Convergences de gauche

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Ségolène Royal LES ESSAIS Obama, Lula, Forum social, dix leçons convergentes Obama, Lula, Forum social, dix leçons convergentes

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Compte-rendu pour la fondation Jean jaurès du déplacement de Ségolène Royal au forum social global de Bélem.

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dix leçons convergentes

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S O M M A I R E

Introduction ............................................................................. 5

Belém, c’est beaucoup plus sérieux que Davos ! ..................... 6

Un diagnostic partagé .............................................................. 11

Biens communs publics : une idée qui progresse .................... 15

L’État n’est pas le problème mais une partie de la solution .................................................. 18

Efficacité économique et justice sociale : un couple inséparable .............................................................. 22

Croissance verte : les tournants brésilien et américain ......................................... 26

Démocratie participative : une nouvelle culture politiqueet une condition de l’efficacité publique ................................. 33

Deux nations réconciliées avec elles-mêmes .............................. 39

Nous ne voulons plus d’ingérences ! .......................................... 50

Questions de mœurs politiques et d’alliances ............................ 58

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Ségolène Royal est présidente de la Région Poitou-Charentes depuis 2004.Le 22 avril 2007, elle est la première femme à accéder au second tourd'une élection présidentielle en France.

Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment Femme debout, avecFrançoise Degois (Denoël, février 2009) ; Si la gauche veut des idées, avecAlain Touraine (Grasset, juillet 2008) ; Ma plus belle histoire, c’est vous(Grasset, décembre 2007) ; Maintenant (Hachette Littératures, mars 2007).

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I N T R O D U C T I O N

Les hasards du calendrier ont fait se succéder en janvierdeux événements majeurs que j’ai voulu vivre sur place etdont, sur fond de crise globale, les leçons convergentesme frappent : l’investiture de Barack Obama et le Forumsocial mondial de Belém, à l’occasion duquel j’ai égale-ment rencontré le Président Lula.

J'ai vu, dans la capitale américaine, l’immense mobilisa-tion populaire et l’espérance qui unissait fraternellementdes Américains de toutes origines, de toutes conditions,de tous âges ; leur fierté d’avoir contribué à élargirl’univers des possibles. J'ai vu, à Belém, l’exceptionnelleparticipation à ce Forum social de retour au Brésil :130 000 citoyens engagés de 142 nations, 3 000 Indiensde tous les pays qui ont l’Amazonie en partage, la forte

« Ce qui échappe aux cyniques,

c’est que le sol s’est dérobé sous leurs pieds. »

(Barack Obama, discours d’investiture, 20 janvier 2009, Washington)

« Nous n’avons pas été choisis par l’élite. »

(Luiz Inacio Lula da Silva, meeting des cinq présidentslatino-américains, 29 janvier 2009, Belém)

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Pour lui, « elle a toutes les qualités requises mais doit enconvaincre le peuple brésilien ».

Hier encore, messianiques ou cyniques, les arrogantsdonneurs de leçons de Davos moquaient les mises engarde des altermondialistes et nous vantaient les charmesde l’État minimal, de la politique réduite au rôle d’auxiliairedu business, de l’abaissement des protections sociales, duproductivisme prédateur et des prouesses des traders.Les voilà contraints d’en appeler piteusement à l’Étatambulancier. Filant la métaphore de La montagne magiqueet du sanatorium immortalisés par Thomas Mann, lestêtes pensantes de Davos prétendaient cette année fairede leur luxueux rendez-vous l’infirmerie d’un mondemalade de la crise. Ils n’ont fait que constater les dégâts,redouter que le pire, portant dans ses flancs la révoltesociale, soit encore à venir et… réduire de 30 % leurconsommation de champagne.

Belém fut non seulement plus sérieux mais plus créatif etplus stimulant que Davos. Il est vrai qu’en 2009 ils ont

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présence des délégations françaises. J'ai vu ces jeunes sinombreux, rétifs aux injustices et conscients d’habiter unmonde commun, assoiffés de politique en phase avec sontemps. J’ai vu la richesse des témoignages et des expérienceséclairant trois grands thèmes transversaux : justicesociale, développement durable et démocratie participa-tive. J’ai vu discuter ensemble toutes les gauches que l’onappelle là-bas « utopistes, révolutionnaires et réformistes »car, comme l’a rappelé l’une des figures historiques duForum social, « ce qui nous rassemble est plus fort que cequi nous sépare ».

Belém, c’est beaucoup plus sérieuxque Davos !

C’est l’une des premières choses que m’a dites lePrésident Lula lorsque nous nous sommes rencontrés. Ilm’a ensuite présenté Dilma Rousseff, qui exerce à ses côtésdes fonctions proches de celles d’un Premier ministre et asa préférence pour les élections présidentielles de 2010.

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perdu de leur superbe, ceux qui faisaient de la main invi-sible du marché et de la destruction créatrice chère àSchumpeter l’horizon indépassable de l’humanité. L’andernier, l’un des vice-présidents d’AIG plastronnait enaffirmant que « les fondamentaux de l’économie » étaientsains, forcément sains, et son groupe promis à un avenirradieux ; c’était avant de recevoir en catastrophe 173 mil-liards de dollars du contribuable américain ! Pas ques-tion, pour autant, d’ébaucher l’ombre d’une autocritique :ni responsable, ni coupable, seulement victime, comme ill’a dit, d’une « crise systémique », façon commode denaturaliser la faillite sans battre sa coulpe. On dit quecette année les banquiers ont fait preuve, dans la stationsuisse, d’une discrétion exquise : « Ils ne sortent que lanuit », remarquait ironiquement un participant. PourNouriel Roubini, le « docteur Doom », qui fut l’un desrares économistes à tirer la sonnette d’alarme dès 2006,le climat dépressif du dernier World Economic Forumtenait à cette réalité simple : « Ils sont passés de l’aviditéà la peur. » Assez peu mondial, d’ailleurs, ce forum duGotha dont l’Afrique a été quasi totalement absente et

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auquel les pays émergents n’ont, pour la plupart, déléguéqu’un petit nombre de représentants.

On y vit, chose inimaginable il y a peu, un appel au rem-boursement des bonus de Wall Street chaudementapplaudi et John Neill, patron d’Unipart, acclamélorsqu’il suggéra que les banquiers soient punis commeces industriels qui mettent des produits toxiques encirculation sur le marché. On y entendit le fondateur dufonds de private equity KKR confesser benoîtement que,« si nous en sommes arrivés là, c’est que nous nous sommestrop focalisés sur le profit ». Certains se sont souvenus, sansfierté excessive, qu’il n’y a pas si longtemps une grandebanque illustrait l’une de ses publications en représentantAlan Greenspan sous les traits du Dieu de Michel-Angeinsufflant aux marchés leur force vitale…

Il semble que la seule lueur d’espoir, dans cette ambiancemorose, soit venue d’un chercheur israélien enseignant àLausanne, très versé dans l’étude des synapses et desneurones. A l'en croire, la modélisation informatique et la

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Comme l’a remarqué Chico Whitaker, l’un des fondateursdu Forum social en 2001, « le néolibéralisme n’est pasencore mort et peut avoir plusieurs vies ». Beaucoup l’ontdit à Belém : ce qu’il nous faut, ce n’est pas seulement unemoralisation superficielle des comportements dans lessphères dirigeantes, assortie de quelques techniques derégulation plus efficaces : c’est un « nouveau paradigme ».

Un diagnostic partagé

Dans les deux Amériques, chacun le dit avec ses mots,son histoire, sa culture, mais le constat est partagé : au-delà de l’irresponsabilité des responsables (politiques,économiques, financiers) qui ont laissé faire et profitéjusqu’à plus soif, ce qui est aujourd’hui en cause, ce nesont pas des « dérapages », c’est la nocivité et la dangero-sité d’un système fondé, comme l’a souligné BarackObama, sur « une conception étriquée de l’intérêt indivi-duel et du profit à court terme ». Dans son discours d’in-vestiture, il a imputé la brutale leçon administrée par un

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reconfiguration du cerveau pourraient, aux alentours de2030 et avec l’aide d’un bon ordinateur, nous permettrede corriger à la source ces humaines défaillances fauteusesde désordres mondiaux. Le clonage virtuel, médicationsur mesure pour hémisphères gauche et droit atteints delaisser-fairisme aigu ?

