Croissance rythmique et développement du chêne rouge d ...

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HAL Id: hal-00883116 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00883116 Submitted on 1 Jan 1996 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Croissance rythmique et développement du chêne rouge d’Amérique, Quercus rubra L, cultivé en conditions contrôlées P Collin, Pm Badot, B Millet To cite this version: P Collin, Pm Badot, B Millet. Croissance rythmique et développement du chêne rouge d’Amérique, Quercus rubra L, cultivé en conditions contrôlées. Annales des sciences forestières, INRA/EDP Sci- ences, 1996, 53 (6), pp.1059-1069. hal-00883116

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HAL Id: hal-00883116https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00883116

Submitted on 1 Jan 1996

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Croissance rythmique et développement du chêne rouged’Amérique, Quercus rubra L, cultivé en conditions

contrôléesP Collin, Pm Badot, B Millet

To cite this version:P Collin, Pm Badot, B Millet. Croissance rythmique et développement du chêne rouge d’Amérique,Quercus rubra L, cultivé en conditions contrôlées. Annales des sciences forestières, INRA/EDP Sci-ences, 1996, 53 (6), pp.1059-1069. �hal-00883116�

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Original article

Croissance rythmique et développementdu chêne rouge d’Amérique, Quercus rubra L,

cultivé en conditions contrôlées

P Collin, PM Badot* B Millet

Laboratoire de sciences végétales, Institut des sciences et techniques de l’environnement,université de Franche-Comté, place Leclerc, 25030 Besançon cedex, France

(Reçu le 8 avril 1995 ; accepté le 29 janvier1996)

Summary - Rhythmic growth and development in red oak seedlings (Quercus rubra L) grownin controlled conditions. Under controlled culture conditions, red oak (Quercus rubra L) seedlingsexhibited a rhythmic shoot elongation. The period was about 30 days: 15 days of shoot elongationplus 15 days of resting. The number of flushes varied from two to four under continuous light and fromone to two with a 14 h photoperiod. After this growth stage, the shoot elongation ceased for a time,varying from 3 to 11 months depending on the individuals. During the first 20 days of this resting period,new leaves continued to be initiated. The stop in the shoot elongation was not a direct consequenceof a rest in the meristem. Leave excision did not induce a renewal of shoot elongation, whereasgibberellic acid (GA3) did.

growth rhythm / development / elongation / meristem / Quercus rubra L

Résumé - Les semis de chêne rouge cultivés en conditions contrôlées dès la germination présententune élongation rythmique. La croissance de la tige s’effectue par vague dont la durée est d’environ30 jours : 15 jours d’allongement sont suivis de 15 jours de non-élongation. En lumière continue, deuxà quatre vagues sont observées alors que sous un éclairement journalier de 14 heures, un à deuxétages seulement sont formés. Après cela, la tige cesse de croître pendant une durée qui varie de 3à 11 mois selon les individus. L’étude histologique du méristème montre que, pendant les 20 premiersjours qui suivent cet arrêt de croissance, de nouvelles feuilles continuent à être initiées. L’arrêt decroissance de la tige n’est pas la conséquence directe de l’arrêt du fonctionnement du méristème.L’effeuillage n’entraîne pas la reprise de la croissance. La formation d’un nouvel étage peut êtreprovoquée expérimentalement par application d’acide gibbérellique (GA3).

croissance rythmique / développement / élongation / méristème / Quercus rubra L

*Correspondance et tirés à part.

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INTRODUCTION

Cultivés dès la germination en jours longset à 25 °C, le chêne pédonculé et d’autresespèces comme le hêtre produisent plu-sieurs vagues de croissance (flush des au-teurs anglo-saxons) dont la durée varie de1 à 5 semaines (Lavarenne-Allary, 1964,1966). D’autres espèces comme le cou-drier ou le frêne commun manifestent une

rythmicité annuelle durant leur cycle de dé-veloppement (Barnola et al, 1977 ; Lava-renne et al, 1986 ; Collin et al, 1995). Il

existe ainsi une grande diversité dans l’ex-pression des rythmes de croissance chezles végétaux de climat tempéré. Les chan-gements de la durée de l’éclairement et/oude la température peuvent modifier profon-dément les modalités de la croissance ry-

thmique, ce qui est par exemple le cas chezle bouleau ou le saule (Lavarenne et al,1971).

