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31/08/2017
Connaissances et représentations des apiculteurs
du matériau bois des ruches Méthodologie d’enquête auprès des apiculteurs de l’Hérault, les
Cévennes et la Drôme provençale
Pauline MILLIET-TREBOUX SAADS PROMOTION 2015
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
1
RESUME
Au sein du LMGC de Montpellier, j’ai effectué un stage de recherche orienté en science sociale.
L’étude générale porte sur les connaissances et les représentations des apiculteurs et des vendeurs de
ruches concernant le matériau bois des ruches et notamment, les interactions entre le bois et les
colonies d’abeilles. Cette étude exploratoire a permis de tester une méthodologie d’enquête auprès
des apiculteurs qui consiste à la collecte de données afin de fournir une représentation partielle des
connaissances et des pratiques des apiculteurs. Durant mon stage, j’ai rencontré vingt-quatre
apiculteurs et un vendeur de ruche dans le sud de la France (Hérault, Drôme provençale et Cévennes).
A l’aide d’un questionnaire co-construit comme guide d’entretien j’ai donc collecté des données que
j’ai ensuite entrées sous le logiciel Sphinx® (en aval des entretiens après retranscription de prises de
notes) afin de pouvoir produire des résultats statistiques (à l’échelle de mon échantillon). Plusieurs
phases ont rythmé mon stage. La première est une phase préliminaire d’entretiens qualitatifs auprès
de quatre apiculteurs (à l’aide d’un guide d’entretien) afin d’avoir des premières informations
importantes à la rédaction du questionnaire. Ensuite, mon encadrante et moi-même avons rédigé un
questionnaire ainsi qu’un document listant les hypothèses de recherches. Une analyse de ce
questionnaire sera présentée dans ce rapport. Suite à quoi, j’ai entamé une période de terrain pour
enquêter les apiculteurs et le vendeur de ruche. Par ailleurs, j’ai été tenue de suivre une
expérimentation de comptage de chute naturelle de varroa sur le rucher expérimental du CNRS de
Montpellier, à raison de deux fois par semaine. L’objectif est d’effectuer un test de l’effet de deux
essences (châtaignier et épicéa) sur les ruches pour la prévalence de varroa destructor. Ces résultats
ne seront pas présentés dans ce rapport. En revanche, je traite les treize hypothèses de recherche en
vue des données que j’ai pu recueillir durant mes enquêtes. Les hypothèses traitent des connaissances
des apiculteurs en termes de bois, de leurs critères de choix d’essences à la fabrication ou à l’achat
ainsi que leurs représentations sur les interactions possibles entre le bois et les abeilles. Une typologie
avec deux niveaux de critères a été réalisée : une première fonction de la taille du cheptel et donc de
l’objectif économique de l’activité et une seconde sur la pratique de fabrication des ruches. Les
enquêtes, d’une heure environ, ont été réalisées sans rendez-vous, principalement sur l’étal du
marché. Cette contrainte a fortement influencé l’échantillon rencontré. J’insiste sur le fait que les
résultats proposés ci-après ne sont représentatifs ni à l’échelle locale, ni à l’échelle nationale et ne sont
qu’une représentation partielle de pratiques et des connaissances des apiculteurs autour du matériau
bois des ruches.
Cette enquête a permis de mettre en avant la diversité de pratiques et de profils d’apiculteurs
rencontrés. C’est pourquoi je me permets de remettre en question le choix de la méthodologie du
questionnaire pour ce type d’enquête. En effet, je préconise plutôt d’effectuer des entretiens longs de
récits de vie ou de trajectoire professionnelle afin de pouvoir collecter des données précises sur les
connaissances et les pratiques des apiculteurs. Ceci permettrait d’instaurer un climat de confiance
entre l’enquêteur et l’enquêté qui, je pense, faciliterait la collecte d’information notamment sur la
provenance des connaissances des apiculteurs mais aussi sur leurs avis sur les interactions entre le bois
et le vivant. Enfin, je propose de réfléchir sur une enquête différente entre les apiculteurs
« acheteurs » et les apiculteurs « fabricants ». Il serait intéressant de comprendre les choix des
apiculteurs en termes de fournisseurs pour les premiers et d’explorer réellement les choix des
essences pour les seconds.
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ABSTRACT I undertake a research work placement in Montpellier LMGC with major in sociologie. The
study addresses beekeepers and beehive sellers’ knowledge and representations of wood as a material
and its interactions with bees. This exploratory study made it possible to test a survey’s methodology
for beekeepers : collecting data to present a partial representation of beekepers’ knowledge and
practices. During my intership, I met twenty-four beekeepers and only one beehive seller in the South
of France (Hérault, Drôme Provençale and Cévennes). Along with my supervisor, I designed a
questionnaire that helped me collect data to put into Sphinx® software (after taking notes during the
surveys) to produce statistics. During my intership, I passed through several phases. The first one was
a preliminary study with four beekeepersto to help create the questionnaire. With the help of my
mentor, the second phase was about the actual creation of the questionnaire along with a document
presenting our research hypothesis. In this report, I’ll present critical analysis of this questionnaire.
Then, I started field surveys with beekeepers and the seller of hives. By the way, I had to follow an
experimental apiary to test the effect of chesnut tree and spruce on the varroa destructor population:
This result will not be analysed in this document. On the other hand, I’ll address the thirteen hypothesis
with the data I collected.
Hypothesis are about beekeepers’ knowledge of wood, selection criteria when it comes to
spices to build or buy hives, and their representations of the interactions between wood and the bees.
To help myself, I settled a two criteria typology: one about livestock and economical objectives and
the other about the practice of beehives builders. One survey interview lasts one hour, appointments
were not necessary and it was generally happening in the stall of marketplaces. This constraint has
strongly affected the study sample. This study is not merely representative in a local or national scale.
The results are only a partial representation of beekeepers’ knowlegde and praticices.
This study shows the diversity of practices and profiles of beekeepers. This is why the
methodology used is to be requesionned. To me, I preconise long life narratives survey or professional
carriers survey to collect precise data on knowlegde and practice. This would allow to instore a climate
of confidence between the two parts and also facilitates the information and data processing. At the
end, I propose thinking about a different way of interviewing a « buyer » and « builder » : Understand
the logique of consumption for the « buyers » and explore selection criterias for the « builders ».
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REMERCIEMENTS
J’adresse mes remerciements à toutes les personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce
stage et de ce rapport.
Je tiens tout d’abord à remercier l’équipe bois du LMGC Montpellier pour leur accueil
chaleureux au sein de leur laboratoire. Ce stage m’a permis de découvrir le milieu de la recherche
scientifique en abordant différents aspects de ce domaine. Je tiens tout particulièrement à remercier
Anna Dupleix, mon encadrante durant ce stage, pour m’avoir partagé son intérêt pour ce domaine et
de m’avoir impliquée dans la réflexion sur son étude. Grâce à elle, j’ai maintenant une idée assez
précise du métier de chercheur mais surtout de la logique de la recherche.
Je souhaite aussi remercier avec attention Pascale Moity-Maizi, ma tutrice, pour son
accompagnement au long de mon stage et le temps qu’elle m’a consacré. Merci de m’avoir guidé dans
mon travail, d’avoir clarifié mes réflexions et surtout de m’avoir fait confiance.
Enfin je tiens à adresser mes sincères remerciements aux apiculteurs et au vendeur de ruche
qui ont accepté de répondre à mes questions. Leurs collaborations ont été indispensables pour la
réalisation de mon stage et c’est avec enthousiasme que je tiens à insister sur leurs sympathies et leurs
intérêts sur l’étude que j’ai menée.
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TABLE DES MATIERES Résumé ............................................................................................................................................ 1
Abstract ........................................................................................................................................... 2
Remerciements ............................................................................................................................... 3
Introduction ..................................................................................................................................... 6
A. Construction et déroulement des enquêtes ................................................................................... 7
1. Synthèse bibliographique : le contexte de l’apiculture française ............................................... 7 2. Phase préliminaire : cartographie des apiculteurs et rédaction d’un guide d’entretien ............ 8 3. Co-construction du questionnaire (et hypothèses) .................................................................... 9 4. Déroulement type des enquêtes ............................................................................................... 11 5. Analyse du questionnaire .......................................................................................................... 12 6. Activités annexes : la recherche expérimentale avec répétitions ............................................. 17 7. Conclusion partielle ................................................................................................................... 19
B. Analyse des données ..................................................................................................................... 20
8. Rappel du contexte.................................................................................................................... 20 9. Biais de l’enquête ...................................................................................................................... 20 10. Méthode de lecture des résultats utilisée................................................................................. 21 11. Échantillonnage ......................................................................................................................... 21 12. Premiers résultats ..................................................................................................................... 22
Conclusion ..................................................................................................................................... 38
Références bibliographiques ......................................................................................................... 39
Références Web ............................................................................................................................ 39
Annexes ......................................................................................................................................... 40
Figure 1: Plan du questionnaire .............................................................................................................. 9
Figure 2: Hypothèses de recherche ....................................................................................................... 11
Figure 3: Questionnaire apiculteur, partie A ......................................................................................... 12
Figure 4: Questionnaire apiculteur, partie B ......................................................................................... 13
Figure 5: Questionnaire apiculteur, partie C ......................................................................................... 14
Figure 6: Questionnaire apiculteur, partie D ......................................................................................... 16
Figure 7: Questionnaire apiculteur, partie E ......................................................................................... 17
Figure 8: Plan du rucher expérimental en début d'expérience ............................................................. 17
Figure 9: Plan du rucher expérimental en fin d'expérimentation ......................................................... 18
Figure 10: Cartographie des apiculteurs et vendeurs rencontrés ......................................................... 22
Figure 11: Réponse déclarative aux interactions bois/abeilles ............................................................. 23
Figure 12: Facteurs d'interaction entre le bois et les abeilles ............................................................... 24
Figure 13: Test exact de Fisher entre les variables "formation" et "interaction" ................................. 25
Figure 14: Test exact de Fisher entre les variables "fabrication" et "interaction" ................................ 25
Figure 15: Test exact de Fisher entre les variables "formation" et "fabrication" ................................. 26
Figure 16: Matériau choisi par les apiculteurs acheteurs ..................................................................... 27
Figure 17: Connaissance de la provenance du bois des ruches à l'achat .............................................. 29
Figure 18: Critères de choix des apiculteurs acheteurs ........................................................................ 30
Figure 19: Critères de choix des apiculteurs ......................................................................................... 31
Figure 20: Provenance des bois des apiculteurs bricoleurs .................................................................. 33
Figure 21: Critère de choix des essences à la fabrication ..................................................................... 34
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
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Figure 24: Avis des apiculteurs sur l'évolution de la qualité des ruches ............................................... 36
Tableau 1: Typologie des apiculteurs : premier niveau de critère ........................................................ 10
Tableau 2: Echantillon des apiculteurs enquêtés .................................................................................. 22
Tableau 3: Croisement entre "formation" et "interaction" .................................................................. 25
Tableau 4: Croisement entre "fabrication" et "interaction" ................................................................. 25
Tableau 5: Croisement entre la question "pratique de fabrication" et "formation" ............................ 26
Tableau 6: Lien entre "pratique de fabrication", "taille du cheptel" et "formation" ............................ 26
Tableau 7: Choix du matériau selon la taille du cheptel ....................................................................... 28
Tableau 8: Connaissance des essences de bois selon la taille du cheptel ............................................ 28
Tableau 9: Facteurs de choix sous trois niveaux de critères ................................................................. 30
Tableau 10: Diversité des facteurs "critères de choix des ruches à l'achat" ......................................... 31
Tableau 11: Motivation à la fabrication des ruches .............................................................................. 32
Tableau 12: Combinaison de facteurs de motivation à la fabrication .................................................. 33
Tableau 13: Croisement des variables "interactions" et "années d'expérience" ................................. 35
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
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INTRODUCTION Le LMGC, laboratoire de mécanique et de génie civil, est une unité mixte de recherche
soutenue par l’Université des sciences et le CNRS de Montpellier1. Au cœur de l’innovation et des
préoccupations de l’industrie, de la santé et de l’environnement depuis 1991, le LMGC aborde des
thématiques diversifiées avec deux angles complémentaires : l’étude fondamentale et la recherche
appliquée. Il est composé de sept équipes qui traitent différents aspects dans le domaine de la
construction et de la santé. J’ai pu intégrer l’équipe « bois » qui vise à développer la connaissance et à
faire la promotion du bois comme matériau de structure pour l’homme. Pour cela, quatre thématiques
de recherches explorent des interfaces entre l’ingénierie et la biologie, l’écoconstruction ou les
sciences humaines : biomécanique de la formation du bois (mécanismes de mises en précontrainte et
fonction biomécanique), effet du temps (vieillissement et thermo-hygro-activation du bois), diversité
des propriétés et valorisation de la biodiversité des bois exploités et enfin, usage du bois dans le
patrimoine culturel.
C’est dans ce cadre que j’ai effectué un stage de recherche orienté en sciences sociales durant ma
formation d’ingénieur des systèmes agricoles durable au sud. Le thème principal porte sur l’étude des
interactions entre le matériau bois des ruches et le vivant, ici la colonie d’abeilles. L’objectif est de
comprendre les connaissances et les représentations des apiculteurs d’une part et des vendeurs de
ruches d’autre part, concernant l’impact du matériau des ruches sur l’état sanitaire des colonies. Les
données collectées durant mon stage seront utiles pour avoir un état des lieux des pratiques et des
usages des apiculteurs. De même, cette étude exploratoire vise à mettre en avant les savoirs des
apiculteurs sur le sujet exploré afin de les compléter avec des outils de recherche scientifique. Par
ailleurs, ce stage permet aussi de tester une méthodologie d’enquête auprès des apiculteurs.
La méthode choisie consiste à collecter des données qualitatives et quantitatives à partir
d’enquêtes sur le terrain puis de les traiter sous le logiciel Sphinx®. Cette méthode pourrait être
comparée à celle du procédé de recension qu’aborde J.P. Olivier de Sardan dans son article « politique
de terrain » (1995). Par ailleurs, une recherche bibliographique a été réalisée, afin de me familiariser
avec le métier d’apiculteur, les différentes structures qui cadrent cette profession et d’étudier les
grands évènements qui ont impacté cette activité en terme de pratiques et de technique. Un travail
de préparation des enquêtes par la co-construction d’un questionnaire avec la chercheure encadrante
(Anna Dupleix), puis la réflexion autour des hypothèses de recherche et une cartographie des
apiculteurs de la région, ont été les premières étapes de ce stage. Parallèlement, des relevés réguliers
(à raison de deux fois par semaine) ont été effectués sur un rucher expérimental en vue d’observer
l’évolution de la population de varroa dans des ruches fabriquées en châtaignier et en épicéa. Aucune
conclusion ne sera apportée sur cet aspect de la recherche. Ce stage a donc été une alternance entre
des périodes de travail au laboratoire, situé à Montpellier, et des déplacements sur le terrain dans
l’Hérault, les Cévennes et la Drome provençale, le tout durant la saison estivale 2017 (Juin-Août).
