COURS DE SERGE SLAMA IEJ HENRI MOTULSKY...

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i UNIVERSITE PARIS X-NANTERRE FACULTE DE DROIT COURS DE SERGE SLAMA IEJ HENRI MOTULSKY 2009 Protection internationale et européenne des droits fondamentaux Droit des libertés fondamentales

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UNIVERSITE PARIS X-NANTERRE

FACULTE DE DROIT

COURS DE SERGE SLAMA

IEJ HENRI MOTULSKY 2009

Protection internationale et européenne des droits fondamentaux

Droit des libertés fondamentales

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Protection des droits de l’homme par le droit international, européen et communautaire.

Les Pactes internationaux , la Convention européenne des droits de l’homme, les droits de l’homme dans l’Union européenne. Les rapports entre ces normes et avec le droit constitutionnel.

Quelle est l'attitude des juridictions nationales par rapport aux textes internationaux (Conseil constitutionnel, Conseil d'Etat, Cour de cassation) ? Ceci renvoie d'une part à la question de la place des conventions dans la hiérarchie des normes, mais aussi à celle de l'applicabilité directe de leurs dispositions. Ce dernier point peut notamment être abordé à propos de la Convention sur les droits de l'enfant.

Quelles sont les rapports entre normes internationales et normes internes. Si depuis 1975 pour la Cour de cassation (Jacques Vabre) et 1989 pour le Conseil d’Etat (Nicolo), les juridictions suprêmes de deux ordres font prévaloir les normes internationales sur les lois ; le débat s’est focalisé depuis sur les rapports entre normes internationales, particulièrement le droit communautaire et la CEDH, et le droit constitutionnel (Koné, Sarran, Fraisse, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, DADVSI ou récemment Arcelor et CNB).

On pourra aussi étudier les rapports entre normes internationales entre elles, notamment entre le droit communautaire et la CEDH (complémentarité / concurrence cf. CEDH 30 juin 2005, Grande chambre, Bosphorus. V. aussi CJCE 28 mars 1996, avis rendu sur le projet d’adhésion de la Communauté à la Convention EDH).

Enfin, on peut étudier l’impact des décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme ou par la CJCE sur la législation et la jurisprudence françaises dans le domaine de la protection des libertés et droits fondamentaux.

1. CC 15 janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse 2. 2. CC 30 mars 2006 Lois pour l’égalité des chances 3. CE Ass. 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques,

AJDA 1991.158. RFDA 1990/6, p. 1065, conclusions Stirn. Comparez la décision de la CEDH et celle du Conseil d’Etat sur l’application du l’article 8 CEDH et les modalités de contrôles de la mesure de police 4. CE Ass .19 avril 1991, Belgacem et Dame Babas, RFDA 1991/3 p. 496, concl. Abraham. Voir aussi CEDH 26 mars 1992, Beldjoudi c/ France Sur l’applicabilité directe de la Convention internationale des droits de l’enfant

T H E M E S :

D O C U M E N T S

J O I N T S

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5. Cass. civ. 10 mars 1993, S. Le Jeune c/ Mme Sorel 6. CE Sect. 23 avril 1997 Gisti, conclusions Abraham 7. CE 22 septembre 1997, Mlle Cinar. RFDA 1998.562, concl. Abraham 8. Cass. 1ère Civ 18 mai 2005, n°02-16336 9. CE 7 juin 2006, Aides et Gisti Contrôle de conventionnalité des lois et office du juge des référés 10. CE, réf., 21 octobre 1995, Aides, MDM, LDH, Gisti et MRAP [v. GIRARDOT T.X., « Le retour de la loi écran devant le juge des référés. La jurisprudence Carminati confirmée par le juge des référés du Conseil d’Etat », AJDA, n°35, oct. 2006 et CE 30 décembre 2002, Carminati, n° 240430] Droit communautaire et respect des droits fondamentaux 11. CJCE 1974, J. Nold, aff. C4-73 12. CJCE 1975, Rutili c/ ministère de l’Intérieur Voir aussi CJCE 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff C11-70 Rapport droit communautaire et droit constitutionnel / respect droits fondamentaux 13. CC 29 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique 14. CC 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l’Europe 15. CC 27 juillet 2006 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de

l'information (DAVDSI) 16. CE Ass. 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine 17. Traité sur l’Union européenne, dans sa version modifiée par le traité de Lisbonne, art. 6 18. Commentez la décision n° 2007-560 DC du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007

Traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne

19. CE Sect. 10 avril 2008, CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et autres

 

Dissertation En illustrant vos propos, vous montrerez l’influence que la Convention européenne des

droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne exercent et ont exercé sur le régime juridique des droits et libertés fondamentaux en France.

Commentez la décision suivante :

CE Sect., 31 octobre 2008, section française de l’Observatoire international des prisons.

E. PETTITI, E. DECAUX, P.H. IMBERT (dir), La convention européenne des droits de l'homme. Commentaire article par article, Economica, 2e éd., 1999

J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 2e éd. 2001. J-F. RENUCCI, Traité de droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 2007. F. SUDRE, La convention européenne des droits de l'homme, Que sais-je ? n° 2513 F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, Droit

fondamental, 9e éd. 2008. F. SUDRE et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, PUF,

Thémis, 3e éd., 2005.

E X E R C I C E S

B I B L I O -G R A P H I E

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Contrôle de « conventionnalité » des lois – Répartition des compétences

Le Conseil constitutionnel, Saisi le 20 décembre 1974 par MM Jean FOYER, (…) [60 députés], dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement ;

Vu les observations produites à l'appui de cette saisine ; Vu la Constitution, et notamment son préambule ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ; Ouï le rapporteur en son rapport ; Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie." ; Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l'article de celle-ci ; Considérant, en effet, que les décisions prises en application de l'article 61 de la Constitution revêtent un caractère absolu et définitif, ainsi qu'il résulte de l'article 62 qui fait obstacle à la promulgation et à la mise en application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle ; qu'au contraire, la supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l'article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d'une part, à ce qu'elle est limitée au champ d'application du traité et, d'autre part, à ce qu'elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s'apprécier le respect de cette condition ; Considérant qu'une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution ; Considérant qu'ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l'article 55 de la Constitution ne saurait s'exercer dans le cadre de l'examen prévu à l'article 61, en raison de la différence de nature de ces deux contrôles ; Considérant que, dans ces conditions, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; Considérant, en second lieu, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, qu'il s'agisse d'une situation de détresse ou d'un motif thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

1. Décision n° 74-54 du 15 janvier 1975 Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse

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Considérant que la loi déférée au Conseil constitutionnel n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu'elles définit ; Considérant qu'aucune des dérogations prévues par cette loi n'est, en l'état, contraire à l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l'enfant la protection de la santé, non plus qu'aucune des autres dispositions ayant valeur constitutionnelle édictées par le même texte ; Considérant, en conséquence, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ne contredit pas les textes auxquels la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence dans son préambule non plus qu'aucun des articles de la Constitution ; Décide : ARTICLE PREMIER - Les dispositions de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, déférée au Conseil constitutionnel, ne sont pas contraires à la Constitution. ARTICLE 2 - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

. En ce qui concerne les griefs tirés de la violation de la Charte sociale européenne, de la convention internationale du travail n° 158 et de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 :

26. Considérant que les requérants soutiennent que l'article 8 de la loi déférée est incompatible avec la Charte sociale européenne, la convention internationale du travail n° 158 ainsi qu'avec la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 susvisée ;

27. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : " Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie " ; que, toutefois, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; qu'ainsi, les griefs tirés de la violation de la convention internationale du travail n° 158 et de la Charte sociale européenne ne peuvent qu'être écartés ;

28. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; que, si la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les dispositions d'une directive communautaire qu'elle n'a pas pour objet de transposer en droit interne ; qu'ainsi, le grief tiré de la violation de la directive susvisée du 27 novembre 2000 doit être écarté ;

2 Conseil constitutionnel n° 2006-535 DC du 30 mars 2006 Loi pour l'égalité des chances

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Vu 1°) sous le n° 105 743, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 10 mars 1989 et 6 juillet 1989, présentés pour la Confédération nationale des associations familiales catholiques (C.N.A.F.C.), dont le

siège est 28 place Saint-Georges à Paris (9ème) et représentée par son président en exercice ; la confédération demande au Conseil d'Etat : d'annuler l'arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la spécialité Mifégyne 200 mg ; (…) Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la déclaration universelle des droits de l'homme publiée le 9 février 1949 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la France a adhéré par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi 73-1227 du 31 décembre 173 et publiée par décret du 3 mai 1974 ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi 75-17 du 17 janvier 1975 ; (…) Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 17 janvier 1975, du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de traités internationaux : Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que son emploi est, dès lors soumis, de plein droit, aux règles posées en la matière par les articles L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que l'arrêté attaqué n'édicte aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption de grossesse ; que la circonstance que cette référence à ces conditions figure non dans le corps de l'autorisation de mise sur le marché mais dans une annexe à cette décision, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; Considérant qu'en invoquant la violation de principes ou textes de valeurs constitutionnelle ou internationale, les requérants mettent, en réalité, en cause non la légalité de l'arrêté attaqué, mais la compatibilité des articles ci-dessus rappelés du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 avec les principes et actes dont ils invoquent la violation ; Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité de la loi avec des principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; Considérant, s'agissant du moyen tiré de la violation de traités internationaux, que la seule publication faite au Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de la déclaration universelle des droits de l'homme ne permet pas de ranger cette dernière au nombre des traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, "une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ; Considérant, s'agissant de l'incompatibilité des dispositions législatives ci-dessus rappelées avec les autres actes invoqués par les requérants, que l'article 2-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi du 31

3. Conseil d'Etat Assemblée 21 décembre 1990 CNAFC et autres

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décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974, stipule que "le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement" et que, selon l'article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques auquel le législateur français a autorisé l'adhésion par la loi du 25 juin 1980, et dont le texte a été annexé au décret du 29 janvier 1981 publié le 1er février 1981 "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie" ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975 : "La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limites définies par la présente loi" ; qu'eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse, prises dans leur ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du pacte international sur les droits civils et politiques ; (…) DECIDE : Article 1er : Les requêtes de la confédération nationale des associations familiales catholiques, du comité pour sauver l'enfant à naître, de l'union féminine pour le respect et l'aide à la maternité, et de M. Jamin sont rejetées.