Les données de la littérature font état del’existence d’une rythmicité de croissancechez le chêne rouge d’Amérique et chezd’autres chênes nord-américains (Farmer,1975 ; Borchert, 1975 ; Reich et al, 1980 ;Hanson et al, 1986). Les relations qui exis-tent, chez cette essence, entre la crois-sance de la tige et l’activité méristématiquesont mal connues (Timbal et al, 1994). Leprésent travail a pour objet de caractériserles modalités de la croissance de plantulesde chênes cultivées dès la germination enconditions uniformes en étudiant parallèle-ment les variations d’activité organogé-nétique du méristème apical de la tige aucours du temps. On pourra ainsi précisersi l’organogenèse est ou non rythmiqueet si elle est ou non en relation avec lesvariations de la croissance en longueur.En outre, des expériences d’effeuillage etdes traitements par l’acide gibbérelliqueont été réalisés afin de tenter de restau-rer la croissance pendant les périodes derepos.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel végétal

Les glands de chêne rouge, Quercus rubra L, ontété fournis par le service Graines et plants del’Office national des forêts (Sécherie de la Joux,39300 Supt, France). Ils provenaient de la ré-colte effectuée en forêt domaniale de Préchac

(Pyrénées-Atlantiques, France).Après élimination du péricarpe, les glands ont

été désinfectés successivement par l’alcool à70° (1 minute) et l’hypochlorite de calcium à3,5 % (15 minutes), puis abondamment rincés.Ils ont ensuite été lavés sous eau courante pen-dant 48 heures (Lamond, 1978). Les glands ainsipréparés ont été mis à germer dans l’obscurité,à 25 °C dans de la vermiculite humide. Les

jeunes plantes ont été transférées dans des potsde 1 L lorsque la racine a atteint 5 à 10 cm delongueur, soit 5 à 10 jours après le début del’imbibition. Le substrat de culture utilisé étaitconstitué de terre prélevée dans l’horizon A1d’un sol brun de la forêt de Fontain (Lucot etBruckert, 1992).

Conditions de culture

Les conditions de culture ont été contrôlées dèsla germination. L’éclairement était fourni par destubes fluorescents Sylvania Grolux. La densitéde flux de photons était de 90 μmol.m-2 s-1 au

niveau des pots. L’hygrométrie était compriseentre 60 et 70 %. Une série expérimentale a étésoumise à une durée quotidienne d’éclairementde 14 heures (LD 14/10). La température étaitde 25 ± 1 °C le jour et de 19 ± 1 °C la nuit. Unedeuxième série expérimentale a été placée enlumière continue (LL) à une température cons-tante de 25 ± 1 °C.

Mesures de croissance

La longueur de la tige a été mesurée tous les 3jours à l’aide d’une réglette métallique avec uneprécision de 0,5 mm. Les mesures ont débutéune semaine après le début de l’imbibition et ontété effectuées sur 36 plantes cultivées en régimeLD 14/10 et sur 32 plantes cultivées en lumièrecontinue (LL).

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Étude histologiqueCette étude a été effectuée sur des plantes cul-tivées en régime LD 14/10. Des lots de neufplantes ont été constitués au hasard au seind’une population de 90 plantes. Du début de lagermination jusqu’au 50e jour, un lot de plantesa été sacrifié tous les 5 jours et leurs apex ontété excisés.Les apex ainsi collectés ont été fixés par le

liquide de Navashine pendant 24 heures (d’a-près Berlyn et Miksche, 1976). Ils sont ensuite

coupés au microtome (5 μm). Les lames sontdéparaffinées et colorés à chaud (60 °C) parl’hématoxyline de Regaud pendant 30 minutes(Langeron, 1942). Une coloration de fond est ob-tenue par un bain de safranine pendant 1 heure.

