Contribution à l'évaluation des dispositifs de gouvernance et … · 2016. 12. 24. · Submitted...
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Contribution a l’evaluation des dispositifs de
gouvernance et d’evaluation de la qualite dans
l’enseignement superieur mozambicain
Rafael Carlos Chadreque
To cite this version:
Rafael Carlos Chadreque. Contribution a l’evaluation des dispositifs de gouvernance etd’evaluation de la qualite dans l’enseignement superieur mozambicain. Education. Univer-site Paris-Est, 2014. Francais. <NNT : 2014PEST0011>. <tel-01167234>
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Université Paris - Est Créteil
ECOLE DOCTORALE: Cultures et Sociétés
Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les Transformations des pratiques
Educatives et des pratiques Sociales (LIRTES)
THESE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS - EST CRETEIL
en sciences de l’éducation
CONTRIBUTION A L’EVALUATION DES DISPOSITIFS DE
GOUVERNANCE ET D’EVALUATION DE LA QUALITE DANS
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MOZAMBICAIN
présentée par
Rafael CHADREQUE
Directeur de thèse Cédric FRETIGNE
24 juin, 2014
Jury :
Carmen CAVACO, Professeur en sciences de l’éducation, Université de Lisbonne (Rapporteur) Pascal LAFONT, Maître de conférences en sciences de l’éducation, Université Paris-Est Créteil (Examinateur) Remi HESS, Professeur en sciences de l’éducation, Université Paris 8 (Rapporteur) Cédric FRETIGNE, Professeur en sciences de l’éducation, Université Paris-Est Créteil (Directeur de thèse)
TABLE DES MATIERES
Remerciements ...................................................................................................................... 9
Introduction ......................................................................................................................... 11
Structure de la thèse ……………………………………………………………………23
L’apprentissage organisationnel dans les dispositifs de gouvernance, une opportunité pour
la compétitivité des systèmes d’enseignement supérieur ?..................................................27
Hypothèses de recherche…………………………………………………………………..35
Première partie : Cadre épistémologique et méthodologique .............................................. 39
CHAPITRE 1. Cadre théorique et analytique ................................................................. 40
1.1 L’évaluation entre management de la qualité, management des savoirs et
apprentissage organisationnel……………………………………………………………...47
1.1.1 Management des connaissances, apprentissage organisationnel ou
organisation apprenante ? ........................................................................................................ 48
1.1.2 L’évaluation comme forme de management des connaissances ..................... 52
1.2 Le management des savoirs parmi les sciences du management…………….54
1.2.1 Les avantages du management des savoirs ..................................................... 56
1.3 Différentes entrées pour cerner l’objet de la thèse, résistances à l’évaluation
………………………………………………………………………………..60
1.3.1 L’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur .............................. 63
1.3.2 Résistances à l’évaluation dans l’enseignement supérieur ............................. 67
1.3.3 L’analyse des effets de l’apprentissage organisationnel, une approche
originale dans la gouvernance des universités ? ...................................................................... 70
1.3.4 Quels indicateurs privilégier pour évaluer la compétitivité dans
l’enseignement supérieur ? ...................................................................................................... 76
CHAPITRE 2. Pour un nouveau champ de recherche dans la gouvernance de l’enseignement supérieur ..................................................................................................... 82
1.4 La contribution des chercheurs : Approches méthodologiques, modalités de
l’évaluation et effets……………………………………………………………………... 85
1.4.1 Une multitude d’instances d’évaluation-conseil dans l’enseignement supérieur
………………………………………………………………………………..86
1.4.2 Les effets de l’évaluation dans l’enseignement supérieur .............................. 91
1.4.3 Différentes formes d’évaluation des enseignements, le rôle des étudiants ..... 98
1.4.4 L’évaluation par pairs et les portfolios ......................................................... 100
1.5 Une entrée à travers l’histoire de l’évaluation dans l’enseignement supérieur
………………………………………………………………………………102
1.6 L’arrivée du paradigme de la qualité en milieu universitaire………………108
1.7 Sur la nécessité d’un cadre d’analyse pluridisciplinaire……………………110
CHAPITRE 3. Cadre méthodologique ......................................................................... 121
3.1 Le protocole de recherche…………………………………………………..122
3.2 Un moment de ruptures……………………………………………………..123
3.2.1 Le Projet de thèse .......................................................................................... 131
3.2.2 La recherche-action ...................................................................................... 133
3.2.3 Rupture ou démarcation méthodologique ? .................................................. 134
3.3 Le travail de terrain une méthodologie de recherche pragmatique…………136
3.3.1 L’enquête, stratégies, techniques et les résultats obtenus ............................. 142
3.3.2 L’unité d’observation .................................................................................... 143
3.3.3 Les méthodes de recueil de données ............................................................. 144
3.3.4 Les observations réalisées ............................................................................. 146
3.3.5 Le recueil et la constitution de données documentaires : ............................. 148
3.3.6 Déroulement des entretiens et résultats obtenus. .......................................... 149
3.3.7 Les entretiens avec les étudiants ................................................................... 151
3.3.8 Les entretiens avec les dirigeants du système, des établissements et les
universitaires………………………………………………………………………………..153
3.4 Exploitation des résultats de l’enquête……………………………………..157
3.5 Dispositif de recherche et évaluation de l’enseignement supérieur. ...................... 161
3.5.1 Recours aux connaissances tacites ................................................................ 165
Deuxième partie : Les dispositifs de gouvernance, évaluation et apprentissage organisationnel .................................................................................................................. 168
CHAPITRE 4. Le Mozambique: L’enseignement supérieur et ses structures de gouvernance ………………………………………………………………………...171
4.1 Le système éducatif ............................................................................................... 173
4.1.1 La naissance de l’enseignement supérieur et son évolution ......................... 174
4.1.2 Première phase 1962-1975 : Les dernières années de la colonisation- une
université pour colons et assimilés. ....................................................................................... 180
4.1.3 Deuxième phase, 1976-1990 : indépendance et socialisme .......................... 182
4.1.4 Troisième Phase 1990-2000 : paix, démocratie, une économie de marché et
l’émergence d’institutions d’enseignement supérieur non gouvernementales. ..................... 184
4.2 L’organisation de l’enseignement supérieur………………………………..187
4.3 Dispositif de gouvernance et management des universités ……………….190
4.3.1 Une complémentarité entre dispositifs internes et externes .......................... 193
4.3.2 Les dispositifs d’évaluation de l’enseignement supérieur ............................ 195
4.3.3 Société civile, ordres scientifiques, les enseignants et les étudiants ............. 196
4.3.4 Les conseils universitaires et l’évaluation .................................................... 201
4.3.5 Défis de l’évaluation de la recherche ............................................................ 206
4.3.6 Le Ministère de l’éducation .......................................................................... 207
4.3.7 Direction pour la coordination de l’enseignement supérieur (DICES) ......... 208
4.3.8 Conseil national d’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur
(CNAQ) ………………………………………………………………………………209
4.3.9 Conditions pour le fonctionnement des établissements et inspection de
l’enseignement supérieur ....................................................................................................... 212
4.3.10 Les organes de consultation de l’enseignement supérieur .......................... 214
CHAPITRE 5. Enjeux et défis de la régulation du système d’enseignement supérieur ………………………………………………………………………...216
5.1 Une Expansion dérégulée, la gouvernance à l’épreuve…………………….216
5.1.1 Les problèmes avec les données statistiques sur l’enseignement supérieur . 230
5.1.2 Pour une typologie des établissements ......................................................... 234
5.1.3 Interaction entre les parties prenantes ........................................................... 238
5.1.4 Points d’interaction, quelques effets d’une démarche d’évaluation ............. 240
5.1.5 Rendement pédagogique des étudiants et qualité ......................................... 244
5.2 Pour ou contre le processus de Bologne ? ………………………………..245
5.2.1 La méthode PBL .......................................................................................... 250
5.2.2 Le PBL, une opportunité pour l’enseignement de la recherche ? ................. 251
5.2.3 Quelques implications de la réforme ............................................................ 254
5.2.4 Quelques leçons tirées du débat de la réforme.............................................. 256
5.2.5 Un nouveau projet de loi, un cadre réglementaire en constante réformes ... 260
5.3 L’enseignement supérieur sous les « valses » des tutelles…………………261
5.3.1 Un simple problème d’architecture de gouvernement ? ............................... 263
5.3.2 L’impression d’une confusion entre politique et affaires académiques ? ..... 270
5.3.3 Le démantèlement du MESCT ..................................................................... 272
5.3.4 Quelle structure de coordination pour l’enseignement supérieur ?............... 275
CHAPITRE 6. L’enseignement supérieur à l’épreuve de l’apprentissage organisationnel ………………………………………………………………………...279
6.1 L’apprentissage organisationnel dans l’enseignement supérieur…………...280
6.1.1 L’apprentissage organisationnel au sein des dispositifs de gouvernance
externe ………………………………………………………………………………283
6.1.2 L’évaluation et l’apprentissage organisationnel dans les établissements ..... 291
6.1.3 Une adéquation entre évaluation et amélioration de la qualité ? .................. 292
6.1.4 Une approche désincarnée de l’évaluation ................................................... 293
6.1.5 L’entrée des étudiants comme acteurs de l’évaluation ................................. 297
6.1.6 Les visites des cours, conseils entre pairs ou mesure de contrôle ? .............. 303
6.1.7 Mobilité des étudiants dans le système ......................................................... 305
6.2 L’enseignement supérieur sur la route de l’innovation et de la compétitivité ?
………………………………………………………………………………307
6.2.1 Un environnement peu propice au partage et à l’innovation? ...................... 310
6.2.2 L’environnement institutionnel et les dirigeants comme vecteurs de
l’apprentissage organisationnel ............................................................................................. 311
6.2.3 Les établissements classiques innovent-t-ils ? .............................................. 317
6.2.4 Les établissements émergeants innovent plus............................................... 319
6.2.5 Vers un classement des universités? L’évaluation de l’employabilité des
diplômés. ………………………………………………………………………………324
6.2.6 Les effets de la démarche qualité: découvertes et impasses ......................... 326
Conclusion ......................................................................................................................... 333
Références bibliographiques.............................................................................................. 343
Glossaire ............................................................................................................................ 366
Annexes ............................................................................................................................. 370
ANNEXE A. Liste des entretiens réalisés ...................................................................... 371
Annexe B. Guide d’entretiens ........................................................................................... 374
annexe C. Carte de distribution des établissements dans le pays. ..................................... 382
Résumé .............................................................................................................................. 383
Summary ............................................................................................................................ 383
9
REMERCIEMENTS
Mes remerciements s’adressent particulièrement à mon directeur de thèse. Cédric
Frétigné a accepté le pari de m’accompagner dans un projet de recherche qui rompait avec
les problématiques et angles d’attaque traditionnels en sciences de l’éducation. Je le
remercie vivement pour sa qualité de suivi et d’encadrement : il m’a laissé des marges
importantes de découvertes et d’expérimentation, tout en veillant à ce que le projet ne
s’éloigne pas des principaux cadres de références en sciences sociales.
Peut-être regrette-t-il de ne pas m’avoir transformé en sociologue mais
l’expérience de la thèse semble avoir été un gain en termes de posture et de méthodologie
de recherche. Apprendre c’est surtout faire une rupture et la rencontre avec Cédric Frétigné
m’a projeté dans cette situation. Le plus grand cadeau que j’ai reçu de lui a été celui de me
proposer à m’ouvrir sur une lecture portant des réflexions sur la construction des
connaissances dans une démarche scientifique. Ceci m’a grandement aidé à rompre avec
une littérature normative. Je le remercie également pour sa disponibilité, son empathie et
ses nombreux conseils.
Pascal Lafont a apporté des contradictions aux démarches que je proposais. Ces
conseils et remarques ont été d’une importance incommensurable pour la poursuite de mon
projet de recherche. Ma participation à distance aux séminaires doctoraux de l’Axe 2
(LIRTES) qu’il anime avec Marcel Pariat a grandement réduit la distance entre Paris et
Maputo où j’ai passé la plupart de mon temps durant ces trois dernières années. A aucun
moment je ne me suis senti isolé grâce aux échanges réguliers que j’ai eus avec les
membres de l’équipe du LIRTES. Mes remerciements vont particulièrement à Marcel
Pariat pour ses précieux conseils.
Parmi les membres du LIRTES je remercie pour leur soutien, Jérôme Mbiatong et
Boujema Allali, qui sont devenus de véritables compagnons de bataille durant mon travail
de thèse. Leurs conseils et encouragements ont porté fruit.
10
Au Mozambique, plusieurs personnes et institutions ont contribué à la réussite de
mon projet. Un grand merci à l’Ambassade de France qui a accepté de m’accorder un
financement de mobilité internationale et à la direction du Ministère de l’Education du
Mozambique qui m’a accordé l’autorisation nécessaire afin de pouvoir poursuivre mon
doctorat. A l’ensemble des membres du CNES, collaborateurs de la DICES, dirigeants des
établissements, enseignants chercheurs et étudiants qui ont accepté de me recevoir pour des
entretiens va toute ma gratitude.
Finalement, je ne peux pas oublier mes parents, mes frères en particulier, eux-
mêmes universitaires, pour leur soutien constant durant la réalisation de cette thèse.
Mon épouse Sonia et mes filles Kimy et Ellodie ont été toujours à mes côté dans
cette entreprise. La thèse leur est entièrement dédiée.
11
INTRODUCTION
Les principes et les objectifs de l’enseignement supérieur au Mozambique sont
explicités d’abord dans la législation générale qui régit le fonctionnement du système
éducatif (Lois 4/83 ; 6/92), puis successivement dans la législation spécifique relative au
fonctionnement du système d’enseignement supérieur (Lois 1/93 ; 5/2003 ; 27/2009).
Les principes et les valeurs mettent en relief, entres autres, les idées de démocratie,
de promotion des droits de l’homme, mais aussi d’autonomie et de liberté des universités
comme dans un grand nombre de pays membres des Nations Unies et réunis autour
d’organismes dédiées a l’éducation supérieure, notamment l’UNESCO, l’OCDE, l’ENQA,
l’AUA, entre autres.
En lien direct avec la recherche scientifique, l’enseignement supérieur vise, à la
fois, à former dans les différents domaines de la connaissance des techniciens, experts et
scientifiques de haut niveau de qualification, à encourager la recherche scientifique,
technologique et culturelle comme un moyen de formation et de solution des problèmes de
la société mais aussi de contribution au développement du pays et à la valorisation du
patrimoine scientifique de l’humanité (Politique nationale d’éducation, 1995; loi 27/2009).
Ces objectifs sont affirmés à travers les stratégies mises en œuvre ces 20 dernières
années dans le cadre d’un agenda de développement national : (Programmes du
gouvernement ; Agenda 2025 ; PARPA I, II et PARP; Politique nationale d’éducation;
plans stratégiques du Ministère de l’éducation ; plan stratégique de l’enseignement
supérieur science et technologie 2000-2010 ; plan stratégique de l’enseignement supérieur
2012-2020).
Est sous-jacente à toutes les stratégies et programmes de développement préconisés
par le gouvernement mozambicain l’idée, entre autres, qu’une éducation de qualité est à la
fois un facteur transversal, un levier et un pré requis de base pour faire du Mozambique un
pays stable, compétitif et prospère.
A l’ère de la société de l’information et de la connaissance, le capital humain
devient un facteur primordial du développement des nations et d’aucuns ne saurait être en
marge de cette mouvance depuis que Shultz (1961) et Becker (1963), les pères fondateurs
de l’économie de l’éducation ont commencé à démontrer, non sans soulever des critiques,
les rapports entre croissance économique des pays et éducation des individus.
12
Les engagements pris par la plupart des pays envers la mise en œuvre de politiques
basées sur l’éducation de leurs populations sont allés crescendo depuis les indépendances
nationales dans les années soixante en Afrique subsaharienne, notamment.
Le compromis commun de tous les pays membres de l’ONU pour la réalisation de
l’Education pour Tous (EPT) dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) réaffirme les initiatives nationales et internationales prises
antérieurement tout en confirmant les enjeux qui représentent l’éducation pour les pays.
Pour Marc Pilon (2006) entre autres, après la Conférence de Jontiem en 1990, il ne devrait
plus y avoir des doutes sur l’importance que les pays accordent à l’éducation.
Cependant d’énormes défis se posent à la théorie du capital humain quand les
rapports du PNUD ainsi que de la Banque mondiale et d’autres organismes sur le
développement humain révèlent annuellement les inégalités de niveau de croissance
économique entre pays avancés et pays en développement.
Un fossé qui se creuse avec une distribution inégale des ressources cognitives
tandis que le discours dominant ne cesse de valoriser l’importance de l’investissement
dans le capital humain pour la productivité.
Est sous-jacent aux théories du développement humain, selon les fondateurs du
Rapport mondial à l’incitative du PNUD depuis 1990, l’idée que le principal objectif du
développement est d’élargir les choix qui s’offrent aux gens, sachant que ceux-là peuvent
être infinis et varier dans le temps. Amartya Sen, Lauréat du prix Nobel d'économie en
1998 et Mahbub ul Haq montrent que le développement humain, en tant qu'approche,
repose sur ce qu’il tient pour être l'idée fondamentale du développement : à savoir, faire
progresser la richesse de la vie humaine, plutôt que la richesse de l'économie dans laquelle
les êtres humains vivent, ce qui n'en représente qu'une partie.
Ils affirment que l’objectif du développement est de créer un environnement
favorisant l’épanouissement pour que les gens puissent jouir d’une vie longue, saine et
créative, tout en montrant que les gens attachent souvent de la valeur aux réussites qui ne
transparaissent pas immédiatement, dans les chiffres relatifs aux revenus ou à la croissance
économique comme par exemple, un meilleur accès aux connaissances, une meilleure
nutrition et de meilleurs services de santé, des moyens d’existence plus sûrs, une certaine
sécurité contre la criminalité et la violence physique, du temps libre bien rempli, des
13
libertés politiques et culturelles et un sentiment de participation aux activités de la
communauté. (In PARP, 2011 ; http://hdr.undp.org/fr/devhumain/)
Une révision des principales théories du développement (Clive Harber, 45-67, in
Eleanor Lemmer éd., 2006) nous donne un aperçu des problèmes qui soulève la théorie du
capital humain d’un point de vue pratique contrairement a la thèse initiale selon laquelle un
investissement dans l’éducation augmente les chances d’un bien-être pour les individus
ainsi que pour le développement économique des pays.
« Le plus grand problème de la théorie du capital humain est cependant celui de son caractère déterministe mettant en relief des relations de cause à effet. Simplement parce que des niveaux élevés d’éducation sont associés à la croissance économique et à l’emploi dans un certain nombre de pays, cela ne signifie pas que l’éducation se trouve toujours à l’origine de la croissance économique. En vérité il peut y avoir des cas ou c’est la croissance économique en soi qui favorise l’éducation. Nombreux pays dont l’Afrique du Sud investissent d’importants budgets en éducation, le résultat est néanmoins plus de personnes éduquées mais sans emploi […] Il y a d’autres pays africains affectés par des résultats économiques relativement pauvres et un taux élevé de chômage. L’augmentation des dépenses en éducation n’implique pas nécessairement une garantie de croissance économique. C’est l’économie elle-même qui doit générer la croissance économique, l’éducation devant être vue peut-être comme un frein ou un levier de cette croissance selon sa quantité, nature et qualité» (Clive Harber: 53-54, in Eleanor Lemmer, éd, 2006)
Un rapport de l’UNESCO cité par Delors, éd. (1997) nous aide à caractériser les
différences de niveaux de développement entre les pays avancés et les pays en
développement tout en avançant un certain nombre d’explications sur les disparités
auxquelles on assiste. Celles-ci auraient été accentuées par la compétition entre les nations
et différents groupes humains.
« L’inégalité dans la distribution de productivité entre les pays et à l’intérieur de certains pays considérés riches révèle que la croissance augmente la séparation entre les plus dynamiques et les autres. Certains pays apparaissent ainsi abandonnés dans la course à la compétitivité. Les disparités s’expliquent en partie par le dysfonctionnement des marchés et par la nature, intrinsèquement inégale du système politique mondial ; elles sont aussi étroitement liées au type de développement actuel qui attribue une valeur prépondérante a la matière grise et a l’innovation […] A l’entrée du vingt unième siècle les activités éducatives et formatives dans toutes leurs composantes sont devenues l’un des moteurs
14
principaux du développement. En plus elles contribuent au progrès scientifique et technologique ainsi qu’a l’avancée générale des connaissances que constitue le facteur décisif de la croissance économique. Or on observe que beaucoup de pays en développement se ressentent particulièrement des carences et souffrent d’un grand déficit de connaissances […] Les inégalités continuent d’être énormes en ce qui concerne les activités scientifiques et de recherche-développement, les dépenses dans ce secteur en Afrique Sub-saharienne se situant a moins de 0,2% la fuite de cerveaux vers les pays riches accentuant ce phénomène ». (Delors, éd. 1997:61-3)
Il est à noter que plus de 15 ans après la publication de ce rapport par l’UNESCO,
les études les plus récentes (Jacques Gaillard et al, 2006) répètent toujours comme un
leitmotiv un fossé entre pays avancés et pays en développement en matière de
développement humain. Un fossé lié également aux dynamiques de la recherche
scientifique en dehors des considérations d’ordre historique et socio-économique.
Les constats d’un rapport de l’UNESCO basé sur le sommaire de 21 enquêtes
nationales réalisées entre 1996 et 2000 en matière d’enseignement et recherche en Afrique
semblent toujours d’actualité à comparer ce qui se répète dans les comparaisons
internationales. On pourrait même affirmer que les chercheurs changent, les méthodes
statistiques évoluent mais les indicateurs quant au développement socio-économique en
Afrique tendent à montrer une situation qui reste inchangée, parfois avec une tendance à la
détérioration comme atteste la citation:
«Actuellement, les pays développés, avec seulement 17 % de la population du globe, dominent les domaines de la Science et de la Technologie et 95 % de toute la recherche et du développement mondiaux sont produits par ces pays. Par contre, les régions en développement qui représentent 70 % de la population du globe, ne disposent que de 5 % des capacités de recherche et de développement. Dans ces rapport déséquilibré, la situation en Afrique est encore plus sombre car la plupart de ses pays font partie des moins avancés en termes de production et d’utilisation, avec une contribution presque négligeable sur la base d’indicateurs de S&T tels que l’admission /l’inscription en science dans les institutions secondaires professionnelles et tertiaires, les dépenses nationales pour l'éducation en sciences et technologie, les dépenses des universités et d’autres institutions d’études supérieures en matière de recherche et développement, et des infrastructures institutionnelles en Science et Technologie ». Ana-Maria Hoffmann-Barthes et al, s.d:5)
15
La plupart des enquêtes sur le développement de la recherche scientifique en
Afrique subsaharienne s’accordent, en effet, à reconnaitre le potentiel de richesse existant
en Afrique mais aussi les incapacités à transformer ce potentiel en véritables sources de
richesses pour les populations.
«L’Afrique est un continent riche : riche en biodiversité, riche en ressources minérales, riche en pierres précieuses. C’est aussi un continent riche en savoirs traditionnels, notamment en matière de plantes indigènes et médicinales. Mais l’Afrique est également un continent pauvre qui, avec environ 13 % de la population mondiale, ne dispose que de 1 % de la richesse mondiale. Selon les estimations, 50 % de la population africaine vit dans la pauvreté et 40 % souffre de la malnutrition et de la faim. Les deux tiers des sols africains sont dégradés et plus de la moitié de la population du continent n’a pas accès à l’eau potable. Le paludisme constitue une menace sérieuse dans plusieurs régions et le VIH/SIDA a décimé la jeunesse de nombreuses nations africaines, notamment au Botswana, en République d’Afrique du Sud et au Zimbabwe, où on estime que 25 % des adultes sont aujourd’hui atteints de cette maladie mortelle» (Jacques Gaillard, et al, 2006 :189).
L’augmentation de la demande d’éducation pour des fins économiques et les
mesures visant la massification des études un peu partout comme montrent les
comparaisons internationales révélant les paradoxes des politiques, cela peut expliquer que
la réflexion au niveau des organismes internationaux tels l’UNESCO ait conduit a glisser
d’un paradigme de la croissance économique à un paradigme du développement humain.
Dans ce sens l’éducation se devrait d’être définie non seulement dans la
perspective de ses effets sur la croissance économique, mais selon une vision plus élargie,
celle du développement humain.
On ne peut pas affirmer cependant que ce glissement de paradigme de la croissance
économique vers le développement humain ait pour autant conduit à une satisfaction de la
plupart des pays moins avancés en Afrique subsaharienne notamment en termes de
solutions aux dilemmes de la lute contre la pauvreté.
Les plus récentes évaluations des Objectifs du développement du millénaire lors
des conférences des Nations-Unis (2011;2013) montrent que le Mozambique, par exemple
est loin de satisfaire à ces objectifs, notamment en matière de combat contre la famine.
Tous ces constats montrent par conséquence qu’une évaluation positive des
avantages stratégiques que l’on tend à conférer aux théories du capital humain pour un
16
développement humain harmonieux ainsi que pour la réduction des inégalités entre les
nations et à l’intérieur des pays est encore loin du compte.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la réduction des impacts des stratégies basées
sur le capital humain et l’état d’appauvrissement dans lequel se trouve l’Afrique en
l’occurrence. (Clive Harber: 53, in Eleanor Lemmer, éd. 2006; Jacques Gaillard et al,
2006).
Tels facteurs sont d’ordre politique, socio- économique et environnemental: des
siècles de colonialisme auxquels ont succédé des décennies de régimes autoritaires locaux;
un manque chronique de transparence dans les transactions économiques, allant souvent de
pair avec la corruption; une exploitation non viable des ressources naturelles; une
participation marginale à l’économie mondiale.
Cependant un autre facteur, peut-être moins visible ou moins spectaculaire que
ceux qui viennent d’être mentionnés, mais qui joue un rôle crucial dans l’inaptitude du
continent à participer à l’activité économique mondiale, à protéger son environnement et à
concevoir des stratégies durables de développement économique est lié aux insuffisances
qui se font cruellement ressentir en Afrique dans le domaine de la science et de la
technologie.
On a ici l’idée de l’ampleur d’un certain nombre de problèmes et défis qui se posent
à l’éducation dans beaucoup de pays africains dont le Mozambique. Il ne s’agit pas
cependant dans cette introduction de problématiser sur une politique éducative axée sur la
théorie du capital humain mais de proposer un état des lieux qui explique les motivations
au choix des théories mobilisées dans cette étude.
En effet, la naissance d’une théorie du capital humain est succédée par l’annonce de
Peter Drucker (1992), dit le père spirituel de la société de l’information de l’avènement
d’une société du savoir.
L’auteur ne saurait lui-même dater l’émergence de cette transformation profonde
qui ne touche pas uniquement la société et l’histoire occidentales mais qui marque selon lui
la disparition de celle-ci et le surgissement aujourd’hui d’une histoire mondiale et d’une
civilisation mondiale.
Hésitant entre trois faits majeurs c'est-à-dire, l’émergence de la première puissance
économique non occidentale - le Japon, l’invention du premier ordinateur - l’information,
17
il finira par élire la loi sur les bourses pour anciens combattants qui donne à chaque soldat
américain, après la Seconde Guerre mondiale, l’argent nécessaire pour aller à l’université,
ce qui selon lui n’aurait eu absolument aucun sens à la fin de Première Guerre mondiale,
trente ans auparavant.
« Cette loi et son accueil favorable par les vétérans américains marqua le
passage à une société du savoir. Dans cette société, le savoir est la ressource principale des individus et de l’économie toute entière. La terre, le travail et le capital - les facteurs de production traditionnels des économistes - ne disparaissent pas, mas deviennent secondaires. Ils peuvent être obtenus, et ce facilement, pourvu qu’il existe un savoir spécialisé. Toutefois le savoir spécialisé ne produit rien en lui-même. Il peut devenir productif uniquement s’il est intégré à une tâche. C’est pourquoi la société du savoir est aussi une société des organisations : l’objectif et la fonction de toute organisation, commerciale ou non, est l’intégration de connaissances spécialisées à une tache commune. Si l’on se fie à l’histoire, cette transformation ne sera pas achevée avant 2010 ou 2020. Par conséquent il est risqué d’essayer de prévoir en détail le monde qui va émerger » (Drucker, 1992 : 132)
Notons que les travaux autour de la théorie du capital humain et l’annonce de
l’avènement d’une société du savoir sont accompagnés par le surgissement de tout un
champ d’études autour des approches cognitives de l’organisation.
Désormais théories, méthodes et pratiques d’une organisation basée sur les savoirs
mais dite aussi dans l’apprentissage organisationnel vont être un objet d’étude, au fur et à
mesure que sont mis en exergue les avantages d’un investissement dans le capital
immatériel reconnu comme l’un des principaux facteurs de la compétitivité dans la
nouvelle économie.
Nous utilisons le mot organisation dans ce travail dans une conception large, c'est-
à-dire où nous incluons non seulement les entreprises privées, mais aussi les institutions
publiques avec leurs services ainsi que les établissements à caractère non lucratif et tous les
dispositifs de régulation et gouvernance sous-jacents.
L’analyse du fonctionnement des systèmes et des établissements d’enseignement
supérieur que les composent dans une conception plus large de l’université est à inscrire
dans cette thèse dans une vision organisationnelle de l’université mais sans perdre de vue
les questionnements que suscite une telle vision surtout dans la confrontation avec l’idée
fondatrice de l’université, l’institutionnelle (P. Jourde, éd. 2007).
18
Cela étant dit, le différentiel compétitif dépend de la capacité des organisations à
créer de nouvelles connaissances et au niveau des grands groupes internationaux, par
exemple Xerox connu dans a littérature du management pour le lancement des premières
idées de benchmarking dans les années 1980 ainsi que des organismes de coopération
internationale, tel la Banque Mondiale qui a même failli être rebaptisée The Knowledge
Bank selon Jean-Yves Prax (2005) des expériences importantes relatives à l’utilisation du
savoir pour la productivité des systèmes ont été réalisées et diffusées sur de nombreux
rapports et sites.
« Qui aurait cru que la Banque Mondiale, l’un des temples de la bureaucratie, allait s’engager dans l’une des voies les plus avant-gardistes du développement durable: le knoweledge management ! Sous l’impulsion de son président, James D. Wolfenson, la Banque Mondiale a même failli être rebaptisée The Knowledge Bank. Celui-ci a effectivement compris que c’était du gaspillage que de continuer à soutenir financièrement les pays en développement, si on ne leur donnait pas, en même temps, la possibilité d’accéder à un niveau accru de connaissance. Etre pauvre, ce n’est pas seulement avoir moins d’argent, c’est aussi avoir moins de connaissances. Le savoir éclaire chaque activité économique, révèle les préférences, donne de la transparence aux échanges, informe les marchés, certifie la qualité des produits. Les pays en développement n’ont pas à réinventer l’ordinateur, ni le traitement contre le paludisme, ils doivent pouvoir acquérir une bonne partie des connaissances disponibles dans les pays riches, déclarait-il. Mais il ne s’est pas contenté de déclarations, il a mis en œuvre un dispositif très impressionnant de repérage, capitalisation et diffusion des savoirs utiles aux pays membres». (Prax, 2005 : 117).
Mais le mouvement de l’apprentissage organisationnel va bien au-delà des
organisations lucratives pour toucher le domaine des biens et services publics, les
établissements de formation, les hôpitaux notamment ainsi que les organisations caritatives
et à but non lucratif ensemble intéressés par de nouveaux modèles de management
susceptibles de favoriser des avantages compétitifs sur des marchés de plus en plus
concurrentiels et soumis à des mutations rapides et constantes.
A illustrer cette situation avec en plus un titre tout à fait suggestif que nous
traduisons du portugais, à savoir, «Marketing stratégique pour les institutions éducatives»,
1994, signé de la main de l’un des gourous du marketing, Peter Kotler, il suffit d’analyser
de près la façon dont le marketing va évoluer à mesure que ses techniques vont être de plus
en plus appropriées dans des domaines autres que celui des entreprises.
19
Qu’une variété d’institutions éducatives , universités publiques, privées etc. soient
confrontées à des problèmes de marketing : exigences croissantes des élèves et différentes
attentes des parties prenantes à répondre, concurrence accrue pour l’obtention de
nouveaux élèves, ressources financières limitées, voilà pour Kotler (1999) assez
d’arguments pour qu’il s’impose de définir le marketing non plus comme la technique
traditionnelle en vue de l’augmentation des ventes mais comme la science de la gestion de
la demande.
L’auteur voit un peu tout le monde confronté à la nécessité de gérer la demande
pour l’obtention de ressources et avantages compétitifs, y compris les églises qui cherchent
des fidèles, les institutions de formation que cherchent des élèves, les partis politiques qui
cherchent des votes, les ONG qui cherchent des financements, d’où l’impératif de
l’élargissement au concept de marketing qui dépasse l’idée que sa fonction exclusive est
celle de l’augmentation de la demande d’un produit.
Peter Drucker (1992;1995) entre autres théoriciens du management rend compte
des implications d’une société basée sur les savoirs et des transformations qui s’opèrent
dans les sciences du management à mesure que les organisations en particulier et les pays
en général doivent faire face aux nouveaux contextes où le facteur savoir est vu toujours
comme la plaque tournante de la compétitivité et du développement :
« Les implications concernent également l’art et la science du management. Le management ne cessera de s’étendre au-delà des entreprises commerciales, espace où il naquit il y a 25 ans environ d’une tentative pour organiser la production des choses matérielles. Le domaine essentiel au développement de nouveaux concepts, méthodes et pratiques sera la gestion des ressources en savoir de la société, en particulier l’éducation et la santé, deux secteurs aujourd’hui suradministrés et sous-gérés» (Drucker, 2004 :11)
Drucker pour qui aucune organisation n’a changé ces dernières années comme
l’armée des Etats-Unis, les changements rapides basés dans les connaissances ne se
limitent pas qu’aux entreprises comme beaucoup pouvaient le croire encore. En fait, la
Guerre du Golfe de 1991 montre que les uniformes et les titres sont toujours les mêmes,
mais les armes ont changé complètement; les doctrines et concepts militaires ont changé de
manière encore plus drastique comme les structures organisationnelles et de
commandement, les rapports et les responsabilités des forces armées.
20
Par analogie, il est à prévoir selon l’auteur que dans les prochaines cinquante
années, les écoles et les universités vont changer de forme encore plus radicale par rapport
aux évolutions qu’elles ont subies depuis qu’elles ont assumé leur présente forme il y a
300 ans quand elles se sont réorganisées en autour du livre imprimé.
Ces changements seront forcés d’une part, par les nouvelles technologies comme
les ordinateurs, vidéos et programmes via satellite, une société basée sur les connaissances
dans laquelle l’apprentissage organisé doit devenir un processus systématique pour les
travailleurs de la connaissance et d’autre part par les nouvelles théories concernant la façon
dont les êtres humains apprennent.
Le gouvernement des universités semble sur plusieurs registres un objet en parfaite
adéquation avec les préoccupations d’une analyse des organisations selon une perspective
de l’apprentissage organisationnel ou du management des savoirs, ce d’autant plus que
récemment, les incitations politiques n’ont pas manqué pour exiger des systèmes éducatifs
un rôle accru dans la préparation des étudiants à une adaptation aux exigences d’une
société des savoirs.
La déclaration de Lisbonne et les plateformes sui se suivent dans cette perspective
peuvent témoigner des injonctions et série de propositions faites dans ce domaine en lien
avec l’avènement d’une société des savoirs. La stratégie de Lisbonne a été adoptée par
l'Union Européenne en mars 2000. Le but était de transformer le continent en une
économie basée sur le savoir qui soit la plus compétitive et la plus dynamique au monde,
assurant une croissance économique durable, génératrice d'emplois de qualité et d'une plus
forte cohésion sociale.
« Cette stratégie repose sur 3 piliers : Un pilier économique qui doit
préparer la transition vers une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance. L'accent est mis sur la nécessité de s'adapter continuellement aux évolutions de la société de l'information et sur les efforts à consentir en matière de recherche et de développement ; Un pilier social qui doit permettre de moderniser le modèle social européen grâce à l'investissement dans les ressources humaines et à la lutte contre l'exclusion sociale. Les États membres sont appelés à investir dans l'éducation et la formation, et à mener une politique active pour l'emploi afin de faciliter le passage à l'économie de la connaissance ; Un pilier environnemental qui a été ajouté lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001 et qui attire l'attention sur le fait que la croissance économique doit être dissociée de l'utilisation des ressources naturelles ». (FAGE, s.d)
21
Et Christine Musselin (2008) de décrire le mouvement de réformes internationales,
les mesures qu’elles suscitent et qui touchent l’enseignement supérieur à mesure du
développement de la rhétorique de l’économie de la connaissance.
« Orientées par un souci de valorisation du lien qui unit progrès économique, innovation et recherche, les universités vont être placées au cœur des préoccupations gouvernementales. Il s’agit pour chaque pays de s’assurer que ses établissements d’enseignement supérieur sont en situation de former des personnels hautement qualifiés, susceptibles de devenir des travailleurs de la connaissance que requiert la nouvelle économie et qu’ils soient capables d’assurer et de faciliter le passage de la recherche à l’innovation ». (Musselin, 2008:3)
Cela explique pour nous la raison pour laquelle dans un contexte de mondialisation
des échanges économiques se faisant accompagner par la concurrence qui s’accentue de
plus en plus, le discours dominant trouve dans l’éducation, l’enseignement supérieur en
particulier le levier de la réponse à un certain nombre de demandes sociales.
Un levier qui passe selon les politiques éducatives par la production d’un capital
humain à même non seulement de sortir le Mozambique, en l’occurrence, de la situation de
pauvreté extrême et de le conduire à la compétitivité dans le marché régional et global.
Cela veut dire que de l’efficacité, qualité et compétitivité de l’enseignement
supérieur dépendrait selon le discours dominant l’intégration régionale du pays en position
favorable, la reconnaissance internationale des établissements d’enseignement et
l’employabilité des diplômés mozambicains, l’innovation et la transformation des
ressources naturelles dont le pays dispose en richesse pour toute la société.
Par conséquent, au Mozambique, tout comme dans la plupart des pays avancés et
en développement, la gouvernance du système d’enseignement supérieur, l’évaluation de
sa qualité notamment deviennent des enjeux de taille.
En tentative de réponse aux demandes locales ou alors afin d’être en conformité
avec des exigences nationales ou internationales, sous l’influence de systèmes éducatifs
étrangers, chaque pays tente de mettre en œuvre des réformes visant surtout la qualité.
Selon une perspective de management des savoirs, au cours des réformes qui se
mettent en œuvre, au cours de l’interaction entre responsables éducatifs d’un pays à l’autre
ou à l’intérieur d’un même pays, entre universités et universitaires peuvent se dégager des
enseignements. Les connaissances qui sont cumulées et partagées peuvent constituer donc
22
d’importants moteurs de découvertes pour le développement de nouveaux produits et
nouvelles procédures à la recherche de l’efficacité des systèmes universitaires.
Il devient alors urgent de parcourir l’évolution des systèmes éducatifs en les
comparants, d’analyser les réformes, les dispositifs mis en place, les interactions entre des
acteurs à différents niveaux sous l’angle de l’apprentissage organisationnel afin de mesurer
les impacts sur le positionnement des systèmes éducatifs d’une manière générale et des
établissements et groupes d’individus en particulier.
Le champ de l’éducation supérieur peut, en effet, être étudié sous différentes
perspectives. Celle qui est envisagée dans la présente étude privilégie l’analyse des
dispositifs de management ainsi que des pratiques d’évaluation. Le sujet est au cœur des
problématiques de gouvernance des systèmes universitaires et des établissements.
L’étude se propose de mettre l’accent sur l’analyse de la gouvernance de
l’enseignement supérieur au Mozambique sous l’angle de l’apprentissage organisationnel
en dressant un état des lieux des dispositifs, en fournissant un éclairage sur les mécanismes
de management et d’évaluation existant tout en mesurant leurs forces, potentialités,
faiblesses et fragilités.
La recherche trouve son point d’ancrage au sein du système d’enseignement
supérieur qui englobe l’ensemble des acteurs, dispositifs et organismes de régulation, les
établissements d’enseignement eux-mêmes réunis autour du ministère de l’éducation en
tant qu’organe qui chapeaute le système.
Se voulant une contribution à l’évaluation des dispositifs de gouvernance, de
management et d’évaluation de la qualité, se revêtant à la fois d’un intérêt de connaissance
académique et d’un intérêt social en termes de développement du management de la
qualité, cette étude inscrite dans le cadre du travail de terrain (field research) en
empruntant des cadres de la recherche-action vise également à produire une connaissance
sur l’état de la recherche et à rendre compte des pratiques en matière de management de la
qualité au sein du système d’enseignement supérieur mozambicain.
L’étude est à inscrire également et en partie dans la recherche action (Bernoux,
2004 ; René Barbier, 1996: 28-31) au sens où elle s’intéresse au changement ou si on veut
à l’évolution, développement, maturation, modification. Enfin aux apprentissages et aux
comportements observés à la suite des réformes suivies de la mise en œuvre ces dernières
23
années de dispositifs visant le contrôle et la garantie de la qualité de l’enseignement
supérieur.
Structure de la thèse
La présente thèse est organisée en deux parties et composée d’un total de six
chapitres. Dans l’introduction et la première partie nous nous concentrons d’une part sur
les principaux éléments du modèle d’analyse, c'est-à-dire, la problématique, les
hypothèses, et les pistes de recherche, mais aussi sur le cadre théorique et analytique
mobilisé dans cette thèse. D’autre part, nous tentons non seulement de décrire mais de
justifier les différentes techniques de recueil de données, ainsi que les choix
méthodologiques opérés au cours de cette recherche.
Après la présentation du contexte et l’annonce de la problématique en introduction,
dans le chapitre I nous décrivons le cadre théorique et analytique mobilisé dans l’étude tout
en attirant l’attention sur la pertinence, les contraintes mais aussi sur l’originalité d’une
analyse de la gouvernance des universités selon une approche organisationnelle,
notamment, celle de l’apprentissage organisationnel.
Au chapitre II, nous prolongeons nos interrogations sur le cadre analytique en
concentrant l’attention sur les points d’entrée fournis par une revue de littérature en
évaluation de l’enseignement supérieur. En même temps nous réfléchissons sur quelques
conditions en vue du développement d’un champ de recherche sur l’évaluation des
universités axé sur les théories de l’apprentissage organisationnel qui nous est apparu
encore nouveau.
Vient ensuite le cadre méthodologique (chapitre III), dans lequel nous décrivons la
conception et l’opérationnalisation du protocole de recherche qui a guidé l’enquête, les
étapes de l’enquête, le processus d’observation, les stratégies de collecte d’information
privilégiées. Le corpus d’analyse constitué semble représentatif des institutions
d’enseignement supérieur compte tenu des caractéristiques des organismes et
établissements observés ainsi que du profil des acteurs interviewés.
Dans la deuxième partie qui vise à dresser la liste des dispositifs de gouvernance
aussi bien externes qu’internes et à analyser leur fonctionnement dans la perspective de
l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur, nous étudions les missions des
24
différentes parties prenantes et leurs interactions dans la mise en œuvre des différents
dispositifs de régulation.
A cette occasion en concentrant l’attention sur ce qui va se passer à partir des
années 2000 jusqu’à la phase actuelle nous passons en revue les configurations qui se
dessinent ainsi que les rapports entre les tutelles et les universités – les universitaires et
leurs conséquences sur le développement de l’enseignement supérieur et sa qualité.
Deux moments ayant fortement marqué l’histoire récente de l’édification du
système d’enseignement supérieur mozambicain, c'est-à-dire la disparition du ministère de
l’enseignement supérieur science et technologie (MESCT) en 2005 ainsi que les débats de
la loi 27/2009 visant l’introduction du LMD contribuent à un état des lieux approfondi
pour situer le fonctionnement des établissements et des organismes de tutelle actuellement.
A l’occasion de cet état des lieux nous dressons également une liste de défis qui paraissent
se poser avec force à la régulation de l’enseignement supérieur dans le cadre d’un système
de contrôle et garantie de la qualité récemment mis en place.
Au chapitre IV nous passons en revue les étapes de l’évolution de l’enseignement
supérieur mozambicain tout en nous concentrant sur l’organisation du système à l’heure
actuelle. Dans un second temps nous dressons l’inventaire des principaux dispositifs de
gouvernance qui sont ensuite analysés.
Nous remarquons une grande proximité, parfois même une confusion de rôles, entre
les acteurs de la gouvernance externe et ceux de la gouvernance interne en raison de la
grande mobilité qui caractérise les acteurs au sein du système et de la présence d’une
université dominante qui est l’UEM, l’alma mater.
Au regard des référentiels et matières d’évaluation, l’observation se concentrera sur
le ministère de l’éducation (MINED) à travers ses organes de consultation, l’inspection de
l’enseignement supérieur, la Direction de coordination de l’enseignement supérieur
(DICES) mais aussi le Conseil national de l’évaluation de la qualité de l’enseignement
supérieur (CNAQ), l’organe accrédité et censé procéder à la promotion et animation des
processus d’évaluation.
Aux chapitres V et VI à partir d’un état des lieux qui fournit une liste des
principaux problèmes identifiés nous prolongeons notre réflexion sur les défis qui se
posent à la gouvernance externe et au management des établissements en analysant
toujours les missions des différentes parties prenantes, leurs compétences d’expertise, leurs
25
ressources respectives ainsi que les rapports de force qui s’instaurent à la mise en œuvre du
cadre normatif et programmatique.
Pour tenter d’identifier les effets de l’évaluation et les apprentissages qui se
dégagent avec elle nous analysons l’environnement institutionnel mais aussi le rôle des
acteurs notamment celui des dirigeants universitaires en tant que vecteurs de
l’apprentissage organisationnel et de l’innovation.
Nous observons d’abord un rapport ambigu au nouveau paradigme qualité qui
s’installe mais en même temps la façon dont l’évaluation va se situer au centre de
l’affirmation des identités professionnelles et personnelles, tandis que s’érigent des
barrières à la communication et mutualisation des pratiques entre les acteurs concernés.
Par conséquent, les effets de l’apprentissage organisationnel deviennent difficiles à
observer dans un système qui se révèle peu orienté par l’innovation, celle-ci engendrant en
même temps des rapports ambigus chez de nombreux acteurs du système.
Les enseignements du chapitre VI nous permettent de revenir sur la problématique
et les hypothèses formulées dans l’introduction, mais en même temps d’avancer vers les
principales conclusions de la recherche.
Le mot innovation doit être placé dans son contexte. On n’envisage pas ici
l’innovation technologique comme telle, mais des transformations, des réformes, des
changements, ceux mêmes que les tutelles veulent mettre en œuvre.
On s’intéresse ici aux nouveaux projets en rapport avec les activités
d’enseignement et de recherche que les établissements, les acteurs, enseignants-chercheurs
dans les composantes essaient de développer, sachant que ces initiatives peuvent après
avoir des influences sur la résolution des problèmes de développement et se conclure par
des innovations y compris scientifiques.
Qu’en est-il alors de ces innovations ? Peut-on quand même observer les effets de
l’apprentissage organisationnel sur la compétitivité du système d’enseignement supérieur
mozambicain et des établissements en particulier? Peut-on tout de même observer les effets
de l’apprentissage organisationnel à travers la mise œuvre d’un système de contrôle et
garantie de la qualité au niveau des organes de tutelle et des établissements?
En face de l’ordre établi l’innovation a du mal à prendre forme. Elle va faire l’objet
de beaucoup de résistances d’autant plus qu’elle se trouve souvent au centre de la
26
confrontation entre ceux à qui le maintien du système convient et ceux qui pensent qu’il
faut le changer. (Prax, 2005 ; Crozier 1987 in Marc Montoussé et Gilles Renouard, 2006).
Dans cette lutte, certains enseignants-chercheurs notamment s’avouant vaincus
tendent à se replier sur eux-mêmes, la recherche scientifique, le sens critique étant perçus
dans leur subconscient comme un échec a priori, d’autant plus qu’en empruntant une
démarche d’innovation les acteurs ont la sensation de s’affronter à un statu quo.
Cela n’empêche pas certains acteurs surtout dans des structures émergeantes, de
révéler une certaine facilité à travailler et à faire avancer de nouveaux projets. Des
exemples encore que limités montrent, en effet, qu’on peut démolir certaines barrières et
mettre l’enseignement supérieur sur la voie de l’innovation.
Mais celle-ci, les connaissances dites stratégiques, leurs avantages sont toujours
perçus de façon relative par les acteurs (Valérie Chanal, 2001, 2004) d’où la nécessité
d’une démarche d’analyse systémique et stratégique afin d’appréhender les effets de
l’innovation, ses freins et ses facilitants.
Cependant plus que des effets de l’apprentissage organisationnel sur l’amélioration
de la qualité à proprement parler, l’enquête va encore faire le constat de découvertes
révélées par la tentative d’implantation d’un système de contrôle et garantie de la qualité
mais accompagnées de beaucoup d’impasses relatives à l’applicabilité de l’ensemble des
normes qualité fixées.
Les établissements ont poussé comme des champignons suite aux autorisations
concédées par les autorités de tutelle, mais la plupart ne répondent pas aux normes fixées
par la loi. En même temps les autorités de tutelles avouent des difficultés à prendre des
décisions draconiennes.
Cela veut dire que l’évaluation est en train de se conclure par des découvertes et
impasses en même temps dans la mesure où certaines solutions que les tutelles sont
conviées à étudier passent parfois par des mesures qui posent des problèmes d’ordre social
et que les parties concernés doivent bien pondérer avant de décider. La gouvernance de
l’enseignement supérieur est à l’épreuve de son histoire et de son contexte.
27
L’apprentissage organisationnel dans les dispositifs de gouvernance, une
opportunité pour la compétitivité des systèmes d’enseignement supérieur ?
La recherche sur la gouvernance des universités et les comparaisons internationales
qui se font autour des systèmes d’enseignement supérieur, par exemple celles du CIHE du
Boston College, UNESCO, OCDE, ENQA, etc. dont les principales constations peuvent
être reliées aux enseignements de Pierre Dubois (1998, 2003, 2008), Christine Musselin
(2001, 2005, 2008, 2012), Marie-Françoise Fave-Bonnet (2003, 2010) entre autres, en
France notamment, fait état de nouvelles configurations des systèmes d’enseignement
supérieur ainsi que d’une tendance à l’homogénéisation et l’internationalisation des
préoccupations qui traversent le monde académique aujourd’hui.
De façon générale on assiste, ces vingt dernières années et de par le monde à une
massification de l’enseignement supérieur avec une forte augmentation des effectifs
d’étudiants et du nombre d’établissements, en même temps que se réduisent les budgets
publics, ceux même pour lesquels les institutions publiques et privées se mettent en
concurrence, sachant en plus que l’université dans sa conception traditionnelle n’a plus le
monopole de la production des connaissances. (Eleanor Lemmer, 2006 :158).
La recherche rend également compte d’une diversification des prestataires avec le
surgissement de formes diverses d’enseignement privés mais aussi d’un développement
massif de dispositifs d’évaluation et d’accréditation préoccupés par la qualité des études et
des établissements à mesure que des styles de management orientés vers la production de
résultats font leur percée dans le monde académique.
Face aux diverses exigences pouvant relever de l’ordre du paradigme de
l’assurance-qualité et qui s’imposent aux systèmes et aux établissements d’enseignement
supérieur aujourd’hui, entre autres - la diversification de l’offre de formation en
adéquation avec les exigences du marché, entreprenariat et compétitivité, réussite,
employabilité et mobilité des étudiants et diplômés, enseignement et recherche
scientifique, rayonnement local et notoriété, internationalisation et partenariat - dirigeants
et universitaires expérimentent différents dispositifs et modèles de gouvernance.
Parmi les modèles de gestion les plus connus, l’adoption de styles de gouvernance
managériaux apparaît comme l’une des réponses les plus citées en même temps décriée
comme le montre (Eleanor Lemmer, 2006 :164-165) mais surtout les différentes recherches
28
de Christine Musselin. L’auteur remarque une tentative nette de transformation des
universités en entreprises en même temps que l’implantation de ces pratiques dans les
universités se heurte aux spécificités organisationnelles de ces dernières – et notamment à
la faible interdépendance fonctionnelle propre aux activités d’enseignement et de
recherche.
«Les travaux exclusivement américains des années 1960 et 1970 avaient conclu à l’existence de quatre modèles de fonctionnement universitaire : collégial (Goodman 1962 et Millett 1962), et bureaucratique (Blau 1973), politique (Baldridge 1971) et enfin celui de l’anarchie (Cohen, March et Olsen 1972). Depuis, aux États-Unis comme en Europe en France, des méthodes, des pratiques et des outils managériaux ont été introduits dans les universités, si bien que certains ont parlé de leur construction en organisation (Brunsson et Sahlin-Andersonn 2000 ; de Boer, Enders et Leysite 2007) ou en acteurs stratégiques (Krücken et Meier 2006, Whittley 2008. Cette « managérialisation» a été aussi fortement décriée (Deem et Reed 2007, parmi beaucoup d’autres), la transformation des universités en entreprise et la victoire du « capitalisme académique» (Slaughter et Leslie 1997 ; Slaughter et Rhoades 2004) étant à la fois criantes et annoncées» (Musselin et al, 2012:6)
Cette tendance à la « managérialisation » des établissements universitaires, ceux à
caractère public dans les pays développés surtout semble avoir été impulsée par l’entrée en
force dans l’administration publique du New Public Management avec lequel on tente
d’impulser l’efficacité du service public en l’envisageant à la manière d’une entreprise (A.
Bartoli, 2009; G. Chevalier, 2011).
En effet, inspiré des approches les plus en pointe dans le monde de l’entreprise le
nouveau management public a poussé au cours des deux dernières décennies au
développement de modèles de gestion stratégiques orientés par la production de résultats,
incorporant, dans leurs différentes dimensions, les concepts de performance, bonne
gouvernance, autonomie, décentralisation, management de la qualité, évaluation, entre
autres.
On retrouve directement liées aux processus des politiques publiques les démarches
de suivi et d’évaluation. Selon Enrique Saravia et Elisabete Ferrarezi (2006) le suivi est le
processus systématique de supervision de l’exécution d’une activité et de ses diverses
composantes avec l’objectif de fournir l’information nécessaire pour introduire
d’éventuelles corrections afin d’assurer la réalisation des objectifs fixés. Alors que
29
l’évaluation consiste à mesurer et analyser, a posteriori, les effets produits dans la société
par les politiques publiques, spécialement en ce qui concerne les réalisations obtenues et
les conséquences prévues et non prévues.
Un peu partout et dans tous les domaines de l’économie, on assiste au
développement de démarches d’évaluation de la qualité des produits et services avec la
création d’organismes nationaux et internationaux spécialisés, tels les comités
interministériels pour l’évaluation des politiques publiques et les commissions nationales
d’évaluation.
« L’évaluation est le domaine de la politique publique qui se
développe le plus ces dernières années. Plusieurs pays ont mis en place ces dernières années des mécanismes sophistiqués pour évaluer les politiques publiques. C’est le cas de la France qui a créé en 1990, le Comité Interministériel de l’évaluation et le Conseil scientifique de l’évaluation, remplacés en 1998 par le Conseil national d’évaluation. C’est aussi le cas de l’Espagne qui a créé, en décembre 2006, l’Agence publique d’évaluation des politiques publiques et de la qualité des services » (Enrique Saravia et Elisabete Ferrarezi, 2006 : 12)
Parallèlement, au sein des systèmes éducatifs, notamment ceux de l’enseignement
supérieur se sont développés des dispositifs d’évaluation et d’accréditation de la qualité de
niveau national et international, imposant parfois aux établissements des règles de
concurrence et compétition, entre autres des systèmes de classements et de ranking certes
contestés mais qui vont préoccuper les pouvoirs publics et les dirigeants, les universités et
les universitaires.
Il faut noter, par exemple, que les critères établis pour les classements
mondialement les plus connus ne sont pas unanimement accueillis dans tous les systèmes
d’enseignement. Nous nous référons aux deux classements internationaux qui captent le
plus l’attention des médias qui sont le Times Higher Education World University Ranking
et le Shanghai Academic Ranking of World Universities. On leur reproche d’accorder trop
d’importance à la recherche, au nombre de publications scientifiques et à la fréquence des
citations dans les revues professionnelles, et de ne pas tenir suffisamment compte de
l’enseignement et de l’apprentissage, par exemple.
30
«La recherche scientifique, est généralement utilisée comme principal indicateur de qualité, car elle se prête plus facilement à la mesure. Seuls 5 % des travaux de recherche menés en sciences humaines sont publiés sous forme d’articles, contre plusieurs milliers d’articles scientifiques parus chaque année dans les revues professionnelles comme Nature ou le British Medical Journal. Le reste des publications en sciences humaines s’effectue sous forme de livres. L’une des personnes interrogées dans le sondage du Pr. Hazelkorn l’a ainsi avoué à demi-mots: la meilleure façon, pour une université, d’améliorer son classement consiste à en finir une bonne fois pour toutes avec les «sciences humaines ». Pour contrer l’argument selon lequel les sciences naturelles seraient tout simplement plus utiles que les lettres, Robert Berdahl, Président de l’Association des Universités Américaines (AAU), explique que les sciences ne sauraient, à elles seules, résoudre les différents problèmes auxquels doit aujourd’hui faire face la société: migrations, vieillissement, réchauffement climatique, traumatismes suscités par le colonialisme ou encore extrémisme religieux. (OCDE, IMHE INFO, décembre, 2008:1)
Concernant les effets des classements internationaux, Despréaux (2010) qui parle
d’un électrochoc montre par exemple comment la publication en 2003 du classement
académique des universités mondiales par l'université Jiao Tong de Shanghai (Academic
Ranking of World Universities - ARWU), appelé plus couramment classement de
Shanghai a bouleversé la communauté scientifique française.
« Cet exercice établissait une nouvelle hiérarchie mondiale où nos établissements nationaux apparaissait très mal placés. L’écho médiatique inattendu de ce travail exploratoire d’une petite équipe de recherche basé dans la lointaine université chinoise, a remis brutalement sur le devant de la scène politique des interrogations trop longtemps laissées sans réponse. Dès lors, les instruments d’enseignement supérieur et de recherche en France se sont trouvés au centre de nombreuses discussions et de multiples interventions publiques ». (Despréaux, 2010:11)
Bien que le classement de Shanghai soit très contesté, il a donc des influences
directes sur la politique de la recherche en France, étant par exemple l'un des motifs
principaux avancés pour la constitution des Pôle de recherche et d'enseignement supérieur
(PRES). Valérie Pécresse, à l’époque ministre de l’enseignement supérieur justifie en effet
son influence ainsi :
« M. Legendre a rappelé que le classement de Shanghai était certes critiquable mais que puisqu'on ne pouvait changer les indicateurs dont nous n'étions pas maîtres, il valait mieux les retourner en notre faveur. Lorsqu'ils choisissent leur future université, les étudiants américains, australiens, chinois,
31
indiens regardent ce classement. C'est la mondialisation. On ne peut s'en abstraire et nous devons donc gagner des places, ce qui n'est pas contraire à l'exigence d'excellence de l'université française».
(fr.wikipedia.org/.../Classement_académique_des_universités_mondiales_par_l'université_Jiao_Tong_de_Shanghai)
Cela étant, cependant l’annonce d’un audit par une agence d’évaluation ou
d’accréditation soit nationale ou internationale ou alors la publication d’un palmarès des
meilleures établissements devient désormais une préoccupation majeure pour tout dirigeant
d’un système d’enseignement dans la mesure où peuvent être en jeu non seulement la
réputation d’un système d’enseignement, celle d’un établissement ou des formations
offertes mais aussi les possibilités de mobilisation des ressources nécessaires à la poursuite
de la mission des universités en tant qu’organisations.
Forcées d’être en conformité avec un certain nombre de critères pour se maintenir
dans leur environnement, les universités ainsi « instrumentalisées », perdent petit à petit
leurs principes fondateurs.
L’idée d’université institutionnelle chère à Wilhelm Humboldt semble se faire
détrôner en faveur d’une idée d’université organisationnelle, dont la première expression se
trouve dans le modèle américain, où les universités tendent selon Michel Freitag (in P.
Jourde, 2007:36) à devenir des entreprises gérées de manière managériale, où les intérêts
dominants sont extérieurs à la logique d’autonomie de la recherche fondamentale
désintéressée longtemps poursuivie par l’université institutionnelle.
L’université organisationnelle est traitée comme un marchepied vers l’emploi,
comme une école professionnelle spécialisée, en même temps qu’elle développe une
orientation vers le client réclamée par le monde de l’entreprise.
« Le clivage apparait entre l’université comme institution et l’université comme organisation, et oppose ceux qui conçoivent l’université comme un lieu de liberté et ceux qui veulent l’instrumentaliser. Rappelons en citant quelques auteurs ce qu’est l’université dans son principe. 1. L’université ouvre l’accès à un idéal civilisationnel à orientation universaliste, lequel implique en même temps la transmission critique des acquis essentiels du passé et la synthèse systématique des nouvelles connaissances, des nouvelles valeurs, des nouvelles formes d’appréhension expressive[…] 2. La vocation de l’université est inséparable de l’idée d’une certaine transcendance du monde de l’esprit, de la science et de la culture, et de l’exigence d’unité réfléchie qui lui est propre […] La définition institutionnelle de l’Université implique l’exigence de reconnaissance collective ou
32
publique de légitimité (culturelle, idéologique, politique) et à l’intérieur de celle-ci la disposition d’une marge essentielle d’autonomie. Ce modèle, qui s’inspire de l’université médiévale, conçoit l’autonomie non comme une fin en soi, mais comme une condition sine qua non de la production d’un savoir indépendant et civilisateur […] il faut que l’université soit autonome pour que s’y développe un usage crique de la raison. Cette autonomie n’est nullement incompatible avec une régulation dès lors qu’il existe – ce qui est le cas dans la plupart des États occidentaux – des principes juridiques qui garantissent la non-ingérence de l’Etat dans le fonctionnement interne de l’université en particulier la liberté de la recherche scientifique[…]L’université articule et relie l’enseignement et la recherche, la Lehere und Forschung de Wilhelm von Humboldt. Elle est d’abord le lieu de recherche individuelle […] Grâce à la recherche individuelle, elle fut longtemps l’un des principaux vecteurs du développement de la modernité, substituant l’autorité de la raison critique à l’autorité de la tradition ». (O. Beaud, O Guyaux, A Portier in P. Jourde, éd. 2007: 32-36)
Parallèlement Yorgos Stamelos (2009) qui voit en « l’esprit critique un idéal
perdu » montre comment les caractéristiques des études universitaires dont les finalités se
trouvent encore directement associées à l’idée de développement d’un esprit critique
jusqu’á la fin des années 1980, vont sous des pressions à la fois internes et externes perdre
leurs soubassements originels en faveur de l’idée d’une université managériale davantage
orientée vers des questions de rentabilité.
D’autant plus que le paradigme qualité s’accompagne de plus en plus des
opérations d’évaluation et parfois de ranking devenues pour les tutelles les principales
conditions de l’accès aux ressources pour le développement des universités. Les pressions
internes auxquelles les universités doivent faire face sont liées à la massification des études
alors que les externes sont exercées, entre autres par les usagers des diplômés
universitaires.
Parmi les indicateurs attestant ce glissement de l’idée d’université institutionnelle
vers une université organisationnelle nous retenons dans cette étude, au cœur même du
concept de gouvernance, les démarches d’évaluation et de management de la qualité tout
en tentant d’interroger leur portée sur le fonctionnement et la compétitivité des systèmes
d’enseignement en général et des établissements en particulier.
Le système d’enseignement supérieur mozambicain aussi bien que d’autres est
traversé par les préoccupations d’efficacité en même temps que la société dépose sur lui
tous les espoirs pour le développement du pays. Ce système semble offrir un cadre propice
à l’analyse de la problématique soulevée dans cette étude.
33
Comme dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, l’éducation au Mozambique
est par-dessus tout frappée par les conséquences d’une crise (J. Delors, éd. 1997: 120-
125 ; Teresa Cruz et Silva, 2011) qui s’est amorcée depuis le début des années 1990 avec
les politiques d’ajustement structurel et l’instabilité politique qui ont surchargé les budgets
des établissements d’enseignement.
L’attrait excessif par les sciences sociales a conduit à des déséquilibres dans les
catégories de diplômés disponibles dans le marché du travail en provoquant la désillusion
de ceux-là et des employeurs quant à la qualité du savoir dispensé par les établissements
d’enseignement supérieur. Cette crise qui s’accompagne du chômage des diplômés et de
l’exode de cerveaux a contribué à ruiner la confiance déposée dans l’enseignement
supérieur.
Cette impression d’inefficacité de l’enseignement ainsi que de désillusion quant à
la qualité des études ne semble pas pour autant avoir stoppé la tendance à l’augmentation
des effectifs ni opéré un changement de vision sur l’utilité des études supérieures. Certains
y voient les impacts de la scolarisation secondaire universelle, d’autres les effets d’une
course aux diplômes, d’autres encore le fait que l’enseignement supérieur soit devenu une
affaire rentable.
En effet, les statistiques de l’éducation au Mozambique attestent que le système
d’enseignement supérieur a continué de croître à grande vitesse, les effectifs d’étudiants
ayant augmenté de 12000 en 2000 à 123000 en 2013 et les établissements étant passé d’un
nombre limité de dix, basés surtout à Maputo, la capitale à quarante-quatre, aujourd’hui et
dispersés dans les provinces et parfois avec des branches dans les districts.
Ce mouvement de massification et d’expansion de l’enseignement supérieur
s’accompagne désormais de réformes visant l’amélioration de la qualité et afin que le pays
puisse tirer un meilleur profit des opportunités offertes par l’économie de la connaissance à
travers la mise en œuvre d’un certain nombre de dispositifs, entre autres, une tentative
visant l’adoption du processus de Bologne à partir du milieu des années 2000 tout comme
la majorité des pays membres de l’union africaine engagés dans la stratégie
d’harmonisation de l’enseignement supérieur dans le continent (Juma Shabani, 2012: 17-
19).
«Over the past two decades, many regional organizations have invested in the revitalization and further development of their higher education systems-in
34
order to benefit from the opportunities offered by the knowledge economy. These efforts include the implementation of the Bologna process of construction of higher education area in Europe and beyond by 2010 and the Higher Education Strategy in Africa designed by the African Union». (Juma Shabani, 2012: 17)
Ces réformes incluent également une stratégie de formation des enseignants
universitaires, l’adoption d’une charte des enseignants et personnels de l’enseignement
supérieur, une stratégie de financement des établissement d’enseignement supérieur, la
mise en place d’un système national d’accumulation et transfert des crédits académiques
(SNATCA), d’un cadre national des qualifications dans l’enseignement supérieur
(QUANQUES), d’un Système National d’accréditation et évaluation de la qualité dans
l’enseignement supérieur (SINAQUES) et la mise en application d’un certain nombre de
décrets de loi avec l’objectif de garantir la qualité et renforcer la mobilité professionnelle et
académique des étudiants, augmenter l’efficience, l’efficacité et la performance des
institutions d’enseignement supérieur.
Une forte tentative de mise en adéquation entre politiques d’enseignement supérieur
et compétitivité du pays semble être l’objectif recherché. Quelle est alors la contribution
des organismes de tutelle et des établissements dans cet effort ? Au cours des réformes et
mutations qu’on essaie d’opérer ainsi que des configurations qui s’établissent, des effets
d’apprentissage se dégagent au sein des dispositifs de gouvernance, dans les
établissements et chez les acteurs.
Le mouvement de l’apprentissage organisationnel dit aussi du management des
connaissances (ayant été conçu depuis les années 1990 comme un modèle alternatif pour la
compétitivité des organisations) est-il applicable au monde académique ? Il semble, en tout
cas, opportun d’analyser dans une telle perspective les interactions entre les acteurs, le
fonctionnement des institutions de tutelle et des établissements.
De quelle nature et portée sont les apprentissages, quelle cohérence d’ensemble
contribuent-ils à construire et dans quelle mesure peuvent-ils représenter un facteur
d’efficacité, d’innovation pour l’amélioration et la compétitivité des systèmes
d’enseignement supérieur ?
Telles sont les questions principales qui ont orienté l’enquête et les réflexions que
nous développons dans cette étude. Afin d’approfondir notre thèse, nous avons mobilisé les
35
questions de recherche ci-après. Celles-là ont également contribué à la constitution d’un
guide d’entretien sur lequel nous reviendrons dans la partie méthodologique.
Quels organismes, institutions et acteurs ont en charge la mission de gestion,
coordination et évaluation du système d’enseignement supérieur ?
Quels sont les types d’évaluation usuellement pratiquées, selon quels critères et
référentiels ?
Comment les organismes ou dispositifs d’évaluation de l’enseignement supérieur
interagissent-ils avec les établissements concernés ?
Quels dispositifs de management et d’évaluation existent au sein des
établissements ? Quelle interaction existe entre eux et les différentes instances de
gouvernance au sein des établissements ?
Quelle est l’origine du paradigme de l’évaluation de la qualité dans le système
d’enseignement supérieur mozambicain et comment ont évolué les dispositifs d’évaluation
au cours des 15 dernières années ?
Dans quelle mesure les établissements adhèrent-ils, exécutent-ils et garantissent-ils
les normes de qualité du système ?
Quelle est l’efficacité du cadre normatif et institutionnel établi pour l’évaluation de
la qualité de l’enseignement supérieur ?
Quelles pratiques et quelles connaissances existent en matière d’évaluation de la
qualité et quelles expériences ont été accumulées au cours des 15 dernières années ?
Dans quelle mesure la dynamique de l’évaluation pratiquée s’inscrit-elle dans une
démarche qualité, voire une gestion des connaissances ?
Comment l’évaluation participe-t-elle d’un processus d’absorption et de
capitalisation d’un capital immatériel ainsi que des bonnes pratiques, sources d’innovation
et d’amélioration continue ?
Dans quelle mesure les meilleures pratiques sont-elles diffusées, partagées et
capitalisées par les acteurs impliqués?
Hypothèses de recherche
36
Dans cette thèse nous mettons à l’épreuve de l’observation, l’hypothèse centrale
selon laquelle l’existence de dispositifs de management et d’évaluation de la qualité au
sein des organes de gouvernance internes et externes représente de surcroît un levier
déterminant de l’efficacité durable du système d’enseignement supérieur mozambicain, en
tant que moteur du développement économique et social.
L’observation s’appuie sur le paradigme de l’évaluation d’un système en tant que
processus de management des connaissances. L’accent est mis en priorité sur
l’observation des indicateurs d’apprentissage organisationnel dans la gouvernance de
l’enseignement supérieur ainsi que sur l’analyse des éventuels effets de cette forme de
management sur l’amélioration continue des établissements.
D’une part, en tentant d’observer le fonctionnement des dispositifs de gouvernance,
c'est-à-dire la façon dont ils s’organisent et se déploient avec les moyens dont ils disposent
- outils, démarches pour intervenir dans la régulation ou pour mettre en œuvre les
politiques, cette étude propose un regard éclairé sur les forces et fragilités du système
éducatif mozambicain.
D’autre part, l’analyse des dispositifs de management et d’évaluation de la qualité
offre l’occasion de rentrer dans le débat public et de dégager les principales perceptions de
la société mozambicaine sur le rôle joué par l’enseignement supérieur ainsi que sur son
efficacité mesuré par rapport à des indicateurs tels que l’emploi, l’innovation, la
compétitivité et la croissance, etc.
Compte tenu des exigences fixées par le cadre normatif pour le fonctionnement des
établissements d’enseignement supérieur, notamment à travers l’ensemble des dispositifs
qui ont été mis en place ces dernières années, la recherche tente d’appréhender la
cohérence d’ensemble qui peut se dégager de l’interaction entre les différentes parties
prenantes dans la mise en œuvre d’un système de contrôle et de garantie de la qualité.
S’il y a des apprentissages dans les différents niveaux de la gouvernance externes et
internes, il s’agit alors de mesurer comment ceux-ci portent sur l’amélioration de la qualité
de l’enseignement supérieur.
37
Nous nous intéresserons d’abord au fonctionnement du ministère de l’éducation en
tant qu’organe de coordination du système. A ce niveau de la gouvernance où interviennent
les organes de consultation (CES, CNES) et les différents services du ministère, les effets
de l’évaluation sont mesurés à l’aune du renfort des capacités institutionnelles dans la mise
en œuvre des dispositifs de contrôle de la qualité.
Ensuite nous nous intéresserons aux directions des établissements, puis aux
différentes composantes dans le cadre des formations et services offerts (enseignements,
recherche, académisation).
A ce niveau de la gouvernance les effets de l’évaluation et de l’apprentissage
organisationnel sont mesurés non seulement par rapport à l’adhésion au cadre
réglementaire, mais surtout par rapport aux améliorations et changements que les
établissements essaient d’impulser dans les différents axes de leurs politiques internes.
Dans cette observation nous tenons compte non seulement des préoccupations liées
à l’amélioration des enseignements et leur évaluation dans le cadre de la mise en œuvre
d’un système d’accumulation et de transfert des crédits académiques (décret 32/2010),
d’un système national d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur (décret,
63/2007) mais surtout du règlement relatif aux conditions minimales que les établissements
doivent respecter dans l’exercice de leurs activités (décret 48/2010).
Par ailleurs, l’environnement institutionnel, le rôle des acteurs, des dirigeants
universitaires en particulier dans la diffusion et la promotion de l’apprentissage
organisationnel sont pris en compte dans l’observation avec l’objectif d’analyser la
contribution de ces facteurs dans les changements recherchés et l’innovation en milieu
universitaire. L’évaluation est faite par rapport au rayonnement et au positionnement des
établissements dans le contexte régional et dans le panorama de l’enseignement supérieur
mozambicain.
Voici en détail la liste des indicateurs que nous mobilisons pour analyser et vérifier
les effets de l’évaluation et de l’apprentissage organisationnel au sein des dispositifs de
gouvernance de l’enseignement supérieur au Mozambique:
38
- Dotés d’outils d’analyse, de normes, de référentiels et de capacités
organisationnelles, ainsi qu’humaines et matérielles, les organismes de régulation externes
existants réalisent, comme prévu, par les dispositifs réglementaires en vigueur, le travail
d’évaluation des établissements d’enseignement supérieur ;
- Les acteurs au sein des établissements adhérent et appliquent les normes de
qualité établies par les organes de tutelle ; Les universitaires participent à la mise en œuvre
des politiques de qualités établies au sein des établissements ;
- Les acteurs sont en situation d’apprentissage continu, durable et soutenu et on
peut observer de bonnes pratiques, diffusées, partagées et capitalisées au sein du système ;
L’efficacité et le positionnement des établissements s’améliorent.
- Les informations produites ainsi que les connaissances acquises et accumulées au
long des années et les processus d’évaluation sont capitalisées dans le système, c'est-à-dire
qu’elles sont enregistrées sur des bases de données, diffusées et exploitées par les acteurs
tant au niveau des établissements qu’au niveau des organismes de régulation et des
décideurs ;
- La mise en œuvre d’une démarche de qualité au sein des organes de régulation
ainsi que des établissement produit des effets de changements recherchés notamment dans
les différents axes de la politique d’enseignement supérieur. Le système devient de plus en
plus performant, innovant et compétitif ;
- Finalement, les travailleurs de la connaissance ou ingénieurs des connaissances
jouent leur rôle d’interface, trouvent leur part au sein des organes de gouvernance
universitaires tout en contribuant au positionnement des établissements et du système
d’enseignement supérieur en général.
39
Première partie : Cadre épistémologique et méthodologique
Cette première partie est dédiée à une réflexion sur le cadre épistémologique et
méthodologique mobilisé dans la présente étude. Elle contient donc une discussion sur les
éléments préliminaires du travail de thèse, c'est-à-dire les théories, les disciplines et les
principaux concepts mobilisés, ainsi que les méthodes de recherche utilisées.
La discussion que nous menons dans la première partie vise non seulement à
montrer le cheminement parcouru jusqu’au choix du cadre d’analyse qui allait guider cette
recherche, mais aussi le positionnement qui va être le nôtre par rapport à la problématique
et au cadre théorique retenus dans cette étude.
Cette réflexion en amont de la restitution des résultats d’un travail de terrain est à
lire par rapport aux conclusions et enseignements de l’observation réalisée au long des
trois années de thèse. Nous tentons ainsi de montrer le chemin suivi et les ruptures opérées
par rapport au projet de recherche initialement envisagé.
Nous rendons compte des contraintes à la fois épistémologiques et
méthodologiques que notre projet de recherche initial a posé pour la réalisation de la
présente étude. En face de cela nous proposons ensuite une réflexion sur les différentes
approches à adopter afin de poursuivre une étude sur l’apprentissage organisationnel dans
la gouvernance des universités qui tendait à se révéler une entreprise assez complexe et
parfois même irréalisable selon la direction initialement choisie, compte tenu de l’état
actuel de la recherche sur la gouvernance et l’évaluation de l’enseignement supérieur.
Les approches que nous avons été conduit à proposer pour une étude des systèmes
universitaires basée sur l’apprentissage organisationnel sont le fruit d’une revue de
littérature dans les principales disciplines mobilisées alors que le cadre méthodologique
expose les orientations et stratégies utilisées durant la phase de l’observation du terrain.
40
CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE ET ANALYTIQUE
Le cadre théorique sous-jacent à l’étude s’inscrit dans le management de
l’éducation et dans la perspective de l’évaluation d’un dispositif institutionnel. Celui-là
prend appui sur la gestion des connaissances ainsi que sur le management de la qualité, en
tant que théories managériales, à la fois proches et complémentaires.
Mais le choix d’utilisation de ces théories managériales associées aux approches
cognitives de l’organisation pour l’analyse de la problématique soulevée dans cette thèse
n’a pas été sans poser certains embarras durant le travail de recherche, aussi bien lors de la
révision de la littérature qu’au moment de l’observation.
En fait les pistes de recherche se révélaient de plus en plus fuyantes à mesure que
nous cherchions à analyser d’une part les liens entre renfort des capacités au sein des
dispositifs de gouvernance externe et apprentissage organisationnel, d’autre part, les
rapports entre compétitivité soit des systèmes d’enseignement universitaires, soit des
établissements et le management des savoirs.
Chemin faisant, nous nous apercevions des difficultés que représentait la tentative
initiale d’étudier l’enseignement supérieur sous le seul angle de l’apprentissage
organisationnel, d’autant plus que du travail de recherche rejaillissait l’idée d’une
démarche pas toujours explicitement planifiée et dont il était par conséquent complexe de
mesurer les effets dans les systèmes éducatifs comme nous pourrions prétendre.
En plus la mobilisation d’un cadre théorique issu des sciences du management dans
l’analyse d’un phénomène relevant de la sphère de l’éducation représentait une démarche
originale impliquant la prise d’un certain nombre de risques pour la poursuite du projet. Il
y a toujours un risque lorsqu’on a l’impression de creuser un terrain nouveau mais sans
maitriser les antécédents.
Or l’innovation ne démarre jamais dans un terrain complètement vierge. Il y a
toujours avant une nouvelle découverte des expériences similaires, au point que Bernoux
(2004) considère l’idée d’une innovation radicale comme un argument publicitaire,
simplement. Il s’avérait par conséquent nécessaire avant tout de trouver des points d’appui
pour pouvoir mener à bien le projet de recherche.
41
Par ailleurs, comme nous le rappelons tout au long du travail de thèse, la
description et l’analyse du fonctionnement d’un système d’enseignement supérieur dépasse
de loin les préoccupations d’un cadre d’observation axé sur l’apprentissage organisationnel
pour s’intéresser aux rapports de pouvoir au sein des dispositifs, c’est-á-dire au sein des
organismes de tutelle, entre les tutelles et les établissements, ainsi qu’au sein des
établissements, c’est-à-dire entre les dirigeants des universités et les universitaires.
L’identification des indicateurs d’apprentissage ainsi que leur analyse afin de
mesurer les effets sur l’amélioration de la qualité, l’innovation et la compétitivité d’un
système d’enseignement supérieur reste toujours un objet de recherche intéressant à
creuser, mais nous ne pouvons pas perdre de vue que l’analyse des rapports de pouvoir
l’emporte en face d’une tentative d’étude des effets d’apprentissage organisationnel.
Et nous voyons avec Jean-Yves Prax (2005) combien les rapports de pouvoir
deviennent de mise dans les processus d’innovation aussi bien favorablement ou contre le
changement, au point que l’innovation perde de son ampleur dans la dispute entre ceux qui
détiennent le pouvoir et préfèrent maintenir le statut quo et ceux qui prônent le
changement, par exemple.
«Le facteur politique, au sein de l’organisation, joue également un rôle important dans l’inertie de l’entreprise […] Le changement organisationnel induit par un changement important des conditions de marché suppose une redistribution du pouvoir et de l’influence dont les victimes ne se laissent pas dépouiller sans combattre. Ce phénomène est particulièrement accentué dans le cas de ruptures qui tendent à détruire le métier historique de l’entreprise. Le risque est alors de voir s’opposer en son sein les anciens et les modernes. Une telle opposition tend naturellement à ralentir les prises de décisions. Le conflit est d’autant plus difficile que le métier historique, bien que condamné, fournit encore à l’entreprise la majorité de ses revenus, et se trouve donc dans une position politique très avantageuse pour défendre ses intérêts et mener son combat d’arrière-garde. En face, le métier émergent se retrouve dans une position inverse : il consomme des ressources et ne contribue que très modestement aux revenus, dans une incertitude totale, sachant que ses efforts peuvent très bien ne mener à rien. A moins que la direction de l’entreprise ne fournisse un leadership fort et ne mette en place une structure organisationnelle permettant un passage de relais en douceur, les querelles stériles et les batailles d’appareils peuvent dégénérer et considérablement ralentir les essais de transformation de l’entreprise» (Prax, 2005:84-85)
42
Par conséquent l’intérêt dans la même veine de Prax d’étudier l’apprentissage dans
l’enseignement supérieur dans une perspective d’analyse stratégique avec les
enseignements de Michel Crozier (cité par Marc Montoussé et Gilles Renouard, 2006 :56-
57).
Pour Crozier dans une transposition des résultats acquis au cours de son analyse
microsociologique à l’ensemble de la société, le modèle administratif français dont l’esprit
empreigne l’ensemble des organisations (politiques et syndicales mais également les
grandes entreprises) freine l’innovation dans la société française. La modernisation de
l’État grâce à l’adoption des nouvelles technologiques s’accompagne par le renforcement
des tendances traditionnelles à la centralisation et à la hiérarchie tout en pénalisant la
créativité et l’innovation des français.
Face à un service public monopole, Crozier (1987) préconise comme solution à ce
blocage le désengagement de l’État et l’établissement d’une concurrence entre les
organisations afin de permettre à l’usager d’effectuer un choix ou de faire entendre sa voix.
Cette proposition s’étend à l’enseignement supérieur à qui il préconise une autonomie et
une mise en concurrence des centres de formation en ce sens où celui-là est chargé de
former les élites qui auront à terme, la charge de diriger les organisations.
Parallèlement nous voyons que les problématiques liées à une interrogation sur les
fonctions de l’université dans un contexte de mutations socio-économiques à l’échelle
internationale semblent préoccuper davantage les universitaires que les questions
d’apprentissage organisationnel. Ainsi, les universitaires sont semble-t-il plus préoccupés
par les ressources pour le maintien de leur unités d’enseignement et de recherche à
mesure qu’ils doivent s’interroger sur la nature de la crise de cette institution.
Il s’agit essentiellement d’une crise d’identité pour Olivier Reboul (2011 : 43)
conduisant les universitaires à un certain nombre de questionnements, c'est-à-dire:
enseignement culturel ou formation professionnel ? Primat de la recherche ou primat de
l’enseignement ? Recherche fondamentale ou recherche appliquée ? Sélection des étudiants
avec le risque d’élitisme ou accueil du plus grand nombre, avec le risque de nivèlement ?
Unité du savoir, ou savoirs spécialisés ?
Cet ensemble de constats ne doit pas en contrepartie représenter une contradiction,
avec la problématique et les hypothèses de recherches suggérées en introduction.
L’apprentissage organisationnel est la problématique qui ouvre et restera toujours
43
l’approche qui délimite l’objet d’étude proposé. Ce qu’il nous importe de fixer maintenant,
nous expliquons pourquoi, est l’idée qu’une approche cognitive de l’organisation à l’état
actuelle de la recherche sur la gouvernance de l’enseignement supérieur mérite la
production d’un cadre analytique plus global pour faire avancer la connaissance dans ce
domaine.
Afin de poursuivre avec la problématique de recherche proposée, cette situation a
eu pour implication d’une part le recours à un certain nombre de nouveaux
questionnements initialement imprévus, d’autre part le recours à un cadre analytique
transdisciplinaire combinant un certain nombre d’outils et sur lesquels nous reviendrons
tout au long des développements qui suivent.
Après avoir élaboré sur les cheminements parcourus, les allers retours entre
management des organisations tout court et management des universités aux travers des
questions d’évaluation, ses modalités et les problématiques d’assurance-qualité,
notamment nous insisterons (chapitres I et II) sur la transdisciplinarité des méthodes et
disciplines qui peuvent être mobilisées pour l’étude de l’évaluation dans l’enseignement
supérieur avec Marie Françoise Fave-Bonnet (2010).
L’auteur indique plusieurs entrées, à savoir, d’abord par l’analyse des dispositifs
d’évaluation où elle propose de s’interroger sur le contexte d’émergence des dispositifs,
sur leurs objectifs explicites et implicites, sur leur mandats, les statuts et la qualité des
experts, mais aussi sur les méthodes, les critères et indicateurs mobilisés et sans oublier de
s’intéresser aux problèmes, obstacles, résistances, ainsi qu’aux résultats et effets de
l’évaluation.
Ensuite par l’analyse des établissements, acteurs et objets de l’évaluation où il
s’agit d’appréhender l’évaluation comme un système en regardant globalement et non
séparément les différentes entités, c'est-à-dire les établissements, les laboratoires, les
formations et les personnels, en s’interrogeant en même temps sur les conséquences de
l’évaluation sur la gouvernance des établissements, sur les financements, sur les
productions de recherche, sur l’offre de formation, sur le recrutement des personnels.
Cette entrée par le système tient également compte du contexte international étant
donné que les établissements sont des plus en plus pris dans des systèmes d’évaluation au
niveau mondial, notamment à travers les publications et les brevets, mais aussi pour
l’ensemble des établissements à travers les classements ou palmarès. On peut s’interroger
44
sur les incidences de telles pratiques sur les politiques nationales et à l’intérieur des
établissements. La troisième entrée enfin peut se centrer sur les acteurs de l’évaluation,
qu’ils soient évalués ou évaluateurs : enseignant, chercheur, étudiant, personnels, experts.
« Qui évalue, comment, avec quels objectifs ? Qui sont les experts, leurs statuts, leurs rôles, leur légitimité, leurs formations ? Quelle est la place des évalués dans le processus ? Quelles sont les conséquences au sein de la profession académique, entre évaluateurs et évalués ? Entre ceux qui définissent les critères et ceux qui les subissent, etc. ? Quelles stratégies, qu’elles résistances, quelles connivences sont mises en œuvre lors des évaluations ? Quelles sont les effets de l’évaluation sur les acteurs et les institutions ? » (Fave-Bonnet, 2010:9)
Pour ces trois entrées possibles, après constater différents cadres théoriques et des
objets différents selon les disciplines en notant l’entrée en force d’une approche
économique notamment autour des agences de certification, assurance-qualité, et
accréditation, Fave-Bonnet remarque cependant une hésitation des chercheurs à produire
des études sur la gouvernance des universités à l’image des cadres d’analyse mobilisés en
sciences de gestion sur la gouvernance et le management de l’évaluation en entreprise, peut
être selon elle car comme on le répète souvent « l’université n’est pas une entreprise »
(Fave-Bonnet, 2010:13).
Ainsi pour le Panorama des objets de l’évaluation dans l’enseignement supérieur
indiqués, à savoir l’évaluation des établissements, l’évaluation des enseignants,
l’évaluation des apprentissages/acquis des étudiants et l’évaluation des enseignements, les
chercheurs réunis autour de l’auteur proposent un cadre d’analyse qui interroge
l’évaluation et les dispositifs du point de vue des valeurs, du point de vue de ses effets mais
aussi des conditions de son efficacité. A inscrire dans un champ politique, d’autant plus
qu’elle ne va pas sans être tributaire des changements des politiques et du jeu d’acteurs,
l’évaluation exige un recours à l’histoire, ne pouvant non plus se faire sans une référence à
des objectifs et sans être instituée.
Le long chemin parcouru au long de cette thèse s’accompagne de contraintes aussi
bien du point de vue méthodologique qu’épistémologique. La méthode que nous
proposons s’est donc nourri des questionnements et approches ci-dessus ainsi que d’autres
que nous développons dans les sections suivantes.
45
C’est ainsi que nous avons pu pallier à ce que nous considérons comme les
faiblesses des théories du management vues souvent comme normatives et non suffisantes
pour aborder les systèmes éducatifs. Ainsi proposons-nous de développer le champ de
recherche sur l’apprentissage organisationnel à l’université à travers une combinaison
d’approches réunissant à la fois une méthode comparative et systémique en sciences de
l’éducation à des outils d’analyse issus de la sociologie des organisations, voire un cadre
analytique de la gouvernance.
Dans cette section nous montrons donc le chemin parcouru jusqu’à la définition du
cadre analytique. Ainsi, tentons-nous de rendre compte, d’abord, du résultat des
questionnements que nous avons été conduit à faire au fur et à mesure que nous
découvrions les principaux objets de recherche autour du management et l’évaluation des
universités.
Ensuite nous rendons compte des ruptures épistémologiques opérées, d’une part,
entre des prénotions et les allers retours d’une revue de littérature en sciences du
management et une littérature de l’évaluation en sciences de l’éducation. Des ruptures
opérées d’autre part, avec les découvertes des objets de recherche sur l’évaluation dans
l’enseignement supérieur dans les allers-retours entre les observations du terrain et une
littérature de la gouvernance de l’enseignement supérieur.
Il ne s’agit pas dans les développements qui suivent au long de toute la première
partie de la thèse de dévaloriser une forme de savoir par exemple intuitive au profit d’une
autre forme de savoir scientifique. Il ne s’agit pas non plus de réduire à néant une
discipline dite normative comme la science du management où alors une posture de lecture
orientée à l’action au profit d’une lecture davantage distanciée de l’objet et orienté à la
compréhension d’un phénomène social.
Dans une recherche qui s’intéresse aux pratiques de management et d’évaluation et
aux connaissances à la fois tacites et explicites qui s’y dégagent toute approche qui mène à
la compréhension et explication du problème étant valable, il s’agira alors de montrer le
cheminement parcouru et les enseignements obtenus au cours du travail de thèse.
La démonstration de ce cheminement s’inscrit dans ce que plusieurs auteurs dont
(G. Bachelard, 1965 ; P. Bourdieu, J.-C. Chamboredon et J.-C. Passeron, 1968, in R. Quivy
et L. Campenhoudt: 2006) résument comme la démarche scientifique qui comprend trois
étapes, la première étant la rupture.
46
Cependant la nécessité d’un recul et souvent d’une rupture dans l’acte de
connaissance par rapport à toutes les images, croyances, souvenirs, aspirations,
expériences, schémas d’explication à la fois culturels et personnels qui exercent une
influence sur notre approche du sujet ne doit pas signifier toujours un refus catégorique de
la valeur des catégories de pensée à priori, soit du sens commun. Et la confrontation
d’approches entre G. Bachelard et Giddens ou Habermas semble tout á fait éclairante à ce
sujet.
Tandis que pour G. Bachelard la qualité du travail scientifique demande une rupture
radicale entre le sens commun et ses préjugés d’une part et la connaissance scientifique,
d’autre part, pour Giddens ou Habermas parler de rupture épistémologique présente
l’inconvénient de disqualifier injustement le sens commun ou les savoirs ordinaires et
d’instaurer une séparation trop stricte entre la «non-science» et la science.
«Il serait plus judicieux de parler de démarcation que de rupture. Aujourd’hui, nombreux sont les scientifiques en sciences sociales qui considèrent qu’il y a davantage continuité que rupture entre le sens commun et la connaissance produite par les scientifiques dans ces disciplines. Ce qu’on appelle le sens commun est d’ailleurs régulièrement le fait des personnes et de groupes très bien informés sur certaines questions et souvent très instruites». (R. Quivy et L. Campenhoudt, 2006 :18)
Chemin faisant nous proposons une définition des concepts clés ainsi qu’une
analyse de leurs dimensions selon la perspective suivie dans cette étude, tout en attirant
l’attention sur la nécessité de dépasser toute approche normative des concepts associés au
management des connaissances à travers une démarche systémique.
Ainsi, tout au long des sections qui suivent, un effort d’explicitation sera-t-il fait
dans une perspective systémique pour clarifier un certain nombre de notions en rapport
avec le management et l’évaluation de l’éducation telles, capital humain, évaluation des
systèmes d’enseignement supérieur, dispositif de gouvernance, management de la qualité,
apprentissage organisationnel (management des savoirs) en association avec les concepts
d’efficacité, amélioration de la qualité, innovation, compétitivité, etc.
Les dimensions stratégiques auxquelles certains auteurs associent le management
des savoirs, notamment dans le monde de l’entreprise seront portées à discussion, d’abord
47
du point de vue des théories du management elles-mêmes puis sur le plateau des
problématiques qui touchent l’enseignement supérieur aujourd’hui.
1.1 L’évaluation entre management de la qualité, management des savoirs et
apprentissage organisationnel
Nous commençons par tenter de montrer les rapports entre management des savoirs
et management de la qualité et comment une démarche d’évaluation peut s’inscrire dans
une perspective de management des connaissances.
Nous tentons également de mettre en relief les dimensions stratégiques qui sont
accordées au management des connaissances dans la littérature, tout en montrant
l’originalité, la pertinence ainsi que les contraintes de ce cadre théorique pour l’analyse de
la gouvernance des universités, selon la perspective initialement préconisée qui pensait de
façon quelque peu déterministe l’institution universitaire comme un lieu de production,
diffusion, partage et capitalisation des connaissances, en l’occurrence des connaissances
stratégiques et dont les effets pourraient être aisément mesurés selon une perspective du
management des savoirs.
Afin de poursuivre cette démarche dans une perspective renouvelée, les
développements qui suivent montrent le parcours poursuivi avec les ruptures
épistémologiques opérées jusqu'à la définition d’un cadre analytique permettant de
considérer une analyse basée sur le management des savoirs comme une approche valable
pour aider à approfondir les connaissances sur le fonctionnement des systèmes
d’enseignement supérieur.
Un vaste champ d’étude remontant aux premiers philosophes grecs et traversant des
générations n’a cessé de se développer depuis en tentant d’éclairer la société au long des
siècles sur ce qui est la connaissance et son importance pour l’humanité.
Définir ce qu’est la connaissance a toujours suscité et continue de susciter des vifs
débats surtout à mesure que l’on met en confrontation des traditions différentes même si on
s’accorde à prendre pour modèle épistémologique l’occidental, étant le plus systématisé et
répandu et qui caractérise à la suite de Platon la connaissance comme « vraie et justifiée »
(Nonaka et Takeuchi, 1997:40).
48
On est cependant encore loin de parvenir à un accord sur ce qui est la connaissance
à analyser les différents points de vue qui opposent les approches de G. Bachelard et
Giddens ou Habermas ci-dessus en ce qui concerne par exemple le passage du sens
commun à la science.
Ni ce chapitre en particulier, ni cette thèse dans son ensemble n’ont pas pour
vocation de discuter sur la connaissance en elle-même mais de tenter de proposer une grille
d’analyse des universités en particulier et des systèmes universitaires en général basée sur
une approche cognitive de l’organisation, ce à partir du moment que des auteurs tels Peter
Drucker (1993) mais aussi, Alvin Toffler, James Brian Quinn et Robert Reich (in Nonaka
et Takeuchi, 1997:25-26), annonçant chacun à leur manière l’avènement d’une nouvelle
économie ou société appelée par Peter Drucker « société de la connaissance » commencent
à mettre en relief une nouveau modèle de management.
1.1.1 Management des connaissances, apprentissage organisationnel ou
organisation apprenante ?
Les auteurs ci-dessus s’accordent pour considérer que le futur appartient aux
personnes dotées de connaissances. Dans une société des connaissances selon Peter
Drucker, c’est le travailleur de connaissances qui est l’actif principal.
La définition du travailleur de connaissance couvre pour ce que nous intéresse
également du point de vue des dirigeants des systèmes universitaires et des établissements
celle du responsable qui inscrit son action en tant que vecteur de la promotion des
connaissances et des apprentissages à des usages productifs et stratégiques.
Dans la présente section nous tentons non seulement de montrer les rapports entre
management des savoirs et une démarche d’évaluation mais aussi de situer celui-là par
rapport aux différents courants des sciences de la gestion, tout en discutant sur les leviers et
contraintes que le management des savoirs peut soulever surtout quand il est appliqué à
l’étude du fonctionnement des systèmes éducatifs .
Cependant, avant de tenter de montrer comment une démarche d’évaluation
participe d’un processus de management de la qualité et la complémentarité entre celui-ci
et le management des connaissances il paraît important de rappeler qu’un certain nombre
49
de concepts se confondant avec la notion de management des connaissances sont donc
fréquemment utilisées comme synonymes dans la littérature. Il y a alors besoin de clarifier
de quoi on parle lorsque sont évoqués les concepts d’organisation apprenante et
d’apprentissage organisationnel en toile de fond de cette thèse.
Cet effort de clarification semble pertinent dans la mesure où il permet d’avancer
vers un consensus sur un certain nombre de notions et concepts clés répétés au cours de
cette étude et dont les auteurs ne semblent pas toujours en accord. En effet, de nombreux
auteurs se sont attelés à proposer des nuances entre pratiques et méthodes de chacune des
démarches ci-dessus mais sans parvenir à un accord. D’ailleurs plusieurs d’entre eux sont
unanimes à les présenter comme des théories faisant l’objet d’une littérature foisonnante
les rendant par ailleurs difficile à circonscrire.
