David Laurent-olivier - Jean-oliver Chenier Le Heros de Saint-eustache

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BIBEBOOK LAURENT-OLIVIER DAVID JEAN-OLIVER CHÉNIER : LE HÉROS DE SAINT-EUSTACHE

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    LAURENT-OLIVIER DAVID

    JEAN-OLIVERCHNIER : LE HROSDE SAINT-EUSTACHE

  • LAURENT-OLIVIER DAVID

    JEAN-OLIVERCHNIER : LE HROSDE SAINT-EUSTACHE

    1893

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    ISBN978-2-8247-1336-6

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  • JO C lun des hros des patriotes de 1837. Ilperdit la vie lors de lassaut de lglise de Saint-Eustache en d-cembre 1837. Cee bataille survenait un mois aprs la dfaite deSaint-Charles, qui avait donn un dur coup la rbellion.

    Brave comme Chnier , a-t-on dit longtemps. Jean-Olivier Chnierna rien crit. Mais on a beaucoup crit sur lui, Louis Frchee, entreautres, qui lui a consacr un long pome.

    Ce que je dis, je le pense et je le ferai ; suivez-moi, et je vous permetsde me tuer si jamais vous me voyez fuir. **(J.-O. Chnier)

    Dans un autre de ses ouvrages, Les Patriotes de 1837-1838, Laurent-Oliver David parle ainsi de Chnier :

    Peu grand, mais robuste, les paules larges, la tte imposante, un peurenverse en arrire, les membres musculeux, une physionomie franche,ouverte, le regard er et hardi, des traits pleins de virilit, des maniresvives, la parole vhmente, un esprit prompt et logique, une me enthou-siaste, faite pour le sacrice et le dvouement. Une gure de marchal deFrance, une nature de soldat.

    Voil en miniature le portrait de Chnier.Jean-Olivier Chnier naquit Longueuil en 1806. En 1817, le Dr Kim-

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    ber, de Montral, qui lavait remarqu, le prenait sous sa protection, et, nepouvant le mere au collge, se chargeait lui-mme de son instruction.Chnier se livra ltude avec toute lardeur et lnergie de son temp-rament, se faisait recevoir mdecin, le 25 fvrier 1828, et allait stablir Saint-Benot, dans le comt des Deux-Montagnes. En 1831, il pousaitla lle du clbre Dr Labrie, allait, peu de temps aprs, Saint-Eustache,prendre la place de son beau-pre qui venait de mourir, et contribuaitpuissamment faire donner le sige vacant du regre dfunt, dans lAs-semble lgislative, M. Girouard.

    Les injustices du Bureau colonial et les insolences des bureaucratesexasprrent lme ardente et patriotique du Dr Chnier. En 1832, on voitson nom gurer en tte dune rquisition qui avait pour but de protes-ter contre le vol organis des terres publiques, et de demander un modede concession plus juste et plus avantageux. La mme anne, il agissaitcomme secrtaire dune assemble convoque Saint-Benot pour blmerla conduite des troupes et des autorits dans laaire sanglante du 21 mai.

    Aux assembles qui eurent lieu Saint-Benot, Sainte-Scholastiqueet Saint-Eustache, dans les mois davril, de juin et doctobre 1837, il futlun des orateurs les plus vhments. Sainte-Scholastique, Il prononales paroles suivantes : Ce que je dis, je le pense et je le ferai ; suivez-moi,et je vous permets de me tuer si jamais vous me voyez fuir.

    Il fut un des premiers, dans le comt, shabiller dtoe du paysdespieds la tte. Sa parole et ses exemples avaient une grande inuence.

    Nous avons, en racontant le combat de Saint-Eustache, fait lloge dela bravoure de Chnier. Sans doute, il navait ni les connaissances mili-taires ni les forces quil fallait pour entreprendre une lue semblable.

    Oblig de prendre le commandement, la dernire heure, abandonnpar les trois quarts de ses partisans, il aurait mieux fait de cder aux ins-tances du cur de la paroisse et de ses meilleurs amis.

    Mais il avait jur de ne pas reculer, il voulut tenir parole ; il voulutprouver ses compatriotes, aux bureaucrates quil dtestait, quun pa-triote, un Canadien franais savait mourir.

    Maintenant, pourquoi naurait-il pas espr jusquau dernier momentune de ces victoires tonnantes que des poignes dhommes, transformsen hros par lamour de la patrie et de la libert, remportent quelque fois.