Une première partie de ce document présente d’abord le contexte de l’apiculture française à
partir de ma recherche bibliographique. Elle propose ensuite des précisions méthodologiques sur le
déroulement de l’étude, à commencer par la construction du questionnaire. Elle décrira aussi l’aspect
pluridimensionnel de ce stage par la diversité des outils de recherche abordés ainsi que les activités
annexes à l’étude que j’ai conduite. Cette partie abordera enfin le déroulement des enquêtes. Ensuite,
dans une seconde partie, je propose un rappel du contexte et des biais de l’enquête suivi d’une
première analyse des résultats aussi exhaustive que possible compte-tenu de la dimension partielle de
l’enquête.
1 http://www.lmgc.univ-montp2.fr/
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A. CONSTRUCTION ET DEROULEMENT DES ENQUETES
1. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE : LE CONTEXTE DE L’APICULTURE FRANÇAISE Avant même de commencer la construction du questionnaire, il a été important de resituer le
métier d’apiculteur dans son contexte, en France.
L’apiculture est une profession « récente ». Longtemps considérée comme une activité de loisir ou
complémentaire à un système agricole plus large, elle a été réellement reconnue dans le débat public
comme un métier à part entière dans les années 70-80 (AUREILLE, 2014)2, malgré l’apparition de
« premiers apiculteurs professionnels modernes » à la fin du 19e siècle3. Des syndicats départementaux
apparaissent dès le début du XXe siècle et le premier syndicat national, l’union nationale de l’apiculture
française (UNAF), est créée en 1945 afin de réunir les structures régionales4. L’UNAF considère qu’est
apiculteur celui qui entretient une ruche. Donc, chaque individu qui prend soin de colonies d’abeille
avec au moins une ruche, et quel que soit l’objectif de cette activité, est un acteur de la profession.
Chacun participe alors au paysage du cheptel national et y tient une place. A l’inverse, l’association
pour le développement de l’apiculture professionnelle (ADApro) estime nécessaire de différencier les
apiculteurs dits « amateurs » des apiculteurs professionnels5. Cette différence se perçoit
majoritairement en termes de techniques et de gestion sanitaire des colonies. La première structure à
revendiquer cette différenciation a vu le jour dans la région Provence Alpes Côte d’Azur en 1986. Les
différentes ADApro se sont réunies sous un siège national en 2013 et proposent plusieurs services aux
apiculteurs dont l’aide à l’installation, le conseil apicole et la réflexion sur la filière professionnelle de
l’apiculture. L’apiculture est donc une activité structurée entre différents syndicats et associations qui
défendent des points de vue divergents sur le métier, vecteurs de conflits. Cette divergence de pensée
est représentative, selon moi, de la diversité d’individus, de pratiques et de techniques rencontrées et
a fortement influencé la diversité des données collectées durant cette étude.
L’après-guerre et la décision de l’Etat de moderniser et intensifier les productions agricoles
françaises n’épargnent pas l’apiculture. La nécessité de nourrir la population oriente largement la
recherche nationale autour de l’agriculture et c’est en 1960 que l’Etat décide de créer des pôles
spécialisés en apiculture au sein de l’IRA (Institut de Recherche Agronomique, devenu INRA)6. Ainsi, de
nombreuses améliorations techniques verront le jour dans la profession en termes de gestion
sanitaire, de connaissances de l’abeille et de gestion génétique du cheptel. Ces améliorations seront
transmises majoritairement grâce à des structures associatives et coopératives : les ponts entre les
structures de recherche nationales et les apiculteurs restant trop fragiles, la vulgarisation scientifique
était effectuée via des structures de conseils. Malgré tout, l’apiculture connaîtra différentes crises qui
influenceront les techniques et la pratique de l’apiculture. En effet, « entre 50 et 90, les abeilles
finissent par devenir des victimes collatérales nécessaires du progrès agricole »7. Profession
individuelle et silencieuse, il fallut plusieurs crises importantes pour que l’apiculture entre dans les
préoccupations publiques. Subissant à la fois le dérèglement climatique, les effets destructeurs des
intrants chimiques dans les cultures agricoles et mellifères ainsi que l’arrivée de nouveaux ravageurs
de la ruche, l’apiculteur doit faire face à de multiples difficultés et risques au cours de sa carrière.
La première grande crise apicole rendue publique a eu lieu dans les années 80 : on constate alors
une hausse des pertes de cheptel lors des miellées de colza et de tournesol. Le produit phytosanitaire
2 Marie Aureille, 2014 3 Paul Sert 2015 4 https://www.unaf-apiculture.info/qui-sommes-nous/portrait-de-la-filiere.html mi juin 5 Marie Aureille, 2014 6 Paul Sert, 2015 7 Marie Aureille, 2014
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Gaucho® (produit par Bayer), est désigné, puis interdit en 1998 en application sur le tournesol. Ce
pesticide d’enrobage est un insecticide systémique et neurotoxique. Cette crise entraina une chute du
rendement de miel par ruche (on est passé de 75kg à 30kg miel/ruche/an) ainsi qu’une perte accélérée
de cheptel (20 à 25% de perte, contre 5% avant l’utilisation massive du produit)8. Par la suite, le produit
Gaucho® sera remplacé par le Régent® qui entrainera à son tour la perte de 80% du cheptel de Haute
Garonne en 2002 tout en affectant la santé des apiculteurs. Cette seconde crise va convaincre les
apiculteurs de se mobiliser afin de faire connaître leurs difficultés. Parallèlement à l’augmentation de
l’utilisation et de la toxicité des intrants agricoles, les transferts de matériels apicoles et d’essaims font
apparaître de nouveaux ravageurs comme le varroa destructor (dans les années 80), le frelon asiatique
(2004) ainsi que des maladies comme les loques, particulièrement foudroyantes. D’après un apiculteur
cévenol rencontré durant mon stage, « les maladies ne sont que des symptômes secondaires de la
varroase. Ils fatiguent les colonies ».
Malheureusement, les apiculteurs ont tendance à ne pas faire de bruit concernant les problèmes
qu’ils rencontrent et ce n’est qu’en 2009 qu’un institut de recherche spécialisé se met en place à
Avignon : l’ITSAP (Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation de l’INRA).
Accueilli d’abord comme une copie de l’anciennement ITAPI (ancienne structure similaire entre 72 et
93), les apiculteurs ne se sentent pas concernés par la recherche scientifique et il est difficile d’établir
un dialogue entre les chercheurs et les apiculteurs. Cependant, l’ITSAP propose de nombreux
partenariats, ce qui améliorera peu à peu les relations entre les apiculteurs et la recherche. J’ai en effet
pu remarquer, durant mon stage, le peu de confiance accordé à la recherche parmi les professionnels
du milieu apicole et le peu de prise au sérieux concernant la faisabilité du projet de recherche sur
lequel je travaille. Malgré cela, ils ont accepté, pour la plupart, la discussion, afin de pouvoir aider cette
recherche par leur savoir.
2. PHASE PRELIMINAIRE : CARTOGRAPHIE DES APICULTEURS ET REDACTION D’UN GUIDE D’ENTRETIEN Parallèlement à mes recherches bibliographiques autour de la profession, un travail de
référencement des apiculteurs a été effectué. La zone d’étude est dans un premier temps délimitée
autour de Montpellier. A l’aide du site « vente à la ferme », des contacts du label IGP miel des Cévennes
et du travail effectué par la chercheure en amont, une carte a été créée pour situer les apiculteurs et
les vendeurs de matériel apicole dans les départements de l’Hérault, de l’Aude, de la Drôme, de
l’Ardèche, du Gard et de la Lozère (annexe 1). Ainsi, des zones où l’activité apicole est particulièrement
présente ont été privilégiées pour l’enquête : les Cévennes et la Drôme provençale. Le département
de l’Hérault a été aussi enquêté particulièrement lors des enquêtes préliminaires au questionnaire. Un
document Excel a été produit pour lister les apiculteurs.
Cette cartographie a permis d’identifier des apiculteurs proches de Montpellier dans un premier
temps pour effectuer la phase préliminaire de l’étude. Une partie de ces apiculteurs ont donc été
rencontrés afin de faciliter la rédaction du questionnaire. Pour cela, un guide d’entretien a été rédigé
(annexe 2). Il a permis d’avoir une idée sur différents aspects du métier. L’objectif de ces enquêtes
était aussi d’avoir des pistes pour créer une typologie des apiculteurs, d’observer rapidement les
tendances d’utilisation des ruches (du moins les principales utilisées) et d’aborder les interactions
entre le bois et les abeilles.
A cette phase de la recherche, il nous paraissait important de connaître les motivations des apiculteurs
fabricants et quels investissements sont liés à cette activité (en termes de matériel et de compétences).
La question du traitement du bois était donc aussi abordée. Ceci me permettait à la fois d’avoir des
informations sur les différents traitements des bois utilisés mais aussi d’aborder les interactions entre
8 Paul sert, 2015
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9
le bois et les abeilles. Pour m’aider dans cette phase exploratoire, un travail de lecture m’a permis de
réfléchir sur les postures et les méthodes d’enquêtes anthropologiques afin d’anticiper les erreurs et
d’entamer un processus d’affinage de la méthode d’enquête. Grâce à quatre enquêtes préliminaires
auprès de quatre apiculteurs dont deux fabricants, nous avons pu entamer le processus de
construction du questionnaire.
3. CO-CONSTRUCTION DU QUESTIONNAIRE (ET HYPOTHESES) Le procédé de recension, Olivier de Sardan (1995), en début d’étude est un travail exploratoire.
« S’ils sont bien conçus, [les procédés de recension peuvent] être des indicateurs pour lesquels
l’investigation ne modifie pas, ou de façon négligeable, les données produites »9. J’ai ainsi pu collecter
des informations quantitatives à partir d’entretiens qualitatifs en utilisant le premier questionnaire
construit comme un « guide d’entretien ». Les résultats sont donc des indicateurs d’une
représentation partielle des tendances et des points de vue d’acteurs (partielle car ils ne couvrent ni
l’échelle du territoire exploré, ni celle de la France). De plus, ce stage plutôt réflexif fournit une
première connaissance sur la manière d’aborder les apiculteurs. Il permet en effet d’avoir des
informations pour réorienter l’enquête qui se poursuivra après le stage et peut-être pour répondre à
certaines hypothèses tout en en suscitant des nouvelles. Les pourcentages fournis par le logiciel
Sphinx® sont donc à relativiser selon la variabilité du taux de réponse aux questions et à resituer à
l’échelle de l’échantillon. Non enregistrés, les entretiens sont assez directifs, souvent sur un temps
court, compte tenu de l’aspect surprenant de mes interventions (sur l’étal du marché ou par surprise
à la ferme), et retranscrits grâce à une prise de note. C’est avec cette matière que le questionnaire est
rempli en aval.
A l’aide du questionnaire rédigé par les
chercheurs pour enquêter les vendeurs de
matériel apicole et des quatre enquêtes
préliminaires, le questionnaire « apiculteur » a
été créé (annexe 3). Ce questionnaire a beaucoup
évolué puisque des éléments ont été ajoutés au
fil des enquêtes. Certaines informations sont
devenues plus importantes tandis que d’autres
ont été éliminées faute d’utilisation pertinente.
Le questionnaire, qui sera présenté plus loin,
s’axe en cinq parties présentées ci-contre :
Une révision plus complète du questionnaire s’est
avérée nécessaire aussi afin de préciser des
hypothèses (certaines étaient implicites en début
d’enquêtes), de vérifier la pertinence des
questions et d’éviter le trop plein d’informations
inutiles. Ainsi, le questionnaire a été réorganisé à
l’aide d’un document (annexe 4) résumé ci-après. Ce
document a permis dans un premier temps de définir (à l’aide des enquêtes déjà effectuées) une
typologie des apiculteurs, avec deux niveaux de critère. Le premier niveau concerne le type
d’exploitation apicole : il reprend les avis de la Chambre d’agriculture (CA) de la Drôme et de Bertrand
Schatz, écologue du CNRS de Montpellier.
9 Olivier de Sardan, 1995
A. profil de l'apiculteur
•Typologie
•Origine de formation
B. Connaissance des bois
•Recensement des bois
•Propriété physiques des bois
•Choix du matériau acheteur/bricoleur
C. Apiculteur acheteur
•Critères d'achat
•Tendance du marché
•Longévité des ruches
D. Apiculteur bricoleur
•Critère de choix
•Tendance du marché
•Qualité du bois
•Longévité des ruches
E. Interaction entre le bois et les abeilles
Figure 1: Plan du questionnaire
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
10
Selon la CA, pour définir un apiculteur, il faut prendre en compte la taille du rucher, en sachant
que la MSA (sécurité sociale agricole) considère un chef d’exploitation apicole à partir d’un cheptel de
200 ruches. Il est aussi possible de distinguer les apiculteurs en fonction de la finalité économique de
l’activité : loisir, activité complémentaire/secondaire ou source principale de revenu. Selon Bertrand
Shatz, on s’accorde communément sur quatre catégories d’apiculteurs sur la base du nombre de
ruches uniquement. On peut alors effectuer les distinctions suivantes en combinant ces deux points
de vue :
Tableau 1: Typologie des apiculteurs : premier niveau de critère
Taille du cheptel Type d’apiculteur Finalité économique de la production
1 à 10 ruches Apiculture familiale Consommation personnelle et proche
11 à 70 ruches Petit amateur Vente locale à petite échelle
71 à 200 ruches Gros amateur Vente à échelle plus large
200 ruches et plus Apiculture professionnel Vit de sa production et en fait son métier principal
Il est précisé ici que le nombre de ruches est un indicateur cependant insuffisant pour pouvoir
réellement appréhender le métier dans sa globalité (Etienne Jobard, 2012)10 et les catégories peuvent
varier de 20 à 50 ruches près, selon la région. Les limites étant déjà floues pour les professionnels eux-
mêmes, c’est cette distinction qui a été retenue pour le premier niveau de critère de notre typologie.
Par la suite, et après le début des enquêtes sur le terrain, un nouveau niveau de critère a été
identifié se référant cette fois à la pratique de fabrication des ruches. Outre la catégorisation selon la
taille du cheptel, deux types d’apiculteurs apparaissent alors : les apiculteurs « usagers »
(« acheteurs ») et les apiculteurs « bricoleurs ». Ce niveau de critère s’applique par ailleurs aussi aux
vendeurs de matériel apicole, où l’on distingue les vendeurs « simples revendeurs » et les vendeurs
« artisans » (ou « fabricants »). L’utilisation du terme « bricoleur » est une manière d’éviter les
confusions entre les vendeurs et les apiculteurs fabricants de ruches. Le document listant les
hypothèses pour les apiculteurs (présenté ci-après) a aussi été un moyen de s’interroger sur leur
généralisation possible et de mettre en parallèle les vendeurs de matériel apicole. Ceci a permis, entre-
autres, de préparer les hypothèses de corrélations entre les discours des apiculteurs et les discours
des vendeurs et de peaufiner le questionnaire.
Il est important de rappeler que l’objectif premier de ce stage était de rencontrer des vendeurs de
ruches afin de pouvoir observer une tendance de discours concernant les pratiques des apiculteurs.
