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De J.-M. TAURIAC

MIRACLES à LOURDES ?

Diffusion Hachette. ou chez l'auteur,

2, rue de Candolle, PARIS-V

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PROCÈS DE BERNADETTE

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NIHIL OBSTAT Parisiis XI Januarii 1958

Constans TASTEVIN C. S. Sp.

Prof. hon. Univer. Catho.

IMPRIMATUR Parisiis XV Januarii 1958 † Jacobus LE CORDIER

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PROCÈS DE

BERNADETTE présentés par

J.-M. TAURIAC & J. AUBERY

PARIS LIBRAIRIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES

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© LIBRAIRIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES, 1958. Tous droits de traduction, reproduction, adaptation, représentation

réservés pour tous pays y compris l'U.R.S.S. Dépôt légal 2 trimestre 1958, n° 486.

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PRÉFACE

Une jeune fille de treize ans (1), petite pour son âge, à belle figure d'un brun mêlé de rose frais, c'est ainsi que le directeur de l'Ecole supérieure de Lourdes décrivait une certaine Bernadette Soubi- rous, à qui venait de survenir une extraordinaire aventure dont il fut le premier reporter.

Cette petite pauvresse, maladive et ignorante, va soudain sortir de l'obscurité de son « cachot », être exposée aux regards de la foule, comparaître devant des magistrats. Les ministres, l'Empereur lui-même s'occuperont d'elle. Les chefs de l'Eglise ouvriront son procès de béatification, puis de cano- nisation.

Des millions d'hommes et de femmes ne cessent, depuis cent ans, de venir du monde entier en cette bourgade où elle a vécu, devant le rocher où elle a « vu ».

Ce livre vous invite à un voyage à Lourdes en 1858 pour y vivre avec Bernadette sa prodigieuse histoire.

Dans Vie et mort de Jeanne d'Arc (2), Régine Pernoud a eu l'heureuse idée de laisser parler les témoins, les juges et l'accusée du plus grand procès de l'histoire. Dans ce livre, nous avons voulu faire de même pour évoquer la vie et la mort de Berna- dette, répondant à la suggestion d'une éminente personnalité du monde catholique qui m'écrivit, après avoir lu mon livre Miracles à Lourdes? (3) :

(1) En réalité Bernadette avait 14 ans. Elle était née le 7 janvier 1844. (2) (3) Hachette, éditeur.

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« Je viens vous demander si vous ne pourriez pas publier tous les procès-verbaux et dépositions enre- gistrés à l'époque même. La vérité historique est ici la plus belle des apologies. Ce serait la pièce maîtresse du centenaire. »

Voici donc le Procès de Bernadette. Les vrais auteurs de ce livre ? Ce sont tous ceux

qui l'ont connue, interrogée, jugée : ses parents, ses voisins, les petites gens et les notables de Lourdes, les magistrats de l'Empire, les prêtres de sa paroisse, les chefs de l'Eglise, et Bernadette elle-même.

Notre rôle se borne à vous les faire entendre. Le procès de Bernadette est ouvert, vous en serez

les juges.

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LES SOURCES Les documents que nous publions se trouvent

dans les archives suivantes : — Archives nationales : Dossiers du ministère des

Cultes, du ministère de la Justice et du minis- tère de l'Intérieur.

— Archives de la Grotte : Dossier épiscopal et dossier Jacomet.

— Archives des Pères Jésuites de Toulouse : Mémoires rédigés par les témoins ; Réponses à l'enquête du Père Cros ; Copie du dossier du préfet Massy ; Copie du dossier du procureur Dutour.

— Archives du couvent Saint-Gildard de Nevers : Autographes de Bernadette ; Copie des pièces des procès de béatification et de canonisation.

— Archives privées : Notamment Dossiers Las- serre et Peyramale.

Ces documents d'archives ont déjà été publiés : — Fragments très nombreux dans Histoire de

Notre-Dame de Lourdes, par le Père L.-J. Cros, S. J. (Beauchesne, 1926, 3 volumes).

— Texte intégral de quelques mémoires et témoi- gnages dans Revue d'Ascétique et de Mystique, janvier 1929.

— Textes plus nombreux dans Lourdes 1858, Témoins de l'événement, du Père Léonard Cros, S. J. (Lethielleux, éditeur, 1957).