Jean-Yves Prax (2012:17-18) qui propose une typologie de définitions du
knowledge management allant des définitions utilitaires jusqu’aux économiques en passant
par les fonctionnelles et les opérationnelles n’hésite pas dans son livre à déclarer que les
nombreuses définitions proposées dans la littérature qu’il essaie d’analyser n’ont fait que
contribuer à la confusion générale.
En plus le caractère pluridisciplinaire de ce courant d’études, la multiplicité des
perspectives théoriques retenues (behaviorisme, cognitivisme, constructivisme) et la
diversité des niveaux d’analyse impliqués (individuel, groupal, organisationnel) bien que
contribuant, par la complémentarité des angles d’approche, à une meilleure compréhension
d’un phénomène complexe, finit en même temps par favoriser un discours polyphonique
qui ne fait que compliquer les choses.
Le concept d’organisation apprenante tel qu’on l’appréhende aujourd’hui, a été
développé aux Etats-Unis à la fin des années 1980 sous l’impulsion de Peter Senge. Ce
concept est bâti sur l’idée selon laquelle n’importe quel individu, peut développer ses
connaissances et ses compétences afin de générer une plus grande efficacité de l’ensemble
de l’organisation à laquelle il appartient.
Les théoriciens des organisations ont étudié la problématique de l’apprentissage
pendant longtemps mais la diversité des définitions qu’on rencontre dans la littérature
montre que personne n’a encore réussi à définir avec précision ce qui est une organisation
apprenante. La plupart des chercheurs est d’accord pour considérer l’apprentissage comme
un processus qui arrive au long du temps, la liaison avec l’acquisition de connaissances,
50
une compréhension plus approfondie et une meilleure performance mais ils sont en
désaccord sur un certain nombre d’aspects importants.
Certains par exemple, croient qu’un changement comportemental est nécessaire
pour l’apprentissage; d’autres insistent que de nouvelles formes de raisonnement suffisent.
Certains citent le traitement des informations comme un mécanisme à travers lequel
l’apprentissage est réalisé.
D’autres proposent les insights partagés, les routines organisationnels et même la
mémoire. D’autres envisagent le processus interprétatif comme un élément central pour un
apprentissage effectif alors que d’autres se concentrent sur la détection et correction des
erreurs. Et certains encore pensent que l’apprentissage est un phénomène commun, alors
que d’autres croient que les évaluations arbitraires et les erreurs sont la norme.
David Garvin (2003:5-12) qui dépeint l’organisation apprenante comme «une
organisation qui possède la capacité de créer, d’acquérir et de transférer des
connaissances, et celle de modifier son comportement, en fonction des nouveaux savoirs et
en accord avec une nouvelle manière de voir les choses » déplore que la littérature en
agissant par effet de mode en rajoute au refus de certains managers à adopter le modèle de
l’organisation apprenante, la voyant plutôt comme un phénomène de la nouvelle ère, dont
l’objectif est d’augmenter le potentiel humain que les résultats du bilan. Pour lui les
chercheurs et les auteurs sont partiellement responsables car dans la plupart des cas, leurs
discussions sur l’organisation apprenante ont été utopiques et pompeuses.
Cette critique est relayée par Philippe Baumard qui parle d’une organisation
idéalisée sans rien à voir avec les jeux de pouvoir typiques qui déchirent les espaces de
travail, celle décrite d’abord par Senge qui la présente comme «un lieu où les gens étendent
continuellement leur capacité à créer des résultats qu’ils désirent vraiment, où des modes
de pensée nouveaux et étendus sont encouragés, où l’inspiration collective est libre, et où
les gens apprennent continuellement à apprendre ensemble», puis par Nonaka qui décrit
les organisations créatrices de connaissances comme des lieux « où l’invention de
nouvelles connaissances n’est pas une activité spécialisée mais une façon d’agir, d’être,
au sein de laquelle chacun est un artisan de la connaissance ». (Baumard, 1995:1)
Une source complémentaire de déconfort vis-à-vis de l’apprentissage
organisationnel est liée à la recherche de stabilité et de prévisibilité dont les managers sont
avides. Dans la plupart des organisations l’efficience est un objectif sacré, mieux atteinte à
51
travers des routines bien établies. L’apprentissage de son côté demande un constant
questionnement et suivi d’évaluations des pratiques établies. Le scepticisme et l’esprit
ouvert sont essentiels mais comme beaucoup de dirigeants ne supportent pas l’idée d’un
défi à leurs croyances, l’évaluation et l’organisation deviennent jusqu’une certaine mesure
des expressions contradictoires.
L’apprentissage se produit finalement dans la plupart des cas plutôt comme une
négligence bénigne et non par un soutien actif et c’est pour toutes ces raisons, selon Garvin
que celui-là doit encore établir son territoire dans des nombreuses organisations.
Même conscient que l’établissement de rapprochements passe par des nuances dans
cet exposé nous préférons mobiliser, tour à tour, sans entrer dans de telles nuances, les
expressions d’apprentissage organisationnel, organisation apprenante et management des
savoirs (management des connaissances) pour désigner les approches cognitives de
l’organisation, leur théories, méthodes et pratiques appliquées dans l’analyse de la
gouvernance des systèmes d’enseignement supérieur.
Ainsi, lorsque évoquons-nous l’un ou l’autre terme ci-dessus c’est pour parler à la
fois d’organisation apprenante, d’apprentissage organisationnel ou management des
connaissances, englobant également les pratiques de management de la qualité comme
nous allons voir ensuite.
Nous comprenons l’apprentissage organisationnel comme l’élargissement et le changement du système de valeurs et de connaissances, l’amélioration des capacités de résolution de problèmes et d’actions ainsi que le changement du cadre commun de référence des individus à l’intérieur d’une organisation. (Probst, Gilbert et Büchel, Bettina, 1995 :15-16)
Les démarches d’évaluation sont à inscrire dans le management des savoirs selon la
perspective suivie dans cette étude. Les effets de l’évaluation incluent la création, diffusion
et le partage de nouvelles connaissances, c'est-à-dire également de nouveaux
apprentissages chez les individus, les groupes et des organisations. Les hypothèses que
nous tentons d’observer dans cette thèse tiennent compte des pratiques d’évaluation dans
l’enseignement supérieur mozambicain où nous tentons d’observer les corrélations entre
les effets d’apprentissage et l’amélioration de la qualité recherchée.
52
1.1.2 L’évaluation comme forme de management des connaissances
Alors que la gestion des connaissances se centre sur la collecte, diffusion et
capitalisation des savoirs individuels et organisationnels mis au service d’une stratégie, le
management de la qualité visant la plus grande satisfaction des usagers, le respect des
normes et l’efficience tout en contribuant à la formalisation des connaissances
individuelles garantit non seulement la traçabilité mais surtout la preuve de tous les
processus organisationnels.
Ces deux théories semblent avoir leur place dans les approches modernes de
l’administration publique, notamment dans leur volet dit New Public Management qui va
tenter d’impulser l’efficacité du service public en l’envisageant à la manière d’une
entreprise.
Parallèlement, nous posons que l’évaluation peut être étudiée comme une forme de
gestion des connaissances, dans la mesure où elle procède par une méthode scientifique,
basée sur la construction des critères et indicateurs pour interroger un système, récolter des
informations et établir des diagnostics ou formuler des recommandations, dans le cadre
d’une problématique donnée.
L’évaluation participe de la gestion des connaissances dans la mesure où elle
renforce l’interaction des acteurs, obligeant à la réunion de synergies et de compétences
entre différents acteurs organisationnels, notamment entre décideurs, experts et les
opérationnels qui sont obligés à négocier, y compris des savoirs nouveaux qu’ils doivent
co-construire en partenariat. Ce faisant l’évaluation participe de la génération de nouvelles
connaissances qui peuvent être absorbées et réintroduites ensuite pour l’évaluation de
nouveaux projets (Prax, 2005).
L’évaluation comme forme de gestion des connaissances est une approche assez
présente dans la littérature du management y compris dans le management de l’éducation
et de la formation. Cette idée de l’évaluation au centre de l’apprentissage organisationnel
est inhérente aux différentes phases de l’évaluation, c’est-a-dire : l’évaluation de contexte,
l’évaluation des inputs ou intrants, l’évaluation des processus et l’évaluation des produits
(C.I.P.P.), à travers lesquelles l’intervenant récolte et traite les informations cruciales à la
prise des décisions. Notons avec, Xavier Roegiers (1997:56-57) se référant à Stufflebeam
(1974, 1985) le caractère itératif et non étanche de ces différents types d’évaluation.
53
« Stufflebeam insiste sur les interactions entre ces différents types d’évaluation et de décision : ainsi, par exemple, l’évaluation de produit peut conduire à des ajustements des objectifs de l’action d’éducation ou de formation (nouvelles évaluation de contexte) ou des stratégies prévues (nouvelles évaluation d’intrants). De même, l’évaluation de processus peut conduire in fine à une nouvelle évaluation d’intrants, voire une nouvelle évaluation de contexte » (Roegiers, 1997:57)
La même idée se trouve relayée dans le discours public et institutionnel à l’occasion
des études d’impact, par exemple, dans lesquelles il est fréquemment question d’un bilan
des leçons apprises à la suite d’une intervention et dans la perspective de l’amélioration
d’une politique ou d’un programme. Ainsi, lorsqu’on parle de suivi-évaluation, on retrouve
dans plusieurs sites institutionnels, entre autres, l’idée d’une collecte régulière ou
permanente de donnés à la base d’indicateurs de performance pendant l’exécution d’un
projet, ou l’idée d’analyse des activités et de l’impact (effets, efficacité) et
recommandations à un moment donné à la base d’indicateurs de succès indiquant
l’achèvement de l’objectif du projet.
Rappelons qu’auparavant le management de la qualité avait pris soin d’affirmer dès
son origine l’importance à accorder à l’évaluation dans le processus de gestion d’une
organisation. Il suffit d‘observer attentivement la roue ou le cycle de Deming où
l’évaluation (check) apparaît tout de suite comme une plaque tournante du cycle de
planification organisationnel. Il est, en effet, impossible de parler d’objectifs qualité sans
parler de « management de la qualité » et du PDCA, illustrée par la roue de Deming, une
méthode de gestion de la qualité toujours actuelle. (MARGERAND, J. et GILLET-
GOINARD, F. 2006).
Son nom vient du statisticien William Edwards Deming qui sans inventer le
principe, l'a rendu populaire, au Japon dans les années 1950. La roue de Deming est un
moyen mnémotechnique permettant de repérer avec simplicité les étapes à suivre pour
améliorer la qualité dans une organisation.
La méthode comporte quatre étapes (Plan-Do-Check-Act), chacune entraînant
l'autre, et vise à établir un cercle vertueux. Sa mise en place doit permettre d'améliorer sans
cesse la qualité d'un produit, d'une œuvre, d'un service, etc. Notons en guise de
confirmation de la complémentarité entre management de la qualité et management des
54
savoirs la proposition faite par Prax (2012: 138) d’un PDCA de la capitalisation des
connaissances parmi les méthodes et outils de pilotage qu’il propose dans son guide du
Knowledge management.
1.2 Le management des savoirs parmi les sciences du management
Selon Penrose, 1959:77 (in Nonaka et Takeuchi, 1997:54) bien que les économistes
trouvent le sujet de la connaissance trop délicat pour pouvoir être traitée, le rôle joué par
l’augmentation de connaissance dans les processus économiques a été toujours reconnu.
La plupart des théories économiques ont en effet, implicitement ou explicitement reconnu
la connaissance comme un facteur important dans les phénomènes économiques
Une synthèse de lectures (G. Lécrivain, s.d) nous aide à situer le management des
savoirs dans les théories des organisations. En fait le management des savoirs, dit aussi
management des connaissances s’inscrit dans une vaste vision moderne de l’organisation
se trouvant parmi les théories les plus récentes de tout un ensemble de réflexions sur le
fonctionnement de l’entreprise lui-même initié au début du siècle passé par Taylor Ford,
Fayol et Weber, qui vont poser les bases d’une vision mécaniste et scientifique de
l’organisation du travail.
Parmi les initiateurs des approches cognitives de l’organisation, on retrouve les
auteurs tels Argirys, March mais aussi Senge, Nonaka, entre autres qui vont placer le
facteur humain au centre de la productivité des entreprises. La productivité s’explique par
l’utilisation optimale des deux facteurs de production que sont le capital technique et le
capital travail. Ce dernier plaçant le salarié comme facteur premier de la productivité (on
parle aussi de capital humain), le ressort de cette productivité reposera en grande partie sur
ses savoirs et compétences.
Les approches cognitives décriront l’importance de l’apprentissage individuel
quand il se place notamment au service de l’apprentissage organisationnel. Dotée d’un
capital cognitif, l’entreprise pourra s’appuyer sur ses savoirs et compétences clefs pour
développer des stratégies et évoluer.
Cyert et March (1963) vont identifier l’organisation comme un système ouvert
rationnel qui évolue et s’adapte en fonction des apprentissages antérieurs. L’organisation
est donc dotée d’une mémoire collective et l’expérience passée lui permet de s’adapter en
55
fonction des apprentissages antérieurs. Ce processus de changement organisationnel
endogène repose sur l’accumulation d’expériences et sur des apprentissages qui permettent
la mise en place de routines dynamiques caractérisant les savoir-faire des individus.
Le caractère dynamique de ces routines caractérise également l’interaction avec
l’environnement : l’organisation modifie ses comportements, adapte ses savoir-faire sous
l’influence de l’environnement. Donc, l’apprentissage organisationnel repose sur
l’intégration conjointe des expériences passées et des contingences environnementales
pour permettre une dynamique de changement.
A leur tour Argirys et Schön (1978) sont les fondateurs du concept d’apprentissage
organisationnel qu’ils présentent dans une perspective individuelle : ils distinguent un
mode d’apprentissage «en simple boucle » qui permet à l’individu d’apprendre mais sans
permettre à l’organisation de capitaliser ses savoirs-faire et compétences et l’apprentissage
«en double boucles» qui, grâce à des procédures de concourance, de mutualisation de
savoirs permet à l’organisation d’être « apprenante». Argyris insistera également sur le rôle
de l’erreur qui stimule le processus d’apprentissage dans une logique de résolution de
problèmes.
Nonaka et Takeuchi vont présenter l’organisation comme un lieu de création de
connaissances constituant un capital déterminant pour forger et développer un avantage
concurrentiel, le savoir étant vu comme la seule source d’avantage concurrentiel durable.
Cette approche a largement influencé le concept et les pratiques du Knowledge
management. Dans le processus de création de connaissances, il convient de distinguer le
savoir explicite, c’est à dire les connaissances formalisées et facilement transmissibles, des
savoirs tacites non codifiables et ne pouvant être traduites par le discours sans altération.
Pour faire vivre le capital intellectuel de l’organisation, Nonaka et Takeuchi
proposent « une spirale de la diffusion et appropriation des connaissances qui s’appuie sur:
- la socialisation : multiplier les occasions d’échanges de savoirs tacites (concourrance
dans des groupes de projets,…); - intériorisation : processus propre à la représentation et à
« la digestion » du savoir ; - l’extériorisation : traduction et expression du savoir tacite qui
se transforme en savoir explicite; - la combinaison : la confrontation et le maillage des
savoirs explicites pour construire des sources d’avantages concurrentiels (comme la
capacité d’innovation, par exemple).
56
David Garvin estime pour sa part que pour devenir apprenante l'organisation doit
développer cinq activités, à savoir la résolution de problèmes en groupe ;
l'expérimentation : lancer un projet, faire une expérience pilote, etc. sont des occasions
d'apprentissage ; tirer les leçons des expériences : prendre le temps de dresser un bilan des
succès comme des échecs ; apprendre avec les autres : clients, partenaires, fournisseurs,
etc. ; transférer les connaissances.
L’auteur considère cette dernière activité comme cruciale dans la mesure où elle
permet de mettre à la disposition de ceux qui en ont besoin une base qui rassemble les
connaissances utiles. Il souligne que plus qu’un modèle, une organisation apprenante est un
état d’esprit et que cette démarche se doit d’être considérée comme un véritable projet
d’entreprise impliquant l’ensemble des acteurs.
Bien que les théories cognitives de l’organisation se nourrissent à l’image des
sciences de la gestion de multiples disciplines (la micro-économie, la sociologie, la
psychosociologie,…) et que les théoriciens s’efforcent à démontrer les approches
holistiques sous-jacentes, lorsqu’envisagées d’un pont de vue pratique il reste toujours
l’impression de théories qui laissent échapper des aspects importants sans l’étude desquels
une compréhension du fonctionnement des organisation ne sera jamais convaincante.
1.2.1 Les avantages du management des savoirs
Les théoriciens du management des connaissances dont Senge mettent en relief un
certain nombre de bienfaits de la démarche non seulement pour les entreprises mais aussi
dans des systèmes plus globaux, Nonaka et Takeuchi allant même jusqu’à expliquer le
succès du Japon face à l’occident en matière d’innovation à travers une philosophie qui
accorde de l’importance aux savoirs tacites.
Bien sûr il y a eu les crises des années 1990 qui peuvent mettre en cause ce
paradigme. Certainement liées à des facteurs d’ordre sociopolitique et autres, ces crises
successives qui ont ébranlé les surnommés tigres asiatiques ont tout de même eu des
impacts inattendus sur le développement d’un groupe de pays dont le progrès rapide était
associé, en partie, à l’adoption de modèles de gestion proches de ceux du mouvement de
l’organisation apprenante.
57
Les auteurs de ce courant démontrent, néanmoins, dans leurs travaux respectifs
l’importance accordée à la connaissance dans cette nouvelle ère économique de la
compétition en citant les exemples de pays comme le Japon, la Corée, Singapour, la
Malaisie etc. qui ne détenant pas les ressources de l’économie traditionnelle, ayant
déterminé le succès économique à l’ère industrielle (ressources naturelles, main-d’œuvre
bon marché en abondance), ont tout de même obtenu des avantages compétitifs à travers
l’utilisation de l’intelligence et de l’engagement de leurs populations.
L’utilisation de la connaissance à des fins stratégiques est fortement associée aux
traditions notamment d’ordre épistémologique qui influencent les modes de production et
ont un grand impact sur l’innovation dans les entreprises selon Nonaka et Takeuchi
(1995). Cette conclusion est le résultat d’une comparaison mettant en scène deux
conceptions épistémologiques non nécessairement opposées mais qui peuvent expliquer la
différence de comportements vis-à-vis de la créativité entre les entreprises en occident et
les entreprises japonaises, en l’occurrence.
1.2.1.1 Deux conceptions épistémologiques distinctes, des rapports différents aux
savoirs
Ce qui distingue les japonais des occidentaux en termes de production de
connaissances stratégiques est de l’ordre de deux philosophies distinctes. La grande
différence semble venir du fait que les occidentaux tendent à mettre l’accent sur la
connaissance explicite alors que les japonais insistent sur la connaissance tacite. Dans la
conception de Nonaka et Takeuchi (1997 :79-81) la connaissance tacite et la connaissance
explicite ne sont pas totalement séparées mais des entités mutuellement complémentaires.
Alors que la connaissance tacite est personnelle, spécifique au contexte et de ce fait,
difficile à formaliser et à communiquer, la connaissance explicite ou codifiée se réfère à la
connaissance qui est transmissible dans un langage formel, systématique.
«Elles interagissent et se transforment dans les activités créatrices des
êtres humains. Notre modèle dynamique de création de connaissances est ancré dans le postulat fondamental que la connaissance humaine est créée et étendue au travers de l’interaction sociale entre connaissances tacites et explicites» (Nonaka et Takeuchi, 1997: 81)
58
Contrairement à la conception habituelle qui consiste à considérer les entreprises
japonaises non pas comme réellement innovantes mais plutôt performantes en matière
d’imitation et d’adaptation, les auteurs montrent que le succès des entreprises japonaises
est plutôt lié à leur capacité de création des connaissances.
«Les entreprises japonaises restent une énigme pour la plupart des observateurs occidentaux. Elles ne sont pas particulièrement efficientes, entrepreneuriales ou libérées. Pourtant elles ont amélioré lentement mais surement leurs positions dans la compétition internationale. Pourquoi les entreprises japonaises ont-telles connu un tel succès ? […] Nous affirmons que les entreprises japonaises ont connu le succès grâce à leur capacité et à leur expertise en matière de création de connaissances organisationnelles. Par création des connaissances organisationnelles nous entendons la capacité dune entreprise dans son ensemble à créer de nouvelles connaissances, à les diffuser en son sein et à les incorporer dans ses produits et systèmes. La création de connaissances organisationnelles est la clé par laquelle les entreprises japonaises se distinguent en matière d’innovation. Elles sont particulièrement performantes dans la réalisation d’innovations continuelles, incrémentales et en spirales. Cette vue va à l’encontre de ce que la plupart des occidentaux pensent des entreprises japonaises» (Nonaka et Takeuchi, 1997:22)
Parallèlement, en essayant d’analyser l’essor de grands groupes industriels, de part
le monde, Peter Senge (1990) explique, en montrant les liens entre management de la
qualité et gestion des connaissances, comment la philosophie du management de la qualité
(TQM) a contribué à révolutionner divers secteurs et comment cette philosophie
d’amélioration continue des processus physiques comme le montage et la distribution de
produits pourrait être étendue au développement continu de la connaissance des systèmes
sociaux.
« Parmi les entreprises qui ont le plus évolués dans le développement de ce type de capacités d’apprentissages proposées dans « A Quinta Disciplina », la plupart ont été pionnières dans le TQM comme le sont la plupart au Brésil » (Peter Senge, 1990 :13)
Ingham dans l’introduction à l’édition française de « la connaissance créatrice » de
Nonaka et Takeuchi révèle, pour sa part, l’intérêt porté à la création des connaissances et à
l’apprentissage organisationnel. Ses sources se trouvent dans l’observation selon laquelle
les environnements des organisations sont marqués par des modifications rapides, une
59
complexité plus grande et une incertitude plus prononcée, exigeant un développement
stratégique permettant une plus grande capacité d’action et de réaction qui se traduit par un
besoin d’apprentissages plus rapides et efficaces.
C’est selon lui, pour cette raison que de nombreux chercheurs privilégient l’analyse
des processus et comportements organisationnels et s’intéressent davantage à la création et
à la valorisation des ressources de l’organisation où les connaissances occupent une place
importante. Soutenant la thèse de la théorie de création des connaissances de Nonaka et
Takeuchi : « la fonction première de l’organisation est la création d’un avantage
concurrentiel basé sur son intelligence collective, l’entreprise devenant donc un lieu
privilégié de création des connaissances », Marc Ingham, in Nonaka et Takeuchi, 1997)
rappelle un certain nombre de défis auxquels sont confrontées les entreprises et qui
méritent une attention particulière à notre sens pour l’étude que nous menons.
« La création de connaissances et la capacité d’apprentissage permanents sont devenues des éléments fondamentaux de leur compétitivité et pourraient compter parmi les meilleures garants de leurs performances à long termes. Les connaissances implicites et explicites détenues dans les organisations constituent une des ressources clé, voire la ressource fondamentale, lui permettant de bénéficier d’avantages concurrentiels significatifs au travers des processus d’apprentissage qui les créent et les valorisent. Le développement systématique de nouvelles connaissances implique des innovations en matière de produits, de processus et d’organisation. Ces innovations offrent des contextes propices à la création des connaissances par l’apprentissage organisationnel car elles se présentent sous forme de projets et sont par nature proactives. Le développement d’une telle capacité nécessite de se focaliser sur un ensemble de déterminants qui favorisent l’éclosion et la réalisation de ces processus ; il s’agit de variables liées conjointement à l’organisation et á la stratégie » (Marc Ingham: 2 in Nonaka et Takeuchi, 1997)
La capacité d’apprentissage organisationnel en tant que levier d’innovation et de
compétitivité d’un système serait proportionnelle à la capacité de l’organisation, vis-à-vis
de sa mission, à adopter et à faire preuve de l’application de démarches managériales
orientées vers la production et diffusion des connaissances tacites ou explicites.
L’ensemble des avantages qu’on accorde au management des connaissances
représentait ainsi pour nous un attrait pour l’évaluation des universités qui sont aussi à la
recherche de l’efficacité. Cette démarche d’analyse des universités devenait par conséquent
originale mais avant une confrontation de la littérature du management avec le terrain
60
d’enquête d’une part et avec la littérature de l’évaluation dans l’enseignement supérieur qui
nous restait encore inconnue, d’autre part.
Différemment de la littérature de l’évaluation de l’éducation générale, la recherche
sur l’évaluation de l’enseignement supérieur qui commence à se développer surtout à
partir du début des années 1990 est beaucoup plus récente. D’où le détour qui a dû être
poursuivi dans cette étude jusqu’à parvenir à un cadre d’analyse cohérent avec les
problèmes qui se posent vraiment aux acteurs de l’enseignement supérieur aujourd’hui.
La découverte de la littérature de la gouvernance de l’enseignement supérieur va
révéler un tiraillement dans la tentative de définition de ce qu’ est l’université. Elle est vue
en même temps comme une institution, une administration, une entreprise (Dubois, 2003),
d’autant plus qu’elle va se trouver au centre de discussions, des disputes et résistances sur
les orientations qu’elle doit suivre dans un contexte marqué par le nouveau paradigme de
l’évaluation de la qualité.
1.3 Différentes entrées pour cerner l’objet de la thèse, résistances à l’évaluation
Etant donné la nature quelque peu novatrice aussi bien de la problématique que du
cadre théorique mobilisé dans cette thèse, plusieurs entrées ont dû entre envisagées avant
de parvenir à la définition d’un cadre d’analyse permettant d’avancer avec le projet de
recherche.
Nous proposons dans cette section les différentes tentatives d’entrées par la
littérature jusqu’à ce que nous parvenions à l’identification d’un champ de recherche sur la
gouvernance de l’enseignement supérieur avec ses propres cadres analytiques, critères et
dynamiques dans lesquels allaient finalement s’inscrire la présente étude.
Nous analysons ici quelques dimensions de l’évaluation ainsi que de la démarche
qualité depuis leurs origines dans le monde de l’industrie avant leur entrée dans celui de
l’université tout en montrant la pertinence d’adopter une démarche systémique et
pluridisciplinaire surtout, afin de cerner la démarche qualité tout en tenant compte des
dynamiques et des contextes spécifiques dans lesquels s’inscrivent les systèmes
universitaires.
S’agissant à la fois d’une problématique en lien avec le management, la première
tentative que nous avons réalisée pour cerner notre sujet a consisté à tenter de relever dans
61
la littérature du management ce qui se dit sur les démarches qualité et l’évaluation du point
de vue des universités. Inutile de dire que cette tentative a été vaine mise à part
l’exposition à un certain nombre de critères et principes de la démarche qualité en
entreprise dont la découverte va ensuite permettre de faire les distinctions qui s’imposent
avec le monde de l’éducation.
En réalité, l’organisme qui fait référence en matière de qualité est l’ISO :
International Organization for Standardization lequel présente les termes et définitions
relatifs aux concepts de qualité dans la norme ISO 9000. Selon l’ISO, la qualité désigne
l’aptitude d’un ensemble de caractéristiques intrinsèques à satisfaire des exigences, sachant
que l’exigence est un besoin ou une attente formulé, habituellement implicite ou imposé et
qu’une caractéristique peut avoir différents traits distinctifs, à savoir :
Qu’elle peut être intrinsèque ou attribuée, qualitative ou quantitative; Qu’il existe
différents types de caractéristiques, tels que : - Physiques, par exemple mécaniques,
électriques, chimiques, biologiques; - sensorielles, par exemple odeur, toucher, goût, aspect
visuel, sonorité ; - Comportementales, par exemple courtoisie, honnêteté, véracité ;
Temporelles, par exemple ponctualité, fiabilité, disponibilité ; Ergonomiques, par exemple
caractéristique physiologique ou relative à la sécurité des personnes ; Fonctionnelles, par
exemple vitesse maximum d’un avion.
On voit bien l’application plus ou moins aisée de ces indicateurs de la qualité dans
le monde des affaires et des produits et services que l’on peut mesurer de façon plus ou
moins tangible. Nous n’en dirions pas autant de leur application pour mesurer la qualité
d’un service comme l’éducation.
Le concept de qualité nous vient, en effet, du monde de l’industrie et renvoie à
l’idée de conformité à une norme et à la satisfaction d’un objectif, mais les auteurs
s’accordent, en général, sur l’aspect relativement subjectif du terme ainsi que sur la
difficulté à trouver une définition acceptée à l’unanimité. Notons avec (Philippe Détrie,
2001:21) la multitude des appellations qui circulent pour désigner le management de la
qualité et qui disent toute la complexité du problème : TQC (Total Quality Control),
CWQC (Company Wide Quality Control), GQG (Gestion de la Qualité Globale), MQT
(Maîtrise de la Qualité Totale, TQM (total Quality management).
Après cet essai d’entrée à travers la littérature du management de la qualité en
entreprise, la tentative suivante a été d’identifier dans la littérature sur l’évaluation de
62
l’éducation en général ce qui pouvait se dire sur les pratiques d’évaluation dans
l’enseignement supérieur. Cette tentative n’a pas été fructueuse non plus, mise à part la
découverte de la distinction qui est faite entre le champ de l’évaluation de l’éducation en
général et celui de l’évaluation dans l’enseignement supérieur.
Ce d’autant que les problématiques de l’évaluation de l’enseignement supérieur et
les démarches qualité qui les accompagnent ont intéressé depuis le début des années 1990
pratiquement un groupe d’universitaires et chercheurs complètement distincts dans leurs
approches méthodologiques et épistémologiques de ceux qui ont porté les regards sur
l’enseignement primaire et secondaire depuis longue date déjà.
La tentative d’entrée qui s’est suivie, parallèlement aux premiers entretiens et
observations du terrain a permis d’identifier le surgissement pratiquement ces 20 dernières
années d’un champ de recherche autour de l’évaluation dans enseignement supérieur dont
les publications commencent à abonder et qui s’inscrira petit à petit dans le domaine de la
gouvernance des systèmes et établissements universitaires.
Il est à souligner les recherches développées à partir des organismes dédiés à
l’éducation à l’échelle internationale tels l’UNESCO, l’OCDE, l’ENQA mais aussi celles à
l’initiative des agences nationales et internationales d’évaluation et accréditation de la
qualité qui œuvrent ces dernières années à la promotion des normes et méthodes à travers
la production d’un certain nombre de guides, référentiels et rapports.
Sur fond de critiques et controverses, comme la vision entrepreneuriale de
l’université sur laquelle nous revenons ci-dessous, le développement d’un réseau
international d’évaluation de la qualité est en cours avec une préoccupation, entre autres,
de trouver des points de convergence entre les différents systèmes d’enseignement
supérieur.
Ce mouvement de plus en plus remarquable à travers la mise en place d’un certain
nombre de guides de références en ligne pour le management de la qualité (UNESCO,
OCDE, 2012; ENQA, 2006) dans un travail commun réunissant différents organismes et
pays suggère en même temps et fortement la prise en comte d’une démarche comparative
qui tienne compte des contextes dans les différents systèmes éducatifs.
Les travaux de Despréaux (2010) et Lise Demailly (2001: 213-215), entre autres
concluent sur cette nécessité de prendre en compte l’influence des cultures nationales
63
(administratives, religieuses, professionnelles) et autres aspects de la régulation normative
lors des comparaisons internationales.
1.3.1 L’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur
Dans le domaine de l’enseignement supérieur on retrouve de multiples
conceptions de la qualité, si bien que les organismes internationaux impliqués dans la
promotion d’une culture d’éducation supérieure de qualité convergent à présenter la qualité
comme un concept multidimensionnel, complexe et évolutif (UNESCO, 2011). En effet,
selon les cas, la qualité est définie comme adéquation aux objectifs, adéquation aux
finalités, excellence, seuil ou référence minimale, amélioration continue, bon rapport
qualité prix, satisfaction du consommateur.
Tout comme nous avons vu avec (Philippe Détrie, op.cit) la complexité à trouver
une définition acceptée à l’unanimité même pour les produits tangibles comme ceux de
l’industrie et des services, la proposition d’ Harvey et Green 1993 ( in Georges Stamelos et
Aggelos Kavasakalis :79, Fave-Bonnet, coord. 2010 ; Sauvca, 1997:5-6, in Eleanor
Lemmer, 2006 :162), selon laquelle il existe plusieurs définitions de la qualité en dit autant
lorsqu’on cherche à déterminer la qualité en éducation supérieure. Harvey et Green
proposent quatre critères pour analyser la qualité, soit:
- La qualité comme excellence : est traditionnellement associée à quelque chose de
spécial et de distinguée par rapport aux autres, l’excellence est en fait le symbole
même de l’élitisme. La réputation des universités comme Harvard, Cambridge ou la
Sorbonne entrent dans cette définition de la qualité.
- La qualité comme capacité à atteindre des objectifs : Ce concept exige qu’un
produit ou un service réponde aux besoins, aux exigences ou aux désirs du client.
Bref, les universités doivent déclarer ce qu’elles tiennent à faire, faire ce qu’elles
avaient déclaré et prouver à des tiers qu’elles ont fait ce qu’elles avaient déclaré.
- La qualité comme valeur pour l’argent : c’est une perspective économique qui
établit un lien direct entre coût et qualité. Cette définition accentue le rôle de l’État
à exiger une meilleure «efficacité» pour l’investissement reçu. À des buts précis, un
«produit» doit répondre aux attentes précises d’un «client». En se concentrant sur
64
l’atteinte d’objectifs nommés, on oublie de se questionner sur la pertinence des
objectifs fixés au départ.
- La qualité comme transformation: La qualité est comprise comme une
transformation attendue qui ne se limite pas à des traits extérieurs, comme par
exemple un changement extérieur, mais par contre, vise á la transformation
cognitive. Ainsi, l’université « transforme le client plutôt que de faire quelque
chose pour le client ». Cette définition fait davantage référence à la perception des
diplômés quant à l’effet de l’éducation sur leur vie. L’acquisition de connaissances
et compétences permet une meilleure préparation intellectuelle critique pour faire
face aux préjudices et obstacles sociaux, il revient donc aux diplômés de considérer
l’impact de leur apprentissage sur leur vie.
Proche des dimensions ci-dessus Dirk Van Damme (2004), cité par Christophe
Michaut qui s’interroge dans un article sur les problèmes de mesure que posent les
questionnaires de satisfaction proposés aux étudiants, considère pour sa part que la qualité
de l’enseignement supérieur recouvre quatre significations principales, c’est-à-dire :
« L’excellence des programmes, leur niveau de difficulté et la forte sélectivité des étudiants ; la réalisation des standards de base comme par exemple, la garantie que les étudiants diplômés détiennent tous « a minima », un ensemble de compétences ; l’efficience de la formation ou de l’établissement représentant par exemple, l’amélioration du processus d’apprentissage à moindre coût dans un contexte donné. La qualité est alors estimé á travers la valeur ajoutée produite ; la satisfaction du « consommateur » (client). La qualité se mesure à l’aune de sa capacité à satisfaire la demande des étudiants ou des employeurs ». (Michaut:175-176, in Bedin, dir. 2009)
La définition de la qualité et les méthodes employées pour l’évaluer varient en
réalité sensiblement selon les dispositifs et les agences. Selon les contextes dans lesquels
on se situe, selon les points de vue où on se place on donne au mot qualité un sens plus ou
moins différent et cette diversité se répercute sur les méthodologies d’évaluation utilisées.
En réalité, les dimensions de l’évaluation sont variées. Les approches des
problèmes de l’évaluation abondent et se distinguent fortement les unes des autres. Entre
ces différentes conceptions, se trouvent de multiples possibilités les opposant ou les
combinant plus ou moins.
65
Alain Bouvier (1995:146) tout en notant le problème particulier posé par
l’évaluation d’un service comme l’éducation puisqu’il y a simultanément production du
service et sa consommation, distingue celles centrées sur la mesure et qui privilégient une
optique méthodologique étroite, jusqu’à celles qui ne veulent prendre en compte qu’une
logique épistémologique et recherchent la construction du sens à travers l’analyse. On
trouvera encore opposées selon l’auteur, les visées de production de connaissances sur le
système complexe évalué et la volonté d’optimisation des actions dans un souci d’aide à la
décision.
L’évaluation peut également être désignée comme l’ensemble des procédures,
critères et référentiels mobilisés afin de mesurer et de déterminer la qualité d’un système,
ainsi que d’apprécier et porter un jugement sur les moyens humains, juridiques, financiers
et matériels engagés dans une intervention. Selon les démarches et les effets recherchés la
notion d’évaluation peut encore, au moins, recouvrir ou même se confondre avec les
notions d’audit, de contrôle, d’inspection ou encore de supervision.
En effet, comme nous montre Alain Bouvier(1995 :162), dès que l’on parle de
l’évaluation d’un projet d’établissement, sont évoqués pêle-mêle, tout à la fois, audits
internes, externes ou participatifs, pilotages, contrôles, auto-analyse, auto-évaluation,
évaluations internes, sauvages, spontanées, naïves, externes, savantes, formalisées, non
formalisées.
L’évaluation est un processus dans le processus auquel il rapporte. Avec
l’évaluation on cherche à mieux comprendre et à connaitre pour faire mieux. On évalue
pour mieux faire et mieux agir. L’évaluation enclenche ou s’intègre dans un processus
permanent de perfectionnement du microsystème évalué, étroitement lié à la décision et à
l’action, souligne l’auteur.
Mais la présentation de ces approches plutôt classiques ne va pas sans la nécessité
d’un travail d’explicitation des enjeux de l’évaluation. C’est ainsi que Lise Demailly
(2001 : 21-22) en prenant comme exemple l’éducation nationale française attire l’attention
sur la nécessité d’observer les objectifs et les valeurs qui sous-tendent la diversité des
évaluations mises en œuvre sous peine de tomber dans le piège des descriptions naïves ou
normatives du genre: « rationnaliser les coûts », « fournir l’image la plus exacte possible »,
« aider à l’optimisation de l’action », ou autres définitions idéales de l’évaluation comme
cognitive, formative ou communicative par nature.
66
« L’évaluation consiste à partir d’une commande externe ou d’une décision interne, à produire des connaissances sur l’action passée ou sur l’état des choses actuel, en vue de la conduite de l’action future. Autrement dit, l’évaluation n’est jamais purement une question de science, mais toujours en même temps, et avant tout, une question d’action, une question de pouvoir » (Demailly, 2001 : 21-22)
L’auteur poursuit en posant que les évaluations ont toujours une composante
stratégique au sens de l’analyse de Crozier et Friedberg et notamment de Friedberg qui en
explicite l’intention avant tout méthodologique. Dans cette perspective, la mesure des
indicateurs d’efficacité, de qualité ou encore d’innovation et compétitive d’un système
n’est jamais exemptée d’une analyse de la signification que chaque acteur a des
phénomènes selon ses ressources et sa position au sein d’une organisation.
Dans cette perspective, finissant par porter une critique sévère et démystifier les
révélations sur les effets attribués au management des connaissances dans l’amélioration
des systèmes et l’innovation, Valérie Chanal attire notre attention sur le caractère normatif
d’une certaine littérature du management, présentant les problématiques du rapport entre
gestion des connaissances et innovation comme si d’une boite noire il s’agissait en oubliant
que ce qui constitue un avantage compétitif basé dans les savoirs pour un groupe peut être
tout a fait le contraire pour un autre groupe.
« La connaissance est à la fois une source et une barrière pour l’innovation. Par exemple, les caractéristiques des connaissances qui permettent la résolution de problèmes d’innovation à l’intérieur d’un groupe ou d’une fonction peuvent dans le même temps empêcher la circulation des connaissances et la résolution de problèmes entre les groupes ou les fonctions. Il est donc important de s’intéresser aux espaces de connaissances et à leurs frontières ». (Valérie Chanal, 2004:1).
L’auteur, dans son analyse propose trois modèles de gestion des connaissances (le
modèle systémique, le modèle sociocognitif et le modèle pragmatique) qui correspondent à
la fois à des fondements théoriques et à des pratiques managériales contribuant à regarder
l’innovation comme un processus à comprendre et à étudier en tant que tel, et non comme
une boîte noire assurant la transformation d’inputs comme les dépenses de R&D ou les
connaissances en outputs, les innovations.
67
Elle reproche aux approches théoriques de la gestion des connaissances d’être
souvent relativement « désincarnées » et de traiter la connaissance comme un objet destiné
à être stocké et transféré en vue de la création d’un ordre social nouveau, soit l’innovation
mais sans prendre vraiment en considération les représentations des acteurs et le sens
qu’ils donnent aux connaissances et à leurs actions.
De retour dans le monde des universités, on peut inscrire dans la même veine
l’étude de (Georges Stamelos et Aggelos Kavasakalis, 79-95 in FAVE-BONNET, coord.
2010) sur les universités grecques qui attire à notre sens l’attention sur l’impératif de ne
jamais perdre de vue que l’université en tant que système évolue dans un environnement
avec une multitude de sous-systèmes et d’acteurs chacun avec leurs enjeux, stratégies et
contraintes, d’où l’obligation de s’interroger d’abord sur son fonctionnement pour
l’appréhender ensuite du point de vue de la démarche qualité. Dans leur article, les deux
chercheurs convient, en effet, à ne pas faire l’abstraction du contexte de tension et de
conflit qui peut caractériser tout système d’enseignement supérieur quand il s’agit de
l’assurance qualité, notamment.
« Au cours de la dernière décennie, le fonctionnement régulier des universités grecques a été perturbé, à plusieurs reprises, par des réactions du sous-système politique (policy subsystem) de l’enseignement supérieur. En effet des acteurs de ce sous-système, contestent l’implantation d’une structure nationale d’assurance qualité considérant que cette politique-dite européenne-est dangereuse ». (Georges Stamelos et Aggelos Kavasakalis : 79, in Fave-Bonnet, éd. 2010)
1.3.2 Résistances à l’évaluation dans l’enseignement supérieur
Le cas du système universitaire grec n’est pas isolé quand on observe les réactions
de n’importe quels acteurs confrontés à un changement dans les organisations au point que
de nombreux observateurs sont enclins à penser la résistance comme un comportement
naturel. Philipe Bernoux (2004) répond en proposant d’analyser la résistance au
changement non pas comme une réaction naturelle mais comme une question de survie,
surtout quand les acteurs ne sont pas sûrs de la direction que vont prendre les changements.
68
Ainsi toute initiative de changement implique avant tout le déclenchement d’une
dynamique d’apprentissage passant par l’appropriation des processus par les acteurs
directement impliqués comme montre les conclusions du rapport EVALUE. Une recherche
comparative sur l’évaluation des universités en Europe, qui a associé onze équipes de
recherche dans huit pays (Allemagne, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Portugal,
Royaume-Uni) et une quarantaine de chercheurs de différentes disciplines (sociologie,
sciences politiques, sciences de l’éducation, etc.). Il a été subventionné par la Commission
européenne et coordonné par P. Dubois (Laboratoire Travail et mobilités, Université Paris
X Nanterre)». (Fave-Bonnet, 2003:320).
« Le degré de participation interne au processus d’évaluation est essentiel (Bonnafous, Dizambourg, Mendel et Moreau, 1997). Il conditionne l’acceptation des résultats, les actions ou les décisions consécutives à l’évaluation, les processus d’apprentissage à long terme. Mais il est très variable. Or, le lancement d’un processus d’évaluation fait souvent naître des attentes : l’expérience de l’évaluation peut, de ce fait, être démotivante pour les participants si le processus ne débouche sur aucune décision, aucun changement perceptible, ou si les décisions prises ne sont pas en rapport avec cette expérience. Si le lien entre l’évaluation et la décision est perçu comme une menace, le niveau de confiance des acteurs est très faible. La qualité de la participation est aussi très différente selon que la décision est perçue comme une décision ouverte et fonction des résultats de l’évaluation, ou que l’évaluation apparaît comme une opération destinée à légitimer des décisions déjà arrêtées» (Fave- Bonnet, 2003 :328).
Proche du cas grec (Reina Fernandez Berrueco et Jake Murdoch, 115-126 in Bedin,
dir., 2009) montrent les résistances rencontrées dans la mise en œuvre d’un dispositif
d’évaluation basé sur l’audit qualité dans les établissements d’enseignement supérieur
britannique dans les années quatre-vingt-dix alors réputé pour être l’un des premiers à
développer en Europe des dispositifs en matière d’évaluation de la qualité.
Les enseignements obtenus dans la littérature sur l’évaluation de l’enseignement
supérieur sur lesquels nous revenons ci-après conduisent dans cette perspective à prendre
vivement en compte les outils d’une analyse stratégique et systémique, impulsée
notamment par Michel Crozier (1977) dans la description et analyse du fonctionnement du
système d’enseignement supérieur mozambicain en l’occurrence.
69
« Le raisonnement stratégique part de l’acteur pour découvrir le système qui seul peut expliquer par ses contraintes les apparentes irrationalités du comportement de l’acteur. Le raisonnement systémique part du système pour retrouver avec l’auteur la dimension contingente arbitraire et non naturelle de son ordre construit.[…] Le raisonnement stratégique est un raisonnement de découverte, un raisonnement heuristique, à l’aide duquel on élabore et vérifie et des hypothèses de plus en plus générales sur les caractéristiques de l’ensemble, á partir des problèmes vécus par l’ensemble des participants dans chacune des parties. Le risque qu’entraîne son utilisation, c’est qu’il conduit à extrapoler trop rapidement à partir du vécu des acteurs » (M. Crozier et H. Friedberg, 1977 :230-232)
La démarche qualité tout comme l’évaluation qui l’accompagne en contexte
universitaire provoque donc un certain nombre de réactions et résistances qu’il convient
d’analyser en détail surtout dans une étude visant à rendre compte des effets
d’apprentissage. Cette idée fait échos à plusieurs égards aux faits constatés par Fave-
Bonnet (2003) à l’issue de l’enquête EVALUE mais aussi Véronique Bedin, (2009 :29-63)
qui corroborent avec un certain nombre de perceptions des universitaires quant à
l’évaluation.
« L’évaluation est devenue, dans les huit pays de l’enquête, irréversible.
L’évaluation externe (de contrôle) se double d’un développement de l’évaluation interne.
On retrouve la classification traditionnelle entre évaluation sommative et évaluation
formative. Ce développement de l’évaluation dans les universités ne s’est pas fait, comme
nous avons pu le voir, sans tiraillements ni conflits, dans la mesure où elle détermine tous
les aspects importants de la vie d’une université, des universitaires et des étudiants
(financements, carrières, etc.)» (Fave-Bonnet 2003:333)
C’est une pratique sociale facilement critiquable et souvent critiquée, notamment
lorsqu’il s’agit de l’évaluation des enseignements universitaires ou des enseignants
chercheurs. « Opération de contrôle » pour les uns, « miroir aux alouettes » pour d’autres,
l’évaluation est toujours confrontée au devoir de faire ses preuves, de devoir justifier sa
raison d’être et sa finalité. Dejean (2006 :61 in Bedin, 2009) souligne particulièrement les
réticences à l’évaluation de l’enseignement en France, au nom d’une culture universitaire
70
marquée par la liberté académique ce malgré les dispositifs de loi prévoyant pourtant sa
mise en œuvre dans les établissements d’enseignement supérieur français.
« L’évaluation peut effectivement susciter irritations et craintes, au point que Milner (2005) proclame que l’évaluation n’est pas un mot, mais un mot d’ordre. Et de décrire, avec ironie glacée et l’impeccable férocité de son écriture, une idéologie de l’évaluation qui viserait à pénétrer jusqu'au plus intime des consciences individuelles, là où la politique des hommes céderait enfin la place au pur et simple gouvernement des choses. Au même moment, le philosophe Pena-Ruiz dénonce la fièvre du résultat tangible allant de pair avec une inflation sans mesure de la logique de l’évaluation. Tout semble s’apprécier à l’aune de la seule performance […]. Le réalisme dérive en conformisme. Plus récemment, mais dans la même veine et en relation directe avec la question de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche, Zarka (2009 :3) soutient qu’il existe effectivement « une idéologie de l’évaluation, pensée par l’auteur comme une grande imposture, celle qui consiste à faire croire à l’illusion d’un savoir tout en imposant l’arbitraire de la pensée et des valeurs. L’évaluation fonctionne comme un pouvoir, un pouvoir supposée savoir, un pouvoir qui prétend normer et réglementer le savoir.» (Bedin, 2009:31)
1.3.3 L’analyse des effets de l’apprentissage organisationnel, une approche originale
dans la gouvernance des universités ?
Les démarches qualité que les établissements se voient obligés de mettre en œuvre
conformément aux exigences de la loi ou par les forces de la mondialisation et de la
concurrence qui suit semble s’inscrire dans une dynamique entrepreneuriale de
l’université, sans laquelle quels qu’ils soient publics ou privés les établissements
d’enseignement supérieur auraient de plus en plus du mal à s’imposer au niveau national,
régional ou international aujourd’hui.
Tous les systèmes d’enseignement supérieur et tous les établissements qui les
composent sont à la recherche de l’efficacité et déclarent leur mission en s’engageant vers
un enseignement et recherche de qualité voire d’excellence. Telle qualité est mesurable à
travers des évaluations mobilisant une série de critères, indicateurs et référentiels (la
gouvernance des établissements, l’évaluation des enseignements, des enseignants et des
étudiants, l’évaluation de la recherche, l’évaluation des équipements) etc.
71
C’est ainsi que les systèmes d’enseignement supérieur, les universités et les
établissements qui les composent se sont retrouvés ces 20 dernières années à réaliser, tous
azimuts, des évaluations externes à travers des agences spécialisées, les classements de
Shanghai- ARWU et le Times Higher Education World University Ranking Word au
niveau mondial, l’ENQA en Europe, l’AUA (association des universités africaines) en
Afrique, les RAE et le QAA en Grande Bretagne, le CNE puis l’AERES en France, le
CHE (council of higher education) en Afrique du Sud, pour ne citer que quelques
exemples.
Parallèlement, dans la plupart des systèmes, des dispositifs ont été mis en place et
des opérations d’évaluation internes sont normalement réalisées en conformité avec les
dispositifs réglementaires sous l’impulsion des recteurs (présidents d’universités), conseils
universitaires et d’autres forums de gouvernance au sein des établissements.
Conçue depuis son origine comme un lieu de production et de préservation de la
connaissance, puis présentée dans la littérature tantôt comme un lieu de liberté, de rapports
de collaboration et d’autonomie entre pairs, tantôt comme un lieux de production,
conservation et valorisation du patrimoine culturel et scientifique de l’humanité,
l’université apparaissait, à notre sens, comme un terrain propice pour l’application des
principes et concepts issus des théories managériales les plus en pointe, notamment celles
axées sur le capital humain.
En effet, la typologie des configurations organisationnelles (Mintzberg, 1982, cité
par Bernoux, 2004:92-96) décrit l’université comme une organisation professionnelle parce
qu’elle repose sur la qualification et le savoir des professionnels, créant donc ses
mécanismes de coordination à travers la standardisation du savoir et des qualifications. «
Le poids des professionnels pousse à une structure organisée autour de l’autonomie et de
l’expertise, cas des hôpitaux, des universités, des sociétés d’ingénierie, etc ». (Bernoux,
2004 : 93).
Pour nous situer dans le contexte des problèmes quei soulève l’évaluation dans
l’enseignement supérieur Pierre Dubois propose d’abord de décrire l’université dans ses
multiples formes organisationnelles. Dans sa démarche l’université se doit d’être vue aussi
comme une entreprise.
«Pour comprendre l'état de l'évaluation des formations, il ne faut pas oublier que l'université publique en tant qu'établissement est une organisation tout
72
à fait complexe et originale. Chaque université est à la fois une institution, une administration, un ensemble de corps professionnels, une entreprise (Dubois, 1997 a). Elle est une institution parce que la loi lui impose de mettre en œuvre et de diffuser des valeurs, dont les valeurs de justice, d'équité, d'égalité, de participation, de transparence. Elle est une administration en ce sens qu'elle doit respecter des règles fixées par les lois et règlements; cependant elle est une administration originale parce que la loi lui confère une autonomie, en particulier dans le champ pédagogique. Elle est également un ensemble de corps professionnels, constitués sur la base des disciplines d'enseignement et de recherche; la loi accorde aux enseignants qui constituent ces corps professionnels la liberté d'enseignement et de recherche. Enfin, l'université est de plus en plus une entreprise qui a des objectifs à atteindre et qui doit faire le meilleur usage des ressources humaines et financières qui lui sont allouées. Le cheminement difficile de l'évaluation des formations en France est largement explicable par cette situation organisationnelle: l'autonomie de l'université et des enseignants est parfois évoquée pour s'opposer aux réglementations fixées par la loi; les réglementations fixées par la loi dans le champ pédagogique limitent les enjeux de l'évaluation des formations». (Pierre Dubois, 2003:1)
Ainsi dans un contexte où toute organisation doit se préoccuper de plus en plus
avec les problématiques de productivité avec efficience, mais aussi d’innovation et de
compétitivité, on pourrait s’attendre non seulement à un engouement des responsables
universitaires vers l’adoption de modèles de management issus des théories cognitives de
l’organisation mais aussi à un intérêt accru de la recherche universitaire pour l’analyse de
telles théories, méthodes et pratiques en milieu académique.
Cela devrait aller de soit que l’université, lieu de réflexion critique et de production
des connaissances par excellence, s’intéresse à la façon dont elle-même se sert des
connaissances pour son propre positionnement. D’ailleurs la première hypothèse que nous
formulions dans le premier projet de recherche proposé en vue de la préparation de cette
thèse était qu’il ne suffirait qu’aux gouvernements et aux établissements de mettre en place
les démarches qualité et de réaliser les évaluations pour arriver de façon optimale aux
résultats.
Plusieurs concours de circonstances, l’environnement institutionnel et
organisationnel, des comportements observables portent à reconnaitre l’existence de
pratiques tacites et explicites de management des savoirs dans les systèmes universitaires
tout comme dans n’importe quelle organisation,. Et les travaux de recherche que nous
avons parcourus finissent eux aussi par toucher aux problématiques de la présente thèse, du
moins de façon implicite. Christine Musselin (2001) et Pierre Dubois (2008) entre autres,
73
traitent de l’apprentissage dans la gouvernance des universités mais sans que ce soit le
thème principal de leurs travaux respectifs.
A l’appui de moteurs de recherche ont été parcouru au long du travail de thèse près
d’une centaine d’articles sur Internet afin d’approfondir et appuyer l’étude de la
problématique et des hypothèses formulées dans cette étude. Ces articles rendent comptent
d’expériences et comparaisons internationales en prenant les exemples des systèmes
d’enseignement supérieur les plus connus au monde, en allant de l’Australie et des Etats-
Unis, à la Chine et l’Inde, mais aussi à la SADC et l’Afrique du Sud, en passant par
l’Europe, notamment, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et la France, etc. Mais force est de
constater la rareté des références aux théories et méthodes du management des
connaissances en tant que principal problématique de recherche sur la gouvernance de
l’enseignement supérieur.
Toute tentative d’analyse du fonctionnement de l’université dans une perspective
stratégique sous un seul angle paraît, partielle, incomplète voire insuffisante si on suit bien
la présentation que fait Pierre Dubois ci-dessus.
Il y a plusieurs études qui ont porté sur des thèmes pouvant avoir un lien direct avec
l’apprentissage comme ceux à l’initiative du sociologue américain Burton R. Clark,
Creating Entrepreneurial Universities, 1998 ; Sustaining Changes in Universities, 2004,
cité par Allan N. Gjerding et al (2006) qui s’intéresse à l’idée d’une université
entrepreneuriale dans le cadre d’une percée de l’esprit d’entreprise à l’université.
« Clark, 1998 était arrivé au principal constat suivant : pour être entrepreneuriale, une université doit avoir une culture d’organisation propice à l’esprit d’entreprise, à la fois descendante et ascendante, et en particulier accepter volontiers la prise de risque. Selon lui, une université entrepreneuriale est une organisation où il est normal de prendre des risques lorsque de nouvelles pratiques sont adoptées et où l’esprit d’entreprise consiste souvent à aller jusqu’à l’exploitation commerciale à but lucratif de l’innovation. Les universités se sont transformées en universités entrepreneuriales à la faveur d’une action collective. Clark a noté que cette transformation se produit quand un certain nombre de personnes d’horizons divers se réunissent et se mettent d’accord sur une nouvelle vision de l’organisation » (Allan N. Gjerding et al, 2006 :1)
Allan N. Gjerding et al (2006) ont le mérite de nous plonger dans une réflexion sur
les traits distinctifs de l’université entrepreneuriale et de montrer avec des exemples
comment les universités sont de plus traversées par l’esprit d’entreprise. L’évaluation des
74
universités dépend d’une série de facteurs mais surtout du contexte dans lequel elles
évoluent, qui va être différent entre un système américain par exemple où l’enseignement
supérieur est dominé par des prestataires du secteur privé et un système français où l’Etat
est plus présent.
Par conséquent, une réflexion sur la poussée de l’université entrepreneuriale, lue à
sens unique, à la recherche des points d’appui pour une université efficace par exemple et
sans un regard critique, peut avoir le défaut de cacher toutes les discussions et débats qui
soulèvent cette vision. Surtout quand elle est confrontée à l’idée d’un service public ou
d’une institution qui reste dominante dans les esprits de beaucoup d’universitaires.
Même en confirmant la pertinence d’une observation de l’université sous l’angle
d’une approche organisationnelle que nous proposons à la discussion dans cette thèse, la
réflexion ci-dessus semble s’accompagner de l’inconvénient de constater et décrire des
pratiques entrepreneuriales à l’université mais sans forcément proposer une analyse
critique. A suivre une telle démarche nous risquons de nous replonger dans les approches
normatives de l’organisation apprenante qu’il faut à notre sens confronter dans une
perspective à la fois systémique et stratégique.
Ceci étant, analyser l’innovation et la compétitivité dans l’enseignement supérieur
en tant qu’effets d’un apprentissage organisationnel induit par des pratiques de
management et d’évaluation tel que nous le préconisons dans cette étude reste encore une
approche marginale dans la gouvernance de l’éducation en général. L’étonnement révélé
par la plupart des universitaires interviewés en face des thèmes suggérés par notre guide
d’entretiens témoigne d’une approche inhabituelle dans l’académie.
Cela prouve bien le constat d’une faible pénétration de l’esprit de l’organisation
apprenante dans la sphère de l’éducation comme le confirme Alain Bouvier (2001 ; 2012)
qui tout en prônant l’adoption de ce modèle dans l’école, reconnait le retard des
établissements de l’Education nationale française, par exemple à adopter les principes de
l’organisation apprenante, pourtant une pratique susceptible de conduire les services
d’éducation vers une bonne gouvernance, selon lui.
« Bien que déjà anciens de plus d’un quart de siècle, les travaux sur l’apprentissage organisationnel, jusqu'à un passé récent, ont reçu relativement peu d’échos au niveau des systèmes éducatifs et singulièrement en France. Le temps écoulé et les recherches publiées nous apparaissent aujourd’hui suffisants pour
75
justifier d’examiner ce qu’ils peuvent apporter au champ des établissements scolaires […] si l’apprentissage organisationnel peut apporter quelque chose `a la connaissance de certaines organisations et `a la conduite des changements, les établissements scolaires en font partie. Ils regroupent une extraordinaire somme d’intelligences et de compétences individuelles `a structurer pour accroitre l’efficacité de l’ensemble et forger des compétences collectives, des macro-compétences[…] l’assemblage, mais pas la simple somme de plusieurs compétences permet soit d’améliorer un produit stratégique, soit d’apporter un service qui donne un avantage unique […] l’apprentissage organisationnel permet de croiser deux catégories de préoccupations d’un établissement scolaire : en premier lieu, son organisation, sa structure, sa technologie, son management, sa gestion, son fonctionnement avec, en second lieu, ses ressources humaines, c'est-à-dire, les acteurs (élèves et personnels) et leurs apprentissages. Enfin l’apprentissage organisationnel propose […] une problématique large sur les organisations et les acteurs en leur sein. Cette problématique n’enferme pas les réflexions dans un cadre dogmatique restreint. Il ne s’agit pas d’une doctrine, mais d’un champ d’analyse orienté par la conduite de l’action et du changement, empruntant `a des domaines variées des sciences humaines, intéressant tout autant `a ce qui facilite les évolutions qu’aux obstacles qu’elles rencontrent et aux moyens de les contourner ou de les transformer en point d’appui » (Bouvier, 2001 : 10- 11).
Ce constat tout à fait généralisable, à notre avis, est corroborée par Christine
Musselin, chercheur et directrice du CSO qui affirme, lors d’un entretien exploratoire
réalisé le 17 janvier 2013 à Paris dans le cadre de cette thèse, ignorer l’existence de travaux
de recherche traitant sur l’apprentissage organisationnel dans l’enseignement supérieur,
l’apprentissage organisationnel à l’université en soi, n’ayant pas intéressé la recherche,
selon elle.
Nous tenons à souligner le caractère tout a fait décisif de cet entretien tout comme
celui réalisé le 31 janvier 2013 avec Stéphanie Mignot-Gerard, enseignante chercheur et
responsable du Master de management des universités à l’IAG (UPEC) soulignant pour sa
part que même demeurant d’un caractère novateur, une analyse basée sur l’apprentissage
organisationnel touchait en même temps, sous un autre angle à des vieilles questions de
l’université, notamment à la recherche de l’efficacité. L’enseignante se réfère
particulièrement à James March, l’un des premiers auteurs à étudier l’université sous ce
registre.
76
1.3.4 Quels indicateurs privilégier pour évaluer la compétitivité dans l’enseignement
supérieur ?
L’apprentissage organisationnel pouvant sous certaines conditions effectivement
conduire à l’efficacité d’un dispositif, se pose cependant la question non seulement de la
validité des critères choisis mais aussi de la méthodologie pour mesurer des indicateurs tels
l’innovation, la compétitivité, etc. à l’université quand on la présente encore comme un
bien public avant tout, alors que de multiples pratiques marchandes sont de plus en plus
visibles en son sein.
Ces pratiques sont visibles un peu partout comme montre un rapport de l’Eurydice
(2008) notamment en ce qui concerne la participation financière des étudiants proposée de
plus en plus comme une forme de diversification des ressources.
« Dans la majorité des pays, on observe une tendance politique à encourager la diversification des sources de financement. Les autorités centrales incitent les établissements à rechercher de nouvelles ressources financières, telles que les investissements des entreprises privées, la recherche commanditée et autres activités commerciales , les dons, les emprunts…dans la plupart des pays, les établissements publics d’enseignement supérieur sont autorisés á percevoir des droits de scolarité et ils disposent parfois d’une certaine autonomie pour fixer le montant. Cette politique s’inscrit dans les mesures visant à promouvoir la collecte de fonds supplémentaires et á faire peser une plus grande part du poids du financement sur les utilisateurs. Ce nouvel accent sur la contribution des étudiants s’accompagne souvent de dispositifs destinés à garantir l’accès à l’enseignement supérieur, et en particulier à alléger la charge financière des droits de scolarité et á élargir la participation des groupes sous-représentés » (Eurydice, 2008:19-20)
L’article de Wycliffe Otienno (2004: 13-14), relatant la privatisation des universités
publiques au Kenya semble tout à fait éclairant pour situer le cas des établissements
publics mozambicains où on assiste à un glissement net vers des pratiques d’enseignement
privé au sein des établissements publics à travers la création de programmes parallèles dit
pós laboral où les étudiants payent des frais comparables à ceux demandés dans les
établissements privés.
Pour donner une idée, les tarifs exigés pour un (Mestrado), soit Master 2 à
Université Eduardo Mondlane (UEM) et à l’Université Pédagogique (UP) en 2013, varient
en moyenne entre 6000 et plus de 9000 meticais, soit entre 150 et plus de 200 euros par
77
mois et pour une durée moyenne de deux ans. Les droits de scolarité sont pratiquement
aussi élevés que ceux demandés dans les universités privées considérées les plus chères
comme A Politecnica ou l’ISCTEM. Sur le phénomène, une responsable du Ministère de
l’éducation préfère parler de l’autonomie administrative et financière dont jouissent les
universités.
La tentative d’analyse des effets de l’apprentissage sur un fonctionnement efficace
des établissements devient une entreprise fuyante. Surtout quand on connait le type
d’organisation universitaire centrée sur des champs disciplinaires avec des acteurs et
entités travaillant de façon isolée, ainsi que la situation des établissements différents les
uns des autres en fonction de leurs contextes.
En les analysant du point de vue des classements internationaux beaucoup, y
compris dans les pays les plus avancés du monde ne disposent pas des mêmes ressources et
des pré-requis pour devenir éligibles à fréquences égales aux palmarès, par exemple. Nous
verrons, par exemple comment la plupart des établissements d’un pays en développement
comme les Mozambique, excepté l’UEM pour l’heure, restent inéligibles devant un
classement comme celui de l’Association des Universités Africaines (AUA) à mesure que
la massification des études augmente les ratios enseignants qualifiés - étudiants.
« Apport et risques des classements : Il y a quelques années, un organisme spécialisé dans l’éducation a demandé au Président d’une université allemande s’il souhaitait voir son établissement figurer au palmarès des universités. « Jamais » : fut la réponse du Président. Une fois certain que son établissement ne serait pas pris en compte dans le classement, le Président a toutefois demandé, « par simple curiosité », comment se serait classée l’université par rapport aux autres s’il avait accepté. Cette anecdote illustre bien l’attitude ambiguë des universités vis-à-vis des statistiques comparatives. Se classer parmi les meilleurs assure aux établissements une réputation et un succès pérennes ; en revanche, chuter dans le classement signifie que les candidats iront s’inscrire ailleurs » (OCDE, IMHE INFO, déc, 2008:1, op. cit)
Cette tentative se complexifie encore quand on sait les préoccupations d’ordre
économiques qui envahissent de plus en plus les systèmes d’enseignement supérieur avec
(Eleanor Lemmer, 2006 :163) mais surtout (Fave-Bonnet, 2010:12-13) qui propose
d’analyser, par exemple le développement des agences d’accréditation pour comprendre
les enjeux dans lesquels l’enseignement supérieur est pris aujourd’hui.
78
On pourrait, en effet être tenté de se servir des pratiques et modalités proposées par
les agences, d’autant plus que ce sont elles qui sont normalement habilitées à mesurer la
qualité des prestations d’un établissement, mais est-ce la voie à suivre?
Devant une si grande variété des opérateurs de l’assurance qualité. Agences
publiques, parapubliques et privées, supra ou transnationales, administrations, associations
professionnelles, firmes de l’industrie de l’enseignement, journaux et revues, cabinets
d’experts et de consultants «un foisonnement d’accréditeurs» autoproclamés qui font une
publicité agressive, se targuant parfois des liens avec l’UNESCO ou les Nations Unies
comme preuve de leur crédibilité internationale, sachant que la participation à un certain
nombre de labels est hautement tarifée, on doit s’interroger sur la crédibilité et les
conditions des opérations de certification et assurance-qualité.
En même temps il paraît important de s’interroger sur les classements
internationaux. Ils sont critiqués mais provoquent également des effets sur l’amélioration
des systèmes éducatifs (Despréaux, 2010:11). Le classement de Shanghai, celui du Times
tout comme celui de l’Association Africaine des universités révèlent une stabilité en termes
des établissements qui apparaissent au sommet, Harvard au niveau mondial, Université de
Cape Town en Afrique.
On doit s’interroger sur l’apprentissage organisationnel pour trouver les faits
explicatifs de cette stabilité . On doit s’interroger aussi lorsque les activités d’éducation
commencent à avoir un poids significatif dans la balance économique d’un pays comme
l’Australie. Simon Marginson (2012 :11-13) montre comment la participation financière
des étudiants étrangers, à travers les droits de scolarités, notamment, a transformé
l’enseignement en un des principaux postes de production de revenus pour l’Australie à
côté d’autres produits d’exportation comme les minerais.
« International education is the nation’s third-or fourth-largest export after coal and iron ore and sometimes gold, depending on fluctuating gold prices. It employs 125,000 people. It has become a vital source of high-skilled migrants. More than one-third of all graduate migrate». (Simon Marginson, 2012:11).
Dans cette perspective, conclure à l’impossibilité pour une institution éducative
d’être considérée comme une entreprise même avec tous les arguments de poids à l’appui
de Louis Porcher (2008:51-55) ne résout pas les problèmes, à notre avis.
79
« Une tendance forte, qui fleurit surtout chez les quelques esprits bornés et qui parlent haut consiste à dire que le chef d’établissement doit se conduire comme un chef d’entreprise et, par conséquent, doit être doté des mêmes pouvoirs et subir les mêmes sanctions. Il faut ici affirmer nettement que cette pseudo-analyse est seulement une idiotie ; un établissement scolaire n’est pas une entreprise, parce que ce qu’on y produit n’est pas mesurable immédiatement mais relève toujours d’une évaluation différée, dont, en outre, nul ne connait le prix. L’établissement scolaire est un lieu de travail, d’hiérarchies, d’efficacité, certes, et, en cela, on pourrait croire, pour qui pense et court et vite, qu’il ressemble à une entreprise, mais justement, il ne fait que lui ressembler. La marchandisation n’y existe pas, la rentabilité n’y est jamais établie, les productions son, par nature extrêmement diversifiées. On n’y embauche pas et on n’y licencie pas. Les matériaux sur lesquels on travaille y sont des êtres humains, leurs réactions rendent impossible toute prévision assurée, ce n’est que par une métaphore abusive qu’on pourrait y parler de pertes et bénéfices […] Et puis l’école est en même temps qu’un lieu de travail, un lieu de vie, de loisirs, de relations humaines, de sentiments. Qui est cable d’évaluer ces composantes » (Louis Porcher, 2008 :51-52)
Se pose néanmoins le problème de l’unité d’analyse à choisir ainsi que des
indicateurs d’apprentissage à retenir pour une évaluation valable et qui aide effectivement
à faire progresser la connaissance et la compréhension du fonctionnement organisationnel
des universités sur le plan de l’apprentissage.
Les problèmes vont se poser quand on sait les dérives qui peuvent suivre les
tentatives visant à transformer les universités en entreprises. Les critiques sont de toutes
sortes et on fait même allusion à la marchandisation et « Macdonaldisation» de
l’enseignement supérieur. Un article de Philip Altbach (2012:7-8) semble tout à fait
éclairant sur les questions liées à un «franchising» dans la sphère des études supérieures.
Yorgos Stamelos (2009) qui rend compte des implications des dispositifs de
ranking non seulement sur les fondements de l’université mais aussi sur leur
fonctionnement à partir du moment où elles sont vues comme des entreprises et devant
donc rendre des comptes sur cette base à l’ensemble des parties prenantes intéressées par
leurs résultats.
L’auteur illustre son propos en relatant l’expérience de l’Université de New York
qu’il considère, d’ailleurs riche d’enseignements lorsqu’on prétend transformer une
université publique surtout en entreprise.
80
«Le dispositif du ranking est clairement un outil pour mettre en compétition les universités, malgré les déclarations contraires et rassurantes. L’objectif final serait de réduire le financement public et obliger les universités à chercher des sources de financement diversifiées, c’est-a-dire, à se diriger vers le financement privé : d’une part, les frais d’inscription en transformant les étudiants de composante de la vie universitaire à une clientèle d’université, et d’autre part, les grandes entreprises et en général le marché du travail. Les résultats de cette politique sont déjà là. En ce qui concerne les étudiants, l’expérience de l’Université de New York s’avère très didactique. (Krause M., Nolan M., Palm M., Ross A. (ed), 2008). Une université publique dont le management était confié à une petite équipe managerielle provenant du secteur prive. L’augmentation exponentielle des frais d’inscription a été une des premières mesures. Par la suite, les étudiants étaient obligés soit d’abandonner les études, soit de prendre des prêts bancaires. Pour faire face, ils étaient encore obligés de chercher du travail. A ce moment, l’université leur a proposé des travaux très mal payés et dérégulés. Ainsi, d’une part, on est arrivé au point ou le fonctionnement de l’université était assumé par ses étudiants, et d’autre part, les frais de son fonctionnement se sont trouvés diminués au minimum ce qui a été présenté comme une grande réussite par l’équipe dirigeante. En effet, tous les services dans l’université (nettoyage, restauration, jardinage, sécurité, etc.) étaient tenus par des étudiants. De plus, les jeunes diplômés étaient utilisés comme assistants des cours. Or, comme ils étaient considérés apprentis, ils étaient payés au minimum et avec des conditions de travail dérégulées. En 2005, plus de 77% de cours (87% dans les départements de l’éducation) étaient assumés par ces diplômés (op.cit, p.37). La réaction a abouti à la grande grève de 2005-2006 ». (Yorgos Stamelos, 2009: 8)
On voit avec cette citation toute la complexité à choisir les indicateurs valables
pour attester de la validité d’une stratégie managériale dans l’enseignement supérieur sans
se heurter à des critiques du point de vue des valeurs par exemple sur les fondements de
université, mais aussi du point de vue de l’équité des politiques d’éducation quand on sait
que l’institution éducative est un bien public avant tout.
L’évolution de l’université prend de multiples formes. Tantôt une institution, tantôt
une administration, tantôt une entreprise sa caractérisation dépend pour beaucoup du
contexte dans lequel elle évolue. Ses multiples formes semblent justifier les difficultés à
l’appréhender sous le seul angle de l’apprentissage organisationnel.
Sur fond de débats polémiques et de querelles parfois d’ordre idéologique entre
différents auteurs et acteurs intéressés par le développement des systèmes universitaires, la
problématique et les hypothèses soulevées dans cette thèse apparaissent néanmoins tout à
fait originales dans la mesure où elles proposent d’ouvrir la voie à un champ de recherche
encore peu exploité.
81
Notre analyse va s’appuyer sur les différentes approches qui se dégagent d’une
revue littéraire sur la gouvernance de l’enseignement supérieur ci-après en vue
d’approfondir le champ de recherche axé sur l’apprentissage organisationnel à l’université
que nous proposons d’investir dans cette thèse.
Nous suivons une démarche à la fois inductive et comparative. Elle consiste à
analyser les expériences internationales à travers la recherche, de découvrir les principales
thématiques étudiées et les méthodes d’évaluation de l’enseignement supérieur. Cela nous
permet ensuite de construire des outils méthodologiques pour pouvoir analyser l’évaluation
des universités au Mozambique.
82
CHAPITRE 2. POUR UN NOUVEAU CHAMP DE
RECHERCHE DANS LA GOUVERNANCE DE
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Au long de cette section nous nous occupons à élaborer une réflexion en vue de la
définition et approfondissement d’un cadre d’analyse que nous proposons de prendre en
compte dans l’évaluation de l’enseignement supérieur au Mozambique. En poursuivant
l’exposé du premier chapitre, sont ici proposées, par conséquent quelques méthodes et
critères d’évaluation à travers la restitution d’une révision de littérature où l’accent est mis
sur les conditions d’analyse des effets de l’évaluation sur l’amélioration des systèmes
universitaires et des établissements.
En fait, l’apprentissage n’est ni l’objet central ni le point d’entrée de la plupart des
ouvrages et articles consultés, mais nous pouvons constater un intérêt pour des thèmes liés
ainsi que des approches pouvant concourir à l’édification d’un champ de recherche axé sur
l’apprentissage organisationnel et ses effets sur l’innovation et la compétitivité des
systèmes universitaires.
L’évaluation peut-elle constituer une opportunité pour une meilleure gouvernance
des universités tel que suggérée dans l’introduction ? Nos hypothèses sont soumises à
l’épreuve de l’observation pour apporter une réponse complète, d’où la pertinence des
grilles d’analyse que nous fournit la littérature de l’évaluation dans l’enseignement
supérieur.
Dans cette révision bibliographique nous citerons proches des thèmes qui
intéressent cette thèse, l’environnement organisationnel et son effet sur les comportements
des acteurs face au changement et vice-versa mais aussi le rôle des acteurs « travailleurs
des connaissances » lorsque la littérature de l’évaluation met le curseur sur l’analyse des
métiers de l’enseignement supérieur, en particulier ceux du management et ceux de
l’évaluation et la façon dont ils tendent à évoluer aux rythmes des réformes universitaires.
Nous citerons également les études faites pour tenter de mesurer les effets que
semblent provoquer les évaluations nationales et les classements internationaux sur le
fonctionnement des systèmes éducatifs et sur les établissements. Notons dans cette
perspective que le surgissement ou l’évolution des agences d’évaluation nationales elles-
83
mêmes a été souvent le fruit d’opérations d’observation et de benchmarking comme ce fut
le cas du Conseil National de l’évaluation (CNE) en France, transformé en 2006 en
AERES s’étant développé avec la préoccupation explicite de savoir tenir compte des
expériences des pays comparables.
Le CNE a étudié les principaux systèmes d’enseignement supérieur étrangers et
d’évaluation, en particulier, l’anglais, l’américain et le canadien. Il a ainsi analysé le
fonctionnement des instances d’accréditation. Cette approche comparative semble de plus
en plus courante au travers des opérations de benchmarking, notamment impulsées à la fois
par les ranking et la nécessité d’amélioration tant au niveau des dispositifs de gouvernance
externes que du management des établissements.
A corroborer cette perspective nous signalons l’étude de Nathalie Younes (in
Véronique Bedin, dir. 2009) qui rend compte non seulement de l’influence exercée par les
procédures américaines d’accréditation sur les standards et les guides définis par l’
l’ENQA ainsi que le développement d’agences d’accréditation comme l’ECA (European
consortium for accreditation), mais aussi de l’effort vers l’établissement des points de
convergence en matière d’assurance qualité d’un système à l’autre.
Notons dans cette veine que les communiqués des ministres de l’enseignement
supérieur dans le cadre du processus de Bologne (1999) Prague (2001), Berlin (2003,
Bergen(2005), Londres (2007), font appel de façon croissante à une coopération
européenne et entre les organisations universitaires (ENQA, EUA, ESU, EURASCHE)
afin de développer un ensemble de règles et de procédures en matière d’assurance qualité
« Les démarches d’accréditation ont d’abord été conçues dans et pour le contexte américain afin de réguler un système d’enseignement supérieur compétitif et totalement décentralisé (Murray, 2001). Aux Etats-Unis, les agences privées d’accréditation (1952), et les associations d’universités (parmi les plus importantes, le CHEA – Council for higher education accreditation, regroupe 3000 établissements d’enseignement supérieur et valide 60 programmes) sont les structures incontournables de l’enseignement supérieur, l’Etat intervenant notamment par la reconnaissance d’un certain nombre d’agences d’accréditation. Les principales fonctions de l’accréditation sont : faire la vérification externe qu’un programme ou une institution est à la hauteur des standards, établir les critères de certification, aider les étudiants à situer les similitudes et les différences des institutions et des programmes, aider les institutions à déterminer l’acceptabilité du transfert de crédits (Gill, 2006). Reconnaissance officielle externe d’un programme validé selon des standards spécifiés comme les
84
qualifications des équipes, les activités de recherche, l’admission des étudiants, les ressources d’apprentissage, l’accréditation peut aussi être basée sur des standards académiques ou sur l’estimation des compétences professionnelles (Harvey, 2004). Elle repose sur l’autoévaluation, l’évaluation par les paires/experts et le rapport public ainsi que sur une grande variété de méthodes : analyses de documents, études des indicateurs de performance, entretiens, observations de cours, enquêtes de satisfaction, enquêtes auprès des anciens étudiants, enquêtes auprès des employeurs». (Younès:192-193, in Bedin, dir. 2009)
Notre démarche puise aussi dans l’analyse des approches clairement normatives
que l’on peut rencontrer à la lecture des normes qualité, à travers les livrets émis soit par
une agence nationale ou internationale etc. passant par des rapports (GRAMIER, C.
Gramier et al, 2009) faisant état d’un diagnostic ou des résultats de la mise en œuvre d’une
politique qualité, soit dans un établissement d’enseignement, soit dans un centre de
recherche, en allant à un travail d’analyse des différents dispositifs de régulation externe et
interne dans leur rapports avec les différents établissements et/ ou acteurs impliqués.
Liés à ces différentes approches nous citerons également l’analyse des rapports à
l’initiative d’agences comme le QAA et les RAE au Royaume-Uni, le CNE en France.
Telles expériences se trouvent relayées par les travaux coordonnés par des auteurs tels
Christine Musselin, Pierre Dubois, Marie-Francoise Fave-Bonnet, Veronique Bedin, entre
autres, dont les recherches et enseignements touchent de façon plus ou moins implicite aux
problématiques de l’apprentissage organisationnel à notre sens.
Sans que ce soit le menu principal de l’étude nous noterons par exemple que le
projet du rapport EVALUE (Fave-Bonnet, 2003 :320) dont l’objectif est aussi de
développer la connaissance des effets de l’évaluation en Europe part de plusieurs questions
dont le lien qui peut être directement établi avec la problématique de recherche de la
présente thèse, à savoir: « L’évaluation est-elle une des conditions de l’amélioration de la
performance des universités? Quelle évaluation est la plus performante pour atteindre cet
objectif, et quelles en sont les conditions d’émergence et de diffusion? »
Nous tenons également compte dans notre démarche des expériences d’évaluation
proches du Mozambique, notamment celles à l’initiative du CHE en Afrique du Sud dont
les pratiques sont souvent citées en exemple dans le contexte de la région SADC, mais
comparons aussi d’autres cas plutôt similaires dans le cadre des publications de l’AUA
(Association des universités africaines), par exemple et grâce à l’intérêt porté par des
chercheurs associés à une revue scientifique comme le CIHE du Boston College.
85
1.4 La contribution des chercheurs : Approches méthodologiques, modalités de
l’évaluation et effets
Nous tenons à souligner les contributions méthodologiques à l’initiative des
différentes agences d’évaluation et d’accréditation de part le monde mais aussi celles
apportées par les nombreux chercheurs réunis autour des travaux coordonnés par les
auteurs ci-dessus cités dont les approches ont fortement contribué à cristalliser dans une
démarche inductive les grilles théoriques et les critères qu’allaient être retenus pour la
réalisation de cette thèse, ce après l’analyse des contenus des entretiens réalisés dans la
phase d’observation.
Les angles d’entrée proposées dans le matériau consulté vont, en effet, faciliter les
observations exploratoires à travers, d’une part, la constitution d’un protocole d’enquête
avec l’utilisation des indicateurs similaires à ceux ayant fait leurs preuves, la réalisation
des observations subséquentes et une restitution comparée des thèmes relatifs à la
gouvernance de l’enseignement supérieur au Mozambique, d’autre part.
On ne manquera pas dans cette entreprise cependant de soumettre à la critique les
enseignements appris. D’autant plus que la constitution d’un cadre analytique pour
l’analyse de l’apprentissage dans la gouvernance de l’enseignement supérieur est le résultat
d’une confrontation entre les grilles de lectures proposées dans la littérature de l’évaluation
avec un cadre théorique axé sur une approche organisationnelle de l’université ensemble
soumis à l’épreuve de l’observation.
La recherche coordonnée par Véronique Bedin (2009) postulant le rôle premier de
l’évaluation comme étant celui du conseil et de l’expertise pour l’amélioration des
systèmes évalués est à inscrire à plusieurs égards, dans une perspective de l’étude des
effets de l’apprentissage.
Les cadres d’analyse proposés par les chercheurs qu’elle réunit ont donc contribué
dans cette perspective à cristalliser les voies poursuivies dans cette thèse. Ceux-là
proposent dans leurs démarches de réfléchir à la part du conseil dans les pratiques
d’évaluation et, en particulier, tentent de saisir sa place, son jeu et ses effets dans le
contexte universitaire.
86
N’étant pas une fin en soi, le conseil tel qu’il s’est développé dans les pratiques
d’intervention, de consultance, d’expertise pour contribuer aux changements dans les
contextes institutionnels et à l’accompagnement des acteurs dans leur positionnement
professionnels et personnels est appréhendé comme un processus intermédiaire au service
de la régulation de l’action.
Dans la perspective de Bedin, les activités d’évaluation-conseil se révèlent à la fois
opportunes et stratégiques, tout aussi bien pour faire évoluer la pédagogie universitaire que
des pratiques de recherche ou de fonctionnement institutionnel. Le conseil est vu comme
partie prenante de l’évaluation dont il oriente les effets en dégageant des perspectives pour
l’action à venir. Il peut accompagner le changement et l’innovation en privilégiant, dans le
cadre d’une démarche réflexive et délibérative, le développement professionnel des
différents membres de la communauté universitaire qui s’y engagent.
Les systèmes d’enseignement supérieur ont cette particularité de s’organiser autour
de différentes instances de conseil qui constituent les dispositifs de gouvernance externes
et internes pouvant donc faire appel à des multiples formes d’interventions de type
conseil-expertise. Nous commençons par recenser les différents dispositifs d’évaluation-
conseil avant de nous arrêter sur les critiques et limites qui paraissent soulever la
démarche proposée par Bedin.
1.4.1 Une multitude d’instances d’évaluation-conseil dans l’enseignement supérieur
Plusieurs modalités d’organisation et fonctionnement de type conseil formelles et
informelles sont relevables dans l’université française par exemple, mais aussi dans les
instances nationales concernées par l’enseignement supérieur. Les comparaisons
internationales (Eurydice, 2008) entre autres autorisent à généraliser tel mode
d’organisation. Il s’agit des conseils d’administration, commissions d’experts, comités
d’évaluation ou de contrôle.
Le conseil occupe des figures diverses dans l’enseignement supérieur. Il désigne
autant des instances de représentation, des activités professionnelles des personnels
universitaires, que des actions des universités ou même de la politique nationale et
européenne de recherche dans le cas des systèmes d’enseignement en Europe.
87
A l’université le conseil existe d’abord en tant que composante organisationnelle.
Les conseils sont composés pour l’essentiel de membres élus par la communauté
universitaire conformément à des dispositifs de lois. Les trois conseils universitaires
(conseil d’administration, conseil scientifique, conseil des études et de la vie universitaires)
contribuent institutionnellement au gouvernement des établissements d’enseignement
supérieur ainsi que les conseils des unîtes de formation et de recherche, les conseils de
département ou ceux des équipes de recherche.
Dans la perspective de mise en œuvre des politiques publiques de recherche on
assiste en France à la création d’instances et de dispositifs nationaux chargés de l’activité
de conseil en relation avec des activités d’évaluation, de régulation et de délibération.
Plusieurs auteurs dont Cytermann, FAVE-Bonnet et Macarie-Florea, (in Bedin, dir. 2009)
notamment ont recensé et analysé l’évolution des instances d’évaluation en France.
Le mouvement d’institutionnalisation des pratiques d’évaluation et de conseil a été
principalement formalisé avec la création du Comite national de l’évaluation en 1985 par
le Président de la République et du Comite national d’évaluation de la recherche en 1989.
Ce mouvement qui se poursuit dans les années quatre vingt-dix et suivantes a permis la
naissance de dispositifs plus ou moins pérennes chargés d’évaluer la recherche et
l’enseignement supérieur.
La France tout comme le Royaume-Uni et les différents pays européens, ne dispose
pas que d’une seule instance dédiée à l’évaluation et au conseil des politiques scientifiques
mais de plusieurs organismes susceptibles de remplir cette mission.
Les particularités des dispositifs d’évaluation britanniques, l’un des pays européens
pionniers en matière d’introduction de systèmes d’évaluation de la qualité au cours des
années quatre-vingt sont décrites dans un article de Reina Fernandes Barrueco et Jake
Murdoch p.115-126 (in Bedin, dir. 2009) montrant notamment la différence marquée avec
les systèmes les pays européens de tradition latine et germanique en raison du poids
accordé à l’évaluation technique axée sur un audit qui évalue l’efficacité des
établissements et du système dans son ensemble.
Centrées sur des audits à l’initiative du QAA mais aussi des RAE et d’autres
instances, ces interventions débouchent sur la production d’information appuyée sur des
indicateurs de performance à partir de laquelle le gouvernement décide de l’allocation et
répartition des ressources aux établissements.
88
Ces audits sont vus aussi comme l’occasion de pratique de l’autoformation par les
établissements dans la mesure où ceux-ci sont non seulement conduits à donner la preuve
des niveaux minimum en face des référentiels (dans une perspective proche de
l’accréditation) mais à instaurer les mécanismes visant à assurer l’amélioration continue
de la totalité des processus (dans une perspective proche du faire la bonne gestion).
En France les instances d’évaluation peuvent être regroupées en trois catégories à
savoir, les organes d’évaluation internes à l’administration comme l’inspection générale de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), les organes de
conseil rattachés à la puissance publique tels que , l’Agence d’évaluation de la recherche
et de l’enseignement supérieur (AERES), les moyens d’évaluation et d’orientation dont
dispose le parlement comme l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques.
Divers services administratifs, tels que la sous-direction de la performance de
l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de la Direction de l’évaluation,
de la prospective et de la performance ou des organismes tels que le centre d’analyse
stratégique (ancien commissariat général du plan) réalisent ou commanditent des
évaluations-conseils des politiques de recherche en vue de la prise de décisions.
Nous pouvons citer encore l’Agence de mutualisation des universités et des
établissements (AMUE), le Haut conseil de l’évaluation de l’école (HCEE), qui produisent
des rapports d’expertise et d’évaluation assortis d’éléments de conseil et de
recommandations sur la qualité des établissements, des formations, des enseignements ou
des équipes de recherche universitaires complétant donc les avis dispensés par les
conseillers selon des procédures et des méthodes contractualisées avec les universités et
leurs composantes.
Parmi les instances françaises concernées par les activités d’évaluation-conseil une
place spécifique est accordée au Conseil national des universités (CNU), une instance
consultative et décisionnaire chargée de se prononcer sur le recrutement et la carrière des
enseignants-chercheurs (professeurs des universités, et maîtres de conférences). Il existe un
CNU par section (sciences de l’éducation, psychologie, sociologie, etc.) comprenant
exclusivement des membres de cette discipline. Les pratiques d’évaluation par les pairs
sont à inscrire dans les démarches des CNU.
89
Différentes acceptions sont associées aux activités des conseils, à savoir celle qui
renvoient à l’origine latine et juridique désignant donc une réunion des gens qui délibère.
Tenir conseil qui se distingue sans s’apposer de donner conseil veut dire délibérer pour agir
alors que donner conseil veut dire émettre un avis.
La tradition du conseil en organisation et management qui s’est développée dans la
sphère économique, dans laquelle on trouve associé la figure de l’ingénieur-conseil, du
consultant mais aussi celle du cabinet-conseil mérite d’être ici relevée tant par le rejet
qu’elle suscite que par l’intérêt qu’elle provoque notamment dans la perspective des
discussions en cours en France particulièrement avec l’application de la loi sur les libertés
et responsabilités des universités (2007) en vue de reformer le mode de gouvernance et de
pilotage de l’université en relation avec le développement de son autonomie, politique et
économique en particulier.
« Les conseillers accompagnent d’ailleurs depuis toujours la vie
institutionnelle et politique de différentes institutions, dont l’université. Il existe effectivement de nombreux conseillers dans les établissements d’enseignement supérieur, soit élus dans les conseils universitaires, soit nommés par les présidents d’universités pour exercer des missions spécifiques et leur apporter, sur des points précis de leur action, un avis éclairé et des éléments d’aide à la décision. Ces conseillers sont d’ailleurs parties prenantes de nombreuses activités délibératives qui plus est, sans parler des conseillers de l’ombre, actifs mais non visibles. Les observations de Friedberg et Musselin (1992), Bedin (1993), Mussselin (2001) sur le fonctionnement de certaines équipes dirigeantes dans l’enseignement supérieur sont éclairantes de ce point de vue. La présidentialisation renforcée du gouvernement des universités françaises devrait contribuer au développement de la culture du conseil dans les établissements en lien avec l’accentuation d’un pouvoir politique interne autonome » (Bedin, 2009:34)
Face au constat de Lise Demailly (2001) qui souligne les nombreuses évaluations
qui dorment dans les tiroirs. D’authentiques lettres mortes ne satisfaisant qu’à des
obligations rituelles et rhétoriques: « nombre d’évaluations ne font qu’entériner les
compromis existant sans rouvrir des dynamiques. Nombre d’évaluation sont des outils
technocratiques sans prise sur les réalités concrètes » (Demailly 2001 : 6)
Pour Anne Jorro (11-15 in Bedin, dir. 2009) l’évaluation-conseil apparait donc
comme une réponse à la recherche des moyens pour que l’évaluation devienne
durablement mobilisatrice et porteuse d’évolutions pour les acteurs universitaires auxquels
elle s’adresse et avec lesquels elle se réalise.
90
Mais cette approche ne peut être valable à notre avis qu’à la condition entre autres
de considérer l’évaluation-conseil comme une pratique qui s’inscrit et s’institue dans des
rapports de pouvoir qu’il faut analyser. Parallèlement, cette approche soulève un certain
nombre de questionnements sur les conditions de l’efficacité des recommandations que
l’évaluateur ou le conseiller adresse à un conseil en vue d’une décision ou à un dirigeant
sachant par exemple que les critères politiques peuvent l’emporter sur toute démarche
savante quelle que soit sa pertinence au point que se pose la question de l’utilité d’un
conseil.
L’approche d’analyse de discours foucaldienne, notamment ainsi que son
enseignement s’invitent pour montrer les contraintes de l’évaluateur dans son rôle de
conseiller à remplir son devoir de franc parler. Foucault (2005: 41-58) en s’inspirant de la
relation qui va s’établir entre Platon et Denys, tyran de Syracuse en Sicile nous explique
comment la parrêsia (tout dire en grec), a priori une vertu, une qualité peut être à la fois
une pratique ambigüe et avec des graves répercussions comme la condamnation que va
subir Platon en raison de son franc parler, portant une critique au gouvernement de Denys.
Nous appréhendons ainsi les probables causes du caractère quelque peu opaque de
certains rapports d’évaluation. En extension de cet enseignement on tiendra mieux en
compte avec Demailly (33-52, in G. Pelletier, dir. 2009) de la difficulté de l’évaluateur à
conseiller le « Prince ».
Les questionnements que nous suggèrent une approche évaluative de type conseil
rejoignent sur un certain nombre de registres les enseignements d’Anne Jorro qui
souligne : « l’acte de conseil comme un art de dire risqué puisque le message adressé, le
dialogue en construction peuvent être reçus difficilement et susciter du déni, de
l’évitement, de l’entêtement. Ce qui suppose une connaissance du mouvement des acteurs
et des institutions, de leurs stratégies, de leurs tactiques et de leurs mécanismes de
défense. » (Jorro:13, in Bedin, dir. 2009)
Pour terminer nous dirons avec Jean-Richard Cytermann que l’évaluation-conseil
révèle le défaut de se constituer en solution de rabattement pour des dispositifs détenant en
fin de compte peu de pouvoir d’influence sur les décisions. « Les instances d’évaluation
ont d’autant joué un rôle de conseil qu’elles ont bénéficié d’un pouvoir limité et que leur
participation a la décision politique a été réduite » (Cytermann:128 in Bedin, dir. 2009)
91
D’un point de vue pratique, à la recherche des effets de l’évaluation au centre de la
problématique de cette thèse nous voyons ici la série de contraintes auxquelles doit
d’affronter le conseiller avant de conclure à l’efficacité d’une intervention de type
évaluation-conseil. Nous rebondissons ci après sur une grille d’analyse des effets de
l’évaluation grâce aux enseignements de Pierre Dubois.
1.4.2 Les effets de l’évaluation dans l’enseignement supérieur
L’œuvre de Pierre Dubois est à fois vaste et dense tout comme celle de Christine
Musselin. Les deux auteurs ont en commun une longue expérience de recherche consacrée
à l’enseignement supérieur qu’ils proposent d’analyser comme des systèmes qu’ils vont
comparer à travers les pays, notamment.
L’œuvre de Christine Musselin qui retrace également les différentes étapes de la
construction des universités en France depuis l’époque Napoléonienne à nos jours en
analysant les rapports entre les universités, les universitaires et leurs tutelles nous ouvre la
voie, entre autres, d’un cadre d’analyse des configurations universitaires ainsi que des
angles d’entrée importants en vue de l’analyse des effets d’apprentissage qui se dégagent
de l’interaction entre les acteurs au fil de la mise en œuvre des réformes.
La notion de « configuration universitaire » est proposée par l’auteur pour
« désigner le cadre au sein duquel s’inscrivent, prennent sens et se répondent le type de
gouvernement développé par les établissements, le style de pilotage adopté par la tutelle et
les modes de régulation internes des disciplines. Autrement dit, pour décrire comment
s’articulent trois formes d’action collective : les universités, les autorités de tutelle, la
profession universitaire » (Musselin, 2001:170-171)
Dans son analyse elle s’intéresse aux processus qui vont dicter la disparition d’un
mode de gouvernement autour des facultés « la république des facultés » avec la loi Faure
(1968) et l’émergence des universités « le temps des universités » avant d’arriver aux
accords quadriennaux avec la loi Savary (1984), dans un contexte de forte massification
accompagnée aussi par la nécessité de rendre compte d’où non seulement la multiplication
des actions de contrôle par les différentes instances de contrôle de l’Etat (Cours des
comptes), le représentant du ministère des finances, l’IGAENR, l’inspection de l’éducation
92
nationale mais aussi la mise en œuvre des premières évaluations par le CNE, qu’elle va
également décrire en tentant d’interroger les effets des réformes sur les mode de pilotage,
notamment.
Les recherches de Musselin permettent plus tard de nous situer dans les processus
qui annoncent les conditions du surgissement des PRES avec la loi de 2007 et l’évolution
des différents dispositifs d’évaluation et d’accréditation autour de l’inspection de
l’éducation nationale (IGAENR), Direction de la prospective et évaluation ainsi que de
l’AERES.
En guise de confirmation de l’hypothèse que l’apprentissage est traitée finalement
de façon implicite par différents auteurs, Musselin révèle au long de ses développements
des constats qu’il convient de citer, à travers par exemple les titres et des sections entières
où elle traite de l’apprentissage, sans que ce soit, néanmoins le thème principal de ses
recherches. Elle notera ainsi un « lent apprentissage organisationnel ». (Musselin, 2001:
59).
Mais aussi « trois expériences sans grande influence », quand elle tente de décrire
la relation entre « la politique contractuelle de 1988 et les expériences passées» en
analysant tour à tour les effets d’une première tentative de contractualisation budgétaire en
1975, la naissance du Comité national d’évaluation des Universités (CNE) et son rapport
avec le ministère, puis les contrats quadriennaux de recherche, concluant son étude par un
titre à nouveau assez suggestif et révélateur, à savoir « peu de retour d’expérience entre les
initiatives antérieures et la politique de 1988».
