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Cours langue malgache.

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  • UNIVERSITE DE STRASBOURG

    INSTITUT D'ETHNOLOGIE

    ____________

    Nol J. GUEUNIER

    INITIATION AU MALGACHE

    SO 20 EM 83

    2011-12

  • - 1 -

    AVERTISSEMENT

    Y a-t-il quelque chose de vrai dans l'hypothse de Sapir-Whorf (Nous dcoupons la nature selon les voies traces par notre langue maternelle) ? Comment pense-t-on dans une langue sans genres grammaticaux sexus (et o mari et femme sont le mme mot) ?

    Cet enseignement ne prtend pas offrir aux apprenants de relles comptences en langue malgache. C'est impossible avec un programme aussi court.

    Le but est, dans la tradition des tudes ethnologiques, de prsenter les traits principaux d'une langue qui est sans doute pour les apprenants une langue exotique. En ce sens, cet enseignement est conu comme un complment l'enseignement d'Ethnolinguistique, ou Linguistique de terrain l'usage des apprentis-ethnologues.

    On prsentera successivement le matriau phonique (phontique et phonologie), puis les structures de l'nonc, et des notions de morpho-syntaxe (expression des temps, voix verbales). On saisira chaque fois que possible l'occasion de montrer, propos du lexique, comment la langue opre un dcoupage du monde original, irrductible celui d'une autre langue.

    Au lieu d'exemples fabriqus pour les besoins du cours, on prendra aussi souvent que possible des noncs tirs de textes, qui sont aussi des sources pour la connaissance de la socit : - extraits de manuels scolaires malgaches de diffrentes poques, depuis le XIXe sicle ; - textes de littrature orale traditionnelle ; - chansons contemporaines.

  • - 2 -

    LESONA VOALOHANY ['lesuna vua'luhani]

    Premire leon

    NY FEO SY NY LITERA [ni'feu sinili'tera]

    Les sons et les lettres

    Le malgache s'crit en caractres latins, depuis la premire moiti du XIXe sicle. Les missionnaires protestants britanniques qui ont propos cette criture avaient analys avec une prcision remarquable la structure phonologique de la langue : les lettres inutiles pour la notation du malgache ont t abandonnes (ce sont les lettres c, q, u, w et x), et les autres ont reu une valeur et une seule, vitant ainsi les dfauts des orthographes historiques de langues comme le franais et l'anglais dans lesquelles la mme lettre reprsente souvent des phonmes diffrents, et le mme phonme est reprsent par des lettres diffrentes.

    Cet alphabet est rest sans changement depuis cette poque, marque en particulier par la parution de la premire traduction malgache de la Bible, acheve en 1835.

    Premire prsentation des lettres

    Le voici, tel qu'il est prsent dans un livre de classe dans lequel des gnrations de Malgaches ont appris lire.

  • - 3 -

    Voici maintenant, sur la page suivante du mme abcdaire, une liste de mots usuels choisis pour illustrer la prononciation de chaque lettre. Chaque mot commence par une des lettres de l'alphabet.

    Source : RAJAOBELINA, Prosper, Lala sy Noro. [ Lala et Noro ]. Antananarivo, 1966, pp. 34 & 35.

    Premire remarque : l'auteur du manuel n'a propos aucun mot commenant par la lettre Y. Il en aurait t bien empch, puisque Y n'est pas proprement parler une lettre de l'alphabet, mais seulement la forme que prend le I quand il est la fin d'un mot. C'est la principale exception au caractre phonologique de leur criture que les crateurs de l'alphabet ont tolre, mais elle est peu gnante : quand le [i] est au dbut ou en cours de mot, il s'crit i, quand il est en fin de mot, il s'crit y. Pour cette raison la lettre que nous appelons apprenons l'cole nommer en franais y grec s'appelle l'cole malgache i farany (i final) ou bien i faran-teny (i fin de mot). Nous remarquons en effet que plusieurs mots de la liste se terminent par la lettre y.

    Il y a une deuxime exception au caractre phonologique de l'criture, beaucoup plus srieuse pour les trangers qui apprennent la langue. C'est le fait que la place de l'accent d'intensit n'est pas indique.

  • - 4 -

    En effet, le malgache a, comme beaucoup de langues, un accent d'intensit dont la place peut distinguer deux mots diffrents, ou deux formes grammaticales diffrentes1. Ainsi, pour prononcer correctement les mots de la liste, nous avons besoin de savoir sur quelle syllabe porte l'intensit, ce que peut indiquer une transcription phontique. Nous en profitons aussi pour donner le sens de chacun de ces mots.

    Ala ['ala] fort, buissons Boky ['buki] livre Dada ['dada] papa Ela ['ela] longtemps Fosa ['fusa] genette (une espce de carnassier propre Madagascar,

    Cryptoprocta ferox) Gisa ['gisa] oie Hala ['hala] ou ['ala] araigne Iva ['iva] bas, en contrebas Jorery ['dzureri] cigale Kisoa [ki'sua] cochon, verrat, truit, porcelet. Lala ['lala] Lala, nom propre, le nom du petit garon dont il est question dans

    le livre. Cf. malala chri. Mamy ['mami] doux, sucr Noro ['nuru] Noro, nom propre, le nom de la petite fille dont il est question

    dans le livre Osy ['usi] bouc, chvre, chevreau Penina ['penina] plume [pour crire] Ririnina [ri'rinina] hiver [la saison froide et sche, environ de juin septembre] Siny ['sini] cruche, arrosoir, rcipient qui sert aller puiser l'eau Tanana ['tanana] main, bras Voalavo [vua'lavu] rat Zaza ['zaza] enfant [au sens de : tre humain encore petit, distinguer de

    enfant, en tant que descendant de ses parents, qui se dit par un mot tout diffrent, v. Zanaka].

    Le Fosa. Source : H. Le Chartier et G. Pellerin, Madagascar depuis sa dcouverte jusqu' nos jours. Paris, 1888, p. 341.

    1 L'exemple typique est la distinction en anglais entre le nom ['inkris] augmentation, surcrot et le verbe

    [in'kris] augmenter, grandir, s'agrandir. On remarque que l'orthographe de l'anglais ne permet pas de distinguer ces deux mots, puisqu'ils s'crivent tous les deux increase.

  • - 5 -

    On remarque que dans cette liste de mots courants, presque tous ont l'accent sur l'avant-dernire syllabe. C'est en effet le schma d'accentuation le plus courant. Seuls trois dans la liste ont l'accent sur l'avant-avant-dernire syllabe : ce sont les mots penina plume, ririnina hiver, et tanana main, bras. Quelques mots, beaucoup plus rares, ont l'accent sur la dernire syllabe, comme zoma vendredi, qui se prononce donc [zu'ma]. Cette rpartition des mots en trois classes selon la place de l'accent est trs importante pour l'apprenant. Elle constitue une difficult spciale pour l'apprenant de langue franaise, du fait qu'en franais, la place de l'accent est fixe : toujours sur la dernire syllabe. En plaant l'accent sur la dernire syllabe, comme en franais, le rsultat serait bizarre, parfois incomprhensible. Le dplacement de l'accent sur une autre syllabe donnera quelquefois un mot diffrent. Ainsi, si au lieu de dire tanana ['tanana] on prononce tanna [ta'nana] on aura dit ville, village, au lieu de dire main, bras. De mme, on distingue par la seule place de l'accent : lalana ['lalana] chemin, route / lalna [la'lana] loi.

    Pour le locuteur natif du malgache, le fait que la place de l'accent ne soit pas indique l'crit n'est pas une gne : le locuteur reconnat facilement le mot concern. C'est seulement quand il y a des homonymes (comme avec tanana bras, main / tanna ville, village) qu'on crit un accent grave pour les distinguer.

    Les phonmes de la langue

    L'expos qui prcde concernait seulement l'alphabet, c'est--dire la transcription conventionnellement en usage de la langue.

    Nous avons dit que cette transcription a t construite avec une rigueur remarquable. Cependant aucune orthographe pratique ne reprsente totalement le systme phonologique d'une langue. Il faut donc dcrire maintenant de manire systmatique les phonmes de la langue.

    Voyelles

    Le malgache a un inventaire de voyelles rduit quatre voyelles seulement, qui peut tre reprsent par le triangle suivant :

    On se souviendra que, dans l'orthographe, la voyelle [i] est reprsente la fois par la lettre i (au dbut et dans le corps des mots), et par la lettre y ( la fin des mots). La voyelle [u] est reprsente par la lettre o.

    i

    e

    a

    u

  • - 6 -

    Le [o], comme dans les mots franais sot, chaud, peau, etc., n'est pas proprement parler un phonme de la langue, mais on peut l'entendre dans quelques mots emprunts des langues trangres, ou comme exclamation servant interpeller. Dans ces cas, on l'crit l'aide de la lettre , par exemple dans :

    Noro ! eh Noro ! prononc ['nuru 'o] ou dans :

    plisy policier, prononc [po'lisi].

    Consonnes

    L'inventaire des consonnes est tel que certaines consonnes sont reprsentes dans l'orthographe par des groupes de deux lettres (digraphes) ou de trois lettres (trigraphes). On insistera particulirement sur les quelques consonnes qui peuvent poser problme l'apprenant francophone.

    A ct des occlusives sourdes p, t, k et sonores b, d, g, on note l'existence de consonnes affriques1. Il y a une affrique sifflante sourde [ ts] qui est crite l'aide du digraphe ts ; mais l'affrique sifflante sonore correspondante [ dz] est crite avec une seule lettre j, ce qui est une des rares irrgularits du systme graphique du malgache. Il y a aussi des affriques rtroflexes (c'est--dire produites avec un mouvement spcial de la langue dont l'extrmit se retrousse en venant toucher l'arrire des dents, v. la dfinition dans notre cours d'ethnolinguistique ; on dit aussi cacuminales). Ces affriques rtroflexes sont crites dans l'orthographe avec des digraphes tr pour la sourde que le phonticien note [ t], et dr pour la sonore [d] ; on prendra bien garde qu'il ne s'agit pas du tout de la succession d'un [t] et d'un [r], ou d'un [d] et d'un [r], mais chaque fois d'une consonne unique.

    On verra plus loin que le choix d'utiliser des digraphes avec la lettre r pour reprsenter ces articulations, rpond des correspondances grammaticales prcises.

    Parmi les consonnes continues, il est intressant de remarquer que s et z peuvent tre ralises soit sifflantes [s], [z], soit chuintantes [], []. Il n'y aura jamais de diffrence de sens, siny cruche pouvant tre prononc aussi bien ['sini] que ['ini], ces prononciations tant soit des variantes locales (variation dialectale), soit des variantes personnelles (variation idiolectale). La consonne h qui tait certainement bien prononce au XIXe sicle au moment de l'tablissement de l'orthographe, est aujourd'hui souvent tombe, spcialement dans la prononciation de Tananarive. Ainsi, le mot ny hala l'araigne est gnralement prononc [ni'ala], ce qui le rend parfaitement homonyme du mot ny ala la fort. Cependant, dans d'autres rgions du pays, ou quand les locuteurs font spcialement attention (par exemple l'cole quand on dicte), on peut entendre nettement le [h]. Nous disons que ce phonme est aujourd'hui instable. La consonne r est gnralement une vibrante dentale [r], comme en espagnol, en italien, en arabe, etc. Mais certains locuteurs, en particulier Tananarive; la prononcent [R]

    1 On se souvient que les affriques sont des sons dont l'articulation commence comme une occlusive et se

    termine comme une fricative, comme en anglais le [t] de chip [tp] et le [d] de gin [dn].