N° 107470 Publié au recueil Lebon ASSEMBLEE

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 29 mai 1989 et 29 septembre 1989, présentés pour M. Hamid X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 février 1989 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 16 mars 1988 lui enjoignant de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,

4. CE, Ass., 19 avril 1991 Hamid Belgacem et Dame Babas

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- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Hamid X...,

- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande de M. X... :

Considérant que copie de l'arrêté enjoignant à M. X... de quitter le territoire français a été produite en appel devant le Conseil d'Etat ; que, par suite, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de production de la décision attaquée ne peut être opposée à la demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

Considérant que M. X..., ressortissant algérien, n'a aucune attache familiale avec le pays dont il possède la nationalité ; qu'il réside depuis sa naissance en 1958 en France où demeure sa famille composée de douze frères et soeurs dont il a, avec son frère aîné, assumé une partie de la charge à la suite du décès de son père en 1976 ; que si l'intéressé s'est rendu coupable de plusieurs vols en 1980 et 1982, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de son comportement, postérieurement aux condamnations prononcées à raison de ces faits, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X... a, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à sa vie familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 16 mars 1988 ordonnant son expulsion ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 février 1989 et l'arrêté du ministre de l'intérieur du 16 mars 1988 sont annulés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.

. Cf. 1991-01-18, Beldjoudi, p. 18 Dame BABAS N° 117680

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 juin 1990 et 16 juillet 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Naima X..., demeurant ... ; Mme BABAS... demande au Conseil d'Etat :

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1°) d'annuler le jugement en date du 26 avril 1990 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret en date du 19 avril 1990 ordonnant sa reconduite à la frontière,

2°) d'annuler ledit arrêté ;

(…)

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

Considérant que si Mme X... est mère d'un enfant né le 26 mars 1989 reconnu par son père, ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident, et si elle se trouvait en état de grossesse à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme X... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Loiret en date du 19 avril 1990 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ;

Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation :

Considérant que, lorsqu'un étranger se trouve dans un des cas où, en vertu de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié, le préfet peut décider qu'il sera reconduit à la frontière et alors même que ni les dispositions de l'article 25 de la même ordonnance ni celles de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ne font obstacle à une décision de reconduite, il appartient au préfet d'apprécier si la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que Mme X... ne justifie pas que son état de santé s'opposait à la date de la décision attaquée à sa reconduite à la frontière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret ait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme X... ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le conseiller délégué par le Président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 1990 ordonnant sa reconduite à la frontière ; Article 1er : La requête susvisée de Mme Naima X... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Naima X..., au Préfet du Loiret et au ministre de l'intérieur.

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Applicabilité directe/ non applicabilité directe des conventions internationales

(«self executing ») Illustration avec la CIDE

Rejet N° de pourvoi : 91-11310 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu que Mme Y... a mis au monde, le 14

mars 1979, une fille prénommée Frédérique, qu'elle a reconnue et qui a été reconnue par M. X... ; que Mme Y... et M. X... s'étant séparés après plusieurs années de vie commune, M. X... a demandé au juge des affaires matrimoniales de fixer les modalités d'exercice de son droit de visite et d'hébergement ; que, par ordonnance du 19 avril 1988, le magistrat a prescrit une enquête sociale au cours de laquelle l'enfant a été entendue par l'enquêteur ; qu'une ordonnance du 8 novembre suivant a désigné un médecin expert avec mission, notamment, d'entendre l'enfant " au cours de plusieurs entretiens ", de déterminer les causes de son refus de reprendre des relations avec M. X... et, en cas de " refus sérieux " de dire si l'absence de relations " était ou non, conforme à l'intérêt de l'enfant, à court ou moyen terme " ; que, statuant au vu du rapport d'expertise, le juge aux affaires matrimoniales a, par ordonnance du 21 août 1989, rejeté la demande de M. X... ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 7 décembre 1990), d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, que, s'agissant d'une question intéressant directement un enfant âgé de 11 ans, les juges d'appel, eu égard aux allégations de M. X... faisant état de " pressions de la mère " de nature à rendre suspectes les déclarations de la jeune Frédérique lors de l'examen psychologique, ne pouvaient se prononcer utilement sur l'intérêt supérieur de l'enfant, sans inviter celui-ci à s'exprimer librement devant eux ; qu'en ne procédant pas à cette audition, la cour d'appel aurait méconnu les exigences des articles 1, 3, 9 et 12 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et, violé l'article 288 (en réalité 374) du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas au moyen par lequel M. X... critiquait une contradiction contenue dans le rapport d'expertise, les juges du second degré auraient méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé leur décision de base légale ; et alors, enfin, qu'en ne répondant pas davantage aux conclusions faisant valoir les qualités de père et d'éducateur de M. X... mises en valeur par l'enquête sociale, la cour d'appel encourrait les mêmes reproches ; Mais attendu, sur la première branche, que les dispositions de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, ne peuvent être invoquées devant les tribunaux, cette Convention, qui ne créé des obligations qu'à la charge des Etats parties, n'étant pas directement applicable en droit interne ; Et attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions visées par les deuxième et troisième branches, dès lors qu'il ne s'agissait que de simples arguments ; D'où il suit qu'en aucune de ses diverses branches, le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

5. Cour de Cassation Chambre civile 1 Audience publique du 10 mars 1993 M. Le Jeune c/ Mme Sorel

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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête présentée pour le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.), dont le siège est 30, rue des Petites Ecuries à Paris (10ème), représenté par son président en exercice, enregistrée au

secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 novembre 1994 ; le G.I.S.T.I. demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 21 septembre 1994 modifiant le code de la sécurité sociale et fixant les titres ou documents attestant de la régularité du séjour et du travail des étrangers en France pour être affiliés à un régime de sécurité sociale et pour bénéficier des prestations de sécurité sociale ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail du 28 juin 1962, concernant l'égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale ; Vu la convention de l'Organisation des nations unies relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.), - les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ; (…) Considérant que le décret attaqué définit les titres et documents attestant de la régularité du séjour et du travail des étrangers en France en vue de leur affiliation à un régime de sécurité sociale ; qu'il a été pris en application de l'article L. 115-6 du code de la sécurité sociale issu de l'article 36 de la loi susvisée du 24 août 1993 qui subordonne cette affiliation à la régularité de la situation des intéressés ; qu'ainsi le moyen tiré d'une prétendue violation du onzième alinéa du préambule de la Constitution aux termes duquel la nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs" est en tout état de cause inopérant ; Considérant qu'aux termes de l'article 4-1 de la convention n° 118 de l'organisation internationale du travail du 28 juin 1962 : "En ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence. Toutefois, elle peut être subordonnée à une condition de résidence, en ce qui concerne les prestations d'une branche de sécurité sociale déterminée, à l'égard des ressortissants de tout Membre dont la législation subordonne l'octroi des prestations de la même branche à une condition de résidence sur son territoire" ; que la définition des titres et documents susmentionnés n'est pas contraire aux stipulations précitées, qui produisent des effets directs à l'égard des particuliers ; Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 de la convention relative aux droits de l'enfant en date du 26 janvier 1990 : "Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils

6. Conseil d'Etat Section 23 avril 1997 Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.)

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s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services" ; qu'aux termes de l'article 26-1 de la même convention : "Les Etats parties reconnaissent à tout enfant le droit de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, et prennent les mesures nécessaires pour assurer la pleine réalisation de ce droit en conformité avec leur législation nationale" ; qu'aux termes de l'article 27-1 de la même convention : "Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social" ; que ces stipulations, qui ne produisent pas d'effets directs à l'égard des particuliers, ne peuvent être utilement invoqués à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle ou réglementaire ; Considérant que le décret attaqué doit être regardé comme réservant les droits des ressortissants des Etats ayant conclu des accords d'association ou de coopération avec les Communautés européennes ; qu'ainsi le moyen tiré de ce qu'il aurait des effets discriminatoires à l'égard de ces ressortissants ne peut être accueilli ; (…) Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés G.I.S.T.I. n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; DECIDE : Article 1er : La requête du Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.) est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (G.I.S.T.I.), au Premier ministre, au ministre du travail et des affaires sociales et au ministre de l'intérieur.

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1994, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 septembre 1994 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des

tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée pour Mlle CINAR ; Vu la requête, enregistrée à la cour administrative d'appel de Nancy, présentée pour Mlle Yeter CINAR, demeurant 13/181 rue Dassenoy à Metz (57050) ; Mlle CINAR demande à la cour administrative d'appel : 1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 25 novembre 1993 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé d'autoriser le séjour en France de son fils ; 2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Blondel, avocat de Mme Yeter CINAR,

7. Conseil d’Etat 22 septembre 1997 Cinar

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- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Yeter CINAR célibataire de nationalité turque, titulaire d'une carte de résident de 10 ans qui lui avait été délivrée le 12 juin 1992 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial avec ses parents, a irrégulièrement ramené de Turquie en France, le 13 janvier 1993 son fils Tolga, alors âgé de 4 ans, puis a demandé au préfet de la Moselle, l'admission au séjour de cet enfant, dans le cadre du regroupement familial ; que le préfet, par décision du 25 novembre 1993, a, d'une part rejeté sa demande en se fondant sur le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'enfant et, d'autre part enjoint à Mlle CINAR de prendre toutes dispositions nécessaires pour faire quitter la France au jeune Tolga dans le délai d'un mois ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni le père de l'enfant, qu'il ne connaissait pas, et qui n'avait jamais fourni aucune aide pour son éducation, ni aucune autre personne proche de la famille, ne pouvait recevoir l'enfant en Turquie ; que dans ces conditions, la décision du préfet de renvoyer le jeune Tolga en Turquie et de le séparer, même provisoirement de sa mère, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle CINAR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle ; DECIDE : Article 1er : Le jugement en date du 19 juillet 1994 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle sont annulés. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Yeter CINAR et au ministre de l'intérieur.

Cassation N° de pourvoi : Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique, après avis donné aux

parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les articles 3-1 et 12-2 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble les articles 388-1 du Code civil et 338-1, 338-2 du nouveau Code de procédure civile ;

8. Cour de Cassation Chambre civile 1  Audience publique du 18 mai 2005

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Attendu que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que lorsque le mineur capable de discernement demande à être entendu, il peut présenter sa demande au juge en tout état de la procédure et même, pour la première fois, en cause d'appel ; que son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée ; Attendu que l'enfant Chloé X..., née le 31 août 1990, dont la résidence a été fixée chez sa mère au Etats-Unis, a demandé, en cours de délibéré, par lettre transmise à la cour d'appel, à être entendue dans la procédure engagée par son père pour voir modifier sa résidence ; que l'arrêt attaqué ne s'est pas prononcé sur cette demande d'audition de l'enfant ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit de celui-ci à être entendu lui imposaient de prendre en compte la demande de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne Mme Y..., épouse Z... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.

