

La relation lespace, savoir se dplacer, se reprer et voluer est une question primordiale sans laquelle les danseurs ne pourraient pratiquer leur art. Cest aussi une autre faon de solliciter les lves dans leur rapport la musique et leur musicalit, ce qui

apparat complmentaire aux exercices proposs par Scott Alan Prouty.

Dans Le Lac des cygnes, lacte III fait une place privilgie aux danses folklorique et de caractre : danse napolitaine, danse hongroise autant de couleurs chatoyantes et de pas expressifs senchanent et donnent une coloration plus vivante ce ballet cre le 4 mars 1877 au thtre du Bolcho. Aujourdhui, la version de Rudolf Noureev daprs M. Petipa (1984) est celle qui est inscrite au rpertoire de lOpra.

2. La danse contemporaine

Image extraite de la vido Demandes contemporaines du webdocumentaire De llve lartiste.



La danse contemporaine est une autre forme de langage dans lequel le corps sexprime avec dautres approches que celle de la danse acadmique, cette dernire tant trs codifie que ce soit sur le plan musical ou technique. Cest donc un rapport nouveau et de nouveaux repres que ces enfants ont intgrs depuis leur plus jeune ge. Cet enseignement est aussi

loccasion pour ces lves de souvrir des perspectives de crativit et dexpression indispensables la construction de leur identit de danseur.

Comprendre comment la danse contemporaine envisage un discours trs expressif tout en se

librant dune structure acadmique peut se mesurer dans la version de Giselle de Mats Ek, entre au rpertoire de lOpra en 1989. Cette relecture du ballet romantique de 1841 donne une ide prcise de lapproche contemporaine tant sur le plan technique quartistique.

3. Le mime

Image extraite de la vido Dployer limaginaire du webdocumentaire De llve lartiste.


Les jeunes lves apprennent des techniques de danse mais aussi exprimer des motions.

Cela demande galement une sollicitation de limaginaire et de techniques corporelles propres. Le cours de mime, qui peut apparatre trs amusant dans un premier temps, est en

ralit un enseignement trs srieux bas sur des techniques thtrales et corporelles,

sinscrivant dans la tradition de la danse pantomime mise lhonneur dans le grand rpertoire depuis le ballet romantique.

Le mime se dveloppe ds le dbut du XVIIIe sicle pour apporter de la comprhension dans la

narration des ballets, et plus particulirement avec le ballet romantique Robert le diable au

dbut des annes 1830.

Aujourdhui, cette technique continue de se pratiquer dans lensemble des ballets acadmiques comme La Bayadre.


4. Lexpression musicale

Image extraite de la vido Garder son me denfant du webdocumentaire De llve lartiste.


Lexpression musicale est indispensable ces artistes en devenir. couter son corps, une mlodie ou mme le silence se dcouvre et sapprend durant toute une carrire.

Scott Alan Prouty propose un enseignement trs cratif sur les faons de dire et dcouter. Il fait appel la personnalit de chacun tout en cherchant rvler des aspects qui nont pas encore clos.

Ce cours, ludique et trs srieux, bouscule lide reue selon laquelle lenseignement lOpra serait fix dans une tradition immuable. Au contraire, la varit des approches pdagogiques permet aux lves de trouver leur identit artistique et dexprimenter de nouvelles approches enrichissant ainsi lensemble de leur parcours.

En classe

En cours dducation musicale, partir des modules Dployer limaginaire et Garder son me denfant , ne pas hsiter semparer des exercices proposs dans la pratique du chant choral, de mettre les lves en mouvement, les solliciter dans ce sens dans

lapprentissage des chants (par cur, par fragment, avec une gestique approprie). Cet encouragement de lexpressivit dveloppe lcoute des lves, favorise la cohsion des groupes et veille la musicalit.

Le travail du mime peut galement tre adapt des squences dcoute.

Autre support, pour approfondir la dmarche de lexpressivit musicale : Le DVD Chanter en classe et en chur, CNDP, 2003 (squence Jouer pour chanter ).

Le bonus Du ct des pianistes , tmoigne sur le mtier daccompagnateur pour la danse.


5. La danse de caractre

Image extraite de la vido Un peu de sel et de poivre du webdocumentaire De llve lartiste.


Les danses de caractre sont des danses folkloriques dans un style acadmique mais surtout

des danses o lexpression et lintention font partie de la technique.

Lextrait insiste notamment sur le fait quil sagit de danses de couples et collectives, ce qui induit une coute trs importante. Lnergie qui se dgage de cette danse est particulirement palpable, car les musiques sont entranantes, cadences et mlodieuses. Cest donc une faon de sinitier avec les danses acadmiques par le rythme et lexpression.

Dans le ballet Casse-Noisette (1892), la danse russe excute lacte II est une belle illustration de danses envotantes faisant penser lme slave.

6. Interprter un rle et incarner un personnage

Image extraite de la vido En scne du documentaire Graines dtoiles, pisode 5, de 10:44 12:40).


Ce passage sur Le Bal des cadets montre que chaque lve, dans un exercice de danse

classique, cherche crer un personnage selon une interprtation qui leur est propre, selon

sa personnalit.

Ces deux tambours excutent les mmes pas mais dveloppent des personnages diffrents.

Cest une belle illustration de lintellectualisation dune technique et de lenvie de renouveler sans cesse des rles.


Rudolf Noureev reste lOpra national de Paris une personnalit qui continue de marquer avec force la question de linterprtation des personnages. Dautres figures sont entres dans le panthon des grands danseurs de lOpra national de Paris. Par exemple, Michal Denard et Nicolas Le Riche dans Le Jeune homme et la Mort, Yvette Chauvir et Marie-Claude

Pietragalla dans Le Lac des cygnes, Isabelle Gurin, lisabeth Platel dans La Bayadre,

Nolla Pontois dans La Belle au bois dormant, ou Monique Loudires dans Manon.

