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dans La Guerre des boutons de Louis Pergaud et Max et Lili ont volé
des bonbons de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 2
TABLE DES MATIERES
1. Introduction .................................................................................................................................. 3
1.1. Contextualisation ........................................................................................................................... 3
1.2. Pertinence du sujet de recherche .............................................................................................. 3
2. Étude ............................................................................................................................................. 4
2.1. Théorisation des actes de langage ............................................................................................ 4
2.1.1. Cadre théorique et définition ................................................................................................... 4
2.1.2. Les quatre types d’actes de langage ..................................................................................... 4
2.1.3. Règles de réalisation des actes illocutoires ........................................................................... 6
2.1.4. Les actes illocutoires indirects ................................................................................................. 6
2.1.5. Typologies des actes de langage illocutoires....................................................................... 7
2.1.5.1. Typologie de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985) ................................. 7
2.1.6. Quand dire c’est faire plusieurs choses ................................................................................. 8
2.2. Analyse de corpus ........................................................................................................................ 9
2.2.1. Les actes illocutoires dans Max et Lili ont volé des bonbons et La Guerre des
boutons ................................................................................................................................................. 9
2.2.1.1. Les actes assertifs directs ..................................................................................................... 10
2.2.1.2. Les actes assertifs indirects .................................................................................................. 11
2.2.1.3. Les actes directifs direct ...................................................................................................... 12
2.2.1.4. Les actes directifs indirects ................................................................................................. 13
2.2.1.5. Tentatives relativement modestes et relativement ardentes ....................................... 14
2.2.1.6. Les actes expressifs directs ................................................................................................. 15
2.2.1.6. Les actes promissifs directs................................................................................................. 16
3. Conclusion .................................................................................................................................. 17
3.1. Principaux résultats de l’analyse............................................................................................... 17
3.1.1. L’usage privilégié des actes illocutoires directs .................................................................. 17
3.1.2. L’usage privilégié des actes illocutoires non marqués ..................................................... 18
3.2. Difficultés rencontrées ............................................................................................................... 18
4. Bibliographie .............................................................................................................................. 19
4.1. Ressources théoriques ............................................................................................................... 19
4.1.1. Ouvrages ................................................................................................................................... 19
4.1.2. Articles ....................................................................................................................................... 19
4.2. Corpus de textes ........................................................................................................................ 19
4.2.1. Ouvrages ................................................................................................................................... 19
5. Déclarations sur l’honneur ..................................................................................................... 20
5.1. Wendy Aubry .............................................................................................................................. 20
5.2. Giulia Fleury ................................................................................................................................. 21
5.3. Lauranne Schlüchter ................................................................................................................. 22
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 3
1. Introduction
1.1. Contextualisation
Dans notre quotidien, nous mobilisons toutes et tous la parole dans le but de communiquer les
uns avec les autres. Nous avons pour usage de définir cette parole sur la base de son action
descriptive. Autrement dit, la parole sert à dire ce que l’on souhaite exprimer. Toutefois, cette
définition de la parole est incomplète. En effet, « […] dire, c’est sans doute transmettre à autrui
certaines informations sur l’objet dont on parle, mais c’est aussi faire […]» (Kerbrat-
Orecchioni 2008 : 1). Ainsi, nous pouvons compléter notre définition en précisant qu’au-delà
de simplement dire, « la parole elle-même est une forme d’action » (Kerbrat-Orecchioni
2008 :1).
L’idée selon laquelle la parole ne sert pas uniquement à dire n’est certes pas nouvelle à l’orée
du 20ème siècle puisqu’elle fut illustrée dans le passé, notamment par le courant rhétorique
(exploitant le discours dans la visée de convaincre un auditoire). Mais ce sera bien plus tard
que l’étude de la parole cèdera une place prépondérante au contexte en associant une dimension
pragmatique au langage. (Kerbrat-Orecchioni 2008 :1-2)
C’est sur la base de celle-ci que se développeront les théories sur les actes de langage dont le
philosophe analytique J. L. Austin en est reconnu le précurseur par son ouvrage How to do
things with words paru en 1962. Cet ouvrage fondateur sera suivi de près par celui de John R.
Searle intitulé Speech acts et paru en 1969. La voie amorcée par Austin et Searle inspira, et
continue d’inspirer, multiples chercheurs et études.
1.2. Pertinence du sujet de recherche
En ce qui nous concerne, nous avions pour intérêt d’étudier et de déterminer la nature, la
fréquence ainsi que la portée des actes de langage produits par les enfants au sein de leur
discours. Nous nous sommes ainsi majoritairement inspirées de l’ouvrage de Josie Bernicot
(1992), Les actes de langage chez l’enfant, lequel défend l’idée que les enfants vont bien au-
delà du simple apprentissage de la grammaire dans leur initiation à la parole.
En effet, la réalisation d’actes de langage, comme donner un ordre, exprimer la peur ou encore
faire une promesse, apparait très tôt dans l’apprentissage langagier des enfants. Il est essentiel
de noter que ce dernier prend en charge le rôle prépondérant du contexte, autrement dit du
choix d’un énoncé en fonction de la situation sociale en vigueur. Parce qu’il est confronté à des
situations diverses et nombreuses en termes d’interlocuteurs, de lieux et de thèmes de
conversation, « Cette variation des énoncés en fonction de la situation est vitale pour l'insertion
sociale de l'enfant […] » (Bernicot 1992 : 18).
Bien que ce type de variations soit observable dans le discours effectif d’enfants, leur
regroupement au sein d’un corpus n’est pas aisé à se procurer. C’est donc à travers, non pas la
production effective, mais la mise en scène (par des adultes) d’énoncés d’enfants dans nos deux
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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corpus, que nous observerons la manière dont ceux-ci produisent des actes de langage dans
leurs énoncés. Sur la base de ces corpus et d’une théorisation préalable sur les actes de langage,
nous découvrirons que la production implicite de ces actes émerge d’abord d’un processus
culturel d’apprentissage des règles qui régissent le langage.
