Cours Travail

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LE TRAVAILLE TRAVAILLe travail est une activit humaine qui se distingue sans doute de toutes les autres en cela quelle est lobjet dapprciations, dvaluations nombreuses et trs contrastes : une calamit pour les uns, une bndiction pour les autres. Pour quelles raisons? Lorsquon examine lensemble de ses valuations, on peut remarquer quelles sarticulent toutes autour de trois oppositions majeures.Dabord, on peut reprocher au travail dtre une activit contraignante, la fois parce quelle est ncessaire et parce quelle nous prive de temps, de libert... Mais, linverse, on le loue parce quil rend possible lindpendance de lhomme lgard du milieu naturel, parce quil assure aux individus une indpendance financire et sociale, donc parce quil est librateur. Alors, le travail est-il asservissant ou au contraire librateur?Ensuite, on lui reproche aussi dtre une activit appauvrissante, rptitive, stressante, par laquelle celui qui travaille semble moins vivre par son travail que vivre pour effectuer un travail qui mutile son existence. Mais, linverse, il est aussi dsir comme moyen dacqurir des comptences, de se raliser comme on le dit, comme moyen aussi davoir une vie sociale qui ne se borne pas la sphre prive, celle de la famille. Alors, le travail est-il mutilant ou moyen daccomplissement de soi?Enfin, pour les raisons voques plus haut, le travail semble dune part tre une activit qui napporte que des contrarits, des dsagrments, en somme une activit qui fait notre malheur et quon naurait pas tort de considrer comme un chtiment, mais dautre part, il parat aussi tre la condition du bonheur de ceux qui ne le vivent ni comme asservissant, ni comme mutilant. Alors, le travail est-il cause de nos malheurs ou condition de notre bonheur?Face ces trois contradictions, la tentation est forte de rpondre que cela dpend ou bien des cas, des types de travaux et de la situation historique ou bien des individus, de leurs passions et de leur aptitude supporter les contraintes de lexistence.Seulement ses rponses sont trs insuffisantes : si cela varie dun cas lautre, il y a cela des raisons quil faut dcouvrir et si cela varie dune personne lautre, ce nest pas sans raison non plus. Cela dpend donc finalement plus de ces raisons que des cas ou des personnes.Mais, par ailleurs, ces rponses tendent soutenir que ces contradictions nont aucun rapport avec le travail en lui-mme, avec le fait et lessence du travail. Or, ce ne sont ni les cas, ni les personnes qui donnent au travail ces dterminations contradictoires, qui posent ces problmes, mais cest le travail lui-mme qui les pose.Pour tre en mesure la fois de comprendre pourquoi ces contradictions existent et comment il est possible de les dpasser, il faut donc commencer par sinterroger sur le travail en lui-mme, sa nature, sa raison dtre et ses modalits.Pourquoi travaillons-nous? Pour quelle raison et en vue de quoi?Comment travaillons-nous? Avec qui? Avec quoi?I ) LE TRAVAIL : UN RAPPORT ENTRE L'HOMME ET LA NATUREA ) Pourquoi travaillons-nous ?Puisque le travail passe souvent pour une activit pnible et mutilante, on peut se demander pourquoi on travaille.Si on interroge les individus ce sujet, ils rpondront qu'ils travaillent pour gagner leur vie, pour subvenir leurs besoins. Mais, cela ne rpond pas la question que l'on pose si on se place du point de vue non pas des individus et des explications qu'ils donnent, mais plus fondamentalement, du point de vue de l'espce humaine. "Pourquoi travaillons-nous?" voulant alors dire, "Pourquoi y a-t-il du travail, pourquoi le travail existe-t-il?"Le mythe de Protagoras, extrait du Protagoras de Platon, donne certes sous la forme d'un rcit mythologique, une rponse cette question en mme temps qu'il dveloppe une thse propos de l'origine de la technique. Ce qui indique que l'apparition du travail est lie celle de la technique.1 ) Travailler, c'est produire des valeurs d'usage.Commentaire du mythe.Autant les animaux sont adapts au milieu naturel, autant l'homme lui est inadapt ce milieu. L'animal est par nature et sous peine de disparition, adapt au milieu naturel : il dispose des moyens physiques et instinctuels ncessaires sa survie et le milieu lui offre ce dont il a besoin. Toute inadaptation cause soit par une modification du milieu soit par une mutation se traduit par une disparition rapide de l'espce. C'est la slection naturelle des espces. Qu'est-ce que cela signifie? Que chaque espce est intgre au sein d'un milieu spcifique appel cosystme duquel elle est insparable et en lequel elle a une fonction rgule et rgulatrice prcise. D'o le mot systme.Or, en ce qui concerne l'homme, une telle adaptation ne s'observe pas. L'homme n'est pas chez lui dans la nature : il a des besoins auxquels il ne peut pas subvenir avec les moyens naturels dont il dispose. Comme le dit Protagoras, l'homme est nu, sans arme et sans couverture. Pourtant, il a survcu, il est une espce viable. Comment est-ce possible?Grce Promthe qui offre aux hommes la matrise du feu et des techniques qui vont leur permettre de travailler et ainsi de compenser cette inadaptation au milieu. Or, en offrant aux hommes des techniques, il leur offre aussi le travail puisqu'on ne peut les utiliser que dans le cadre d'un travail. On le voit, le travail et la technique sont lies en cela qu'il n'y a pas de travail sans technique.Mais, alors pourquoi travaillons-nous? Parce que la nature ou le milieu naturel et notre constitution ou notre nature ne sont pas spontanment en harmonie, parce que nous ne pouvons nous procurer ce dont nous avons besoin pour vivre qu'en le fabriquant. Est-ce dire que nous travaillons pour nous adapter la nature? Non puisque nous ne sommes pas adapts elle. C'est donc que nous travaillons pour au contraire adapter la nature nos besoins. Le travail existe parce qu'il nous faut transformer la nature pour l'adapter nos besoins et ainsi assurer notre survie. Telle est la raison d'tre ou la raison suffisante du travail. Et le travail est cette activit de transformation adaptatrice de la nature nos besoins. L'homme est l'tre qui produit lui-mme ses conditions d'existence parce qu'elles ne sont pas immdiatement prsentes dans la nature.Ce qui nous donne une premire dfinition du travail : il y a travail partout o rencontre une activit de transformation de ce qui est donn, que ce donn soit brut ou naturel ou qu'il soit dj labor et ce en vue de la satisfaction d'un besoin ou d'une exigence.Ainsi, toute activit transformatrice qui n'a pas pour but de satisfaire un besoin ou de rpondre une exigence n'est pas un travail : casser quelque chose pour le plaisir est faire subir cette chose une transformation, mais n'est pas un travail. Ainsi, le travail dit intellectuel comme le travail scolaire par exemple est bien un travail puisqu'on labore quelque chose qui n'est pas donn partir d'lments qui eux sont donns. En outre, avec la travail scolaire s'opre un autre type de travail qui souvent passe inaperu, mais qui lui est essentiel : le travail sur soi, au sens strict, la transformation de soi par exemple par acquisition de techniques ou par acquisition de nouvelles connaissances.Adapter la nature nos besoins, la transformer pour satisfaire nos besoins, c'est produire des valeur d'usage : le travail est l'activit par laquelle l'homme produit des valeurs d'usage.Qu'est-ce qu'une valeur d'usage ?Une valeur d'usage est un bien ou un service, produit par un travail humain, qui nous est utile, qui permet de satisfaire un besoin qu'il s'agisse d'un besoin qu'on dit naturel parce qu'il est li aux exigences de notre corps ou qu'il s'agisse de besoins dit sociaux parce qu'ils nous sont inspirs par notre appartenance la vie sociale.Pourquoi parler de valeur ? Parce que le produit du travail a non pas d'abord un prix, mais une valeur qui est fonction de l'importance du besoin qu'il permet de satisfaire. La valeur d'un produit du travail est donc dtermine par les besoins qu'il a pour but de satisfaire. Un prix lui est dtermin par un march, par les rapports entre l'offre et la demande. C'est pourquoi les prix n'ont pas de rapport direct avec la valeur d'usage d'un produit ou d'une service. Un bien qui cote cher peut ne pas avoir de valeur d'usage et inversement.On voit par l toute l'importance du besoin naturel ou social : c'est lui qui exige la ralisation d'un travail et c'est encore lui qui fixe la valeur du bien ou du service produit par ce travail.Or, ainsi dfini, le travail apparat comme insparable de la technique, comme le mythe l'indique, puisqu'aucune transformation de la nature n'est possible sans technique. Aussi peut-on dire que le travail est un fait technique.2 ) Le travail comme fait technique.Quest-ce quune technique?Dune manire gnrale, une technique, cest un procd dtermin et transmissible destin produire certains rsultats jugs utiles par ceux qui lemploient. Ce sont lensemble des moyens rflchis ( # hasardeux ) par lesquels on peut atteindre une fin fixe lavance. Une fin tant donne, la technique, cest lensemble des moyens qui permettent de la raliser.La technique se prsente essentiellement sous deux formes : les objets techniques que sont les outils, les machines et les instruments et les savoir-faire, l'ensemble des techniques qui n'existent que dans quelqu'un et qui a t acquise par apprentissage.Compte tenu de cette dfinition de la technique, il apparat quelle est prsente sous de nombreuses formes et dans un grand nombre dactivits qui pour certaines nont aucun rapport avec le travail comme activit de transformation de la nature destine ladapter nos besoins. Ainsi, on peut parler de technique artistique, sportive, mdicale, oratoire ou rhtorique, de gestion dun groupe dindividus, pdagogique, organisationnelle, ... De sorte quil apparat que si le travail est un fait technique, la technique nest pas le monopole du travail. Mais, par ailleurs, certaines techniques, celles de gestion des ressources naturelles, de gestion du personnel, dorganisation au sein dune entreprise, si elles ne servent pas le processus de production de valeurs dusage, sont lies au travail en ce quelles ont le travail pour objet.Maintenant que l'on connat la raison d'tre du travail, il est possible de reformuler dans cette perspective les contradictions de telles sorte que l'on puisse les dpasser.Dire que la travail est une activit qui sert adapter