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N° 285576

Publié au Lebon

Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

présentée par l'ASSOCIATION AIDES, dont le siège est 14, rue Scandicci à Pantin (93500), représentée par son président en exercice, l'association GROUPE DE SOUTIEN ET D'INFORMATION POUR [SIC] LES IMMIGRES, dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), représentée par sa présidente en exercice, la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 138, rue Marcadet à Paris (75018), représentée par son président en exercice, l'association MEDECINS DU MONDE, dont le siège est 62, rue Marcadet à Paris (75018), représentée par sa présidente en exercice et le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES, dont le siège est 43, boulevard Magenta à Paris (75010), représenté par son président en exercice ; les associations requérantes demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005�859 du 28 juillet 2005 relatif à l'aide médicale de l'Etat et modifiant le décret n° 54�883 du 2 septembre 1954 modifié pris pour l'application de l'ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d'assistance, ainsi que le décret n° 2005�860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale de l'Etat ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2006, présentée par le ministre de la santé et des solidarités ; Vu la Constitution, notamment son article 55 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Vu la déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944 concernant les buts et objectifs de l'Organisation internationale du travail, annexée à la constitution de l'Organisation internationale du travail ; Vu la convention internationale du travail n° 97 concernant les travailleurs migrants ; Vu la convention internationale du travail n° 118 concernant l'égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale ; Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ; Vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; Vu la charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996 ; Vu le code de l'action sociale et des familles, notamment ses articles L. 251-1, L. 252-3 et L. 254-1 ; Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 182-1 et L. 380-1 ; Vu la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour 2003 ; Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

C O M M E N T E Z

L ’ A R R E T

S U I V A N T

9. Conseil d'État 7 juin 2006 Aides et Gisti

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Vu le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 modifié pris pour l'application de l'ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois d'assistance ; (…) Considérant que l'article 97 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003 a, d'une part, modifié l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles à l'effet de subordonner à une condition de séjour ininterrompu d'au moins trois mois en France l'octroi de l'aide médicale de l'Etat aux étrangers en situation irrégulière et a, d'autre part, inséré dans le même code un article L. 254-1 qui prévoit la prise en charge par l'Etat des soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître », administrés par les établissements de santé aux étrangers résidant en France qui ne remplissent pas la condition de régularité de séjour susceptible de leur ouvrir droit à la couverture maladie universelle et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat ; Considérant que, pour l'application de la première de ces dispositions, le décret n° 2005-859 du 28 juillet 2005 a notamment ajouté au décret du 2 septembre 1954 un article 44 dont le deuxième alinéa prévoit que la liste des pièces justificatives et des documents, au vu desquels est appréciée la présence ininterrompue du demandeur depuis plus de trois mois sur le territoire français, est déterminée par le décret qui, conformément au premier alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'action sociale et des familles, fixe les conditions de l'admission à l'aide médicale de l'Etat ; que c'est dans ce cadre qu'est intervenu le décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 dont l'article 4 énumère les pièces de nature à justifier la présence ininterrompue du demandeur depuis trois mois ; que les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décrets ; (…) Sur la légalité interne des décrets contestés dans leur ensemble : En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la charte sociale européenne révisée : Considérant, d'une part, qu'en vertu des articles 9 et 10 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les Etats parties reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, ainsi qu'une protection et une assistance aussi larges que possible à la famille ; que, de même, selon les articles 11, 12, 13 et 17 de la charte sociale européenne révisée, les parties s'engagent à prendre des mesures appropriées en vue d'assurer l'exercice effectif, respectivement, du droit à la protection de la santé, du droit à la sécurité sociale, du droit à l'assistance sociale et médicale et du droit des enfants et adolescents de grandir dans un milieu favorable à l'épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales ; que ces stipulations, qui ne produisent pas d'effets directs à l'égard des particuliers, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation des décrets attaqués ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que les droits énoncés par la charte sociale européenne révisée ne seraient pas garantis dans le respect du principe de non-discrimination prévu par l'article E de la partie V de la charte est également inopérant ; Considérant, d'autre part, que les stipulations de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquelles : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi», ne sont invocables que par les personnes qui soutiennent qu'elles sont victimes d'une discrimination au regard de l'un des droits civils et politiques reconnus par le pacte ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient les stipulations de l'article 26 du pacte est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

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En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de textes de l'Organisation internationale du travail : Considérant, d'une part, que la déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944 concernant les buts et objectifs de l'Organisation internationale du travail n'est pas au nombre des textes diplomatiques qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, une autorité supérieure à celle de la loi interne ; qu'ainsi, les associations requérantes ne sauraient utilement invoquer cette déclaration pour contester les dispositions législatives pour l'application desquelles ont été pris les décrets attaqués ; Considérant, d'autre part, que si le b) de l'article 6 de la convention n° 97 de l'Organisation internationale du travail relative aux travailleurs migrants stipule que les membres s'engagent à appliquer, sans discrimination de nationalité, de race, de religion ni de sexe, aux immigrants un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'ils appliquent à leurs propres ressortissants en ce qui concerne la sécurité sociale, il résulte des termes mêmes de cette stipulation qu'elle ne trouve à s'appliquer qu'aux immigrants installés légalement sur le territoire des Etats parties ; que, par suite, elle ne peut être utilement invoquée à l'égard des décrets du 28 juillet 2005 qui sont relatifs à l'aide médicale de l'Etat, dispositif dont le bénéfice est réservé aux personnes en situation irrégulière ; Considérant, enfin, que si, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail du 28 juin 1962, les parties doivent accorder, sur leur territoire, aux ressortissants des autres parties, l'égalité de traitement avec leurs propres ressortissants au regard de leur législation de sécurité sociale, tant en ce qui concerne l'assujettissement que le droit aux prestations, et si le 1 de l'article 4 de cette même convention précise qu'« en ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence ( ) », ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées à l'égard de décrets régissant un dispositif d'assistance médicale et non pas de sécurité sociale au sens de la convention ; En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens » ; Considérant que, si les associations requérantes soutiennent que la différence de traitement, en termes de justifications à produire pour l'ouverture des droits, dont font l'objet les personnes pouvant bénéficier de la couverture maladie universelle et celles relevant de l'aide médicale de l'Etat serait discriminatoire, le législateur, en distinguant les deux régimes en cause, a entendu tenir compte de la différence de situation entre les étrangers selon qu'ils satisfont ou non aux conditions de régularité de la résidence posées par la loi et les engagements internationaux souscrits par la France ; qu'il s'est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non�discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention doit être écarté ; Considérant, d'autre part, qu'en limitant l'accès à l'aide médicale de l'Etat aux étrangers en situation irrégulière qui justifient remplir une condition de séjour interrompue de trois mois, ce qui se traduit pour les personnes ainsi exclues de ce dispositif par la prise en charge par

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l'Etat des seuls soins urgents énoncés à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003, qui sert de fondement aux décrets attaqués, ne contrevient pas à la prohibition des traitements inhumains et dégradants prévue par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne les autres moyens : (…) Considérant, d'autre part, que, si les associations requérantes soutiennent que les décrets contestés porteraient atteinte aux exigences de précaution qui s'imposent en matière de santé publique et méconnaîtraient l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, aux termes duquel « en matière de protection sociale, de santé, ( ) chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non appartenance ( ) à une ethnie ou une race », ces moyens ne peuvent qu'être écartés, dès lors que les dispositions attaquées se bornent à tirer les conséquences de la loi du 30 décembre 2004 ; (…) Sur la légalité interne des décrets attaqués, en tant qu'ils concernent les étrangers mineurs : Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que ces stipulations qui, conformément à l'article 1er de cette convention, s'appliquent à « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable », interdisent que les enfants ainsi définis connaissent des restrictions dans l'accès aux soins nécessaires à leur santé ; que, par suite, en tant qu'il subordonne l'accès à l'aide médicale de l'Etat à une condition de résidence ininterrompue d'au moins trois mois en France, sans prévoir de dispositions spécifiques en vue de garantir les droits des mineurs étrangers et qu'il renvoie ceux-ci, lorsque cette condition de durée de résidence n'est pas remplie, à la seule prise en charge par l'Etat des soins énoncés à l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, c'est-à-dire, ainsi qu'il a été dit plus haut, des seuls soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître», l'article 97 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003 est incompatible avec les stipulations précitées ; qu'il suit de là que les décrets attaqués sont illégaux en tant qu'ils mettent en oeuvre cette disposition législative à l'égard des mineurs étrangers ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION AIDES, le GROUPE DE SOUTIEN ET D'INFORMATION POUR LES IMMIGRES, la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, l'association MEDECINS DU MONDE et le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES ne sont fondés à demander l'annulation des décrets du 28 juillet 2005 relatifs à l'aide médicale de l'Etat qu'en tant qu'ils mettent en oeuvre à l'égard des mineurs la condition de durée de résidence prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ; (…)

DECIDE : Article 1er : Les décrets du 28 juillet 2005 relatifs à l'aide médicale de l'Etat sont annulés en tant qu'ils mettent en oeuvre à l'égard des mineurs la condition de durée de résidence prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.