2. Étude
2.1. Théorisation des actes de langage
2.1.1. Cadre théorique et définition
Distinguer la forme du message du contenu réellement transmis, autrement dit différencier ce
qui est dit de l’effective signification qui en découle, représente l’objectif majeur des études
sur les actes de langage. Cette distinction s’avère impossible sans une prise en compte de
l’essentialité de la situation de communication qui nous ouvre la porte sur une approche
pragmatique du langage. Car c’est bien au cœur de celle-ci que la théorie sur les actes de
langage prend source. (Bernicot 1992 : 57)
Mais qu’est-ce exactement qu’un acte de langage ? Searle, successeur d’Austin dans le
développement des théories à ce sujet dira que « […] la production ou l’émission d’une
occurrence de phrase dans certaines conditions, est un acte de langage, et les actes de langage
[…] sont les unités minimales de base de la communication linguistique. » (Searle 1972 : 52)
2.1.2. Les quatre types d’actes de langage
« Quand dire c’est faire » : le leitmotiv d’Austin (1962) réunit sous le nombre de trois les types
d’actes en vigueur dans la production d’un énoncé. Il nomme ainsi un acte locutoire, un acte
illocutoire, et un acte perlocutoire. Searle (1969) enrichira plus tard cette différenciation par
l’ajout de la question du contenu propositionnel. Dès lors, la réalisation d’un énoncé ne compte
plus trois, mais quatre types d’actes de langage, à savoir un acte d’énonciation, un acte
propositionnel – tous deux constituant l’acte locutoire définit par Austin (1962) – un acte
illocutoire, et un acte perlocutoire. Définissons ces actes de manière plus précise.
Acte d’énonciation
Premièrement, l’acte d’énonciation réside dans la production, dénuée de tout contexte, de mots,
de morphèmes et de phrases par un locuteur. Searle dit des actes d’énonciation qu’ils « […]
supposent simplement que l’on énonce une suite de mots » (Searle 1972 : 62).
Acte propositionnel et acte illocutoire
De leur côté, les actes propositionnel et illocutoire requièrent une composante supplémentaire,
explicitée de la sorte par Searle un peu plus loin : « […] il est essentiel pour les actes
illocutionnaires et propositionnels, que les mots soient prononcés à l’intérieur de phrases, dans
certaines situations, sous certaines conditions, et avec certaines intentions ; […] » (1972 : 62).
Nous retiendrons ainsi comme première information au sujet de ces deux actes qu’ils sont
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étudiés en contexte. Plus concrètement, l’acte propositionnel témoigne de l’existence des
propos tenus par le locuteur en rapport à un certain objet. De son côté, l’acte illocutoire, qui
nous intéressera davantage dans le présent dossier, est défini par « l’acte social posé
intentionnellement par le locuteur lors de la production de l’énoncé » (Bernicot 1992 : 58-61).
Cet acte social peut être de plusieurs natures, comme exprimer un sentiment, suggérer,
conseiller ou ordonner quelque chose à quelqu’un, etc. Searle dit des actes illocutoires qu’ils
permettent de « […] réaliser ce que nous voulons en amenant notre interlocuteur à reconnaître
ce que nous cherchons à faire. » (1972 : 88).
Pour clarifier cette distinction entre l’acte propositionnel et l’acte illocutoire, appuyons-nous
encore sur les observations de Searle. Ce dernier définit la formule générale de l’acte illocutoire
sous la forme F (p). La variable « F » y illustre la force illocutoire et la variable « p » le contenu
propositionnel. Il s’agit donc d’observer les marqueurs de force illocutoire F de même que les
marqueurs de contenu propositionnel p pour analyser une production linguistique. Illustrons
ceci par un exemple. Dans un énoncé de type « je t’ordonne de venir », nous distinguerons ainsi
la force illocutoire F « je t’ordonne » du contenu propositionnel p « de venir ». (Bernicot 1992
: 58 – 61) Néanmoins, certains actes illocutoires ne contiennent pas de force illocutoire
explicite et demandent donc une analyse un peu plus fine comme nous le verrons dans l’analyse
de corpus.
Acte perlocutoire
Enfin, les trois actes précédents sont complétés par l’acte perlocutoire. Celui-ci caractérise
«[…] les conséquences, les effets que de tels actes ont sur les actions, les pensées ou les
croyances, etc. des auditeurs. » (Searle 1972 : 62). Ces derniers peuvent dès lors être déçus,
heureux, surpris, ou soulagés, pour ne nommer que quelques effets, à la suite de l’énoncé
produit par un locuteur.
La manière d’analyser ces actes est double. On peut en effet les traiter de manière isolée, ou
comme faisant partie d’une séquence d’actes. Au sein d’une conversation, les actes en séquence
constituent l’apport de plusieurs interlocuteurs et donc de plusieurs tours de parole, ce qui
engendre un objet d’analyse très riche (Bernicot 1992 : 58 – 61). Dans notre corpus d’étude,
nous verrons par exemple que le livre Max et Lili est constitué presque essentiellement de
dialogues qui se succèdent, ce qui nous permet d’avoir affaire à beaucoup d’énoncés
interprétables.
À l’inverse d’Austin et de Searle qui estiment préférable d’analyser les actes illocutoires à l’état
isolé, Bernicot considère plus judicieux d’observer quelques tours de paroles précédant celui
qui constitue notre objet d’étude, ceci afin de « déterminer la valeur même de l’acte illocutoire»
(1992 : 58-61). De manière générale, nous nous rangeons de son côté. Cependant, sur la base
de cette pluralité d’interprétation des énoncés pris en séquence, nous préférerons une étude
isolée des actes illocutoires, ceci par soucis d’être claires et concises.
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2.1.3. Règles de réalisation des actes illocutoires
Un des principes fondateurs de la théorie des actes de langage c’est d’affirmer que : « parler
c’est être engagé dans un comportement régi par des règles » (Bernicot 1992 : 61). Au niveau
de l’acquisition du langage, cela implique, comme nous l’avons déjà mentionné, que l’enfant,
lorsqu’il va produire et interpréter le langage, ne prendra pas en considération simplement la
communication verbale, mais devra également considérer l’ensemble des règles sociales qui
régissent le discours. Autrement-dit l’enfant devra être sensible aux règles, aux conventions et
aux connaissances partagées du langage et adopter un comportement linguistique en adéquation
avec elles. Searle justifie cette théorie de la manière suivante : « la signification d’une phrase
est déterminée par des règles qui en spécifient à la fois les conditions d’utilisation et la valeur
illocutoire. Dire quelque chose en ayant l’intention de signifier, comporte l’intention d’amener
l’auditeur à reconnaître ce que l’on fait, notre intention de le faire et cela parce qu’il connaît
les règles qui s’appliquent à la phrase ». (Bernicot 1992 : 61).