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    Dans tous les cas, quon pense et quon dise ce quon voudra de lim-prudence, de la tmrit de Chnier, une bouche canadienne ne devraitjamais nier sa bravoure, son hrosme. Car ce serait un mensonge, uneinjustice et une insulte lhonneur national.

    Tout dans ses dernires paroles, dans ses dernires actions, dnoteun homme dcid mourir en brave. Aux preuves que nous avons djdonnes ajoutons les suivantes :

    Le jour du combat, quand quelques-uns des chefs patriotes, venus deMontral, voyant la rsistance inutile, se dcident sloigner, Chamillyde Lorimier avertit Chnier et lengage en faire autant.

    Non, rpond Chnier, faites ce que vous voudrez, quant moi je mebats et si je suis tu, jen tuerai plusieurs avant de mourir.

    Eh bien ! alors, dit de Lorimier, mu, prenez ces pistolets, vous enaurez besoin.

    Et il lui remit deux pistolets quil avait apports de Montral.Voyons maintenant si sa conduite et ses actes ont t conformes ses

    paroles et ses promesses.Le tmoignage de M. Paquin, qui le traite si svrement, pourrait suf-

    re. Voici ce quil dit : Le Dr Chnier, voyant que tout espoir tait perdu et quil ne pou-

    vait plus songer se dfendre dans lglise qui tait devenue la proie desammes, runit quelques-uns de ses gens et sauta avec eux par les fe-ntres du ct du couvent. Il voulait essayer de se faire jour au traversdes assaillants et de senfuir, mais il ne put sortir du cimetire, et bientt,aeint dun coup de feu, il tomba et expira presque immdiatement.

    F-H. Grignon, surnomm lOurs Blanc, cause de son courage, a ttmoin oculaire des derniers instants de Chnier, il a racont tout lemonde ce qui sest pass et personne na jamais song le contredire.Il a vu Chnier tirer plusieurs fois sur lennemi aprs tre saut dans lecimetire. Il ajoutait que Chnier et Guitard ne voulurent pas fuir avec lesautres, mais quils rent face lennemi et se bairent jusqu la mort.

    LAmricain Teller qui a crit lhistoire des vnements de 37 auxquelsil prit part, dit la page 11 de son livre :

    Chnier sauta dans le cimetire. Une balle labait ; il se releva etdeux fois il chargea et dchargea son fusil avant de mourir.

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    Le lendemain du feu de Saint-Eustache, lun des principaux ociersde Colborne disait, Saint-Benot, en prsence de plusieurs personnes,que Chnier tait mort en brave, en combaant, et que les soldats avaientt obligs de lachever.

    U ne dame prsente aurait alors dit : Il ny a quun soldat anglaiscapable de tuer un homme bless et incapable de se tenir debout.

    Dans un livre publi, il y a quelques mois, par M. Globensky, lsdu capitaine Globensky qui commandait une compagnie de volontaires Saint-Eustache, on a lu avec surprise la dclaration dun nomm Ca-bana qui cherche faire croire que Chnier, voyant lglise en feu navaitsong, comme lui, qu fuir. Mais ce pauvre Cabana ne sait pas plus cequil dit quil ne savait ce quil faisait, lorsquil sest enfui du clocher delglise. Nous ne prendrons pas mme la peine de publier les dclarationscontraires faites sous serment par de nombreux tmoins oculaires, ande ne pas paratre aacher la moindre importance un livre pitoyable, etaux divagations de pauvres gens quil faut plutt plaindre que dnoncer.

    Le livre de M. Globensky a t le dernier coup de boutoir port parla bureaucratie des hommes dont lhonneur est le bien de la nation ;cest le dernier cri dun parti condamn depuis longtemps par lopinionpublique.

    La tradition rapporte quaprs le combat le corps du Dr Chnier futtrouv vers six heures et port dans lauberge de M. Addison, o on l-tendit sur un comptoir, que l on lui ouvrit la poitrine, quon lui arrachale cur et quon promena ce cur au bout dune baonnee, au milieudes imprcations dune soldatesque erne. M. Paquin nie ce fait ; il pr-tend que les mdecins ouvrirent la poitrine de Chnier simplement pourconstater les blessures quil avait reues, et M. de Bellefeuille, qui a critlhistoire de Saint-Eustache, corrobore son assertion.

    Mieux vaut, pour lhonneur de lhumanit, accepter la version de M.Paquin.