— Edition critique de tous les documents par l'abbé Laurentin dans Lourdes, Documents authentiques, dont le premier tome vient de paraître chez Lethielleux. Ouvrage magistral dont on attend avec impatience les 3 autres volumes.

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LES PERSONNAGES LES JUGES

Commissaire de police Jacomet. Procureur impérial Dutour. Procureur général Falconnet. Le préfet, baron Massy. Le ministre des Cultes, Rouland. Le ministre de l'Intérieur Delangle. Le garde des Sceaux de Royer. Le ministre d'Etat Achille Fould.. L'empereur Napoléon III. L'évêque de Tarbes, Monseigneur Laurence. L'évêque de Nevers, Monseigneur Fourcade. Le souverain pontife Pie XI.

LES TEMOINS LA FAMILLE

La sœur cadette Toinette. Les tantes Basile et Bernarde Casterot. Le cousin André Sajoux. Les cousines Jeanne Védère et Fanny Nicolau.

LES VOISINS Le meunier Nicolau. Le charron Tarbès. Le forgeron Bourdette.

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Josèphe Ouros, femme du cordonnier. Antoinette Peyret, couturière. Croizine Bouhohorte, laveuse.

LES AMIES Jeanne Abadie. Dominique Cazenave. Marie Hillot. Victoire Cassou.

LES NOTABLES Le docteur Dozous. Le directeur de l'Ecole supérieure Antoine Clarens. L'hôtelière Elfrida Lacrampe. Les demoiselles Tardhivail, commerçantes. L'entreposeur des tabacs, Pierre Lannes. Le contrôleur des Contributions Estrade.

LES FONCTIONNAIRES SUBALTERNES Le maréchal des logis d'Angla. Les gardes champêtres : Callet et Vergès. Le cantonnier Latapie.

LE CLERGÉ Le curé Peyramale. L'abbé Pomian, aumônier de l'hospice.

Les abbés Serres et Pène, vicaires. L'abbé Dézirat, jeune prêtre. L'abbé Febvre, aumônier de Saint-Gildard de

Ne vers. Les frères des Ecoles chrétiennes. Les religieuses de Nevers.

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PREMIERE PARTIE

BERNADETTE DEVANT LA VIERGE

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LOURDES, FEVRIER 1858 UN SOIR AU CONFESSIONNAL...

L'abbé Pomian, trente-six ans, est vicaire de Lourdes et aumônier de l'hospice. « C'est un homme charmant, franc, expansif, d'agréable compagnie, dit de lui le maréchal des logis de gen- darmerie. J'aimais bien, moi soldat, ce prêtre plein de bon sens et d'une humeur à la fois paternelle et jeune. » Il fut le premier prêtre à recevoir les confi- dences de Bernadette, deux jours après la première apparition. Ecoutons-le :

Dans l'église paroissiale, à l'entrée de la nuit, ouvrant la grille de mon confessionnal du côté opposé à celui d'où venait de s'éloigner un péni- tent ou une pénitente, j'entendis, pour premières paroles de la pénitente nouvelle, ces mots, dits en patois : « J'ai vu quelque chose de blanc ayant la forme d'une dame. »

Je n'ajouterai aucune importance à ce qui me fut dit ; cependant (par un effet, je pense, de l' action de Dieu), je demandai permission de communiquer cela à M. le Curé. Le soir même, au premier moment libre, je dis à M. le Curé, tandis que nous nous promenions sur la route d'Argelès, ce que m'avait dit ma pénitente et je la nommai,

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car j'avais demandé à la jeune fille son nom. Même quand ce nom me fut dit. je ne me souvins pas de l'avoir écrit sur la liste des filles de la première communion, où je le trouvai ensuite. M. le Curé écouta assez indifféremment.

Quelle était cette petite Bernadette Soubirous que l'abbé Pomian ne se souvenait même pas d'avoir inscrite sur la liste des filles de la première communion ?