La faible mutualisation des pratiques entre deux entités, le ministère et le CNE alors
qu’elles sont censées œuvrer pour un même objectif, ainsi que les constats d’un quasi
manque de recours à des expériences antérieures où à la prise en compte de cas similaires à
l’étranger pour éviter les mêmes erreurs méritent d’être ici relevés.
« Dès sa création, le CNE a en effet affiché son indépendance vis-à-vis du ministère (il obtiendra d’ailleurs en juillet 1989 le statut d’autorité administrative indépendante) et il a été décidé que ses évaluations ne pourraient être utilisées par le ministère pour orienter l’allocation des ressources aux établissements. Ainsi le CNE et le ministère se sont retrouvés dans une situation de défiance réciproque plutôt que de coopération : les agents du ministère parce qu’ils voient dans le CNE une structure dont certaines attributions pourraient empiéter sur les leurs ; les membres du CNE parce qu’ils veulent éviter d’être considérés comme une annexe du ministère. La coopération entre la tutelle et le CNE est donc réduite. Plus
93
même, la première a tendance à ignorer le second : les rapports publiés par le CNE sont peu utilisés par l’administration centrale. Par conséquent, ni l’approche développé par le CNE, ni les représentations et les connaissances véhiculées par les productions du CNE n’ont pas exercé une réelle influence sur la tutelle. On peut certes noter la fidélité du CNE à son orientation première, à son engagement pour les établissements plutôt que pour les disciplines (chaque rapport sur une université comprend d’ailleurs systématiquement une section sur son gouvernement), mais cette constance a eu un coût : le CNE est maintenu (s’est maintenu) à la marge, si bien que sa conception ne s’est pas diffusée, qu’elle n’a pas eu d’impact au-delà du comite lui-même, et qu’elle n’a ainsi pas affecté les pratiques et les principes d’action de l’administration centrale[…] L’impact de ces trois expériences antérieures sur les modes de pilotages tutélaires a par conséquent été inexistant. Dans un cas, l’expérience n’a pas eu le temps de prendre, dans l’autre elle a survécu mais reste totalement isolée ; dans le dernier, elle a été ingérée et a perdu ses caractéristiques initiales, l’expertise disciplinaire centralisée reprenant l’avantage sur les politiques de recherche des universités. Toutefois, cette absence d’impact direct ne suffit pas pour affirmer que la politique contractuelle n’a pas bénéficié de ces expériences antérieures et qu’elle n’est pas le résultat d’un processus d’apprentissage cumulatif » . (Musselin, 2001 :107-109)
Les effets d’une intervention mettent toujours du temps à se faire sentir et c’est
probablement le cas avec la pléthore d’instances d’évaluation qu’on constate dans le
paysage universitaire français mais si l’on regarde avec Cytermann l’évolution des rapports
entre l’Inspection générale de l’administration nationale et de la recherche avec le Conseil
national de évaluation qui avancent ensemble vers une approche partenariale de
l’évaluation en mettant en place un «Livre des références» en 2003 on n’est plus dans le
scenario des années 1990 d’un service relevant de l’ administration centrale et d’une entité
indépendante qui se tournent le dos révélant de grosses difficultés à travailler ensemble.
Les raisons des difficultés dans le travail collaboratif sont de divers ordres.
« Les pratiques et habitudes de travail en commun n’ont pas été suffisamment développés dès le départ, sans doute à cause de l’alternance de 1986. Le pouvoir politique ensuite, comme l’administration, n’accueille pas toujours favorablement les recommandations. Les différentes équipes du CNE n’ont pas toujours bénéficié du même renom ou de la notoriété qui plus est. Certains décideurs publics, enfin, auraient souhaité que les jugements émanant du Comité soient plus tranchants, avec un classement des universités […] tel était par exemple le point de vue de Claude Allègre, alors conseiller spécial du Ministre de l’éducation nationale, qui avait demandé à Michel Crozier d’animer une réflexion sur l’évaluation des formations en 1990-1991[…] De surcroit le rythme de mise en œuvre de la politique contractuelle n’était pas toujours compatible avec les forces
94
de travail du Comité, qui n’a pas pu évaluer en temps utile la quarantaine d’établissements de la vague contractuelle. Le ministère lui-même a pour sa part, rencontré beaucoup de difficultés à analyser le bilan d’un établissement avant de démarrer une nouvelle négociation. Au final une meilleure articulation avec le Comité aurait supposé un lien plus marqué entre performance de l’institution, dûment évalué par le CNE, et l’attribution de moyens au titre du contrat » (Cytermann : 135-136, in Bedin, dir. 2009)
Musselin poursuit sur un autre registre en regardant de près non seulement les
interactions au sein du gouvernement des établissements mais les implications des
dispositifs de lois sur le rôle du président puis le fonctionnement des conseils
universitaires, en constant tantôt un espace de conflit, tantôt un espace de faible
participation.
En effet, après une phase, les années soixante-dix, caractérisée souvent par des
affrontements verbaux et incidents parfois violents au sein des campus, les années quatre-
vingt sont celles d’une anomie et faible capacité d’action collective, caractérisées par une
participation faible alors que les fonctions de membre des conseils universitaires sont
regardées de façon très critique par les non membres : « ne pas trancher, ne pas diriger,
laisser faire parait être le mot d’ordre». (Musselin, 2001:62).
« L’émergence des universités issues de la loi Faure connait alors deux phases. Dans un premier temps, et en particulier au début des années soixante-dix, la politisation des instances prédomine, l’affrontement entre les groupes limitant les possibilités de construction de positions consensuelles. Puis cède la place à des modes de gouvernement anomiques, caractérisées par la faiblesse de leur capacité décisionnelle […] il n’est pas étonnant que R. Rémond (1979) relatant son expérience de premier président de Paris X-Nanterre, assimile le gouvernement d’une université au gouvernement d’une société, et qu’il compare le conseil universitaire a une assemble parlementaire… plutôt qu’au conseil d’administration d’une entreprise » (Musselin, 2001:59-61).
La force de cette analyse qui va dans les détails et que nous voulons mettre à profit,
tire sa source dans le fait où elle met en exergue la face cachée des rapports au sein des
établissements et des dispositifs de régulation externe qu’une volonté rapide et parfois
« naïve » d’aller à la rencontre des effets positifs de l’apprentissage peut inhiber à voir.
Avant de retrouver les points d’appui qui peuvent contribuer à construire une
cohérence d’ensemble dans une démarche déterministe, une telle approche sur
95
l’apprentissage n’aurait aucun sens, sans la prise en compte des rapports de force, les
différentes logiques et stratégies, ainsi que les éventuels conflits au centre desquels se
développent les universités et pouvant naturellement induire un certain nombre de
blocages et freins aux processus d’amélioration souhaités.
Dans son observation de l’évolution de la fonction présidentielle Musselin voit un
certain nombre d’interventions réalisées par les présidents des universités tendant à
renforcer leur leadership à mesure qu’il y a un enrichissement des contenus de la fonction
et la professionnalisation du métier. Cette posture impulsée par la contractualisation
conduit le président à incarner le projet, la politique de l’établissement et va en même
temps appauvrir le rôle des directeurs d’UFR qui : « ne restent ni dirigeants, ni pilotes, ils
restent à peine des représentants de leur composantes. Les directeurs d’UFR estiment ne
pas avoir des marges de manœuvre, cette fonction est vécue comme délicate, limite,
chronophage et peu valorisante ». (Musselin, 2001 : 148-149)
Tous ces enseignements indiquent déjà les différentes trajectoires qui peuvent
induire les réformes sur la position de acteurs et leurs métiers ainsi que les perceptions que
cela peut provoquer sur chacun d’entre eux et sur les processus d’apprentissage et
d’innovation que nous cherchons à mesurer et à analyser dans cette thèse. On peut dire que
dans les systèmes universitaires on est encore loin de l’environnement semble-t-il paisible
de l’organisation créatrice des connaissances décrite par Nonaka (1995) où les acteurs,
ingénieurs des connaissances, aux différents niveaux tactique et stratégique œuvrent à la
création et diffusion des connaissances nécessaires au développement de l’entreprise.
Pierre Dubois à son tour va s’intéresser, notamment, à l’analyse de l’évolution des
dispositifs de gouvernance des universités en termes de modèles de management. Son
analyse va porter sur les conditions d’émergence d’un modèle de gouvernance des
universités de type présidentiel en corollaire d’un nouveau paradigme exigeant qu’elles
soient davantage porteuses de projets et qu’elles rendent compte sur la base de résultats.
Dans son analyse sur les conditions d’une meilleure gouvernance des universités, il
justifie ce besoin d’une amélioration par la nécessite que les universités ont de mieux
remplir leur missions, à savoir de formation initiale et continue, de recherche fondamentale
et appliquée en fonction des orientations définies par la puissance publique.
S’il se montre favorable à une montée en puissance de la fonction présidentielle,
cette évolution doit, en contrepartie, respecter un certain nombre de conditions,
96
notamment : «que le gouvernement des universités soit pleinement et réellement
responsable devant un ou plusieurs conseils, ceux-ci doivent pouvoir renvoyer le
recteur/président qui gouverne mal son université ». (Dubois, Moscati, Boffo, 2008:5)
Mais cette condition ne dépend pas seulement de la bonne volonté des
universitaires., Il faudrait encore que l’ordonnancement administratif et politique dont les
systèmes universitaires sont tributaires, veille à l’équilibre de la répartition des pouvoirs et
attributions d’une instance à l’autre au sein des établissements, c'est-à-dire entre le recteur
(président), conseils universitaires, directeurs de facultés, enseignants, corps techniques et
administratif, étudiants.
Si l’environnement organisationnel est un facteur d’amélioration de la qualité
recherchée on ne peut pas vraiment dire que tous les systèmes soient dessinés pour faciliter
un meilleur gouvernement des universités.
On peut voir là non seulement la complexité des problèmes que peut soulever
l’injonction qui est faite par la puissance publique afin que les universités adoptent des
style de gouvernement à même de produire davantage de résultats si les conditions de
respect de l’équilibre de la répartition des attributions et compétences ne sont pas au jour,
mais aussi tout l’intérêt d’analyser l’interaction entre les acteurs au sein des établissements
afin d’aboutir à une meilleure compréhension des facteurs qui facilitent ou bloquent les
changements.
Dans la veine suivie par la présente thèse, il est intéressant de remarquer chez
Dubois (254-271) aussi bien un intérêt porté à l’analyse des effets de l’évaluation dans la
perspective de l’apprentissage. « L’enjeu principal de l’évaluation externe est aujourd’hui
le développement de l’évaluation interne pour que les universités dans le cadre de leur
stratégies, améliorent la qualité et la performance des enseignements, de la recherche, des
services rendus aux usagers et ce au meilleur coût. Dans ce contexte la détermination des
effets de l’évaluation est essentielle » (Dubois, Moscati, Boffo, 2008:254)
Parmi les trois approches des effets de l’évaluation qu’il considère possibles, la plus
pertinente est l’approche en termes de processus, à condition d’une appropriation. Cette
approche conduit cependant à s’interroger sur les conditions d’une appropriation de
l’évaluation par les universités et des usages qu’ils font des résultats dans la réalisation de
leur mission.
97
Sachant le contexte non statique mais dynamique des relations au sein des
dispositifs on a quand même du mal à déterminer les niveaux d’appropriation souhaitées
pour que les effets de l’évaluation soient effectivement ceux recherchés par l’ensemble des
groupes qui composent le système université. Un ensemble de quatre conditions présentées
en ordre chronologique doivent être franchies successivement.
« Première condition : le préalable des effets cognitifs, formatifs, culturels, légitimateurs de l’évaluation. Deuxième condition : la nature des effets de l’évaluation (effets incertains de l’évaluation descriptive et des recommandations, injonctions, effets financiers de certaines évaluations). Troisième condition: l’appropriation des résultats par les acteurs universitaires, point de départ d’une dynamique au sein de l’université même. Plusieurs facteurs de contexte facilitent une telle démarche : existence d’une équipe de direction puissante, égale responsabilisation des composantes de l’université, difficultés financières, réformes décidées parallèlement par la puissance publique. Quatrième condition : mise en place de dispositifs permanents d’évaluation interne. Ces dispositifs exigent plusieurs conditions pour être efficaces : compétences professionnelles de leurs personnels, moyens financiers minimum d’indépendance » (Dubois, Moscati, Boffo, 2008:254-255).
L’approche en termes de causalité représente des difficultés car l’imputabilité d’un
effet (une action mise œuvre) à une cause (une évaluation) suppose qu’on puisse vérifier
que toutes les choses sont restées égales par ailleurs, alors que dans l’université les choses
ne restent jamais égales.
La troisième approche classe les effets directs positifs (accroissements de
moyens…) effets directs négatifs (fermeture d’un diplôme), effets contraires à ceux
attendus, effets imposés par l’organisme d’évaluation, effets indirects (imputables non
clairement à telle ou telle évaluation, effets incertains, effets apparents, absence d’effets.
Les effets peuvent être également classés par champ d’évaluation (enseignement
recherche, organisation…).
Pour avoir les effets souhaités il est donc important que l’évaluation fasse l’objet
d’une appropriation par les acteurs concernés et des décisions internes au système.. Cette
condition d’efficacité d’un processus d’évaluation est reprise par différents chercheurs dont
Nathalie Younes (in Bedin, dir. 2009) dans un article où elle présente une lecture des
conceptions anglo-saxonnes de l’évaluation de l’enseignement supérieur, en interrogeant la
98
multi-dimensionnalité de cette évaluation notamment dans ses composantes réflexives et
régulatrices.
1.4.3 Différentes formes d’évaluation des enseignements, le rôle des étudiants
D’un intérêt historique, rejoignant dans cette perspective une des entrées en
évaluation proposées par Huguette Bernard (2011) ci-dessous, Nathalie Younes porte son
regard, entre autres, sur quatre modalités d’évaluation complémentaires, à savoir les
résultats des étudiants, l’évaluation de l’enseignement par les étudiants, l’évaluation par les
pairs et les portfolios.
Les portfolios d’enseignement décrits dans une approche plus globale de
l’évaluation de l’enseignement par Nathalie Younes sont sur un certain nombre de registres
à relier avec les dossiers d’enseignement adressés aux professeurs analysés par Huguette
Bernard (2011: 29-31; 259-286) où l’auteur insiste sur évaluation de l’enseignant qui tient
compte non seulement de son enseignement mais aussi de sa recherche et son rayonnement
dans l’établissement. Celles-là permettent selon l’auteur d’appréhender différentes facettes
et points de vue : l’enseignement et l’apprentissage, l’étudiant et l’enseignant, l’individu et
le collectif ainsi que leurs interactions.
D’un point de vue des objectifs recherchés dans cette thèse, au fur et a mesure que
nous rentrons dans le fond et détails des thèmes de l’évaluation, on voit aussi se
complexifier de plus en plus la tentative d’identifier les indicateurs et effets
d’apprentissage souhaitables avec la mise en œuvre des processus d’évaluation, ce d’autant
plus que des larges études empiriques attirent l’attention sur la nécessité d’analyser un
certain nombre de paramètres avant de déterminer tout effet et l’efficacité de l’évaluation
des résultats des étudiants, en l’occurrence.
Mais les recherches attirent aussi l’attention sur la nécessité de s’interroger sur la
validité et utilité de l’évaluation de l’enseignement par les étudiants, au centre de la
controverse dans ses objectifs comme dans son utilisation dans la communauté
universitaire. Bien que de nombreuses recherches dont celles de (Marsh, 1987) montrent de
manière non équivoque que les enseignants bien évalués par les étudiants sont aussi ceux
dont les étudiants apprennent le plus, ceux à propos desquels ils font des commentaires
99
favorables dans les entretiens, ceux qui sont bien évalués par des observateurs extérieurs,
les anciens étudiants et les collègues, les biais affectant les EEE ne doivent cependant être
minimisés.
«Les évaluations de l’enseignement par les étudiants (EEE) sont valides si elles reflètent l’efficacité de l’enseignement. Les chercheurs s’accordent pour considérer qu’il n’y a pas de critère univoque de l’efficacité de l’enseignement et Scriven (1983) a particulièrement bien analysé les biais des indicateurs les plus couramment utilisés que sont les mesures de l’apprentissage des étudiants, les jugements des anciens étudiants et les observations des experts. La question de la validité des EEE a donc été traitée par l’étude des corrélations entre celles-ci et d’autres mesures imparfaites et partielles de l’efficacité de l’enseignement » (Younes:198 in Bedin, dir. 2009)
Parallèlement l’évaluation de l’enseignement supérieur tend de plus en plus à
montrer des avantages en se centrant sur les résultats des étudiants en termes de
compétences acquises. Ce mouvement est visible en termes de procédures d’accréditation
américaines (Gill, 2006) mais elle soulève également la question de savoir si les résultats
des étudiants peuvent être utilisés comme des indicateurs valides de la qualité de
l’enseignement dans les environnements universitaires complexes d’aujourd’hui.
Il apparait difficile de le définir et mesurer d’autant plus qu’une analyse plus
complète de la corrélation entre résultats des étudiants et enseignement exige au moins de
prendre en compte trois sources majeures d’influence, autres que l’enseignement lui-
même, à savoir institutionnelle, sociale, dispostionnelle.
« Ramsden et Entwiste (1981) ont étudié comment le climat d’un département ou d’une institution influençait l’apprentissage des étudiants en favorisant ou en défavorisant leur engagement. Des de larges études empiriques comme celle d’Astin (1981), ont montré comment l’établissement choisi influençait les changements des étudiants et le développement de carrière. Les facteurs dispositionnels, affectant l’apprentissage des étudiants incluent, les attitudes des étudiants par rapport à l’instruction, les capacités, individuelles, l’étape de développement et la volonté d’accepter la responsabilité de l’apprentissage. Parmi les facteurs sociaux, l’argent, les expériences et les valeurs sont aussi décisifs ». (Younes:196 in Bedin, dir. 2009).
L’évaluation de l’enseignement par les étudiants a ses origines en Amérique de
Nord. Elle s’est beaucoup développée dans les universités américaines, canadiennes,
australiennes, anglaises et est considérée aujourd’hui l’une des principales formes
100
d’évaluation de l’enseignement supérieur. Utilisée principalement à des fins
administratives d’embauche et de sélection des enseignants et d’amélioration de
l’enseignement, mais aussi comme information pour choisir les cours, cette forme
d’évaluation reste controversée dans ses objectifs comme dans son utilisation dans la
communauté universitaire.
1.4.4 L’évaluation par pairs et les portfolios
Il existe plusieurs formes d’évaluation de l’enseignement universitaire par les pairs
présentées dans les années quatre-vingt-dix. Basées sur des interactions et du soutien, ainsi
les programmes pairs-partenaires décrivent des stratégies impliquant que les collègues –
en général des pairs d’enseignants – travaillent ensemble de manière systématique pendant
au moins un semestre dans une relation d’aide qui inclut des visites de cours mutuelles, des
discussions avec les étudiants et des rencontres régulières pour discuter de leur
enseignement et comment y apporter des améliorations.
Les chercheurs comme (Smith, 2001 cité par N. Younès) justifient l’importance des
activités d’évaluation par les pairs en ce sens où elles reflètent le professionnalisme dans
l’enseignement, c'est-à-dire, être activement engagé dans le contrôle de l’impact de son
propre travail et dans l’amélioration de son efficacité. Il indique cependant en se référant
au travail d’Argyris et Schon (1974) qui distinguent deux boucles d’apprentissage que de
telles activités peuvent ne pas entraîner de transformations radicales.
Les portfolios d’enseignement se développent comme une réaction en vue d’une
appropriation du contrôle du processus d’évaluation par les enseignants en élargissant les
bases d’appréciation de l’enseignement et de l’apprentissage universitaires. L’utilisation
des portfolios dans l’enseignement supérieur connait ses débuts au Canada dans les années
quatre-vingt-dix avant de se répandre progressivement dans le monde entier. Shore (1975)
exprime le principe selon lequel il revenait aux enseignants universitaires de construire
eux-mêmes la démonstration de leur efficacité en tant qu’enseignants avant la publication
d’un premier guide pour le dossier d’enseignement.
« Le portfolio est donc envisagé, non comme une nouvelle méthode
d’évaluation mais plutôt comme un système de collecte , de combinaison et
101
d’organisation de l’information à partir d’une large série de sources incluant les approches traditionnelles de l’évaluation de l’enseignement comme les visites de pairs et les évaluations des étudiants. Il était prévu que le portfolio soit utilisé pour les principales décisions de carrière comme la titularisation et la promotion mais aussi dans une perspective formative. Le concept de portfolio a également été appliqué au niveau local (département, unité de formation et de recherche…) dans ce cas, il a été conçu à l’origine comme une approche pour allouer des ressources aux départements et éviter des mesures simplistes et unitaires de la qualité de l’enseignement […] Les portfolios ont aussi été utilisés pour évaluer l’enseignement au niveau national. Par exemple, en 1993, les universités australiennes ont participé à un processus national d’audit de qualité initié par le gouvernement fédéral en soumettant des portfolios de leur travail. Limites a 20 pages, les portfolios devaient inclure de l’information sur les caractéristiques des étudiants et des enseignants, les dispositions de feedback sur l’enseignement, les liens avec l’industrie, la formation continue, les innovations pédagogiques et le programme d’évaluation internationale. Ces portfolios complètes par des visites de pairs sur site, ont été utilises comme preuve pour porter des jugements sur le mérite institutionnelle et pour l’allocation de fonds pour soutenir d’autres développements de la qualité (Kanpper & Wright, 2001) ». (Younes:201 in Bedin, dir. 2009)
Le portfolio qui inclut un certain nombre d’indicateurs d’un enseignement efficace
(types de preuves), à savoir « les produits d’un enseignement » (par exemple les travaux
des étudiants) ; « le matériel personnel » (devoir, plan de cours, innovations…) et « les
informations externes» (étudiants, collègues, anciens élèves) est défini comme un résumé
des principales réalisations d’un professeur.
Les portfolios posent en dépit de leur acception grandissante quelques problèmes,
notamment le manque de sélectivité et de cohérence, ce qui surcharge la tache des comités
chargés de les évaluer. Mais aussi des problèmes liés à la fiabilité et validité, d’où la
recommandation que les portfolios tiennent compte non seulement de ce que les personnes
déclarent mais agilement de ce qu’elles réalisent également.
Nous venons de voir la multitude des effets qui peuvent être imputés à l’évaluation,
sans qu’on puisse pour autant déterminer des impacts radicaux. Les apprentissages sont
aussi de divers natures et ne produisent pas toujours les effets souhaités comme le montre
la théorie en deux boucles (Argyris et Schon). Les impacts peuvent, en effet, être positifs,
négatifs, nuls ou ambivalents, directs, indirects ou incertains. Ils sont généralement loin
d’être clairement identifiables, étant donné que l’évaluation s’inscrit dans un contexte
102
universitaire complexe nécessitant de prendre en compte les différentes logiques qui
interviennent.
En plus il faudrait aussi décrire en détail les différentes modalités d’évaluation afin
d’appréhender les différentes facettes et points de vue avant d’en arriver à l’analyse de ses
effets : l’enseignement et l’apprentissage, l’étudiant et l’enseignant, l’individu et le
collectif ainsi que leurs interactions, mais aussi les institutions, les dispositifs et les
établissements pris dans un système. En parallèle il faut s’interroger sur la validité et
l’utilité des diverses formes d’évaluation ainsi que sur leurs objectifs dans la communauté
universitaire.
A travers les enseignements d’un certain nombre d’auteurs et chercheurs, nous
avons ainsi initié un travail de balayage des principaux thèmes et méthodes de l’évaluation
en vue de la constitution d’un nouveau champ de recherche autour de l’apprentissage dans
la gouvernance de l’enseignement supérieur. Les angles d’attaque proposés dans la
littérature ci-dessus restituée ont ainsi contribué à un renforcement des questionnements
initiaux et donc à cristalliser nos approches méthodologiques.
Mais d’autres entrées complémentaires méritent d’être non seulement privilégiées
mais approfondies notamment par l’histoire de l’évaluation en nous concentrant sur le
concept de qualité, son origine, les problèmes qu’il pose, son interprétation par les agences
d’évaluation et accréditation et les propositions pour faire avancer la réflexion autour de la
qualité dans l’enseignement supérieur.
1.5 Une entrée à travers l’histoire de l’évaluation dans l’enseignement supérieur
Il s’agit dans cette section de continuer à approfondir les thématiques qui
intéressent l’évaluation aujourd’hui ainsi que les approches que peuvent être mobilisées
pour son étude, les voies qu’elles ouvrent et comment nous pourrions les capitaliser dans le
développement d’un champ de recherche encore peu exploité, relatif à l’apprentissage
organisationnel dans l’enseignement supérieur.
Nous proposons de partir de l’histoire de l’évaluation et de nous concentrer sur les
mutations dans le milieu ambiant des systèmes d’enseignement supérieur ainsi que sur
l’évolution des dispositifs, les influences et implications des nouveaux paradigmes de
gouvernance sur les institutions universitaires et sur les acteurs.
103
Quelle est donc l’origine de l’évaluation, dans ses multiples formes dans
l’enseignement supérieur et qu’elles sont les tendances actuelles ? Il est difficile de dater
avec précision son origine mais on peut affirmer que l’évaluation dans l’enseignement
supérieur est y compris dans ses multiples facettes presque aussi ancienne que la création
des premières universités au XII siècle en Italie et en France.
Cette déclaration est corroborée par un article de Marc Romainville: 143-153 in
FAVE-BONNET) autour de l’institutionnalisation des pratiques d’évaluation de
l’enseignement par les étudiants, par exemple, où il suggère plutôt une mise en place de
pratiques instituées et explicites en la matière.
«Les étudiants ont de tout temps évalué leurs enseignements, ne fût-
ce que par les pieds en désertant des cours jugés inintéressants ou inutiles.
Il est donc faut de dire que l’on assiste, dans l’enseignement supérieur à
l’apparition de l’évaluation des enseignements par les étudiants »
(Romainville:143)
Pour les références historiques sur l’origine de l’enseignement supérieur, avant de
rentrer dans une perspective d’analyse de l’évolution des dispositifs de gouvernance et
d’évaluation des universités grâce aux travaux de Pierre Dubois et de Christine Musselin
notamment nos propos sont aussi appuyés par l’œuvre de Charle et Verger (1973).
En fait, à mesure que les universités ont évolué en nombre et en termes d’offre de
formation vers une certaine forme d’autonomie par rapport aux tutelles, c’est-à-dire, église,
pouvoirs publics, ordres etc. on verra se développer différents dispositifs de régulation et
contrôle soit à travers une licencia docendi, la limitation de l’autorisation d’ouverture de
nouveaux cours ou établissements, soit la reconnaissance des titres ou encore l’attribution
d’un budget.
Pour bien situer la dynamique de l’évaluation dans l’enseignement supérieur depuis
ses origines il faut comparer les mécanismes de régulation des universités d’Amérique du
Nord avec la régulation des universités en Europe. En fait, comparativement aux
universités en Amérique du Nord où l’évaluation fait partie intégrante de leur vie,
l’évaluation en Europe est apparue plus récemment.
104
Essentiellement financées par des fonds publics, à l’exception du Royaume-Uni, les
universités subissent (Fave Bonnet, 2003) certes de façon plus ou moins tatillonne, les
contrôles de la puissance publique. De même, les universitaires sont évaluées depuis
toujours, pour leur recrutement ou leurs promotions, essentiellement sur leurs activités ou
leurs productions de recherche. Cependant il faut attendre le début des années 1990 pour
parler d’évaluation en tant qu’outil de gestion des personnes et des ressources, de
formation individuelle ou collective, de prospective et de pilotage, etc. en Europe.
« Pour saisir ce qui s’est passé depuis un peu plus d’une décennie, et, en particulier, analyser les tendances de fond, il vaut mieux appréhender la question de l’évaluation dans son ensemble, c’est-à-dire non pas examiner l’évaluation de la recherche, puis l’évaluation des enseignements, puis l’évaluation des enseignants, mais tenter de comprendre pourquoi s’est développée l’idée d’évaluation, comment se sont mises en place ces évaluations, quelles résistances elles ont rencontrées, à quelles conditions elles sont devenues pertinentes et efficaces. De même, il convient d’intégrer dans l’analyse le jeu entre les évaluations internes des universités et les évaluations externes». (Fave-Bonnet, 2003 :319-321)
Avant de proposer une typologie de l’évaluation en milieu universitaire avec
l’avènement du paradigme de la qualité, nous partirons des premières expériences selon la
littérature qui ont dicté son institutionnalisation en Amérique du Nord d’abord, puis en
Europe au début des 1990 avant de s’étendre à la plupart des systèmes éducatifs
aujourd’hui.
Selon un rapport du CNE (1995) l’évaluation dans les universités françaises
remonte à Napoléon Premier, mais avant tout à la déclaration des droits de l’homme 1789,
article XV « la société a le droit de demander à tout agent public compte de son
administration », p. 6. L’ambition de l’évaluation, son champ d’application dans
l’enseignement supérieur consisterait à comparer les missions des établissements par
rapport aux réalisations assurées. C’est un objectif très ambitieux d’où son introduction
tardive.
«L’empereur ayant passé commande d’un rapport sur les progrès des sciences et les moyens à mettre en œuvre pour les enseigner, le Baron Cuvier présente au Conseil d’État, le 6 février 1808, un panorama des disciplines : Les écoles de médecine, des travaux publics, de sciences mathématiques et physiques
105
et d’histoire naturelle offrent pour le degré supérieur un enseignement infiniment plus parfait que tout ce qui a jamais existé dans aucun pays » (CNE, 1995 : 5)
Déjà aux Etats-Unis, en réalité, les préoccupations de l’évaluation sont tout aussi
anciennes. Il suffit de rappeler l’histoire d’évaluation originale entreprise dans le domaine
des études de santé. Les comparaisons et les conclusions qui suivent sont d’autant plus
intéressantes dans la mesure où elles annoncent une méthodologie et la force de
l’évaluation en ce sens qu’elle peut conduire à une meilleure connaissance des systèmes
éducatifs, notamment sur leurs enjeux et objectifs ainsi que sur l’environnement dans
lequel ils évoluent.
« En novembre 1908, la Carnegy Foundation for Advancement of Teaching mandate Abraham Flexner, qui n’est ni médecin, ni enseignant, pour pratiquer une évaluation de la formation médicale aux Etats-Unis et au Canada. En l’espace de dix-huit mois, celui-ci visite 155 établissements, rédige pour chacun d’entre eux une fiche rappelant leur historique, les conditions d’entrée, le nombre d’étudiants et de professeurs et les facilités en termes de laboratoires et d’enseignement clinique[…] (this school is a disgrace to the State whose laws permits its existence) Il demande que l’on ramène de 155 à 31 le nombre d’écoles, avec renforcement des exigences et disparition de l’aspect commercial[…] Fort de cette première expérience, Abraham Flexner, en 1927 établi une comparaison de l’enseignement de la médecine entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Il souligne les racines historiques des différentes modalités de formation médicale. En France et en Grande-Bretagne, les origines sont religieuses, ce qui explique que l’enseignement soit centré sur les hôpitaux. En Allemagne, ce sont des traditions philosophiques qui l’emportent, donc les universités prédominent. Flexner montre la valeur clinique de la médecine française, mais regrette le caractère exceptionnel des activités à plein temps. Il souligne que la force de l’Allemagne réside dans l’existence de puissants instituts de recherche qui assurent une liaison intime entre enseignement et les recherches originales ». (CNE, 1995: 8)
Parmi les critères en l’usage dans la littérature de l’évaluation, l’enseignement
apparaît sans doute comme celui qui a les plus intéressé la recherche. L’enseignement a été
toujours au centre de l’activité universitaire, son aspect central mais aussi transversal dans
le contexte universitaire dans la mesure où avec lui on touche aux problématiques des
contenus à enseigner et des pratiques pédagogiques mais aussi à la formation des
professeurs et à la relation avec les étudiants, sans oublier les moyens, peut expliquer le
grand intérêt des chercheurs en évaluation à l’étude des pratiques autour de ce critère. Par
106
conséquent un recours à l’évolution des pratiques d’évaluation de l’enseignement peut
aider à retrouver les moments les plus marquants de l’évaluation à l’université.
Ce qui est qui étonnant à ce sujet dans ce que nombreux universitaires et chercheurs
considèrent comme les limites des classements internationaux les plus médiatisées est
qu’aucun critère retenu n'évalue la qualité de l'enseignement ni le niveau des élèves,
élément paradoxal dans un classement des universités.
En tout cas Huguette Bernard (2011) dans un rappel historique des pratiques et des
recherches en évaluation de l’enseignement nous fait remarquer six grandes étapes allant
des années 1920 aux années 2000. Selon l’auteur l’évaluation commence par être libre et
quelque peu improvisée pour connaitre plus tard un revirement dramatique à partir des
années 1980 quand elle devient essentiellement administrative. L’évaluation de
l’enseignement dans les universités nord-américaines remonte au début du XXe siècle.
« Le premier fait marquant se produit en 1924, quand les étudiants de l’Université Harvard aux Etats-Unis publient le premier Confidential Guide to Courses (Doyele, 1983 ; Ory, 1990, 2000). L’évaluation des cours qu’y présentent les étudiants a pour but d’aider leurs condisciples à choisir les meilleurs cours et les meilleurs professeurs. Les étudiants ont eux-mêmes mis au point l’instrument d’évaluation, et les professeurs ont le choix de se soumettre ou non au processus. Cette situation prévaudra à Harvard de façon irrégulière (à Cause de la Deuxième Guerre mondiale) jusqu’á la fin des années 1950 et l’initiative sera reprise dans plusieurs établissements américains […] Dans les années 1990, surtout à cause des compressions budgétaires imposées aux universités, l’évaluation de l’enseignement connait un revirement dramatique. Jusqu’alors libre et quelque peu improvisée, elle devient essentiellement administrative et pour la première fois, représente pour les professeurs une menace à leur carrière. En effet, les autorités universitaires, forcées de mieux gérer leurs budgets réduits, voient désormais dans évaluation de l’enseignement un moyen de mieux repartir la masse salariale du corps enseignant. Ainsi, les autorités universitaires prennent en charge le processus d’évaluation ». (Bernard, 2011:25)
L’évolution ci-dessus décrite a eu des implications sur les rapports entre les
autorités universitaires et les professeurs qui craignant des procédures arbitraires avec des
effets négatifs pour leur carrière exigent des normes d’évaluation claires et des conditions
d’utilisation de l’information pour l’avancement de la carrière professorale. Des longues
discussions aboutiront aux premières politiques institutionnelles d’évaluation de
107
l’enseignement précisant entre autres qui est évalué, qui évalue, quand, comment et avec
quel effet.
Mais le débat est encore loin d’être terminé avec les innombrables études qui
s’interrogent sur la pertinence et qualité des instruments d’évaluation ainsi que sur
l’efficacité de telles procédures pour l’amélioration de l’enseignement, notamment.
Huguette Bernard nous fait noter par exemple les travaux de Richardson (2005) et Marsh
(2007), qui traitent de la valeur des instruments d’évaluation par les étudiants, les auteurs
s’inquiétant de la piètre qualité des questionnaires utilisés dans bon nombre d’universités.
Le souci de démontrer l’efficacité de l’évaluation a également conduit selon
Huguette Bernard certains chercheurs dont Seldin (2004), Seldin et coll. (2006), Seldin et
Miller (2009) et Arreola (2007) au développement d’une approche plus globale pour
évaluer la qualité de l’enseignement notamment par le recours à un dossier
d’enseignement. Pour eux ce dossier permet d’évaluer la mission d’enseignement d’un
professeur de façon aussi tangible et rigoureuse que l’évaluation de la recherche.
S’Inspirant de la démarche de Braskamp et Ory (1994) ils proposent une évaluation
plus complète et unifiée du professeur, en analysant son enseignement, sa recherche, son
rayonnement ainsi que sa contribution à l’établissement : « Le dossier d’enseignement du
professeur devient son portfolio universitaire (academic portfolio), dans lequel sont
présentées ses réalisations en enseignement et en recherche ainsi que son rayonnement
interne et externe ». (Bernard, 2011:31)
Ce qui précède confirme que les préoccupations de l’évaluation sont très anciennes
et qu’elles continuent de marquer la vie des universités. Historiquement les mécanismes
de garantie de qualité (Van Vught 1995:195-6 in Eleanor Lemmer, 2006 :161-2) sont eux
aussi partie intégrante de l’université depuis le moyen âge. « Une évaluation de la qualité
a été toujours intégrée dans la grande finalité de l’université, à la recherche de la vérité
désintéressée, et dans ce contexte, les facultés et leurs intellectuels désignés étaient les
premiers gardiens de l’excellence et de la vérité »
Mais les concepts et pratiques telles qu’assurance-qualité, accréditation,
habilitation, palmarès constituent un vocabulaire relativement nouveau dans
l’enseignement supérieur comme montre (FAVE BONNET, 2010).
108
1.6 L’arrivée du paradigme de la qualité en milieu universitaire
Ce vocabulaire est à inscrire dans les tendances qui vont constituer un paradigme
relativement nouveau, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, pratiquement où
l’université cesse d’être ce lieu de luxe qui décrivait G. Gusdorf (1964:83), cité par
Christine Musselin pour s’intéresser à ses produits : « L’université est un luxe, et sans
doute, de toutes les formes de luxe, l’une des plus légitimes. […]Elle n’est pas là pour
servir à quelque chose. Elle est là pour se servir et si médiocres que puissent être ceux qui
l’animent, elle rappelle les hommes à l’ordre de l’humanité ». (Musselin, 2001:137)
La différence entre l’université des débuts des années quatre-vingt et celle
d’aujourd’hui est frappante car on voit de plus en plus émerger et se développer des
questions telles que « que produit-on ? », «que fait-on et comment ? ». Notons que cette
évolution si on se fie aux comparaisons internationales touche de plus en plus de systèmes
d’enseignement supérieur partout dans le monde, universités des pays en développement
inclus.
C’est aussi une des conséquences du développement de l’université de masse où
l’enseignement universitaire devient un des acteurs de la formation de la main-d’œuvre
qualifiée pour l’économie et les universités peuvent moins se désintéresser de ce qu’elles
produisent et des besoins de la société.
En France par exemple, sous pression les responsables administratifs des
universités s’approprient la nécessité de les rendre redevables et commencent à produire
des indicateurs non pas pour renseigner l’administration centrale comme auparavant mais
plutôt pour leur propre gestion en générant des données cohérentes les unes avec les autres,
alimentant la connaissance de l’établissement lui-même.
Parallèlement ils engagent en interne une réflexion sur la « bonne utilisation de
leurs ressources », alors que cette question était jusqu'à présent formulée en termes de
contrôle par le ministère en charge de l’enseignement supérieur, le ministère des finances,
à travers son représentant (l’agent comptable) ou les services de contrôle de l’Etat (Cours
des comptes …)
Ce phénomène est massif dans tous les systèmes éducatifs (Eleanor Lemmer,
2006 :161-163), du primaire au supérieur au point que (Fave-Bonnet et Monica Macarie-
109
Florea, in Bedin, dir. 2009), se référant à (Bradfoot, 2000) parlent d’un nouveau mode de
régulation et de gouvernance d’un « État évaluateur ».
C’est une évolution qui va bien au-delà aujourd’hui du contexte des systèmes
universitaires des pays les plus avancés notamment en Europe, comme la recherche
EVALUE (Fave-Bonnet et Monica Florea : 141, in Bedin, dir. 2009) l’avait en effet
montré avec une multiplication des évaluations liées a la nécessité de rendre des comptes
(accountability) quant aux fonds publics dépensés par les universités avec la massification
de l’enseignement supérieur à partir des années quatre-vingt-dix mais aussi à la nécessité
d’une meilleure gouvernance.
On peut à la suite du rapport EVALUE parler désormais de modèles de référence de
l’évaluation. Deux d’entre eux étant extrêmement anciens, c'est-à-dire le contrôle de
conformité et l’évaluation par les pairs, alors que le troisième modèle «gestionnaire» ou
«managérial» a émergé dans la période contemporaine, dans le cadre d’une vision
entrepreneuriale de l’université, la voulant donc une entreprise productrice de services pour
des usagers et des clients avec des ressources limitées.
« Le contrôle de conformité veille à faire respecter les règles et les procédures, à signaler éventuellement les gaspillages et les fraudes ; il est généralement effectué par des professionnels de l’administration. L’évaluation par les pairs (peer review) est aussi ancienne que l’université: le contrôle de l’accès au corps, des changements de grade, de l’activité d’enseignement et de recherche, de l’application des règles a toujours été effectué par des pairs, sous le contrôle plus ou moins étroit de l’autorité publique. Ce type d’évaluation est corporatif : il contrôle la profession, mais assure parallèlement la représentation de ses intérêts […] Le modèle «gestionnaire» ou «managérial» emprunte à plusieurs sources, publiques ou privées: contrôle de gestion, rationalisation budgétaire, planification stratégique, total quality management, assurance qualité […] Il emprunte aussi aux théories du libéralisme économique, prônant la régulation par le marché. Il est prégnant au Royaume-Uni. Il lie directement évaluation et affectation de moyens (supplémentaires ou réduits selon les résultats de l’évaluation) et insiste sur les performances. (Fave-Bonnet, 2003: 328-329)
Pour Fave-Bonnet ces trois modèles de référence ont révélé leurs limites en Europe.
Concernant des évaluations assez spécialisées, décidées largement à l’externe et réalisées
par des experts extérieurs, Ils ne mettent en évidence ni le rôle de l’évaluation et des
acteurs internes ni l’interrelation bénéfique (pour la pertinence de l’évaluation) entre les
différents champs de l’évaluation. Ces limites rendent tout à fait pertinent pour Fave-
110
Bonnet la nécessité du développement d’un quatrième modèle dénommé le «modèle de
l’évaluation pluraliste, contextuelle et dynamique.
« L’évaluation de contrôle initiée par la puissance publique est légitime, car les universités sont un service public. Mais elle ne parvient pas à engager une dynamique de transformations dans les universités, même quand elle est associée à une politique de contractualisation, car elle est souvent contradictoire avec le développement de l’autonomie universitaire. L’évaluation autonome, initiée par les universités elles-mêmes, s’essouffle assez vite, car les comparaisons sont difficiles à établir, et parce qu’elle ne parvient pas à interagir avec les décisions et les financements externes. L’évaluation managériale se heurte aux cultures universitaires: les universités ne sauraient fonctionner selon la seule logique du marché. Elles doivent être efficaces et efficientes, mais en diffusant des valeurs autres que celles du marché, en appliquant des réglementations, en respectant et en impliquant les enseignants, les personnels et les étudiants[…] Une évaluation « pluraliste », «dynamique» et « contextuelle » semble être le modèle d’évaluation le plus pertinent pour la transformation des universités. Évaluation pluraliste, en ce sens qu’elle doit associer et prendre en compte les analyses et les points de vue de tous les acteurs et de tous les partenaires de l’université, fussent-ils contradictoires. Évaluation dynamique en ce sens qu’elle doit comparer l’université à elle-même, dans son évolution. Évaluation contextualisée, enfin, en ce sens qu’elle doit être sensible aux différentes dimensions du contexte de chaque université, en particulier lors de comparaisons. Ce modèle d’évaluation semble le plus pertinent pour atteindre les objectifs des universités européennes contemporaines ». (Fave-Bonnet, 2003: 329-334)
Devant la pluralité des systèmes ainsi que des enjeux qui traversent l’enseignement
supérieur: Tantôt la nécessité pour les établissements d’être redevables, tantôt la nécessité
de préserver leur autonomie ou encore de les rendre compétitives dans un marché
international, etc. il reste cependant le défi de montrer dans quelle mesure l’évaluation peut
être une opportunité pour l’amélioration de la gouvernance des systèmes d’enseignements
supérieur et des établissements en particulier.
1.7 Sur la nécessité d’un cadre d’analyse pluridisciplinaire
L’université est une institution à multiples facettes. Elle tend à prendre de plus en
plus de nouvelles formes si on la compare dans l’histoire et dans l’espace. Ses fondements
d’origine sont en nette mutation aujourd’hui si on analyse les différences qui opposent un
système d’enseignement à dominante public comme le français à un système anglais ou
111
américain par exemple. Les questions de l’entrepreneuriat des universités et
l’apprentissage aussi ne vont pas être posées ni discutées de la même manière.
L’apprentissage organisationnel en tant que théorie pour aider à analyser le
fonctionnement des universités et leur gouvernance semble pour l’heure balayé d’un revers
de main entre les tiraillements sur ce qui est et doit être l’université. Cet angle d’approche
pour aider à la connaissance sur le fonctionnement des systèmes d’enseignement supérieur
doit encore faire son chemin pour être valide.
Nous sommes persuadés que la combinaison de disciplines ici suggérées est déjà en
application dans de nombreuses recherches sur l’évaluation. Nous tenons à souligner la
stratégie pour illustrer le cheminement parcouru dans le présent travail tout en justifiant le
pourquoi de la combinaison des disciplines ci-dessous.
Suite aux questionnements que nous avons été conduit à poser au long du premier
chapitre nous croyons désormais que toute étude visant à faire avancer les connaissances
en matière d’évaluation de la qualité et d’apprentissage organisationnel dans
l’enseignement supérieur doit avant tout définir la qualité comme un concept
multidimensionnel complexe et évolutif (UNESCO, 2011).
Ensuite les démarches d’évaluation doivent tenir compte de la diversité des
systèmes éducatifs, aussi nombreux et divers que les nations que les abritent. Cela nous
suggère que l’étude du management de la qualité doit toujours prendre en compte la
diversité des contextes (historiques, culturels, économique, politique, administratif. etc.),
ainsi que la diversité des objectifs assignés à l’enseignement supérieur. Il n’y pas, il ne
saurait y avoir une définition absolue de qualité. La qualité est toujours relative, située dans
un espace, un temps, un contexte particuliers. La qualité dans l’enseignement supérieur
doit donc être considère comme un concept dynamique à plusieurs dimensions et niveaux
qui se rapportent aux paramètres contextuels ainsi qu’à des références spécifiques dans un
système, un établissement, une formation ou une discipline donnée.
Au long des deux premiers chapitres nous avons, d’une part, tenté de présenter le
cadre épistémologique et de justifier le choix d’une approche organisationnel et cognitive
de l’université pour répondre à la problématique posé dans cette thèse. Nous avons essayé
également de montrer, à la fois, la pertinence, l’originalité de ce cadre théorique aussi bien
que les contraintes qu’il peut poser quand il est appliqué à la sphère de l’enseignement
supérieur. D’autre part nous avons tenté de proposer un certain nombre de pistes pour
112
pallier à ce que nous considérons comme les faiblesses des théories cognitives de
l’organisation.
Un nouveau champ de recherche axé sur l’apprentissage organisationnel peut être
développé à travers plusieurs angles d’attaque que nous avons proposés dont une entrée
par l’histoire de l’évaluation ainsi que par les critères et méthodes à l’usage dans les
instances d’évaluation et accréditation nationales et internationales.
L’entrée par l’analyse des effets de l’évaluation montre qu’une analyse du
changement à l’université est tributaire d’une multitude de déterminants dont les rapports
de pouvoir qui influencent le cours des événements favorablement ou non. Une grille
d’analyse des configurations universitaires est à prendre en compte.
L’étude du fonctionnement du système universitaire mozambicain préconisée dans
cette thèse privilégiera en premier lieu une approche axée sur l’apprentissage. Cependant,
afin de complémenter une analyse basée sur les théories cognitives de l’organisation, les
différentes grilles d’entrée que nous avons eu l’occasion non seulement de citer mais de
développer en partie au long des sections ci-dessus nous suggèrent la prise en compte d’un
cadre analytique pluridisciplinaire combinant, à la fois, une approche comparative de
l’évaluation en sciences de l’éducation, une analyse stratégique et systémique, avec des
outils d’analyse de la gouvernance en plus de ceux visant l’analyse de l’apprentissage
organisationnel. Nous constatons que les méthodes demandées pour chacun de ces outils
peuvent coïncider à plusieurs égards.
Nous tenterons ainsi de décrire et d’analyser d’abord l’environnement institutionnel
et organisationnel dans lequel se situent les instances de gouvernance externe et celles de
gouvernance interne. Nous nous intéressons ensuite a l’étude des problèmes ou enjeux,
des normes et des processus dans lesquels sont inscrits les institutions et les acteurs de la
gouvernance de l’enseignement supérieur mozambicains.
Compte tenu du postulat selon lequel les modèles de gouvernance et les styles de
gouvernements ont une influence sut le changement nous étudierions, ensuite les modèles
managériaux et le leadership en faisant une analyse des acteurs, leur engagement et
interactions humaines. Nous tentons finalement d’identifier les vecteurs de l’apprentissage
et du changement en analysant à travers les points nodaux et les interfaces, la cohérence
d’ensemble qui se dégage en faveur ou contre l’innovation, la compétitivité et
l’amélioration de la qualité recherchés.
113
Ci-après nous tentons de montrer la complémentarité des différentes méthodes ici
combinées tout en les explicitant et en essayant de montrer comment elles seront ensemble
exploitées dans cette thèse.
Management des connaissances. Dans la première partie nous avons insisté sur
les difficultés à mobiliser un cadre théorique basé sur une approche cognitive de
l’organisation, avec une littérature certes foisonnante mais ne représentant pas toujours de
réponses en termes de méthodologiques. Il est cependant possible d’accéder à une
méthodologie pour analyser comment les organisations apprennent au delà des dogmes et
de l’effet de mode qu’on reproche à la littérature du management des savoirs.
Pour le management des connaissances, les cadres d’analyse des modèles
managériaux et de l’environnement institutionnel dans la perspective des impacts qu’ils
créent sur le positionnement des organisations, ainsi que des processus de création des
connaissances à la fois tacites et explicites (Nonaka et Takeuchi, 1995 ; Argirys et Schön,
1978) seront mobilisés pour l’étude des effets de l’’apprentissage organisationnel au sein
du système d’enseignement supérieur Mozambicain.
La grille d’analyse de l’apprentissage dans la gouvernance des universités prendra
donc en compte les conditions qui favorisent l’apprentissage organisationnel et la création
des connaissances en passant par une étude des déterminants liés à l’environnement. Pris
dans une perspective «d’ingénieurs des connaissances», dans ce sens l’analyse portera sur
le rôle des acteurs à différents niveaux stratégiques – tactique, à savoir les dirigeants des
systèmes, les dirigeants des établissements, les responsables pédagogiques et administratifs
dans la promotion, production, diffusion et usage des connaissances stratégiques compte
tenu des objectifs assignés à l’enseignement supérieur et à la mission des établissements.
Il n’y a pas que des effets positifs de l’apprentissage, d’autant qu’ils peuvent ne pas
représenter des transformations radicales comme ont montré Argirys et Schön (cités par
Gilbert Probst et Bettina Büchel, 1995) dans la théorie d’apprentissage à deux boucles.
Sociologie des organisations. Qu’est ce qui fait que les acteurs s’engagent ou non
dans des processus d’innovation ou de changement organisationnel ? C’est la structure et le
fonctionnement du système ou le comportement des acteurs, ou encore le système et les
acteurs ensemble ? De nombreuses recherches sur la gouvernance de l’enseignement
114
supérieur s’intéressent aux leviers et aux contraintes du changement mais sans citer
explicitement les raisonnements analytiques sous-jacents. M. Crozier et H. Frieddberg,
(1977:230-232) ; H. Frieddberg (1993) proposent de s’intéresser à deux modes de
raisonnement, c'est-à-dire, le stratégique et le systémique qu’ils considèrent, à la fois,
complémentaires, contradictoires et convergents.
« L’analyse stratégique de M. Crozier a renouvelé la sociologie des organisations hérité des travaux de Taylor en prenant en compte la notion de pouvoir. Il met en scène des individus que l’on peut assimiler à des 'homo strategicus' dont l’objectif est d’accroitre leur propre pouvoir et de restreindre celui des autres. Il se situe ici clairement dans la mouvance de l’individualisme méthodologique. Ses analyses macrosociologiques intègrent une dimension politique revendiquée comme telle puisque M. Crozier y présente les réformes qu’il juge souhaitables pour la société et ses membres » (Montousé et Renouard, 2006 : 57)
Pour une approche sociologique du système universitaire mozambicain nous nous
appuyions donc sur les travaux fondateurs de M. Crozier et H. Frieddberg, dont les
enseignements apparaissent remarquablement soulignés dans les travaux de Christine
Musselin (2001 ; 2008 ; 2012) qui va mobiliser les cadres analytiques issus de la sociologie
des organisations pour développer une grille d’analyse du gouvernement des universités.
Sans être de forme exhaustive, nous nous appuyons sur la sociologie des
organisations pour l’analyse du pouvoir ous ses multiples formes et ses effets sur
l’apprentissage et l’innovation à l’université, à savoir le pouvoir d’expertise, le pouvoir lié
à la maîtrise de l’information et de la communication, le pouvoir provenant des règles de
l’organisation, le pouvoir provenant de la capacité à maîtriser et à gérer «les zones
d’incertitude», procurant pouvoir et autonomie aux individus.
Les résultats d’un audit social doivent conduire à une réflexion sur le changement
ainsi que sur les conditions de sa mise en œuvre. Inscrit dans une logique d’action Philippe
Bernoux (2004) s’invite dans cette thèse dans ce sens où sa réflexion contribue à une
appropriation des outils d’un diagnostic basé dans une analyse stratégique et systémique
pour mettre en œuvre le changement.
Education comparée. Nous avons montré l’influence des comparaisons
internationales dans la mise en œuvre des changements dans les systèmes éducatifs. Avant
115
tout changement, il faut parvenir à une connaissance très fine du système étudié et
l’éducation comparée grâce à la méthode d’analyse systémique d’une institution éducative
aide non seulement à recenser mais à hiérarchiser les éléments constitutifs d’un système
éducatif, la condition de base qu’il faut réunir selon Louis Porcher (2008 :36) pour réussir
une comparaison.
Tout comme la gouvernance ci-dessous l’éducation comparée n’est pas normative :
elle ne prescrit pas les règles pour la bonne marche des écoles et de l’enseignement. Elle ne
prescrit pas ce qui devrait être fait. Elle essaie seulement de comprendre ce qui se fait et
pourquoi il en est ainsi. Nous retiendrons pour définir l’éducation comparée Gaston
Mialeret (2011) qui la considère comme la partie de la théorie de l’éducation qui concerne
l’analyse et les interprétations des différentes pratiques et politiques en matière d’éducation
en différents pays et différentes cultures.
« Elle se préoccupe tout d’abord de rassembler et de classer toutes les informations (du point de vue descriptif comme du point de vue quantitatif) concernant les systèmes scolaires, les écoles, l’administration et les finances, les professeurs et les élèves, les programmes et les méthodes d’enseignement, les dispositions légales, etc. Ensuite l’éducation comparée essaie d’expliquer pourquoi les choses sont ce qu’elles sont, en analysant les données rassemblées à la lumière de l’évolution historique des différents systèmes ou en montrant quelle a été l’influence des phénomènes sociaux, économiques, technologiques, religieux et philosophiques ainsi que des préjugés raciaux ou nationaux. Son but est d’offrir un ensemble de principes généraux pour aider les réformateurs à prédire les conséquences possibles des mesures qu’ils proposent » (Mialeret, 2011 :57)
L’éduction comparée est ici mobilisée dans la perspective d’une contribution à
l’évaluation du dispositif de management et évaluation de l’enseignement supérieur au
Mozambique. Il ne peut pas s’agir cependant d’une méthode en plus ni de la simple
agrégation de méthodes. Il nous faut retrouver la complémentarité entre les différentes
méthodes ici proposées. L’enseignement supérieur nous révèle un mode d’organisation
assez particulier avec l’intervention de différents acteurs et organismes aux logiques
diverses. On parle de plus en plus d’un système de la gouvernance des universités.
Plusieurs chercheurs en sciences de l’éducation ont fait de la gouvernance leur
thème principal et d’un point de vue théorique et d’un point de pratique. Alain Bouvier
(2012: 155-234) entend la gouvernance comme le droit de regard et d’action sur les projets
116
et les systèmes qui les portent, par ceux qui en sont à l’origine, qui les ont missionnés ou
encouragés, qui agissent en conséquence, qui en attendent des résultats, qui veulent
contribuer à leur régulation et á leur évaluation.
Pour l’auteur un passage par la notion de management des politiques avec Annie
Bartoli (2004) est obligé pour saisir ce qu’est la gouvernance. Parler de management des
politiques publiques signifie évoquer à la fois ce qui relève des services publics et des
secteurs où l’action est assurée par de multiples opérateurs : les uns publics, les autres
privés, les deux de plus en plus souvent. C’est à sa façon la situation de la politique
publique d’éducation.
Pour Guy Pelletier (2009 :13) l’utilisation du mot gouvernance remonte au vieux
français (13e siècle). Utilisée dans le sens de l’art et de manière de gouverner, elle est
ensuite reprise dans le monde anglo-saxon (governance) avant de tomber en désuétude.
Elle était alors jugée synonyme de « gouvernement» et associé aux pratiques de
l’administration publique de l’Ancien Régime. Réactualisée dans le monde anglo-saxon
ensuite dans le cadre d’une démarche étatique conduisant à la décentralisation, elle se
trouve associée à partir des années 1990 à un nouveau paradigme de gouvernement
démocratique d’inspiration libérale, participatif et faisant une large place à la société civile
et á ses multiples composantes.
La notion de gouvernance est devenue de plus en plus fréquente pour formuler dans
un cadre normatif des prescriptions de nature sociopolitique, organisationnelle,
managériale ou économique. L’appellation « bonne gouvernance» est utilisée dans le
monde des grandes entreprises pour rappeler les règles d’éthique d’une économie de type
néolibérale de plus en plus globalisée.
Les grands organismes économiques comme le FMI et La Banque mondiale
utilisent le concept pour élaborer dans une perspective normative une série de critères, à
savoir : Ecoute et obligation de rendre des comptes; Stabilité politique et absence de
violence; Efficacité du gouvernement; Qualité de la règlementation; Etat de droit; Maîtrise
de la corruption destinés à évaluer les normes et les pratiques des gouvernements qui
bénéficient de prêts, ce qui ne va pas sans susciter des critiques argumentés au regard leurs
orientations et de leurs propres pratiques de gestion.
117
Vite appropriés dans les mécanismes de l’Union africaine dont le NEPAD et du
MARP, on retrouve dans le rhétorique du gouvernement mozambicain la préoccupation de
promouvoir une bonne gouvernance y compris dans le système éducatif.
«La bonne gouvernance est le résultat de rapports complexes. On pourrait la comparer à un tabouret à trois pieds : les trois pieds (le secteur privé, le secteur public et la société civile) devant être sains et en tension constructive, la gouvernance assurant l’équilibre entre ces trois éléments, au fur et à mesure des transformations». (Ruth Hubbard, 1999 :4)
On voit donc que des auteurs en sciences de l’éducation ont dédié une réflexion à
l’étude de la gouvernance des systèmes éducatifs aussi bien d’un point de vue
méthodologique que théorique. Sous un angle pratique la littérature de l’enseignement
supérieur nous réserve des multiples points d’entrée y compris sur le plan de
l’apprentissage même n’étant pas le thème principal, comme nous venons de voir dans ce
chapitre.
Ce qu’il nous paraît fondamental de faire maintenait est d’expliquer clairement ce
qu’est la gouvernance en général, de montrer quelles sont ses outils d’analyse et comment
ceux-ci peuvent contribuer à une synthèse qui combine les différentes méthodes proposées
dans cette thèse. Cette préoccupation semble trouver une réponse dans une communication
de (Marc Hufty, s.d) proposant une méthode pour analyser la gouvernance en cinq étapes.
C’est pour nous, la synthèse des différentes grilles d’analyse proposées dans cette thèse.
« Le cadre analytique est proposé avec l’idée d’élaborer une méthodologie qui serve de référence au processus d’observation afin de pouvoir étudier la gouvernance. Un cadre analytique est un ensemble cohérent de modèles, (représentations schématiques d’une situation) associé à une méthodologie qui permette le passage entre les propositions théoriques (généralisations) et l’observation empirique. Cette proposition définit certains critères fondamentaux: le cadre analytique doit être réaliste, interdisciplinaire, comparatif, généralisable, réflexif et opérationnel. L’adjectif “réaliste” se réfère à sa capacité de décrire les faits tels qu’ils sont, et non comme ils devraient être, par opposition aux perspectives normatives. L’interdisciplinarité est définie par Jollivet et Legay (2005:184) comme « une démarche de recherche construite en assemblant de manière méthodique des connaissances, des opinions et des techniques de travail provenant de disciplines différentes» (Hufty, s.d:8)
118
Cadre analytique de la gouvernance
La gouvernance se réfère aux processus collectifs, formels et informels, qui
déterminent, dans une société donnée, la manière dont les décisions sont prises et les
normes ou institutions élaborées relativement aux affaires publiques. Dans toute société
qu’elle soit locale, nationale ou internationale on peut observer un ou des processus de
gouvernance. Toute société élabore ses propres processus et modèles de gouvernance, ses
propres systèmes de prise de décision ou de résolution des conflits entre ses membres, ses
normes et institutions. La gouvernance ne constitue ni un modèle spécifique, ni un concept
normatif ou prescriptif, elle est un fait social.
La première étape qui repose sur l’hypothèse selon laquelle tout problème est une
construction sociale consiste à tenter de comprendre et de définir clairement le problème
ou l’enjeu, sachant que l’enjeu peut être totalement différent pour chaque acteur impliqué
dans un processus de gouvernance. Il est donc nécessaire de déconstruire et reconstruire
l'enjeu.
La deuxième étape consiste à analyser les acteurs individuellement ou en groupes,
sachant que leur action collective entraîne la formulation de normes ou de règles du jeu qui
orientent le comportement des acteurs et sont à leur tour modifiées par l’action collective.
Toutes les parties prenantes, c'est-à-dire, individus ou groupes, qu’elles soient formelles ou
informelles, reconnues ou non par la loi ou les autorités sont intégrées à l’analyse et ceci
sans préjugés. Les acteurs n’ont cependant pas la même influence dans un processus de
gouvernance, qui dépend des ressources dont ils disposent, de leur volonté et de leur
capacité de les mobiliser, ceci en interaction avec les autres acteurs.
La troisième étape s’intéresse à ce qu’on entend par les points nodaux. C’est -à-
dire les espaces physiques ou virtuels où convergent divers problèmes, trajectoires
d’acteurs, processus et où des décisions sont prises, des accords sont conclus et des normes
sociales sont élaborées. Le point nodal est un espace d’observation où se croisent des
projets, des cultures, des visions et des intérêts distincts, portés par les acteurs qui y
participent.
La quatrième étape concerne les normes. Généralement définies comme reflétant
les attentes collectives pour ce qui est considéré comme un comportement approprié dans
une société donnée, les normes doivent être considérées ici d’un point de vue sociologique.
Elles peuvent être légales, formelles ou informelles (produites par la pratique des acteurs).
119
Les normes sociales constituent un enjeu majeur, à savoir, en premier lieu les règles du jeu,
et en second lieu, les règles permettant de déterminer qui définit les règles et comment.
Orientant le comportement des acteurs et modifiées par l’action collective, les normes
s’appuient sur des valeurs ou des croyances incluant une prescription et des sanctions
positives ou négatives.
La cinquième étape s’intéresse aux processus. Ils se présentent comme une
succession d’états par lesquels passe un système. Ils introduisent l’historicité au sein des
modèles de gouvernance. Il est ainsi possible pour un objet donné, ou un point nodal,
d’identifier des séquences qui permettent d’évaluer la direction dans laquelle ces processus
évoluent et de localiser les facteurs favorables au changement.
Vue dans une perspective plus large que celle de l’organisation ou des
microsystèmes, la pensée systémique semble tout à fait rencontrer sa place dans un cadre
analytique de la gouvernance. L’approche systémique ne concerne pas que l’analyse de
l’interaction des différents types d’acteurs sociaux pris individuellement ou en groupe dans
un rapport social se définissant comme une relation de coopération ou conflictuelle.
Elle peut complémenter ce qu’on appelle l’analyse stratégique et orientée à l’acteur
(Alain Bouvier, 1995 :48-54) mais tout en s’intéressant à la signification que chacun donne
aux objets dans le cadre de la construction d’un modèle d’analyse pour une problématique
donné (R. Quivy et L. Campenhoud, 2006 : 105-140). La pensée systémique concerne
donc également dans le cadre de la construction d’un modèle d’analyse d’une
problématique de recherche donnée, les construits par raisonnements abstraits, c'est-à-dire,
déduction, analogie, opposition, implication qui subissent les objets lorsqu’analysés du
point de vue des connaissances et comportements des acteurs.
« Dans la plupart des cas, ce travail abstrait s’articule à l’un ou l’autre cadre de pensée plus général qu’on appelle une théorie générale ou un paradigme. C’est le cas des concepts de structure, de fonction, de système, de champ, de réseau et d’interaction […] C’est aussi le cas d’acteur social […] qui s’inscrit dans le cadre du paradigme de la sociologie de l’action» (R. Quivy et L. Campenhoud 2006:118)
L'approche systémique est un champ interdisciplinaire relatif à l'étude d'objets dans
leur complexité. Cette démarche vise par exemple à identifier : la finalité du système, les
niveaux d'organisation, les états stables possibles, les échanges entre les parties, les
120
facteurs d'équilibre et de déséquilibre les boucles logiques et leur dynamique, etc. (Gérard
Donnadieu et al:2003:1).
Nous proposons par conséquent une combinaison d’approches : Une méthode
comparative et systémique en sciences de l’éducation, des outils d’analyse issus de la
sociologie des organisations et un cadre analytique de la gouvernance, lequel nous paraît
agglutinant. Sans la prétention d’épuiser tous les angles d’analyse ici proposés, nous nous
inscrivons plutôt dans une démarche d’explicitation pour montrer dans quelles conditions il
reste néanmoins possible de poursuivre une recherche sur l’apprentissage organisationnel à
l’université.
121
CHAPITRE 3. CADRE METHODOLOGIQUE
Au cours des deux premiers chapitres nous avons montré comment la démarche
inductive suivie dans cette recherche avait permis d’appréhender dans la littérature de
l’évaluation de l’enseignement supérieur les principaux objets de recherche ayant intéressé
les chercheurs ainsi que les points d’entrée méthodologiques pour une analyse de la
gouvernance dans l’enseignement supérieur.
À cette occasion nous avons anticipé en concluant sur la nécessité d’adopter un
cadre analytique pluridisciplinaire afin de réaliser une analyse du fonctionnement des
dispositifs de management et d’évaluation de la qualité.
Nous cherchons à produire une connaissance sur l’état de la recherche en matière
d’évaluation dans l’enseignement supérieur en même temps qu’à rendre compte des
pratiques de management de la qualité au sein du système d’enseignement supérieur
mozambicain.
Le projet de recherche trouve bien son point d’ancrage au sein du système
d’enseignement supérieur englobant à la fois les établissements d’enseignement et
l’ensemble des organismes de régulation, réunis autour du Ministère en charge de
l’enseignement supérieur, en l’occurrence l’éducation en tant qu’organe qui chapeaute le
système dans son ensemble.
Parvenir à un recensement suivi de l’analyse des différents dispositifs de
management et d’évaluation de la qualité dans le système d’enseignement supérieur
mozambicain dans une perspective d’apprentissage organisationnel est le principal résultat
attendu dans cette étude. Comme nous avons eu l’occasion de le présenter en introduction,
cette étude est l’occasion de produire une réflexion sur la gouvernance et l’évaluation de
l’enseignement supérieur au Mozambique compte tenu des politiques de développement
social et économique définies par le Gouvernement.
Il s’agit d’étudier comment s’organisent et se positionnent les dispositifs de
gouvernance aussi bien internes qu’externes dans cette perspective. Il s’agit de décrire la
façon dont les dispositifs de gouvernance s’organisent et se déploient avec les moyens à
leur disposition : normes, outils, démarches, etc. pour intervenir dans la régulation du
fonctionnement du système d’enseignement supérieur et dans son amélioration continue.
122
En dernière instance il s’agit d’analyser l’environnement institutionnel, les modèles
de gestion, les rapports de force à l’intérieur et entre les différents dispositifs, les
interactions entre les acteurs dans la mise en œuvre des politiques et du cadre normatif. Et,
notamment à travers le management de la qualité et l’évaluation dans leurs différentes
modalités de montrer quelles opportunités d’apprentissage se dégagent et comment les
différents dispositifs contribuent à une cohérence d’ensemble en vue de l’innovation et
d’un meilleur positionnement des établissements.
Les mots clés informent sur les indicateurs du travail de terrain. Ceux-ci tournent
autour des vecteurs et facteurs de l’apprentissage organisationnel dans la gouvernance du
système d’enseignement supérieur mozambicain en tant que déterminants de changement,
innovation, amélioration de la qualité et compétitivité.
Cela étant redit, le troisième chapitre vise à élucider sur les stratégies déployées
dans la phase d’observation ainsi que sur les résultats obtenus avant de passer à leur
analyse pratique dans la seconde partie de la thèse.
Ainsi nous élaborons, sur la conception d’un protocole de recherche, les étapes de
l’observation, les lieux de l’enquête et les processus d’observation, les stratégies d’enquête
privilégiées, la constitution d’un corpus. Nous attirerons particulièrement l’attention sur la
représentativité de l’échantillon analysé compte tenu des caractéristiques des institutions et
établissements visités ainsi que du profil des acteurs interviewés.
Ci-après nous nous débroussaillons dans un premier moment sur le processus
d’élaboration du projet de protocole de recherche que nous a orienté durant la phase
d’observation du terrain, mais aussi sur les choix méthodologiques. À cette occasion nous
montrons les ruptures méthodologiques et épistémologiques qui s’opèrent dans la
confrontation des résultats d’une revue de littérature avec les découvertes du terrain de
recherche. Dans un deuxième moment nous présentons les résultats obtenus dans la phase
d’observation.
3.1 Le protocole de recherche.
Nous ne reviendrons pas ici sur le premier acte d’élaboration du protocole de
recherche avant sa mise en application. Ce premier acte a consisté en une réflexion sur les
principaux éléments du modèle d’analyse.
123
En effet, dans l’introduction de la thèse ainsi que dans les deux premiers chapitres,
nous avons rappelé de façon approfondie la trame suivie lors de l’élaboration du protocole
de recherche: On y trouvait effectivement une présentation du contexte et de la
problématique, des modèles d’analyse, des concepts et de leurs dimensions, du cadre
théorique, des hypothèses et des indicateurs avec les pistes de recherche. Ce qu’il nous
reste à montrer maintenant ce sont les stratégies mobilisées pour avoir une photographie du
fonctionnement de l’enseignement supérieur mozambicain aujourd’hui.
Par conséquent, ce sur quoi il semble opportun d’insister est sur les différentes
techniques de recueil de données ainsi que sur les choix méthodologiques proposés dans le
protocole mais aussi sur le corpus constitué les résultats obtenus sur ce chapitre. Quelle est
l’unité d’observation, c'est-à-dire quelles institutions de régulation, quels établissements
d’enseignement et quels acteurs ont été observés et suivant quelles méthodes ? Un exercice
d’administration de la preuve des résultats obtenus et analysés dans cette étude s’imposait.
D’où la mise en place d’un protocole de recherche et le recours à un travail
d’observation. Ensemble des opérations par lesquelles le modèle d’analyse est soumis à
l’épreuve des faits, l’observation participe de la cohérence générale et occupe une place
très importante dans l’ensemble du dispositif de recherche. Elle vise à tester les
hypothèses, tout en conférant à la recherche un principe de réalité (R. Quivy et L.
Campenhoudt (2006:143-144).
Nous allons donc tenter de montrer les processus engagés dans cette perspective et
d’apporter la preuve des raisonnements suivis tout en indiquant les contraintes
méthodologiques soulevées par notre démarche.
3.2 Un moment de ruptures
Au long des deux premiers chapitres nous avons tenté de montrer les ruptures
épistémologiques qui se sont imposées jusqu’à la définition d’un cadre analytique
pluridisciplinaire afin d’une analyse des effets de l’apprentissage organisationnel dans la
gouvernance de l’enseignement supérieur. Nous avons également évoqué un certain
nombre de ruptures méthodologiques opérées durant le travail de thèse mais sans entrer
dans les détails. En fait, il n’y pas de séparation entre les deux comme telle.
124
Tout comme celles de nature épistémologiques, les ruptures méthodologiques se
produisent essentiellement et si l’on se place uniquement dans le contexte du déroulement
du travail de thèse, dans la confrontation entre, d’un coté, un cadre théorique issu des
sciences du management, une révision de la littérature de l’évaluation dans l’enseignement
supérieur, une révision de la littérature de la méthodologie de recherche en sciences
sociales (pour ce qui est du présent chapitre) et la découverte des pratiques de gouvernance
et d’évaluation dans le terrain de recherche, d’un autre coté.
Mais en plaçant le travail de thèse dans la continuité d’un intérêt porté en amont
aux problématiques de développement en rapport avec les politiques d’éducation nous
pouvons constater davantage d’actes et processus de ruptures dans la construction des
connaissances qui dépassent de loin les objectifs de la présente l’étude.
Les ruptures dont nous parlons sont ici circonscrites au travail d’élaboration du
projet de thèse et à la révision effectuée lors de la conception du protocole de recherche
mais nous pourrions citer bien d’autres actes marquants comme les échanges avec les
directeurs de recherche, notamment mais aussi les interactions avec des pairs doctorants,
les entretiens avec des spécialistes, la participation à des séminaires qui ont tout aussi
contribué à une transformation de notre propre conception sur le travail de recherche d’une
part et sur l’évaluation dans l’enseignement supérieur, d’autre part.
En vérité parler des transformations cognitives en amont et en aval du projet de
recherche en vue de la présente thèse peut signifier comparer par exemple la posture d’un
observateur militant pour un changement, une amélioration de la qualité des services
éducatifs en l’occurrence avec celle d’un observateur chercheur sans aucune finalité
pratique en dehors des enjeux des connaissances.
Parler des transformations cognitives en amont et en aval du projet de recherche
peut signifier comparer la différence de posture de lecture entre un enseignant qui doit
préparer son exposé pour faciliter la compréhension d’une discipline ou d’un sujet avec
celle d’un chercheur qui s’intéresse d’abord aux processus de construction des
connaissances développés par un auteur à partir de la construction d’un modèle d’analyse
et de l’usage d’une méthodologie de recherche soit d’observation, soit d’expérimentation
pour vérifier ses hypothèses.
Pour trouver l’équilibre au sein de la critique pour la validité scientifique ou non
des connaissances dites intuitives et spontanées il faut tenir également compte du temps
125
qui est imparti pour un travail de recherche par exemple par rapport à la vitesse à laquelle
un professionnel ou le membre d’une communauté nationale quelconque doit produire une
communication pour faciliter la compréhension ou la résolution d’un problème déterminé.
Il faudrait prendre aussi en compte les enjeux qui sont distincts entre un travail de
recherche à finalité pédagogique et évaluative par exemple et la production d’un savoir
dans le cadre d’une intervention sociale ou en milieu professionnel d’une manière très
large.
Disons que la recherche semble davantage préoccupée avec une rupture
« ascendante » » dans le sens où le chercheur en devenir va se munir d’un cadre d’analyse
et d’une méthodologie de recherche rigoureuse pour analyser un fait donné en se dégageant
donc du sens commun.
Mais les ruptures dans le sens inverse et «descendant » c’est-a-dire tenant compte
des situations où le chercheur devenu ou le scientifique affirmé doit sortir de sa « tour
d’ivoire », redescendre sur terre et vulgariser ses connaissances à un public large et sans
forcément recours à ses cadres rigoureux devrait également intéresser les épistémologues,
à notre sens. D’autant que les épisodes de scientifiques qui n’arrivent pas à faire passer
leurs messages de force de la rigueur qui les hante ne manquent pas.
Le regain d’intérêt sur l’importance des connaissances tacites depuis les travaux
fondateurs de Michael Polanyi (1966) repris par Nonaka et Takeuchi (1995) pour expliquer
les mécanismes de création des connaissances à travers des processus de conversation de
connaissances tacites en connaissances explicites et vice versa semble ouvrir une nouvelle
page dans la discussion opposant les épistémologues pour déterminer ce qui relève de la
science et ce qui est simplement le sens commun.
Nonaka et Takeuchi estiment que l’une des raisons du succès des entreprises
japonaises en matière d’innovation et de leur positionnement dans ce domaine par rapport
aux entreprises occidentales vient d’une approche épistémologique différente qui insiste
sur la fusion de l’être dans la nature qui l’entoure et non pas dans une séparation.
N’existant pas une tradition philosophique japonaise qui ait été diffusée et décrite
(Nonaka et Takeuchi, 1997:47-53) préfèrent d’ailleurs parler plutôt d’une tradition
intellectuelle japonaise. Cette tradition intègre des enseignements du Bouddhisme et
Confucianisme ainsi que les principales pensées philosophiques occidentales. Les traits
126
distinctifs de la tradition intellectuelle japonaise sont l’unité de l’humanité et de la nature ;
l’unité du corps de l’esprit ; l’unité de l’autre et du moi.
Cette approche des connaissances s’est révélé une expérience tout à fait valide pour
aider à découvrir le dispositif de recherche sur l’enseignement supérieur. C’est ainsi que
nous avons pu relever un certain nombre de pratiques de recherche et d’évaluation
permettant ensuite de faire un bilan sur le fonctionnement du système, alors que certains de
nos interviewés soutiennent l’idée selon laquelle il n’existe pas de recherche sur
l’enseignement supérieur au Mozambique et que d’autres notent pratiquement une absence
d’évaluation dans le système. Nous proposons à la fin du chapitre un arrêt de projecteur sur
l’état de la recherche de l’enseignement supérieur au Mozambique.
En occident il y a une tradition épistémologique ancienne, elle remonte aux
premiers philosophes grecs, traversant les siècles et les générations en passant par
Descartes, kant, etc. Une base méthodologique à cette tradition a été fournie par Descartes
en établissant la « coupure Cartésienne » entre le sujet (celui qui connait) et l’objet (le
connu) l’esprit et le corps et l’esprit et la matière. Cette tradition philosophique est de mise
dans la définition de la connaissance, des processus qui sont impliqués dans sa construction
mais aussi dans les théories du management. La philosophie japonaise conduit à considérer
les aspirations individuelles, les visions, les croyances etc. exprimés à travers des gestes et
métaphores non verbalisables à priori comme des connaissances tacites.
Tandis que l’épistémologie traditionnelle s’est focalisée sur le caractère vrai
comme attribut essentiel de la connaissance « croyance vraie et justifié » Nonaka et
Takeuchi mettent l’accent sur la nature de la connaissance en tant que « croyance
justifiée ».
Alors que l’épistémologie traditionnelle insiste sur la nature absolue statique et non humaine de la connaissance, tel que cela est typiquement exprimé dans les propositions de la logique formelle, nous considérons la connaissance comme un processus humain dynamique de justification de croyances personnelles vers l’atteinte de la vérité. (Nonaka et Takeuchi, 1997 :98)
Voilà pour nous dans le prolongement du débat opposant la vision de G. Bachelard
de celles de Giddens ou Habermas (R. Quivy et L. Campenhoudt, op.cit) par exemple des
raisons suffisantes pour un recul dans la discussion en tour du sens commun et de ce qui
relève de la non-science par rapport à la science. Ce au point que les savoirs intuitifs et
127
spontanés puissent mériter aussi le statut d’un savoir même s’ils ne sont pas construits
conformément aux « règles de la méthode sociologique » exposés par, Durkheim (1895)
notamment.
«Durkheim propose de fonder une science dont l’objet est d’étudier les faits sociaux afin d’éclairer les citoyens sur le fonctionnement de la société et de les guider dans leur œuvre de réformes sociales. Pour cela, en prenant exemple sur les sciences de la nature, il veut faire de la sociologie une discipline positive qui rompe avec la métaphysique et qui soit capable d’un progrès cumulatif de connaissances scientifiques fondées. […] Les faits sociaux doivent être traités comme des choses. La première règle à laquelle doit se plier le sociologue est de considérer les faits sociaux comme des choses. À l’image du biologiste, le sociologue doit pouvoir être extérieur à son sujet d’étude s’il veut que son travail soit scientifique. Il doit, pour cela faire abstraction des prénotions (des idées non scientifiques qui lui viennent de ses expériences personnelles et qui font obstacle à la connaissance scientifique. Comment imaginer, en effet, qu’un sociologue puisse étudier la famille, la religion ou le suicide sans idées préconçues. Celles-ci ont la force de l’évidence mais sont issues d’expériences personnelles forcément limitées qu’il serait hasardeux de tenir pour représentatives». (Marc Montoussé et Gilles Renouard, 2006 :30).
La citation nous fait reconnaitre en même temps l’impossibilité d’une science qui
partirait d’un terrain vierge. Les prénotions sous la forme de représentations, aspirations,
expériences, croyances antérieures, dogmes, etc. sont toujours là d’autant qu’elles sont
aussi un moyen d’expliquer les faits sociaux, mais le chercheur doit consentir l’effort de
dépasser ce que Bachelard considère à l’instar de Durkheim comme les blocages à la
production de la connaissance scientifique.
Le sens commun représente certes une forme de savoir, mais un savoir à s’en
méfier pour Laville et Dionne (1999 :18-19) et dont on ne peut pas en même temps s’en
détacher complètement. D’où l’idée d’une démarcation dans la continuité pour Giddens ou
Habermas et non une rupture radicale dans l’acte de connaissance comme explique
Bachelard.
« La première expérience ou, pour parler exactement l’observation première est toujours un premier obstacle pour la culture scientifique. En effet, cette observation première se présente avec un luxe d’images ; elle est pittoresque, concrète, naturelle, facile. Il n’y a qu’à la décrire et à s’émerveiller. On croit alors la comprendre. Nous commencerons notre enquête en caractérisant cet obstacle et en montrant qu’il y a rupture et non continuité entre l’observation et l’expérimentation (Bachelard 2004 :22-23).
128
Compte tenu de l’ampleur des ruptures accourues jusqu’à la production du
document de thèse dans sa mouture finale, nous avons jugé utile de montrer dans ce
chapitre les principales étapes et transformations effectuées au projet de thèse initial. La
compréhension des processus de construction de connaissances qui débouchent sur la
réalisation du présent travail de thèse passe aussi par un aperçu de notre propre parcours
académique et professionnel.
En réalité, le protocole de recherche se situe en aval d’un projet de thèse proposé
pour notre candidature en thèse et d’une étape de révision de littérature, elle-même suivie
d’un travail d’observation exploratoire.
Nous avons à remarquer dans cette étape les entretiens réalisés entre août et octobre
2011 notamment avec un haut responsable de la direction nationale de la gestion et
garantie de la qualité du ministère de l’éducation au Mozambique et un autre responsable
du Conseil national à l’évaluation de l’enseignement supérieur, lesquels nous ont permis
d’avoir un aperçu sur les réformes en cours dans la structure du ministère d’un côté, mais
aussi sur le renfort du cadre normatif pour la régulation de l’enseignement supérieur
notamment à travers la publication d’une série de décrets d’application de la loi 27/2009 de
l’enseignement supérieur.
Ce sont des personnalités que nous avons eu d’ailleurs l’occasion de revoir et de
suivre à l’occasion des travaux du Conseil national à l’évaluation de la qualité et du
ministère de l’éducation (CES, CNES) au long des observations qui se dérouleront en 2012
et 2013 respectivement.
Notons qu’avant la formalisation du projet de thèse durant le premier semestre
2011, nous suivions déjà avec intérêt à partir, tout au moins, de 2006 les débats en cours
sur la qualité de l’enseignement supérieur, notamment à travers les programmes proposés
par les chaines de télévision nationales, mais aussi par la lecture de la presse locale.
À souligner dans notre parcours la participation à un atelier-débat sur le rôle de
l’enseignement supérieur dans le cadre du système national d’innovation, organisé par
l’Institut supérieur des sciences et technologies du Mozambique (ISCTEM) en présence de
trois universitaires et d’un chercheur finlandais rattaché au Ministère de la science et
technologie du Mozambique le 11 août 2010.
129
Mais aussi le rapport que nous avons publié (R. Chadreque, Jornal Público, 11
avril 2011) à propos de la manifestation organisée les 5 et 6 avril 2011 par le Smart
Partenarship Dialogue en partenariat avec le gouvernement mozambicain (Ministère de la
science et technologie) et en présence d’entrepreneurs, inventeurs et chercheurs
internationaux en vue du lancement du mouvement de l’innovation au Mozambique, entre
autres manifestations scientifiques importantes.
Un passage entre 2010 et 2011 par le journalisme avec la publication d’un certain
nombre d’articles sur le thème de l’innovation en rapport avec l’éducation et le
développement au Journal Publico, dont une bonne partie est désormais consultable dans
un blog1 animé par nous même doit être également cité.
Parallèlement, en tant qu’enseignant en gestion de l’éducation et gestion
d’entreprises dans deux établissements, un public et un autre privé nous nous situions dans
une position privilégiée pour initier un travail d’observation sur les changements dans le
système d’enseignement supérieur.
Mais il s’agissait encore d’une observation sans projet de recherche et sans aucune
méthode spécifique de recueil de données. Les ruptures méthodologiques que nous tentons
d’expliquer demandent de tenir compte de ce dernier point, à savoir sur les techniques et
méthodes de recueil de données sur lesquelles nous nous appuyions avant les
cheminements et transformations liés au travail de thèse.
L’observation dans la conception sciences sociales du terme (H. Peretz, 2004; R.
Quivy et L. Campenhoudt:2006 ; Roberto Richardson, 2008 : 258-261) différemment des
situations comme ci-dessus où on se limiterait à des commentaires sur des faits sociaux
basés au mieux sur l’analyse de toutes sortes de donnés statistiques, de documents
d’entretiens afin d’avoir une idée des mutations dans une société durant une période
donnée mais sans nécessairement un examen direct des situations décrites, ne prendra sa
forme explicite et effective qu’à partir du premier semestre 2012, avec la préparation du
protocole de recherche et le début du travail de terrain.
Cette forme d’observation correspond à ce que H. Peretz (4-5;43) identifie à
l’expression « travail de terrain » de l’ethnographie française, mais aussi à celle de
1 http://www.gestaodoconhecimentoedesenvolvimento.blogspot.com
130
fieldwork ou field research (R. Quivy et L. Campenhoudt: 2006 :206-209) dans la
tradition de l’anthropologie anglaise ou encore à celle de l’ethnographie nord-américaine.
«L’observation signifie une présence systématique et souvent prolongée sur les lieux-même de l’enquête au sein du groupe social étudié. Au cours de ce long séjour, les données sont recueillies par le chercheur ou l’équipe de chercheurs : auprès des personnes, en utilisant une diversité de procédures dites réactives, comme l’entretien avec questions ou des procédures non réactives comme l’observation des lieux, des événements, des actes, ou des propos tenus dans leur vie quotidienne par les personnes étudiées ; en consultant toute forme de documents écrits comme les donnés administratives[…] imprimés ou encore l’état d’archives […]Le produit final en est une interprétation fondée sur ces différentes données[…] Au sens le plus étroit et le plus déterminé, l’observation consiste à se trouver présent et mêlé à une situation sociale pour l’enregistrer et l’interpréter en s’efforçant de ne pas la modifier. Cette situation sociale est toujours le produit d’une interaction entre les participants eux-mêmes, et d’une façon ou d’une autre, entre les participants et l’observateur, elle prend la forme d’événements composés de séquences successives avec un début et une fin. Une observation ponctuelle consiste à se rendre une fois ou deux sur les lieux pour un simple exercice, un repérage ou une première tentative. Une observation systématique se répète, obéit à un calendrier concerté ». (H. Peretz, op.cit)
D’un côté, l’élaboration du protocole de recherche va contribuer à cristalliser un
certain nombre de ruptures épistémologiques vis-à-vis d’un projet de thèse très influencé
dans sa phase embryonnaire par une littérature plutôt normative en sciences du
management. Une bibliographie lue souvent sans la distanciation avec l’objet et les
questionnements critiques nécessaires.
D’un autre côté, les ruptures méthodologiques avec une forte incidence sur
« l’abandon » d’une démarche de recherche à finalité utilitaire (recherche-action), en
faveur de l’appropriation d’une approche tournée davantage vers des enjeux de production
de connaissance et sans finalité utilitaire comme telle, seront plutôt le produit de la mise
en œuvre du protocole de recherche au contact avec le terrain de recherche.
Finalement les deux formes de ruptures sont toujours liées à l’approfondissement
des approches théoriques et méthodologiques au fur et à mesure d’une revue de littérature
dans les principaux domaines qui intéressent le présent objet à l’étude. Le protocole de
recherche va ainsi, non seulement poser les bases d’orientation pour le travail
d’observation mais aussi proposer un changement « radical » dans notre propre vision et
131
interprétation sur les effets de l’évaluation, le management des systèmes éducatifs,
l’enseignement supérieur en l’occurrence et les dimensions du management des savoirs.
Pour une meilleure illustration du problème nous proposons de restituer le projet de
thèse dans sa phase initial, tout en formulant nos propres critiques sur les choix
méthodologiques initialement proposés.
3.2.1 Le Projet de thèse
Étant donné un projet de thèse fortement marquée par l’idée qu’une entrée en force
du management dans la gestion de l’éducation, que l’appropriation du management des
savoirs notamment, représenterait en soit un levier en vue de l’amélioration de la qualité
tant recherchée de l’enseignement supérieur, toutes les conditions semblaient créées pour
la poursuite d’une démarche de recherche à finalité utilitaire.
Et sans même que les théories du management des connaissances et celles qui s’y
apparentent, à savoir, le management de la qualité, l’organisation apprenante voire
l’apprentissage organisationnel ensemble aient été soumises aux feux de la critique, d’une
part.
Et sans même que les conditions de mise en œuvre d’une méthodologie de
recherche orientée vers le changement et l’action, la recherche-action en l’occurrence
aient été évaluées, d’autre part (António Gil, 2002:41-56 ; 129-135). Le travail de thèse
devait nous fournir un environnement et les dispositifs cognitifs pour les questionnements
critiques qui s’imposaient!
La politique nationale d’éducation (1995) prônant l’investissement dans l’éducation
comme une variable incontournable de la production du capital humain nécessaire au
développement du Mozambique et étant sous-jacente à toutes les stratégies et programmes
de développement préconisés par le gouvernement mozambicain depuis les années 2000,
l’idée qu’une éducation de qualité est un facteur transversal en même temps qu’un levier et
un pré requis de base pour faire du Mozambique un pays stable, compétitif et prospère, une
étude sur les conditions de mise en œuvre d’une démarche qualité dans la gouvernance de
l’enseignement supérieur revêtait d’une urgence particulière.
132
La théorie du capital humain visant elle-même une valorisation des savoirs au
service de l’action, une mise en adéquation directe entre une politique d’éducation basée
sur le capital humain et une gestion de l’éducation basée dans le management des savoirs
devrait aller de soi. Le projet de thèse proposait ainsi une évaluation du dispositif de
management de la qualité de l’enseignement supérieur basée dans le management des
connaissances comme le point de départ de toute réforme du système éducatif.
La situation dans laquelle nous entendions se trouver le système d’enseignement
supérieur avec un cadre programmatique ainsi que normatif lui ayant permis, entre autres,
une expansion rapide, en dix ans (les effectifs d’étudiants ayant augmenté de 12 mille à
100 mille étudiants entre 2000 et 2010), mais, visiblement sans le doter des moyens et des
stratégies d’une régulation à la hauteur d’une si importante mission justifiait une
intervention forte; Parallèlement, la multiplication des établissements ainsi que de l’offre
de formation en réponse à la forte demande ne s’accompagnant manifestement pas d’un
respect minimal des normes qualité, justifiait les soucis du gouvernement et de la société
en général.
La réforme du cadre légal, avec la mise en place d’une série de dispositifs de lois
dont nouveau décret (48/2010) relatif au licenciement, fonctionnement des établissements
d’enseignement supérieur et à la réalisation des inspections régulières aux établissements
et application de sanctions en cas de non-conformité avec la réglementation constituait un
premier pas important vers la mise en œuvre d’une démarche de management de la qualité.
Cette mesure parmi d’autres comme la création d’un Conseil national à l’évaluation
de la qualité dans l’enseignement supérieur (CNAQ) pouvaient représenter un début de
réponse aux constats d’inefficacité du système, d’après l’évaluation faite dans le cadre du
projet de thèse.
Cependant, la question se posait de savoir si, dans les conditions actuelles, c’est-a-
dire sans se doter d’un système d’assurance-qualité efficace, l’enseignement supérieur
pouvait remplir sa mission de levier de la production du capital humain pour la
compétitivité du Mozambique. Par ailleurs, au regard de la problématique de thèse
formulée à ce moment-là se posait la question de savoir dans quelle mesure la mise en
place d’une réelle démarche qualité contribuerait à relever les défis posés à l’enseignement
supérieur.
133
Des changements profonds et de nature holistique devraient intervenir dans le
système éducatif, mais avant d’engager des réformes, une évaluation profonde et objective
du dispositif de management de la qualité interne et externe de l’enseignement supérieur
devrait avoir lieu. Le travail de thèse proposé s’inscrivait dans cette veine.
L’évaluation permettrait, entre autres, de mieux connaitre le cadre normatif et
programmatique qui gouverne l’enseignement supérieur ; analyser comment le dispositif
de gouvernance existant répond aux besoins d’efficacité du système tout en se présentant
comme un vecteur de changements et d’innovations; fournir un état des lieux des cadres de
référence nationaux et internationaux auxquels on se réfère lorsqu’il est question de
qualité, mais aussi, nous éclairer quant aux démarches qualité mises en œuvre ; faire une
révision des évaluations de la qualité de l’enseignement supérieur réalisées au cours des
dernières années afin d’éclairer sur la façon dont les meilleures pratiques observées
localement ou internationalement sont capitalisées par le système.
3.2.2 La recherche-action
Présentant l’avantage d’allier des techniques de recherche centrées sur les
expériences vécues dans les systèmes sociaux et la production des connaissances utiles à la
conduite des transformations, la recherche-action serait alors le principal outil
méthodologique pour guider le travail de recherche.
Un état des lieux à travers différentes démarches d’évaluations quantitatives et
qualitatives auprès des groupes focaux pré identifiés et combinant, entre autres techniques,
l’autodiagnostic qualité, la mesure de la satisfaction des usagers, l’audit qualité,
l’évaluation des coûts de la qualité et l’étude d’opinion interne, serait assorti ensuite d’un
audit de gestion des connaissances, ainsi que d’une analyse stratégique, entre autres
démarches d’analyse institutionnelle au sein du ministère de l’éducation afin de tenter de
coproduire la connaissance sur l’état de la recherche et des pratiques en matière de
management de la qualité en éducation.
134
3.2.3 Rupture ou démarcation méthodologique ?
La rupture ne saurait être que le fruit d’une révision approfondie de la littérature
dans le domaine de la méthodologie de recherche en sciences sociales, mais surtout le
résultat d’une exposition aux conditions du terrain de recherche dont les enseignements
vont être mis au service de la construction d’une démarche de recherche renouvelée.
La démarcation n’est pas seulement par rapport au choix d’une méthodologie de
recherche autre que la recherche-action, compte tenu des contraintes posées par celle-ci
dans un contexte de recherche à des fins académiques comme nous montrons ci-dessous,
mais surtout par rapport à la reconnaissance d’une nécessité de méthode « rigoureuse » afin
de conférer une validité scientifique aux connaissances construites du point de vue des
sciences sociales.
Un projet de recherche à caractère professionnel avec l’objectif d’appuyer les
établissements dans la réalisation d’un diagnostic de leurs pratiques d’évaluation et une
analyse des forces et faiblesses de leurs dispositifs de management et d’évaluation de la
qualité devait s’accoupler au projet de recherche académique.
C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé à réaliser un certain nombre de contacts
avec l’objectif de trouver des partenaires intéressés par un travail qui pouvait éveiller et
valoriser des pratiques de management et d’évaluation internes au sein des établissements à
mesure que nous réalisions notre travail d’observation en vue de la thèse.
Au cours de nos premiers contacts nous nous apercevions que les responsables des
institutions étaient davantage prêts informellement à ouvrir leurs portes pour des
observations et entretiens et moins accueillants quant à la possibilité de s’engager dans un
accord de collaboration où notre intervention ressemblerait à celle d’un stagiaire ou d’un
consultant engagé pour contribuer dans la résolution d’un problème.
Le projet de recherche intéresse, en effet, la plupart des acteurs rencontrés. Certains
y voient d’ailleurs un moyen de faire entendre les angoisses en même temps que les
visions d’un certain nombre de responsables et universitaires sur le fonctionnement du
système éducatif étant donné l’objet de recherche et le type de questionnement proposé
dans le guide d’entretien.
Néanmoins une tentative de transformation de la recherche en occasion d’un bilan
des dispositifs de management internes à travers une demande formulée auprès des
135
principaux établissements visés par l’enquête n’aboutira à aucun résultat tout en épuisant
les possibilités de coupler le projet de thèse à une recherche-action.
Rapidement, nous avons du abandonner, à la fois, l’autorisation d’un certain
discours : « la recherche-action […] favorise l’émergence d’une capacité à être son
propre auteur » (Jacques Ardoino, cité par R. Barbier, 1996 : 81) et une posture proche de
celle d’un consultant-chercheur qui veut s’adresser à travers son analyse aux instances de
gouvernance de la communauté universitaire, dans une démarche à certains égards proche
des enseignements de Philippe Bernoux (2004), tournés à l’action pour nous orienter dans
une solution de rabattement et plus réaliste sur une méthodologie de type travail de terrain,
soit field research.
C’est-à-dire donc, au lieu d’une recherche-action dont les conditions de réalisation
aussi bien du point de vue logistique que du contrôle de son exécution pratique
s’éloignaient de plus en plus du contexte d’un travail académique.
Est sous-jacente à cette transformation la tentative d’adoption d’un regard non
impliqué et jusqu’à une certaine mesure distancé de l’objet à l’étude afin de parvenir à une
description neutre et objective des faits sociaux. C’est-à-dire parvenir à les décrire comme
des choses selon les principes de la sociologie de Durkheim.