Cette étude aurait apporté des informations sur leurs représentations autour des interactions entre le
bois et les colonies. Au sein de cette catégorie d’acteur, nous pouvons distinguer les vendeurs
« simples revendeurs » et les vendeurs « artisans » (ou « fabricants »), d’après l’expérience de la
chercheure, Anna Dupleix, qui avait entamé un processus d’enquête auprès de ces acteurs lors d’un
salon autour de l’apiculture, à partir d’un questionnaire qu’elle avait créé. J’ai ensuite cartographié les
vendeurs qu’elle avait référencés et ceux que j’ai pu trouver lors de mes recherches personnelles.
Grâce à la rencontre d’un vendeur de ruches, j’ai observé sa manière de catégoriser des apiculteurs.
Pour lui, les apiculteurs se divisent en deux groupes : les apiculteurs « de loisir » et les apiculteurs
« professionnels ». Ce vendeur propose deux types de ruches : des ruches en cryptomeria et des
ruches en pin maritime. Le cryptomeria se destine aux apiculteurs de loisir pour deux raisons. La
première concerne son poids. En effet très léger, le cryptomeria est un bois tendre, peu résistant aussi
mais facile à manipuler. La deuxième concerne l’argument avancé par les vendeurs de ruches qui est
10 Etienne Jobard, 2012
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
11
sa propriété insecticide qui régule la population de fausse teigne, insecte parasite de la ruche. Le pin
en revanche est priorisé par les apiculteurs « professionnels » pour sa solidité et sa durabilité face aux
intempéries. Plus lourd, il s’adresse aux professionnels qui recherchent plutôt des ruches qui puissent
résister dans le temps mais aussi aux nombreuses interventions de l’apiculteur (résistance aux
transhumances, à l’utilisation du lève-cadre, entre-autres).
Lors de l’écriture des hypothèses, deux facteurs ont été proposés comme des critères d’achats ou
de choix de bois pour le matériau de la ruche. Le facteur « care » concerne les avantages du bois qui
tournent autour de la facilitation de l’activité de l’apiculteur. Il réunit des facteurs ergonomiques (le
poids des ruches) et des facteurs économiques (le prix) et des facteurs sociaux (la tradition, la
profession, la provenance). Sont aussi identifiés deux catégories de facteurs : les facteurs liés aux
propriétés du bois (solidité, longévité) et les facteurs liés aux interactions entre le bois et les abeilles.
Figure 2: Hypothèses de recherche
4. DEROULEMENT TYPE DES ENQUETES Après avoir ciblé les marchés et les producteurs en vente directe à la ferme, les rencontres
s’effectuent de manière opportuniste, c’est-à-dire au moment des marchés et directement sur l’étal,
soit directement chez le producteur, sans prise de rendez-vous. Notre étude est présentée aux
apiculteurs de la manière suivante : « elle concerne les pratiques des apiculteurs autour de la ruche ».
Le but est comprendre leurs critères de choix d’une essence de bois comme matériau principal de la
ruche (les cadres n’ont pas fait l’objet de cette enquête). Cela permettra d’avoir une idée des
connaissances des apiculteurs autour des propriétés du bois. Cet entretien (plus ou moins directif selon
le caractère de l’enquêté) vise à faire d’une part une typologie des apiculteurs rencontrés et un
recensement de leurs connaissances d’autre part. Ensuite, il permet de bâtir un profil de l’apiculteur
sur la pratique de fabrication de ruches (quand ils en fabriquent). Enfin, il questionne leur avis sur les
interactions possibles entre le bois et la colonie d’abeille. Généralement, en fin d’entretien, cette
partie suscite la curiosité des apiculteurs et l’enjeu premier de la recherche conduite par le LMGC est
abordé.
Les enquêtes durent environ une heure selon l’intensité des perturbations. En effet, les enquêtes
directement sur l’étal du marché sont souvent coupées par des clients et effectuées en condition
A. Profil de l'apiculteur
•H1: les connaissances des interactions sont liées à la formation d'origine de l'apiculteur
•H2: La pratique de fabrication des ruches est liée à la formation d'origine de l'apiculteur
B. Recensement des connaissances autour du bois
•H3: Les apiculteurs français sont fidèles au bois
•H4: Les apiculteurs ne savent pas avec quel bois leurs ruches sont faites
•H5: Les apiculteurs acheteurs ne connaissent pas la provenance du bois matériau de leurs ruches
•H6: Les apiculteurs possèdent des représentations sur les propriétés physiques du bois
•H7: Les apiculteurs possèdent des connaissances sur les propriétés physiques du bois et n’en n’ont pas conscience
C. Apiculteur acheteur
•H8: C’est une diversité de facteurs qui guident les critères d’achats des apiculteurs (avec une dominance pour le facteur « care »)
•H12: Les apiculteurs se contentent de peu et de ce que leur fournit le marché
•H13: Selon les apiculteurs, la qualité des ruches est en régression
D. Apiculteur bricoleur
•H9: les apiculteurs qui fabriquent leurs ruches le font pour une diversité et une combinaison de facteurs (avec une dominance pour le facteur « care »)
•H10: Les apiculteurs qui fabriquent leurs ruches le font avec du bois local
E. Interaction bois/abeilles
•H11: La conscience de la possibilité des interactions entre le bois et les abeilles est corrélée avec l’expérience (la durée) du métier
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
12
bruyante. Par ailleurs, les rencontres qui se déroulent directement chez les producteurs se passent
dans le calme et dans de meilleures conditions. En revanche, étant donné la saison durant laquelle se
déroule mon stage, l’apiculteur qui se trouve chez lui au moment où je passe est bien souvent entre
deux récoltes et n’a donc pas toujours envie de prendre le temps nécessaire à cette enquête. Les
rencontres sont donc, là aussi, sur un temps court. Les apiculteurs semblent fréquemment soucieux
(concernant la santé des abeilles) et n’entrent pas vraiment dans les détails concernant leurs
connaissances autour du bois et des interactions avec le vivant.
N’enquêtant que trois jours par semaine et étant donné la répartition géographique des
producteurs, je cible les marchés paysans pour m’assurer de rencontrer des apiculteurs. Cependant,
ce choix personnel et logistique, entraine un biais concernant le type d’apiculteur que je rencontre :
ce sont en effet des producteurs qui complètent leurs revenus avec l’apiculture ou qui vivent de leurs
productions mellifères et qui pratiquent la vente directe de miel. Ceci sera à prendre en compte lors
de l’analyse des résultats.
Il est important de noter qu’il était aussi question d’enquêter des vendeurs de ruches pendant ce
stage. Cependant, à cause de difficulté d’accès et de logistiques de ma part, l’échantillonnage de cette
catégorie d’enquêtés est limité à une personne. La suite de cette enquête, qui sera conduite en aval
de mon stage, sera sans doute concentrée sur cette catégorie professionnelle, en distinguant là les
vendeurs-fabricants et les vendeurs-revendeurs de ruches. Dans la mesure où ces derniers ont été
localisés durant le travail de cartographie, ils sont aussi présentés sur la carte de localisation de
l’échantillon.
5. ANALYSE DU QUESTIONNAIRE Une brève analyse du questionnaire est présentée ci-après afin d’étudier les différentes parties et
leur pertinence pour l’enquête. Un encart « observation » est présent dans chaque partie du
questionnaire afin de traiter les données de discours qui n’entrent pas dans les variables du
questionnaire.
La partie A.1 Profil de
l’apiculteur consiste à classer les
apiculteurs selon les deux niveaux de
critère présentés précédemment.
Cette partie permet d’abord de situer
géographiquement l’apiculteur afin
d’éviter les doublons (nom et lieu de
l’entreprise). Les questions suivantes
permettent la catégorisation de
l’apiculteur au premier niveau de
critère avec la finalité économique de la
production (pro/pluri actif/ amateur),
et la taille du cheptel. Enfin, les
questions « depuis combien de temps
pratiquez-vous l’apiculture » et
« fabriquez-vous vos ruches » situent
l’expérience de l’apiculteur et
permettent de le classer selon le
second niveau de critère. Un troisième choix pour cette dernière question type « oui – non – les deux »
aurait été bienvenue pour pouvoir différencier les anciens fabricants qui ne fabriquent plus ou bien
ceux qui ont essayé de fabriquer mais n’ont pas continué cette activité.
Figure 3: Questionnaire apiculteur, partie A
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
13
La partie A.2 Culture de l’apiculteur donne une idée du parcours de l’apiculteur depuis le
commencement de son activité. Les questions « avez-vous suivi une formation » et « si oui, laquelle ? »
permettent de répondre à l’hypothèse 1 (présentée plus haut). Cependant, cette question, incomplète
selon moi, ne permet pas de différencier les apiculteurs ayant suivi une formation pour apprendre
l’apiculture, des apiculteurs ayant suivi une formation pour pouvoir prétendre aux dotations jeunes
agriculteurs. Or, cette distinction me semble importante aujourd’hui pour pouvoir réellement
répondre à l’hypothèse 1 qui part du principe qu’un apiculteur ayant appris le métier « sur le tard »
sera plus sensible aux interactions entre le bois et le vivant qu’un apiculteur formé de manière
« normative » à travers une formation agricole par exemple. De plus, cette partie répond aussi à
l’hypothèse 2 qui corrèle l’activité de fabrication des ruches et l’origine de formation de l’apiculteur.
La question « qu’est-ce qui vous a amené à l’apiculture » permet de délier les langues et de favoriser
la discussion. Grâce à cette question, qui est un retour sur la vie de l’enquêté, l’échange est par la suite
facilité. Enfin, la partie A.2 se termine sur le type de ruche utilisé. Ceci permet d’enchaîner plus
aisément sur la partie B.
La partie B. Connaissances des
bois consiste à recenser les
connaissances et les représentations
des apiculteurs concernant les essences
qu’ils utilisent ou non et la provenance
du bois des ruches.
La partie B.1 Recensement et
connaissances des essences et origines
du bois des ruches à l’achat s’adresse
aux apiculteurs acheteurs. Mais dans
les faits, elle concerne aussi les
apiculteurs bricoleurs qui achètent
et/ou ont acheté certaines de leurs
ruches (ou ruchettes). Elle questionne
les essences et/ou les autres matériaux
utilisés ainsi que la provenance du
matériau. La partie B.2 Recensement et
connaissances des essences et origines
du bois des ruches fabriquées aborde
les mêmes notions mais en s’adressant
spécifiquement aux apiculteurs
« bricoleurs ». Ces deux sous parties
permettent d’observer d’une part
l’attachement ou non des apiculteurs
au matériau bois. D’autre part elles
signalent l’importance de la provenance du bois (le cas échéant) et/ou la connaissance de cette
dernière. Elles répondent donc aux hypothèses 3, 4 et 5.
Les limites de la partie B.1 sont dans la connaissance de la provenance des bois des ruches à l’achat.
En effet, le fournisseur majoritaire des apiculteurs de la région est l’entreprise Ickowicz. Etant donné
que l’entreprise a déclaré récemment avoir investi dans une scierie roumaine, les apiculteurs nomment
la Roumanie quasi systématiquement. Cette question est donc à la fois peu précise (réponse inscrite
dans la catégorie « Europe », sans précision du pays) et biaisée par le monopole de Ickowicz. De plus,
le deuxième fournisseur de la région étant le CAT Lozère (surtout concernant les apiculteurs cévenols),
Figure 4: Questionnaire apiculteur, partie B
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
14
les apiculteurs estiment savoir la provenance sans en être sûrs. Mais cette question ne permet pas le
doute. De même, dans la partie B.2, les questions concernant la provenance des planches ne
présument pas de la possibilité d’existence d’apiculteurs qui coupent eux même les arbres pour la
construction des ruches. La question « vous adressez-vous toujours au même fournisseur » est donc
parfois déplacée.
La partie B.3 Pourriez-vous me parler des propriétés physiques de ces différents bois permet de
questionner les apiculteurs sur leurs savoirs pour ainsi répondre aux hypothèses 6 et 7.
Malheureusement, j’ai d’abord trouvé cette question trop brutale pour la poser telle quelle. Suite à un
rendez-vous avec ma tutrice de stage (Pascale Moity-Maizi), il s’est avéré que refuser de poser la
question, c’était comme refuser de reconnaître que les apiculteurs avaient leurs connaissances et une
mise en doute de la recherche engagée sans mise à l’épreuve empirique. Suite à ce rendez-vous, j’ai
donc revisité ma façon d’aborder cette partie et c’est effectivement avec intérêt et sérieux que les
apiculteurs se prêtaient aux questions mais avec une tendance générale à parler d’un bois en
comparaison d’un autre. Les informations sont alors parfois contradictoires (par exemple, le douglas
sera jugé plus lourd que l’épicéa par un utilisateur d’épicéa tandis qu’il sera jugé moins lourd que le
châtaignier par un autre).
La partie C. Apiculteur acheteur
concerne uniquement les apiculteurs
qui achètent des ruches. Or
généralement, on constate que les
apiculteurs qui fabriquent des ruches
ont déjà ou achètent aussi des ruches.
Cette partie a donc été abordée avec
tous les enquêtés (ou presque).
En C.1 Critère d’achat, les
possibilités proposées permettent de
différencier les facteurs « care » des
facteurs liés aux interactions avec les
abeilles et les facteurs liés au matériau
bois. Les facteurs relevant du « care »
sont bien directement liés au confort de
l’exploitation et de l’exploitant
(revenus, ergonomie, réduction de
charges) tandis que les facteurs
« interaction » renverront à la
conviction qu’il y a des interactions
importantes entre le bois et les abeilles.
Enfin, le facteur « bois » comprend les
avantages des propriétés physiques des
essences.
Le tableau qui suit la question, avec les
avantages et les inconvénients est par
contre répétitif après la partie B.3. En
effet, l’idée initiale était de mettre en
avant les facteurs « care » des
différentes essences. Cependant ce tableau reste souvent sans réponse. Selon moi, il aurait été plus
Figure 5: Questionnaire apiculteur, partie C
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
15
simple de réunir les différents types de facteurs dans la partie B.3 et d’effectuer un tri lors de l’analyse
des données. Ceci permettrait de répondre à l’hypothèse 8 sur la diversité de critères qui guident les
choix des apiculteurs.
La partie C.2 Tendance du marché est une manière d’aborder la qualité du matériel acheté et
son évolution. Ceci vise à mettre en avant l’exigence des apiculteurs en termes de matériel apicole. Or
les apiculteurs se déclarent souvent mécontents. Cette question est donc redondante avec la partie
C.3 présentée après. Néanmoins, il sera intéressant de comparer cette partie avec les dires des
vendeurs de ruches afin d’observer les convergences de points de vue entre les deux acteurs. Par la
suite, le tableau « quels changements liés à ces plaintes et pourquoi » est inutile car redondant. La
partie C.3 Longévité des ruches permet, à l’aide de la partie précédente, de répondre aux hypothèses
12 et 13. Mais selon moi, la fourchette choisie pour apprécier la longévité des ruches s’avère peu
pertinente. Car les réponses sont généralement « au-dessus de 10 ans » (échelle maximale de la
fourchette) et les données ne rendent pas compte de la connaissance précise qu’ont les apiculteurs
sur ce sujet-là. De fait, pour un apiculteur, une ruche qui tient 40 ans est plus intéressante qu’une
ruche qui dure 15 ans. De même, une ruche qui dure moins de 5 ans est en général une erreur de
fabrication. De plus, parfois, les apiculteurs ont la malchance de tomber sur un mauvais lot et il n’est
pas possible dans la saisie des données de différencier plusieurs facteurs de longévité/durabilité.