« Grand-messe funéraire », « désespoir palpable »,« deuil des idées reçues de ces trente dernières années »,« crainte et anxiété », « beaucoup de brouillard et pas deboussole » : pour nombre d’éditorialistes et de partici-pants, l’humeur, à Davos, était lugubre car, comme on ledit aux États-Unis, « grand-mère n’a jamais vu ça ! »

Le Président Lula a raison : c’est ailleurs que s’ébauchentles réponses dont le monde a besoin. Il ne semble pas quele gouvernement français s’en soit avisé, représenté à Davospar quatre ministres mais absent de Belém. Attention, pour-tant, car s’ils en rabattent, ils n’ont pas renoncé. L’histoirenous l’enseigne : ce qui n’est pas remplacé tend à renaître,fût-ce au prix de quelques concessions cosmétiques.

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Le Forum social de Belém ne prétendait pas apporterde solutions clefs en mains, mais proposer d’autres prin-cipes d’action, ouvrir de nouvelles pistes et montrer,expériences concrètes à l’appui, que d’autres voies sontpossibles. De ce point de vue, je trouve remarquableque, pour la première fois, un forum « Science etDémocratie » ait précédé l’ouverture proprement dite duForum social. Car ce sont aussi nos manières d’analyserla société et, ce faisant, de construire la réalité socialequ’il faut interroger et faire évoluer. Cela vaut, on le voitaujourd’hui, pour une certaine « science » économiquequi, à force de se vouloir exacte et argument d'autorité,à force de trop en pincer pour les modèles économétri-ques et la sophistication sans fin de la mathématiquefinancière, ne fut souvent que la caution scientiste d’uneidéologie de l’autorégulation désormais en déroute. Celavaut aussi pour les autres disciplines, et plus encore pourcette tendance impénitente au monopole de l’expertisequi prétend tenir les controverses scientifiques et tech-nologiques à l’abri du débat public et de ce tiers intem-pestif : le profane, le citoyen.

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marché devenu incontrôlable à « notre échec collectif àfaire des choix difficiles ».

Lula ne dit pas autre chose quand il stigmatise « cetteéconomie de casino ». Ou Tarso Genro, son ministre dela Justice, lorsqu’il m’explique qu’il faut « opposer unnouveau projet de civilisation à la déshumanisation bru-tale de la globalisation prédatrice ». Ou encore cet appellancé à l’issue du Forum social par des ONG, signé par laConfédération internationale des syndicats et le Conseilmondial des Églises, qui préconise de « remettre lafinance à sa place » pour sortir d’un système en crise oùtout se tient, à commencer par trente ans de transferts derevenus au bénéfice du capital et au détriment du travail.

Tous disent l'urgence d’un modèle alternatif de dévelop-pement qui assure la prééminence de l’intérêt général surles intérêts particuliers et sur la loi du plus fort. Un nouveaumodèle dont le critère ne soit plus la boulimie financière dequelques-uns, mais le développement humain et la viedigne à laquelle chacun a droit.

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Ce sont bien nos raisons et nos façons, inextricablementliées, qu’il faut passer au crible d’une critique décapante,pour repenser de fond en comble le pilotage des sociétéscomplexes et interdépendantes qui sont les nôtres. Car letemps n’est plus, chacun en convient, où les difficultésdes uns pouvaient être compensées par le dynamisme desautres : la consommation occidentale contre la crise asia-tique de 1997 ou la vitalité des pays émergents contre l’écla-tement de la bulle Internet en 2002. Nous sommes, commejamais auparavant, tous embarqués dans le même bateau ettous exposés aux contagions rapides de nos économiesrespectives. Ce n’est donc pas à coups de repentancessuperficielles ou de replâtrages à courte vue que nousenrayerons, chacun pour soi, la course erratique d’une crisequi n’épargne aucun territoire. D’Obama à Lula en passantpar le Forum de Belém – que le président brésilien qualifieamicalement de « grand supermarché idéologique » dont lemérite est « d’universaliser » les questions et les expé-riences –, tous le disent : c'est bien à la racine qu’ensembleil faut reprendre les choses, à partir d’autres valeurs et d’uneautre conception du rôle de la puissance publique. En

dépassant ce que le président américain a appelé, le jour deson investiture, « ces débats éculés qui nous consumentdepuis si longtemps ». En s’arrachant, dans la foulée, à ceque Gramsci nommait jadis « la viscosité des habitudes ».

Biens communs publics : une idée qui progresse

La privatisation effrénée des services publics et la mar-chandisation croissante de tous les domaines de l’exis-tence n’ont eu nulle part les effets vertueux que promet-taient leurs partisans. Il y a plusieurs années, RicardoPetrella, l’un des penseurs stimulants de l’altermondia-lisme, a théorisé la notion de « biens publics mondiaux »,applicable par exemple à l’eau potable, à la santé, à l’édu-cation, à l’environnement, tous domaines justiciablesd’autres logiques que celles de l’appropriation privée.

Les sachants, alors, ricanaient : qui mieux que le marchésans entraves pouvait valoriser ces domaines et en faire

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profiter le plus grand nombre ? On a vu ! Non pas le miracled’une concurrence pure et parfaite étendant ses bienfaits àla planète entière, non pas l’abaissement des coûts d’accès àdes biens fondamentaux qui devraient être le patrimoinecommun de l’humanité, mais, très souvent, leur renchérisse-ment, les ententes tarifaires et l’exclusion de ceux qui n’ontpas les moyens d’acquitter les nouveaux péages. On a vu lesagriculteurs ligotés par les semenciers et les grandes entre-prises promptes à breveter tout le vivant. Un exemple parmibien d’autres : les prix pratiqués sur les médicaments par lestrusts pharmaceutiques ont bafoué le droit à la santé etcondamné les malades du sida dans les pays du Sud ; c’est laraison du bras de fer homérique qui a opposé le Brésil auxgrands laboratoires, et de son engagement dans la fabricationde génériques qui en fait aujourd’hui, avec le renfort d’auda-cieuses politiques de prévention, un pays exemplaire enmatière de lutte contre cette pandémie. Le Président Lulam’a d’ailleurs annoncé que son pays allait construire auMozambique une usine de fabrication de génériques àdestination des malades africains. Le Forum social a abon-damment débattu de l’accès à ces biens communs dont

certains pourraient faire l’objet de financements issus d’unefiscalité mondiale encore balbutiante.

Quand Barack Obama promet de s’attaquer aux inégalitésdevant la santé et l’éducation ou quand Ana Julia Carepa,gouverneure de l’État amazonien du Pará, me parle desmesures contraignantes prises pour protéger la biodiver-sité amazonienne et valoriser « la forêt debout », ilstémoignent de cette commune conviction : il est desdomaines vitaux qui doivent être soustraits aux diktatsexclusifs des intérêts privés et du profit à court terme.

Comme le disent de longues dates les altermondialistes,« nos vies valent plus que leurs profits », ce qui, pour moi,ne signifie évidemment pas que tout profit soit illégitime,mais que ce n’est pas à l’aune de la rentabilité marchandeque doivent s’apprécier les droits fondamentaux à garantir.En 2009, du nord au sud, l’idée de biens communs del’humanité, objets d’une responsabilité collective (le sensoriginel de « solidarité »…), a le vent en poupe, et c’est,pour le monde, une bonne nouvelle.

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la France et l’Europe peinent à mobiliser 1,5 % de leurrichesse produite. Ce qui frappe, dans les propos et lesactes du président américain, c’est le rôle désormaisstratégique de la puissance publique. L’important, a-t-ilsouvent dit, n’est pas de savoir si l’État est trop gros outrop maigre, mais s’il remplit correctement ses missions.C’est pourquoi, ajoute-t-il, nous arrêterons ce qui ne marchepas et développerons ce qui marche, y compris en recru-tant les fonctionnaires qualifiés dont nous avons besoinpour accompagner et contrôler les investissements et lesprogrammes publics que nous lancerons. Affaiblis enFrance, les services publics renaissent au pays où ladroite prétendit s’en passer au nom de la lutte contre « labureaucratie fédérale » et de l’abandon du bien communaux intérêts particuliers.

Au Brésil, l’élection puis la réélection du Président Lulaont aussi signifié un vote pour un nouveau volontarismepolitique prenant à bras-le-corps la question sociale.Le Brésil, tout en se mobilisant pour retrouver laconfiance des investisseurs (rétablissement de sa balance

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L’État n’est pas le problème mais une partie de la solution

Qui eût cru que l’on discuterait aujourd’hui aux États-Unis de la nationalisation temporaire des banques ? Quiaurait pu imaginer que l’État américain plafonnerait d’au-torité les rémunérations des plus hauts dirigeants desentreprises aidées par la puissance publique ? À l’aube dela révolution conservatrice, Ronald Reagan désignait le cou-pable : l’État. À l’aube d’un possible « post-libéralisme » quine se contente pas de panser les plaies et d’atténuer leschocs (ce qui, vu de France, serait toutefois apprécia-ble !), c’est à la volonté politique de reprendre la main. Cen’est pas d’État brancardier mais d’État anticipateur,porteur d’une vision à long terme de l’intérêt général, queles pays malmenés par la crise ont impérieusementbesoin pour s’en sortir et surtout ne pas y retomber.