    Mais nous ne voyons pas comment on peut refuser de croire les per-sonnes qui arment sous serment avoir vu ce quelles racontent. Il estun fait certain et admis par tout le monde : cest que le corps de Chniera t ouvert, dans le but, dit-on, de constater exactement la cause de lamort.

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    Cee explication est assez ridicule. Depuis quand ouvre-t-on les corpsdes soldats tus sur un champ de bataille pour savoir de quoi ils sontmorts ?

    De tous les chefs patriotes, Chnier est celui dont la mmoire vivra leplus longtemps.el que soit le jugement que lon porte sur lopportunitde linsurrection de 1837, et sur la tmrit de ceux qui se crurent assezforts pour rsister par la force au gouvernement anglais, on ne pourrareprocher celui-l davoir abandonn, au moment du danger, ceux quilavait soulevs, davoir dsert le drapeau quil portait si rement las-semble de Saint-Charles. Sa mort aeste la sincrit de son patriotisme,et justie la conance que le peuple avait en lui. Les Canadiens franais necesseront jamais de se rpter, de pre en ls, le rcit de sa mort hroqueet longtemps on dira : Brave comme Chnier.

    Peu grand, mais robuste, les paules larges, la tte imposante, un peurenverse en arrire, les membres musculeux, une physionomie franche,ouverte, le regard er et hardi, des traits pleins de virilit, des maniresvives, la parole vhmente, un esprit prompt et logique, une me enthou-siaste, faite pour le sacrice et le dvouement. Une gure de marchal deFrance, une nature de soldat.

    Voil en miniature le portrait de Chnier.Jean-Olivier Chnier naquit Longueuil en 1806. En 1817, le Dr Kim-

    ber, de Montral, qui lavait remarqu, le prenait sous sa protection, et, nepouvant le mere au collge, se chargeait lui-mme de son instruction.Chnier se livra ltude avec toute lardeur et lnergie de son temp-rament, se faisait recevoir mdecin, le 25 fvrier 1828, et allait stablir Saint-Benot, dans le comt des Deux-Montagnes. En 1831, il pousaitla lle du clbre Dr Labrie, allait, peu de temps aprs, Saint-Eustache,prendre la place de son beau-pre qui venait de mourir, et contribuaitpuissamment faire donner le sige vacant du regre dfunt, dans lAs-semble lgislative, M. Girouard.

    Les injustices du Bureau colonial et les insolences des bureaucratesexasprrent lme ardente et patriotique du Dr Chnier. En 1832, on voitson nom gurer en tte dune rquisition qui avait pour but de protes-ter contre le vol organis des terres publiques, et de demander un modede concession plus juste et plus avantageux. La mme anne, il agissait

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    comme secrtaire dune assemble convoque Saint-Benot pour blmerla conduite des troupes et des autorits dans laaire sanglante du 21 mai.

    Aux assembles qui eurent lieu Saint-Benot, Sainte-Scholastiqueet Saint-Eustache, dans les mois davril, de juin et doctobre 1837, il futlun des orateurs les plus vhments. Sainte-Scholastique, il prononales paroles suivantes : Ce que je dis, je le pense et je le ferai ; suivez-moi,et je vous permets de me tuer si jamais vous me voyez fuir.

    Les deux principaux foyers de linsurrection dans le Nord en 1837furent Saint-Benot et Saint-Eustache. Les habitants de ces deux paroissesavaient pour les stimuler lexemple dhommes dont la position, le juge-ment et le patriotisme leur inspiraient la plus grande conance. Ctaient, Saint-Benot, les Girouard, les Dumouchel, les deux Masson, et le curde la paroisse, M. Chartier dont les paroles enthousiastes remuaient pro-fondment les esprits.

    Saint-Eustache, ctait Chnier.Pendant que les Papineau, les Perrault, les Gauvin, les Brown et les

    Desrivires se dirigeaient vers la rivire Chambly pour chapper auxpoursuites, de Lorimier, Ferrol Peltier, Papineau de Saint-Martin, et plu-sieurs autres se rendaient dans le comt des Deux-Montagnes. Ils taientaccueillis bras ouverts Saint-Eustache, par le Dr Chnier, et le rcit en-amm quils faisaient de ce qui se passait Montral portait au comblelexaspration des esprits.