Certainement qu’une réponse chiffrée aurait été plus pertinente. L’interrogation concernant la
longévité en fonction d’un matériau n’est pas toujours intéressante puisque souvent, les apiculteurs
acheteurs ne testent pas des bois différents. Enfin, la dernière question aborde l’avis de l’apiculteur
sur l’évolution de la qualité des ruches, ce qui est un complément de réponse pour l’hypothèse 13.
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
16
La partie D. Apiculteur bricoleur
concerne uniquement les apiculteurs
qui fabriquent ou ont fabriqué leurs
ruches. Elle cherche à comprendre les
motivations et les choix des apiculteurs
pour cette activité.
En D.1 Les motivations à fabriquer des
ruches, les critères de motivations sont
abordés en proposant des raisons en
lien avec le facteur « care » (évoqué
plus haut) et en lien avec la profession
(aspect plutôt économique et
ergonomique). Ces critères sont les
mêmes que présentés plus haut. Suite
aux entretiens, je remarque que
certains critères ne sont pas pertinents
tels que « le poids » ou « l’origine de
fabrication ». Par la suite, un nouveau
tableau exhaustif essence par essence
est proposé. Mais alors il est redondant
avec les questions précédentes.
Comme expliqué en C.1, il aurait été
plus évident de réunir les arguments en
partie B car la confusion et la répétition
ne facilite pas la lecture des données.
La méthode de séchage des bois est
ensuite abordée. Ce n’est pas précisé
dans le questionnaire mais les bois sont
toujours séchés dans une étuve ou à
l’air libre. L’avantage du séchage à
l’étuve, c’est la rapidité du séchage tandis qu’un bois séché à l’air libre sera plus solide, mais nécessite
un séchage long, à raison d’un an par cm d’épaisseur11. Or nos questions ne permettent pas de mettre
en avant l’une des possibilités des apiculteurs à savoir acheter du bois vert en avance et le laisser
sécher directement à la ferme.
En D.2 est abordée l’évolution de la pratique de fabrication des ruches. Les questions depuis
que vous avez commencé votre activité, avez-vous changé de matériau et si oui, au profit de quel
matériau rendent compte d’éventuels tests de l’apiculteur en termes d’essence. Or, ces questions ne
sont pas assez précises pour évaluer quels bois ont été testés puis réellement retenus. La question
suivante questionne les raisons d’un changement, en conservant les critères « care ». Cependant, il est
plus souvent question d’opportunité sur un lot de planches qui entraine le changement ou l’essai. Cette
solution aurait pu être envisagée au début de l’enquête.
Pour la partie D.3 Longévité des ruches, se référer à l’analyse de la partie C.3.
11 Dire d’acteur
Figure 6: Questionnaire apiculteur, partie D
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
17
L’entretien se termine donc en
abordant la partie E. qui questionne les
interactions entre le bois et les abeilles.
La première question « Pensez-vous qu’il
existe des interactions entre le bois et les
abeilles » permet d’avoir une réponse
déclarative et directe. Mais le plus
souvent, la réponse est négative ; donc je
suis dans l’obligation d’évoquer des
possibilités d’interactions
(« lesquelles ? ») pour pouvoir avoir un
complément d’information.
Malheureusement, les apiculteurs ont
souvent un avis assez tranché et il est
difficile d’avoir des informations
précises. Etant donné l’aspect occulte de
la question, les apiculteurs sont réticents
dans un premier temps à y répondre. Ainsi, la question « sur quelles essences par exemple ? » est
rarement abordée en profondeur. Evidemment, le questionnaire étant rempli en aval de l’entretien,
c’était à moi de trier les informations. Il m’a cependant paru rapidement peu pertinent d’opter pour
une présentation sous forme de tableau (car trop peu d’informations précises fournies). En effet, il est
plus évident de traiter des données de discours de l’ordre des savoirs vernaculaires que de la technique
à proprement parler.
6. ACTIVITES ANNEXES : LA RECHERCHE EXPERIMENTALE AVEC REPETITIONS Durant ce stage, j’ai été chargée du suivi d’un rucher expérimental sur le site d’expérimentation
du CNRS. Ce rucher est composé de dix-huit ruches destinées à l’expérimentation (dont deux à des
expériences annexes). Le but de cette expérimentation est un test de l’effet de deux essences
(châtaignier et épicéa) sur les ruches pour la prévalence de varroa destructor (acarien ravageur de la
ruche). Pour cela, huit ruches ont été construites en châtaignier et huit en épicéa. Pour la validité de
l’expérience, les colonies sont toutes issues de reines sœurs d’une même génération. Les ruches sont
installées sur le terrain d’expérimentation du CNRS de Montpellier selon le plan et la distribution
présentés ci-dessous.
La méthode utilisée, pour évaluer l’importance du varroa, est la technique de comptage de chutes
naturelles du varroa. Pour cela, un lange est installé sous le plancher grillagé des ruches, zone
inaccessible pour les abeilles (pour éviter qu’elles nettoient les langes). Le lange est graissé au
Figure 7: Questionnaire apiculteur, partie E
Figure 8: Plan du rucher expérimental en début d'expérience
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
18
préalable pour que l’acarien s’y colle. L’été est une saison pertinente (selon la GDSA8312) car le couvain
est étendu et contient alors tous les stades de développement de l’abeille. C’est aussi une période sans
traitements anti-varroa. Un comptage est effectué toutes les six demi-journées soit précisément le
lundi après-midi et le vendredi matin. Le lange est nettoyé, graissé puis réinstallé après chaque
comptage. Par ailleurs, les ruches sont à observer attentivement pour voir si la colonie s’affaiblit, se
développe ou essaime. Il est donc important de relativiser les résultats du comptage selon la
population d’abeille dans chaque ruche. Pour cela, les inter-cadres travaillés sont comptés selon le
degré de salissement du lange. Le comptage s’effectue à vue, sur le rucher même.
Au départ de l’expérience, seize ruches étaient opérationnelles pour le comptage du varroa.
Cependant, suite à des problèmes d’ordre techniques (langes finalement accessibles pour les abeilles),
à des pertes de colonies (quatre ruches durant l’expérimentation) et à l’élimination de colonies trop
faibles pour être considérées dans l’expérience, le comptage s’effectue en fin de stage sur cinq ruches
soit trois en châtaignier et deux en épicéa (plan présenté plus bas). Deux ruches sont néanmoins
problématiques pour le résultat pour cause de présence massive de fourmis rouges qui nettoient les
langes en se nourrissant de varroas tombés. En annexe 6, le suivi des résultats du comptage qui ne
sera pas analysé dans le cadre de ce rapport.
Cette expérimentation a été avant tout un test pour pouvoir mettre en place un réel protocole de
recherche scientifique par répétitions régulières autour de la prévalence de varroa dans les ruches de
différentes essences. Ceci a permis de mettre en avant l’importance du prototype de ruche pour le
comptage (avec un espace inaccessible pour les abeilles). Cet aspect a été la première limite de
l’expérience. En effet, il a fallu revenir de nombreuses fois sur les ruches pour s’assurer que les abeilles
n’atteignent pas les langes. La deuxième difficulté rencontrée concerne la gestion et l’entretien du
rucher dans ce contexte d’apiculture urbaine et sédentaire. Avec mon expérience encore minime, j’ai
essayé d’entretenir le rucher au mieux dans un contexte climatique méditerranéen semi-aride. La
gestion de l’installation des hausses et de la chaleur dans la ruche ont été des problèmes que je n’avais
pas abordés lors de mes expériences apicoles précédentes. Enfin, l’arrivée précoce des frelons
asiatiques (Vespa velutina, prédateurs de l’abeille) a aussi perturbé l’expérience. Malgré l’installation
de pièges qui régulent la population de frelons, les abeilles subissent le stress de la prédation et ne
travaillent plus ou peu.
Ce test effectué durant mon stage permettra, je l’espère, de revoir partiellement et de valider un
protocole d’expérimentation de comptage de varroa pour les saisons à venir et pour les chercheurs
qui m’ont accueillie.
12 http://gdsa83.fr/evaluation-varroa/ le 8 aout
Figure 9: Plan du rucher expérimental en fin d'expérimentation
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
19
7. CONCLUSION PARTIELLE Pour conclure sur cette première partie de rapport, j’aimerais revenir sur les quelques points qui
ont été testés durant ce stage exploratoire et qui, selon moi, seraient à revoir lors du prolongement
de cette étude sur les tendances des apiculteurs en terme d’utilisation de bois comme matériau de la
ruche.
Tout d’abord, le choix de l’utilisation d’un questionnaire dans le cadre d’une enquête exploratoire
est à revoir. Il est vrai qu’il permet de fournir des données quantitatives grâce à la collecte de données
et de fournir des résultats descriptifs, voire des corrélations de variables (le cas échéant), à moindre
échelle. En revanche, il a aussi ralenti l’enquête. La construction du questionnaire a été longue et
évolutive (au fil des entretiens) : les entretiens effectués en début de stage sont difficilement
exploitables dans le questionnaire final. L’échantillon, trop réduit pour pouvoir prétendre à des
données statistiques, ne livrera pas une réelle représentativité des pratiques, des usages, des
connaissances et des représentations. De même, malgré la phase préliminaire d’entretiens qualitatifs,
il a été difficile de collecter les informations nécessaires pour pouvoir proposer des questions
pertinentes dans le processus de construction du questionnaire. A l’avenir, il serait peut-être
intéressant de limiter l’échantillon pour faire une analyse qualitative auprès « d’experts » avec des
entretiens plus longs et plus généraux sur l’abeille afin de pouvoir instaurer un climat de confiance et
éviter que les enquêtés anticipent trop l’objet de l’étude. Cette phase d’enquête auprès d’experts
permettrait de reconstruire ensuite des questionnaires plus courts, plus ciblés, pour différentes
catégories représentatives d’acteurs.
Ensuite, il me paraît important de réfléchir sur la zone d’étude. En effet, les périodes sur le terrain
étaient courtes (trois jours) pour pouvoir mener l’expérimentation en parallèle à Montpellier. Ainsi, le
choix que j’ai fait de choisir plusieurs zones afin de diversifier les avis est peut-être à revoir dans la
mesure où les enquêtes sont de plus en plus faciles à mener avec la connaissance du terrain et le
bouche à oreille. Je pense que l’étendue géographique est à évaluer selon la durée dédiée à l’enquête.
Pour ma part, le temps était trop court (trois semaines hors de l’Hérault environs) pour pouvoir être
réellement efficace.
Enfin, il est indispensable de rappeler ici la bifurcation importante qu’a pris mon stage. En effet, il
était question à l’origine de questionner les vendeurs de ruches compte tenu de la période peu propice
à l’enquête auprès des apiculteurs. Malheureusement, j’ai négligé cette partie de ma mission au profit
des enquêtes auprès des apiculteurs malgré les difficultés prévues. Travaillant sur la construction du
questionnaire pour les apiculteurs, je me suis focalisée sur ce type d’acteur pour pouvoir faire un
retour précis sur cet outil. De plus, lors d’une réunion avec ma maître de stage et ma tutrice, il a été
remarqué qu’il était important, dans la logique chronologique d’enquête auprès d’une filière, de
commencer par les producteurs pour ensuite compléter par les autres professionnels. J’ai donc
favorisé cet élément au détriment des enquêtes auprès des vendeurs de ruches. En fin de stage, ayant
décidé d’aller à la rencontre de quelques vendeurs, j’ai affronté les mêmes difficultés qu’avec les
apiculteurs à savoir : grandes distances les séparant limitant nécessairement l’échantillon, manque de
disponibilité de leur part (réponses négatives aux demandes de rendez-vous), méfiance vis-à-vis de
l’enquête. Au final, je n’ai pu rencontrer qu’un seul vendeur de ruche, ce qui ne me permet pas de
pouvoir proposer un parallèle entre les discours de ces deux catégories d’acteurs.
Malgré les difficultés et les choix, plus ou moins pertinents, effectués au fil de ce stage, je vais
proposer les premiers résultats concernant les connaissances et les usages des apiculteurs autour du
bois et livrer des informations provenant du vendeur de ruche.
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
20
B. ANALYSE DES DONNEES
8. RAPPEL DU CONTEXTE Les données qui sont analysées ci-après sont issues d’enquêtes qualitatives auprès d’apiculteurs
de l’Hérault, de la Drôme provençale et des Cévennes. Après avoir construit le questionnaire d’enquête
quantitative, ces enquêtes m’ont permis de saisir des données sous le logiciel Sphinx® afin de pouvoir
observer les tendances, les usages, les représentations et les connaissances des apiculteurs et des
vendeurs de ruches autour du matériau bois des ruches qu’ils utilisent. Il est bon de rappeler que ce
stage se situe à la phase exploratoire de l’enquête menée par Anna Dupleix au sein du LMGC de
Montpellier. Etant donné l’accès à un nombre réduit de personnes enquêtées (vingt-et-un apiculteurs
et un vendeur de ruches), cette enquête ne pourra prétendre à produire des résultats à une échelle
territoriale ou nationale. Ce stage, réflexif, permet avant tout de tester le questionnaire afin de
pouvoir, par la suite, approfondir l’enquête de manière plus précise mais aussi d’avoir des outils
méthodologiques sur la manière d’enquêter les apiculteurs en France. Elle permettra néanmoins
d’accéder à des données et à une représentation partielle de la réalité pour fournir des indicateurs et
des informations importantes pour l’étude, si elle est poursuivie. Ce processus réflexif et itératif
permet donc d’apporter un regard sur une méthodologie sur l’enquête auprès des apiculteurs et une
idée des résultats statistiques recherchés.
9. BIAIS DE L’ENQUETE L’enquête sur le terrain comporte toujours de nombreux biais qu’il est important de repérer afin
de, non pas les éviter, mais de proposer une analyse qui tienne compte de ces derniers. Ils concernent
différents aspects de l’enquête et seront présentés ci-après. Certains biais, inévitables, ont été repérés
dès le commencement de l’enquête. Cette dernière a été conduite en connaissance de cause. Selon
moi, les biais de cette enquête se différencient en trois catégories que je nommerais le biais « par
l’enquête », le biais « logistique » et le biais « méthodologique ».
Le biais « par l’enquête » concerne la manière dont j’ai appréhendé le sujet et la subjectivité que
j’ai apportée dans le processus d’entretien. D’une part, les entretiens sont souvent surprenants (pour
l’enquêté) et effectués dans une certaine forme de précipitation avec de nombreuses perturbations.