la nature nos besoins signifie que nous n'avons pas le choix, qu'il nous faut travailler si nous voulons subvenir nos besoins, mais cela signifie aussi que grce au travail, il nous est possible d'acqurir une indpendance l'gard de la nature, que ne pas dpendre d'elle pour assurer notre survie. Du point de vue du travail en tant que tel, puisqu'il est ncessaire, il est un contrainte indpassable, mais du point de vue de ce qu'il offre ou permet, il est librateur : il ne permet pas seulement de subvenir nos besoins, il nous permet aussi de devenir indpendant l'gard de la nature, au point d'ailleurs de devenir un danger pour les quilibres cologiques.Maintenant, cela ne nous dit rien en ce qui concerne la question de savoir si le travail est une activit mutilante, dnaturante ou si au contraire il est une activit par laquelle il est possible de s'accomplir. Immdiatement c'est vrai, puisqu'il est contraint, on pourrait penser que le travail ne peut tre qu'une activit mutilante, une perte de temps pour d'autres activits plus plaisantes ou plus riches en elles-mmes, une cause de nos malheurs donc. Seulement, que la travail soit une contrainte ne signifie pas ncessairement qu'il soit aussi et ncessairement une activit mutilante parce qu'il est possible de penser aussi que quoiqu'il soit ncessaire, il puisse tre vcu autrement que comme une activit pnible, mais au contraire comme une activit enrichissante, une activit qui nous permettrait de nous accomplir. Il est en effet toujours possible de prendre du plaisir une activit que nous avons d'abord du accomplir par ncessit et en ignorant qu'elle tait aussi plaisante.Or, il se trouve qu'il est possible d'observer dans la ralit ces deux aspects contradictoires : le travail vcu comme une activit seulement ncessaire mais sans autre intrt que la subsistance ou au contraire comme une activit dont on ne pourrait pas se passer parce qu'elle nous apporte ce qu'aucune autre activit ne saurait apporter.B ) La raison d'tre du travail n'en fait-elle pas une activit dgradante ?Le travail est une ncessit lie la survie gnrale de l'espce humaine. En tant qu'il est ncessaire, il est pour nous une contrainte. Cette contrainte est le plus souvent mal vcue par les individus et lorsqu'ils en ont la possibilit, ils prfrent s'y soustraire. Mais, si on cherche s'y soustraire, ce n'est pas seulement parce qu'il est contraint, c'est aussi parce qu'on peut le trouver dgradant, indigne de soi, incompatible avec la dignit l'homme libre, contraire la destination de l'homme. telle tait du moins la conception que les Grecs avait du travail : une activit bonne pour un tre qui par nature ne pouvait pas prtendre l'exercice d'une activit pus noble.Car, contrairement une ide rpandue, si les Grecs ne travaillaient pas, ce n'tait pas parce qu'ils avaient des esclaves pour faire le travail leur place, mais c'tait bien plutt parce que le travail tait tenu pour une activit sans noblesse, sans intrt, seulement tourne vers la subsistance physique ou vers le gain financier qu'il tait rserv aux esclaves. Si en effet, ils avaient jugs le travail comme tant une activit enrichissante, qui permet l'accomplissement de soi, ils auraient travaills et empcher les esclaves de le faire.On retrouve cette valuation au sujet du travail dans une distinction faite par Aristote dans L'Ethique Nicomaque, savoir, la distinction entre les activits pratique ou qui relve de la praxis et les activits poitiques.1 ) Poisis et praxis.Parmi l'ensemble des activits ou des actions qui requirent le corps, Aristote distingue la praxis de la poisis.La praxis (ou action au sens strict) correspond aux actes politiques et moraux, tous les actes qui ont pour fin l'accomplissement d'un bien quelconque, la poisis (ou cration ou production) elle correspond aux activits productives, au travail compris comme production de valeur d'usage, de biens et de services utiles la vie. La production est comprise comme art ou techn.Qu'est-ce qui distingue des deux types d'activits? La fin de l'action, de l'acte.La finalit de la production est un bien ou un service, c'est--dire quelque chose d'extrieur celui qui le fabrique ou le rend et son action mme. La fin de la production est sparable du producteur.La finalit de l'action, de la praxis elle est interne l'action, elle n'est pas sparable de l'action : "Le fait de bien agir est le but mme de l'action."Qu'est-ce que cela change? Qu'est-ce que cela implique en ce qui concerne le travail? En quoi cette distinction permet-elle de rpondre la question de savoir si l'accomplissement de soi est ou n'est pas possible dans le travail?Si dans la praxis le but de l'action est interne l'action, on peut dire aussi que le but de l'action est interne l'agent, celui qui agit.Qu'est-ce que cela veut dire? Que la pratique rgulire de certaines actions qui ont leurs fins en elles-mmes ne permettent pas simplement d'accomplir ces actions, mais en outre et surtout permet de rendre ce type d'action plus ais, plus facile, plus spontan. Elles ont des effets sur l'agent.Ex : c'est en rptant des gestes prcis que le sportif ou l'instrumentiste finissent par les accomplir de manire spontane, de manire "naturelle", aise, qui semble sans effort.A force de pratiquer certaines actions, il est possible de les rendre plus spontanes, plus faciles, c'est--dire donc de crer en nous une aptitude nouvelle, une facult nouvelle, qui n'tait pas inne et qui nous donne de la valeur, qui nous permet d'atteindre dans tel ou tel domaine une matrise ou une excellence qui sans cet apprentissage et ses efforts n'existerait pas. Comme le dit Aristote, on a affaire une srie d'actes qui cre une puissance, celle de les accomplir sans effort. En somme, par la praxis, on peut se transformer et de telle sorte que cette transformation nous rende plus estimable, plus digne, plus excellent. Ce qui pour Aristote est aussi et surtout vrai dans le domaine morale et politique : on peut faire de soi un homme courageux par la pratique rgulire d'actes courageux, pour peu il est vrai que l'on ait quelques dispositions naturelles au courage. En gnral, il est possible de devenir vertueux, c'est--dire exceller dans un domaine quelconque ou comme homme par la praxis. C'est du ct de la pratique que l'on peut esprer une humanisation, un accomplissement de soi.Notons que cette ide, on la retrouve paradoxalement dans le travail sur soi, qui est bien une activit par laquelle on se transforme soi-mme par des exercices qu'ils soient intellectuels ou physiques. La paradoxe, c'est que l'on emploie le mot travail pour ce qui est pour Aristote le contraire du travail puisque la fin de l'action se trouve dans la cas du travail sur soi en nous et non hors de nous. Notons aussi que le travail sur soi est prsent partout o on assiste des apprentissages, l'acquisition d'une culture qu'elle soit physique ou intellectuelle.A l'inverse, la production, parce qu'elle a une fin extrieure celui qui agir et son action n'a aucun effet sur lui. Elle est une pure dpense d'nergie, et de surcrot, une dpense qui doit sans cesse tre rpte puisque les mmes besoins ne cessent pas de se faire sentir et d'exiger d'tre satisfaits. Elle n'apporte rien humainement celui qui travaille et elle lui fait perdre sa vie l'entretenir.On peut donc soutenir que la travail est une activit qui fait perdre son temps et sa vie et qu'il est donc une activit qui non seulement peut-tre en elle-mme pnible, mais qui de surcrot ne rend pas plus accompli, meilleur, plus digne, plus estimable, plus heureux donc celui qui l'accomplit. La vie est ailleurs, dans la praxis et non dans le travail.Ce qui rejoint une remarque de Arendt : la distinction entre le cyclique et le linaire. Le travail n'a pour but que d'assurer la satisfaction des besoins sans cesse renaissants tandis que l'action elle n'est lie aucune ncessit biologique ou sociale, n'est pas soumise des impratifs vitaux.2 ) Le travail est-il vraiment une servitude pnible et mutilante ?Puisque le travail est une ncessit lie notre survie, il est pour nous une contrainte. En tant que tel, il est aussi pnible et ne nous rend pas plus humains ou plus digne ou plus excellent ou plus heureux.Toutefois, la distinction faite par Aristote entre poisis et praxis occulte un fait qui n'est pas sans importance : tous les travaux exigent un minimum d'apprentissage et donc un certain travail sur soi. Il n'existe aucun travail qui ne suppose pas l'acquisition de savoir-faire, d'une comptence particulire, donc un apprentissage, une praxis donc. Ce qui signifie que la distinction n'est pas si nette, qu'il y a de la praxis au sein de la poisis.De plus comme le fait aussi remarquer Aristote, la poisis n'est pas une activit accomplie de manire machinale : elle n'est possible que si elle est raisonne, que s'il entre en elle au moins un peu de rflexion. A savoir : la rflexion proprement technicienne qui consiste rechercher les moyens les mieux adapts, les plus efficaces dans la poursuite de certaines fins. Il n'y a pas de production qui ne suppose pas de raison, de rflexion, d'intelligence, de ruseOr, si on soutient qu'il y a de la praxis dans la production et qu'elle ne peut pas se passer de l'usage de la raison, cela revient dire que la travail n'est pas une activit entirement trangre l'humain et l'excellence. Ce qui est d'ailleurs confirm par l'admiration que peuvent susciter l'habilet manuelle d'un artisan, la finesse et l'ingniosit de certaines productions. On y voit l'expression de certaines formes d'excellence. A quoi renvoie le fiert du professionnel, sr de son art, qui trouve dans le travail bien fait un motif de satisfaction, une raison d'aimer ce qu'il fait et la vie qu'il mne puisqu'elle lui apporte des satisfactions qui ne sont pas seulement financires.Ce qui nous invite nous demander si le travail est bien une activit mutilante, dshumanise, en laquelle nous perdons notre temps et notre vie.C ) Le travail ne serait-il pas un moyen d'accomplissement et d'humanisation ?La lecture que nous avions faite du mythe nous avait conduit penser le travail comme une activit contraignante parce qu'il est une ncessit lie notre survie, ce qui nous avait conduit le penser comme mutilant. Mais, puisque les hommes doivent subvenir leurs besoins par leur travail, et qu'en cela ils sont originaux puisque les animaux ne le font pas, cela ne signifie-t-il pas que contrairement ce que nous disions, dans