Searle met ainsi en avant quatre types de règles qui, selon lui, sont nécessaires à la réalisation
d’un acte illocutoire : la présence d’un contenu propositionnel (l’action à venir), préliminaire
(l’auditeur est en mesure d’effectuer l’action et le locuteur pense que c’est le cas), de sincérité
(le locuteur désire réellement que l’auditeur effectue l’action) et essentielle (la demande revient
à essayer d’amener l’auditeur à effectuer l’action). Pour Searle, le non-respect de l’une de ces
quatre règles conduit à l’absence de réalisation de l’acte illocutoire. (Bernicot 1992 : 61 – 62)
2.1.4. Les actes illocutoires indirects
De manière générale, les actes illocutoires peuvent se présenter sous une forme directe ou
indirecte au sein de la théorie du langage. Dans le cas d’une situation d’énonciation où un
locuteur L produit l’énoncé « Viens à table » il produit un acte illocutoire (de type directif)
direct puisqu’il donne un ordre de manière directe. Si maintenant L produit l’énoncé « Les
pâtes sont cuites » à l’intention de son auditeur, on qualifie d’indirect l’acte illocutoire produit.
Par leurs similarités avec certains phénomènes linguistiques comme l’allusion, l’insinuation,
l’ironie et la métaphore, ces actes illocutoires indirects semblent particulièrement intéressants
à étudier (Bernicot 1992 : 61 – 62). En effet, comme le dit Bernicot, « ils sont le lieu idéal pour
opérationnaliser la différence entre ce qui est signifié et ce qui est dit » (1992 : 63).
Dans la vie de tous les jours, il nous arrive régulièrement de dire quelque chose en voulant le
dire, mais en disant aussi autre chose. En reprenant le célèbre énoncé : « Peux-tu me donner le
sel ? », nous remarquons en effet que ce dernier ne doit pas être compris comme une question
mais comme une demande (Bernicot 1992 : 61 – 62). Pour la saisir, le destinataire doit mettre
en œuvre une stratégie inférentielle qui consiste, comme nous le dit Bernicot, à « établir
d’abord que le but illocutoire primaire diverge du but littéral et ensuite à établir ce but
illocutoire primaire » (1992 : 64). En d’autres termes, la stratégie inférentielle proposée par
Searle et reprise par Bernicot permet au destinataire de passer d’un acte secondaire littéral (la
question) à un acte illocutoire primaire non littéral (la demande).
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Il s’agit premièrement d’interpréter l’énoncé de façon littérale, puis de déterminer inadéquate
cette interprétation dans le contexte de production de l’énoncé, et enfin d’en déduire une autre
interprétation compatible avec le contexte. (Bernicot 1992 : 64)
2.1.5. Typologies des actes de langage illocutoires
Comme l’explicite Bernicot « Dès lors que l’on admet qu’en produisant un énoncé on
accomplit un acte social, il est nécessaire de s’interroger sur le type d’actes sociaux que l’on
peut réaliser » (1992 : 64). Dans cette optique Searle a élaboré une classification visant à
décrire l’ensemble des usages du langage, laquelle distingue les actes illocutoires par trois
critères. Ces trois critères se réfèrent 1) à la différence de but ou de propos de l’acte illocutoire,
2) à la différence de direction d’ajustement entre mots et monde (rendre les mots conformes au
monde — par exemple dans le cas d’un constat — ou inversement — par exemple dans le cas
d’une demande), 3) ainsi qu’à la différence d’état psychologique exprimé (intention, désir,
regret, croyance, etc.) (Bernicot 1992 : 65).
2.1.5.1. Typologie de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985)
Les trois critères précédents ont permis à Searle de déterminer ensuite cinq types d’actes de
langage qu’il a affiné et généralisé plus tard en collaboration avec Vanderveken dans le but
d’en générer une formalisation particulièrement poussée (Bernicot 1992 : 66). Ces cinq types
d’actes de langage sont les suivants :
Type d’actes
illocutoires
de langage1
Visée du locuteur 2
Direction
d’ajustement3
Explication4
Assertifs
Dire à autrui la
manière dont se
présente quelque
chose
Mots → monde
Le locuteur détient la responsabilité de son
énoncé. Ce dernier transmet une croyance
à son auditeur en lui transposant par des
mots l’état du monde qu’il perçoit.
Directifs
Tenter de
provoquer une
action chez le
destinataire
Monde → mots
Le locuteur cherche à faire accomplir une
action par son auditeur. Ses tentatives
visent à faire correspondre son état du
monde aux mots qu’il utilise. Elles peuvent
être relativement modestes ou ardentes
selon le degré d’intensité du but du
locuteur.
1 Bernicot 1992 : 67- 69 2 Kerbrat-Orecchioni 2008 : 20 3 Bernicot 1992 : 67- 69 4 Bernicot 1992 : 67- 69
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Promissifs
S’engager sur la
réalisation de
quelque chose
Monde → mots
Le locuteur exprime au futur son intention
d’adopter un certain comportement.
Expressifs
Formuler ses
attitudes et
sentiments
Pas de direction
d’ajustement
Le locuteur dévoile son état psychologique
vis-à-vis de l’état du monde qu’il perçoit.
Déclarations
Mobiliser une
énonciation pour
engendrer des
altérations dans le
monde
environnant
Monde → mots
Et
Mots → monde
Sur la seule base de son accomplissement
fructueux, le locuteur engendre, en
procédant à une déclaration, à une
modification du statut de l’objet de
référence.
2.1.6. Quand dire c’est faire plusieurs choses
Pour conclure cette théorisation des actes de langage, relevons encore un élément important
soulevé par Bernicot : celui de la possibilité, pour un énoncé, de correspondre à la réalisation
de plusieurs actes de langage (1992 : 70). Au niveau de l’utilisation du langage ce sont d’une
part la réponse de l’auditeur, et d’autre part la réaction du locuteur à cette réponse, qui
détermineront l’importance d’un acte de langage par rapport aux autres (Bernicot 1992 : 7).