En classe

Illustrer et analyser ces genres de danse avec des genres littraires. Mettre en chant, en

musique, en danse des textes selon une intention.

Voir Le Corbeau et le Renard mis en gestes et en intention dans le documentaire Graines

dtoiles (pisode 5, de 15:23 16:24).

En classe

Faire couter et/ou montrer plusieurs interprtations dune mme uvre issue dautres domaines artistiques : musique, thtre, arts plastiques, dont les choix singuliers

dinterprtation tmoignent souvent de la volont dun artiste (chef dorchestre, metteur en scne, plasticien) de marquer son poque.

Exemples :

Pour lOpra, comparer plusieurs mises en scne de La Traviata au Festival dart lyrique dAix-en-Provence avec le film Traviata et nous de Philippe Bziat (qui accompagne le travail de Jean-Franois Sivadier) et le dossier sur cette uvre sur le site Opra en actes.

Pour le thtre, consulter le site Antigone en ligne qui propose des comparaisons de mises en

scne sur les uvres du rpertoire.

En arts plastiques, le site Parcours dexposition nous montre lexemple de Roy Lichtenstein, qui, comme Picasso, revisite quelques uvres incontournables de lhistoire de lart.


III. Dcouvrir lartiste que lon est

A. Grandir : la transformation des corps

Grandir

Les lves entrent lge de 8-9 ans et sortent de lcole vers 17-18 ans. Le passage de lenfance ladolescence, puis au dbut de lge adulte, constitue bien des gards une transformation majeure des corps.

La pratique professionnelle de la danse fait du corps le premier instrument de travail. Il faut

ainsi pour ces apprentis danseurs quils le domptent mais aussi quils lapprivoisent. plusieurs reprises, le documentaire met jour cette problmatique qui est spcifique la

danse. Accepter son corps sur le plan mental et sur le plan physique constitue une tape

importante pour ces lves.

Llargissement du bassin et le dveloppement de la poitrine reprsentent les deux changements majeurs pour les jeunes filles.

La prise de poids inhrente la musculature et la croissance sont les deux dfis physiques relever pour les garons.

Lun des professeurs explique quune fille qui dpasse la taille d1,75 m peut poser problme. Sur pointe, elle devient plus grande denviron 5 cm et aura des difficults trouver un danseur qui pourra la porter et la soulever. De mme, un garon trop petit ou trop grand

peinera trouver une partenaire ou une place dans un Corps de ballet : correspondre la

norme de lOpra nest donc pas chose aise.

Ce changement physique, que tous les adolescents traversent, prend ainsi une tournure un peu

diffrente pour ces jeunes gens.

Mrir

Les lves font galement un bond sur le plan mental. Ils doivent faire face de vraies

responsabilits au quotidien et se prendre en charge sur le plan motionnel et affectif. La

maturit de certains de ces enfants est dailleurs remarquable. Les interviews des jeunes et des adolescents sont marques par la matrise de leur discours autant que de leur corps. Par

exemple, dans lpisode 2 de Graines dtoiles, une jeune fille explique que cest un peu de spontanit qui a t perdue dans cette cole.

En vrit, ce qui diffrencie fondamentalement des jeunes ordinaires et les petits rats de

lOpra, cest le fait davoir dfini ds le plus jeune ge un objectif auquel ces derniers se rattachent. Ils ont un but prcis, un idal vers lequel tendre, ce qui les amne se plier

des rgles contraignantes mais ncessaires.


Image extraite de la vido Vocation danse du webdocumentaire De llve lartiste.


Les lves dun collge de la rgion assistant une dmonstration Jeune public sont dailleurs assez clairvoyants sur ce qui les diffrencie des lves de lcole. Les termes que ces collgiens emploient pour caractriser les lves de la danse de lOpra sont trs positifs : joie , tonnants , confiance . Ces commentaires rvlent demi-mot les difficults

que ces collgiens connaissent. Ils manquent souvent de repres auxquels se raccrocher, de

dsirs assouvir et de limites. Au contraire, un des lves de lcole explique quil est impensable pour lui de rester sur une chaise apprendre scolairement . Son mode

dexpression passe par le corps. Cette squence nous apprend beaucoup sur les dfis de ladolescence, une priode si dlicate grer sur le plan physique et psychologique. Mais, loin de constituer une tape facile pour les petits rats, grandir lOpra implique

ncessairement de mrir sur le plan psychologique pour grer son corps et la pression.

B. Le rapport fille/garon

Le documentaire met en exergue un autre aspect qui cristallise les proccupations des

adolescents : le rapport entre les sexes.

Danser ensemble

La question de la mixit des sexes et des ges constitue une donne permanente lOpra. Malgr une sparation au sein de certains cours de danse, les lves des deux sexes dansent

et changent de nombreuses occasions : lors des cours de mime ou de danse folklorique,

mais galement loccasion de temps professionnels et de repos. Le dfil ou les spectacles sont loccasion dexpriences partages entre filles et garons. changer ses peurs et son excitation dans les coulisses, se voir en costumes de scne, maquill tous ces moments permettent une dcouverte des corps laquelle peu dadolescents ont accs.

Le rapport fille/garon est dabord une obligation lcole : ds lge de 8 ans, les petits danseurs apprennent danser ensemble durant les cours de danse folklorique.

Se donner la main, se regarder dans les yeux est alors un exercice oblig. Lorsque les corps

grandissent, que le regard que les adolescents se portent mutuellement change, ces moments

de mixit deviennent plus dlicats. Les problmatiques enfantines ont laiss place des


aspects plus psychologiques du dveloppement, lis la mtamorphose des corps et la

recherche dune identit laquelle la sexualit contribue.