C’est une des significations majeures de la victoired’Obama et de son plan de relance énergique, auquel lesÉtats-Unis vont consacrer 5,6 % de leur PIB – alors que

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d’en payer le plus violemment le prix : pauvres des paysriches et nations du Sud. Fort de sa puissance ascendanteet de ses réussites, le Brésil entend bien contribuer àl’élaboration d’un nouveau modèle de développement« post-libéral » qui s’appuie sur le potentiel d’un marchésocialement régulé et donne à l’État tout son rôle.

Cependant, comme l’écrit Tarso Genro dans le texte surla rénovation de la gauche qu’il m’a remis, il n’est pasquestion de « réchauffer de vieilles recettes » en tombantdans une « statolâtrie » bureaucratique qui, à l’Est et ail-leurs, a échoué. L’État stratège assumant ses responsabi-lités économiques et sociales que défendent Obama etLula doit être réactif, efficace, à l’écoute de la société. LeForum social a lui aussi affirmé l’urgence de l’actionpublique pour combattre les paradis fiscaux et sanctionnerleurs utilisateurs, pour éradiquer la spéculation sur lesmatières premières, pour établir de justes fiscalités pro-gressives ou pour garantir un véritable service bancaireuniversel, mais avec le contrepoids des mouvementssociaux et d’un nouveau contrôle citoyen.

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commerciale, remboursement anticipé du prêt du Fondsmonétaire international), a mis en place des politiquesredistributives qu’il considère aujourd’hui comme un fac-teur de résistance à la crise. Il s’était doté, m’a dit lePrésident Lula, de règles prudentielles bien plus strictesque celles en vigueur aux États-Unis et ailleurs (qu’ils’agisse des ratios d’emprunt des banques par rapport à leurpatrimoine liquide ou des conditions d’intervention sur lesmarchés à terme). Il vient de renforcer massivement – enle dotant de 60 milliards d’euros supplémentaires – sonProgramme d’accélération de la croissance lancé il y a deuxans pour réaliser les grands travaux dont le Brésil modernea besoin. La Banque nationale de développement y est unoutil plus efficace que la Banque mondiale.

Les maîtres du monde ont préféré le profit à court termeaux investissements à long terme, l’endettement popu-laire à des salaires décents, les mirages des retraites parcapitalisation à la sécurité de la répartition et les culbutesvirtuelles à l’économie réelle. Et ce sont, a souligné Lula,ceux qui n’en portent pas la responsabilité qui risquent

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de l’économie et l’économie au service de la juste satisfac-tion des besoins humains, ce n’est pas mettre en péril laproduction de richesses, c’est l’orienter autrement.Morale et croissance, justice et performance économique :voilà ce qu’il faut conjuguer ; et mesurer à l’aide d’indica-teurs de développement humain plus représentatifs quel’archaïque PIB.

Barack Obama l’a souligné lors de son discours d’investi-ture : « Une nation ne peut prospérer longtemps si elle nefavorise que les plus nantis. » Il n'a pas, lui, dilapidé envain une quinzaine de milliards au bénéfice des plus aiséset appliqué la théorie erronée dite du « ruissellement », àquoi se réduisait la vision sociale de George Bush : plusles riches s’enrichissent, plus les pauvres finissent par enprofiter… Le nouveau Président américain n’a pas nonplus fait, pour son plan de relance, le choix unijambisted’une politique de l’offre qui ignore la demande. On estloin du souverain mépris du Président Sarkozy pour lepouvoir d’achat des Français, loin des réponses tardiveset insuffisantes qu’il apporte comme à contrecœur pour

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Efficacité économique et justice sociale : un couple inséparable

L’injustice sociale freine et pervertit le développement(étroitesse du marché intérieur, corruption endémique,boulevard ouvert aux trafics et aux mafias, instabilité poli-tique et, si la démocratie déçoit socialement, tentationautoritaire). Un ordre économique injuste n’est qu’unchaos et une poudrière. Enivré de cupidité à court terme,le système néolibéral n’a pas seulement trébuché sur sespropres vices : il a semé dans le vaste monde des déses-poirs et des ressentiments qui menacent la sécuritécollective.

J'ai été frappée, à Belém, par la forte présence des mili-tants syndicaux : ceux des trois confédérations brésilienneset ceux venus d’autres pays, dont la France. Les débatssur l’emploi, les droits du travail et la redistribution ontbénéficié de leur expérience. La grande journée françaisede grèves et de manifestations du 29 janvier 2009 y futchaleureusement soutenue. Mettre la finance au service

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bénéficiaires ont été arrachées au dénuement et lesenfants à l’obligation de travailler dans la rue. L’accès enfinpossible à une consommation de première nécessité a étévécu comme une entrée dans la citoyenneté pleine etentière. Le versement d’un montant calculé en fonction decritères universels a permis de soustraire cette aide auclientélisme. Ces transferts financiers ont suscité dansles quartiers populaires une économie de proximité et descréations d’emplois en même temps qu’ils ont ouvert denouveaux débouchés à l’industrie brésilienne de l’habille-ment et de l’alimentation. Lula raconte volontiersl’avalanche de critiques « expertes » qui s'abattirent ini-tialement sur ce projet : assistance stérile, paternalisme,incitation à la paresse… Aujourd’hui, un Brésilien surquatre bénéficie de ces bourses familiales, la mortalitéinfantile a baissé, la faim a déserté des millions de foyerspopulaires et le marché intérieur s’en porte mieux.

Barack Obama lie sa volonté de moderniser les écolesaméricaines et de mieux équilibrer l’offre éducative surtout le territoire à cette bataille pour l’emploi qui est au

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tenter de désamorcer la colère. Barack Obama a invité àson investiture Lilly Ledbetter, qui se bat depuis plus devingt ans contre les discriminations salariales car elle ena été victime en tant que femme. La loi qu’il a signée dansla foulée sur ce sujet montre qu’il prend au sérieux les droitsdes salariés et l’égalité de traitement. « 20 janvier 2009 : lafin d’une erreur » : cette pancarte aperçue dans une rue deWashington vaut aussi pour le retour de la grande oubliéedes années néolibérales : la justice sociale.

Le Président Lula est fils de migrants chassés duNordeste par la famine. Ancien ouvrier et militant issu ducombat pour un syndicalisme indépendant lors de la dic-tature militaire, il n’a rien oublié de la pauvreté vécuedans sa jeunesse. Durant ses deux mandats, des politi-ques redistributrices novatrices et bénéfiques sur le planmacroéconomique ont été lancées, comme la bolsa familiaattribuée à douze millions de familles pauvres et trèspauvres en échange d’un engagement de scolarisationet de vaccination des enfants. C’est un bel exemplede cercle vertueux économique et social : les familles

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pan-amazonienne. La forte mobilisation de la Coordi-nation des organisations indigènes du bassin amazonien atémoigné de sa volonté d’être un acteur à part entière despolitiques nationales et des négociations internationales.On a abondamment débattu de la déforestation sauvage,de la protection de la biodiversité, du changement clima-tique, du respect des droits des peuples indiens et desdroits sociaux de ceux qui travaillent dans cette immenserégion peuplée, dans sa partie brésilienne, de 25 millionsd’habitants.

Le Brésil a longtemps eu la réputation d’un « État-voyouécologique » et reste le quatrième pays le plus pollueur dela planète. Il fut un temps où les « développementistes »purs et durs s’opposaient aux tenants d’une « sanctuarisa-tion » de la forêt amazonienne. Les lignes ont bougé dansune perspective qualifiée au Brésil de « socioenvironne-mentale ». Mais, sur le terrain, faute notamment depersonnels de contrôle en nombre suffisant, les materos(forestiers qui percent des routes à tout va et se livrent aucommerce illégal de bois), les grileiros (éleveurs qui

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cœur de son projet de relance. Il s’agit en effet, explique-t-il, de « donner à nos enfants des chances de vivre leur rêvedans un monde qui n’a jamais été plus compétitif » et depermettre « aux étudiants de Chicago et de Boston de riva-liser avec les enfants de Pékin dans les métiers high tech etbien rémunérés du futur ». Dans le compromis final avec leCongrès, qui a revu à la baisse les moyens que le Présidentaméricain prévoyait de mobiliser mais a permis l’adoptiond’un plan de relance conçu comme une « première étape »,des dizaines de milliards y restent consacrés. Pour Obamacomme pour Lula, l’enjeu éducatif est une priorité dutemps qui vient et l’investissement dans le capital humain,un des leviers majeurs de la sortie de crise.