  • - 7 -

    comme en franais, probablement par imitation plus ou moins consciente de l'accent franais. Il arrive qu'on se moque des locuteurs qui adoptent cette prononciation.

    Il y a toute une srie de consonnes prnasalises, c'est--dire commenant par une articulation nasale. Elles sont crites l'aide de digraphes ou de trigraphes, mp, nt, nts, ntr, nk pour les sourdes, et mb, nd, nj, ndr, ng pour les sonores. Il ne s'agit jamais d'une succession de consonnes, mais bien d'une articulation unique. Il est trs important de ne pas sparer la nasale dans la prononciation de ces articulations. Les prnasalises sourdes ont une tendance tre dnasalises, en particulier dans la prononciation de Tananarive, alors que les sonores ne sont jamais dnasalises. Comme plus haut avec la perte du [h], cette volution phontique n'est pas rgulire.

    Les consonnes vlaires (c'est--dire k, g et les prnsalises correspondantes nk, ng) sont ralises avec une palatalisation (c'est--dire un petit [j] qui suit, on dit aussi qu'elles sont mouilles) quand elles sont prcdes de la voyelle i. Ce changement est produit automatiquement par les locuteurs (qui habituellement n'en ont mme pas conscience). Il ne s'agit donc pas de phonmes diffrents, mais de ce qu'on appelle des variantes conditionnes. Dans les premiers textes imprims en malgache au dbut du XIXe sicle, on avait d'abord crit pour ces mots Ikioto et faingiana, et c'est ensuite seulement que, dcouvrant que ces ralisations n'taient pas des phonmes, les concepteurs de l'orthographe ont dcid, avec juste raison, de ne plus les noter. Le tableau suivant reprend l'ensemble des phonmes consonantiques du malgache.

    p [p] t [t] ts [ts] tr [t] k [k]

    b [b] d [d] j [dz] dr [d] g [g]

    f [f] s [s ] h [h] (souvent disparue) v [v] l [l]

    z [z ] r [r]

    m [m] n [n]

    mp [mp] nt [nt] nts [ts] nk [k]

    mb [mb] nd [nd] nj [dz] ng [g]

    momentanes sourdes

    momentanes sonores

    continues sourdes

    continues sonores

    nasales

    prnasalises sourdes

    prnasalises sonores

    labiales dentales sifflantes cacuminales (ou rtroflexes)

    vlaires (et plus en arrire)

    ndr [d]

    ntr [t]

    Classification des consonnes du malgache. En italiques, les signes orthographiques, entre crochets les transcriptions phontiques.

  • - 8 -

    Accent. Structure syllabique

    Pour tablir la phonologie d'une langue, il ne suffit pas d'tablir l'inventaire des phonmes. Les phnomnes prosodiques font aussi partie de la structure phonologique de la langue.

    En malgache, il y a un accent d'intensit qui porte, comme nous l'avons vu, ncessairement sur l'une des trois dernires syllabes du mot. Le cas le plus frquent est celui o l'accent porte sur l'avant-dernire syllabe, dont nous avons vu de nombreux exemples. Un petit nombre de mots ont l'accent sur la syllabe finale :

    zoma [zu'ma] vendredi, er [e'ri] trs, extrmement, dite [di'te] th, infusion de plantes locales, petit djeuner, kafe [ka'fe] caf (la plante ; la boisson).

    Les mots qui portent l'accent sur l'avant-avant-dernire syllabe forment une srie particulire : ils se terminent tous par les syllabes -na, -ka, ou -tra. Exemples :

    vorona ['vuruna] oiseau, matanjaka [ma'tadzaka] fort, vigoureux, fatratra ['fatata] fort, habile.

    Peuvent avoir aussi l'accent sur l'avant-avant-dernire syllabe des mots qui se terminent par les pronoms personnels suffixs -ko de moi, par moi, et -ny de lui, par lui, d'elle, par elle, d'eux, par eux. Exemple :

    hafetsy [ha'fetsi] ruse, hafetsiny[ha'fetsini] sa ruse.

    La structure syllabique, c'est--dire les rgles d'arrangement des phonmes dans la syllabe, impose en malgache une contrainte qui est que jamais une syllabe ne peut se terminer par une consonne. Il en rsulte que non seulement tous les mots doivent se terminer par des voyelles, mais que dans le cours d'un mot jamais deux consonnes ne peuvent se succder, elles doivent toujours tre spares par une voyelle. Cette rgle apparat bien dans le sort qui est fait aux mots emprunts des langues o la rgle est diffrente : si l'emprunt est intgr dans la langue, le malgache doit alors ajouter des voyelles. Exemples :

    ar. al-kams [alxami:s] > malg. alakamisy [alaka'misi] jeudi un [i] est ajout aprs la consonne finale [k] un [a] est ajout pour viter la succession de consonnes [lk]

    angl. book [buk] > malg. boky ['buki] livre un [i] est ajout aprs la consonne finale [k]

    angl. lesson ['lesn] > malg. lesona ['lesuna] livre un [a] est ajout aprs la consonne finale [n] ; un [u] est ajout pour viter la succession de consonnes [sn]

    fran. la cl [la'kle] > malg. lakile [laki'le] clef, serrure un [i] est ajout pour viter la succession de consonnes [kl]

    fran. la cloche [la'kl] > malg. lakolosy [laku'lusi] cloche, clochette un [u] est ajout pour viter la succession de consonnes [kl], et un [i] est ncessaire pour terminer le mot par une voyelle.

  • - 9 -

    EXTRAITS D'UN LIVRE DE LECTURE ANCIEN

    FAMAKIAN-TENY (1878) [fama'kia'nteni]

    Lectures (1878) (Mot mot : Lectures de mots ; v. dans le Vocabulaire sous les radicaux Vaky et Teny.)

    On trouvera ci-dessous, titre d'exercices pour se familiariser avec les phonmes de la langue une srie de dix leons tires d'un livre de lecture des coles malgaches de l'poque pr-coloniale, les Lesona famakian-teny [ Leons de lecture ] de 1878. On donne ci-dessous une reproduction du texte publi dans le manuel (avec les syllabes spares, selon la mthode pdagogique de l'poque). En dessous le texte est reproduit en criture courante, avec une traduction franaise. (A partir d'ici, on ne trouvera plus de transcriptions phontiques, mais les syllabes portant l'accent sont soulignes.) Pour le moment, la construction des phrases n'est pas encore l'objet de notre tude. Ces phrases seront reprises et analyses plus loin dans l'une ou l'autre des leons suivantes.

    Texte 1. Ny Elatra

    Les Ailes

    E. Ny vorona sy ny biby kely sasany dia manana elatra anidinany faingana, Les oiseaux et certains insectes (litt. animaux petits) ont des ailes qui leur servent voler vite,

    ka tonga amin'izay tsy azontsika aleha izy. ainsi ils arrivent l o nous ne pouvons pas aller.

  • - 10 -

    Texte 2. Ny Gidro

    Le Lmur

    G. Ny gidro dia biby mahafinaritra sady fetsy no mahay mitsambikimbikina. Les lmurs sont des animaux magnifiques, russ et qui savent sauter partout.

    Voankazo no fihinany. Ils mangent des fruits.

    Note de grammaire. En malgache ni les noms, ni les articles, ni les verbes, ni les adjectifs ne marquent l'opposition singulier/pluriel. (On verra pourtant que cette opposition existe dans la langue, mais pour d'autres classes de mots.) Il n'y a donc aucune diffrence entre le lmurien et les lmuriens. C'est volontairement que je traduis ny gidro tantt par l'un tantt par l'autre. On remarque d'ailleurs qu'en franais il n'y a aucune diffrence de sens dans ce contexte entre les noncs le lmur est un animal magnifique [le lmur = collectif, reprsentant tous les individus de l'espce lmur] et les lmurs sont des animaux magnifiques. Pourtant, la structure du franais oblige choisir entre singulier et pluriel, mme si cela n'apporte rien au sens. Dans ce cas, l'opposition singulier/pluriel est en franais une catgorie dont l'expression est obligatoire. (V. dans notre cours d'Ethnolinguistique, chap. 3.)

  • - 11 -

    Texte 3. Ny Hala

    L'Araigne

    H. Ny hala dia biby kely mahavatra manao trano hitoerany Les araignes sont de petits animaux qui sont capables de construire des toiles (litt. des maisons) pour y habiter

    sy hamandrihany hanina ho azy. et pour prendre au pige ce dont ils se nourrissent.

    Notes de lexicographie et d'ethno-science. Biby kely, litt. petit animal correspond dans certains cas insecte. Mais en malgache cette catgorie contient aussi les araignes, que les zoologistes ne clessent pas dans les insectes.

    Trano signifie maison, mais s'applique aussi une pice dans une maison, et aux habitats de diffrents animaux, comme ici ce que le franais appelle la toile de l'araigne.

  • - 12 -

    Texte 4.Ikoto

    Koto

    I. Ikoto dia zazalahy mahery mianatra Koto est un garon courageux pour tudier

    ary tsy mba diso fotoana akory isanandro et qui n'est jamais en retard du tout chaque jour.

    Note de grammaire. Dans Ikoto, l'lment I- au dbut reprsente un article spcial aux noms propres. (On crit aussi parfois en sparant i Koto.) Cet article s'emploie spcialement pour les noms employs de manire familire. Quand le garon sera devenu une grande personne, on l'appellera probablement Rakoto, le mme nom avec l'article respectueux Ra-.

    Note de phontique. On remarquera que le locuteur produit trs nettement l'articulation palatalise : il dit bien [i'kjutu] et non [i'kutu], comme expliqu plus haut. C'est la prsence du i- prcdant le k qui entrane cette ralisation. Avec l'article respectueux Ra-, le nom sera prononc [ra'kutu].

    Note de lexique. Zazalahy garon est un nom compos de zaza enfant + lahy homme, mle. On dit de mme zazavavy fille, de zaza enfant + vavy femme, femelle.

  • - 13 -

    Texte 5. Ny Jako Le Singe

    J. Ny jako dia biby saiky sahala amin'ny olona ny toetrany sy ny hafetsiny. Les singes sont des animaux presque semblables aux hommes par leur apparence et par leur habilet. Voankazo no tiany indrindra. Ils aiment surtout les fruits.

    Note de lexicographie et d'ethno-science. Il n'y a pas de singes Madagascar. Mais il y a de nombreuses espces de lmuriens, qui sont un autre sous-ordre des primates. Il y a un vocabulaire dtaill pour dsigner les diffrentes espces de lmuriens ; en revanche, le mot jako est un terme gnral qui s'applique tous les singes.

  • - 14 -

    Texte 6. Ny Kankafotra Le Coucou

    K. Ny kankafotra dia mahalala ny fiovan'ny taona, Les coucous connaissent le changement des saisons,

    ka maneno izy raha vao miantomboka ny lohataona. aussi ils chantent ds que le printemps commence.

    Note de phontique. On coutera bien la ralisation du locuteur, et on remarquera que dans le mot kankafotra, malgr l'orthographe, le nk de la deuxime syllabe est ralis exactement semblable au k de la premire syllabe. Cf. ce qu'i a t dit sur la dnasalisation dans la langue contemporaine des prnsaslises sourdes.

  • - 15 -

    Texte 7. Ny Liona

    Le Lion

    L. Ny liona dia biby matanjaka sady masiaka indrindra, Les lions sont des animaux forts et trs froces,

    ka atao hoe mpanjakan'ny biby izy. aussi on les appelle les rois des animaux.

  • - 16 -

    Texte 8. Ny Mamba

    Le Crocodile

    M. Ny mamba dia biby lehibe mitoetra any anaty rano Les crocodiles sont de grands animaux qui demeurent dans l'eau

    ary masiaka dia masiaka. et ils sont trs froces.