Lapprentissage de la danse de couple intervient cette priode prcise : les garons doivent porter les filles, les faire pivoter en les tenant par la taille, les faire sauter. Autant de gestes qui

sinscrivent dans le contexte de leur apprentissage mais qui gnrent de la gne. Les formes de la fminit naissante, en particulier le dveloppement de la poitrine, modifient non

seulement le regard mais galement la faon de rceptionner les danseuses dans les

mouvements ariens.

Il ne faut donc pas sous-estimer lenjeu des problmatiques de lidentit et de la sexualit dans ce contexte, mais, au contraire, mesurer combien lintgration des techniques de danse implique, pour ces lves, de jongler aussi avec leurs propres questionnements.

Vivre ensemble

Un autre espace de sociabilit est linternat. Les lves vivent vritablement ensemble et ont un accs privilgi lautre, ses gots et ses peines. Certes, ces moments sont encadrs par les surveillants dinternat mais nempche pas un contact permanent les uns avec les autres. Dailleurs, cette vie en communaut ou cette bulle , comme lexplique une lve, est la fois une chance et une limite. Les lves se connaissent extrmement bien et tissent des relations damiti, voire parfois damour, vritables. Ils crent des repres affectifs leur permettant de se soutenir dans les moments de

remise en cause.

Les deux jeunes garons que lon voit dans lpisode 5 de Graines dtoiles en sont la parfaite illustration. Dans cet extrait, les deux garonnets se dfinissent lun par rapport lautre. Ils constituent pour lautre un repre, quil sagisse du travail ou de lamiti. Cest une des manifestations de lmulation que peut produire lcole. Ils se soutiennent et se motivent. Cest une forme de substitution au soutien familial, absent au quotidien. Mais dautre part, vivre avec la mme troupe depuis lge de huit ans peut se rvler touffant. Une danseuse filme dans le documentaire Tout prs des toiles (2000) de Nils Tavernier constate

quelle vit seule au milieu dune troupe de cent personnes. Ainsi, certains lves peuvent se sentir isols dans un milieu o les rivalits sont trs fortes.

Le groupe est donc la fois une soupape et une limite.

La mixit tient aussi au mlange des ges et pas seulement des sexes. La photo officielle du Corps de ballet, des toiles et de lcole de danse avec Brigitte Lefvre et lisabeth Platel est cet gard tout fait rvlatrice de la volont dchanges et de transmission entre les danseurs du Corps de ballet et les apprentis danseurs.


Le Ballet de l'Opra et lcole de danse runis dans le Grand escalier du Palais Garnier

avec Brigitte Lefvre et lisabeth Platel

Opra national de Paris Agathe Poupeney

C. Devenir autonome

La discipline

Lautonomie et la discipline sont ainsi indissociables. La discipline peut se dfinir comme la capacit grer les tches scolaires et artistiques

de faon organise, mais ne doit pas se comprendre comme une donne contraignante. Au

contraire, elle permet ces lves de parvenir faire collaborer leur volution intellectuelle

avec leur activit physique et sportive.

Lautonomie ne peut se concevoir sans la discipline du corps et de lesprit, ce qui nest pas sans rappeler lhritage du systme dapprentissage dans les acadmies, notamment les acadmies militaires o la noblesse envoyait se former ses enfants pour la pratique de

lescrime, de la danse et des armes. Les valeurs du respect de la hirarchie et de la discipline des corps transcendent cet enseignement.

Dans le cadre scolaire, comme nimporte quels lves, ils rcitent des posies, construisent leurs TPE (travaux personnels encadrs), rflchissent des problmatiques en littrature,

apprennent analyser des images.

Si le corps professoral oriente ses enseignements en direction de lhistoire de la danse ou vers ce qui peut toucher de prs ou de loin au domaine artistique, ils nen demeurent pas moins assujettis aux mmes exigences que pour nimporte quel lve. Lcole a pour obligation dassurer une rintgration dans un cursus plus classique en cas dchec lcole de danse. Cest pourquoi, lautonomisation de ces lves les rend responsables et organiss dans la planification de leurs tches quotidiennes. Ils doivent tre capables de supporter une matine

de cours, un aprs-midi dactivits physiques et la conduite de leurs tudes. Cette maturit prcoce dans la poursuite des tudes est trs clairement inculque par linstitution, consciente de la fragilit dune carrire de danseur.


Devenir professionnel

Cette prise en charge est galement valable sur le plan artistique. Les lves appartenant la

premire division sont les plus capables de leur catgorie dge : depuis leur admission, ils ont dj brav, pour la plupart, les examens de fin danne. Nanmoins, force est de constater leur inquitude lapproche du concours dentre. La question de lengagement est peut-tre celle qui est la plus partage.

Le Corps de ballet de lOpra ne recrute quun certain genre de danseur correspondant ses propres normes, et tous les lves nont pas le profil. Le concours dentre dans le Corps de ballet est le dbut dun rite de passage auquel les rares lus devront se confronter. Les lves dfilent au son de la cloche que la directrice de la danse agite pour signaler le tour de chacun

des candidats. Ils interprtent des variations imposes quun jury compos des membres de la direction, de danseurs lus et de personnalits extrieures juge. La carrire lOpra se joue alors en quelques minutes. Si certains taient pressentis, comme on peut le deviner aux

commentaires de Wilfried Romoli au moment des rsultats, la dception de la majorit des

candidats est bien perceptible. Ceux qui nont pas atteint lge de dix-huit ans ont alors la possibilit de disposer dune anne supplmentaire et de se reprsenter lanne suivante au concours dentre. Cest ainsi une anne de plus dans leur maison , o ils sont protgs et couvs. On comprend alors combien ces jeunes ont acquis une autonomie dans la gestion

deux-mmes et dans leur carrire.