Quant aux enseignements de Bernoux (2004), que nous comptions mobiliser, il
propose un mode d’intervention du type recherche-action à deux pôles, à savoir production
conjointe de connaissances (versus chercheur) et action (versus intervenant), dans lequel le
chercheur contribue à une connaissance fine du système tout en posant les bases de l’action
et du changement.
«La première condition d’un changement est donc la bonne connaissance des problèmes réels […] Connaissance du fonctionnement de l’organisation, des contraintes telles qu’elles se posent aux acteurs en proximité de l’action, et ensuite harmonisation avec une vision stratégique globale[…] L’intervention du sociologue devient alors une méthode conjointe de production de connaissances […] cette production de connaissances se fait en faisant parler le terrain, c’est-a-dire en y trouvant les faits nouveaux et en montrant la structuration et les modes de régulation de ces terrains. Ce travail d’enquête abouti finalement à une aide à l’action, qui est la véritable intervention. (Bernoux, 2004:247-249.
Cela étant, même si l’action et le changement restent idéalement le but final de
l’intervention, qu’on se place du côté chercheur en ce sens où le travail peut se limiter à
136
restituer l’image du fonctionnement d’un système, libre aux acteurs impliqués d’utiliser les
résultats ou alors du côté d’un consultant dont l’intervention aboutit à un certain nombre de
recommandations et conseils donnés à une instance de direction, la mise en œuvre d’un
changement doit toujours être envisagée avec une certaine dose de prudence.
Ce d’autant plus qu’il n’y a pas pour Bernoux une doctrine assurée pour mettre en
œuvre le changement. « Il y a longtemps que Lindblom (1959) a dit du changement dans
les organisations qu’il s’agissait d’une science de la débrouillardise (the science of
muddling throught) » (Bernoux, 2004 : 224)
Les orientations suivies de force par les conditions du terrain et grâce aux ruptures à
la fois épistémologiques et méthodologiques n’impliquent pas néanmoins un refus des
enseignements de la recherche-action mais plutôt une démarcation à travers l’adoption
d’une méthodologie plutôt traditionnelle en milieu académique mais qui emprunte
toujours, à notre sens, les techniques de la recherche-action. « La nouvelle recherche
action utilise de multiples technologies d’implication (journal ; enregistrements
audiovisuels ; analyse de contenu). En général il s’agit de techniques qui se rapprochent
de celles des ethnologues ou des historiens plutôt que des analyses corrélationnelles, et
des méthodes expérimentales». (R. Barbier, 1996: 40)
3.3 Le travail de terrain une méthodologie de recherche pragmatique
Les différentes méthodes de recherche en sciences sociales visent finalement la
production d’une connaissance. Excepté la prétention explicite de la recherche-action de se
conclure par une action délibérée de transformation de la réalité du milieu étudié (René
Barbier, 1996:6) aussi bien au niveau des instruments de recueil des données spécifiques à
chacune d’entre elles qu’au niveau de leurs fondements même, les méthodologies de
recherche ne s’opposent pas comme tel.
Elles sont plutôt complémentaires comme nous pouvons voir dans l’adoption d’une
méthode plutôt traditionnelle comme la field research qui puise, à notre sens, dans les
fondements et cadres de la recherche-action, notamment dans son volet observation
participante (Roberto Richardson, 2008 : 260-261 ; H. Peretz 49-76)) mais aussi dans les
aspects pragmatiques en ce sens où le chercheur adapte sa problématique et ses techniques
137
de recherche au contexte du terrain qu’il va observer (R. Quivy et L. Campenhoudt,
2006:207-208 ; António Gil, 2002:52-53).
Ce dernier cas de figure s’est vérifié en pratique durant une première phase
d’observation au cours du premier semestre 2012 où nous disposions à peine d’un projet de
thèse pour reformuler encore mais sans un protocole de recherche formalisé afin de guider
l’enquête.
Le pragmatisme de la field research s’est révélé décisif en ce sens où nous avons pu
réagir a posteriori avec un protocole de recherche qui tient compte des découvertes du
terrain en ce qui concerne l’existence de pratiques d’évaluation tacites mais suivant
parfois des référentiels proches de ceux qui se trouvent dans la littérature de l’évaluation et
avec une influence notoire d’organismes internationaux comme l’UNESCO, l’AUA
(association de universités africaines), mais aussi des systèmes d’évaluation et accréditions
dans les pays avancés.
« Un bon exemple de recours fructueux à l’imagination du chercheur, de la nécessaire cohérence de l’ensemble de la démarche de recherche et de la complémentarité des méthodes est la (field research) ou étude de terrain. Elle consiste à étudier les situations concrètes dans leur contexte réel. Utilisée par les anthropologues et les sociologues, la (field research) met en œuvre une pluralité de méthodes. Elle combine le plus souvent l’observation participante, les entretiens semi-directifs et l’analyse secondaire. C’est au cours de la recherche elle-même que le chercheur décide de recourir à l’une ou l’autre de ces méthodes, aucun protocole définitif de recherche n’étant établi au début. La démarche n’a rien de linéaire. (La field research) relève d’un pragmatisme méthodologique dont le pivot central est l’initiative du chercheur lui-même et le maître mot, la flexibilité». (R. Quivy et L. Campenhoudt, 2006:207-208)
Cependant le côté à la fois pragmatique et flexible de la field research ne va pas
sans poser de problèmes que nous avons eu pour certains à affronter en cours de
l’observation et du traitement des données récoltées.
Tels problèmes sont liés aux difficultés d’échantillonnage mais également à la
sélection des périodes, endroits et acteurs à observer compte tenu des activités
programmées par les institutions et de la nécessité de négocier en permanence les accès
aux lieux mais aussi d’expliciter les objectifs de la recherche et sans que les informations
souhaitées soient toujours disponibles ou faciles à obtenir.
138
Par exemple, un établissement privé en la personne d’un directeur des études n’a
pas jugé d’un bon œil l’idée que nous consultions son plan stratégique, alors que les
établissements publics affichent dans leurs sites Internet respectifs leurs plans stratégiques.
Ceux-ci sont utilisés d’ailleurs comme argument de mobilisation de ressources.
Un autre responsable d’un établissement public a évité à tout pris de nous fournir
un rapport concernant l’état de la réforme dite de Bologne, alors que le responsable d’un
établissement concurrent se disait engagé à promouvoir une bonne gouvernance, « un
gouvernement normal, régulier» comme les slogans de Barack Obama et François
Hollande à la présidence des Etats-Unis et de la France respectivement : « ici nous n’avons
pas peur de montrer ce que nous faisons, ni de montrer ce qui nous ne faisons pas, nous
sommes pour la transparence ».
Commencer par l’élaboration d’un protocole de recherche comme exigent certaines
normes universitaires peut comporter des avantages en ce sens où il est possible d’anticiper
sur un certain nombre de situations, mais rien ne garantit que cette solution ne conduise à
un certain nombre d’autres difficultés comme par exemple le choix d’un corpus trop grand
et les contraintes qu’adviennent à l’analyser par conséquent.
La volonté de réunir un corpus représentatif en même temps que le manque de
contrôle sur l’acceptation de notre présence ou non sur les lieux de l’enquête nous
conduisent à définir un corpus large, d’une part.
Puis, grâce à l’ouverture et collaboration de la plupart des acteurs et institutions
rencontrés la phase d’analyse des données devra faire face à la masse d’informations
récoltées, d’autre part. Cette contrainte aurait pu être de mise si le protocole de recherche
n’avait pas pris la précaution d’anticiper sur les indicateurs à analyser.
À noter que tels indicateurs pour faciliter la vérification des hypothèses, doivent
être traités comme une base d’orientation mais sans fermer la possibilité de s’ouvrir à
d’autres problématiques qui semblent plus pertinentes du point de vue des acteurs
observés. La prise en compte de ces précautions a permis ensuite de procéder par une
analyse thématique dans la confrontation entre les indicateurs de la recherche et les
principaux thèmes qui se dégagent de l’analyse du corpus d’enquête recueilli.
Parallèlement, ce qui pouvait ressembler à une contrainte majeure lors de l’analyse
des données finira en dernière instance par se révéler un atout en vue de la validité des
139
résultats obtenus en ce sens où le nombre et la diversité des entretiens réalisés ainsi que des
institutions observées nous permet de procéder par une méthode de triangulation.
Nous avons été obligé non pas d’abandonner la recherche-action mais de nous en
dégager en raison des contraintes logistiques qu’elle soulevait pour la poursuite du travail
de thèse dans sa finalité académique. Cependant plusieurs approches suivies dans une
démarche de travail de terrain (field research) dans cette thèse ne vont pas sans puiser dans
les fondements de la recherche-action.
La recherche-action refuse par exemple dans une des postures adoptées dans cette
thèse tout enfermement dans une discipline particulière en opposition à ce que René
Barbier considère les voies de la réussite dans le monde académique.
« Je conseille toujours aux étudiants peu aventuriers de passer par des chemins plus classiques et de suivre une voie monodisciplinaire bien balisée par une figure de proue intellectuellement irréprochables dans l’ordre de la cité savante. La recherche-action ne convient ni aux (tièdes) ni aux (farfelus) ni aux esprits (formalistes) », ni aux étudiants qui ont un (poil dans la main)» (Barbier, 1996 :18-19).
Mais l’objet à l’étude, c’est-à-dire l’apprentissage dans le management et
l’évaluation de la qualité, ne va pas sans une démarche multidisciplinaire comme nous
avons vu en conclusion du deuxième chapitre, ci-dessus. Et cette perspective
multidisciplinaire s’inscrit tout à fait dans les prolongements du raisonnement de la
recherche-action aussi.
« Le chercheur en recherche-action ne peut plus se définir simplement comme un sociologue ou un psychosociologue. Sa compétence pluriel dépasse largement ce type de classification monodisciplinaire liée á une pensée que Kurt Lewin appelait aristotélicienne. Dans le cours de sa pratique, il est parfois sociologue, ou psychosociologue, ou philosophe, ou psychologue, ou historien, ou économiste, ou inventeur, ou militant, etc. Il découvre les régions de la connaissance d’une pensée galiléenne acceptée dans sa plénitude signifiante». (Barbier, 1996:8).
Parallèlement l’intérêt porté dans cette étude à la description des pratiques de
management et d’évaluation en tenant compte, à la fois, des connaissances explicites et
tacites est également à inscrire en partie dans une posture de recherche-action, d’ailleurs
140
définie en 1986 lors d'un colloque à l'Institut National de Recherche Pédagogique (INRP,
Paris), comme un type de «recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de
transformation de la réalité, recherches ayant un double objectif : transformer la réalité et
produire des connaissances concernant ces transformations » (Barbier:6).
Cependant, à devoir se préoccuper avec l’action, la recherche devrait alors
s’interroger sur les conditions et les moyens du changement comme le suggère Philippe
Bernoux. «Finalement, l’analyste est renvoyé à la question de la légitimité du changement.
Quelles sont les capacités d’acceptation du changement, de leur légitimité, quelles sont les
conditions humaines de réussite de telles actions». (Bernoux, 2004:282).
La thèse peut être lue aussi comme une suite de préconisations qui peuvent
intéresser qui de droit, l’idéal étant que la recherche puisse contribuer à l’action mais ce
n’est plus du tout le but final dans lequel nous nous inscrivons. Les préconisations de la
thèse sont désormais à inscrire plutôt dans des enjeux de production de connaissance
notamment dans le domaine de la recherche sur la gouvernance et l’évaluation de la
qualité dans l’enseignement supérieur.
J.-M. De Ketele et X. Rogiers (1996:91) définissent en effet une recherche comme
un processus systématique et intellectuellement orienté et ajusté en vue d’innover ou
d’augmenter la connaissance dans un domaine donné. (In Luc Albarello, 2004:21).
Ces conclusions révèlent à la fois les fruits d’un cheminent et d’une réflexion par
rapport aux méthodologies de recherche en sciences sociales et aux finalités de la
recherche. Le propos n’était pas de comparer des méthodologies mais de montrer celles qui
ont été essayées au cours de cette thèse, les problèmes posés, les solutions proposées et les
complémentarités qui peuvent s’établir entre celles-là.
Le propos n’est plus de fermer les débats sur la finalité de la recherche universitaire
en sciences sociales à savoir si elle doit être seulement soit fondamentale, soit appliquée ou
encore les deux en même temps. Il y va de la discussion sur la mission de l’université en ce
temps où elle se confronte à des mutations profondes, un courant fort de pensée la voyant
en train de devenir une entreprise depuis l’entrée en force en son sein du paradigme de la
qualité.
Tout porte à croire qu’il va se poser de plus en plus les questions de la séparation
entre la recherche et l’action d’une part, mais aussi les questions de l’utilité de la recherche
141
à l’université ainsi que de l’implication des scientifiques dans l’action avec tous les
problèmes éthiques que cela peut soulever, d’autre part. Ce sont là des prolongements de
vieux débats qui apparaissent simultanément à la naissance des sciences sociales. La
citation suivante en témoigne:
« Durkheim a milité en faveur de la renaissance des corps intermédiaires car il y
voyait la solution à la crise de la société industrielle. Weber a soutenu que le savant ne
pouvait pas ne pas se mêler de politique. Lui-même a fait partie de la délégation
allemande au traité de Versailles » (Bernoux, 2004 :252)
Les ruptures ou plutôt les démarcations opérées en cours du présent travail de thèse
sont de l’ordre à la fois méthodologique et épistémologique. Où commencent et se
terminent les unes par rapport à d’autres ? Lesquelles commencent en premier ?
Les frontières entre les deux semblent difficiles à établir. Pour l’exposé nous avons
dû circonscrire les ruptures essentiellement au travail d’élaboration du protocole de
recherche mais ce sont en pratique des transformations qui sont présentes aux différentes
étapes du travail de thèse. En réalité, telles ruptures se sont poursuivies au fur et à mesure
des observations du terrain, des lectures qui se sont suivies et durant la phase de rédaction
de la présente thèse.
Quant aux aspects du cadre théorique, les théories du management des
connaissances ne sont plus comme auparavant, c'est-à-dire comme pensées lors du projet
de thèse, le levier de l’amélioration des universités. Celles-là peuvent en contrepartie être
un levier parmi d’autres, mais sous certaines conditions.
Sachant l’université, une structure à multiples formes, à la fois, une administration,
une organisation, une entreprise (Pierre Dubois, 2003 op.cit ; Fave-Bonnet, 2003 op.cit),
l’étude de son fonctionnement doit être faite l’esprit ouvert et sans déterminisme. Dans
cette perspective, le management des connaissances peut plutôt fournir une grille d’analyse
des systèmes universitaires, mais une grille parmi d’autres, d’autant plus que nous avons
vu la nécessité d’un cadre analytique transdisciplinaire pour étudier la gouvernance des
universités quel que soit l’objet principal de la recherche.
142
3.3.1 L’enquête, stratégies, techniques et les résultats obtenus
Dans le présent exposé, nous rappelons d’abord les objectifs de l’enquête. Ensuite
nous nous concentrons sur une présentation générale de l’unité d’observation retenue. Au
fur et à mesure que nous passons en revue les différentes techniques de recueil de données
mobilisées durant l’enquête nous montrerons dans les détails les processus d’observations
engagés, les entretiens réalisés tout en caractérisant le profil des institutions et des acteurs
rencontrés. Pour terminer nous nous intéressons aux stratégies en vue de l’exploitation des
résultats selon la perspective d’analyse thématique utilisée dans la présente étude.
L’enquête pour la réalisation de la présente thèse s’est déroulée entre avril 2011 et
février 2014. Durant cette enquête qui a mobilisé 121 personnes, nous avons réalisé un
total de 98 entretiens dont 26 en groupe. La liste des personnes interrogées se trouve en
annexe 1. Nous avons également réalisé des observations dans les principaux organismes
constitutifs du corpus de recherche à travers la participation à quatre réunions organisées
par le ministère de l’éducation et une autre par le Conseil national de l’évaluation de la
qualité de l’enseignement supérieur (CNAQ).
En parallèle nous avons assisté à 6 séances de cours de master en éducation dans
deux établissements différents (UEM et UDM) et accompagné en tant qu’enseignant une
classe de 31 étudiants de master durant un mois et demi.
L’étude prend en compte dans une perspective comparative les principaux
antécédents historiques depuis la création de la première université en 1962 en passant par
les premières années de l’indépendance en 1975 mais l’emphase se concentre sur l’analyse
des plus récentes configurations suite à la réforme du cadre normatif au cours des six
dernières années. Cette étude tient pour référence principale une tentative d’analyse des
évolutions du système s’enseignement supérieur mozambicain au cours des quinze
dernières années tout en se centrant sur la problématique de l’évaluation de la qualité.
Cette période qui va de la fin des années 1990 à 2013 coïncide avec la mise en
place des premiers instruments en vue de la régulation du système d’enseignement
supérieur dans le cadre d’un ministère de l’enseignement supérieur de la science et
Technologie (MESCT). Simultanément, la période est caractérisée par une forte expansion
de l’enseignement supérieur accompagnant la mise en œuvre d’une série de programmes
143
de développement centrés sur l’éducation et le capital humain, notamment les Objectifs de
Développement du Millénaire, l’Agenda 2025 le PARPA, entre autres.
Notre étude porte sur l’analyse des effets de l’évaluation sur l’amélioration de la
qualité du système d’enseignement supérieur mozambicain. Il s’agit essentiellement
d’analyser les dispositifs d’évaluation dans une perspective d’apprentissage
organisationnel tout en mesurant les impacts de celui-ci compte tenu des objectifs assignés
à l’enseignement supérieur. Nous nous intéressons à la qualité de la gouvernance externe
en analysant les différentes entités de la tutelle et à la qualité de la gouvernance interne en
étudiant le fonctionnement des établissements.
A cet effet nous concentrons l’attention à l’étude de l’environnement institutionnel
en nous interrogeant sur les principaux vecteurs de l’apprentissage et les facteurs qui
l’inhibent. Nous analyserons les points d’intersection, c'est-à-dire les espaces et les
moments où se réalisent les interactions mais aussi les objets et les acteurs qui servent
d’interface entre les différents dispositifs institutionnels. Nous prendrons en compte dans
cette analyse le rôle des acteurs, surtout des recteurs et des directeurs académiques en
particulier dans la promotion d’un système apprenant. Les principaux documents à
analyser sont les décrets de loi relatifs à un système de contrôle et garantie de la qualité
mis en place à partir de 2010.
3.3.2 L’unité d’observation
La photographie des effets de l’apprentissage organisationnel dans la gouvernance
du système que nous tentons de prendre à travers la présente étude tient donc compte de
différents dispositifs au sein du ministère de l’éducation et dans les établissements
d’enseignement supérieur. Nous reviendrons en profondeur sur les éléments constitutifs de
l’unité d’observation en les décrivant un à un et en analysant leurs missions dans le cadre
de la gouvernance de l’enseignement supérieur. L’unité d’observation se construit autour
du ministère de l’éducation en tant qu’organe de coordination du système d’enseignement
supérieur.
C’est à partir de ce point d’ancrage qu’ont été relevées, puis analysées les
principales dispositions, c'est-à-dire les politiques, philosophies, normes, programmes
144
relatifs au fonctionnement du système d’enseignement. Mais aussi l’ensemble des
principaux dispositifs concernés par la gouvernance, c'est-à-dire la régulation externe et
interne, le management des établissements et leur évaluation à la fois externe et interne.
(Sverre Raffnsøe, 2008; ENQA, 2006)
Tous les services du ministère de l’éducation qui œuvrent à la coordination du
système ont fait l’objet de notre observation soit un à un individuellement, soit en groupe,
en interaction lors des manifestations et réunions organisés au sein de la tutelle. Les
services rattachés et les organes de consultation qui se réunissent autour du ministère
sont les suivants:
La direction de la coordination de l’enseignement supérieur (DICES); Le Conseil
national de l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur (CNAQ) ; Le Conseil
national de l’enseignement supérieur (CNES) ; Le Conseil de l’enseignement supérieur
(CES). Nous avons visité les locaux des différents services lors des entretiens et participé à
un total de six réunions dont cinq organisés par le ministère et une par le CNAQ.
Les 44 établissements d’enseignement supérieur représentés par leurs recteurs
respectifs participent également de plein droit aux réunions consultatives du ministère
auxquelles nous avons assisté. Parallèlement l’enquête a permis de visiter un total de neuf
établissements au cours des entretiens avec les différentes catégories d’acteurs:
responsables des universités, enseignants chercheurs, étudiants notamment. Nous
reviendrons en détail ci-après sur le profil des acteurs rencontrés lorsque nous passerons en
revue les processus d’observation, le déroulement des entretiens et les résultats obtenus.
Parmi les neuf établissements visités en cours de l’enquête, trois sont publics, soit
l’Université Eduardo Mondlane (UEM), l’Université Pédagogique (UP), l’Université
Lurio. Cinq sont privés, soit l’Université Technique du Mozambique (UDM), l’Université
A Politécnica, l’Université São Tomas du Mozambique (USTM), L’université Catholique
du Mozambique (UCM), l’Institut Supérieur des Sciences et Technologies du Mozambique
(ISCTEM), L’Institut Supérieur de Technologie et Gestion (ISTEG).
3.3.3 Les méthodes de recueil de données
145
Afin de faciliter les entretiens un guide d’entretiens reprenant les principales
questions de recherche et les hypothèses d’observation a dû être confectionné compte tenu
des différentes catégories d’organismes et d’acteurs prévus dans le protocole de recherche.
Différentes méthodes de recueil de données ont été mobilisées dans une approche
par triangulation combinant les entretiens individuels, les entretiens en groupe,
l’observation directe mais aussi le recueil de données documentaires. Nous présentons au
fur et à mesure de l’exposé les techniques utilisées et les résultats obtenus avec chacune
d’entre elles.
« Denzin (1978) a mis en évidence trois types de triangulation: l’utilisation de
sources de données différentes pour le temps, l’espace et les personnes; l’utilisation de
chercheurs différents; l’utilisation de méthodes différentes en même temps. Il est donc
possible de distinguer entre triangulation méthodologique, triangulation des sources
d’information et triangulation des participants. Le choix d’adopter la triangulation peut
être un choix stratégique, ayant l’objectif de contrôler les biais éventuels […] D’autre
part, la triangulation assume toute son importance si on partage le point de vu de
Silverman (2009) qui souligne l’impossibilité d’avoir des informations complètes sur tout
phénomène. Dans ce sens, l’utilisation d’instruments différents pour récolter des
informations sur un même phénomène permet d’en avoir une connaissance plus complète
et différenciée. Trianguler, donc utiliser de manière combinée différentes techniques de
récolte ou d’analyse de données, peut s’avérer aussi un moyen pour éviter les dangers
concernant la validité souvent évoquées dans le domaine de la recherche qualitative
(récolte limitée d’informations, tendance à interpréter les données dans le sens prospecté
par la recherche, implication émotionnelle du chercheur/euse». (Emanuele Berger et al,
2010:1-2)
La stratégie utilisée pour les différentes techniques mobilisées a été celle de
l’observateur participant, consistant à étudier un système en partageant son mode de vie, en
participant aux activités des groupes et à leurs enjeux. Nous entendons par observation le
fait d’avoir suivi au long des trois années le déroulement d’un certain nombre de séquences
et interactions relatives à la mise en œuvre d’un système de contrôle et garantie de la
qualité dans l’enseignement supérieur mozambicain en observant directement les
principaux protagonistes.
146
3.3.4 Les observations réalisées
La possibilité de réaliser une observation participante avec accès aux principaux
services et manifestations surtout dans les organes de gouvernance externe mais aussi au
niveau des directions des établissements a pour avantage de pouvoir établir des
comparaisons entre les perceptions des acteurs à différents moments des processus de
gouvernance.
Les observations ont été réalisées en trois phases. La première qui coïncide avec
notre entrée en thèse a eu lieu entre mars et novembre 2011. La deuxième s’est déroulée
entre mars et novembre 2012 et la dernière de février 2013 à janvier 2014. La durée des
différentes phases d’observation ainsi que leur fréquence nous ont, en réalité, permis de
rencontrer à différents moments les principaux acteurs de l’enseignement supérieur, ce qui
nous a aidé à parvenir non seulement à la comparaison des perceptions des acteurs visités
sur une période de deux ans mais aussi d’observer effectivement les évolutions qui ont eu
lieu dans le système compte tenu des objectifs qui lui sont fixés.
La période reste assez courte pour évaluer les effets d’une politique mais l’exercice
nous permet en même temps de pouvoir nous prononcer sur un certain nombre
d’enseignements concernant les effets de la démarche qualité et l’évaluation dans
l’enseignement supérieur mozambicain.
L’analyse du processus de mise en œuvre d’une série de décrets de loi récemment
approuvés et visant la garantie de la qualité du système permettra ainsi de tirer des leçons
sur les apprentissages en cours ainsi que sur leurs impacts tant pour le système dans son
ensemble que pour les établissements observés en particulier.
En fait les résultats de notre enquête tiennent compte en premier lieu de
l’observation des principaux dispositifs de gouvernance externes, c’est-à-dire les organes
de conseil et les services rattachés au ministère de l’éducation, à travers la réalisation des
entretiens avec des responsables au plus haut niveau mais surtout la participation à des
manifestations organisées à ce niveau. Nous avons ainsi pu participer en mars 2012 à une
réunion de lancement du CNAQ en présence du vice ministre de l’éducation en charge de
147
l’enseignement supérieur, du président du CNAQ et des représentants de seize
établissements d’enseignement supérieur dont quelques recteurs.
Nous avons également été invité à un total de quatre rencontres ordinaires du CES
(conseil de l’enseignement supérieur) et du CNES (conseil national de l’enseignement
supérieur) présidées par le Ministre de l’éducation en mai 2013 et en novembre 2013. Les
réunions du CES en présence des recteurs des 44 établissements d’enseignement supérieur
mozambicains permettent de côtoyer l’ensemble des dirigeants concernés par l’évaluation.
Alors que le CES est un organe de consultation du ministre et sans effets
délibératifs le CNES réunit un groupe plus restreint qui produit des délibérations se
rapportant aux politiques et programmes du système ainsi qu’au fonctionnement des
universités qui sont ensuite adressées au conseil des ministres, à qui reviennent les
décisions (art. 11 et 12, loi 27/2009). Dans la seconde partie nous décrivons et analysons
en détail le fonctionnement de chacune des structures de gouvernance qui intéressent la
présente étude.
Nous avons pu accompagner les activités du Ministère de l’éducation et des
services qui lui sont rattachés également lors des entretiens que nous avons conduit en son
sein à la DICES et au CNAQ notamment en cours de l’année 2012 et 2013. Etant que
direction de l’enseignement supérieur on doit noter que la DICES joue un rôle central dans
la coordination de toutes les activités du secteur. Elle est naturellement partie prenante
dans les organes de consultation ainsi que dans le travail de supervision et inspection des
établissements.
Les résultats de l’enquête tiennent compte en deuxième lieu des informations
recueillies lors des visites aux établissements. Nous avons, en effet visité au total neuf
établissements dont trois campus en province, notamment ceux de la Faculté de
communication et éducation aux délégations de l’Université catholique du Mozambique
(UCM) à Beira et à Nampula avec deux visites pour ce dernier et celui de l’Université
Unilurio à Nampula (Faculté d’architecture).
Les universités publiques, UEM et UP ainsi que l’UDM (université technique du
Mozambique) sont celles où nos visites et observations ont eu un caractère plus
systématique, avec la participation à des manifestations scientifiques, l’assistance et
l’animation des activités de cours de Master en sciences de l’éducation. Viennent
148
finalement les observations ponctuelles à l’occasion des entretiens soit, trois fois à
l’USTM, trois fois à l’ISCTEM, deux fois à la Politécnica, deux fois à l’ISTEG.
Dans chacun des établissements nous avons visité les salles des cours, les
bibliothèques, les salles des professeurs, les bibliothèques, les salles d’informatique, les
terrains de jeux pour avoir une perception de l’état des équipements et de la vie
universitaire. A ces occasions nous avons également pu observer les étudiants en activité
d’études et de recherche à mesure que nous réalisions des entretiens soit avec les
responsables des établissements, soit avec les enseignants-chercheurs au sein des
établissements.
A l’UEM tout comme à l’UP nous notons la particularité d’avoir visité plusieurs
facultés dont celles d’ingénierie (département d’ingénierie chimique), de médecine,
d’architecture, de philosophie, des lettres et sciences sociales et celle des sciences de
l’éducation de l’UEM, d’une part. La faculté des langues et sciences du langage
(département de français), la faculté d’éducation, le département de planification et
gestion de l’éducation et L’École supérieure d’économie et gestion sont les entités visitées
au sein de l’UP, d’autre part.
3.3.5 Le recueil et la constitution de données documentaires :
Les sources pour cet objectif peuvent être variées. Pour chaque établissement visité
tout comme pour les services du ministère, nous avons procédé au recueil de la
documentation de base.
Au titre de cette technique nous nous sommes concentré sur les données statistiques
du Ministère de l’éducation, mais aussi sur l’ensemble des dispositifs de lois en analysant
leur évolution. Nous avons étudié, par exemple, la documentation suivante : la constitution
de la République (1990), la Politique nationale d’éducation (1995), les lois du système
national d’éducation (4/83 ; 6/92), les lois successives de l’enseignement supérieur (1/93 ;
5/2003 ; 27/2009) et les respectifs décrets d’application, les plans stratégiques de
l’enseignement supérieur (2000-2010 ;2012-2020), mais aussi les rapports d’évaluation
des politiques d’enseignement supérieur entre 2000 et 2013 dans le cadre de l’élaboration
des plans stratégiques et de l’évaluation des programmes du gouvernements.
149
Ont été recueillis et analysés des manuels de procédure relatifs à l’évaluation des
établissements à l’initiative du CNAQ mais aussi un certain nombre de notes de synthèse et
compte rendus de réunions dont des projets de loi et de statuts au cours des réunions
organisées par le ministère. Dans les établissements nous avons recueilli la documentation
relative à leurs statuts, leurs plans stratégiques, les rapports d’évaluation des plans
stratégiques ainsi que quelques référentiels. Notons que l’UEM a produit en 2013 son
propre manuel d’évaluation interne en vue d’un programme pilote d’évaluation de 19 cours
sur les 140 que l’institution offre.
Pour certains établissements, surtout les publics, les respectifs plans de
développement institutionnel et restants documents relatifs à la gouvernance et
organisation interne, tels les statuts, règlements internes etc. sont aujourd’hui
téléchargeables sur Internet. Un fait marquant est que tous les établissements visités
disposent d’un Site Internet actualisé. Nous avons également analysé des articles,
interviews et débats sur l’enseignement supérieur, publiés au long des six dernières années
dans la presse écrite et audiovisuelle et Internet.
3.3.6 Déroulement des entretiens et résultats obtenus.
Nous commençons par expliquer les objectifs et le fonctionnement du guide
d’entretiens préparé pour cette thèse. La deuxième étape vise à montrer les résultats
obtenus grâce à l’utilisation d’entretiens à dominante semi-directive.
Le guide d’entretien (annexe 2) mis en place s’est appuyé sur un questionnaire
initialement composé de 16 questions principales. Ces questions sont directement associées
à la problématique, aux hypothèses de recherche et aux indicateurs de l’observation
présentés dans l’introduction de la présente thèse conformément aux objectifs et stratégies
initialement formulés dans le protocole de recherche ci-dessus rappelé.
Les questions du guide d’entretiens visent plusieurs résultats, à savoir: avoir un
aperçu général sur le fonctionnement des dispositifs de management d’évaluation de la
qualité, de leur origine et de l’importance que les institutions et les établissements
accordent aux problématiques de la qualité dans l’enseignement supérieur. Elles visent à
150
connaitre les modalités, les référentiels et les critères d’évaluation en usage mais aussi le
degré de participation et d’adhésion des acteurs au cadre normatif.
Le questionnaire vise à inviter les acteurs à faire un bilan des forces et faiblesses
des dispositifs existants (internes et externes) tout en analysant leur contribution dans la
mise la en œuvre des objectifs assignés à l’enseignement supérieur. Il s’agit de mesurer en
même temps dans quel mesure ces mêmes dispositifs représentent des facteurs de
changement et d’innovation.
Le questionnaire vise également à identifier à partir d’une analyse de
l’environnement institutionnel à la fois les vecteurs et les freins à l’apprentissage
organisationnels mais aussi les « bonnes pratiques » de gouvernance et la manière dont
celles-ci sont capitalisées dans le système.
Le guide d’entretiens conserve les mêmes objectifs et questions tout en se déclinant
en quatre grandes catégories de groupe d’acteurs, à savoir celui des dirigeants des organes
de gouvernance externes (ministère de l’éducation, CNAQ) et internes (établissements), le
groupe des enseignants-chercheurs et finalement les étudiants en tant qu’usagers et
bénéficiaires finaux du système.
Les 16 questions principales confrontées au terrain ont dû être adaptées au contexte
à mesure du déroulement des entretiens. Nous avons dû, en effet, les décliner en d’autres
questions tantôt secondaires, tantôt prioritaires compte tenu de l’implication des acteurs
rencontrés et de l’orientation initialement imprévue que pouvaient prendre les échanges.
De façon générale, les entretiens n’ont pas suivi nécessairement l’ordre du
questionnaire tel que présenté dans le guide d’entretien, d’autant plus que certaines
interventions des interviewés permettaient d’anticiper sur des questions et réponses qui
perdaient de leur actualité en cours d’entretien. Dans d’autres situations nous avons dû
veiller aux choix des commentaires qui pouvaient motiver davantage les acteurs à
participer.
Planté le décor et explicités les objectifs de la recherche, nous avons veillé à ce que
les interviewés puissent s’exprimer au maximum, à présenter leurs propres bilans sur la
situation de l’enseignement supérieur, en laissant libre cours à la réflexion même si celle-ci
pouvait donner l’impression de s’éloigner des objectifs principaux de l’étude, parfois.
Cette stratégie de communication a révélé des avantages en ce sens où les acteurs
pouvaient s’impliquer de telle sorte à nous faciliter des contacts avec d’autres personnes
151
qui nous étaient inconnues ou inaccessibles au départ. En même temps les acteurs
pouvaient nous révéler des aspects pertinents mais qui n’étaient pas prévus dans notre
protocole ouvrant ainsi la voie à un approfondissement des questionnements sur les
problèmes du système d’enseignement supérieur.
En général ces entretiens formellement préparés ont eu des durées variables allant
de 20 minutes pour les plus courts à 90 minutes pour le plus long d’entre eux. D’autres
séquences plus courtes ont eu lieu dans le cadre des observations réalisées au moment des
intervalles des réunions auxquelles nous avons participé.
Les entretiens réalisés ont été à dominante semi-directive. Cette technique
qualitative permet de centrer le discours des personnes interrogées sur différents thèmes
définis. Les entretiens semi-directifs ont l’avantage de pouvoir compléter et approfondir
des domaines de connaissance spécifiques liés à l’entretien non directif qui se déroule très
librement à partir d’une question.
Ce type d’entretien permet de compléter les résultats obtenus par l’examen de la
documentation de référence disponible en apportant une richesse et une précision plus
grandes dans les informations recueillies, grâce notamment à la puissance évocatrice des
citations et aux possibilités de relance et d’interaction dans la communication avec les
interviewés. (R. Quivy, L. Campenhoudt 2006 : 175)
3.3.7 Les entretiens avec les étudiants
Nous avions prévu d’organiser des groupes de discussions avec les étudiants des
établissements directement retenus pour l’enquête. Ces réunions supposent a priori de
formaliser à l’extrême et systématiquement nos accès aux établissements. Comme nos
accès se font plutôt à travers des contacts directs avec les responsables et pas forcément à
travers des demandes formelles, et les possibilités d’organiser les réunions de groupes avec
les étudiants risquant de se heurter aux règlements intérieures nous avons décidé de
sélectionner aléatoirement les étudiants à interviewer mais en privilégiant un profil
spécifique.
Nous avons ainsi privilégié plutôt les entretiens avec des étudiants « matures »
c’est- à-dire suivant un parcours en alternance entre études et une activité professionnelle
152
ou des anciens étudiants, aussi en raison de la qualité des informations qu’ils peuvent
fournir.
Au total l’enquête a concerné 63 étudiants dont treize en situation de formation
initiale mais en fin de parcours (Master 1) et quarante autres étudiants plutôt matures et
réunis en deux groupes distincts.
Le premier groupe est constitué de 15 personnes qui font partie de la même
promotion d’un programme de Master 1 de l’université Pédagogique (UP) que nous avons
animé comme enseignant entre 2006 et 2010. Nous les avons rencontrés ensemble une fois
dans le cadre d’une manifestation sociale entre anciens étudiants et enseignants durant le
premier semestre 2013. Notons qu’à l’intérieur de ce groupe, dont un membre enseigne à
l’UP de Tete, nous avons eu l’occasion de revoir et nous entretenir à 2 reprises avec deux
étudiants en cours du travail de thèse.
L’autre grand groupe de 25 étudiants a été suivi au long d’un mois et demi, soit
trois fois par semaine pendant un cours de Master à l’Université Technique du
Mozambique (UDM) que nous avons eu à animer. En réalité la classe est constituée de 31
étudiants au total mais un noyau dur de 25 étudiants avait pu être constitué avec un groupe
plus ou moins régulier. Nous y avons dispensé un cours de philosophie de l’éducation
d’une heure et demie par jour, soit 14 séances au total, dont une complètement dédiée au
thème de l’enseignement supérieur et qui compte pour le total des entretiens en groupe.
Les 13 séances restantes sont à inscrire dans les stratégies de suivi de groupe, d’autant plus
qu’elles aident à fournir une critique sur la progression des étudiants, la qualité de leurs
apprentissages etc.
L’une des particularités de ce groupe est de réunir dans la même classe diverses
spécialités de formation entre des personnes ayant poursuivi des études en sciences
juridiques, sciences sociales, philosophie, psychologie, gestion d’entreprises et diverses
écoles d’ingénieurs dont l’ingénierie mécanique, l’informatique et l’électronique.
L’autre particularité importante du même groupe est d’être constitué également par
six enseignants de l’enseignement supérieur, ce qui permet de croiser dans cette classe un
regard d’étudiants matures avec des enseignants en situation de formation. À l’intérieur de
ce dernier groupe nous avons interviewé individuellement quatre étudiants, une fois chacun
entre les mois d’août et octobre 2013.
153
Différemment de la plupart des entretiens réalisés avec les personnalités au sein de
l’administration centrale et des directions des établissements qui seront enregistrés, la
plupart des entretiens avec les étudiants et les enseignants en groupe ou individuellement
n’ont pas été enregistrés.
Un total de 41 entretiens dont 24 individuels et 17 en groupes ont été réalisés avec
les étudiants. L’âge de nos interviewés sur cette catégorie varie entre 25 ans et 55 ans. 14
étudiants sont du sexe féminin contre 39 du sexe masculin. Notons dans cette catégorie
d’interviewés la présence de trois parlementaires.
Nous avons décidé de ne pas privilégier le groupe d’étudiants en formation initiale
non seulement en raison de la qualité de l’information qu’ils pouvaient garantir mais à
cause des difficultés que cela pouvait soulever d’un point de vue formel vu que les accès
aux institutions se font plutôt par des voies informelles alors qu’une réunion de groupe
avec des étudiants sans l’autorisation préalable risquait de se heurter aux règlements
intérieurs des établissements.
Cela ne nous a cependant pas empêché de réaliser des observations directes aux
activités des étudiants dans les campus. Nous nous sommes intéressés par exemple aux
activités en bibliothèque et en salle informatique. Notons au passage en 2012 et 2013
l’observation de deux sessions de cours de Master à l’Université Eduardo Mondlane
(UEM) animés par trois enseignants-chercheurs également interviewés et suivis durant le
travail de thèse.
Une question directement liée aux étudiants indépendamment de leurs statuts est
celle de savoir leur niveau d’implication dans l’évaluation des enseignements notamment,
soit individuellement, soit dans le cadre des associations estudiantines.
3.3.8 Les entretiens avec les dirigeants du système, des établissements et les
universitaires
154
Nous remarquons la forte représentativité des acteurs et des établissements
observés par rapport á l’ensemble des institutions du système d’enseignement supérieur.
On y trouve un mixte des établissements les plus anciens et les plus connus dans le système
d’enseignement supérieur mozambicain mais aussi ceux tenus pour les plus dynamiques
parmi les établissements émergeants. Il ne s’agit pas ici d’établir un classement des
établissements mais de les caractériser selon les perceptions de nos interviewés. Plus de
détails pour une typologie des établissements seront fournis dans le chapitre V.
Au niveau de l’administration centrale nous avons visité les principaux organes de
gestion initialement prévus dans le protocole de recherche. Cela permet d’affirmer que le
profil de nos interviewés est aussi représentatif du nombre des établissements existants
ainsi que de la qualité des institutions de gouvernance.
Sur la présente population d’interviewés l’enquête a touché un total de 58
personnes dont 50 de nationalité mozambicaine. Nous concentrons la description sur les
entretiens qui ont impliqué les universitaires et dirigeants mozambicains compte tenu des
objectifs de l’enquête. Notons néanmoins parmi les personnes interviewées, 4 enseignants-
chercheurs français dont deux spécialistes de l’enseignement supérieur, 2 enseignants
portugais, un chercheur hollandais et un responsable du Conseil de l’évaluation de la
qualité de l’enseignement supérieur en Afrique du Sud (CHE).
Au total nous avons réalisé 57 entretiens, dont 48 individuels et 9 en petits groupes
variant entre 2 et 4 personnes maximum. Parmi les acteurs rencontrés dans les trois
catégories, soit dirigeants du système, dirigeants des établissements et enseignants
chercheurs, 7 sont du sexe féminin. Leur âge varie entre 31 et 68 ans.
Parmi la catégorie des dirigeants du système nous pouvons compter un vice
ministre, une ancienne ministre, cinq hauts responsables du ministère de l’éducation
(DICES), trois responsables du CNAQ, mais également un dirigeant de l’association des
recteurs d’universités.
Dans la catégorie des responsables d’établissements nous avons interviewé quatre
hauts responsables dont deux recteurs d’universités privées, un recteur d’une université
publique et deux vice-recteurs d’universités publiques. Viennent ensuite cinq directeurs
pédagogiques (appelés aussi directeurs académiques en fonction des établissements) cinq
directeurs de facultés, trois chefs de départements, deux directeurs de la planification et des
études, un directeur des Registres académiques et une directrice de cellule qualité.
155
Parmi les enseignants et chercheurs six ont occupé des postes de direction dans
différents établissements, soit directeur de faculté, directeurs scientifique, académique ou
même vice recteur. Trois ont occupé des postes de direction au ministère ou sont
intervenus comme consultants.
Le corpus constitué semble représentatif en ce sens où il réunit différentes
spécialités disciplinaires dont une majorité issue des lettres et sciences sociales, quatre
chercheurs spécialistes de l’enseignement supérieur inclus, deux économistes, cinq juristes
dont un vice-ministre contacté en qualité d’enseignant, six spécialistes en sciences
médicales dont un vétérinaire, trois spécialistes en sciences agronomiques, un
géophysicien, trois chimistes et différentes spécialistes en sciences de l’ingénieur dont un
mécanicien, un informaticien et deux architectes.
Nos interviewés semblent tout à fait représentatifs du système d’autant plus qu’ils
travaillent dans des établissements pour cinq d’entre eux représentés au niveau national,
avec y compris des campus à fonctionner dans les districts (Moamba, Chibuto,
Vilanculos) pour l’UEM, (Massinga et Montepuez) pour l’UP.
Avec son siège à Beira, l’Université Catholique comptant plus de quinze mille
étudiants détient le plus d’implantations dans les régions Centre et Nord, alors que l’UP est
considéré comme la plus grande institution en raison du nombre d’étudiants qu’elle a pu
atteindre ces dernières années, soit plus de 40000 et de son implantation dans toutes les
provinces. L’UEM première institution à être créée conserve son leadership avec 200
enseignants docteurs et étant cotée parmi les 100 meilleurs universités africaines selon le
classement de l’AUA.
En nous inspirant de la typologie des universités proposée par le rapport EVALUE
(in Fave-Bonnet, 2003 : 330-331), l’Université Lurio pour sa part, dont le siège est
Nampula avec des facultés distribuées entre les trois provinces du nord, paraît en train de
se forger la réputation d’une université territoriale.
L’échantillon réuni se révèle représentatif aussi du fait de la trop forte mobilité des
enseignants-chercheurs qui circulent d’établissement en établissement d’une part et de la
mobilité des dirigeants tant des établissements que de l’administration centrale eux mêmes
enseignants-chercheurs ou ayant occupé des postes de responsabilité dans les
établissements publics ou privés.
156
Pour illustrer, le premier recteur de l’Université Eduardo Mondlane, Fernando
Ganhão (1974-1986) participe à la fondation et dirige l’UDM jusqu’en 2009, alors que
Brazão Mazula recteur de l’UEM (1995-2007) dirigera entre 2008 et 2011 deux
établissements privés, l’ISEG et l’ISTEG successivement.
Philippe Couto, Recteur de l’UEM (2007-2011), après un passage au Ministère de
l’éducation comme assesseur du ministre, avait exercé les mêmes fonctions de recteur à
l’Université catholique fondée en 1995. Rogerio Uthui, l’actuel recteur de l’UP a travaillé
pendant plus de vingt ans à l’UEM où il exerce les fonctions de directeur scientifique avant
d’être nommé à l’UP.
En plus les recteurs et directeurs académiques des universités privées ont la
particularité pour certains d’être des enseignants des universités publiques, de l’UEM
notamment. Parfois en congé illimité ou cumulant leurs fonctions avec des activités
d’enseignement, ils réclament normalement leur appartenance à la première université à
être créée au Mozambique.
29 personnes c'est-à-dire la plupart de nos interviewés sur ce groupe travaillent
dans l’enseignement supérieur depuis plus de 20 ans. On rencontre dans le groupe des
anciens étudiants arrivés à l’UEM au lendemain de l’indépendance nationale en 1975 et
qui commencent à enseigner au début des années 1980.
Quatre enseignants-chercheurs déclarent collaborer avec des établissements n’ayant
pas été directement observés par nous, notamment l’ISCAM (Institut Supérieur de
comptabilité et audit du Mozambique), l’ISCIM (Institut Supérieur de communication et
image) basés à Maputo et avec l’Université Unizambèze basée dans la région centre (Beira,
Tete).
La plupart des entretiens réalisés près des dirigeants et universitaires ont été
conduits individuellement et enregistrés, surtout ceux réalisés en 2012, alors que parmi
ceux réalisés en 2013 avec le but de confirmer certaines données aucun n’a été enregistré,
d’autant plus que certains échanges sont plutôt courts avec des séquences de dix minutes
parfois dans les intervalles des manifestations au ministère, avec parfois, recours à une
correspondance électronique et sans les formalités exigées lors de premiers échanges. La
prise des notes sur un carnet d’enquête est le principal support de registre des informations
dans cette phase de l’observation.
157
Tant avec le groupe des étudiants qu’avec celui des dirigeants du système, des
établissements et les universitaires, le nombre, la nature et la fréquence des entretiens
réalisés au long des trois années qu’a duré l’enquête peuvent attester des pratiques
d’observation systématique.
La plupart des personnalités interrogés individuellement seront revues au moins une
à quatre fois en interaction en réunion publique. Par exemple le ministre de l’éducation
ainsi que le vice-ministre de l’éducation en charge de l’enseignement supérieur ont été
suivis durant l’enquête non seulement au cours des réunions publiques réalisées par la
CNAQ et le ministère de l’éducation mais aussi au long de leurs interventions dans les
medias.
Les deux ministres qui se sont succédé au ministère de la science et technologie
entre 2005 et 2011 lequel intéresse complémentairement la présente thèse ont également
été suivis à travers leurs différentes interventions dans les medias au long de l’observation.
De même pour les universitaires occupant ou non des postes de responsabilité dans
les établissements dont celui de recteur ou de responsable pédagogique et avec une
présence notoire sur les médias en raison de leur activité politique ou militante dans la
société civile pour certains d’entre eux, l’enquête a pu les suivre à plusieurs reprises en
interaction publique sur des questions intéressant l’éducation y compris à travers la lecture
de documents de recherche qu’ils ont publiés et souvent disponibles en ligne.
Au moins huit autres universitaires occupant ou non des fonctions de direction dans
les établissements et au ministère de l’éducation ont été suivis pratiquement de façon
régulière durant les trois années qu’a duré l’observation à travers des échanges par
téléphone, par Internet et des visites à intervalles de trois mois, avec parfois des contacts
encore plus réguliers en fonction de l’urgence et des besoins du travail de recherche.
3.4 Exploitation des résultats de l’enquête
Vient enfin la phase d’exploitation des informations réunies durant l’enquête. C’est
dans cette étape qui est traitée l’information obtenue par l’observation pour la présenter en
comparant les résultats observés aux attendus selon les hypothèses. Il s’agit dans cette
158
section de montrer les orientations qui ont été suivies dans la phase de traitement des
données.
Nous avons privilégié une analyse thématique en confrontant les résultats de
l’enquête, c'est-à-dire les enseignements tirés des observations réalisées, de la lecture des
principaux documents relevés et de l’analyse des perceptions des acteurs interviewés par
rapport à l’hypothèse de l’étude, à savoir si une démarche d’évaluation de la qualité dans
l’enseignement supérieur mozambicain constitue un vecteur d’apprentissages en vue de
l’amélioration du système et des établissement d’enseignement supérieur.
Les indicateurs proposés pour la vérification de l’hypothèse de la présente étude se
lisent à travers les mots clés, c'est-à-dire, évaluation, qualité, efficacité, dispositif de
management, gouvernance, apprentissage organisationnel et tournent essentiellement
autour de la notion d’apprentissage organisationnel en lien avec les démarches
d’évaluation et de management de qualité dans l’enseignement supérieur. Un certain
nombre d’indicateurs d’un système apprenant sont donc mis à l’épreuve de la gouvernance
de l’enseignement supérieur mozambicain.
L’analyse va donc porter essentiellement sur les aspects tels que l’environnement
institutionnel, les principaux vecteurs de l’apprentissage et les facteurs de blocage, les
points d’intersection, c'est-à-dire les espaces, les objets les moments où se réalisent les
interactions. Le traitement de l’information porte surtout sur une analyse du rôle des
acteurs en particulier celui des dirigeants du système, des responsables universitaires
(recteurs, directeurs académiques) dans la promotion d’un système apprenant.
Pour parvenir à l’exploitation des informations recueillies durant l’enquête nous
nous sommes inspiré de quelques consignes tirées des méthodes de recherche en sciences
sociales. Pour les analyses qualitatives qui n’excluent pas le traitement des données
quantitatives d’ailleurs, on retrouve une variété de terminologies telles que l’analyse de
contenu, l’analyse des mots, le codage des données d’observation etc. auxquelles on peut
associer une démarche d’analyse par thèmes proposée dans la présente étude. (R. Quivy et
L. Campenhoudt, 2006 :188-212 ; H. Peretz, 2004 : 93-111).
Se référant à Blanchet et Gotman (1992), Luc Albarello (2004: 79-80) distingue
plusieurs types d’analyse de contenu selon leur degré de formulation, dont l’analyse
thématique qui découpe transversalement l’ensemble des entretiens recherchant de la sorte
159
une cohérence thématique, mais aussi l’analyse par entretien, l’analyse propositionnelle de
discours, l’analyse des relations par opposition.
Le travail préalable à la rédaction d’un compte rendu de recherche consiste à
interpréter objectivement les donnés obtenues. Les étapes de la démarche de traitement de
données varient selon les auteurs mais on peut les résumer en trois principales. (R. Quivy
et L. Campenhoudt, 2006 ; H. Peretz, 2004). Par codage on entend l’inventaire exhaustif
des données recueillies, leur examen systématique, leur interprétation au moyen de
catégories générales, leur classement, leur insertion dans le compte rendu, et la réflexion
sur leur pertinence.
Le codage comprend trois étapes principales : l’analyse exhaustive de
toutes les notes, le codage restreint d’une partie de celles-ci en fonction d’un schéma principal, et la rédaction d’un compte rendu intégrant les notes ». (H. Peretz, 2004: 95).
Une opération d’analyse des informations demande trois étapes. La première
consiste à décrire les données, c’est- à -dire à les présenter, d’un coté, sous la forme
requise par les variables impliquées dans les hypothèses et de manière à ce que les
caractéristiques de ces variables soient mises en relief, d’un autre coté. La deuxième
opération vise à mesurer les relations entre les variables compte tenu de la manière dont les
relations ont été prévues par les hypothèses.
La troisième opération consistant à comparer les relations observées aux relations
théoriquement attendues par hypothèse et à mesurer l’écart entre les deux, doit se conclure
par une confirmation de l’hypothèse ou non. Elle sera suivie par l’examen des raisons de
l’écart si l’hypothèse n’est pas confirmée (R. Quivy et L. Campenhoudt (2006:211)
Cependant, trois éléments doivent retenir particulièrement l’attention du chercheur
avant de mettre en œuvre des comparaisons systématiques, c'est-à-dire, la mise en relation,
dans chaque cas, entre positions objectives, pratiques et points de vue subjectifs ; les mots
indigènes et les silences ; les malentendus (S. Beaud, et F. Weber (2010 : 227-233).
Les notes d’entretiens, l’ensemble des constats faits lors des observations et
consignés sur un carnet d’enquête, les registres documentaires recueillies dans les
journaux, la télévision et sur Internet, mais aussi certains articles de recherche localement
publiés et disponibles sur Internet constituent la somme du matériau d’enquête traité en
vue de l’analyse du fonctionnement du système d’enseignement supérieur mozambicain.
160
Les entretiens enregistrés ont été par la suite transcrits. Pour illustrer nos analyses,
des extraits d’entretiens traduits du portugais au français seront apportés au long des
développements qui suivent.
Comme nous nous sommes attelé a essayer de montrer au long de la première
partie, la présente thèse est le reflet d’une confrontation entre les données du terrain et les
découvertes d’une méthodologie ainsi que des grilles d’analyse lors d’une revue de
littérature dans les différentes disciplines qui intéressent l’évaluation et la qualité dans
l’enseignement supérieur.
La thèse est également le fruit de la confrontation entre les hypothèses et les
observations réalisées. Les conclusions de l’étude tiennent compte des pratiques
constatées et surtout d’une analyse des perceptions des acteurs rencontrés sur la
gouvernance de l’enseignement supérieur au Mozambique.
Les lignes de forces de la deuxième partie qui suit tiennent donc compte des
principaux thèmes qui se dégagent de la confrontation des indicateurs de recherche et les
résultats de l’observation du terrain.
Nous reviendrons sur les mots clés annoncées au long de la première partie, réitéré
notamment dans le protocole d’enquête ci-dessus et que nous proposons d’étudier dans
une perspective systémique et stratégique (Crozier et Friedberg 1977; Bouvier, 1995 ;
Bernoux, 2004 ; Quivy et Campenhoudt, 2006).
Les mots clés sont : efficacité, compétitive, innovation, amélioration de la qualité
en lien avec l’évaluation et les concepts de management des connaissances (apprentissage
organisationnel) à l’université.
On est dans une dynamique de connaissance action. Mais comme nous avons pu le
constater avec (Musselin, 2001 ; Dubois 2003, 2008 ; Fave-Bonnet 2003, 2010), l’analyse
du changement à l’université ne peut pas se faire sans la prise en compte de ses propres
spécificités, c'est-à-dire ses activités d’enseignement et de recherche mais aussi du fait
qu’on est devant une structure à multiples facettes, à la fois une institution, une
organisation, mais aussi une entreprise, donc complexe à étudier selon une seule
perspective.
161
L’étude du changement à l’université doit en plus prendre en compte l’analyse des
rapports soit au sein des établissements, soit avec les tutelles et les différentes parties
prenantes qui se sentent concernés par ses résultats.
Il va être question d’analyser d’une part la lutte pour l’autonomie des universités et
des universitaires et les rapports de pouvoir qui se dégagent de la mise en œuvre du cadre
normatif et programmatique imposés aux universitaires aussi bien par les organes externes
que par les instances internes.
L’analyse des résultats qui suit est l’occasion de présenter un bilan des forces et
faiblesses du système compte tenu des objectifs stratégiques qui sont assignés à
l’enseignement supérieur.
Cela dit, avant de passer à l’analyse des résultats dans la deuxième partie, nous
proposons ci-dessous un zoom sur l’état de la recherche. En fait pour parvenir à un bilan
du fonctionnement du système universitaire mozambicain nous avons analysé les
productions de recherche localement disponibles.
Alors que certains de nos interviewés déclarent qu’il n’existe pas un champ
d’études et de recherche sur l’enseignement supérieur, d’autres notent que le système n’a
pratiquement pas fait l’objet d’une évaluation en attendant l’intervention d’une agence
spécialisée à l’image de l’UNESCO ou des agences nationales dans les pays avancés.
Or plusieurs pratiques d’évaluation ont été relevées dans les établissements et au
sein de la tutelle. Par ailleurs un certain nombre d’universitaires produisent des réflexions
sur les problèmes des universités. Quel est donc l’état de la recherche scientifique et de la
recherche sur l’enseignement supérieur en l’occurrence ? Quelle est la nature des
productions disponibles ?
3.5 Dispositif de recherche et évaluation de l’enseignement supérieur.
En fait, les processus de production de connaissance dans le continent africain
(Louis Jean Calvet, 1997) en général et au Mozambique en particulier sont de base oral. Il
y a certes une activité administrative et éducative importante qui est relayée par une
communication écrite, surtout dans les grandes villes comme Maputo. Il y a également une
réflexion intellectuelle et universitaire remarquable mais qui ne fait pas nécessairement
l’objet de publications scientifiques.
162
Cela veut dire que la plupart des savoirs de la vie productive quotidienne ne sont
pas formalisés par l’écrit comme en Occident. Elles sont à l’état de connaissances tacites,
d’autant plus que la plupart des productions de recherche existantes sont celles d’un
praticien en quête de compréhension mais sans un cadre théorique et une méthodologie
explicites conformément à la méthode scientifique et universitaire usuelle. (Perrenoud,
2001:42)
Diverses raisons d’ordre sociopolitique, le manque de budget pour la recherche,
mais aussi un système d’enseignement universitaire sans aucune liaison avec la recherche
semblent expliquer la si faible activité de recherche existante. (Paulin Hountondji, 2004 ;
Teresa Cruz et Silva, 2011).
A l’exception d’un nombre insignifiant et associé à des réseaux de publication
internationaux, pratiquement très peu d’universitaires publient des articles de recherche. La
plupart des universitaires développent davantage une réflexion à travers un discours oral
sous la forme d’interviews et débats relayés par la presse audio-visuelle. Quelques-uns
publient dans la presse écrite locale ainsi que dans quelques revues isolées comme celle de
l’IESE (Institut des études sociales et économiques).
Mais vu par d’autres universitaires qui ne publient pas forcément, le type de
réflexions disponibles ne mérite pas la qualification de connaissance scientifique. «Il n’y a
pas d’évidences dans ces études ». C’est ainsi qu’un jeune docteur en économie qualifie les
études publiées par l’IESE, un institut de recherche pluridisciplinaire implanté au
Mozambique en 2009, pourtant dirigé par des personnalités d’une certaine renommée dans
le milieu académique mozambicain (Luis de Brito, docteur en sociologie de l’université
Paris 8 et Nuno Castel Branco docteur en économie).
C'est-à-dire qu’un groupe d’intellectuels est en train de réfléchir aux problèmes de
développement social et économique du Mozambique mais selon un raisonnement
particulier qui ne trouve pas sa place dans le moule de la recherche universitaire usuelle,
c'est-à-dire s’appuyant sur les règles de la méthode scientifique. D’où toutes les critiques
qualifiant ces travaux d’intuitions, de sens commun, de spéculations, allégations etc.
La qualité des productions disponibles sur la forme et sur le fond est tout à fait
discutable, mais la disqualification dont est victime la recherche actuellement disponible
sur place ne fait que continuer à limiter les possibilités d’une plus grande capitalisation des
connaissances tacites, alors qu’elles sont de plus en reconnues d’une importance capitale
163
dans la résolution des problèmes de développement. (Jacques Gaillard, et al, 2006 :189 ;
Paulin Hountondji, op.cit).
« D'une part, nous avons un espace social constitué par les différents acteurs sociaux, y compris les étudiants, les établissements d'enseignement supérieur du public, privé ou à but non lucratif, laïque et religieux, professeurs, le personnel, entre autres. Il existe des règles et des règlements sur le travail plus ou moins partagés sur comment devrait fonctionner ces institutions. D'autre part, ce même champ n'est pas encore l'objet d'études spécifiques et systématiques, c'est-à-dire de la production des connaissances. Je veux dire, notre niveau de connaissance de l'enseignement supérieur est encore assez intuitif et spéculatif… Je réaffirme que nous savons très peu de choses sur l'enseignement supérieur au Mozambique. Lorsqu'on ne fait de la recherche, on ne peut pas produire des connaissances spécialisées. Ce que nous savons, ou croyons savoir, est le résultat de nos pratiques et sensations, mais pas d’un effort de systématisation. Il y a très peu d'exceptions à noter. Le ministère de l'Éducation a essayé de faire quelque chose, mais un ministère n'est pas destiné à produire des connaissances. Les ministères, comme toute organisation politique, prennent des décisions politiques, celles-là ne sont pas toujours étayées par des études, mais par pragmatisme que la politique exige ». (Patricio Langa in Jornal Noticias, 6 septembre 2010).
L’universitaire qui formule son propos en s’appuyant dans la théorie des champs de
Pierre Bourdieu remarque l’inexistence d’un champ d’études de l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, les productions existantes relèveraient plutôt du sens commun et non d’un
travail de recherche à proprement parler.
On doit certes se poser la question de savoir qu’est-ce qu’un travail de recherche et
quand est-ce que cela mérite la qualification de recherche scientifique. Mais Gilles Cistac,
professeur à la faculté de droit et défenseur d’une méthodologie rigoureuse fait déjà un
bilan tout à fait à l’opposé par rapport à la question de savoir s’il existe ou non un champ
d’études sur l’enseignement supérieur au Mozambique.
Il ya des disciplines plus porteuses que d’autres. Les économistes font beaucoup de bruit mais on ne voit pas beaucoup leurs publications, en droit il n’y a pratiquement personne, mais en biologie et vétérinaire mais aussi en sciences sociales et lettres, ils sont porteurs. On ne peut pas dire que les professeurs à la faculté des sciences sociales et des lettres ne font pas de recherche et qu’il n’y pas de champ de recherche sur l’enseignement supérieur.
[Gilles Cistac professeur à la faculté de droit de l’UEM, entretien n° 25]
164
Un certain nombre de questions qui soulève la découverte d’une connaissance
pratique qui ne passe pas forcément par le discours continuent cependant sans réponse pour
l’heure, par exemple comment se capitalisent et se valorisent ces formes de savoirs et sans
tomber dans les pièges de la disqualification surtout dans une civilisation (école, les
espaces de travail) fortement marquée par le poids de l’écrit et des méthodes de recherche
qui l’accompagne pour pouvoir accorder de la validité scientifique aux savoirs
expérientiels existants?
En lien avec les découvertes du terrain, comment contribuer à faire évoluer un
système d’évaluation sur l’enseignement supérieur à l’état tacite et tout un dispositif de
recherche vers sa systématisation lorsque la plupart des matériaux à exploiter ne sont pas
formalisés ?
L’équation passe par le préalable de l’état des lieux que nous avons tenté de
réaliser, c'est-à-dire d’identifier l’existant dans ses multiples formes sous peine de tomber
dans le piège de penser qu’il n’y avait rien sur l’enseignement supérieur à partir du
moment où il n’y aurait pas de publications scientifiques sur le sujet.
Ce qu’on appelle le sens commun demeure en plus la forme de savoir la plus
répandue si on compare les différents discours disponibles sur les faits sociaux. Or pour un
certain nombre d’universitaires soucieux d’une norme, les questions ne se posent pas en
termes d’une valorisation de l’ensemble des productions dans l’état où elles sont en tentant
de relever la régularité des problèmes soulevés et leur signification, par exemple.
Ou bien en analysant le profil de ceux qui portent le discours. Celui qui parait nous
fournir les éléments d’un bilan sur le fonctionnement du système d’enseignement supérieur
en l’occurrence est souvent le fait des universitaires même anciens recteurs, ministres, et
autres personnalités d’un certain capital social et pédagogique reconnu. (Bourdieu in Louis
Porcher, 2008 ; Bourdieu 1972, 1984).
Issus de différentes spécialités non nécessairement en sciences sociales ceux-là ne
disposent donc pas des cadres théoriques et méthodologiques de l’art mais leurs réflexions
amènent à la critique les problèmes de l’enseignement supérieur.
En revanche, selon les représentions qui peuvent se faire certains universitaires de
la recherche scientifique, on demeure soucieux d’une norme, celle d’une forme
d’évaluation ou d’une littérature systématisées, basées dans des méthodes avérées.
165
C'est-à-dire des démarches qui paraissent encore loin des habitudes et
préoccupations de la plupart des universitaires mozambicains en ce moment, pour qui les
enjeux de publication dans une revue scientifique ne comptent pas énormément, par
exemple. Les défis de l’implantation d’un dispositif de recherche sont loin d’être atteints à
notre sens sans un effort de restitution et de valorisation des expériences tacites.
3.5.1 Recours aux connaissances tacites
Nous ne devrions pas non plus sous-estimer la force des connaissances tacites et
d’une expérience orale qui représentent une source de savoirs d’extrême importance (Louis
Jean Calvet, 1997) à condition bien entendu que ceux-ci soient encadrés dans un système
organisé.
Nous considérons comme des savoirs tacites (Nonaka et Takeuchi, op.cit), tout ce
qu’on peut rencontrer comme pratiques de recherche et d’évaluation non systématisées et
informelles mais aussi des spéculations, opinions personnelles, convictions, allégations de
qualité, etc. sur le fonctionnement de l’enseignement supérieur, véhiculés souvent dans la
presse écrite et audiovisuelle locales et qui se révèlent un important point de départ pour
des études.
Par conséquent l’un des principaux défis qui parait se poser à l’organisation de la
recherche sur l’enseignement supérieur est d’abord celui d’un effort de restitution des
savoirs implicites en les mettant en relation avec les données statistiques ainsi que d’autres
formes de connaissances scientifiquement démontrables.
A défaut des publications sur des revues dites scientifiques à part entière, nous
pensons que toute recherche s’intéressant à cette matière devrait s’appuyer, en plus de la
littérature institutionnelle qui devient de plus en plus riche, également sur les discours
relayés dans la presse: rapports de synthèse, reportages, interviews, chroniques mais
surtout dans les témoignages des acteurs impliqués.
L’approche que nous proposons semble par ailleurs trouver un écho dans les
démarches à l’initiative de l’UNESCO. Les ministères de la science et technologie sont
ainsi invités à trouver des canaux pour mettre la connaissance à disposition non seulement
des pouvoirs politiques mais de la société. Et l’université a un grand rôle à jouer dans ces
166
processus, elle doit répondre aussi à des questions de développement en créant des
capacités de communication avec la société et avec la communauté politique à travers le
Policy briefings, en impliquant les média, la presse.
C’est un des travaux que nous réalisons beaucoup à l’UNESCO dans le cadre de la science Policy interface. Il existe plusieurs manières de le faire, mais clairement le système de recherche doit être plus ouvert à faire le Policy briefing, en créant des publications non nécessairement des publications scientifiques mais qui traitent des questions de développement et non purement scientifiques. En tant que ministère nous avons donné une formation en journalisme scientifique aux journalistes qui invitaient des chercheurs pour parler d’un thème et comme tout le monde écoute la radio qui est nationale… les journalistes ont commencé à publier des choses. [Ancienne membre du gouvernement, directrice UNESCO, entretien n° 28]
L’investissement dans un projet d’organisation et de systématisation des pratiques
de recherche et d’évaluation sur l’enseignement supérieur au Mozambique lance un certain
nombre de défis à la recherche en sciences de l’éducation y compris en matière de
promotion d’actions en vue de la conservation des archives disponibles.
Dans cet effort le recours à un mode de recherche qui s’intéresse aux connaissances
expérientielles semble ouvrir la voie pour approfondir la connaissance sur l’enseignement
supérieur.
Différents travaux réalisés sur la connaissance en Afrique mais aussi en Amérique
du Sud (Théophile Obenga, 1985 ; Cheikh Anta Diop, 1987; Paulin Hountondji, 2004 ;
Ruiz Maya et Arturo Villamar, 2011; Víctor Toledo et Narciso Barrera-Bassols, 2009)
attirent l’attention sur les particularités du rapport aux savoirs locaux surtout dans les
sociétés sans écrit.
Il y a une fusion de l’être avec la nature et le rapport au monde est distinct de la
philosophie occidentale dominante. Claude Levy Strauss (in Ruiz Maya et Arturo
Villamar, 2011) avait découvert déjà une science du concret.
Les études de Nonaka et Takeuchi peuvent ainsi par analogie aider à approfondir
une connaissance sur la vie intellectuelle dans des systèmes plutôt basés sur les savoirs
expérientiels, donc tacites.
L’expression savoir tacite ou connaissance tacite a été introduite en 1958 par le
chimiste Michael Polanyi alors qu’il s’intéressait à l’épistémologie. Le savoir tacite n’est
pas formulé explicitement dans les résultats scientifiques mais il est une condition
167
indispensable à leurs apparitions. Le savoir tacite est un savoir qui peut se transmettre,
mais uniquement dans un contact direct, par imitation ou par expérience dans une relation
de type « maître-apprenti ».
Contrairement à l’épistémologie cartésienne traditionnelle qui prétend acquérir le
savoir ou la connaissance par une séparation entre un sujet observant et un objet observé, la
pensée de M. Polanyi expliquée par Nonaka et Takeuchi prétend que le savoir, la
connaissance se crée par une implication des être humains dans les objets, c’est à dire par
l’auto-implication et l’adhésion, ce que Polanyi appelle « les habiter ».
Le fait de l’habiter supprime la dichotomie traditionnelle entre l’esprit et le corps, la raison et l’émotion, le sujet et l’objet et entre celui qui connait et ce qui est connu. De ce fait l’objectivité scientifique n’est pas la seule source de connaissance. Une grande part de notre connaissance est le fruit de nos propres efforts réfléchis et tenaces en traitant avec le monde » (Nonaka et Takeuchi, 1997 : 79-80).
La première partie nous a permis de faire une réflexion profonde sur les disciplines,
les théories et les méthodes qui peuvent être mobilisées pour l’analyse du fonctionnement
des universités et des systèmes dans lesquels elles évoluent quel que soit l’objet d’étude
principal.
Notre question de départ a porté sur les opportunités que l’apprentissage
organisationnel pouvait offrir aux systèmes universitaires en ces temps où le paradigme de
la qualité semble dicter les règles du jeu.
Des pratiques d’usage du management des savoirs à la fois tacites et explicites
relevées dans la littérature pour certaines sont observables dans les systèmes universitaires
et peuvent expliquer le positionnement plutôt favorable de certains systèmes et
établissements par rapport à d’autres.
Mais il semble qu’une description du fonctionnement des systèmes universitaires
basée seulement sur les grilles d’analyse de l’apprentissage organisationnel demeure une
approche qui doit faire encore ses preuves pour s’imposer comme valable compte tenu des
problématiques et enjeux qui traversent les universités aujourd’hui.
Cette conclusion est le fruit d’un questionnement critique que nous avons inscrit
dans un processus de ruptures à la fois épistémologiques et méthodologiques réalisées en
cours du travail de thèse.
168
Nous avons, en effet, montré les cheminements parcourus avant de parvenir à la
proposition d’un nouveau champ de recherche sur l’apprentissage organisationnel dans la
gouvernance des universités. Celui-ci doit, à notre sens se secourir des méthodes
pluridisciplinaires qu’un cadre analytique de la gouvernance semble bien synthétiser.
Deuxième partie : Les dispositifs de gouvernance, évaluation et apprentissage
organisationnel
Quatre grandes étapes se dégagent de l’histoire de l’enseignement supérieur
mozambicain (M. Mario et al, 2003 ; Jasmin Beverwijk, 2005 ; Roland Brouwer, Lidia
Brito et Zelia Menete, 2010; J. Taimo, 2010 ; Horacio Zimba, 2010 ; MINED, PEES,
2012-2020). La deuxième partie de la thèse se concentre sur l’analyse des moments phares
d’une quatrième étape (2000-2013), caractérisée par une forte expansion du système et qui
va être accompagnée par le surgissement du paradigme de la qualité.
Notons que les préoccupations relatives au contrôle de la qualité vont s’intensifier à
partir de l’année 2010 où on assiste à une nette évolution d’une phase d’élaboration de
concepts (2000-2010) sur ce qui devait être un système de contrôle et garantie de la qualité
vers leur mise en pratique à travers la formalisation d’un ensemble de dispositifs et la
réalisation d’une série d’actions de sensibilisation à l’application des normes prévues pour
le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur.
La deuxième partie a pour ambition de dresser la liste des dispositifs de
gouvernance aussi bien externes qu’internes et d’analyser leur fonctionnement dans la
perspective de l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur.
Avant de nous avancer vers un état des lieux sur les principaux défis qui se posent à
la régulation du système à l’heure actuelle nous présentons un résumé sur l’organisation du
système éducatif mozambicain en passant par un aperçu de l’évolution de l’enseignement
supérieur depuis la création de la première université en 1962.
Ensuite nous dressons l’inventaire des principaux dispositifs concernés par
l’évaluation de l’enseignement supérieur. Présenté d’une manière évolutive au long des
prochains chapitres, l’état des lieux sera animé de la préoccupation de mettre en lumière
169
les problèmes intéressant l’évaluation du système, à mesure que nous analysons les
configurations qui se dessinent dans les rapports entre les tutelles et les universités – les
universitaires et leurs conséquences sur le développement des universités au gré des
mutations socio-économiques que va traverser le Mozambique.
Après avoir dressé la liste des principaux acteurs et organismes de la gouvernance
intéressés par l’évaluation du système nous analysons les missions des différentes parties
prenantes et leurs interactions dans la mise en œuvre des différents dispositifs de
régulation.
Les perceptions des acteurs sur les institutions et les dispositifs étudiés nous
mettent au clair, notamment sur l’impact des politiques mises en œuvre ainsi que sur les
éventuels effets de l’évaluation et de l’apprentissage organisationnel.
Finalement, en lien avec les conclusions de la présente étude nous mettrons en
relation tour à tour pratiques d’évaluation (interne et externe) et apprentissage
organisationnel dans la perspective d’une analyse de la cohérence d’ensemble ainsi que
des effets que ce dernier peut avoir sur l’amélioration de la qualité voire la compétitivité du
système d’enseignement supérieur mozambicain et des établissements en particulier.
170
171
CHAPITRE 4. LE MOZAMBIQUE:
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET SES
STRUCTURES DE GOUVERNANCE
Nous présentons d’abord la situation économique et sociale du pays. Après le
déroulement de principales étapes de l’édification du système d’enseignement supérieur
nous nous arrêtons sur son organisation actuelle tout en dressant l’inventaire des
principaux dispositifs de gouvernance intéressés par l’évaluation du système. Ce chapitre
nous donne un premier aperçu des enjeux et les défis qui se posent à la régulation du
système d’enseignement supérieur.
Le résumé qui se suit, s’inspirant de la revue d’une série de programmes du
gouvernement, (Plan quinquennal, 2010-2014, Plan économique et social, 2010-2014;
PARP 2011-2014; plan stratégique de l’éducation-PEE 2012-2016 ; plan stratégique de
l’enseignement supérieur-PEES, 2012-2020) propose une description du pays selon les
problèmes et les défis du secteur de l’éducation. Il contient des données du système
éducatif dans ses différentes composantes avant de parvenir à ceux relatifs à
l’enseignement supérieur.
Le Mozambique compte selon les estimations officielles plus de 22 millions
d’habitants aujourd’hui, c'est-à-dire, deux millions de plus qu’en 2007 lors du dernier
recensement (INE, 2007) qui indiquait une population de 20,6 millions.
Le pays totalise 11 provinces localisées dans trois régions (sud, centre et nord) et
représentatives d’une grande diversité socioculturelle, linguistique et géographique. Le
portugais est la langue officielle, mais Il existe 18 langues nationales et plusieurs autres
dialectes.
Environ 70% de la population vit dans les zones rurales. Dans la capitale Maputo
vit environ 5,3% da population. A Nampula e Zambézia, les deux provinces les plus
peuplées vit près de 40% da population, dont plus de moitié, soit (51,8%) est du sexe
féminin (INE, 2007). La croissance annuelle de la population dont plus de la moitié se
trouve dans une tranche d’âge variant de 0-18 ans, soit 52% est de 2,6%.
Avec une population aussi jeune et qui ne peut pas assurer la production des biens
élémentaires pour sa survie, l’économie du pays est confrontée à une grande pression pour
172
assurer la réalisation des besoins élémentaires de ce groupe de consommateurs de produits
économiques et de services publics. Cette situation s’aggrave en raison du taux élevé de
prévalence du VIH sida.
Après 16 ans de guerre civile, la reconstruction du pays a démarré en 1992 avec la
signature de l’accord de paix entre le gouvernement et la RENAMO (Resistance Nationale
du Mozambique). A partir de ce moment-là l’économie n’a cessé de croitre jusqu’à
atteindre une croissance annuelle de 7%. L’inflation se situe a environ 10%.
Les dépenses de l’Etat représentent près de 30% du PIB. Les dépenses sont
financées par des ressources externes à travers des dons et crédits qui atteignent 45% du
budget de l’Etat.
Le démarrage de l’exploitation de certains minéraux industriels, du gaz et la
découverte du pétrole accompagnés de la construction de nouvelles infrastructures (voie
ferrés, ports, télécommunications, services) a eu des effets sur l’augmentation des
ressources internes de financement des dépenses de l’Etat au long de ces cinq dernières
années.
On assiste par conséquent à une tendance à la réduction de la situation de
dépendance financière du pays mais en même temps à une intensification du débat autour
de la question du partage et distribution de la richesse dont le pays dispose.
Un certain nombre d’études par la société civile et organismes de recherche (CIP,
2010; IESE,2010,2011, 2012, 2013; Jornal Savana, 24 mai 2013) dénoncent un pays qui
va mal avec des indices élevés de corruption, tout en attirant l’attention sur le fossé qui ne
cesse de se creuser entre une grande majorité de la population extrêmement pauvre et une
petite minorité de personnalités liées aux réseaux du pouvoir en place, alors que les
infrastructures de base existantes comme l’eau potable, l’assainissement, les transport, les
services de santé notamment continuent de manquer cruellement pour la majorité de la
population.
Cela semble corroborer en partie les évaluations du gouvernement sur l’état du
développement humain du pays comparativement à la croissance économique indiquant
que 54% de la population vit encore au-dessous du seuil de la pauvreté extrême, en raison
d’une stagnation dans la diminution de la pauvreté durant la période entre 2002-2009 au
niveau national.
173
En revanche la croissance économique au long de ces dernières années tend
également à faciliter l’expansion des services de base le long du pays en termes d’accès à
l’éducation, santé, assainissement avec des progrès notables dans les zones rurales. La
proportion de la population à l’école a augmenté de 30,8% en 2002-2003 à 37,3% en 2008-
2009, totalisant près de sept millions d’élèves aujourd’hui. Le taux d’analphabétisme a
diminué de 60,1% en 2001 à 48,1% en 2008.
Il y a de grandes différences entre les régions, avec une évolution positive au nord
mais avec l’indication d’une augmentation de la pauvreté au centre (provinces de
Zambézia et de Sofala) durant la même période. La région centre est la plus vulnérable
aux chocs climatiques. De plus, les indicateurs de nutrition pour les enfants âgés de moins
de cinq ans corrélés au niveau de pauvreté et de consommation des foyers ont révélé des
faibles progrès au niveau national.
4.1 Le système éducatif
La loi 6/92 du système national d’éducation (SNE) structure le système éducatif en
trois sous-systèmes : l’enseignement préscolaire. Placé sous la tutelle du ministère de la
femme et action sociale (MMAS) avec la participation d’ONG et du secteur privé ce
système dont la fréquentation est facultative comprend les écoles maternelles et les jardins
d’enfance ouverts respectivement aux enfants âgés de 0 à 2 ans et entre 2 et 5 ans.
L’enseignement scolaire comprend l’enseignement général, l’enseignement
technique et professionnel et l’enseignement supérieur. Le portugais est la langue
d’instruction. L’enseignement extrascolaire comprend les activités d’alphabétisation et de
perfectionnement culturel et scientifique réalisés en dehors du système régulier
d’enseignement. Divisé en deux degrés, soit le premier degré allant de la 1ère à la 5e classe
et deuxième de la 6e à la 7e classe, l’enseignement primaire est public et gratuit.
L’âge officiel d’entrée en première classe est fixé à six ans. Les écoles primaires
fonctionnement normalement en deux périodes, soit avec un groupe qui fréquente
seulement le matin et un autre l’après midi. Pour faire face à l’expansion du système,
quelques écoles dans les grandes villes obéissent à un régime en trois périodes
d’enseignement alors que d’autres offrent des enseignements du deuxième degré le soir.
174
Moins de 2% des élèves fréquente l’enseignement primaire dans les écoles privées
ou communautaires. Après la conclusion de l’enseignement primaire, les élèves peuvent
poursuivre les études dans l’enseignement général ou technique et professionnel de niveau
basique.
L’enseignement secondaire général qui n’est pas gratuit est composé de deux
cycles, soit le premier qui comprend la 8e, 9e et 10e classes et le deuxième cycle qui
comprend la 11e et la 12e classe et qui précède l’entrée dans l’enseignement supérieur.
Pour permettre l’accès de la plupart des élèves surtout dans les villes l’enseignement
secondaire est organisé également le soir à l’attention des élevés âgés de plus de 15 ans.
En 2011, 10% des élèves poursuivaient leurs études dans les écoles privées mais le
ministère de l’éducation a également introduit un programme d’enseignement secondaire
général à distance dont la couverture est encore limitée.
L’enseignement technique et professionnel est structuré en deux niveaux: le niveau
basique et le niveau moyen avec une durée respective de trois ans. Il est organisé en trois
domaines, soit commercial, industriel et agricole.
Le critère minimal d'entrée est la conclusion de la 7e classe pour le niveau basique
et la 10e classe de l'enseignement général ou la 3e année de l’enseignement basique pour le
niveau moyen. Des droits d’entrée sont exigés, ce niveau d’éducation n’étant pas gratuit.
En termes de dotations publiques à l’éducation en 2013, des 175 milliards meticais
du budget de l’Etat, 29,9 milliards, soit 17% ont été attribués au secteur de l’éducation
(UNICEF, Mozambique, 2013).
4.1.1 La naissance de l’enseignement supérieur et son évolution
Réfléchir sur l’enseignement supérieur au Mozambique signifie parler d’un type
d’enseignement d’une création assez récente. A vrai dire l’enseignement supérieur vient de
fêter en ce début de deuxième décennie du XXIe siècle son cinquantenaire.
C’est en 1962, en effet, que le gouvernement colonial portugais décide par le décret
44.530 du 21 août de créer deux institutions d’enseignement supérieur dénommées, les
Etudes générales universitaires, l’une en Angola et l’autre au Mozambique.
175
Tout comme au Brésil où les premières universités sont définitivement créées à
partir des années 1930, (décret 19851 du 14 avril 1931) à la suite de pratiques
d’enseignement supérieur caractérisées par des cours professionnels, fonctionnant de
formes disperses et isolées ce depuis les années 1830 déjà (C. Piletti et Nelson Piletti,
2002:180), la formation d’universités dans les anciennes colonies portugaises d’Afrique est
un acte relativement récent.
Les Etudes générales universitaires du Mozambique ont été transformées ensuite
par le décret 43.799 de 1968 en Université de Lourenco Marques (ULM) et plus tard en
Université Eduardo Mondlane, le 1er mai 1976 en hommage au premier Président du
FRELIMO (Front de libération du Mozambique) par décision du gouvernement de Samora
Machel, le premier Président du pays après l’indépendance.
Cet acte est tout à fait d’une grande symbolique pour la société mozambicaine,
Eduardo Mondlane, ayant lui-même poussé ses études vers un doctorat en sociologie à
Northwestern University, à Evanston, Illinois (EUA). En 1961, après avoir occupé un poste
important à l’ONU, il accepte, un poste de professeur à l'Université de Syracuse, dans l'état
de New York, avant de rejoindre le mouvement de libération nationale en Tanzanie jusqu'à
son assassinat en 1969.
Avant de parvenir aux enseignements que nous révèle une littérature de
l’enseignement supérieur en état d’émergence, il faut pour retrouver les premières données
sur le fonctionnement du système éducatif au Mozambique et fournies par des auteurs
mozambicains, remonter à l’ouvrage d’Eduardo Mondlane (1969), le fondateur du
FRELIMO (Front de Libération national du Mozambique).
Le FRELIMO est le parti politique qui dirige le gouvernement au pouvoir depuis
l’indépendance nationale en 1975. D’abord dans un système de parti unique, puis suite à la
constitution de 1990 au terme d’une guerre civile de 16 ans en 1992 opposant le
gouvernement à la RENAMO (Résistance nationale du Mozambique), le FRELIMO sortira
vainqueur des élections successives en 1994, 1999 sous la direction du Président Joaquim
Chissano, puis du Président Amando Guebuza en 2004 et 2009 respectivement. La
RENAMO devient alors le principal parti de l’opposition.
L’implantation de l’enseignement supérieur coïncide, en effet, avec la fondation du
FRELIMO et l’œuvre d’Edauardo Mondlane (1969) est une référence incontournable pour
comprendre le système éducatif à l’époque coloniale. Celui-ci est une parfaite extension du
176
système politique qui se caractérise par l’exclusion des noires comme montrent tous les
livres d’histoire du Mozambique.
Plus tard, l’étude du fonctionnement du système éducatif jusque dans les premières
années post coloniales et dans ses contours et rapports avec l’implantation d’un nouveau
régime Marxiste-léniniste mais aussi en association avec les programmes de
développement socio-économiques, notamment le PPI (plan prospectif et indicatif) mis en
place en 1980, a fait l’objet d’importantes réflexions ayant abouti à des thèses de doctorat
au Brésil en 1993, par exemple celles de Brazão Mazula, recteur de l’UEM (1995-2007),
soutenue à la Faculté d’éducation de l’Université de São Paulo et celle de Miguel Buendia
Goméz, ancien directeur de l’INDE (Institut national du développement de l’éducation).
Ces deux études tout à fait indispensables pour comprendre l’évolution de
l’éducation au Mozambique ont la particularité de montrer les transformations que le
nouveau régime politique va tenter de mettre en œuvre à travers l’édification d’un nouveau
système national d’éducation (loi 4/83) dont le principal objectif est celui de transformer
les mentalités de l’homme mozambicain pour le libérer de l’ignorance, de la superstition
ainsi de la situation d’oppression qui lui impose le pouvoir colonial et dont il doit à tout
prix s’en défaire en devenant un homme nouveau (art. 4° de la Loi n° 4/83)
Selon l’affirmation de Samora Machel devenue un slogan historique l’école devait
être la base du pouvoir populaire d’où les politiques de massification de l’enseignement
primaire et d’alphabétisation qui allaient être mises en place dès les premières années de
l’indépendance et formalisées par la loi du système national d’éducation 4/83 du 23 mars
qui rend explicitement l’éducation un droit pour tous.
Entretemps, la plupart des programmes politiques notamment dans le cadre du PPI
(Plan prospectif et indicatif, 1980) visant à sortir le pays du sous-développement ne
prendront pas les directions souhaitées en raison de la guerre de déstabilisation (1976-
1992) qui détruira la plupart des infrastructure de base surtout dans les zones rurales dont
les écoles et les hôpitaux en faisant en outre un million de victimes selon les estimations
officielles.
Mais les projets éducatifs seront renouvelés à partir d’une nouvelle Constitution de
la République en 1990 fixant un nouveau cadre pour l’introduction d’un système de
démocratie multipartite accompagné d’un régime économique de libre marché. Pendant les
177
années 1990, la priorité du gouvernement va à l’instauration d’un climat de paix au fur et à
mesure de la mise en œuvre des programmes de réhabilitation du pays.
La Politique national d’éducation (1995) et l’ensemble des mesures qui seront
prises au niveau national mais aussi dans le cadre des compromis internationaux rappellent
explicitement le rôle que l’éducation et l’enseignement supérieur en particulier doivent
jouer dans la construction d’une société démocratique, intégrée dans le concert des nations
à mesure du combat pour un avenir meilleur et contre la pauvreté extrême.
Comparativement aux premières années de l’indépendance et à la période
d’intensification du conflit armé le bilan qui est fait par les autorités mozambicaines révèle
des progrès notables dans les différents domaines de l’économie. Le nombre d’élèves à
fréquenter l’enseignement aujourd’hui, sept millions ainsi que l’expansion rapide de
l’enseignement supérieur de 10 établissements en 2000 à 44 en 2013 avec une
augmentation exponentielle du nombre étudiants en dix ans de douze mille à cent mille en
2010, puis à cent vingt-trois mille en 2013 sont des motifs de satisfaction.
Ces statistiques plutôt réussies en termes d’évaluation de la politique d’éducation
pour tous soulèvent cependant d’énormes critiques quand elles sont analysées dans une
perspective qualificative.
L’éducation pour tous absorbe la plupart des enfants mais produit des élèves qui
rentrent dans l’enseignement secondaire puis dans le supérieur sans les pré-requis, d’où la
nécessité pour certains analystes comme Francisco Noa (Jornal Savana, 7 septembre
2012 :16-17) de remettre à plat le système d’enseignement supérieur en réformant
l’enseignement de base avant toute chose.
« Je crois que les discussions en cours sur l’enseignement supérieur au Mozambique révèlent dans une certaine mesure une équivoque, parce que pour moi le problème principal de l’éducation au Mozambique est enseignement de base et l’enseignement secondaire. Je crois que tant qu’on n’aura pas résolu les problèmes structuraux au niveau des principes, politiques et au niveau des stratégies de gestion des sous-systèmes de l’enseignement et primaire secondaire, les problèmes posés à l’enseignement supérieur comme maintenant seront toujours des faux problèmes. (Francisco Noa, en interview au Jornal Savana, 7 septembre 2012:17)
Cela étant dit, c’est seulement à partir de 2003 avec M. Mario et al, 2003 que
l’enseignement supérieur va faire l’objet d’une publication lui étant complètement
178
consacrée à travers un ouvrage fondateur qui va systématiser pour la première fois le
fonctionnement d’un système en plein processus d’expansion avec la naissance des
premières universités non publiques.
Cet ouvrage est fondateur dans la mesure où il va dans son analyse au-delà de
toutes les études antérieures qui se concentraient essentiellement sur les activités des
universités publiques et de l’UEM en particulier.
A la suite de cette publication d’autres chercheurs se sont intéressés à
l’enseignement supérieur. La plupart des recherches (Brouwer, Lidia Brito et Zelia Menete,
2010 ; J. Taimo, 2010 ; Jasmin Beverwijk, 2005 font état de l’existence au moins de quatre
périodes distinctes du développement de l’enseignement supérieur au Mozambique.
A l’intérieur de chaque phase on retrouve des périodes plus ou moins de débat
intenses ou nuancés par rapport à notre objet de recherche. L’entrée en scène du paradigme
qualité à partir des années 2010 tel que décrit au long des prochains développements
suggère un tournant dans les configurations qui s’étaient produites jusqu’à cette époque-là.
Une étape particulière semble en train de se construire dans la toute petite histoire
de l’enseignement supérieur mozambicain. Cependant, nous proposons à l’instar des
chercheurs qui nous ont précédés de diviser l’évolution de l’enseignement supérieur au
Mozambique en quatre phases distinctes depuis sa naissance en 1962 jusqu’à l’époque
présente.
Dans les années 1960 les Études générales et universitaires dispensaient un
enseignement général des différents cursus universitaires dont la conclusion devrait être
obligatoirement faite au Portugal. Il existait seulement une institution universitaire,
l’Université de Lourenço Marques (ULM), dont le modèle de fonctionnement se trouvait
directement lié au cadre réglementaire des universités portugaises (PEES, 2012:41).
La deuxième phase commence au lendemain de l’indépendance nationale. Le
gouvernement mozambicain adopte une politique socialiste et une planification centralisée.
L’université mise au service de la construction d’une nouvelle identité de l’homme
mozambicain doit intervenir de façon utile là où les besoins se font le plus sentir.
La troisième phase va s’intensifier en 1995, avec l'apparition des premiers
établissements d’enseignement supérieur privés, dont la création va conduire l'Etat à initier
la mise en place de normes et de règlements visant à maintenir l'harmonie dans le système.
179
Cette troisième phase se caractérise également par une évolution naturelle du nombre
d'établissements et des étudiants compte tenu des capacités existantes à cette époque-là.
A partir des années 2000, une quatrième phase émerge, avec la création fortement
accélérée d' établissements d'enseignement supérieur, le nombre passant en l’espace de
près de 15 ans, de 5 à 38 en 2010 et dans la même période les effectifs d’étudiants
augmentant de 12.000 à 101.300 distribués entre les établissements universitaires publics
et privés, et les écoles polytechniques, les académies de police et militaires.
C'est dans ce contexte qui surgit en force la nécessité de développer des instruments
de régulation et des organismes de réglementation indépendants. Cela devient inévitable en
raison de la pression causée par le développement du système d’enseignement supérieur
mais aussi des objectifs qui sont fixés dans le cadre programmatique et réglementaire.
On trouve dans les textes de lois et de politique comme nous rappelle le PEES
(2012: 40-62) les défis et les enjeux tels que garantir la mise en œuvre d’un système
d’enseignement supérieur harmonieux en assurant l’expansion et l’accès au niveau national
mais aussi l’élévation de la proportion de la population mozambicaine avec une formation
supérieure; garantir que le développement du système se fasse dans le respect des normes
et standards de qualité nationaux et internationaux qu’implique l’enseignement supérieur.
C’est dans le cadre de ces transformations que va être développée ces dernières
années toute une batterie de mécanismes de régulation du système, après un certain nombre
de réflexions initiées de longue date c’est-a-dire depuis le Rapport de la Commission
Comiche (1995-1998), la création d’un ministère de l’enseignement supérieur science et
technologie (MESCT) en 2000, suivi du lancement du premier plan stratégique spécifique
à l’enseignement supérieur.
Cet important rapport a été baptisé du nom de l’ancien ministre à la présidence aux
affaires économiques et sociales, Eneas Comiche à qui Joaquim Chissano, alors Président
de République (1986-2004), demanda en 1995 de conduire une commission qui devrait
réfléchir sur le fonctionnement de l’enseignement supérieur au Mozambique en début
d’expansion.
Etablir une relation entre les pratiques de gestion universitaire et l’apprentissage
d’une génération à l’autre surtout sur une période longue de plus de vingt cinq ans peut
s’avérer une aventure hasardeuse. Il serait cependant intéressant d’étudier l’évaluation dans
une démarche évolutive en tentant de relever les premiers référentiels utilisés avant de
180
parvenir à l’institutionnalisation d’un système de garantie de qualité ces toutes dernières
années. Les témoignages relevés pour la présente étude montrent qu’on a beaucoup à
apprendre d’un ensemble de pratiques implicites qui vont pouvoir désormais être
institutionnalisées et systématisées.
La quatrième et dernière étape où nous assistons au phénomène de l’expansion de
l’accès et accompagné de l’émergence des dispositifs formels de gouvernance axés sur la
qualité est celle qui concentre toute notre attention au long de la thèse. Mais avant d’arriver
aux configurations actuelles un certain nombre d’événements importants méritent d’être
relevés pour situer l’évolution des dispositifs de gouvernance dans l’enseignement
supérieur mozambicain.
D’où l’intérêt, dans une démarche comparative, de porter un regard attentif sur des
questions telles la gouvernance, l’autonomie et la liberté des établissements et des
universitaires conformément aux données historiques qui s’offrent à lire et après l’analyse
des perceptions des acteurs impliqués aux différents moments de l’histoire. Cette
comparaison se révèle d’une importance extrême pour une meilleure compréhension des
configurations qui se donnent à lire aujourd’hui.
4.1.2 Première phase 1962-1975 : Les dernières années de la colonisation- une
université pour colons et assimilés.
À leur ouverture, les Etudes Générales Universitaires sont perçues par les dirigeants
coloniaux comme une extension du système universitaire portugais lui-même initié au
XIII siècle avec la création de l’université de Lisbonne, mais son expansion tardive dans
les territoires coloniaux reflète la politique éducative de la puissance portugaise ne
favorisant pas l’accès à l’éducation des populations noires africaines.
Les statistiques montrent que l’enseignement secondaire avait peu d’africains et par
conséquent l’entrée dans l’enseignement supérieur obéira à la même logique de privilégier
les assimilés, les fils de colons et les fils des indiens, par exemple.
Parmi les 280 étudiants inscrits en 1963, à la première année du fonctionnement des
études générales universitaires, le nombre de mozambicains (noirs africains) qui
représentent 98% de la population n’atteignait pas une douzaine, indiquant clairement que
181
cette institution répondait plus aux besoins des fils des colons résidant au Mozambique,
des asiatiques et assimilés.
Cela ne pouvait pas être autrement dans un contexte ou le Portugal vivait, comme
explique Jamisse Taimo (2010 : 78), se référant à Charle et Verger (1996 :77) le pire
fascisme de son histoire et où l’enseignement supérieur n’était pas donc bien vu. Etant
donné que pour les conservateurs, le milieu estudiantin est un foyer de diffusion
d’idéologies libérales ou révolutionnaires et un vecteur des mouvements d’agitation
politique.
Les Etudes générales universitaires avaient introduit dès le début des programmes
dans le domaine de l’éducation, médecine, sciences agronomiques, forestières,
vétérinaires, ainsi que dans les domaines du génie civil, mines, électrique, et chimique.
A partir de 1968 quand elle passe à Université de Lourenco Marques, l’institution
avait créé les départements de théories et mathématiques appliquées, physique, chimie,
biologie et géologie et commençait à élargir son offre y compris avec des cours de
philologie romaine, histoire, géographie, économie et ingénierie métallurgique.