    Girod arriva ; il se disait envoy par Papineau pour organiser le Nordet le mere en tat de dfendre, comme le Sud, ses droits, sa libert, seschefs. Alors se formrent les camps de Saint-Eustache et de Saint-Benot,dans le but de tenir tte aux volontaires de Saint-Andr, de Gore et deChatham, et dempcher larrestation des chefs patriotes.

    Le 6 novembre, on acha dans le comt des Deux-montagnes uneproclamation de Lord Gosford, orant $2000 de rcompense pour larres-tation duDr Chnier. Mais, au lieu de se laisser tenter par les rcompensesoertes la trahison, les patriotes du comt des Deux-Montagnes accou-rurent de toutes parts autour du Dr Chnier pour sopposer son arres-tation. Pendant plusieurs jours, il y eut de mille quinze cents hommesdans le camp de Saint-Eustache.

    Girod fut nomm commandant en chef, malgr lopposition de quelques

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    patriotes, qui voulaient que ce ft Chnier. Mais lexprience militaireque prtendait avoir Girod, et les conseils de Chnier lui-mme, dtermi-nrent ce choix malheureux.

    Chnier prit le titre de colonel.Il se multiplia et dploya la plus grande activit pendant les jours qui

    prcdrent la bataille. Ce ntait pas chose facile que de loger, nourrir etsatisfaire tant dhommes, de fortier leur courage et leur conance. Ungrand nombre, ne pouvant se procurer darmes, sen retournrent dansleurs familles ; beaucoup cdrent aux conseils de M. Paquin, cur deSaint-Eustache, et de M. Desve, son vicaire, qui les convainquirent quela rsistance aux troupes serait inutile et dsastreuse.

    Ces deux prtres essayrent plusieurs fois dengager Chnier lui-mme renoncer ses projets, mais tout fut inutile. Un dimanche aprs-midi, le 3 dcembre, M. Turcoe, cur de Sainte-Rose, qui allait dun camp lautre, apporta M. Paquin la nouvelle que les patriotes avaient tbaus Saint-Charles. Croyant que cee nouvelle aurait leet dsir,M. labb Turcoe et le cur de Saint-Eustache rent mander le Dr Ch-nier au presbytre, lui racontrent ce quils savaient et tchrent de leconvaincre que tout tait perdu. M. W. Sco, M. Neil Sco et M. EmryFr, qui taient prsents, joignirent leurs instances celles des troisprtres, pour le dcider couter les conseils quon lui donnait. Ch-nier rpondit que les nouvelles apportes par M. Turcoe taient fausses. Dans tous les cas, dit-il, je suis dcid mourir les armes la main, plu-tt que de me rendre. La crainte de la mort ne changera pas ma rsolution.Autant vaudrait essayer de calmer la mer en fureur que de marrter.

    M. Paquin rapporte, nanmoins, que plusieurs fois, pendant la conver-sation, Chnier parut mu, quon vit mme des larmes couler sur sesjoues.

    Plus le moment fatal approchait, plus Chnier devenait grave et pen-sif. Il tait brave, il ne craignait pas la mort, mais la bravoure ne dtruitpas le sentiment ; au contraire, les soldats les plus intrpides sont souventles hommes les plus sensibles. Or, Chnier avait une femme et un enfantque sa mort devait laisser sans ressources. trente-et-un ans, dans toutela sve et la force de la jeunesse, on ne songe pas sans tristesse quierla vie, se sparer de ceux quon aime. Il ny a pas de doute quil pensait

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    aussi au sort des braves qui le suivaient. Il savait que la victoire coteraitcher et que la dfaite serait la ruine et la mort dun grand nombre de sescompatriotes. Mais le Dr Chnier avait rsolu, comme Nelson, de ne passe laisser arrter sans rsistance, et le succs des patriotes de Saint-Denisavait naturellement aermi sa rsolution. Persuad que toutes les rvo-lutions demandent, dans le commencement, des sacrices et des actes d-nergie, daudace mme, il crut que tout le Nord se soulverait en masse,si les troupes anglaises taient baues Saint-Eustache. La nouvelle dela dfaite de Saint-Charles ne le dcouragea pas ; il ny crut qu demi, et,dailleurs, ctait un de ces hommes de fer que rien narrte, que rien nedtourne de leur but.

    Le 13, M. Chartier, cur de Saint-Benot, vint visiter les patriotes aucamp de Saint-Eustache, et les encouragea marcher courageusementdans la voie o ils taient entrs. Girod prit aussi la parole avec une ner-gie quil aurait d dployer sur le champ de bataille.