UNE FAMILLE DANS LA MISÈRE

Bernarde Casterot, veuve de l'aubergiste Tarbès, remariée d.epuis cinq ans à J.-M. Nicolau, agricul- teur, tante et marraine de Bernadette, nous raconte les malheurs de sa famille :

François Soubirous travaillait au moulin de Boly, et y demeura comme gendre quelque temps. Ber- nadette y naquit. A l'occasion de discussions avec mon père, François quitta le moulin de Boly et alla s'établir comme fermier du côté de Bagnères : cela dura une année environ. Après quoi, ils vin- rent tenir à ferme le moulin Lacadé, à Lourdes. Ils ne réussirent pas et arrivèrent enfin dans l'an- cienne prison, où ils occupaient une seule chambre, au rez-de-chaussée, bien vilaine et bien obscure. La mère allait à la journée, le père aussi.

Bernadette venait me voir et je l'ai eue avec moi pendant deux ans : elle gardait mes enfants, alors tout petits, et moi, je leur aidais à vivre. Bernadette alors savait déjà Notre Père, Je vous salue Marie et Je crois en Dieu. Toute petite, elle eut un chapelet, elle allait bien peu à l'école, mais à cause de la misère et du travail, pas assez pour s'instruire, et alors. le chapelet lui servait de livre,

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Bernadette avait bon caractère, elle était très docile : grondée, elle ne me répliquait pas. Sa mère élevait bien ses enfants, sans y épargner même le bâton.

Pendant ses six ou sept premiers mois, Berna- dette fut nourrie par sa mère, mais, étant devenue enceinte d'un second enfant, Louise se vit forcée de procurer une nourrice à Bernadette : elle la confia à M Aravant, de Bartrès. Ce fut moi qui portai l'enfant à sa mère nourrice.

Elle passa alors plus d'un an à Bartrès. Dès qu'elle put être sevrée, nous la ramenâmes à la maison. Le plaisir de la voir et de la soigner (elle était déjà maladive) et la difficulté de payer la nourrice furent cause qu'on la ramena à la maison.

La famille Aravant aimait toujours Bernadette : on voulait la revoir et, chaque année, elle allait deux ou trois fois visiter sa nourrice et passer trois ou quatre jours chez elle. Quand Bernadette eut grandi, M Aravant la demanda à ses parents pour la garder chez elle et lui confier la garde de ses plus jeunes enfants et d'un troupeau. François et Louise Soubirous répondirent : « Nous vous don- nerons volontiers Bernadette, et, si vous le voulez, deux autres avec elle. » Bernadette alla donc à Bar- très, ce fut vers le mois de septembre de l'an- née 1857.

A Bartrès, Bernadette s'ennuyait parce qu'elle ne pouvait aller à l'école et se préparer à la pre- mière communion. Un jour, en gardant son trou- peau, elle dit à une personne de Lourdes qui pas- sait : « Dites à mes parents que je m'ennuie ici, je désire revenir à Lourdes pour aller en classe et me préparer à la première communion, priez-les de venir me chercher. » Elle rentra à Lourdes au mois de janvier 1858.

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LE CACHOT André Sajoux avait hérité de son oncle la mai-

son du 15 de la rue des Petits-Fossés, que celui- ci avait achetée à la ville et qui était la prison municipale, quand elle fut désaffectée. Il nous fait visiter sa maison.

Ma femme, moi et nos cinq enfants, nous logions aux deux chambres d'en haut, dont nous avions retiré les barreaux de fer. Je suis parent des Soubirous, la mère de Berna-

dette et moi, nous étions cousins germains : son père, Justin Casterot, était le frère de ma mère. Ne pouvant plus payer leur loyer rue du Bourg, ils vinrent chez moi, ayant été obligés de laisser en gage une armoire dans leur logement précédent. Ils s'installèrent dans la pièce du fond, au rez-de- chaussée, l'ancien cachot, dont deux fenêtres bar- ricadées ouvraient sur la cour, où il y avait un dépôt de fumier. C'était malsain. Avant d'y rece- voir les Soubirous, j'y logeais des Espagnols qui venaient piocher pendant l'hiver : ils se couchaient là, sur les dalles, avec leurs couvertures, souvent sans paille.

Les Soubirous étaient misérables : deux pauvres lits, un à droite en entrant, et l'autre du même côté, plus près de la cheminée. Ils n'avaient qu'une petite malle pour mettre tout leur linge. Je n'avais pas fourni les meubles. Ma femme leur prêtait quelques chemises (ils avaient de la ver- mine). Elle leur donnait souvent quelque peu de pain, ou pâte de milloque : les petits, cependant, ne demandaient pas, ils auraient crevé plutôt.