Le nombre d’étudiants inscrits n’a cessé d’augmenter passant de 282 en 1963 à
1362 en 1970, puis 2433 en 1975. La rapide ascension de l’enseignement supérieur à
l’époque ne va pas sans créer un malaise au sein du régime colonial, certains groupes
influant ne voyant pas d’un bon œil la continuité de l’enseignement supérieur au
Mozambique. D’autant plus que Veiga Simão, le premier recteur de l’université qui
reconnaissait le nombre limité d’étudiants de «couleur», à peine 15% déclarait l’intention
de construire une université pour tous.
« En vérité il y avait un groupe qui ne voyait pas d’un bon œil la continuité de l’enseignement supérieur au Mozambique. Cette lutte difficile s’est conclue par un dialogue entre Oliveira Salazar qui dirigeait exécutif portugais et moi. Heureusement, il y a eu une discussion franche qui a permis la continuation de l’université» (Propos de Veiga Simão, recteur in UEM, 14 octobre 2012:3)
Bien que le gouvernement portugais prêche le non racisme et plaide pour
l’assimilation des africains à la culture portugaise, les notables déficiences du système
éducatif colonial continuent à empêcher l’accès des étudiants noirs à l’université. Par
conséquent, en 1970 seulement 40 étudiants noirs, c'est-à-dire 2 % des inscrits avaient
182
rejoint les rangs de l’université, conformément à l’étude de (Fry et Uthui, 1999 in Jasmin
Beverwijk, 2005:102).
En 1975 la plupart des activités de l’État et vitales au développement de l’industrie,
le commerce et l’université dépendaient lourdement des portugais et leurs descendants.
Selon les statistiques du Registre académique de l’Université Eduardo Mondlane, en 1976
et 1977 on assiste à une chute des effectifs qui sont tombés à 877 et 777.
«L’enseignement supérieur crée en Angola et au Mozambique dans la
décennie de 60 n’a pas absorbé l’élite noire de telle sorte que lorsque le régime
colonial va collapser, l’élite noire ne se trouvait pas dans les universités mais dans
le maquis en train de combattre le régime colonial ou exilée à l’étranger»
(Lourenço do Rosário, 2012 :2)
4.1.3 Deuxième phase, 1976-1990 : indépendance et socialisme
La deuxième phase que M. Mario et al (2003:7-10) considèrent celle de
l’indépendance, du socialisme et la planification centralisée mais qui requiert une
université utilitaire commence en 1976, un an après l'indépendance, avec la création de
l'Université Eduardo Mondlane (UEM).
« A partir du 1er mai 1976 l’Université de Maputo passe à être désigné l'Université Eduardo Mondlane. Nous voulons marquer de façon plus dédiée et consciente une nouvelle phase dans la vie de cette institution. A travers cet acte ce n’est pas Eduardo Mondlane qui vient à l’université, c’est l’université qui vient au peuple pour lui servir comme entité extérieure en s’enracinant et s’insérant profondément en lui […] La science révolutionnaire doit donc avoir comme source d’inspiration et point de référence la classe ouvrière et paysanne.(Discours de Samora Machel le 1er mais 1976, in UEM, 14 octobre 2012: 17)
Les formations considérées moins importantes vont être fermées et les enseignants
de ces matières transférés dans des programmes de cours propédeutiques visant à
augmenter le nombre d’entrées à l’université. Les activités d’enseignement seront ainsi
orientées vers les domaines prioritaires pour le fonctionnement de l’appareil de l’Etat et du
parti au pouvoir.
183
L’intérêt pour les activités de recherche sera démontré à travers l’inclusion du
Musée de l’histoire Naturel et l’Archive Historique au patrimoine de l’université, puis la
transformation plus tard de l’Institut mozambicain de recherche scientifique en Centre des
études africaines.
Le partenariat international sera essentiellement orienté vers la coopération avec
des pays du bloc socialiste à travers l’arrivée au pays d’importants « contingents » de
chercheurs soviétiques, notamment pour former les étudiants et professeurs mozambicains,
d’un côté et l’allocation de bourses d’études aux étudiants envoyés dans les pays de l’est
pendant cette période, d’un autre côté.
«The Indicative Prospective Plan (PPI), drawn up in 1980 after country-wide discussion, aimed to bring Mozambique into the modern world in the space of ten years. The educational system was nationalized […] The rector, Fernando Ganhão, a historian who had won his spurs in the war independence, thwarted moves to close the university – it was regarded by some unnecessary expense – taking measures to adapt it to the daunting task training cadres to implement socialist programme. To justify its existence, the university adopted a utilitarian stance, training human resources for what were considered to be pressing needs of the new socialist economy. Courses considered of lesser priority and which had very few students were closed, such as biology, chemistry, physics, geology, mathematics, geography, history, modern languages and educational sciences […] To enable the government to expand the education system, the university also trained secondary teachers in the faculty of education established in 1980[...] The Faculty for Combatants and vanguard Workers was inaugurated to enable party cadres to acquire higher education». (Mario et al, 2003: 8-9)
L’Université Eduardo Mondlane est le seul établissement d'enseignement supérieur
et s’oriente sur la base de son propre cadre réglementaire interne, l’auto-évaluation et
d’une façon ou de l’autre sur la base de l'expérience internationale. (PEES, 2012:41-42 )
En 1985 et 1986 alors que le gouvernement mozambicain s’ouvre petit à petit à
l’occident et par conséquent aux institutions financières occidentales, notamment le FMI
et la Banque Mondiale, naissent successivement deux institutions d'enseignement supérieur
au Mozambique: l'Institut supérieur pédagogique (ISP), transformé plus tard (1995) en
l'Université Pédagogique (UP), qui travaillera en partenariat avec l'UEM en termes
d'instruments d'autorégulation et l’Institut supérieur des relations internationales (ISRI).
La guerre civile s’intensifiant, le pays manque un peu de tout. C’était une période
difficile en termes politiques et économiques et l’instabilité régnant sur ces plans se faisait
184
sentir à l’université qui doit faire face aux premières grèves des étudiants revendiquant de
meilleures conditions de logement et d’alimentation comme indique Rui de Baltazar, un
ancien ministre qui va être désigné recteur de l’UEM en 1986 par le Président de la
République.
« Le pays faisait face à de sérieux problèmes budgétaires, mais même dans ce contexte hostile nous avons ouvert la faculté d’architecture en 1987 et rouvert la faculté de droit qui avait été fermée auparavant». (Extrait d’interview de Rui Baltazar in UEM, 14 octobre 2012:4)
Notons que les mouvements de revendication des étudiants ont une forte incidence
sur les conditions des bourses, les questions de logement et d’alimentation mais moins sur
les questions d’ordre pédagogique. Les manifestations des étudiants seront poursuivies
durant les mandats des recteurs qui se succèdent, c'est-à-dire Narciso Matos (1990-1995) et
Brazão Mazula (1995-2007).
Ces six dernières années ont été marqué par une agitation du système à cause de la
tentative d’alignement des universités sur le processus de Bologne. Les critiques de
l’enseignement supérieur notent une grande apathie tant des étudiants comme des
enseignants durant les débats de la nouvelle loi 27/2009.
4.1.4 Troisième Phase 1990-2000 : paix, démocratie, une économie de marché et
l’émergence d’institutions d’enseignement supérieur non gouvernementales.
Cette période coïncide avec l’adoption d’une nouvelle constitution en 1990 mettant
fin au système socialiste et ouvrant la voie à l’instauration d’un système démocratique. En
1992 le Gouvernement du Mozambique et la RENAMO signent un accord de paix suivi
des premières élections multipartites en 1994 où le FRELIMO et son candidat Joaquim
Chissano sortent vainqueurs.
Narciso Matos, un chimiste qui avait initié sa formation dans l’ancienne université
de Lourenço Marques puis complété son doctorat dans l’ancienne Allemagne de l’est
devient le premier recteur noir de l’université Eduardo Mondlane. Il sera rapidement
confronté aux problèmes liés au manque de conditions de travail pour les enseignants
tandis que les étudiants revendiquent pour leurs conditions sociales.
185
« En 1990, c’était en pleine période de la guerre, les ressources étaient rares. Il y avait des coupures constantes d’électricité à Maputo et nous installations étaient constamment vandalisées. On volait tout même les équipements sanitaires et c’était très difficile de gérer l’université. Il y avait la guerre. […] j’ai dû affronter trois situations de grèves des étudiants qui réclamaient les conditions d’alimentation et de logement. Les salaires des enseignants ne dignifiaient pas non plus la carrière. Nous avons par conséquent soumis au gouvernement un projet de subsides que nous a permis de doubler les salaires. Ce sont des mesures héroïques qui ont été prises par le gouvernement à l’époque ». (Extrait d’interview de Narciso Matos in UEM, 14 octobre 2012:5)
Sans nécessairement couper les liens avec les pays du bloc socialiste qui
continueront à envoyer des professeurs au Mozambique et accueillir des étudiants
boursiers avec la fin du mur de Berlin et le changement de régime politique le pays
s’oriente de plus vers de nouveaux partenaires de coopération dans les pays occidentaux.
Toujours influencé par l’étranger comme le montre (Francisco Noa, 2009 ; Horacio
Zimba, 2010) avec l’ouverture à l’occident, la qualité des enseignements peut monter d’un
cran à partir du moment où l’institution gagne en nombre et en diversité de partenaires à
travers des lignes de coopération avec l’ancienne Allemagne de l’est, l’ex URSS, qui
continuent à envoyer des professeurs, auxquels s’ajoutent des cubains, des hollandais, des
italiens.
«Je dois souligner la coopération avec la Suède á travers le SAREC et la Hollande (NUFIC), mais nous avons initié également une coopération avec le Kenya et la Tanzanie qui avaient des liens étroits avec ces deux pays déjà ». (Extrait d’interview de Narciso Matos, UEM, 14 octobre 2012:5).
C’est dans cette phase que l’UEM va se lancer dans un processus de planification
stratégique ouvrant la voie à une forme d’autonomie plus prononcée par rapport aux
périodes précédentes (M. Mario et al, 2003). Durant les premières années de
l’indépendance, notons qu’étant le premier établissement à être créé, l’UEM peut
s’autoréguler tout en jouissant du statut de haute autorité en matière d’enseignement
supérieur.
Mais elle n’est pas à l’abri d’un certain nombre d’interventions de la part du
pouvoir politique à l’époque, la fermeture de la faculté de droit en 1983 étant l’un des
186
exemples les plus marquants. En réalité l’Université est sous la tutelle directe du ministre
de l’éducation. « Le ministre de l’éducation et culture définira la durée des études qui
doivent correspondre à chaque curricula, les diplômes et les titres à attribuer » (art 36 à
38 du SNE 4/83:8).
«It was the task of the Ministry of Education to centrally plan and establish the number of students to enroll in primary, secondary, and tertiary education, decide on the location and the kind of institutions to be opened every year (Resolução 8/79 de 3 de Julho de 1979; Mário et al. 2003; Gonçalves 2007: 614). The university thus stood at the forefront of the socialist revolution attempt and the construction of the new nation-state with science being regarded as the tool to liberate the people by its first president Samora Machel. There was no space to even consider issues such as autonomy and academic freedom at the time». (Patricio Langa, 2011: 247-248)
Dans la même phase est promulguée la première loi 1/93 relative à l’organisation et
au fonctionnement de l’enseignement supérieur dans un contexte d’ouverture du
Mozambique à une démocratie multipartite. La planification stratégique aura pour ce qui
intéresse l’objet de l’étude une implication sur l’évaluation institutionnelle avec
l’intervention d’abord d’agences d’audit privées avant l’apparition du Tribunal
Administratif en tant qu’organe de l’Etat chargé de la vérification des comptes publics.
Après une longue période où le Mozambique recevait de l’aide sous la forme de
dons pour faire face aux impacts de la guerre, les modalités de l’aide en phase de
reconstruction vont changer et les institutions vont devoir afin de mobiliser des ressources
développer des plans de développement institutionnel, suivis d’accords avec les bailleurs
prévoyant des évaluations quant aux objectifs, résultats et à l’utilisation des ressources.
C’est dans ce contexte qui surgira le premier plan de développement de
l’Université Eduardo Mondlane en 1991 « Plano Presente Indicativo » financé par la
Banque Mondiale et qui a permis la construction de résidences, l’équipement des
laboratoires et la formation.
Réédité en 1997 à la suite de consultations participatives impliquant différents
partenaires de l’université le plan stratégique deviendra non seulement l’un des principaux
outils de la gestion universitaire et de son évaluation institutionnelle mais aussi de
communication et de mobilisation de ressources.
187
La négociation de ce financement avec l’appui du gouvernement indique clairement
le début des premiers pas vers des formes d’autonomie financière de l’université Eduardo
Mondlane.
Cette autonomie prendra un tournant et sera augmentée en 1999 quand l’UEM
signera un contrat avec le gouvernement lui permettant de recevoir des fonds à l’avance,
contrairement à un système où la mise à disposition du budget était faite par tranches
mensuelles (M. Mario et al, 2003).
Comparativement avec l’UEM l’expérience de planification stratégique de l’UP, la
deuxième université publique à être créée au Mozambique est plus récente, le premier plan
datant de l’année 2000 et coïncidant avec le lancement du premier plan stratégique de
l’enseignement supérieur dont l’UP va d’ailleurs s’inspirer. Il nait de la volonté d’avancer
vers une planification cohérente et non plus basée sur des stratégies ad hoc en réponse aux
sollicitations du ministère de l’éducation.
Actuellement toutes les universités et établissements d’enseignement supérieur
publics négocient leurs budgets directement avec le ministère des finances et le ministère
de la planification et développement et sans l’intervention du ministère de l’éducation.
« Responsibility for financing public HEIs lies with the Ministry of Planning and Finance. Separate negotiations for each governmental HEI take place between the senior managers of the HEI (the Rector and other staff and the Ministry). The precise degree of autonomy of governmental HEIs has often been a matter of dispute. In the case of UEM, financial autonomy was augmented in 1999 with signing of a contract between the government and the university. Under this contract UEM receives funding quarterly, in advance, rather than monthly, as is the case in other public HEIs, and has greater freedom than before to allocate these funds. In return, the contract specifies the responsibilities and accountability of the university.” (M. Mario et al, 2003 : 92)
4.2 L’organisation de l’enseignement supérieur
Une réglementation spécifique régit le fonctionnement de l’enseignement supérieur,
en l’occurrence la loi 27/2009 et ses décrets d’application sur lesquels nous reviendrons en
détail ci-après lorsque nous étudierons les différents dispositifs associés à la problématique
du management et de l’évaluation de la qualité au centre de la présente étude.
188
La loi actuellement en vigueur quant à elle, proposée dans le cadre d’une réforme
qui devait conduire les universités mozambicaines à intégrer le processus de Bologne a été
promulguée dans un contexte de haute turbulence au sein de l’académie. L’ambiance créée
en conséquence des débats autour de cette loi et de son application ne passe pas inaperçue
lorsqu’on s’intéresse à l’évaluation de l’enseignement supérieur.
En fait, les implications des mesures officiellement proposées en 2009, notamment
en termes d’organisation des enseignements restent de mise dans la vie des universitaires et
universités.
C’est pour cela que nous dédions au cinquième chapitre, simultanément à l’analyse
des dispositifs de gouvernance intéressés par l évaluation, une réflexion sur les problèmes
qu’on prétendait résoudre avec la loi 27/2009 et tous ceux qu’elle continue de soulever, ses
points faibles ainsi que les autres mesures qui sont envisagées en ce moment par la tutelle
et la communauté académique ensemble pour y pallier.
L’enseignement supérieur inclut les universités, les écoles, les instituts supérieurs
publics et privés ainsi que les académies. Pour entrer dans l’enseignement supérieur les
élèves doivent conclure la 12e classe de l'enseignement secondaire général ou l’équivalent
de l’enseignement technique et professionnel. Ils doivent en plus passer un examen
d’entrée dans l’enseignement supérieur dont les exigences varient d’établissement en
établissement.
Afin d’éviter l’exclusion des classes à bas revenus économiques il existe un
système de bourses d’études. De longue date gérées par les établissements publics tels
l’UEM et UP, l’Institut des Bourses, un organisme sous tutelle du ministère l’éducation est
censé ces dernières années garantir la coordination des bourses allouées par le
gouvernement tant à l’intérieur du Mozambique qu’à l’étranger.
Le passage de l’examen d’admission représente un enjeu de taille surtout dans les
établissements publics vu que son obtention ouvre la voie à la poursuite des études contre
le paiement de droits de scolarités subsidiés par l’Etat.
C'est-à-dire des tarifs allant d’environ 30 euros par semestre à 80 euros par mois,
respectivement pour la fréquentation d’un cours régulier, dispensé durant la journée et les
cours du soir (pós-laboral). En 2013, 30.000étudiants se sont présentés à l’examen
d’admission de l’UEM pour un peu moins de 5.000 places disponibles. Un tarif de 80
189
euros par mois semble jusqu’à une certaine limite à la portée d’une famille de classe
moyenne contre une moyenne de 200 euros par mois demandés dans les établissement
privés en premier cycle ou dans un programme de Master 2 dans un établissement public.
Les établissements publics sont financés par le gouvernement et ont des systèmes
de bourses d’études. Des mécanismes ont été mis en place à l’occasion des travaux du
MESCT (2000-2005) pour faciliter l’accès des établissements privés à des crédits
compétitifs mais ceux-là dépendent surtout des recettes propres collectés à travers les
inscriptions des étudiants. Par conséquent, les exigences d’un examen d’admission perdent
de l’ampleur à mesure qu’on passe dans les établissements privés qui ne reçoivent aucune
sorte de subvention de l’Etat.
Certains établissements comme l’ISCTEM préfèrent d’ailleurs parler en termes
d’un processus d’orientation académique qui passe par la réalisation d’un examen suivi
d’une série d’entretiens qui vont se conclure par l’intégration des étudiants dans une filière
adaptée à leur profil et motivations.
Nous essayons de trouver d’autres soutiens à travers d’autres organismes mais ce qui se passe à travers l’aide que le gouvernement peut nous faciliter est aussi à titre de crédits et ça ne résout pas le problème dans sa totalité parce que cet argent doit être remboursé. Par exemple nous sommes en train d’installer un laboratoire de simulation clinique qui devra être prêt l’année prochaine. C’est là que nous étudiants de médecine vont pouvoir faire des pratiques avec des mannequins, ce sont des laboratoires chers, l’objectif étant de mettre l’étudiant en situation avant de toucher au malade…. Et pour ça nous allons rechercher de fonds compétitifs mais après il faut les payer. D’où viendra cet argent ? Il vient des frais d’inscription, or si nous appliquons des critères extrêmement rigides de recrutement des étudiants nous ne pouvons plus développer l’institution, le nombre d’étudiants va se réduire et l’opération devient économiquement irréalisable, ça veut dire que nous fermons les portes. [Directeur pédagogique d’un établissement privé, entretien n°15]
Dépendant essentiellement des droits d’inscription ou des crédits qu’ils doivent
rembourser, les établissements privés déclarent ne pas pouvoir se permettre de refuser des
élèves même pour des disciplines aussi exigeantes et sélectives que la médecine parfois.
Les établissements d’enseignement supérieur jouissent d’une autonomie
scientifique, pédagogique et administrative conformément aux différents dispositifs de lois
en vigueur. Plus de 123000 étudiants sont inscrits pour un total de 45 établissements
enregistrés. Parmi ceux-ci on rencontre un peu tous les cas de figures dont l’Université de
190
l’Indico qui n’a jamais ouvert les portes ou pour la petite anecdote un établissement révélée
par la télévision en 2011 qui n’avait qu’un seul étudiant et le propre recteur.
En fait les universités sont apparues et ont poussé comme des champignons et sans
le contrôle des tutelles, même si la plupart ne représentent presque rien, à part la
satisfaction de leur propres acteurs comme le note un chercheur spécialiste de
l’enseignement supérieur : «Imaginez une université de 300 étudiants, c’est plutôt une
école, un département d’une faculté. Mais il n’empêche que c’est déjà une petite
contribution».
Nous venons d’avoir un aperçu du fonctionnement du système éducatif
mozambicain dans ses traits généraux. Nombreux défis sont posés à l’organisation de
l’enseignement supérieur comme nous le voyons ci-dessous. Les dispositifs de
gouvernance sont conviés à relever ces défis. Il devient donc urgent d’abord de définir ce
qu’est un dispositif d’évaluation, ensuite d’inventorier les principaux et finalement de les
analyser.
4.3 Dispositif de gouvernance et management des universités
L‘ambition du présent chapitre reste essentiellement celle de donner un aperçu de
l’organisation générale du système d’enseignement supérieur. Cela étant, un impératif
d’ordre méthodologique s’impose. Il consiste à mettre au clair les notions de dispositif
ainsi que de management - gouvernance interne et externe maintes fois utilisées dans cette
thèse.
Après une tentative de définition des concepts nous passerons en revue les
principaux dispositifs de gouvernance et d’évaluation que l’enquête a permis d’identifier.
Nous ne les traitons pas tous avec la même ampleur. Il s’agira dans la plupart des cas d’une
première découverte avec une petite description sur leur porté dans l’ensemble des
dispositifs existants.
Le terme dispositif est un concept très présent dans les travaux de Foucault (1975).
Plusieurs lecteurs reprennent le terme dans sa forme singulière. Nous avons pris l’option de
l’employer au pluriel pour signifier l’existence d’une multitude de dispositifs d’évaluation.
191
Sverre Raffnsøe, (2008 :44-46) montre en effet qu’il s’agit d’un mot hétérogène parce qu’il
comprend selon Foucault les discours, les institutions, les dispositions architecturales, les
règlements, les lois, les mesures administratives, les énoncées scientifiques, les
propositions philosophiques, la moralité, la philanthropie etc.
Sur l’étymologie du mot on peut dégager plusieurs usages dont le juridique, le
technique et le militaire. Dans le contexte, juridique le mot apparait avec une signification
générale qui comprend toutes les procédures juridiques.
Dans le contexte militaire le mot signifie un ensemble de moyens et de mesures
rangés par rapport à un projet ou aux fins stratégiques. C’est pourquoi on peut parler d’un
dispositif de défense ou d’un dispositif d’attaque.
Dans sa signification technique, le mot indique la manière dont les parties d’un
appareillage sont réparties et qui ont pour résultat que celui-ci fonctionne d’une certaine
façon ou encore la manière d’agir d’un tel appareillage sur son entourage.
Quant aux dispositifs de gouvernance, la littérature de l’évaluation (ENQA, 2006 ;
Eurydice, 2008) distingue au moins deux types de structures, c'est-à-dire l’externe et
l’interne, cette dernière étant souvent associée aux concepts de management ou de gestion
des établissements.
« Dans le contexte de l’enseignement supérieur, la gouvernance fait référence à l’exercice formel et informel de l’autorité dans le cadre des lois, des politiques et des règles qui articulent les droits et les responsabilités de divers acteurs, y compris les règles selon lesquelles ils interagissent. En d’autres termes, la gouvernance englobe le cadre dans lequel un établissement poursuit ses buts, objectifs et politiques de manière cohérente et coordonnée»; elle répond aux questions suivantes: qui est responsable et quelles sont les sources de légitimité des décisions exécutives prises par les différents acteurs? Pour sa part, la gestion fait référence à la mise en œuvre d’une série d’objectifs que poursuit un établissement d’enseignement supérieur sur la base de règles données; elle répond à la question, comment les règles sont-elles mises en application? Et concerne l’efficacité et la qualité des services fournis aux acteurs concernés internes et externes ». (Eurydice, 2008:11)
Rappelons que la notion de gouvernance implique l’intervention d’une multitude
d’acteurs à la fois publics et privés pouvant être externes et internes aux établissements.
Les acteurs externes apparaissent comme des intervenants qui ont un intérêt direct dans la
fonction, les pratiques et les résultats des établissements d’enseignement supérieur.
192
On rencontre dans ce groupe les membres du gouvernement au niveau central,
régional ou local, employeurs ou d'autres représentants d’entreprises, syndicalistes,
associations nationales d’étudiants, représentants de la société civile, diplômés, parents
d’étudiants, etc.).
Les acteurs internes interagissent au niveau des organes de gouvernance des
établissements, c'est-à-dire les organes de consultation, conseil d'université, conseil
académique mais aussi des personnes employées ou inscrites dans un établissement
d'enseignement supérieur.
En lien avec le travail réalisé par les dispositifs de gouvernance dans
l’enseignement supérieur il parait utile, d’un côté de rajouter quelques notions clé relatives
à la démarche qualité, proposées dans les références et lignes directrices pour le
management de la qualité (ENQA, 2006; UNESCO, 2011; l’OCDE 2012). D’un autre
côté, et dans une perspective comparative il faut souligner le contexte du surgissement du
management de la qualité dans l’enseignement supérieur.
L’assurance qualité désigne l’ensemble des activités préétablies et
systématiquement mises en œuvre dans le cadre du système qualité et démontrées en tant
que besoin, pour donner la confiance appropriée en ce qu'une entité satisfera aux exigences
pour la qualité, alors que le management de la qualité, constitue l’ensemble des activités de
la fonction générale de management qui déterminent la politique qualité, les objectifs et les
responsabilités et la mise en œuvre par des moyens tels que la planification de la qualité, la
maîtrise de la qualité, l'assurance de la qualité et l'amélioration de la qualité dans le cadre
du système qualité.
A lire les conclusions d’un rapport de l’OCDE (2012) suite à une enquête près des
22 membres de l’OCDE et 10 pays non membres dans différents continents dont
l’Indonésie, la Colombie, le Rwanda on a l’essence de l’origine de l’idée des lignes
directrices et des enjeux dans lesquels elles s’inscrivent en vue d’un enseignement
supérieur au service du développement humain, social, économique et culturel des pays à
l’échelle mondiale. Elles sont proposées en fait pour promouvoir et encourager la
coopération et améliorer la compréhension de l’importance des enjeux liés à la qualité de
l’enseignement supérieur transfrontalier.
« L’Objectif des lignes directrices est de protéger les étudiants et les autres
parties prenantes des programmes d’enseignement de médiocre qualité et des
193
prestataires peu scrupuleux (usines à diplômes, et à accréditation) et de favoriser le développement d’un enseignement supérieur transfrontalier de qualité …» (OCDE. 2012:4)
Cet objectif est en fait une réponse au contexte de mutations dans l’enseignement
supérieur qui a enregistré une progression marquée au cours des deux dernières décennies
en conséquence notamment de la mobilité des étudiants, du personnel enseignant, des
programmes et des établissements professionnels. Ces mutations se font accompagner en
parallèle par l’apparition de nouveaux prestataires transfrontaliers et de nouvelles formes
d’enseignement, notamment «les prestataires à but lucratif, les campus d’universités
étrangères et l’enseignement supérieur à distance par voie électronique » (OCDE.
2012:54)
4.3.1 Une complémentarité entre dispositifs internes et externes
A l’image des concepts développés ci-dessus, une comparaison avec le système
mozambicain montre les mêmes préoccupations envers la qualité de l’enseignement
supérieur qui sont formellement exprimées dans les différents dispositifs de loi.
En termes d’organisation des structures de gouvernance on rencontre grosso modo
les mêmes cas de figure en termes d’organes de gouvernance et de leur composition avec
une particularité dans le système mozambicain, c'est-à-dire une grande mobilité des acteurs
qui circulent entre les dispositifs externes et internes.
On note par ailleurs, une grande complémentarité entre les dispositifs internes et
externes qui s’influencent mutuellement comme nous pouvons le voir dans le cas du débat
de la réforme de loi de l’enseignement supérieur (ci-dessous) la fonction qui va jouer le
recteur d’un établissement public, occupant la scène au point de se confondre dans le rôle
de la tutelle.
La teneur et les contours des débats dont l’origine se trouve lors même de
l’implantation pour la première fois d’un ministère de l’enseignement supérieur science et
technologie (MESCT) en 2000 montrent que cette complémentarité à travers une
interaction assez rapprochée entre les acteurs de la gouvernance interne et externe qui se
côtoient régulièrement n’a pas toujours constituée un avantage à la mise en œuvre du cadre
règlementaire.
194
Au contraire nous assisterons à des disputes sur un certain nombre de sujets comme
la durée des études en Licenciatura, la régulation du système avec le contrôle de la qualité,
l’autonomie des universités, la liberté académique, etc.
En fait, la puissance publique recrute souvent ses cadres (anciens étudiants ou
enseignants) dans les universités publiques (UEM, UP, ISRI), surtout. L’UEM, la plus
ancienne université et détenant le plus grand nombre d’enseignants docteurs est considérée
comme la matrice du système.
Par exemple au long des 13 dernières années, les quatre ministres qui ont été en
charge de l’enseignement supérieur et de la science et technologie sont issus de
l’Université Eduardo Mondlane où ils avaient auparavant occupé des fonctions importantes
comme directeur de division ou vice-recteur.
Le ministère de l’éducation en soit a plutôt été dirigé par un cadre avec un diplôme
de Licenciatura ou parfois équivalent au deuxième cycle universitaire, ce qui n’a pas été
sans créer un certain malaise réciproque surtout quand le portefeuille des universités
revient à la tutelle de l’éducation.
Les titres ont de l’importance au Mozambique et pouvoir apposer sa signature
précédée de la mention Prof. Doutor, a priori digne de ceux qui ont un diplôme de
doctorat, se révèle d’un si grand attrait qu’un ministre sortant, lui titulaire d’un Master s’est
amusé à en faire usage.
Cette situation a choqué certains membres du CNES demandant le respect des titres
universitaires. Mais la bataille semble loin d’être gagnée comme le montre le recteur d’une
université privée, sachant qu’il s’agit d’une ancienne pratique culturelle qui nous vient du
Brésil et du Portugal où des personnes n’ayant pas fait d’études supérieures, par leur statut
dans la société sont traitées de docteurs.
Notons que les recteurs et vice recteurs des universités publiques sont nommés par
le Président de la République et jouissant du statut de ministres peuvent bénéficier de
passerelles d’accès aux plus haut niveaux de la gouvernance du pays. Par conséquent, il
n’est pas étonnant de rencontrer souvent dans les fonctions tutélaires les mêmes personnes
qui opèrent dans les conseils universitaires et avec une grande influence dans les débats.
Les établissements privés pour leur part et pour certains ont suivi deux directions
intéressantes à relever pour l’analyse du parcours de leurs responsables.
195
D’un côté elles ont la particularité de coopter pour recteurs d’anciens membres du
gouvernement ou anciens recteurs d’universités publiques (Fernando Ganhão, Brazão
Mazula, José Luis Cabaço).
D’un autre coté des recteurs du privé ont été cooptés pour des fonctions dans
l’enseignement public (Padre Filipe Couto) ou dans l’arène politique nationale comme par
exemple celle de président de la commission nationale électorale, Président du comité du
Rapport du MARP etc. (Joao Leopoldo da Costa, Lourenço do Rosario), Ministre (Ivo
Garrido).
Tous ces responsables se trouvent par conséquent en position de pouvoir influencer
les orientations à suivre tant au niveau de la gouvernance interne qu’externe dont ils
accompagnent de près les évolutions.
Ceci étant, malgré l’expansion du système et l’apparition de nouvelles figures de
poids l’influence de l’ Université Eduardo Mondlane (Lourenço do Rosario, 2012), surtout
selon l’interprétation de la personne aux commandes, sur la forme qui doit suivre
l’enseignement supérieur continue à être de mise comme on a pu voir durant les débats qui
ont conduit à la réforme de la loi 5/2003, remplacée par la loi 27/2009 et suivie d’une
tentative d’alignement des universités au processus de Bologne.
4.3.2 Les dispositifs d’évaluation de l’enseignement supérieur
Nous déroulons ci-après quelques exemples de dispositifs d’évaluation rencontrés.
Il ne s’agira pas seulement de les énumérer mais de les analyser quant à leurs missions,
interactions et aux effets qu’ils peuvent provoquer en vue de l’amélioration du système et
des établissements.
Ce travail nous occupera tout au long de la deuxième partie de la thèse au fur et à
mesure que nous présentons le fonctionnement du système éducatif, les défis de la
régulation de l’enseignement supérieur au gré des mutations et configurations qui vont se
suivre.
D’un point de vue méthodologique ce travail a constitué un énorme défi pour la
recherche car nous nous sommes retrouvé en face d’un système d’évaluation en phase
196
d’émergence, dont les études sont peu nombreuses et sans parler des pratiques tacites qu’il
a fallu découvrir et analyser.
Le relevé des principaux dispositifs d’évaluation se révèle très important dans la
mesure où ils constituent à la fois les moments et points par lesquels les parties prenantes
se mettent en interaction (Marc Hufty, s.d ; Valérie Chanal, 2001, 2004).
Par ailleurs, un état des lieux sur les principaux dispositifs associés à l’évaluation
est l’occasion d’analyser un certain nombre de paramètres de la gouvernance comme la
participation des acteurs, les enseignants et les étudiants en particulier aux processus de
gouvernance globale mais aussi au niveau des établissements et des composantes.
Ce travail se révèle également une occasion de découvrir les rapports entre les
parties prenantes, de mesurer les niveaux de participation des acteurs dans la gouvernance,
ainsi que les thèmes de l’évaluation, les instruments utilisés pour la mettre en œuvre et les
perceptions sur l’efficacité de telles pratiques.
Dans cette même occasion, nous pouvons non seulement mesurer le niveau
d’adhésion des acteurs aux changements et réformes mais aussi découvrir les raisons qui
les font participer ou non en passant par une analyse des facteurs qui inhibent ou facilitent
l’apprentissage. Nous pouvons également avoir un aperçu de la philosophie qui domine les
rapports au sein du système d’enseignement supérieur.
L’enquête a permis d’identifier plusieurs dispositifs de gouvernance et d’évaluation
dans les institutions et les établissements, animés par une variété d’acteurs s’appuyant à la
fois sur des normes et des valeurs. Tels dispositifs interviennent de façon formelle ou
informelle avec plus ou moins d’intérêt sur les problèmes de l’évaluation de
l’enseignement supérieur. Tous ne seront pas analysés ici avec la même ampleur.
4.3.3 Société civile, ordres scientifiques, les enseignants et les étudiants
Une organisation de la société civile parmi les plus saillantes est le Conseil des
recteurs. Son rôle étant souvent confondu avec une instance de conseil au gouvernement en
matière d’enseignement supérieur, il n’est pas étonnant qu’il soit représenté parmi les
organes de consultation formellement reconnus par la loi ci-après décrits.
197
L’évaluation n’est pas un sujet de notre agenda. C’est vrai qu’il y a des rapports de réunions qui font référence au problème de l’évaluation. Nous sommes une association de participation libre et volontaire, avec l’objectif de porter une unique voix au gouvernement et à la société sur l’enseignement supérieur. Nous utilisons des méthodes acceptées par tous avec l’objectif d’aider à définir un chemin commun. Nous visons l’amélioration continue du système. La qualité est souvent un thème de discussion mais d’une façon subjective. [Responsable du Conseil des recteurs, entretien n° 2]
La citation semble résumer la position de la plupart des acteurs rencontrés
durant l’enquête sur les pratiques d’évaluation qui se donnent à observer, notamment les
méthodes qu’elles utilisent. C’est une évaluation faite de forme subjective et il n’en existe
pas pour l’heure une seule ayant été réalisée par une instance reconnue. Elle pourrait venir
d’un Conseil national de l’évaluation de la qualité (CNAQ) récemment mis en place,
explique les acteurs.
On se réfère à un système d’accréditation des formations et habilitation des
établissements, voire l’établissement d’un palmarès tels que le CNAQ et la démarche
qualité en général ont été annoncés ou perçus au départ.
Mais avant l’avènement du paradigme de la qualité, la pratique révèle comme nous
le montrons que les tutelles, à travers les ministères en charge de l’enseignement supérieur
ont commissionné un certain nombre d’études dont des évaluations au cours des 20
dernières années (M. Mario et al, 2003 ; MESCT, 2003 ; MEC, 2006 ; MINED, 2012).
Par ailleurs les établissements (UP, UEM) ont réalisé eux aussi une série
évaluations externes, audits inclus avec recours à des consultants externes et des
évaluations internes dans le cadre de leur révision des programmes d'études, contenus
pédagogiques et planification stratégique.
Cela montre qu’il existe des pratiques d’évaluation que nous considérons pour notre
part comme tacites mais touchant aux problématiques de la qualité alors que la plupart des
acteurs ne le reconnaissent pas comme telles en attendant le CNAQ, la systématisation des
processus et le recours à des indicateurs comme le feraient les agences les plus connues au
monde.
Entretemps le ministère de l’éducation, après une longue expérience d’évaluations
destinées à apprécier les conditions pour l’ouverture d’un établissement avant de concéder
une licence, est en train de se lancer dans un nouveau type d’évaluation dite inspection de
198
l’enseignement supérieur en vue d’apprécier dans quelle mesure les établissements dans
l’exercice de leur activité sont en conformité avec les normes.
Un certain nombre d‘inspections réalisées entre 2012 et 2013 permettent en effet de
voir en outre qu’on est en train de passer d’une démarche subjective à une démarche
institutionnelle et qui se base sur un certain nombre de référentiels élaborés à partir des
dispositifs de lois en vigueur.
Cette petite parenthèse donne non seulement une idée des défis qu’il reste à relever
dans l’édification du système d’évaluation mais surtout de ceux qui s’imposent à la
recherche dans ce domaine. On est invité à l’exigence d’être attentif aux pratiques qui ne
relèvent pas nécessairement d’une démarche systématisée et dont on peut apporter la
preuve de façon linéaire et évidente.
Il n’y pas dans les bibliothèques un rayon avec des publications sur l’enseignement
supérieur au Mozambique. Il y a des acteurs qui s’y intéressent de façon dispersée au point
qu’un universitaire n’hésitera pas d’ailleurs à considérer qu’il n’y avait même pas une
connaissance sur l’enseignement supérieur.
Ceci dit, le Conseil des recteurs a connu plusieurs étapes avant de se constituer en
association avec une reconnaissance officielle à partir de 2006. Avant la mise en place
effective du Conseil national de l’enseignement supérieur (CNES) durant le mandat du
ministère de l’enseignement supérieur, science et technologie (MESCT) le Conseil des
recteurs a fait figure d’organe de consultation du ministre de l’éducation mais les rapports
semblent ambigus comme souligne un chercheur.
Les recteurs ont pris l’initiative de créer ce forum appelé Conseil des recteurs.
Ils ont ensuite invité le ministre à en faire partie. Au début c’est une réunion informelle mais présidé par le ministre de l’éducation. Or les recteurs sont nommés par le Président de la République et dirigent des institutions autonomes. L’autre face de l’ambigüité. C’est que les universités publiques sont autonomes en termes de budget mais il y eu des moments ou le MINED a pensé qu’il devait intervenir. Cela a provoqué le sentiment selon lequel le pouvoir politique était en train de trop se mêler dans la vie des universités. Il reste toujours une zone d’ombre en ce qui concerne l’autonomie, ce n’est pas tout à fait de l’autonomie, par exemple la financière. Les universités sont en fin de compte soumises aux normes de l’Etat. On a même essayé de négocier un contrat programme mais ça n’a pas marché. L’argent qui n’est pas utilisé par exemple doit rentrer dans les caisses de l’Etat, l’université ne peut pas se constituer de fonds de capital. Aux Etats Unis par exemple les choses rentrent dans un autre type de culture d’institution. [Enseignant chercheur, entretien n° 7]
199
C’est donc dans ces conditions que va s’établir le Conseil des recteurs à partir des
années 1990 avant de se détacher petit à petit du commandement d’un ministre qu’il va
passer à conseiller déjà dans un nouveau format quand il se constitue en association de
libre adhésion. Sont actuellement membres du Conseil 22 recteurs, parmi la quarantaine
d’établissements publics et privés. Toutes les universités publiques y sont représentées.
Lourenço do Rosario (2O12:96) considère le surgissement du Conseil des recteurs
comme un des premiers pas de l’autorégulation des établissements d’enseignement
supérieur.
Cet organe a mis en débat plusieurs thèmes importants comme le déficit
d’enseignants et la mobilité excessive de ceux-ci entre les établissements, la corruption
dans ses différentes formes et a été l’une des voix au Parlement durant les débats mal
digérés encore visant l’adoption du processus de Bologne.
Le conseil des recteurs représente donc une voix à prendre en compte dans les
instances officielles, au Conseil de l’enseignement supérieur (CES), au Conseil national de
l’enseignement supérieur (CNES) mais l’auteur reconnait en même temps que
l’environnement ne se prête pas à une confrontation des problèmes réels, un esprit de
concorde et de bon voisinage ne permettant pas effectivement d’attaquer d’une forme plus
profonde et frontale quelques problèmes qui mériteraient d’être abordés au forum.
Le constat rappelle avec (Anne Jorro ; Jean-Richard Cytermann, in Véronique
Bedin, dir. 2009) les problèmes que soulève l’acte de conseiller.
En parallèle les débats initiés à l’UEM et qui ont conduit à l’adoption de la loi
27/2009 ont mis sur la scène publique une série de nouveaux acteurs qui vont désormais
compter dans l’évaluation de l’enseignement supérieur. Il s’agit comme montre Patricio
Langa en son blog d’un certain nombre d’organisations de la société civile et des ordres
scientifiques notamment.
« Il y a quelques semaines le secrétaire général l’Association des écrivains
mozambicains (AEMO) a critiqué en lettre publique, le projet d’un nouveau curricula le considérant comme un projet précipité et peu participatif pour pouvoir être introduit à l’UEM. Dans l’édition du 29 janvier le Journal O Pais note que l’Ordre des ingénieurs du Mozambique, une entité à caractère socioprofessionnelle menace de ne pas reconnaitre les ingénieurs formés dans le modèle proposé par le nouveau programme d’études». (Patricio Langa, in http://circulodesociologia.blogspot.com/2009/02/reforma-curricular-no-ensino-superior.html)
200
La citation en dit long sur ce qui va se passer dans la communauté académique en
même temps qu’on peut comprendre comment les ordres scientifiques et professionnels
auparavant presque méconnues des organes de consultation de l’enseignement supérieur
vont passer à compter comme experts dans les processus de création de nouvelles
institutions ainsi que dans les inspections a posteriori que le ministère va mettre en place à
partir de 2012.
Sur le rôle des mouvements associatifs liés directement à l’éducation on doit dire
d’abord que tant les associations des étudiants que celles des enseignants avec une faible
expression sur la scène publique finissent par n’intervenir que faiblement dans
l’évaluation.
L’ONP, organisation nationale des professeurs qui fédère les syndicats
d’enseignants a certes souvent contribué au débat des questions de l’enseignement
supérieur notamment sur la condition des enseignants comme révèle le séminaire de
l’UEM à l’occasion de la journée nationale du professeur en octobre en 2012 mais elle
n’apparaît pas pour l’heure comme un acteur important. Notons qu’en dehors de l’ONP
aucune forme d’organisation des professeurs universitaires n’a été identifiée.
Il y a eu durant les années 1990 et 2000 des mouvements d’étudiants puissants qui revendiquaient non seulement des meilleures conditions d’habitation et d’alimentation dans les résidences universitaires mais aussi des enseignements de meilleure qualité. La priorité revenait à la lutte pour l’amélioration des conditions de vie à l’université, il est vrai, mais même si les préoccupations relevaient plutôt de l’ordre du social, les étudiants posaient aussi des questions relatives aux curricula et aux enseignements. [Enseignant chercheur]
Dernièrement les mouvements d’étudiants ne se sont pas fait sentir même devant
des matières aussi importantes pour la vie de l’université comme les débats sur
l’introduction du LMD à l’UEM notamment ou la réduction du budget des universités à
40% dans l’année 2008 (Jornal Zambèze, 7 février 2013). Tout comme l’apathie
rencontrée chez les enseignants de nombreux observateurs voient le signe d’une réduction
de l’espace de participation dans la vie de l’académie (Teresa Cruz et Silva, 2011).
201
Tout le monde étaient préoccupé de terminer sa formation, on n’était pas là
pour s’occuper des activités de l’association. On a eu souvent peur de représailles des
professeures c’est pour cela qu’on ne pouvait pas participer et s’exprimer sur la qualité
des enseignements. [Étudiants de l’UEM]
Le nombre d’étudiants à siéger dans les conseils universitaires des grandes
universités est réduit pour ne pas dire insignifiant. Dans l’organe de consultation le plus
important du Ministère qui est le CNES, ils ne sont pratiquement pas représentés comme le
note indigné un représentant de l’Université Lurio lors d’une réunion en novembre 2013,
en concluant que c’est un handicap majeur au développement de l’évaluation. La
participation des étudiants est en effet fondamentale à ce processus comme le montrent les
expériences internationales.
Actuellement un nombre relativement réduit d’étudiants participe dans les
mouvements associatifs, ceux-ci étant souvent suspectés d’être associés aux intérêts des
groupes dominants dans les universités. D’ailleurs un responsable associatif n’a pas caché
que son groupe avait été contraint d’empêcher un certain nombre de manifestations contre
la réforme dans les campus ces dernières années.
4.3.4 Les conseils universitaires et l’évaluation
Jusqu’en 1990 on avait un régime de parti unique et une centralisation, y compris à l’université. Il revenait à l’Etat de garantir le fonctionnement en conformité aux normes. Les universités jouissaient d’une relative autonomie malgré leur subordination au ministère de l’éducation. A l’Université Eduardo Mondlane, avant on avait deux niveaux de contrôle interne, soit à travers le Conseil académique qui avait et continuer à avoir l’autorité sur les curricula et la formation des enseignants dont les délibérations sont du ressort du Conseil Universitaire, dirigé par le Recteur. Historiquement l’UEM s’autorégule à travers le conseil académique et le conseil universitaire. Ce sont des réunions annuelles, elles existent au moins jusqu'à la moitié de la direction du Recteur Brazão Mazula. Annuellement on faisait un bilan avec les partenaires internes et externes. C’était un aspect très important de l’évaluation et de la régulation. Cela a fait l’objet de référence dans la région SADC. Tous les 4 ans les programmes d’études de l’UEM étaient évalués et révisés, en faisait l’adéquation des curricula aux dynamiques socio-économiques en cours dans le pays et dans le monde. C’est ainsi qu’on a intégré le processus de Bologne. [Enseignant chercheur, entretien n° 7]
202
Parmi les dispositifs d’évaluation interne les plus cités il y a sans doute le rôle joué
par les conseils universitaires des deux plus grandes universités et dans quelques
établissements privés. Assistés d’un certain nombre de forums comme les conseils
scientifiques et académiques par qui viennent les orientations en termes de programmes
d’enseignement et de recherche, les conseils universitaires font figure de plus haute
instance de gouvernance interne avec la figure d’un recteur à sa tête.
Tous les établissements sont obligés en conformité avec les dispositifs de lois
d’avoir des statuts actualisés et de veiller au respect des mandats de leurs organes de
gestion. Les principes de gestion préconisés sont ceux de la collégialité faisant appel à la
participation des membres à la prise de décisions.
Un responsable ayant traversé les mandats de trois recteurs dans une université
publique parle de styles différents de chaque recteur tout en notant de façon générale une
faible préoccupation de ceux-ci à se faire accompagner par les équipes dans l’animation
des politiques internes.
Un ancien directeur de faculté ayant siégé en conseil universitaire de l’UEM
déclare ne jamais avoir vu le recteur prendre une décision qui lui serait contraire. Un autre
membre en exercice au conseil universitaire de l’UEM révèle que le recteur sortant ne
voulait entendre les opinions de personne, sous prétexte de son expérience de vétéran.
A la fin de son mandat personne ne participait plus au débats, les dossiers n’étaient plus analysés d’avance parce qu’on savait, tout le monde savait la décision qu’allait être suivie. [Enseignant, membre du conseil universitaire de l’UEM, entretien n° 44]
Le Conseil universitaire jouit d’un grand pouvoir à partir du moment où les statuts
de l’UEM comme ceux de l’UP en particulier (modèle proposé pour les nouvelles
universités récemment créées) leur confèrent le droit de proposer trois noms au poste de
recteur même si la loi confère la prérogative au Président de la République d’être celui qui
nomme les personnalités qui vont occuper les postes de recteur et vice recteurs comme cela
s’est produit en 2007.
Face à l’ambiance régnante en fin de mandat les membres du Conseil se sont montrés fermes dans la proposition de nouveaux noms en 2011. Nous avons insisté, à
203
travers une note formulée en présence des deux membres représentants du gouvernement pour que la volonté du conseil soit respectée.
[Enseignant, membre du conseil universitaire de l’UEM, entretien n° 44]
Cette proposition a été respectée par le Président dans un acte vu comme une
inflexion pour une réforme dans l’un des aspects considérés comme une forme importante
d’intervention du pouvoir politique dans la vie académique, c'est-à-dire la nomination des
recteurs.
Cela dit, c’est à partir de l’expérience d’évaluation animée à partir des conseils
universitaires de l’UEM, UP, UCM, ISCTEM, l’ancien ISPU, devenu A Politecnica,
notamment que vont se développer les premières réflexions en matière d’évaluation au
MESCT entre 2000 et 2005.
Etant structuré d’une manière singulière par rapport aux ministères restants et
n’ayant donc pas une direction spécifique en dehors de la direction des politiques et d’un
secrétariat du CNES comme la DICES à partir de 2005, le MESCT constitue des task
forces en concertation avec les recteurs en faisant appel aux enseignants des universités qui
interviennent dans le cadre des commissions.
Même si l’impression d’une interférence du MESCT dans les établissements à
l’issue des débats de la loi 5/2003 va perturber cette stratégie (Jasmin Beverwijk, 2005),
une des commissions va suite à un benchmarking au près des agences d’évaluation en
France, au Portugal, en Angleterre et en Afrique du Sud poser les bases pour le lancement
d’un système national d’évaluation et la création d’un organisme accrédité dans ce
domaine.
L’idée initiale est d’avoir une agence qui puisse intervenir également de forme
compulsive pour faire respecter la loi de l’enseignement supérieur à l’image du Haut
conseil de l’enseignement supérieur en Afrique du Sud (CHE). Certes, conformément à
l’article 28 du règlement et en articulation avec les dispositifs restants, les résultats de
l’évaluation par le CNAQ peuvent avoir des retombées sur le fonctionnement d’un
établissement qui présenterait des anomalies importantes allant jusqu’à une procédure de
fermeture.
Mais ce n’est pas la principale formule retenue pour l’actuel CNAQ, cette mission
ayant été attribuée plutôt à l’Inspection de l’enseignement supérieur qui va fonctionner de
façon ad hoc dans le cabinet du ministre comme nous le voyons ci-dessous.
204
Grâce à l’expérience d’évaluation cumulée au long des années par les
établissements, ceux-ci vont être encore décisifs comme le note un enseignant de l’UCM
dans la phase de lancement du CNAQ à partir de 2008. Ce sont ces établissements qui vont
à nouveau se faire remarquer dans la constitution des commissions internes
d’autoévaluation suite au décret de loi qui lance le SINAQUES.
Parmi les établissements privés, l’UCM semble être celui qui a le plus déclaré une
politique qualité avec la nomination d’un vice-recteur aux affaires académiques dédié à la
question ainsi que la constitution d’un département de gestion de la qualité au sein de
l’université en parallèle à l’introduction du nouveau paradigme.
Notons que sans s’équiper de commissions d’évaluation d’une forme aussi saillante
que l’UEM et l’UCM, deux établissements, notamment l’ISCTEM et A Politecnica ont
occupé un espace de relief dans le panorama de l’enseignement supérieur mozambicain en
se faisant distinguer au niveau international durant plusieurs années consécutives parmi les
meilleures organisations qui opèrent au Mozambique.
Les distinctions viennent de différentes instances dont un club de recteurs
européens, un Magazine PMR en Afrique du Sud, mais aussi d’un palmarès qui classe les
100 meilleures entreprises mozambicaines.
On peut se questionner sur la validité de ces classements avec (Fave-Bonnet, 2010)
du point de vue des critères et méthodes d’évaluation de l’enseignement supérieur d’autant
plus que la responsable pédagogique d’un établissement n’a pas hésité à montrer ses
réticences par rapport à un label décerné par les Galeries Lafayette en France, à un Institut
supérieur, mais nous remarquons des exemples d’un mouvement vers la démarche qualité
qui méritent l’attention de la recherche en évaluation.
Dans les universités publiques nous verrons par contre une petite inflexion dans la
commission de l’UP constituée en 2011 qui va se désamorcer après un an de travail avant
même d’avoir produit son premier rapport alors que celle de l’UEM va être formellement
reconnue comme une division de la direction centrale de l’université dite, Cabinet à la
qualité académique avec à sa tête depuis 2013, Luisa Alcantra Santos, professeur de la
Faculté d’agronomie.
La priorité de l’UEM en ce moment est l’évaluation des enseignements à partir
d’une expérience pilote portant sur 19 cours sur les 140 qu’offre l’université. Un Manuel
205
de procédures pour l’autoévaluation à l’attention des facultés a été produit en 2013 en
concertation avec le CNAQ.
On doit distinguer en termes d’évaluation des enseignements selon la directrice du
cabinet à la qualité académique de l’UEM une révision des programmes d’études et une
révision des enseignements. Celle-ci est faite au long du processus d’enseignement alors
que l’autre tient lieu généralement, au bout de quatre ans qui coïncident avec la fin d’un
cycle de formation en Licenciatura.
Notons qu’avant l’avènement d’un paradigme de la qualité qui commence
désormais à s’institutionnaliser l’animation de l’évaluation des enseignements va être
chapeautée par les conseils académiques, mais animée par les facultés en concertation avec
les directions pédagogiques. Tandis que l’évaluation institutionnelle sera animée plutôt par
les directions de la planification à travers une révision des plans stratégiques, notamment.
La participation financière des bailleurs internationaux va dans la même
perspective conduire à la réalisation d’un certain nombre d’audits externes avant l’entrée
en scène du Tribunal Administratif en tant qu’organe de contrôle des comptes publics.
Parallèlement il faut noter une longue expérience de révisons des programmes
d’enseignement à l’UEM et à l’UP notamment qui nous renseigne sur les origines de
l’évaluation dans l’enseignement supérieur mozambicain.
Nous remarquons en revanche l’existence d’un faible dispositif d’évaluation de la
recherche. Afin de faire connaitre leurs travaux scientifiques, en l’absence de véhicules de
diffusion reconnus comme des revues scientifiques par exemple, les enseignants-
chercheurs sont obligés de se tourner vers des partenaires à l’étranger (universités, centres
de recherche) y compris à des fins d’une évaluation comptant pour la progression dans la
carrière universitaire au Mozambique.
Le passage d’une catégorie d’enseignant à l’autre après l’obtention du doctorat,
c’est-à-dire d’auxiliaire à associé en allant à professeur passe par l’exigence de
publications de travaux de recherche.
Or il n’existe pas encore un statut de la carrière enseignante qui clarifie les
modalités d’évaluation comme vont le montrer Gilles Cistac et Patricio Langa dans le
cadre des discussions d’un projet de loi à l’attention des personnels de l’enseignement
supérieur (CNES, 2013).
206
D’énormes défis sont donc posés à l’évaluation de la recherche mais surtout à
l’enseignement de la méthodologie de recherche dans les universités au Mozambique
comme y insiste Gilles Cistac, professeur de droit à l’UEM.
4.3.5 Défis de l’évaluation de la recherche
La recherche scientifique et les publications qui suivent constituent donc
d’incontournables outils d’évaluation des enseignants et chercheurs dans le cadre de leur
carrière. Mais en doit noter que les outils de l’évaluation de la recherche se trouvent encore
en phase embryonnaire. Par exemple, la première revue scientifique digne de ce nom au
sens où elle dispose d’un comité de lecture comme le régissent les normes internationales a
été lancée par l’UEM seulement en 2012.
C’est la première fois que cela arrive au Mozambique dans une entreprise que le
recteur de l’UEM, Orlando Quilambo considère à haut risque. Les propos du responsable
sont appuyés par ses homologues durant les discussions en 2013 au conseil de
l’enseignement supérieur du projet de loi du statut des personnels de l’enseignement
supérieur commissionné au CESD à initiative du ministère de l’éducation « Il est facile de
lancer le numéro zéro d’une revue scientifique mais les autres ne suivent pas et puis se
pose le problème de l’unité thématique à privilégier».
Afin de donner de la vigueur à la carrière de personnel de l’enseignement supérieur
notamment celle d’enseignant chercheur, le CESD propose une série de mesures dont la
création d’une revue scientifique nationale (RENIC) et la constitution d’un ensemble de
primes à la recherche scientifique.
Il est intéressant de noter la forme avec laquelle Gilles Cistac et Patricio Langa, les
deux principaux chercheurs à l’œuvre au CESD insistent sur la nécessité, d’entrée de jeu
dans les débats, d’une définition de ce qu’est la recherche et de ce qu’est une publication
scientifique.
Il faut définir ce qui est un travail de recherche et une publication scientifique. On a décidé de commencer par-là de poser les fondements sur les types de publications, il y a une différence entre une monographie, un traité et une publication scientifique, celle-ci exige selon les normes internationales une révision de pairs comme préconise le statut de la revue de l’UEM, et c’est la première du genre au
207
Mozambique depuis novembre 2012. [Gilles Cistac professeur à la faculté de droit, UEM, entretien n° 25]
Cette insistance n’est pas un hasard puisque les deux chercheurs sont issus de
formations avec une importante tradition d’enseignement et pratique de la méthodologie de
recherche. D’origine française et diplômé en droit en France, Gilles Cistac vit au
Mozambique depuis 1993. Issu des rangs de l’ancienne UFICS (unité de formation en
sciences sociales) de l’UEM, Patricio Langa est docteur en sciences de l’éducation de
l’université de Western Cape en Afrique du Sud.
Le chapitre I des dispositions générales dès l’article 1 du projet de loi du statut du
personnel de l’enseignement supérieur (CESD, juin 2013:1) fixe en effet le cadre en
proposant les définitions des concepts clés : « La recherche scientifique – est tout type
d’activité conduisant à la production de nouvelles connaissances en utilisant la méthode
scientifique ; L’académisation - est tout type d’activité qui vise la dissémination et ou le
transfert de connaissance entre l’académie et la société et vice-versa ».
L’insistance sur ces préalables donne non seulement l’idée de l’état de fondation
dans lequel se trouve le système de recherche scientifique au Mozambique en général mais
surtout des défis que pose l’implantation d’un dispositif de recherche systématisé compte
tenu du contexte de développement de l’enseignement supérieur et la recherche
universitaire elle-même ainsi que des habitudes d’apprentissage et de la pratique de
recherche dans ce système.
4.3.6 Le Ministère de l’éducation
Conformément à son statut organique approuvé par le Conseil des ministres (2011),
les attributions du ministère de l’éducation sont nombreuses. Il doit garantir l’expansion de
l’accès à l’éducation à travers la formation et qualification des citoyens tout en leur
conférant des connaissances scientifiques, à travers l’amélioration et l’actualisation
constante de la qualité en s’appuyant sur le développement scientifique et technologique,
entre autres. Ses missions vont par conséquent de la formulation des politiques et stratégies
de l’éducation à la Planification, suivi et évaluation des activités, en passant par la fixation
des normes, régulation, supervision et inspection des activités d’éducation.
208
Suite aux élections de 2009, la structure du gouvernement va proposer une
innovation dans l’organisation du ministère de l’éducation qui passe à compter avec un
vice-ministre en charge de l’enseignement supérieur contrairement à la structure antérieure
qui comptait également trois vice-ministres mais sans quelconque désignation explicite
dans le domaine. Arlindo Chilundo, docteur en sciences sociales et ancien professeur de
l’UEM est l’actuel vice-ministre.
Pour la réalisation de sa mission dans le cadre des politiques d’enseignement
supérieur le Ministère de l’éducation compte également avec les services centraux
suivants: Direction pour la coordination de l’enseignement supérieur (DICES), Inspection
générale de l’éducation, Conseil national d’évaluation de la qualité dans l’enseignement
supérieur (CNAQ) en tant qu’organisme autonome mais sous la tutelle du ministre de
l’éducation.
Parallèlement le ministère est assisté par deux organes de consultation : Conseil de
l’enseignement supérieur (CES) et Conseil national de l’enseignement supérieur (CNES)
auxquels la loi de l’enseignement supérieur confère des compétences de définition des
politiques d’enseignement, supervision et contrôle.
4.3.7 Direction pour la coordination de l’enseignement supérieur (DICES)
La DICES est composé de trois départements (académique, planification et
statistiques, administratif). Avec à la tête un Directeur National (Sandra Brito, ancienne
professeur de l’UEM) la direction compte 35 collaborateurs.
C’est une structure d’appui technique et logistique au vice-ministre en charge de
l’enseignement supérieur ainsi qu’au cabinet du Ministre de l’éducation. Elle assure par
conséquent le secrétariat des organes de consultation du Ministère (CES et CNES). C’est
par la DICES que s’initient les procédures de création de nouveaux établissements mais
aussi de leur inspection désormais. Voici l’ensemble de ses missions dans la conduite de la
politique d’enseignement supérieur par le MINED :
Planifier et coordonner le développement de l’enseignement supérieur en créant un
système d’information et gestion efficient; collaborer dans le processus de certification,
équivalences et reconnaissance de titres académiques de l’enseignement supérieur en
209
articulation avec le CNAQ; Promouvoir et garantir l’articulation entre les différentes
institutions de l’enseignement supérieur; Promouvoir la mobilité des étudiants et du corps
enseignant des établissements d’enseignement supérieur à travers la gestion du transfert et
accumulation des crédits; Promouvoir l’introduction des programmes de Master et
Doctorat et de recherche dans les établissements d’enseignement supérieur ; Collaborer à la
conduite des inspections aux établissements d’enseignement supérieur, aux programmes
d’études et aux conditions de leur fonctionnement; évaluer et suivre l’expansion de
l’enseignement supérieur en termes de connaissance scientifique et technologique, de
recherche et d’information ainsi que de l’impact de la mise en œuvre des politiques
d’enseignement supérieur; Produire un avis sur les demandes de création, fermeture,
organisation et direction des établissements d’enseignement supérieur; assurer le
développement d’une base de données de l’enseignement supérieur, ainsi que pour les
programmes et projets de coopération dans l’enseignement supérieur en assurant leur
gestion et le développement du secteur ; Assurer la mobilisation des fonds ou proposer des
stratégies visant l’obtention des fonds pour la mise en œuvre des programmes
4.3.8 Conseil national d’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur
(CNAQ)
Créé en 2008 avec à sa tête Eduardo Sitoi, professeur de sociologie, suite à
l’approbation du décret 63/2007, SINAQUES relatif au système national d’évaluation et
accréditation des universités, le CNAQ reste le dispositif où sont déposés tous les espoirs
pour le développement d’un système d’évaluation et accréditation des établissements
d’enseignement supérieur.
Mis sous la tutelle du ministre en charge de l’enseignement supérieur, le CNAQ est
une institution de droit publique, dotée de personnalité juridique, autonomie technique et
administrative. Pour une vision plus globale de ses attributions, ainsi que des principes et
fondements qui orientent son action une révision des dispositifs prévus dans le SINAQUES
(MINED, 2012 : 11-25) s’impose.
210
Le système national d’évaluation, accréditation et garantie de la qualité de
l’enseignement supérieur (SINAQUES) intègre des normes, mécanismes et procédures qui
se veulent cohérentes et articulées, visant à concrétiser les objectifs de la qualité de
l’enseignement supérieur et qui sont opérés par les acteurs qui y participent. Notons d’ores
et déjà la préoccupation de stimuler et aider à développer une culture de qualité mais sans
vocation punitive ou de contrôle.
Le système s’organise selon la structure suivante: système d’autoévaluation,
système d’évaluation externe, système d’accréditation. Elle regroupe un ensemble de
normes, mécanismes et procédures qui s’appliquent aux établissements d’enseignement
supérieur. L’Auto-évaluation concerne les procédures propres aux établissements pour
évaluer leur efficacité; L’évaluation externe est mise en œuvre par des entités externes aux
établissements d’enseignement supérieur pour évaluer leur performance ; L’accréditation
est la conclusion du processus d’évaluation externe qui consiste en la certification par
l’organe habilité à mettre en œuvre le système, le CNAQ en l’occurrence, de la qualité
d’un établissement ou de ses cours et programmes.
Selon le rapport présenté par son Président (CNES juin 2013), le CNAQ s’est
concentré après deux ans d’existence dans des actions visant l’institutionnalisation du
système à travers des séminaires de divulgation des objectifs de l’organisme, formation des
évaluateurs internes, dissémination des indicateurs d’évaluation. Ces actions financées à
travers le budget de l’Etat ainsi que par la contribution du NUFFIC/NICHE (Pays bas) et le
projet HEST/DICES appuyé par la Banque Mondiale ont impliqué la réalisation d’un
certain nombre de séminaires régionaux et nationaux entre 2011 et 2013.
Outre la dissémination des objectifs et instruments d’évaluation les séminaires à
travers des tables rondes et sessions de formation ont permis non seulement le lancement
de l’institution mais aussi l’installation des commissions internes pour la garantie de la
qualité et la discussion sur les modalités de fonctionnement qui allaient servir de lien entre
celles-là et le CNAQ.
En mars 2012 l’organisme a réalisé sa conférence inaugurale en présence de seize
établissements représentés par les recteurs en vue de la mise en œuvre effective du
système.
Cette conférence a permis de passer en revue les expériences des établissements en
matière d’autoévaluation en même temps qu’ont été réaffirmés les principes d’un système
211
qui reste tributaire de l’engagement des établissements pour l’auto-évaluation en tant que
point de départ de l’évaluation externe et de l’accréditation qui suit.
Une expérience pilote avec la participation de dix établissements publics et privés
initiée fin 2012, s’est poursuivie en 2013 à travers la réalisation d’ateliers de travail visant
l’appropriation des instruments conçus par le CNAQ pour le processus de garantie de la
qualité. Il s’agit essentiellement de quatre documents dont un guide pour l’autoévaluation
des cours et programmes des établissements, un manuel d’évaluation externe des cours et
programmes, un manuel d’évaluation externe des établissements et un code de conduite de
l’évaluateur externe.
Il est prévu de mettre à disposition de ces documents qui matérialisent le démarrage
de la première expérience pilote à tous les établissements par voie électronique en
attendant une édition dans le format livre. Implanté désormais dans des installations louées
en dehors donc de l’édifice central du ministère où il fonctionnait jusqu’en 2012, le CNAQ
espère fonctionner dans sa plénitude avec 58 collaborateurs, dont un président, trois
directeurs exécutifs, cinq membres non exécutifs et le personnel restant, soit 20 techniciens
supérieurs, 6 techniciens professionnels et 12 auxiliaires.
En termes de projets à venir pour le renfort de ses capacités, le CNAQ envisage de
revoir dès la première opportunité son statut afin de pouvoir prendre en compte les cinq
membres non exécutifs (trois professeurs et deux professeurs associés) qui constituent en
ce moment la principale garantie de responsabilité, crédibilité et engagement de
l’institution.
Dans la même perspective le CNAQ devrait s’orienter vers une institution qui
s’impose comme un centre spécialisé dans la coordination et harmonisation des
établissements d’enseignement supérieur en matière de qualité, également attractive en
termes de salaires offerts.
La création d’un Site Internet, l’intégration dans les réseaux internationaux de
garantie de la qualité ainsi que la réalisation d’un ensemble d’études en vue de la définition
des contenus obligatoires pour chaque programme d’enseignement et cours offerts par les
établissements restent les principales priorités de l’organisme selon les vœux de son
président.
212
4.3.9 Conditions pour le fonctionnement des établissements et inspection de
l’enseignement supérieur
Deux autres dispositifs prévus pour le contrôle et l’amélioration du système sont
les décrets 48/2010 et 27/2011. Ce sont en réalité deux règlements. Le premier vient
expliciter la loi sur les conditions qui doivent être respectées en amont de l’autorisation de
création d’un établissement d’enseignement supérieur et pour son bon fonctionnement.
Le deuxième veillant à ce que les établissements respectent la loi au cours de leurs
activités, met en place pour la première fois l’inspection de l’enseignement supérieur.
Pour l’exécution de ces deux dispositifs entrent en scène l’inspection de
l’enseignement supérieur qui fonctionne dans le cabinet du ministre à travers des
commissions ad hoc, la DICES qui en assure le secrétariat logistique et l’appui technique
ainsi qu’un certain nombre d’experts des ministères et des ordres scientifiques et
professionnels concernés par les activités et formations de l’établissement visé.
Le premier règlement rappelle les conditions ainsi que les étapes de l’autorisation
de création et fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur qui restent de
la compétence du Conseil des ministres. Les pré-requis pour le fonctionnement des
établissements sont établis par la loi de l’enseignement supérieur.
Les deux décrets supra viennent expliciter dans les détails les conditions qui
doivent être respectés dans les différents domaines, entre autres: Pédagogique,
infrastructures, équipements, laboratoires, juridiques, santé et hygiène.
Le processus d’autorisation des établissements comprend deux phases: la phase de
création pendant laquelle l’établissement autorisé à être créé par le Conseil des ministres
après vérification par le ministère et l’avis du CNES prépare les conditions en termes de
constructions, infrastructures, équipements des installations en vue de la réalisation de ses
activités.
La phase de l’autorisation pour le fonctionnement de l’établissement qui passe par
la vérification à travers une expertise du MINED de l’existence des pré-requis minimum de
l’ordre pédagogique, des installations, des conditions d’hygiène et sécurité.
Le règlement d’inspection de l’enseignement supérieur constitue une innovation
dans l’ensemble du dispositif réglementaire. Etant axé sur leur fonctionnement,
213
l’inspection se veut une action de contrôle qui est exercée près des établissements publics
et privés.
L’action de contrôle est réalisée par des commissions d’inspection sans caractère
permanent nommés par le ministre responsable de l’enseignement supérieur. Les membres
des commissions sont des individualités réputées de compétences scientifique et technique
dans les matières à inspecter. Afin de garantir la mémoire institutionnelle, les commissions
intègrent un inspecteur affecté à l’Inspection générale de l’éducation.
Nous avons une inspection spécifique avec un règlement propre approuvé, mais il n’y a pas d’équipe permanente c’est le ministre, c’est le cabinet du ministre. Nous invitons les personnes qui vont intégrer l’équipe d’inspection. D’abord ils sont formés. Nous prenons des enseignants seniors et les formons aux techniques d’inspection à l’ISAP pour être inspecteurs et ce processus est de formation continue, nous allons continuer à en former d’autres. De ce pool d’individus formés nous invitons certains quand nous avons une inspection, nous avons déjà réalisé deux et une troisième est en cours à l’ISEG. Nous invitons ceux qui ont été formés, nous produisons une circulaire et nous formons une commission d’inspection. Ils vont faire le travail et retournent nous fournir le résultat. Ça a beaucoup d’avantages parce que si vous êtes corrompu vous n’allez pas pouvoir corrompre tous les enseignants de l’enseignement supérieur. [Haut responsable du ministre de l’éducation, entretien n° 9]
L’action d’inspection peut prendre deux formes: Ordinaire quand elle s’encadre
dans le programme général du ministère. Extraordinaire quand elle est mandatée pour des
situations spécifiquement déterminées qui ne s’encadrent pas dans la programmation
générale des activités du ministère.
La réalisation d’une action d’inspection extraordinaire est de la compétence du
ministre en charge de l’enseignement supérieur. Les modalités d’intervention ainsi que les
responsabilités des parties impliquées, le code de conduite sont explicités dans le
règlement de l’inspection.
En termes d’actions, 38 inspecteurs ont été formés en coordination avec l’ISAP et
des actions d’inspection ont été réalisées dont deux ordinaires à l’UEM et à l’ISRI à
Maputo en 2013, dans une perspective de socialisation de la démarche qui reste selon le
vice-ministre de l’ordre de la sensibilisation et de la découverte des pratiques. Nous dirons
avec Véronique Bedin (2009) qu’il s’agit d’une inspection de type conseil.
214
Des inspections extraordinaires ont été ordonnées en 2012 et 2013 suite à des
irrégularités dénoncées à l’Université Mussa Bin Bique, ISEG, ISCTAC, Institut supérieur
de Songo, entre autres.
En termes d’actions réalisées on observe une différence entre le CNAQ qui n’a pas
encore réalisé d’évaluation externe, après plus de cinq ans d’existence alors que
l’Inspection née en cours de l’année 2011 a déjà réalisé un certain nombre d’actions de
suivi y compris d’ailleurs dans une perspective de résolution des problèmes à l’amiable
comme le préconise la démarche du CNAQ, c'est-à-dire sans effets punitifs.
Plusieurs acteurs s’interrogent sur cette impression d’immobilisme du CNAQ, alors
que d’autres voient l’expression d’un organisme dont le statut à la base ne lui permet pas
de fonctionner. Sous tutelle du ministre, le CNAQ est en situation de semi-autonomie,
donc dans une posture délicate pour s’imposer comme il se doit dans des établissements
autonomes.
Par contre, on doit noter que cette autonomie même réduite a de quoi envier un
certain nombre de collaborateurs de la DICES qui coordonne le travail d’ établissements
autonomes tandis qu’elle n’est qu’une simple direction nationale, comme il y en a autant
dans les universités, elles qui négocient directement leur budget avec le ministère des
finances sans passer par l’éducation comme le note un recteur.
4.3.10 Les organes de consultation de l’enseignement supérieur
La direction centrale de l’enseignement supérieur se fait accompagner dans
l’exercice de ses fonctions de deux organes de consultation reconnus par la loi 27/2009, du
29 septembre. Il s’agit du Conseil de l’enseignement supérieur (CES) conformément à
l’article 11 et du Conseil national de l’enseignement supérieur CNES, en conformité avec
l’article 12.
Le Conseil de l'enseignement supérieur est un organe de coordination et
articulation de l'enseignement supérieur ainsi que de consultation et de conseil
au ministre responsable de l’enseignement supérieur. Ayant pour membres le ministre que
supervise le secteur de l'enseignement supérieur, qui préside l’organe, les recteurs et
215
doyens qui représentent les établissements publics et privés, le CES se réunit normalement
deux fois par an et extraordinairement sur convocation du ministre qui supervise le secteur.
Peuvent être invités aux réunions les enseignants et les représentants des
étudiants de l'enseignement supérieur. Les attributions du CES sont les suivantes: examiner
régulièrement les contraintes et les opportunités pour le développement du système,
proposer les orientations pour le fonctionnement du système de crédits universitaires ainsi
que les grandes lignes de la politique d'accès à l'enseignement supérieur en analysant les
questions de la mobilité des enseignants et des étudiants.
Travaillant dans le ministère qui supervise de domaine de l’enseignement, le
Conseil national de l'enseignement supérieur est pour sa part, un organe consultatif du
Conseil des ministres. Le CNES assure la liaison et la planification intégrées de
l'enseignement supérieur.
Présidé par le ministre qui supervise le secteur de l'enseignement, le CNES est
composé de la manière suivante:
Six membres du Conseil des recteurs et dirigeants des établissements
d’enseignement supérieur ; Quatre personnalités du corps enseignants et étudiants des
établissements d'enseignement supérieur ; cinq membres représentants des ministères
désignés par le gouvernement; Trois représentants du secteur productif;
Trois représentants de la société civile.
Le CNES se prononce sur les politiques et l’ensemble des instruments normatifs
liés à l’éducation supérieure ainsi que sur le financement public destiné aux
établissements d'enseignement supérieur, sur les politiques et mécanismes visant assurer la
qualité en conformité avec les normes des secteurs concernés par l’enseignement
supérieur.
Il se prononce également sur les demandes de création, fonctionnement et fermeture
des établissements ainsi que sur des mesures visant augmenter la qualité et l’efficience des
établissements d’enseignement supérieur. Le Conseil national de l’enseignement se réunit
régulièrement deux fois par an.
Nous venons de voir un ensemble d’organes et dispositifs intégrés au ministère de
l’éducation en vue de la planification, coordination et contrôle de la politique
d’enseignement supérieur au Mozambique. Quels sont alors les problèmes et les défis qui
se présentent à la gouvernance de l’enseignement supérieur ?
216
CHAPITRE 5. ENJEUX ET DEFIS DE LA
REGULATION DU SYSTEME
D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
Nous présentons au long du présent chapitre un état des lieux pour aider à situer
quelques problèmes et défis qui se présentent avec force à la gouvernance du système en
termes de contrôle et garantie de la qualité.
La description des principaux problèmes identifiés durant l’enquête nous introduit à
la découverte des principales configurations qui se donnent à lire actuellement ainsi qu’à
l’analyse de l’interaction et des rapports entre les parties intéressées. Nous nous intéressons
à une certaine interprétation de la notion d’autonomie des universités et aux limites que
celle-ci semble poser à la régulation du système.
Deux moments marquants de l’histoire récente de l’édification du système
d’enseignement supérieur mozambicain, c'est-à-dire la création et disparition du ministère
de l’enseignement supérieur science et technologie (MESCT 2000-2005) ainsi que les
débats de la loi 27/2009 visant l’introduction du LMD, seront ici proposés à la réflexion.
Cette réflexion aide à approfondir la connaissance sur le fonctionnement du
système, sur les interactions en son sein mais elle sert en même temps de thermomètre vers
l’analyse des effets de l’apprentissage organisationnel dans la gouvernance de
l’enseignement supérieur.
5.1 Une Expansion dérégulée, la gouvernance à l’épreuve
L’enseignement supérieur a fait l’objet ces dernières années d’une série de
réflexions véhiculées dans la presse écrite et audiovisuelle mais aussi dans quelques
revues et sur Internet dont des interviews, débats et articles où les personnalités politiques,
intellectuels enseignants-chercheurs dressent un bilan des problèmes et des perspectives
qui s’ouvrent au secteur.
A l’unanimité les thèses développées par ces personnalités rejoignent les
principales préoccupations de la société mozambicaine sur l’université. Les critiques
217
soulevées font état d’un système d’enseignement « mal en point » et dont le
fonctionnement peut être résumé comme suit:
« L'expansion des universités a cherché à répondre à la demande par le nombre croissant de d'élèves qui terminent l'enseignement secondaire. L'État n'a pas été préparé pour l'augmentation rapide de l'afflux d'étudiants à l'enseignement supérieur, n’ayant pas créé de nouvelles universités, des cours et des conditions scientifiques et pédagogiques afin d’une diversification de l'offre (types de cours) et l’élévation des niveaux de l'éducation (masters et doctorats). Le manque de dispositifs d'enseignement public a été surmonté avec l’émergence et développement des universités privées mais sans l’existence d’enseignants formés pour répondre à la croissance du nombre d’étudiants et d’universités vérifiées. Les investissements dans les installations, bibliothèques, laboratoires, matériel pédagogique, l'organisation et la gestion des formations universitaires, ont été placés au second plan. La recherche n'est possible qu'avec une masse critique disponible à plein temps et l'allocation des ressources. Celle-là ne génère pas de rendements financiers à court terme. Une partie importante des enseignants se démultiplie en enseignant dans diverses universités, ainsi qu’en relisant de multiples activités économiquement plus gratifiantes que le marché peut offrir, d’autant plus que certains ambitionnent la carrière politique. Les universités, publiques et privées se transforment en pôles d’'enseignement supérieur sans corps enseignant et d'autres conditions scientifique, éducatives, des infrastructures et des services dans chaque emplacement. Les cours sont offerts sans aucun encadrement dans un projet pédagogique » (Matos et Mosca, 2010: 298)
La recherche et le sens commun pointent du doigt, entre autres, une incapacité de
l’Etat à pourvoir des services de qualité, un libéralisme exacerbé dans les mécanismes
d’ouverture des établissements d’enseignement supérieur, mais aussi une pression politique
assez importante qui pousse à la création de nouveaux établissements et sans que le
ministère de l’éducation en tant qu’organe de tutelle ait les moyens de contrôle de ce qui se
passe dans chaque université.
Les établissements naissent et poussent comme des champignons mais sans le
respect des règles établies», note un chercheur. Et Aires Ali (Jornal O Pais, 30 juin 2009),
alors ministre de l’éducation avant d’endosser le portefeuille de premier ministre (2010-
2012) d’avouer tout en reconnaissant dans le respect de l’autonomie que la plus grande
responsabilité revenait aux recteurs, eux-mêmes que le gouvernement n’avait aucun
contrôle de se qui se passe dans les universités.
218
A la suite des observations et entretiens que nous avons réalisés, nous tentons de
montrer ci-dessous comment les problèmes se présentent et sont vécus par les acteurs ainsi
par que les organismes concernés par les activités de l’enseignement supérieur directement.
Nous remarquerons les rapports qui s’instaurent entre les parties prenantes à
travers la mise en œuvre du cadre normatif et programmatique du secteur tout en mettant
en lumière les problèmes liés au fonctionnement des établissements, aux enseignements et
à l’évaluation de la qualité par les autorités de tutelle. Quels sont donc les problèmes
pratiques qui se posent à l’enseignement supérieur aujourd’hui ?
En termes pratiques dans l’état actuel des choses dès que les établissements sont
créés et autorisés à fonctionner en Conseil des ministres, ils sont automatiquement habilités
à dispenser les enseignements, à ouvrir des formations de leur ressort et à délivrer des
diplômes allant jusqu’au titre de docteur dans le cas des établissements jouissant du statut
d’université.
Mais la frontière entre ce qui est une université et ce qui ne l’est pas semble loin
d’être clairement délimitée en pratique même si les critères comme l’existence d’un corps
enseignant à temps plein avec un certain nombre d’enseignants docteurs par rapport aux
enseignants ordinaires (licenciados) s’affichent comme une exigence de base.
Et on a vu au long de l’histoire, des instituts supérieurs se transformer en
universités, tels l’ancien ISP devenu UP en 1994, ainsi que l’ISPU devenu en 2007,
Université A Politécnica dans une démarche visant clairement à dissiper des éventuels
malentendus sur le statut que ceux-là voulaient occuper dans le Panorama des universités
mozambicaines.
Le changement de statut de l’ISPU est également perçu comme une stratégie pour
éviter d’être pris en contre par la tutelle sachant sa notoriété et la volonté de s’imposer
comme une université privée de premier rang, passant donc par une habilitation à proposer
des programmes de troisième cycle universitaire.
Mais « l’habit ne fait pas toujours le moine », rien ne garantissant effectivement
que tous les établissements s’affichant comme des universités disposent de l’ensemble des
pré requis a priori exigés comme l’existence de terrains d’expérimentation, de laboratoires
et autres équipements universitaires, sans parler surtout des instances de gouvernance
internes comme les conseils universitaires, académiques et scientifiques dignes d’une
219
académie et contribuant donc à conférer de la valeur non seulement scientifique mais
surtout morale aux actes pratiqués par les établissements en cause.
Il y en a une demi-douzaine (UDM, USTM, Université Jean Piaget, Université
Mussa Bin Bique, UNA) parmi les privées pour ne pas citer les publiques, dont le
monopole que la tutelle tente de préserver à l’attribution du titre d’université semble
protéger contre tout questionnement.
Les indicateurs ci-dessus sont souvent en manque dans la plupart des cas comme le
révèlent les interventions des plus hauts dirigeants du ministère de l’éducation corroborés
par un certain nombre d’universitaires soucieux de la qualité du système.
Un responsable de l’UP n’a pas caché par exemple que la proportion des
enseignants docteurs dans cet établissement était en nette baisse à 8% en raison de
l’expansion, ce qui a priori compromet déjà les comptes de l’université si la loi venait à
être appliquée strictement.
Par ailleurs, pour bon nombre d’universitaires on ne devrait pas s’attendre à ce
qu’un établissement qui vient d’être créé et de s’implanter utilise comme argument
publicitaire le fait d’être habilité à former des licenciados, des masters et des docteurs sans
même qu’il ait fait ses preuves en premier lieu, c'est-à-dire qu’il ait formé une première
génération de licenciados au moins.
On ne devrait pas avoir des établissements à peine implantés en 2008, 2009, c’est-à
dire avec une période de vie très courte se retrouver à dispenser 14 programmes
d’enseignements, un peu dans tous les domaines (sciences sociales, économiques,
juridiques, et de l’ingénieur) alors même qu’aucune évaluation de leur qualité n’a été
réalisée ; on ne devrait pas non plus avoir des établissements à migrer vers une offre de
formation en Master alors qu’ils n’ont pas encore cumulé d’expérience d’enseignements en
Licenciatura.
Mais tels sont des exemples de situations qu’on rencontre sur le terrain et au centre
des principaux débats dans les organes de gouvernance et dans la société en général. Après
l’autorisation délivrée en conseil des ministres suivie d’une publication au journal officiel
(BR) aucune limitation n’est prévue, ni habilitation n’est requise de facto pour initier une
nouvelle formation ou délivrer des diplômes.
Chaque établissement dispense ses programmes d’enseignement conformément aux
programmes qu’il fixe et sans référence à une maquette nationale. Il y a un décret 30/2010,
220
QUANQES relatif au cadre national des qualifications, mais celui-ci s’étant limité pour
l’instant à une description générale des compétences par cycle de formation, on se trouve
encore loin d’avoir défini ce à quoi on peut s’attendre dans chacune des formations
proposées par rapport à un référentiel des disciplines.
Cette contrainte parmi d’autres va d’ailleurs poser des entraves à la mise en œuvre
d’un autre décret 30/2010 SNATCA relatif à l’accumulation et transfert des crédits
académiques qui suppose, entre autres des accords entre les établissements mais surtout le
partage de référentiels communs.
Par exemple parmi la demi-douzaine d’établissements qui enseignent la médecine
aucun référentiel commun n’est partagé d’autant plus que (l’Université catholique) UCM a
opté depuis sa naissance en 1995 pour une méthodologie d’enseignement dite PBL
(Problem-based learning) que le recteur Filipe Couto tentera également d’introduire à son
arrivée à l’UEM avant d’être balayée d’un revers de main. Emis par chaque établissement
et sans aucune homologation préalable, les diplômes sont cependant valables sur tout le
territoire national.
Nous avons maintenant un vice-ministre qui traite des questions de l’enseignement supérieur mais il n’a pas le poids suffisant. Il y a beaucoup d’anarchie. Des universités ouvertes et qu’en si peu de temps sont déjà en train de sortir des diplômés et de distribuer des titres honoris causa. La société est rentrée dans un esprit de libertinage extrême et chacun pense à se faire de l’argent en ouvrant des établissements d’enseignement supérieur y compris [Responsable administratif d’un établissement public, ancien cadre du ministère, entretien n° 3]
Les situations interprétées comme les expressions d’une trop grande autonomie par
les tutelles ainsi que par un certain nombre d’universitaires ont conduit à ce que des
établissements se retrouvent à délivrer des diplômes y compris des titres honorifiques du
niveau de l’honoris causa à tout va. Le bon sens devrait l’emporter au moins selon les
critiques de cet état des choses.
On s’acheminait déjà vers un authentique non man’s land quand le ministère de
l’enseignement supérieur de la science et technologie (MESCT) bientôt implanté dans
l’année 2000 après les élections générales remportées par Joaquim Chissano et le
FRELIMO va initier un long marathon en vue de la mise en œuvre d’un système de
contrôle et garantie la qualité.
221
Le ministère va disparaitre en 2005 alors qu’il avait à peine initié conformément
aux orientations de son plan stratégique (2000-2010) les premières réflexions sur ce qui
devait être un système national d’évaluation et d’accréditation de la qualité de
l’enseignement supérieur; quand il jetait les premières pierres en vue de l’édification d’un
système d’accumulation et transfert de crédits académiques visant la mobilité interne et
international des étudiants. Contre toute attente, le ministère disparait et laisse un chantier
en construction.
Beaucoup d’interrogations sont soulevées sur les motivations derrière la
suppression de ce ministère à un moment où sa présence devait s’imposer de plus en plus.
L’enquête a permis de relever, ci-après, un certain nombre d’opinions sur les conséquences
de ce choix mais aussi sur les motivations qui aurait dicté le retour de l’enseignement
supérieur dans le portefeuille de l’éducation.
Il y a, en effet, dans la communauté universitaire comme le montre Jamisse Taimo
(2010:178) la perception que l’existence du Ministère de l’enseignement supérieur, science
et technologie a favorisé une avancée significative dans les processus de réforme de
l’enseignement supérieur, en lui conférant une plus grande visibilité, en lui offrant un
espace plus ouvert de discussion sur diverses matières inhérentes au développement du
système.
Promulguée en altération de la loi 1/93, la loi 5/2003 de l’enseignement supérieur
nait dans le contexte du nouveau cadre institutionnel du ministère de l’enseignement
supérieur science et technologie (MESCT) ainsi que du surgissement visiblement massif de
nouveaux établissements, avec par conséquent une attention particulière sur les
problématiques de contrôle de la qualité (chapitre IV, article 24) qui commençaient à
préoccuper les tutelles et la communauté universitaire à ce moment-là.
Cette loi passe en détail les notions de programme d’enseignement, les diplômes
que les établissements sont habilités à délivrer et la durée respective des études. Une
allusion est même faite, mais sans précisons, à l’idée des crédits académiques tout en
annonçant l’arrivée d’un dispositif de transfert et accumulation de crédits académiques qui
existera dans l’esprit durant plus de dix ans avant d’être formellement reconnu comme un
dispositif de loi à travers un décret SNATCA, 30/2010.
Celui-ci fait partie de l’ensemble des documents que nous considérons avec Valérie
Chanal (2001, 2004) comme des objets interface et qu’il va être important d’analyser en
222
détail pour comprendre comment se fait l’interaction entre les acteurs, les institutions et les
établissements et ce qui en reste comme apprentissage.
Cela étant, en conformité avec la loi 5/2003 le Bacharelato littéralement équivalent
à la licence française et au bachelor dans les systèmes Anglophones correspond à trois ans
d’études, alors que la licenciatura, l’équivalent de l’ancienne Maîtrise ou de l’actuel
Master 1 correspond à quatre ans de formation. Le Mestrado est obtenu en six ans avec le
passage non obligatoire par un niveau intermédiaire, dit, Pos graduação.
Pour terminer le Doutoramento, soit le doctorat est prévu pour une période de cinq
ans au-dessus de la licenciatura, sachant qu’en fonction des crédits obtenus les candidats
pouvaient entrer directement dans une cycle de doutoramento.
Même si elle fait la distinction entre une université et tous les autres types
d’établissements soit les académies, les instituts supérieurs, les écoles supérieures la loi
5/2003 dans son chapitre II, article 13, n’est pas précise sur les conditions qui doivent être
réunies par les établissements par exemple pour pouvoir délivrer le diplôme de docteur.
L’unique exception étant les instituts polytechniques, eux qui ne sont pas habilités à
délivrer ce diplôme.
Ce vide juridique parmi d’autres que les jeux des acteurs de l’enseignement vont
révéler, d’autant plus que la loi ne se faisait pas accompagner pour l’heure d’aucun décret
d’application (promulgués seulement en 2010), ouvrira la voie pour que toutes sortes
d’établissements se retrouvent à émettre des diplômes et à ouvrir des campus le long du
pays mais sans aucun contrôle.
La tutelle aura du mal à s’imposer face à des établissements qui naissent
pratiquement avant la loi ou qui apparaissent alors qu’on essaie de consolider le système
après une longue phase dominée par une seule université d’Etat, l’UEM qu’en l’absence
d’une tutelle de fait s’autorégule de l’intérieur et finit par s’imposer en autorité légitime en
matière d’enseignement supérieur.
En 2003 le Mozambique compte dix établissements dont cinq publics
(Universidade Eduardo Mondlane - UEM, Universidade Pedagógica-UP, Instituto Superior
de Relações Internacionais - ISRI, Escola Náutica de Moçambique - ENM, Academia de
Ciências Policiais - ACIPOL et cinq privés (Instituto Superior Politécnico e Universitário –
ISPU, Instituto Superior de Ciências e Tecnologia de Moçambique - ISCTEM,
223
Universidade Católica de Moçambique - UCM, Instituto Superior de Transportes e
Comunicações - ISUTC, Universidade Mussa Bin Bique -UMBB.
Les établissements publics sont les plus anciens, l’UEM étant le seul à avoir été
créé avant l’indépendance. Les premiers établissements privés naissent à partir de 1995.
L’Université Technique du Mozambique (UDM) qui a la particularité de coopter pour
recteur Fernando Ganhão, celui qui fut le premier recteur de l’UEM après l’indépendance
est en pleine constitution en 2003.
Les interactions qui vont avoir lieu entre les recteurs et le MESCT lors des débats
de la loi 5/2003, notamment sur la constitution du CNES (nombre de sièges pour les
recteurs) et sur l’architecture des diplômes se caractérisent par un certain nombre
d’impasses que le Parlement va devoir arbitrer. Les recteurs ont l’impression d’une grande
interférence du ministère dans les affaires de l’enseignement supérieur. Le climat qui nait
de ces disputes semble dicter la suite des événements.
Les nouveaux établissements revendiquent les mêmes prérogatives que leur aîné,
l’UEM considérée comme la matrice du système et vont réussir à imposer leur autonomie
sans régulation grâce à un système de coalition contre le nouveau ministère de
l’enseignement supérieur science et technologie (MESCT) dont un certain nombre
d’interventions allaient à l’encontre de tout un ensemble d’acquis et prérogatives conservés
de longue date par les recteurs des établissements publics, notamment, eux-mêmes
nommés par décret présidentiel (Jasmin Beverwijk, 2005:131).
Le MESCT proposait un modèle de gouvernance qui permettait selon lui de
conserver l’autonomie des établissements mais avec un droit de regard à travers un
système de supervision. Les parties ne tombent pas d’accord d’autant plus que les recteurs
interprètent cette supervision comme une interférence dans les activités des
établissements.
Il y a un désaccord total quant à la notion d’autonomie qui va marquer les rapports
des tutelles avec des établissements jusque dans les configurations actuelles comme le
montrent les débats en cours au Conseil de l’enseignement supérieur (CES) et au conseil
national de l’enseignement supérieur (CNES) en 2013 en vue de la réforme de la loi
27/2009.
Par ailleurs, l’idée d’un système de contrôle et de garantie de qualité à travers des
inspections aux établissements et des dispositifs d’accréditation des programmes
224
d’enseignement et des stages ainsi que l’obligation des établissements de fournir un rapport
annuel d’activités et d’informer le ministre (article 16 de la loi 5/2003) de tout changement
concernant par exemple, la création de nouveaux diplômes, l’augmentation des effectifs
d’étudiants et l’ouverture de nouveaux campus, par rapport au projet initialement présenté
pour la constitution de l’institution, s’étant heurtée à une certaine idée de l’autonomie de
l’université, rien n’arrêtera plus l’expansion de l’enseignement supérieur.
Elle va s’accentuer dans un contexte de grande pression politique pour l’ouverture
de nouveaux établissements, surtout après la disparition du MESCT en 2005, au cours du
premier mandat du Président Armando Guebuza, quand Aires Ali devient ministre de
l’éducation et culture (MEC) et l’enseignement supérieur retourne à l’éducation.
L’enseignement supérieur va prendre un véritable tournant d’autant plus que la loi 1/93 qui régulait l’enseignement supérieur et qui est modifiée par la loi de 2003 déjà durant le mandat de Lidia Brito se révèle tout à fait d’une faible portée parce qu’elle n’a pas été réglementée. Des brèches s’ouvrent et à partir de là, la pression politique gagne de l’ampleur. Et on assiste à une prolifération, un mot disons agressif… ce que prolifère ce sont des bactéries, des virus, etc. Normalement c’est ça qui prolifère et au fond ce mot apporte un sens négatif pour la croissance du système. Il y a l’idée d’une expansion désordonnée. Il y a peu de rigueur dans l’attribution des licences et naturellement on assiste à l’entrée en scène de beaucoup d’operateurs dans ce domaine parce que c’était un domaine encore à exploiter, ce qui va favoriser cette croissance désordonnée, naturellement. L’expansion est une chose nécessaire mais quand elle est désordonnée c’est tout à fait une autre chose. Sans réglementation on ne peut pas, vous ne pouvez pas aller sur le champ de guerre sans ordonner les troupes vous allez perdre cette bataille [Lourenço do Rosario, recteur de l’Université A Politecnica, entretien n° 22]
Cependant, au sein des tutelles il existe la perception que c’est dans l’enseignement
privé qu’il y a eu moins de rigueur dans le processus de création de nouveaux
établissements alors qu’en réalité les établissements publics y compris à travers une
démarche de planification institutionnalisée à l’UEM par exemple vont pratiquer une
forme d’expansion également très critiquée par la société.
Critiquée à partir du moment où les pré-requis de base comme l’existence des
installations ne sont pas pris en compte comme le montre l’implantation de l’école
supérieure de développement rural dans le district de Vilanculos dont l’expansion va être
freinée dès l’entrée en fonctions d’un nouveau recteur en 2011. L’ISUDR occupait les
225
installations d’une école secondaire locale qui ne réunissait pas les conditions pour le
fonctionnement d’un établissement qui devait s’orienter vers la pratique.
L’enseignement public si vous voulez a grandi de forme plus contrôlé par rapport aux privé dans le sens où sur une même période on a plus de privés à apparaitre que les publics parce que le secteur public doit garantir toutes les conditions pour après autoriser la création, le privé lui il propose et après il dit qu’il a déjà toutes les conditions. C’est là qu’il ne revient qu’au gouvernement de vérifier si les conditions sont créées ou pas pour le fonctionnement de EES. [Responsable du MINED, entretien n° 19]
Contrairement aux critiques faites en direction des établissements privés
l’expérience montre effectivement qu’une forme d’entrepreneuriat s’est également
développée dans les universités publiques, surtout au sein de quelques unités de
l’Université Pédagogique, à l’initiative d’un groupe d’enseignants.
Mais l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante signifiera la remise à plat de tout un
projet avec la démission du directeur du département de planification et gestion de
l’éducation alors que ses initiatives confortaient un peu tout le monde, c'est-à-dire les
enseignants qui gagnaient mieux leur vie, les étudiants qui pouvaient accéder à
l’enseignement supérieur à un prix compétitif par rapport à celui pratiqué dans les
établissements privés.
Les acteurs impliqués, les étudiants au premier chef ont conscience que les
enseignements ne sont pas dispensés dans les conditions minimum à partir du moment où
ils vont se passer dans des écoles primaires du premier degré dont les équipements, on le
sait au départ n’ont pas été conçus pour une population adulte.