Intéressons-nous à l’exemple présenté par Bernicot avec l’énoncé « Il fait froid. » prononcé par
une grand-maman à l’égard de sa petite fille et produit alors que la fenêtre où se déroule la
scène est ouverte. Dans le cadre de la classification (présentée à la page précédente) de Searle
et Vanderveken, il peut s’agir à la fois d’un directif si la petite fille va fermer la fenêtre et que
la grand-mère ne s’y oppose pas, soit d’un assertif si la petite fille discute sur la température
de la pièce et que la grand-mère ne s’y oppose pas (Bernicot 1992 : 70 -71). Nous observons
que la bonne compréhension, par la petite fille, de l’acte de langage produit par sa grand-mère
relève donc bien d’un processus culturel d’apprentissage du langage.
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2.2. Analyse de corpus
En partant du sujet des actes des langage chez l’enfant, nous avons cherché quelques œuvres
(littéraires, cinématographiques, etc.) dans lesquels des actes de langage pourraient émerger et
permettre de mener cette analyse. Après de nombreuses réflexions, nous avons sélectionné un
ouvrage de la série de bandes dessinées de Max et Lili de Dominique de Saint Mars et Serge
Bloch intitulé Max et Lili ont volé des bonbons. Construits en plusieurs épisodes quotidiens,
ces petits livres sont gorgés de dialogues et nous permettent de relever des actes de langages
multiples et variés. En guise de deuxième corpus, c’est le roman de Louis Pergaud, La Guerre
des boutons, qui a retenu notre attention en raison de sa mise en scène d’un groupe d’enfants
dont émergent ici aussi un nombre considérable d’actes de langage au sein de leur discours.
Rappelons toutefois que ces corpus n’illustrent non pas des discours et des actes de langages
effectifs produits par des enfants, mais bel et bien leur représentation par des auteurs adultes
chez des enfants entre 7 et 14 ans.
Préférant traiter de manière un peu plus approfondie un type d’acte plutôt que de ne traiter les
quatre en simple survol, nous nous porterons majoritairement sur la réalisation d’actes
illocutoires. Ainsi, nous construirons l’essentiel de notre analyse de corpus sur la base des
catégories de situations de communication et des cinq actes illocutoires proposés par Searle et
Vanderveken (1985) qui en découlent. Nous mobiliserons les actes assertifs, directifs,
expressifs et promissifs mais exclurons les déclarations de cette analyse en raison de leur
production presque totalement absente du langage de l’enfant dans la mesure où, à l’expression
des jeux de fiction, il n’est jamais dans une position sociale qui permette d’en produire
(Bernicot 1992 : 58).
De plus, toute situation de communication étant définie par un certain nombre de paramètres
susceptibles de prendre des valeurs différentes en regard notamment du locuteur, de l’auditeur,
des relations qu’ils entretiennent entre eux, etc, nous veillerons à leur prise en compte dans
notre analyse.
2.2.1. Les actes illocutoires dans Max et Lili ont volé des bonbons et La Guerre des boutons
Afin de mener à bien notre analyse, nous avons sélectionné divers extraits dans nos deux
corpus. Avant de l’entamer, rappelons, comme mentionné plus haut, que nous avons fait le
choix de nous concentrer essentiellement sur les actes illocutoires de langage. Sur cette base,
procédons à un bref contrôle pour déterminer si notre sélection répond bien à ce critère en
s’appuyant sur la typologie des règles nécessaires à la réalisation d’un acte illocutoire
développée par Searle (1972 : 88).
Pour ce faire, prenons l’énoncé suivant : « Viens, Max, on y va ! », produit par Lili au début
du livre Max et Lili ont volé des bonbons. Dans le but de déterminer s’il s’agit bel et bien d’un
acte illocutoire, et non d’un autre type d’acte, examinons ensemble si l’énoncé en question
répond aux quatre conditions théorisées par Searle. Pour rappel, ces dernières sont 1) la
condition de contenu propositionnel (l’action à venir est-elle explicitée ?), 2) la condition
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préparatoire (où l’on se demande si l’auditeur est en mesure
d’effectuer l’action et si le locuteur, ici la locutrice Lili, pense que
c’est le cas), 3) la condition de sincérité (pour laquelle on
s’interroge sur le réel désir du locuteur sur la réalisation de l’action
par l’auditeur) ainsi que 4) la condition essentielle ( l’énoncé
revient-il à tenter d’amener l’auditeur à effectuer l’action ?). En
explicitant l’action supposée suivre son énoncé de la sorte : « Viens
Max on y va ! », Lili valide effectivement la première condition. La
seconde l’est également puisque la situation de communication
nous permet de savoir que Max est aux côtés de Lili, cette dernière
en est consciente et pense bien que lui est en mesure d’effectuer
l’action, à savoir l’accompagner à la boulangerie.
Par sa directive, Lili semble bien déterminée à ce que Max lui emboîte le pas et valide ainsi la
troisième condition. Enfin, l’emploi que fait Lili de l’impératif en énonçant « Viens » établit
une tentative d’emmener Max avec elle à la boulangerie et valide, de ce fait, la condition
essentielle.
Nous ne reproduirons évidemment pas ce cheminement avec tous nos énoncés dans le cadre de
cette analyse, mais il nous paraissait judicieux de l’illustrer avec un exemple pour mieux le
comprendre. Ces précisions fournies, nous sommes désormais à même de passer concrètement
à l’analyse de ces actes illocutoires.
2.2.1.1. Les actes assertifs directs
Au fil des dialogues qui s’installent entre Max, Lili et d’autres
personnages, nous avons observé quelques actes que nous
pouvons, en fonction de la situation de communication,
potentiellement classer dans la catégorie des actes assertifs
implicites.
S’il n’est pas toujours aisé de les percevoir et d’être convaincu
qu’il s’agisse bien d’un acte assertif implicite, nous en avons tout
de même dégagé un qui n’en est un que par la prise en compte de
l’essentialité de la situation de communication. Cet acte est le
suivant : « J’ai les mains moites ! » (de Saint Mars & Bloch
1994 : 4), prononcé par Max lors de son entrée, sous la pression
de sa sœur, dans le magasin.