Croissance verte : les tournants brésilien et américain

Organisé aux portes de la plus grande forêt du monde,« poumon vert » de la planète déjà terriblement entamé,le Forum social a consacré une journée entière à la question

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endettés à se tourner en priorité vers des cultures d’exporta-tion, au détriment de leur autosuffisance alimentaire, et àimporter de quoi nourrir leur population. Ces injonctionsles ont rendus totalement vulnérables à la volatilité des prixet constituent une cause majeure des émeutes de la faim.

Le Président Lula, lui, est un ardent défenseur de la pro-duction brésilienne d’agro-carburants, qui sont là-basmassivement utilisés par les véhicules. Il considère quecet « or vert », produit à base de canne à sucre et non demaïs comme aux Etats-Unis, est sans conséquence surl’explosion spéculative des prix alimentaires, bénéfiquepour le pouvoir d’achat car moins cher que l’essence etréducteur des émissions de gaz à effet de serre. Nombred’ONG demandent un moratoire sur les biocarburantsmais le Brésil, fier de ses victoires remportées sur lafamine, n’est pas prêt à renoncer à l’un des leviers de sacroissance et à l’exportation de sa technologie.

S’agissant de la déforestation amazonienne, il faut recon-naître à l’actif du gouvernement brésilien une réelle prise

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brûlent la forêt pour y installer leurs immenses trou-peaux), les gros producteurs de soja (dont l’envol des coursaccélère la déforestation) et les orpailleurs clandestins(utilisateurs du mercure qui pollue les rivières) s’affran-chissent d’une législation encore récente (code forestier,zones protégées) et font régner la loi du plus fort.

Les mouvements écologistes et altermondialistes repro-chent au gouvernement son soutien à une agricultureintensive indifférente à l’environnement, son incapacité àenrayer suffisamment la déforestation sauvage, ses pro-jets de barrages hydroélectriques qui perturbent les équi-libres environnementaux et son développement volonta-riste des biocarburants (éthanol, biodiesel) dont le Brésilest, derrière les États-Unis, le deuxième producteur et lepremier exportateur mondial. Ces agro-carburants sontaccusés de contribuer à la crise alimentaire et d’avoir unbilan écologique global négatif. Certains analystes de lacrise alimentaire observent toutefois que le plus ravageur,ce sont les orientations de la Banque mondiale et duFonds monétaire européen (FMI) qui ont poussé les pays

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est radicalement différente : responsabilité assumée etrôle actif de la puissance publique pour faire de la crois-sance verte un moteur de la relance économique, et durepositionnement de l’économie américaine sur descréneaux d’avenir (énergies renouvelables, en particulier).

J’ai rencontré à Washington Amy Klobuchar, sénatricedémocrate du Minnesota et spécialiste des questionsenvironnementales. Elle m’a indiqué qu’à la conférencede Copenhague, en décembre prochain, les États-Unisdevraient signer l’accord qui actualise le protocole de Kyoto(en espérant que la Chine en fasse autant). Elle a égale-ment souligné ce que les difficultés de l’industrie automo-bile américaine doivent à un défaut d’adaptation de sonoffre, flagrante quand les familles durement touchées par lacrise préfèrent des voitures économes en carburant. BarackObama n’a pas cédé aux constructeurs automobiles quivoulaient bien empocher plus de dix-sept milliards dedollars d’aide mais pas investir plus vite, en contrepartie,dans des technologies réduisant les émissions de gaz à effetde serre. Le Président américain, qui vient d’annoncer

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de conscience et de vrais efforts. Cependant, près du cin-quième de la forêt originelle a disparu, dont la moitié cesvingt dernières années, et la capacité du Brésil à tenir lesengagements qu’il a pris (faire diminuer la déforestationde 40 % d’ici à 2010 et réduire les émissions de CO2 de4,8 milliards de tonnes à l’horizon 2017) suscite un cer-tain scepticisme.

Le débat au Brésil est vif, même au sein du gouverne-ment où il a motivé, au printemps dernier, le départ deMarina Silva, ministre de l’Écologie. Ce « dialogueconflictuel » témoigne du dilemme auquel est encoreconfronté ce pays-continent qui veut, à la fois, exploiterses avantages comparatifs, combattre énergiquement lapauvreté, défendre sa souveraineté (raison pour laquelleil est hostile à toute idée de tutelle internationale del’Amazonie) et assumer ses responsabilités écologiques.

Les États-Unis n’avaient eu de cesse de torpiller le protocolede Kyoto. Sous l’administration Bush, l’irresponsabilitéfédérale fut à son comble. Avec Barack Obama, l’approche

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aujourd’hui les États-Unis : 2,6 millions d’emplois détruits en2008 et 598 000 pour le seul mois de janvier 2009).

Faire de la crise non pas une catastrophe subie mais l’oc-casion d’une redéfinition radicale de nos manières deproduire de la richesse et de la partager, c’est mobilisernos forces et nos talents pour prendre le tournant de larévolution écologique. Les efforts brésiliens et le renfortétats-unien sont bienvenus.

Démocratie participative :une nouvelle culture politiqueet une condition de l’efficacité publique

Je suis partisane d’une proposition faite au Forum social :la possibilité, pour les clients comme pour les salariés desétablissements bancaires, d’exercer eux aussi un droit decontrôle sur la manière dont les banques assument leurfonction d’intermédiation. Il en résulterait une dynamisationappréciable du crédit aux PME et une saine moralisation

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quinze milliards de dollars d’investissements annuelsdans les énergies propres (sur un total de 80 milliards dedollars de dépenses nouvelles allant aux questions énergé-tiques) leur a dit sans fard qu’il ne protégerait pas despratiques d’un autre âge, mais qu’il était en revanche prêtà les aider à construire les voitures de demain, y comprispar des normes antipollution contraignantes.

Partant de plus loin, la volonté américaine d’obtenir desrésultats est plus manifeste que celle inspirant les récentesannonces du gouvernement Sarkozy pour relancer l’écono-mie française. Liant nouvelles technologies et croissanceverte, le plan de relance de Barack Obama affirme uneambition de la puissance publique assortie d’objectifs (dou-blement en trois ans de la production d’énergies alternati-ves, 25 % de l’électricité américaine issue à moyen termedes énergies renouvelables, etc.). Il entend tirer lemeilleur parti du gisement d’emplois verts et table sur500 000 postes créés en liaison avec les énergies propres(sur 3,5 millions d’emplois consolidés et nouveaux qui doi-vent compenser les destructions d’emplois massives frappant

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en guerre, le record des morts par armes à feu. Le tauxd’élucidation des homicides y est très bas, signe d’ineffica-cité policière. La responsabilité de la police dans l’escaladede la violence et dans les exécutions sommaires de jeunesafro-brésiliens des bidonvilles a été à plusieurs reprisespubliquement mise en cause. Faute de politiques publiquesgarantissant efficacement la sécurité des personnes, latentation de faire justice soi-même a conduit à d’inquié-tantes dérives. Le gouvernement brésilien a consciencede ces dysfonctionnements de l’État de droit et des attenteslégitimes de la population quant à la protection qui lui estdue. Il a pris certaines initiatives qui ont porté leurs fruitsmais il reste beaucoup à faire, de la prévention à la sanction,pour que les quartiers en proie à la violence deviennent ces« territoires de paix » dont m’a parlé Tarso Genro, en mecitant des expériences locales qui ont fait chuter le tauxd’homicides de manière spectaculaire et ont arraché ungrand nombre de jeunes à l’enrôlement par le narcotrafic.

Cette consultation participative nationale sur la sécuritépublique associe des citoyens, des associations et des

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de la tarification bancaire ! D'une manière générale, leserrements à l’origine de la crise renforcent l’exigenced’une association plus directe des citoyens aux décisionset au contrôle de leur application. C’est la condition d’unleadership légitime et d’une action publique efficace.

Ana Julia Carepa, la dynamique gouverneure du Pará, m’aparlé de la démarche de planification participative qu’ellea lancée. Elle associe pour la première fois la populationde cet État grand comme deux France et demie à la déter-mination d’investissements régionaux prioritaires pour lesquatre ans à venir et au suivi de leur réalisation.