la travail se joue quelque chose de proprement humain?Le mythe en effet propose une conception technicienne de l'origine de la technique et du travail : on les aurait invent comme moyen en vue d'une fin qui en l'occurrence est la survie dans un milieu auquel l'homme n'est pas adapt. Seulement, si tel avait t le cas, l'homme n'aurait en fait pas survcu. Ce qui signifie que si l'homme utilise des techniques et travaille, ce n'est sans doute pas tant parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il le doit pour survivre, mais bien plutt parce que le travail et la technique expriment une spcificit humaine, sont la manifestation d'une des caractristiques de l'homme.1 ) Le travail : une manifestation de la vie de l'homme.Si le travail et la technique sont non pas seulement des ncessits, c'est que l'homme exprime ce qu'il est par eux."On peut distinguer l'homme des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l'on voudra. Eux-mmes commencent se distinguer des animaux ds qu'ils commencent produire eux-mmes leurs moyens d'existence. Ils font l un pas que ncessite leur organisation physique. En produisant leurs moyens d'existence, les hommes produisent indirectement leur vie matrielle elle-mme.La faon dont les hommes produisent leur moyen d'existence dpend d'abord de la nature des moyens d'existence trouvs au dpart et reproduire. Ne considrons pas ce mode de production de ce seul point de vue, savoir qu'il est la reproduction de l'existence physique des individus. Il reprsente plutt dj un mode dtermin de l'activit de ces individus. Une faon dtermine de manifester leur vie, un mode de vie dtermin. La faon dont les individus manifestent leur vie refltent exactement ce qu'ils sont. Ce qu'ils sont concide avec leur production, avec ce qu'ils produisent aussi bien qu'avec la faon dont ils produisent" Marx et Engels. L'idologie allemande.Commentaire : -Pour commencer, ils s'en prennent une conception spiritualiste de l'homme : si on le distingue des animaux par la conscience, il se distingue d'eux par le travail, c'est--dire la production de ses moyens d'existence, c'est--dire encore par le fait qu'il prend en charge sa propre reproduction physique. Ils se placent du point de vue de l'histoire de l'homme et de ce point de vue cherchent dtermins par quoi l'homme s'est d'abord distingu des animaux.-Ils reconnaissent ensuite que le travail doit bien en partie son existence la constitution physique de l'homme et ses besoins spcifiques. En cela, ils donnent du crdit l'ide selon laquelle le travail est une ncessit?-Mais ils dpassent ce point de vue troitement utilitariste qui rend compte de l'origine du travail par son utilit pour la survie en adoptant sue le travail une autre point de vue. Le travail n'est pas seulement une activit par laquelle l'homme assure la subsistance, il est une activit par laquelle l'homme se manifeste comme homme. A savoir : dire que l'homme travaille pour survivre n'est pas l'essentiel. S'il travaille, c'est d'abord parce qu'il est un homme. Si l'homme travaille pour survivre alors que les animaux ne le font pas, cela signifie que l'homme exprime quelque chose de lui-mme et qui est absent chez les animaux dans le travail. Le travail dit ce qu'ils sont : des tres qui non seulement ont pris en charge leur propre reproduction physique, mais qui parce qu'ils sont les seuls le faire de manire systmatique et gnralise, rvlent par cette activit une nature spcifique, des caractristiques propres sans lesquelles le travail n'aurait pas vu le jour. Si l'homme est le seul tre qui travaille, ce n'est pas donc parce qu'il n'avait pas le choix s'il voulait survivre, c'est parce qu'il est l'tre qui le seul avait par nature la possibilit de le faire, les aptitudes qui ont rendu le travail possible. Le travail dit donc en partie ce qu'est l'homme : un tre qui est capable de prendre en charge sa vie parce qu'il est dou des facults qui rendent possible cette prise en charge.Cette analyse est d'ailleurs en grande partie confirme par la palontologie : on voit en effet apparatre simultanment chez les premires espces humaines les outils, le langage et la vie sociale. L'outil, donc la technique et le travail, apparaissent avec la facult de s'exprimer et de communiquer qui est aussi une des facults proprement humaines.L'homme exprime ce qu'il est par le travail, mais au juste qu'elles sont les aptitudes, les qualits, les facults qui sont supposes par le travail et la technique? Qu'est-ce qui dans le travail exprime quelque chose qui est proprement humain? 2 ) Le travail suppose, mobilise et dveloppe des facults humaines.Bergson. L'volution cratrice. L'homo faber. P 387, Hatier LLa technique, le travail et l'intelligence.La technique et le travail supposent l'intelligence de telle sorte que l'on peut dire d'elle qu'elle est essentiellement tourne vers la fabrication et non vers la contemplation, la connaissance de ce qui est.Marx, Le capital, livre 7, dbut : le travail humain.3 ) Le travail : une praxis ?Le travail comme expression de la nature de l'homme, de son intelligence propre, mais aussi le travail comme ce qui mobilise et dveloppe en l'homme des facults, des comptences, des aptitudes qui le rendent digne, accompli, heureux.Il offre la possibilit de s'exprimer, de montrer de quoi on est capable, d'tre fier de soi.II ) LE TRAVAIL : UN RAPPORT ENTRE LES HOMMESA) Comment travaillons-nous?La question de savoir comment nous travaillons, si elle doit sentendre du point de vue de lindividu, signifie : Avec qui travaillons-nous? Le travail ne met pas seulement lhomme en rapport avec le milieu naturel et des objets fabriqus, il met aussi et surtout les individus en rapport entre eux. Le travail suppose et engendre des relations sociales : rapports de collaboration, dlaboration collective dun projet, rapports commerciaux, rapports hirarchiques, rmunrations, ngociations, conflits... A ce titre, le travail est un fait social, cest--dire une activit indissociable de la vie sociale puisquelle suppose et engendre des relations sociales diverses. Cela signifie, du point de vue de lindividu, que le travail se prsente comme une activit socialise, cest--dire inscrite dans la vie sociale au lieu dtre une activit dordre prive ou solitaire et qui donc le met en relation avec dautres individus.Or, en tant que tel, le travail pour lindividu nest pas conu comme une activit qui produit des valeurs dusage. Lindividu pour lessentiel ignore que le travail est une activit par laquelle directement ou indirectement lhomme transforme la nature pour ladapter nos besoins, que le travail est dabord une activit qui met lhomme en rapport avec la nature. En tant que fait social, le travail est conu comme lactivit grce laquelle les individus gagnent leur vie, cest--dire une activit rmunre.Mais ceci n'est valable que pour aujourd'hui et pour le salariat et les services marchands. Il faudrait plutt dire que le travail est une activit qui rapporte quelque chose celui qui travaille, en change de laquelle il obtient quelque chose qui lui permet de vivre : sa production, en partie seulement, un salaire, la vie, la protection... Soit donc, cest le produit de son travail en tant que tel qui est la contre partie du travail, soit, parce que cette production lui est ravie, ce quil obtient en change de la perte du fruit de son travail. Mais, le gain est toujours en rapport avec la vie, la subsistance. Car si cette dfinition conomique et sociale est toujours vraie, cest--dire que le travail est toujours conu par ceux qui travaillent comme une activit en change de laquelle ils obtiennent une rmunration ou une contrepartie, il faut noter quelle nest pas toujours financire. Elle peut correspondre au produit du travail lui-mme pour les conomies dautosubsistance, la protection pour celui qui travaille pour un autre (le serf ou celui qui se fait ranonner par une mafia...), la vie pour lesclave, .... En somme, on ne travaille jamais pour rien ou en change de rien.Lindividu donne au travail une dfinition conomique et sociale, coupe de sa dfinition comme production de valeurs dusage. Il ne voit du travail que son aspect social et conomique et non le fait quil met lhomme aux prises avec le milieu naturel. Les raisons pour lesquelles il travaille occultent la raison dtre du travail, sans rapport avec ses motivations propres.Les individus ne travaillent pas pour produire des valeurs dusage, ils travaillent pour gagner leur vie, pour obtenir en change une rmunration ou une contre partie quelconque. Pour quelles raisons le motif pour lequel ils travaillent est totalement sans rapport avec la raison dtre du travail lchelle de lespce?Lorsquon travaille pour gagner sa vie, on travaille en change dune rmunration avec laquelle on pourra se procurer des biens utiles la survie et la vie, cest--dire des valeurs dusage. Donc, si les individus ne conoivent pas le travail comme production de valeurs dusage, cest parce quils ne consomment pas ce quil produisent ( ou pas tout ce quils produisent ) et consomment des produits quils nont pas eux-mmes fabriqus ( en partie ou en totalit ).Pourquoi ne consommons-nous pas ce que nous produisons, tandis que nous produisons des biens que nous ne consommons pas? Du fait de ce quon appelle la division sociale du travail associe aux changes de biens.1 ) La division sociale du travail.Le travail comme fait social.Platon, livre II de La Rpublique. Commentaire.Lindividu seul ne peut subvenir lensemble de ses besoins : il a besoin des autres comme tels et il a besoin des autres pour survivre. Deux types de besoins : les besoins naturels et le besoin de vie sociale, de compagnie.Cette insuffisance soi des individus se traduit par leur ncessaire collaboration, cest--dire donc par la division sociale du travail. La ncessit de travailler pour satisfaire nos besoins se trouve donc ainsi lorigine de la vie sociale dans la mesure o cette ncessit, lindividu seul ne peut y pourvoir.En quoi consiste la division sociale du travail?Ce qui est divis, ce sont les travaux. Les individus, au lieu deffectuer tous les travaux ncessaires nen effectue quun seul dans lequel ils se spcialisent. Cette spcialisation individuelle se fait selon deux critres qui sont tous issus de la nature :- Les besoins naturels des individus. A chaque besoin correspond un travail.