D. Entre intriorit et extriorit : se construire

Le documentaire Graines dtoiles met donc jour un parcours de vie de jeunes artistes en formation. Il met en lumire une dialectique entre deux ples : le ple de lintrieur et le

ple de lextrieur. Sur le plan intrieur, les lves sont perptuellement tiraills entre la construction de leur

place de danseur et celle au sein dune troupe. La part de lintrospectif est encore une fois souligner. La danse est une pratique physique mais surtout une comprhension intellectuelle dune technique, dune expression et dune motion. Les lves construisent donc leur personnalit et leur intellect en fonction de

leur apprentissage gestuel et motionnel. Le caractre intrieur et solitaire du danseur est

aussi un moteur du dpassement. Ces jeunes nont pas peur dtre contraints et de se soumettre une discipline, car ils savent que la rcompense de leffort et du travail est grande : russir un mouvement technique, faire passer une motion, autant de prouesses que

tous ces enfants constatent chez leurs ans et quils rvent de raliser.

Cette russite passe ncessairement par une introspection et une intriorisation du cot de

leffort.


Image extraite de la vido Le got de leffort du webdocumentaire De llve lartiste.


Vie intrieure

Lintrieur, cest aussi le monde de la danse et de la musique lOpra.

On rentre lge de huit ans, on devient danseur du Corps de ballet, retrait et professeur de danse lOpra : ces trajectoires sont courantes au sein de ltablissement. Ces individus voluent donc partiellement en vase clos. Ils sont une troupe et vivent au gr des vnements

et des personnages qui peuplent lOpra. Lcole et le Ballet existent cte cte.

Le dfil clbre merveille cette symbiose. Par ordre hirarchique et de faon ritualise, le

Corps de ballet et lcole au complet descendent la scne de lOpra Garnier en cadence sur la musique des Troyens de Berlioz. Chaque toile a le privilge de prsenter individuellement

son hommage au public. Limpression qui se dgage de cette dmonstration de force est unanime : la danse lOpra ne fait quun corps. Appartenir ce corps est donc un tour de force auquel chacun des lves sapplique participer.

Vie extrieure

Les rapports avec lextrieur sont galement prsents pour ces lves. Cette notion dextrieur est aborde par certains dentre eux qui se disent parfois en dcalage. Avec la famille et les anciens amis, les petits rats se sentent de temps en temps dconnects dun monde dans lequel lart ne reprsente pas un objectif quotidien, o leffort et la prouesse technique ne sont pas toujours convoqus.

Mais dautres moments professionnels sont, au contraire, des fentres sur lextrieur. Dans lpisode 5 de Graines dtoiles, la squence du chorgraphe extrieur lcole travaillant avec des petits rats tmoigne de la capacit de ces lves sadapter dautres enseignements et dautres techniques danses. Le chorgraphe invit voque, de son ct, avec quelle facilit ces jeunes danseurs comprennent lintention dun geste, un enchanement de pas, autant sur le plan technique quintellectuel. Cest pourquoi le dcalage qui se cre avec le monde extrieur ne doit pas se comprendre comme une incomprhension de lentourage ou un dsintressement pour les activits banales, mais bien comme la marque dune diffrence lie au dvouement de ces jeunes pour lart. Comme le suggrent Violette Verdy, grande ballerine


franaise du New York City Ballet et ancienne directrice du Ballet de lOpra de Paris de 1977 1980, et Sylvie Jacq-Mioche, professeur de lettres et dhistoire de la danse, les lves de lOpra ont eu accs lart et aux dimensions morales et intellectuelles (voire religieuses) quil porte.

Image extraite de la vido Danser pour slever du webdocumentaire De llve lartiste.


Durant les dmonstrations de lcole ou dans le contexte des tournes en France ou ltranger, les petits rats de lOpra sont donc fiers de perptuer une tradition et de reprsenter une institution qui les a ports vers des destins peu communs.


IV. Histoire, art et littrature

A. Historique de lcole de danse

Les enfants ont toujours jou la comdie et dans dans les thtres. la fin du XVIIIe sicle,

ladministration royale dcide de pourvoir linstitution dune vritable cole de formation pour enfants. Le XIX

e sicle voit la mise en place de classes de danse avec plus ou moins de

russite. Le changement intervient la veille de la Premire Guerre mondiale grce aux

rformes de Jacques Rouch lequel cherche professionnaliser ce jeune personnel.

Aujourdhui, lcole de danse de lOpra national de Paris est considre comme lespace de formation des danseurs les plus brillants de leur gnration.

Cration

Lcole de lAcadmie royale a t fonde par les dits de 1713-1714 de Louis XIV. Ces dits visaient rformer la pratique de la danse qui, selon le roi, tendait devenir

dcadente . Les danseurs de lAcadmie sont alors des adultes dj initis aux techniques de la danse. Il faut attendre la fin du XVIII

e sicle pour que le roi Louis XVI dcrte, en 1784,

la ncessit de recruter des enfants pour dispenser un enseignement gratuit de qualit et

alimenter le Corps de ballet de lAcadmie. Vitrine de la culture franaise en Europe depuis la politique culturelle mise en uvre par Louis XIV, lAcadmie de danse a ainsi une vocation dexcellence. Ds le dbut de la mise en place de lcole de danse pour enfants, le rglement impose que ces derniers soient, de prfrence, vierges de toute pratique, quils rpondent des critres physiques esthtiques prcis et quils aient moins de douze ans. Le recrutement se fait par voie de concours, en prsence des principaux reprsentants de ladministration et du personnel de la danse, dont le matre de ballet reprsente la cl de vote.