La mère dépiquait du blé, allait ramasser du

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maïs, rentrait les grains ; elle allait au bois quand elle ne trouvait pas de journées. François demeu- rait au lit, quelquefois des trois jours, n 'ayant pas ce qu'il fallait pour se soutenir. Louise était propre, mais il y avait bien de la misère.

Les enfants se portaient bien, excepté Berna- dette, qui souffrait d'un asthme. Jamais vous ne les auriez entendu crier qu'ils avaient faim ; je les ai vus souvent : Bernadette, Toinette, Jean-Marie et Pierre, sauter, s'amuser, n'ayant pas le ventre plein.

J'ÉTAIS JALOUSE DE BERNADETTE ! C'est sa sœur cadette, Toinette, âgée de onze ans

et demi, qui l'avoue : Il y avait à la maison, avec Bernadette et moi,

deux petits frères : Jean-Marie, sept ans, et Justin, trois ans. Notre père était domestique chez M. Cazenave,

il faisait le charretier, allant à Tarbes et à Bagnères, il revenait de temps en temps coucher à la maison. Ma mère allait, chaque jour, ou travailler la terre, à la journée, ou ramasser du bois à la forêt pour le vendre. Bernadette filait, tricotait, rapiéçait : toujours elle a été bien bonne pour le travail de la couture. Nous étions ensemble à la maison, et jamais elle ne me tracassait, mais moi souvent je le faisais. J'étais jalouse parce qu'il me semblait qu'elle travaillait moins que moi et que mes frères l'aimaient plus que moi, et cependant je devais les soigner, et j'aurais voulu laisser le petit pour aller m'amuser. Bernadette souffrait de la poitrine, elle mangeait peu et ne pouvait pas digérer la pâte de maïs : une livre de pain qu'on lui achetait, elle

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en avait pour trois jours. Jamais elle ne répétait à mon père et à ma mère que je l'avais battue.

Souvent il n'y avait pas de pain à la maison, j'allais chez Pailhasson m'en faire donner à crédit, et ma mère allait deux fois dans un jour à la forêt, pour vendre des charges de bois, six sous, et payer le pain. Notre mère nous soignait bien. Pour la prière nous la faisions tous les soirs, ensemble, en français. Bernadette me reprenait, me grondait quand je m'endormais à la prière.

JEUDI 11 FEVRIER A LA RECHERCHE DU BOIS MORT

Les témoins de l'Evénement vous parlent. Toi- nette Soubirous :

Il y avait, non pas de la pluie, mais un brouillard épais. Le matin, quand il fallut préparer la soupe, Bernadette dit : « Mon Dieu! il n'y a plus de bois. » Ma mère, la veille, nous avait dit : « S'il fait beau, demain, j'irai chercher un fagot » et elle pensait à partir. Jeanne Abadie, ma petite voisine qui allait à l'école avec moi, entra avec son petit frère et dit : « Où allez-vous, Louise ? — Au bois. — Nous irons, nous autres. »

Bernadette dit : « Il faut prendre un panier pour ramasser des os, et nous en trouverons. » Nous avions l'habitude de faire cela et nous les vendions pour quelques sous au chiffonnier Casteret. Ma mère ne voulait pas que Bernadette sortît, à cause du temps. Bernadette dit : « Je sortais bien à Bar- très ! » Alors ma mère permit, mais lui recommanda de prendre le capulet.

Ce n'était pas un capulet neuf, mais un vieux

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capulet blanc, bien rapiécé, acheté devant l' église à un revendeur. Bernadette l'avait lavé plusieurs fois. Jamais nous n'avions rien acheté de neuf, et nous ne portions dehors que des sabots.

Jeanne alla reporter le petit à la maison, et elle revint. Nous descendîmes, portant le panier, l'une après l'autre. Nous passâmes derrière le cimetière, et fîmes le tour par la prairie du Paradis, avant d'ar- river au pont. Tout en marchant, nous ramassions du bois et des os.

En dessous du pont, avant de l'avoir passé, nous trouvâmes une vieille femme, Pigouno, qui lavait.