    Le 14, lalarme fut donne ; on sonna le tocsin, et les patriotes se prpa-rrent au combat. Deuxmilles hommes dinfanterie, avec neuf pices dar-tillerie, cent vingt hommes de cavalerie et une compagnie de volontairesde quatre-vingts hommes, sous le commandement du capitaine MaximeGlobenski, arrivaient Saint-Eustache.

    La compagnie du capt. Globenski ayant fait, la premire, son appari-tion Sainte-Rose, vis--vis de Saint-Eustache, les patriotes crurent quectait la seule force quils auraient combare. Cent cinquante hommespartirent, sous le commandement de Chnier, pour les dloger. Ils slan-crent sur la glace, mais ils avaient peine franchi la moiti de la rivire,quils recevaient, par derrire, une charge mitraille. Ils furent stupsquand ils aperurent, en se retournant, les deux mille hommes de Col-borne qui savanaient sur le ct nord de la rivire. cee vue, la plupartperdirent courage et senfuirent dans toutes les directions travers la mi-traille qui en blessa plusieurs. Chnier eut de la peine retourner avec lesplus braves au village. Bientt, les boulets commencrent tomber dansle village. Pendant que les patriotes se retranchaient dans le presbytre, lecouvent, lglise et quelques-unes des maisons avoisinantes, leur gnral,le vantard Girod, senfuyait, course de cheval, du ct de Saint-Benot.

    ce moment, il ne restait plus, pour luer contre les deux mille sol-

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    dats de Colborne, que cinq ou six cents hommes, dont la moiti peuprs avaient de bons fusils ; les autres taient arms de btons, de faulxou de pieux. Sur deux cent cinquante hommes enferms dans lglise avecChnier, soixante quatre-vingts seulement avaient des fusils.

    allons-nous faire ici, dirent quelques-uns de ces braves Ch-nier, nous navons pas darmes ?

    Soyez tranquilles, leur rpondit-il gravement, il y en aura de tus,vous prendrez leurs fusils.

    Paroles hroques qui mritent dtre conserves !Chnier avait le calme nergique des martyrs ou des hros en face de

    la mort. Il commandait, et il y avait dans son regard, dans sa voix, dansses gestes, une telle dtermination, quon lui obissait machinalement.

    Pendant que les boulets de Colborne branlaient les murs des diceso les patriotes taient renferms, la cavalerie et linfanterie cernaient levillage et semparaient de toutes les issues. la vue de ce cercle de feret dacier qui se resserraient sur eux, Chnier et ses hommes virent bienque tout tait perdu ; un bon nombre se htrent de senfuir, mais les plusbraves ne songrent qu vendre chrement leur vie.

    Ceux qui taient dans la maison deM. Sco forcrent un dtachementdartillerie de retraiter. Ce fut la seule fois pendant la canonnade que lestroupes anglaises sexposrent aux balles des insurgs. Enn, le signal delassaut fut donn et on t feu de tous cts en savanant sur les dicesoccups par les patriotes. Ceux-ci rpondirent vigoureusement pendantquelque temps ; mais leurs balles se perdirent et ils furent bientt enve-lopps dans un nuage de fume entre les murs qui croulaient, au milieudune grle de balles qui leur arrivait de partout.

    Les troupes stant empares du presbytre, un pole qui se trouvaitau milieu de la grande salle fut renvers ; le feu prit et, dans un instant,tout fut en ammes. Chnier et ses hommes continuaient de se dfendreavec plus dnergie que deet, tirant plus ou moins au hasard du clocheret des fentres de lglise.

    On peut se faire une ide de ce que ces pauvres gens devaient prou-ver. Ils avaient vu scrouler au milieu des ammes tous les dices oleurs compatriotes se dfendaient ; ils avaient entendu les cris des bles-ss et des mourants ; ils avaient vu dvorer par les ammes ceux que les

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    balles ou les baonnees avaient pargns. Entours de tous cts, ils sa-vaient bien que le mme sort les aendait. Plusieurs voulurent senfuir ense jetant par les fentres du ct de la rivire, mais la plupart furent tusen sautant. Bientt il ne resta plus autour du Dr Chnier quune poignede braves qui, imitant lhrosme de leur chef, se baaient en dsesprs.