Organisation et dveloppement au XIXe sicle

Au dbut du XIXe sicle, lcole est marque par une volont de clarifier les rapports de

hirarchie et dinstaurer des classes fixes selon les ges et les emplois. Cest ainsi quest cre, en 1817, une classe de perfectionnement pour les lments les plus prometteurs, et une

classe de pantomime, expression corporelle permettant damliorer par des gestes la trame narrative des ballets romantiques. Nanmoins, linstitution connat des difficults chroniques sur le plan financier, aggraves par le changement de gestion de ltablissement de spectacles en 1831. LOpra devient une rgie intresse avec larrive de Louis Vron, cest--dire dirig par un directeur-entrepreneur qui engage ses propres fonds, ses risques et prils, pour

mener bien lentreprise de spectacles. LOpra, mme sil est toujours soumis des obligations imposes par ltat, est privatis. Cest pourquoi la priode de la monarchie de Juillet (1830-1848) et du Second Empire (1851-1870) est particulirement dlicate pour la

danse lOpra. Grce aux succs du ballet romantique et la nouvelle clientle bourgeoise, lOpra Le Peletier connat une priode faste : tre vu lOpra est de mise pour celui ou celle qui cherche se distinguer dans la bonne socit. Or, durant cette mme priode de

succs pour le ballet, lcole connat de relles difficults de fonctionnement lies aux restrictions budgtaires. Les sources dont on dispose tmoignent de dysfonctionnements

expliquant le niveau assez mdiocre des danseuses du Corps de ballet et le recrutement de

solistes trangres pour les ttes daffiches. Une ptition des lves de lOpra, au milieu du XIX

e sicle, se plaint, par exemple, que les cours de danse ne sont plus donns de faon

rgulire, tout comme les examens de contrle qui avaient lieu quatre fois par an. Dautre part, le non-paiement des professeurs de danse par linstitution les pousse donner des cours


particuliers leur domicile, ce qui ne permet pas lensemble des lves de progresser de manire correcte. Enfin, le foyer de lOpra se transforme en un lieu de rencontres et de flirts entre les abonns et les petites danseuses. Des peintres comme E. Degas, des dessinateurs

comme A. Forain ou Cham se sont empresss de rendre compte de cet espace de sociabilits

rserv aux plus aiss. Cest ce moment prcis que lOpra devient lun des sujets favoris des hommes de lettres : Balzac, Baudelaire, Zola, Gautier semparent du monde de lOpra pour en tirer une critique sociale.

Garnier et la fin de sicle

Louverture de lOpra Garnier en 1873 et la nouvelle classe politique de la IIIe Rpublique naissante freinent quelque peu ces habitudes. La danse a du mal trouver un nouveau souffle

aprs une poque particulirement brillante. Sur le plan pdagogique, de grands professeurs

disparaissent ou prennent leur retraite : Joseph Mazilier meurt en 1868 et Arthur Saint-Lon

en 1870 ; Marie Taglioni, rformatrice de lcole et professeur de perfectionnement, se retire dfinitivement. Il faut attendre larrive des ballets russes Paris pour que la danse retrouve un clat : Lo Staats et Ivan Clustine redonnent toute leur place, au sein de lcole, aux effectifs masculins, qui avaient pour ainsi dire disparu. Du ct des filles, cest Rosita Mauri, une danseuse dorigine italienne et brillante toile, qui transmet une technique plus solide, entre 1898 et 1920. La Premire Guerre mondiale npargne pas lOpra : il ny a pas de chorgraphe attitr, le rpertoire est dsuet, les effectifs clairsems et les solistes en fin de

carrire. Du ct de lcole, la situation nest gure plus rjouissante, car les cours ont t suspendus durant une partie de la guerre. En 1921, Jacques Rouch, directeur de lOpra depuis 1913, conscient quil faut dpoussirer linstitution de son traditionalisme, impose louverture dune classe de danse rythmique, inspire de la mthode dmile Jaques-Dalcroze, pour sensibiliser les jeunes danseurs au rythme et la musique. Mme si cette

exprience est vite abandonne, elle tmoigne dune nouvelle ouverture de lcole. Jacques Rouch sentoure alors dartistes russes qui donnent une nouvelle impulsion. Bronislava Nijinska, la sur de Vaslav Nijinski, sur la demande de Jacques Rouch, rdige un rapport afin dvaluer les difficults relles de lcole. Elle convient dun certain traditionalisme, mais scarte de la thse du catastrophisme relaye par la presse de lpoque.

Le tournant de lentre-deux-guerres

partir de 1930 et jusquen 1955, Carlotta Zambelli simpose comme la figure incontournable de lcole : elle dfinit et spcifie le style franais . La danse doit tre prcise, quilibre et sans minauderie. Les sauts doivent tre lgers et pareils ceux dune sylphide, en rfrence au ballet romantique. Le bas de jambe sautonomise par rapport au haut du corps qui doit tre capable dexcuter des mouvements lents, alors que le bas de jambe peut tre vif et rapide. Pour atteindre une certaine perfection, elle fonde son enseignement sur

la rptition de mmes mouvements afin de pouvoir les amliorer un peu chaque jour : la

barre dchauffement courte (25 minutes), que chaque lve ou danseur connat par cur et excute, permet damliorer chaque port de bras, rond de jambe ou position du bassin. Enfin, lpaulement si franais peut tre attribu pour une large part Mademoiselle , comme elle aimait se faire appeler. la mme poque, Serge Lifar est linstigateur dune politique de rnovation de la danse, que ce soit pour le Ballet ou pour lcole. Il introduit une classe dadage en 1932 et fait interdire le foyer aux abonns. Par cet acte trs symbolique, il entame un processus de professionnalisation des lves de lcole qui ne sont donc plus l pour attirer les amateurs dOpra mais bien pour apprendre la danse. cet gard, il propose douvrir un enseignement thorique de lhistoire de la danse quil confie Germaine Prudhommeau, une


des premires sintresser lhistoire de la danse en France. De mme, dans cet esprit de formation et de protection des jeunes apprentis, il limite les figurations des lves dans les

spectacles. partir de 1915, lobligation de scolarit stend jusqu lge de 13 ans. Cest seulement aprs la Premire Guerre mondiale que la prsentation dun certificat de suivi de scolarit devient une obligation. En effet, Jacques Rouch, surpris de voir le peu dinstruction de ces enfants, dcide douvrir une cole rue de la Ville-lvque, dans le 8e arrondissement de Paris, proximit de lOpra Garnier. Chaque jour, une prceptrice encadrait les lves pour les amener dun site un autre. Cette configuration impliquait donc que les enfants habitent chez leurs parents, Paris, ou quils soient hbergs par un correspondant . La plupart des lves taient donc des petits parisiens. Il faut attendre les dbuts de la

massification de la scolarisation dans les annes 1960 pour que le brevet dtudes du premier cycle (BEPC), cr en 1947, soit rendu obligatoire pour intgrer le Corps de ballet.