Les rencontres étaient d’ores et déjà biaisées par ces conditions particulières d’enquête. La
retranscription des prises de notes sans enregistrement et avec un décalage apporte, elle-aussi, une
certaine déformation du discours initial de l’apiculteur, avec une certaine forme d’explication
interprétative des propos. D’autre part, la subjectivité de l’étude en elle-même est un biais important
dans la manière de collecter les informations. Les hypothèses posées en amont sont déjà
problématiques, on l’a évoqué plus haut. De plus, lors des entretiens, un écart émerge entre les
réponses déclaratives au questionnaire et les données collectées lorsque je suscitais la réflexion des
apiculteurs dans le fil de l’entretien. Par exemple, les apiculteurs répondaient négativement de
manière déclarative à la question qui aborde les interactions entre le bois et les abeilles. En revanche,
lorsque la discussion continuait, ils étaient alors sensibles à des aspects d’interactions tels que les
odeurs ou la gestion du climat dans la ruche.
Le biais, que je nomme ici logistique, est surtout la stratégie que j’ai mise en place pour le
déroulement de mes enquêtes. Tout d’abord, le choix du terrain d’enquête était guidé par différents
facteurs. Le premier, bien-sûr, était fonction de l’importance de l’activité apicole par région. Les
Cévennes, par exemple, ont été désignées dès le début de la réflexion comme un lieu incontournable
à enquêter. Ensuite, pour des questions budgétaires, il était préférable de réduire les coûts au cas où
le budget alloué à mes déplacements ne suffirait pas à l’enquête (ce qui s’est avéré erroné). J’ai donc
choisi plus précisément les zones en fonction de mes connaissances et de la possibilité d’être logée
facilement. Enfin, la méthode d’approche utilisée, c’est à dire en ciblant les producteurs de miel en
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
21
vente directe à la ferme ou sur le marché, exclut d’emblée une à deux catégories d’apiculteurs : les
apiculteurs familiaux avec une consommation personnelle et les petits amateurs avec une vente locale
de petite échelle.
Pour finir, le troisième biais que j’ai identifié est d’ordre méthodologique. En effet, le processus
itératif de la construction du questionnaire a fortement influencé l’enquête et la collecte des données.
Les apiculteurs rencontrés en début de stage n’ont pas reçu le même traitement que ceux de fin de
stage. Le questionnaire, utilisé comme « guide d’entretien » pour les premières enquêtes n’était pas
le même au début et en fin de stage. Ainsi, les données fournies et analysées ci-après seront à resituer
dans un contexte évolutif du questionnaire et des informations recherchées. Certaines questions, par
exemple, ont un taux de réponse assez faible puisqu’elles ne sont arrivées que tardivement durant
l’enquête.
10. METHODE DE LECTURE DES RESULTATS UTILISEE A l’aide du logiciel Sphinx®, je propose une lecture descriptive des données pour pouvoir aborder
les hypothèses de recherches présentées plus haut. Outil d’analyse d’enquête quantitatif, il propose
aussi le test du Khi² qui vise à tester l’indépendance entre deux ou plusieurs variables qualitative X et
Y à nx et ny modalités respectives (ce qui est le cas pour trois de mes hypothèses). Or, ce test n’est
applicable que sur un effectif assez important de modalités (>5 par modalité). Vu l’effectif d’acteurs
rencontrés, ce test ne s’applique par sur l’échantillon que je propose. C’est pourquoi, je complète ces
informations avec un test exact de Fisher qui s’adapte à ce type de situation. Pour pouvoir effectuer
ce test, j’utilise alors l’outil BiostaTGV13 que propose l’UMR S 1136 de l’Institut Pierre Louis
d’Epidémiologie et de Santé publique hébergé par l’université de la Sorbonne. Outil mis à disposition
en ligne, il permet de réaliser le test exact de Fisher à partir de mes modalités. Cependant, la puissance
du test (aptitude d’un test à rejeter la probabilité que des variables sont indépendantes) n’est pas à
son optimum étant donné, une fois de plus, mon échantillon réduit.
11. ÉCHANTILLONNAGE Vingt-quatre apiculteurs ont été rencontrés durant ce stage et vingt-et-un ont permis d’alimenter
l’analyse qui va suivre. Trois témoignages n’ont pas été intégrés sous Sphinx® pour deux raisons. La
première parce qu’un apiculteur s’est prêté à l’enquête avec mauvaise foi en fournissant des réponses
peu justifiées. J’ai choisi de ne pas utiliser cette enquête pour ne pas erroner les résultats. Concernant
les deux autres, les réponses ont été fournies par les conjointes des apiculteurs qui ont finalement
estimé qu’il était préférable de rencontrer leurs époux respectives. Malheureusement, je n’ai pas pu
les rencontrer. Ces témoignages sont donc incomplets et j’ai préféré ne pas fausser les résultats.
Une typologie d’apiculteurs a été réalisée sous deux niveaux de critères. Le premier distingue les
apiculteurs par la taille de leur cheptel et est en lien avec l’objectif économique de la production sous
quatre catégories : Apiculteur familial, petit amateur, gros amateur et apiculteur professionnel (cf
Tableau 1: typologie des apiculteurs : premier niveau de critère). Ensuite, le second niveau de critère
concerne la pratique de fabrication de ruche (cf 3. Co-construction du questionnaire). L’échantillon est
présenté ci-après. Rencontrés dans les Cévennes, la Drôme provençale et l’Hérault, les apiculteurs se
répartissent géographiquement comme suit :
13 https://marne.u707.jussieu.fr/biostatgv/
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
22
Tableau 2: Echantillon des apiculteurs enquêtés
Apiculteur « acheteur » Apiculteur « bricoleur »
Apiculteur familial 0 0
Petit amateur 2 0
Gros amateur 3 3
Apiculteur professionnel 6 8
Cévennes Drôme P. Hérault
7 7 8
Les apiculteurs ont été rencontrés dans les Cévennes, la Drôme provençale et l’Hérault, selon la
répartition suivante (en jaune en figure 10).
Un vendeur de ruche (en rouge) a été rencontré durant ce stage. Vendeur « revendeur » il est
aussi apiculteur de loisir à côté de son activité. Pratiquant cette activité comme complément de
retraite, il a récemment choisi de ne plus fabriquer les ruches lui-même afin de pouvoir réduire les
coûts de fabrication, pour pouvoir s’adapter aux prix du le marché. J’ai rencontré cet apiculteur après
une prise de rendez-vous téléphonique. D’abord méfiant, il était soucieux de savoir à quoi allait me
servir les informations qu’il me révélait. Il a d’ailleurs refusé que je note certaines informations. Fidèle
à sa demande, elles ne seront pas révélées dans ce rapport. La rencontre s’est effectuée au sein de son
entreprise, en présence de sa secrétaire. La rencontre a duré environ une heure et demi et s’est
déroulée en suivant avec lui le questionnaire imprimé. Les informations annexes aux questions ont été
relevées en prises de notes, puis retranscrites.
12. PREMIERS RESULTATS Les résultats sont tirés du logiciel Sphinx® que j’ai appris à utiliser pendant mon stage. C’est donc
du volet « lecture de données » que sont issus les tableaux et les résultats présentés. Ils seront choisis
et proposés dans l’ordre des hypothèses de recherches présentées en Figure 2.
Figure 10: Cartographie des apiculteurs et vendeurs rencontrés
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
23
Hypothèse 1 : Les connaissances des interactions sont liées à la formation d’origine de
l’apiculteur
L’objectif de cette recherche était avant tout de connaître les connaissances et les
représentations des apiculteurs autour des interactions possibles entre le bois et les colonies
d’abeilles. En questionnant les apiculteurs, il était intéressant d’observer d’une part leur avis brut sur
la question et d’autre part, de collecter les éléments qui concernent ces interactions.
De manière déclarative, les apiculteurs n’ont pas conscience d’interactions entre le bois et le vivant.
Comme l’indique la figure 11, les apiculteurs ne
pensent pas qu’elles existent. En revanche, le
discours est parfois immédiatement
contradictoire avec la réponse déclarative.
L’odeur, qui est un facteur récurrent dans les
discours des apiculteurs, est souvent évoquée
juste après la réponse à la question : « Les abeilles
se moquent du bois utilisé à condition qu’il ait une
bonne odeur14. » Ou encore : « Il n’y a pas
d’interaction entre le bois et les colonies […]. Par
contre les vieilles ruches attirent les colonies
compte tenu de l’odeur de propolis et de cire »15.
Il est important de noter que parfois la distinction
entre l’odeur du bois et l’odeur de l’habitacle est
difficile à discerner. Pour certains, les odeurs de la
cire et de la propolis couvrent l’odeur du bois
tandis que pour d’autres elles s’échangent avec le bois. Parfois, les apiculteurs hésitent, cherchent
leurs mots, puis répondent de manière négative en expliquant qu’ils ne souhaitent pas dire de bêtises.
Ils ont l’impression alors que s’ils se trompent, cela peut avoir une conséquence négative sur l’étude
que je mène. Enfin, certains posent un « non » catégorique sans possibilités de creuser le sujet.
Les cinq apiculteurs qui ont répondu « oui » à cette question étaient convaincus des interactions entre
le bois et les abeilles. Comme une évidence, un apiculteur n’a par contre pas su me dire quels exemples
il avait en tête. Les deux autres par contre ont évoqué l’odeur et/ou la gestion du climat dans la ruche :
« Les abeilles ne s’installent pas n’importe où »16, « si ce n’est la densité (du bois et donc influence la
chaleur dans la ruche), pas vraiment (les interactions) »17.
14 Extrait d’entretien 15 Extrait d’entretien 16 Extrait d’entretien 17 Extrait d’entretien
Figure 11: Réponse déclarative aux interactions bois/abeilles
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
24
Les vingt-et-un apiculteurs rencontrés ont répondu à cette question ; seize apiculteurs déclarent qu’il
n’y a pas d’interaction entre le bois et les abeilles et quatre reconnaissent l’existence de ces
interactions. En revanche, seulement six apiculteurs n’ont pas été sensibles à la question au fil de la
conversation qui suivait cette question. En effet, je
poussais la réflexion autour des différents facteurs
que les apiculteurs me révélaient au fur et à mesure
des enquêtes. Ainsi, dix apiculteurs ont finalement
admis ou sous-entendu des possibilités
d’interactions : présents en figure 12.
Le facteur le plus couramment évoqué est la gestion
de la chaleur dans la ruche (dix apiculteurs). Souvent
en comparaison du plastique et par rapport à leurs
densités, les bois améliorent la gestion de la chaleur,
surtout dans le contexte climatique méditerranéen.
Par ailleurs, le châtaignier est évoqué, précisément
comme isolant pour l’hiver pour un apiculteur. Deux
apiculteurs ont évoqué la relation entre densité et
isolation (exemples de l’épicéa moins dense et plus isolant ou bien du châtaignier qui a pour
conséquence de faire des ruches « froides » : plus lente à démarrer au printemps). Ensuite vient
l’odeur du bois (huit apiculteurs). Souvent subjectifs, les apiculteurs jugent si un bois sent bon ou pas.
Par exemple « le sapin sent bon »18, « il n’y a pas d’interaction avec les odeurs, sauf le cryptomeria car
il sent mauvais, et les abeilles risquent de fuir la ruche »19 ou encore « pas d’interaction avec odeur
sauf si on met trop d’odeur »20. Ce dernier témoignage concernait l’utilisation du thymol comme
moyen de lutte contre le varroa. Il était en effet difficile de séparer l’odeur de l’habitacle et l’odeur du
bois. La gestion de l’humidité dans la ruche est un facteur qui était soit positif, soit négatif pour les
colonies. Certains bois restituent trop d’humidité dans la ruche durant l’hiver d’après un apiculteur (le
sapin en lien avec sa tendresse21). Le bois, comme matériau pour le plancher des ruches est, par contre,
un bon moyen d’évacuer l’humidité par l’absorption de l’évaporation d’eau des abeilles (transpiration
et dessiccation du miel). L’apiculteur qui a proposé « la lutte contre le varroa » comme facteur
d’interaction entre le bois et le vivant n’a pas basé cette information sur une expérience vécue22. Enfin,
la réponse « autre » qui concerne trois apiculteurs aborde les propriétés insecticides des bois
(cryptomeria), la respiration du bois et l’odeur de l’habitacle (et non du bois).
Le tableau 3 présente le croisement entre la variable « formation » et la variable « interaction avec les
abeilles ». Sur les quatre apiculteurs ayant répondu de manière positive à la question, 60% n’ont pas
suivi de formation. Il reste néanmoins difficile de juger de la représentativité de la corrélation vu
l’échantillon réduit de l’étude. En effet, la p-value est trop élevée (>0,05) pour rejeter l’indépendance
entre les deux variables.
18 Extrait d’entretien 19 Extrait d’entretien 20 Extrait d’entretien 21 Extrait d’entretien 22 Remarque de comportement durant l’entretien
Figure 12: Facteurs d'interaction entre le bois et les abeilles
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
25
Tableau 3: Croisement entre "formation" et "interaction"
A_Api_Form Oui Non Total
E_Inter Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs.
Oui 2 40% 3 60% 5 100%
Non 5 31,2% 11 68,8% 16 100%
Total 7 33,3% 14 66,7% 21
Réponses effectives : 21 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100%
p-value = 0,72 ; Khi2 = 0,13 ; ddl = 1,00 (La relation n'est pas significative)
Le test exact de Fisher proposé23 ne permet pas
non plus de rejeter l’indépendance (p-value
=1).
Il peut être intéressant à présent d’analyser la
corrélation avec la pratique de fabrication des ruches. En effet, les apiculteurs ayant répondu « oui »
aux interactions sont majoritairement fabricants de ruches (60%, tableau 4).
Tableau 4: Croisement entre "fabrication" et "interaction"
A_Api_Fab Oui Non Total
E_Inter Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs.
Oui 3 60% 2 40% 5 100%
Non 7 43,8% 9 56,2% 16 100%
Total 10 47,6% 11 52,4% 21
Réponses effectives : 21 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100%
p-value = 0,53 ; Khi2 = 0,40 ; ddl = 1,00 (La relation n'est pas significative)
De même que précédemment, le test ne permet pas de rejeter l’indépendance entre les deux variables
(p-value=0,53). Voici donc les résultats du test exact de Fisher.
A nouveau, le test ne rejette pas l’hypothèse
d’indépendance des deux variable (p-value=0,63).
Nous ne pouvons donc pas confirmer que les deux
variables sont corrélées.
23 https://marne.u707.jussieu.fr/biostatgv/?module=tests/fisher
Figure 13: Test exact de Fisher entre les variables "formation" et "interaction"
Figure 14: Test exact de Fisher entre les variables "fabrication" et "interaction"
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
26
Hypothèse 2 : La pratique de fabrication des ruches est liée à la formation d’origine de
l’apiculteur
L’hypothèse 2 présuppose une corrélation entre la formation d’origine des apiculteurs et leur
pratique de fabrication de ruches. Plus précisément, la question est de savoir si la formation pousse à
la fabrication des ruches. Le tableau 3 présente le croisement entre ces deux variables. Tout d’abord,
nous pouvons remarquer qu’une petite majorité des apiculteurs rencontrés ne fabriquent pas leurs
ruches (52,4%). Et seulement 30% des apiculteurs « bricoleurs » ont suivi une formation. A l’inverse,
63,6% des apiculteurs « acheteurs » sont issus d’une formation apicole. Ces chiffres tendent à
confirmer la corrélation entre la formation et la pratique de fabrication. Mais, d’après le logiciel
Sphinx®, les deux variables ne sont pas significativement corrélées (p-value= 0,76). Le test exact de
Fisher (figure 15) ne permet pas non plus de confirmer cette hypothèse (p-value=1).