    Note de lexicographie et d'ethno-science. Le malgache a deux mots pour dsigner le crocodile : voay et mamba. Le mot mamba est spcialis pour les trs gros crocodiles. Il y a eu une discussion chez les zoologistes pour savoir si cette distinction correspond une diffrence biologique, constituant deux espces distinctes. Quelle que soit la rponse que la classification zoologique apporte la question, en malgache ce sont deux catgories distinctes.

  • - 17 -

    Texte 9. Ny Omby

    La Vache

    O. Ny omby sy ny ondry dia biby mahasoa ny olona, Les vaches et les brebis sont des animaux utiles l'homme,

    indrindra fa ny rononon'omby. surtout cause du lait de vache.

    Mibarareoka sy mim izy raha tsy mahita ny zanany. elles blent, et meuglent quand elles ne voient pas leurs petits.

    Note de lexique et d'ethno-science. C'est le franais qui oblige ici choisir dans la traduction entre vache ou buf, brebis ou mouton. Le texte malgache veut clairement parler de l'espce d'une manire gnrale. Mais comme le contexte parle du lait et de la relation aux petits, la traduction par vache et brebis parat prfrable. (V. dans notre cours d'Ethnolinguistique, la discussion sur la classification des animaux domestiques, seciton 4.1.)

    Note de grammaire. Le malgache ne classe pas les noms par genres ayant une relation avec le sexe des tres anims, comme le faisait le latin (qui opposait masculin/fmnin/neutre) ou le franais (qui a gard une opposition masculin/fminin). Rien n'indique donc grammaticalement le sexe des animaux dans la phrase mibarareoka sy mim izy. C'est le contexte seul (ces animaux ont des petits) qui nous oblige traduire ici par elles blent et meuglent et non par ils blent et meuglent.

  • - 18 -

    Texte 10. Ny Papango

    Le Milan

    P. Ny papango dia vorona matsilo maso, Les milans sont des oiseaux l'il perant,

    ka fatratra er raha haka akoho kely aussi ils sont trs habiles pour prendre les petits poulets

    mbany voalavo sy totozy. ainsi que les rats et les souris.

    Note de lexique et d'ethno-science. Par lui-mme le mot akoho dsigne l'espce en gnral, et a donc le sens de poule, coq, poulet. Si le contexte oblige donner une information plus dtailles on dire akoholahy coq, akohovavy poule, akoho kely poussin, petit poulet.

  • - 19 -

    LESONA FAHAROA

    Deuxime leon Types d'noncs ; temps ; interrogation et ngation

    Rappel : nous ne donnons plus de transcriptions phontiques. Mais les syllabes accentues, normalement non indiques dans l'orthographe usuelle, sont marques systmatiquement (caractres souligns).

    Types d'noncs. Enoncs adjectivaux. Nous commenons avec des phrases simples dont le prdicat est un adjectif : Masiaka ny liona. / froce / le / lion / Le lion est froce. (D'aprs texte 7.)

    Dans cet nonc, il n'y a rien qui corrspond la copule est qui, en franais, est ncessaire pour obtenir l'nonc que la grammaire franaise appelle attributif. Le nom liona lion est directement sujet de masiaka mchant, froce.

    Nous dirons de mme :

    Mafana ny kafe. Le caf est chaud. Mamy be ny dite. Le th est trs [litt. grandement] sucr. Mangatsiaka ny rano. L'eau est froide.

    Madio ny trano. La maison est propre.

    Fetsy ny jako. Le singe est rus. (D'aprs texte 5.) Fanina ny zazalahy. Le garon a le vertige. (D'aprs textes 4 et 11.) Obissent encore la mme structure les noncs suivants :

    Tsara ny andro. Il fait beau, le temps est beau. (Litt. / beau / le / jour /) Ratsy ny andro. Il fait mauvais, le temps est mauvais. (Litt. / mauvais / le / jour /) Madio tsara ny trano. La maison est trs [litt. bellement] propre.

    Enoncs verbaux.

    Des phrases dont le prdicat est un verbe ont aussi la mme structure :

    Matory ny zazalahy. Le garon dort.

    Manidina ny vorona. L'oiseau vole. (Ou : Les oiseaux volent.) Maneno ny vorona. L'oiseau chante. (Ou : Les oiseaux chantent.)

  • - 20 -

    Note de lexique. Maneno signifie produire un son, un bruit, un cri, comme dans maneno ny lakolosy la cloche sonne, maneno ny akoho le coq chante. Un mot tout diffrent s'applique au chant des humains : mihira.

    Miainga ny olona. Les gens partent. Rflchissons aux consquences de l'absence ici de la catgorie gerammaticale du nombre : dans cette phrase olona signifie homme, personne humaine. La phrase pourrait vouloir dire, selon le contexte : la personne part.

    Miainga ny akanga. La pintade part. Interprtation vraisemblable dans le contexte du petit rcit donn ci-dessous, o la Pintade est le hros de l'histoire.

    Mijanona ny olona. Les gens s'arrtent. Tonga ny olona. Les gens sont arrivs.

    Tonga ny akanga. La pintade est arrive.

    Avy ny orana. Il pleut (litt. la pluie vient). / vient / la / pluie /

    Nous remarquons que dans toutes ces phrases, le sujet doit tre introduit par l'article ny. En malgache le nom qui occupe la fonction de sujet est toujours dfini. Un nom propre est dfini par l'article particulier I- ou Ra-

    Mianatra Ikoto. Koto tudie. (Ou : Koto va l'cole.) Masiaka Rapaoly. Rapaoly (Paul) est mchant. On met aussi l'article i- devant les noms de parent :

    Masiaka i dada. Papa est svre.

    Tonga i neny. Maman est arrive.

    Complments d'objet. Nous pouvons introduire maintenant des phrases avec complments d'objet. Le complment d'objet prend place entre le prdicat (ici, le verbe) et le sujet, qui reste la fin de l'nonc :

    Manana elatra ny vorona. Les oiseaux ont des ailes. (D'aprs texte 1.) Mihinana voankazo ny gidro. Les lmurs mangent des fruits. (D'aprs texte 2.) Maka akoho kely ny papango. Le milan prend des petits poulets. (D'aprs texte 10.) Mamangy havana ny akanga. La pintade visite des parents, ou : rend visite la famille. (D'aprs texte 11.)

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    Enoncs nominaux.

    Le prdicat peut tre reprsent aussi par un nom. Comme dans le cas de l'nonc avec un adjectif prdicat, le malgache n'a pas besoin d'une copule (tre). Nous disons : Biby lehibe ny mamba. / animal / grand / le / crocodile /

    Le crocodile est un grand animal.

    Biby kely ny hala. / animal / petit / l' / araigne /

    L'araigne est un petit animal.

    Complments de nom.

    Il existe un lment -n' qui permet d'introduire un complment de nom. Comparer :

    Tsara ny ronono. Le lait est bon.

    et :

    Tsara ny rononon'omby. / bon / le / lait + de / vache /

    Le lait de vache est bon.

    Mpanjakan'ny biby ny liona. / roi + de / les / animaux / le / lion / Le lion est le roi des animaux.

    L'expression du temps.

    Nous remarquons que beaucoup des adjectifs et des verbes que nous avons appris commencent par m-. Ce m- est une marque du prsent, qui alterne avec n- marque du pass, et h- marque du futur :

    Mafana ny kafe. Le caf est chaud / Nafana ny kafe. Le caf tait chaud. / Hafana ny kafe. Le caf sera chaud.

    Madio ny trano. La maison est propre.

    / Nadio ny trano. La maison tait propre.

    / Hadio ny trano. La maison sera propre.

    Dans les phrases verbales, on trouve la mme alternance pour exprimer le temps :

    Manidina ny vorona. Les oiseaux volent.

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    / Nanidina ny vorona. Les oiseaux ont vol (ou : volaient). / Hanidina ny vorona. Les oiseaux voleront.

    Mianatra Ikoto. Koto va l'cole.

    / Nianatra Ikoto. Koto est all l'cole (ou : allait l'cole). / Hianatra Ikoto. Koto va aller l'cole.

    Mamangy havana ny akanga. La pintade visite des parents.

    / Namangy havana ny akanga. La pintade a visit des parents.

    / Hamangy havana ny akanga. La pintade visitera des parents.

    Nous retenons donc qu'en malgache, l'adjectif est apte supporter l'expression du temps, dans les mmes conditions que le verbe.

    La structure est ainsi bien diffrente de celle du franais, o l'expression du temps est propre aux formes verbales. Dans les phrases o le prdicat est un adjectif, le franais recourt la copule est / tait / sera, qui a la forme d'un verbe, et qui peut ainsi supporter l'expression du temps.

    Toutes ces formes qui permettent une opposition entre trois temps (prsent / pass / futur) supposent que les lments qui sont ainsi marqus commencent par des prfixes. En effet, nous verrons que - des adjectifs comme mafana chaud, masiaka mchant, froce sont constitus d'un prfixe ma- (na- / ha-) et des radicaux fana, siaka ; - un adjectif comme mangatsiaka froid est constitu d'un prfixe man- (nan- / han-) et du radical hatsiaka ; et de mme - un verbe comme matory dormir est constitu d'un prfixe ma- (na- / ha-) et du radical tory ; - un verbe comme manidina voler man- (nan- / han-) et du radical sidina ; - un verbe comme mianatra apprendre, tudier, aller l'cole mi- (ni- / hi-) et du radical anatra.

    Pour les changements phontiques entrans par la prsence des suffixes de la forme man- (nan- / han-), v. leon suivante.

    Mais tous les adjectifs et tous les verbes ne relvent pas de ce modle. Nos exemples comportaient des adjectifs et des verbes dans lequels on ne remarque pas de prfixe commenant par m-. C'taient les adjectifs comme : fetsy rus, fanina qui a le vertige, tourdi, tsara bon, ratsy mauvais, et les verbes tonga arriver, tre arriv, avy venir.

    Cette sorte de mots est apte aussi l'expression du temps, mais avec une distinction deux formes seulement. A la phrase :

    Tsara ny andro. Il fait beau, le temps est beau. ne s'oppose aucune forme de pass, mais seulement une forme de futur :

    Ho tsara ny andro. Il fera beau, le temps va tre beau. De mme, la phrase :

    Tonga ny olona. Les gens sont arrivs. s'oppose seulement :

    Ho tonga ny olona. Les gens vont arriver.

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    On lit quelquefois dans les manuels que les mots de cette srie ont seulement un prsent et un futur, et pas de pass. Cette formulation est inexacte. Il faut dire plutt que la forme marque ho tsara est bien un futur, mais que la forme non marque tsara n'est pas un prsent, mais un non-futur, qui peut recevoir le sens du prsent ou du pass, selon le contexte. Ainsi on dit (avec les mots izao maintenant / omaly hier / rahampitso demain) :

    Tsara ny andro izao. Il fait beau maintenant. Tsara ny andro omaly. Il a fait beau hier.

    Ho tsara ny andro rahampitso. Il fera beau demain. A comparer avec :

    Mafana ny andro izao. Il fait chaud maintenant. Nafana ny andro omaly. Il a fait chaud hier.