Lenseignement est alors assur jusquau baccalaurat.

La premire modernisation de Claude Bessy

Lorganisation de lcole daujourdhui a t rendue possible par Claude Bessy. son arrive en 1972, elle constate que les structures de lcole nont pas volu. Elle emploie donc toute son nergie la transformer pour en faire un haut lieu de la formation en danse. Sa premire

victoire est de convertir les horaires amnags des lves en un vrai mi-temps. Dornavant, la

journe dun petit rat est partage entre les activits scolaires et les cours de danse. Puis elle introduit de nouvelles disciplines pour rendre plus complte la formation des danseurs : danse

ancienne, danse folklorique, danse de caractre, danse moderne, danse jazz, mime, cours

dadage, de variations et de rpertoire viennent parfaire la formation de ces futurs danseurs3. Ces disciplines supplmentaires ajoutes au cursus de llve sinscrivent dans un contexte de concurrence plus farouche dans les recrutements au sein des ballets en Europe et dans le

monde. Claude Bessy cherche donc faire de ces enfants des danseurs polyvalents, prts

dfier les difficults du mtier dartiste.

Ainsi, la politique de rformes, depuis Carlotta Zambelli et Serge Lifar jusqu celle initie par Claude Bessy, a contribu grandement lvolution du statut des lves lOpra. On assiste donc une transformation du statut de llve de lcole de danse. Le petit rat est dornavant un lve qui se destine au mtier de danseur. Il nest plus considr comme un personnel mais bien comme un danseur en formation.

Dautre part, et ce depuis le XIXe sicle, lcole de danse perptue un principe fondateur de son identit : sil existe des critures de la danse et des codifications*, les danseurs du Ballet deviennent les cadres formateurs de lcole de danse. De gnration en gnration, les lves reoivent un enseignement qui sest aussi transmis de faon orale. Cet aspect donne une coloration particulire lenseignement. Albert Aveline (1883-1968), entr lcole en 1894, matre de ballet en 1917 et responsable de lcole jusquen 1958, collabore aux cts de Serge Lifar au perfectionnement de la technique masculine.

Entre le dbut du XXe sicle et aujourdhui sest opre une rvolution dans le statut de llve

lOpra. Apprenti-danseur, le petit rat suit une formation artistique des plus prestigieuses. La considration des problmatiques lies au travail et lenfance a fait des progrs depuis 2004. La polmique qui avait clat a permis dacclrer la rflexion sur la prise en charge daspects mdicaux et psychologiques. Lcole avait t pointe du doigt pour les conditions

3 Opra national de Paris, Lcole de danse, Paris, Thtre national de lOpra, 1980.


physiques et psychologiques trop rudes quelle imposait de jeunes enfants. Si la presse avait enqut un peu plus longuement, elle aurait certainement pu communiquer sur un fait rpandu

dans le monde de la danse dune part, et dautre part, dans les disciplines athltiques de haut niveau Nanmoins, et pour rpondre une opinion publique en moi, lOpra a pris depuis en considration ces critiques et amnag une prise en charge plus globale en apportant un

soin particulier la question du poids. Les lves prsentant des difficults sont

immdiatement prises en charge mdicalement et accompagnes par leur famille. En outre, il

sagit de signaler lensemble de la communaut des lves quun corps dansant ncessite de la force et un soin particulier.

Ainsi, protgs par la loi, duqus et soigns, les lves de la danse de lOpra incarnent une lite en devenir qui lon demande autant de danser que de penser. Enfin, hritier dune tradition de quatre sicles, le petit rat de lOpra se distingue par le fait dappartenir une maison, un style mais galement par la possibilit de se rvler en tant quartiste.

En classe

ducation aux mdias

partir des articles Une polmique sur lanorexie agite la Scala de Milan paru le 9 fvrier 2012 sur le site du Parisien (taper le nom de larticle dans le moteur de recherche) et Petit rat de lOpra tu souffriras ! de Marie-Christine Vernay paru le 4 dcembre 2002 (taper le nom de lauteur et le titre de larticle dans le moteur de recherche) sur le site de Libration, travailler avec la classe sur les polmiques sur la danse et lanorexie dans la presse.

On pourra interroger plusieurs pistes de rflexion :

Quelles sont les contraintes sportives et artistiques qui mnent aux problmatiques de lanorexie ? Les drives alimentaires sont-elles lies certaines pratiques comme la danse ou la gymnastique ? Sont-elles en rapport avec des pressions extrieures (mdias) qui vhiculent une certaine image de la fminit ?

Comment expliquer lvolution des canons esthtiques de la beaut ? (par exemple, au XIX

e sicle, les formes gnreuses sont prfres la maigreur)

En classe

Lenfance au travail

Les enfants ont toujours travaill. Le travail des enfants nmerge pas avec le grand capitalisme du XIX

e sicle. Il sagira de rflchir sur la place des enfants dans les diffrentes

socits en Europe et dans le monde, et dmontrer comment le dveloppement des socits, la

diffusion des ides des Lumires ont permis dans certains espaces de faire merger la notion

de droit des enfants. A contrario, il sera intressant danalyser les raisons qui expliquent les ingalits de traitement de lenfance en gnral mais aussi, dans une comparaison, entre filles et garons.