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Office du juge des référés et le contrôle de conventionnalité des lois

n° 285577 Publié au Recueil Lebon Juge des référés M. Genevois, Président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS (…)

Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 55 ; Vu le décret du 10 janvier 1920 portant promulgation du traité de Paix signé à Versailles le 28 juin 1919, notamment la partie XIII dudit traité ; Vu la loi n° 47-1312 du 17 juillet 1947 autorisant le Président de la République à ratifier les amendements apportés à la constitution de l'organisation internationale du travail adoptés par la 29ème session de la conférence internationale du travail, ensemble l'annexe publiée au Journal officiel du 18 juillet 1947 ; Vu la loi n° 53-1290 du 31 décembre 1953 autorisant la ratification de la convention internationale du travail n° 97 concernant les travailleurs migrants, ensemble le décret n° 54-794 du 4 août 1954 qui en porte publication ; Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses protocoles additionnels n°s 1, 3, 4 et 5, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention et de ces protocoles ; Vu le décret n° 75-403 du 21 mai 1975 portant publication de la convention internationale du travail n° 118 concernant l'égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale ; Vu la loi n° 80-460 du 25 juin 1980 autorisant l'adhésion de la République française au pacte international relatif aux droits civils et politiques, ensemble le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 qui en porte publication ; Vu la loi n° 80-461 du 25 juin 1980 autorisant l'adhésion de la République française au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ensemble le décret n° 81-77 du 29 janvier 1981 qui en porte publication ; Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 qui en porte publication ; Vu la loi n° 99-174 du 10 mars 1999 autorisant l'approbation de la charte sociale européenne révisée signée à Strasbourg le 3 mai 1996, ensemble le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 qui en porte publication ; Vu le code de l'action sociale et des familles, notamment ses articles L. 251-1, L. 252-3 et L. 254-1 ; Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 380-1 et L. 381-2 ; Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ; Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ; (…) Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

10. Conseil d’Etat Juge des Réf. 21 octobre 2005 Aides et Gisti

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Considérant que l'article 97 de la loi de finances rectificative n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 a, par son 1°, modifié l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles à l'effet de subordonner à une condition de séjour ininterrompu d'au moins trois mois en France l'octroi de l'aide médicale de l'Etat (A.M.E) aux étrangers en situation irrégulière ; que par son 2°, l'article 97 a inséré dans le code précité un nouveau chapitre intitulé Prise en charge des soins urgents comportant un article L. 254-1 qui prévoit la prise en charge par l'Etat des soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître , administrés par les établissements de santé aux étrangers résidant en France qui ne remplissent, ni la condition de régularité de séjour permettant de leur ouvrir droit à la couverture maladie universelle, ni, s'ils sont en situation irrégulière, la condition de séjour ininterrompu d'une durée de trois mois exigée pour l'accès à l'A.M.E ; Considérant que, conformément aux prescriptions de l'article L. 251-3 du code précité, les modalités d'application de l'article L. 251-1 de ce même code ont été précisées par voie de décret en Conseil d'Etat ; qu'a été pris à ce titre le décret n° 2005-859 du 28 juillet 2005 ; que ce texte, qui modifie et complète le décret n° 54-833 du 2 septembre 1954 ajoute notamment à ce dernier un article 44 dont le deuxième alinéa prévoit que la liste des pièces justificatives et des documents, au vu desquels est appréciée la présence ininterrompue du demandeur depuis plus de trois mois sur le territoire français, est déterminée par le décret qui, conformément au premier alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'action sociale et des familles fixe les conditions de l'admission à l'A.M.E ; que c'est dans ce cadre qu'est intervenu, à la même date du 28 juillet 2005, le décret n° 2005-860 ; que le 2°) de l'article 4 de ce dernier texte, après avoir énuméré dans ses alinéas a) à f) les pièces de nature à justifier la présence ininterrompue du demandeur depuis trois mois, spécifie in fine dans un alinéa g), qu'est admis tout autre document de nature à prouver que la condition de présence ininterrompue est remplie ; Considérant que pour demander la suspension des dispositions susanalysées des décrets du 28 juillet 2005, les associations requérantes font valoir, à titre principal, que l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003, qui leur sert de fondement, en ce qu'il a substitué au régime déclaratoire un mécanisme de justifications qui constitue un obstacle à l'accès des personnes de nationalité étrangère aux soins, serait incompatible avec plusieurs engagements internationaux dont les stipulations reconnaissent un droit à l'assurance sociale et médicale et prohibent toute discrimination dans la mise en oeuvre d'un tel droit ; que toutefois, eu égard à l'office du juge des référés, un moyen pris de la contrariété de la loi à des engagements internationaux, n'est pas, en l'absence d'une décision juridictionnelle ayant statué en ce sens, rendue soit par le juge saisi au principal, soit par le juge compétent à titre préjudiciel, propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des actes administratifs dont la suspension est demandée ; qu'au demeurant, il doit être établi que le traité dont la méconnaissance est alléguée produit un effet direct dans l'ordre juridique interne ; (…) Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative se trouve remplie, que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander la suspension des décrets critiqués ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION AIDES et autres est rejetée.

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Protection des droits fondamentaux dans le droit de l’Union européenne et

rapports droit communautaire/ CEDH

Affaire 4-73. 2 . SUR LE GRIEF TIRE D ' UNE PRETENDUE VIOLATION DES DROITS FONDAMENTAUX 12 ATTENDU QUE LA REQUERANTE FAIT ENFIN VALOIR UNE VIOLATION DE CERTAINS DE SES DROITS FONDAMENTAUX EN RAISON DU FAIT QUE LES RESTRICTIONS APPORTEES PAR LA NOUVELLE REGLEMENTATION COMMERCIALE AUTORISEE PAR LA

COMMISSION AURAIENT POUR EFFET , EN L ' ELIMINANT DE L ' APPROVISIONNEMENT DIRECT , DE PORTER ATTEINTE A LA RENTABILITE DE SON ENTREPRISE ET AU LIBRE DEPLOIEMENT DES AFFAIRES DE CELLE-CI , AU POINT D ' EN COMPROMETTRE L ' EXISTENCE ; QU ' AINSI , SERAIENT ATTEINTS DANS SON CHEF UN DROIT ASSIMILABLE AU DROIT DE PROPRIETE , AINSI QUE LE DROIT AU LIBRE EXERCICE DE SES ACTIVITES PROFESSIONNELLES , PROTEGES PAR LA LOI FONDAMENTALE DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D ' ALLEMAGNE , AUTANT QUE PAR LES CONSTITUTIONS D ' AUTRES ETATS MEMBRES , ET DIVERS INSTRUMENTS INTERNATIONAUX , NOTAMMENT LA CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L ' HOMME , DU 4 NOVEMBRE 1950 , Y COMPRIS LE PROTOCOLE ADDITIONNEL DU 20 MARS 1952 ; 13 ATTENDU QUE , AINSI QUE LA COUR L ' A DEJA AFFIRME , LES DROITS FONDAMENTAUX FONT PARTIE INTEGRANTE DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DONT ELLE ASSURE LE RESPECT ; QU ' EN ASSURANT LA SAUVEGARDE DE CES DROITS , LA COUR EST TENUE DE S' INSPIRER DES TRADITIONS CONSTITUTIONNELLES COMMUNES AUX ETATS MEMBRES ET NE SAURAIT , DES LORS , ADMETTRE DES MESURES INCOMPATIBLES AVEC LES DROITS FONDAMENTAUX RECONNUS ET GARANTIS PAR LES CONSTITUTIONS DE CES ETATS ; QUE LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX CONCERNANT LA PROTECTION DES DROITS DE L ' HOMME AUXQUELS LES ETATS MEMBRES ONT COOPERE OU ADHERE PEUVENT EGALEMENT FOURNIR DES INDICATIONS DONT IL CONVIENT DE TENIR COMPTE DANS LE CADRE DU DROIT COMMUNAUTAIRE ; QUE C ' EST A LA LUMIERE DE CES PRINCIPES QUE DOIVENT ETRE APPRECIES LES GRIEFS SOULEVES PAR LA REQUERANTE ; 14 ATTENDU QUE SI UNE PROTECTION EST ASSUREE AU DROIT DE PROPRIETE PAR L ' ORDRE CONSTITUTIONNEL DE TOUS LES ETATS MEMBRES ET SI DES GARANTIES SIMILAIRES SONT ACCORDEES AU LIBRE EXERCICE DU COMMERCE , DU TRAVAIL ET D ' AUTRES ACTIVITES PROFESSIONNELLES , LES DROITS AINSI GARANTIS , LOIN D ' APPARAITRE COMME DES PREROGATIVES ABSOLUES , DOIVENT ETRE CONSIDERES EN VUE DE LA FONCTION SOCIALE DES BIENS ET ACTIVITES PROTEGES ;

11. Arrêt de la Cour du 14 mai 1974. J. NOLD, Kohlen- und Baustoffgroßhandlung contre Commission des Communautés européennes.

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DANS L ' AFFAIRE 36-75 AYANT POUR OBJET LA DEMANDE ADRESSEE A LA COUR , EN APPLICATION DE L ' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE , PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ET TENDANT A OBTENIR , DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT

CETTE JURIDICTION ENTRE ROLAND RUTILI , DEMEURANT A GENNEVILLIERS , ET MINISTRE DE L ' INTERIEUR , Objet du litige UNE DECISION A TITRE PREJUDICIEL SUR L ' INTERPRETATION DE L ' ARTICLE 48 DU TRAITE

CEE , Motifs de l'arrêt 1 ATTENDU QUE , PAR JUGEMENT DU 16 DECEMBRE 1974 , PARVENU AU GREFFE DE LA

COUR LE 9 AVRIL 1975 , LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS A POSE , EN VERTU DE L ' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE , DEUX QUESTIONS RELATIVES A L ' INTERPRETATION DE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC DANS L ' ARTICLE 48 DU TRAITE CEE , COMPTE TENU DES MESURES PRISES POUR LA MISE EN OEUVRE DE CET ARTICLE , NOTAMMENT DU REGLEMENT NO 1612/68 ET DE LA DIRECTIVE NO 68/360 DU CONSEIL , DU 15 OCTOBRE 1968 , CONCERNANT LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS ( JO NO L 257 , P . 2 ET 13 ) ;

2 QUE CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES DANS LE CADRE D ' UN RECOURS INTRODUIT PAR UN RESSORTISSANT ITALIEN , DEMEURANT DANS LA REPUBLIQUE FRANCAISE , A L ' ENCONTRE D ' UNE DECISION ATTRIBUANT A L ' INTERESSE UNE CARTE DE SEJOUR DE RESSORTISSANT D ' UN ETAT MEMBRE DE LA CEE ASSORTIE D ' UNE INTERDICTION DE SEJOUR DANS CERTAINS DEPARTEMENTS FRANCAIS ;

3 QU ' IL RESSORT DU DOSSIER DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ET DES DEBATS DEVANT LA COUR QUE LE REQUERANT AU PRINCIPAL A ETE , EN 1968 , L ' OBJET D' ABORD D ' UN ARRETE D ' EXPULSION , PUIS D ' UN ARRETE D ' ASSIGNATION A RESIDENCE DANS UN DEPARTEMENT DETERMINE ;