Tableau 5: Croisement entre la question "pratique de fabrication" et "formation"
A_Api_Form Oui Non Total
A_Api_Fab Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs. Ecart Eff. % Obs.
Oui 3 30% 7 70% 10 100%
Non 4 36,4% 7 63,6% 11 100%
Total 7 33,3% 14 66,7% 21
Réponses effectives : 21 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100%
p-value = 0,76 ; Khi2 = 0,10 ; ddl = 1,00 (La relation n'est pas significative)
En revanche, il est possible d’identifier des tendances. Nous
observons bien une tendance des apiculteurs fabricants de
ruches (10 apiculteurs) à ne pas être issus d’une formation
(sur le tard ou « normative » spécialisée). Il est intéressant
maintenant d’analyser la pratique de fabrication par rapport
à la taille du cheptel. Le tableau 4 présente ces résultats.
Tableau 6: Lien entre "pratique de fabrication", "taille du cheptel" et "formation"
Taille du cheptel
Formation apicole
Oui Non
Apiculteur bricoleur
10 à 70 0 0
71 à 200 1 2
200 et + 2 5
TOTAL 3 7
Figure 15: Test exact de Fisher entre les variables "formation" et "fabrication"
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
27
Au sein de la catégorie apiculteur « bricoleur » non issu de formation, 71% sont des apiculteurs
« professionnels » (200 ruches et plus). Seulement un apiculteur ne fabrique plus les ruches depuis
qu’il est professionnel. La tendance des apiculteurs professionnels à fabriquer leurs ruches s’explique
par le coût (pour six apiculteurs sur sept) et par une habitude de fabrication déjà installée avant la
professionnalisation de l’activité (les apiculteurs fabriquaient les ruches lorsqu’ils étaient amateurs).
La fabrication des ruches est aussi liée à l’attraction personnelle pour le bricolage : « j’ai toujours aimé
bricoler […], l’hiver est plus calme, on a le temps »24. Les apiculteurs « bricoleurs » issus d’une
formation fabriquent leurs ruches pour les même raisons. Ces arguments n’ont donc pas de lien avec
la formation qu’ils ont suivie. Concernant les apiculteurs « gros amateurs » (71 à 200 ruches), ils
avancent eux aussi les mêmes arguments (arguments économiques et le goût pour le bricolage). Il est
donc difficile de distinguer une réelle tendance de corrélation entre la taille du cheptel et la fabrication
des ruches.
Hypothèse 3 : Les apiculteurs français sont fidèles au bois Hypothèse 4 : les apiculteurs
ne savent pas de quel bois leurs ruches sont faites
La Figure 9 présente le choix des apiculteurs en
termes de matériau pour les ruches qu’ils achètent.
Elle comprend les apiculteurs exclusivement acheteurs
mais aussi les apiculteurs bricoleurs qui ont acheté ou
achètent actuellement des ruches. Le taux de réponse
est de 85,7% car trois apiculteurs n’ont jamais acheté
de ruches (les ruchettes et autres matériels ne sont pas
pris en compte pour cette question), l’effectif ayant
répondu est donc de dix-huit apiculteurs. Il est
important de noter que la réponse « peu importe »,
exprimée par deux apiculteurs concerne un apiculteur
qui, pour des raisons financières, récupère des ruches
sans se poser la question du matériau et un autre qui
possède des corps en bois et en plastique. La réponse
« en bois mais ne sait pas lequel » concerne quatre
apiculteurs ne s’étant jamais renseignés sur la question, confondant les bois et/ou n’y attachant pas
d’importance. Enfin, trois apiculteurs ont apporté deux réponses à cette question ce qui justifie la
répartition des % ci-contre (∑ des pourcentages = 111,2%).
88,9% des apiculteurs enquêtés favorisent le bois lors de leurs achats de ruches, un apiculteur
(soit 5,55%) n’attache pas d’importance particulière au matériau bois et un autre privilégie le plastique
comme matériau. Ceci indique dont la préférence des apiculteurs pour le bois comme matériau de la
ruche. Les apiculteurs utilisateurs du plastique assurent que ce dernier n’a aucune influence négative
sur les abeilles. De même, ce choix est guidé par une facilité du travail, à savoir, le nettoyage des ruches
(au karcher) et la manutention (le poids et le stockage). Les utilisateurs du bois, à l’inverse, ont
tendance à avoir une aversion pour le plastique et estiment même qu’il peut avoir une influence
négative sur les colonies (régulation de la température, extractibles du plastique). Trois apiculteurs
affirment même être « attachés au matériau bois »25 ou « avoir une affection pour le bois ». L’attention
que j’ai portée là à la terminologie exprimée par ces apiculteurs valide l’hypothèse 3. Des entretiens
plus longs autour des pratiques et de leurs motivations auraient été un plus pour approfondir les
raisons de leur aversion pour le plastique ainsi que les motivations autour de l’utilisation du bois. Par
24 Extrait d’entretien 25 Extrait d’entretiens
Figure 16: Matériau choisi par les apiculteurs acheteurs
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
28
ailleurs, il paraît évident que les apiculteurs « bricoleurs » sont sensiblement fidèles au bois
simplement parce qu’ils apprécient la fabrication des ruches.
Tableau 7: Choix du matériau selon la taille du cheptel
Matériau de la ruche
Taille du cheptel Bois Peu importe Plastique
10 à 70 2
71 à 200 4 1
200 et + 10 1
Le tableau 7 présente les choix des apiculteurs en termes de matériau de la ruche selon la taille de leur
cheptel. Il comprend les dix-huit apiculteurs enquêtés et considère que l’un des deux apiculteurs ayant
répondu « peu importe » a été classé dans la catégorie « bois » puisqu’il n’achète pas consciemment
de plastique mais a révélé son aversion pour ce matériau lors de l’entretien. Etant donné la tendance
générale des apiculteurs à privilégier le bois (seize apiculteurs), il est difficile de discerner une
différence selon notre typologie au premier niveau de critère.
Cette analyse répond aussi à l’hypothèse 4 qui aborde la connaissance précise du bois dont les
ruches sont faites. Quatre apiculteurs ne connaissent pas ou confondent le bois de leurs ruches. Parfois
même, les apiculteurs pensent connaître le bois de leurs ruches mais après interprétation de leurs
propos, cela s’avère faux. Par exemple, un apiculteur m’a assuré ne pas avoir de ruche en résineux
pour me certifier qu’elles sont en épicéa (l’épicéa étant un résineux). Un autre m’a confirmé avoir des
ruches « en pin, enfin en sapin »26. Ainsi, 12 apiculteurs sur les 17 acheteurs de ruches en bois
connaissent le bois de leurs ruches (soit 70,5%). Compte tenu de la représentation partielle de l’étude
et des apiculteurs rencontrés, il est possible d’infirmer l’hypothèse 4: les apiculteurs connaissent
généralement l’essence du bois de leurs ruches. De même que pour l’hypothèse 3, il est évident que
les apiculteurs « bricoleurs » connaissent l’essence des bois qu’ils travaillent pour fabriquer leurs
ruches.
Tableau 8: Connaissance des essences de bois selon la taille du cheptel
Connaissance de l'essence
Taille du cheptel Oui Non
10 à 70 1 1
71 à 200 3 2
200 et + 8 2
Pareillement que pour l’analyse de l’hypothèse 3, le tableau 6 présente la connaissance des
essences de bois utilisées par rapport à la taille du cheptel. Compte tenu de l’inégalité des profils
rencontrés, il parait impossible d’affirmer qu’un groupe d’apiculteurs est plus au courant qu’un autre
de l’essence du bois qu’il utilise. Ensuite, il aurait été intéressant d’homogénéiser les échantillons
d’apiculteurs par groupe identifié afin de pouvoir également estimer le niveau de connaissance à
l’intérieur de chaque groupe.
26 Extrait d’entretiens
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
29
Hypothèse 5 : Les apiculteurs acheteurs ne connaissent pas la provenance du matériau
bois de leurs ruches
La figure 10 présente la connaissance des
apiculteurs « acheteurs » concernant la provenance du
bois de leurs ruches achetées. Le taux de réponse
(71,4%) est plus faible que dans la figure 9 puisque deux
apiculteurs n’ont pas été soumis à cette question
(phase préliminaire de l’enquête). De plus, l’apiculteur
qui utilise des ruches en plastique n’est pas concerné
par cette question. L’effectif des apiculteurs ayant
répondu à cette question est donc de seize (les trois
apiculteurs qui n’achètent pas de ruches n’ont pas
répondu non plus). 46,7% des apiculteurs assurent
connaître la provenance du bois de leurs ruches tandis
que 53,3% n’en n’ont pas idée (soit sept apiculteurs
possédant la connaissance pour huit l’ignorant). Cette
lecture est cependant à relativiser. D’une part, les apiculteurs n’ont généralement pas une large
diversité de fournisseurs de matériels apicoles. La plupart se fournissent chez Ickowicz (Bollène), qui
se trouve être le plus gros fournisseur de la région (et aussi, le plus accessible financièrement). Les
apiculteurs cévenols se fournissent soit chez Ickowicz, soit à l’ESAT27 « Les ateliers du prieuré » (CAT
Lozère). Cette organisation associative qui offre du travail aux personnes handicapées s’annonce
comme l’un des spécialistes européens de la fabrication des ruches28. Cette structure est privilégiée
chez les apiculteurs Cévenols pour sa proximité. D’autre part, un seul apiculteur se fournit chez
ECORUCHE Sud, fournisseur situé à St Thibéry (34). La provenance du bois fait donc rarement partie
des critères de choix des apiculteurs. De plus, les fournisseurs sont plus ou moins transparents sur la
provenance de leur bois. A savoir qu’Ickowicz a récemment publié une information sur l’achat récent
d’une scierie en Roumanie : les apiculteurs qui se fournissent-là ont donc eu cette information. Le CAT
Lozère quant à lui ne communique pas la provenance de son bois, en revanche, il valorise une
production gérée durablement29 : les apiculteurs estiment souvent que le bois est local. Ainsi, soit les
apiculteurs n’ont pas connaissance de la provenance du bois, soit cette connaissance est fonction de
la manière de communiquer des fournisseurs. Ceci dit, c’est rarement un critère de choix lors de l’achat
des ruches (un seul apiculteur ayant ce critère de choix lors de l’achat de ses ruches). Il est donc difficile
de répondre à l’hypothèse 5 à ce stade de l’enquête. Elle dépend de plusieurs variables qui n’ont pas
été étudiées lors de ce stage, à savoir : la diversité des vendeurs de matériel apicole disponibles,
l’accessibilité de ces fournisseurs pour les apiculteurs, la stratégie de communication de ces derniers
auprès des apiculteurs et la diversité des fournisseurs de bois pour les vendeurs de ruches. Une
seconde étude de marché concernant l’offre en termes de matériel apicole dans le sud de la France
pourrait être une solution pour pouvoir répondre à cette hypothèse.
Hypothèses 6 et 7: Les apiculteurs possèdent des représentations sur les propriétés
physiques du bois et des connaissances (mais n’en n’ont pas conscience)
Les hypothèses 6 et 7 sont très difficiles à traiter séparément dans une enquête exploratoire.
Il est compliqué de réellement dissocier les connaissances des représentations puisque les réponses
apportées sont « situées ». En effet, les dires d’acteurs sont fonctions des situations vécues des
27 Etablissement de Service et d’Aide par le Travail 28 http://www.foyer-medicalise-lozere.com/esat-cat-lozere.php le 18 aout 29 Site cat lozere
Figure 17: Connaissance de la provenance du bois des ruches à l'achat
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
30
situations d’action. Pour illustrer ce propos, j’aimerais souligner le fait que chaque apiculteur détient
bien des pratiques personnelles en termes d’utilisation du bois. Ainsi, les réponses, d’ordre cognitif,
concernent le ou les bois utilisés par l’apiculteur et expriment souvent des comparaisons en prenant
pour exemple des bois connus et utilisés. Les informations collectées sont donc souvent
contradictoires d’un individu à l’autre. Par exemple, un apiculteur qui a l’habitude d’utiliser l’épicéa
considérera le douglas lourd tandis que celui qui utilise le douglas le trouvera léger (en comparaison
avec le châtaignier). Pour résoudre ces contradictions, il aurait été intéressant de mener des enquêtes
exclusivement qualitatives concernant leurs situations d’actions, c’est-à-dire leurs pratiques ainsi que
la trajectoire et l’histoire de leurs pratiques afin de pouvoir déceler l’origine de ces connaissances et
pouvoir mieux expliquer leurs jugements.
Hypothèse 8: C’est une diversité de facteurs qui guident les crit ères d’achats des
apiculteurs (avec une dominance pour le facteur « care30 »)
Les hypothèses 8 et 9 consistent à déceler chez les apiculteurs des tendances de critères
d’achat (de ruches et de bois). Ces hypothèses visent à mettre en avant les choix des apiculteurs et
surtout la raison qui guide ces choix. Pour cela, des facteurs de choix ont été désignés et ont ensuite
été classés sous trois niveaux de critères : les facteurs « care », liés à l’exploitation/l’exploitant
(facteurs ergonomiques et économiques), les facteurs « matériau », en lien avec le bois et ses
propriétés et les facteurs « interaction » qui concernent les interactions entre le bois et les abeilles.
Ces facteurs et critères sont présentés dans le tableau suivant, ils sont communs aux deux hypothèses.
Tableau 9: Facteurs de choix sous trois niveaux de critères
Facteurs « care » Facteurs « matériau » Facteurs « interaction »
Le poids La solidité du matériau La lutte contre le varroa
Le prix La longévité du matériau La gestion de la chaleur dans la ruche
L’origine de fabrication La gestion de l’humidité dans la ruche
La profession L’odeur du bois
La proximité/ la provenance
Pour en revenir à l’hypothèse 8, six apiculteurs n’ont pas répondu à cette question. Les trois premiers
n’ont pas été soumis à la question et les trois autres n’ont jamais acheté de ruches (deux par habitude
de fabrication et un car
les planches d’envol
proposées dans le
commerce ne lui
conviennent pas).
L’effectif questionné est
donc de quinze
apiculteurs. Pour
pouvoir déceler la
dimension
plurifactorielle des
réponses des apiculteurs,
j’ai choisi de présenter les données brutes (figure 18) et ensuite de proposer une analyse de discours.