Tarso Genro (après m’avoir appris que le budget partici-patif des lycées créé en Poitou-Charentes avait eu leshonneurs de la presse brésilienne) m’a parlé de la grandeconsultation participative nationale lancée au Brésil sur laquestion, infiniment sensible, de la sécurité publique. LeBrésil est un pays où la dangerosité urbaine n’est pas un« fantasme d’insécurité » mais une plaie dont les plusdémunis sont les premières victimes. Il détient, hors pays

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Un vent nouveau souffle aussi des Etats-Unis, où lacampagne de Barack Obama a prouvé l’efficacité d’unemobilisation participative. J’y ai retrouvé bien des partispris communs aux miens. Barack Obama a poussé cechoix politique à une échelle inédite. Ses équipes ont enoutre fait preuve d’un professionnalisme sans faille qui abénéficié du travail accompli par Howard Dean pourmoderniser le Parti démocrate. J’ai rencontré àWashington des associations qui agissent dans les quar-tiers pauvres et y font vivre cette démarche de communityorganizing initiée par Saul Alinsky. Hillary Clinton lui ajadis consacré un mémoire universitaire (« There is onlythe Fight... », an Analysis of the Alinsky Model, consultableen français sur le site Désirs d’avenir) et Obama a évoquéson influence lors de ses années d’organisateur de quar-tier à Chicago. La campagne de l’actuel Président améri-cain fut, à certains égards, une hybridation réussie entreles traditions d’organisation alinskiennes et la cultureFacebook des réseaux sociaux. Mais le plus neuf estqu’aujourd’hui Barack Obama entend bien gouverner encontinuant à s’appuyer sur cette démocratie participative

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policiers. Elle repose sur trois temps de débats et de pro-positions, à l’échelle des communes puis des États, etenfin au niveau fédéral. Je n’entrerai pas ici dans le détaild’une méthodologie précise qui, mêlant professionnels etprofanes, n’est pas sans rappeler, quoiqu’à une autreéchelle, les conférences de consensus scandinaves. Cettedémarche devrait mobiliser au total 170 000 personnes etculminer en août 2009, à Brasilia, en une conférencenationale conclusive à laquelle je suis conviée car cela faitplusieurs années que la Région Poitou-Charentes a nouéavec le Brésil des échanges et des relations de partenariatautour de nos expériences respectives de démocratie parti-cipative.

Le Brésil est un formidable laboratoire de pratiques poli-tiques innovantes. Le Président Lula m’a dit combien laparticipation citoyenne et le dialogue avec les mouvementssociaux lui semblaient vitaux pour mieux exercer les respon-sabilités confiées par les électeurs. Quelle différence avec lapréférence impénitente du gouvernement français pour lesréformes non concertées et les passages en force !

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politiques traditionnelles et favorise l’intervention crois-sante et consciente des citoyens dans la sphère publique.C’est une dimension du modèle alternatif de croissanceet de gouvernance dont l’épreuve de la crise doit hâterl’avènement. Une culture politique partagée progresse àl’échelle de la planète.

Deux nations réconciliées avec elles-mêmes

Aux États-Unis et au Brésil, j’ai vu la fierté sans arrogancede deux nations réconciliées avec elles-mêmes par desleaders qui sont des porteurs d’espoir.

La victoire de Lula a été perçue comme la revanche sansagressivité d’un peuple longtemps tenu à l’écart des res-ponsabilités et considéré comme un obstacle au progrèspar les élites qui monopolisaient la politique. Le chef del’État brésilien ne manque pas de rappeler qu’il est lepremier président sans autre diplôme que son CAP de

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qui allie forte présence sur le terrain et utilisationcitoyenne d’Internet. Elle ouvre aux citoyens de nouveauxespaces d’expression, d’influence et de contrôle de l’ac-tion publique, en même temps qu’elle offre aux décideurspolitiques des capteurs démultipliés et des garde-fousprécieux. Contre la connivence des intérêts économiqueset politiques qui a marqué les années Bush et ne semblepas devoir épargner les années Sarkozy, contre la puis-sance des lobbies et les résistances au changement, cetappel au peuple affirme l’utilité de rapports de forcecitoyens. Les premières initiatives de Barack Obama surla transparence et la traçabilité des décisions de sonadministration (dont le site www.recovery.org pour queles citoyens américains suivent l’utilisation des fondspublics engagés en leur nom) ainsi que la fin des contratssans appel d’offres dont les amis du Président Bush onttant profité montrent l’importance qu’il attache à larestauration de la confiance dans la mobilisation du pays.

Du Brésil aux États-Unis, ce que Tarso Genro appelle la« nouvelle révolution démocratique » bouscule les pratiques

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tourneur. Le Parti des Travailleurs a été créé à l’écart desappareils traditionnels pour assurer aux classes populairesune représentation politique affranchie des manipulationset des clientélismes. Élargir la citoyenneté à ceux qui, defait, en étaient exclus, c’était l’objectif. On a dit de Lulaqu’il avait rendu leur dignité aux travailleurs manuelshabituellement dévalorisés et aux classes populaires. Ona aussi souligné l’enthousiasme avec lequel les classesmoyennes ont voté pour un homme qui incarnait bien desmaux de la très inégalitaire société brésilienne mais sur-tout, par son parcours personnel et son projet, la possibi-lité de les vaincre1.

Les mêmes mots ont rendu compte de l’adhésion (desNoirs, des latinos et des Blancs) à la candidature de BarackObama, qui lui aussi incarne la possibilité pour la sociétéaméricaine de dépasser ses fractures pour aller de l'avant.Ceux qui peinent à comprendre l’émergence de profils iné-dits de leaders bousculant certains codes de la vie politique

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ont invoqué, dans leurs deux cas, « l’irrationalité » et ladimension quasi religieuse d’engouements dont ils ne perce-vaient pas le sens. Lula s’en amuse en rappelant que sonélection et celle d’Obama ont déjoué les pronostics initiauxdes experts, preuve… qu’ils se trompent beaucoup.

J'ai vu, à Washington, malgré la violence de la crise quidétruit des milliers d’emplois chaque jour, la joie de cescitoyens prêts à civiliser l’avenir. J’ai senti leur soulage-ment que l’élection de leur nouveau président aille àrebours d’un discrédit moral qui étendait son ombre surla nation tout entière. J’ai observé l'amitié des regardsqu’en ce jour d’investiture chacun portait sur les autres,toutes origines et toutes couleurs confondues. J’ai aimédans le discours de Barack Obama l’affirmation ferme etsereine que « la sécurité ne peut être garantie au détri-ment des libertés ». Et cette phrase qui m’a semblé lecœur de son message : « Nous sommes réunis car nousavons préféré l’espoir à la peur. » Je n’ai pu m’empêcherde penser que le changement proposé par Barack Obamarassemble, alors que la rupture sarkozyenne divise.

1. Voir l'excellent livre d'Alain Rouquié, Le Brésil au XXIème siècle. Naissance d'un nouveau grand,Fayard, 2006.

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en même temps qu’elle doit marquer le point de départd’une nouvelle mobilisation de la nation. Admirable façonde ne pas cacher le pire pour faire lien avec le meilleur etd’inviter ses concitoyens à écrire ensemble une nouvellepage de leur histoire.

Quand Nicolas Sarkozy joue sur les peurs, Barack Obamamontre comment les dépasser. On imagine difficilementdans la bouche du fils de l’étudiant kényan venu parfairesa formation supérieure en Amérique, le calamiteux dis-cours de Dakar et ses considérations ahurissantes surl’homme africain otage de ses traditions et pas encore deplain-pied dans l’histoire… Voilà bien deux visions dumonde. Deux conceptions opposées du rapport d’unenation à son histoire. Deux représentations antagonistesde l’identité nationale.