Mais le contexte se montre tout à fait perméable au développement d’initiatives
sans le contrôle de la tutelle, d’autant que la politique d’expansion orientée par le
gouvernement ne peut pas faire face aux demandes croissantes liées à la scolarisation
secondaire universelle.
En fait, selon les prévisions du gouvernement, l’expansion dans le système public
devait se faire à travers les instituts polytechniques mais vite on s’aperçoit qui ceux-ci
n’auraient pas la capacité d’absorber la demande. Ils commencent à fonctionner seulement
en 2006 justement pour permettre la création des conditions mais le gouvernement voyait
déjà la nécessité d’ouvrir de nouvelles universités et c’est ainsi que surgissent
226
l’Unizambèze et l’Unilurio parce que les caractéristiques des instituts polytechniques ne
peuvent pas résoudre les problèmes de la demande en raison de la scolarisation secondaire
universelle qui fait son chemin.
Parallèlement, la deuxième moitié des années 2000 est celle de la mise en œuvre
d’une politique de décentralisation qui amène le district au centre des principales attentions
de la société mozambicaine.
La planification gouvernementale se doit désormais de commencer à la base.
L’implantation de l’enseignement supérieur dans les districts vient comme une réponse aux
orientations gouvernementales et l’UP ne tardera pas à proposer une antenne à Massinga,
dans le sud puis à Montepuez au nord. D’autres établissements ont suivi la marche, l’UEM
à Vilanculos, à Chibuto et à Sabié dans le sud.
C’était à la mode d’ouvrir une université ou d’étendre son offre dans les districts.
La pression politique s’apprêtait à ce scenario et plusieurs établissements privés se lancent,
d’autant que l’affaire semble tout à fait juteuse.
Le Ministère de l’éducation et culture (MEC) qui hérite d’un chantier en
construction du temps du MESCT, créé la Direction de coordination de l’enseignement
supérieur (DICES) qui va devoir faire face à cette grande pression pour l’expansion de
l’enseignement supérieur.
C’est un peu dans ce contexte, d’expansion non contrôlée, de manque d’enseignants
formés et d’infrastructures et équipements universitaires que va évoluer l’enseignement
supérieur au Mozambique.
Avec la nomination d’un vice-ministre de l’éducation responsable de
l’enseignement supérieur à l’issue des élections de 2009, remportées par le FRELIMO et
son candidat Armando Guebuza, le début des années 2010 sera celui d’une totale remise en
question de l’expansion tous azimuts vérifiée dans la décennie antérieure, à travers la mise
en œuvre d’une série de dispositifs de lois afin de mettre fin à ce que toute la société
mozambicaine considère comme « une grande confusion ». Tandis que jusqu’alors certains
dirigeants politiques pouvaient se réjouir des statistiques qui augmentait jusqu’ à ce qu’on
ait passé de soixante mille étudiants en 2006 à cent mille en 2010.
Mais ce début de décennie sera aussi celui de la gouvernance de l’enseignement
supérieur à l’épreuve de sa réalité (L. Thévenot, s.d: 3-4) au sens où on notera toujours une
grande contradiction entre la volonté d’agir à la fois individuelle et au nom d’un collectif
227
pour réorganiser le système accompagnée parfois d’ultimatums et la capacité d’agir au sein
même des dispositifs de gouvernance.
Lors d’un entretien Boltanski (Cécile Blondeau, Jean-Christophe Sevin, 2004 :10)
apporte la définition suivante de l’épreuve : « Est le moment où une incertitude sur la
grandeur des uns et des autres est mise sur le terrain, et où cette incertitude va être
résorbée par une confrontation avec des objets, avec un monde ».
Une décennie de la gouvernance de l’enseignement supérieur à l’épreuve de la
réalité lorsque pour un certain nombre d’acteurs, en outre, il suffirait d’avoir un cadre
réglementaire complet, des lois, avec des décrets d’application ainsi que des organismes
consacrés à l’évaluation et accréditation de l’enseignement supérieur comme au Brésil, au
Royaume Uni, en France ou même en Afrique du Sud pour résoudre tous les problèmes.
L’absence d’organismes voués à l’habilitation et accréditation des établissements,
de leurs enseignements et diplômes revient, en effet comme un leitmotiv dans les discours
d’un certain nombre d’universitaires comme l’un des principaux handicaps au contrôle de
la qualité des études universitaires (Horacio Zimba, 2010 :77).
C’est ainsi qu’on met en place le CNAQ et l’Inspection de l’enseignement
supérieur dans le cadre d’un ensemble de mesures accompagnées de décrets de loi
tels 53 /10 ; 32/2010 ; 48/10 (Ministère de l’éducation, 2012) en vue du contrôle et de la
garantie de la qualité. Mais il semblerait qu’on soit encore loin d’avoir résolu tous les
problèmes comme le montre l’analyse de l’impact des différents dispositifs.
On peut remarquer certes, un certain nombre d’effets ainsi que d’importantes
leçons à tirer des initiatives en cours comme le noterons certains acteurs intéressés par
l’enseignement supérieur, par exemple le fait que quatre des cinq demandes de création
d’établissements aient été reprouvées à l’issue du CNES (Jornal Noticias, 20 octobre
2012).
Mais on attend encore une gouvernance externe qui se montre en état d’agir
comme y a insisté une représentante des associations des jeunes lors d’une session du
CNES. Selon celle-ci des exemples à caractère didactique devraient être donnés avec des
mesures d’impacts pour signaler que les tutelles étaient déjà en train de faire leur travail.
«Il faut tuer une poule devant le singe pour lui faire peur » disait-elle.
On n’est pas allé pour l’heure jusqu’à des mesures comme déterminer l’arrêt des
activités d’un établissement considéré hors la loi, malgré les insistances des uns et des
228
autres pour que cette université confessionnelle basée au nord soit radiée. Toutes les
expertises avaient été concluantes dans ce sens en face des problèmes rencontrés.
Mais proposer la fermeture de cet établissement peut avoir des implications sociales
plus lourdes que le maintenir en fonctionnement avec les problèmes qu’il présente en ce
moment, montrent les intervenants au CNES. Tandis que paradoxalement, les ordres
scientifiques, notamment ceux des médecins et des ingénieurs ont déjà déclaré ne pas
reconnaitre les diplômes d’un certain nombre d’établissements comme celui inspecté à
Beira, parmi d’autres où on a constaté que la médecine était enseignée comme pourrait être
enseignée toute autre discipline universitaire en sciences sociales et humaines, c'est-à-dire
avec un enseignant qui dicte ses notes et sans aucun terrain d’expérimentation.
La loi en soi ne joue pas en faveur de décisions plus draconiennes, quand on sait
que le décret 48/10, relatif au licenciement et inspections de l’enseignement supérieur a
concédé cinq ans aux établissements pour s’organiser avant la mise en place de sanctions à
l’encontre de ceux qui n’observeraient pas les prés requis minimum. « Ils seront assujettis
à des lourdes sanctions allant d’une amende à la fermeture des portes» (Augusto Jone,
ministre de l’éducation, Jornal Noticias, 18 octobre, 2013) mais seulement à partir de
2015.
L’ensemble de mesures annoncées par le Ministre de l’éducation à l’issue du CNES
en octobre 2012 se situent en fait dans le prolongement d’une campagne visant à combattre
l’état d’anarchie dans lequel étaient créés et fonctionnaient un certain nombre
d’établissements au détriment de la qualité de l’enseignement (Jornal Noticias, ibid. ; 25
mai 2012 ; 30 juin 2012, AIM, 26 juin 2012).
Mais les décisions s’annoncent difficiles : qu’en sera-t-il, en effet des étudiants
actuellement inscrits et des parents qui ont déposé l’espoir en la formation de leurs enfants
si on venait à proposer la fermeture d’un établissement et sans que le gouvernement soit en
mesure de proposer des solutions alternatives ? Puis les intervenants au CNES révèlent
qu’on n’est pas à l’abri de convulsions sociales avec ce type de décisions. La société
viendra nous demander des comptes, s’expliquent les responsables de l’enseignement
supérieur.
D’ailleurs, dans cette veine, plusieurs universitaires n’hésitent pas à penser que le
dirigeant qui viendrait à proposer la fermeture d’un établissement n’irait pas sans mettre en
péril son mandat au gouvernement d’autant plus qu’un certain nombre d’établissements
229
associent les intérêts de personnes influentes dans les circuits du pouvoir politique. Il
faudrait en outre, font remarquer les responsables du ministère corroborés par les membres
du CNES, éviter des décisions qui pénalisent et stigmatisent un établissement en
particulier alors que bien d’autres révèlent de semblables irrégularités.
Cela étant, quelques acteurs intéressés par l’enseignement supérieur observent que
les exigences pour avoir une autorisation de créer un établissement, par exemple, ont
monté d’un cran. Mais rien ne peut en même temps assurer la continuité de cet élan si on
regarde un peu en arrière, c'est-à-dire la manière dont l’expansion a eu lieu et sans le
contrôle du ministère de l’éducation.
Ce d’autant plus que l’analyse des interactions même au sein du CNES (Conseil
national de l’enseignement supérieur) révèlent des rudes épreuves par lesquelles doivent
passer les décideurs avant de prendre des décisions drastiques, surtout quand ils se mêlent
d’autres formes d’intérêts et logiques, notamment des enjeux politiques. Des enjeux face
auxquels le ministère de l’éducation, ses acteurs et ses organes de consultation révèlent des
fragilités, parce que le dernier mot ne leur revient pas.
Par exemple, l’université qui se trouvait au premier rang de la liste des
établissements qui devaient être fermés avait été mise dans le collimateur par le ministère
en cours de l’année 2013 et interdit d’accès aux organes de consultation et toute
manifestation tant qu’elle n’aurait pas donné des signes d’amélioration.
Néanmoins, dans un acte interprété comme un manque criant de coordination au
niveau des tutelles, c’est avec regret que quelques membres du CNES ont pu noter que des
figures du gouvernement n’avaient pas refusé l’invitation à participer à une cérémonie de
remise de diplômes organisée dans cette université.
En fait, le ministère chapeaute l’ensemble des politiques, institutions et acteurs de
l’enseignement supérieur. Le CNES n’est qu’un organe consultatif, c'est-à-dire que ses
délibérations ne contraignent pas sans la décision du Conseil des ministres qui tranche en
dernière instance, conformément à la loi. Et même là, les acteurs peuvent toujours avoir
des armes pour luter.
La mise en œuvre de la loi 27/2009 dans une tentative d’alignement des universités
mozambicaines sur le système LMD avec la disparation du bacharelato et fixant la
Licenciatura à trois ans d’études s’est par exemple heurté à des résistances de taille y
230
compris au sein de l’UEM qui a initié la réforme et qui ne tardera pas à la mettre à plat
après la nomination d’un nouveau recteur (Jornal Noticias, 30 juin 2012).
Notons qu’une des principales expressions d’opposition au projet est venue des
ordres scientifiques et professionnels (avocats, ingénieurs et médecins) qui en déclarant
publiquement ne pas reconnaitre la valeur d’un licenciado formé en trois ans s’assumaient
désormais comme un des principaux dispositifs d’évaluation de l’enseignement supérieur à
part entière.
Finalement, La loi reste en vigueur en théorie parce qu’en termes pratiques rares
sont les établissements qui se trouvent à dispenser de programmes sanctionnés par un
diplôme de licenciatura à l’issue de trois ans d’études.
Les expériences ici relevées pour un état des lieux des défis qui s’imposent à la
gouvernance de l’enseignement supérieur annoncent effectivement que les changements ne
vont pas de soi et qu’ « on ne change pas toujours une société par décrets » comme le
montre Crozier (1979).
Par ailleurs nous remarquons l’intervention des principaux acteurs et dispositifs
d’évaluation externe : Le Conseil des ministres qui anime le gouvernement, le ministère de
tutelle, les organes de consultation réunis autour du ministère, les services tels, la DICES,
l’inspection, le CNAQ, les ordres scientifiques et professionnels et les établissements.
Nous avons également un aperçu de leurs interactions en vue de la régulation du système.
Afin de compléter l’état des lieux nous présentons ci-dessous les donnés statistiques
de l’enseignement supérieur avec une incidence sur la qualité à travers une analyse des
ratios enseignants-élèves, du rendement pédagogique en passant par une description de la
typologie des établissements avec leur offre de formation. Nous verrons apparaitre un
nouveau dispositif au sein de la DICES, celui de la collecte des données statiques et qui
constitue en soi un premier moment de l’évaluation
5.1.1 Les problèmes avec les données statistiques sur l’enseignement supérieur
Suite à la disparition du Ministère de l’enseignement supérieur science et
technologie (MESCT) à partir de 2005, le Ministère de l’éducation et culture (MEC) a
repris le relai et publié régulièrement à travers sa direction de coordination de
231
l’enseignement supérieur (DICES) une importante série intitulé « Dados estatisticos sobre
o ensino supérieur em Moçambique » contenant des statistiques et un ensemble
d’indicateurs.
La publication de cette série n’a pas été sans révéler, d’une part, certaines fragilités
de la gouvernance du système et des propres indicateurs relevés, d’autre part. En fait le
système évolue sous les conditions d’une énorme carence d’enseignants compte tenu du
nombre d’étudiants et d’établissements.
Pour répondre à la demande des établissements les enseignants tournent allant
jusqu’à enseigner dans trois ou quatre institutions par semestre en moyenne, au point qu’ils
sont désormais surnommés les professeurs « turbo ». Mais on ne dispose pas d’un système
de contrôle statistique permettant de fournir des informations sur chaque enseignant avec
son identification précise.
Les établissements fournissent seulement des données sur le nombre d’enseignants
qu’ils ont, sur leur niveau de formation et statut c'est-à-dire, vacataire ou à plein temps. Par
conséquent on ne saurait dire exactement combien d’enseignants travaillent dans le
système.
Le département de planification de la DICES semble tout de même faire foi aux
données relatives aux enseignants à plein temps dans le système public mais par
expérience rien n’empêche qu’un enseignant ait un contrat à plein temps et un autre en
régime contractuel dans plusieurs établissements publics à la fois. La loi ne l’empêche pas
mais la mention « contractuel » n’est pas retenue dans l’ensemble des indicateurs de la
DICES.
Ce qui est contraire à la loi, est par exemple une situation où l’enseignant aurait
deux affectations à temps plein dans deux établissements publics tel que le cadastre unique
des fonctionnaires en 2007 a tenté de le résorber dans un projet qui visait également à
mettre fin au phénomène des fonctionnaires « fantômes». C'est-à-dire des personnels
n’existant que sur papier, dans un système maintes fois dénoncé comme matière de
corruption dans la fonction publique et dont l’enseignement supérieur n’était pas à l’abri
comme souligne Brazão Mazula, ancien recteur de l’UEM (UEM, 14 octobre 2012:6).
On ne connait pas le nombre d’enseignants mais un membre du CNES rappelle
que ce sont les mêmes enseignants du public qui dirigent les établissements privés, sans
oublier un grand nombre qui cumule des contrats à plein temps dans les deux systèmes.
232
Ceci étant, Il existe une loi des statistiques au Mozambique comme n’a cessé de le
rappeler avec insistance et de façon didactique le vice-ministre de l’éducation au long des
sessions du CES et CNES réalisées en cours de l’année 2013. Et les services de
planification de l’enseignement supérieur sont reconnus comme une unité statistique par
l’INE (Institut national de statistiques).
Dans cette perspective, les établissements doivent fournir au ministère au 31 mars
de chaque année toutes les données nécessaires à la compilation des indicateurs qui sont
transmis à l’INE à la suite. Or les établissements rechignent à fournir ces informations.
Seulement 60% les avaient fourni selon le rapport de la DICES en novembre 2013.
Nous avons dans ce refus l’une des pratiques que les agents de la tutelle
enregistrent comme une forme de revendication d’autonomie par les établissements et sans
que le ministère de l’éducation ait pu prendre pour l’heure une quelconque mesure
dissuasive.
Mais la récolte des données statistiques représente en soi un premier moment de
l’évaluation. C’est également tout un dispositif qui se construit dans la mesure où l’analyse
des indicateurs retenus permet d’apprécier l’évolution de l’enseignement supérieur,
notamment en termes de nombre d’étudiants, leur distribution par spécialités de formation,
l’évolution des statistiques des d’enseignants, leur niveau de formation mais aussi
l’évolution en termes d’établissements, leur distribution le long du pays, leurs offres de
formation, etc.
Selon les données fournies par les établissements à la DICES en 2013, le système
comptait un total de 9212 enseignants dont 4816 à temps partiel, soit 1572 affectés à
l’enseignement public et 3244 à l’enseignement privé. Sur les 4703 enseignants du public
527 sont docteurs, alors que 1133 ont le Master, contre une majorité de licenciados, 2585,
soit 54%, donc plus de la moitié du corps enseignant.
Nous pouvons voir d’une part la forte dépendance d’enseignants à temps partiel par
les établissements privés, 3244 contre un total de 4509 soit 72 % des effectifs, d’autre part
la grande représentativité des enseignants licenciados.
Ce sont ceux-là même dont on dit qu’ils ne savent pas enseigner qui assurent le
système en fin de comptes, surtout au fur et mesure qu’on va du public vers le privé et du
centre à la périphérie. L’intervention d’un responsable de la planification d’un
233
établissement public semble tout à fait suggestive sur les problèmes de qualité liés aux au
ratio enseignant/ étudiants :
Je vous invite à interpréter les tableaux statistiques. La proportion des enseignants stagiaires et assistants représente 80%. En principe ils ne savent pas enseigner, du coup on ne peut pas parler de qualité. Comparativement avec Maputo, tous les docteurs sont à Maputo dans la capitale mais l’UP se trouve dans toutes les provinces, là où il n’y a pas de docteurs
[Responsable de planification d’un établissement public, entretien n°3]
Quant à eux, les personnels non enseignants, désignés désormais CTA, c'est-à-dire
le corps technique et administratifs est constitué de 6700 personnes dans l’enseignement
privé contre 5032 dans le public, tous les niveaux de formation et catégories confondues.
Horacio Zimba (2010) dans sa thèse de doctorat à l’université de Brazilia nous
fournit en comparant les données de 2004 à 2009 non seulement de grilles de lecture sur
les problèmes qui se posent à l’enseignement supérieur en ce qui concerne les
enseignements mais surtout les bases de comparaison pour pouvoir situer les évolutions les
plus récentes.
Nous retiendrons dans cette lecture l’analyse des principales évolutions non
seulement en termes d’effectifs étudiants et leur distribution par les différentes filières de
formation, mais aussi celles des enseignants avec une incidence sur leur niveau de
formation et les implications pour la qualité de la réussite des étudiants.
Une comparaison avec les données relatives à la période 1999-2002 (MESCT,
2003) lorsque le pays ne disposait que de 10 établissements montre que les établissements
publics continuent de jouer un rôle majeur dans le système. Les effectifs de ceux-là ont
augmenté en effet de 11235 en 2003 à 51001 étudiants en 2007, puis à 123779 en 2013.
Alors que les établissements privés ont également connu une augmentation des effectifs,
passant de 5990 en 2003 à 12415 en 2007 puis à 42203 en 2013.
La contribution des établissements publics se fait le plus sentir dans les domaines
des sciences naturelles et de l’ingénierie où elles vont jusqu’à absorber près de 80 % des
étudiants. Les statistiques de 2012 indiquent respectivement 14303 inscrits en sciences
naturelles, 8306 en ingénierie, 4622 en santé et bien être et 6097 en agriculture, forêt,
pêche et vétérinaire. C’est le domaine où travaille et vit 70% de la population et qui a
continué de stagner à 7% des effectifs au long des dix dernières années.
234
La distribution des étudiants par domaines favorise surtout les sciences sociales et
humaines, droit et sciences de la gestion avec 28132 inscrits dans l’enseignement public et
26251 dans l’enseignement privé, soit un total de 44% des inscrits en 2013.
5.1.2 Pour une typologie des établissements
Les neuf établissements que nous avons observés de près durant l’enquête sont
représentatifs du type d’institutions d’enseignement supérieur qu’on rencontre. Nous
avons d’une part les universités d’Etat comme l’UEM et l’UP établies de longue date et qui
dispensent surtout dans le cas de l’UEM une formation pluridisciplinaire avec une gamme
variée de cours.
Viennent ensuite les universités publiques de création récente comme
l’Unizambèze et l’Unilurio aussi avec une offre de formation variée mais encore limitée et
qui se caractérisent par une forte implantation dans les régions où elles interviennent.
L’Université Lurio tend à s’affirmer en particulier comme une université territoriale au
sens de la typologie proposée par le rapport EVALUE (Fave Bonnet, 2003: 229-30).
Les principaux traits caractéristiques mis en comparaison sont les missions mises
en œuvre, l’ancienneté, la population étudiante, les disciplines et niveaux d’enseignement,
le type d’activité de recherche réalisée, la structure d’enseignement et de recherche, les
moyens en personnel enseignant, les moyens financiers, les rapports au territoire.
Les universités généralistes ont l’ambition d’assurer toutes les missions
assignées par les pouvoirs publics et de répondre à tous les besoins de la société, les
universités de la formation et de la science appliquée montrent l’ambition d’accentuer la
mission de formation professionnelle et technique, de recherche appliquée en relation avec
les entreprises, alors que les universités du développement territorial révèlent plutôt
l’ambition d’accentuer la mission de développement économique et culturel de proximité,
en augmentant le taux de scolarisation. Ce sont des universités plutôt nouvelles (créées
récemment ou ayant acquis récemment le statut d’université).
Alors que les généralistes sont implantées dans la capitale, ou dans des villes
historiques, ou dans des villes à population importante avec une vocation à la fois locale,
régionale, nationale, internationale, les universités territoriales sont à vocation locale et
régionale, développant éventuellement des coopérations transfrontalières.
235
« Programme un étudiant, une famille : Ce programme a pour objectif
central favorisé l'interaction de l'étudiant avec les communautés environnantes, une relation "gagnant - gagnant» pour les deux, ouvrant un espace pour l'étudiant tout au long de sa formation pour aller à la rencontre de ceux à qui il servira à l'avenir en tant que professionnel dans le domaine. L’élève applique ses connaissances, encourage et introduit de bonnes habitudes et pratiques. Le programme s'intègre dans les activités des différents programmes et s’ajuste aux spécificités de chaque formation. Pour les cours de santé par exemple, des étudiants prennent une famille depuis le début afin de transmettre des connaissances de base sur la façon de prévenir les maladies de base. Près de celles-ci les étudiants vont recueillir des informations utiles pour nourrir une base de données permettant de réévaluer les habitudes et proposer des politiques plus saines et humaines adaptées au contexte».
(In http://www.unilurio.ac.mz/unilurio/)
En termes d’effectifs, les universités de création récentes présentent les mêmes
caractéristiques que les établissements que nous considérons à taille moyenne dans le
groupe de ceux à caractère privé, c'est-à-dire entre un peu moins de 1000 et près de 4000
étudiants. On rencontre dans ce groupe l’ancien ISPU, devenu A Politécnica (3608),
l’ISCTEM (1752), l’UDM (970), l’ISTEG (1752) mais aussi l’USTM (3771), l’IGECOF
(3075) et l’ISCTAC (2740), entre autres.
Alors que l’Université Catholique (UCM) avec 15445 étudiants se distingue
comme la plus grande université privée tout en s’approchant en termes de ses effectifs des
caractéristique des deux grandes universités étatiques avec plus de 30000 étudiants
chacune.
Proches du cas des universités publiques de création récente nous rencontrons aussi
les Instituts Polytechniques, les écoles supérieures, les académies aussi de formation
récente à partir de la deuxième moitié des années 2000. Ceux-ci offrent un type de
formation en générale limité à leur domaine de spécialité.
Ce sont en général des établissements de petite taille, c'est-à-dire avec moins de 600
étudiants comme l’Ecole supérieure de Journalisme (233), L’Institut Supérieur
Polytechnique de Tete (149), L’Institut Supérieur d’Administration publique (479). A des
exceptions près, les structures peuvent monter à plus de mille étudiants tels l’Institut
supérieur des sciences de la santé (1550), l’académie militaire (1003) et l’Institut supérieur
des sciences nautiques (1012).
236
On ne voit pas là clairement la distinction entre les enseignements fournis dans une
université et un institut Polytechnique (Narciso Matos et João Mosca 2010; Jamisse Taimo,
2010). La principale différence semble plutôt résider dans les statuts et pré requis
minimum exigés pour le fonctionnement d’une université par rapport à un institut
polytechnique par exemple.
La loi, 27/2009 à travers son décret d’application 48/2010 (MINED, 2012 : 71-93)
tente néanmoins de fixer de manière explicite et contrairement à la loi antérieure un
nombre limite d’enseignants d’un certain niveau de formation, Docteurs et Master affectés
à temps plein, pour pouvoir autoriser l’ouverture d’un établissement avec le statut
d’université. Les établissements sont ainsi rangés par classes, les universités et les
académies militaires et de police correspondant selon ce classement à la catégorie A :
« La composition initiale minimum du corps enseignant des institutions d’enseignement supérieur varie selon la classe à la quelle l’institution appartient, selon le degré d’exigence ou du type de formation supérieure. Le corps enseignant initial des institutions d’enseignement de Classe A est d’un tiers des enseignants nécessaires à temps plein dont la moitié avec la qualification de Docteur. Le Corps enseignant des institutions d’enseignement supérieur des classes B, C, D et E, soit respectivement les instituts supérieurs, les instituts supérieurs polytechniques, les écoles supérieurs d’autres académies est le quart du total des enseignants nécessaires à temps plein, dont la moitié a le niveau des Master ». (Décret N° 48/2010 : 76-77 in MINED, 2012)
Si la loi semble désormais claire et stricte en ce qui concerne le statut des
établissements et les modalités à respecter pour pouvoir émettre un certain type de
diplômes, elle ne résout pas par contre le problèmes des désignations initiales qui ont été
proposées par un certain nombre d’établissements nés en tant qu’universités alors qu’ils se
trouvent encore loin de réunir les conditions requises pour l’être de fait. Tandis que
d’autres nés comme des instituts supérieurs, par exemple peuvent prétendre de fait aux
prérogatives attribuées aux universités.
Dans cette perspective, quelques établissements semblent remplir les exigences en
termes d’indicateurs tels les infrastructures et équipements universitaires mais ont du mal
en contrepartie à garantir l’existence d’une masse critique avec un certain nombre
d’enseignants titulaires d’un doctorat et d’un master à temps plein.
237
Dans un sens comme dans l’autre, cette situation est caractéristique tant des
établissements enregistrés comme instituts que de ceux immatriculés comme des
universités. Notons que seulement 450 mozambicains ont atteint le grade de docteur selon
l’annuaire de Paulus Gerdes (2011 :176).
Le critère de l’existence d’organes de direction de type collégiaux, les conseils
universitaires et les conseils scientifiques ou académiques qui ressort du discours d’un
certain nombre de responsables et universitaires ne parait pas non plus caractériser
beaucoup d’établissements y compris parmi ceux de premier rang par la notoriété qu’ils
ont conquis.
Trois directeurs pédagogiques dans trois établissements que nous avons observés ne
nous ont pas caché que les notions de conseils universitaires et conseils scientifiques ne
faisaient pas partie de leur vocabulaire, réfutant l’idée selon laquelle les structures
organisationnelles des universités publiques à l’image de l’UEM et celles des universités
privées pouvaient être similaires (M. Mario, 2003:96-102).
En général la plupart des établissements déclarent fonctionner selon des règles de
collégialité avec un recteur à la tête d’un conseil universitaire et assistés de différents
organes comme le conseil scientifique ou académique avec des représentants élus. Les
situations sont très variées en pratique.
La presse n’a pas cessé de dénoncer ces trois dernières années des situations de
gouvernement des établissements proches de l’entreprise uninominale avec des décisions
prises unilatéralement par les recteurs.
Ces situations ont d’ailleurs fait l’objet d’un certain nombre d’inspections par le
ministère qui n’insistera jamais assez sur la nécessité d’une mise à jour des organes que les
établissements déclarent en fonctionnement comme garant de l’activité académique en
conformité avec leurs statuts.
Les durées des mandats ne sont pas respectées en général et dans plusieurs
composantes y compris des grandes universités publiques les organes de consultation
internes comme les conseils de facultés ne fonctionnement pas.
Tandis que dans les principales universités, on rencontre les organes de direction
classiques avec un conseil universitaire faisant appel y compris à des personnalités
externes à l’université ainsi qu’à l’ensemble des personnels administratifs et enseignants et
à des étudiants ensemble représentés par des membres élus, puis un conseil académique et
238
un conseil scientifique (M. Mario, 2003, ibid.), les affaires aussi bien académiques
qu’administratives dans les établissements privés sont conduites par un conseil de direction
dirigé par le recteur qui peut ne pas faire partie d’un conseil d’administration qui réunit les
actionnaires, c'est-à-dire, les propriétaires de l’université.
C’est ce modèle de management qui semble prévaloir dans les établissements
privés. Ceux à caractère confessionnel supposent la haute autorité de l’église dans le cas de
l’UCM, représenté par l’archevêque de Beira. Parmi les 44 établissements répertoriés en
2013, 18 sont publics contre 27 privés. La capitale, Maputo accueille le plus grand nombre
d’établissements ou leurs antennes, soit 26 au total.
Une grande nécessité d’interaction s’impose entre les parties prenantes, c'est-à-dire
la tutelle et les établissements afin d’avancer vers le partage d’un référentiel commun en
matière de garantie de la qualité. La direction du ministère n’arrête pas d’insister sur ce
registre en invitant les établissements à revoir leurs statuts ainsi qu’à actualiser les mandats
de leurs organes de gouvernance interne. L’interaction semble être la voix trouvée pour
faire face à un certain nombre de malentendus sur l’autonomie des établissements en
particulier.
5.1.3 Interaction entre les parties prenantes
L’expérience montre effectivement que cette interaction n’est pas toujours facile,
soit parce que les établissements n’adhèrent pas aux réunions organisées par le ministère,
ou ne répondent pas aux sollicitations de celui-ci, soit parce que les établissements
n’obtiennent pas les réponses de la tutelle en cas de demande spécifique. L’interaction avec
le ministère semble donc poser quelques problèmes à mesure que celui-ci va tenter
d’imposer son leadership dans la régulation du système.
On doit s’intéresser également aux rapports entre les différents organes de tutelles
dans leur effort commun de mise en œuvre d’un système de garantie de la qualité, ainsi
qu’aux effets de cette démarche sur le positionnement des différentes parties intéressées.
L’entrée du paradigme de la qualité s’accompagne de l’apparition de nouveaux
acteurs et rapports au sein du système mais aussi de nouveaux défis à l’organisation de la
239
tutelle et des établissements à mesure de la découverte d’un certain nombre d’impasses à
l’application du nouveau cadre normatif.
Parmi les établissements qui déclarent, d’ailleurs dans le respect de la loi, avoir
tenté de maintenir une communication régulière avec le ministère à travers l’envoi de
rapports annuels et la formulation des demandes respectives d’autorisation pour
l’élargissement de leur offre, nombreux regrettent une lenteur ou même une absence totale
de réponse de la part du ministère au point de proposer un système d’autorisation tacite au
bout d’un certain temps sans réponse.
Il arrive en effet dans un sens comme dans l’autre qu’entre le moment du dépôt
d’une demande pour la constitution d’un établissement, son entrée en activité et son
évolution dans le marché il y ait toujours une dynamique mais que les tutelles ne se
trouvent pas en capacité de suivre avec les moyens à leur disposition, actuellement, c'est-à-
dire:
Une équipe réduite à la DICES, seulement 35 personnes, sans toujours le niveau
requis pour traiter les problèmes des universités et sans les compétences pour pouvoir
intervenir dans des établissements qui se veulent autonomes ;
Un conseil national de l’évaluation de la qualité (CNAQ) qui ne disposent pas de
ressources humaines à temps complet et dont l’action ne se fait pas encore sentir ; Une
inspection de type ad hoc en phase embryonnaire;
Un vice-ministre qui rend compte à son propre ministre, qui doit lui-même rendre
compte en conseil des ministres alors que les établissements dirigés en général par des
personnalités avec un certain capital social peuvent toujours imposer leur vœux et dicter la
marche à suivre.
Tel semble être le scenario qui caractérise le fonctionnement de la tutelle et ses
rapports avec les établissements. En plus, l’analyse de l’interaction au sein de la tutelle va
révéler un certain nombre de situations de concurrence entre des entités qui jugent par
exemple que leur travail est en train d’être fait par une autre instance. A la DICES on ne
cache pas la perception que le CNAQ jouit d’un statut privilégié tout en regrettant l’apathie
de celui-ci.
Mais on assiste aussi à une relation conflictuelle entre la tutelle et le CNAQ, celui-
ci étant ouvertement critiqué de ne pas s’investir dans son travail d’évaluation.
L’organisme est dit plutôt engagé dans une lutte pour son autonomie de fait, vis-à-vis du
240
ministère mais sans vraiment avoir fait sentir son action dans les établissements comme le
notent par ailleurs quelques responsables universitaires.
Les réactions du CNAQ se feront sentir à travers une faible présence aux réunions
du CES et du CNES dont il n’est pas membre mais un invité incontournable. La procédure
de création de nouveaux établissements exige un avis du CNAQ, à être remis à la DICES
qui coordonne l’ensemble. Or les avis sollicités mettent longtemps, plus de trois mois
avant de parvenir à la DICES qui ne communique pas formellement avec le CNAQ sans
une homologation de ces actes par le ministre. Inutile d’affirmer qu’une mutualisation des
pratiques parait loin de se concrétiser dans ces conditions.
Cependant que la tutelle règle ces petits conflits, on s’aperçoit que la plupart des
dispositifs de garantie de la qualité sont impraticables dans les conditions actuelles. Par
exemple, compte tenu du nombre d’enseignants disponibles dans le pays, l’application du
décret 48/2010 demeure pour l’heure du domaine de l’idéal tant qu’il n’y aura pas assez
d’enseignants formés au niveau du master et doctorat.
Les données statistiques montrent en effet que les établissements y compris publics,
mais surtout les privés, en province notamment ne parviennent pas à atteindre ces minimas
même avec un recours à des professeurs turbo. Le gouvernement espère y parvenir avec
une politique de formation des enseignants du supérieur en cours y compris en incitant les
établissements à former leurs enseignants.
Les établissements privés, dépendant surtout d’enseignants à temps partiel ont du
mal à suivre cette politique malgré l’ouverture récente de Masters à vocation éducative
dans au moins quatre institutions dont trois basées à Maputo (UDM, A Politecnica, USTM,
UCM).
Le mouvement visant la montée du niveau des enseignants est plutôt suivi, surtout à
l’UEM et à l’UP sachant que ces dernières ont toujours formé par tradition, leurs
enseignants à travers un partenariat avec des établissements au niveau international y
compris dans les anciens pays de l’est, en Russie, en Amérique du Nord, Europe, Australie
et Afrique du sud, entre autres régions du monde.
5.1.4 Points d’interaction, quelques effets d’une démarche d’évaluation
241
L’interaction entre le ministère et les établissements va se faire formellement à
travers un certain nombre d’actes administratifs visant la mise en œuvre de la politique
d’enseignement supérieur. Les parties prenantes vont avoir des contacts directs chaque
établissement individuellement avec la tutelle à l’occasion d’une expertise ou d’une
inspection mandatée par le ministère, ce depuis l’année 2011.
L’interaction va avoir lieu également en grand groupe à l’occasion d’une réunion
national de l’enseignement supérieur (RENES) mais aussi à travers des organes de
consultation où les établissements sont représentés par leurs recteurs directement, ou alors
par les représentants des recteurs (CES, CNES, Conseil des recteurs). Les documents, soit
objets interface qui vont servir à la médiation des rapports sont les lois, les décrets et les
règlements (Valérie Chanal, 2001, 2004).
Pour une analyse des impacts de l’apprentissage organisationnel, nous remarquons
en particulier ceux en lien direct avec la problématique de la qualité comme le SINAQUES
relatif aux évaluations externes et internes des établissements, le règlement de l’inspection
dans l’enseignement supérieur et le SNATCA relatif au transfert et accumulation des
crédits académiques et à la mobilité des étudiants.
Le surgissement de la démarche qualité va révéler ses effets mais sur fond d’un
certain nombre d’ambigüités et d’impasses qui posent de nouveaux défis non seulement à
l’organisation du ministère mais surtout à l’interaction entre les établissements et la tutelle.
D’une part, tous les établissements ne traitent pas les référentiels de l’évaluation de la
même manière d’autant plus que nous sommes en face d’une hétérogénéité de structures et
établissements. D’autre part tous déclarent adhérer aux efforts mis en œuvre par la tutelle
en vue d’un contrôle de la qualité.
Mais les résultats d’une éventuelle inspection par le ministère ou évaluation par le
CNAQ pouvant avoir des retombées négatives sur les établissements, un sentiment de
méfiance va désormais caractériser les rapports entre les parties. Par conséquent, au lieu
d’y voir des apprentissages, on peut s’attendre à des comportements de repli sur soi ou
d’évitement de ce type d’évaluations face auxquelles les acteurs peuvent adopter un certain
nombre de stratégies comme les coalitions notées par (Jasmin Beverwijk, 2005) lors d’une
première tentative d’introduction de la démarche qualité au MESCT (2000-2005).
Par rapport à une démarche consistant à considérer l’évaluation comme une
opportunité de production de nouvelles connaissances et apprentissages, nous avons ici ce
242
que Valérie Chanal (2004) considère comme les frontières et barrières des connaissances.
Par ailleurs, les réactions au paradigme de l’assurance qualité ne révèlent rien de nouveaux
en suivant les expériences relevées après le rapport EVALUE mais aussi d’autres exemples
dans le système grec et britannique (Georges Stamelos et Aggelos Kavasakalis : 79, in
Fave-Bonnet, coord. 2010 ; Reina Fernandez Berrueco e Jake Murdoch, 115-126 in Bedin,
dir. 2009 ; Fave-Bonnet, 2003:320).
Les résultats de notre enquête ne permettent pas cependant de parler de coalitions
mais plutôt de réactions montrant des désaccords entre les parties concernées par
l’évaluation y compris d’un point de vue méthodologique. En fait, le ministère est dans un
combat visant à asseoir le paradigme de la qualité à mesure qu’il tente d’affirmer son rôle
d’autorité de tutelle après une période où les établissements évoluent sans régulation
externe.
Dans une approche à la fois de socialisation des procédures et d’équité comme
explique le vice ministre, la tutelle entend par exemple que tous les établissements doivent
être traités de la même manière, sous peine d’être condamnée de privilégier les uns et de
stigmatiser les autres.
Ainsi dans son exercice d’inspection par exemple ou d’application de tout autre
dispositif la tutelle n’hésitera pas à mettre dans un même panier un établissement se
trouvant dans une « liste noire » avec une université élue au palmarès des 100 meilleures
universités africaines et ayant fait ses preuves dans l’édification du système.
Mais l’initiative du ministère qui pourrait être interprétée comme une démarche
d’innovation visant l’amélioration du système va se heurter aux perceptions des acteurs qui
se jugent en situation de perdre leur autonomie pédagogique conservée de longue date.
Une approche animée de l’idée d’une socialisation des procédures et d’un partage
des apprentissages avec les meilleures pratiques ne va pas en effet sans perturber certains
acteurs au sein des établissements déjà établis qui sentent leur autonomie se réduire
lorsqu’ils se trouvent en l’occurrence soumis à l’obligation de poser une demande pour
créer un nouveau diplôme ou élargir leur offre en conformité avec les exigences des
décrets de loi en vigueur.
Ces enseignements montrent que les premiers effets de la démarche qualité ne se
traduisent pas nécessairement en termes des résultats attendus. Ceux-là peuvent être variés
comme nous l’avons vu avec Pierre Dubois (2008). Pour ce qui est de l’apprentissage
243
organisationnel, cette première étape de l’état des lieux nous indique déjà quelques
difficultés à retracer la cohérence d’ensemble à laquelle on pouvait s’attendre avec la mise
en place d’un dispositif d’évaluation.
Un certain nombre de clivages peuvent bloquer les apprentissages au sein des
conseils universitaires ainsi que dans les instances de tutelles comme le montre
l’expérience de la gouvernance universitaire en France (Musselin, 2001). A plus forte
raison, les interactions entre les parties prenantes et les plus récentes évolutions dans le
système que nous étudions ne laissent pas augurer d’une facilité à observer les effets
souhaités avec une démarche d’évaluation.
En revanche, un certain nombre de changements (sans que nous ne puissions pour
autant les présenter comme des exemples d’effets souhaités avec l’évaluation) peuvent être
observés chez quelques acteurs ou groupes d’acteurs à l’usage des normes et leur
application. Par exemple les témoignages de certains s directeurs académiques dans le
cadre du système d’accumulation et transfert des crédits académiques, quand cela se révèle
possible bien entendu, vont montrer quelques transformations dans la posture de ces
responsables vis-à-vis des programmes de formation.
En effet, face à une nécessité de comparaison des maquettes des cours en vue du
traitement du dossier d’un candidat venant d’un autre établissement par exemple, les
directeurs académiques vont pouvoir situer leurs établissements et enseignements par
rapport à la concurrence et voir en quoi ceux-ci doivent s’améliorer par exemple.
Parallèlement, la préparation pour une éventuelle évaluation externe passant par
l’installation d’une commission d’évaluation interne va conduire les groupes d’acteurs à
s’interroger sur un certain nombre de pratiques compte tenu des référentiels et indicateurs
d’évaluation proposés par le CNAQ ou par l’inspection.
A mesure qu’ils mettent l’accent sur une réflexion portant sur un bilan des forces et
faiblesses de leurs établissements ou composantes, les responsables universitaires vont
s’approprier de nouveaux instruments qui permettent non seulement d’institutionnaliser
leurs pratiques internes d’évaluation mais surtout de les capitaliser.
Cependant les mesures préconisées à l’issue d’une évaluation ne vont pas en contre
partie sans soulever un certain nombre de problèmes. En fait nous assistons à une entrée
en force de l’étudiant comme acteur de l’évaluation dans les établissements privés qui en
dépendent pour leur survie mais en même temps à un affaiblissement de l’autorité des
244
enseignants. Ce qui va inverser les rapports de force au sein des établissements au
détriment de la qualité qui semble être balayée face à des logiques de divers ordre qui vont
être poursuivies dans les établissements. Nous reviendrons plus en détails sur les effets de
l’apprentissage organisationnel dans la gouvernance de l’enseignement supérieur au
chapitre VI.
5.1.5 Rendement pédagogique des étudiants et qualité
123779 est le nombre total d’étudiants inscrits en 2013, c'est-à-dire un peu plus de
20 000 étudiants supplémentaires par rapport aux statiques de 2011.
Bien que ces chiffres témoignent d’une expansion, le taux d’accès à
l’enseignement supérieur situé à 1,9 % reste réduit (Martins, 2011 in Teresa Cruz et Silva,
2011: 217). Avec un total de 42203 étudiants, le nombre d’inscrits dans les établissements
privés représente 34%.
La comparaison du nombre d’étudiants inscrits, des nouveaux entrés, avec celui de
diplômés aux différents niveaux : bacharelato, licenciatura et Mestrado dans la période
2003-2012 révèle un taux de réussite assez bas. Des 17225 inscrits en 2003, seulement
1409 ont réussi avec succès à leur diplômes. En 2007 à peine 4527 étudiants des 63476
inscrits sont arrivés au terme de leur formation. Les statistique de 2011 et 2012 révèlent
pour près de 120000 étudiants une stagnation à un peu plus de 10000 diplômés.
Ces résultats montrent une faible qualité de l’enseignement offert dans les
établissements d’enseignement supérieur (Horacio Zimba, 2010: 75-76), liée à une faible
qualification des enseignants, à des méthodes d’apprentissage inadaptées ainsi qu’à
l’insuffisance en références bibliographiques actualisées, moyens informatiques,
laboratoires entre autres facteurs.
Ces résultats peuvent être aussi le fruit d’un système d’enseignement encore en
construction avec un manque de mécanismes de régulation et de contrôle de qualité.
Des discussions sont déjà en cours par rapport aux instruments régulateurs mais
aussi à la propre réglementation quand le système va être perturbé par un débat que
nombreux jugent inutile et inopportun. Un authentique délire selon un recteur mais qui va
245
disperser les attentions des tutelles. C’est le débat de la loi 27/2009 qui allait consacrer le
processus de Bologne dans le système d’enseignement supérieur.
5.2 Pour ou contre le processus de Bologne ?
Le système d’enseignement supérieur a été l’objet ces six dernières années
d’intenses débats. Ont été en cause et elles continuent toujours de l’être la révision du
cadre réglementaire, des programmes d’études ainsi l’introduction de nouvelles
méthodologies d’enseignement à l’université.
En fait, pour approfondir la compréhension des configurations universitaires qui se
dessinent actuellement ainsi que des rapports au sein des dispositifs de gouvernance un
passage par l’analyse des contours qu’ont pris le débat de la loi 27/2009 est obligé.
La réforme est au centre des toutes les attentions avec, entre autres, les objectifs
suivants : rendre le système plus efficace à travers une réduction de la durée de la
formation en premier et deuxième cycle; mettre en adéquation les enseignements avec le
marché du travail, à travers l’adoption d’une pédagogie axée sur le savoir-faire qui est
nécessaire au développement du pays; améliorer la qualité en augmentant le nombre de
diplômés.
L’évaluation qui est faite par les initiateurs de la réforme part d’un bilan qui indique
d’un côté, des effectifs d’étudiants qui se sont multipliés par 10 en dix ans mais sans
représenter la plus-value que la société pouvait attendre des diplômés de l’enseignement
supérieur aussi bien en terme de recherche et innovation qu’en termes de main d'œuvre
qualifiée.
D’un autre côté, une structure des cycles d’études et des diplômes rendant la durée
des études dès le départ trop longues, cinq à six ans, au minimum pour obtenir une
lecenciatura, sans compter les étudiants dans d’authentiques « cimetières » qui passent
jusqu’à dix ans pour obtenir un diplôme et sans la garantie qu’ils obtiennent un savoir
faire. Cela a un énorme coût pour l’Etat qui finance l’enseignement supérieur et qui se doit
par conséquent d’être réformé. Il y va des indicateurs d’efficacité et efficience dans les
établissements publics notamment.
246
« D’abord il était nécessaire de changer les choses. La reforme des curricula s’imposait. Voyez que les facultés de médecine, ingénierie et d’agronomie et ingénierie des forêts demandaient des changements. En médecine par exemple, il y avait des étudiants avec 10 à 16 de permanence. J’ai dû changer la direction. J’ai fait venir des enseignants qui avaient travaillé avec moi à l’Université Catholique à Beira et le nombre de diplômés s’est augmenté. Dans la faculté d’ingénierie les étudiants se confrontaient à un règlement d’évaluation qui les empêchait de progresser. Nous avons dû introduire de nouveaux modèles plus flexibles. » (Filipe Couto in UEM, 14 octobre 2012 :7)
Par conséquent quelle que soit la spécialité médecine, architecture, droit, etc., la
durée de la formation doit être raccourcie et aboutir à des spécialisations que l’actuel
programme d’études ne permet pas. Un professeur de chimie montre effectivement que les
formations sont trop généralistes et sans aucune spécialisation après cinq ans d’études.
Nous enseignions toutes les spécialités de la chimie: de l’eau, de l’industrie, médicale, pharmacologique, au bout du compte les étudiants connaissaient un peu tout mais sans rien savoir de spécifique, il était temps de changer les programmes.
[Directeur d’un établissement privé, entretien n° 23]
Le projet de réforme est assorti de l’idée d’une méthodologie d’enseignement tout à
fait nouvelle dite PBL que les universitaires mozambicains dans leur majorité vont
découvrir pour la première fois. Cependant des réformes des programmes d’études ont déjà
été essayées dans des établissements privés, tel l’Université catholique (UCM) à la marge
du cadre réglementaire (loi 1/93 ; 5/2003).
Cet établissement a en effet proposé une entrée directe en (Mestrado) Master sans
le passage obligatoire de la licenciatura, alors que cette dernière reste le principal diplôme
de l’enseignement supérieur tant pour entrer dans la vie professionnelle avec un statut de
cadre supérieur que pour commencer à enseigner à l’université.
Cette expérience sera alors mise à profit par l’homme qui va animer la réforme.
D’origine ecclésiastique, l’ancien recteur de l’UCM jouit des liens privilégiés avec le parti
au pouvoir auquel il appartient. Ancien combattant de la lutte armée, le recteur est donc
une personnalité influente dans les circuits politiques. Il quitte l’UCM, puis après avoir
exercé les fonctions d’assesseur du ministre de l’éducation, il est nommé recteur de
l’Université Eduardo Mondlane en 2007.
247
Surnommée loi de Bologne et approuvée en substitution de la loi 5/2003, l’adoption
de la loi 27/2009 actuellement en vigueur apparaît comme une initiative de l’Université
Eduardo Mondlane mais fortement relayée par les autorités de tutelles.
Comparaison de la loi 27/2009 avec le système LMD
Loi 27/2009 LMD
1er cycle: Licenciatura - 3 à 4 ans
2e cycle: Mestrado - 1 à 2 ans
3e cycle: Doutoramento - 3 ans
Tous les niveaux doivent obéir au
nombre de crédits nécessaires
1er cycle : Licence/Maîtrise 3 ans
2e cycle: Master - 1 à 2 ans
3e cycle: Doctorat - 3 ans
Tous les niveaux doivent obéir au
nombre de crédits nécessaires
Adapté à partir de la thèse de Jamisse Taimo (2010:211) ce tableau semble résumer
l’interprétation du LMD en termes de cycles et diplômes par les initiateurs de la réforme au
Mozambique. Nous avons fait exprès de rappeler l’ancienne Maîtrise française dans la
première ligne de la deuxième colonne.
Il y a effectivement dans cette comparaison une fusion d’une troisième année avec
une quatrième année d’études pour former un nouveau diplôme qui correspond à la licence.
Tout indique que le Portugal a opté pour cette interprétation du LMD et on y rencontre
aujourd’hui des établissements qui proposent des programmes de licenciatura en trois ou
quatre ans mais reconnus avec la même validité.
Une comparaison plus ouverte montre cependant que contrairement à la solution
portugaise et à la proposition que le gouvernement mozambicain va faire adopter au
parlement, d’autres pays n’ont pas fusionné la licence et la maitrise ni fait disparaitre cette
dernière qui sera préservée suite au LMD.
On a en France le Master 1 qui joue son rôle de charnière entre la Licence et le
Master et. Elle ne disparaît pas tout comme on Espagne où on maintient un diplôme de
quatrième année le Grado. En Afrique du sud plus proche du Mozambique on a aussi le
Honours Bachelor montrant que les diplômes nationaux ne vont pas disparaître avec le
processus de Bologne.
248
Dans le contexte de la fin des années 1990 la licenciatura s’obtient après cinq ans
d’études et les candidats à un Master dans les systèmes étrangers sont obligés de passer
deux ans ou plus pour l’obtenir, ce qui rend les études encore plus longues pour les
étudiants mozambicains.
Les révisions qui vont avoir lieu depuis les années 2000 vont tenter rapprocher le
système mozambicain des autres et le LMD répond à cette préoccupation. Mais tous les
acteurs n’entendent pas les arguments de la même manière.
Il va y avoir une fissure énorme dans la communauté universitaire avec un groupe
de recteurs certes minoritaires en face du lobby politique de l’UEM, selon un responsable
mais qui lancent des arguments contraires au projet et qui vont peser dans la décision.
Nous n’avons pas été perturbés par Bologne. Non nous avons une grande sécurité, connaissance sur ce qui est le niveau d’enseignement pré-universitaire dans le pays, nous savons les grands problèmes qui affrontent les écoles depuis le primaire jusqu’au secondaire dans le pays, nous avons des étudiants à présent même ici dans la ville à Maputo, il n’y pas tables et sièges à l’école, les curricula scolaire qui change toutes les années, il n’y a pas de stabilité des curricula. Des écoles sans bibliothèque, je ne connais une seule école secondaire non privée qui ait une bibliothèque. Nous avons des écoles sans laboratoire, les enfants de 8e jusqu'à la 12e classe ne vont jamais dans un laboratoire dans les écoles publiques alors vous ne pouvez pas prendre à un enfant comme celui-là et penser qu’il a les mêmes conditions qu’un enfant qui a fait la même trajectoire en France ou en Allemagne au minimum vous êtes un aveugle si vous pensez qu’un enfant allemand qui en première classe sait déjà travailler avec l’ordinateur et envoyer des mail va dans les laboratoires et toutes les choses super avancées si vous comparez ce jeune à un jeune qui fait sa 12e classe dans l’école secondaire de Cumaba où ou il n’y a même pas l’électricité ce n’est pas la peine. Nous pensons, tant que l’Etat mozambicain continuera à mettre à peine des conditions raisonnables à partir des universités, alors quand le jeune entre à l’université il faut lui donner du temps, du temps vraiment d’absorber, ce qu’il aurait pu absorber auparavant.
[Recteur d’un établissement public, entretien n° 21]
Il va y avoir en plus d’un énorme clivage une perception assez négative du
processus de Bologne tel qu’il a été introduit et interprété dans la société mozambicaine
notamment chez de nombreux universitaires surtout liés à l’UEM qui ne veulent plus en
entendre parler.
Cela va néanmoins soulever une autre question relative au modèle qui va suivre
l’enseignement supérieur en période de forte internationalisation sachant qu’il a toujours
249
subi des influences externes, également à la recherche d’une certaine crédibilité voire
d’une sorte de label qualité (Francisco Noa, 2011).
Un dilemme se présente désormais entre les orientations d’un enseignement
supérieur patrimonial c'est-à-dire tourné vers une solution endogène des problèmes et
celles d’un enseignement supérieur qui se réforme en s’ouvrant au contexte international.
Les questions du débat n’ont été posées en aucun de ces termes pour Lourenço do Rosario
(2012).
Le projet de réforme caractérisé par un recteur comme un authentique délire arrive
à un moment où la communauté académique se ressent d’une grande crise d’identité et
que prenait place une réflexion importante non seulement par rapport aux instruments
régulateurs mais aussi à la propre réglementation.
Le projet de réforme venait disperser complètement les attentions de la tutelle.
Pendant que les parties s’acharnaient et que toutes leurs énergies se centraient sur la
réforme le système n’arrêtait pas d’exploser.
Exactement alors, vont apparaitre des EES dans les districts, dans les garages etc. et tout cela, en plus elles faisaient passer des statuts ou n’importe quel EES pouvait enseigner tous les cycles y compris le doctorat. Bologne est perçu négativement dans notre société, ça ne pouvait pas être vu autrement, à mon avis, c’est un délire effectivement que d’avoir voulu l’imposer dans la mesure où nous n’avons pratiquement pas les conditions économiques, ni sociales pour penser comme les européens ont pensé Bologne et cela a contaminé y compris le propre parlement. En face des problèmes qui posaient l’expansion désordonnée du système Bologne était un débat inutile qui est venu nous distraire complètement. La loi de 2009 est le résultat d’un compromis après des fortes négociations. Je voudrais citer Alexandre Meque qui est décédé et qui était le chef de la commission au parlement, c’était un professeur et il a été sensible non seulement aux pressions politiques de l’université Eduardo Mondlane pour accommoder les idées Bolognaises mais aussi à la résistance que nous avons montré aussi bien les privés que les publics, je me rappelle de l’Université Lurio qui est publique la Politecnica et un peu la pédagogique ce sont celles qui ont résisté à ce que dans la loi il figure la consécration de Bologne telle que voulait l’UEM.
[Recteur d’un établissement privé, entretien n° 22]
Dans le stade actuel de développement, les conditions sont jugées inadaptées pour
aligner le système mozambicain au LMD.
On n’est pas tombé d’accord sur la durée définitive qui doit prendre la licenciatura,
d’autant plus que la loi 27/2009 dans une sorte de compromis entre les parties opposées
250
prévoit deux possibilités, soit en trois ans, soit en quatre ans en laissant un vide dont les
implications sont de taille pour les établissements, notamment l’UEM qui va connaitre un
moment de transition turbulent entre des programmes de trois et quatre ans.
Pour les étudiants la situation est encore plus grave parce que le secteur productif
à travers la voix des ordres scientifiques ne reconnait pas un diplôme obtenu en trois ans
comme une licenciatura.
Les arguments d’un programme de formation organisé en modules et orienté vers
l’acquisition des compétences, assorti d’un système d’évaluation basé sur des crédits n’a
pas convaincu un certain nombre d’universitaires et d’établissements qui préfèrent
continuer à organiser leurs cursus suivant des programmes de licencitaura en quatre ans et
non en trois ans comme le préconisaient les initiateurs de la réforme au sein de l’UEM et
relayés par le gouvernement qui propose la loi 27/2009.
Mais la réforme est également assez mal vécue au sein même de l’UEM. Des
enseignants qui démissionnent y compris parmi les membres de la commission de réforme.
Le malaise va atteindre les facultés, notamment celles de médicine et de droit qui sont
contraintes à former des médecins et des juristes, à l’appui de la méthode PBL en trois ans.
5.2.1 La méthode PBL
Le Problem-based learning (PBL) doit venir du Canada, où il a été introduit par
l'Université de McMaster en 1969. Il se serait développé en Hollande sous l’impulsion de
la faculté de médecine de l’Université de Maastricht. Il met en scène de petits groupes
d’étudiants qui à l’aide d’un tuteur réfléchissent à la résolution de cas pratiques.
Ce sont les étudiants eux-mêmes, les principaux acteurs de l’apprentissage. La
différence par rapport à l'enseignement conventionnel provient du fait que le savoir n'est
pas transmis par un professeur mais approprié de manière individuelle par les étudiants.
Pratiquement personne parmi les universitaires mozambicains interviewés n’a su
nous dire avec certitude l’origine de cette méthode qu’un enseignant de médicine
considère, d’ailleurs d’étrange encore dans beaucoup d’établissements à l’échelle
internationale.
251
Après avoir participé à un séminaire organisé par l’Université d’Aveiro au Portugal
en 2010 où parmi les facultés de médecine des pays lusophones représentées une seule
défendait son usage, l’universitaire était définitivement convaincu que le PBL n’était pas
applicable dans l’enseignement supérieur mozambicain comme la plupart des détracteurs
du projet. Par conséquent, l’offensive contre cette méthode va être proportionnelle au
rejet du LMD.
La réforme portée par Padre Couto, ex Recteur de l’UEM, a pêché, à mon avis, pour ne pas tenir compte des réalités locales ainsi que de la tradition disciplinaire de certaines formations comme la médecine dont l’expérience dicte que les étudiants doivent apprendre d’abord l’anatomie et la physiologie du corps humain avant de s’attaquer aux maladies et leur traitement, par exemple. Or le processus de Bologne dans l’interprétation de la réforme proposée envisageait une réduction révolutionnaire de la durée des études accompagnée d’une méthodologie d’apprentissage dite PBL (enseignement basé dans la résolution des problèmes) exigeant des dispositifs pédagogiques comme des laboratoires équipés en nouvelles technologies ainsi que des enseignants qualifiés pour assurer le suivi des étudiants. J’ai pu visiter récemment l’Université de Cambridge qui utilise cette méthode PBL et j’ai vu les difficultés de son application dans un contexte comme le notre. [Enseignant chercheur, UEM, entretien n° 7]
5.2.2 Le PBL, une opportunité pour l’enseignement de la recherche ?
La plupart des enseignants et des analystes dénoncent un système qui n’associe pas
l’enseignement à la recherche et les raisons sont de divers ordres. L’une des principales,
pour beaucoup d’entre eux, est liée au manque de préparation des enseignants même et
puis des étudiants durant leurs cursus pour pouvoir réaliser des travaux de recherche.
Plusieurs témoignages ont montré les lacunes des étudiants en matière de travaux
de recherche. Une comparaison remarquable est celle qui est faite par des anciens étudiants
qui ont poursuivi des études dans des systèmes étrangers.
Contrairement à ce qu’on me demandait à la faculté d’économie à l’UEM jusqu’en quatrième année, à l’Université de Stellenbosch quand je suis arrivé en 2007 on ne m’a pas appris forcément à faire de la recherche mais je me suis retrouvé à devoir fournir beaucoup de rapports en suivant et respectant un certain nombre de consignes. [Ancien étudiant de l’UEM, docteur en économie par une université sud africaine, entretien n° 50]
252
La licenciatura est le diplôme le plus élevé et l’enseignement de la méthodologie m’a semblé assez faible ici. Les profs dictent des notes dans les cours et jamais on nous mettait en situation de faire des recherches, les profs amenaient des fiches mais sans nous demander d’aller rechercher nous même, on n’apprend pas à utiliser un moteur de recherche pour approfondir les sources bibliographiques, j’ai vu une grande différence entre la licenciatura et le Master que j’a passé en France. Au Mozambique on pouvait avoir une orientation, des consignes sur comment faire un mémoire mais sans les questionnements, comment par exemple faire une recherche sur Internet en délimitant le champ? » [Ancien étudiant de l’UP après un Master et sciences du langage à l’Université de Bordeaux, entretien n° 51]
Gilles Cistac dépose ses espoirs dans l’élévation du niveau de formation des
enseignants et dans une pédagogie qui incite à pratiquer la recherche. Il est parmi les
universitaires que nous avons rencontrés le premier à soutenir sur le principe les avantages
de la mise en place à l’UEM de la méthodologie d’enseignement dite PBL, inspirée de
l’Université de Maastricht.
La discussion avec Gilles Cistac a été l’occasion de revenir sur son livre d’initiation
à la méthodologie du droit en cours d’édition. Il nous a livré sa propre perception sur l’état
de la recherche scientifique au Mozambique et sur la nécessité d’insister dans tous les
enseignements sur la méthodologie de recherche.
Son analyse aide à établir une comparaison avec d’autres systèmes éducatifs de part
le monde où l’enseignement de la recherche est plus ou moins présent avec tous les effets
bénéfiques pour les apprenants. Mais sa tentative de lancer les étudiants dans la
méthodologie de recherche ne fut pas sans se heurter à des résistances et il explique
pourquoi.
Les enjeux de l’enseignement de la méthodologie de recherche sont de taille
d’autant plus que le ministère va proposer en conseil des ministres un projet de loi sur le
statut des personnels de l’enseignement supérieur qui fixe les modalités d’évaluation
basées sur les travaux scientifiques réalisées par les enseignants. C’est une activité qui est
déjà pratiquée au sein des établissements, surtout à l’université Eduardo Mondlane dans le
processus de gestion des carrières des personnels enseignants qui va être formalisée par
une loi selon le projet en cours.
En 1993 quand je suis arrivé au Mozambique à la faculté de droit on n’enseignait pas la méthodologie du droit le cours avait été formaté à l’image de la faculté de droit de Coimbra où on n’enseignait pas la méthodologie. En France la
253
méthodologie est enseignée en TD mais dans toutes les disciplines les profs s’efforcent d’enseigner la méthodologie. Il y avait beaucoup de résistance à mettre en place le cours de méthodologie, ce n’est qu’il y 10 ans dans le cadre de la réforme qu’on l’a mise en place. Les étudiants avaient beaucoup de mal avec cette discipline et les notes n’étaient pas bonnes, ils faisaient grève. Placé dans le contexte d’aujourd’hui les nouvelles générations d’étudiants rient des anciens qui ne voulaient pas de méthodologie, ils en voient l’importance. Il est fondamental d’avoir un cours de méthodologie de droit dans toutes les disciplines il faut introduire la pratique de la méthodologie, mais les profs n’ont pas été formé pour être enseignants de droit, ils sont juges, greffier, procureur et pas prof. Ils n’ont pas le profil enseignant de droit. Quand on a commencé à parler méthodologie on vu apparaitre des courants philosophiques sous l’influence des pays des l’est qui venaient enseigner le marxisme et rien à voir avec la méthodologie du droit. En France on enseigne en TD. Je me suis donc battu et on a introduit en 1e et 2e année, mais ce n’est toujours pas suffisant pour écrire un mémoire parce que les étudiants n’ont pas la pratique d’écrire des rapports. [Entretien n° 25]
Le PBL était une sorte de cerise dur le gâteau pour les défenseurs de la mise en
œuvre d’une réforme inspirée du processus de Bologne. Philippe Couto, le recteur, savait
vanter les bienfaits de cette approche d’enseignement après son passage par l’UCM, l’un
des premiers établissements à introduire cette méthodologie dès sa naissance dans les
années 1995.
Une évaluation récente par la direction de l’UCM et restituée par un responsable
pédagogique basé à Nampula a expliqué les raisons de l’abandon du PBL dans ce qui était
le laboratoire au Mozambique. Le principal problème est que le PBL implique une grande
responsabilité de l’étudiant mais qui ne peut pas être assurée si les professeurs n’ont pas le
niveau requis.
Nous assistions à des situations où les enseignants venaient passer leur classe alors que les étudiants se sentaient complètement délaissés à eux mêmes à cause du PBL, c’est pour cela que nous avons dû abandonner. [Responsable pédagogique UCM, entretien n° 8]
Et Gilles Cistac de reconnaitre comme la plupart des détracteurs du PBL un certain
nombre de problèmes qu’il peut soulever. L’enseignant revient sur toutes les conditions qui
n’étaient pas réunies, mais voit dans une telle approche d’enseignement une voie pour la
formation de l’esprit de recherche chez les étudiants.
254
Le PBL s’inscrivait dans cette perspective d’habituer les étudiants à écrire des rapports, mais pour faire du PBL il faut des petits groupes de 20, on ne peut pas le faire à 65, ce n’est pas participatif et sans Internet, dans les conditions du Mozambique les étudiants n’ont pas d’ordinateurs, les bibliothèques n’ont pas assez de matériel ça ne fonctionne pas. A Maastricht au Berceau du PBL ce qui compte ce que les étudiants ont des ordinateurs et accès aux sources électroniques, la qualité des profs compte il faut qu’ils soient hautement formé et disponibles. Ici c’est des turbos qui enseignent dans 4-5 établissements et n’ont pas le temps de s’occuper des étudiants. Le PBL était bon pour le principe mais pas pour les conditions du Mozambique du coup les profs turbo ont saboté le PBL. Le PBL donne l’accès à l’information en autonomie mais sans conditions informatique sans bibliothèque numérique etc. impossible. Par conséquence on voit la grande différence dans la rédaction des thèses, j’ai participé à des jurys dans des universités étrangères, Afrique su Sud, Macau, ou les étudiants sont habitués à écrire des rapports et ont accès à beaucoup d’information. [Entretien n° 25]
Il y a eu moins d’avantages que d’inconvénients concernant l’adoption du PBL à
l’UEM. D’ailleurs sachant l’influence jouée par cette université on pourrait s’attendre à ce
que la méthode s’impose dans tout le système. Plusieurs raisons ont été donc évoquées
pour le refus du PBL.
Le système présente des carences en ressources pédagogiques et enseignants mais
on voit maintenant dans la perspective d’un enseignement supérieur tourné vers la
recherche, des carences en termes de méthodologie universitaire qui renforce les capacités
des étudiants en la matière.
5.2.3 Quelques implications de la réforme
Les implications de la réforme vont être de plusieurs ordres. Par exemple de l’ordre
de l’image et de la notoriété non seulement de l’UEM en tant que matrice des universités
mais surtout de l’enseignement supérieur au sein de la société mozambicaine.
Le devenir des étudiants diplômés à l’issue de trois ans d’études est mis en cause
parce que la société par la voix des ordres scientifiques et professionnels ne reconnait pas
la validité d’un diplôme de Licenciatura obtenu en trois ans. Pris au piège, les étudiants se
montrent d’abord euphoriques face à l’opportunité de pouvoir obtenir un diplôme
prestigieux en trois ans avant d’avouer leur frustration devant la décision des ordres
scientifiques qui contrarie la nouvelle loi.
255
On ne doit pas oublier non plus que le Tribunal Administratif hésite pendant un
certain moment à reconnaitre le bacharelato bientôt disparu, à l’effet de l’insertion
professionnelle de la régularisation des salaires pour ceux qui poursuivaient un parcours
débouchant sur ce diplôme conformément à la loi précédente. C'est-à-dire qu’on n’a pas
prévu des dispositions transitoires pour les personnes qui suivaient un cursus de
bacharelato au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi comme le note une
responsable du ministère.
Il y aura des implications pour tous ceux qui continuent leurs parcours en phase
transitoire mais sans vraiment savoir dans quel modèle ils étaient inscrits tellement les
gouvernements internes aux établissements sont encore indécis entre des programmes de
trois ou de quatre ans, sans oublier que nombreux vont sortir seulement au bout de cinq ou
six ans contre leurs attentes après la refonte des programmes décidée par le nouveau
recteur.
La réforme a des implications au niveau des rapports au sein de l’UEM qui vont se
détériorer entre un groupe dominant qui anime le projet de réforme et un autre groupe qui
ne peut pas se confronter directement à la hiérarchie mais pense tout bas que celle-là n’a
pas lieu d’être. Mais les rapports se détériorent aussi au sein de la communauté
universitaire, entre les établissements même, en présence de deux groupes clivés, c'est-à-
dire ceux qui acceptent d’avancer avec les nouveaux formats et ceux qui préfèrent
continuer à offrir des formations de quatre ans.
Les universitaires vont surtout être marqués par une perception négative du rôle des
autorités de tutelle qui à leurs yeux apparaissent indifférentes au devenir de l’enseignement
supérieur en cautionnant l’approbation du projet de loi.
En revanche la réforme amène sur la sellette d’autres questions que les acteurs
n’osaient pas confronter directement comme le système de cooptation des recteurs qui va
apparaître définitivement comme un thème de débat. Certains universitaires ainsi que des
personnalités intéressés par l’UEM ne cachent pas leur satisfaction envers la décision du
Président de la République de respecter la liste des noms proposés par le Conseil
universitaire lors de la nomination d’un nouveau recteur
Les ordres scientifiques et professionnels ont été reconnus comme des entités à
même d’appuyer la régulation et l’évaluation du système. Les questions d’autonomie,
liberté des universités vont être ouvertement soulevées comme une nécessité pour le
256
développement de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans la
société mozambicaine, tandis que s’accélère le débat sur l’urgence d’un contrôle et de la
régulation des universités comme en témoignent les dispositifs de loi que la tutelle va
mettre en place ces six dernières années.
La société mozambicaine semble en éveil par rapport à ce qui se passe dans les
universités. Une littérature non nécessairement à caractère scientifique traitant des
problématiques de l’enseignement supérieur va éclore de façon significative dans les
journaux mozambicains.
Le départ de Filipe Couto en 2011 et la nomination du vice recteur Orlando
Quilambo au poste de recteur signifiait le retour de l’UEM au modèle de licenciatura en
quatre ans suivi de deux ans pour l’obtention du Master comme le note la presse
mozambicaine quelque peu scandalisée dès la rentrée 2012. La manchette du jornal
Noticias du 30 juin 2012 indiquait l’état d’avancement du processus de réorganisation en
cours à l’UEM. « Rupture avec le modèle de Bologne, l’UEM termine cette année le
réajustement des curricula».
5.2.4 Quelques leçons tirées du débat de la réforme
Les conclusions des débats vont rendre compte d’un certain nombre de problèmes
auxquels se confronte le système y compris du point de vue des notions d’organisation,
gestion universitaire et leadership comme le montrent l’ensemble des témoignages
recueillis et qui sont analysés dans cette section.
Pius Achanga (2012 : 18-19), analyse ces questions d’une manière comparative
montrant que la majorité des 500 universités que compte l’Afrique aujourd’hui souffrent
des problèmes de management, également liées aux modes de désignation de leurs
dirigeants qui ne tiennent pas nécessairement compte des compétences en gestion y
compris dans l’enseignement privé.
Alors que les initiateurs de la réforme vont interpréter le projet comme une
innovation nécessaire, on peut évaluer aujourd’hui cette tentative comme un véritable
échec, montrant d’ailleurs qu’une position politique a priori forte n’est pas le gage de la
réussite d’une innovation (Jean-Yves Prax, 2005).
257
Les débats vont confirmer d’un côté l’idée d’un système où existe une forte
imbrication entre gouvernance interne et externe au point que les deux se confondent. D’un
autre côté, les débats vont confirmer à travers les événements qui suivent que certaines
pratiques de gestion y compris au sein des conseils universitaires des plus grandes
universités mozambicaines méritent d’être interrogées.
Le départ d’un recteur et sa substitution par un membre de son équipe va signifier
l’abandon d’une réforme qui avait été soutenue par l’actuel dirigeant de l’UEM alors qu’il
était vice recteur. En effet, la communauté universitaire se demande par médias interposés
quel était finalement le rôle du conseil universitaire dont l’actuel recteur était membre
quand l’université a décidé d’engager le débat de la réforme.
Les conclusions vont aussi ramener dans l’actualité une fois de plus la grande
question de l’autonomie des universités qui semble souffrir de l’interférence d’un pouvoir
politique et même des agences financières internationales qui dictent les politiques à suivre
dans l’éducation au Mozambique aux yeux de beaucoup d’observateurs qui parlent souvent
d’une main invisible mais qui exerce une forte influence sur le fonctionnement du système.
« L’abandon de la ligne éducationnelle adoptée après l’indépendance ainsi que les nouveaux modèles éducatifs ont des lourdes conséquences. Les étudiants mozambicains se confrontent à de difficultés de plusieurs niveaux tandis que l’enseignement supérieur vise seulement à un diplôme et à meilleur salaire. Nous avons même adopté Bologne en courant vers ce que l’étranger nous dit de faire en jetant par terre ce que nous savions. Véritable lavage de cerveau et promotion de l’ignorance » (Propos de Sergio Vieira, ancien ministre in Jornal Savana, 24 mai 2013:2)
Il y a effectivement chez de nombreux mozambicains la perception que les
problèmes dont souffre l’éducation en ce moment sont le résultat de modèles éducatifs
dictés par les grands monopoles financiers comme le souligne le témoignage de l’ancien
ministre.
Cette opinion est également relayée dans le discours d’un certain nombre de
dirigeants universitaires ainsi que des enseignants-chercheurs s’étant intéressés à
l’enseignement supérieur (Jamisse Taimo 2010 : 210-2014 ; Teresa Cruz et Silva, 2011).
« Les documents officiels tels les plans stratégiques de l’éducation et notamment de l’enseignement supérieur sont chargés d’un langage de la Banque
258
mondiale en termes de financement, gouvernance, développement des curricula, équité » (Jamisse Taimo 2010:213)
Pour un responsable ayant traversé les mandats de trois recteurs sur une période de
dix ans, dans un même établissement, ce ne sont que des spéculations qui ne rendent pas
compte des réels problèmes. Son témoignage est corroboré par un ancien membre du
gouvernement, en l’occurrence responsable d’une université. Pour eux il n’y a pas une
main invisible du pouvoir politique à l’université comme on le prétend.
D’autres observateurs attentifs jugent que même sans une interférence directe la
politique va façonner les comportements au point que les acteurs à qui on confère la
responsabilité de gérer l’académie vont suivre certaines logiques complètement contraires
aux « principes d’université » qui méritent d’être défendus (P. Prado, 2009).
Une impression parmi les plus négatives que la récente réforme semble avoir
laissée dans les esprits d’une majorité d’acteurs de la société mozambicaine concerne
l’indifférence face à des erreurs éventuelles.
Le classement de l’UEM dans le panorama des universités africaines n’a pas
changé. Elle est parmi les 100 meilleures universités africaines selon le palmarès de
l’AUA, à la 27e position en 2012 et à la 32e place selon les dernières publications en 2013,
mais sa notoriété dans la société mozambicaine est aujourd’hui fortement remise en
question.
Nombreux pensent que les autorités de tutelles doivent être en mesure de corriger le
tir quand certains dysfonctionnements se révèlent aussi évidents. Pour d’autres acteurs, il
faudrait un modèle de gouvernance où le recteur soit réellement redevable devant un
conseil et que celui-ci puisse le renvoyer au cas où il gouvernerait mal son université.
(Dubois, Moscati, Boffo, 2008:5)
Au lendemain du départ le recteur affirme en interview télévisée ne pas avoir été
contraint de partir. Il réaffirmera également son engagement pour une réduction drastique
du temps de formation en soutenant le modèle de Bologne.
« Exactement, la licenciatura en médecine par exemple doit pouvoir se faire en trois ans de formation basique, puis suivis de deux ans pour l’obtention d’un titre de Master. Il faut noter que le monde aujourd’hui ne croit plus en un enseignement qui dure long temps. Il faut donc donner des compétences aux
259
diplômés en moins de temps ». (Extrait d’interview de Filipe Couto, UEM, 14 octobre 2012:7)
Un modèle de formation de courte durée mais avec un degré de compétence
reconnue est du ressort des systèmes où l’entrée à l’université, en faculté de médecine
notamment est précédée d’un cursus intermédiaire entre l’enseignement secondaire et le
supérieur où les candidats acquièrent une formation de base.
Tel n’est pas le modèle suivis dans les cours de médecine au Mozambique qui
reçoivent des étudiants en formation initiale comme le montre João Leopoldo da Costa,
recteur de l’ISCTEM en l’occurrence professeur de médecine (CNES, novembre 2013).
Les épisodes de la réforme laissent transparaître l’idée selon laquelle des acteurs se
sont mis à jouer avec l’éducation comme l’indique un membre du gouvernement qui
déclare avoir arrêté d’enseigner à l’UEM à cause de la réforme et des pratiques qui
s’étaient installées dans cet établissement. Les propos d’un autre ancien membre du
gouvernement tentent d’éclairer davantage sur les implications de cette réforme.
La gestion de l’enseignement supérieur doit être aux mains de quelqu’un qui est de l’enseignement supérieur et qui soit un gestionnaire sérieux. On ne joue pas avec les institutions d’enseignement supérieur, toute mauvaise gestion détruit le système pour plusieurs années, dans n’importe quel système d’éducation, cela ne vaut pas que pour l’enseignement supérieur. Le mauvais directeur d’école détruit l’école, non seulement dans le moment où cela arrive, il la détruit pour l’avenir parce qu’après pour récupérer la qualité, les professeurs, la discipline, la culture s’en volent dans l’air. L’enseignement supérieur c’est la même chose, on met un mauvais dirigeant dans une institution non seulement on l’empêche d’avancer comme elle retourne en arrière et ça prend beaucoup de temps à la récupérer. L’UEM est un bon exemple, il suffit d’en parler aux personnes, demandez à l’actuel recteur les difficultés qu’il a maintenant de ramener les professeurs, beaucoup de professeurs seniors sont partis, ça prend plus de dix ans pour former un docteur. Et nous avons perdu des docteurs, cela ne se fait pas, c’est de la mauvaise gestion, on ne peut pas jouer comme cela avec l’éducation. [Ancienne membre du gouvernement, entretien n° 28]
Face à un tel scénario de discorde sur le modèle que doit suivre l’enseignement
supérieur suite à la loi 27/2009 que tout le monde décrie on ne devrait pas s’étonner que
quatre ans un plus tard, c'est-à-dire en 2013 un nouveau projet de loi ait été mis à l’ordre
du jour au sein des organes de consultation du ministère de l’éducation.
260
5.2.5 Un nouveau projet de loi, un cadre réglementaire en constante réformes
La révision de la loi 27/2009 ayant été l’un des principaux sujets des discussions au
Conseil de l’enseignement supérieur (CES) et au Conseil national de l’enseignement
supérieur (CNES) durant les sessions ordinaires réalisées en cours de l’année 2013, avec
même un conseil extraordinaire réalisé le 27 novembre, on doit prévoir en cours de l’année
2014 la discussion en conseil des ministres d’une nouvelle loi de l’enseignement supérieur
au Mozambique.
Le nouveau projet de loi marque un retour à l’ancien système qu’un certain nombre
d’universitaires liés à l’UEM considéraient déjà, du point de vue de l’architecture des
diplômes comme un modèle qui avait été pensé en 2001 pour mettre l’enseignement
supérieur mozambicain en adéquation avec le processus de Bologne.
Dans un retour également perçu comme la vengeance des vaincus de la 27/2009, à
être concrétisé le nouveau projet de loi en cours de l’année 2014 comme laissent augurer
les hauts responsables du ministère, viendra justifier la thèse d’un dispositif réglementaire
instable avec une loi de l’enseignement supérieur qui aurait été modifiée quatre fois en
vingt ans d’existence d’un cadre réglementaire dans le système, c'est-à-dire: (1993, 2003,
2009, 2014).
Du point de vue de la durée des études, un certain nombre de membres du conseil
de l’enseignement supérieur pensent que les établissements n’ont pas encore eu le temps
d’évaluer si un diplômé formé en trois ans peut ou non avoir les acquisitions de celui qui
est formé en quatre ans.
Le nouveau projet résulte selon un rapport (CNES, juin 2013) d’une réflexion
initiée au Conseil des recteurs sur la nécessité de corriger quelques malentendus et
imperfections de la loi actuelle.
Le projet marque en outre un retour en force dans les débats des questions
concernant le principe d’autonomie des universités, identifiée comme l’une des principales
sources des problèmes de l’enseignement supérieur depuis que s’est initié son expansion,
avec la volonté expresse de la tutelle de renverser l’état actuel des choses où les universités
se permettent un peu de tout faire au nom de leur autonomie.
Ainsi le nouveau projet de loi apporte comme innovation la volonté d’éclairer la
fonction de tutelle du ministère de l’éducation ; éclairer la pénombre existante entre
261
l’autonomie et l’indépendance des établissements; Fixer un cadre à l’obligation de
demande d’autorisation à la tutelle concernant toute altération aux documents ayant servi
de base pour la demande initiale d’ouverture d’un établissement ; harmoniser la période de
durée des cycles de formation, afin de faciliter la mobilité académique, l’insertion et la
reconnaissance des qualifications et des diplômés par les ordres professionnels et
scientifiques respectifs (CNES, juin 2013).
Quelques observateurs n’hésitent pas à se demander si on n’est pas en train une
fois de plus de chercher à changer la société par décret avant de faire évoluer les
mentalités. Seules les préfigurations à venir le diront. En tout cas l’expérience de
démantèlement du MESCT et les « valses » qui suivent ont de quoi nous apprendre sur les
épreuves d’une gouvernance qui veut aller au-delà mais qui doit aussi faire face à son
contexte, aux enjeux, aux différentes rationalités qui influencent les résultats des
innovations qu’on essaie de mettre en œuvre.
5.3 L’enseignement supérieur sous les « valses » des tutelles
D’un côté, on remarque un système fortement perturbé durant les dernières années
en raison d’une tentative de réforme qui devait conduire les universités au LMD mais aussi
de l’adoption d’une pédagogie tout à fait nouvelle pour la plupart des acteurs qui vont s’y
opposer.
D’un autre côté, on peut observer un système en expansion avec le nombre
d’étudiants et d’établissements qui augmentent d’année en année. Mais le nombre
d’enseignants ne correspond pas aux besoins de cette expansion tant en termes quantitatifs
que qualitatifs.
On note également un effort des tutelles actuellement aux commandes pour mettre
en œuvre un système de contrôle visant la qualité de l’enseignement alors que les normes
sont loin d’être accomplies dans beaucoup d’établissements. Le cadre réglementaire, trois
réformes en moins de 15 ans révèle également ses fragilités laissant parfois l’impression
d’une tentative de perfectionnement pour changer la société alors que celle-ci ne se change
pas par décret. (Crozier 1979).
262
Afin de compléter notre analyse des principaux dispositifs liés au contrôle de la
qualité, accompagnée d’un état des lieux sur l’ensemble des défis qui se présentent au
système, notre interrogation a porté dans cette section sur l’organisation même des
instances de tutelle en passant en revue les différentes configurations qui ont été mises en
place au sein de la coordination centrale au long des treize dernières années.
En fait la politique d’enseignement supérieur a été dirigée ces dernières années par
un total de quatre ministères dont le MESCT (2000-2005), le MEC (2005-2009) et le
MINED à partir 2010. En réalité, le retour de l’enseignement supérieur dans le giron de
l’éducation n’a pas signifié un total divorce avec le Ministère de la science et technologie
(MCT) qui continuera à intervenir en coordination avec le MINED dans la gestion d’un
ensemble de fonds relatifs aux programmes de recherche et innovation.
Telles configurations s’opèrent sur fond de critiques sur le fonctionnement du
système et sur la qualité de l’enseignement supérieur. Les interrogations qui viennent en
leitmotiv cherchent à comprendre qui gouverne, qui devrait gouverner et comment ?
Quelles sont alors les conséquences des choix qui vont être opérés pour le développement
du système? Quelles représentations se font les dirigeants et les universitaires sur ces
choix ?
Présenté à la fois comme l’un des moments les plus forts de l’histoire de
l’enseignement supérieur l’épisode de l’existence éphémère du MESCT a servi comme
prétexte pour déclencher une analyse de l’interaction entre les différentes parties prenantes
et les apprentissages qui s’en dégagent dans la mise en œuvre des politiques
d’enseignement supérieur.
Notre analyse sera donc dominée par une tentative de compréhension des
motivations qui ont dicté le démantèlement du MESCT et le retour des universités sous la
tutelle du MINED.
La plupart des universitaires est unanime à reconnaitre que l’existence d’un
ministère de l’enseignement supérieur pour la première fois dans l’histoire du pays a
représenté une grande avancée dans la mise en œuvre d’une politique d’enseignement
supérieur science et technologie.
Nombreux s’interrogent, par conséquent, sur les raisons qui ont dicté la disparation
du MESCT en 2005 alors que l’expansion en cours demandait l’existence d’une instance à
même d’imposer en amont une certaine rigueur dans le système de création et habilitation
263
des établissements, suivi d’un contrôle a posteriori. On peut lire beaucoup de spéculations
et diverses raisons sont évoquées.
Pour avoir une synthèse des problèmes posés par la gouvernance aujourd’hui, il a
fallu passer en revue les raisons évoquées. Une analyse des perceptions de quelques acteurs
y compris de personnes liées au gouvernement aide à comprendre l’évolution de la
gouvernance ces dernières années.
5.3.1 Un simple problème d’architecture de gouvernement ?
Tandis que les problèmes semblent être posés en termes d’un choix d’architecture
de gouvernance parmi d’autres existants de par le monde, la confrontation des différentes
visions sur les configurations au sein des organes de gestion centrale de l’enseignement
supérieur nous révèle qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème d’architecture de
coordination mais avant tout d’un problème d’organisation d’un système plus global de
gouvernance d’un pays et avec des conséquences pour la mise en œuvre de mécanismes de
contrôle et garantie de la qualité.
Pour une compréhension des motivations derrière le démantèlement du MESCT,
ainsi que des raisons qui poussent la plupart des acteurs rencontrés à recommander
l’existence d’un ministère uniquement responsable de l’enseignement supérieur, science et
technologie, nous passons en revue une série de témoignages.
Portés par des acteurs, qui ont parcouru les différents niveaux de la gouvernance
universitaire, bien au-delà de l’émotion que suscite le thème de la gouvernance de
l’enseignement supérieur, à l’heure actuelle, les propos peuvent aider à placer le débat au
dessus de la mêlée.
Leurs approches méritent bien d’être confrontées à celles d’autres acteurs au niveau
macro et micro du système. Le débat nous semble enrichissant et fructueux d’autant que
les acteurs pour la plupart laissent tomber les masques et une certaine langue de bois
souvent caractéristique des responsables politiques pour discuter ouvertement un problème
de politique publique qui inquiète la société mozambicaine.
264
Confronter tour à tour les visions de l’universitaire qui accède à l’administration
centrale du système après être passé par la direction d’un établissement a l’avantage de
pouvoir retrouver dans l’analyse les deux faces du système de gouvernance
Honnêtement je crois que ce sont des visons, par exemple le Portugal a de nouveau un ministère de l’éducation et un autre de science toutefois il a eu déjà un ministère de l’éducation qui incorporait l’enseignement supérieur science et technologie. Après comme maintenant il y a eu le ministère de l’éducation, le ministère de l’enseignement supérieur science et technologie. C’est-à-dire que ce sont des visions politiques, c’est la manière dont le leader politique le gouvernement, le parti au pouvoir voit la structure. Pour moi ce n’est pas parce qu’il y a eu ou pas un problème, c’est simplement une approche parce qu’il y a des personnes qui veulent voir l’enseignement supérieur comme une partie du système national d’éducation dans son ensemble. Par conséquent faire venir l’enseignement supérieur au ministère de l’éducation est un positionnement logique. Mais il y a une autre approche que voit l’enseignement supérieur, la science, la recherche et l’innovation comme de la matière grise qui doit être ensemble d’autant plus que l’enseignement supérieur a une dynamique beaucoup plus liée à la science et technologie qu’à l’éducation générale ou technique. [Entretien n° 28]
L’approche des visions politiques fait écho à des comparaisons internationales. Est
sous-jacente l’idée, selon laquelle la gouvernance et l’évaluation de l’enseignement
supérieur en l’occurrence ne peuvent être étudiées sans le recours à une analyse des
philosophies dominantes et surtout des modèles politiques et d’administration en vigueur
dans le système étudié (Lise Demailly, 2001; Christine Musselin, 2001).
D’un point de vue pratique, cela signifie que tout acteur soucieux de l’innovation
devrait au moins maitriser un certain nombre de codes. Mais ce sont justement toutes ces
équations passant par un regard attentif des jeux politiques au sein des institutions qui
paraissent échapper à la compréhension de l’universitaire soucieux d’une cohérence
d’ensemble et motivé par les idéaux de l’innovation.
Ce sont toutes les équations d’ordre politique mais qui peuvent prendre différentes
formes, logiques et rationalités qui semblent mettre à l’épreuve de la réalité la gouvernance
du système avec une distance entre les politiques, les discours et les pratiques (Thévenot,
Boltanski, op.cit).
Cependant que les problèmes liés à la qualité du système ne cessent d’être
soulevés. On regrette des pertes de ressources mais surtout d’un investissement en capital
humain comme le montre l’ancien Président Joaquim Chissano, parce que les diplômés de
265
l’enseignement supérieur n’apportent pas de plus-value au développement du pays (Rafael
Chadreque, 2011).
Un impératif d’évaluation de l’efficacité externe de l’enseignement supérieur
mérite qu’on ouvre une petite parenthèse dans cette section. En réalité, afin de remédier au
manque de ressources humaines qualifiées, on insiste ces dernières années à la mise en
place des formations dites professionalisantes à l’université visant à conférer non
seulement un savoir-faire aux étudiants, mais surtout à garantir leur employabilité.
L’enseignement supérieur, ses programmes d’études et contenus pédagogiques font
l’objet de sévères critiques. Les enseignements sont considérés inadaptés aux besoins du
développement du pays et du marché de l’emploi. On est proche d’une thèse adéquationiste
de la relation éducation emploi (Cédric Frétigné, 2001a, 2001b, 2004), mais qui va être
contrariée d’entrée de jeu par les statistiques du marché de l’emploi au Mozambique.
Le discours dominant insiste sur une éducation en adéquation avec les besoins de
l’emploi, or nous sommes devant deux systèmes irréconciliables, c'est-à-dire le système
productif et le système éducatif, deux systèmes qui suivent des logiques, rationalités et
temporalités différentes.
Cela invite à interroger toutes les sphères, le marché du travail, la formation et
l’emploi pour réfléchir autrement et trouver d’autres réponses sur les problèmes de
l’emploi. On peut en effet, conclure à un faux procès qui est fait par la société aux
politiques éducatives quand on sait qu’annuellement arrivent sur le marché du travail plus
de 100.000 jeunes dont plus de 10.000 diplômés de l’enseignement supérieur (Banque
Mondiale, Maputo, 2011 ; DICES, 2011, 2012).
On peut également conclure à un faux procès fait à l’éducation supérieure quand on
sait que les emplois dans le secteur formel sont rares et qu’à peine 8% des travailleurs de la
fonction publique avaient le niveau supérieur contre une majorité avec le niveau
élémentaire et pré-universitaire, soit 42% et 25% respectivement, selon l’annuaire
statistique de la fonction publique en 2009. Pour donner une autre idée de la situation de
l’emploi, le premier employeur qui est la fonction publique n’atteignait pas plus de cent
quatre-vingt mille fonctionnaires en 2009 (Jornal O Pais, 3 mars 2010).
Cela étant dit, plus qu’un simple problème d’architecture de gouvernance de
l’enseignement supérieur les configurations actuellement en cours semblent en totale
266
contradiction avec la vision politique engagée compte tenu des tendances qui se dessinaient
pour le développement du système et qui s’est conclue par la création du MESCT en 2000
(PEES, 2000-2010).
Le démantèlement du MESCT signifiera ainsi une totale perte d’élan dans la mise
en œuvre des politiques ces dix dernières années en lien avec un agenda de développement
national.
Les travaux de la Commission Comiche s’étaient conclus par un séminaire national réalisé à Chimoio en 1998 et une série de recommandations sur ce qui devait être l’enseignement supérieur. L’une des recommandations visait la création d’une institution qui allait gérer l’enseignement supérieur mais on ne disait pas son statut si ça allait être un ministère ou un secrétariat d’Etat. Parallèlement le ministère de l’éducation a crée une commission pour l’élaboration du plan stratégique. En 2000 le Président Chissano a décidé de créer le MESCT. Le produit que nous étions en train d’élaborer a fini pour avoir sa propre maison, le MESCT. Ce plan proposait plusieurs commandes dont une révision du cadre réglementaire, avec un focus sur les questions de relevance, pertinence et garantie de la qualité mais aussi la création d’organes collégiaux de gestion au sein du MESCT. Il y avait aussi une recommandation sur la réglementation de la loi qui signifiait la création d’autres mécanismes à l’intérieur le SINAQUES, le SNATCA et le QUANQES, c’est á dire une série de règlements qui devaient être élaborés et qui ont été élaborés. Avec la création d’un nouveau gouvernement en 2005 l’enseignement supérieur est revenu à l’éducation… s’il y a eu un retour en arrière ou pas, il ne revient pas á moi d’évaluer cela, je veux simplement dire qu’il est retourné à l’éducation où tous les sous systèmes se trouvent au même endroit et le processus de réforme a souffert un certain revers avec tout ça et aussi en termes de vitesse dans laquelle nous étions qui a diminué. [Haut responsable du ministère de l’éducation, entretien n° 9]
On remarque dans le discours la reconnaissance d’une perte d’élan avec des
conséquences lourdes. Un élan qui va être repris seulement dix ans plus tard alors que les
conséquences associées au vide juridique et au manque d’une instance de contrôle sont
déjà de taille et sans oublier toutes les pertes en termes de connaissances et apprentissages
auxquelles on va devoir faire face avec la séparation des deux ministères.
Mais la seule analyse de l’architecture selon les perceptions des dirigeants ne suffit
pas sans une confrontation avec les idées de ceux qui se trouvent sur le terrain c'est-à-dire
les personnels au sein des dispositifs de gouvernance, les dirigeants des établissements et
les enseignants-chercheurs. Au fur et à mesure que nous descendons vers des niveaux plus
inférieurs de management nous pouvons observer un glissement du discours avec toute une
267
liste de problèmes que l’architecture en vigueur semble soit causer soit ne pas aider à
résoudre.
Parmi les plus saillants des problèmes associés aux configurations en cours rejaillit
d’abord l’idée d’une administration centrale de l’enseignement supérieur quasi inexistante
ou qui n’est pas au bon endroit ou encore qui se présente comme le parent pauvre du
système éducatif. Ensuite l’idée d’un ministère de la science et technologie qui n’a plus de
raison d’être à partir du moment où il est dépossédé de son allié naturel, l’enseignement
supérieur.
Par ailleurs, avec l’architecture actuelle le gouvernement semble s’exposer à la
forte critique selon laquelle il ne se montre pas à travers des mesures tranchantes à la
hauteur pour résorber les problèmes liés à un conflit d’ intérêt entre une approche
économique de l’enseignement supérieur et celle d’une université certes productive mais
avant tout au service de la science et du savoir à partir du moment où les exigences fixées
pour la création d’une université sont comparables à celles que l’on peut demander pour la
création d’une entreprise quelconque .
Il est devenu effectivement courant de croire par exemple qu’il est plus facile de
créer une université qu’un supermarché et avec des possibilités de retour rapide sur
investissement (Lourenço Do Rosario, 2012:93).
Ce qui ne va pas sans suggérer une idée assez négative du travail des universités.
On a effectivement en tête l’idée d’une affaire juteuse où un peu tout le monde peut
intervenir d’autant plus qu’on peut commencer à opérer avec des délais assez courts
comme le souligne un responsable avec toutes les contradictions que cela peut soulever.
Des contradictions entre les capacités existantes non seulement humaines mais
politiques pour développer les normes et la facilité qu’il y a d’ouvrir une université.
Notons que tous les dispositifs qui vont être formalisés à partir de 2007 et surtout en 2010
à travers des décrets de loi datent en tant que concepts du premier plan stratégique de
l’enseignement supérieur en 2000. Il aura donc fallu plus de dix ans pour commencer à les
appliquer et tous azimuts.
En vérité la vitesse n’est pas la même, pour créer une institution il suffit de
venir dire que vous avez de l’argent, des installations et comme les mozambicains veulent étudier, c’est très facile d’obtenir une autorisation six mois après, mais pour créer les instruments il n’est pas si facile. Cela exige d’abord la sollicitation du propre
268
document, l’élaboration du document l’étude jusqu'à ce qu’il soit approuvé en conseil des ministres. [Un responsable du MINED, entretien n° 19]
En contrepartie, pour de nombreux acteurs, les normes qui sont mises sur pied à
toute vitesse ne révèlent que les méthodes d’une administration centrale qui reconnait les
erreurs mais réagit toujours a posteriori. En comparant le temps qu’on a pris pour passer
des concepts aux lois rien ne garantit qu’on ne soit pas de nouveau en face d’une tutelle qui
lance des normes sur le marché dont on sait l’inapplicabilité dès le départ.
Parallèlement aux intérêts économiques que représente l’enseignement supérieur en
lien avec les opportunités qu’offre une montée en flèche de la scolarisation universelle (7
millions d’élèves en 2013) mettant sur le marché une population jeune à la recherche
d’opportunités de formation, les configurations actuelles et leur conséquences semblent se
confondre avec les problèmes d’un pouvoir politique qui interfère dans la vie académique
ne laissant pas selon un grand nombre d’acteurs de marge pour le développement des
établissements, de la recherche et de la liberté des universitaires.