- Les aptitudes naturelles de chacun. A chaque type daptitude correspond un travail prcis. Gage defficacit du travail.La division sociale du travail en reste-t-elle l?On assiste une complexification progressive de la division sociale du travail. Pourquoi? Parce que de nouveaux besoins apparaissent qui ne sont pas des besoins naturels des individus, mais des besoins propres certains travaux ou certains travailleurs, comme le besoin doutils. Il ne sagit l plus de besoins au sens premier du terme, cest--dire de besoins quil faut satisfaire afin de pouvoir survivre et vivre, mais de besoins compris comme ce qui est ncessaire la ralisation dune fin fixe lavance, comme moyens en vue dune fin. De nouveaux travaux apparaissent donc, ceux qui produisent des biens qui ne sont pas directement utiles la vie des individus, mais leffectuation de certains travaux qui eux servent produire des biens consommables. Il nen reste pas moins que ces travaux produisent des valeurs dusage puisque les biens quils produisent sont utiles, dabord pour dautres travailleurs, et en dernire instance la vie des individus.Cela signifie que si au dbut, tout le monde travaille pour tout le monde, y compris soi-mme et dans le but de satisfaire des besoins naturels, pour finir, on ne travaille plus pour soi et pour seulement quelques autres et plus ncessairement pour satisfaire des besoins naturels.Si on radicalise cette analyse, il est possible de comprendre que la totalits des travaux ou des mtiers qui existent dans une socit donne peuvent tre compris comme des lments particuliers de la division sociale du travail qui prvaut dans cette socit, aussi complexe soit elle. Aucun travail nest isolable dun ensemble de travaux dans lequel il prend place titre de production dun bien ou dun service utiles quelque chose, ne serait-ce qu un autre travail ou un besoin quon pourrait trouver superflu, comme celui de se distraire.Quel est lintrt de la division sociale du travail?Elle ralise lchelle du groupe social la suffisance soi impossible lchelle individuelle. Quoique le commerce entre divers groupes sociaux soit en fait ncessaire pour pourvoir lensemble des besoins.Il faut toutefois observer deux choses.- Si la division sociale du travail permet grce aux besoins et aux dispositions naturelles ou acquises de penser lorganisation gnrale dune socit et le travail comme fait social, elle nexplique pas tout delle. En effet, il faut observer dune part que la totalit des individus ne sont pas intgrs cette division sociale du travail quand bien mme ils sont en ge de travailler : certains ne travaillent pas parce quils ne trouvent pas de travail, dautres exercent des professions, des mtiers ou ont des activits dont lexistence ne sexpliquent pas par la prsence dun besoin social correspondant trs clair : les hommes politiques, ecclsiastiques, rentiers, mais aussi, nobles, seigneurs, matres desclaves. Leurs activits ne sintgrent pas dans la division sociale du travail dans la mesure o elles ne produisent pas des effets ou des biens qui correspondent un besoin naturel ou un besoin social.Il faudra donc se demander quelle place et quelles fonctions ont ces individus ou ces activits dans le cadre du travail comme fait social. Il est en effet tonnant et remarquable quils ne soient pas intgrables dans la division sociale du travail. Leur existence, sans ruiner lide de division sociale du travail elle-mme, va peut-tre nous obliger rviser notre conception de la naissance de la vie sociale partir du seul travail.- Il apparat aussi que cette analyse de la division sociale du travail implique que tous ceux qui travaillent disposent du produit de leur travail, quils peuvent ou consommer ou vendre. Or, ce nest pas toujours vrai : aujourdhui, la plupart de ceux qui travaillent ne disposent pas du produit de leur travail, en change de leur travail, ils touchent un salaire, qui leur permet de se procurer des biens consommer. La salariat, sans non plus ruiner lide de division sociale du travail, achve en quelque sorte le processus de complexification de la division sociale du travail, en ce sens quil distingue ceux qui travaillent de ceux qui changent les produits du travail. On y reviendra plus tard, avec la notion de division technique du travail, insparable du salariat.Que peut-on conclure de cette caractristique du travail comme fait social compte tenu de nos problmes?Ne faut-il pas soutenir que la division sociale du travail est une cause de la soumission de lindividu lorganisation collective du travail, la collectivit? Puisque lindividu ne peut pas se suffire lui-mme, puisque lautonomie nest possible qu lchelle de la collectivit, tous les individus sont dans la ncessit de sintgrer dans cette division sociale du travail, dy trouver une place pour concourir lautonomie collective et donc titre de membre de la collectivit, sa survie individuelle. Lindividu ne peut survivre que sil accepte de prendre sa place dans la division sociale du travail. A ce titre, il est soumis lordre social.Mais, la division sociale du travail ne permet pas elle seule de crer les conditions de lautonomie de la collectivit, elle doit en outre tre accompagne dchanges puisquon ne consomme pas (tout) ce que lon produit et que lon ne produit pas (tout) ce que lon consomme. Les changes sont lenvers de la division sociale du travail. Mais quest-ce quon change. Et comment fait-on pour changer des biens de manire quitable?2 ) Les changesQuest-ce quon change? Ce quon produit. Quest-ce quon produit? Des valeurs dusage, cest--dire quelque chose dutile quelque chose et qui vaut en fonction de son utilit.Peut-on changer de manire quitable des valeurs dusage comme telles?Prenons un exemple. Se loger et se nourrir sont des besoins aussi fondamentaux lun que lautre. Par consquent, les produits qui servent satisfaire ces deux besoins ont un gale valeur dusage puisquils sont galement utiles la vie. Seulement, peut-on considrer quil est juste ou quitable dchanger une maison contre un repas ou une maison contre des repas vie? Non, spontanment, ces deux changes ne semblent pas quitables. Il sensuit que les produit que nous changeons, ce nest pas en tant quils sont des valeurs dusage que nous les changeons, mais en tant que valeurs dchange.a ) La valeur d'changeCest Aristote qui est lauteur de la distinction entre la valeur dusage et la valeur dchange, qui en a la paternit intellectuelle, mais pas celle des expressions utilises qui sont beaucoup plus tardive. La Politique, Livre I.Un bien peut tre produit soit pour tre consomm soit pour tre chang. Ultimement, cest tout de mme pour tre consomm quil est produit, mais comme on ne consomme pas tout ce que lon produit, celui qui produit quelque chose peut le faire en vue de lchanger.Tous les biens qui sont produits, parce quils peuvent tous tre consomms ou changs ont la fois une valeur dusage et une valeur dchange.Ils ont une valeur dusage en tant quils sont consommables, cest--dire en tant quils sont utiles, quils peuvent satisfaire un besoin. Cette valeur est fonction de lutilit, donc de la nature et de limportance du besoin quil peut satisfaire.Mais, ils ont aussi une valeur dchange en tant quils sont changeables. Cette valeur dchange nest pas mesure en fonction du besoin, de lutilit du bien en question, mais en fonction des autres biens changeables. La valeur dchange de la maison, cest par exemple le nombre de paires de chaussures contre lesquelles il est possible de lchanger. Cela signifie quon nchange pas des valeurs dusage quivalents, mais des valeurs dchange quivalentes. Mais, comment tablit-on des quivalences entre la quantit de tel produit et une quantit de telle autre produit?Aristote explique quil ny a pas de critre objectif qui permettent dinstaurer un systme gnral dquivalences absolument justes, que le seul critre, cest finalement lentente de ceux qui changent. Lorsque ceux qui changent des biens parviennent se mettre daccord entre eux, sans user de pression, cest quon doit tre proche dun change parfaitement quitable.Cest lapparition de lide de valeur dchange qui comme lexplique Aristote va tre lorigine de la cration de largent. Largent cest une valeur dchange symbolique ou la symbole de la valeur dchange. Symbole, parce que largent a une valeur dchange conventionnelle, cest--dire en lui-mme aucune valeur dusage et aucune valeur dchange, ou des valeurs dusage et dchange sans aucun rapport avec la valeur quil reprsente ou symbolise. La valeur dusage et dchange dune pice dor ou dun billet pris en eux-mmes est trs infrieure ce quils permettent dacheter.Toutefois, mme si la valeur dchange peut tre reprsente par largent sous une forme symbolique, il ne faut pas confondre le prix dune chose et sa valeur dchange dans la mesure o la valeur dchange est fixe en fonction des autres produits contre lesquels il peut tre chang dune manire juste, alors que les prix eux sont fixs en fonction de loffre et de la demande, et donc en fonction de la raret ou labondance de loffre par rapport celles de la demande. Pour autant, la valeur dchange nest pas sans rapport avec le prix, elle est en tout cas plus proche du prix que la valeur dusage qui elle est sans rapport avec lui. On peut dire, comme le dit Marx, que la valeur dchange est le pivot autour duquel fluctue le prix en fonction de loffre et de la demande, sur une longue priode.On peut toutefois trouver insuffisante la dfinition de la valeur dchange, trouver que sa mesure est imprcise parce quelle est laisse lapprciation des individus qui changent, ce qui nest pas trs sr.Nest-il pas possible de mesurer de manire objective cette valeur dchange?b ) La mesure de la valeur d'changeOn sest mis se demander comment se mesurait la valeur dchange en rflchissant sur la richesse. En quoi consiste la richesse? Quest-ce qui fait la richesse dun pays ou dune personne. Spontanment, on est tent de rpondre la quantit dargent possde. Cest aussi la rponse dont on sest content pendant longtemps.Seulement, le destin de lEspagne et du Portugal a conduit comprendre quil nen tait rien. Avec la colonisation des Amriques, ces deux pays ont imports de grandes quantit dor et dargent qui sous forme de lingots servit comme argent, symbole de la valeur dchange. Or, ces deux pays se sont rapidement appauvris. Pourquoi? Parce que laccroissement de la quantit dargent en circulation a caus de linflation, cest--dire une dprciation de largent : il fallait de plus en plus dargent pour acheter la mme quantit dun mme