4 QUE , LE 23 OCTOBRE 1970 , CETTE MESURE A ETE REMPLACEE PAR L ' INTERDICTION DE SEJOUR DANS QUATRE DEPARTEMENTS , DONT LE DEPARTEMENT DANS LEQUEL L ' INTERESSE AVAIT SON DOMICILE ET OU CONTINUE A RESIDER SA FAMILLE ;

(…) 6 QU ' IL APPARAIT DES INDICATIONS DONNEES PAR LE MINISTERE DE L ' INTERIEUR AU

TRIBUNAL ADMINISTRATIF , CONTESTEES IL EST VRAI PAR LE REQUERANT AU PRINCIPAL , QU ' IL EST FAIT GRIEF A L ' INTERESSE D ' ACTIVITES DE CARACTERE POLITIQUE ET SYNDICAL AU COURS DES ANNEES 1967 ET 1968 ET QUE LA PRESENCE DE CELUI-CI DANS LES DEPARTEMENTS VISES PAR LA DECISION EST CONSIDEREE POUR CETTE RAISON COMME ETANT " DE NATURE A TROUBLER L ' ORDRE PUBLIC " ;

7 QU ' EN VUE DE RESOUDRE LES QUESTIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE SOULEVEES DANS CE LITIGE AU REGARD DES PRINCIPES DE LIBRE CIRCULATION ET D ' EGALITE DE TRAITEMENT DES TRAVAILLEURS DES ETATS MEMBRES , LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A POSE A LA COUR DEUX QUESTIONS DESTINEES A PRECISER LA PORTEE DE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC INSCRITE A L ' ARTICLE 48 DU TRAITE ;

(…) SUR LA DEUXIEME QUESTION 22 ATTENDU QUE , PAR LA DEUXIEME QUESTION , IL EST DEMANDE DE PRECISER LE SENS

QU ' IL CONVIENT D ' ATTRIBUER DANS L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , DU TRAITE -

12. Arrêt de la Cour du 28 octobre 1975 Roland Rutili contre Ministre de l'intérieur

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"SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D ' ORDRE PUBLIC " - AU MOT " JUSTIFIEES " ,

23 ATTENDU QUE , DANS CETTE DISPOSITION , L ' EXPRESSION " LIMITATIONS JUSTIFIEES " SIGNIFIE QUE NE SONT ADMISSIBLES , EN CE QUI CONCERNE NOTAMMENT LE DROIT DE SE DEPLACER LIBREMENT ET DE SEJOURNER DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES , QUE LES LIMITATIONS CONFORMES AUX EXIGENCES DU DROIT , DONT CELLES QUI RELEVENT DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;

24 QU ' A CET EGARD , IL CONVIENT DE PRENDRE EN CONSIDERATION , D ' UNE PART , LES REGLES DE DROIT MATERIEL , D ' AUTRE PART , LES REGLES DE CARACTERE FORMEL OU PROCEDURAL QUI CONDITIONNENT L ' EXERCICE , PAR LES ETATS MEMBRES , DES POUVOIRS RESERVES PAR L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , EN MATIERE D ' ORDRE ET DE SECURITE PUBLICS ;

(…) QUANT A LA JUSTIFICATION DES MESURES D ' ORDRE PUBLIC AU POINT DE VUE DU

DROIT MATERIEL 26 ATTENDU QUE , POUR L ' ESSENTIEL , LES ETATS MEMBRES RESTENT LIBRES DE

DETERMINER , EN VERTU DE LA RESERVE INSCRITE A L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , CONFORMEMENT A LEURS BESOINS NATIONAUX , LES EXIGENCES DE L ' ORDRE PUBLIC ;

27 QUE CEPENDANT , DANS LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE ET , NOTAMMENT , EN TANT QUE JUSTIFICATION D ' UNE DEROGATION AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L ' EGALITE DE TRAITEMENT ET DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS , CETTE NOTION DOIT ETRE ENTENDUE STRICTEMENT , DE SORTE QUE SA PORTEE NE SAURAIT ETRE DETERMINEE UNILATERALEMENT PAR CHACUN DES ETATS MEMBRES SANS CONTROLE DES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE ;

28 QUE , DES LORS , DES RESTRICTIONS NE SAURAIENT ETRE APPORTEES AUX DROITS DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES D ' ENTRER SUR LE TERRITOIRE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE , D ' Y SEJOURNER ET DE S ' Y DEPLACER QUE SI LEUR PRESENCE OU LEUR COMPORTEMENT CONSTITUE UNE MENACE REELLE ET SUFFISAMMENT GRAVE POUR L ' ORDRE PUBLIC ;

29 QU ' A CET EGARD , L ' ARTICLE 3 DE LA DIRECTIVE NO 64/221 IMPOSE AUX ETATS MEMBRES L ' OBLIGATION DE PORTER CETTE APPRECIATION AU REGARD DE LA SITUATION INDIVIDUELLE DE TOUTE PERSONNE PROTEGEE PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET NON SUR BASE D ' APPRECIATIONS GLOBALES ;

30 QU ' EN OUTRE , L ' ARTICLE 2 DE LA MEME DIRECTIVE DISPOSE QUE LES RAISONS D ' ORDRE PUBLIC NE SAURAIENT ETRE DETOURNEES DE LEUR FONCTION PROPRE PAR LE FAIT QU ' ELLES SOIENT " INVOQUEES A DES FINS ECONOMIQUES " ;

31 QUE L ' ARTICLE 8 DU REGLEMENT NO 1612/68 , QUI GARANTIT L ' EGALITE DE TRAITEMENT EN MATIERE D ' AFFILIATION AUX ORGANISATIONS SYNDICALES ET D ' EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX , FAIT RECONNAITRE QUE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC NE SAURAIT ETRE INVOQUEE , NON PLUS , POUR DES MOTIFS TENANT A L ' EXERCICE DE CES DROITS ;

32 QUE , DANS LEUR ENSEMBLE , CES LIMITATIONS APPORTEES AUX POUVOIRS DES ETATS MEMBRES EN MATIERE DE POLICE DES ETRANGERS SE PRESENTENT COMME LA MANIFESTATION SPECIFIQUE D ' UN PRINCIPE PLUS GENERAL CONSACRE PAR LES ARTICLES 8 , 9 , 10 ET 11 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L ' HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES , SIGNEE A ROME LE 4 NOVEMBRE 1950 , RATIFIEE PAR TOUS LES ETATS MEMBRES , ET DE L ' ARTICLE 2 DU PROTOCOLE NO 4 A LA MEME CONVENTION , SIGNE A STRASBOURG LE 16 SEPTEMBRE 1963 , QUI DISPOSENT EN DES TERMES IDENTIQUES QUE LES ATTEINTES PORTEES , EN VERTU DES BESOINS DE L ' ORDRE ET DE LA SECURITE PUBLICS , AUX DROITS GARANTIS PAR LES ARTICLES CITES NE SAURAIENT DEPASSER LE CADRE DE CE QUI EST NECESSAIRE A LA SAUVEGARDE DE CES BESOINS " DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE " ;

QUANT A LA JUSTIFICATION DES MESURES D ' ORDRE PUBLIC DU POINT DE VUE

PROCEDURAL

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33 ATTENDU QU ' AUX TERMES DU TROISIEME CONSIDERANT DE SON PREAMBULE , LA DIRECTIVE NO 64/221 POURSUIT , ENTRE AUTRES , LE BUT D ' " OUVRIR DANS CHAQUE ETAT MEMBRE , AUX RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES , DES POSSIBILITES SUFFISANTES DE RECOURS CONTRE LES ACTES ADMINISTRATIFS " DANS LE DOMAINE DES MESURES FONDEES SUR LA SAUVEGARDE DE L ' ORDRE PUBLIC ;

34 QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 8 DE LA MEME DIRECTIVE , L ' INTERESSE DOIT POUVOIR INTRODUIRE , CONTRE LES MESURES PRISES A SON EGARD , " LES RECOURS OUVERTS AUX NATIONAUX CONTRE LES ACTES ADMINISTRATIFS " ;

35 QU ' A DEFAUT , L ' INTERESSE DOIT AVOIR A TOUT LE MOINS , AUX TERMES DE L ' ARTICLE 9 , LA POSSIBILITE DE FAIRE VALOIR SES MOYENS DE DEFENSE DEVANT UNE AUTORITE COMPETENTE , DIFFERENTE DE CELLE QUI A PRIS LA MESURE RESTRICTIVE DE SA LIBERTE ;

36 QU ' AU SURPLUS , L ' ARTICLE 6 DE LA DIRECTIVE DISPOSE QUE LES RAISONS QUI SONT A LA BASE D ' UNE DECISION LE CONCERNANT SONT PORTEES A LA CONNAISSANCE DE L ' INTERESSE , A MOINS QUE DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L ' ETAT NE S ' Y OPPOSENT ;

37 QU ' IL APPARAIT DE CES DISPOSITIONS QUE TOUTE PERSONNE PROTEGEE PAR LES DISPOSITIONS CITEES DOIT JOUIR D ' UNE DOUBLE GARANTIE , CONSISTANT DANS LA COMMUNICATION DES MOTIFS DE TOUTE MESURE RESTRICTIVE PRISE A SON EGARD ET DANS L ' OUVERTURE D ' UNE VOIE DE RECOURS ;

38 QU ' IL CONVIENT DE PRECISER QUE TOUTES DISPOSITIONS DOIVENT ETRE PRISES PAR LES ETATS MEMBRES EN VUE D ' ASSURER , A TOUTE PERSONNE FRAPPEE PAR UNE MESURE RESTRICTIVE , LA JOUISSANCE EFFECTIVE DE CETTE DOUBLE SAUVEGARDE ;

39 QUE CETTE EXIGENCE IMPLIQUE NOTAMMENT , DE LA PART DE L ' ETAT CONCERNE , UNE COMMUNICATION A L ' INTERESSE , AU MOMENT MEME OU LA MESURE RESTRICTIVE PRISE A SON EGARD LUI EST NOTIFIEE , DES MOTIFS PRECIS ET COMPLETS DE LA DECISION , EN VUE DE LE METTRE EN MESURE D ' ASSURER UTILEMENT SA DEFENSE ;

(…) Dispositif LA COUR , STATUANT SUR LES QUESTIONS A ELLE SOUMISES PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE

PARIS PAR JUGEMENT DU 16 DECEMBRE 1974 , DIT POUR DROIT : (…) 2 ) LA JUSTIFICATION DE MESURES DESTINEES A SAUVEGARDER L ' ORDRE PUBLIC DOIT

ETRE APPRECIEE AU REGARD DE TOUTES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE AYANT POUR OBJET , D ' UNE PART , DE LIMITER L ' APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES ETATS MEMBRES EN LA MATIERE ET , D ' AUTRE PART , DE GARANTIR LA DEFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOUMISES , DE CE CHEF , A DES MESURES RESTRICTIVES .