En fait, quand on analyse l’ensemble des discours et la littérature (Teresa Cruz et
Silva, 2011 ; Noa, 2006, 2011) vont être soulevés en filigrane les questions de la liberté
des universitaires mais surtout les questions de savoir qui gouverne effectivement et qui
devait gouverner les affaires de l’académie mozambicaine. Ce qui est en train de se
produire est considéré comme grave.
Il y a d’abord un problème de gestion, qui est train de gérer les établissements
d’enseignement supérieur ? Et à tous les niveaux depuis le recteur jusqu’aux différents échelons ? Comment sont nommés les responsables, par exemple dans l’enseignement public ? Si nous parlons d’autonomie et c’est l’un des principes sacrés de l’université et si nous regardons les universités publiques, c’est le Président de la République qui nomme les recteurs. J’invite à discuter avec Léotard (1985) « la condition post moderne » qui décide sur le savoir et qui sait quoi décider ? Il est au fond est train de discuter et confronter le pouvoir des académies et le pouvoir politique, le pouvoir politique doit prendre ces décisions sur les grandes stratégies, les grandes lignes de développement mais qui décide sur le savoir n’est pas le pouvoir politique ce sont les universités qui décident sur ce qui s’apprend dans l’académie. Le profil des dirigeants va être décisif tant dans les établissements qu’au niveau de la gouvernance centrale, au ministère de l’enseignement supérieur. Je travaille avec le ministère en tant que consultant et j’observe que les ministres ont une vision technique mais ils sont obligés de suivre ce qui est la logique du parti.
[Enseignant- chercheur, entretien n° 14]
269
Le système de cooptation des recteurs suivant le modèle défini depuis
l’indépendance nationale dans une chaîne avec des implications sur les modes de
désignation des responsables des composantes et facultés renforce l’idée d’un pouvoir
politique qui interfère dans l’académie et qui n’est pas en train de suivre les évolutions
dont il est souvent à l’initiative.
Les dispositifs de gouvernance qui vont se développer à partir des concepts
proposés par au MESCT tels le système de contrôle et évaluation de la qualité ayant donné
naissance au CNAQ par exemple risquent de se heurter à l’autonomie des universités avec
les recteurs à l’emporter selon le raisonnement de plusieurs universitaires.
Les recteurs des universités publiques sont nommés par le Président de la
République alors que le Président du CNAQ, un organisme autonome mais sous tutelle du
Ministre est désigné en conseil des ministres. On s’imagine mal le CNAQ s’imposer
devant les établissements dans cet état des rapports de force.
Parallèlement, la DICES est une direction de coordination parce que les universités
sont autonomes. Elle ne jouit pas des mêmes capacités d’intervention qui peut avoir une
direction nationale de l’éducation générale du ministère. Par conséquent cette direction va
fonctionner simplement comme un organe de soutien logistique au cabinet du ministre et
aux organes de consultation.
Elle va être associée à tous les processus conduisant à la création des établissements
qu’elle anime d’ailleurs, elle va également être associée aux activités d’inspection menées
par le ministère mais sans compétence pour dialoguer directement avec les établissements.
Les ministres eux-mêmes sont en situation d’égalité statutaire vis-à-vis des recteurs
nommés par le président de la République. Sans oublier le capital social dont peuvent jouir
certains recteurs d’établissements privés pour balayer d’un revers de main toute tentative
d’emprise sur l’autonomie.
Les acteurs reconnaissent que le système se doit d’être contrôlé et dans le respect de
l’autonomie mais on ne peut pas affirmer que les configurations formelles et informelles
aident à avancer vers un référentiel partagé en ce qui concerne les concepts d’
d’autonomie, liberté académique, régulation etc.
Cela ne peut pas signifier cependant qu’il n’y ait pas de dialogue entre les
universitaires et les organes de tutelle par exemple. En dehors des instances de consultation
comme le CES et le CNES, l’interaction entre ceux-là est faite régulièrement surtout dans
270
le cadre des évaluations et des études qui sont réalisées par le ministère à travers les
diverses commissions impliquant des enseignants-chercheurs.
Mais les impacts d’une approche académique de résolution de problème comme par
exemple proposer un nouveau modèle de formation des professeurs plus adapté au
contextes, etc. ne se font pas sentir comme le révèle un recteur, pour preuve, des critères
politiques qui prennent le dessus quand il s’agit de prendre une décision importante.
Malheureusement les processus de décision en ces domaines, sont trop informés par certaines considérations économiques et financières, puis par un peu d’incompétence, voilà les aspects qui minent le système d’éducation. [Recteur d’une université, entretien n° 21]
5.3.2 L’impression d’une confusion entre politique et affaires académiques ?
Les considérations d’ordre politique semblent toujours l’emporter, à plus forte
raison quand celles-là peuvent également représenter une voie de réussite sociale comme le
décrivent plusieurs observateurs.
On serait effectivement en train de mélanger et confondre la science avec la
politique pour de nombreux universitaires et les exemples qui justifient cette appréciation
sont inépuisables, rappelant au passage la forme comme une série de réformes ont été
pensées avec des rentrées en force assorties de mesures administratives.
La tentative en 2009 d’alignement des universités mozambicaines sur le LMD qui
se soldera par un désastre est un de ces exemples qui continue à marquer les esprits et ne
peut pas échapper au débat. On mélange les genres également quand des responsables qui
devaient s’occuper des agendas de la recherche scientifique en lien avec le développement
du pays se mettent à faire de la politique, tout en rappelant les questions sur le profil du
dirigeant qui doit coordonner les affaires académiques et scientifiques dans le pays : Qui
gouverne le système éducatif et qui devait le gouverner ?
A beaucoup d’égards, les exemples dont témoignent les interactions au sein des
structures de gouvernance semblent loin d’un modèle organisationnel animé par un leader
« travailleur des connaissances » (Peter Drucker ; Nonaka et Takeuchi).
271
La comparaison s’impose d’autant plus que la présente thèse s’intéresse à
l’apprentissage organisationnel mais cette comparaison ne peut pas prendre de sens si on
ne se place pas dans le contexte.
L’entreprise est clairement évaluée par rapport à son efficacité. Des procédures de
concourance poussent les collaborateurs à coopérer et la mutualisation de savoirs permet à
l’organisation d’être « apprenante ». Les dispositifs de gouvernance de l’enseignement
supérieur sont plus difficiles à évaluer par rapport à des produits finaux.
Certes, on note dans les deux cas que les acteurs adopteront toujours des
comportements en fonction des logiques, des enjeux et des moyens dont ils disposent en
tenant compte des philosophies qui peuvent les conduire à différentes formes de
rationalités. Mais la gouvernance de l’enseignement supérieur ressemble clairement à un
espace de jeu politique.
Les causes et les conséquences sont liées avec la politique. A partir du moment où on commence à mélanger les affaires politiques avec les affaires de la vie académique et scientifique les acteurs se mettent à jouer et pas en faveur de la science. On ne trouve pas dans un certain nombre de pratiques au sein des universités la cohérence du message. Les recteurs se présentent plutôt comme de politiciens et très peu comme des universitaires leurs messages semblent s’adresser plus à la classe politique qu’ils essayent de plaire qu’à leurs pairs au sein des établissements. Pareillement pour les responsables en charge de l’éducation ou de la technologie eux aussi adoptent la posture du politique souvent. Il y a plein d’histoires qu’on raconte sur un ministre de la science et technologie avec ses projets des Villes du Millénaire et suivis du fameux DZOVO qu’il disait être le premier ordinateur mozambicain. C’est de la politique. L’idée en soit n’est pas mauvaise, le problème commence quand il dit ça c’est un ordinateur mozambicain. Comment ça peut être un ordinateur mozambicain si toutes les pièces viennent de Chine ? Pour les Villes du Millénaire il suffisait pour lui de contrôler l’agenda des plus hauts dirigeants, les districts et les écoles qui ceux-ci devaient visiter ainsi il pouvait anticiper en installant quelques ordinateurs dans une salle qui allaient être inaugurée en grande pompe. [Enseignant, entretien n°4]
Nous venons de voir à travers l’analyse des représentations d’un certain nombre
d’acteurs les conséquences des choix en termes de modèles de gouvernance du système. En
comparant les objectifs assignés à l’enseignement supérieur et en nous associant à
l’ensemble des témoignages ici analysés il semble qu’on est loin de rencontrer une
cohérence d’ensemble avec des effets d’apprentissages qui portent sur l’amélioration du
système, a priori.
272
On ne peut pas pour autant affirmer qu’il n’y a pas d’apprentissages dans le
système, mais certains acteurs paraissent plutôt occupés à autre chose sauf dans un
exercice de collecte, diffusion et partage des connaissances. Ils semblent occupés à autre
chose, sauf à réfléchir sur des nouveaux « insights » et à « apprendre comment améliorer
le système » au sens des indicateurs que tout analyste de l’organisation apprenante pourrait
vouloir relever.
En pratique, les établissements veulent fonctionner et avec peu ou sans régulation.
L’autonomie doit ainsi être sauvegardée. Une réussite sociale rapide étant possible en
passant par les réseaux politiques, cette stratégie tend à attirer les enseignants-chercheurs
de plus en plus dépourvus de leur liberté académique jamais retrouvée si on suit les étapes
de l’évolution du système d’enseignement supérieur.
Cela étant, quelles ont donc été les motivations au démantèlement du MESCT ?
Tous les problèmes de l’enseignement supérieur aujourd’hui, ainsi que les configurations
qui vont se produire, à la suite de la disparition du MESCT paraissent s’inscrire dans un
objectif d’expansion déréglée mais programmée (Lourenço do Rosario, 2012:93).
5.3.3 Le démantèlement du MESCT
En fait, bien qu’insuffisante, c'est-à-dire sans décrets d’applications comme le
montre Lourenço do Rosario et les témoignages obtenus, la loi de l’enseignement supérieur
dès son origine (1/93, 5/2003) demeure assez précise sur les principes de base qui devaient
orienter le fonctionnement du système.
Mais il arrive que les acteurs profitent des brèches liées au manque de décrets
d’application pour avancer vers l’expansion de l’enseignement supérieur à la marge de la
loi. Par conséquent en face des intérêts qui animent ces acteurs-là, le contexte ne semble
pas se prêter à l’existence d’un organe de régulation et contrôle comme pouvait l’être le
MESCT. Surtout aux yeux d’un groupe particulier de responsables universitaires qui se
sentent perturbés par un certain nombre d’interventions du ministère.
D’abord il y a la question du financement des établissements. Les plus grandes
universités dans le cadre de leurs projets de développement institutionnel vont négocier des
273
financements directement avec les bailleurs, notamment la Banque Mondiale, comme nous
l’avons vu au chapitre précédent.
Avec l’existence du MESCT c’est celui-ci qui reçoit les fonds et procède à une
redistribution moyennant des contrats programmes. Est également créée un fonds
compétitif dont les établissements privés peuvent bénéficier. L’intervention du ministère
dans le financement ouvre donc un précédent majeur.
Ensuite, plusieurs établissements comme l’UEM avaient été mis dans le collimateur
sur des questions sensibles comme les fameux quotas du Recteur Mazula pour faciliter
l’entrée à l’université des étudiants originaires des provinces du nord notamment où la
qualité de l’enseignement est beaucoup plus faible qu’à Maputo et dans le sud où sont
concentrées les meilleures écoles. L’UCM avait fait l’objet de visites du MESCT à propos
de sa décision unilatérale de proposer un Master sans un passage par la Licenciatura. Les
interventions du ministère perturbent les recteurs au point que les parties commencent à se
méfier.
Ces épisodes vont corroborer la thèse des coalitions dans l’enseignement supérieur
(Jasmin Beverwijk, 2005). Connaissant le capital social que détient un certain nombre de
responsables universitaires, on ne devait plus s’étonner de la disparition du MESCT dans le
format où il était initialement conçu. De plus il y a une liste d’attente des nouvelles
demandes d’autorisation d’ouverture d’établissements sans oublier qu’un certain nombre a
fait l’objet d’un refus par le MESCT.
Un enseignant chercheur pense que la première université n’avait pas vraiment à
perdre dans la lutte que le MESCT était en train de mener, mais qu’elle va participer à
l’alliance et asseoir son leadership en face de la plupart des établissements nouvellement
nés. Il conclura que les intérêts dictent toujours les comportements des hommes qui vont
« s’allier au diable pour servir Dieu ». Un proverbe digne de la sagesse de Sun Tsu (in
Pierre Fayard, 211:158) et qui parait en dire assez.
En fait la mise en place du MESCT n’a pas en été sans causer des disputes. Il y eu
beaucoup de disputes parce que des acteurs ont eu l’impression que le ministère voulait
commander.
La première réaction à la création du ministère a été plutôt hostile, d’autant plus
qu’on identifiait la ministre à la figure du vice-recteur qu’elle avait été, une femme, jeune
également qui allait leur enlever l’autonomie.
274
Par conséquent la conduite du mandat de ce ministère va être difficile surtout
durant les premières années.
Le MESCT devait vraiment montrer que son rôle n’était pas celui de contrôler les
personnes, mais d’apporter une vision nationale et la fonction de l’enseignement supérieur
dans cette vision nationale, en créant des mécanismes pour aider le gouvernement, l’Etat et
la société par conséquent à avoir une façon d’évaluer l’enseignement supérieur,
l’investissement public, l’impact qu’il peut provoquer à travers les universités et les centres
de recherche. Mais les autres parties intéressées ne partagent pas la même démarche. .
Les extraits d’entretiens dans cette section en disent assez long sur les perceptions
des acteurs, sur le fonctionnement du système, sur les conséquences des configurations en
vigueur pour l’amélioration de la qualité mais aussi sur les questions d’autonomie des
universités, la liberté académique.
On apprend aussi tout autant sur les problèmes liés au secteur de la science
technologie, recherche et l’innovation qui semble pâtir dans un modèle dominé par
l’autorité du pouvoir traditionnel au détriment du pouvoir académique et scientifique. Une
démarche incompatible avec les fondements de l’université selon Humboldt (Beaud,
Guyaux et Portier in P. Jourde 2007: 32-36).
Avec l’évaluation, on rentre dans le domaine du débat sur les valeurs, on apprécie
en même temps la valeur d’un système. On saurait dans une démarche d’argumentation
philosophique (Olivier Reboul, 2011: 6-14) présenter tous les contre-exemples par rapport
à ce que la société souhaite en premier lieu mais sans pouvoir nécessairement indiquer les
exemples des bonnes pratiques.
Le profil de l’idéal type d’un recteur ou d’un dirigeant du système universitaire
nous a été proposé au long de l’enquête. Il est à beaucoup d’égards semblable à ceux qu’on
trouve dans les livres du management mais de très rares exemples de ce que devrait en être
les bonnes pratiques nous ont été proposées sur la gouvernance des universités, sur les
établissements, sur leurs enseignements, etc. soit par humilité, soit par réalisme des acteurs
que nous avons rencontré.
275
5.3.4 Quelle structure de coordination pour l’enseignement supérieur ?
Il semblerait que la solution du débat reste encore loin d’être trouvée et sur le
profils des dirigeants qu’on souhaite vraiment pour diriger le système universitaire et de
recherche et sur les modèles de gouvernance qui devraient s’imposer compte tenu du fait
que dans un sens comme dans un autre le contexte, la philosophie dominante, l’interaction
entre les acteurs peut toujours dicter la suite des événements.
Il faudrait avoir dans la conscience aussi que les acteurs évoluent beaucoup en
fonction des contextes et des enjeux. Entre le discours et la pratique, on voit toujours une
différence lorsque certains acteurs passent d’une position à l’autre dans l’échiquier
organisationnel ou dans un système politique.
Il faut sortir l’enseignement supérieur du MINED qui a déjà beaucoup de
problèmes à résoudre dans l’enseignement primaire et secondaire. Il faudrait un secteur qui gère spécifiquement l’enseignement supérieur, cela pourrait donner plus d’accélération dans l’implémentation des mécanismes d’évaluation, suivi et inspection de la qualité. [Entretien n° 3]
Beaucoup d’acteurs font les vœux et avec beaucoup d’émotion, d’ailleurs pour un
retour de l’enseignement supérieur dans le giron de la science et technologie, mais
personne ne saurait garantir que ce soit la meilleure de toutes les solutions aussi bien pour
les parties prenantes que pour l’amélioration du système.
Par conséquent nous ne devrions pas nous arrêter à cet état des lieux sur les
modèles de gouvernance de l’enseignement supérieur à ce que certains peuvent considérer
simplement comme des spéculations ou du sens commun.
Nous avons vu en effet les différentes configurations avec les problèmes qu’elles
posent au développement du système surtout lorsqu’on a l’impression que l’enseignement
supérieur n’est pas à sa place ou que le ministère de la science et technologie n’a plus de
raison d’exister s’il n’est pas associé à son allié naturel.
Mais les vœux formulés par les uns et par les autres n’assurent pas nécessairement
la résolution des problèmes dans le sens que l’entendent les acteurs. Donc la conclusion
que nous proposons invite à placer les débats à un autre niveau de réflexion en évitant de
tomber dans les excès et les passions que le thème suscite.
276
Les propositions des acteurs ayant évolué dans le système à divers niveau de la
gouvernance et avec une certaine expérience internationale reconnue semblent apporter
quelques éclairages pour des futures réflexions sur les modèles de gouvernance du
système. Nous déroulons ci-dessous une synthèse des recommandations que le débat
semble suggérer dans ce sens. Il faudrait parvenir à un compromis entre les différents
modèles existants compte tenu de l’expérience internationale et du contexte au
Mozambique
Pour la coordination du système tel que la situation se présente aujourd’hui, c'est-à-
dire avec deux ministères séparément, cela ne devrait pas poser des problèmes a priori. Il
semble plus facile et l’UNESCO le recommande comme l’indique une responsable que
l’enseignement supérieur soit une partie intégrante des politiques et du système national de
science, technologie et innovation parce que c’est là où il y a de la recherche effectivement
où nous trouvons le capital humain, où les personnes vont transformer les choses à travers
la connaissance.
C’est dans les universités qu’on fait de la recherche, le développement
technologique et l’innovation. Ce modèle dans lequel la science et l’enseignement
supérieur sont ensemble apparaît tout à fait recommandable surtout dans les pays où la
science doit être vraiment une base pour le développement national.
Maintenant, vu que les universités sont autonomes, elles peuvent répondre
clairement sur certaines questions au ministère de l’éducation mais sur d’autres aspects au
ministère de la science et technologie. Les agendas de la recherche ce n’est pas le ministère
de l’éducation qui approuve donc d’une certaine manière les deux ministères ont cette
prérogative d’influencer.
Quant à l’impression d’un ministère qui devient orphelin, celui de la science et
technologie lorsqu’il est dépossédé de l’enseignement supérieur, c’est là aussi une question
que peut être résolue en trouvant des mécanismes de coordination entre le ministère de
l’éducation et le ministère de la science et technologie.
Cela devrait être possible à travers des passerelles entre par exemple les organes de
consultation des deux ministères sachant que l’enseignement supérieur continue à être
représenté au conseil national pour la science et technologie.
Ce n’est donc pas un divorce mais une autre manière d’organiser le gouvernement à
laquelle on assiste. D’autant que cela peut poser des défis d’un côté mais apporter des
277
avantages d’un autre côté. Donc l’actuel modèle ne peut pas être interprété comme un
manque d’intérêt pour les affaires de l’enseignement supérieur d’autant plus que celui-ci
conserve son autonomie différemment des écoles de l’enseignement général où le
ministère de l’éducation intervient directement.
Concluons avec Christophe Charle, professeur d’histoire contemporaine à
l’Université Paris I, qui indique dans une conférence sur les réformes des université tenue
le 13 mars 2014, que les réformes sont faites de clivages entre des acteurs, des institutions
aux logiques et philosophies différentes. Ainsi une réforme doit être corrigée et évaluée en
permanence.
Les recompositions qui se produisent peuvent être souvent les résultats d’un
manque d’aboutissement des effets recherchés. Il notera par exemple que mai 68 est le
résultat d’un certain manque d’intérêt pour la vie universitaire, la société se montrant
souvent malthusienne vis-à-vis des jeunes générations à qui on ne veut pas laisser
d’espace.
Ce manque d’intérêt pour la vie universitaire apparaît aussi pour le conférencier
associé à un clivage, accompagné d’une sorte de mépris entre les élites universitaires et les
nouvelles élites politiques qui ne sortent pas des universités mais des grandes écoles et qui
sont aux commandes mais sans vraiment connaitre les universités.
Les enseignements ci-dessus paraissent d’une grande importance pour accompagner
les évolutions de l’enseignement supérieur mozambicain qui se montre aussi le centre de la
lutte de classes en quelque sorte entre ceux qui embrassent une forme de militantisme
partisan et qui représentent dans le subconscient de nombreux acteurs une voie de la
réussite sociale et ceux qui se montrent indifférents de la vie politique et souhaiteraient
pouvoir jouir d’un espace de liberté à l’université pour produire et innover.
Au long du chapitre qui s’achève nous avons dressé l’inventaire des principaux
dispositifs de gouvernance externes et internes en présentant un certain nombre de défis
liés à un système de contrôle et garantie de la qualité que les tutelles s’attèlent à mettre en
place depuis 2008 avec la création du CNAQ et surtout à partir de 2010 avec la
formalisation d’un ensemble de dispositifs.
Nous avons vu en analysant les configurations les plus récentes un certain nombre
de problèmes que peut soulever cette démarche en face d’une certaine interprétation de la
278
notion d’autonomie par les établissements qui se développent dans la plupart des cas à la
marge des normes et d’une régulation centrale. En plus nous avons pu observer la façon
dont le système va être perturbé par le débat de l’introduction du processus de Bologne
alors que la priorité restait celle du contrôle et régulation du système selon la plupart des
universitaires rencontrés.
Mais en regardant un peu plus en arrière nous avons pu également observer
comment les clivages entre la tutelle et les établissements avaient miné dès le début des
années 2000 une entrée plus rapide du paradigme de la qualité dans le système.
Ainsi, il s’imposait d’abord de s’intéresser aux apprentissages que les épisodes les
plus récentes ont fourni aux principaux protagonistes. Une des formes d’apprentissage les
plus performants selon David Garvin (2003) consiste à apprendre à partir des échecs.
Néanmoins peu d’acteurs dans les organisations s’y intéressent. Il y en a d’ailleurs qui ne
veulent même pas en parler comme un certain nombre de responsables de l’UEM en
l’occurrence après Bologne.
La tentative d’analyse des effets de l’évaluation vers laquelle nous nous
acheminons en vue d’une réponse à la problématique posée dans cette thèse est donc à
situer dans une démarche de renouveau au sein de la gouvernance du système après
presque dix ans d’une crise d’identité de l’enseignement supérieur.
279
CHAPITRE 6. L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR A
L’EPREUVE DE L’APPRENTISSAGE
ORGANISATIONNEL
Après une tentative d’analyse des différents dispositifs d’évaluation dans
l’enseignement supérieur mozambicain, nous voilà dans une sorte de retour sur la
problématique et les hypothèses formulées en introduction reposer les principales questions
de recherche qui ont servi de fil conducteur de la réflexion que nous portons dans cette thèse.
Nous voici donc à l’heure du bilan sur les effets de l’apprentissage en vue de l’amélioration
du système.
Dans cette perspective, il s’agira d’une part d’analyser les perceptions des acteurs sur
le fonctionnement de la tutelle afin de déterminer la façon dont celle-ci contribue à la
construction d’une cohérence d’ensemble dans la mise en œuvre d’un système de contrôle et
garantie de la qualité. Il s’agira d’autre part de vérifier dans quelle mesure la gouvernance
externe apporte des effets sur les pratiques de management au sein des établissements.
Finalement, nous nous intéressons aux facteurs qui semblent faciliter ou limiter
l’apprentissage organisationnel en nous interrogeant sur la nature des apprentissages observés
ainsi que sur les acteurs et éléments du système sur lesquels vont porter ou non les impacts.
Dans ce travail qui nous conduit vers les principales conclusions de la présente thèse,
nous conservons la même démarche de départ, c'est-à-dire, rechercher la photographie du
fonctionnement du système à travers l’analyse des pratiques liées à l’évaluation au sein de la
tutelle et dans un total de neuf établissements observés de plus prêt.
C’est donc par rapport au fonctionnement du système d’enseignement supérieur dans
son ensemble que cette thèse propose un bilan à l’aune de l’apprentissage organisationnel.
Le profil de la plupart des nos interviewés se prêtait à la démarche d’une part en raison
de leur longue expérience, d’autre part en raison de la forte mobilité au sein du système
facilitant une vision de ce qui se passe dans les établissements par rapport au fonctionnement
de la tutelle, sachant en plus l’interaction assez rapprochée entres les acteurs de la
gouvernance externe et interne.
Mais avant d’engager la discussion, les démonstrations et les conclusions sur les effets
de l’apprentissage organisationnel dans l’enseignement supérieur nous proposons non
280
seulement de redéfinir ce à quoi elle se rapporte mais surtout rappeler le cadre d’analyse sur
lequel va s’appuyer notre bilan.
6.1 L’apprentissage organisationnel dans l’enseignement supérieur
L’apprentissage organisationnel a été défini par différents auteurs dont (Peter Senge,
Nonaka et Takeuchi) entre autres comme le principal avantage compétitif des entreprises à
l’ère de la société de la connaissance. Dans la même veine (Arie de Geus, 1988, cité par
Probst, Gilbert et Büchel, Bettina1995:V) affirmait que l’apprentissage est le seul avantage
concurrentiel de demain.
Ces auteurs vont montrer l’importance du management des connaissances qu’ils
placent donc parmi les modèles que les organisations devaient à tout prix adopter sous peine
de disparaître dans un contexte de concurrence extrême.
« Les organisations qui ne traitent pas de manière active les aspects de l’apprentissage organisationnel et qui ne participent pas à l’élaboration et au développement de leurs potentiels de croissance risquent à court terme de faire partie du groupe des perdants ». (Probst, Gilbert et Büchel, Bettina, 1995 : V)
L’état des lieux semble nous indiquer dans la direction d’un certain bilan conduisant à
dire qu’il n’y pas d’apprentissage dans le système objet d’étude. Cela risque d’être une
conclusion précipitée lorsqu’on n’a pas posé la question au bon endroit.
En fait les réformes qu’on a essayé de mettre en œuvre depuis les débuts des années
2000, dont un système d’évaluation de la qualité qui va être institutionnalisé au cours de ces
six dernières années, ne peuvent pas être considérées comme un exercice vain. Il y a toujours
des apprentissages dans un processus.
Ce qui se doit d’être reposé comme question est celle de savoir quels sont les impacts
de l’évaluation sur l’amélioration du système dans son ensemble, sur l’amélioration des
établissements à un niveau plus intermédiaire et sur les composantes, les groupes et les
individus à un niveau micro.
Pour pouvoir apprécier de façon plus objective et complète les effets d’une politique, il
s’avère toujours plus intéressant d’observer le système analysé après une période assez longue
281
d’au moins cinq ans qui laisse le temps à l’action de pouvoir aboutir à une certaine
maturation. Ce n’est pas le cas de l’enquête que nous avons réalisé en trois ans.
En fait l’étude arrive à un moment où on commence justement à discuter les questions
de la qualité de façon institutionnelle avec la formalisation au cours de l’année 2010
notamment des principaux instruments. Du coup les acteurs ne pouvaient pas se prononcer en
termes de bilans, mais de quelques indications en vue de ce bilan à travers des pronostics
compte tenu de leurs propres expériences dans le système. Par conséquent le bilan qui peut
être ici analysé ne peut pas être lu au-delà de ce que le contexte donne à lire avec les
structures qui se préfigurent entre 2012 et 2013.
Une entrée par les théories de l’apprentissage organisationnel révèle des carences pour
appréhender le fonctionnement de l’enseignement supérieur. Pour être valable nous proposons
de l’inscrire dans une approche pluridisciplinaire mobilisant surtout la comparaison en
sciences de l’éducation (Fave-Bonet, 2010; Lise Demailly, 2001 ; Musselin, 2001 ; Louis
Porcher 2008), l’analyse stratégique et systémique en sociologie des organisations (Crozier et
Friedberg,1977; Bernoux, 2004) et un cadre analytique de la gouvernance (Moreau Defarges,
in Thomas Mouries, 2003 ; Alain Bouvier, 2012 ; Marc Hufty, s.d.; Moreau Defarges, s.d.)
Nous nous sommes longuement attardé sur les définitions qui suscitent le concept
d’apprentissage organisationnel mais aussi sur les disputes et désaccords avec les principaux
auteurs cités dans la littérature (Nonaka, Senge, Garvin, Prax) incapables de proposer une
définition acceptée à l’unanimité.
«Un lieu où les gens étendent continuellement leur capacité à créer des résultats qu’ils désirent vraiment, où des modes de pensée nouveaux et étendus sont encouragés, où l’inspiration collective est libre, et où les gens apprennent continuellement à apprendre ensemble» ; « organisations créatrices de connaissances, lieux où l’invention de nouvelles connaissances n’est pas une activité spécialisée mais une façon d’agir, d’être, au sein de laquelle chacun est un artisan de la connaissance ». (Baumard, 1995, op.cit)
Lorsqu’on tente de matérialiser l’apprentissage dans les systèmes et organisations, la
plus grande critique qui est faite à l’apprentissage organisationnel reste sans doute ce que
Philippe Baumard (1995) considère comme une organisation idéalisée, celle révélée par
Senge et Nonaka et sans rien à voir avec les jeux de pouvoir typiques qui déchirent les
espaces de travail :
282
Nous comprenons l’apprentissage organisationnel comme l’élargissement et le changement du système de valeurs et de connaissances, l’amélioration des capacités de résolution de problèmes et d’actions ainsi que le changement du cadre commun de référence des individus à l’intérieur d’une organisation. (Probst, Gilbert et Büchel, Bettina, 1995 :15-16) ;
Par création des connaissances organisationnelles nous entendons la capacité
d’une entreprise dans son ensemble à créer de nouvelles connaissances, à les diffuser en son sein et à les incorporer dans ses produits et systèmes. La création de connaissances organisationnelles est la clé par laquelle les entreprises japonaises se distinguent en matière d’innovation. Elles sont particulièrement performantes dans la réalisation d’innovations continuelles, incrémentales et en spirales. (Nonaka et Takeuchi, 1997:22)
Plusieurs définitions existent, elles mettent en scène des acteurs qui travaillent au sein
des organisations à la création et diffusion des connaissances nouvelles. Des travailleurs de la
connaissance qui œuvrent au développement de nouveaux cadres de référence afin de faciliter
le changement organisationnel et l’innovation en fin de compte.
Toutes les approches sont acceptables à condition d’un effort de réalisme qui consiste
à analyser l’apprentissage organisationnel dans son propre contexte, compte tenu de la
mission de chaque système étudié, chaque institution analysée, son histoire, sa philosophie, en
passant par l’analyse des acteurs, leurs représentations du système, les ressources dont ils
disposent pour l’action, leurs logiques, les jeux entre eux, etc.
Dans ces conditions seulement, on peut inscrire les démarches d’évaluation dans le
management des savoirs en tentant d’analyser ses effets sur l’amélioration du système selon la
perspective suivie dans cette étude. Les effets de l’évaluation incluent la création, diffusion et
le partage de nouvelles connaissances, c'est-à-dire également de nouveaux apprentissages
chez les individus, les groupes et des organisations.
Les hypothèses que nous tentons d’observer dans cette thèse tiennent compte des
pratiques d’évaluation dans l’enseignement supérieur mozambicain où nous tentons
d’analyser les corrélations entre les effets d’apprentissage et l’amélioration de la qualité
recherchée.
Avec l’apprentissage organisationnel on s’intéresse à l’apprentissage des individus
dans le contexte d’une organisation, d’où l’idée d’un apprentissage organisationnel
représentant la somme des apprentissages individuels. Cette approche développée aujourd’hui
283
dans les sciences de gestion est à distinguer de celles des psychologues par exemple qui
placent au centre de leurs réflexions les processus d’apprentissage individuel et définissent
l’apprentissage dans une perspective traditionnellement behavioriste. (Probst, Gilbert et
Büchel, Bettina, 1995 :15-16).
Tel que nous avons pu le démontrer en pratique au cours du chapitre précédent notre
réflexion est conduite par la nécessité de comprendre le fonctionnement des dispositifs de
gouvernance de l’enseignement supérieur du point de vue de l’apprentissage organisationnel
en portant l’analyse sur l’environnement organisationnel et institutionnel, le leadership et
l’engagement ainsi que les interactions humaines.
L’analyse de la mise en œuvre des différents dispositifs de régulation et évaluation a
été en effet une opportunité pour apprendre sur l’environnement organisationnel, les
philosophies dominantes, et sur l’interaction entre les acteurs, leur coordination,
complémentarité mais aussi sur les clivages au sein de la gouvernance.
6.1.1 L’apprentissage organisationnel au sein des dispositifs de gouvernance externe
Nous remarquons d’abord un rapport ambigu des acteurs à l’évaluation. D’un côté la
plupart déclarent adhérer à une politique d’évaluation et contrôle compte tenu des problèmes
que pose l’expansion de l’enseignement supérieur afin de garantir une fois pour toutes
l’amélioration de la qualité. D’un autre côté on voit naître une sorte de méfiance vis-à-vis de
l’existence des instances d’évaluation opérationnelles à même donc de pouvoir retirer
l’autonomie que les établissements tentent de préserver.
C’est la partie visible de l’iceberg alors que les problèmes se posent au sein de
l’organisation même des différentes instances de tutelles, de leur fonctionnement et des
capacités pour faire face à l’évaluation du système. L’évaluation de la qualité va se situer au
centre de l’affirmation des identités professionnelles et personnelles tandis que s’érigent des
barrières à la communication et mutualisation des pratiques entre les acteurs concernés.
Par exemple, le CNAQ a été pressenti comme l’organisme par qui la démarche qualité
allait être diffusée et promue au sein du système mais le bilan de son action s’avère loin des
attentes.
On a crée le système national d’évaluation et accréditation en 2007 et le respectif conseil national d’évaluation de la qualité dans la même époque. En 2008 le ministre a
284
demandé à la première ministre de nommer le président du CNAQ qui est actuellement en fonction. Malheureusement tout le monde s’interroge jusqu’á présent on ne sent pas la présence de cet organe ses effets ne se sont pas encore fait sentir, il a d’autres problèmes structuraux qu’on est en train d’essayer de régler en ce moment. [Haut responsable du ministère, entretien n° 9]
Telle que nous la décrivons ci-dessous, l’impression d’immobilisme du CNAQ a été
souvent imputée à son propre statut, à la base que ne lui permet pas d’avancer. Mais il
souffrirait aussi d’un problème de manque de moyens et de ressources humaines notamment,
tout comme le système dans son ensemble.
Je ne peux pas dire que le CNAQ est inopérant, car il souffre des mêmes problèmes que la DICES. Je ne peux pas imputer toutes les responsabilités au CNAQ, il n’a pas de moyens et celui qui manque le plus là-bas ce sont les ressources humaines parce que trois personnes ne pourront pas faire grand-chose. Ce sont des personnes très compétentes mais elles sont tellement dispersées, vous verrez que les mêmes sont impliquées dans différents chantiers et tous de grande dimension, donc on ne peut pas avoir un rythme souhaitable le CNAQ est un secteur qui a besoin d’une personne à temps plein qui travaille seulement pour cela. [Responsable du ministère, entretien n° 17]
Mais la partie la plus visible de son inaction se trouve liée à la structure même de
l’organigramme du système d’enseignement supérieur. En fait, son statut d’organisme
autonome avec un président nommé par décret du Conseil des ministres alors que les recteurs
des universités publiques sont nommés par le Président de la République révèle d’entrée de
jeu les insuffisances d’un tel organe pour s’imposer comme autorité d’évaluation dans un
contexte où les identités professionnelles s’affirment par l’occupation d’un rang dans la
hiérarchie politico-administrative.
De plus sa position tend à être fragilisée par l’organigramme du MINED, l’autorité
de tutelle, laissant planer l’idée que le CNAQ est en fin de compte un département du
ministère, d’autant plus qu’un certain nombre d’actes administratifs relatifs à son
fonctionnement dépendent d’une homologation par le ministre.
Par ailleurs le fait qu’il va conduire ses activités durant les premières années de son
existence et jusqu’au début de l’année 2013, à partir d’un siège établi dans le bâtiment central
du MINED soulève dans la communauté universitaire davantage de doutes sur les capacités
de cet organisme à s’imposer dans l’évaluation du système, par rapport à ce que le ministère
lui-même a été capable de montrer jusqu’à présent.
285
Je dois vous dire que la subordination du CNAQ n’est pas très claire. Eux ils disent qu’ils ne font pas partie du MINED mais nous voyons qu’ils en dépendent en fin de comptes. [Responsable pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 8]
Mais l’idée d’un CNAQ était née comme un concept fort en 2004 avant de pâtir dans
le contexte des lutes intestines entre le MESCT et les recteurs. Pour avoir un espace
d’intervention à la hauteur de la mission qui devait être la sienne le CNAQ devrait avoir
également une action punitive à l’image du CHE en Afrique du sud.
Cet organisme d’évaluation est comparé à une authentique armada. Doté d’un
important bras de recherche sur les universités, le CHE a compétence pour recommander la
fermeture des établissements ainsi que la prise de toute une série de mesures en cas de non-
conformité aux normes.
En 2004 ils avaient demandé la fermeture de 9 établissements privés. En cas
d’anomalies dans le système public ils ont le pouvoir de recommander la réduction des budgets ou la fermeture de certains programmes. Ils ont donc le pouvoir d’appréciation et d’influencer dans les mesures à prendre. Quand nous avons proposé que cet organe devrait être autonome et nous avons justifié pourquoi clairement, d’ailleurs dans une rencontre avec les recteurs, nombreux ont mal réagi et nous leur avons dit cet organe doit être autonome, le président de l’organe doit être nommé et prendre fonctions devant le président de la République. Or l’actuel président est nommé sous proposition du ministre par le premier ministre, c’est un mort né. [Enseignant chercheur, entretien n° 14]
Chika Sehoole (2012 :19-20) de l’Université de Pretoria révèle en effet, dans une
expérience unique en Afrique qui n’a pas été sans se heurter à un organisme comme le GATT
(Organisation mondiale du commerce) comment le CHE avait contribué à réduire le nombre
d’établissements privés de 300 en 1997 à 177 selon les registres de l’année 2011. Par ailleurs
un CNAQ renforcé de ces capacités devait accompagner grâce à son expertise les organes de
consultation du MINED dans la prise de décision.
Le CNAQ devrait donner un avis technique à chaque fois qu’il y aurait une nouvelle institution à autoriser, ce qui ne se produit pas aujourd’hui, une institution se porte candidate, est réuni le CES, le CNES et parfois ça fonctionne comme un club d’amis et les choses passent, l’une et l’autre fois il y a quelqu’un qui ose dire cette institution ne peut pas ouvrir mais il y a toujours là-dedans des mécanismes pour que de nouvelles institutions soient ouvertes comme ça. Il devrait se prononcer dans l’ouverture et puis accompagner tous les processus. [Enseignant chercheur, entretien n° 14]
286
Ce sont les missions dévolues d’abord pratiquement à la DICES, puis aujourd’hui en
partie à l’Inspection de l’enseignement supérieur. Un universitaire craint le risque d’un
serpent qui se mord la queue, alors qu’un recteur voit le ministère suivre son droit but dans la
logique d’une vieille structure, dessinée dans les années 1980 et à vouloir tout faire.
Nous avons hérité dans un passe très récent, âpres l’indépendance, d’une situation
où nous avions tout centralisé et c’était correct à l’époque parce qu’il n’y avait pas de cadres au Mozambique donc on ne pouvait pas avoir plusieurs centres de décision sur une matière aussi importante que l’éducation. Alors le ministère de l’éducation a assumé à cette époque là les fonctions de régulateur du système et de formateur, il assume y compris la mission d’institution d’enseignement, il suffit de regarder, c’est ainsi que vous avez dans un ministère de l’éducation une direction nationale de formation de cadres, c’est quoi ca ? Que veut dire une direction de formation des cadres ? Cela veut dire que le ministère forme des cadres, mais c’est un travail est pour les écoles, alors si le ministère forme des cadres que fait notre direction ici à l’université ? Elle doit fermer les portes donc c’est un organigramme erroné.
[Recteur d’un établissement public, entretien n° 21]
L’avis d’expert qu’un certain nombre d’universitaires voudraient faire entendre ne
rencontre pas toujours d’écho dans un système dont les décisions sont informées également
par des critères financiers et politiques qui orientent l’action. Les acteurs font donc observer
l’intervention d’autres éléments dits invisibles dans la gouvernance, le pouvoir politique, les
bailleurs internationaux, perçus comme ceux qui dictent en dernière instance l’orientation à
suivre selon des critères d’ordre financier et politique quand les indicateurs et standards
impulsés par le cadre normatif et programmatique ou par la recherche préconisent d’autres
démarches.
Cela veut dire que la rationalité du scientifique ne rencontre pas la rationalité du
politique mais on assiste en même temps à un mariage de raison entre le politique et le
scientifique perçu soit comme facteur de réussite sociale, soit comme facteur d’exclusion.
Dans ce contexte on va assister d’ailleurs à un glissement de la fonction de chercheur souvent
précaire qui évolue vers une fonction de consultant sans liberté académique mais gratifiante
d’un point de vue de l’insertion sociale.
L’universitaire doit être un chercheur. Il est différent d’un consultant qui fait ce que son patron lui demande de faire, il n’a pas sa propre liberté de réfléchir, les universitaires mozambicains sont un peu comme cela. Ils vont au ministère et acceptent
287
ce que veulent les politiciens, ils ne critiquent pas, ils devaient le faire au moins à travers des publications s’ils ne peuvent pas critiquer directement. Ce n’est pas le cas. Combien ont critiqué le système d’évaluation de l’enseignement primaire qui privilégie une réussite automatique ? Si l’universitaire s’allie au politique c’est fini parce que l’académie, elle est à long terme alors que la politique est de courte durée » [Enseignant chercheur, entretien n° 23]
La si faible activité de recherche est vue comme une conséquence de ce rapport de
forces qui révèle en même temps les capacités dont dispose la puissance politique pour
interférer dans les affaires académiques et de la science en face des universitaires
financièrement précaires et dépossédés de leur liberté scientifique donc incapables d’imposer
une autre voie que celle de la rationalité politique.
Notons que la DCES, pour sa part, revendiquant un renfort de ses capacités pour sortir
de la situation actuelle, celle d’une direction de coordination, avec mission d’appui technique
à un vice Ministre et sans compétence d’intervention près des établissements, se contenterait
bien de jouir d’un statut comme celui du CNAQ.
C’est par la DICES que commence la procédure de création de nouveaux
établissements, c’est elle également qui assure l’appui technique et logistique au cabinet du
ministre, à l’inspection de l’enseignement supérieur ainsi que le secrétariat du CES et CNES
mais cette direction va rester sur sa fain à ne pas pouvoir se mettre en relation directe avec les
établissements sans l’autorisation du ministre, car leur genèse veut qu’ils soient autonomes.
Et la DICES par son statut de simple direction nationale apparaît trop petite pour aller
d’elle seule au contact des établissements créées par décret du conseil des ministres et dirigés
par des recteurs jouissant d’un statut de membres du gouvernement.
Conséquence d’une certaine idée de l’autonomie mais aussi de la relation entre le
ministère et les établissements marquée par une forte imbrication avec le pouvoir politique
cette bureaucratie semble ralentir la résolution d’un certain nombre de problèmes qui restent
tributaires de l’interprétation que la haute direction du ministère a des solutions.
Comme c’était une nouvelle directrice on lui a dit comme vous venez d’arriver il
vous faut connaitre alors on a mis en place les termes de références et on a demandé l’autorisation qui a été acceptée par le ministre et on l’a accompagnée, c’est possible souvent quelques frontières et barrières sont dans la tête des gens et non dans les procédures à tenir en compte, on est allé dans trois établissements de Maputo province, mais pas dans ceux de la ville. On devrait mais le chef nous a dit vous pouvez aller dans ceux de la province, car il voulait aller personnellement dans ceux de la ville mais j’étais
288
en train de vérifier sa programmation et j’ai constaté qu’il n’a fait aucune visite de supervision [Responsable du ministère, entretien n° 20]
Les premières réactions aux visites des hauts responsables du Ministère à l’UEM en
2010 par exemple avaient été négatives et cela peut expliquer les hésitations. Le responsable
d’un établissement raconte un vif échange téléphonique entre l’ancien recteur de l’UEM et le
ministre à la suite d’une visite du ministère perçue comme une interférence dans le territoire
d’autrui.
Notons qu’en 2013 le ministère réalisera deux inspections ordinaires à l’UEM et à
l’ISRI mais dans un état d’esprit plutôt d’apprentissage et de socialisation des pratiques. De
nombreux observateurs notent que le changement de recteur à l’UEM a dû faciliter les
initiatives. Nous devons attendre 2015 aux termes du décret 48/2010 pour voir quelles
décisions les autorités de tutelles seront en mesure de prendre au cas où un établissement
révélerait des pratiques violant les normes établies.
Mais à la DICES se posent également d’autres problèmes à commencer par celui de
ses ressources humaines, une majorité de licenciados en situation d’apprentissage du métier
de la gestion universitaire. La question du profil des personnes qui s’occupent de la gestion de
l’enseignement supérieur a été répétée et avec un souci d’équité vis-à-vis de ceux qui sont
actuellement en poste.
Il ne s’agirait pas selon les observateurs d’installer à leur place un groupe de docteurs
au MINED d’autant plus que ceux-ci doivent s’occuper de l’enseignement et de la recherche
mais de mettre de l’organisation et garantir une certaine crédibilité à la gouvernance du
système.
La DICES souffre aussi d’un important turn over de ces collaborateurs. Sur les trente
cinq en poste actuellement seulement cinq viennent de l’ancien MESCT, sans oublier les six
directeurs qui s’y sont succédé en moins de dix ans.
La plupart des études révèlent que le passage de l’enseignement supérieur du MESCT au MINED a représenté un énorme revers pour le système et cela se justifie par les constats qui sont faits en termes de gestion des ressources humaines on n’évolue pas. Parmi les études et dossiers disponibles en ce moment rien n’a été fait avec les capacités internes, tout est fait par commande, c'est-à-dire de l’outsourcing. Ça vous donne une lecture, qu’il n’y a pas de montée en compétences, il n’y a pas d’évolution en termes de know how dans le système qui fait la gestion de l’enseignement supérieur. Il y a autre chose les nouveaux qui rentrent viennent certainement pour des processus
289
d’apprentissage très difficiles. Il n’y a pas de continuité, 5 personnes cela ne suffit pas pour transporter la dynamique d’un ministère. [Responsable du ministère, entretien n° 17]
Pour sa part le département de planification de la DICES anime l’élaboration du plan
stratégique de l’enseignement supérieur qui est un document approuvé par le gouvernement.
Mais de plus en plus les indicateurs de la DICES sont en totale dissonance avec ce qui se
passe sur le terrain.
Par exemple le premier plan stratégique prévoyait une augmentation des effectifs de
20.000 étudiants en 2003 à 60.000 en 2010, alors que l’expansion du système atteindra contre
toutes les prévisions dès 2006, 60.000 étudiants et en 2010, 100.000.
L’Inspection de l’enseignement supérieur, dernier en date des dispositifs d’évaluation,
s’est pour l’instant contentée de superviser des établissements de la périphérie tout en se
révélant démunie pour aller inspecter les établissements du centre, sachant que ceux-ci sont
souvent représentés par des figures influentes de la puissance politique, des milieux d’affaires
et religieux.
La tutelle au niveau du ministère se révèle pour le moment en incapacité de prendre
des décisions d’impact, sachant les barrières imposées par le décret 48/2010 qui a laissé cinq
ans, c'est-à-dire jusqu’en 2015 aux institutions pour se mettre en conformité avec la loi.
Par ailleurs le CNES a révélé ses limites sachant qu’il n’a pas compétence pour
décider, mais de faire des recommandations au conseil des ministres qui tranche en dernière
instance. Dans ce que Lourenço do Rosario (2012) considère comme l’entente cordiale ses
membres ne peuvent pas s’attaquer aux problèmes frontalement.
En plus le CNES est toujours confronté à un dilemme dans la phase de décision pour
l’ouverture ou non de nouveaux établissements. Ne pas recommander l’ouverture peut être
contre productif et inhiber l’innovation, par contre laisser avancer en accordant un bénéfice du
doute, allant jusqu’à laisser faire va poser d’énormes problèmes de régulation par la tutelle à
partir du moment où un grand nombre d’établissements va opérer à la marge des normes.
Il n’y a pas de liaisons entre le CNAQ et l’inspection par exemple au sujet de
l’élaboration d’un référentiel commun de l’évaluation. Le CNAQ a élaboré quatre volumes de
documents d’appui à l’évaluation qui font l’objet de critiques par les établissements.
Un pavé, disent certains. D’autres ne comprennent pas la volonté exprimée d’établir
un ranking des universités dans cette phase. On a le sentiment qu’après plus de trois ans de
discussion sur ce que les acteurs entendaient par la qualité dans l’enseignement supérieur,
290
l’organe responsable se révèle dans l’incapacité de définir les priorités en matière
d’évaluation.
Il arrive que le Conseil de la qualité ne sait pas encore quel niveau de qualité il veut, on est dans une nébuleuse, les choses ne sont pas encore très claires, il n’y a pas encore de normes définies, il existe réellement le conseil de la qualité qui travaille depuis quelques années, on a fait des réunions mais il n’y pas encore de résultats, on a fait une réunion à l’UEM, une autre à Chidenguele…. [Directrice pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 13]
Par conséquent, il apparaît prématuré pour l’instant de parler d’une cohérence
d’ensemble dans le fonctionnement des tutelles de l’enseignement supérieur. Les critiques
font en effet état d’une administration centrale qui promeut des normes et valeurs en vue
d’une assurance qualité mais sans veiller aux conditions de leur mise en œuvre.
L’analyse des perceptions fait également le constat d’un environnement peu propice à
l’apprentissage organisationnel avec beaucoup de barrières à une communication « fluide »
entre les parties prenantes, une démarche peu cohérente, notamment le manque d’interfaces
entre la planification de l’enseignement supérieur et les instruments restants de la
planification nationale.
Les éventuels effets de l’apprentissage organisationnel se réduisent par le manque de
ressources humaines spécialisées en gestion universitaire et un turn over constant des cadres
travaillant dans l’administration du système à mesure que l’efficacité interne et externe du
système d’enseignement supérieur est de plus en plus décriée.
Cela étant quelles sont les expériences que nous révèle l’évaluation au sein des
établissements? Ceux-ci sont exposés à des échanges avec d’autres universités et organismes
à l’international. En plus, l’enseignement supérieur tend à se révéler un domaine où les
établissements sont en concurrence.
Cela veut dire qu’avant l’arrivée du paradigme de la qualité dans le système, les
établissements ont leurs propres pratiques d’évaluation que l’institutionnalisation d’un
système de contrôle et garantie de la qualité par le ministère semble tout de même contribuer
non seulement à systématiser mais à capitaliser. D’ailleurs c’est en ces termes que la
directrice de la cellule de qualité de l’UEM décrit les avantages de l’entrée du nouveau
paradigme qualité, c'est-à-dire comme une pratique déjà ancienne dans le système mais qu’on
cherche à organiser de façon systématique.
291
Les préoccupations avec la qualité ne sont pas un phénomène nouveau. L’université mozambicaine s’est penchée sur cette question à plusieurs moments. Par exemple lors d’une auscultation publique ou d’une révision des programmes d’enseignement, la communauté universitaire procède à une évaluation. Le recteur a animé une auscultation dans ce sens lors de sa prise de fonctions en 2011 et 2012. Ce que nous sommes en train de faire maintenant c’est conférer de la validité à l’évaluation en mettant plus de rigueur méthodologique dans le processus. Nous tentons aussi de faire participer davantage les différentes parties prenantes, différemment d’une évaluation faite par un consultant externe qui va interviewer quelques personnes dans les facultés pour un rapport qui n’exprime pas le sentiment de la majorité.
[Luisa Santos, Directrice de la direction à la qualité académique, UEM, entretien n° 42]
6.1.2 L’évaluation et l’apprentissage organisationnel dans les établissements
Plusieurs instances s’intéressent à l’évaluation au sein des établissements. Les conseils
universitaires, les conseils académiques ou scientifiques mais aussi les directions de
planification qui animent les évaluations institutionnelles en lien avec un plan stratégique.
Cette section va se baser essentiellement sur l’expérience des responsables pédagogiques,
directeurs des facultés et enseignants que nous avons interviewés.
D’une part, nous constatons que parallèlement à l’annonce d’une évaluation par le
ministère qui va mettre les acteurs en veille, les établissements ont toujours pratiqué leur
évaluation interne à travers les révisions des programmes d’études, l’organisation d’un
ensemble de forums de concertation avec les étudiants mais aussi l’utilisation d’une fiche
d’évaluation dans le cadre d’un système formellement institutionnalisé ou pas.
En vue d’une découverte des effets de l’évaluation, notre enquête a porté sur l’analyse
des expériences d’utilisation et d’application des procédures relatives au système de transfert
et accumulation des crédits académiques, mobilité des étudiants et à celles relatives à
l’évaluation et accréditation des enseignements et établissements, toujours en lien avec le
règlement de fonctionnement des établissements qui fixe un certain nombre de pré-requis de
base.
Mais cette analyse est à inscrire dans une démarche de découverte parce que les
dispositifs formellement introduits ces dernières commencent à faire partie des instruments de
292
travail exigés seulement à partir de 2011 quand s’accélère le débat sur la nécessité de contrôle
de l’enseignement supérieur.
Il faudrait voir chez les acteurs rencontrés un effort d’appropriation d’un nouveau
référentiel pour mettre en mot leurs propres expériences d’évaluation mais qui se produisent
pour certaines en amont du débat actuel.
Nous observons des effets à la fois indirects et contradictoires de la politique
d’évaluation (compte tenu des contraintes observées au sein de la tutelle). Mais qui
constituent la première condition de la mise en œuvre d’une démarche d’évaluation. La
réussite de celle-ci exige au préalable des effets cognitifs, formatifs, culturels et
légitimateurs de l’évaluation (Pierre Dubois, op.cit).
Je ne peux pas prédire ce qui va être le CNAQ mais maintenant il sert de stimulus externe pour la qualité interne. Les universités savent qu’elles vont être visitées et cela stimule notre propre comportement pour le changement. Pour nous le CNAQ joue un rôle de stimulus important. [Responsable pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 8]
Le bilan des pratiques d’évaluation réorientées et inscrites désormais dans le nouveau
mouvement de la qualité dans l’enseignement supérieur, ci-après montre que plus que des
effets positifs la démarche qualité soulève ses problèmes tout en posant de nouveaux défis à la
gouvernance interne des établissements.
Les défis pour les établissements se trouvent surtout au niveau de l’application des
nouvelles normes édictées par le ministère ainsi que des mesures à appliquer en interne suite
aux évaluations, leur pertinence et applicabilité, mais aussi au niveau de la gestion des
rapports entre les étudiants et les enseignants au sein des établissements.
6.1.3 Une adéquation entre évaluation et amélioration de la qualité ?
Dans un premier contact avec quelques-uns de nos interviewés nous avons été frappé
par l’impression d’une relation de cause à effet qu’ils paraissaient établir entre les actions
d’évaluation réalisées dans leurs établissements et les améliorations enregistrées. Il y aurait
293
une relation directe entre l’évaluation et l’efficacité des enseignements et des services offerts
et sans l’intervention d’autres éléments.
Cependant à mesure que nous les interrogions et approfondissions la discussion sur la
participation des enseignants et des étudiants mais aussi sur les mesures que les
établissements vont mettre en œuvre à la suite d’une action d’évaluation, celle-ci se présentait
plutôt comme une épreuve pour tout un ensemble de parties prenantes.
En fait, on aperçoit chez un certain nombre d’acteurs, les enseignants surtout, un
rapport ambivalent à l’évaluation, tantôt vue comme une action nécessaire, tantôt associée à
un certain nombre de frustrations comme par exemple celle que ressent un enseignant évalué
négativement par ses étudiants, sans oublier les impacts sur sa carrière ou la poursuite d’une
collaboration dans un établissement donné.
Nous montrons à travers les expériences des responsables universitaires rencontrés les
deux faces de l’évaluation telles qu’elles sont perçues par les acteurs tout en soulignant les
effets qu’elle peut provoquer sur l’amélioration des établissements et des enseignements en
particulier.
Nous insisterons sur la nécessité d’une analyse stratégique avec (Lise Demailly, 2001)
sans laquelle nous risquons de présenter les résultats et les effets de l’évaluation de façon
désincarnée, c'est-à-dire sans apprendre vraiment sur ceux qui la font, la vivent et ce qu’ils
ressentent dans les processus. Les deux expériences que nous décrivons ci-dessous sont à
inscrire à notre sens dans une approche plutôt normative et désincarnée de l’évaluation.
6.1.4 Une approche désincarnée de l’évaluation
La première expérience est présentée à travers la restitution d’un entretien avec un
responsable pédagogique associé à un établissement d’enseignement supérieur
pluridisciplinaire avec plus de 15.000 étudiants et 1400 enseignants. Basée au centre du pays
cet établissement compte plusieurs délégations dans la région nord.
Le responsable montre en comparant la démarche proposée par le CNAQ et celle en
cours dans son établissement que l’évaluation n’avait pas encore pris en compte tous les
aspects de l’institution d’une manière systématique.
294
Mais l’établissement s’est doté récemment d’un département de garantie de la qualité
au sein du rectorat qui assure désormais le leadership et la coordination du système dans
toutes les facultés, où il y a un responsable de la qualité. L’établissement prévoit ainsi que
l’évaluation va couvrir tous les aspects : curricula, enseignants, étudiants, la recherche, les
services offerts, la gestion, les infrastructures. Ce sont les éléments qui font partie d’une
évaluation interne, mais qui ne seront pas traités d’un seul coup.
Le responsable révèle que l’établissement se ressent du manque de données pour
évaluer sa politique et sa mission. Par exemple, il n’y pas d’évidences de l’innovation et de la
qualité qui sont les mots clés du slogan de l’université. C’est une des préoccupations du
recteur actuellement.
Cependant l’évaluation est faite par le vice recteur qui essaie de voir si les cours ont
le profil de sortie en adéquation. Il visite les facultés et les délégations et vérifie les
programmes d’études et les contenus pédagogiques. L’établissement est en ce moment en
train d’harmoniser toutes les facultés. Une description de tous les programmes d’études est en
cours, en posant la question de la littérature.
Les effets de l’évaluation sont variés. Par exemple, désormais l’établissement dispose
d’un règlement d’évaluation qui est le même pour toutes les facultés et sans exceptions. En
plus l’évaluation, a aidé le vice-rectorat ayant découvert qu’il y avait des facultés bien
documentées et d’autres pas. En ce moment l’établissement avance vers l’adoption d’une
méthode unique d’évaluation des enseignants qui est faite par la direction pédagogique.
La deuxième expérience est présentée à travers la restitution d’un entretien avec un
responsable pédagogique dans un établissement public pluridisciplinaire à dominante
pédagogique représenté dans toutes les provinces.
Le responsable commence par expliquer le mouvement de réforme en cours dans
l’établissement inspiré du processus de Bologne et avec une préoccupation particulière la
question de l’accumulation et du transfert des crédits académiques, mais aussi des questions
de l’apprentissage en autonomie, c'est-à-dire avec une réflexion sur le temps de travail
indépendant de l’étudiant et le temps de contact avec l’enseignant.
Cette réforme prend forme à la suite d’une évaluation externe conduite par une équipe
d’universitaires brésiliens et indiquant un certain nombre d’orientations que l’université allait
295
suivre. Un plan de changement a été dessiné, la responsabilité du suivi des programmes
d’études ayant été attribuée à la direction pédagogique.
L’introduction d’une méthodologie d’enseignement et d’évaluation inspirée du
processus de Bologne va représenter un défi pour tous les enseignants habitués à une autre
philosophie. Par exemple faire s’approprier par tout le monde la philosophie du système de
transfert des crédits académiques.
Afin de répondre à la nouvelle philosophie, la première mesure que va prendre la
direction pédagogique a été de procéder à une restructuration de la direction, suivie de
l’élaboration des outils de suivi et de supervision.
Dès la première année des instruments de suivi ont été appliqués au niveau national au
près des directeurs de délégations et des facultés, des enseignants et des étudiants pour
ausculter les personnes, leurs perceptions sur le nouveau programme d’études. Ce travail a
pris six mois et a mobilisé une vaste équipe coordonnée par une commission de suivi et
d’évaluation centrale.
Le produit de l’enquête a été présenté dans un forum pédagogique qui se réunit
semestriellement. C’est devenu une tradition désormais depuis la première rencontre réalisée
à Maputo en 2011. C'est-à-dire un processus continu où les représentants des délégations et
facultés viennent discuter les problèmes de la qualité des enseignements compte tenu des
situations qui sont constatées dans chaque composante dans le pays.
Le responsable note une adhésion massive aux processus d’évaluation aux divers
niveaux et rappelle l’existence d’une diversité d’instruments qui sont adressés à différents
publics, c'est-à-dire étudiants, enseignants, responsables pédagogiques.
Après un bilan des points faibles et points forts, les forums pédagogiques se concluent
par une série de mesures sur les aspects qui compromettent la qualité de l’enseignement et sur
lesquels l’université doit intervenir. C’est à partir de ce moment là qui naissent les
mouvements de perfectionnement pédagogique du corps enseignant.
L’établissement se montre satisfait des actions réalisées ayant permis l’entrainement
des enseignants du pays entier et la production d’un certain nombre de rapports d’évaluation
disponibles sur le Site de l’université.
Les formations sont animées par les enseignants eux-mêmes à partir de la sélection des
problèmes identifiés durant les actions de suivi et de supervision. Il s’agit de l’autoformation
de pair à pair. Les actions d’accompagnement suite aux formations réalisées révèlent des
296
transformations chez les enseignants, leurs pratiques, leurs perceptions du nouveau
programme d’études, la philosophie des crédits. L’action de formation apparaît comme une
forme de correction de l’action, c'est-à-dire la correction des lacunes qui existent dans les
curricula.
On est en conclusion en pleine adéquation avec la roue de Deming qui a fait ses
preuves dans le monde de l’industrie. La restitution de l’expérience d’évaluation dans deux
grands établissements, l’un privé et l’autre public, à travers les témoignages de deux
responsables pédagogiques permet de situer un peu l’état dans lequel évoluent les universités
à la suite de l’entrée du nouveau paradigme dans le système.
. A partir d’une méthodologie qui commence par un diagnostic, suivi de l’élaboration
de mesures et leur application, passant d’ailleurs par la formation-action on peut remarquer
combien dans les deux cas la démarche qualité apporte ses bénéfices.
Mais les deux témoignages semblent pêcher par quelques aspects importants et qui
intéressent l’analyse. En fait, ces entretiens portent à croire que l’évaluation est en adéquation
directe avec l’amélioration d’un système d’enseignement, mais sans nous montrer les
réactions des acteurs, les enseignants en particulier à propos de l’adoption d’un modèle
unique d’évaluation ou d’un modèle visant leur propre évaluation par les établissements, ou
encore par rapport à l’introduction d’un nouveau programmes d’études inspiré du modèle de
Bologne.
Or le paradigme de l’évaluation demeure encore une innovation dans les milieux
éducatifs et dans l’enseignement supérieur en particulier. Comme telle et en cours
d’implantation elle est passible de résistances (Michel Saint-Germain: 139-160, in Lise
Demailly, éd. 2001). Il y a des positions à défendre, une interprétation des processus qui va
être différente en fonction de la position que les acteurs ont sur l’échiquier, c'est-à-dire un
certain nombre de rapports de pouvoir qui s’instituent avec l’évaluation et que les
témoignages ci-dessus ne donnent pas à lire clairement.
Mais une confrontation avec d’autres expériences d’acteurs liés y compris aux mêmes
établissements ci-dessus cités montre que les changements induits par l’évaluation ne vont pas
de soi. Par exemple, l’adhésion massive aux sessions d’entrainement dont il est question dans
le deuxième exemple ci-dessus a été souvent le fruit de ce qu’un membre de la commission de
suivi et d’évaluation considère comme de la « democratura », c'est-à-dire un mixte de
297
démocratie et dictature dans la mesure où la participation compte pour l’évaluation
administrative des enseignants.
C’est ainsi, par exemple, que les membres d’une composante qui n’avaient pas
participé aux mouvements de perfectionnement pédagogique ont décidé d’organiser un
séminaire interne pour pouvoir valider leur évaluation individuelle en fin d’année, nous
explique l’enseignant. Ceci conduit à penser que la participation des enseignants aux officines
d’entrainement pédagogique n’est pas volontaire mais conditionnée par leur situation même,
c'est-à-dire leurs statuts dans l’établissement, souvent des vacataires ou à mi-temps et qui ont
tout intérêt à ne pas se confronter à la hiérarchie comme montre un enseignant travaillant dans
la province de Tete.
Par ailleurs le deuxième témoignage ci-dessus toujours nous révèle une certaine
aisance à travailler dans le cadre d’une nouvelle philosophie d’évaluation basée sur un
système de crédits académiques en oubliant que cette démarche qui a d’ailleurs fait l’objet
d’un décret de loi reste une énigme pour beaucoup d’enseignants.
Le vice recteur d’une université publique le constate pour nous et sans parler de la
plupart des établissements qui rechignent à mettre en œuvre le système, de peur de perdre les
étudiants comme nous le voyons ci-dessous.
Allez demander à un enseignant combien de crédits a-t-il attribué à un de ses élèves. Où alors allez demander à un élève combien de crédits il a pu cumuler dans une discipline donnée. [Vice recteur d’un établissement public, entretien n° 40]
Afin d’approfondir le débat sur les effets de l’évaluation dans les établissements
d’enseignement supérieur nous prolongeons la réflexion ci-après en interrogeant les
instruments utilisés tout en essayant d’analyser la position et les perceptions des différents
acteurs (étudiants, enseignants, responsables des établissements).
6.1.5 L’entrée des étudiants comme acteurs de l’évaluation
Nous avons signalé au chapitre précédent la faible participation des étudiants aussi
bien aux instances de gouvernance de l’enseignement supérieur qu’au sein des établissements.
Cependant le développement d’un enseignement supérieur privé ainsi que quelques
réformes visant l’amélioration des enseignements et services y compris dans les
298
établissements publics vont révéler une entrée en force des étudiants comme acteurs de
l’évaluation avec une inflexion importante dans les relations entre ceux-ci et les enseignants
et au sein des établissements.
L’institutionnalisation de l’évaluation des enseignements est en cours dans plusieurs
établissements publics dans le cadre des réformes visant l’amélioration de la qualité (cf. pages
Web, UEM et UP). L’UP a mis en place dans le cadre de la réforme initiée en 2009 une fiche
d’évaluation des enseignements avec une incidence sur les pratiques pédagogiques des
enseignants. L’UEM a également formalisé au cours des cinq dernières années le SADE
(système d’évaluation de la performance) en tant que mécanisme visant apprécier la qualité
des enseignements notamment.
Les enseignants considèrent tant pour l’UP comme pour l’UEM que ces mécanismes
ne renseignent pas assez sur les problèmes liés à la pédagogie universitaire.
C’est un système qui existe depuis quelques années. C’est le système d’évaluation du corps enseignant par les étudiants et c’est une des composantes, il y a une autre fiche ou l’enseignant fait sa propre auto-évaluation, puis une autre ou l’étudiant fait l’évaluation de l’enseignant et puis la direction fait aussi sa propre évaluation. Ces trois évaluations ensemble vont ensuite produire un résultat. Mais c’est une évaluation très, très, elle n’est pas, ne répond pas aux attentes à ce que nous aimerions voir sur les perceptions sur le processus même. Elle ne donne pas l’information, oui, enfin, mais ce n’est pas complet, par exemple si l’enseignant a présenté le programme d’études, s’il a eu de bons rapports avec les étudiants, il y a 3 ou 4 questions, je considère que cette fiche n’est pas suffisante pour avoir la perception de la façon dont les choses se passent. [Directeur de Faculté UEM, entretien n° 10]
En outre les enseignants critiquent les conditions dans lesquelles les fiches sont
remplies par classe et non par les étudiants individuellement. C’est souvent le représentant de
la classe qui remplit la fiche avec le professeur et que va ensuite à la direction pédagogique
mais on ne voit pas vraiment l’impact de cette évaluation sur les enseignements en dehors des
aspects administratifs, relatifs à la carrière, concluent les enseignants.
En outre pratiquement aucun d’étudiant parmi ceux que nous avons interviewé révèle
avoir utilisé des fiches d’évaluations au cours de sa formation. Nous pouvons ainsi observer
combien les étudiants du public jouent un rôle mineur dans l’évaluation des enseignements et
des enseignants par la même voie.
299
De nombreuses critiques sont faites à l’encontre des étudiants de l’enseignement privé.
On considère par exemple qu’ils sont plus motivés par l’obtention d’un diplôme que par
l’acquisition des savoirs.
Les étudiants du privé jouent cependant un rôle important dans l’évaluation des
enseignements et des établissements. Les contours de l’intervention des étudiants comme
dispositif d’évaluation ont mérité l’attention de notre enquête. De quelle nature est
l’évaluation faite par les étudiants et quels sont les problèmes qu’elle soulève pour le
fonctionnement des établissements?
Dans le privé nous prétendons à ce que l’étudiant ait une participation plus active dans l’évaluation de l’enseignant. L’enseignant est évalué par les étudiants et l’information obtenue est croisée avec l’information que nous avons de l’évaluation de la performance des enseignants, en fait nous avons une grille pour évaluer la performance du professeur qui est participative, la grille est d’abord remise au professeur pour qu’il fasse l’autoévaluation et la même grille est évaluée par nous-mêmes. Nous essayons de voir s’il y a des points de convergence ou pas. Cela a des implications parce que vraiment, ce sont les contingences de la vie nous avons beaucoup de professeurs qui n’ont pas une bonne performance, correcte n’est-ce pas, soit parce qu’ils ne préparent pas leurs cours, ou alors pour éviter que les élèves réclament et leur fassent une mauvaise évaluation, ils donnent des notes très élevées à des étudiants qui ne savent rien, alors c’est très compliqué ce système il faut contrôler en permanence ce qui n’arrivait pas à l’UEM parce que là-bas les élèves savent pourquoi ils sont là, pour étudier et normalement ils viennent d’une couche sociale économiquement plus débile et ils savent qu’ils doivent terminer leurs cours et lutent pour ça. Ici non ils viennent pour avoir un diplôme et pour ça nous assistons au phénomène de la fraude qui est une chose terrible. On doit jouer à la police et au voleur. [Directrice pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 13]
Dans l’enseignement privé, la participation des étudiants à l’évaluation va prendre de
l’ampleur au point de s’ériger en dispositif de contrôle de la qualité à partir du moment où
l’étudiant devient un client qui paye pour ses études. Cela ne va pas sans poser des contraintes
aux rapports entre les établissements, enseignants et étudiants.
L’étudiant devient le patron, oui parce c’est de lui qui dépend non seulement le fonctionnement mais aussi tout l’investissement à faire au niveau de l’institution, nous dépendons pratiquement des frais d’inscription et cela est une grande contrainte [Directeur pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 15]
300
Un responsable pédagogique dont les propos sont corroborés par son recteur ne nous a
pas caché les difficultés que posaient les processus d’évaluation avec les nombreuses fiches
qui ont été essayées dans le même établissement. Adressées d’abord à un échantillon aussi
large que la taille d’un établissement avec près de 1700 étudiants avant de parvenir à une
solution d’évaluation par petits groupes dans les différentes composantes pour obtenir une
photo de l’établissement, les responsables vont investir désormais plutôt une stratégie
d’auscultation des plaintes des étudiants.
Nous avons un formulaire propre mais nous avons dû interrompre à un moment donné parce qu’on dirait qu’il y avait une sorte de résistance, les étudiants se disant que ces formulaires ne servaient pas a grand-chose, parce qu’un tel professeur n’est pas parti. Et puis les fiches ne résolvent pas les problèmes nous en sommes à la 15e version. Certaines grilles d’évaluation existaient déjà de forme plus ou moins inconnue et implicite, il y en avait d’autres mais pas beaucoup intériorisées ou assumés nous avons du prendre du temps, attendre un peu et puis avons repris, vous savez c’est une dynamique, par exemple quand nous nous faisons toujours des évaluations systématiquement, des évaluations ça rentre aussi dans une phase de saturation. Alors pour moi un des indicateurs que je considère important c’est quand je reçois de demandes de rendez-vous et fais mes statistiques et que je commence à avoir beaucoup de demandes par rapport à une même école je m’aperçois tout de suite qu’il y quelque chose qui ne va pas bien dans cette école parce que l’étudiant vient chez le recteur seulement quand il n’obtient pas la satisfaction d’une préoccupation particulière. [Recteur établissement privé, entretien n° 11]
Plusieurs responsables se montrent attentifs à un certain nombre d’écueils que produit
l’évaluation, n’hésitant pas par exemple à révéler une certaine méfiance vis-à-vis des notes et
commentaires faits par les étudiants.
En fait, les résultats vont être en fonction du moment où arrive l’évaluation si elle se
trouve après un test ou à la suite d’un examen à l’issue duquel les notes sont faibles, les élèves
ont tendance à mal noter leur professeur.
Par conséquent il y a des professeurs qui sont tentés de donner des notes élevées ou de
faire réussir tous les étudiants d’une même classe, parfois en passant par une méthode de
dispense d’examen alors que ceux-ci ne maitrisent pas tous les matières évaluées pour
pouvoir réussir. Utilisée dans le système scolaire, cette méthode au centre de beaucoup de
polémiques a été adoptée dans les universités.
Elle consiste à dispenser d’examen tout étudiant ayant atteint une note moyenne
admise par les règlements intérieurs, par exemple 14/20 à l’issue des tests partiels, alors que
301
tout le monde sait que les étudiants ne maitrisent pas les matières de la même manière pour
pouvoir être déclarés admis sans passer d’examen.
Certains professeurs tentent cette stratégie dans l’espoir d’être bien notés par les élèves
et par les directions des établissements. D’autres préfèrent maintenir leur style normal en
adoptant une évaluation juste par rapport à la production de chaque étudiant, ce qui ne va pas
sans provoquer des réclamations de beaucoup d’étudiants qui aimeraient se voir libres d’un
examen d’autant plus qu’en cas d’échec les établissements peuvent demander des frais
d’examens en plus.
Par conséquent tant dans un cas que dans l’autre les enseignants ne sont pas à l’abri
de se heurter à leur hiérarchie, elles poursuivant d’autres logiques. D’abord le fait de
dispenser d’un examen une classe entière n’apporte pas de plus value d’un point de vue
financier parce qu’on perd l’argent que les élèves allaient devoir payer en cas d’échecs à
l’examen. Ensuite cela ne donne pas une bonne réputation à l’établissement.
Par contre noter les étudiants avec justesse expose l’établissement à des réclamations
que les responsables n’ont pas envie de traiter. En face de ces conflits d’intérêts, plusieurs
professeurs du privé ou des programmes dits pós laboral dans le public se sont vus refuser le
renouvellement de leurs contrats.
Parallèlement l’intervention des étudiants dans l’évaluation pose des problèmes dans
les rapports avec les enseignants qui se voient en posture de faiblesse à être évaluées. Elle
semble créer plusieurs précédents pour eux, d’autant que, comme le montre un recteur, les
élèves ont tendance à être egocentriques. Ils vont évaluer négativement un professeur dans
l’espoir de le voir partir de l’établissement l’année d’après. Mais lorsque cet effet ne se
produit pas, ils râlent contre l’établissement et vont porter moins d’intérêt à l’évaluation,
ensuite.
Nous notons aussi que l’élève est parfois, souvent même égocentriste, il croit qu’en faisant une mauvaise évaluation d’un professeur, celui-ci sera mis dehors en oubliant qu’il n’est pas le seul à évaluer. Sur un univers de 100, il se trouve peut être que 80% ont dû faire une appréciation favorable. L’étudiant rentre dans une frustration, en se demandant ce qu’il est en train de faire là puisqu’il n’y a rien qui change. [Recteur d’un établissement privé, entretien n° 11]
Ces expériences montrent que l’évaluation, notamment la participation des étudiants,
soulève des problèmes et écueils sur lesquels un certain nombre d’établissements et
302
responsables se sont peu penché. Il semblerait qu’on se soit retrouvé à faire des évaluations
sans réfléchir aux conditions de leur mise en œuvre, aux problèmes qu’elles peuvent poser.
Francisco Noa, littéraire de formation et avec une longue expérience de gestion
d’établissements d’enseignement supérieur nous révèle sa propre expérience d’évaluation des
enseignements par les étudiants dont il rappelle être l’un des premiers artisans à l’ISPU
devenue A Politecnica aujourd’hui.
Pour lui, les directions des universités ont besoin d’être informées sur les processus
d’apprentissage en réalisant ce type d’évaluation, mais cette pratique révèle en même temps
de grandes difficultés, surtout à cause de la résistance des enseignants à accepter de se faire
évaluer par leurs propres étudiants. En plus de l’évaluation par les étudiants qui reste
complémentaire, l’universitaire défend une autre stratégie d’évaluation qui lui apparait encore
plus profitable, c'est-à-dire celle qui est faite entre les pairs.
Cela est toujours, c’est une question très, très sensible, au niveau international, les évaluation des étudiants sont absolument inutiles ou sont peu utiles au niveau international ce qu’on privilégie, est l’évaluation entre pairs, c’est une évaluation crédible, entre pairs, donc des professeurs qui évaluent des professeurs, les universités qui évaluent des universités mutuellement, or ce qui se passe dans l’enseignement privé comme les universités sont dans une situation un peu plus précaire, parce qu’elles ont une structure de gestion beaucoup plus difficile et compliquée, elles doivent recourir à des formes pour pouvoir garantir une certaine consistance dans leur fonctionnement surtout au niveau pédagogique, alors elles sont obligées d’inventer ce genre de choses. [Entretien n° 14]
Pour cet universitaire la responsabilité des problèmes qu’affronte le système
aujourd’hui est la plupart du temps jetée sur les éléments les plus faibles, c'est-à-dire les
étudiants et les enseignants. Il faudrait pour avoir un enseignement supérieur de qualité
remettre à plat tout le système éducatif en commençant par les niveaux primaire et secondaire.
Il ne s’agit pas de mettre en cause le mouvement de massification de l’enseignement
supérieur dont le Mozambique n’est pas une exception, mais de proposer aux mozambicains
un enseignement digne et pour cela le travail reste à faire dans toute la structure du système
éducatif à long terme pour ne pas tomber dans les pièges des faux procès faits à l’encontre des
étudiants et des professeurs.
303
Les enseignants ont de moins en moins de marge de manœuvre. Il n’existe pas par
ailleurs une instance qui défend les positions de la carrière enseignante, tant dans le privé que
dans l’enseignement public où il n’est pas courant d’affronter les hiérarchies.
6.1.6 Les visites des cours, conseils entre pairs ou mesure de contrôle ?
Une autre forme de contrôle que nous avons ici c’est l’assistance aux cours, la direction pédagogique va assister aux cours ainsi que les coordinateurs des cours donc les professeurs sont informés, hier même j’ai envoyé un message pour rappeler que nous allons commencer à assister les cours, on ne peut pas assister tout le monde. Les enseignants ne disent jamais non de peur de ne pas renouveler le contrat le semestre suivant, mais pouvoir être assisté a aussi des effets pour certains par exemple, c’est une question d’orgueil et de brio professionnel si on vient m’assister je vais pouvoir prouver que je prépare bien mes cours. [Directrice pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 13]
L’une des mesures préconisées en vue de l’amélioration de la qualité des
enseignements est l’observation des cours entre pairs. C’est une pratique recommandée dans
la littérature de l’évaluation (Huguette Bernard, 2011). Elle peut aider dans le
perfectionnement des pratiques pédagogiques à travers un certain nombre de conseils qui vont
être adressés à l’enseignant assisté. Cela doit s’inscrire dans un projet pédagogique de
l’établissement et un certain nombre de conditions doivent être réunies au préalable.
Des questions doivent être répondues au préalable par exemple, une évaluation par
qui, pour qui et pour quoi. Autrement ce type d’opérations dans l’enseignement supérieur peut
conduire à un certain nombre de conflits au sein de l’établissement allant jusqu’à détériorer
les rapports entre les enseignants, leur encadrement et les étudiants souvent.
Certains enseignants peuvent se replier sur eux-mêmes, démotivés parfois leur
participation aux activités organisées dans l’établissement n’est plus assurée. D’autres
peuvent avoir des réactions parfois violentes, par exemple en classe avec les étudiants comme
le note un directeur pédagogique.
L’observation des cours est pourtant une pratique présente dans quelques
établissements visités. Les directions des établissements reconnaissent les écueils que cela
suppose mais cette action est justifiée par le fait que beaucoup de professeurs ne préparent pas
leurs cours parfois, alors que d’autres sont souvent absents. D’où en parallèle la mise en place
304
d’autres dispositifs de contrôle de l’assiduité des professeurs, comme le livre de classe où est
annoté le plan de la leçon et que l’enseignant doit signer. L’usage du livre s’inscrit dans les
mesures visant à faire le suivi des contenus enseignés mais surtout à garantir l’assiduité des
enseignants.
Une enseignante qui travaille également dans l’enseignement secondaire note une
différence entre la collaboration des professeurs à ce niveau et ceux du supérieur. Ces derniers
tendent à travailler de façon isolée avec peu de contacts entre collègues en dehors des groupes
de disciplines et même là il y a des clivages d’où les difficultés à engager une évaluation
basée sur l’observation des cours dans l’enseignement supérieur où les enseignants jouissent
d’ailleurs d’une certaine autonomie, différemment de ceux du secondaire, par exemple.
Or dans un certain nombre d’établissements les directions pédagogiques afin de
garantir l’efficacité des programmes décrètent l’observation des cours comme un moyen pour
parvenir mais sans prendre vraiment en compte les problèmes ci-dessus évoqués et qu’ils
reconnaissent d’ailleurs.
D’après quelques enseignants, l’action s’inscrit plutôt dans un exercice de
démonstration d’un rapport de forces, d’autant plus qu’il n’y a pas de règles explicitement
établies sur les modalités d’observation aux cours. Par exemple la possibilité pour un
enseignant d’être assisté et de pouvoir assister les autres. On a plutôt un groupe de
superviseurs et conseillers pédagogiques qui assistent les autres.
Pour les enseignants, l’évaluation tout comme une série d’autres mesures censées
améliorer la qualité, par exemple la participation aux séminaires de formation pédagogique
leur est imposée et sans aucune marge de manouvre. Ce n’est pas eux qui choisissent la
formation à suivre, c’est l’établissement qui décide. Soit ils adhèrent soit ils partent de
l’établissement.
Mais va se poser un autre problème plus grave encore avec l’évaluation par les
étudiants avec (Nathalie Younes : 198 in Bedin, dir. 2009) à savoir si elle est vraiment en
mesure de déterminer à partir de quel moment l’enseignant fournit de bons enseignements ou
non. Le bon enseignant est-ce celui qui dispense avec clarté son cours facilitant la découverte
des contenus aux étudiants ? Ou est-ce celui qui aide les étudiants à découvrir d’eux-mêmes
en leur fournissant une méthodologie ? Ou est-ce encore celui qui plait aux étudiants et sans
forcément rien leur apprendre?
305
Malgré tous ces écueils, nombreux sont les enseignants et responsables à défendre une
évaluation systématisée et organisée. Elle est vue dans ces conditions comme une voie pour
l’amélioration d’autant qu’elle permet d’analyser les points faibles qu’il faut améliorer
ensuite, notamment en ce qui concerne les programmes d’enseignements et les plans des
cours. Les effets de l’évaluation sont notables selon plusieurs responsables pédagogiques qui
voient en contrepartie les impacts positifs de cette démarche.
En fait, les établissements sont en concurrence et avec le dispositif de loi prévoyant
l’accumulation et le transfert des crédits académiques, ils se voient dans l’obligation de s’auto
évaluer en faisant participer les étudiants. Cela leur permet d’organiser de la meilleure façon
possible les programmes d’enseignement des différentes disciplines en conformité avec les
objectifs de chaque formation qu’ils offrent.
6.1.7 Mobilité des étudiants dans le système
Un concept qui préoccupe les acteurs de l’enseignement supérieur depuis plus de dix
ans est celui de la mobilité des étudiants au niveau national et international d’où les débats
concentrés sur la durée que doit prendre une formation pour être sanctionnée par une
licenciatura, qui demeure le principal diplôme de l’enseignement supérieur au Mozambique.
Dans le contexte de la fin des années 1990 ce diplôme est obtenu après cinq ans
d’études et les candidats à un Master dans les systèmes étrangers sont obligés de passer deux
ans ou plus pour l’obtenir, ce qui rend les études trop longues pour les étudiants
mozambicains alors qu’il faudrait mettre sur le marché de l’emploi des diplômés en moins de
temps.
Les révisions qui vont avoir lieu depuis les années 2000 opposent ceux qui sont pour
une durée plus courte de la licenciatura c'est-à-dire de trois ans et à même de mettre sur le
marché un nombre plus élevé de diplômés, à ceux qui pensent que le stade de développement
de l’enseignement supérieur mozambicain ne permet pas de conférer une formation de qualité
en si peu de temps pour être comparable aux systèmes éducatifs à l’international.
Les acteurs de l’enseignement supérieur n’ont pas abouti à un consensus sur
l’architecture des diplômes, notamment sur a durée définitive que doit prendre la licenciatura.
La loi 27/2009 laisse de nombreuses zones d’ombres sur ce sujet.
306
Cela pose de nouveaux handicaps au concept d’accumulation et de transfert de crédits
académiques qui va se transformer en décret de loi 32/2010, SNATCA mais que les
établissements vont rechigner à appliquer.
L’élaboration d’un Manuel de procédures par le MINED en 2012 s’inscrit dans une
démarche visant faciliter l’application du décret qui reste fortement tributaire de la volonté
des établissements de coopérer ensemble.
Pour l’instant aucun accord n’a été formé entre les établissements surtout en raison de
la concurrence que cela suppose, montrant par ailleurs que les problématiques de
l’enseignement supérieur peuvent aller bien au-delà du simple perfectionnement du cadre
réglementaire, à partir du moment où les principaux protagonistes poursuivent des logiques
qui ne vont pas nécessairement dans l’intérêt du bien commun que le législateur tente de
garantir.
Bien que conçu depuis plus de dix ans, le concept d’accumulation et de transfert de
crédits académiques n’a même pas pris forme à l’intérieur d’un même établissement comme
le note un recteur. Selon lui, rares sont les cas d’étudiants qui ont poursuivi leur formation en
se bénéficiant des modalités d’un système d’accumulation et de transfert des crédits
académiques, pourtant consacré dans les textes de l’enseignement supérieur.
Cependant, quelques expériences isolées de traitement des dossiers de transfert de
crédits académiques présentés par des étudiants vont révéler des transformations dans le profil
de certains directeurs pédagogiques mais aussi dans le fonctionnement de certains
établissements.
La confrontation de différents programmes d’enseignement apportés par des candidats
de diverses institutions, s’est montrée effectivement l’occasion d’une analyse des forces et
faiblesses dans quatre établissements observés. A partir d’une comparaison des maquettes,
l’analyse peut porter sur plusieurs interrogations, par exemple sur la manière dont se trouvent
formulés les objectifs de formation à l’aune de la démarche compétence.
Grâce à l’exercice de comparaison nous avons décidé de créer un modèle uniforme. Avant chaque discipline avait son propre modèle et chaque professeur aussi. Dans le cadre d’une réunion de formation aux méthodologies d’enseignement nous avons accordé d’initier un processus d’uniformisation à travers l’adoption d’un modèle unique accepté par tous dans la mesure où chaque enseignant a pu proposer des rajouts et corrections. C’est un travail très important parce que nous recevons des étudiants d’autres universités et c’est une des priorités pour nous en ce moment non seulement d’améliorer
307
la présentation de nous enseignements, bien formuler les objectifs et les compétences et veiller à une cohérence au sein des différents programmes afin d’éviter des redondances par exemple. Cela nous évite de passer la honte, comme celle que donne à lire quelques modèles thématiques qui laissent vraiment à désirer, nous ne voudrions pas faire la même figure. [Directeur pédagogique d’un établissement privé, entretien n° 15]
L’analyse des dispositifs de gouvernance montre une faible cohérence d’ensemble
entre les différents organes de tutelle, tandis que l’entrée en scène du paradigme de la qualité
révèle quelques effets sur le fonctionnement de certains établissements. Ceux-ci se révèlent en
effet en veille face à des éventuelles évaluations par la tutelle à mesure qu’ils s’approprient un
nouveau référentiel permettant également de capitaliser certaines pratiques en interne.
Cela étant, va se poser en guise d’un bilan final la question de l’impact des
apprentissages sur l’innovation et la compétitivité du système d’enseignement supérieur
mozambicain.
6.2 L’enseignement supérieur sur la route de l’innovation et de la compétitivité ?
En général les systèmes sont tributaires du fonctionnement des éléments qui les
composent. Du coup, après l’état des lieux dressé aux chapitres précédents et suivi de
l’analyse des effets de l’apprentissage organisationnel au sein des organismes de tutelle, on
devrait conclure à l’impossibilité d’innovation et d’amélioration dans l’enseignement
supérieur mozambicain.
Le titre de la présente section paraît en effet contradictoire avec l’ensemble
d’éléments réunis au cours des développements précédents faisant état d’un environnement
peu propice à l’apprentissage au sein des organes des tutelles.
La question mérite d’être posée surtout si on place le débat dans le domaine de la
rhétorique induite par le discours politique, pour preuve l’argumentaire de toute la
planification gouvernementale (Agenda 2025, PARP, Plan quinquennal du gouvernement,
Plan stratégique de l’enseignement supérieur, etc.) mettant en exergue la nécessité d’une
éducation efficace, mais surtout d’un système d’enseignement supérieur qui contribue à
l’innovation et à la compétitivité en vue du développement du pays.
Cependant, à l’heure d’un bilan la question doit être revue et placée dans son propre
contexte. A quel type d’innovations se réfère-t-on ? A une innovation organisationnelle ou à
308
une innovation des produits et services ? A une innovation radicale ou à des transformations
ponctuelles et incrémentales ? En outre de quelle compétitivité parle-t-on ? Interne aux
établissements, entre les établissements au sein du système ou alors par rapport à un contexte
régional et international?
Le titre suppose des prolongements qui rendraient la thèse presque impossible voire
inutile à certains égards d’autant plus qu’une étude comparative de trois universités africaines
Western Cape, Makerere en Uganda, et UEM au Mozambique (Patricio Langa, 2011)
montrait que le capital scientifique et intellectuel des universités restait tributaire des
ressources disponibles en concluant que le capital scientifique va là où il y a du capital.
Par ailleurs les statistiques officielles montrent un taux liquide d’accès à
l’enseignement supérieur de 1,9 très au dessous de la moyenne régionale située à 6%. Assez
de conclusions pour douter d’une éventuelle candidature des universités mozambicaines aux
palmarès internationaux. L’état actuel de la recherche scientifique ne permet pas non plus
d’inscrire le Mozambique dans la liste des pays qui investissent dans l’innovation.
Dans l’état des lieux nos interviewés dressent des critiques sévères du fonctionnement
actuel du système. Néanmoins certains acteurs montrent à la fois qu’il n’y a pas lieu de
généraliser les problèmes constatés.
En fait, l’enseignement supérieur est un motif de satisfaction en même temps, à
commencer par le nombre d’établissements et d’étudiants, la façon dont ils ont augmenté en
dix ans. Pour certains responsables politiques la quantité en soi est déjà un indicateur de
changement vers la qualité.
En réalité, de jour en jour la tutelle tente de nouvelles formules en même temps qu’elle
se découvre et peut se perfectionner, à travers les dispositifs même et règlements qui sont mis
en place. De jour en jour les établissements évoluent. De nouvelles formations sont créées, de
plus en plus de diplômés sortent des universités.
De jour en jour des établissements et leurs responsables se voient décerner des labels
et prix reconnus au niveau national ou international. De jour en jour de nouveaux partenariats
se développent entre la communauté et les établissements en vue de l’académisation mais
aussi entre ceux-ci et d’autres établissements et réseaux à l’international en vue du
développement d’actions de recherche, l’ouverture de masters et doctorats etc.
Plusieurs critères comparables à ceux-ci peuvent être mobilisés pour évaluer un
système ou des établissements d’enseignement supérieur. Ceux qui composent le système
309
d’enseignement supérieur mozambicain peuvent s’y référer et avec des résultats acceptables à
croire les témoignages des responsables. Tout ceci nous impose de discuter le problème des
effets de l’apprentissage comme il se présente et comme il est perçu par les acteurs.
Dans la présente section notre démarche consistera à restituer les perceptions des
acteurs rencontrés par rapport à un certain nombre d’indicateurs d’un système apprenant.
Mais sans la prétention de porter un jugement, (savoir si le système d’enseignement supérieur
mozambicain est apprenant ou pas), à l’épreuve des indicateurs comme ceux proposés dans la
littérature du management des connaissances (Peter Senge, Nonaka et Takeuchi, David
Garvin).
Plutôt que les universités à l’épreuve de l’apprentissage, nous pouvons remarquer de
façon quelque peu contradictoire que ce sont les théories de l’apprentissage organisationnel
même qui sont mises à l’épreuve dans l’analyse des systèmes universitaires dans la mesure où
ceux-ci révèlent des structures et problématiques tellement complexes (Dubois, 2003; Fave-
Bonnet, 2003) dont une simple analyse basée sur l’apprentissage organisationnel ne saurait
rendre compte d’une manière assez satisfaisante (David Garvin, 2003 ; Philippe Baumard,
1995).
En parallèle la thèse de l’apprentissage organisationnel comme facteur explicatif de
l’amélioration des organisations et des systèmes universitaires doit encore faire ses preuves
comme le montre un exemple de transformation d’une université publique en entreprise aux
Etats-Unis (Yorgos STAMELOS, 2009).
Devant la diversité des systèmes universitaires (public, privé), on doit également
s’interroger profondément sur l’unité d’observation ainsi que sur les indicateurs à privilégier
pour pouvoir affirmer si une université est innovante au pas.
Mais en même temps une démarche basée sur l’apprentissage organisationnel nous est
apparue un outil puissant pour découvrir le fonctionnement des dispositifs d’évaluation dans
l’enseignement supérieur non sans poser des difficultés à commercer par le type de
questionnement suggéré dans notre guide d’entretiens qui va bouleverser les acteurs par
rapport au type de structure organisationnelle où ils évoluent et aux perceptions et
préoccupations qui sont les leurs.
Nous étudions ci-dessous quelques cas spécifiques permettant de mettre en
confrontation théorie et pratique de l’apprentissage organisationnel dans l’enseignement
supérieur en analysant à la fois les facteurs qui peuvent bloquer ou faciliter l’apprentissage.
310
Quant au bilan des effets de l’évaluation sur l’amélioration des pratiques dans la
gouvernance du système, des établissements ou même sur les pratiques des acteurs, bien au
de-là des effets qui pourraient être relevés, la démarche d’analyse que nous suivons nous
conduit à la découverte d’un certain nombre de nouveaux défis que l’entrée en scène du
nouveau paradigme de l’évaluation va imposer à la gouvernance du système.
6.2.1 Un environnement peu propice au partage et à l’innovation?
Les systèmes d’enseignement supérieur se révèlent assez complexes à analyser du
point de vue de l’apprentissage et de l’innovation. En fait ils s’organisent autour d’une
diversité de champs disciplinaires, souvent aux langages et logiques complètement
différentes. Pour caractériser le métier universitaire Fave-Bonnet (2003) parle d’une
profession qui a considérablement changé en quelques décennies mais en même temps d’une
identité professionnelle incertaine.
« Au double métier d'enseignant et de chercheur, se sont ajoutées de multiples activités administratives et représentatives. La profession reste hiérarchisée en de multiples statuts, et morcelée en disciplines ayant chacune des pratiques et des valeurs différentes, ce qui ne contribue pas à constituer une identité commune. Comme les obligations professionnelles se réduisent quasiment à un nombre d'heures d'enseignement, chacun s'investit de façon très inégale selon son tempérament, sa discipline, son statut, son sexe, son âge » (Fave-Bonnet, résumé, Hermès- 35, 2003).
A l’université, dans les composantes, souvent se réunit une diversité de générations
d’enseignants avec des expériences distinctes et des préoccupations parfois contradictoires.
On rencontre aussi une diversité de modes de gestion d’une composante à l’autre sans parler
des styles de management qui varient d’un responsable universitaire à l’autre.
La coopération n’est ni absente, ni impossible à l’université mais les caractéristiques
mêmes de cette institution, dont les enseignants jouissent a priori d’une autonomie
pédagogique et de recherche transforment le besoin de contact et de partage d’expériences
avec les pairs en une nécessité plutôt élective.
Par conséquent, les contraintes à une lecture des systèmes universitaires du point de
vue des indicateurs tels, les « communautés de pratiques », les « travailleurs des
connaissances », le « partage et diffusion des connaissances » etc. deviennent nombreuses.
311
L’exposé de Louis Porcher (2008) sur les raisons qui poussent à ne pas considérer une
université comme une entreprise éclaire assez là-dessus.
Tout comme dans l’entreprise de production qui se montre aussi difficile à étudier du
point de vue d’un système apprenant si l’analyste n’est pas doté d’un cadre d’observation plus
large (Valérie Chanal, 2000, 2004), la thèse des organisations apprenantes soutenues par Peter
Senge (1990) pose aussi des difficultés à l’analyse des universités.
Dans la littérature du management des connaissances, un système apprenant est
souvent présenté comme le fruit d’un environnement institutionnel dans lequel les dirigeants
jouent un rôle majeur en tant que vecteurs d’apprentissage organisationnel (Probst, Gilbert et
Büchel, Bettina, 1995:59-68).