bien. Baisse du pouvoir dachat de largent telle que cette accroissement de la quantit dargent en circulation na pas vraiment permis daccrotre la richesse des individus, richesses sous formes de biens changeables. Autre raison : avec largent, ces pays ont import des biens fabriqus ltranger, ce qui a vid les caisses des ces Etats et rempli celles de leur fournisseurs trangers. Donc, la richesse ne consiste pas en la possession de grande quantit dargent. Alors sur quoi se fonde la richesse? Comment lvaluer?Elle repose sur le travail! Plus prcisment sur le temps de travail ncessaire la production dun bien.Telle est la rponse apporte par lconomie politique classique, partir dAdam Smith et son Enqute sur la nature et les causes de la richesse des Nations.Soient deux travaux qui exigent les mmes comptences et les mmes efforts : la chasse au castor et la chasse au daim. Si, dans le temps ncessaire pour tuer deux daims on ne peut tuer quun seul castor, alors en valeur dchange, un castor vaut deux daims, ou ce qui revient presque au mme, le prix du kilo de castor sera le double de celui du daim.Cest ce qui explique que le prix, quon peut identifier sous certaines conditions la valeur dchange, nest pas en rapport avec la valeur dusage des biens. Un bien qui a une faible valeur dusage comme les diamants cote cher parce quil faut beaucoup de temps de travail pour le trouver, lextraire, le tailler... et produire les outils et les machines qui permettent de le faire. A linverse, un bien qui a une trs haute valeur dusage comme le pain peut avoir un faible prix lorsque le temps de travail ncessaire pour le produire est court.Cest le temps de travail social moyen qui permet de mesurer la valeur dchange des biens de manire objective, et donc cest sur le travail que se fonde la richesse. Largent ne vaut que le temps de travail ncessaire produire les biens quil permet de se procurer. La valeur de largent est fonction du temps de travail ncessaire pour produire les biens contre lesquels il peut tre changs. Elle nest donc pas fonction de sa quantit ou dune valeur intrinsque. Largent, cest du temps de travail.3 ) Reformulation des contradictions.Si le travail est dfini comme fait social, les contradictions rencontres prennent une autre dimension : en tant que fait social, le travail est-il cause dune servitude sociale ou est-il la condition de lindpendance sociale des individus? En tant que fait social, rend-il possible le dveloppement de soi ou est-il la cause dune dnaturation? Cause de nos malheurs ou condition du bonheur?En somme, les contradictions sont cette fois socialement dtermines.Et si le travail est aussi dfini comme fait technique, il est possible de reformuler lensemble des contradictions rencontres de ce point de vue. Le fait que le travail soit un fait technique et quil soit lobjet de certaines techniques nen fait-il pas une activit asservie? Asservie par les machines ou par les techniques de gestion du personnel, des ressources humaines? Ou, au contraire, cela nen fait-il pas une activit libre dun grand nombre de contraintes, grce aux machine qui soulage lhomme des travaux les plus pnibles, qui remplace lhomme et le libre du travail ou grce des techniques dorganisation du travail qui le rendent moins asservissant? Le fait quil soit un fait technique nen fait-il pas une activit dnaturante, mutilante du fait de la rptitivit des gestes accomplir en cadence avec la machine, de la mcanisation du travail donc ou au contraire une activit qui rend possible laccomplissement de soi en ce quainsi le travail valorise et encourage lingniosit de ceux qui travaillent, leur permet dacqurir des comptences nouvelles et valorisantes? La cause de nos malheurs ou la condition du bonheur?B ) Le travail comme fait social : condition de l'indpendance individuelle?3 ) La socit marchande fait-elle le bonheur?La division sociale du travail ainsi que les change qui lui sont corrlatifs sont-ils pour lindividus des causes dasservissement au travail comme fait social ou bien un moyen de parvenir une certaine indpendance sociale? De plus, lindividu y trouve-t-il les conditions de son panouissement ou la cause dun appauvrissement, dune mutilation?A premire vue, lindividu a plus perdre qu gagner dans cette organisation sociale du travail puisquil doit sintgrer elle, y trouver une place, afin dassurer sa survie. Il doit se sacrifier lensemble de la collectivit pour pouvoir en retour vivre, consommer.Mais, peut-on en rester ce point de vue? Lindividu ny gagne-t-il rien? Ne fait-il que se sacrifier?a ) Intgration et indpendance socialesDune part, cette intgration la division sociale rend possible lintgration sociale de lindividu ou lui pargne lexclusion sociale qui commence toujours par lexclusion du travail qui le prive dune part importante de sa vie sociale, puis de ressources qui permettent la fois de consommer et de rencontrer les autres dans la mesure o pour beaucoup les contacts sociaux passent par des actes de consommation, actes par lesquels entre autre lindividu peut accder une certaine reconnaissance sociale.Rq : La reconnaissance sociale, donc lintgration sociale, passe en effet beaucoup plus par la consommation que par le travail aujourdhui.Dautre part, cette intgration dans la division sociale du travail est la condition de lindpendance financire des individus lgard des autres. Cette indpendance financire est souvent la condition de son indpendance sociale : le travail libre de la tutelle de ceux qui subviennent nos besoins, parents, poux, matres, bienfaiteur charitable, Etat.Mais, ce nest pas tout. Lindividu obtient de la division sociale du travail une indpendance sociale immdiate, qui ne passe pas par la rmunration du travail, par lindpendance financire.Rq: Il faut en effet noter que la division sociale du travail soppose aux formes non-socialises dorganisation du travail, cest--dire au travail maintenu dans la sphre prive, celle du matre desclaves, de serfs ou de la femme au foyer. Ou encore, la division sociale du travail nest pas une rpartition sociale du travail effectue par ceux qui ont acquis du pouvoir sur les autres et qui sattribuent les travaux les plus gratifiants ou se dispensent de travailler pour vivre des fruits du travail des autres. Ce qui signifie que le concept de division sociale du travail nest pas seulement limit quant sa puissance clairante en cela quil ne rend pas compte du fait que certains ne travaillent pas ou du salariat, il occulte la ralit foncirement servile du point de vue social du travail, servilit qui ne renvoie pas du tout la soumission une collectivit, mais ceux qui distribuent les travaux et qui ne sont pas intgrs cette organisation du travail. La division sociale du travail est dj une division technique du travail au service de ceux qui ne travaillent pas. Elle nest pas le fruit dune heureuse autorgulation du social, mais un mode dorganisation sociale qui porte lempreinte dun pouvoir organisationnel qui est extrieur au travail lui-mme.Ce qui permet de dire que le concept de division sociale du travail tel quil est utilis par la plupart des auteurs a une fonction idologique plus que cognitive en cela quil occulte les relations de pouvoir observables au sein mme du travail par opposition au pouvoir extrieur lui, pouvoir social ou politique.Cf : Adam Smith. La division sociale du travail et les changes sont les conditions de lindpendance individuelle du fait de linterdpendance de tous avec chacun.Il oppose deux types de dpendance : la dpendance politique ou socio-politique et la dpendance conomique ou socio-conomique. Par dpendance, il faut entendre le fait dtre soumis quelquun dautre, son commandement, ses ordres et ses caprices. Avec la premire, tous dpendent de quelques uns ou dun seul la merci desquels ils se trouvent en presque toute chose. Avec la seconde, chacun dpend de tous les autres puisque par la division sociale du travail le travail de chacun est ncessaire directement et indirectement tous les autres. Or, puisque chacun dpend de tous et tous de chacun, on ne risque pas dtre sous la dpendance de quelquun en particulier, cest--dire assujetti par quelquun. Parce que tous dpendent de nous autant que nous dpendons de tous les autres, chacun est comme indpendant. Dpendre de tous, cest ne dpendre de personne en particulier, cest donc tre comme absolument indpendant.Linterdpendance de tous garantit une sorte dindpendance pour chacun. Les liens conomiques horizontaux garantissent une indpendance que les liens politiques et sociaux verticaux nient.Mais, il y a plus. La division sociale du travail ne rend pas seulement les individus comme indpendants les uns lgard des autres, elle rend aussi possible lautonomie individuelle.A quoi tient linterdpendance des individus dans le cadre de la division sociale du travail? Au fait quils nexercent pas tous le mme travail, quils ont des professions diffrentes les uns des autres. Donc, au fait quils se diffrencient tous les uns des autres par leurs activits propres. Linterdpendance est leffet des diffrenciations individuelles.Ce qui implique que plus la division sociale du travail est pousse, plus la palette des mtiers existants est large, plus donc lindividu a le choix, a de possibilits de choisir, la libert de se dterminer pour une des professions existantes dans la division sociale du travail.Mais, cela implique aussi que plus la division sociale du travail est forte, plus la cohsion sociale est forte elle aussi et plus lintgration sociale des individus est assure.Cf: E. Durkheim. De la division du travail social. Il distingue deux types de solidarit sociale.- Solidarit mcanique : solidarit sociale dans les socits o la division sociale du travail est trs faible. Dans ce type de socit, la cohsion sociale est assure par lhomognit des comportements, linterdiction de se diffrencier, de se distinguer dans ses choix, ses comportements. Tous doivent faire peu prs la mme chose. La cohsion sociale tient cette uniformit sociale.Ex : les socits dites primitives dans lesquelles tous se livrent en mme temps aux mmes activits, comme la chasse par exemple.