    Hafana ny andro rahampitso. Il fera chaud maintenant. On a donc bien deux types d'opposition (ou : paradigmes) de temps diffrents :

    paradigme trois temps

    paradigme trois temps

    prsent mafana (est) chaud pass nafana (tait) chaud

    non futur tsara (est, ou tait) beau

    futur hafana (sera) chaud futur ho tsara (sera) beau

    Aujourd'hui pass / Aujourd'hui futur Les locuteurs du franais ont l'habitude de considrer hier comme associ au pass, demain comme associ au futur, et de la mme manire aujourd'hui comme associ au prsent. Le dcoupage est diffrent en malgache puisqu'on distingue androany aujourd'hui-pass (= la partie du jour dj coule) et anio aujourd'hui-futur (= la partrie du jour qui reste courir). Ces mots sont donc normalement associs respectivement aux temps pass et futur :

    Ratsy ny andro omaly, / mauvais / le / jour / hier /

    fa ho tsara angamba ny andro anio. / mais / futur beau / peut-tre / le / jour / aujourd'hui-futur /

    Il a fait mauvais hier, mais peut-tre il fera beau aujourd'hui. A comparer avec :

    Ho avy ny orana anio. / futur venir / la / pluie / aujourd'hui-futur / Il va pleuvoir aujourd'hui. Ho avy ny orana rahampitso. Il va pleuvoir demain.

    Avy ny orana androany. Il a plu aujourd'hui.

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    La semaine

    Ny herinandro

    lundi alatsinainy mardi talata mercredi alarobia jeudi alakamisy vendredi zoma samedi sabotsy dimanche

    alahady

    Interrogation et ngation

    Un outil (une particule) pour rendre un nonc interrogatif : Madio ve ny trano ? Est-ce que la maison est propre ?

    Notez que le franais a plusieurs possibilits de rendre cet nonc ; nous pouvons dire aussi : La maison est propre ? [= interrogation marque par l'intonation seule] Ou encore : La maison est-elle propre ? [= interrogation marque par l'inversion de l'ordre des constituants, structure archaque, pratiquement disparue de la langue parle]

    Nafana ve ny andro ? Est-ce qu'il a fait beau ?

    Nianatra ve Ikoto ? Est-ce que Koto est all l'cole ?

    On peut rpondre :

    - Eny, nafana ny andro. - Oui, il a fait beau.

    - Eny, nianatra Ikoto. - Oui, Koto est all l'cole.

    ou :

    - Tsia, tsy nafana ny andro. - Non, il n'a pas fait beau.

    - Tsia, tsy nianatra Ikoto. - Non, Koto n'est pas all l'cole.

    Mais ces rponses avec eny et tsia traduisant oui et non sont trs formelles, trop formelles pour des phrases de la vie quotidienne ; elles correspondent plutt des tournures franaises comme certes oui, certes non1. La manire usuelle de rpondre n'est pas avec un mot oui et un mot non, mais avec une particule expressive surtout par son intonation :

    1 Eny et Tsia servent pour les Oui et Non aux rfrendums.

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    - Ee [intonation montante], nafana ny andro. - Oui, il a fait beau.

    - [intonation descendante], tsy nafana ny andro. - Non, il n'a pas fait beau.

    A une question ngative, on rpond d'une manire qui parat l'inverse de la rponse franaise :

    Tsy nianatra ve Ikoto androany ? Koto n'est pas all l'cole aujourd'hui ? Si le garon n'est pas all l'cole, on rpond : - Eny, tsy nianatra izy. Ou bien : - Ee, tsy nianatra izy. - Oui, il n'est pas all l'cole.

    Nous savons que dans ce cas le franais rpond : - Non, il n'est pas all l'cole.

    Mais si le garon est effectivement all l'cole, on rpond : - Tsia, nianatra izy. Ou bien : - , nianatra izy. - Non, il est all l'cole.

    Nous savons que dans ce cas le franais rpond : - Si, il est all l'cole. On remarque que le franais a besoin ici de trois outils : Oui et Non servent rpondre aux questions affirmatives ( Il y est all ? on rpond soit Oui, il y est all, soit Non, il n'y est pas all), tandis que Non et Si servent rpondre aux questions ngatives ( Il n'y est pas all ? on rpond soit Si, il y est all, soit Non, il n'y est pas all). La solution du malgache (et de nombreuses autres langues) est plus conomique : elle n'utilise que deux types de rponses (un oui et un non) au lieu de trois (un oui, un non, et un si).

    Noter que dans ce cas les modes d'expression du franais et du malgache sont tous deux logiques, mais envisagent la situation de manire diffrente : le franais semble s'intresser la ralit du fait mentionn (le garon est-il, ou n'est-il pas all l'cole ?) ; au contraire le malgache s'intresse la relation avec l'interlocuteur : quand on demande Le garon n'est pas all l'cole, le malgache rpond : oui, c'est comme vous le dites, le garon n'est pas all l'cole ou bien : non, ce n'est pas comme vous le dites, le garon est all l'cole.

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    UN TEXTE DE LITTERATURE TRADITIONNELLE

    AKANGA NIDITRY NY ALA

    Pintade entre dans la fort (Le texte commence comme un conte, mais ce rcit a pour seule fonction d'introduire le petit pome final, qui appartient au genre Hain-teny, mot mot : Savoir des mots ; v. dans le Vocabulaire sous les radicaux Hay et Teny.)

    On donne d'abord le texte, tel qu'il apparat dans la publication originale :

    Texte 11. Ny Akanga Niainga, hono, ny akanga nandeha hamangy havana any an-koatry ny ala ; ary nony tonga tao am-povoan'ny ala, hono, izy dia fanina ka nianjera, ka tapaka ny elany. Dia nitomany izy ka nanao hoe : Handroso, handroso aho, tsy afaka ; hiverina, manin-kavana ! Dia izany, hono, no nanaovan'ny olona tonon-kira mandrakariva hoe :

    Akanga niditry ny ala : handroso tsy afaka ; hiverina, tapak'elatra ; hijanona, manin-kavana.

    Texte recueilli et transcrit au milieu du XIXe sicle, publi dans un recueil l'usage des missionnaires, L. Dahle, Specimens of Malagasy Folk-Lore. Antananarivo, 1877, p. 298.

    Le mme texte, avec indication de la place des accents : Ny Akanga Niainga, hono, ny akanga nandeha hamangy havana any an-koatry ny ala ; ary nony tonga tao am-povoan'ny ala, hono, izy dia fanina ka nianjera, ka tapaka ny elany. Dia nitomany izy ka nanao hoe : Handroso, handroso aho, tsy afaka ; hiverina, manin-kavana ! Dia izany, hono, no nanaovan'ny olona tonon-kira mandrakariva hoe :

    Akanga niditry ny ala : handroso tsy afaka ; hiverina, tapak'elatra ; hijanona, manin-kavana.

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    Le mme texte, avec traduction littrale : Ny Akanga /la / pintade /

    Niainga, hono, ny akanga nandeha hamangy havana any an-koatry ny / est-partie / dit-on / la / pintade / est-alle / pour-visiter / parents / l-bas / au-del / la /

    partir aller visiter + marque pass n- + marque pass n- + marque futur h-

    ala ; ary nony tonga tao am-povoan'ny ala, hono, izy dia fanina ka nianjera, / fort / et / quand / arrive / l-bas / au-milieu-de-la / fort / dit-on / elle / alors / tourdie / et-alors/ est-tombe/

    ka tapaka ny elany. Dia nitomany izy ka nanao hoe : / et-alors / casse / les / ailes / alors / a-pleur / elle / et-alors / a-fait / disant /

    Handroso, handroso aho, tsy afaka ; hiverina, manin-kavana ! / avancerai / avancerai / moi / ne-pas / capable / retournerai / regrette + parents /

    Dia izany, hono, no nanaovan'ny olona tonon-kira mandrakariva hoe : / alors / cela / dit-on / c'est-que / a-t-fait-par les / hommes / morceau + chant / toujours / disant /

    Akanga niditry ny ala : / pintade / est-entre / la / fort /

    handroso tsy afaka ; / avancerai / ne-pas / capable /

    hiverina, tapak'elatra ; / retournerai / casse + aile /

    hijanona, manin-kavana. / resterai / regrette + parents /

    Traduction suivie :

    La Pintade Une pintade est partie, dit-on, pour visiter sa parent de l'autre ct de la fort. Quand elle est arrive au milieu de la fort, dit-on, elle a eu un tourdissement, et elle est tomba et s'est cass une aile. Alors elle a pleur en disant : Avancerai-je, avancerai-je ? je ne peux pas ; m'en retournerai-je ? j'ai la nostalgie de ma parent ! Et c'est, dit-on, de l que vient cette chanson de toujours :

    Pintade entre dans la fort : Avancer, je ne peux pas ; M'en retourner, j'ai l'aile casse ! Rester, j'ai la nostalgie de ma parent.

    Une autre traduction, tablie sur un texte un peu diffrent, se trouve dans : L. Dahle, J. Sims, Contes des Aeux malgaches.Trad. D. Dorian et L. Molet. Paris : Institut National des Langues et Civilisations Orientales, 1992, pp. 310-311. Notes littraires et ethnologiques : La pintade akanga reprsente souvent la matresse, la concubine. Le chant exprime le regret d'tre partie de chez les siens, les membres de sa parent havana.

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    LESONA FAHATELO

    Troisime leon Les pronoms personnels

    Je, tu, et vous

    La grammaire scolaire du franais nous a habitus classer les pronoms personnels en trois personnes, chacune comprenant un singulier et un pluriel.

    singulier pluriel 1e personne je, moi nous 2e personne tu vous 3e personne il, lui, elle ils, eux, elles

    Cette structure est loin d'tre universelle, et de fait cette prsentation, acceptable pour le franais, ne peut pas convenir pour le malgache.

    Nous avons bien l'quivalent d'une premire personne du singulier et d'une deuxime personne du singulier, fonctionnant comme en franais.

    Mpampianatra aho. / professeur / je / Je suis professeur. Mpampianatra ve ianao ? / professeur / est-ce-que / tu / Est-ce que tu es professeur ? - , tsy mpampianatra aho. / non / ne pas / professeur / je / Non, je ne suis pas professeur. Mpianatra aho. / tudiant / je / Je suis tudiant.

    Noter ici que les mots qui traduisent professeur et tudiant sont des formes grammaticales drives du mme radical. (On les trouvera en effet au Vocabulaire sous Anatra.) Des distinctions qui en franais sont de l'ordre du lexique (= des mots diffrents, qui se trouveront des places diffrentes dans le dictionnaire) peuvent tre en malgache des distinctions morphologiques (= des formes grammaticales diffrentes).

    Quand il vient en tte de l'nonc, aho je est remplac par la variante izaho, comme dans l'change suivant : Mpampianatra ve ianao ? Est-ce que tu es professeur ? / professeur / est-ce-que / tu / - Izaho ve ? / je / est-ce-que / - Moi ? [= c'est moi que tu parles ?] Tsy mpampianatra aho fa mpianatra. / ne-pas / professeur / je / mais / tudiant / Je ne suis pas professeur, mais tudiant.

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    Il y a bien galement un vous, qui est l'quivalent de la deuxime personne du pluriel, fonctionnant comme en franais.

    Mpampianatra aho fa ianareo mpianatra. / professeur / je / mais / vous / lve(s) / Je suis professeur, tandis que vous tes tudiants(tes).

    Pas de nous en malgache. L'inclusif et l'exclusif Mais le malgache ne possde rien qui soit l'quivalent d'une deuxime personne du pluriel (nous). Il le remplace par deux personnes distinctes, qui sont l'une un exclusif, et l'autre un inclusif. L'exclusif reprend je + il, elle (eux, elles), mais exclut l'interlocuteur. Son sens est donc moi et un autre, ou des autres, mais sans toi qui je m'adresse, ou sans vous qui je m'adresse. Exemples : Mpampianatra ve ianareo ? / professeur(s) / est-ce-que / vous / Est-ce que vous tes professeurs ? - , tsy mpampianatra izahay. / non / ne pas / professeur(s) / EXCLUSIF /

    ce qui se traduit en franais courant par : Non, nous ne sommes pas professeurs. Mpianatra izahay. / tudiant(s) / EXCLUSIF /

    traduit en franais courant par : Nous sommes tudiants.