Effeuillage et apport exogèned’acide gibbérellique (GA3)Cette étude a été réalisée sur des plantes culti-vées en régime LD 14/10. Les traitements ont eulieu en moyenne 75 jours après l’arrêt de l’élon-gation de la tige. L’apport d’acide gibbérellique(GA3) a été réalisé en appliquant pendant 24heures sur le bourgeon un tube Eppendorfcontenant la solution à tester. L’étanchéité estassurée à l’aide de Parafilm. Les effeuillages ontété réalisés en sectionnant le pétiole à son in-sertion sur la tige.

RÉSULTATS

Croissance en longueur

La croissance du chêne rouge s’effectue

par vague. Une vague comporte une phased’allongement rapide et une phase de non-

élongation (fig 1 a). Au cours de chaque va-gue, un étage est mis en place. Le nombred’étages varie avec la durée de la photopé-riode. En régime LD 14/10, la moitié des

plantes a produit un seul étage ; l’autremoitié des plantes a cessé de s’allongeraprès la formation du deuxième étage (ta-bleau I). La figure 1 b représente les varia-tions de la vitesse de croissance de la tigeau cours du temps. Pour le premier étage,la vitesse augmente rapidement pour at-teindre 14 mm.jour-1 puis un ralentisse-ment est observé. Pour le second étage,les maxima observés sont inférieurs et voi-

sins de 9 mm.jour-1. La première vague decroissance dure 31 ± 1 jours, dont la moitiéenviron est constituée par la phase d’allon-gement de la tige (tableau II). En ce quiconcerne le deuxième étage, la durée de laphase d’élongation est voisine (16 jours) decelle enregistrée lors de la première vague(15 jours).En régime LL, toutes les plantes édifient

au moins deux étages, 60 % d’entre ellesen élaborent un troisième (tableau I et fig1c). Un quatrième étage a été observéchez quatre plantes seulement soit 12,5 %du lot étudié. La figure 1d fournit les varia-tions de la vitesse de croissance de la tigeau cours du temps. Pour le premier étage,le maximum de la vitesse de croissance estde 15 mm.jour-1. Cette valeur est de6 mm.jour-1 pour le deuxième étage et de9,5 mm.jour-1 pour le troisième.

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Exception faite du nombre d’étages for-més, la croissance du chêne rouged’Amérique en régime d’éclairement conti-nu s’effectue selon des modalités voisinesde celles observées sous un éclairement

journalier de 14 heures. Les durées desphases d’allongement et de non-élonga-

tion et les longueurs des premier etdeuxième étages ne sont pas significative-ment différentes (tableau II). En ce quiconcerne le troisième étage, sa durée decroissance et sa longueur apparaissent si-milaires à celles des deux vagues précé-dentes. Lorsqu’un quatrième étage est

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observé, sa longueur est très réduite et ellevarie entre 2 et 4 cm.

Quelles que soient les conditions d’éclai-rement, les feuilles restent petites tant quela tige croît. Lorsque l’allongement de latige cesse, l’étalement des limbes s’effec-tue rapidement et de manière synchrone.À la fin d’une vague, il existe une périodede quelques jours durant laquelle rien devisible ne se passe.

Après un arrêt, dont la durée varie de 3 à11 mois selon les individus, la croissancereprend. Ce sont la plupart du temps desbourgeons axillaires qui débourrent. Par-fois, ce sont des bourgeons cotylédonairesqui démarrent. Du fait de ces particularités,la très grande majorité des plantes sont ra-mifiées après 18 mois de culture.

Aspects morphologiques

Au cours des vagues de croissance suc-

cessives, on observe une hétéroblastie ry-thmique. Trois types de feuilles sont pro-duits. Chaque étage présente lasuccession suivante : des écailles de na-ture stipulaire et rapidement caduques, desfeuilles à limbe entier assimilateur, muniesde stipules fins et caduques et des feuillesà limbe avorté qui terminent l’étage (ta-bleau III). Quels que soient l’étage considé-ré et les conditions de culture, les feuillesse succèdent de la même manière.