Elle s'appelait Jeanne-Marie Sameran, on l'avait surnommée la Pie, sans doute à cause de ses bavar- dages. Elle confirme ainsi les dires de Toinette :

Le Jeudi gras, j'étais au Gave, rive droite, près le Pont-Vieux, lavant des boyaux, lorsque, entre onze heures et midi, je vis venir, du côté du Para- dis, Bernadette et Toinette Soubirous, avec Jeanne Abadie. Je suis parente éloignée des Soubirous. Bernadette, s'approchant de moi, me prit amica- lement par le cou et me demanda : « Tata, que faites-vous là? Pour qui lavez-vous ces boyaux? » Je répondis : « Pour M. Clarens. » Les enfants me demandèrent ensuite : « Où trouverons-nous des os et des débris de bois sec? » Je leur répondis : « Du côté de la rive de Massabielle. »

LE ROCHER MASSABIELLE

Demandons au directeur de l'école chrétienne, le Frère Léobard, de nous décrire les lieux :

Lourdes a un fort, qui eut l'honneur de soutenir un siège mémorable contre les Sarrasins, après que

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la vaillante épée de Charles Martel les eut refoulés vers le Midi de la France. Le fort est situé à l'ex- trémité occidentale de la ville, sur un rocher qui le sépare du Gave. Cette rivière descend des hautes montagnes de la frontière, et la fonte des neiges la rend très considérable vers les mois de juin et juillet. Sur la rive gauche du Gave, en face du fort, se trouve un bosquet, qui longe la rivière sur une longueur de trois cents à quatre cents mè- tres : un canal, au service du moulin de Savy, part d'une extrémité du bosquet et va rejoindre le Gave à l'autre extrémité.

A cinquante ou soixante mètres plus loin, se trouve la Grotte qui est devenue l'objet de la reli- gieuse curiosité des étrangers et le rendez-vous des pieux habitants de la ville. [Il écrivait ceci en décembre 1858 à ses frères de Ploërmel.] Lorsque la rivière est basse, ce qui arrive presque toujours, en hiver, on peut, venant du côté du bosquet, avancer entre les deux cours d'eau, presque jusque vis-à-vis de la Grotte : on a alors derrière soi le Gave, par delà lequel, sur la rive droite, s'étend une vaste prairie, et devant soi la Grotte, dont on est séparé par le canal.

Cette Grotte est un immense rocher de soixante pieds de hauteur, incrusté dans un escarpement de cent vingt pieds, au sommet duquel passe un che- min qui va de Lourdes à quelques villages voisins. La descente de cet escarpement est fort pénible et même dangereuse.

La partie supérieure du rocher s'avance, comme pour abriter ses nombreux visiteurs, tandis que sa base va s'élargissant. Plusieurs ouvertures se des- sinent à la surface et se prolongent assez avant. Une d'elles, située à quinze pieds du sol, est sin- gulièrement remarquable : sa forme est presque

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ogivale, elle monte obliquement vers la partie supérieure du rocher, tandis que sa profondeur aboutit, par un couloir, à une autre vaste cavité située à la base du rocher et formant le fond de la grotte. C'est dans cette ouverture ogivale que la Sainte Vierge est apparue.

Paul Leyrisse, « le porcatier » de Lourdes, dit Samson, conduisait les porcs en ce lieu :

Je passais, chaque matin, par les rues de Lour- des, sonnant de la corne, et les gens faisaient sortir leurs pourceaux. Le soir, je les ramenais suivant les mêmes rues. Ce fut pendant l'été de 1857 que je les menai sur la rive de Massabielle. Mon père avait un peu arrangé le sentier, à peine ouvert, qui y descendait du chemin du bois. Ce sentier avait à peine un mètre de large. Après quelques pas, il fallait incliner à gauche et puis descendre tout raide.

De dix heures du matin à quatre heures de l'après-midi, les animaux demeuraient là-bas, le long de la rive, ou près de la Grotte, et dans l'in- térieur même de la cavité.

Dans le canal, l'eau arrivait un peu au-dessus du genou : l'eau passait entre deux blocs, l'un plus grand, l'autre plus petit, à quelques pas de la grotte.

Sur les pentes du rocher, à droite, il y avait beaucoup de fraisiers. J'avais bien remarqué aussi les tiges fourrées de plusieurs arbustes, qui s échappaient de la niche de l'apparition, et sur- tout les grandes branches d'un églantier : elles tombaient fort bas le long du roc. Je me souviens que les fleurs de l'églantier étaient blanches.