À Washington, Barack Obama a tenu un discours de res-ponsabilité, individuelle et collective. Il a appelé chacun àl’effort mais a, dans le même temps, garanti que la puissancepublique ferait son devoir. Il a scellé la complémentarité

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A la clarté des convictions et à la détermination dans l'ac-tion, Obama joint une grande aptitude à entendre le pointde vue de l’autre, fût-il un opposant, et à percevoir cequ’il peut y avoir de légitime dans les raisons adversespour en tenir compte sans sectarisme inutile. Dans sondiscours de Philadelphie, il avait su trouver les mots pourfaire comprendre le ressentiment des Afro-Américains etles frustrations des Blancs. Sans rien édulcorer ni de l’es-clavage ni de la ségrégation, Barack Obama a su proposerà la nation américaine d’assumer une histoire partagée enprenant appui sur les valeurs fondatrices de sa démocra-tie. Durant son discours d’investiture, bel appel à l’unionet à la compréhension du monde, il a évoqué celles etceux qui ont « souffert de la morsure du fouet », ceux quiprirent le risque d’immigrer et bâtirent le pays, ceux– comme son père – que l’on aurait refusé de servir dansun restaurant à cause de la couleur de leur peau il y amoins de soixante ans. Il l’a fait sans dolorisme ni mora-lisme culpabilisateur, mais avec lucidité et surtout endonnant à tous les Américains la fierté des droits peu àpeu conquis et d’une élection qui en est l’aboutissement

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cours des choses. En rompant radicalement avec l’illusionqu’à elle seule la croissance résorberait les inégalités et enconsidérant les droits sociaux comme constitutifs d’unecitoyenneté non pas formelle mais réelle, elle a profondé-ment transformé l’idée que se font les Brésiliens de leurdestin collectif. L’arrivée au pouvoir d’un parti construit d’enbas autour d’un programme de justice sociale, la réussiteemblématique des « bourses familiales » et leur augmenta-tion récente, le doublement du salaire minimum (encorerelevé de 12 % en janvier 2009), la réduction du chômage(de 13,5 % à l’arrivée de Lula à 7,5 % en 2008), le reculpalpable de la pauvreté (de 34 % en 2003 à 25 % en 2006),l’effort majeur de scolarisation, la fierté d’être représenté parun « fils du peuple » mondialement populaire, le poidséconomique et politique grandissant du pays sur la scèneinternationale constituent, m’a-t-il semblé, les ingrédientsmajeurs de cette nouvelle identité nationale brésilienne àfort contenu social et citoyen. Moins d’insécurité sociale,plus de participation démocratique et de diversificationde la représentation politique, cela soude autrement unenation que la stigmatisation de l’immigration.

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de l’initiative individuelle et de la solidarité. C’est là undes fondements majeurs de cette réconciliation desAméricains avec eux-mêmes, dont le profond désir aporté sa campagne et dont naît aujourd’hui un nouvelespoir : celui d’un pays d’autant plus assuré de lui-mêmequ’il saura être accueillant à tous les siens et au clair sur sesvaleurs. Celui d’une puissance qui, ne nous y trompons pas,défendra fermement ses intérêts, mais sera d’autant plusrespectée hors de ses frontières qu’elle renoncera aux tenta-tions impériales qui jamais ne l’ont grandie.

La fierté d’être brésilien ne date pas d’aujourd’hui. Ce quiest nouveau, c’est que nul ne s’en sente exclu. Sans doutel’immensité de ce pays, grand comme quinze fois la France,et sa puissance croissante contribuent-elles à lui donnerl’assurance de sa destinée, mais le Brésil reste aussi trèsinégalitaire. La réconciliation brésilienne dont Lula a étél’emblème et l’artisan lie étroitement intégration politique etintégration sociale de ceux, pauvres et méprisés, qu’il a ins-tallés au cœur d’un nouveau récit national. Elle célèbre lacapacité d’un pays tirant dans le même sens à inverser le

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Lula (dont le taux de popularité, en fin de deuxième mandat,atteint 84 % !) et Obama (à qui de nombreux électeursqui n’avaient pas voté pour lui font désormais confiance)ont en commun de redonner une espérance. Les peuplesaméricain et brésilien ont chacun fait le choix de leadersqui conçoivent l’identité nationale comme la constructionvolontaire d’un pays plus juste. Cette identité nationalepositive tire sa force d’un socle de valeurs partageables ;elle n’est pas fondée sur le rejet, le repli, mais sur uneforte capacité à se projeter ensemble dans l’avenir, qui estune des raisons d’être de la politique bien comprise.Confiance enviable vue de la France, hexagonale et ultra-marine, qui se sent traitée avec mépris.

Il me paraît important de le souligner car, parmi les ventsmauvais de la crise, pointe le risque xénophobe. Déjà, iciou là en Europe, des salariés durement frappés par leslicenciements s’en prennent aux travailleurs venusd’ailleurs, en qui ils voient des voleurs d’emplois quandle travail se fait rare et des boucs émissaires à portéede main quand les nébuleuses mondialisées du pouvoir

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Beaucoup reste à faire, mais j’ai entendu à Belém la fiertédu chemin déjà accompli et une confiance en l’avenirbien plus forte que chez nous. À en croire les enquêtescomparatives, le Brésil est aujourd’hui l'un des pays les plusoptimistes de la planète alors que la France exprime un fortpessimisme, sur le double plan des perspectives macroéco-nomiques et de l’évolution des situations individuelles. Lepeuple brésilien, malgré des critiques parfois vives de tel outel choix gouvernemental, ne met en doute ni l’engagementde son président à ses côtés, ni les améliorations substan-tielles qu’il a apportées à ses conditions de vie. La crise aviolemment abordé les rivages brésiliens. Au cours du moisde décembre 2008, 650 000 emplois ont été détruits. Lerisque existe d’une déferlante ruinant les efforts du pays àcause de ceux qu’à Belém, Lula a décrits en ces termes : « Ilsprétendaient tout savoir, ils ignoraient les difficultés des pau-vres, ils nous prenaient pour des incompétents et se pre-naient, eux, pour des infaillibles », ajoutant sous un tonnerrede rires et d’applaudissements : « Eh bien, que le FMI ailledonc dire à Obama et Sarkozy comment ils doivent s’yprendre pour sortir de cette crise née chez eux ! »

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temps ne ferait qu’ajouter un chapitre après l’autre.Aujourd'hui moins encore qu’hier. C’est pourquoi jetrouve particulièrement intéressante la façon dont BarackObama s’attache à désigner dans l’histoire des États-Unisdes points d’appui solides pour relancer une vision pro-gressiste et rassembleuse de la nation dont chaqueAméricain puisse se sentir le dépositaire et le gardien. Ondit le Brésil moins porté à regarder derrière lui quedevant, mais Lula a lui aussi refondé le sens de la nationbrésilienne en la rendant plus hospitalière à tous lessiens. Nous aurions bien besoin, en France, d’un pareilélan qui arme pour l’adversité, éclaircit l’horizon et per-met de grands accomplissements.

Cette réconciliation nationale est la condition d’uneouverture au monde et d’unions économiques et politiquesrenforcées, entre voisins comme à l’échelle internatio-nale. Les nations doutant d’elles-mêmes sont les moinscapables de joindre leurs forces pour réussir ces intégra-tions régionales dont naîtront les nouveaux équilibresd’un monde multipolaire et dont l'Europe reste à ce jour

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capitalistique semblent inaccessibles. Ce ne sont encoreque des manifestations isolées. Cependant, l’histoirenous a prouvé que, sur fond de récession tenace, d’expé-rience désespérante du chômage de masse, de scepti-cisme sur l’aptitude des gouvernants à faire efficacementface, de fossé qui se creuse entre ceux qui ont les moyensde s’en sortir et les autres, ce n’est pas toujours la soif deliberté, d’égalité et de fraternité qui prospère, mais le rejetde l’autre et la tentation du chacun pour soi. A fortioriquand il semble qu’aucune juste protection n’atténue leschocs et les angoisses, qu’aucune espérance ne fait sens.C’est un des risques majeurs de ce que les Brésiliensappellent « l’absentéisme d’État », dislocateur de liensqu’il faudrait, par gros temps, resserrer plus solidement.

Le Brésil de Lula et les États-Unis d’Obama nous mon-trent que, dans un monde globalisé où s’affirment desinterdépendances croissantes, la nation n’est nullementdisqualifiée. Mais cette nation, comme réalité concrète etcomme « communauté imaginée », n’est pas donnée unefois pour toutes, fruit d’un récit immuable auquel le

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brésilien n’est pourtant un adepte ni du castrisme finis-sant, ni de la révolution bolivarienne d’Hugo Chávez, nide la droite au pouvoir à Mexico. Mais il dénie aux États-Unis le droit de continuer à s’immiscer de manière intem-pestive dans les affaires du sous-continent. Lors dumeeting de plus de 10 000 personnes auquel j’ai assisté àla veille de notre entrevue, les cinq présidents du Brésil,de Bolivie, du Venezuela, d’Équateur et du Paraguay onttous fermement affirmé vouloir régler entre eux leurspropres affaires. Malgré leurs différences idéologiques etleurs différends bilatéraux, ils ont opposé leur unité etleur solidarité aux menaces que fait peser sur le dévelop-pement de tous une crise née du culte irresponsable du« dieu-marché », comme l’a dit le Président Lula.