C’est par l’absence dans l’énoncé d’une force illocutoire F de type « Je t’affirme que j’ai les
mains moites ! » et le côté affirmatif que nous pouvons en effet ranger cet acte sous la catégorie
des assertifs implicites, autrement dit, directs.
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Intéressons-nous également au roman La Guerre des boutons et à l’acte illocutoire assertif
direct suivant émis par le chef de groupe Lebrac :
« – Ah ! mais, sacré nom de Dieu ! est-ce que vous ne pouvez pas faire un petit
sacrifice à la Patrie ! Seriez-vous des traîtres par hasard ? Je propose, moi, pour
commencer et avoir tout de suite quelque chose, qu’on donne dès demain un sou
par mois. Plus tard, si on est plus riches et si on fait des prisonniers, on ne mettra
plus qu’un sou tous les deux mois. » (Pergaud 2010 : 109)
Nous remarquons ici un acte assertif direct rendu évident par la présence du « Je propose ». À
travers celui-ci, Lebrac exprime en effet à autrui la manière dont se présente quelque chose,
une proposition stratégique dans ce cas-là, en transposant par des mots l’état du monde qu’il
perçoit. En tant que locuteur, Lebrac détient la responsabilité de son énoncé et transmet cette
croyance à ses interlocuteurs. Notons qu’il s’agit d’un acte assertif direct dans la mesure où la
force illocutoire F se retrouve dans « Je propose » et complète le contenu propositionnel p «
qu’on donne dès demain un sou tous les deux mois ». Dans le cas où cette force illocutoire
serait absente et que seul le contenu propositionnel p régissait l’acte, selon l’exemple suivant :
« Dès demain, nous donnons un sou par mois », l’acte assertif en question serait indirect et la
posture énonciative du chef moins marquée.
2.2.1.2. Les actes assertifs indirects
Après avoir examiné des actes illocutoires directs, passons à
l’étude d’actes illocutoires indirects sur la base de l’énoncé
suivant « Non, on peut pas y aller ! » (de Saint Mars & Bloch
1994 : 17), produit par un Max très anxieux à l’idée de
retourner acheter du pain dans le magasin où Lili et lui ont
volé des bonbons quelques temps plus tôt. Ici encore, il est
totalement indispensable de tenir compte de la situation de
communication pour comprendre cet acte comme assertif
indirect. Étudions de plus près cet aspect indirect.
Nous remarquons que le protagoniste réplique par la négative en s’appuyant sur le verbe modal
‘pouvoir’. Ce dernier est communément employé pour illustrer une capacité. Ainsi, dans son
énoncé, Max affirme ne pas avoir la capacité de se rendre au magasin chercher du pain. Si l’on
s’en tenait à l’énoncé de Max isolé de toute situation de communication, l’analyse s’arrêterait
ici. Mais en intégrant le contexte à notre analyse, nous percevons qu’il faut comprendre ce
verbe modal non pas en termes de capacité, mais bel et bien en termes de volonté. Il ne s’agit
pas pour les deux enfants de ne pas pourvoir aller au magasin ; il s’agit de ne pas le vouloir,
par peur de représailles de la part de la boulangère. Le verbe modal ‘vouloir’ est préféré au
verbe modal ‘pouvoir’ et l’énoncé : « Non, on peut pas y aller ! » devient dès lors : « Non, on
veut pas y aller ! ».
Ainsi, par son emploi du verbe modal ‘pouvoir’, Max renforce indirectement sa volonté de ne
pas retourner au magasin. S’il avait produit son énoncé sous la forme « Non, on veut pas y
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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aller ! » l’acte illocutoire en question ne serait d’une part pas un assertif mais un expressif (par
l’expression d’une volonté) et d’autre part il ne serait pas indirect mais bel et bien direct.
Cependant, nous pouvons accessoirement postuler, sur la base, entres autres, de la théorie de
la pertinence, qu’exprimée de la sorte, l’impact de son énoncé aurait été plus faible (ceci car
l’effort de traitement de l’énoncé indirect étant plus élevé pour l’auditeur, la pertinence est
supposée l’être elle aussi et l’interlocuteur estime consécutivement comme plus accrue la
volonté de Max).
Relevons encore le même mécanisme à l’œuvre dans ce
second énoncé « Oui, nous aussi on a piqué, on doit
travailler ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 31). L’amie
de Lili revendique ici le fait de devoir travailler en
argumentant qu’elle aussi a volé des bonbons. Mais si sa
revendication est ardente, c’est bien parce que le travail
en question, être derrière le comptoir de centaines de
bonbons, lui semble particulièrement attrayant. Pour cet
exemple-ci, positionnons-nous du côté de l’interlocutrice
Lili. Premièrement, cette dernière traite l’énoncé en
acceptant le verbe modal ‘pouvoir’ de façon littérale. Elle juge ensuite comme inadéquate cette
interprétation dans la situation de communication propre à l’énoncé et la modifie en
conséquence. Son amie mobilise le verbe modal ‘devoir’ et produit un acte assertif indirect
plutôt d’un expressif direct de type « Oui, nous aussi on a piqué, on veut travailler ! » de la
même manière que le fait Max dans l’exemple précédent. À travers l’emploi du verbe modal
« devoir », elle accentue ainsi sa volonté de travailler avec les autres.
De ces deux exemples, nous pouvons relever qu’un acte assertif indirect peut être réalisé par
un locuteur en mobilisant un verbe modal à caractère quelque peu hyperbolique à la place d’un
autre verbe modal plus commun, ceci ayant pour effet d’accentuer la portée de ce qu’il souhaite
communiquer.
2.2.1.3. Les actes directifs direct
Intéressons-nous à présent à un autre type d’actes illocutoires,
celui des directifs. En premier lieu nous étudierons des directifs
directs avec une distinction établie entre tentatives modestes et
plus ardentes. Nous nous focaliserons en second lieu sur les
directifs indirects.
Le tout premier énoncé du livre « Hé, tu nous en files ! » (de Saint
Mars & Bloch 1994 : 1), prononcé par Lili à l’attention de son
amie est un bon exemple d’acte illocutoire directif direct. Il s’agit
en effet d’une tentative de la part de Lili de faire faire quelque
chose à son amie, en l’occurrence, de lui donner des bonbons.