La partie basale du premier étage estconstituée par une alternance d’entre-

nœuds courts et d’entre-nœuds longs (fig2). La fin du premier étage est marqué parune série d’entre-nœuds courts dont lenombre varie de 3 à 5 (fig 2). L’architecturedu deuxième étage consiste en une suc-cession d’entre-nœuds longs auxquelssont associés le plus souvent des écaillesou des feuilles rudimentaires puis d’entre-nœuds courts auxquels sont associées desfeuilles à limbe assimilateur entier. Lesfeuilles à limbe avorté correspondent à desentre-nœuds dont la longueur est infé-rieure à 0,5 mm (fig 2).

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Activité organogène du méristème

L’étude histologique montre qu’il n’existeaucune feuille préformée dans l’embryondu chêne rouge (fig 3a).

Dixjours après le début de la germination,alors que la plante édifie le premier étage,quatre feuilles et deux écailles sont visiblesdans le bourgeon (fig 3b).Les ensembles foliaires qui sont mis en

place durant la construction du deuxièmeétage sont formés bien avant sa crois-sance : la figure 3c représente la sectiontransversale d’un bourgeon âgé de 35 joursprélevé lors du démarrage du deuxièmeétage. Huit feuilles et deux écailles y sontvisibles.

Après l’arrêt de croissance de la tige, a-lors qu’un ou deux étages ont été mis enplace, le nombre de feuilles présentes dansle bourgeon augmente sensiblement. Lafigure 3d montre par exemple la pré-sence de trois feuilles et de neuf écaillesdans le bourgeon d’une plante âgée de50 jours, qui n’a édifié qu’un seul étage.L’activité du méristème se poursuit aprèsl’arrêt de l’allongement de la tige. Ladifférenciation des ensembles foliairesen écailles aboutit à la formation d’un

bourgeon écailleux.

Les variations du nombre d’unités fo-liaires présentes dans le bourgeon au coursdu temps sont données dans la figure 4. Cenombre augmente au début de la phased’allongement du premier étage puis dimi-nue à la fin de cette période. Il augmentede nouveau pendant la phase de non-élon-gation de la tige et présente un maximumau début de la mise en place du deuxièmeétage. Il diminue ensuite au cours de l’éla-boration du deuxième étage.

Effets de l’effeuillage et del’application d’acide gibbérellique

Les plantes ont été distribuées au hasarddans 5 lots de huit individus. Les lots ontété traités de la manière suivante :- le premier lot constitue le témoin,- le deuxième subit un effeuillage complet,- le troisième, outre l’effeuillage, reçoit del’eau distillée,- le quatrième est effeuillé complètementet reçoit une solution de GA3 à 50 mg.L-1,- le cinquième est effeuillé complètementet reçoit une solution de GA3 à 100 mg.L-1.Chez le chêne rouge d’Amérique, l’ef-

feuillage complet ne provoque pas de re-prise de croissance de la tige. En revanche,l’application d’acide gibbérellique (GA3) à50 mg.L-1 ou 100 mg.L-1 sur des tiges ef-feuillées provoque le débourrement d’au

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moins la moitié des plantes traitées (ta-bleau IV) tandis que l’application d’eau dis-tillée seule n’est pas efficace. Les bour-

geons débourrent environ 10 jours aprèsl’application de GA3 (tableau IV).La longueur de l’étage formé après traite-

ment par l’acide gibbérellique est supé-rieure à celle des étages des plantes nontraitées (tableau IV). Ceci trouve son ori-gine dans le fait que les entre-nœuds longsde l’étage édifié suite à l’application de GA3sont en général plus longs que ceux obser-vés dans les conditions normales (fig 5). Lasuccession des différents types de feuillesle long de l’étage formé chez les plantestraitées est identique à celles observées lelong des étages des plantes témoins : desécailles de nature stipulaire et rapidement

caduques, des feuilles à limbe entier assi-milateur, munies de stipules fins et cadu-ques et des feuilles à limbe avorté qui ter-minent l’étage. Un bourgeon écailleux seforme après l’arrêt de croissance de la tige.Chez les plantes traitées, la morphologiedes feuilles à limbe assimilateur est diffé-

rente, surtout lorsqu’elles sont formées aprèstraitement par GA3 à 100 mg.L-1. Les lobesdu limbe sont légèrement repliés vers laface inférieure et leur consistance est plusrigide.