S’il est un point qui fait consensus entre toutes les gaucheslatino-américaines, c’est cette mémoire au long cours del’interventionnisme américain et de ses désastres à répé-tition. J’ai entendu Dilma Rousseff, lors de la rencontresur le rôle des femmes en politique à laquelle j’ai parti-cipé au Forum social, évoquer le lourd tribut payé par

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la forme la plus achevée, quoiqu’il faille encore beaucoupl'améliorer. Quel dommage qu’en France le président de laRépublique préfère critiquer la baisse de la TVA décidéepar Gordon Brown, plutôt que fédérer utilement les éner-gies d’un pays en mal d’écoute et de respect, en s’inspirantdu vrai volontarisme économique et social des Présidentsbrésilien et américain.

Nous ne voulons plus d’ingérences !

Lula m’a dit ce qu’en tout premier lieu il attendaitd’Obama : « Qu’il laisse l’Amérique du Sud s’organiserelle-même ! Nous ne voulons plus d’ingérences : nousvoulons être des partenaires. » Les États-Unis, a-t-ilajouté, doivent cesser « d’accuser le Venezuela d’exporterle terrorisme », lever l’embargo « punitif » infligé à Cuba,qui ne représente aucun danger pour la sécurité améri-caine, et faire l’effort de « comprendre le Mexique dontl’économie est totalement imbriquée à la leur, en particu-lier en évoluant sur le dossier migratoire ». Le Président

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Belém qui fut un moment politiquement passionnantpour mieux comprendre ce qui sépare et ce qui rapprocheles gauches latino-américaines, les cinq chefs d’État onttous raillé à tour de rôle ceux qui – États-Unis en tête –n’ont eu de cesse d’instiller à la planète entière « le veninnéolibéral » et comptent aujourd’hui, pour réparer leurserreurs, sur ces États qu’ils voulaient tant réduire. Biensûr, entre le « socialisme du XXIème siècle » et la « démo-cratie plébiscitaire » d’Hugo Chávez, d’une part, et lescoalitions de centre gauche brésilienne ou chilienne,d’autre part, les différences de style et de fond sontimportantes et la concurrence politique manifeste. Lesrésultats ne sont pas non plus les mêmes, qu’il s’agisse deterrasser l’inflation ou de faire reculer la pauvreté ; qu’ils’agisse de l’endettement, des services publics ou desinvestissements anticipant l’avenir. Mais, contre ce qu’iln’est plus question d’accepter, les mots sont interchan-geables et le rejet unanime. Et tous ont éclaté de rirequand Lula s’est exclamé : « J’en ai assez d’aller à NewYork, à Londres, voir de jeunes banquiers m’expliquercomment je dois gérer mon pays alors qu’ils n’ont jamais

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ceux qui, comme elle, furent torturés pendant la dictatureet par ceux qui payèrent leur engagement de leur vie. J’aientendu Lula rappeler ce que les actuelles démocratieslatino-américaines doivent aux combats menés sous lesrégimes militaires. J’ai à nouveau mesuré, comme déjà auChili et en Argentine, à quel point les dirigeantsd’Amérique latine n’ont rien oublié des violences de cettepremière ingérence. Ils ont certes tiré les leçons desimpasses de la lutte armée et de l’échec de l’Unité popu-laire chilienne. Mais ils se souviennent du temps où laCIA fomentait et épaulait tant de sanglants coups d’Étatpour protéger les intérêts économiques américains et, surfond de guerre froide, faire de l’Amérique latine leurchasse gardée. Nul n’a oublié que le Chili de Pinochet futle laboratoire des Chicago Boys, ces intégristes de la déré-gulation formés aux États-Unis.

Le rétablissement progressif de la démocratie enAmérique latine s’est malheureusement accompagnéd’une deuxième ingérence : celle du consensus deWashington et des diktats du FMI. Lors de ce meeting de

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classe moyenne urbaine. Ses peuples longtemps museléset marginalisés ont porté au pouvoir des candidats quin’étaient pas issus du sérail et n’avaient pas la bénédictiondes États-Unis ou des marchés financiers (un ouvrier auBrésil, un Indien en Bolivie, un évêque des pauvres auParaguay, comme cela a été rappelé lors du meeting descinq présidents à Belém). Ses pays « émergents » n’ac-ceptent plus que le club des « émergés » décide sanseux : c’est tout le sens de l’importance que le Brésil atta-che à son rôle au sein du G20 (les mouvements altermon-dialistes contestent la légitimité de ce simple élargissementà vingt du cercle des puissants et avaient appelé à mani-fester à l'occasion de sa réunion à Londres le 2 avril). Surfond de métissage qui n’a pas éliminé les discriminations,s’affirme la revendication de dignité et d’égalité dans ladiversité des populations indiennes et d’origine africaine.Quelles que soient encore leurs limites ou les rivalités à leurpropos, les organes d’intégration régionale dont les payslatino-américains se sont dotés (Mercosul en particulier)témoignent de la volonté de tirer collectivement parti deleurs atouts et de peser ensemble. Qu’ils exigent (comme

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mis les pieds au Brésil et savent à peine où se trouvel’Amérique latine ! »

D’où l’amertume devant cette troisième forme d’ingérenceque constitue une crise qui, comme l’a dit le PrésidentLula, « n’est pas la nôtre mais la leur », et dont l’onde dechoc menace en Amérique latine les progrès réaliséscomme les projets structurants d’une croissance durable.J’ai entendu, à Belém, cette exaspération de devoir payerles pots cassés par d’autres ; cette inquiétude que leralentissement de l’enviable croissance latino-américaineet la diminution des ressources tirées de l’exportation(ainsi que, pour les pays les plus pauvres, l’effondrementdes transferts financiers des émigrés) réduisent lesmoyens des politiques redistributrices, détruisent l’emploiet compromettent les investissements dans les infrastruc-tures, la santé, l’éducation.

L’Amérique latine a profondément changé et redoute devoir son évolution bloquée par la crise. Elle a marqué despoints contre la pauvreté et vu l’essor d’une nouvelle

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l’écoute des mouvements sociaux, ne pas en rabattre surle volontarisme politique et le rôle d’un État assumant laplénitude de ses responsabilités, lier plus fortement quejamais le développement avec la redistribution et laprotection de l'environnement, faire de la crise uneopportunité pour bâtir un modèle alternatif et un nouvelordre juste international : telles sont les orientations qu’ila dessinées ce soir-là, suscitant de nombreux applaudis-sements. Comme l’a joliment dit le Président Lugo, éludepuis peu au Paraguay : le changement « joint nos mainspour ne pas délier l’espérance ».

Les chefs d’État latino-américains que j’ai écoutés espè-rent, après l’incompréhension de George Bush, queBarack Obama, dont la vision du monde leur paraît moinsrustique, sera ouvert à des partenariats débarrassés desimpériales tutelles d’antan et du protectionnisme à sensunique, cet envers paradoxal et réservé aux riches dumodèle ultralibéral.

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l’Équateur) un moratoire sur « la dette illégitime » ouaient pris sur eux d’en anticiper le remboursement(comme le Brésil), ils réclament le droit de tracer leur pro-pre chemin. Là-dessus, tous sont d’accord. Ils ne veulentplus ni d’une souveraineté bafouée, ni d’un commerceinternational déséquilibré, ni d’un modèle de développe-ment qui a failli. Cette volonté d’émancipation n’est pasl’ennemie du pragmatisme : les pays latino-américains peu-vent signer des accords bilatéraux avec les États-Unis etfaire capoter l’accord de libre-échange voulu par Bush ouvoter contre la guerre en Irak. Comme l’a dit le Présidentéquatorien Correa, « nous ne vivons pas une époque dechangements mais un changement d’époque ».