    Mais la traduction courante par le nous du franais est rendue ncessaire ici seulement par l'imprcision du franais, comme cela apparat si on considre un autre contexte :

    Mpampianatra aho. Mpianatra ianareo. Mamaky boky malagasy isika. / professeur / je / / tudiant(s) / vous / / lire / livre / malgache / INCLUSIF / Je suis professeur. Vous tes tudiants. Nous lisons un livre malgache.

    Dans cette dernire phrase, le pronom malgache isika est traduit aussi en franais par nous, mais il renvoie un sens tout diffrent, qui est celui de l'inclusif : moi + vous. En effet, on suppose que les tudiants (auxquels le professeur s'adresse) et le professeur (qui leur parle) lisent ensemble le livre. C'est donc bien un inclusif. L'exemple suivant montrera la diffrence de sens avec l'exclusif : Mitsara fanadinana ianareo mpampianatra. / corriger / examen(s) / vous / professeur(s) / Vous les professeurs vous corrigez les examens. Masiaka ve ianareo raha mitsara fanadinana ? / mchant(s) / est-ce-que / vous / quand / corriger / examen(s) / Est-ce que vous tes svres quand vous corrigez les examens ? - Ee, mety masiaka izahay. / oui / pouvoir / mchant(s) / EXCLUSIF / Oui, nous pouvons tre svres.

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    Le nous du franais dans ce cas correspond bien l'exclusif (moi + eux, les autres professeurs, sans vous les tudiants).

    La distinction entre inclusif et exclusif existe dans un grand nombre de langues. C'est le cas en particulier en pidgin mlansien, langue dont l'essentiel du lexique est emprunt l'anglais. Dans cette langue, la formation des pronoms correspondant au malgache isika et izahay est transparente : l'inclusif se dit yumi (litt. vous [et] moi) et l'exclusif mifela (litt. moi [et] compagnon). On trouvera dans le petit livre de C. Hagge, La Structure des langues. Paris : PUF, 1982, des donnes statistiques sur la manire dont les langues du monde se rpartissent pour ce qui est de divers critres grammaticaux. Ainsi on apprend, pp. 110-112, que 64 % des langues du monde ont un nous, comme le franais et l'anglais, tandis que 36 % opposent un inclusif et un exclusif comme le malgache et le pidgin mlansien.

    Pas exactement une troisime personne du pluriel en malgache

    Nous avons dj rencontr l'quivalent du franais il, lui, elle, dans la phrase : Tsy nianatra izy. Il n'est pas all l'cole.

    Mais nous avons rencontr aussi cette forme izy dans un contexte o il s'agissait des brebis et des vaches qui appellent leur petits dont elles sont spares : Mibarareoka sy mim izy / bler / et / beugler / elle ~ elles / Elles blent et meuglent (Texte 9.) Nous disons donc que cette mme forme izy correspond aux pronoms de la troisime personne la fois pour le singulier et le pluriel.

    Nous pouvons mme noter que dans beaucoup de cas la distinction entre le singulier et le pluriel, qui est en franais une distinction obligatoire, est en malgache simplement indiffrente. Ainsi, dans le texte 6 du manuel de lecture de 1878 il tait question de l'espce d'oiseau appele kankafotra. Dans le titre, j'avais choisi de traduire Ny Kankafotra par Le Coucou, en employant le singulier dans son usage franais de collectif (= l'espce coucou). Mais dans la suite du texte, nous avions : Mahalala ny fiovan'ny taona ny kankafotra. / connatre / le / changement-de / l' / anne / le(s) / coucou(s) /

    J'avais traduit par : Les coucous connaissent le changement des saisons, mais la traduction au singulier (au sens gnral) est tout aussi bonne : Le coucou connat le changement des saisons. Et la phrase suivante : Maneno izy raha vao miantomboka ny lohataona. / chanter / il ~ils / quand / ds que / commencer / le / tte-anne / peut donc tre traduite indiffremment par : Ils chantent ds que le printemps commence, ou par : Il chante ds que le printemps commence.

    Toutefois, quand le contexte exige une prcision, le malgache peut ajouter au pronom izy un dmonstratif ireo ceux-ci, celles-ci ; en effet, si le nombre n'est marqu ni dans les formes des noms, ni dans celles des articles, pas plus que dans celles des verbes, ni des

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    adjectifs, en revanche les dmonstratifs ont une marque de nombre qui a la forme d'un infixe -re-.

    1 On peut donc avoir l'nonc :

    Tsy nianatra izy ireo. / ne-pas / tudier / eux ~elles / ceux-l ~celles-l / Ils (ou elles) ne sont pas alls(es) l'cole.

    Pronoms sujets / pronoms complments d'objet Les pronoms que nous avons vus sont employs en fonction de sujet. Il existe une srie de formes diffrentes qui sont employes en fonction de complment d'objet. Ce sont : me, moi ahy te, toi anao le, la, lui azy (pour indiquer le plur. on peut ajouter ireo) moi et vous antsika moi et autrui anay vous (pluriel) anareo Exemples :

    Hamangy ahy ve ianareo ? / visiter-futur / moi / est-ce-que / vous / Est-ce que vous me rendrez visite ?

    - Eny, hamangy anao izahay. / oui / visiter-futur / toi / EXCLUSIF / - Oui, nous (= moi et autrui) te rendrons visite. Efa nahita azy ve ianao ? / dj / voir-pass / lui ~ elle / est-ce-que / tu / Est-ce que tu l'as vu(e) ? - Ee, efa nahita azy aho. / oui / dj / voir-pass / lui ~ elle / je / - Oui, je l'ai vu(e). Mampianatra anareo aho. / enseigner / vous-complment / je / Je vous enseigne (= Je vous fais cours).

    Mampianatra enseigner est une forme de verbe, laquelle correspond le nom d'agent mpampianatra professeur, enseignant. Nous aborderons bientt la formation des verbes.

    Mampianatra anay ianao. / enseigner / EXCLUSIF / tu / Tu nous enseigne. (= Tu enseignes moi et d'autres ; videmment tu n'es pas inclus dans tes propres tudiants !) Mampianatra antsika izy. / enseigner / INCLUSIF / il ~ elle /

    1 On appelle infixe un lment morpholgique qui vient s'insrer l'interieur du radical, et non au dbut comme

    dans le cas du prfixe, ou la fin comme dans le cas du suffixe.

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    Il (ou elle) nous enseigne. (= Il, ou elle, nous enseigne nous tous, y compris vous qui je parle.)

    Possessifs et complments d'agent Un troisime srie de pronoms personnels sont employs comme complments d'agent des verbes passifs. Les mmes formes correspondent aussi aux emplois de ce que la grammaire scolaire du franais nous a appris appeler des adjectifs possessifs. Ainsi, on a, par exemple avec le verbe hita tre vu Hitako izy / vu-par-moi / il ~elle / c'est--dire : Je le vois (ou : je la vois) Hitanao izy / vu-par-toi / il ~elle / c'est--dire : Tu le vois (ou : tu la vois) Hitany izy / vu-par-lui ~elle / il ~elle / c'est--dire : Il le voit (ou : Elle le voit, ou : Il la voit) Hitantsika izy / vu-par-moi et vous / il ~elle / c'est--dire : Nous (y compris toi qui je parle) le voyons (ou : la voyons) Hitanay izy / vu-par-moi et autrui / il ~elle / c'est--dire : Nous (sauf toi qui je parle) le voyons (ou : la voyons) Hitanareo izy / vu-par-vous / il ~elle / c'est--dire : Vous le voyez (ou : vous la voyez).

    Ces formes sont trs importantes, parce que la langue malgache emploie trs souvent le passif, dans des contextes o en franais on s'exprimerait certainement l'actif. (V. leon suivante.) Ainsi on dira facilement : Tiako ianao / aim(e)-par-moi / tu / c'est--dire : Je t'aime. (Texte 12, orthographe modifie.) C'est mme en malgache la seule manire normale de le dire. La forme active serait trs trange dans une phrase de ce genre.

    On remarque que ces pronoms ne sont pas indpendants, comme les formes prcdentes, mais toujours suffixs au terme qu'ils compltent. Les possessifs ne sont pas des formes diffrentes, mais bien les mmes formes (on dit donc en malgache aim de moi = j'aime de la mme manire qu'on dit maison de moi = ma maison).

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    Ainsi nous aurons, avec trano maison, boky livre :

    ny tranoko ma maison ; ny bokiko mon livre

    ny tranonao ta maison ; ny bokinao ton livre

    ny tranony sa maison ; ny bokiny son livre Remarque d'accentuation. Les pronoms suffixes -ko de moi et -ny de lui, d'elle ne portent pas d'accent propre. Les mots auxquels ils se suffixent gardent donc l'accent sur la syllabe sur laquelle il portait dans le mot isol. Au contraire, les autres pronoms portent un accent propre.

    ny tranontsika notre maison ; ny bokintsika notre livre ( moi et vous) ny tranonay notre maison ; ny bokinay notre livre ( moi et autrui, mais pas vous) ny tranonareo votre maison ; ny bokinareo votre livre

    L'ensemble des faits concernant les pronoms personnels peut tre rsum dans le tableau suivant :

    forme indpendante (sujet)

    forme (complment d'objet)

    forme suffixe (possessif et compl. d'agent)

    je aho ahy -ko avec certains radicaux -o

    tu ianao anao -nao avec certains radicaux -ao

    il, elle, eux, elles

    izy azy -ny

    inclusif moi et vous

    isika antsika -ntsika avec certains radicaux -tsika

    exclusif moi et autrui

    izahay anay -nay avec certains radicaux -ay

    vous (pluriel) ianareo anareo -nareo avec certains radicaux -areo

    Des accidents phontiques affectent la jonction entre les pronoms suffixes et certains radicaux, qui sont ceux portant l'accent sur l'avant-avant-dernire syllabe. Nous avons vu (leon 1) qu'il s'agit de radicaux qui se terminent ncessairement par les syllabes -ka, -tra, ou -na.

  • - 34 -

    Les jonctions donnent les rsulats suivants, avec par exemple :

    zanaka enfant latabatra table havana parent

    zanako mon enfant latabatro ma table havako mon parent, ma parente zanakao ton enfant latabatrao ta table havanao ton parent, ta parente zanany son enfant latabany sa table havany son parent, sa parente zanatsika notre enfant latabatsika notre table havantsika notre parent, notre parente [ tous, y compris toi] zanakay notre enfant latabatray notre table havanay notre parent, notre parente [ moi et eux, mais pas toi] zanakareo votre enfant latabatrareo votre table havanareo votre parent, votre parente

  • - 35 -

    UN TEXTE DE LITTERATURE TRADITIONNELLE

    TIAKO HIANAO

    Je t'aime (C'est nouveau un Hain-teny, comme celui de la Pintade, donn plus haut, leon 2.)

    Texte 12.

    Quelques notes phontiques et orthographiques.

    Tiako hianao Le locuteur ralise tiako sans prononcer la voyelle a, comme s'il y avait tiko. On remarque qu'il supprime aussi le a dans tianao.

    Ary tianao tahaka ny inona ? Cette prononciation est aujourd'hui la plus courante. L'orthographe fixe au XIXe sicle ne correspond plus ici la prononciation.

    Tiako tahaka ny vola hianao Pour le mot hianao tu, le h- initial a t abandonn depuis longtemps. Dans l'orthographe actuelle on crit ianao.