DISCUSSION

Les résultats obtenus montrent que lacroissance et le développement du chênerouge obéissent à une double rythmicité. Il

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existe d’une part un rythme de 30 jours quise traduit par la mise en place d’un étageet d’autre part un rythme dont la période estde l’ordre de l’année qui détermine le nom-bre d’étages et qui est dépendant desconditions de culture. Après avoir édifié unnombre variable d’étages, le chêne rougeentre en période de repos. Il reprend en-suite spontanément sa croissance. Lebourgeon terminal débourre et un ou deuxcycles de croissance supplémentaires sontobservés. Ces rythmes possèdent doncune composante endogène puisqu’ils ap-paraissent en l’absence de toute variationdes paramètres environnementaux.Le nombre d’étages formés dans nos

conditions de culture est inférieur à celui

indiqué par Dickson (1994), qui observejusqu’à six étages alors que nous n’en a-vons obtenu que quatre au maximum. Il est

possible qu’indépendamment du régimed’éclairement (LD 14/10 ou LL) le volumedisponible pour la croissance du systèmeracinaire soit à l’origine de cette limitation.

Les résultats de l’étude histologique dubourgeon montrent que le méristème pro-duit constamment de nouvelles feuillesmême pendant la phase de non-élongationqui précède l’apparition d’une nouvelle va-gue. La phase de non-élongation est unephase de repos apparent. De même, lescoupes réalisées dans des bourgeonsâgés de 50 jours chez des plantes ayantédifié un seul étage montrent que le méris-tème poursuit son activité alors que l’élon-gation de la tige est arrêtée.

Dickson (1994) parle d’état quiescentpour caractériser l’état de repos observéentre deux vagues successives et d’étatdormant pour définir l’état du bourgeon lorsdu repos prolongé. Morphologiquement, il

existe des différences nettes entre cesdeux types de bourgeon : le bourgeonquiescent est petit et couvert de stipulesalors que le bourgeon dormant est plus vo-lumineux et porte des écaillles. Cependant,chez le chêne rouge d’Amérique, dans uncas (bourgeon quiescent, repos de courtedurée) comme dans l’autre (bourgeon dor-mant, repos prolongé), l’arrêt de crois-sance n’est pas la conséquence de l’arrêtde l’initiation de nouvelles feuilles dans leméristème.

En ce qui concerne l’étalement deslimbes, l’augmentation de longueur desfeuilles coïncide avec l’arrêt de croissancede la tige. La succession d’une phase d’al-longement linéaire de la tige, puis d’unephase d’allongement de la feuille et d’unephase de repos est un caractère qui a étéutilisé pour définir un indice morphologiquedes chênes (QMI) permettant de caractéri-ser les stades de développement chezQuercus (Hanson et al, 1986).Chez le chêne rouge d’Amérique, le ry-

thme de croissance se manifeste égale-ment par une hétéroblastie. Ce caractèren’est pas propre à cette essence et il estobservé chez d’autres espèces : chêne pé-donculé (Lavarenne-Allary, 1966 ; Payan,1982), hévéa (Hallé et Martin, 1968),