- Solidarit organique : solidarit sociale dans les socits o la division sociale du travail est trs pousse. Dans ce type de socit, la cohsion sociale est assure par la diffrenciation sociale et professionnelle des individus. Cette solidarit est celle de linterdpendance entre eux des individus.Ex : les socits dites industrialises.Or, ce qui est remarquable, cest que la solidarit organique est bien plus forte que la mcanique. Les socits o la division sociale du travail est trs pousse sont des socits quon peut comparer un corps biologique dans lequel toutes les parties sont lies entre elles de telle sorte que toutes sont ncessaires lensemble.Cela signifie pour lindividu que dans ce cadre, il est invit se diffrencier autant quil le veut des autres dans le cadre de sa profession, quil peut affirmer ses diffrences sans prjudice pour le corps social. Plus ils seront diffrents, plus la socit sera cohrente.Cela signifie donc, que non seulement lindividu est rendu comme indpendant par linterdpendance que la division sociale du travail instaure, mais quen plus, il peut affirmer ses diffrences, se diffrencier. On pourrait presque dire quil y a de la place pour tout le monde, toutes les diffrences peuvent trouver une manire de sexprimer et quen plus cette affirmation de ces diffrences concourt rendre la socit encore plus cohrente.Seulement, et Durkheim le reconnat, lindividu na pas conscience de cette solidarit sociale qui repose sur la diffrenciation forte des individus. Il naperoit pas la belle cohsion sociale cause par la division sociale du travail.Mais, cette thse qui soutient que la division sociale du travail tend rendre les individus indpendants et libres de se diffrencier, occulte lexistence de relation de pouvoir au sein mme du travail, relation de pouvoir que rvle lexistence de conflits sociaux autour du travail. Relation de pouvoir qui au sein mme du travail contraste avec lindpendance sociale acquise grce lui.La faiblesse de cette thse est de ne pas pouvoir rendre compte de ces conflits autour du travail, donc des relations de pouvoir qui se trouvent au sein du travail.b ) Le problme des conflits sociaux.Lexistence de conflits sociaux, comme les grves, les rvoltes paysannes ou celles des esclaves ( Spartacus), et mme sous certains aspects, les rvolutions politiques, rvlent la prsence au sein du travail de jeux de pouvoir, de rapports de force entre ceux qui travaillent et dautres personnes qui exercent dautres mtiers ou qui ne travaillent pas.Pourquoi? Parce que les conflits opposent ceux sur lesquels sexercent un pouvoir quils trouvent injuste ceux qui disposent de ce pouvoir. Sans lexistence de rapport de pouvoir, il ny aurait pas de conflits.Or, prcisment, nous avions dj observer que la division sociale du travail ne rendait pas compte non plus de lexistence ou des activits de certaines personnes qui ne travaillaient pas ou qui ne produisaient pas des biens ou des services utiles des besoins sociaux.Cela nous oblige rviser notre jugement au sujet du travail comme fait social. Nous avions soutenu avec Platon que la division sociale du travail tait lorigine de la vie sociale et de son organisation. Seulement, cette conception de lorigine et de la structure de la vie sociale ne rend pas compte de lensemble des aspects de cette vie sociale. Aussi, faut-il se demander si, linverse de ce que nous avions soutenu, ce ne sont pas des relations de pouvoir qui sont lorigine de la vie sociale et de lorganisation du travail.C ) Le travail comme fait social et technique : la cause de nos malheurs?1 ) Le travail est-il servile?Est-il exact de soutenir que les besoins, le travail et la collaboration entre les individus dans le cadre de la division sociale du travail est lorigine de la vie sociale? Lexistence de relation de pouvoir au sein de la vie sociale et du travail lui-mme nindique-t-il pas au contraire que ce qui est premier ou fondateur, ce sont les relations de pouvoir et que le travail et son organisation selon la division sociale du travail une consquence des rapports de pouvoir entre les individus? Le travail nest-il pas dabord une activit servile en ce sens quil est toujours le lot de lesclave, de celui qui dans les relations de pouvoir qui tissent la vie sociale se trouve soumis son exercice? Le travail nest-il pas une activit si pnible au fond quon la confie ceux auxquels on a le pouvoir de limposer?Il nous faut donc envisager une autre gense de la vie sociale, une gense qui pose la prminence des relations de pouvoir sur le travail.a ) Matre et esclave.La dialectique du matre et de lesclave, Hegel, La phnomnologie de lesprit.1- Lhomme se distingue de lanimal en ce quil a une conscience, quil appartient non seulement la nature mais aussi lesprit.2 - Cela se manifeste par une diffrence qui porte dabord sur le dsir, sur lobjet du dsir chez lanimal et chez lhomme.- Le dsir animal porte sur des objets consommer.- Chez les humains, le dsir a deux objets : les objets consommer puisque les hommes sont aussi animaux, mais surtout il porte sur un autre dsir. Le propre du dsir humain, cest de porter sur un autre dsir, cest--dire que lhomme dsire non seulement des choses, mais il dsire tre dsir.Ainsi par exemple, on ne peut pas rduire lamour ou le dsir amoureux un dsir qui na que le corps de lautre comme objet et le plaisir pour but, il est surtout dsir dtre dsir par lautre. Aimer, cest aussi dsirer tre dsir. Do la sduction qui est lactivit par laquelle celui qui dsire cherche se faire dsirer et, ce qui est plus, faire dsirer par lautre son propre dsir. On dsire que lautre nous dsire, cest--dire quil dsire notre dsir.Mais, pour lessentiel, le dsir comme dsir dtre dsir se manifeste par le dsir dtre reconnu par un autre. Etre dsir par un autre, cest dabord tre reconnu par lui comme tre humain au lieu dtre tenu pour une chose ou un animal, comme une personne au lieu dtre un simple individu quelconque, comme un tre dou de certains mrites au lieu dtre quelconque, sans intrt... Ce qui nous dsirons, parce que le sentiment ou lide de notre propre existence ou de nos propres mrites ne suffit jamais donner la conscience que lon a de soi toute la consistance, lobjectivit que lon souhaite, cest que les autres reconnaissent notre existence, nos mrites par leur attention, leur estime, leur affection, leurs jugements... Sans cette reconnaissance, je ne suis jamais sr davoir raison de maccorder ce que je maccorde, jusqu mon existence. Celui qui nest reconnu par personne peut se croire fou ou mme se persuader quil nexiste pas.3 - Seulement, et cest tout le problme, le plus souvent, cette reconnaissance nest pas spontane. Il ne suffit pas de croiser quelquun dans la rue pour reconnatre en lui un tre qui a certains mrites, qui vaut attention ou affection... Etre reconnu ne va pas de soi, il faut obtenir cette reconnaissance, la mriter, larracher au besoin lautre. Pour tre valoris par les autres, il est ncessaire de faire valoir ses mrites auprs deux.4 - Or, rduire son expression la plus primitive historiquement et psychologiquement, ce dsir de reconnaissance se manifeste sous la forme du conflit, du combat. Cest par le conflit que lon cherche obtenir la reconnaissance des autres. Mais, il ne sagit pas de lobtenir en forant lautre nous reconnatre par la violence, cela nest pas possible et mme, cest contraire leffet recherch dans la mesure o il est difficile destimer quelquun qui fait usage de la violence notre gard.O peut conduire ce combat et quel sens a-t-il? Comment peut-il permettre la reconnaissance?Sous sa forme brute, ce combat est un combat mort qui peut donc conduire la mort de lun ou lautre des protagonistes ou des deux protagonistes. Mais il peut aussi se conclure par labsence dissue claire ou par la victoire de lun sur lautre.A quelles conditions lun deux lemporte sur lautre? A condition que lun dentre eux dcide de se rendre, de renoncer, dabandonner le combat. Pourquoi le fait-il? Parce quil a peur de lissue du combat, parce quil a peur de mourir. En cela, il est proche de lanimalit qui se dfinit par laffirmation de la vie en toute circonstances. Lanimalit ignore la ngation de soi, le suicide.Ou, ce qui revient au mme, condition que lun dentre eux manifeste quil na pas peur de la mort, quil est prt aller jusquau bout, en connaissance de cause, quil est prt prendre le risque de mourir plutt que de se rendre, dabandonner. Celui-l a dpass le dsir animal qui est dsir de vivre, il sest affirm comme tre capable de renoncer la vie plutt qu la reconnaissance. Or, en faisant cela, en dpassant la peur de la mort, le dsir de vivre, il a montr son courage, son appartenance la vie spirituelle, une autre vie que la vie animale. En faisant cela, il sest montr digne dtre estim, reconnu. De sorte quil nest pas seulement vainqueur dun combat, il est aussi digne dtre reconnu par celui quil a vaincu. Non en tant que victorieux, mais en tant quil a brav la peur de la mort, en tant que courageux.5 - Consquences?Le vainqueur obtient du vaincu la reconnaissance quil cherchait. Cest le fruit de sa victoire. En revanche le vaincu, parce quil a eu peur de la mort na pas la reconnaissance du vainqueur. Il devient lesclave du vainqueur. Lissue du combat est donc une reconnaissance unilatrale et lasservissement du vaincu. Le dsir de reconnaissance, qui a conduit au combat, se traduit finalement par la cration dun rapport hirarchique entre un matre et son esclave que le matre fait travailler pour lui. Ce qui est premier, cest une vie sociale hirarchise, faite de la domination des uns sur les autres qui se traduit par la mise au travail force de ceux qui sont domins socialement et souvent aussi politiquement. La vie sociale prcde et dtermine lexistence du travail.Platon disait que ctait le besoin des autres et nos besoins naturels qui dterminaient lorigine de la Cit, mais en accordant la satisfaction des besoins la priorit sur le besoin de vivre en compagnie des autres. Si par besoin de vivre avec les autres on entend la besoin dtre reconnu par eux et quon lui accorde la priorit, alors la vie sociale, comprise comme de lordre du conflit et de la domination prcde et dtermine lorganisation sociale du travail. (Hegel dira que l'Etat "contient", en deux sens, la violence. C'est Nadine qui ajoute !!!)Quest-ce que tout cela signifie? Que la division sociale du travail nexiste pas? Non, elle existe, mais elle nest peut-tre pas le fruit dune dcision collective prise par tous ceux qui travaillent, mais une forme dorganisation sociale du travail impose par ceux qui dominent socialement et politiquement. En somme la division sociale du travail pourrait bien tre leffet dune organisation et dune distribution sociales des travaux par ceux