    Izany tsy tianao aho

    Fa raha noana hianao atakalonao hanina

    Tiako tahaka ny varavarana hianao

    Izany tsy tianao aho

    Tiana ihany ka atositosika On remarque qu'ici le locuteur a bien prononc le a de tiana ; il aurait pourtant pu dire, comme prcdemment tina en supprimant le a. La

    Tiako tahaka ny lambamena hianao prononciation n'est pas entirement fixe.

    Izany tsy tianao aho

    Fa efa maty vao mihaona Dans mihaona, non seulement le [h] a disparu, mais la diphtongue ancienne qui est encore note dans l'orthographe est ramene une

    Tiako tahaka ny voatavo hianao seule voyelle : on entend [mi'na]. Cette prononciation est courante.

    Lena hianao haniko

    Maina hianao ataoko zinga

    Vaky hianao ataoko toham-baliha

    Hotendreko eroa amoron-dlana.

    Izany aho vao tianao tokoa.

  • - 36 -

    On donne maintenant le texte en transcription courante, sans souligner les syllabes accentues, avec une traduction suivie :

    Tiako hianao Je vous aime

    Ary tianao tahaka ny inona ? Et comment m'aimez-vous ?

    Tiako tahaka ny vola hianao Je vous aime comme l'argent.

    Izany tsy tianao aho Vous ne m'aimez pas :

    Fa raha noana hianao atakalonao hanina Si vous avez faim, vous m'changerez pour ce qui se mange.

    Tiako tahaka ny varavarana hianao Je vous aime comme la porte.

    Izany tsy tianao aho Vous ne m'aimez pas :

    Tiana ihany ka atositosika On l'aime, et pourtant on la repousse sans cesse.

    Tiako tahaka ny lambamena hianao Je vous aime comme le lambamena.

    Izany tsy tianao aho Vous ne m'aimez pas :

    Fa efa maty vao mihaona Nous ne nous rencontrerons que morts. Tiako tahaka ny voatavo hianao Je vous aime comme la voatavo :

    Lena hianao haniko Frache, je vous mange ;

    Maina hianao ataoko zinga Sche, je fais de vous une tasse.

    Vaky hianao ataoko toham-baliha Casse, je fais de vous un chevalet de valiha :

    Hotendreko eroa amoron-dlana. Je jouerai doucement au bord des routes.

    Izany aho vao tianao tokoa. C'est maintenant que vous m'aimez tout fait.

    Texte et traduction publis par Jean Paulhan, Les Hain-teny mrinas. Posies populaires malgaches recueillies et traduites par Jean Paulhan. Paris : Paul Geuthner, 1913, 461 p. (Rdition : Hain-teny merina. Antananarivo : Foi et Justice, 1991, 239 p.) Jean Paulhan donne les notes suivantes : Les vers 1, 3, 6, 9, 12, 13, 14, 15, 16 sont dits par un homme. Les vers 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11 par une femme. Vers 9. Le lambamena est le manteau de soie rouge qui enveloppe les morts. V. 12. La voatavo est une petite citrouille. V. 15. La valiha est un instrument de musique fait d'une tige de bambou : l'corce, souleve et fixe sur des chevalets, forme les cordes que l'on pince, pour jouer, comme celles de la guitare.

  • - 37 -

    LESONA FAHAEFATRA

    Quatrime leon Les passifs

    Certains verbes passifs sont des radicaux. Ce sont souvent des verbes trs usuels. Nous avons dj rencontr hita tre vu, et dans le texte prcdent tia tre aim. On peut citer encore re tre entendu, ou senti, qui s'applique aux sons comme aux odeurs.

    Construction des verbes passifs suffixe et prfixe D'autres passifs sont construits l'aide d'affixes : - les suffixes -ina, -ana, qui entranent le dplacement de l'accent d'une syllabe vers la fin du mot (sauf quand l'accent est dj sur la dernire syllabe) ; la prsence de ce suffixe entrane souvent des accidents phontiques affectant le radical ; ces changements ne sont pas toujours prvisibles ; - le prfixe a-, qui n'entrane aucun changement phontique du radical.

    On ne peut pas deviner quels sont les radicaux qui forment des verbes passifs d'une manire ou de l'autre. Quelques radicaux peuvent former les uns et les autres, souvent avec des nuances de sens, qu'on doit apprendre dans chaque cas.

    Quelques exemples :

    Du radical on forme le passif : comme dans : ray raisina tre saisi Raisiko ny bokiko

    mon livre est pris par moi, c.--d. je prends mon livre (texte 14)

    velatra velarina tre tal Velariko ny bokiko mon livre est tal par moi, c.--d. j'ouvre mon livre (texte 14)

    tendry tendrena tre touch Hotendreko ny valiha la cithare sera touche par moi, c.--d. je jouerai de la cithare (texte 12)

    antso antsoinatre appel Nantsoinareo ve ny dokotera ? litt. a t appel / par vous / est-ce que / le mdecin ?, c.--d. avez-vous appel le mdecin

    ome omena tre donn Nomena fanafody ny marary le malade a t donn un mdicament, c.--d. on a a donn un mdicament au malade.

    fafa fafana tre balay, tre effac

    Nofafako ny trano la maison a t balaye par moi, c.--d. j'ai balay la maison

    sasa lavage sasana tre lav Nosasanareo ve ny lamba est-ce que le linge a t lav par vous ?, c.--d. avez-vous lav le linge ?

    soratra soratana tre crit Nosoratana ny boky le livre a t crit vaky vakina 1 tre cass,

    bris ; 2 tre lu Novakina ny kitay le bois brler a t cass, c.--d. on a cass le bois Novakiko ny gazety j'ai lu le journal

    tao atao tre fait Boky nataon-dRazafindramanta livre [qui] a t fait par Razafinramanta c.--d. livre crit par R.

    tosika atosika qu'on pousse atositosika qu'on pousse sans cesse

    Atositosika ny varavarana la porte est pousse sans cesse, c.--d. on pousse sans cesse la porte (texte 12).

    takalo atakalo qu'on change Atakalo hanina ny vola l'argent est chang contre de la nourriture, c.--d. on change l'argent contre de la nourriture.

  • - 38 -

    On remarque que gnralement la traduction en franais demandera l'emploi de l'actif (je prends) l o le malgache prfre s'exprimer au passif (est pris par moi). Les passifs sont susceptibles de recevoir les marques de temps, qui sont

    - pour les passifs construits avec prfixe (-a) ou avec suffixe (-ina, -ana), un paradigme trois temps :

    temps : comme dans :

    zro, pas de marque prsent Raisiko ny bokiko litt. est pris / par moi / le / livre / de moi, c.--d. je prends mon livre

    no- n- devant voyelles pass

    Nofafako ny trano litt. a t balaye / par moi / la / maison, c.--d. j'ai balay la maison ; Natosika ny varavarana la porte a t pousse, c.--d. on a pouss la porte, quelqu'un a pouss la porte

    ho- h- devant voyelles futur

    Hotendreko ny valiha litt. sera joue / par moi / la / cithare, c.--d. je jouerai de la cithare Homena fanafody ny marary litt. sera donn / mdicament / le / malade, c.--d. on donnera un mdicament au malade

    - pour les passifs radicaux, un paradigme deux temps :

    temps : comme dans :

    zro, pas de marque non futur (peut se rapporter au prsent ou au pass)

    Tianao ve aho ? litt. suis aim / est-ce que / par toi, c.--d. est-ce que tu m'aimes

    ho-

    futur Ho tiako ianao litt. serai aim / par moi / toi c.--d. je t'aimerai

    Pour cette distinction, comparer avec ce qui a t dit plus haut (Leon II) sur les temps des adjectifs.

    Impratifs passifs

    Les verbes passifs ont des impratifs, qui sont forms l'aide d'un suffixe -o. Dans le cas des passifs forms avec les suffixes -ina, -ana, le suffixe -o vient se substituer au suffixe. On dit ainsi :

    raiso ! soit saisi, puisse tre saisi ! velaro ! soit tal, puisse tre tal !, sasao ! soit lav, puisse tre lav !, omeo ! soit donn, puisse tre donn !, etc.

  • - 39 -

    Dans le cas des verbes passifs prfixe -a, le suffixe vient s'ajouter la forme ; l'accent se dplace s'une voyelle vers la fin du mot ; il se produit souvent des accidents phontiques (consonnes ajoutes ou transformes) :

    atoseho ! soit pouss, puisse tre pouss !,

    Ces formes - dont les quivalents sont difficiles employer en franais - sont trs usuelles, et elles sont mme beaucoup plus employes que les impratifs actifs, qui paraissent souvent brutaux et malpolis. Ainsi, on dira en malgache : Raiso ny bokinao ! litt. Soit pris ton livre, puisse ton livre tre pris !

    ce qui ne signifie pas autre chose que ce que le franais exprime par : Prends ton livre !.

    Lorsque le radical comporte une voyelle o, le suffixe de l'impratif passif est remplac par -y.1 On dit ainsi :

    ataovy ! soit fait, puisse tre fait ! antsoy ! soit appel ! atakalozy ! soit chang, puisse tre chang ! soraty ! soit crit, puisse tre crit ! (dans ce cas on entend aussi : sorato !).

    Les nombres Ny isa Le systme de numration du malgache est original en ceci que les nombres sont noncs toujours en partant de la srie la plus petite (de l'unit) pour avancer vers les sries les plus grandes (les dizaines, puis les centaines, puis les milliers, etc.).

    Cette manire de compter n'est d'ailleurs pas rpandue dans tous les dialectes du malgache. On la trouve en malgache littraire ainsi que dans les parlers du centre et de l'est du pays. Les parlers du nord, de l'ouest et du sud comptent dans l'autre direction.

    1 iray, iraika * 11 iraika ambin'ny folo 2 roa 12 roa ambin'ny folo 3 telo 13 telo ambin'ny folo 4 efatra 14 efatra ambin'ny folo 5 dimy 15 dimy ambin'ny folo 6 enina 16 enina ambin'ny folo 7 fito 17 fito ambin'ny folo 8 valo 18 valo ambin'ny folo 9 sivy 19 sivy ambin'ny folo 10 folo

    1 Pour dsigner ce genre de changement les linguistes parlent de dissimilation : tout se passe comme si la langue

    voulait viter que plusieurs voyelles o se rapprochent. * Quand on compte en numrant les nombres, 1 se dit isa. On dit ainsi : isa, roa, telo ! un, deux, trois !

  • - 40 -

    10 folo 21 iraika amby roapolo 20 roapolo 22 roa amby roapolo 30 telopolo 23 telo amby roapolo 40 efapolo 24 efatra amby roapolo 50 dimampolo 25 dimy amby roapolo 60 enimpolo 26 enina amby roapolo 70 fitopolo 27 fito amby roapolo 80 valopolo 28 valo amby roapolo 90 sivifolo 29 sivy amby roapolo 100 zato

    100 zato 111 iraika ambin'ny folo amby zato 200 roanjato 112 roa ambin'ny folo amby zato 300 telonjato 113 telo ambin'ny folo amby zato 400 efajato 500 dimanjato 121 iraika amby roapolo amby zato 600 eninjato 122 roa amby roapolo amby zato 700 fitonjato 123 telo amby roapolo amby zato 800 valonjato 900 sivanjato 999 sivy amby sivifolo amby sivanjato 1000 arivo

    1.000 arivo 1111 iraika ambin'ny folo amby zato sy arivo 2.000 roa arivo 1112 roa ambin'ny folo amby zato sy arivo 3.000 telo arivo 1113 telo ambin'ny folo amby zato sy arivo 4.000 efatra arivo 5.000 dimy arivo 6.000 enina arivo 7.000 fito arivo 8.000 valo arivo 9.000 sivy arivo 10.000 iray alina

    100.000 iray hetsy 200.000 roa hetsy

    1.000.000 iray tapitrisa 2.000.000 roa tapitrisa

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    PAGES D'UN LIVRE DE LECTURE ANCIEN

    RAZAFINDRAMANTA, BOKY FAMAKIAN-TENY MALGASY (1905) Livre de Lecture malgache (1905)

    Quelques extraits de ce livre, datant du dbut de l'poque coloniale. (Voir la suite de la bibliographie la reproduction de la la couverture du livre.)