La figure présente l’identification des apiculteurs questionnés (colonne 1), la typologie des critères qui
justifie la pratique de fabrication des ruches (colonne 2), les critères d’achats (colonne 3) et les données
30 Définit en A.3. Co-construction du questionnaire
Figure 18: Critères de choix des apiculteurs acheteurs
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
31
« autre » (colonne 4). Tout d’abord, il est intéressant de savoir que 100% des apiculteurs ont répondu
« le prix » comme critère d’achat. Vient ensuite le critère « le poids » à hauteur de 53,3% des réponses
(huit apiculteurs). Aucun apiculteur n’a évoqué un critère appartenant aux facteurs « interactions »
pour justifier ses choix et les quatre apiculteurs qui ont nommé le critère « autre » précisent: « faute
de choix » (pour deux apiculteurs), « tester les ruches du commerce » (un apiculteur) et « pour la
qualité l’assemblage des ruches proposées sur le marché ». Les résultats sont présentés dans la figure
18. Il est important de noter que l’apiculteur acheteur de plastique a aussi répondu à cette question
et est identifié en 9 (figure 18). Un apiculteur n’a qu’un critère de choix, neuf apiculteurs ont nommé
deux facteurs différents dans leurs critères de choix, trois apiculteurs ont exprimé trois critères et un
seul apiculteur en fournit quatre (l’apiculteur 9, acheteur de ruches en plastique).
Tableau 10: Diversité des facteurs "critères de choix des ruches à l'achat"
Facteur "care" Facteur "matériau" Facteur "interaction"
Facteur "care" 10
Facteur "matériau" 5
Facteur "interaction"
D’après le tableau 10, nous pouvons observer une majorité d’apiculteurs guidés par le seul facteur
« care » dans leurs critères d’achat des ruches (66,6%). 43,4 % des apiculteurs choisissent leurs ruches
selon les facteurs « care » et « matériau ». Aucun apiculteur n’a nommé un facteur « interaction » pour
cette question. Il est intéressant de noter que les apiculteurs ont rarement un seul critère de choix.
Hormis un apiculteur, chaque enquêté a entre deux et quatre critères de choix. Le graphique qui suit
présente les critères de choix des apiculteurs.
Figure 19: Critères de choix des apiculteurs
Il est intéressant aussi de remarquer que le choix des apiculteurs lors de l’achat de leurs ruches
est guidé par une diversité de critères. Souvent en lien avec l’activité (facteurs « care »), l’achat des
ruches est réfléchi avec attention pour la pérennité de l’exploitation agricole. Nous pourrions aussi
considérer que les facteurs « matériau » sont en lien direct avec la perspective d’activité de
l’apiculteur. En effet, un bois « solide » sera durable et limitera les achats répétés de matériel apicole.
Les apiculteurs recherchent potentiellement des investissements avec un retour direct sur
l’exploitation. En revanche, les facteurs « interactions » sont absents des critères de choix. Il est donc
à l’heure actuelle difficile de conclure que les apiculteurs choisissent des ruches adaptées aux colonies
et à leur santé (facteur « interaction »). Seuls des entretiens plus longs, avec par exemple plusieurs
1 4 7 8 9 11 12 13 14 16 17 18 19 20 21
Identification des apiculteurs
Critères de choix des apiculteurs
Le prix Le poids Autre La solidité du matériau La longévité du matériau La proximité/la provenance
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
32
visites et/ou dans l’intimité d’un stage chez un apiculteur en particulier, auraient pu mettre en avant
l’importance de tels facteurs.
Le discours avec le vendeur de ruche rencontré permet d’établir une corrélation
d’informations mais aussi de souligner certaines contradictions. Le vendeur et les apiculteurs se
rejoignent en effet sur le fait que le prix est un facteur important dans le choix d’achat. C’est d’ailleurs
pourquoi le vendeur rencontré a décidé d’arrêter de fabriquer lui-même ses ruches pour pouvoir
proposer des produits à des prix raisonnables. De plus, il est conscient (puisqu’il est apiculteur lui-
même) que le facteur poids est important dans le choix des acheteurs. Ainsi il propose deux types
d’essence à sa clientèle : le cryptomeria et le pin maritime. Le cryptomeria s’adresse particulièrement
aux amateurs pour son poids très léger. En revanche, il est trop tendre pour supporter les interventions
régulières de l’activité professionnelle. C’est pourquoi il propose des ruches en pin maritime, essence
plus lourde mais aussi plus solide, aux professionnels. Cependant, le vendeur de ruche tient un discours
contradictoire avec les précédents résultats de l’enquête auprès des apiculteurs. Selon lui, les
apiculteurs amateurs recherchent particulièrement le cryptomeria pour deux raisons. La première est
le poids et la seconde sa propriété insecticide. Or si les apiculteurs ont bien évoqué le poids, ils n’ont
pas nommé la deuxième raison. Selon les apiculteurs amateurs31, le cryptomeria aurait la capacité de
réguler la population de fausse teigne et de faciliter la pratique de l’apiculture de loisir. Lors de mes
enquêtes auprès des apiculteurs, aucun n’a évoqué cet argument d’achat. Cette information mériterait
un suivi de cette enquête auprès d’apiculteurs qui utilise cette essence. Etant donné que je n’ai
enquêté que peu d’apiculteurs « petits amateur » et « familiaux », il m’est impossible d’avoir une idée
de leurs critères de choix.
Hypothèse 9: les apiculteurs qui fabriquent leurs ruches le font pour une diversité et
une combinaison de facteurs (avec une dominance pour le facteur « care32 »)
Concernant l’hypothèse 9, douze apiculteurs ont participé au jeu de données qui va suivre : dix
fabricants, un ayant hérité de ruches fabriquées avec l’exploitation et un ancien scieur qui teste des
ruches pour ne plus avoir à utiliser de traitement du bois.
Un argument assez prédominant est le prix. En
effet, huit apiculteurs ont répondu le prix comme
motivation à la fabrication des ruches. Ces
derniers ne comptabilisent pas le temps passé
pour mener à bien cette activité. En revanche, il
leur paraît souvent évident que le facteur
économique reste incontournable. Ensuite vient
la pratique technique (cinq apiculteurs). Elle
comprend les apiculteurs qui affectionnent cette
activité ou qui ont conservé l’habitude en se
professionnalisant. Les autres arguments
renvoient à la provenance du bois ou à la
proximité (sociale ou géographique) avec des
fournisseurs de bois, à « la longévité du matériel »
(en comparaison avec les ruches proposées sur le
marché). La réponse « autre » réunit : un apiculteur mécontent de l’allure des planches d’envol des
ruches sur le marché, un autre qui recherche des ruches adaptées à sa production de gelée royale
31 Et d’après le vendeur rencontré 32 Extrait d’entretien
Tableau 11: Motivation à la fabrication des ruches
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
33
(légèrement plus larges) et un troisième qui effectue des tests. Nous pouvons remarquer ici (à l’inverse
de l’hypothèse 8) que le poids n’est pas un critère prédominant.
Tableau 12: Combinaison de facteurs de motivation à la fabrication
Facteur "care" Facteur "matériau" Facteur autre Les trois facteurs
Facteur "care" 6 0 0 0
Facteur "matériau" 2 0 0 0
Facteur autre 0 0 3 0
Les trois facteurs 0 0 0 1
Le tableau 12 rend compte des différents profils de motivation des apiculteurs. Nous pouvons observer
que trois apiculteurs agissent en conséquence d’une diversité de facteur. A l’inverse neuf n’ont qu’une
catégorie de facteur comme motivation. En revanche, le nombre de critère par apiculteurs varie entre
un et 8 critères. Il est donc intéressant d’observer que les apiculteurs agissent bien avec une diversité
de critères (de motivation). Souvent en lien avec le facteur « care », le facteur « interaction » est quant
à lui absent des critères de motivations des apiculteurs « bricoleurs ». Peut-être que des entretiens
qualitatifs plus poussés auraient pu faire ressortir plus de précisions.
Hypothèse 10: Les apiculteurs qui fabriquent leurs ruches le font avec du bois local
Ici, le questionnaire n’était à nouveau pas
adapté. Par exemple, j’ai rencontré un apiculteur
qui ne fabrique pas ses ruches. En revanche, il a
hérité d’un stock important de ruches que son
grand-père avait construites. Classé comme
apiculteur « acheteur », il était pourtant au fait
des choix de son grand-père (certes de manière
approximative) concernant les essences des bois.
Il savait quel bois était largement privilégié par
son grand-père mais aussi pourquoi il avait essayé
d’autres essences. Les résultats fournis par le
logiciel Sphinx® sont donc faussés. Pour cette
hypothèse et en connaissance de ce cas-là, il
aurait été opportun d’effectuer des entretiens sur
les pratiques de l’apiculteur, ses motivations mais
aussi sur la trajectoire de ses pratiques. De plus,
un autre apiculteur « acheteur » a récemment voulu tester des ruches fabriquées (moins d’une
dizaine) afin d’éliminer tout traitement du bois (qui, selon lui, a une influence négative sur les colonies).
Ce dernier est donc référencé comme apiculteur « acheteur » mais a néanmoins un avis sur le choix
des essences de bois pour la fabrication. Ancien scieur de bois, c’est un interlocuteur pertinent ; c’est
pourquoi j’ai choisi d’intégrer son avis dans la saisie de données sous Sphinx®. J’ai donc deux « biais »
dans la lecture des données concernant la provenance des bois à la fabrication.
Douze apiculteurs ont donc répondu à cette question (dont deux apiculteurs « acheteurs »),
d’où le taux de réponse de 57,1%. Onze de ces apiculteurs (91,7%) se fournissent de manière locale et
une apicultrice (8,7%) favorise plutôt le coût à la proximité. Cette dernière recherche avant tout du pin
maritime qui est un bon compromis entre le prix, le poids et la longévité. Elle s’adresse plutôt au
fournisseur qui propose les prix les plus accessibles dans la limite de planche de bonne « qualité »
(séchage, quantité de nœuds). Lors de l’écriture du questionnaire, nous avons voulu différencier les
Figure 20: Provenance des bois des apiculteurs bricoleurs
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
34
termes « au plus près » et « de France ». Ce choix voulait mettre en avant l’importance du local pour
les apiculteurs. Mais on peut avoir des arguments de type : « fourni par une scierie locale, j’ai toujours
choisi des bois français »33. Par « local », nous entendons une proximité géographique ou sociale. Les
apiculteurs enquêtés utilisent du bois local pour plusieurs raisons. L’une d’elles concerne la gestion
logistique de l’achat des planches. Réduire la distance pour réduire les coûts fait partie des
motivations. Pour d’autres, c’est par connaissance des scieurs (qui sont leurs voisins) qu’ils s’adressent
à tel ou tel fournisseur. Par exemple, un apiculteur bricoleur originaire de Savoie et récemment installé
dans l’Hérault pour sa retraite continue de se fournir dans sa région d’origine puisqu’il connait
maintenant le scieur personnellement. Il est satisfait de la qualité du bois et ne s’imagine pas changer
de fournisseur aujourd’hui. Enfin, un apiculteur a tenu à souligner une certaine cohérence spécifique
dans son choix d’achat de bois. D’après lui, il n’est pas logique d’importer un bois exotique (par
exemple le cryptomeria) sous prétexte d’améliorer la santé des colonies. Pour lui le problème se situe
ailleurs et notamment dans la gestion des déplacements de marchandises et la mondialisation des
productions agricoles. Il favorise donc un bois local sans réel avis sur l’essence mais bien sur son
environnement proche. Un couple d’apiculteur a aussi exprimé l’importance du pin sylvestre qui est le
bois utilisé dans le Nord Lozère. Apiculteurs depuis trois générations, ils estiment que c’est le bois le
plus adapté à la fabrication des ruches. C’est bien « par tradition » qu’ils continuent d’utiliser cette
essence. Considérant de l’enquête exploratoire effectuée, il est donc possible de valider l’hypothèse
10 qui présuppose que les apiculteurs privilégient les essences locales pour la fabrication des ruches.
En revanche, il n’est pas possible d’affirmer que
c’est la provenance du bois qui guide les choix
des apiculteurs en termes d’essence de bois. En
effet, la figure 21 ci-contre présente les critères
de choix des douze apiculteurs concernés. Le
prix est ici le critère dominant, avec de 66,7%
des réponses des apiculteurs. Question à choix
multiples, le critère « prix » représente ici huit
apiculteurs (sur douze). En seconde position,
vient « la profession » (41,7%) qui renvoie ici à
l’habitude ou à l’affinité avec la pratique de la
fabrication. En effet, les cinq apiculteurs ayant
répondu ceci ont généralement repris ou
conservé l’activité de fabrication, par habitude
ou tradition en professionnalisant l’activité
apicole (trois apiculteurs). Les deux autres sont
les apiculteurs acheteurs concernés par la catégorie « fabricants ». Le premier, ancien scieur, teste des
ruches pour ne plus avoir à traiter le bois (cf plus haut) et le deuxième a hérité de nombreuses ruches
fabriquées. Seulement 25% des réponses étaient liées à la provenance du bois, soit trois apiculteurs.
Hypothèse 11: La conscience de la possibilité des interactions entre le bois et les abeilles
est corrélée avec l’expérience (la durée) du métier
Cette hypothèse doit permettre de croiser une information qualitative (interactions) avec des
données quantitatives (années d’expériences de l’apiculture). L’objectif est de vérifier si : plus les
apiculteurs sont expérimentés, plus ils ont tendance à prendre en considération les interactions entre
le bois et les colonies d’abeilles. Il est bon de rappeler que vingt-et-un apiculteurs ont répondu à ces
33 Extrait d’entretien
Figure 21: Critère de choix des essences à la fabrication
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
35
deux questions. L’échantillon se répartit entre 6 et 40 ans d’expérience, ceci explique un écart-type
élevé de 11,97. La moyenne est de 22,8 ans et la médiane de 20 ans.
Tableau 13: Croisement des variables "interactions" et "années d'expérience"
A_Api_Year Moyenne Ecart-type Médiane Min - Max Somme Effectif
E_Inter
Oui 31 13,42 40 10 - 40 155 5
Non 20,25 10,67 17,5 6 - 40 324 16
Total 22,81 11,97 20 6 - 40 479 21
Réponses effectives : 21 Non-réponse(s) : 0 Taux de réponse : 100%
p-value = 0,04 ; Fisher = 3,40 (La relation est significative)
D’après les résultats, l’hypothèse d’indépendance entre les deux variables est rejetée : plus l’apiculteur
est expérimenté (en année), plus il a des chances de répondre « oui » à la question qui concerne les
interactions entre le bois et les abeilles. La moyenne d’années d’expérience pour ceux qui ont répondu
« oui » est plus élevée que pour ceux ayant répondu « non » (31 ans contre 20,25 ans). Attention, nous
ne sommes pas à l’abri d’un « faux positif ». En effet, l’effectif enquêté est faible et la variabilité de ces
données est très élevée (l’écart-type des répondant « non » est de 10,5 environ pour une moyenne de
20). Il serait important de poursuivre l’étude à plus grande échelle pour pouvoir confirmer cette
tendance.