6.2.2 L’environnement institutionnel et les dirigeants comme vecteurs de
l’apprentissage organisationnel
Face à l’ensemble des défis qui se posent à l’enseignement supérieur aujourd’hui, la
figure du recteur est au centre des débats. Une relation forte étant établie entre l’amélioration
de la qualité des enseignements et le rayonnement des établissements, on va de plus en plus
s’interroger sur le mode de nomination du recteur, ainsi que sur son profil.
La présence de dirigeants dont la crédibilité et la compétence ne soit pas à remettre en
cause a été souvent citée durant l’enquête comme un facteur incontournable pour le succès
des systèmes universitaires. Dans cette veine, toute une série d’exemples sur les qualités que
devait réunir la figure d’un recteur nous ont été proposées.
La figure du recteur joue un rôle dans les résultats de l’établissement. C’est pour cela qu’il doit être avant tout un universitaire ça ne peut pas être n’importe qui, deuxièmement cette personne doit avoir l’expérience de la gestion universitaire, avoir le leadership, troisièmement la personne doit être actualisée, en apprentissage permanente, la personne doit voyager, une personne qui dirige un garage dans un district qu’on appelle université qui n’a jamais voyagé, n’a jamais participé à un congrès etc. qui ne connait pas ce qui est la réalité universitaire… moi par exemple si suis universitaire je ne peux pas ouvrir un cours de médecine dans un district simplement parce que je crois important d’ouvrir un cours de médecine à cet endroit, il y a plein de choses à analyser du point de vue de la qualité. [Lourenço do Rosario, Recteur A Politécnica, entretien n° 22]
312
Au Mozambique, en l’occurrence, c’est en partie dans cet état d’esprit qu’on a décidé
dès les premières années de l’indépendance que les recteurs devraient être nommés par le
Président de la République.
Mais ce modèle est très critiqué aujourd’hui du sens où beaucoup d’acteurs y voient en
même temps, non seulement une interférence du pouvoir politique dans l’académie, mais
aussi un facteur d’inhibition de la recherche et du sens critique qui devrait prévaloir dans les
universités.
La commission de révision des programmes d’études n’avait pas tenu en compte qu’il fallait adapter les modalités d’évaluation aux nouveaux systèmes basés sur les crédits académiques. J’ai présenté la question à mes collègues de la direction pédagogique et personne ne voulait prendre le risque de présenter le problème au recteur. On m’avait dit cet homme n’est pas à confronter. Mais il y avait une contradiction car les méthodes d’enseignement changeaient mais les méthodes d’évaluation restaient les mêmes. C’est ainsi que j’ai dû expliquer en assemblée pourquoi il fallait réformer aussi le modèle d’évaluation alors que tout le monde me dissuadait de soulever le problème devant le recteur
[Responsable supervision pédagogique établissement public, entretien n° 46]
A confirmer cet état d’esprit, deux journalistes Salomão Moiana et Tomas Vieira
Mario, qui animent un débat hebdomadaire à la télévision, caractérisent une société avec un
déficit de critique. Celle-ci est fréquemment connotée avec l’opposition. Ils dénoncent en
même temps une gouvernance qui ne tolère pas la critique. (STV, 19 mai 2013)
En revanche, d’autres acteurs plus nuancés au sujet de la désignation des recteurs
demandent en quoi un changement du modèle actuel de cooptation des recteurs peut changer
les rapports à l’université dans l’intérêt de l’amélioration de la recherche et des
enseignements, par exemple si la structure de gouvernance reste la même.
La question est régulièrement débattue y compris dans les télévisions ce qui montre
une préoccupation majeure de nombreux universitaires qui prônent depuis quelques années
déjà l’adoption d’un modèle de sélection plus compétitif pour le choix des recteurs.
« Je n’ai pas de doutes de considérer que l’un des domaines les plus précaires dans tous le système c’est la forme dont est conçue et est procédé la gestion de nos institutions d’enseignement supérieur. En plus de la compétence douteuse des gestionnaires il se pose la question de l’absence de démocratie interne. Celle-ci implique des exercices plébiscitaires réguliers et une plus grande liberté d’expression et de pensée, surtout des enseignants et des étudiants. Curieusement bien que l’un des
313
principes consacrés dans la nouvelle loi de l’enseignement supérieur au Mozambique, de janvier 2003 (article 2, alinéa a) soit la démocratie et le respect des droits de l’homme, il demeure inquiétant que mille années après la création des premières universités l’indication des recteurs dans les universités publiques au Mozambique soit par nomination et non par élection» (Francisco Noa, 2006 :14)
Un nouveau modèle basé par exemple sur des élections devrait conférer plus de
dynamisme et de rayonnement aux établissements. Les commentaires courent avec insistance
et dans une perspective d’innovation pour beaucoup mais ce n’est pas pour autant que sur une
question aussi sensible les autorités de tutelle ont révélé la volonté pour l’heure d’inscrire une
telle réforme dans le débat publique.
Une comparaison avec le modèle universitaire français mérite d’être faite. On a depuis
1968 avec la loi Faure la figure du président d’université qui est un élu. C’est le fruit d’une
longue marche des universités françaises.
Le modèle qui prévaut auparavant est celui d’une configuration autour des facultés
avec à la tête un doyen qui siège dans un conseil d’universités réunissant les dirigeants des
différentes facultés d’une même ville mais présidé par un recteur d’académie lui-même
nommé par le ministre de l’éducation (Jean-François Condette, Professeur d’histoire,
Université d’Artois en conférence le 3 avril, 2014 à la Sorbonne; Musselin, 2001).
Notons que la présidentialisation ne va pas sans poser des contraintes pour les autres
niveaux de la gouvernance, les directeurs d’UFR par exemple dont le rôle perd de l’ampleur
(Musselin, 2001, op.cit).
Par ailleurs si certains universitaires se montrent favorables à une montée en puissance
de la fonction présidentielle, cela doit se faire dans le respect d’un certain nombre de
conditions, notamment que le gouvernement des universités rende compte devant un ou
plusieurs conseils et que ceux-ci puissent congédier le président ou recteur qui viendrait à
mal gouverner son université. (Dubois, Moscati, Boffo, 2008:5)
Revenant sur le cas mozambicain, ce ne sont pas les personnes qui sont mises en cause
dans le débat mais la réforme des institutions, de l’institution universitaire en l’occurrence. Il
faudrait comme montre le recteur d’une université publique parvenir à une institution
régulière, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il ne devrait pas y avoir une distance entre la
figure et les personnes.
S’inspirant du Président américain, Barack Obama, le dirigeant insiste sur l’idée d’une
université normale passant par l’implantation d’une gouvernance sans apparat, qui va jusqu'à
314
démystifier toutes les apparences en passant par désacraliser la figure du recteur. Cela permet
d’être plus proche de la réalité, l’université doit pouvoir être transparente, en mesure de dire
ce qu’elle fait et ce qu’elle ne fait pas, parler de ses problèmes sans aucune difficulté, sans
aucune peur.
De plus en plus d’universitaires s’expriment sur la nécessité de réformes mais les
exemples que nous venons de citer montrent en même temps que les structures ne bougent
pas.
En fait l’innovation a un caractère déstabilisant, le nouveau dérange et crée beaucoup
d’incertitudes sur ce qui va se passer à l’avenir. C’est la raison pour laquelle beaucoup
préfèrent résister au changement, notamment ceux à qui l’ordre établi convient (Bernoux,
2004; Prax, 2005).
Le recteur, tout comme les dirigeants de la tutelle, se trouvent parmi les principaux
vecteurs de l’apprentissage, mais ils ne sont pas les seuls. L’environnement institutionnel, les
philosophies dominantes les ressources existantes, l’interaction entre les acteurs, leurs
rapports, leurs représentations etc. sur l’apprentissage et le changement ont aussi une
importance.
On voit donc que l’innovation à l’université ne va pas de soi et tous les acteurs, les
enseignants, les étudiants, les personnels administratifs et les parties prenantes restantes
peuvent toujours avoir des perceptions différentes et suivre des logiques qui ne vont pas
nécessairement dans le sens d’une nouvelle idée.
L’exemple de l’université pédagogique entre les années 2005 et 2009 paraît illustrer
des perceptions contradictoires sur ce qu’est l’innovation à l’université. A partir d’un petit
département comptant avec moins de deux centaines d’étudiants, l’UP va diversifier ses
formations en s’ouvrant à un public nouveau, donc loin de ceux des cursus traditionnels
orientés vers la formation des professeurs du secondaire.
On y apprend désormais l’administration publique, la comptabilité, le marketing, le
management des entreprises, des ressources humaines, les sciences de l’environnement etc.
Le tarif demandé est deux fois plus réduit que dans les établissements privés, par conséquent
les élèves arrivent par masse à tel point qu’en 2008 on parle déjà de plus de 13.000 étudiants
inscris aux programmes de Licenciatura du département de planification et administration de
l’éducation.
315
Les programmes semblent satisfaire tout le monde, les étudiants qui ont une
opportunité d’entrer à l’université sans passer l’examen d’admission, les professeurs qui
gagnent mieux leur vie, l’université qui gagne de l’argent aussi et qui commence à construire
de nouvelles infrastructures. D’un point de vue administratif, la gestion est plutôt
décentralisée et le département gère directement ses comptes.
Cependant, contre toute attente, l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante à partir de
2008, va signifier la démission du directeur du département de planification et gestion de
l’éducation que tout le monde considérait comme un universitaire innovant, un sauveur.
En réalité quand on s’intéresse aux effets de l’apprentissage on est dans l’étude du
changement dans la gouvernance des universités et cela ne peut pas se faire sans l’analyse des
rapports de pouvoir comme en témoignent tous les exemples que nous avons livré au cours
des développements précédents, à la lecture des perceptions non seulement des enseignants,
mais surtout de quelques dirigeants d’établissements et responsables liés aux organes de
tutelle.
Plusieurs révélations sur les raisons qui semblent avoir décidé la disparation du
MESCT en 2005, les contours du débat de la loi 27/2009, entre autres, montrent les difficultés
à mettre en œuvre des changements dans le système d’enseignement supérieur mozambicain.
En vérité, au cours des épisodes que nous citons il y a toujours des apprentissages mais
on ne peut pas dire qu’ils s’associent à des impacts qui satisfont aux objectifs formellement
affichés, d’autant plus que certaines expériences tournent mal se révélant douloureuses pour
des acteurs animés d’idéaux et soucieux d’une certaine cohérence d’ensemble.
En plus de mon expérience dans l’enseignement supérieur, en tant qu’enseignant chercheur et gérant j’ai vécu deux moments qui m’ont convaincu définitivement que l’éducation en général et l’enseignement supérieur, en particulier ne représentent pas une priorité pour qui gouverne ce pays. Ces deux moments comme j’ai mentionné ont été la création entre 2003-2006, du système national de garantie de la qualité dans l’enseignement supérieur. Le deuxième a été l’an dernier lors du lancement du plan stratégique de l’enseignement supérieur. L’indifférence, la légèreté et l’irresponsabilité de ceux qui devraient prendre une attitude m’ont convaincu à être réaliste. Les choses sont comme elles sont et difficilement vont changer pour plus que nous nous efforcions. [Enseignant chercheur, entretien n° 14]
En vérité les débats sur le changement dans le système universitaire sont une épreuve à
l’issue de laquelle de nombreux acteurs vont soit abandonner le système, soit arrêter une
316
collaboration ou se dédier à des affaires plus personnelles en évitant de s’exposer à des
combats. Le fait d’incarner un projet est l’objet de réactions surprenantes et auxquelles
certains acteurs ne peuvent pas s’attendre au moment de leur lancement.
Les expériences montrent qu’on s’expose toujours à vouloir exprimer une opinion ou à
incarner une nouvelle initiative. Or l’innovation exige aux acteurs d’être proactifs, la prise de
risques, ainsi qu’une vision à long terme. Une vision que les autres protagonistes n’ont pas à
ce moment-là ou n’en disposent pas des référentiels nécessaires pour l’exprimer.
Voulez-vous que je sois sincère ? Le Conseil des Recteurs à l’époque n’avait pas ses statuts publiés dans le journal officiel. Je vais être, un peu mauvaise langue ça se résumait à des rencontres à l’UEM et à l’UP. Quand je suis devenu président j’ai dit d’abord publions les statuts et rendons officiel la structure, c’était mon mandat qui était lancé et nous allons apparaitre en public pour dire que nous existons, pour ça il faut établir des règles, l’association a été formalisée en 2006. Je me rappelle à cette époque par exemple, pour répondre à l’appel du Président de la République qui demandait aux universités de concevoir des formations pragmatiques, nous avons pensé à un cours de développement territoriale dans la perspective de former les administrateurs. Nous avons conçu la formation qui allait se dérouler à l’échelle nationale et avons proposé aux autres universités membres du CR d’y participer dans une session du CNES en présence du ministre. Je suis ouvert au partenariat et je n’ai pas peur de la concurrence, j’ai toujours œuvré pour le partage des expériences, mais j’ai appris que lorsque vous prenez une initiative sans être demandé vous êtes confondus avec quelqu’un qui veut assumer le pouvoir, on vous prend pour quelqu’un qui est dans une lute pour le pouvoir. Maintenant je me sens bien dans mon petit coin, si je suis invité je participe volontiers. [Recteur établissement privé, entretien n° 11]
De nombreux universitaires que nous avons rencontrés parlent avec un certain
réalisme des difficultés qu’on rencontre à proposer de nouveaux projets non nécessairement
par manque de ressources, mais par l’impression qu’ils ont de confronter un certain ordre
établi.
C’est ainsi que va s’expliquer pour certains analystes, en partie, le manque criant
d’activités de recherche. Les acteurs ont dans l’esprit aussi certaines interventions marquantes
comme la fermeture de la faculté de droit en 1983 alors que le pays était traversé par un
modèle de parti unique.
Si je me mets à publier une réflexion sur les indicateurs d’évaluation des
politiques de santés je risque de me trouver face à des problèmes. Mes pairs peuvent se fâcher, ils vont croire que je cherche à apparaître pour être vu. Mes chefs peuvent se fâcher aussi, ils vont se dire pourquoi celui-là et pas moi qui suit le chef à faire ce genre
317
de réflexions, c’est pour ça moi je préfère ne rien publier sur ces matières. Je sais que ça peut être un bon sujet d’autant que je suis dans le besoin pour mon post doctorat mais ce n’est pas la peine je vais réfléchir sur un autre sujet. [Enseignant faculté de médecine, entretien n° 32]
Par ailleurs la possibilité d’une ascension sociale par la voie de la politique guette les
esprits de beaucoup d’intellectuels qui sont mis en appétence d’un jour assumer un poste
important.
On investit trop dans des mythes du pouvoir comme le montre le directeur d’un
département. La différence de salaire entre un enseignant docteur et son directeur (plus de 400
euros) est considérée comme énorme et sans compter les bénéfices restants de la fonction
(téléphone, essence, voiture parfois).
Il n’est pas étonnant que Jorge Arroz, Président de l’association des médecins du
Mozambique à l’issue de la première grève dans la fonction publique déclare à la télévision
(TIM, 23 juin 2013) : « le pouvoir corrompt et la possibilité du pouvoir corrompt encore plus,
nous avons vu des collègues se comporter de manière étrange et même sinistre pour être vus
au détriment de la cause de la classe médicale qui est la leur ». Ce leader associatif sera
pourtant vu en campagne pour les Municipales de novembre 2013 à côté du parti de
gouvernement.
Ceci étant, au sein des dispositifs de gouvernance externe, dans les établissements
également, l’apprentissage organisationnel, le partage des connaissances en groupe, les
initiatives de projet en commun restent des choses que les acteurs doivent encore apprendre.
L’initiative soulève beaucoup de malentendus.
Il y a cependant une différence de comportements à l’égard de l’innovation entre les
organisations déjà établies et les émergeantes comme nous le révèle (Prax, 2005). Une
comparaison va être proposée dans la même veine entre deux universités publiques, d’un coté,
et une université privée, d’un autre côté. Avant cette comparaison nous devons reconnaitre
tout de même que l’université classique a eu son moment de gloire.
6.2.3 Les établissements classiques innovent-t-ils ?
Tout comme l’organisation taylorienne l’université, classique a eu et continue d’avoir
ses moments de gloire. Les dirigeants qui sont passés par l’UEM en phase de transition d’un
318
régime de parti unique vers une démocratie multipartite ne cachent pas par exemple leur fierté
d’avoir maintenu l’université sachant la crise économique que le pays traversait.
Par ailleurs les résultats d’une démarche de planification stratégique au début des
années 1990 ne sont pas à sous-estimer à tous les niveaux de l’université. Le premier plan de
l’Université Eduardo Mondlane en 1991 « Plano Presente Indicativo » financé par la Banque
Mondiale et qui a permis la construction de résidences, l’équipement des laboratoires et la
formation, puis réédité par la suite deviendra non seulement l’un des principaux outils de la
gestion universitaire et de son évaluation institutionnelle mais aussi de communication et de
mobilisation de ressources.
Selon les responsables universitaires et les enseignants chercheurs, les effets de la
planification stratégique ainsi que de nouveaux partenariats qui vont se développer n’ont pas
tardé à se faire sentir sur différents fronts : l’élévation du niveau des enseignants (masters et
doctorats), les enseignements, la recherche, les équipements.
« Quand je suis entré comme recteur nous dépendions encore des professeurs des pays de l’est, des cubains et quelques professeurs des pays nordiques, des italiens et autres. Les enseignants mozambicains étaient en petit nombre. Nous avons ainsi initié un processus de formation au niveau des masters et doctorats avec l’appui d’universités partenaires de plusieurs pays du monde. Nous avons planté les semences qui sont en train de germiner aujourd’hui. Actuellement l’UEM compte un peu plus de deux cents docteurs. On a de quoi être fier » [Narciso Matos, ancien recteur, UEM, 14 octobre 2012].
Il faut dire que parallèlement au plan de développement global de l’université, les
facultés et les départements se lancent individuellement dans leurs projets de développement
internes comme peut le montrer un ancien directeur scientifique de la faculté de médecine.
J’avais hérité d’une faculté qui avait six, sept Masters et un, deux docteurs, à l’époque et j’ai élaboré un plan stratégique de formation de cadres enseignants car je me disais que notre université doit être non seulement pour le Mozambique mais aussi pour le monde. J’ai appelé tous les jeunes médecins qui travaillaient à l’hôpital et d’autres dans l’enseignement et je leur ai dit poursuivez vos études faites vos spécialités et vos masters je vous donne l’appui, nous allons rechercher les bourses. A partir de ce programme nous avons formé des masters et avons fait beaucoup de spécialistes y compris de doctorants et avons avancé vers un nouveau profil qui est celui de l’enseignant spécialiste et Maître à la faculté de médecine et là nous sommes en 1997, jusqu’en 2002 … j’ai crée des ponts avec la Suède, Pays bas, l’Espagne, le Portugal, d’autres se trouvait déjà en processus je n’ai fait que les consolider et les renforcer. Nous avons des congrès lusophones de la
319
médicine des congrès internationaux dans les différentes spécialités de la médicine c'est-à-dire que nous avons commencé à élever le nom de la faculté de médecine à le porter au-delà des frontières…Avec l’Université d’Amsterdam nous avons renforcé le service de physiologie. Avec l’Institut de Porto nous avons fait une assistance au département d’anatomie pathologique. Nous avons crée un projet de coopération avec la Norvège. Nous avons lancé le Master en santé publique dans l’université Eduardo Mondlane. Nous avons reçu des financements de la NORAD, et initié une collaboration avec New York university, l’Université autonome de Barcelone, l’Université de Cape Town, l’Université d’Oslo… [Ancien enseignant UEM, Recteur d’un établissement privé, entretien n° 11]
On peut voir dans la démarche de planification stratégique le rôle joué par les
dirigeants universitaires, proche de l’idée des travailleurs de la connaissance développée par
(Peter Drucker 1992 ; Nonaka et Takeuchi 1995) dans la perspective de l’élévation d’une
organisation au niveau d’un meilleur positionnement.
Entretemps les configurations ont évolué. D’autres acteurs sont arrivés à l’Université
Eduardo Mondlane, les partenariats continuent en lien avec les premiers plans stratégiques et
ils peuvent être traduits en termes d’effets. Mais les universités sont dynamiques tout comme
la société, elle-même.
Les discours ont changé, par exemple les acteurs actuellement aux commandes dans la
faculté de médecine parlent d’une gestion de crise suite aux secousses de Bologne. C’est peut
être le signe d’un cycle qui arrive en phase de maturation.
Les acteurs actuellement aux commandes avouent ne pas inscrire leur action dans le
cadre d’une démarche de planification stratégique comme cela avait été le cas pour une autre
génération de responsables universitaires.
6.2.4 Les établissements émergeants innovent plus
La plupart des établissements privés et même publics naissent de la réaction d’un
certain nombre d’universitaires s’estimant dans l’impossibilité d’engager des changements à
partir d’une université déjà établie comme l’UEM, par exemple.
Un chercheur note également que les centres de recherche nés ces toutes dernières
années s’inscrivent dans la même logique, surtout après les événements opposant un groupe
d’enseignants-chercheurs fondateurs de l’ancienne UFICS au recteur de l’UEM durant la
première moitié des années 2000.
320
Nous ne prévoyons pas de réaliser l’expansion avec des universités, nous
voulions les instituts polytechniques. Dans le monde aujourd’hui on pense qu’un enseignement supérieur plus diversifié est plus habile pour répondre aux besoins nationaux. Les universités ont un temps de virage très long en raison de leur nature, une bonne université classique, traditionnelle. Par conséquent elles ont des structures très lourdes alors que les instituts polytechniques sont d’une insertion locale, ils sont insérés dans l’économie régionale et n’ont pas à répondre aux questions nationales [ancienne membre du gouvernement, entretien n° 28]
Le choix d’expansion de l’enseignement supérieur à partir de l’ouverture d’instituts
polytechniques n’est donc pas un hasard. C’est le résultat d’une évaluation des difficultés qui
représente le changement dans des structures classiques, caractéristiques des principales
universités publiques au Mozambique.
Dans une grande université parfois le manque de coopération entre une nouvelle
génération d’enseignants et une autre plus ancienne, par exemple a représenté un facteur de
blocage à l’innovation.
En fait, nous enseignions toutes les spécialités de la chimie: de l’eau, de l’industrie, médicale, pharmacologique, au bout du compte les étudiants connaissaient un peu tout mais sans rien savoir de spécifique. Une réforme s’imposait mais on se heurtait à des résistances qui la rendaient impossible. Ce projet qui était impossible à l’UEM je l’ai réalisé dans l’établissement où je travaille maintenant où nous offrons des formations en ingénierie environnementale avec plusieurs débouchés. A l’UEM on le fait déjà aussi mais seulement après le départ à la retraite d’un ancien professeur.
[Directeur d’un établissement privé, entretien n° 23]
Comme montre le Prax (2005) en comparant les entreprises, Il y a également une
grande différence en termes de postures face à l’innovation entre un nouvel établissement
émergeant qui veut s’imposer dans le marché et doit prendre des risques et un autre déjà établi
et dont les activités traditionnelles représentent l’image de marque qui permet à l’organisation
de vivre d’autant plus qu’elle est assurée à l’avance d’un certain nombre de conditions comme
un budget, par exemple.
L’innovation apparaît souvent en confrontation au statu quo et à l’ordre établi d’où
l’isolement dans lequel vont se trouver certains acteurs qui essaient de mettre en place de
nouveaux projets.
321
Toutefois, quelques acteurs qui ont eu à expérimenter l’innovation dans de petits
établissements émergeants affirment avoir la sensation d’être dans des espaces plus ouverts à
l’initiative.
Cette perception d’une certaine aisance à mettre en place des réformes dans un
établissement émergeant apparaît aussi après une comparaison entre deux universités
publiques considérées comme des structures traditionnelles dans le panorama de
l’enseignement supérieur.
Entre l’UEM et l’UP, il y a des nuances à prendre en compte en termes de postures
face à l’initiative. La restitution d’un entretien avec un haut responsable de l’université
pédagogique permet de tirer quelques leçons sur l’analyse des universités du point de vue
l’apprentissage organisationnel et de ses effets sur l’amélioration de la qualité.
L’expérience témoigne en même temps que l’apprentissage organisationnel peut se
révéler une démarche puissante pour la découverte du fonctionnement des systèmes
universitaires surtout si elle s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire.
L’Université pédagogique est née en 1986. Elle a une histoire assez longue dans le
panorama de l’enseignement supérieur mozambicain mais qui reste courte par rapport à celle
de l’UEM née en 1962. L’expérience de cinq ans à la direction de l’établissement conduit son
responsable à penser que des procédures de management plus flexibles, dynamiques et à la
hauteur des besoins de l’établissement ont été adoptées plus facilement que dans une
structure plus classique comme l’UEM selon lui.
La démarche en cours est néanmoins le résultat d’une grande bataille étant donné que
l’UP conservait sur beaucoup d’aspects les caractéristiques d’une université classique avec
des structures dites lourdes, où les formes de prise de décision sont cristallisées dans des
processus très difficiles. Le Responsable qui est originaire de l’UEM se trouve mieux placé
que quiconque pour l’affirmer.
L’UEM a toujours fonctionné de cette manière, elle est ainsi et continue comme cela et maintenant ce n’est pas tellement de la faute des personnes c’est l’institution elle-même, ce ne sont plus les personnes elles n’influencent plus. [Recteur, entretien n° 21]
Il est difficile de présenter les conseils universitaires comme des lieux de partage de
connaissances et de promotion de l’innovation pour diverses raisons. D’une part, au moment
322
des discussions, les différentes logiques qui animent les membres des conseils ne vont pas
toujours dans l’intérêt d’une innovation ou d’un changement que certains voudraient inscrire à
l’ordre du jour.
D’autre part, les grandes décisions ne sont pas nécessairement prises dans les
structures formelles comme les conseils universitaires et les conseils scientifiques. Par
conséquent, même lorsque les initiatives viennent du plus haut niveau, les décisions et la mise
en œuvre des actions ne sont pas évidentes.
Les universités, les conseils universitaires qui les dirigent se révèlent parfois des lieux
de confrontation de logiques et de rationalités contradictoires et les changements sont
difficiles à mettre en œuvre, d’autant plus qu’il y a des centres de pouvoir invisibles à la
différence des structures militaires, par exemple où il y a un général, avec un pouvoir et une
ligne de commandement claires. Dans les structures et institutions universitaires c’est un peu
comme dans les partis politiques.
Christine Musselin se référant à R. Rémond (1979) relatant son expérience de premier
président de Paris X-Nanterre montre les particularités du management des structures
universitaires. On assimile, en effet le gouvernement d’une université (le conseil
universitaire) plutôt au gouvernement d’une société, à une assemblée parlementaire qu’au
conseil d’administration d’une entreprise (Musselin, 2001:59-61).
Dans les partis politiques il ne suffit pas d’être dans une commission politique pour croire que vous avez le pouvoir, il y a des gens qui n’y sont même pas que vous ne voyez jamais mais qui décident, donc les centres de décision ne sont pas toujours dans la structure formelle alors les académies sont aussi comme ça par exemple un grand professeur dans une grande université va influencer plus dans la politique de recherche de l’institution que le Conseil Académique, imaginez que vous avez un professeur qui est prix Nobel, il n’a nul besoin de faire partie de cette structures pour déterminer. [Recteur, entretien n° 21]
Sans coopération et sans apprentissage, il n’y a pas de changement comme l’explique
Bernoux (2004). Dans ces conditions l’université se transforme en un lieu où l’idée de partage
et de transformation des connaissances en vue de l’innovation ne trouve pas aisément sa place
parce que les décisions en faveur ou en défaveur d’une innovation sont très subjectives et
dépendent de ce que chacune de ces personnes assises dans un centre de décision pensent.
323
Aussi, les travaux de Pierre Bourdieu (1984) offrent-ils un cadre d’observation pour
interpréter les logiques d’action dans les institutions en montrant par exemple que l’espace de
prise de positions dépend de l’espace et des positions occupées.
L’UEM a cette particularité d’avoir été la première université à être créée. C’est l’alma
mater du système et en même temps là où se concentre la majorité des enseignants d’une
génération antérieure à l’indépendance.
Elle accueille également tous ceux qui ont été formés durant les premières années de
l’indépendance. Ceux-ci sont hautement formés mais pour se faire accepter dans le système
doivent d’abord subir l’influence des anciens en rentrant dans un moule qui ne conduit pas
nécessairement à une productivité scientifique notable. Par ailleurs, les centres de décision qui
naissent de la fusion des deux générations d’enseignants peuvent être souvent dominés par
des acteurs peu enclins à la production scientifique.
L’UP étant une université de formation plus récente compte beaucoup moins de
personnes issues de l’ancienne génération. Les clivages, lorsqu’ils se produisent, vont opposer
des acteurs d’une même génération avec moins de 25 ans d’expérience dans l’enseignement
supérieur, pour les plus anciens d’entre eux.
Mais le facteur générationnel semble jouer au profit d’une cohésion de groupe qui aide
jusqu’à une certaine mesure dans la conduite des réformes. En plus la structure actuelle de
management de l’établissement lui confère beaucoup plus de flexibilité. Une nouvelle vision,
une nouvelle stratégie qui se produit à l’UP a beaucoup plus de chances d’être analysée et
entendue qu’à l’UEM selon le responsable de l’UP.
Nos forums de débat sont beaucoup plus démocratiques, beaucoup plus ouverts, plus réguliers que ceux de l’UEM. Décidemment nous avons une série de processus sur lesquels on est meilleur que l’UEM qui demeure avec tout le respect une université beaucoup plus établie, c’est clair ils ont beaucoup plus de gens formés, sans aucun doute
c’est la première, la plus ancienne l’alma mater. [Recteur, entretien n° 21]
La plupart des acteurs se refusent à l’idée d’un ranking des établissements par le
CNAQ par exemple. Mais implicitement il y a des classements qui se font déjà. L’Université
Pédagogique assume la place de la plus grande université au Mozambique aujourd’hui en
raison du nombre d’étudiants inscrits et de son implantation au niveau national.
Dans les projets pour l’avenir malgré un ratio assez réduit d’enseignants docteurs
(seulement 8%), en baisse donc en raison de l’expansion vers les provinces, on ne cache pas
324
la volonté d’entrer au palmarès des 100 meilleures universités d’Afrique, où l’UEM figure
déjà.
6.2.5 Vers un classement des universités? L’évaluation de l’employabilité des
diplômés.
Quelques établissements de formation récente sont cités parmi ceux qui ont réussi à
construire une image de marque, d’où l’ensemble des prix et labels nationaux auxquels ils ont
été associés ces dernières années. Parmi les plus cités il y a l’ISCTEM, a Politécnica ainsi que
l’Unilurio basé à Nampula, mais sans que ceux-ci soient pour autant dotés d’un corps
enseignant qui satisfasse aux normes exigées par le ministère de l’éducation.
L’ISCTEM qui se trouve parmi les premiers établissements privés à offrir des
formations en médecine, comptait selon les statistiques publiées par le ministère en 2012, 195
enseignants dont seulement 17 à temps complet. Parmi ceux-là, 28 avait le master et 13 le
doctorat.
Sur les 217 enseignants affectés à la Politecnica, 17 sont docteurs contre 51 titulaires
de masters. Seulement 22 travaillaient à plein temps. L’Unilurio pour sa part en tant
qu’université publique comptait un nombre plus élevé d’enseignants à temps complet, soit 89
sur les 160 existants dont seulement 5 docteurs et 9 masters.
Notons que des structures encore plus petites comme L’UDM et l’ISUTC ont gagné de
la notoriété en investissant dans des programmes en ingénierie environnementale et
technologie, notamment.
Chaque établissement peut vanter ses attributs par rapport aux uns et aux autres.
Patricio Langa (CNAQ, mars 2012) montre que les arguments mis en avant ne relèvent que
des allégations de qualité infondées, tant qu’on n’aura pas réalisé des évaluations basées sur
des critères objectifs.
Un critère comme l’employabilité des étudiants par établissement par exemple reste
encore difficile à mesurer d’une part en raison du manque d’études et de données statistiques
sûres dans ce domaine. D’autre part, les rares statistiques qui restent disponibles révèlent une
structure d’emploi formel assez déficitaire.
325
Un indicateur parmi les plus importants pour l’évaluation de l’efficacité externe de
l’université aujourd’hui est sans doute celui de l’insertion des diplômés dans le monde du
travail.
Les problèmes de l’employabilité des diplômés ne se posent pas jusqu’au milieu des
années 1990. D’autant plus que le nombre d’étudiants est limité et que c’est le gouvernement
qui décide de leur distribution dans les formations de son intérêt et c’est lui en même temps
qui absorbe la plupart des diplômés qui sont formés au niveau national et à l’étranger.
Tout comme le phénomène vécu dans la plupart des systèmes, la question de la qualité
de l’enseignement supérieur va connaitre un tournant avec la massification (Eleanor Lemmer,
2006 :163).
Par conséquent, le problème de l’emploi des diplômés va surtout se poser à partir du
moment où le nombre d’étudiants va augmenter, au milieu des années 2000, alors que le
secteur de l’économie formelle se révèle incapable d’absorber les diplômés de l’enseignement
supérieur qui arrivent en masse.
Rappelons que la massification de l’enseignement supérieur ne se fait pas
accompagner de mutations dans le marché du travail. Ce malgré le récent boom des activités
d’exploration minière (surtout le charbon industriel dans la province de Tete) et une
croissance stable à 7%.
«Le nombre de diplômés formés par les établissements d’enseignement supérieur est passé de 4580 en 2006 à 13405 en 2010. En vérité l’offre d’emploi durant cette période a augmenté, mais seulement de 15%. Sachant que cette croissance inclut les mégaprojets, il faut dire que ceux-ci ne constituent pas la solution du problème dans cette phase, vu qu’ils demandent une main d’œuvre spécialisée. C’est sur ce volet, c’est-à-dire la formation de main d’œuvre spécialisée que nous devrions nous concentrer ». (José Chichava, Jornal Noticias, 14 février 2012)
Une étude publiée par le ministère de l’éducation en 2009 « Graduate Tracer Study,
impacto de estudantes graduados no mercado laboral», au passage, la première du genre
après une enquête réalisée près d’une population de 4947 anciens étudiants nouvellement
diplômés avec la Licenciatura, dans l’intervalle entre 2003 et 2008, révèle aux yeux du
ministère de l’éducation des résultats satisfaisants, seulement 13% de chômeurs chez les
diplômés de l’enseignement supérieur.
326
Le temps de recherche d’un nouvel emploi s’élève à deux ans et les chômeurs
diplômés ressentent moins de difficultés que d’autres catégories. 62% se déclarent cependant
insatisfaits en termes de qualité des opportunités d’emploi.
La fonction publique absorbant 90% des diplômés reste de loin le principal employeur
de la main d’œuvre de diplômés du supérieur. L’enquête révèle que 58% des enquêtés se
trouvaient déjà en situation d’emploi avant la conclusion de leur études. Les domaines de
formation les plus représentés sont l’informatique, les sciences de l’entreprise, le journalisme,
le droit, les sciences de l’éducation, les mathématiques et les statistiques, le génie de
construction et autres spécialités techniques.
Les établissements visités affirment avoir de bons commentaires des employeurs sur le
niveau de leurs diplômés mais nous n’avons pas pu accéder à des bases de données qui
montrent l’évolution de l’employabilité de leurs étudiants.
Cela étant plus que des effets d’une démarche qualité sur l’amélioration des
établissements et du système, notre enquête va se conclure sur une série de découvertes et
impasses par rapport à l’ensemble des dispositifs récemment introduits dans le cadre d’un
système de contrôle et garantie de la qualité de l’enseignement supérieur.
6.2.6 Les effets de la démarche qualité: découvertes et impasses
La littérature du management des connaissances suite aux travaux de (Schön et
Argirys, 1978, in G. Lécrivain, s.d ; Probst, Gilbert et Büchel, Bettina, 1995) nous conduit à
privilégier l’analyse des apprentissages individuels et dans les petits groupes qui semblent se
prêter plus facilement à l’observation que ceux d’une organisation ou d’un système.
A ce sujet, nous avons été frappé par la posture de la plupart des nos interviewés qui se
positionnent par rapport au fonctionnement soit des établissements ou du système et sans
accorder vraiment d’importance à leurs apprentissages individuels.
Bien au-dé-là des effets que l’évaluation peut provoquer sur l’amélioration de la
qualité, nous observons que la démarche qualité met les acteurs devant des découvertes et des
impasses. Ceci pose de nouveaux défis à l’organisation de l’enseignement supérieur.
327
Le décret 48/2010 fixant les conditions d’ouverture et de fonctionnement des
établissements avec des mesures punitives en cas de non-conformité aux normes ne peut pas
être appliqué dans son intégralité parce qu’un moratoire de cinq ans c'est-à-dire jusqu’en 2015
a été accordé aux établissements pour s’organiser.
Entretemps compte tenu du nombre d’étudiants et d’établissements rapporté au
nombre d’enseignants existants, avec l’expansion en cours, pratiquement aucun établissement
y compris les grandes universités publiques comme l’UP avec seulement 8% d’enseignants
docteurs sera en condition de remplir les normes en termes de pré requis minimum à l’horizon
2015.
Tous les responsables des établissements reconnaissent à l’unanimité l’inapplicabilité
de cette norme, d’autant plus que l’expansion de l’enseignement supérieur ne s’est pas
accompagnée d’une politique de formation du corps enseignant.
Ce n’est pratiquement qu’au début des années 2010 que la problématique de la
formation du corps enseignant est devenue une matière de politique publique à travers une
série d’incitations afin que les établissements puissent élever le niveau de leurs enseignants.
Les impasses à la mise en pratique de la plupart des normes révèlent pour certains
acteurs que le système dans sa globalité ne réunit pas encore les conditions pour qu’on puisse
envisager l’évaluation aux termes qui sont fixés.
Avec un certain réalisme, le recteur d’a Politécnica remarque l’utilité d’un travail
visant l’amélioration qui doit être fait en partant d’une base. Les principes mis en exergue par
les normes conduisent à aller vers un idéal, mais il pense également que le temps se chargera
de réguler naturellement le système à mesure de l’évolution des mentalités.
Il n’est jamais trop tard pour commencer à faire un travail et naturellement je crois que le temps lui-même va faire la sélection pour la qualité, ce ne sont pas seulement les instruments du CNAQ qui doivent bien fonctionner mais aussi l’évolution de la mentalité des acteurs. [Recteur, entretien n° 22]
Dans la même ligne de raisonnement Tito Fernandes, directeur scientifique d’Unilurio
et responsable du CNAQ, qui déclare avoir participé à différents panels dans le domaine de la
qualité en Europe juge que ce paradigme est arrivé un peu trop vite au Mozambique. Pour lui,
l’Europe a mis plus de dix ans à s’organiser en matière d’évaluation et dans une démarche
d’adhésion libre.
328
Gilles Cistac, professeur à l’UEM insiste comme la plupart des enseignants sur la
nécessité d’une évaluation qui tienne surtout compte du contexte. Il propose dans son analyse
de tenir compte des conditions dans lesquelles s’effectue l’activité universitaire en général.
On doit s’intéresser à la condition sociale des enseignants et des étudiants.
En fait, les universitaires remarquent avec insistance une faible attitude des étudiants
face à l’apprentissage. Ceux-ci ne révisent pas les matières et peu révèlent des habitudes de
lecture. D’après les universitaires seulement 10% d’une classe d’une soixantaine d’étudiants
s’investissent volontairement dans une démarche de réflexion universitaire.
On a cependant des problèmes structurels qui touchent directement à la qualité des
enseignements. Ceux-ci ne devraient pas être négligés avant de faire une bonne évaluation.
Cela passe par l’analyse des conditions de travail dans les établissements, les ressources et les
équipements existants.
Il y a aussi le problème des classes surchargées, avec 65 élèves c’est compliqué
de pouvoir assister les étudiants et on n’a pas assez de profs pour organiser des travaux dirigés. La condition du propre étudiant, il vit dans une famille avec 4 frères et sans espace de travail. Si on ne change pas les structures et les méthodes, sans base de donnés, sans matériel, sans photocopiées on peut avoir les meilleurs lois, mais elles n’auront pas les effets souhaités. Il y a des profs et les étudiants ensemble sans les conditions de travail, sans les bibliothèques. Il faut aussi les conditions générales à mettre en place, il faut les moyens de transport la nuit, les bibliothèques qui ouvrent tard. Ainsi, si les élèves n’ont pas les conditions à domicile ils peuvent se déplacer et travailler jusqu'à tard mais ici les bibliothèques ferment tôt, en Amérique du sud les élèves peuvent travailler plus tard. Il faut reformer aussi les pratiques et pas seulement les lois, mais aussi les structures, donner accès aux revues, aux publications mettre en place les transports publics. Autrement il faudra être modeste on ne peut pas avancer sans les conditions matérielles. [Gilles Cistac, professeur de droit, UEM, entretien n° 25]
Le règlement relatif aux crédits académiques et à la mobilité des étudiants peine à être
appliqué en raison de la concurrence entre les établissements mais son application exige un
certain nombre de conditions que le système ne possède pas. Par exemple des maquettes
nationales pour toutes les formations offertes.
Pour l’heure, chaque établissement se guide par ses propres programmes
d’enseignement. Les contenus pédagogiques sont élaborés individuellement par chaque
enseignant dans la plupart des cas et sans aucune référence à un cadre commun. Les
établissements qui enseignent la médecine ont tenté un rapprochement en 2012 en vue de la
329
production d’un document de référence pour les cours, c’est pratiquement une première du
genre.
L’usage de systèmes informatiques est peu répandu tant au niveau du management
qu’à celui des usagers. D’ailleurs de nombreux enseignants et étudiants ne se servent pas des
ordinateurs et de l’Internet.
Il nous manque du matériel ici, imaginez 1 seul data show pour une faculté toute entière. Et cela se fait accompagner par un paradoxe, la plupart des enseignants n’utilisent pas l’Internet, l’ordinateur non plus. Nous avons une plateforme Chissimba, vous savez même les enseignants qui ont des fonctions de direction et des cadres dans la fonction publique, ils n’utilisent pas beaucoup l’ordinateur. La plateforme Chissimba vise la diffusion et la massification des NTICs. Elle vise un enseignement centré sur l’étudiant aussi, les blogs, les bibliothèques virtuelles pour tout ce qui à voir avec les programmes, les modules. Les étudiants peuvent accéder 24/24. Les Enseignants à leur tour, eux aussi ils doivent savoir en faire l’usage pour l’enseignement. Cela contribue à l’abandon des pratiques traditionnelles, transmissives. Avec l’Internet l’étudiant reçoit l’information à temps et vient en cours déjà préparé. Mais il y a une grande résistance aux plateformes, je pense qu’il faut d’abord une sensibilisation, une éducation. Nous avons un département d’informatique a l’université qui fait l’entrainement mais on note que les collègues n’utilisent pas les NTICs, cela n’est pas dans leur culture, ce n’est pas dans leur esprit. [Enseignant UEM, entretien n° 6]
Or un système de transfert de crédits exige également un dispositif informatique
harmonisé comme le note la directrice pédagogique de l’UEM. Actuellement la plupart des
universités dont l’UEM utilisent encore un système de registre académique manuel qui
commence à peine à être informatisé et il n’existe aucune base de données commune sur les
étudiants pour faciliter le transfert des crédits.
Mais le processus d’informatisation ne va pas sans créer des résistances par ailleurs
comme le montre le directeur des registres académiques de l’UEM qui centralise toutes les
inscriptions des étudiants immatriculés également dans les facultés et écoles de l’université
implantées dans les provinces y compris ceux qui suivent des formations à distance.
L’informatisation représente un énorme défi pour l’organisation de l’université. Les
étudiants sont dispersés le long du pays, il faut garantir qu’ils sont bien inscrits et qu’ils
poursuivent leur formation régulièrement, que les documents fournis correspondent vraiment
à chaque étudiant répertorié, que les notes obtenues lui correspondent etc.
Pour le responsable des registres académiques de l’UEM, l’informatisation du système
ne signifie pas nécessairement avoir un système robuste et efficient, car ce type d’outil peut
330
également faire l’objet de beaucoup de résistances à son utilisation. Et c’est une des raisons
qui empêche l’accélération du processus en cours, selon lui.
On doit néanmoins remarquer une grande évolution dans l’organisation de l’université
par rapport au moment où a été décidée une migration vers un processus de registre
informatisé des inscriptions. En 2007, on était incapable de répondre à des questions comme
combien d’étudiants il y avait à l’université, combien de filles, de garçons ? Il n’y avait pas de
réponses précises, c’est dans ces conditions qu’a été initié le processus d’informatisation en
cours.
Le responsable rappelle qu’historiquement, c’est-à-dire de 1962 jusqu’en 2007, tout
était fait manuellement, sur papier. Cela veut dire que tout le contrôle qui doit être rigoureux
et précis pour éviter d’attribuer des diplômes n’importe comment, par exemple, était fait de
façon manuelle. Pendant la campagne des inscriptions, l’université reçoit d’un seul coup
quatre à cinq mille étudiants à inscrire. C’est dans cette perspective que l’institution s’efforce
en ce moment de migrer vers l’automatisation du système.
Ce n’est pas un travail qui se fait d’un jour à l’autre et puis il reste toujours une
partie du processus qui exige un contact directe avec l’usager qu’on ne peut pas automatiser. D’ailleurs, aucune université du monde ne travaille pas de manière totalement automatisée, il y a toujours un moment d’accueil en face à face pour prendre une photo par exemple. Nous demandons toujours les photos d’identité comme avant mais maintenant grâce à l’informatique nous captons nous-mêmes une photographie pour l’attribution de la carte d’étudiant à travers un processus digitalisé. [Responsable registre académique, UEM, entretien n° 29]
Par ailleurs les systèmes de recrutement et d’évaluation des étudiants sont disparates.
Dans les universités publiques il y a un examen d’admission, dans les privées il n’y en a pas.
Il y a aussi le système de dispense d’examen en cours de l’année académique dont les
conditions varient en fonction des établissements. Pour certains il suffit d’avoir une moyenne
de 14/20, pour d’autres l’étudiant est dispensé à 16/20. A la Politecnica un étudiant régulier
qui obtient un minimum 10/20 dans toutes les disciplines d’un semestre est automatiquement
dispensé d’examen.
Parallèlement on est également face à des découvertes et impasses par rapport au
fonctionnement des organes de tutelle, compte tenu des notions d’autonomie, responsabilités
et libertés des universités. Le ministère de l’éducation ne prend pas de décisions pour les
331
universités. Celles-ci sont autonomes et du ressort du Conseil des ministres qui décident de
l’ouverture et fermeture sur recommandation d’un organe de consultation, le CNES.
Le renfort des capacités de contrôle par la tutelle au niveau du ministère signifie un
rôle majeur de celui-ci dans les questions budgétaires par exemple. Les établissements
négocient directement avec le ministère des finances, pour l’heure. Certains collaborateurs
liés à la tutelle ne cachent pas la nécessité pour eux de pouvoir être associés aux discussions
que les établissements mènent avec le ministère des finances et le ministère de la planification
et développement.
Une intervention plus forte du ministère suppose également de revoir le statut des
recteurs des universités publiques pour l’heure pratiquement similaire à celui du ministre.
Pareillement pour le CNAQ dont on attend plus d’intervention alors que la structure de
gouvernance ne lui donne pas cette marge de manœuvre. Mais l’expérience du MESCT entre
2000 et 2005 et l’ensemble des coalisations qui vont se produire (Jasmin BEVERWIJK, 2005)
laissent augurer une réforme assez difficile à mettre en œuvre.
En fait le paradigme qualité et la nécessité d’un contrôle du fonctionnement des
établissements sont des concepts qui apparaissent à un moment où les universités sont déjà
établies. L’autonomie et sans régulation externe est un acquis que les universitaires ne sont
pas prêts à perdre.
La mise en place d’un système de contrôle et garantie de la qualité plus efficace reste
tributaire de réformes qui passent par une grande entente suivie d’un effort de coopération
entre les principaux protagonistes au niveau des recteurs des établissements publics surtout
mais aussi des organes de tutelle au-delà même du ministère de l’éducation mais les enjeux
demeurent de mise.
Le Conseil des recteurs où siègent les représentants des principales universités,
sachant les intérêts qu’ils représentent dans l’arène politique et le capital social dont jouissent
certains recteurs (anciens ministres, présidents de commission national électoral, président du
comité des conseillers de l’Agenda 2025, leaders religieux), cet organe aura toujours une
influence importante dans les débats.
Cela étant, il semble que toute mesure visant à réduire ou augmenter l’autonomie des
établissements implique une intervention au plus haut niveau de la gouvernance de l’Etat. La
loi donne la prérogative au Président de la République de nommer les recteurs et cela en dit
332
assez sur un certain nombre de clés que les acteurs pensent nécessaires pour faire évoluer le
débat autour du développement de l’enseignement supérieur.
Ces découvertes accompagnées d’impasses montrent que l’enseignement supérieur
doit continuer à être étudié en profondeur et également dans une perspective de changement
au moyen de la recherche action (Bernoux, 2004; Barbier, 1996).
Les réformes nécessitent d’être accompagnées et corrigées au fur et à mesure qu’elles
présentent leurs limites et contraintes comme le propose Christophe Charle, professeur
d’histoire à la Sorbonne dans une conférence sur les réformes des universités françaises, le 13
mars 2013.
333
CONCLUSION
L’analyse du fonctionnement des différentes parties intéressées par l’enseignement
supérieur, ainsi que de leur interaction dans la mise en œuvre d’un mécanisme de contrôle et
garantie de la qualité nous permet de confronter l’hypothèse principale formulée en
introduction de la présente thèse.
Une telle hypothèse part du postulat selon lequel l’existence de dispositifs de
management et d’évaluation basés sur l’apprentissage organisationnel représente un levier
déterminant de l’efficacité durable du système d’enseignement supérieur mozambicain, en
tant que moteur du développement économique et social.
En plus des découvertes sur le fonctionnement des dispositifs d’évaluation de
l’enseignement supérieur, surtout des limites que les organismes de tutelle ont à faire
appliquer les normes, deux autres enseignements majeurs méritent d’être soulignés en
conclusion de la présente étude.
Ceux-ci ont un rapport avec la pertinence du cadre théorique et analytique mobilisé
ainsi que l’état des connaissances sur l’évaluation de l’enseignement supérieur au
Mozambique. En revenant sur ces deux enseignements nous rappelons la méthodologie et le
cheminement suivis pour l’obtention des résultats.
Quant au cadre théorique et analytique mobilisé, celui-ci nous permet de découvrir
l’institution universitaire dans son aspect organisationnel et cognitif.
Ce n’est que l’une de ses multiples facettes. Vue en même temps comme une
institution, une administration, une entreprise (Dubois, 2003), elle tend à prendre de plus en
plus de nouvelles formes si on la compare dans l’histoire et dans l’espace.
Ses fondements sont en nette mutation aujourd’hui si on analyse les différences qui
opposent un système d’enseignement à dominante public comme le français à un système
anglais ou américain par exemple. Les différentes problématiques qui touchent à sa
gouvernance, notamment son évaluation vont être ainsi traitées en fonction du contexte dans
lequel elle évolue. (Lise Demailly, 2001 ; Nathalie Younes, in Veronique Bedin, dir. 2009;
Denis Despréaux, 2010).
Par conséquent les questions de l’entrepreneuriat et de l’apprentissage organisationnel
au cœur d’une approche organisationnelle de l’université ne vont pas être posées ni discutées
334
de la même manière à mesure que nous passons d’une facette de l’université à l’autre ou d’un
système universitaire à l’autre.
Compte tenu de l’entrée en force du nouveau paradigme de la qualité en son sein à
partir des 1990 à un moment où les sciences du management commencent à prophétiser le
management du savoir comme un modèle incontournable pour le succès des organisations
quelle qu’elles soient productives, caritatives éducatives (Peter Senge 1990 ; Peter Drucker,
1992 ; Philip Kotler 1994,1999), notre projet de recherche a été motivé par l’idée de tenter de
comprendre le fonctionnement du management des universités du point de vue de
l’apprentissage organisationnel.
Il s’agissait d’analyser comment les universitaires se positionnent par rapport à
l’apprentissage organisationnel que l’on considère comme le seul avantage compétitif des
organisations dans un contexte non seulement de rareté de ressources, de concurrence entre
les établissements ainsi qu’entre les systèmes universitaires mais surtout où les universités
sont de plus en plus soumises à l’obligation de rendre des comptes devant un nombre varié
d’acteurs sur leur efficacité, leur qualité.
La problématique de recherche s’applique au cas du système d’enseignement supérieur
mozambicain. Pour y parvenir nous avons suivi une démarche à la fois inductive et
comparative. Ainsi nous avons étudié quelques expériences internationales d’évaluation à
travers une revue de littérature.
La découverte des principales approches thématiques et méthodes d’évaluation de
l’enseignement supérieur nous a ensuite permis de construire des outils méthodologiques pour
aborder l’évaluation des universités au Mozambique.
Sur fond de débats polémiques et de querelles entre différents auteurs et acteurs
intéressés par le développement des systèmes universitaires, la problématique soulevée dans
cette thèse s’est révélée tout à fait originale dans la mesure où elle propose d’ouvrir la voie à
un champ de recherche encore peu exploité. Mais en même temps c’est tout un ensemble
d’approches normatives et idéalisées de l’organisation apprenante qui vont être mises à
l’épreuve dans l’analyse de la gouvernance de l’enseignement supérieur.
On doit pouvoir se servir de l’apprentissage organisationnel dans une perspective
dépassant largement son caractère sublimant de l’organisation (Philippe Baumard, 1995 ;
David Garvin, 2003; Valérie Chanal, 2000, 2004) et en faisant évoluer l’analyse vers une
335
approche qui tienne plus compte des interactions entre des collaborateurs aux perceptions
multiples sur ce que sont les connaissances et leurs valeurs stratégiques.
Cette démarche nous convie à pallier aux faiblesses de l’apprentissage organisationnel
en affirmant d’un point de vue pédagogique la nécessité d’une combinaison de disciplines.
Nous proposons ainsi de faire appel à un cadre analytique pluridisciplinaire combinant, à la
fois, une approche comparative de l’évaluation en sciences de l’éducation, une analyse
stratégique et systémique, avec des outils d’analyse de la gouvernance.
Nous tentons d’évaluer les effets de l’évaluation par rapport aux changements
(innovations, réformes) qu’on essaie de mettre en place dans le système universitaire
mozambicain et dans les établissements en particulier.
Inscrite dans une démarche d’apprentissage organisationnel, l’analyse des effets de
l’évaluation montre que le changement à l’université reste tributaire d’une multitude de
déterminants dont les rapports de pouvoir qui influencent les résultats favorablement ou non.
L’étude du changement à l’université doit en plus prendre en compte l’analyse des
rapports soit au sein des établissements, soit avec les tutelles et les différentes parties
prenantes qui se sentent concernées par ses résultats.
Il va être question d’analyser d’une part la lutte pour l’autonomie des universités et
des universitaires et les rapports de pouvoir qui se dégagent de la mise en œuvre du cadre
normatif et programmatique imposé aux universitaires aussi bien par les organes externes que
par les instances internes.
D’où l’intérêt d’analyser d’abord l’ordonnancement politique, les normes et
philosophies dominantes, les interactions entre les parties prenantes et les acteurs avant de
conclure sur les effets de l’évaluation en termes d’amélioration de la qualité de
l’enseignement supérieur.
L’enquête pour la réalisation de la présente thèse s’est déroulée entre le premier
semestre 2011 et février 2014. Différentes méthodes de recueil de données ont été mobilisées
dans une approche par triangulation, c’est-à-dire, combinant les entretiens individuels, les
entretiens en groupe, l’observation directe mais aussi le recueil de données documentaires.
Durant cette enquête qui a mobilisé 121 personnes, nous avons réalisé un total de 98
entretiens. Nous avons également réalisé des observations dans les principaux organismes
constitutifs du corpus de recherche à travers la participation à des réunions organisées par le
ministère de l’éducation, près du Conseil national de l’évaluation de la qualité dans
336
l’enseignement supérieur et la participation à un certain nombre d’activités à caractère
pédagogique dans neuf établissements d’enseignement supérieur que nous avons visités.
La photographie des effets de l’apprentissage organisationnel sur la gouvernance du
système que nous tentons de prendre à travers la présente étude tient donc compte de
différents dispositifs au sein du ministère de l’éducation et dans les établissements
d’enseignement supérieur et qui représentent l’unité d’observation retenue dans cette étude.
C’est à partir de ce point d’ancrage qu’ont été relevées, puis analysées les principales
dispositions, c'est-à-dire les politiques, philosophies, normes, programmes relatifs au
fonctionnement du système d’enseignement supérieur. Mais aussi l’ensemble des principaux
dispositifs concernés par la gouvernance, c'est-à-dire la régulation externe et interne, le
management des établissements et leur évaluation à la fois externe et interne. (Sverre
Raffnsøe, 2008; ENQA, 2006).
Nous tenons à remarquer la forte représentativité des acteurs et des établissements
observés par rapport à l’ensemble des institutions du système d’enseignement supérieur. On y
trouve un mixte des établissements, les plus anciens et les plus connus dans le système
d’enseignement supérieur mozambicain, mais aussi quelques-uns considérés comme les plus
dynamiques en raison des activités qu’ils réalisent et de leur notoriété.
Par ailleurs, la majorité de nos interviewés parmi les enseignants-chercheurs et
dirigeants universitaires, soit 29 personnes, travaillent dans l’enseignement supérieur depuis
plus de 20 ans.
Le corpus réuni apparait représentatif en ce sens où l’enquête a permis de toucher les
différentes catégories d’acteurs intéressés par la gouvernance externe et interne de
l’enseignement supérieur mozambicain à savoir les dirigeants du ministère, les responsables
des établissements, les enseignants chercheurs, les responsables administratifs et les étudiants.
L’étude est une contribution à l’analyse des dispositifs de gouvernance et d’évaluation
de la qualité. Les conclusions de la thèse tiennent compte d’une analyse des plus récentes
configurations (2008-2013) suite à la réforme du cadre normatif.
Nos principaux points de référence puisent dans les évolutions du système
d’enseignement supérieur mozambicain au cours des quinze dernières années tout en centrant
notre attention sur la problématique de l’évaluation de la qualité.
Notre travail porte sur l’analyse des effets de l’évaluation sur l’amélioration de la
qualité du système d’enseignement supérieur mozambicain. A cet effet nous concentrons
337
l’attention sur l’étude de l’environnement institutionnel en nous interrogeant sur les
principaux vecteurs de l’apprentissage et les facteurs qui l’inhibent.
Nous analysons les points d’intersection, c'est-à-dire les espaces et les moments où se
réalisent les interactions mais aussi les objets et les acteurs qui servent d’interface entre les
différents dispositifs institutionnels.
Les conclusions du travail tiennent compte des pratiques constatées sur le terrain et
surtout d’une analyse des perceptions des acteurs rencontrés sur la gouvernance de
l’enseignement supérieur au Mozambique.
Au cours de la présente étude nous avons, en effet, tenté de dresser la liste des
dispositifs de gouvernance aussi bien externes qu’internes et d’analyser leur fonctionnement
dans la perspective de l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur. Leurs missions
sont mises à l’épreuve d’un certain nombre de défis qui se présentent à la régulation de
l’enseignement supérieur.
Par la même occasion, nous avons passé en revue les principales configurations qui se
sont dessinées au cours des 13 dernières années suite à la tentative de mise en œuvre d’un
système de contrôle et garantie de la qualité. On observe un cadre réglementaire soumis à des
réformes constantes mais aussi une tentative de perfectionnement dans la lutte contre un
certain nombre de pratiques enracinées.
Celles-ci sont à l’initiative des établissements qui fonctionnent à la marge des normes
établies, des principes et représentations de ce qui doit être l’enseignement supérieur au
Mozambique, selon l’analyse des dirigeants du ministère, d’autant plus que la société
mozambicaine est préoccupée par le fonctionnement et les résultats de l’enseignement
supérieur.
Certains observateurs voient dans cette tentative de perfectionnement du cadre
réglementaire la réaction d’une tutelle qui n’a pas souvent réussi à être à la hauteur de la
mission. Tous les établissements qui existent aujourd’hui ont reçu l’agrément officiel pour
fonctionner et la tutelle reconnait ce précédent, d’où les difficultés à intervenir d’une manière
plus tranchée face aux problèmes et anomalies identifiés lors des inspections récemment
réalisées.
L’analyse du fonctionnement de la tutelle révèle d’une part un certain nombre de
contraintes à faire respecter les normes, d’autre part un manque de coordination entre les
différents organes associés à la gouvernance et aux divers niveaux, c'est-à-dire, direction de
338
coordination de l’enseignement supérieur, cabinet du ministre, Conseil national de
l’évaluation de la qualité, Conseil national de l’enseignement et Conseil des ministres,
notamment par rapport à un certain nombre de mesures à prendre en vue de la régulation du
système.
Pour certains analystes une forte imbrication entre les affaires de l’enseignement
supérieur et des logiques qui relèvent de la sphère politique complexifie les problèmes liés à
la gouvernance des universités.
Par ailleurs, l’enseignement supérieur est considéré comme une activité marchande
avec des possibilités de retour sur investissement rapides, d’où l’apparition d’une variété de
prestataires aussi influents dans les milieux d’affaires et de la société civile, face auxquels la
coordination centrale a du mal à imposer sa voix.
L’analyse de l’interaction au sein de la coordination centrale révèle que l’évaluation
des établissements s’accompagne, d’une part, de l’édification de barrières à la communication
entre les différentes entités associées (Inspection, DICES, CNAQ), d’autre part de
l’affirmation des identités professionnelles et personnelles dans un système fortement marqué
par l’importance d’occuper un rang dans l’échiquier politique.
L’analyse de l’interaction avec les dirigeants des établissements va s’inscrire dans le
même raisonnement, ces derniers faisant valoir leur capital social pour sauvegarder
l’autonomie des établissements qu’ils dirigent vis-à-vis des tentatives d’intervention de la
tutelle.
L’évaluation peut se révéler un moment d’apprentissage au sein des différentes
instances de la gouvernance, mais ses effets restent encore difficiles à mesurer quand on
cherche la cohérence entre les discours et la pratique.
On assiste à une contradiction entre les politiques formellement décidées et les
logiques que poursuivent les acteurs au sein du système. Au moment de prendre des
décisions que certains acteurs estiment nécessaires pour l’amélioration de la qualité souhaitée
la gouvernance de l’enseignement supérieur va être mise à l’épreuve (Boltanski, op. cit.).
Par rapport aux objectifs fixés à l’enseignement supérieur et au cadre réglementaire
récemment mis en place avec l’arrivée du paradigme de la qualité, on en est encore au niveau
des découvertes accompagnées d’un certain nombre d’impasses pour la matérialisation d’un
système de contrôle et garantie de la qualité.
339
Du point de vue des établissements on doit remarquer que la démarche qualité
s’accompagne d’un rapport ambigu à tous les instruments que la tutelle essaie de mettre en
place. C'est-à-dire que les acteurs reconnaissent la nécessité d’une régulation à travers tous les
dispositifs de lois promulgués à partir de 2010 surtout mais se refusent en même temps à
l’idée de se soumettre à une évaluation qui peut leur retirer de l’autonomie. Par conséquent les
effets de la démarche qualité sont plutôt mitigés.
Au lieu des effets attendus, on peut voir les établissements en train de se positionner
par rapport à d’éventuelles interventions du ministère. En effet, malgré l’impression d’un
certain immobilisme d’un organisme comme le CNAQ, quelques effets indirects de l’arrivée
du paradigme de la qualité se font sentir grâce à l’annonce des évaluations par le ministère.
La mise en place de l’inspection de l’enseignement supérieur contribue à mettre les
établissements en situation de veille. Certaines pratiques d’évaluation tacites peuvent être
maintenant systématisées grâce à l’appropriation d’un nouveau référentiel.
En ce qui concerne les critères d’évaluation des enseignements, de grands défis
semblent s’imposer aux directions pédagogiques des établissements, à savoir les modalités de
mise en œuvre de l’évaluation des enseignants. Il n’y a pas de règles explicites pour le
moment, les étudiants sont en train d’évaluer les enseignants et les conséquences portent sur
les rapports au sein des établissements.
Les enseignants, surtout dans l’enseignement privé ne sont pas protégés en raison de la
précarité de leurs statuts, vacataires pour la plupart. Il n’existe pas de dispositifs qui se
penchent sur les problèmes de la classe comme des associations d’enseignants du supérieur.
Quant à une évaluation des effets de l’apprentissage organisationnel sur l’innovation,
le système universitaire tant du point de vue des tutelles que des établissements se révèle un
lieu de confrontation et avec peu de possibilités de partage et mutualisation des pratiques.
Néanmoins cela n’empêche pas les universitaires de se lancer dans des projets d’innovation.
Les universités classiques comme l’UEM ont eu leur heure de gloire et continuent à
rayonner. On observe tout de même la tendance à concentrer les regards vers des structures
émergeantes en termes d’espaces pour la promotion de l’innovation dans l’enseignement
supérieur. Mais sachant le caractère quelque peu déstabilisant de l’innovation dans les
organisations (Prax, 2005), les projets ne sont jamais à l’abri d’être contrariés quelles que
soient les structures où vont se développer les initiatives.
340
Par conséquent et d’un point de vue méthodologique, intégrer une démarche
d’apprentissage organisationnel dans un projet de développement des universités implique
d’apprendre aussi à gérer les conflits. C'est-à-dire que ceux-ci ne sont pas inutiles dans les
universités à condition que les acteurs apprennent à en faire aussi des vecteurs du
changement.
Celui-ci implique comme l’explique Bernoux (2004) la prise en compte de nouveaux
apprentissages à la fois cognitifs et relationnels. D’où l’importance de se doter d’outils
d’analyse comme ceux issus de la sociologie des organisations voire un cadre analytique de la
gouvernance non seulement afin d’analyser les faits au sein des universités mais surtout pour
pouvoir surmonter les barrières vis-à-vis de tous ceux qui désirent construire des universités
apprenantes et novatrices.
La recherche en sciences de l’éducation est invitée à jouer un rôle majeur en vue de
l’approfondissement de la connaissance sur l’enseignement supérieur. A ce sujet, nous ne
saurions conclure la présente rédaction sans insister sur l’un des principaux enseignements à
tirer de cette étude, c'est-à-dire la nécessité non seulement d’une valorisation et capitalisation
des pratiques d’évaluation et de recherche disponibles mais surtout de conservation du
patrimoine de recherche sur l’enseignement supérieur.
En parcourant les références citées dans le premier ouvrage dédié à l’enseignement
supérieur au Mozambique (M. Mario et al, 2003), on remarque que les premières réflexions
sur l’enseignement supérieur au Mozambique remontent aux tous débuts des années 1990.
Parmi les auteurs cités on retrouve les noms de personnalités liées à la gouvernance du
système, comme N. Matos (1993), ancien recteur de l’UEM, R. Uthui (1997), actuellement
recteur de l’Université Pédagogique, P. Fry et R. Uthui (1999), mais également D.
Holsinger, P. Fry et V. Massingue devenu vice recteur de l’UEM, puis ministre de la science
et technologie (2005-2012).
Le Gouvernement du Mozambique avait également commandé des rapports et
produit, à l’aide d’organismes internationaux, d’importantes bases statistiques concernant le
champ de l’éducation supérieure.
Le problème qui se pose aux nouveaux chercheurs est celui de l’accessibilité à ces
études tout comme à cet important Rapport Comiche (1995-1998). Ce que va renforcer une
conviction selon laquelle il n’existerait pas un champ d’études sur l’enseignement supérieur
au Mozambique comme le révèlent certains témoignages.
341
Telle conviction est accompagnée de l’idée d’un système d’enseignement supérieur
qui n’a pas encore fait l’objet d’évaluation. Or le ministère de l’éducation compte une longue
expérience d’évaluation, notamment dans le cadre de la planification stratégique de
l’enseignement supérieur (PEES, 2000 ; Mario et al, 2003 ; MESCT, 2003 ; PEES, 2012).
Par ailleurs, d’une manière régulière le ministère évalue le stage de développement de
l’enseignement supérieur à travers la collecte de données statistiques permettant de retracer
grâce à un certain nombre d’indicateurs l’évolution du secteur.
De façon continuelle, des évaluations sont réalisées à l’acte de création de nouveaux
établissements avec la participation de différents acteurs et institutions représentés au sein du
CNES. Dans le cadre du nouveau paradigme de la qualité, l’entrée en scène d’un service
d’inspection montre que près d’une dizaine d’interventions ont été réalisées dans les
établissements.
Par ailleurs, l’analyse du fonctionnement des établissements les plus anciens dans le
système notamment montre que ceux-ci ont eu recours de longue date à la pratique de
l’évaluation soit dans le cadre d’une planification stratégique, soit dans le cadre des réformes
des programmes d’enseignement.
Le développement de l’enseignement supérieur est accompagné ces dernières années
de tout un ensemble de manifestations scientifiques au sein des établissements. Parallèlement
certains universitaires participent à des débats et interviews dédiés au thème de
l’enseignement supérieur et qui sont diffusés dans la presse audiovisuelle. D’autres publient
leurs réflexions dans la presse écrite et quelques revues isolées.
Par conséquent, les chercheurs intéressés par l’évolution de l’enseignement supérieur
semblent dans le devoir de prendre en compte tout un ensemble de matériaux qui peut servir
en vue d’un bilan du fonctionnement de l’enseignement supérieur tout en œuvrant à la
capitalisation et systématisation de pratiques de recherche qui ne rentrent pas nécessairement
dans le moule de la recherche scientifique comme le dictent les règles de l’art en sciences
sociales, par exemple. Parallèlement, on doit noter que l’année 2010 a été celle de tous les
records avec au moins trois thèses de doctorat soutenues au Brésil et dédiées au thème de
l’enseignement (Jamisse Taimo, 2010 ; Horacio Zimba, 2010, Carlos Brito, 2010).
Les observations réalisées pour la présente thèse nous font remarquer que l’évaluation
et la recherche sur l’enseignement supérieur ne sont pas nécessairement des pratiques à
342
réinventer au Mozambique mais avant tout à organiser, à systématiser, à capitaliser et à
conserver surtout.
343
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GLOSSAIRE
AAU Association des Universités Américaines
ACIPOL Académie de sciences policières
AEMO Association des écrivains mozambicains AERES Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
AIM Agence d’information du Mozambique
AMUE Agence de mutualisation des universités et des établissements
ARWU Academic Ranking of World Universities
AUA Association des universités africaines
BR Bulletin de la République
CES Conseil de l’enseignement supérieur
CESD Centre d’études sur l’enseignement supérieur et développement
CHE Haut conseil de l’enseignement supérieur en Afrique du Sud
CHEA Council for higher education accreditation CIHE Center for International Higher Education
CIP Centro de Integridade Pública
CNAQ Conseil national d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur
CNE Comité national d’évaluation
CNES Conseil National de l’enseignement supérieur
CNU Conseil national des Universités
CR Conseil des recteurs
CSO Centre de sociologie des organisations
CTA Corps technique et administratif
DICES Direction de la coordination de l’enseignement supérieur
ECA European consortium for accreditation
EEE évaluations de l’enseignement par les étudiants
EES Etablissements d’enseignement supérieur
ENM Escola Náutica de Moçambique
ENQA European Association for Quality Assurance in Higher Education
EPT Education pour Tous
ESU European students union
367
EUA European university association EURASCHE European association of institutions of higher education FAGE Fédération des associations générales étudiantes FMI Fonds monétaire international
FRELIMO Front de libération du Mozambique
GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le Commerce
HCEE Haut conseil de l’évaluation de l’école
IAG Institut d’Administration et Gestion de l’Université Paris-Est Créteil
IESE Institut des études sociales et économique
IGAENR Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la
recherche
INE Institut national des statistiques
INHE Programme de l'OCDE sur la gestion des établissements d'enseignement supérieur
ISCAM Institut Supérieur de comptabilité et audit du Mozambique
ISCIM Institut Supérieur de communication et image
ISCTEM Institut supérieur des sciences et technologies du Mozambique
ISEG Institut supérieur d’économie et gestion
ISO International Organization for Standardization
ISP Institut supérieur pédagogique
ISPU Institut supérieur Polytechnique et Universitaire
ISRI Institut supérieur des relations internationales
ISCTAC Institut supérieur et technologique Alberto Chipande
ISTEG Institut Supérieur de Technologie et Gestion
ISUTC Institut Superior des Transports et Communications
LMD Licence Master Doctorat
MARP Mécanismes africain d’évaluation par les paires
MEC Ministère de l’éducation et culture
MESCT Ministère de l’enseignement supérieur, science et technologie
MINED Ministère de l’éducation
MMAS Ministère de la femme et action sociale
NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique
NORAD Agence Norvégienne pour le développement international
NTICs Nouvelles technologies de l’information et la communication
368
NUFFIC/ NICHE Netherlands Initiative for Capacity development in Higher
Education
OCDE Organisation de coopération et développement économique
OMD Objectifs du millénaire pour le développement
ONG Organisation non gouvernementales
ONP Organisation nationale des professeurs
ONU Organisation des Nations Unies
PARP Plan d’action pour la réduction de la pauvreté
PARPA Plan d’action pour la réduction de la pauvreté extrême
PBL Problem-based learning
PEE Plan stratégique de l’éducation
PEES Plan stratégique de l’enseignement supérieur
PMR Performance Management Review
PNUD Programme des Nations unies pour le développement
PPI Plan prospectif et indicatif
PRES Pôle de recherche et d’enseignement supérieur
QAA Quality Assurance Agency
QUANQES Cadre national des qualifications de l’enseignement supérieur
RAE Research Assessment Exercise
RENAMO Résistance Nationale du Mozambique.
RENES Réunion nationale de l’enseignement supérieur
RENIC Revue nationale de recherche scientifique
SAREC Département de Coopération pour la recherche de l’Agence de
Coopération Internationale, Suède
SADC Southern Africa Development Community
SADE système d’évaluation de la performance
SINAQUES Système national d’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur
SNATCA Système national d’accumulation et transfert des crédits académiques
SNE Sistema Nacional de Educação
STV Soico Télévision
TD Travaux dirigés TIM Télévision indépendante du Mozambique
UCM Université Catholique du Mozambique
369
UEM Université Eduardo Mondlane
UFICS Unité de formation et de recherche en sciences sociales
ULM Université de Lourenço Marques
UMBB Université Mussa Bin Bique
UNA Université d’Unango
UNESCO Organisation des Nations unies pour l'éducation la science et la culture
UNICEF Fonds des Nations unies pour l'enfance
UNILURIO Université Lurio
UNIZAMBEZE Université Zambèze
UP Université Pédagogique
UPEC Université Paris-Est Créteil
USTM Université São Tomas du Mozambique
370
ANNEXES
371
ANNEXE A. LISTE DES ENTRETIENS REALISES
Entretiens individuels
N° Personne(s) et fonction (s) Institution Date et lieu 1 Assesseur/Vice recteur UP/Unizambeze Maputo, 5/3/12 2 Secrétaire général Conseil des recteurs Maputo, 07/3/12 3 Directeur de planification UP Maputo, 07/3/12 4 Enseignant UP, Faculté lettres Maputo, 02/04/12 5 Enseignant/vice ministre Faculté droit UEM/USTM Maputo, 06/04/13 6 Enseignant Faculté d’ Educ UEM Maputo, 06/04/12 7 Enseignant chercheur Faculté d’Educ./MINED Maputo, 15/04/12 8 Responsable pédagogique Faculté d’Educ /UCM Nampula 27/07/12 -
01/06/13 9 Vice-ministre MINED Maputo, 19/09/12 10 Directeur Faculté d’Archit. UEM Maputo, 02/10/12 11 Recteur ISCTEM Maputo, 13/09/12 12 Directeur pédagogique UP Maputo, 14/09/12 13 Directrice pédagogique ISTEG Maputo-Prov, 21/09/12 14 E C, Ancien vice- recteur UEM/Etablissement privés Maputo, 21/09/12 15 Directeur pédagogique ISCTEM Maputo, 24/09/12 16 E C/ Directeur UEM/CNAQ Maputo 26/09/12 17 Responsable de projet DICES MINED/DICES Maputo 26/09/12 18 Agent MINED/DICES Maputo, 1/10/12 19 Chef de département MINED/DICES Maputo 1/10/12 20 Chef de département MINED/DICES Maputo 25/10/12 21 Recteur UP Maputo 15/10/12 22 Recteur A Politecnica Maputo 25/10/12 23 Directeur académique UDM Maputo, 22/10/12
24 Enseignant UDM, Informatique Maputo 14/7/13 25 Enseignant- chercheur Faculté de droit UEM Maputo 7/01/14 26 Enseignant UDM, faculté d’ingénierie Maputo 13/10/2012 27 Enseignant Faculté d’Ingénierie UDM 14/10/2012 28 Ancienne ministre/Directrice
Unesco MESCT/UNESCO Paris, 22/01/2013
29 Directeur Regist. académique UEM Maputo, 18/10/2012 30 Enseignant UDM, faculté d’ingénierie Maputo, 30/09/12 31 Enseignant UEM/Lettres Maputo, 1/10/12 32 Enseignant/consultant UEM, Médecine/ONG Maputo, 3/03/13 33 Directrice pédagogique UEM Maputo, 26/10/2012 34 Enseignant ISCAM/ISCIM, anglais Maputo, 12/10/2012 35 Directeur de planification UEM Maputo, 16/10/2012 36 Enseignant UEM, lettres Maputo, 17/10/2012 37 Directeur UEM, faculté de Médecine Maputo, 18/10/2012 38 Enseignant chercheur UEM/IESE Maputo 19/10/2012 39 Vice recteur UEM Maputo 20/10/12 40 Chef de département UP/ Faculté d’éducation Maputo 8/03/13
372
N° Personne(s) et fonction (s) Institution Lieu/ Date 41 Vice recteur USTM Maputo, 3/07/13 42 Directrice Cellule qualité UEM Maputo 15/01 43 E C/Directeur Unilurio/CNAQ Maputo 13/11/13 44 Enseignant UEM, éducation/CU Maputo 05/03/13 45 Directeur division UEM/Archive historique Maputo, 12/11/13 46 Enseignant UP Maputo, 26/10/12 47 Responsable RH, Fac. éducation UEM Maputo 13/04/13 48 Enseignant ISCIM/ISCAM Maputo 24/10/12 49 Etudiant UEM, Informatique Maputo, 22/09/13 50 Ancien étudiant UEM/ Univ.Stellenbosch Maputo, 10/01/13 51 Ancien étudiant UEM/Univ. de Bordeaux Maputo, 18/01/13 52 Ancien étudiant UP/Ministère des finances Maputo 08/05/13 53 Ancien étudiant, cadre Ministère des transports Maputo 08/12/13 54 Ancien étudiant/ enseignant UP, Tete Maputo 06/05/13 55 Etudiant UP, Gaza Maputo 05/09/12 56 Ancien étudiant UCM, Nampula Maputo, 12/03/2012 57 Etudiante UEM, économie Maputo 13/09/12 58 Etudiante UDM, ingénierie env. Maputo, 12/12/13 59 Etudiant UDM, ingénierie env. Maputo 12/12/13 60 Etudiant UEM, ingénierie Maputo, 05/06/13 61 Etudiant UEM, , anthropologie Maputo, 06/06/13 62 Etudiant économie A Politecnica Quelimane Maputo 05/08/13 63 Etudiant informatique UCM Nampula Nampula 08/12/13 64 Etudiant, UEM, architecture Maputo, 13/08/13 65 Etudiant, droit UCM Nampula Maputo, 10/08/12 66 Etudiant, économie UCM Tete Tete, 22/07/2012 67 Etudiante, droit A Politecnica, Tete Tete, 22/07/12 68 Etudiante, informatique A Politecnica Maputo 01/07/13 69 Etudiante, pharmacie ISCTEM, Maputo 07/07/13 70 Etudiante pharmacie ISCTEM Maputo 07/07/13 71 Etudiant, ingénierie UEM Maputo 17/07/13 72 Etudiant, médecine UEM Maputo 16/08/13
373
II. Entretiens en groupe
N° Personnes et fonction (s) Institution Date et lieu 1 1 Enseig/ 1 ancien étudiant UP, Lettres/UEM droit Maputo, 05/07/12 2 2 Enseignants économie UCM, Beira Beira, 19/06/12 3 3 étudiants AGE UP, Beira Beira, 20/06/12 4 3 enseignants, Psych. UP, Nampula Nampula, 26/06/12 5 2 étudiants Architec Unilurio, Nampula Nampula, 26/06/12 6 3 Enseig. Medec, chimie, lettr UEM, UP, UDM Maputo 15/03/13 7 2 enseignants/1 chef dép. UP, Faculté Sc. Education Maputo 04/04/13 8 3 enseignts vét/Agronomie UEM Maputo 07/04/13 9 4 étudiants UEM, ISCTEM, UP Maputo, 12/05/13 10 2 Etudiants UEM/Politecnica Maputo, 03/06/13 11 Directeur/Enseignant UDM UDM Maputo, 28/06/13 12 Directeur/Enseignant Sc. Soc UDM Maputo, 02/07/13 13 3 Enseignants, Economie UP Maputo, 24/07/13 14 2 Enseignants lettres UP Maputo 11/08/13 15 2 enseignants droit Cabinet d’avocats Maputo 14/08/13 16 2 enseignants USTM, éducation Maputo, 22/09/13 17 25 étudiants de Master UDM Maputo, 14/10/13 18 3 étudiants UEM/médecine Maputo, 17/11/13 19 2 étudiants Bureau, Assoc. UEM Maputo, 19/11/13 20 Deux étudiants, Marketing UCM Ilha de Moç, 06/12/13 21 2 étudiants/ Enseignant Ingénierie UDM/Nampula Maputo, 12/12/13 22 Deux enseignants/assesseurs Unilurio Nampula, 15/12/13 23 E C UDM/Etudiant UDM Nampula Nampula 17/12/13 24 Deux personnels Registre Académique UEM Maputo 07/01/13 25 Deux cadres DICES Maputo, 09/01/13 26 Ens Droit/ étudiant journaliste USTM/Journal Publico Maputo, 04/02/13
374
ANNEXE B. GUIDE D’ENTRETIENS
I. Pour dirigeants et gestionnaires du système
Présentation: Le présent guide s’inscrit dans une recherche pour l’obtention du grade
de doctorat en sciences de l’éducation à l’Université Paris-Est Créteil ECOLE
DOCTORALE: Cultures et Sociétés, Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les
Transformations des pratiques Educatives et des pratiques Sociales (LIRTES).
La problématique de recherche porte sur l’évaluation des dispositifs d’évaluation de la
qualité dans d’enseignement supérieur mozambicain, à partir d’une analyse de leur
fonctionnement, dans une perspective d’apprentissage organisationnel.
La recherche vise à connaitre les points forts et les points faibles de la gouvernance de
l’enseignement supérieur ainsi qu’à découvrir les bonnes pratiques de gestion. Nous tentons
ainsi d’évaluer les facteurs qui contribuent pour l’efficacité et l’amélioration de la qualité de
l’enseignement supérieur. Nous souhaitons également appréhender dans quelle mesure les
organismes de tutelle à travers leur interaction, les dispositifs promus, les actions réalisées se
positionnent comme des vecteurs d’apprentissage au sein du système. Quels impacts cela
porte dans le fonctionnement des établissements, par exemple ?
375
Dans ce cadre, je vous adresse le guide indicatif suivant pour faciliter l'entretien que
nous souhaitons réaliser. Au-delà des réponses et des commentaires que vous pouvez faire,
nous comptons sur votre soutien en termes de conseil et de références pour la poursuite de ce
projet de recherche.
Contexte : On s'attend à ce que l'enseignement supérieur soit une contribution à la
formation du capital humain nécessaire pour le développement du pays.
Depuis le début des années 2000, on assiste au Mozambique au renforcement du cadre
programmatique et normatif pour la gouvernance et le fonctionnement de l'enseignement
supérieur: Plan stratégique pour l'enseignement supérieur (MCT), une série de dispositifs
juridiques: la loi 27/2009 de l'enseignement supérieur (portant modification de la loi n°
5/2003 du 21 Janvier), SNATCA, SINAQUES, CNAQ. Ces dispositifs prévoient, entre
autres, des inspections régulières des établissements, l’évaluation de la qualité (interne et
externe), y compris des accréditations, des classements, etc.
Questions principales
1. Quelle expérience y a-t-il en termes d'évaluation de la qualité dans le pays et quelle est
l'importance de l’évaluation de la qualité dans l'enseignement supérieur ?
2. Quelle est la politique de l'évaluation de la qualité dans le système ? Depuis quand
existe-t-elle et qui sont les responsables de la mise en œuvre et de la vérification de
celle-ci? Quel est le profil requis, quelles sont les références nationales ou
internationales, ou quel est le modèle (standard) prétendu ?
3. Dans quelle mesure les mécanismes (dispositifs) de gestion et l'évaluation de la qualité
proposés par le gouvernement contribuent à l'efficacité de l'enseignement supérieur?
Points forts et faibles.
4. Quels ont été les meilleurs moments du processus de mise en œuvre d'une politique de
qualité dans le pays ?
5. Y a-t-il un secteur (université, faculté, département) et des acteurs particulièrement
remarquables ?
6. Sur quels aspects spécifiques de la vie du système se centre l’évaluation de la qualité
dans notre système ? Quels sont les critères, les normes (indicateurs) normalement
utilisés ?
7. Quels sont les points faibles et forts du système ?
376
8. Quelle est la réaction des établissements d’enseignement supérieur par rapport à la
politique qualité et les mécanismes proposés (imposés) par le gouvernement ?
9. Comment voyez-vous l'interaction entre les organes d'évaluation du système et les
établissements d'enseignement supérieur ?
10. Quelle est l’adhésion et le niveau d’application des normes de qualité proposées par le
gouvernement ?
11. Quelle est la perception des enseignants et du personnel non enseignant par rapport à
l'évaluation de la qualité? Est-ce qu’ils y adhérent?
12. Quels changements ont eu lieu ou sont en cours avec la mise en œuvre d’une politique
de gestion et d'évaluation de la qualité dans le système. Des exemples, à quel niveau et
dans quels domaines?
13. Quel apprentissage, des leçons, et des gains peuvent être cités dans les 10 dernières
années ?
14. Quelles connaissances ont été acquises et quelles transformations se sont produites
dans le système?
15. Pourriez-vous donner des exemples des bonnes pratiques de gouvernance (gestion des
universités au Mozambique) ?
16. Quel est le niveau de partage d'informations et d'expériences entre les instances du
gouvernement et les universités et au sein des universités? Il y a-t-il des forums?
A) Questions complémentaires pour les responsables du système
Suite à l’entretien que vous m’avez accordé dans le cadre de la thèse que je prépare avec
l'Université de Paris XII portant sur les mécanismes de gouvernance de l'enseignement
supérieur au Mozambique, en mettant l'accent sur l'analyse des dispositifs d'évaluation de la
qualité dans une perspective d'apprentissage organisationnel, je viens par la présente solliciter
votre contribution par rapport aux questions de l’apprentissage dans la gouvernance du
système. Qu’est qu’on apprend avec et dans les forums consultatifs du gouvernement dans le
domaine de l'enseignement supérieur ?
a) D’après l’expérience que vous avez concernant ces forums (CES CNES), peuvent-ils
être également considérés comme des lieux ou des environnements d'apprentissage sur
le sous-système d'enseignement supérieur afin de le rendre plus responsable et
efficace?
377
b) Quels sont les moteurs de l'apprentissage et quels sont les facteurs qui poussent
l'apprentissage ?
c) Qu'est-ce que qu’on apprend effectivement?
d) Quels changements semblent se produire au long des sessions réalisées? (des
comportements, des compétences, des discours)
e) Quels sont les progrès les plus remarquables ?
f) Quelles sont les points faibles remarquables?
g) Des contacts, des références pour poursuivre la recherche (noms, des documents de
déférences, des conseils)
378
II. Pour dirigeants universitaires et enseignants-chercheurs
Présentation: Le présent guide s’inscrit dans une recherche pour l’obtention du grade
de doctorat en sciences de l’éducation à l’Université Paris-Est Créteil ECOLE
DOCTORALE: Cultures et Sociétés, Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les
Transformations des pratiques Educatives et des pratiques Sociales (LIRTES)
La problématique de recherche porte sur l’évaluation des dispositifs d’évaluation de
la qualité dans d’enseignement supérieur mozambicain, à partir d’une analyse de leur
fonctionnement, dans une perspective d’apprentissage organisationnel.
La recherche vise à connaitre les points forts et les points faibles de la gouvernance de
l’enseignement supérieur ainsi qu’à découvrir les bonnes pratiques de gestion. Nous tentons
ainsi d’évaluer les facteurs qui contribuent pour l’efficacité et l’amélioration de la qualité de
l’enseignement supérieur.
Nous souhaitons également appréhender dans quelle mesure les organismes de tutelle
d’une part, à travers leur interaction, les dispositifs promus, les actions réalisées se
positionnent comme des vecteurs d’apprentissage au sein du système.
D’autre part nous voudrions comprendre le fonctionnement des dispositifs de
gouvernance interne et comment ils se positionnent non seulement par rapport au ministère de
l’éducation et le gouvernement, mais surtout par rapport aux missions de l’université compte
tenu des questions telles que l’amélioration de la qualité des enseignements, de la recherche,
de l’innovation etc. Quels impacts la démarche a provoqué dans votre établissement, par
exemple?
Dans ce cadre, je vous adresse le guide indicatif suivant pour faciliter l'entretien que
nous souhaitons réaliser. Au-delà des réponses et des commentaires que vous pouvez faire,
nous comptons sur votre soutien en termes de conseil et de références pour la poursuite de ce
projet de recherche.
Contexte : On s'attend à ce que l'enseignement supérieur soit une contribution à la
formation du capital humain nécessaire pour le développement du pays. Depuis le début des
années 2000, on assiste au Mozambique au renforcement du cadre programmatique et
normatif pour la gouvernance et le fonctionnement de l'enseignement supérieur: Plan
stratégique pour l'enseignement supérieur (MCT), une série de dispositifs juridiques: la loi
379
27/2009 de l'enseignement supérieur (portant modification de la loi n° 5/2003 du 21 Janvier),
SNATCA, SINAQUES, CNAQ. Ces dispositifs prévoient, entre autres, des inspections
régulières des établissements, l’évaluation de la qualité (interne et externe), y compris des
accréditations, des classements, etc.
Questions principales
1. Quelle expérience y-a-il en termes d'évaluation de la qualité dans le pays et quelle est
l'importance de l’évaluation de la qualité dans l'enseignement supérieur ?
2. Dans quelle mesure les mécanismes (dispositifs) de gestion et l'évaluation de la qualité
proposés par le gouvernement contribuent à l'efficacité de l'enseignement supérieur?
Points forts et faibles.
3. Quelle est la politique de l'évaluation de la qualité de cet établissement ? quel est son
impact sur la gestion de l’institution ? Depuis quand existe-t-elle et qui sont les
responsables (profil) de la mise en œuvre et la vérification de la politique interne?
Quelles sont les références nationales ou internationales, ou quel est le modèle
(standard) recherché ?
4. Les étudiants participent-ils aussi ? Comment est faite l'évaluation par les étudiants?
Cela ne pose pas des problèmes?
5. Quels ont été les meilleurs moments du processus de mise en œuvre d'une politique de
qualité dans le pays e dans cette institution ?
6. Y a-t-il un secteur (faculté, département) et des acteurs particulièrement
remarquables ?
7. Sur quels aspects spécifiques de la vie du système se concentre l’évaluation interne ?
Quels sont les critères, les normes (indicateurs) normalement utilisés ? qui y
participe ? Des points faibles et forts.
8. Quels changements ont eu lieu ou sont en cours avec la mise en œuvre d’une politique
de gestion et d'évaluation de la qualité dans le système en général et dans cette
université en particulier ?
9. Quelle est la position de l’université par rapport aux mécanismes d’évaluation
proposés par le gouvernement ? (Inspection de l’enseignement, CNAQ)
10 Quel est le critère ou l’indicateur qui pose le plus de problèmes parmi ceux prévus par
le MINED et le CNAQ ?
380
11. Comment voyez-vous l'interaction entre les organes d'évaluation du système et les
établissements d'enseignement supérieur ?
12. Quelle est l’adhérence et le niveau d’application des normes qualité proposées par le
gouvernement ?
13. Quelle est la perception des enseignants et du personnel non enseignant par rapport à
l'évaluation de la qualité? Est-ce qu’ils y adhérent?
14. Quel apprentissage, des leçons, et des gains peuvent être cités dans les 10 dernières
années ?
15. Quelles connaissances ont été acquises et quelles transformations se sont produites
dans le système? Des exemples, dans quel domaine ?
16. Quel est le niveau de partage d'informations et d'expériences entre les instances du
gouvernement et les universités et au sein des universités? Y a-t-il des forums?
Questions complémentaires pour les responsables universitaires et
enseignants –chercheurs
Au-delà du questionnaire envoyé nous voudrions connaitre votre analyse par rapport
aux questions suivantes en tant qu’universitaire.
a) Votre perception sur le rôle des dirigeants de l'enseignement supérieur dans
l'incarnation d'une politique qualité, par exemple, en sachant que le Plan stratégique vise à
nous mener à figurer parmi les meilleures universités de l’Afrique dans l'avenir, comment
évaluez-vous les progrès accomplis dans les différents piliers du plan et jusqu’à quel point
une stratégie basée sur la qualité élève l'université, dans quels les aspects ?
b) Nous pouvons donc dire que l'institution planifie ce qu’elle fait, qu’elle fait ce qui
est planifié et est-il possible d’avoir la preuve de ce qu’est fait ? où est cette preuve
c) Y a-t-il des exemples de secteurs ou de délégations qui se distinguent dans ce
domaine de la qualité et comment est fait le partage des bonnes pratiques et dans quels forums
de l’université ?
d) Enfin, j’ai appris qu’on a mis en place des systèmes de visioconférence et d'autres
TCI dans les délégations, dans quelle mesure ces outils contribuent à la gestion de l'Université
381
f) Par rapport au MINED, CNAQ, etc., jusqu’à quel point on apprend les uns des autres en
faveur d’un système d'enseignement supérieur efficace.
g) Pourriez-vous donner des exemples des bonnes pratiques de gouvernance (gestion
des universités au Mozambique) ?
h) Votre institution est très citée comme un exemple dans le système, quels facteurs y
contribuent ?
i) Des contacts, des références pour poursuivre la recherche (noms, des documents de
déférences, des conseils)
382
ANNEXE C. CARTE DE DISTRIBUTION DES
ETABLISSEMENTS DANS LE PAYS.
Source : MINED-DICES (2013)
25
Maputo Cidade UEM, UP, ISRI, ISCISA, ESCN, ESJ, ISAP, ISCAM, ISED ISCTEM, A POLITECNICA, ISUTC, USTM, ESEG, ISMMA, ISM, ISCIM, UnI, UDM, ISGECOF, ISG, INSCIG, ISDB, ISCTAC, UMB,UCM
UEM, UP, UniZambeze,
APOLITECNICA,UCM,
ISCISA,ISAP, UMB
UniLurio, AM, UP,
UMBB, INSCIG,
UCM, ISAP,
UniLurio, UP, UCM, UMB,
ISCTAC, ESEG
UniLurio, UP, UCM, ISGECOF,
APOLITECNICA, UMB
ISPT, ISPS
UP, UniZambeze, ISC, ESEG,
UCM, A POLITECNICA
APOLITECNICA,ISGE
ISPM, UP, UniZambeze
ESEG, UCM, ISMU
ISPG, UP, UEM ISGN USTM, ESEG, A Politecnica
A
Maputo Provincia ACIPOL, ISArC, UEM
, ISET, ISTEG, ISFIC, UNA, ISEDEL
UEM, UP, UMB, ISAP, UMB
UniZambeze, UP UCM, UJPM,
ISCTAC, UAM, ISAP, INSCIG
383
RESUME
Les systèmes d’enseignement supérieur ont été fortement marqués ces vingt dernières années par l’arrivée du paradigme de la qualité. Ce phénomène s’accompagne de nouvelles préoccupations, telles l’évaluation externe et interne, l’assurance-qualité, l’accréditation et les classements, à mesure que s’intensifient les débats sur la mission de l’université. Dans un contexte marqué par la rareté des ressources et par la concurrence, face aux diverses exigences qui s’imposent aux établissements d’enseignement supérieur aujourd’hui, entre autres, la nécessité d’une diversification de l’offre de formation, l’entreprenariat et l’amélioration de la qualité, les universitaires et les différents acteurs de la gouvernance semblent se trouver dans l’obligation d’un apprentissage organisationnel. Bien que l’université soit considérée comme un lieu de production, de diffusion et de conservation de la connaissance par excellence, peu de recherches semblent avoir porté sur l’apprentissage en milieu universitaire. D’autant plus que de rares travaux actuellement disponibles s’interrogent explicitement sur la contribution de l’apprentissage organisationnel pour le positionnement stratégique des établissements. La présente thèse fait le pari novateur de tenter d’appréhender la gouvernance des universités du point de vue du management des savoirs. En suivant une démarche à la fois inductive et comparative, la recherche se concentre sur l’analyse des principaux dispositifs d’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur mozambicain.
Mots clés: Enseignement supérieur, gouvernance, évaluation de la qualité, apprentissage organisationnel, innovation et compétitivité.
SUMMARY
Over the past twenty years, higher education systems have been strongly affected by the development of quality paradigm. This phenomenon is combined with new concerns like external and internal evaluations, quality assurance, accreditation and ranking. Similarly, debates about universities’ mission increase in so far as they are evaluated compared with what they offer. Nowadays, in a context marked out by resources scarcity, competition and various requirements that stand in front of academic institutions, such as diversification of the supply of training connected to the market requirements, entrepreneurship and improvement of quality, universities leaders, teachers-researchers and different actors of governance seem to be obliged to increase their learning organization strategies approaches. Although university is a place of production, a place of diffusion and a place of knowledge conservation above all, few researches have explicitly questioned the learning contribution in the strategic positioning of academic institutions. In this thesis, the author tries to approach university governance from the point of view of knowledge management. Following a both inductive and comparative processes, this research is focused on the analysis of the main schemes of quality evaluation in Mozambican higher education system.
Keywords: Higher education, governance, quality, learning organization, innovation, competitiveness.