    Le feu tait lglise et les ammes se propageaient avec rapidit.Chnier se dcida sortir. Il t appel ses gens et leur dit de le suivre,

    quil fallait essayer de passer au travers de lennemi. Il sauta avec euxpar les fentres du ct du couvent, et slana, son fusil la main, vers laporte du cimetire. Une balle le jeta par terre ; il se releva sur un genou, tfeu sur les Anglais, et reut une autre balle en pleine poitrine, au momento il essayait de recharger son fusil. Le brave Chnier tomba pour ne plusse relever.

    Soixante-dix patriotes prirent par le fer et le feu, la plus grande partiedu village fut consume.

    La tradition rapporte quaprs le combat le corps du Dr Chnier futtrouv vers six heures et port dans lauberge de M. Addison, o on l-tendit sur un comptoir, que l on lui ouvrit la poitrine, quon lui arrachale cur et quon promena ce cur au bout dune baonnee, au milieudes imprcations dune soldatesque erne. M. Paquin nie ce fait ; il pr-tend que les mdecins ouvrirent la poitrine de Chnier simplement pourconstater les blessures quil avait reues, et M. de Bellefeuille, qui a critlhistoire de Saint-Eustache, corrobore son assertion.

    Mieux vaut, pour lhonneur de lhumanit, accepter la version de M.Paquin.

    Mais nous ne voyons pas comment on peut refuser de croire les per-sonnes qui arment sous serment avoir vu ce quelles racontent. Il estun fait certain et admis par tout le monde : cest que le corps de Chniera t ouvert, dans le but, dit-on, de constater exactement la cause de lamort.

    Cee explication est assez ridicule. Depuis quand ouvre-t-on les corpsdes soldats tus sur un champ de bataille pour savoir de quoi ils sontmorts ?

    Il faut voir dans laaire de Saint-Eustache une protestation pluttquun combat. On y trouve plus de courage et dhrosme que dhabilet.

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    Avec cinq cents hommes dtermins, Chnier aurait pu tenir tte auxtroupes envoyes pour larrter. Il aurait t si facile de surprendre lestroupes sur le chemin, de briser la glace sous leurs pieds, ou bien encore defaire en face de lglise de Saint-Eustache des terrassements qui, joints auxmaisons avoisinantes, auraient form un systme de dfense formidable.

    Mais noublions pas que les conseils du cur et du vicaire de la pa-roisse et lexemple de quelques-uns des chefs avait rduit le nombre despatriotes une poigne dhommes, que Chnier, improvis gnral audernier moment, lorsque le canon dj se faisait entendre, eut peine letemps de se renfermer dans lglise avec les braves rests autour de luipour partager son sort.

    Plus on critique la conduite de ces braves gens au point de vue delart militaire et mme des plus simples rgles de la prudence, plus ondoit au moins rendre hommage leur valeur, leur indomptable nergie.Aussi, Saint-Eustache sera toujours un lieu sacr pour ceux qui croientque le mrite des actions nest pas dans le succs, mais dans la sincritdes motifs, la noblesse des convictions et la grandeur du dvouement.

    Ltranger lui-mme ne peut passer devant la vieille glise qui futle thtre de la lue que nous venons de raconter sans sarrter, sanscontempler avec respect les cicatrices des blessures que les boulets deColborne lui ont faites en 1837. Lindirent veut voir lendroit o Ch-nier est tomb.

    el que soit le jugement que lon porte sur lopportunit de linsur-rection de 1837, et sur la tmrit de ceux qui se crurent assez forts pourrsister par la force au gouvernement anglais, on ne pourra reprocher celui-l davoir abandonn au moment du danger, ceux quil avait soule-vs, davoir dsert le drapeau quil portait si rement lassemble deSaint-Charles. Sa mort aeste la sincrit de son patriotisme, et justie laconance que le peuple avait en lui. Les Canadiens-franais se feront undevoir de le donner en exemple aux faibles et aux timides toujours prts tout cder, tout sacrier, et ils ne cesseront de se rpter de pre enls le rcit de sa mort hroque et de dire : Brave comme Chnier.

    Bien coupables sont ceux qui dogmatisent en face de lhrosme etcherchent lamoindrir !

    Ils prparent des gnrations de peureux.

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  • Jean-Oliver Chnier : Le hros de Saint-Eustache

    On ne respecte que les nations qui savent se faire craindre par desactes dnergie et produisent de temps autre des hommes comme Ch-nier.

    Aussi, tt ou tard, on lve des monuments la mmoire des hros aumilieu des cendres blanchies et oublies de leurs dtracteurs.

    Lhistoire ne se dment pas.

    n

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