De plus, nous pouvons remarquer que tous les apiculteurs ayant répondu « oui » sont des apiculteurs
dits « professionnels » (200 ruches et plus). Nous pourrions donc pousser la réflexion vers une
corrélation entre la prise en compte des interactions et la taille du cheptel. Cependant, l’échantillon
actuel n'est pas assez représentatif pour pouvoir avancer de telles conclusions.
Hypothèse 12: Les apiculteurs se contente nt de peu et de ce que leur fournit le marché
L’hypothèse 12 interroge le point de vue des apiculteurs sur la qualité des ruches proposées
sur le marché mais aussi sur leurs critiques face à l’achat de ruches. Il est important de rappeler que
sur les 21 apiculteurs, six n’ont pas été soumis à la question (dont deux qui n'achètent pas de ruches)
et six autres n’ont pas de critiques contre leurs achats fournisseurs. Ce sont bien les témoignages d’une
minorité de l’échantillon qui seront traités ici (neuf apiculteurs).
Cette hypothèse peut recouvrir plusieurs types de réponse exprimant en fait soit les contraintes des
apiculteurs vis-à-vis de l’accès à leurs outils de travail, ici les ruches ; soit les stratégies qu’ils mettent
en place pour réagir à des déceptions. D’après les discours relevés, les apiculteurs se sentent avant
tout contraints. En effet, ils favorisent souvent le fournisseur Ickowicz pour la compétitivité es prix
mais aussi parce qu’ils n’ont pas le choix puisqu’il est en situation de monopole. Ils sont ainsi contraints
à la qualité de ce que leur offre ce fournisseur. Néanmoins, quatre stratégies ont été repérées en
réponse à la mauvaise qualité des ruches proposées.
Parfois, certains apiculteurs testent d’autres fournisseurs. Mais là encore, j’ai recueilli beaucoup de
retours négatifs de leur part concernant des lots de mauvaise qualité. Par exemple, deux apiculteurs
ont essayé de se fournir auprès d’un fournisseur plus proche géographiquement. Les lots qu’ils ont
reçus étant mal séchés, ils n’ont duré que trois ans avant d’être inutilisables. Ils ont donc opté pour un
autre fournisseur encore. « Quand c’est un mauvais lot, le fournisseur est rayé de la liste ». Un
apiculteur quant à lui, très déçu des produits proposés sur le marché a simplement choisi de ne plus
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
36
acheter de ruches et a repris l’activité de fabrication des ruches. Cet exemple illustre une stratégie
particulière qui est le refus de se fournir sur le marché. Cette stratégie concerne en tout deux
apiculteurs. Un troisième exemple de stratégie a été rencontré au fil de mes enquêtes. Un apiculteur,
non satisfait des produits du marché (concernant la qualité du séchage du bois et de l’assemblage) a
décidé d’acheter ses ruches directement chez les constructeurs européens. Il commande donc ses
ruches en Bulgarie, conscient de la mauvaise qualité mais satisfait du coût réduit à l’achat. Pour finir,
cinq apiculteurs ont choisi de ne pas réagir : ils continuent d’acheter des ruches en connaissance de
cause. Nous pourrions donc dire que seuls ces cinq apiculteurs « se contentent de ce que fournit le
marché ».
Auprès d’un même fournisseur, les apiculteurs expriment aussi le manque de choix selon
plusieurs catégories. La première concerne les gammes de prix, les apiculteurs choisissent d’emblée le
premier prix (contrainte économique). D’autres, privilégient le poids : « Quand on est une femme, et
même un homme, surtout dans les Cévennes, on a plutôt intérêt à avoir des caisses assez légères »
(contrainte ergonomique). Enfin, deux apiculteurs ont exprimé le manque de diversité d’essence chez
leur fournisseur (contrainte liée au marché). Cette dernière contrainte est apparue comme étant la
plus forte, donc incontournable, pour ces apiculteurs : le premier favorisant un fournisseur local et le
second, utilisant des ruches en kit, n’avaient pas de choix pour l’essence.
Il est ici difficile d’exploiter les données enregistrées sous Sphinx® pour répondre à l’hypothèse
12 étant donné que la question concernant les plaintes ou critiques des apiculteurs apparait après les
questionnements autour de la longévité et de la qualité des ruches. En conséquence, les réponses
étaient généralement orientées par le fil de la conversation.
Hypothèse 13: Selon les apiculteurs, la qualité des ruches est en régression
L’hypothèse 13 concerne les avis des apiculteurs concernant l’évolution de la qualité des
ruches à l’achat. Elle englobe les apiculteurs « acheteurs » et les apiculteurs « bricoleurs » ayant acheté
ou qui achètent encore des ruches à côté de leur activité de fabrication de ruches. Douze apiculteurs
ont répondu à cette question. Les neuf apiculteurs qui n’ont pas répondu n’ont pas été soumis à la
question (cinq), ou n’ont jamais acheté de ruches (trois). L’apiculteur qui se fournit exclusivement en
ruches en plastique n’a pas non plus été soumis à la question. En revanche, il est important d’être
vigilant sur cette analyse car un apiculteur (ayant répondu « constante ») estime aussi ne pas avoir
assez de recul pour pouvoir se prononcer (en vue de ses huit années d’expériences).
46,2% des apiculteurs questionnés estiment
que la qualité des ruches est en baisse. Les six
apiculteurs qui se sont prononcés sur la question ont
chacun des justifications différentes. Deux apiculteurs
comparent leurs ruches à celles proposées sur le
marché. Pour eux, il est évident que les fournisseurs
pourraient faire des efforts puisque les ruches qu’ils
fabriquent sont de bien meilleure qualité. Une
apicultrice a eu la malchance de tomber sur un lot qui
n’a tenu que trois ans avant de pourrir, mécontente, elle
se contente tout de même de ces ruches puisqu’elle
estime que l’investissement lié à la pratique de
fabrication des ruches est trop important pour elle
(investissements en compétences mais aussi financier,
pour le matériel). Deux apiculteurs estiment que les fournisseurs choisissent mal leur bois et/ou le
coupent à la mauvaise période (en montée de sève). Cette pratique associée à un séchage à l’étuve
Figure 22: Avis des apiculteurs sur l'évolution de la qualité des ruches
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
37
pour une accélération du processus semble être un gage de mauvaise qualité des ruches. Enfin, un
apiculteur critique l’assemblage effectué à la va-vite avec un mélange de colle qui n’est pas suffisant
pour assurer une qualité satisfaisante. Par ailleurs, 15,4% des apiculteurs considèrent que la qualité
des ruches est en augmentation. Selon les deux apiculteurs qui se sont prononcés, la qualité est très
satisfaisante. L’apiculteur ex-scieur estime même qu’elles sont « de très bonne qualité34 » au vu du
choix et de l’attention portée aux planches (le bois est trié et dénoué d’après son regard d’expert).
Enfin, les quatre apiculteurs restant, qui considèrent la qualité constante, n’ont pas particulièrement
justifié leurs propos. Deux estiment que la qualité est une chose mais qu’elle est étroitement liée à
l’entretien fourni par l’apiculteur et le dernier juge son expérience trop faible pour pouvoir répondre
à cette question. Un apiculteur n’a pas précisé son avis.
Si l’on observe en parallèle le discours du vendeur de ruche rencontré, il s’avère qu’il confirme
certains dires des apiculteurs. Il est évident que l’enquêté ne s’est pas prononcé sur l’évolution de la
qualité de ses ruches. En revanche, il trouve que la demande est de plus en plus forte de la part des
apiculteurs. Cela justifie, par exemple, une coupe du bois tout au long de l’année sans respecter les
pratiques anciennes qui consistaient à ne couper le bois qu’en hiver (sève basse), sous une certaine
lune (différente selon les essences) et en pratiquant uniquement le séchage à l’air libre (à raison d’un
an par cm d’épaisseur de bois). Pour lui, c’est donc la demande qui influence l’évolution de la qualité
des ruches. Cependant, ce vendeur attache une attention particulière au type d’assemblage qu’il
commande à sa scierie : l’assemblage en queue d’arronde35. Il confirme que les ruches mal assemblées
seront forcément de moins bonne qualité, surtout lors de manutentions importantes telles que les
transhumances et face aux intempéries.
34 Extrait d’entretien 35 Assemblage à moitié sur tenons et à moitié arrondie pour une solidité optimale
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
38
CONCLUSION
Pour conclure, j’aimerais revenir sur les quelques limites que j’ai rencontrées ou découvertes
durant ce stage d’assistant ingénieur au sein du LMGC de Montpellier. Durant trois mois, j’ai donc
participé à la phase exploratoire d’une démarche d’enquête auprès d’apiculteurs et de vendeurs de
ruches dans le sud de la France. Cette étude porte sur la connaissance et la représentation des
apiculteurs et vendeurs de ruches autour du matériau bois des ruches. Ceci, en vue de mettre en avant
et de désigner des interactions entre les essences et les abeilles. Dans un premier lieu, je remarque
une certaine idéalisation des pratiques et des connaissances des apiculteurs par les chercheurs qui
travaillent sur le sujet, malgré une très bonne connaissance de ce milieu. En effet, sur l’échantillon
rencontré, seulement une partie des apiculteurs s’intéresse au matériau bois des ruches et le connait
assez pour accepter de se prononcer sur le sujet. Plus qu’une idéalisation, cette étude préliminaire a
permis de mettre en avant la disparité des apiculteurs sur ce type de connaissances. Cette diversité de
profils m’amène au deuxième point que j’aimerais introduire ici. Pour ma part, il a été difficile
d’aborder les connaissances d’un individu ainsi que ses pratiques par un questionnaire. Cette méthode
pourrait être utilisée après une phase préliminaire plus complète pour pouvoir construire un
questionnaire applicable sur la grande diversité d’apiculteur qu’il est possible de rencontrer. Selon moi,
à cette phase de l’étude, il est nécessaire d’effectuer des entretiens et éventuellement des récits de
vie ou de trajectoires professionnelles avec plusieurs passages afin de favoriser le climat de confiance
entre l’enquêteur et l’enquêté. Ceci permettrait de faciliter la discussion, et notamment autour des
connaissances précises des enquêtés mais surtout de pouvoir déceler l’origine et la trajectoire de ces
connaissances. J’ajouterais aussi que la collecte de données partielles ne permet pas de confirmer les
hypothèses de recherche rédigées et notamment concernant les liens entre les critères d’achats,
connaissances des essences et les jugements sur les liens abeilles/essences. Il serait, pour ma part,
opportun de réduire largement l’échantillon au profit de temps longs chez plusieurs apiculteurs avec
un échange construisant, une fois de plus, la confiance (comme par exemple, échange de travail contre
savoirs). Ceci permettrait d’approfondir les connaissances du bois et les interactions avec les abeilles
et donc les représentations recherchées à l’origine. En effet, il est difficile d’accéder à des savoirs
vernaculaires et des sujets peu abordés comme les effets des différentes essences de bois sur les
colonies.
Par ailleurs, il est intéressant d’observer suite à cette étude plusieurs points. Le premier
concerne la tendance forte à l’utilisation du bois comme matériau. Quasi-systématiquement, les
apiculteurs sont attachés à ce matériau et ce malgré l’échantillon peu représentatif rencontré et
compte tenu des conditions d’enquêtes (majoritairement sur les marchés de villages). De plus, il est
enrichissant pour la recherche d’observer que l’hypothèse qui présuppose que la connaissance des
interactions est, entre autres, liée à l’expérience (en année) des apiculteurs est confirmée (d’après la
représentation partielle de l’échantillon). Ensuite, je tiens à noter la tendance générale des apiculteurs
que j’ai rencontrés à avoir des réponses déclaratives éloignées des connaissances véritables. En effet,
de nombreux apiculteurs qui répondaient de manière négative à la question des interactions
apportaient par la suite des informations importantes pour la recherche. Enfin, je pense qu’il serait
pertinent de prévoir une enquête spécifique aux apiculteurs « acheteurs » et à leur pratique d’achat.
C’est-à-dire construire un guide d’entretien qui tend à expliquer les choix précis d’un fournisseur plutôt
qu’un autre afin de comprendre réellement cette catégorie d’acteurs. Il serait complémentaire de
privilégier des entretiens auprès des apiculteurs « fabricants » pour se questionner sur leur choix du
bois, leurs provenances, l’importance du type de séchage ainsi que les interactions avec les abeilles.
Ces informations sont malheureusement peu approfondies lors d’un entretien trop rapide.
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
39
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES AUREILLE Marie. « Faire parler l’abeille, les enjeux de la mobilisation des apiculteurs professionnels
pour la prise en compte des mortalités anormales d’abeilles au sein du monde agricole » : mémoire de
sociologie politique. Toulouse : Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, 2014, 108p.
JOBART Etienne. « Mise en place d’un observatoire d’apiculture au sein du Parc National des
Cévennes » : rapport de stage de licence professionnelle. Florac : Supagro Florac, 2012, 39p.
OLIVIER DE SARDAN Jean-Pierre. « La politique du terrain, sur la production des données en
anthropologie », Enquête revues, 1995, 25p.
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Bordeaux : Sciences po Bordeaux, 2015, 53p.
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UNAF. Qui sommes nous ? [en ligne] <https://www.unaf-apiculture.info/qui-sommes-
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GDSA 83. Evaluation varroa. [en ligne] <http://gdsa83.fr/evaluation-varroa/> [8 aout]
Univ Jussieur. BiostaTGV. [en ligne] <https://marne.u707.jussieu.fr/biostatgv/> [18 août]
CAT Lozere. Esat CAT Lozère. [en ligne] <http://www.foyer-medicalise-lozere.com/esat-cat-
lozere.php> [18 aout]
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
40
ANNEXES
Annexe 1 : Cartographie des apiculteurs réalisée
Pauline MILLIET-TREBOUX 2017
41
Annexe 2 : Guide d’entretien préliminaire
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Annexe 3 : Questionnaire apiculteur
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47
Annexe 4 : Document des hypothèses de recherches
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Annexe 5 : Suivi du comptage
Ruches
03/07/2017 .07/07 .10/07 .21/07 .24/07 .28/07 .31/07 .04/08 .11/08 .14/08 .18/0
8 .21/08
Varroas IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC V. IC
1 2 4 2 4 25 6 Lange NA Next Next
2 NA
3 5 6 4 6 6 6 4 7 3 3 8 4 8 4 6 4 7 4 1 4 2 3 3 4
4 31 5 18 5 26 6 NA
5 1 5 1 5 4 6 NA
6 9 5 10 6 6 6 NA
7 2 4 2 5 5 5 NA
8 10 5 12 5 12 5 2 5 2 4 4 3 4 3 3 2 2 7 18 3 13 2 7 4
9 4 5 2 4 3 5 Lange
10 32 5 NA Lange
11 1 6 3 7 3 8 2 8 1 6 1 4 1 4 2 3 0 2 2 2 NA 1 3
12 58 4 28 3 22 3 34 2 22 3 18 3 8 4 19 3 2 7 18 2 6 2 2 3
13 52 5 31 4 31 5 Lange
14 15 2 8 2,5 17 2 Faible
15 0 3 1 3 21 5 Lange NA Next Next
16 13 6 12 5 10 7 8 4 23 4 11 3 11 3 12 3 7 4 11 4 14 4 17 4