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 13
Nous validons donc cet acte comme directif et passons à l’étude du caractère direct de l’acte
produit. Nous relevons ici que l’auteur a fait le choix non pas d’un point d’interrogation pour
ponctuer l’énoncé, ce qui lui aurait attribué une valeur de requête, mais bien un point
d’exclamation, lui attribuant une valeur d’ordre. Produit sous forme d’une question de type «
Hé, tu peux nous en filer ? », l’énoncé est indirect en raison du choix du verbe modal.
Cependant, produit sous la forme d’un ordre, ‘l’énoncé en question est direct. Notons que
l’ordre verbalisé par Lili pourrait l’être indépendamment du point d’exclamation mais que sa
présence renforce la posture exigeante de Lili.
En ce qui concerne cette posture exigeante, mentionnons que dans l’ouvrage de Louis Pergaud
les actes directifs sont essentiellement mobilisés par le chef de bande Lebrac comme nous
pouvons le voir dans cet exemple : « - Ne la cassez pas, surtout, reprit Lebrac, et trouvez-en
autant que vous pourrez : vous verrez bien plus tard. » (Pergaud 2010 : 89) qui illustre deux
actes directifs directs. Ceci n’est certes pas étonnant puisque cet acte convient d’être adopté
dans le cadre d’une situation de communication dans laquelle une hiérarchie est plus ou moins
établie. Ici, il paraît donc évident que Lebrac utilise, inconsciemment ou non, des actes
directifs, puisque l’histoire de la Guerre des Boutons est orchestrée par une organisation
permanente de stratégies et de guet-apens, où le besoin de chef et d’ordre serait nécessaire. De
cela, il en résulte que les ordres en question sont souvent implicites. À son rang de chef, il est
en effet tout à fait impertinent pour Lebrac d’expliciter une force illocutoire dans chacun de
ses actes directifs.
Cependant, d’autres personnages produisent tout de même des actes de langages directifs
directs à l’exemple de Tintin dans l’énoncé suivant : « – Prends mon fiautot, fit Tintin à Boulot,
et grimpe sur le chêne que voilà. » (Pergaud 2010 : 77) et de La Crique un peu plus
loin :« Prenons nos mouchoirs et mettons les cailloux dedans. » (Pergaud 2010 : 78) Précisons
que ces multiples actes directifs directs sont non marqués, ne contenant que le contenu
propositionnel p. Ce phénomène trouve facilement une explication dans la tension et la rapidité
qui marquent l’action. Par conséquent, nous pouvons déduire que c’est par souci d’économie
de langage que le groupe va adopter des actes illocutoires de type implicites au détriment
d’actes illocutoires explicites.
2.2.1.4. Les actes directifs indirects
Cette distinction entre actes directifs directs et indirects peut être
appuyée sur la base de deux autres exemples. Sur la première page
toujours, l’amie de Lili énonce : «T’as qu’à les piquer toi-
même ! ». À la page suivante, la même fillette dit à une autre :
«T’es même pas cap’ de piquer… T’as la trouille ! ». Dans les
deux cas, il s’agit d’une tentative de la part de la locutrice L de
faire accomplir une action à son interlocutrice validant l’aspect
directif de l’acte. Cependant le premier énoncé est direct car L
explicite concrètement son acte directif. En effet, «T’as qu’à les
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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piquer toi-même ! » équivaut à « Va en piquer ! ». Au contraire, en décortiquant le second
énoncé, nous pouvons conclure qu’il est indirect. En effet, «T’es même pas cap’ de piquer…
T’as la trouille ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 2), est compris dans le sens d’une capacité
de type « Tu n’en a pas la capacité ». En prenant en compte la situation de communication,
nous observons le caractère hautement provocateur découlant de l’énoncé qui devient dès lors
quelque chose du type « Prouve-moi que tu es cap’ de piquer », encourageant l’interlocutrice
à réellement réaliser l’action du vol de bonbons.
Intéressons-nous à deux autres exemples tirés de La Guerre des boutons. Ces derniers sont
énoncés consécutivement par La Crique et Lebrac de la manière suivante : Faudrait peut-être
bien que quelqu’un aille aussi par là-bas ! » (Pergaud 2010 : 88) et « […] faudra bien regarder
et bien écouter ce qu’il dira » (Pergaud 2010 : 88). Ici, il ne s’agit pas d’opérer une
interprétation de la même manière que dans l’exemple de Max et Lili ont volé des bonbons. Le
caractère indirect des actes directifs en question réside exclusivement dans l’usage que font les
deux locuteurs du conditionnel et respectivement du futur. « Faudrait » et « faudra » doivent
dès lors être interprétés comme un impératif présent de type : « Faites cela ! ». Dans ces deux
exemples, c’est ainsi le temps verbal qui définit l’acte directif comme indirect.
2.2.1.5. Tentatives relativement modestes et relativement ardentes
Ces actes directifs, au-delà d’être directs ou indirects peuvent
représenter des tentatives relativement modestes, ou, au contraire,
relativement ardentes, de faire faire quelque chose au destinataire.
L’énoncé « Bon, moi je pique… Et toi, tu parles à la boulangère… »
(de Saint Mars & Bloch 1994 : 3) illustre ainsi une tentative
relativement modeste de la part de Lili de faire dialoguer Max avec
la boulangère. Cette tentative est relativement modeste car il s’agit
d’une suggestion, d’un conseil ou encore d’une légère directive
donnée par Lili à son frère dans le cadre du vol de bonbons bien plus
qu’un ordre strict et concret.
De même, dans l’énoncé « Ça a l’air génial ! Tu nous laisses ta
place, un peu ? » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 31), nous
remarquons également une tentative très modeste de la locutrice
dirigée à l’attention de l’interlocutrice et l’invitant à lui céder sa
place.
Cette tentative de faire accomplir une action à son destinataire
devient cependant relativement ardente dans un énoncé similaire à
celui produit par Lili : « Prends-en encore ! » (de Saint Mars &
Bloch 1994 : 12), ordonnant à Max de l’aider à finir les bonbons.
Cette tentative relativement ardente se retrouve également dans
l’énoncé « Aide-moi à finir ! ».
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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L’ordre est d’autant plus expressif dans l’énoncé « Viens Max on
y va ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 2), qui devient une tentative
ardente (> relativement ardente).