Quelques pistes de rflexion :

La place de lenfant : de ladulte miniature un tre en devenir


Le travail des enfants : les enfants sur scne aux XVIIIe et XIXe sicles dans les foires et les thtres (Foire Saint-Laurent et Saint-Germain, thtre Louis-Comte, les enfants dAudinot, le gymnase Castelli) Le travail des enfants : travail agricole et industriel du XIXe sicle aujourdhui, en Europe et dans le monde

La reprsentation des enfants dans les textes et en peinture du XVIIIe sicle aujourdhui. prolonger avec le dveloppement de la photographie

B. Portraits du petit rat de lOpra

La reprsentation du rat dOpra au XIXe sicle dans la littrature et la presse fait de ces jeunes filles une figure incontournable des thtres. Elle fascine autant quelle meut. Cest un objet de dsolation pour ceux qui, peu peu, prennent conscience de la condition de ces enfants

mais aussi une sociabilit propre aux amateurs dOpra. Ces extraits prsentent des aspects de la vie de ces gamines des thtres mais exposent surtout limaginaire qui se cre autour de ces petites danseuses.

Texte n 1

La plus intressante des trois espces, cest le rat. Tout a t peu prs dit sur le rat de lOpra. Vritable camlon, il change de peau cinq six fois pendant ce quil appelle sa vie artistique. dix ans le rat commence se tourner ; douze, il attache ses paules des ailes diaphanes pour reprsenter les chrubins, les sylphes

ou les dmons ; cet ge, si on le rencontre dans la rue, il a une petite robe dindienne, bien trique, bien suspecte, des bas qui furent blancs, et des souliers fabuleux ; devenu jeune fille,

quinze ans, le rat commence sentir la vie, lambition le gagne, il rve de bas de soie, guipure, robe de mousseline-laine, chle Ternaux, trois mille francs dappointements, et se laisse conduire au thtre par le fils du propritaire de sa maison. Le rat nest heureux que lorsque, abandonnant le vil pav de la rue, il a franchi la loge de la mre Crosnier, respectable

cerbre de lOpra.

Un vieux comparse (par), Les Mystres des thtres de Paris, Paris, Marchant diteur, 1844,

p. 389.

Texte n 2

Le vrai rat, en bon langage, est une petite fille de sept quatorze ans, lve de la danse, qui

porte des souliers uss par dautres, des chles dteints, des chapeaux couleur de suie, qui sent la fume de quinquet, a du pain dans ses poches et demande six sous pour acheter des

bonbons ; le rat fait des trous aux dcorations pour voir le spectacle, court au grand galop

derrire les toiles de fond et joue aux quatre coins des corridors ; il est cens gagner vingt

sous par soire, mais au moyen des amendes normes quil encourt par ses dsordres, il ne touche par mois que huit dix francs et trente coups de pieds de sa mre.

Nestor Roqueplan, Les Coulisses de lOpra, Paris, Librairie Nouvelle, 1855, p. 45.


Texte n 3

Paris possde trois choses que toutes les capitales lui envient : le gamin, la grisette et le rat.

Le rat est un gamin de thtre qui a tous les dfauts du gamin des rues, moins les bonnes

qualits, et qui, comme lui, est n de la rvolution de juillet.

On appelle ainsi lOpra les petites filles qui se destinent tre danseuses, et qui figurent dans les espaliers, les lointains, les vols, les apothoses et autres situations o leur petitesse

peut sexpliquer par la perspective. Lge du rat varie de huit quatorze ou quinze ans ; un rat de seize ans est un trs vieux rat, un rat hupp, un rat blanc ; cest la plus haute vieillesse o il puisse arriver ; cet ge, ses tudes sont peu prs termines, il dbute et danse un pas seul,

son nom a t sur laffiche en toutes lettres ; il passe tigre, et devient premier, second, troisime sujet, ou coryphe, selon ses mrites ou ses protections.

Do vient ce nom bizarre, saugrenu, presque injurieux, et qui, en apparence, a si peu de rapport avec lobjet quil dsigne ? Les tymologistes sont fort embarrasss : les uns le font descendre du sanscrit, dautres du cophte, ceux-l du syriaque, ceux-l du mandchou ou du haut allemand, selon les langues quils ne savent pas.

Nous pensons que le rat a t appel ainsi, dabord cause de sa petitesse, ensuite cause de ses instincts rongeurs et destructifs. Approchez du rat, vous le verrez brocher des babines, et

faire aller son petit museau comme un cureuil qui dguste une amande ; vous ne passerez pas

ct de lui sans entendre dimperceptibles craquements de pralines croques, de noisettes, ou mme de crotes de pain broyes par de petites dents aigus, qui font comme un bruit de

souris dans un mur. Comme son homonyme, il aime pratiquer des trous dans les toiles,

largir les dchirures des dcorations, sous prtexte de regarder la scne ou la salle, mais au

fond pour le plaisir de faire du dgt ; il va, trottine, descend les escaliers, grimpe sur les

praticables, et principalement sur les impraticables, parcourt et dbrouille lcheveau dinextricables corridors, du troisime dessous jusquaux frises, o lappellent frquemment les paradis et les gloires ; lui seul peut se reconnatre dans les dtours tnbreux et souterrains

de cette immense ruche dont chaque alvole est une loge, et dont le public souponne peine

la complication.

Thophile Gautier, La Peau de tigre, Paris, Michel Lvy frres, 1866, p. 328-329.

En classe

Il est envisageable de travailler sur la question de la reprsentation des femmes et du corps en

sappuyant sur un corpus littraire classique (Nana dmile Zola, par exemple) et les reprsentations des danseuses au XIX

e sicle.