DE TELLES LIMITES ET GARANTIES RESULTENT NOTAMMENT DE L ' OBLIGATION , IMPOSEE AUX ETATS MEMBRES , DE FONDER EXCLUSIVEMENT LES MESURES PRISES SUR LE COMPORTEMENT INDIVIDUEL DES PERSONNES QUI EN FONT L ' OBJET , DE S ' ABSTENIR DE TOUTES MESURES EN LA MATIERE QUI SERAIENT UTILISEES A DES FINS ETRANGERES AUX BESOINS DE L ' ORDRE PUBLIC OU PORTERAIENT ATTEINTE A L ' EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX , DE COMMUNIQUER SANS DELAI , A TOUTE PERSONNE FRAPPEE DE MESURES RESTRICTIVES - ET SOUS RESERVE DU CAS OU DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L ' ETAT S ' Y OPPOSERAIENT - , LES RAISONS QUI SONT A LA BASE DE LA DECISION PRISE , ENFIN , D ' ASSURER L ' EXERCICE EFFECTIF DES VOIES DE RECOURS .

(…)

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Rapport Droit communautaire/ CEDH et Constitution - SUR LA RESPONSABILITÉ DES HÉBERGEURS : 5. Considérant que le 2 du I de l'article 6 de la loi déférée dispose : " Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de

signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible... " ; qu'aux termes du 3 du I du même article : " Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible... " ; 6. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et porteraient atteinte à la liberté de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789, à l'article 66 de la Constitution, aux droits de la défense, ainsi qu'au droit à un procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ; 8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 14 de la directive du 8 juin 2000 susvisée pour la transposition de laquelle est prise la loi déférée : " Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : - a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente - ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible " ; 9. Considérant que les 2 et 3 du I de l'article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d'écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu'ils envisagent ; que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge ; que, sous cette réserve, les 2 et 3 du I de l'article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l'article 14 de la directive susvisée sur lesquelles il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer ; que, par suite, les griefs invoqués par les requérants ne peuvent être utilement présentés devant lui ;

13. Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)

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Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre XV :

« Des communautés européennes et de l'Union européenne » ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu le traité sur l'Union européenne ; Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ; Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu les décisions du Conseil constitutionnel nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ; Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c. Turquie) du 29 juin 2004 ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES : 1. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ; 2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ; 3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ; 4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ; 5. Considérant que la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution ; qu'en particulier, aux termes de son article 88-1 : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; 6. Considérant que ces textes de valeur constitutionnelle permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ; 7. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ; 8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome

14. Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l'Europe

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le 29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ; - SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE : 9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ; 10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ; 11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ; 12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux termes de l'article I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres » ; qu'il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne ; 13. Considérant que, si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article 88-1 de la Constitution ; que, dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil n'implique pas de révision de la Constitution ; - SUR LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION : 14. Considérant qu'il y a lieu d'apprécier la conformité à la Constitution de la « Charte des droits fondamentaux de l'Union » qui constitue la deuxième partie du traité soumis au Conseil constitutionnel ; 15. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article II-111 du traité et à l'exception de ses articles II-101 à II-104, lesquels ne concernent que les « institutions, organes et organismes de l'Union », la Charte s'adresse aux Etats membres « lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union » et « uniquement » dans ce cas ; qu'elle est sans incidence sur les compétences de l'Union ; qu'en vertu du paragraphe 5 de l'article II-112, elle comporte, à côté de « droits » directement invocables devant les juridictions, des « principes » qui constituent des objectifs ne pouvant être invoqués qu'à l'encontre des actes de portée générale relatifs à leur mise en

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oeuvre ; qu'au nombre de tels « principes » figurent notamment le « droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux », le « droit de travailler », le « droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle », le « principe du développement durable » et le « niveau élevé de protection des consommateurs » ; 16. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, « ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ; que sont dès lors respectés les articles 1er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ; 17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de son préambule, « la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du præsidium de la Convention qui a élaboré la Charte » ; que le paragraphe 7 de l'article II-112 du traité dispose également que : « Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des Etats membres » ; 18. Considérant, en particulier, que, si le premier paragraphe de l'article II-70 reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu'à la protection des droits et libertés d'autrui ; que l'article 9 de la Convention a été constamment appliqué par la Cour européenne des droits de l'homme, et en dernier lieu par sa décision susvisée, en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre ; que la Cour a ainsi pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales et qu'elle laisse aux Etats une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité ;que, dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ; 19. Considérant, par ailleurs, que le champ d'application de l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il ne concerne pas seulement les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; qu'il résulte néanmoins des explications du præsidium que la publicité des audiences peut être soumise aux restrictions prévues à cet article de la Convention ; qu'ainsi, « l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ; 20. Considérant, en outre, que si, en vertu de l'article II-110, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif », il résulte des termes mêmes de cet article, comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires ; que, de plus, la référence

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à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause ; 21. Considérant, en quatrième lieu, que la clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112 prévoit : « Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » ; que les explications du præsidium précisent que les « intérêts généraux reconnus par l'Union » s'entendent notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux termes duquel l'Union respecte « les fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale » ; 22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 234 ;

Vu la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ; Vu le code de la propriété intellectuelle ; Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 19 juillet 2006 ; Vu les observations en réplique, enregistrées le 21 juillet 2006 ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LES NORMES APPLICABLES AU CONTRÔLE DU CONTENU DE LA LOI : 8. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions qu'ils contestent portent atteinte à l'intelligibilité de la loi, au principe de légalité des délits et des peines, au droit au recours effectif, aux droits de la défense, au droit à un procès équitable, au principe d'égalité et au droit de propriété ; qu'ils invoquent également une méconnaissance de la directive du 22 mai 2001 susvisée ; . En ce qui concerne l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi : 9. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation

15. Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI)

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contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ; . En ce qui concerne le principe de légalité des délits et des peines : 10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que l'article 34 de la Constitution dispose : " La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables... " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur est tenu de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; que cette exigence s'impose non seulement pour exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; . En ce qui concerne le droit au recours effectif, les droits de la défense et le droit à un procès équitable : 11. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ; . En ce qui concerne le principe d'égalité : 12. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : " La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse... " ; 13. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; . En ce qui concerne le droit de propriété : 14. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que son article 17 proclame : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " ; 15. Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que, parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d'auteur et les droits voisins ; . En ce qui concerne les obligations propres à une loi de transposition : 16. Considérant que le titre Ier de la loi déférée a pour objet de transposer la directive du 22 mai 2001 susvisée sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ; 17. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle ;

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18. Considérant qu'il appartient par suite au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite ; 19. Considérant, en premier lieu, que la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ; 20. Considérant, en second lieu, que, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle prévue par l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'il ne saurait en conséquence déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ; qu'en tout état de cause, il revient aux autorités juridictionnelles nationales, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel ;

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE, la SOCIETE SOLLAC MEDITERRANNEE, la SOCIETE ARCELOR PACKAGING INTERNATIONAL, la SOCIETE UGINE & ALZ FRANCE, la SOCIETE INDUSTEEL LOIRE, la SOCIETE CREUSOT METAL, la SOCIETE UGITECH, la

SOCIETE IMPHY ALLOYS et la SOCIETE ARCELOR, représentées par leurs dirigeants en exercice ; la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE et autres demandent au Conseil d'Etat : (…) Vu les autres pièces du dossier ; Vu, enregistré le 22 janvier 2007, l’acte par lequel Maître Cossa, avocat de la société Ugitech, déclare se désister purement et simplement de la requête ; Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 55 et 88-1 ; Vu la directive 96/61/CE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution ; Vu la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61 du Conseil ; Vu le code de l’environnement ; Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ; Vu le décret n° 2004-832 du 19 août 2004 pris pour l’application des articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l’environnement et relatif au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, modifié par le décret n° 2005-189 du 25 février 2005 ; Vu le code de justice administrative ; (…)

16. CE Assemblée 8 février 2007 N°287110 SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE et autres

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Considérant, en troisième lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que l’article 1er du décret méconnaîtrait plusieurs principes à valeur constitutionnelle ; Considérant que si, aux termes de l’article 55 de la Constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie », la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne saurait s’imposer, dans l’ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ; qu’eu égard aux dispositions de l’article 88-1 de la Constitution, selon lesquelles « la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences », dont découle une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s’exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ; qu’alors, si le contrôle des règles de compétence et de procédure ne se trouve pas affecté, il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué ; que, dans l’affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ; qu’il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu’en revanche, s’il n’existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d’examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées ;

Article 6

1. L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités.

Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités. Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions. 2. L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

17. Traité sur l'union européenne dans sa version modifiée par le traité de Lisbonne

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3. Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux.