qui dominent et qui saccordent eux-mmes soit les travaux les plus gratifiants, comme les travaux de direction ou qui se dispensent de travailler. Lide selon laquelle les travaux seraient attribus selon les aptitudes et les comptences serait alors en ralit partiellement inexacte : la distribution des travaux se ferait aussi en fonction de critres sociaux. De sorte quun tre comptent ou dou mais soumis exercera une activit laborieuse sans rapport avec ses mrites et inversement.RQ : Ce qui conduit bien lide selon laquelle la division sociale du travail est en fait une division technique du travail dans la mesure o elle est une organisation sociale du travail qui permet doptimiser la production et donc de produire plus que ce qui est ncessaire la subsistance de ceux qui sont les seuls travailler. Il sagirait dun procd par lequel ceux qui ont le pouvoir assurent leur propre subsistance sans avoir travailler.Mettons cette ide lpreuve des faits, de lhistoire. Quobserve-t-on? Quon retrouve effectivement cette hirarchie sociale en laquelle ceux qui disposent dun pouvoir quelconque ne travaillent pas tandis que ceux qui leur sont soumis travaillent pour eux-mmes et pour ceux qui les dominent.b ) Les modes de production.Que lide tire de la dialectique du matre et de lesclave de Hegel selon laquelle la hirarchie sociale prcde et dtermine lorganisation et la distribution des travaux concide parfaitement avec le monde antique, monde o les travaux sont effectivement confis aux esclaves tandis que les hommes libres, pour ce qui concernent les aristocrates au moins ne travaillaient pas, cela ne doit pas nous tonner, puisque ce passage de la Phno fait implicitement rfrence cette poque. Mais pour le reste, quen est-il?Marx et Engels, Le manifeste du parti communiste.Historiquement, diffrents modes de productions se sont succds dans le cadre de la socit marchande, instaurant des rapports de production correspondant : le mode de production antique, esclavagiste qui oppose les hommes libres qui pour lessentiel ne travaillent pas et les esclaves qui travaillent ; le mode de production fodal, qui repose sur le servage et qui oppose les nobles et le clerg qui ne travaillent pas aux serfs qui travaillent et font vivre ceux qui ne travaillent pas ; enfin le mode de production capitaliste, celui que nous connaissons encore.Il apparat que les deux premiers modes de production ont instaur des rapports de productions qui illustre lide selon laquelle le travail est servile socialement au sens o ce sont ceux qui socialement et conomiquement sont domins qui seuls travaillent et travaillent pour assurer la subsistance de tous, y compris de ceux qui ne travaillent pas.Quen est-il du mode de production capitaliste? Na t-il pas mis fin au caractre servile du travail? Apparemment, cest le cas : il ny a plus desclaves, ni de serfs. ( encore que cela dpend de lendroit o on se trouve, il existe encore des esclaves, sous une forme certes assez diffrentes de celle rencontre dans lAntiquit dans la mesure o les individus rduit ltat desclave ne sont pas rellement la proprit dautres individus, mais ils sont dans une telle situation de dpendance leur gard, quils sont comme des esclaves.)Mais, en quoi au juste consiste le mode de production capitaliste? En quoi se distingue-t-il des autres modes de production? Comparons le au mode de production artisanal, toujours plus ou moins prsent dans la socit marchande quoiquil ne soit jamais dominant.Ce qui caractrise le mode de production artisanal, cest que lartisan, cest--dire celui qui travaille, est le propritaire la fois de lensemble des moyens de production et du produit de son travail. A ce titre, il peut organiser son travail comme il lentend. Il est le matre de son travail.Par comparaison, le mode de production capitaliste prsente les traits exactement inverse : celui qui travaille ne dispose pas des moyens de production, du produit de son travail et norganise pas son travail comme il le souhaite.En somme, ce qui caractrise en propre ce mode de production, cest la sparation entre le capital et le travail : il y a dun ct ceux qui dispose du capital et de lautre ceux qui sont disposs travailler.Le capital, un capital, cest une forte somme dargent investie dans des moyens de production ( outils, machines, locaux...), des matires premires ou nimporte quelle chose transformer sous une forme ou sous une autre par du travail et qui sert au moins au dbut rmunrer des salaris.Le travail, cest celui que peut effectuer un individu grce ses aptitudes physiques ou ses comptences acquises. Il ne dispose que de cette aptitude au travail, cest--dire dune force de travail qui peut tre utilise pour effectuer te ou tel travail.Cela signifie quavec le mode de production capitaliste va apparatre un march dun nouveau genre, un march sur lequel on nchange pas des biens ou des services contre dautres biens ou dautres services ou contre de largent, mais un march sur lequel des travailleurs vendent leur force de travail contre un salaire, avec lequel le salari va pouvoir subvenir ses besoins : le march du travail.Historiquement, la sparation du capital et du travail, lapparition dun march du travail date de la fin du 17ime sicle et na fait que gagner petit petit lensemble des activits conomiques depuis. Mais, tous les secteurs de lconomie ne sont pas concerns : pas les travailleurs indpendants ou les professions librales, pas les artisans ou les commerants indpendants, pas les agriculteurs qui ne sont pas salaris agricoles. Mais dans tous ces secteurs, le salariat est prsent : grande distribution, entreprises agricoles avec des salaris saisonniers ou non, cabinets mdicaux ou davocats , mdecine publique...Outre cet aspect, par quoi va se manifester le mode de production capitaliste? Par lapparition dune nouvelle forme dorganisation du travail quon appelle la division technique du travail. En somme, ce qui caractrise le mode de production capitaliste, cest--dire la sparation du capital et du travail, cest dune part le salariat et dautre part la division technique du travail. Ce sont ces deux aspects de ce mode de production quil faut examiner pour savoir si ce mode de production a mis fin la servitude du travail ou si au contraire, cette servitude existe toujours sous dautres formes.2 ) Le salariat et la division technique du travail : facteurs d'alination?a ) La division technique du travailEn quoi consiste la division technique du travail? Pour commencer, il faut prciser quelle ne remplace pas la division sociale de travail, mais sy ajoute. Comparons les pour comprendre la premire.La division sociale du travail repose sur les deux principes suivants : chaque besoin social correspond un mtier et chaque individu nexerce quun seul mtier en mme temps. Son but est dassurer lchelle de la collectivit ce que lindividu seul ne peut pas raliser : assurer la subsistance de tous, y compris celle de ceux qui ne travaillent pas.La division technique du travail consiste elle faire collaborer plusieurs personnes dans la production dun seul et mme bien qui correspond un besoin social dtermin, chacun neffectuant quune partie de la production de ce bien. Ce que la division technique du travail divise, cest le processus de production, en diffrentes taches successives et distinctes non pas par la comptence ou le mtier de celui qui travaille, mais seulement du point de vue de ce processus productif.Il faut observer que la division technique du travail existe aussi en dehors des activits productives, dans les services par exemple. Dans une entreprise de transport, de restauration rapide ou non, dans la distribution, lenseignement, la gestion dune entreprise..., on rencontre aussi cette collaboration de plusieurs dans la production du service marchand ou non.Exemple de division technique du travail. Adam Smith, la fabrique dpingles.On distingue dans le processus de fabrication dune pingle 18 oprations successives et on confie une ou deux oprations une seule personne. La production de cette fabrique dpingle, compare une autre qui emploie le mme nombre de personnes, mais o on na pas divis le travail de cette manire, cest--dire dans laquelle chacun fait une pingle du dbut jusqu la fin, est mille fois suprieure. La division technique du travail a multipli par mille la productivit du travail.Comment? En supprimant les temps morts entre chaque opration, en accroissant la vitesse d'excution de chacune dentre elle grce leur rptition lidentique et lhabilit acquise par elle.Cela signifie que la force de travail des individus peut effectuer plus de travail lorsquelle est organise de cette manire que lorsquelle ne lest pas. La puissance productive du travail collectif nest pas gal la somme des puissances productives de chacun.Quel est le but de cette nouvelle organisation du travail?Si la division sociale du travail visait assurer la subsistance de lensemble des individus, la division technique du travail elle ne vise qu laccroissement de la production et de la productivit, donc na de sens que par rapport laugmentation du profit, cest--dire du rapport entre ce que cote la production, en moyens de production et en salaire, et ce quelle rapporte celui qui la commande. Dans un premier temps simplement grce laugmentation du volume de la production, pour couvrir une demande plus forte que loffre, dans un deuxime temps, pour abaisser les cots de production des biens, afin de gagner de nouvelles parts de march. Cf : la baisse tendancielle du taux de profit.La division technique du travail ne sert qu rendre le capital investi le plus productif possible, cest--dire ne sert qu faire en sorte quil rapporte le plus de profits celui qui le dtient.Quelles vont tre les consquences de cette division technique du travail? La premire, cest la mcanisation. En effet, la division technique du travail ne se dfinit pas par lemploi de machines, dobjets techniques, mais par une certaine organisation du travail qui peut exister sans lusage de machines ( la manufacture o la division technique du travail est ne est lendroit o on travaille avec ses mains, cest--dire avec des outils et non des machines). Cest bien plutt la division technique du travail qui va rendre possible lintroduction de machines dans le processus de production de certains biens : lanalyse et la dcomposition du processus de production isole des oprations simples qui peuvent tre effectue par des