    Texte 13.

    Fianarana voalohany / tude / premire /

    Raiso ny bokinao, Rabe. / soit-saisi / le / livre+toi / Rabe /

    Zahao ny pejy fahafito. / soit-regarde / la / page / septime /

    Raisiko ny bokiko. / est-saisi+par-moi / le / livre+de-moi / traduction suivie :

    Hitady ny pejy fahafito aho. Ire LEON. / chercher+futur / la / page / septime / La page. Prends ton livre, Rabe. Velariko ny bokiko. Prends ton livre, Rabe. / est-tal+par-moi / le / livre+de-moi / Regarde la page sept. Je prends mon livre. Ny pejy fahafito no hitako. Je cherche la page sept. / la / page / septime / c'est-que / vue+par moi / J'ouvre mon livre.

  • - 42 -

    Texte 14.

    Fianarana faharoa / tude / deuxime /

    Tsara fihazom-boky aho. / bonne / manire-de-tenir+livre / je /

    Mamelatra ny boky aho. traduction suivie : / taler / le / livre / je /

    IIme LEON Voavelatra ny boky. Je tiens bien mon livre. / tal / le / livre / Je prends le livre. J'ouvre le livre. Velariko eo anoloako ny felatanako havia. Le livre est ouvert.

    / est-tale+par-moi / ici / devant+de-moi / la / paume-[de]-main+de-moi / gauche /

    J'ouvre devant moi ma main gauche.

  • - 43 -

    Texte 15.

    Fianarana fahadimy / tude / cinquime /

    Jereo ity latabatra ity / soit-regarde / cette / table / cette /

    Firy ny tongony ? / combien / le(s) / pied(s)+de-elle /

    Isa, roa, telo, efatra / un / deux / trois / quatre /

    Efatra ny tongony. / quatre / le(s) / pied(s)+de-elle /

    traduction suivie :

    Vme LEON La table. Regarde cette table : . combien a-t-elle de

    pieds ? Un, deux, trois, quatre : elle a quatre pieds.

  • - 44 -

    LESONA FAHADIMY

    Cinquime leon Les actifs

    Comme pour les verbes passifs, il y a des formes de verbes radicaux qui donnent un sens actif. Nous avons rencontr tonga arriver. Mais la plupart des verbes actifs sont forms l'aide de prfixes, qui ont en commun le fait de commencer par un m-, dont nous avons vu qu'il marque le prsent, et qu'il alterne avec une marque de pass n- et une marque de futur h-. Nous avons dj rencontr les prfixes de verbes actifs m-, mi-, mian-, et man- ou mam-.

    Avec le prfixe m- nous connaissons : matory dormir (radical tory), manana avoir, possder (radical anana).

    Avec le prfixe mi- nous connaissons : mianatra apprendre, tudier, aller l'cole (radical anatra), mitsara juger, corriger (radical tsara), mitoetra demeurer (radical toetra).

    Nous pouvons ajouter : miantso appeler (radical antso).

    Ces verbes sont souvent intransitifs (incapable de recevoir un complment d'objet), comme dans : Mitoetra any anaty rano ny mamba

    Les crocodiles demeurent dans l'eau. Mais ils fournissent aussi des verbes transitifs, comme dans : Mianatra teny malagasy isika

    Nous (inclusif = vous et moi) tudions la langue malgache. ou : Mitsara fanadinana ny mpampianatra

    Les professeurs corrigent les examens. Hiantso dokotera izahay.

    Nous allons appeler un mdecin. Avec le prfixe mian- nous connaissons :

    miantomboka commencer (radical tomboka) que nous avons rencontr dans : Miantomboka ny lohataona.

    Le printemps commence.

  • - 45 -

    Les prfixes man- et mam- forment des verbes transitifs, comme manao faire (radical tao), mamaky casser, briser, lire (radical vaky), manoratra crire (radical soratra), etc. 1

    Ces formes sont premire vue surprenantes, par les alternances phontiques qu'elles prsentent. Nous nous proposons donc d'en faire une analyse dtaille.

    Rgles de sandhi dans la construction des verbes actifs prfixe man- La jonction du prfixe man- avec des radicaux commenant par des consonnes donne lieu toute une srie de transformations rgulires, dans laquelle la nasale qui termine le prfixe man- se combine avec la consonne initiale du radical. Ce type de combinaisons est parfois appel par les linguistes sandhi, d'aprs un terme de la grammaire traditionnelle des langues de l'Inde. On remarque que la combinaison du prfixe man- - avec une consonne labiale donnera toujours une nasale labiale, - avec une consonne dentale donnera toujours une nasale dentale, etc., en restant toujours dans le mme point d'articulation. Cependant, les consonnes sourdes, dans leur combinaison avec man-, produisent toujours un rsultat qui est une nasale pure, tandis que les consonnes sonores dans la mme combinaison produisent une prnasalise.

    Ainsi la combinaison de man- avec les radicaux potsitra crev (commenant par la labiale sourde p), ou fafa balayage, donne les verbes

    mamotsitra crever, o la consonne de jonction du radical et du prfixe est la labiale m, mamafa balayer, o la consonne de jonction du radical et du prfixe est la labiale m,

    tandis que la combinaison de man- avec le radical tonona (commenant par la dentale sourde t) donne le verbe

    manonona prononcer, o la consonne de jonction du radical et du prfixe est la dentale n.

    Quand on a affaire des radicaux commenant par des consonnes sonores, le rsultat est non pas une nasale pure, mais une prnasalise, toujours du point d'articulation correspondant. Ainsi avec voly culture, on obtient mamboly cultiver, la consonne labiale sonore v entrant en correspondance avec la prsnasalise labiale mb.

    1 Ces formes n'puisent pas toutes les possibilits, loin de l. Nous avons en particulier dj rencontr la

    formation de verbes factitifs, c'est--dire qui donnent le sens de faire faire, comme : partir de manao faire, mampanao faire faire, partir de manoratra crire, mampanoratra faire crire, partir de mianatra tudier, mampianatra faire tudier, c.--d. enseigner.

    Aux verbes correspondent aussi des formations nominales, en particulier des noms d'agent, comme : partir de manoratra crire, mpanoratra scribe, crivain, partir de mianatra tudier, mpianatra lve, tudiant, partir de mampianatra enseigner, mpampianatra professeur, instituteur, etc.

  • - 46 -

    Cependant, la srie des nasales pures ne comportant que deux phonmes, m (qui est labial), et n (qui est dental), les correspondances avec toutes les consonnes doivent choisir entre ces deux articultions. Ainsi n est bien phontiquement dental, mais il assume les correspondances de tous les autres points d'articulation situs plus en arrire.

    On peut donc dire que du point de vue phonologique la nasale /n/ du malgache est simplement dfinie comme non labiale (puisqu'elle s'oppose dans les relations de sandhi seulement la labiale /m/). Le tableau suivant rcapitule les rgles de sandhi observes dans la formation de ces verbes.

    p t ts tr k

    b d j dr g

    f s h

    v l z r

    m n

    mp nt nts

    nk

    mb nd nj ng ntr

    ntr

    Rgles de sandhi dans la jonction du prfixe man- des verbes actifs et d'un radical commenant par une consonne

    Les correspondances concernant les consonnes sourdes ont t figures par des flches rouges. Celles qui concernent les consonnes sonores ont t figures par des flches bleues. Le traitement des sourdes abouti des nasales pures. Celui des sonores aboutit des prnasalises.

    Le systme comporte une exception, qui concerne les labiales sonores. Dans ce cas en effet, certaines formes obissent la rgle gnrale, comme : voly culture > mamboly cultiver, mais d'autres formes se comportent comme dans le cas des consonnes sourdes, donnant pour rsulat la nasale pure m et non la prnasalise mb. Certains radicaux connaissent une hsitation entre deux formes : baboprisonnier de guerre > mamabo ou mambabo faire prsionnier, d'autres ont seulement la forme avec consonne prnasalise : vono action de tuer > mamono tuer, velatra action d'taler > mamelatra taler. (Exemple dans texte 14.) Cette exception est reprsente sur le tableau par les flches bleues bifurques dans la colonne des labiales.

  • - 47 -

    Quelques exemples classs systmatiquement :

    radicaux commenant par des instantanes (= occlusives et affriques) sourdes : p- > mam-

    potsitra crev mamotsitra crever t- > man-

    tonona action de prononcer manonona prononcer, dnoncer ts- > man-

    tsindrona piqre manindrona piquer tr- [pas d'exemple courant]

    k- > man- kaikitra morsure manaikitra mordre

    radicaux commenant par des instantanes sonores : b- > mam- ou mamb-

    babo prisonnier de guerre mamabo, mambabo faire prisonnier d- > mand-

    didy action de trancher ; ordre mandidy trancher, ordonner j- > manj-

    jono action de pcher la ligne manjono pcher la ligne dr- [pas d'exemple] g- > mang-

    geja action de serrer mangeja serrer [aussi : manageja]

    radicaux commenant par des continues sourdes f- > mam-

    fafa action de balayer mamafa balayer s- > man-

    soratra criture manoratra crire h- > man-

    haja honneur manaja honorer [mais on trouve une exception avec halatra vol, larcin > mangalatra voler]

    radicaux commenant par des continues sonores v- > mam-, parfois mamb-

    vono action de tuer mamono tuer [mais : voly culture, plantation mamboly cultiver]

    l- > mand- lanja poids, pesanteur mandanja peser

    z- > manj- zaitra couture manjaitra coudre

    r- > mandr- resy vaincu mandresy vaincre

    D'autres rgles de sandhi dans des contextes grammaticaux diffrents Il est intressant de remarquer que les rgles de sandhi que nous venons de voir s'appliquent exclusivement la combinaison du prfixe man- avec les consonnes initiales des radicaux. Dans d'autres cas o se produisent des jonctions entre un premier terme se terminant par une nasale et un second commenant par une consonne, les combinaisons qui se produisent sont toutes des prnasalises, la distinction entre les cas des sourdes et des sonores ne se produisant pas.

  • - 48 -

    C'est le cas illustr dans notre texte 12 par les noms composs : tohana support + valiha cithare sur bambou

    > toham-baliha chevalet de cithare (qui supporte les corde de cet instrument)

    et : amorona au bord + lalana chemin > amoron-dalana au bord du chemin.

    C'est aussi le cas d'expressions o on a un verbe se terminant par -na suivi d'un nom complment d'objet, comme les nombreux exemples qu'on trouve dans notre texte 16, avec le verbe manana avoir, possder : manana avoir + fiara voiture > manam-piara avoir une voiture manana avoir + basy fusil > manam-basy avoir un fusil manana avoir + vola argent > manam-bola avoir de l'argent manana avoir + taratasy papier > manan-taratasy avoir du papier manana avoir + havana parent(s) > manan-kavana avoir des parents manana avoir + hena viande > manan-kena avoir de la viande

    On ne se laisera pas impressionner par le fait que l'orthogaphe du malgache spare par un trait d'union les lments lexicaux de manam-piara, manam-basy, etc. Du point de vue phonologiques mp et mb constituent bien des phonmes uniques.