On perçoit d’ailleurs que cette tentative est plus ardente que les
deux précédentes car Max ne tente même pas de contrer l’énoncé
de sa sœur comme il le faisait auparavant en exprimant « Ah non,
moi j’en peux plus ! J’en ai déjà mangé plein ! ».
2.2.1.6. Les actes expressifs directs
Certains énoncés contiennent également des actes illocutoires de
type expressif. C’est le cas des énoncés suivants : « La vache ! On
s’est fait prendre ! », « Heureusement, elle n’a pas tout trouvé ! »
(de Saint Mars & Bloch 1994 : 11), et « Pitié ! » (de Saint Mars &
Bloch 1994 : 24), prononcés par Max et Lili ainsi que des
énoncés : « Nom de Dieu de nom de Dieu ! Comment que j’y ai
pas songé ? » (Pergaud 2010 : 77) et « – Ah ! fit La Crique, si on
avait quelqu’un pour nous recoudre des boutons et refaire les
boutonnières ! » (Pergaud 2010 : 104) issus de discours d’enfants
dans La Guerre des boutons.
Premièrement, nous remarquons que ces énoncés sont effectivement expressifs dans le sens où
ils visent à exprimer un état psychologique découlant d’une certaine situation. Ensuite, nous
remarquons également que ces actes expressifs sont tous de nature directe. Notons qu’ils sont
également tous largement implicites. Voyons cela plus en détails. Dans le cas de ces cinq
énoncés, il s’agit, pour les considérer en tant qu’expressifs directs, d’effectuer un léger travail
de décodage. Ainsi, l’énoncé « La vache ! » donne accès à l’état psychologique de choc et
d’étonnement de valeur négative de Max. La réponse de Lili, « Heureusement, elle n’a pas tout
trouvé ! » est également un acte expressif que nous obtenons en le comprenant sous la forme
« Je suis heureuse qu’elle n’ait pas tout trouvé ! ». Nous remarquons alors que ce « Je suis
heureuse » illustre bien un acte expressif direct, implicitement produit sous la forme d’un
adverbe expressif. De la même manière, lorsque Max énonce : « Pitié ! », nous reconnaissons
un acte expressif direct implicite compris en le rendant explicite par la forme : « Je vous en
supplie ». Enfin, dans les deux énoncés issus de l’ouvrage de Louis Pergaud, « Nom de Dieu
de nom de Dieu », au même titre que « Ah ! […] si on avait quelqu’un […] » expriment
également tous deux l’état psychologique dans lequel se trouve leur locuteur au moment de
l’énonciation de manière non marquée. Le premier peut être compris sous une forme de type
« Que je suis bête » et le second sous une forme de type « Ah ! […] si seulement on avait
quelqu’un […] », et donc « J’aimerais que nous ayons quelqu’un […] ».
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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Ainsi, ces cinq exemples nous permettent de relever que les actes expressifs peuvent souvent
se retrouver sous une forme directe et non marquée. Ces formes raccourcies permettent en effet
d’exprimer l’état psychologique dans lequel les locuteurs se trouvent au moment de la situation
de communication de manière plus rapide et synthétique.
2.2.1.6. Les actes promissifs directs
Comme mentionné précédemment, nous ne traiterons pas des actes illocutoires de type
déclarations. Ainsi, nous rentrons à présent dans l’ultime type d’acte de notre sélection, à savoir
les actes promissifs. Dans l’ouvrage Max et Lili ont volé des bonbons l’unique acte promissif
que nous avons relevé « Tu vas voir, je vais le dire à la police ! » (de Saint Mars & Bloch
1994 :10), n’est pas produit par un enfant et nous ne ferons ainsi rien de plus de relever sa
présence.
Dans La Guerre des boutons, nous retrouvons cependant l’acte promissif direct suivant produit
par un enfant : « - Pour ça, je m’en charge, fit le lieutenant » (Pergaud 2010 : 89). À travers
« je m’en charge », le locuteur, ici le lieutenant fictif, accomplit en effet un acte de promesse à
l’attention de son interlocuteur. Il ne le fait cependant pas de manière explicite sur la base d’une
force illocutoire marquée comme ce serait le cas dans : « Je vous promets que je m’en charge ».
Le locuteur omettant la force illocutoire F de son énoncé, nous répertorions ainsi cet acte
promissif dans la catégorie des directs implicites. Ce caractère implicite pourrait faire émerger
des doutes sur la nature promissive de l’acte en question. Appuyons-nous donc sur la typologie
de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985) afin de confirmer qu’il s’agit tout de
même bien là d’une promesse.
En premier lieu, nous relevons que le locuteur, le lieutenant, s’engage effectivement sur la
réalisation de quelque chose, à savoir la prise en charge d’une affaire. En second lieu, la
direction d’ajustement s’opère bien du monde aux mots dans la mesure où le monde s’ajuste
aux mots du locuteurs. Plus précisément, dans cette situation de communication, on s’attend à
un résultat dans le monde réel, opéré sur la base des mots du locuteur. Le lieutenant paraît
sincère et valide de cette manière une interprétation adéquate de son énoncé par ses auditeurs.
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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3. Conclusion
La réalisation de ce travail et notre immersion dans cet univers pragmatique nous a permis de
nous familiariser davantage avec la théorie des actes de langage, en nous appuyant sur divers
ouvrages enrichissants, pour finalement être capable d’appliquer ce bagage théorique au sein
d’une analyse sur deux types de corpus très variés en matière de discours. Au début de notre
travail, nous avions formulé notre problématique comme telle : C’est donc à travers (…) la
mise en scène d’énoncés d’enfants dans nos deux corpus, que nous observerons la manière
dont ceux-ci produisent des actes de langage dans leurs énoncés. Nous avons effectivement
exploré l’utilisation de ces actes de langage en nous intéressant plus particulièrement aux
actes illocutoires chez les enfants. Cette analyse nous a ainsi véritablement permis de faire
ressortir de nouveaux aspects qui nous semblent intrigants et que nous allons présenter dès
lors.