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cacaoyer (Vogel, 1975), manguier (Parisot,1985) et Gnetum (Mialoundama, 1991).Le chêne rouge d’Amérique présente un

comportement analogue à celui d’espècestelles que le chêne pédonculé, Quercus ro-bur L, ou le hêtre, Fagus sylvatica L (Lava-renne, 1966 ; Lavarenne et al, 1971). ChezQ robur, cultivé à 25 °C en jours longs oucontinus et en conditions non limitantes, onassiste à une répétition de vagues de crois-sance. Chaque vague dure 3 semaines :2 semaines de croissance et 1 semaine de

repos. Cette rythmicité se superpose à larythmicité annuelle dans les conditions na-turelles. Chez le chêne rouge, trois à quatrecycles sont observés en jours continus a-lors que, chez Q robur, huit à dix vaguessont produites dans les mêmes conditions.Des résultats similaires ont été rapportéschez divers chênes nord-américains (Bor-chert, 1975; Reich et al, 1980). Le compor-tement du hêtre est beaucoup plus irrégu-lier mais analogue (Champagnat et al,1986).Les résultats obtenus au cours de l’étude

histologique du bourgeon du chêne rougesont en accord avec ceux obtenus chez lechêne pédonculé par Barnola et al (1986)et chez d’autres espèces de chêne : toutesles unités foliaires du prochain étage sontpréformées dans le bourgeon hivernal(Payan, 1982 ; Champagnat et al, 1986).En matière d’étalement des limbes, le

chêne rouge d’Amérique se rapproche deQ robur (Payan, 1982) pour lequel l’aug-mentation de longueur des feuilles débutelorsque la croissance de la tige cesse. Chezd’autres espèces comme Gnetum africanum(Mialoundama, 1991) et Mangifera indica(Parisot, 1985), l’apparition des feuilles en-traîne également un arrêt de la croissance.Le rôle des feuilles sur le cycle d’allongementde la tige a été montré chez Hevea brasilien-sis (Hallé et Martin, 1968), Theobroma cacao(Vogel, 1975), Terminalia superba (Maillard,1987) et Fraxinus excelsior (Collin et al,1994). Pour progresser dans la compréhen-sion du déterminisme du rythme de crois-

sance chez le chêne rouge d’Amérique, dif-férents traitements expérimentaux ont étéréalisés. L’objectif était de provoquer la re-prise de la croissance chez des plantes enphase de repos prolongé. Parmi les traite-ments testés, seule l’application d’acidegibbérellique chez des tiges préalablementeffeuillées autorise une reprise quasi immé-diate de l’allongement. L’effeuillage qui estefficace chez certaines espèces comme lefrêne (Collin et al, 1994) est ici sans effet.Les résultats obtenus chez le chêne rougesont à rapprocher de- ceux obtenus chezQ robur, chez lequel l’effeuillage abolit la ry-thmicité (Champagnat et al, 1986 ; Alatou,1990 ; Parmentier, 1993). L’étude histologi-que montre que l’entrée de la plante en phasede repos prolongé n’est pas consécutive à un arrêt de l’initiation de nouveaux primordiums.L’action de l’acide gibbérellique se situe vrai-semblablement au niveau d’étapes ulté-rieures du développement. Les effets desgibbérellines sur la croissance des tigessont parfaitement établis (Reid, 1987). Ils

peuvent ici rendre compte de la croissancedes entre-nœuds et des particularités mor-phologiques de l’étage formé après applica-tion de GA3. Cependant, la levée de l’inhibitionde croissance provoquée par GA3 a sans

doute une autre origine qu’une simple sti-mulation de la croissance des entre-nœuds. L’hypothèse d’une interaction desgibbérellines avec des substances inhibi-trices telles que l’acide abscissique peut é-galement être envisagée. Les cytokininessont également susceptibles d’être impli-quées, puisqu’un apport exogène de ceshormones modifient la rythmicité (Parmen-tier, 1993). Dans l’état actuel des connais-sances, les mécanismes qui contrôlentl’initiation des primordiums, l’allongementdes entre-nœuds et l’allongement desfeuilles chez le chêne rouge d’Amériquedemeurent largement méconnus

(Dickson, 1994). Les données présen-tées ici montrent que tous les primor-diums sont préformés avant le début del’élongation de la pousse. Les étapes

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suivantes du développement sont vraisem-blablement sous le contrôle de multiplesfacteurs tels que la nutrition carbonée, lacroissance et le développement du sys-tème racinaire ou bien encore l’alimenta-tion hydrique et la régulation hormonale.

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