 

Commentaire : Commentez la décision n° 2007-560 DC du Conseil constitutionnel du 20 décembre

2007 Traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 13 décembre 2007, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 88-1 en son premier alinéa ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu le traité sur l'Union européenne ; Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 relative au « traité établissant une Constitution pour l'Europe » ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté a été signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne par les plénipotentiaires des vingt-sept États membres de l'Union européenne ; qu'il est demandé au Conseil constitutionnel d'apprécier si ce traité comporte une clause contraire à la Constitution ; 2. Considérant que l'article 1er de cet engagement international modifie le traité sur l'Union européenne ; qu'en vertu du 2) de cet article 1er, l'Union se substitue et succède à la Communauté européenne ; que le 8) de l'article 1er confère à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007, la même valeur juridique que les traités ; que son article 2 modifie le traité instituant la Communauté européenne ; qu'en application du 1) de cet article 2, l'intitulé de ce traité devient : « Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » ; que son article 3 prévoit que cet engagement est conclu pour une durée illimitée ; que son article 4 est relatif aux deux protocoles qui lui sont annexés ; que son article 5 a trait à la renumérotation des articles, sections, chapitres, titres et parties du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne ; que son article 6 prévoit qu'il est ratifié par les États conformément à leurs règles constitutionnelles respectives et entre en vigueur le 1er janvier 2009, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procède le dernier à cette formalité ; que son article 7, qui dénomme le nouveau traité « traité

E X E R C I C E S

18. Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007 Traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne

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de Lisbonne », énumère les langues dans lesquelles il fait foi ; qu'enfin, ce traité annexe onze protocoles au traité sur l'Union européenne, au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou au traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ; - SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE : 3. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ; 4. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ; 5. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ; 6. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ; 7. Considérant que les conditions dans lesquelles la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne sont fixées par les dispositions en vigueur du titre XV de la Constitution, hormis celles du second alinéa de l'article 88-1 qui est relatif au traité établissant une Constitution pour l'Europe, lequel n'a pas été ratifié ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ; 8. Considérant que, tout en confirmant la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres ; 9. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ; 10. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité de Lisbonne, ainsi que de ses protocoles et de son annexe ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ; - SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION : 11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 6 du traité sur l'Union européenne résultant du 8) de l'article 1er du traité de Lisbonne : « L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg,

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laquelle a la même valeur juridique que les traités. - Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités. - Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions » ; 12. Considérant que, hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte, à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités, sont identiques à celles qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004 susvisée ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés par cette décision, la Charte n'appelle de révision de la Constitution ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ; 13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 2 du même article 6 du traité sur l'Union européenne : « L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales… » ; que, toutefois, le 8 de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, résultant du 173) de l'article 2 du traité de Lisbonne, prévoit que la décision portant conclusion de l'accord portant adhésion de l'Union à ladite convention entrera en vigueur après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ; que cette dernière référence renvoie, dans le cas de la France, à l'autorisation législative prévue par l'article 53 de la Constitution ;

Sur le cadre juridique du litige : Considérant que les requérants soutiennent que la directive du 4 décembre 2001 et la loi du 11 février 2004 prise pour sa transposition méconnaîtraient les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que des principes généraux du droit

communautaire ; Considérant, en premier lieu, qu’il résulte tant de l’article 6 § 2 du Traité sur l’Union européenne que de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment de son arrêt du 15 octobre 2002, que, dans l’ordre juridique communautaire, les droits fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire ; qu’il appartient en conséquence au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance par une directive des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis par ces stipulations ; qu’il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ; Considérant, en second lieu, que lorsque est invoqué devant le juge administratif un moyen tiré de ce qu’une loi transposant une directive serait elle-même incompatible avec un droit fondamental garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et protégé en tant que principe général du droit communautaire, il appartient au juge administratif de s’assurer d’abord que la loi procède à une exacte transposition des dispositions de la directive ; que si tel est le cas, le moyen tiré de la méconnaissance de ce droit fondamental par la loi de transposition ne peut être apprécié que selon la procédure de contrôle de la directive elle-même décrite ci-dessus ;

20. CE Sect. 10 avril 2008 n°s 296845,296907 CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et autres

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Dissertation En illustrant vos propos, vous montrerez l’influence que la Convention européenne des

droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne exercent et ont exercé sur le régime juridique des droits et libertés fondamentaux en France.

Commentez la décision suivante en insistant sur l’impact et la réception des traités internationaux de protection des droits de l’homme sur les conditions d’enfermement des mineurs.

CE , Sect. 31 octobre 2008, Section française de l’Observatoire international des prisons.

voir sur le site du CE dossier de presse focus

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 26 septembre 2006 au secrétariat  du  contentieux  du  Conseil  dʹEtat,  présentés  pour  la  SECTION  FRANCAISE  DE LʹOBSERVATOIRE  INTERNATIONAL  DES  PRISONS,  dont  le  siège  est  31,  rue  des  Lilas  à  Paris (75019),  représentée  par  son  président ;  la  SECTION FRANCAISE  DE  LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS demande au Conseil dʹEtat : 1°) d’annuler le décret n° 2006‐338 du 21 mars 2006 modifiant le code de procédure pénale et relatif à l’isolement des détenus ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761‐1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ; Vu la convention internationale relative aux droits de l’enfant ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code de la santé publique ; Vu l’ordonnance n° 45‐174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : ‐ le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes, ‐  les  observations  de  Me  Spinosi,  avocat  de  la  SECTION  FRANCAISE  DE  LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS, ‐ les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ; Considérant  que  si  la  SECTION  FRANCAISE  DE  LʹOBSERVATOIRE  INTERNATIONAL  DES PRISONS  attaque  le  décret  du  21 mars  2006 modifiant  le  code  de  procédure  pénale  et  relatif  à l’isolement des détenus, elle conteste en particulier son article 1er, qui régit la mesure administrative de mise à l’isolement, et son article 3‐II, en tant qu’il définit les conditions dans lesquelles une mesure de mise à l’isolement peut être ordonnée par l’autorité judiciaire ; Considérant que, d’une part, l’article 1er du décret attaqué a modifié les articles D. 283‐1 et D. 283‐2 et créé les articles D. 283‐1‐1 à D. 283‐1‐10 et D. 282‐2‐1 à 283‐2‐4 du code de procédure pénale relatifs à la mesure de mise à l’isolement prise à l’initiative de l’autorité administrative ou, le cas échéant, sur la demande du détenu ; que ces dispositions précisent  les conditions dans  lesquelles une  telle mesure 

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peut  être  prescrite  puis  prolongée,  ainsi  que  le  régime  de  détention  applicable ;  que,  d’autre  part, l’article 3‐II du décret du 21 mars 2006 a notamment créé, au  titre des ordres donnés par  l’autorité judiciaire dans  le  cadre de  la détention,  l’article D. 56‐1 du  code de procédure pénale ; que  celui‐ci prévoit  les  conditions dans  lesquelles  le magistrat  saisi du dossier de  l’information  judiciaire peut ordonner une mesure de mise à  l’isolement ; qu’il précise en particulier que  le prévenu concerné se trouve alors placé dans  les conditions d’incarcération prévues par  les articles D. 283‐1‐2 à D. 283‐1‐4 du même code ; Sur les conclusions dirigées contre l’article 1er du décret attaqué : Considérant qu’en vertu des dispositions introduites par cet article dans le code de procédure pénale, lorsqu’une mesure d’isolement est prononcée à  l’égard d’un détenu, celui‐ci se  trouve placé seul en cellule ; que sa participation aux promenades et aux activités collectives, y compris de formation et de travail,  est  en  principe  prohibée,  seuls  étant  garantis  ses  droits  à  l’information,  aux  visites,  à  la correspondance  et  à  l’exercice  d’un  culte ;  qu’une  mesure  d’isolement  est  prise  par  le  chef d’établissement pour une durée de  trois mois renouvelable une  fois, puis,  le cas échéant, prolongée pour  la  même  durée  sur  décision  du  directeur  régional  des  services  pénitentiaires,  également renouvelable une fois ; qu’au‐delà d’un an, seul le garde des sceaux, ministre de la justice, est habilité à proroger cette mesure, par période de quatre mois, pendant une année supplémentaire ; qu’au‐delà de deux ans, sa reconduction ne peut intervenir que dans des circonstances exceptionnelles nécessitant une motivation spéciale ; (…)   En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l’alinéa 1 et de la première phrase de l’alinéa 3 de l’article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’alinéa 2 de l’article 707 du code de procédure pénale : Considérant  qu’aux  termes  de  l’article  10  du  pacte  international  relatif  aux  droits  civils  et politiques : « 1. Toute personne privée de sa  liberté est traitée avec humanité et avec  le respect de  la dignité  inhérente à la personne humaine. (…) 3. Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social …» ; qu’aux termes de  l’article  3   de  la  convention  européenne  de  sauvegarde  des  droits  de  l’homme  et  des  libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à  la  torture ni à des peines ou  traitements  inhumains ou dégradants. » ; qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 707 du code de procédure pénale :  « Lʹexécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, lʹinsertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. » ; Considérant que  le décret attaqué  fixe  le  terme et détermine  les conditions de  la prolongation de  la mesure  administrative  de  mise  à  l’isolement,  qui  doit  être  justifiée  par  des  considérations  de protection  et  de  sécurité  et  tenir  compte  de  la  personnalité  de  l’intéressé,  de  sa  dangerosité particulière, ainsi que de son état de santé ; qu’il peut être mis fin à tout moment à cette mesure par l’autorité qui l’a prise ou prolongée, d’office ou à la demande du détenu ; Considérant, d’une part, que, si  l’association requérante soutient que ces dispositions organisent des conditions  de  détention  susceptibles  de  porter  atteinte  à  la  dignité  humaine  et  constitutives  d’un traitement  inhumain et dégradant au sens de  l’article 3 de  la convention européenne de sauvegarde des droits de  l’homme et des  libertés  fondamentales, ainsi que de  l’alinéa 1 de  l’article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ces moyens ne peuvent qu’être écartés, dès lors que l’article  1er  du  décret  attaqué  n’institue  aucun  traitement  qui  soit,  par  sa  nature,  inhumain  ou dégradant,  et ne porte donc pas, par  lui‐même, d’atteinte  aux  stipulations  invoquées, même  si des mesures individuelles, dont la légalité peut être contestée devant le juge administratif, y compris par la voie d’une procédure de référé, peuvent être de nature à mettre en cause les exigences qui résultent de ces stipulations ; 