Lors de ce meeting à Belém, j’ai été particulièrement sen-sible à la franchise et à la maestria avec lesquelles lePrésident Lula, sans rien cacher des différends énergé-tiques et financiers qui opposent le Brésil à la Bolivie, àl’Équateur et au Paraguay, a su trouver les mots pour direl’unité du front que doivent opposer à la crise les payslatino-américains, pluriels mais solidaires. Rester à

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Pour convaincre des élus n’appartenant pas à sa majoritédu bien-fondé de son plan de relance, Barack Obama n’apas ménagé sa peine. Que ses efforts aient été moinscouronnés de succès qu’il ne l’espérait ne change rien àl’affaire : cette manière d’agir semble bien ancrée dans saconception de l’exercice du pouvoir et des compromisconstructifs qui, faisant bouger les lignes, font avancer leschoses. La présence dans son équipe gouvernementale dedeux Républicains (après le départ de Judd Gregg), choi-sis non pas à titre de trophées ornementaux mais pourleurs compétences en matière de défense et de trans-ports, relève d’un tout autre registre que l’ouverturesarkozyenne, série de coups pour la galerie et de mauvaistours dont le prince s’amuse, maître des grâces et desdisgrâces. La main tendue par Obama traduit, elle, larecherche obstinée de convergences sur l’essentiel avecdes Républicains lassés de l’abaissement du pays sous lesmandats de George Bush, et disposés à partager l’éthiquede l’intérêt général du nouveau Président. Le Présidentfrançais racole et débauche. Le Président américain chercheà convaincre et respecte. Jubilation ostentatoire de l’un,

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Questions de mœurs politiques et d’alliances

Barack Obama a eu l’élégance d’inviter John McCain àdîner la veille de son investiture. Le geste était fair play.Il illustre cette volonté de travailler dans un esprit de« bipartisme » rompant avec le manichéisme obsession-nellement clivant qui avait régné à la Maison-Blanche dutemps de la croisade néoconservatrice. Changement demœurs avec Obama et retour d’une certaine tenue enpolitique. En ce début de mandat, le Président américainest fidèle à ce qu’il avait annoncé durant sa campagne :rechercher, pour réussir le changement, des coopérationsallant au-delà du Parti démocrate. Non seulement parceque l’heure est grave et justifie la plus large mobilisationnationale, mais aussi parce que telle est, de longue date,la pratique de l’ancien sénateur de l’Illinois, ce qui ne l’anullement empêché de prendre une position minoritaireet courageuse contre la guerre en Irak. Preuve que l’onpeut tendre la main au-delà de son camp sans passer sousles fourches caudines de l’adversaire, ni se trahir.

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partidaires des États-Unis et de la France, le sens dudialogue dont Obama fait actuellement preuve avec leParlement, avec son opposition et avec le peuple améri-cain, me paraît riche de leçons à méditer de ce côté-ci del’océan.

Dans toute l’Amérique latine qui, entre 2009 et 2011, neverra pas moins de quatorze élections présidentielles etnombre de législatives, une même question est posée auxgauches actuellement au pouvoir, au gré d'alliances trèsdiverses, dans une quinzaine de pays : comment bâtir desmajorités présidentielles qui ne soient pas de circons-tance, non seulement pour gagner les élections mais pourmettre ensuite en œuvre des programmes progressistes ?

Au Brésil, le Parti des Travailleurs (PT) gouverne avecune douzaine de partis plus petits dont certains peuventdifficilement être classés à gauche. Ils relèvent de ce quel’on appelle là-bas des « partis opportunistes » ou « physio-logiques », comme disent aussi les Brésiliens. Constituéssans souci programmatique sur la base d’intérêts électoraux

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qui signe la petitesse de l’objectif tactique. Sobriété del’autre car, plutôt que de détruire, il s’agit de construire.J’ignore ce qu’il adviendra au long cours de ces manièresde faire qui sont actuellement la marque de BarackObama, mais j’observe qu’elles s’inscrivent dans un horizonde valeurs et de pragmatisme en phase avec les attentesde citoyens épris de choix clairs mais las des querellespoliticiennes surjouées.

J’ai écouté à Washington une intervention de ColinPowell où l’on sentait le soulagement de cet homme intègreà l’idée que le gouvernement de son pays remette de lamorale en politique et veuille en finir avec des pratiquesindignes (au premier rang desquelles Guantanamo) quiont fait aux États-Unis autant de mal au-dedans qu’audehors de leurs frontières. Comme d’autres Républicainsmodérés sensibles au nouveau climat politique voulu par lePrésident américain, Powell a choisi d’accompagner lechangement et l’effort de redressement national pilotés parObama, qui ne leur demande pas leur reddition mais leurcoopération. Si différentes que soient les configurations

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(PSDB), formation politique du président battu par Lula,comme l’a expérimenté la ville de Belo Horizonte sousl’œil bienveillant, dit-on, du président de la Républiquemais très hostile de la majorité de son parti ? Ce qui estpossible à l’échelle locale le sera-t-il un jour à l’échellenationale où le PSDB, concurrent le plus menaçant duPT qui lui a toujours vigoureusement reproché sesaccointances néolibérales, fourbit ses armes pour laprochaine présidentielle ? Dans l’immédiat, une telleperspective semble trop iconoclaste aux yeux de la plupart.

Cette question de la revigoration et/ou de la recomposi-tion des alliances est également posée, entre autres, auChili. Dans ce pays, la « concertation démocratique »,coalition entre socialistes et démocrates-chrétiens quiassura la transition démocratique de l’après-Pinochet,donne après dix-huit ans de pouvoir des signes d’usure,quoique la popularité de Michelle Bachelet soit à nouveauorientée à la hausse. Elle est posée à toutes les gaucheslatino-américaines, des plus « centristes » aux plus« radicales » (encore que ces étiquettes soient loin d’épuiser

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localisés ou personnalisés, ces formations politiques sontdonc toujours susceptibles d’aller servir de force d’ap-point au plus offrant. Cette donnée structurelle de lapolitique brésilienne est à l’origine des scandales qui ontéclaboussé le PT en 2005, lorsqu’il apparut que certainsde ses responsables n'auraient peut-être pas dédaignél’achat à l’ancienne de loyautés incertaines. Ce fut uncoup porté au magistère moral d’un parti qui se voulait« pas comme les autres » (même si, sur fond de bonsrésultats économiques et sociaux, cela n'empêcha pasLula d’être réélu).

Parmi les responsables du Parti des Travailleurs que j’airencontrés, on a conscience des risques et des limites deces appariements fragiles mais vers quoi aller ? Vers la« réforme politique » qui, pour Tarso Genro, doit favori-ser l’identité programmatique des partis brésiliens et le« nouveau bloc historique » qu’il appelle de ses vœux ?Mais avec quelles forces politiques nouer de nouvellesalliances ? Vers une convergence à terme entre le PT ettout ou partie du Parti social-démocrate brésilien

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publique – qui ne sont pas prêts à se satisfaire du vaguelifting d’un système dont tous les fondamentaux sont àrevoir. En nous inspirant de cette pluralité stimulantedont le Forum social mondial reste un exemple. C’estainsi que je conçois l’élaboration d’une proposition politi-que radicale et crédible, capable de redonner espoir auxFrançais et, le moment venu, de fédérer les énergies detoutes celles et de tous ceux qui seront décidés à battre ladroite sarkozyenne. Il y faudra, comme certains s’y effor-cent dans les deux Amériques, le courage de changer sansse perdre.

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le sens réel des politiques mises en œuvre : c’est le Chili,pays de coopération gouvernementale entre socialistes etdémocrates-chrétiens, qui détient en Amérique latine lapalme du recul de la pauvreté). Avivées par la crise, lesinterrogations portent donc conjointement sur le modèlede développement alternatif à proposer au monde et surles alliances qui permettront de tenir la promesse detransformation durable de la société, en évitant le doubleécueil de l’impuissance électorale et de l’opportunisme degouvernement. Ces débats qui traversent les gaucheslatino-américaines ne sont pas exotiques. La crise radica-lise les attentes et pousse la gauche qui ambitionne de gou-verner à faire mieux que se répéter pour, comme le disentObama et Lula, garder le cap sur l’essentiel.

Les choses vues et entendues à Washington et à Belémme confortent dans la conviction que le dialogue le pluslarge, sans ostracisme ni complaisance, est nécessaireavec tous ceux – altermondialistes, militants de toutes lesgauches, républicains et démocrates attachés à unecertaine idée de la France et du rôle de la puissance

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LES ESSAIS DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : GILLES FINCHELSTEIN

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LES ESSAIS 03/2009

Ségolène Royal

Obama, Lula, Forum social,dix leçons convergentesLa crise globale qui ébranle la planète disqualifie les dogmesde la révolution néo-conservatrice. Elle doit hâter l'avènementd'un nouveau paradigme.

Quels domaines vitaux doivent être soustraits aux diktatsexclusifs du profit à courte vue ? Quel rôle pour une puissancepublique assumant la plénitude de ses responsabilités ? Com-ment conjuguer l'efficacité économique et la justice sociale ?Comment prendre hardiment le tournant de la croissanceverte ? Comment donner aux citoyens un pouvoir inédit departicipation aux décisions et de contrôle de leur application ?

Ségolène Royal était à Washington pour l'investiture de BarackObama puis au Forum social mondial de Belém où elle a ren-contré le Président Lula : d'une Amérique à l'autre, des pistesnovatrices et des parti-pris volontaires dessinent d'autres possibleset ébauchent un modèle alternatif de développement.

www.jean-jaures.org

ISBN : 2-910461-75-0

4 €