3.1. Principaux résultats de l’analyse
3.1.1. L’usage privilégié des actes illocutoires directs
Au-delà de nos remarques analytiques quant aux différents actes illocutoires que nous avons
perçus dans notre corpus, notre étude de la représentation des actes illocutoires chez l’enfant
nous a permis d’observer notamment deux phénomènes généraux auxquels nous n’avions
porté guère attention jusqu’alors. En explorant les actes illocutoires directs et indirects, nous
avons remarqué un nombre significatif d’actes directs, plus nombreux que d’actes indirects,
et ceci dans chacun de nos deux corpus. D’abord, nous avons entamé notre analyse par le
livre de Max et Lili, qui était pourvu de beaucoup de dialogues. Néanmoins, la longueur
minime de l’ouvrage ne nous suffisait pas pour justifier notre observation. Nous avons ensuite
gardé en tête cette réflexion lors de notre analyse de plusieurs extraits de La Guerre des
Boutons, ce qui nous a confirmé notre point de vue. Afin d’expliquer l’utilisation privilégiée
des actes illocutoires directs par les enfants, nous avons tenté d’avancer l’hypothèse suivante.
Nous pouvons imaginer que si les enfants âgés de 7 à 14 ans privilégient les actes directs aux
actes indirects, c’est premièrement par nécessité d’économie et de simplification du langage,
mais également en raison d’un rapport différent de l’adulte quant au langage indirect qu’il
s’agit d’adopter par politesse. En effet, à cet âge-là, il est connu que les enfants n’ont pas
forcément acquis la même proximité à l’adoption de la politesse dans leur langage et dans
leurs actions. Selon Searle (1982 : 77), les actes de langage indirects permettent au locuteur
d’atténuer ou d’adoucir leur énoncé, motivés par la politesse.
En ce qui concerne ces actes illocutoires indirects, nous en avons tout de même relevé deux,
cités plus haut dans notre analyse. Contrairement au cas des adultes, nous avons relevé que
dans le rare cas où les enfants mobilisent des actes indirects, ce n’est non pas pour atténuer
leur énoncé, mais plutôt pour le renforcer. Nous avions vu l’exemple du verbe modal
‘pouvoir’ dans Max et Lili lorsqu’il s’agissait pour Max d’exprimer une volonté plutôt qu’une
capacité. Cet acte assertif indirect permettait donc à l’enfant de fortifier son énoncé par souci
de persistance et de revendication face à son interlocuteur, plutôt que de l’atténuer par souci
de politesse.
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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3.1.2. L’usage privilégié des actes illocutoires non marqués
Le second phénomène que nous avons relevé est celui de l’emploi favorisé des actes
illocutoires de type non marqués plutôt que de type explicite. En effet, d’après les extraits que
nous avons étudiés, il semble que les enfants représentés préfèrent utiliser des formes comme
« Ne la cassez pas » (Lebrac, La Guerre des Boutons, 89) plutôt que « Je vous interdis de la
casser ». Nous pouvons expliquer cela une nouvelle fois pour une raison d’économie et de
simplification du langage, d’autant plus que l’action est mouvementée durant presque toute
la diégèse, et nécessite donc des tours de paroles dynamiques et économes.
3.2. Difficultés rencontrées
Ce travail a prouvé que le sujet des actes illocutoires était bien loin d’être simple ; pourtant,
il nous a été fortement enrichissant. En effet, nous étions déjà familiarisées avec de nombreux
aspects de la partie théorique avant d’entamer le travail mais c’est au fil de notre analyse que
nous avons constaté que l’application de cette théorie était plus difficile que nous ne le
pensions jusque-là. Bien que nous pensions maîtriser le sujet, nous avons, malgré tout, passé
beaucoup de temps à déterminer si des énoncés étaient bel et bien des actes illocutoires ou
non. Cependant, avec du recul, nous remarquons que c’est à travers ces difficultés rencontrées
que nous avons pu approfondir certains angles d’approche qui nous manquaient jusqu’ici,
ainsi que nos deux observations nouvelles.
En effet, il serait intéressant d’approfondir nos hypothèses quant à l’économie du langage
chez l’enfant, par rapport aux actes directs, indirects et à leur type explicites et implicites. La
seconde partie de notre problématique était formulée ainsi : (…) nous découvrirons que la
production implicite de ces actes émerge d’abord d’un processus culturel d’apprentissage
des règles qui régissent le langage. En effet, nous pouvons constater que l’enfant apprend à
utiliser, implicitement, des actes illocutoires. Cependant, la partie de l’apprentissage qui reste
à concevoir est celle du motif de la politesse dans le cadre des actes illocutoires indirects.
D’après nos observations, cette motivation n’est pas employée systématiquement chez les
enfants, ou en tout cas, nettement moins que chez les adultes. Comme nous l’avions vu,
l’apprentissage du langage ne se limite pas seulement aux règles grammaticales, mais prend
en charge la pragmatique. Alors, bien que l’enfant ait déjà acquis un réseau de règles
pragmatiques, tels que celles des actes de langage, cet apprentissage se poursuit et se
consolide bien au-delà de l’âge approximatif des enfants de nos corpus, à savoir une dizaine
d’années.
Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants
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4. Bibliographie
4.1. Ressources théoriques
4.1.1. Ouvrages
Bernicot, J. (1992). Les actes de langage chez l’enfant. Presses universitaires de France. 1 –
256
Kerbrat-Orecchioni, C. (2008). Les actes de langage dans le discours. Théorie et
fonctionnement. Armand Colin. 1 – 200
4.1.2. Articles
Bernicot, J. (2000) in Michèle Kail et al., L'acquisition du langage. Vol. II. « Chapitre 2. La
pragmatique des énoncés chez l’enfant ». Presses Universitaires de France « Psychologie et
science de la pensée », 45 – 82.
Searle, J.R. (1972). « Les actes de langage : Essai de philosophie du langage. « Chapitre 1.
Méthodes et objet », 37 – 58.
Searle, J.R. (1972). « Les actes de langage : Essai de philosophie du langage. « Chapitre 2.
Expressions, signification et actes de langage », 59 – 94.
4.2. Corpus de textes
4.2.1. Ouvrages
de Saint Mars, D., & Bloch, S. (1994). Max et Lili ont volé des bonbons. Calligram.
Pergaud, L. (2010). La guerre des boutons. Larousse.
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5. Déclarations sur l’honneur
5.1. Wendy Aubry
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5.2. Giulia Fleury
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5.3. Lauranne Schlüchter