machines.Mais, ce nest pas pour soulager les individus de taches pnibles ou rptitives quon introduit des machines dans la production, cest toujours pour accrotre la productivit et le taux de profit : on utilise des machines l o elle permet de produire en valeur plus quelle ne cote elle-mme. Il est vrai toutefois que cela soulage malgr tout les individus, mais cest un des effets heureux de la mcanisation, non son but.Rq : Parce quil sagit dune tendance profonde propre au mode de production capitaliste, cest--dire la baisse tendancielle du taux de profit, le dsquilibre en loffre et la demande de travail sur le march du travail nest pas de lordre de la crise, qui ne peut tre quun tat anormal et passager des diffrents marchs, mais dun tat durable du mode de production capitaliste. Tout accroissement de la productivit, qui ne sobtient dsormais plus que par la mcanisation des taches productives saccompagne ncessairement dune rarfaction de la demande de travail ou de loffre demplois, cest--dire en clair dun taux de chmage lev chroniquement. De sorte quattendre le retour de la croissance conomique, drguler le march du travail, faire baisser le cot du travail, cest--dire faire baisser les cots des produits ou vouloir orienter lconomie vers les services, notamment dits de proximit en rendant solvable des besoins sociaux existants, tout cela, cest se moquer du monde!Cette fois que la division technique du travail, ainsi que la mcanisation ont t dfini, il est possible de savoir si le mode de production capitaliste est librateur pour ceux qui travaillent ou au contraire asservissant de telle sorte que le travail serait une activit servile.Les salaris sont-ils libres?b ) Les servitudes et les alinations du travailleur libre.Certes, les salaris, quon appelle aussi les travailleurs libres, nappartiennent ni quelquun, ni une terre ou leur entreprise, ils sont indpendants en ce sens quils ne sont soumis personne comme un matre.Seulement, puisquils ne disposent que de leur force de travail pour vivre, ils sont obligs de travailler, de vendre leur force de travail pour pouvoir subsister. Leur libert et leur indpendance est donc pour le moins discutable, puisquils nont pas le choix entre travailler et ne pas travailler.Par ailleurs, ils ne disposent pas non plus de la possibilit de travailler comme ils le souhaitent, avec qui ils le souhaitent et quand ils le souhaitent : ils sont soumis des contraintes qui ne tiennent pas lexistence du travail lui-mme ou la division sociale du travail, mais des contraintes qui sont dtermines et imposes par ceux qui achtent la force de travail et la font travailler, la consomme, dune manire dtermine lavance. Celui qui vend sa force de travail nest pas seulement oblig de la vendre sil veut vivre, il doit aussi se soumettre lorganisation du travail invente par ceux qui lachtent ou par ceux qui sont charg de lorganiser par ceux qui lachtent.Ce qui signifie que nous retrouvons les relations de pouvoir qui semblaient avoir disparues avec lapparition du mode de production capitaliste, relation de pouvoir qui oppose ceux qui travaillent ceux qui achtent la force de travail, relation de pouvoir qui nexiste quen vue dorganiser le travail de telle sorte quil soit rentable. Le contrat qui lie donc celui qui vend sa force de travail celui qui lachte est un contrat par lequel celui qui ne peut pas ne pas la vendre sil veut vivre doit accepter les conditions techniques dans lesquelles on lui demande de travailler, certes pour gagner sa vie, mais aussi et surtout pour tre rentable, efficace, pour accrotre le profit.Les relations de pouvoir au sein du travail ne sont pas destines obtenir les meilleurs conditions possibles pour ceux qui travaillent, ni mme produire de quoi satisfaire lensemble des besoins sociaux ou humains, mais visent tirer le meilleur parti de cette force de travail.Quelles sont les consquences de tout cela sur celui qui travaille? Le salariat et la division technique du travail ont pour consquences en ce qui concerne les individus de remplacer lexercice dun mtier ou dune profession par lexcution dune tche.Au lieu de produire une oeuvre, ils accomplissent une tche qui prend place dans un processus de production qui les dpasse, au sens o non seulement ils ne lont pas cr mais ils nen mme plus conscience.Ils sont par ailleurs forc dacqurir des comptences en fonction de la demande de travail plus quen fonction de leur got et de se former dans ce sens, accrotre leur comptences seulement parce que leur travail lexige. De sorte que les individus sont de plus en plus spcialiss et enferms dans leur spcialit.Par ailleurs, ils sont privs de responsabilits : celle dorganiser son travail, dorganiser les contraintes propres au travail pour amnager leurs conditions de travail, celle de garantir la russite de son travail. Et donc du plaisir ou de la joie de faire quelque chose, daccomplir quelque chose par soi-mme ou avec dautres.Pour ces raisons, lindividu se sent souvent dpossd de son travail, tranger son travail parce quil ne peut rien y mettre de lui-mme, mais ny fait que ce quon lui a demand de faire. Du coup, les individus, devenus trangers ce quils font, nont pas conscience de ce quils font, nont plus conscience de leur utilit sociale ( donc nont pas conscience de la solidarit organique qui les lie aux autres). Ce qui les rend plus ou moins indiffrents ce quils font, les rend passifs, peu soucieux de bien faire. Ce qui en retour se traduit par un exercice plus svre du pouvoir qui sexerce sur eux. Comme ils ne travaillent pas de bon coeur, on les souponne de vouloir ne rien faire, on les dit paresseux et par consquent on menace, on fait pression ou on motive avec des carottes... Infantilisation ou instrumentalisation des individus.Les individus prouvent le sentiment de perdre leur dignit de personne, parce quils nont plus de responsabilits et la satisfaction daccomplir une oeuvre et quelque chose dutile aux autres.En somme, on ne travaille plus que pour gagner sa vie, pour consommer en dehors du travail de telle sorte que le travail nest plus une activit par laquelle les individus peuvent saccomplir.Tout cela sexplique par la division technique du travail parce quelle na pas pour vocation premire ladaptation de la nature nos besoins, la satisfaction de lensemble des besoins sociaux, mais laccroissement du taux de profit.Le travail qui est une activit qui rpond au besoin humain dactivit, daction et de production, qui est pour lhomme le moyen de sexprimer, dexprimer sa puissance, sa matrise, son habilet, ses gots dans les oeuvres quil peut produire, qui permet aussi de dvelopper ses facults, de prendre conscience de son pouvoir sur la nature et sur lui-mme, une activit dont on ne se passe pas sans peine, y compris lorsquelle est mal rmunre ou pnible, est devenu avec la division technique du travail une activit dans laquelle les individus perdent le sentiment de leur propre dignit.Lensemble de ces consquences de la division technique du travail, on a pris lhabitude de les dsigner sous le nom dalination, depuis lanalyse quen a fait Marx dans un manuscrit qui na pas t publi par lui et quon dsigne sous le nom des Manuscrits de 44.Plus prcisment d'un extrait de Ebauche d'une critique de l'conomie politique.On peut le trouver dans : Textes philosophiques Roussel, FGH Nathan technique.Le mot alination vient du latin alien, qui veut dire lautre, ltranger. Il a dabord un sens juridique : aliner un bien, cest le vendre ou le cder quelquun dautre. Il a aussi un sens psychologique : lalin, cest le fou, celui qui a perdu la raison comme on dit, cest--dire celui qui est trange, diffrent, autre, qui est comme dnatur, cest--dire diffrent de ce quil tait et de ce quil doit tre pour tre considr comme une personne normale. Le fou est alin en ce sens quil est comme autre que lui-mme, tranger lui-mme, sa nature, ce qui est dit normal.Quel est le rapport entre cela et la division technique du travail?Marx explique que le travailleur libre subit trois alinations. Toutes ont un rapport avec lide daltrit et de perte de soi.1 - Dabord, le travailleur est dpossd des produits de son travail. Marx parle de lalination du produit. On retrouve le sens juridique du mot ici.2- Ensuite, celui qui travaille est alin par lorganisation du travail. Lorganisation du travail nest pas lexpression dune dcision prise par ceux qui travaillent et collaborent dans la production dun bien ou dun service, mais de celui qui achte la force de travail. Cest lui qui dicte les conditions de travail. En cela, comme on la vu, ceux qui travaillent sont dpossds, privs de responsabilits, dinitiatives, de la possibilit de sexprimer dans ce quils font et dans la manire de le faire. Lorganisation du travail, ses conditions, ses fins sont trangres ceux qui travaillent. Ce qui signifie quils doivent exercer une activit en laquelle ils ne peuvent se retrouver ou se reconnatre. Ils sont comme trangers eux-mmes.Au lieu dtre spontan et autonome, le travail est effectu de manire force et htronome : il faut obir la loi dun autre, loi en laquelle on ne se reconnat pas, quon ne comprend pas toujours, qui est trangre soi en cela quon nen est pas lauteur et quon ne sy reconnat pas soi-mme. Lindividu ne peut donc pas se sentir chez lui, son aise dans leffectuation de son travail.3 - Alination de lessence de lhomme enfin, dans la mesure o le travail cause des deux alinations prcdantes est une activit par laquelle au lieu de saccomplir, de devenir plus humain, lhomme se perd, se dnature, se mutile. ( Devient violent, stress, agressif, abruti...) Parce quon ne peut plus dans ces conditions vivre pour travailler, ou avoir le sentiment de vivre pleinement en travaillant, les hommes travaillent pour vivre, cest--dire pour consommer, ce qui nest pas une activit particulirement humanisante ou enrichissante. Comme le dit Marx, les hommes ne se sentent hommes que dans lanimalit : la consommation et la sexualit, tout le reste, cest du travail et les hommes ne se sentent pas chez eux au travail.En conclusion, le mode de production capitaliste na pas mis fin au caractre servile du travail dans la mesure o les individus sont forc de travailler sils veulent vivre et de travailler selon des conditions quils nont pas choisi et qui nont pas t conues pour leur faciliter la tche.De sorte qu cette absence de libert sajoute le caractre alinant du travail.Devillers Jean-Franois.