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C'EST BIEN ASSEZ DE PRIER A L'ÉGLISE

Reprenons le récit de Toinette, qui va se diri- ger vers ces lieux avec ses deux compagnes :

Nous avons passé le pont, et nous sommes allées vers la scierie, puis nous avons passé le pont de bois du canal, traversé la prairie de M. Laffitte et nous sommes arrivées sur les bords du Gave. Là, nous avons trouvé du bois, parce qu'il y avait comme une forêt. Nous traînions notre fagot, en le soutenant un peu sous le bras et nous arrivâmes devant la Grotte.

Le canal touchait à la Grotte, avec des blocs détachés, au devant. Il y avait dans le canal de l'eau jusqu'au genou. Je vis un os, par delà le canal, dans le creux du roc ; il y avait aussi, au même endroit, des branches menées par l'eau. Jeanne jeta ses sabots par delà le canal, moi, je gardai les miens à la main, et nous nous mîmes à passer l'eau. Arrivées à l'autre bord, nous avions beaucoup froid : nous nous sommes accroupies et nous avons enveloppé nos pieds dans le jupon et la robe pour nous réchauffer.

Tout de suite après, Bernadette a jeté quelques pierres aux endroits où il y avait moins d'eau, pour voir si elle pouvait passer sans se déchausser, elle portait des bas. à cause de sa maladie, mais l'eau couvrait les pierres. Je lui ai offert de la porter, elle n'a pas voulu. « Tu es trop petite. » Elle a demandé à Jeanne, mais Jeanne lui a répondu : « Pet dé périclé ! Si tu veux traverser, traverse, sinon demeure où tu es. » Bernadette lui dit de ne pas jurer. Pet dé périclé n'est pas un grand jurement, ça veut dire : coup de tonnerre.

Nous laissâmes Bernadette seule et nous sui-

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vîmes le canal jusqu'à la jonction avec le gave, par un sentier petit et environné de broussailles. Ayant ensuite tourné la tête vers la Grotte, je vis, d'un peu loin, Bernadette à genoux sur les pierres, le chapelet à la main. Je dis à Jeanne : « Vois là- bas, Bernadette qui prie Dieu ! » Jeanne répondit : « Dévote ! Elle est folle de prier là, c'est bien assez de prier à l'église ; laissons-la, elle ne sait que prier Dieu. » Nous laissâmes Bernadette et nous allâmes plus bas, ramassant du bois, à peu près pendant un quart d'heure.

LE CIEL S'ENTROUVRE AU CREUX D'UN ROCHER

Bernadette vous parle : Je commençais à peine de quitter un bas, que

j'entendis une rumeur de vent, comme quand il fait de l'orage. Le bruit semblait venir de tous les côtés et semblait s'en aller dans toutes les direc- tions. Je me tournai du côté de la prairie, et je vis que les arbres ne remuaient pas du tout. J'avais entrevu, mais sans y arrêter le regard, une agita- tion de branches et de ronces, du côté de la Grotte.

Je continuai de me déchausser, et je mettais un pied dans l'eau, quand j'entendis la même rumeur devant moi. Je levai les yeux et je vis un amas de branches et de ronces qui allaient et venaient, agi- tées au-dessous de l'ouverture la plus haute de la Grotte, tandis que rien ne remuait tout autour.

Derrière ces branches, dans l'ouverture, je vis tout de suite après une jeune fille blanche, pas plus grande que moi, qui me salua par une légère incli- naison de tête ; en même temps, elle éloigna un peu du corps ses bras étendus, en ouvrant les mains ; à son bras droit pendait un chapelet.

J 'eus peur. Je reculai. Je voulus appeler les deux

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Le Larousse donne cette définition : Ensemble des pièces produites par l'une ou l'autre des parties pour servir à l'instruction et au jugement d'une affaire.

Voici le dossier de l'affaire de Lourdes, rien que des documents authentiques : les interro- gatoires de Bernadette par les juges ; les cor- respondances officielles entre fonctionnaires du département et leurs ministres ; les dépositions des témoins, les articles de journaux, les accusa- tions et les plaidoiries.

Bernadette prétend avoir vu le ciel s'entrouvrir dans le creux du rocher de Massabielle ! Vous pourrez connaître et discuter cet extraordinaire événement avec ses contemporains et ses témoins. Voici

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