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Considérant, d’autre part, qu’au regard des dispositions attaquées du décret,  la prorogation au‐delà d’un an d’une mesure d’isolement relève de la compétence exclusive du garde des sceaux, ministre de la  justice et ne peut être  fondée que sur des considérations particulières relatives au milieu carcéral concerné tenant par nature, d’une part, à la personnalité du détenu, et d’autre part, aux nécessités de l’ordre  public  à  l’intérieur  de  l’établissement  pénitentiaire ;  qu’en  conséquence,  une  mesure d’isolement  a vocation  à  avoir un  caractère provisoire  tout  en ne portant pas  atteinte  aux  contacts qu’est susceptible de maintenir le détenu dans la perspective de son élargissement et de sa réinsertion ultérieure ; que, dans ces conditions, si une mesure d’isolement pourrait, le cas échéant, en raison de ses circonstances et de sa durée, porter atteinte aux objectifs d’insertion et de réinsertion attachés aux peines subies par  les détenus tels qu’ils sont fixés par  l’alinéa 3 de  l’article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et par l’alinéa 2 de l’article 707 du code de procédure pénale, tel n’est pas le cas, en elles‐mêmes, des dispositions réglementaires attaquées ;  En  ce  qui  concerne  le moyen  tiré  de  la  violation  de  l’article  8  de  la  convention  européenne  de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : Considérant qu’aux  termes de  l’article 8 de  la  convention  européenne de  sauvegarde des droits de l’homme  et des  libertés  fondamentales :  « 1. Toute personne  a droit  au  respect de  sa  vie privée  et familiale,  de  son  domicile  et  de  sa  correspondance.  2.  Il  ne  peut  y  avoir  ingérence  d’une  autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à  la sécurité nationale, à  la sûreté  publique,  au  bien‐être  économique  du  pays,  à  la  défense  de  l’ordre  et  à  la  prévention  des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » ; Considérant que si, par ses effets, une mise à  l’isolement pourrait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au respect de l’intégrité de la personnalité des détenus que les stipulations précitées ont notamment pour objet de sauvegarder, le principe et le régime de cette mesure, ainsi que prévus et organisés par le décret attaqué, n’y portent pas, par eux‐mêmes, atteinte ; (…)   En  ce qui  concerne  les moyens  tirés de  ce que  l’inclusion des mineurs dans  le  champ du décret attaqué serait contraire à la seconde phrase de l’alinéa 3 de l’article 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux articles 3 et 37 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant : Considérant, d’une part,  qu’aux  termes de  la  seconde phrase de  l’alinéa  3 de  l’article  10 du pacte international  relatif  aux  droits  civils  et  politiques : « (…)  Les  jeunes  délinquants  sont  séparés  des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge et à leur statut légal. » ; Considérant,  d’autre  part,  que  si  l’association  requérante  soutient  que  les  dispositions  attaquées méconnaissent les stipulations de la convention relative aux droits de lʹenfant du 26 janvier 1990, qui, conformément à son article 1er, s’appliquent à « tout être humain âgé de moins de dix‐huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable », elle ne peut utilement se prévaloir des articles 3‐2 et 3‐3, qui sont dépourvus dʹeffet direct ; qu’aux termes de l’article 3‐1 de cette  convention : « Dans  toutes  les  décisions  qui  concernent  les  enfants,  quʹelles  soient  le  fait  des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des  organes  législatifs,  l’intérêt  supérieur  de  l’enfant  doit  être  une  considération  primordiale. » ; qu’aux termes de l’article 37 de la même convention : « Les Etats parties veillent à ce que : (…) c) Tout enfant  privé de  liberté  soit  traité  avec  humanité  et  avec  le  respect  dû  à  la  dignité  de  la  personne humaine, et dʹune manière tenant compte des besoins des personnes de son âge : en particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que lʹon nʹestime préférable de ne pas le faire dans  l’intérêt  supérieur  de  lʹenfant,  et  il  a  le  droit  de  rester  en  contact  avec  sa  famille  par  la correspondance et par des visites, sauf circonstances exceptionnelles. » ; 

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Considérant  que  ni  les  stipulations  précitées  ni,  au  demeurant,  les  exigences  qui  procèdent  de l’ordonnance du  2  février  1945  relative  à  l’enfance délinquante  n’interdisent, de manière  générale, qu’une mesure d’isolement puisse être appliquée à un mineur, même si ce n’est pas sur sa demande ; qu’en revanche  les stipulations des articles 3‐1 et 37 de  la convention relative aux droits de  l’enfant font obligation d’adapter  le régime carcéral des mineurs dans tous ses aspects pour tenir compte de leur  âge  et  imposent  à  l’autorité  administrative  d’accorder  une  attention  primordiale  à  l’intérêt supérieur des enfants pour toutes les décisions qui les concernent ; qu’il en résulte, compte tenu des fortes contraintes qu’il comporte, qu’un régime d’isolement ne peut être rendu applicable aux mineurs sans que des modalités  spécifiques  soient  édictées pour  adapter  en  fonction de  l’âge,  le  régime de détention, sa durée, les conditions de sa prolongation et, notamment le moment où interviennent les avis médicaux ; Considérant que, faute de comporter de telles modalités d’adaptation du régime de mise à l’isolement applicable  aux  mineurs,  le  décret  attaqué  n’offre  pas  de  garanties  suffisantes  au  regard  des stipulations précitées ; que, dès lors, les dispositions de l’article 1er de ce décret doivent être annulées en tant qu’elles sont applicables aux mineurs ;  Sur les conclusions dirigées contre l’article 3‐II en tant qu’il fixe des dispositions relatives à l’ordre judiciaire de mise à l’isolement : En ce qui concerne la compétence de l’auteur du décret attaqué : Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu’aux termes de l’article D. 56‐1, créé par le décret attaqué: « Lorsque le magistrat saisi du  dossier  de  lʹinformation  ordonne  la  mise  à  lʹisolement  dʹune  personne  placée  en  détention provisoire par  le  juge des  libertés et de  la détention en  raison des nécessités de  lʹinformation,  il en précise la durée, qui ne peut excéder celle du titre de détention. A défaut de précision, cette durée est celle du titre de détention. Ces instructions sont précisées dans la notice prévue par lʹarticle D. 32‐1 ou, si la mesure est décidée ultérieurement, dans tout autre document transmis au chef dʹétablissement. / Le magistrat  saisi  du  dossier  de  lʹinformation  peut  ordonner  le maintien  de  lʹisolement  à  chaque prolongation de la détention provisoire. / Le magistrat saisi du dossier de lʹinformation peut mettre fin à la mesure dʹisolement à tout moment, dʹoffice, sur réquisitions du procureur de la République, à la requête  du  chef  dʹétablissement  pénitentiaire  ou  à  la  demande  du  détenu.  /  Le  détenu  placé  à lʹisolement par le magistrat saisi du dossier de lʹinformation est soumis au régime de détention prévu par les articles D. 283‐1‐2 à D. 283‐1‐4. » ; Considérant, en premier lieu, que, d’une part, aux termes de l’article 715 du code de procédure pénale : « Le juge dʹinstruction, le président de la chambre de lʹinstruction et le président de la cour dʹassises, ainsi  que  le  procureur  de  la  République  et  le  procureur  général,  peuvent  donner  tous  les  ordres nécessaires soit pour  lʹinstruction, soit pour  le  jugement, qui devront être exécutés dans  les maisons dʹarrêt.» ;  que  ces  ordres peuvent par nature  comporter  la prescription d’une mesure d’isolement ; que, d’autre part, aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant : (…) la procédure pénale (…) » ; Considérant  que  les  alinéas  1,  2  et  3  de  l’article  D. 56‐1,  relatifs  à  la  prescription  de  la  mesure d’isolement  ordonnée  par  le  magistrat  saisi  du  dossier  de  l’information,  définissent  des  règles concernant la procédure pénale ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’en édictant ces dispositions, le pouvoir réglementaire aurait empiété sur le domaine réservé à la loi par lʹarticle 34 de la Constitution doit être accueilli ; que, dès lors, la SECTION FRANCAISE DE LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS est  fondée à demander  l’annulation de  l’article 3‐II du décret attaqué en  tant qu’il a énoncé les alinéas 1, 2 et 3 de l’article D. 56‐1 ; Considérant, en second lieu, que, d’une part, aux termes de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant  une  instance  nationale,  alors même  que  la  violation  aurait  été  commise  par des  personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » ; que, compte tenu des exigences fixées par ces 

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stipulations  et  eu  égard aux  effets qui  s’attachent aux  conditions de détention d’un détenu placé à l’isolement,  celui‐ci  doit  pouvoir  exercer  un  recours  effectif  à  l’encontre  d’une  telle décision ;  que, d’autre part, si aux termes de l’article 186 du code de procédure pénale, « le droit dʹappel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80‐1‐1, 87, 139, 140, 137‐3, 145‐1, 145‐2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181 (…) », cet article n’a pas inclus  les  décisions  prises  au  titre  de  l’article D.  56‐1  parmi  celles,  limitativement  énumérées,  qui peuvent bénéficier de la procédure d’appel qu’il garantit ; Considérant, dès  lors,  que  si  le  pouvoir  réglementaire  était  compétent  pour  organiser une mesure d’isolement, y compris dans  le cas où celle‐ci procède des ordres donnés par  l’autorité  judiciaire en vertu de l’article 715 du code de procédure pénale, il ne pouvait lui‐même en prévoir l’application tant que le législateur n’était pas intervenu préalablement pour organiser, dans son champ de compétence relatif à la procédure pénale, une voie de recours effectif, conformément aux stipulations de l’article 13 de  la  convention  européenne de  sauvegarde des droits de  l’homme  et des  libertés  fondamentales ; que,  par  suite,  en  l’absence  de  la  possibilité  d’exercer  un  tel  recours,  le  pouvoir  réglementaire  ne pouvait légalement édicter l’alinéa 4 de l’article D. 56‐1, qui soumet le détenu au régime de lʹisolement sur  ordre  du magistrat  saisi  du  dossier  de  lʹinformation  ;  qu’ainsi,  la  SECTION  FRANCAISE DE LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS est fondée à en demander l’annulation ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SECTION FRANCAISE DE LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS est  fondée à demander  l’annulation de  l’article 1er du décret du 21 mars 2006 en tant qu’il s’applique aux mineurs et de son article 3‐II en tant qu’il a créé l’article D. 56‐1 du code de procédure pénale, ainsi que, par voie de conséquence, des dispositions de l’article 5 du décret attaqué, relatives à ses modalités d’application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle‐Calédonie, en tant qu’elles font référence, d’une part, aux articles D. 283‐1 à D. 283‐2‐4 du code de procédure pénale et, d’autre part, à l’article D. 56‐1 du même code ;  Sur les conclusions relatives à l’application de l’article L. 761‐1 du code de justice administrative : Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761‐1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme  de  3 000  euros  que  demande  la  SECTION FRANCAISE  DE  LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; D E C I D E  : Article 1er : L’article 1er du décret du 21 mars 2006 est annulé en tant qu’il s’applique aux mineurs. L’article  3‐II  du même  décret  est  annulé  en  tant  qu’il  crée  l’article D.  56‐1  du  code  de  procédure pénale. L’article 5 du même décret est annulé en  tant qu’il  fait référence, d’une part, aux articles D. 283‐1 à D. 283‐2‐4 du code de procédure pénale et, d’autre part, à l’article D. 56‐1 du même code.  Article 2 : L’Etat versera la somme de 3 000 euros à la SECTION FRANCAISE DE LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS au titre de l’article L. 761‐1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article  4 :  La  présente  décision  sera  notifiée  à  la  SECTION  FRANCAISE  DE  LʹOBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.