    Le tableau suivant rcapitule les rgles qui apparaissent dans ce second type de sandhi. On voit que comme dans le premier cas, les correspondances se font toujours l'intrieur des colonnes reprsentant les points d'articulation. Mais il n'y a plus de diffrence de traitement entre les consonnes sourdes et les consonnes sonores. Les unes comme les autres sont ramenes dans le sandhi des prnasalises.

  • - 49 -

    p t ts tr k

    b d j dr g

    f s h

    v l z r

    m n

    mp nt nts

    nk

    mb nd nj ng ntr

    ntr

    Rgles de sandhi la jonction de deux mots dont le premier se termine par une nasale. Les correspondances concernant les consonnes sourdes ont t figures par des flches noires. Celles qui concernent les consonnes sonores ont t figures par des flches bleues. Dans les deux cas, le sandhi abouti des prnasalises.

    Impratifs actifs Les formes d'actif sont aussi capables de former des impratifs, bien que, comme nous l'avons dit, ces impratifs soient dans la langue moins frquemment employs que les impratifs passifs.

    La formation de l'impratif actif comporte un suffixe -a, et le dplacement de l'accent d'une syllabe vers la fin du mot. Nous avons donc :

    matory dormir matoria ! dors ! manjono pcher la ligne manjonoa ! pche la ligne ! mandidy trancher mandidia ! tranche !

    Des accidents phontiques se produisent la fin du radical, dans des conditions similaires ce que nous avons vu pour les impratifs passifs :

    mamelatra taler mamelara ! tale manoratra crire manorata ! cris !

    Quand la voyelles finale est un -a, le suffixe se confond avec cette voyelles finale, et la seule marque visible de l'impratif pourra tre le dplacement de l'accent :

    mitsangana se lever mitsangna ! lve-toi mamafa balayer mamaf ! balaye !

    [Dans ces cas, l'orthographe officielle marque la place de l'accent, pour viter la confusion la lecture.]

  • - 50 -

    Impratifs des adjectifs Beaucoup d'adjectifs (pas tous cependant) peuvent aussi former des impratifs, sur le mme modle. Nous avons ainsi par exemple :

    salama en bonne sant salam ! sois, soyez en bonne sant, qu'il (elle) [mot qui sert aussi de salutation, trs frquente : bonjour, salut, a va]

    soit en bonne sant !

    sitrana en bonne sant sitrna ! guris, gurissez, qu'il (elle) gurisse ! velona vivant veloma ! au revoir, adieu

    [ce mot est spcialis dans son sens salutation, si bien que gnralement on perd compltement de vue le sens littral : sois (soyez) vivant(es)]

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    UNE CHANSON CONTEMPORAINE

    METIMETY NY MANAN-KAVANA C'est bon d'avoir des parents

    Texte 16.

    Ary metimety

    Notes. Mety v. intr. c'est bien, a va ; le duplicatif metimety donne l'ide de : assez bien, vraiment bien.

    Ary metimety ro manan-kavana Ro est une forme dialectale (tire du dialecte betsileo, du sud des Hautes Terres) ; la forme attendue en malg. littraire

    Ary metimety ro manan-kavana serait ici avec l'article : metimety ny manan-kavana le [fait d'] avoir des parents est vraiment bien.

    Manam-bola manan-taratasy Forme attendue : Ny manam-bola dia manan-taratasy le [fait d'] avoir de l'argent c'est avoir du papier.

    Ary manan'omby ary manan-kena Forme attendue : Ny manan'omby dia manan-kena le [fait d'] avoir des bufs c'est avoir de la viande.

    Manan-tanimbary manam-pitafiana

    Tsa misy tahaka ny manan-kavana e ! Tsa forme dialectale (bestileo) pour tsy, ngation.

    Ary nilefalefa Refrain. Milefa s'enfuir ; le duplicatif donne ici l'ide de s'enfuir de tous cts.

    Nilefalefa Rafokonolona Rafokonolona forme opersonnifie, avec l'article respectueux Ra-, du nom fokonolona communaut

    Fa tonga ny Vazaha sy Sonegaly. villageoise. Les Sonegaly sont les Sngalais, militaires

    Ary metimety africains de l'arme coloniale, souvent employs pour rprimer les rvoltes, et trs redouts.

    Ary metimety ro manam-piara

    Ary metimety ro manam-piara

    Ary manam-piara tsa mba mety tara

    Ary manam-piara mahita vady Mahita vady trouver une pouse ou : trouver un poux ; mais ici le contexte suggre plutt qu'il s'agit

    Ary manam-bady matory tsara d'un homme qui a russi dans la vie, et qui obtient la femme qu'il dsire.

    Tsa misy tahaka ny manam-piara !

    Ary nilefalefa Nilefalefa Rafokonolona Fa tonga ny Vazaha sy Sonegaly.

    Ary metimety

    Ary metimety ro manam-basy

    Ary metimety ro manam-basy

    Manam-basy manan-kery

    Manan-kery manan-tany

    Manan-tany manam-panjakana

    Fa manan-tsoa ro manan-kavana e ! Forme attendue : Manan-tsoa ny manan-kavana e ! ils ont le bien (le meilleur) ceux qui ont des parents !

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    On donne maintenant le texte en transcription courante, sans souligner les syllabes accentues, avec une traduction suivie :

    Ary metimety Et c'est bon

    Ary metimety ro manan-kavana Et c'est bon d'avoir des parents

    Ary metimety ro manan-kavana Et c'est bon d'avoir des parents

    Manam-bola manan-taratasy Avoir de l'argent c'est avoir du papier

    Ary manan'omby ary manan-kena Et avoir des bufs c'est avoir de la viande

    Manan-tanimbary manam-pitafiana Avoir des rizires c'est avoir des vtements Tsa misy tahaka ny manan-kavana e ! Oh ! Rien n'est comme d'avoir des parents !

    Ary nilefalefa Et il s'est enfui Nilefalefa Rafokonolona Notre cher Village, il s'est enfui Fa tonga ny Vazaha sy Sonegaly. Quand les Blancs et les Sngalais sont arrivs.

    Ary metimety Et c'est bon

    Ary metimety ro manam-piara Et c'est bon d'avoir une voiture

    Ary metimety ro manam-piara Et c'est bon d'avoir une voiture

    Ary manam-piara tsa mba mety tara Et celui qui a une voiture n'est jamais en retard

    Ary manam-piara mahita vady Et celui qui a une voiture il trouve une femme

    Ary manam-bady matory tsara Et celui qui a une femme il dort bien

    Tsa misy tahaka ny manam-piara ! Oh ! Rien n'est comme d'avoir une voiture !

    Ary nilefalefa Et il s'est enfui Nilefalefa Rafokonolona Notre cher Village, il s'est enfui Fa tonga ny Vazaha sy Sonegaly. Quand les Blancs et les Sngalais sont arrivs.

    Ary metimety Et c'est bon

    Ary metimety ro manam-basy Et c'est bon d'avoir un fusil

    Ary metimety ro manam-basy Et c'est bon d'avoir un fusil

    Manam-basy manan-kery Celui qui a un fusil a la force

    Manan-kery manan-tany Celui qui a la force a la terre

    Manan-tany manam-panjakana Celui qui a la terre a le pouvoir Fa manan-tsoa ro manan-kavana e ! Mais oh ! c'est avoir le meilleur que d'avoir des parents !

    (Chanson du groupe Ll sy ny tariny Ll et sa troupe , sur un thme emprunt un chant traditionnel betsileo qui exalte les valeurs traditionnelles de la parent. Mais les musiciens ajoutent au chant folklorique une intention militante, avec l'allusion la rpression des rvoltes anti-coloniales, en particulier celle de la grande insurrection de 1947, pour laquelle les Franais avaient fait appel d'importants renforts sngalais.)

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    LESONA FAHAENINA

    Sixime leon Les circonstanciels

    Alors qu'en franais, l'nonc d'un verbe ne peut tre orient que selon deux voix, la voix active (je lave le linge) ou la voix passive (le linge est lav par moi), la langue malgache offre aussi la possibilit de donner comme sujet grammatical la phrase la circonstance de temps (litt. quelque chose comme : hier est-circonstance-d'tre-lav du linge par moi) ou de moyen (litt. quelque chose comme : le savon est-circonstance-d'tre-lav du linge par moi), la forme est-circonstance-d'tre-lav, en un seul mot, tant une forme verbale ordinaire.

    Considrons ces phrases en malgache : avec la forme passive, dont nous avons vu qu'elle est la manire souvent la plus idiomatique de prsenter les choses, nous partons de sasana tre lav, avec complment d'agent -ko par moi : Sasako ny lamba Le linge est lav par moi

    A l'actif, c'est la personne qui lave qui devient sujet grammatical du verbe, tandis que le linge devient complment d'objet ; la forme du verbe est ici un driv prfixe man- : Manasa lamba aho Je lave le linge

    Le malgache a la possibilit d'orienter l'nconc en lui donnant comme sujet, par exemple, le savon : Savony manitra no anasako lamba / savon / parfum / c'est-que / tre-circonst. d'tre lav+par moi / linge / C'est avec du savon parfum que je lave le linge. Ou : Je me sers de savon parfum pour laver le linge.

    Nous pouvons aussi prendre comme sujet grammatical la circonstance de temps : Omaly no nanasako lamba / hier / c'est-que / tre-circonst. d'tre lav+ pass + par moi / linge / C'est hier que j'ai lav le linge. Ou simplement : Hier, j'ai lav le linge.

    Construction des circonstanciels circumfixe La forme employe est construite sur le radical sasa non plus l'aide d'un suffixe, comme le passif sasana, ni l'aide d'un prfixe comme l'actif manasa, mais l'aide d'un circumfixe, c'est--dire d'un affixe qui vient entourer le radical : un segment du circumfixe vient prendre place avant et un deuxime segment aprs ce radical.

    Sur le radical sasa vient donc ici se greffer un circumfixe qui a la forme an--ana, la nasale du premier segment du circumfixe entranant les mmes accidents phontiques (ou le mme sandhi) que le prfixe man- entranait dans la construction de la forme active.

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    Avec un radical fournissant une forme active en mi-, comme le verbe mitsara juger, corriger, la formation du circonstanciel met en jeu un circumfixe i--ana, par exemple dans une phrase comme : Rahampitso no hitsarana ny fanadinana / demain / c'est-que / tre-circonst. d'tre corrig(s) + futur / le ~les / examen(s) / C'est demain que seront corrigs les examens, ou : que sera corrig l'examen.

    On note que dans ces phrases au circonstanciel, la construction usuelle suppose que le sujet soit invers par rapport sa place habituelle dans la phrase. Cette inversion du sujet se fait l'aide de la particule no c'est que, que nous avons dj rencontre plusieurs fois.

    Les textes suivants du manuel de Razafindramanta donnent plusieurs exemples de phrases la voix circonstancielle, avec le sens courant de servir .

    On notera enfin que les circonstanciels sont la base de trs nombreuses formations de noms, qui donnent le sens soit de manire de, soit de instrument de, soit de action de, etc.

    Ainsi sur le radical asa (par lui-mme un nom qui veut dire travail), nous savions dj construire un verbe actif miasa travailler, d'o nous pouvions tirer mpiasa travailleur, mais aussi : ouvrier, domestique, employ, bonne tout faire, un verbe factitif mampiasa faire travailler, c'est--dire donner du travail, employer, qui fournit lui-mme un nom d'agent mpampiasa employeur. Nous pouvons maintenant construire un circonstanciel iasana tre circonstance de travailler, d'o un nom fiasana que nous trouvons employ dans notre texte 17 avec le sens d'outil : Manana fiasana maro ny mpandrafitra Le menuis