C. Qui est la petite danseuse de Degas ?

Edgar Degas (1834-1917), Petite danseuse de quatorze ans dite aussi Grande danseuse habille, reprsentant Marie van

Goethem, sculpture de bronze, fondue la cire perdue, patine, satin, tulle, 1932 (1re dition du bronze en 1881).

(C) RMN-Grand Palais (muse dOrsay)/Ren-Gabriel Ojda

La petite danseuse de Degas est ne de la rencontre du peintre avec le monde de la danse

et en particulier de trois surs frquentant lOpra national de Paris : Antoinette, Marie et Charlotte Van Goethem.

Cest surtout Marie Van Goethem, ne en 1865, qui sert de modle au peintre. La famille Van Goethem, originaire de Belgique, vient sinstaller Paris la recherche de meilleurs revenus. Comme la plupart des familles pauvres, leur situation ne samliore pas. Loges dans la cit Coquenard, dans le 11

e arrondissement, les trois jeunes filles frquentent les bas-fonds

parisiens : prostitution, salaire la journe, dambulation dans les quartiers entre Pigalle et le

boulevard du Temple, anciennement nomm boulevard du crime . On trouve la trace de

ces trois jeunes filles lOpra essentiellement comme figurante ou marcheuse4, lexception de Marie qui entre lcole de danse en 1878 et qui fait carrire lOpra. Charlotte entre, elle aussi, lcole mais ny reste pas. Cette dernire et Antoinette font quelques remplacements mais nappartiennent pas au Corps de ballet de lOpra. Leur mre, devenue veuve, est trs reprsentative dune partie des parents dlves de lOpra. Elle occupe un logement sordide dans un quartier excentr. Elle est sans qualification et signale comme

blanchisseuse. Tout comme madame Cardinal, hrone du roman de Ludovic Halvy, Les

Petites Cardinal, elle cherche par le biais de ses filles complter ses maigres revenus.

Derrire la petite danseuse de Degas, cest donc tout un univers social qui est dpeint par lartiste. Dans son ballet La Petite Danseuse de Degas, le matre de ballet Patrice Bart a tent,

4 Figurante ou marcheuse : dsigne des emplois non qualifis lOpra et qui nimplique pas de contrat fixe.

Cest donc un emploi prcaire.


laide de lenqute mene par Martine Kahanne, de donner vie la ralit sociale des familles peuplant les coulisses de lOpra5.

On proposera ci-dessous donc de confronter des passages du ballet pour montrer

comment La Petite Danseuse de Degas permet de dconstruire limage du petit rat de lOpra.

En classe

Du tableau la scne : confronter un passage du ballet de Patrice Bart (extrait de

lacte I, scne 2) avec le tableau dE. Degas, La Classe de danse, huile sur toile, 85 x 75 cm, muse dOrsay, 1871-1874.

Edgar Degas (1834-1917), La Classe de danse, huile sur toile, vers 1873-76.

(C) RMN-Grand Palais (muse dOrsay)/Herv Lewandowski

Ce passage du ballet de La Petite Danseuse de Degas met en scne les exercices la barre qui

permettent au corps de schauffer. Il fait rfrence une srie de tableaux peints par Edgar Degas : Le Foyer de la danse

lOpra de la rue Le Peletier en 1872 et La Classe de danse ralis entre 1873 et 1876. Ces tableaux fournissent des informations sur le quotidien des danseuses. On se situe alors dans la

priode raliste de Degas qui apporte un tmoignage et une vision du cours de danse ou de la

rptition.

Dans La Classe de danse, parmi les lments importants distinguer, le professeur de danse

Jules Perrot, appuy sur un bton qui frappe le rythme et la cadence (ou les danseuses), se

trouve au centre des attentions. En effet, le matre de ballet est le personnage cl de la danse

5 Martine Kahanne, Enqute sur la Petite Danseuse de quatorze ans de Degas , dans La Petite Danseuse de

Degas, programme du Ballet de lOpra national de Paris, 2005.


lOpra : il distribue les rles, les remplacements et prononce les dbuts6. Larrosoir sert mouiller le parquet pour que les appuis des danseuses soient plus stables et moins glissants.

Les mres staient attribu cette tche, afin de se rendre utile pendant les leons et dassister au cours sans tre chasses. Les danseuses, dans des positions relches, tmoignent la fois

de la fatigue du corps mais permettent aussi de percevoir leur petite ducation. Jamais une

jeune fille issue de la bourgeoisie ne pourrait se permettre un tel relchement. Enfin, en

arrire-plan du tableau, des mres dlves sont prsentes de faon dissimule. Cette prsence invite sinterroger sur leur rle et leurs desseins pour leurs filles quelles observent. Les costumes sont soigns et vaporeux : il sagit dune rptition plus quun simple cours de danse.

(Voir le dossier De la classe la scne, le ballet de lOpra de Paris vu par Edgar Degas sur le site LHistoire par limage de la Runion des muses nationaux)

En classe

Les illusions dune petite danseuse : confronter un passage du ballet de Patrice Bart (extrait de lacte I, scne 2) avec la ralit socio-conomique des lves de la danse au XIX

e sicle.

Les danseuses ont toutes le mme espoir : entrer lOpra et devenir la nouvelle Taglioni. Hlas, rares sont celles qui parviennent gravir les chelons du Corps de ballet de lOpra. Comme les petites Van Goethem, les familles pauvres des faubourgs sempressent de prsenter leurs enfants lOpra. Le travail des enfants est une norme et reprsente un complment de revenus parfois indispensable la survie de la famille. Les cours de danse

sont dispenss gratuitement, ltablissement fournit une partie du matriel (paire de chaussons et justaucorps). Les stratgies familiales sont donc claires : devenir danseuse lOpra ou pouser un riche amateur dOpra. LOpra Le Peletier, devenu, sous la monarchie de Juillet et sous le Second Empire

De l Eleve Au Danseur

Documents

Transcript of De l Eleve Au Danseur